Guide des bonnes pratiques n°13: Une rentrée au porte à porte

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Les programmes de l'UNICEF ont un réel impact sur la vie des familles de République Démocratique du Congo. Dans ce numéro, découvrez comment nous luttons pour l'éducation et la scolarités des enfants.

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Photo de classe des élèves anciennement en dehors de l’école, à l’Ecole Primaire Kimpanda de Djuma (Bandundu). Crédit : Benoit Almeras-Martino / UNICEF, 2014.

UNE RENTRÉE AU PORTE-À-PORTE

Identifier et inscrire les enfants non-scolarisésdu Bandundu

D’après l’enquête nationale de 2012 sur les enfants et adolescents en dehors de l’école (EADE) menée avec l’appui technique de l’UNICEF, plus de 7 millions d’enfants entre 5 et 17 ans n’étaient pas inscrits ou ne fréquentaient pas l’école. 3,5 millions d’entre eux ont entre 6 et 11 ans, la tranche d’âge correspondant à la scolarisation primaire obligatoire.

La pauvreté des ménages, qui ne peuvent assumer le coût de l’éducation, la distance entre le domicile et l’école, l’état

dégradé des écoles, le faible niveau d’instruction des parents mais aussi le sexe de l’enfant, sont autant de barrières expliquant ce phénomène.

Dans la province du Bandundu, les autorités de l’éducation, avec l’appui de l’UNICEF, ont mis en place une stratégie dite de “porte-à-porte”. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre de la campagne d’inscription à l’école de tous les enfants, dès l’âge légal de 6 et 7 ans. Il s’agit d’une initiative simple et efficace consistant à rendre visite aux familles pour inciter les parents réticents à inscrire leurs enfants à l’école.

LE CONTEXTE

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Diane Nzinga, 7 ans, a été inscrite à l’école Kimpanda de Djuma après la campagne “porte-à-porte” de 2013. Elle y a appris à écrire pendant l’année de première primaire. Crédit: Benoit Almeras-Martino / UNICEF, 2014.

Les pr incipales cibles des campagnes “porte-à-porte” sont les enfants de 6 et 7 ans qui, d’après l ’enquête EADE, seraient au nombre de 200 000 en 2012 dans la province du Bandundu.

La campagne dite de “porte-à-porte” couvre l ’ensemble du terr itoire de la province du Bandundu et est organisée par les 52 sous-divis ions de l ’Enseignement Pr imaire, Secondaire et Professionnel.

La préparation de la campagne “porte-à-porte” débute dès le mois de jui l let qui précède la rentrée de septembre, avec un atel ier de micro-planif icat ion, chargé de faci l i ter l ’organisation de la campagne.

Pendant cet atel ier, chaque sous-divis ion est divisée en plusieurs sites (9 à 10 sites par sous-divis ion en moyenne) où sera effectivement conduite la campagne, sous la supervision d’un cadre du ministère provincial de l ’Enseignement Pr imaire, Secondaire et Professionnel. Chaque site couvre en moyenne 15 écoles pr imaires.

Les sites couvrent en moyenne 15 écoles pr imaires. Après avoir recensé le nombre d’élèves inscrits avant le début de la campagne, les écoles mettent en place une équipe de 4 identif icateurs1.

Leur rôle est d’ identif ier le nombre total d’enfants âgés de 6 à 7 ans en rendant visite à environ 80 famil les situées entre 5 et 10 km autour de l ’école. I ls identif ient ensuite le nombre d’enfants qui n’ont pas encore été inscrits et, dans chaque famil le, sensibi l isent les parents à l ’ inscr ipt ion de ces enfants2.

Une semaine après le démarrage de la campagne “porte-à-porte”, les écoles effectuent un nouveau recensement des élèves inscrits pour évaluer le nombre d’enfants qui ont pu être récupérés grâce à cette stratégie.

1 composée du directeur de l’école, du responsable du Comité des Parents, d’un enseignant membre du Comité de Gestion de l’école et d’un acteur majeur de la communauté2 S’ils décident d’inscrire leur enfant, les parents ont la liberté d’inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix, pourvu qu’elles se trouvent dans le site de supervision.

DES FICHES POUR FACILITER LE SUIVI

Pendant le porte-à-porte, les identificateurs remplissent des fiches d’identification qui mentionnent le nombre d’enfants de 6 à 7 ans inscrits et non-inscrits par ménage. Les fiches d’identification sont transmises aux écoles puis au superviseur du site.

