Holiday's (Collection Gourmandise Passion) (French...

Preview:

Citation preview

MagaliInguimbert

HolidaysRoman

Celivreestunefiction.Touteréférenceàdesévénementshistoriques,descomportementsdepersonnesoudeslieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévénementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavecdespersonnages

vivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.

ÉDITION:LeCodefrançaisdelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantsdroitouayantcause,estillicite(alinéa1erdel’articleL.122-4)etconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparles

articlesL.425etsuivantsduCodepénal).

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondecelivreoudequelquescitationsquecesoient,sousn’importequelleforme.Lespeinesprivativesdeliberté,enmatièredecontrefaçondans

ledroitpénalfrançais,ontétérécemmentalourdies:depuis2004,lacontrefaçonestpuniede

«troisansd’emprisonnementetde300000€d’amende».

CouverturephotoCopyright:Mooshny

Premièreédition:août2016

ISBN:9782375760666

Copyright©2016

Correctrice:Amélie

Illustratrice:Constance

Attachéepresse:Phanie

Tabledesmatières

111

230

340

449

562

673

785

896

9109

10122

11129

Remerciements151

Magalia31ans,ellevientd’unpetitvillageprèsdeMontpellierdansleSuddelaFrance.L’écritureestquelquechosed’asseznouveaupourelle.Elle adécouvert la romanceérotiqueavecCinquanteNuancesdeGrey,maisc’estenlisantletome1d’Afterqu’elleaeuenvied’essayerd’écrire;çaaétéunesortededéclic.

Magali est une éternelle romantique qui avait simplement envie demettre sur papier des histoiresd’amourenlesdécrivantsoustousleursaspectsenyajoutantsesrêves,sescraintesetsesaspirations.

«Lesplusbelleschosesdumondenepeuventêtrevuesoumêmetouchées.Ellessontressentiesaveclecœur.»

HeleneKeller

1

Àmoi, les vacances !Cinq jours seulement,mais cinq jours à ne penser à rien d’autre qu’à se

détendreetseprélasserausoleil.Rienqued’imaginermonprogramme,jesensunecertainesérénités’emparerdemoietmoncorpsserelâchetoutdoucement.C’estlesseulesvacancesquejem’accordechaqueannéeetc’estmonentreprisel’initiatrice.Unchallengeenjeuquejegagnedepuismaintenanttroisans,l’annéeoùj’aiétéembauchéechezEdison&cieentantquecommercialedansledomainedes photocopieurs. Le boulot, en soi, est loin d’être difficile, si les premiers temps j’ai dû meconstituerunportefeuilleclient,aujourd’hui, jen’aiqu’àentretenirdebonnesrelationsaveceuxetc’estcequejepréfèredansmonmétier.Jesuistrèsinvestiedansmontravailetnecomptepasmesheures.C’estassez facileétantdonnéqueseulMisty,monchat,m’attendsagementà lamaison.Enjetantunœilà travers lehublot, jen’aperçoisquedesnuagesàpertedevue.Je laisseéchapperunsoupirdesatisfaction.Cetteannée,notredestinationestunclubauxBahamas.Rienquelenomrespirelemonoï.Encoreunpeudepatienceetnousyserons.

**

Àpeineai-jeposéunpiedausol,quelestempératuresdoucesdecemoisdemaimefontoublierlesdixdegrésquej’ailaissésàChicago.

Aprèsunderniertrajetenbateau,nousvoilàenfinsurlesplagesduClubMed.Lecadreestidéal,digned’unecartepostale!Lamer transparente,bordéepar lesablefin,nousmetdirectementdansl’ambiance.

Quelquesanimateurs,vêtusdebleuetdeblanc,nousattendentsurlepontonpournoussouhaiterlabienvenueetnousremettrelesclésdenoschambres.

