Du bon usage des diurétiques Christian Tielemans Service de Néphrologie, Hôpital Erasme...

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Du bon usage des diurétiquesChristian Tielemans

Service de Néphrologie, Hôpital Erasme

ctielema@ulb.ac.be

Principales indications des Principales indications des diurétiquesdiurétiques

• HTA

• traitement des oedèmes

Les DiurétiquesLes Diurétiques

• But thérapeutique:augmenter l’excrétion de Na et H2Oeffet vasodilatateur

• Mode d’action:bloqueurs spécifiques de transporteurs ioniques au niveau du tube rénal

• Classification:selon le site d’action

Les DiurétiquesLes Diurétiques

Données pharmacocinétiques

• forte liaison à l’albumine

• sécrétion par le tube proximal (voie des ac.organiques faibles)

• atteignent leur site d’action via le fluide tubulaire (sauf la spironolactone)

Les Diurétiques de l’anseLes Diurétiques de l’anse

Résorption des solutés au niveau de l’anse ascendante

3 Na+

2 K+ATP

lumière sang

K+

Na+

2Cl-

Cl-

- +Na+, Ca 2+, Mg 2+

hypertonicité

Primum movens

Shunt paracellulaire sélectif pour les petits cations

BSC1

ROM-K

PCLN-1

CLC-Kb

Les Diurétiques proximauxLes Diurétiques proximaux

Résorption des solutés au niveau du tube proximal

3 Na+

2 K+ATP

lumière sang

Na+

-Na+, Cl-, H2O, ac.urique

Primum movens

épithélium spécialisé dansla réabsortion massive

H+HCO3- + H+

H2CO3 CO2AC

H2CO3Na+

HCO3-

acétazolamide

-Faible hyperosmolarité

Diurétiques proximauxDiurétiques proximaux

• effet diurétique médiocre ( charge distale de Na)

• indication principale: glaucome

• néphropathie urique obstructive (alcalinisation des urines), alcalose métabolique

• absorption du bicarbonate: acidose métabolique (lyse osseuse, néphrocalcinose)

Les Diurétiques de l’anse (DIA)Les Diurétiques de l’anse (DIA)

Na+

K+ATP

lumière sang

K+

Na+

2Cl-

Cl-

- +Na+, Ca 2+, Mg 2+

DIA

• effet rapide et puissant (20 à 30% de la charge filtrée) l’hypertonicité médullaire est « lavée » par les DIA• empêchent la génération du potentiel électro- et la réab- sortion par le shunt para-cellulaire (50% du Na)

hypertonicité

Les Diurétiques de l’anse Les Diurétiques de l’anse

Na+

K+ATP

lumière sang

K+

Na+

2Cl-

Cl-

- +Na+, Ca 2+, Mg 2+

DIA

hypertonicité

Effets secondaires

• augmentation de la résorption distale de Na (échangé contre K et H): alcalose hypokaliémique• perte urinaire de Ca et Mg• ototoxicité

Les Diurétiques thiazidiquesLes Diurétiques thiazidiques

Résorption des solutés au niveau du tube distal

Na+

K+

ATP

lumière sang

Na+

Cl-

-

? Cl-

K+ +

Primum movens

Les Diurétiques thiazidiques (THZ)Les Diurétiques thiazidiques (THZ)

Na+

K+

ATP

lumière sang

Na+

Cl-

-

? Cl-

K+ +

THZ

• effet diurétique inférieur à celui des diurétiques de l’anse• diminue la calciurie (probablement via la contraction volémique)

Les Diurétiques thiazidiques (THZ)Les Diurétiques thiazidiques (THZ)

Na+

K+

ATP

lumière sang

Na+

Cl-

-

? Cl-

K+ +

THZ

• augmente la charge distale de Na et donc la sécrétion de K: hypokaliémie (moindre qu’ave les diurétiques de l’anse)• calcémie, hypocalciurie