Le superviseur du site compile les données de chaque école et les synthétise dans une fiche de supervision transmise à la Sous-Division dont il dépend.

Chaque division compile les données reçues et transmet un rapport au Ministre provincial de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel.

Ceci permet à la province de suivre le nombre d’enfants de 6 et 7 ans qui ont pu être inscrits à l’école et si besoin, d’ajuster le fonctionnement des campagnes “porte-à-porte”.

Chaque Sous-Division synthétise les fiches de supervision et en tire un rapport, transmis à la Division de l’Education dont elle dépend.

COMMENT ÇA MARCHE?

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Il est 6h30 à Djuma – la journée commence à peine, mais Jacques Kudia, le directeur de l’école Ngweme, est levé depuis plus d’une heure. Alors que les élèves commencent déjà à rejoindre la parcelle de l’école, Monsieur Jacques part en tournée dans le dernier quartier qu’il lui reste à visiter afin d’achever sa campagne “porte-à-porte”.

Il est accompagné de son assistant, Henri Makwata, qui va l’aider à remplir la fiche d’identification servant à dénombrer les enfants de 6 à 7 ans qui ne sont pas inscrits à l’école.

“Nous avons gardé le plus facile pour la fin. Normalement, dans ce quartier proche de l’école, il ne devrait pas y avoir d’enfants non-inscrits” prévient Jacques.

Pendant les six jours de la campagne, l’équipe d’identificateurs doit visiter 28 familles chaque jour, en début de matinée et en fin d’après-midi.

Ce matin, Jacques et Henri devraient normalement visiter un peu moins de dix

maisons. Leurs portes ont été marquées à la craie pour ne pas que les maisons soient visitées deux fois.

Sans surprise, la plupart des enfants des familles visitées sont déjà inscrits à l’école Ngweme – mais Jacques et Henri prennent quand même le temps de remplir la fiche d’identification tout en discutant avec les parents.

7h30. La tournée de Jacques et Henri touche à sa fin. L’an dernier, pour sa première campagne, l’équipe d’identificateurs avait constaté que sur 22 enfants recensés dans la zone, seulement cinq étaient inscrits à l’école.

“En 2013, on a eu plus de difficultés pour inscrire les enfants car les salles de classe étaient en très mauvais état…”, précise Jacques, “… mais les parents des élèves se sont cotisés : ils ont mis 1000 francs chacun pour acheter des briques...”

“Tout le monde a travaillé dur pour construire de nouvelles salles de classe et l’UNICEF nous a permis d’avoir les tôles et les clous pour parfaire

le travail. Maintenant les parents veulent tous inscrire leurs enfants dans notre école.”

Cette année, 79 nouveaux élèves se sont déjà inscrits en première année de primaire, un nombre qui devrait augmenter puisque les identificateurs ont déjà récupéré 8 élèves.

“Normalement leurs parents doivent venir cet après-midi pour les inscrire. Comme c’est la deuxième campagne, les parents nous ouvrent plus facilement leurs portes. On arrive mieux à les convaincre d’inscrire leurs enfants à l’école... et vu que les élèves de première seront nombreux, on va peut-être ouvrir une deuxième classe !” s’enthousiasme Jacques.

Alors qu’ils regagnent l’enclos de l’école, Jacques et Henri sont dépassés par des élèves qui rejoignent leurs classes en courant entre les flaques d’eau – en trente ans de carrière, Monsieur Jacques en a vu d’autres... mais il ne se prive pas de gronder les retardataires, comme tous les directeurs d’école du monde.

À DJUMA, “JOURNÉE PORTES OUVERTES” POUR LES IDENTIFICATEURS

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LE DÉPLOIEMENT PROGRESSIF DE L’INITIATIVE a permis de tester l’efficacité et d’ajuster le fonctionnement des campagnes “porte-à-porte” dans l’ensemble de la Province.