Jefaispartiedesprivilégiésquiontunbungalowavecunaccèsdirectàlaplage.J’aiàpeineouvertlaportequejemedirigedirectementverslecœurdelachambre.Ilyauneportesurmagauchequejesupposeêtrelasalledebainetquelquesplacardssurmadroite.Ladécorationdansl’esprithindouestcharmante.Unimmensebouddhatrônefièrementaumilieudelapièce.Surladroitesetrouveungrand lit immaculéavecunecouverture etdes coussinsdans les tonsor.Prèsde labaievitrée,unsecrétaire avec tout le nécessaire pour boire un thé ou un café. Pour finir, une banquette avec unetouchedepourpredonneenviedeseplongerdansunbouquintoutenadmirantlavuesuperbequej’aisouslesyeux.

Enobservantlesvaguessebrisersurlesable, jeprendsuneprofondeinspirationetrelâchetouscesmoisd’agitationdansunsouffle.Jesuisfinprêteàprofiterpleinementdemonséjour.

Jecommenceparrangermesaffairesdanslesplacardsprévusàceteffetetdécide,sansattendre,departiràladécouvertedemonlieudevillégiature.

Morduedevolley,jemeprécipiteversleterraindebeachpourconnaîtreleshoraires.

Après avoir fait le tour des installations et constaté que tous les sports sont représentés etaccessibles,jedécidederejoindrelerestedemescollèguespourlecocktaildebienvenue.

Nous sommes environ soixante-dix à être récompensés, mais pour la plupart, ils sontaccompagnés.SeulemasœurBelindaauraitpufairepartieduvoyagesisesexamensn’avaientpasétéaussiproches.

En faisant un tour d’horizon, quelques têtes neme sont pas inconnues. Je ne connais pas tout lemonde, mais au fil des voyages, j’ai fini par sympathiser avec certains d’entre eux. C’est toutnaturellementquejemerapprochedeceuxavecquijemesuisdéjàliéed’amitié.Peter,commercialcommemoidansleMississippi,estvenuavecsafemmeAlicia.Faith,l’épouseduprésidentd’Edison,est là elle aussi ainsique Jerry, responsabledu secteurHawaï,qui a également fait ledéplacementavecsafemme,Carly.

Aprèsdelonguesétreintesetunplaisirnondissimulédeserevoir,nousnoustaisonspourécouterle discours de bienvenue de notre directeur, Phil. Vient ensuite le repas durant lequel nous avonsparlé,comparéetmalmenénotremétier.Nousavonsensuitefaituntourdansladiscothèqueduclubavantdenousséparerquandlafatigueduvoyages’estfaitressentir.

**

Se réveilleravec ladouceurdusoleil, s’étirerdansun litkingsizemoelleuxàsouhait.C’estunvrai bonheur ! Je prends le temps de me préparer sans l’inquiétude de savoir l’heure qu’il est,personnenem’attendetmontéléphoneesttoujoursenmodeavion.Jesuislibredefairecequ’ilmechanteetc’estbienmonintention!

Enmerendantaupetit-déjeuner,jecroisePeteretAlicia:

—Hey!Çatediraitdetejoindreànous?lancelajeunefemme.

—Avecplaisir!réponds-je.

Jelessuisjusqu’àleurtable,lesbraschargésdenourriture.

Le reste de la troupe est là aussi, les femmes de mes collaborateurs ont un regard empli desympathie à mon égard, aucune trace de jalousie ou d’animosité. En même temps, il suffit dem’observeruneminutepours’apercevoirquejen’airiendedangereux.Jenesuispasunefemmeàproprementdit…Moncorpslelaissesous-entendre,maismonespritpensedifféremment.Jamaisàl’aisedanslesjupesoulesrobes,j’aitoujoursl’impressiond’êtredéguiséelorsquejedoisenrevêtirune.Mescheveuxchâtainssontunvraiflouartistique,niraidesnibouclés,ilsfinissentlaplupartdutempsenqueuedecheval.Monnezestbientroplongàmongoût,unhéritagedemonpèredontjemeseraisbienpassée!Quantàmesyeux,ilssontd’unmarronclairpouvantvirerauvertpartempsbleu,

cequiarriveassezrarementàChicago.Laseulechosequej’appréciesurmonvisage,cesontmeslèvres:assezpulpeusesetbiendessinées.Uncadeaudemamaman!

