Confusion … et cancer · •Calmer TOUT le monde •Pas de barrière, renforcer vigilance...

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Confusion … et cancer

Philippe Caillet UCOG Paris Ouest

Mme B, 84 ans

• Chute mécanique à domicile

• Douleur inguinale G + impotence fonctionnelle MIG

• SOS médecin : raccourcissement , abduction, rotation externe suspicion fracture col fémoral

• Hospitalisation le lendemain en milieu gériatrique

• Majoration du antalgique par Oxycodone

Mme B, 82 ans

Antécédents

• HTA

• Diabète de type II

• Cardiopathie ischémique

• Ostéoporose

• Cancer du poumon avec métastases osseuses vertébrales

Traitements

• Kardégic 75mg 1/j

• Ramipril 1,25mg 2/j

• Bisoprolol 1,25mg 2/j

• Glucophage 800mg 2/j

• Forlax 2/j

• Oxycontin LP 30mg 2/j

• Paracétamol 1g 3/j

+ Oxynorm-oro 10mg :

1 toutes les 4h si douleurs

3 prises dans la nuit

• Le lendemain : – Ne reconnait pas son mari

– Désorientation temporo-spatiale

– Refuse les traitements

• Admission en UGA comme prévu – RAU

• favorisée par l’augmentation de la morphinique

• et un fécalome

– Légère hypercalcémie (M+ osseuses)

– Insuffisance rénale aiguë sur chronique

• Attitude – SUAD + évacuation du fécalome

– Réhydratation par perfusion IV

– Suppression des interdoses d’Oxynorm-oro sans majoration des douleurs au repos dans le lit

– Radiographie de hanche gauche : fracture du col engrenée sur possible localisation secondaire

• Évolution favorable en 24h – Retour à l’état cognitif antérieur

– Normalisation de l’hypercalcémie

– Vis-plaque à J3 … RTE à discuter

Définition

• Confusion (delirium) : dysfonctionnement temporaire et réversible du fonctionnement cérébral

• Secondaire à une cause organique, métabolique, toxique, psychologique

• La disparition de la cause améliore la situation et permet le plus souvent le retour à l'état antérieur

Critères diagnostiques du DSM-5

• Diminution de la capacité à maintenir l'attention envers les stimulations externes et à s'intéresser de façon appropriée à de nouvelles stimulations externes

• Désorganisation de la pensée : propos décousus, inappropriés ou incohérents

• Au moins 2 des manifestations suivantes : – obnubilation de la conscience – anomalie de la perception : erreurs d'interprétation, illusions ou hallucinations – perturbation du rythme veille-sommeil – augmentation ou diminution de l'activité psychomotrice – désorientation temporospatiale, non-reconnaissance des personnes de l'entourage – troubles mnésiques

• Évolution des troubles sur une courte période (de quelques heures à quelques jours)

• Tendance à des fluctuations tout au long de la journée

• Soit 1, soit 2 : 1. Mise en évidence (histoire de la maladie, examens clinique ou complémentaires) d'un ou plusieurs

facteur(s) organique(s) spécifique(s) de l'étiologie de la confusion aiguë. 2. En l'absence de 1, on peut présumer de l'existence d'un facteur organique si les symptômes ne sont pas

expliqués par un trouble psychiatrique (par ex. un épisode maniaque).

Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, édité par l'American Psychiatric Association.

Épidémiologie • 10 à 18% des motif d’hospitalisation

• Prévalence en hospit. 10-40% (10-85% postopératoire)

30% à l’admission

• Incidence 25-60%

• Mortalité hospitalière 10-65%

• x2 la durée de séjour

• taux d’institutionnalisation

Pronostic péjoratif

Incidence annuelle de la démence après régression ≈ 20%

40%

25%

35%

Régression

Évolution vers un Trouble cognitif permanent

Mortalité

Confusion postopératoire et mortalité

Sanders R et al. BMJ 2011; 343: d4331

DIAGNOSTIC

Purement clinique

• Trouble aigu ou subaigu, apparu en quelques heures ou jours

• Ne pas confondre « agitation » et « confusion »