Année scolaire Sous-divisions couvertes Écoles primaires couvertes

2011/2012 4 sous-divisions 94 écoles primaires couvertes2012/2013 21 sous-divisions 2000 écoles primaires couvertes2013/2014 50 sous-divisions 6081 écoles primaires couvertes2014/2015 52 sous-divisions 7123 écoles primaires visées

LA MOBILISATION DES VOLONTAIRESLa campagne “porte-à-porte” de l’année scolaire 2013/2014 a mobilisé près de 24 000 identificateurs qui ont visité près de 488 000 familles. La campagne 2014/2015 a mobilisé plus de 28 000 identificateurs et touché 600 000 familles.

L’INSCRIPTION DES ENFANTS EN DEHORS DE L’ÉCOLELa campagne 2013/2014 a permis d’inscrire plus de 100 000 enfants de 6 à 7 ans qui n’avaient pas fait leur rentrée à l’école primaire. D’après les données recueillies à la suite de la campagne, le nombre d’inscriptions a augmenté de 42% par rapport à l’année scolaire précédente (2012/2013)

L’EXTENSION DE LA CAMPAGNE 2014/2015- suite à l’évaluation de la campagne 2013/2014, l’atelier de microplanification de juillet 2014 a limité le nombre d’écoles par sites de supervision, afin d’améliorer la remontée des données.- 450 superviseurs ont été mobilisés en 2014/2015, contre 330 seulement en 2013/2014. La campagne a vu sa durée augmenter de 4 à 6 jours pour faciliter le travail (bénévole) des identificateurs et ne pas peser sur leur activité professionnelle.

“Ce qui m’a rendu fière, c’est d’avoir vu les enfants récupérés s’inscrire, terminer l’année et de voir que certains avaient de très bons résultats.”

- Mathilde Baba, identificatrice de l’école Mazal de Lusanga.

“A l’école, j’aime avoir un uniforme, des cahiers, des stylos. J’aime lire, écrire,

étudier.”

- Françoise Malenge, 7 ans, inscrite grâce la campagne 2013/2014, aujourd’hui en deuxième primaire à Lusanga.

CE QUI A ÉTÉ ACCOMPLI

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L’IMPLICATION DES AUTORITÉS POLITIQUES, RELIGIEUSES ET ADMINISTRATIVESLe gouverneur du Bandundu, la plus haute autorité politique provinciale, a lui-même lancé la campagne de “porte-à-porte” pour 2014/2015 en fixant des orientations claires. Un groupe parlementaire pour l’universalisation de l’enseignement primaire a été constitué par une dizaine de députés provinciaux. Les responsables de l’éducation ont eux-mêmes sensibilisé les autorités politiques et religieuses afin de les impliquer dans la mobilisation des familles.

LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ORGANISATIONNELLES À TOUS LES NIVEAUXLa systématisation du rapportage de la campagne “porte-à-porte”, au travers des fiches d’identification, de supervision et de synthèse, a facilité le suivi des indicateurs et le ciblage des zones.

DES IDENTIFICATEURS ISSUS DES COMMUNAUTÉSÀ l’instar des campagnes de vaccination, les campagnes “porte-à-porte” sont menées par des membres des communautés, qui sont bien accueillis dans les familles qu’ils visitent tout en bénéficiant de leur confiance et écoute.

LA COMMUNICATION INTERPERSONNELLEDans les zones rurales du Bandundu, peu de familles ont accès à la radio. Les réunions publiques dans les lieux de cultes religieux ou les marchés et les visites directes aux familles sont souvent les moyens les plus efficaces pour convaincre les parents d’inscrire leurs enfants à temps à l’école. La couverture impressionnante de la campagne 2013/2014 (480 000 familles visitées) est une opportunité réelle de travailler à l’échelle de la province.

LE MAINTIEN ET LA PROMOTION DES ENFANTS INSCRITSSi le nombre d’inscriptions en première a augmenté de manière impressionnante, le taux de maintien1 en 1ère année primaire au Bandundu n’a pas pour autant chuté, bien qu’il soit en deçà de la moyenne nationale (82%). Cela signifie que, dans la très grande majorité des cas, les élèves inscrits après la campagne de “porte-à-porte” ont obtenu les résultats suffisants pour passer en classe supérieure.

1 nombre d’élèves qui ont suivi l’année jusqu’au bout

Honorable Augustine BunguDéputée provinciale du Bandundu

“Quand nous tenons des réunions publiques, j’essaie de convaincre les familles de scolariser leurs filles - car elles sont la clef du développement. Je veux leur servir de modèle et

prouver qu’on peut concilier éducation, travail et vie familiale.”