Effets secondaires

Les Diurétiques du collecteur Les Diurétiques du collecteur

Na+

K+ATP

lumière sang

K+

Na+

K+

+ -

Résorption des solutés au niveau du collecteur

• l’excrétion de K augmente en présence d’aldostérone ou si la charge distale de Na est accrue

Les Diurétiques du collecteur Les Diurétiques du collecteur

Na+

K+ATP

lumière sang

K+

Na+

K+

+ -

• l’effet natriurétique est faible• l’intérêt spécifique est l’épargne du K (risque d’hyper K: AINS, IECA, sartans, IRC)

amiloride (triamtérène ?)

aldostérone+

antagonistes

Utilisation des diurétiques dans Utilisation des diurétiques dans l’HTAl’HTA

• effet vasodilatateur et natriurétique

éviter de les utiliser seuls (levée de l’autorégulation de l’artériole pré-glomérulaire)

• surcroît de mortalité p/r à d’autres classes et progression de l’IRC?

Uric acid and diuretic useUric acid and diuretic use

• diuretics do not slow but rather accelerate renal progression in hypertensive subjects (e.g. EWPHE J Hypert 1991; Syst-Eur J Hypert 2001; INSIGHT Lancet 2000; ALLHAT JAMA 2002)

• diuretics exacerbate renal disease in a model of experimental HTN in the rat (J Hypert 1996)

• Post-hoc analysis of the LIFE trial: the added benefit of losartan to prevent CV events as compared with -blockers can be explained serum uric acid levels (Hooieggen A et al. KI 2004)

Oedèmes généralisésOedèmes généralisés

• décompensation cardiaque congestive• cirrhose• syndrome néphrotique• glomérulonéphrite aiguë• oligo-anurie

Base du traitement• restriction sodée• diurétiques (généralement diurétique de l’anse)

Traitement des oedèmes réfractaires

• Physiopathologie des oedèmes

• Prise en charge des oedèmes réfractaires

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Hémodynamique capillaire

Pc

Pii

c

Loi de Starling: filtration nette = Lp S (P – )

où Lp: coéfficient de porosité S: surface du lit capillaire

espace interstitiel

capillaire

P: pression hydraulique: pression onchotique

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Hémodynamique capillaire

Pc:17.3

Pi:- 3 mm Hg i:8

c: 28

Muscle squelettique

espace interstitiel

capillaire

R: 0.3 mmHg

retour par la circulationlymphatique

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Hémodynamique capillaire

Sinusoïdes hépatiques

• très perméables aux protéines (i ~ c ); c’est donc essentiellement le P qui détermine le mouvement des fluides

• Pc est plus faible que dans le muscle squelettique car 2/3 du flux capillaire provient du système portal (système à basse pression)

Renkin EM. Microvasc Res 1985;30:251

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Hémodynamique capillaire

Capillaires pulmonaires

• assez perméables aux protéines (faible gradient )

• Pc relativement basse (système à basse pression du ventricule droit)

Crandall ED et al. Ann Intern Med 1983;9:808

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Deux types de situation:

L’anomalie primitive est:

• une altération de l’hémodynamique capillaire (loi de Starling)

• une rétention rénale de sodium et d’eau

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Anomalie primitive de l’hémodynamique capillaire:Séquence des événements:

1. altération de l’hémodynamique capillaire résultant dans un mouve- ment de fluide de l’espace vasculaire vers le secteur interstitiel2. en réponse à la réduction du volume plasmatique, le rein retient de manière appropriée du sodium et de l’eau3. une partie du fluide retenu reste dans l’espace vasculaire, tendant à restaurer le volume plasmatique4. en raison de l’altération hémodynamique capillaire, la plus grande partie du fluide retenu passe dans l’interstitium et devient apparent sous forme d’oedèmes ( > 2.5-3 litres)

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Rétention primitive de sodium et d’eauSéquence des événements:

1. l’ anomalie primitive est une rétention rénale inappropriée de sodium et d’eau 2. l’expansion du volume plasmatique altère l’hémodynamique capil- laire entraînant un mouvement de fluide de l’espace vasculaire vers le secteur interstitiel

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Mécanismes de formation des oedèmes