– agitation sans confusion (délire)

– confusion avec somnolence et hypoactivité

Détection de la confusion

• Sous-diagnostic

33 à 66% des Sd confusionnels (DSM IV ou échelles) non rapportés dans le dossier médical ou infirmier

• Y penser systématiquement devant :

– modification du comportement +++

– désorientation tempro-spatiale ++

– autres symptômes inhabituels et brutaux chez le patient +

Outils de dépistage

• MMSE

• CAM (Confusion Assessment Method)

= outil de référence du dépistage

– reproductible

– bref

– valide dans différentes situations

Inouye SK. Ann Int Med 1990; 113(12): 941-8 Wei LA. JAGS 2008 ; 56(5) : 823-30 (review)

Confusion Assessment Method

Inouye SK. Ann Int Med 1990; 113(12): 941-8

Confusion si

1 + 2

+ 3 ou 4 • Simple • Rapide : < 5’ • VPP : 93%

• VPN 95%

Présentation clinique

• Installation rapide en quelques heures ou jours

• Comportement anormal : – visage hagard ou lointain – agitation, agressivité, déambulations – ou au contraire prostration – « perplexité anxieuse » (vague conscience du trouble)

• Troubles de l'attention

• Labilité des idées et propos non cohérents

• Désorientation temporo-spatiale

• Troubles de la mémoire

• Inversion du rythme nycthéméral

• Onirisme

Présentation clinique

• Fluctuation des troubles

• Recrudescence vespérale et nocturne

• Troubles de la vigilance ± (somnolence diurne)

• Autres signes : – Hallucinations visuelles ou auditives possibles (attitudes d'écoute,

frayeurs, pleurs) – Éléments délirants possibles (réalité extérieure mal perçue et mal

interprétée)

Présentation clinique

Agitation Léthargie

Aucun intérêt à un examen des fonctions cognitives

Diagnostic différentiel avec la démence

• Très difficile en urgence

• Si doute c’est une confusion

• Attention un dément peut être confus

– 25% des patients confus sont finalement diganostiqués déments

– 40% des patients déments entrent confus à l’hôpital

– Signes d’alerte : modification brutale des troubles cognitifs avec apparition de troubles de vigilance, du langage et de l’attention, et FLUCTUATIONS

CONFUSION DEMENCE

Début Soudain (qqs heures / jours) Insidieux (mois, années)

Evolution diurne Fluctuations dans la journée Aggravation nocturne Sommeil perturbé

Stable dans la journée Sommeil normal

Hallucinations Fréquentes (surtout visuelles) Expériences oniriques

Plutôt rares

Vigilance, conscience Toujours perturbée Intacte sauf dans à la phase avancée

Désorientation tps et lieu Toujours Fréquente à la progression

Activité psychomotrice Souvent augmentée (agressivité désordonnée) ou au contraire diminuée

Souvent normale

Discours Souvent désorganisé, incohérent Normal au début, ou paraphasies

Humeur Souvent apeurée ou hostile Souvent normale

Délires Mal systématisés, passagers Souvent présents, chroniques, non critiqués

Signes d'atteinte neurologique diffuse

Souvent présents Souvent absents sauf dans phases avancées

Diagnostics différentiels

• Anxiété et dépression

• Accès délirant maniaque ou hallucinatoire (psychose hallucinatoire, bouffée délirante)

• Surdité

• AVC (aphasie de Broca)

• Trouble du sommeil

Démarche diagnostique étiologique

1. Interrogatoire • Famille, médecin(s) du patient

• État antérieur ?

Normal ? Troubles cognitifs connus ? Modification de ces troubles ?