Honorable Rémi KitiriDéputé provincial du Bandundu

“Nous sommes la bouche de la population - nous faisons un plaidoyer auprès de l’exécutif

provincial pour que l’éducation obtienne des moyens supérieurs afin de soutenir la

scolarisation de tous les enfants de la province.”

Wivine MusumariDirectrice de la sous-division éducative ‘Bulungu 3’

“Ce qui m’a le plus marquée, c’est le dynamisme des communautés dans l’identification des enfants en-dehors de l’école. Je suis fière qu’on ait récupéré ces enfants et qu’on ait aussi

réhabilité 96 salles de classe dans 16 écoles pour mieux les accueillir.”

À Djuma, dans le territoire de Bulungu, la campagne porte-à-porte 2014 a été lancée en grande pompe, avec l’appui des autorités politiques de la province. Témoignages recueillis auprès de ces décideurs impliqués pour l’avenir des enfants du Bandundu.

LA DÉCOUVERTE : CE QUI MARCHE

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Dans la province du Bandundu, l’un des objectifs affichés est de récupérer l’ensemble des enfants en âge d’entrer à l’école primaire. Cela permettrait à la province d’atteindre le deuxième objectif du millénaire pour le développement qui vise à assurer une éducation primaire de qualité pour tous. Plusieurs orientations ont été identifiées pour prolonger et compléter les activités de la campagne “porte-à-porte” :

LE RENFORCEMENT DE L’ÉDUCATION PARENTALESeul un enfant en âge d’entrer à l’école primaire sur deux a été effectivement récupéré grâce à la campagne “porte-à-porte” ; de nombreuses barrières socio-culturelles et économiques persistent dans la tête des parents, notamment relatives à l’inscription des filles et au coût effectif de l’éducation. L’éducation parentale est l’un des leviers disponibles pour lutter contre les normes sociales discriminantes à l’égard des filles.

L’AMÉLIORATION DES CAPACITÉS D’ACCUEIL DES ÉCOLESSuite à la campagne 2013/2014, le nombre d’élèves par enseignant en première primaire a nettement augmenté1, sans pour autant que les infrastructures d’accueil aient augmenté. De nombreuses écoles devraient doubler le nombre de leurs classes de première année de primaire afin d’accueillir les élèves dans de meilleures conditions.1 de 39 à 42 élèves par enseignants dans le cas de la sous division de Bulungu3/Djuma

LA MISE EN PLACE DE MÉCANISMES DE SOLIDARITÉ COMMUNAUTAIRE ET DE PROTECTION SOCIALE DES ENFANTS VULNÉRABLESLa construction et la réhabilitation de nouvelles salles de classe passe d’abord par des initiatives communautaires. – De tels mécanismes pourraient également aider les parents qui n’ont pas ressources financières pour couvrir les frais scolaires directs et indirects.

LE MAINTIEN DES ENFANTS À L’ÉCOLE NÉCESSITE ÉGALEMENT DES MÉTHODES ALTERNATIVESÀ Djuma, l’UNICEF a livré des kits récréatifs à certaines écoles. En 2014-2015, des fournitures scolaires ont été distribuées à près de 52,000 nouveaux entrants du primaire dans 6 sous divisions éducationnelles de la province. Il est également envisagé d’octroyer des subventions à près de 1,700 écoles primaires pour assurer la rétention des enfants les plus vulnérables, dont font partie les enfants de 6 et 7 ans récupérés.

ÉTENDRE LES CAMPAGNES “PORTE-À-PORTE” À L’ENSEMBLE DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO en s’appuyant sur l’expérience du Bandundu afin qu’elles deviennent “routinières”.

Parents ayant choisi d’inscrire leurs enfants à l’école suite à la campagne “porte-à-porte” 2013, à Djuma et Lusanga, dans la province du Bandundu.

LE RÊVE : LA VISION DU FUTUR

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Des jeunes élèves rejoignent leur domicile à pied après la fin des cours (Bandundu).Crédit : Benoit Almeras-Martino / UNICEF, 2014.

La campagne porte-à-porte est menée en partenariat avec le Ministère provincial de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel du Bandundu.

Cette initiative s’inscrit dans la campagne “Filles et Garçons, Tous À l’Ecole”, soutenue par la Fondation Educate a Child ainsi que le Partenariat Mondial pour l’Education.

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