Altération des forces de Starling favorisant une augmentation de la filtration transcapillaire:

Pc« obstruction » veineuse (ex: cirrhose, DC), rétention sodée (ex: SN)

Perméabilité capillaire

sepsis, ARDS, capillary leak syndromes, brûlures, diabète

chypoalbuminémie (ex: SN, malnutrition)

obstruction lymphatique lymphoedème

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Mécanismes de formation des oedèmes

Pression hydraulique capillaire:

• bien que générée par la contraction cardiaque, Pc est quasi insensible aux variations de pression artérielle (autorégulation de la résistance au niveau du sphincter précapillaire)

• par contre, la résistance à la sortie du capillaire est mal régulée; dès lors une augmentation de la pression veineuse entraîne une de Pc:

- expansion volémique- obstruction veineuse

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Facteurs de protection

En pratique, le gradient de pression doit s’accroître d’au moins 15mm de Hg avant l’apparition d’oedèmes.

Les facteurs compensatoires sont les suivants:

• augmentation du flux lymphatique

• l’apport de fluide dans le secteur interstitiel augmente Pi

• la dilution du secteur interstitiel diminue i

Physiopathologie des oedèmesPhysiopathologie des oedèmes

Hémodynamique capillaire

Pc

Pii

c

Loi de Starling: filtration nette = Lp S (P – )

où Lp: coéfficient de porosité S: surface du lit capillaire

espace interstitiel

capillaire

P: pression hydraulique: pression onchotique

Oedèmes généralisésOedèmes généralisés

Facteurs pouvant expliquer le caractère « réfractaire » des oedèmes

• excès d’apports sodés• inadéquation du traitement diurétique (dose, choix, timing, mode d’administration)• augmentation de la résorption de Na au niveau de sites tubulaires insensibles aux diurétiques• médicaments contrecarrant l’action des diurétiques

Rose BD. Kidney Int 1991;39:336

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Apports sodés excessifs

Une natriurèse > 100 mEq/24 h avec un poids qui n’augmente pas indique une natriurèse correcte avec une probable observance de la restriction sodée

Inadéquation du traitement diurétique

(Bratter DC et al. Kidney Int 1984;26:183)

Le diurétique doit atteindre une concentration critique dans lefluide tubulaire

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Inadéquation du traitement diurétique

Le diurétique doit atteindre une concentration critique dansle fluide tubulaire

• absorption digestive • liaison à l’albumine plasmatique • perfusion rénale • sécrétion tubulaire proximale • absence d’antagonistes dans l’urine

furosémide < bumétanidehypoalbuminémiebas débit cardiaqueinsuffisance rénale, aspirine…albuminurie

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Inadéquation du traitement diurétique

• chercher la dose unique efficace

• si nécéssaire augmenter à la dose maximale effective (avant de prescrire une seconde prise)

ex: lasix IV (doubler les doses per os):80-120 mg si IC, cirrhose, SN (ou plus si IR)160-240 mg si IRCjusqu’à 500 mg si IRA

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractairesRésistance aux diurétiques de l’anse par résorption

de Na dans d’autres segments néphroniques

Natriurèse réduite à une concentration donnée de diurétiquedans le fluide tubulaire

La résorption de Na a lieu dans:

• le tube proximal < AgII et norépinéphrine (DC,cirrhose),hypovolémieWald H. Circ Res 1991;68:1051

• le tube distal: « flow dependent hypertrophy »Loon NR et al.Kidney Int 1989;36:682

• le tube collecteur < aldostéroneRose BD. Kidney Int 1991;39:336

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Autres mesures utiles: diurétiques IV

Base rationnelle: • défaut d’absorption digestive• permet d’obtenir une concentration tubulaire optimale

Utilisation pratique:• la perfusion continue est plus efficace qu’un bolus répété (gain + 30%)• bolus initial suivi d’une perfusion continue (concentration tubulaire optimale et constante)• ototoxicité (fortes doses en bolus)