Je suis une fille quelconque ; pas de celles sur qui l’on se retourne dans la rue. Il suffit del’admettre.Siçaaétédifficiledurantmonadolescence,àprésent,j’enfaismonparti.Jeprivilégielesrelationshumaines aux relations amoureuses.Peut-êtreparcequ’il nepeut en êtreautrement.Monphysique n’est peut-être pas l’une de mes qualités principales, mais ma force est ailleurs. Plutôtsouriante, sociable etbonpublic, jene suis jamais ladernièrepour sortir etm’amuser !Voilà surquoijemisetout.

Etjesuistoujoursseuleàvingt-sixans!

Bienquejenesoispasundangerpourmespairs,jepréfèreça.J’apprécielacompagniedeleursmaris,maisaumêmetitrequelaleur.Detouteévidence,monattitudeàleurégardlesconfortedanscesentiment.

—Mia,quelesttonprogrammepourlajournée?m’interrogePeter.

—Jevaislézardersurlaplage.Etenfind’après-midi,j’iraifaireunbeach-volley.

—Ahoui,c’estvrai.Tul’avaisvaguementévoquél’annéedernière.Tuesuneamatrice,j’yjouaisplusjeune,alorssiçanet’ennuiepas,j’aimeraismejoindreàtoi.

—Avecjoie!D’ailleurs,sid’autressouhaitentvenir…Çapeutêtresympa.

Carly,FaithetAliciaregardentpartoutsaufdansmadirection.Inutiled’endireplus,jecomprendsrapidementquecen’estpasleurtassedethé.MaisPhil,enrevanche,esttoutàfaitpartant.C’estsurlapromessedeseretrouversurlesablequenousnousquittonspourvaquerànosoccupations.

**

Commeconvenu,Phil,Peter,etd’autresdemescollègues,sontlà.Uneanimatrice,Lesley,dontlenomestécritsurlebadgequ’elleportesurlapoitrine,noustendunballon.

C’est seulement après quelques échanges que mes collaborateurs comprennent que je suis loind’êtredébutantedanscedomaine.

Alorsquenoussommesentraindenousbattrepourmarquerunpoint,unjeunehommepasseprèsduterrainpourallerà larencontredenotreanimatrice.Mêmes’ilestassezloindemoi,sasimplesilhouette happemon attention.Les regards admiratifs des femmes sur leur transat près du terrainsuffisentàconfirmercequejesupposais.Maislejeuestplusimportant,alorsjemeconcentrepournepaslaissertomberleballonetfaisabstractiondel’individu.

**

Aprèsunedouche, il est tempsd’aller fêternotrevictoire.Vêtued’un simple jeans,d’undosnucachéparunepetitevestenoiresansprétention,jeretrouvemonéquipeaubarprincipalduclub.Lesfillessontlàaussi.FaithjetteunbrefregardàPhilenpleineconversationavecJerryetnousfaitpartdesesimpressionssursonpremiercoursd’aquagym.

—L’animateurestunvraiplaisirpourlesyeux.Jepeuxvousassurerquejevaissuivreassidûmentcecourspendantnotreséjour.

Sarépartiedéclenchel’hilaritégénérale.

—Mia, tu devrais te joindre à moi demain matin, tu vas aimer l’aquagym, l’effet est garanti,renchérit-elle.

—Bienque laproposition soit alléchante, trèspeupourmoi. J’optepour la tranquillitédemonbungalow.

—Tuastort!

Jesouristoutenportantmonverredevinblancàmeslèvres,cequimetfinànotreconversation.