• Rechercher une cause médicamenteuse +++ – Chronologie et imputabilité ? – Ordonnances et automédications (boîtes des médicaments) – Arrêt et surveillance si forte imputabilité – Sevrage de traitement (BZD ou autre, et alcool)

• Traumatisme ? – Chronologie ? – Même mineur – Scanner cérébral sans injection +++

• Évènement socio-familial ? Déménagement, entrée en institution, hospitalisation, deuil récent, …

Médicament et confusion

• Sédatifs BZD, barbituriques, …

• Antalgiques morphino-mimétiques Acupan®, Tramadol, morphine

• Anticholinergiques Antihistaminiques (Atarax®), antispasmodiques, antiparkinsoniens, antiarythmiques, Primperan®

• Cardiotrope Digoxine

• Antihypertenseurs surtout centraux, β-bloquants

• Autres anti-H2, Lithium, anticonvulsivants, AINS, Dopa

2. Examen clinique neurologique

• Syndrome méningé sans signes focaux

– Fièvre = PL

– Pas de fièvre = scanner cérébral ± PL

• Signes focaux

– Scanner cérébral : HSD/ED, AIC, contusions, tumeurs, abcès, encéphalite

• Normal poursuivre

2. Examen clinique général

• Fièvre – PL et autres examens biologiques – Infections (ne pas se précipiter sur un ECBU+)

• Pathologie pulmonaire hypoxémiante

• Pathologie chirurgicale

• ECG systématique

• TR et recherche de globe vésical

• Douleurs

• Baisse du débit sanguin cérébral (cœur, PA)

3. Biologie

• NFS : anémie ? hyperleucocytose ?

• Ionogramme sanguin – hypo/hypernatrémie (tb hydratation)

– hypercalcémie

– hypo/hyperglycémie

– insuffisance rénale aiguë

• Bilan hépatique (encéphalopathie)

• Troponine ? (BNP ?)

• GDS non systématiques • TSH pas en urgence • Toxiques : alccol, CO, BZD, Digoxine

4. Autres examens complémentaires

• Scanner ou IRM cérébrale • EEG • PL

• Autres examens d’imagerie suivant les points d’appels

cliniques et l’évolution

Surveillance clinique ?

Recherche des facteurs de risque

Nombreux

• À différencier de la cause ORGANIQUE qu’il faut chercher et qui peut parfois être évitée (fièvre, douleur …)

• Non modifiables (âge, type de chirurgie, fracture, hospitalisation en urgence, terrain alcoolique …)

• Modifiables : incidence des confusions en les prenant en compte

Facteurs de risques « modifiables »

1. Troubles cognitifs

• Favoriser l’orientation Horloges, calendrier, tableau des noms de l’équipe

• Favoriser les activités stimulantes sur le plan cognitif Discussion sur les événements, jeux de mots

2. Troubles du sommeil

• Favoriser l’endormissement non pharmacologique Boisson chaude, musique, massages du dos

• Favoriser le sommeil Réduction du bruit, pas de surveillance systématique nocturne

Facteurs de risques « modifiables »

3. Immobilité

• Mobilisation précoce Lever, exercices au lit, réévaluation des perfusions et dispositifs

4. Troubles de la vue

• Corriger si possible Vérifier le port des lunettes, loupe éclairante

• S’équiper Téléphone à larges touches lumineuses, livres à gros caractères, sonnette

Facteurs de risques « modifiables »

5. Troubles de l’audition

• Corriger si possible vérifier le port de prothèses, l’absence de bouchon de cérumen

• S’équiper Communiquer par écrit

6. Déshydratation

• Surveiller Poids ++++, hydratation orale, ionogramme

• Corriger précocement Sollicitation et encouragement systématiques

Démarche « CLOCHARD »

• Cause : simple : globe, douleur, fécalome, TRAUMA complexe : bio, ECG, scanner, EEG, PL ...

• Lunettes, dentier et prothèses auditives - (interprète)

• Orienter

• Calmer l’atmosphère pour calmer le malade

• Hospitaliser si nécessaire

• Attention aux chutes

• Réhydrater / prévenir la déshydratation

• Debout vite

Prise en charge thérapeutique

• Prévention +++

• Hospitalisation le plus souvent

• Traiter la cause ++++++

le pronostic de l’état confusionnel dépend du pronostic de l’affection causale

• Traiter les symptômes propres de l'état

confusionnel : NLP, BZD

Prévention de la confusion en hospitalisation

• Étude prospective contrôlée

• 426 malades dans chaque groupe

• Age > 70 ans sans confusion a l’entrée mais à risque

• Actions standardisées détaillées axées sur – l’orientation – la diminution des médicaments sédatifs – l’amélioration de l’autonomie – la correction des handicaps visuels et auditifs – le traitement de la déshydratation