Rudy DW et al.Ann Intern Med 1991;115:360Dormans TP et al.J Am Coll Cardiol 1996;28:376

Résistance aux diurétiques de l’anse par résorption de Na dans d’autres segments néphroniques

Riposte neuro-humoraleà la réduction du volume plasmatique

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractairesRésistance aux diurétiques de l’anse par résorption

de Na dans d’autres segments néphroniques

Ripostes possibles:

• répéter l’administration du diurétique de l’anse 2 à 3 fois/jour

• àjouter un thiazide pour bloquer la réabsorption distale du Na (les diurétiques du collecteur vont essentiellement permettre d’épargner le K)

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractairesRésistance aux diurétiques de l’anse par résorption

de Na dans d’autres segments néphroniques

Combinaison diurétique de l’anse + thiazide

• thiazide à absorption rapide (hydrochlorothiazide)

• nécessité d’un monitoring initial attentif (la natriurèse peut excéder 500 mEq et la kaliurèse 200 mEq par jour)

Oster JR. Ann Intern Med 1983;99:405

• le « timing » est important

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Résistance aux diurétiques: interactions médicamenteuses

• compétition avec la sécrétion tubulaire des diurétiques: AINS, aspirine, barbituriques, ac.urique

• AINS: inhibition de la synthèse de prostaglandines rénales vasodilatatrices et natriurétiques

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Autres mesures utiles: repos au lit

Ring-Larsen H. Br Med J 1986;292:1351

• les patients souffrant de décompensation cardiaque congestive ne peuvent augmenter leur débit cardiaque en position debout

• adopter la position couchée durant 1 à 2 h augmente la perfusion rénale et la clairance de créatinine jusqu’à 40% et peut doubler la réponse à un diurétique de l’anse

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Quelles sont les conséquences de la réduction des oedèmes ?

1. Rétention primitive de Na (SN, GNA, IRA, IRC)

• dans ce cas, la rétention sodée est inappropriée

• sa correction n’a pas de conséquences négatives

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Quelles sont les conséquences de la réduction des oedèmes ?

• dans ce cas, le traitement diurétique peut compromettre la perfusion tissulaire• cependant, le traitement est généralement bénéfique (confort, fatigue, tolérance à l’exercice)• une chute trop importante de la perfusion tissulaire se traduit par de l’asthénie, de l’hypotension orthostatique, de la léthargie et de la confusion• l’adéquation de la perfusion tissulaire peut être monitorée par l’évolution des taux sanguins d’urée et de créatinine

2. La rétention sodée constitue une réponse compensatoire appropriée en cas d’insuffisance cardiaque, de cirrhose ou d’hyperperméabilité capillaire

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

A quelle vitesse peut-on corriger les oedèmes ?

La perte liquidienne induite par les diurétiques concerne initialementle plasma, ce qui réduit la pression hydraulique plasmatique et permetsecondairement la mobilisation des oedèmes

• oedèmes généralisés liés à une DC ou rétention primitive de Na:- tous les lits capillaires sont impliqués- on peut réduire les oedèmes de 2-3L/jour

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

A quelle vitesse peut-on corriger les oedèmes ?

• ascite sans oedèmes périphériques:- les oedèmes ne peuvent être mobilisés que par les capillaires péritonéaux- mobilisation maximale 500-700 mL/jour (syndrome hépato- rénal)- préférer la spironolactone- place de la paracentèse

• dans tous les cas, monitorer la diurèse, la natriurèse, le poids, la fonction rénale et l’ionogramme

Oedèmes réfractairesOedèmes réfractaires

Autres mesures utiles: ultrafiltration

Agostoni P. Am J Med 1994;96:191

• hémofiltration ou hémodialyse

• parfois avec bénéfice soutenu (mécanisme incompris)

ConclusionsConclusions

• Y a -t-il des œdèmes réfractaires ?

• Ressources:- chercher la dose maximale effective- à répéter si nécéssaire- combiner diurétique de l’anse et thiazide (timing !)- restriction sodée- mesures posturales- bannir les AINS

• Primum non nocere (monitoring)

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