Aufildelasoirée,lesriressontdeplusenplusbruyantsetilestclairqueleprivilègedel’alcoolàvolontéestlasourcedel’euphoriegénérale.

Minuitadéjàsonnéquandnousnousrendonsàladiscothèquepourfinirenbeauté.Nousdansonsetcontinuonsàprofiteraumaximumdesjoiesdenosvacances.

Unefoisdeplus,jemecoucheépuiséeetgrisée.

**

Après une nouvelle journée plage, je retourne sur le terrain de beach. Cette fois, les gars ontdéserté,maisd’autresvacanciersmeproposent gentimentdeme joindre à eux, ceque je fais sanshésiter.

Aprèsavoirremportéunpremierset,aumomentdechangerdeterrain,jeconstatequeLesleyaétéremplacéeparlegarçonquiaretenumonattentionlaveille.Ilestentraindeprendrequelquesnotes.Jeprofitedecetinstantpourl’observerlonguementàlarecherched’undétailauquelm’accrocheretquipourrait lerendremoinsséduisant,maisrien.Sescheveuxbrunsassez longssontenbatailleetdonnentl’illusiond’êtrenégligés,maisquelquechosemeditqu’aucontraire,ceteffetestsavamment

étudié.Sesyeuxcouleurwhiskysontd’uncharmefouetdonnentenviedes’yplongeretd’enboirejusqu’àplussoif!Sonteinthâléparlesoleilbahaméenressortavecsontee-shirtblancsuffisammentprès du corps pour laisser présager qu’unemusculature parfaite est cachée là-dessous.Une légèrebrisejoueaveccemorceaudetissuetlaisseentrevoiruncarrédesapeaubrune.

Ilestbronzéjusqu’où?

Fermerlesyeuxpoursupplierleventdesoufflerplusfortetdem’enoffrirdavantageestlaseulechosequimevienneàl’esprit,maislesélémentssontcontremoi.Ilvientseplacerprèsdufiletpourregarderlematch.

Quandcelui-ciprend fin, et aumomentoù jem’apprêteà ramassermeschaussures restéesprèsd’untransat,savoixrésonnedansmondos.

Elleestcommetoutlereste:séduisanteetvirile.

Çaauraitététellementplussimplesielleétaitdopéeàl’hélium!

—Tuasjouéauvolleytoi,non?

—Eneffet…J’yjouetoujoursd’ailleurs.

—Çasevoit,ajoute-t-il.

Je me tourne rapidement vers lui en bredouillant un « merci » d’une voix chevrotante tout enm’éloignant le plus vite possible avant qu’il ne puisse apercevoir mes joues rosies. Pendant lesquelquespasquimeséparentdemachambre,jememaudispourmaréactionplusquepuérile.

Quelledébilejefais!

Prendremesjambesàmoncouestmameilleurefaçond’agir,jemeconnaisparfaitementbienetlorsquejesuisintimidée,moncomportementfriseceluid’uneadoattardée.Jebégayeetmesproposdeviennent confus. Pour éviter l’humiliation, il est préférable de garder mes distances. Pourtant,depuisque j’ai quitté le terraindevolley, son imageest toujours là.Son regardperçantpesait surmon bas ventre et je dois admettre que la pression que ce souvenir a sur mon entrejambe estdélicieuse.

Rappelle-moicombiençafaitdetempsquetun’aspasvuleloup?

Oui!Uneéternité!