• Variable de résultat : épisode confusionnel

Inouye S et al. NEJM 1999; 340: 669-73

Inouye S et al. NEJM 1999; 340: 669-73

Actions Contrôles P / OR

1er épisode 9,9% 15,0% 0,02 / 0,6

Sévérité 3,9 3,6 NS

Récidive 31,0% 26,6% NS

N FR base 2,5 2,5 NS

N FR à J5 1,7 1,9 0,001

N FR : normalisation des facteurs de risque

Prévention de la confusion en hospitalisation

Intervention gériatrique (CGA) et confusion postopératoire (orthopédie) • 126 patients (âge moyen 79 ans) pour FESF

• CGA et intervention « libre » dans les 24H pré-op :

– Confusion durant hospitalisation : 32% vs 50%

– Confusion sévère durant l’hospitalisation : 12% vs 29%

Marcantonio E et al. JAGS 2001

Critères d’hospitalisation en urgence

• Pathologie(s) intercurrente(s) aiguë(s) grave(s) menaçant le pronostic vital ou fonctionnel

• Comorbidité(s) instable(s) et/ou susceptible(s) de décompenser

• Dangerosité du patient pour lui-même ou pour son entourage

Attitude face à un patient confus

• Éviter le bruit, l’agitation, la panique

• Lui parler en le nommant

• Se présenter en se nommant

• Le regarder en face

• Ton de voix calme et rassurant

• Expliquer la situation

• Ne pas attacher ++

Patient agité

• Calmer TOUT le monde

• Pas de barrière, renforcer vigilance (hydratation …)

• Éviter la contention mécanique – si nécessaire la prescrire et prescrire sa surveillance

• Traitements sédatifs indiqués si : – l’agitation peut être la cause de l’arrêt de traitements

indispensables – il y a un risque auto- ou hétéro-agressif

• Favoriser et respecter le sommeil

Traitement médicamenteux

• 1 médicament est mieux que 2

• La plus faible posologie efficace

• Arrêt dès que possible

• Le moins anticholinergique possible (pas d’Atarax®)

Quels traitements sédatifs ?

Pratique professionnelle à faible niveau de preuve

• Si l’anxiété domine = anxiolytique BZD – Midazolam (Hypnovel®) (1 à 2h)

– Oxazepam (Seresta®) (8 à 10h )

– Alprazolam (Xanax®) (10 à 12h)

– Lorazepam (Temesta®) (10 à 20h)

• Si le délire domine = neuroleptique – Atypique ? (Risperdal®)

– Classique ? (Haldol®)

Halopéridol vs NL atypique : efficacité et toxicité équivalente

Cochrane 2008

Recommandations professionnelles

Inouye SK. NEJM 2006

Confusion … et cancer

Ann Oncol 2018; 29(S4): iv143-65

Facteurs de risque directs

En rapport avec le cancer

• Tumeur primitive du SNC

• Métastase(s) du SNC – cérébrale(s)

– Méningite carcinomateuse

• Sd neurologique paranéoplasique

En rapport avec les toxicités des traitements

• Irradiation cérébrale : toxicité aiguë ou retardée

• Chimiothérapie : – Méthotrexate – Cisplatine – 5-fluorouracil – Vincristine – Cytarabine – Ifosfamide – Etoposide – Agents alkylants (haute-dose ou

intra-artériel)

• Tamoxifène (rare)

Situations fréquentes et prise en charge

Traitements médicamenteux

CONCLUSION

• Confusion fréquente et grave

• Prévention = meilleure approche possible

• Détection parfois difficile améliorée par l’utilisation d’outils standards telle que la CAM

• Étiologies variées, souvent multiples et intriquées

• Toujours rechercher une cause médicamenteuse

• Traiter la cause

• NE PAS ATTACHER

• Souvent révélateur d’un trouble cognitif sous-jacent

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