Lorsquenousfranchissonslepasduclub,jeleremarqueaussitôt.Commentfaireautrement?IlsetrouvedanslecarréVIPtoutdeblancvêtu,cequimetenexerguesonbronzageparfaitetsescheveuxde jais. Je l’observe discrètement du coin de l’œil toutes les cinq minutes, impossible de m’enempêcher !Etàsesyeux, jesuiscomplètement transparente.Enmême temps,en regardantdeplusprès,commentpuis-jefairelepoidsaveccesbellesblondesauvisageangéliquequil’entourent?Ilfautserendreàl’évidence,cegarçonillustreparfaitementmathéoriedu80-20.Leshommesdesonespèce plaisent à 80 % de la gent féminine, 20 % seulement peuvent résister à son charme. Çafonctionneautantpourleshommesquepourlesfemmes.Moi,parexemple,jefaispartiedes20%,

j’aiunpouvoirdeséduction,maisquin’agitquesurunpluspetitnombre.Leschancesqu’unmeccommeluis’intéresseàunenanacommemoisontcommeOlafquirêved’unété:improbables.Maispourquoifaut-ilqu’onsoittoujoursattiréparcequenousnepouvonspasavoir?

Jequitteleslieuxplustôtquejel’auraissouhaité,levagueàl’âme.

**

Aujourd’hui,PeteretPhilsouhaitentprendreleurrevanche.Nousnousrendonstouslestroissurleterraindebeach.Unjoueurmanquepouréquilibrerleséquipes,c’estdoncl’animateursexyendiablequiprendplacedansl’équipeadverse.Jeresteconcentrée,maisjedoisavouerqu’ilsedéfendplutôtbien.

Ildoitbienavoirundéfaut!

Aprèsavoir jouéunmatchserré,nousremportonsunenouvellevictoireetnousnesommespaspeu fiers.Pendantquenous restons sur leborddu terrainànouscongratuler, le combustiblepourpetitesculottesvientjusqu’ànous.

—Cesoir,lesanimateursdessportsterrestresorganisentuncocktail,vousdevriezvenirfaireuntour.

—C’estàquelleheure?demandePeter.

—19heures30.

—Onvafaireuntennisetonessaieradepasseraprès,répond-il.

Je reste là, spectatrice de la scène, sans dire unmot. Quand Peter évoque cematch, je fulmined’avoiraccepté.Çafaisaitdeslustresquejen’aipastouchéuneraquette,maisl’appelduchallengeestplusfort.Cependant,cepetitintermèdem’apermisdeconnaîtresonnomqu’ilportesursapoitrine:Vince.

EnchantéeVince!

Il nous sourit, sans doute pourmemontrer quemême ses dents sont parfaites. Saleté ! Puis seretourneleballonsouslebras,jusqu’àunepetitecaseenboisoùlematérielsportifdoitsansdouteêtreentreposé.

Aprèsunmatchde tennis chaotiqueoù j’ai envoyé toutes lesballeshorsdu terrain lamoitiédutemps,ilesttempsdeprendreunedoucheetdesepréparerpourunesoiréededétente.Troptardpouraller au cocktail dont nous a parléVince,maisquelle importance ! C’est l’avant-dernière avant leretouretjecomptebienenprofiter.

Surleprogramme,ilestnotéquetoutel’équipeduclubnousprépareunspectaclemusicalprèsdu

barprincipal.Lethèmeestlamusiquedesannéescinquante,ànosjours.Desclipsmusicauxpassentsur grand écran et les animateurs reproduisent certains de ces grands succès. En sirotant une pinacolada,jejettedebrefsregardsendirectiondelascèneetmedéhanchediscrètementaurythmedelamusiqueprèsdeFaithetAliciaquienfonttoutautant.

LorsqueVinceapparaîtsurscènesuruntitredeBoneyM.{1},mesyeuxnesontpasassezgrandsetmoncœursemetàbattreunpeuplusfort.Alorsquejesuisentraind’ajoutermentalementàmaliste«etmêmesexyquandildanse»,Faithmeprendparsurpriselorsquejel’entendsmurmureraucreuxdemonoreille.

—C’estdeluidontjeteparlais…Leprofd’aquagym.

Maréponsenepeutpasêtreplusspontanée.

—Çadevraitêtreinterditd’êtreaussibeau!

Faithéclatederireethochelatête.Detouteévidence,ellepartagemonavis.

Maisle«pire»estàvenir.Ilrevientquelqueschansonsplustard,vêtudublousondecuirdes«T-Birds{2}»,celuiqueportaitDannyZukodansGrease,emblèmedubadboydanstoutesasplendeur!Etmêmesicen’estpascegenredemec,illuivasublimementbien!

Jesoupiremadéfaite,iln’yarienàjeterchezcegarçon,bienaucontraire.Ilfautledétesterpourêtreaussiparfait,maisilluisuffitdesourirepourquetoutestentativessoientavortées.Ilneresteplusqu’uneseulechoseàfaire:serincerl’œiletengarderunbonsouvenirauqueljepourraisrepensersurmon oreiller encore et encore. Et c’est ce que je fais jusqu’au coucher où un charmant jeunehommebrunséducteurm’arejointeetn’ad’yeuxquepourmoi,dansmesrêves.

**

Auréveilavecuneatrocegueuledebois, je retrouvemesamispour ledéjeuner.Les lunettesdesoleilvisséessurlenez,etquelquesmètresavantderegagnerl’espacerestauration,j’aperçoisVincequisetientlàavecunedesescollègues.Impossibledel’éviter.

Miasoisuneadultepourunefois!

—SalutVince.

—Mia!

Unsouriresedessinesurmeslèvres.Voilà,j’aifaitlaconversation!

—Tuasvulespectaclehiersoir?

Lesimagesquimeviennentàl’espritnedoiventpasêtrepartagées.

Jamais!

Autantendirelemoinspossible.

—Oui,c’étaittrèsbien.

—Qu’est-cequetuaspréféré?medemandelajolieblondequiluitientcompagnie.

Ohlepiège!

Jenel’avaispasvuvenir!Etmevoilàaupieddumur!Monregardvad’elleàlui.Heureusementprotégée derrière mes lunettes, je sens ma panique grimper en flèche et les pensées les plusinavouables, même dans un confessionnal, se bousculent dans ma tête. Je suis en train de medemandersi luiparlerdeVincedanslapositionduchevalàbasculeseulementvêtudelavestedes«T-Birds»estvraimentapproprié,quandelleinterromptmaréflexion.

—Alooors?dit-elle,enjouée.

À présent, ils m’observent fixement tous les deux, impatients de connaître ma réponse.Timidement,lesjouesempourpréesdevanttantd’attention,jebégayesansassurance:

—Grease.

Lafillesemetàhurlersa joie.CedevaitêtreelleOliviaNewtonJohnhiersoir,mais jen’avaisd’yeux que pour lui et ai complètement ignoré les autres personnes présentes sur scène. Je souristimidementpourprendrecongéavantdemonterlesquelquesmarchesquimeséparentdelasallederestaurant,quandsoudain,j’entendslavoixdeVincedansmondos.

—Onsevoittoutàl’heuresurleterraindebeach?

Jehochelatêtepourluidonnermonapprobationalorsquemoncœuraunraté.Simoncerveausaitqu’ilfaitjustesonjob,moncœur,luienrevanche,interprèteçacommeunrendez-vous.Toujoursutilisersamatièregrise:c’estlemeilleurrempartcontrelesdéceptions.

**

C’est le dernier beach-volley des vacances. Peter est venume chercher pour échanger quelquesballes.Maisétantdonnélenombredejoueursdéjàprésentssurlesable,nousavonsjusteeubesoindecomblerleséquipesdéjàexistantes.

Lejeudébute.Toutlemondeestconcentré.Quandsoudain,alorsquejem’apprêteàplongerpourrattraperuneballe,jechutelourdementetm’écorchelegenousurlesable.

Çasaigne,çapiqueaussi,maisjepréfèrecontinuerlematch.J’auraibienletempsdelesoignerlorsquenousauronsterminé.

Quandlematchprendfin,plutôtquedemerendreàl’infirmerieàl’autreboutduclub,j’intercepteVince,présentsurlecôtéduterrain:

—Parhasard,tun’auraispasunpansementdanslesparages?

—Suis-moi,jevaisregarderdanslacasedevoile.

Nousnousrendonsdanscettecabanedeboisblancetbleu;l’animateurdevoileestàl’intérieur.

—Paulo,t’auraisunpansement,s’ilteplaît?luidemande-t-ilalors.

L’hommevientjusqu’ànousavecuneboîteenplastiqueoùilsembleyavoirtoutlenécessaire.

Aprèsm’avoirdésinfectée,ilnemeplacenonpasun,maisquatrepansementsenplusd’unegaze,cequimefaitsourire.JeregardeVince,amusée,etlance:

—Jecomprendspourquoiilestàlavoileetpasàl’infirmerie.

Mon allusion nous fait rire, même si Paulo n’a pas l’air d’avoir tout compris. Alors que noussommesentraind’admirerletravaildecedernier,undesvacanciersavecquijejouaistoutàl’heurevientjusqu’àVinceetjenepeuxm’empêcherdelaissertraînermonoreille.

—Dis…Lafillequiétait làhiersoir…Ellet’adonnésonFacebook.Tupourraismeledonner,s’ilteplaît?

Sijeleconnaissais,jediraisqueVinceestmalàl’aise.J’ignoresic’estdûàmaprésenceoucellede soncollègue,mais àvoirPaulo, il ne semblemêmepasyporter attention.Quant àmoi, jemedoutebienquesontéléphonedoitregorgerdenumérosdefilles;inutiledefeindrelatimidité.Jesuispeut-êtredetrop,alors jepréfère les laisseretprendsle tempsderemerciermonsauveurpour lessoins.

Jeregardeunedernièrefoismachambrepourm’assurerden’avoirrienoublié,puisjelaissemesbagagesdevantmaportecommec’estindiquésurlemotquej’aitrouvéhiersurlelitenrentrantduvolley.

Jevaisdéjeunerlecœurlourd;c’estlafindesvacances.Ilfautreprendrelequotidienlàoùjel’ailaissé.

Le sentiment demélancolie qui prendmon cœur en otage seramon colocataire pendant encorequelques jours. Faith, Phil, Peter et Alicia partent les premiers car ils prennent l’avion pourWashington plus tôt que moi. Donc je les accompagne jusqu’au ponton pour leur dire au revoir.Quelquesanimateurssontprésentseuxaussipourfaireleursadieux.JecherchedésespérémentVinceduregard,maisrien.Jel’aiperdudevuedepuishieraprès-midietjesouhaitesimplementlevoirunedernièrefoisavantdepartir.Justegraversonimagedansmonesprit.Ilmeresteencoredeuxheuresavantdeprendrelebateauquimeramènerasurlaterreferme.

JerryetCarlysontentraindeboireuncafésurl’unedesterrassesprèsdelapiscine.Jemejoinsà

euxetentournantlatête,j’aperçoisVince.Commentnepasleremarquer?Ilportejusteunshortdebainnoiretrouge.Justeça.Sontorseestparfaitementsculptéetbronzém’offrantl’undesplusbeauxspectaclesqu’ilm’aitétédonnédevoir.Ildonnelefameuxcoursd’aquagymdontm’atantparléFaithpendantcesquelquesjours.

Jerry tente demeparler,maismon esprit est ailleurs etma conscience est en train de s’éventerdevanttantdetestostérones.Puis,vientl’heured’allermangeravantderetournersurlepontonpourundépartsansretourcettefois.

**

Plus on avance vers le point de rendez-vous et plus les visages se ferment. Jemarche d’un paslourdetjenesuispaslaseule.MaisunsourirenaîtsurmeslèvreslorsquejevoisqueVinceestlà.Iln’estpeut-êtrepasspécialementlàpourmoi,maisilestlà.Dèsqu’ilmeremarque,ilmesouritetlemiens’élargitaussitôt.

—Commentest-cequejevaisfairesanstoipourlebeach-volley?bougonne-t-il.

—Oooohhh…Tutrouverasbien,jen’endoutepas.

Jerryinterromptcetéchangedelaplusbellemanièrequisoit.

—Vousvoulezbienprendreunephototouslesdeux?J’aimeraisl’envoyeràFaith.

Ilacceptetimidementetjerisàsesdépens.IlignorequecettephotovafairepâlirdejalousiemonamieFaithetj’imaginedéjàlemessagebiensentiquejevaisrecevoirdèsqu’ellelaverra.Maisau-delàdeça,ceclichéseraunsouvenirdeluietça,çameredonnedubaumeaucœur.Ilposesamainsurmonépauleetmonclitorissemetàfrétillercommeunvraipoissonrouge.Pourtant,quandmonamifaituneréflexionsurletondel’humour,sonvisageseferme.

—Miaenphotoaveclebeaugosseduclub,çavajaser!

Jedeviensrougecommeunepivoineettentemaladroitementdeparaîtredésintéressée,maisVincesembleabsent.J’ailesentimentquemonamil’ablessésanslevouloir.Jemetrompepeut-être,maisilmedonnel’impressionquelavisionquelesautresontdeluil’exaspère.

Nous partons et je me repasse ces derniers instants dans ma tête. Lorsque Jerry me tend sontéléphonepourmemontrerlefameuxcliché,uneidéemevient.

—Tupeuxmel’envoyer,s’ilteplaît?

J’aihâtederentreràlamaisonfinalement…

2

À peine ai-je posé un pied sur le sol deChicago que je rallumemon téléphone, bien décidée àmettremonplanàexécution.Jefaisabstractiondelatonnedemessagesquiinondemonécranetvaisdirectementaubut.

Facebook.

Celanemeprendquequelquessecondespourretrouverceluiquihantemonespritdepuisquej’aiquittélesBahamas.Sansréfléchir,j’appuiesur«ajouterunami»etattends.Sij’aiétésûredemoipendanttouteladuréeduvoyage,l’avoirmisenpratiquemetentribulationsmaconscience.

«Ilsesouvientsansdouteplusdetoi»

«Qu’est-cequ’ilenaàfaire?»

«Ilnel’accepterapas».

Dans le taxi qui me ramène jusqu’à mon appartement, je ne cesse de regarder l’écran de montéléphoneenentendantcettepetitevoixmoralisatricequime répète sanscesse«cen’étaitpasunebonneidée!»,etmalgrétout,j’ail’intimeconvictionquejedevaislefaire.Pourquoi?Lemystèreresteentier,maisilfautquej’enaielecœurnet.Ilestàdesmilliersdekilomètresdemoidésormaisetçanenousmèneranullepart,maisj’aicebesoinirrépressibledegarderlecontact.

Lorsquejefranchisleseuildemonappartement,jeposemavalisesurlesol,etimmédiatement,unsentiment de nostalgie oppressantm’envahit.Me retrouver entre ces quatremursme noue un peul’estomac.Reprendremonquotidienlàoùjel’ailaissé,ilyaunesemaine,nem’enchantepas.

J’étaisbienausoleil,àpeaufinermonbronzage,uncocktailàlamain.

EtVincepourcompléterlepaysage!

Plutôtquedemettreunemachineenrouteetrangermesaffaires,jem’allongesansaucunegrâcesurmoncanapé.Jesuisdenouveauseule.Mistysauteaussitôtsurmesgenoux.

Ahnon!J’aimonchat!

Jemets la télévisionenfondsonoreetmonespritm’envoietoujoursvers lesyeuxtroublantsdubeauVince.Jedoismeressaisir!Çadevientn’importequoidefantasmerdelasortesurungarçonquim’aàpeineregardée!

C’étaitunflirtdevacancesàsensunique…

**

Lelendemain,ilfautquelaroutinereprennesesdroits.Leréveilaffiche07heures.

Jeme lève, direction la cuisine, pour prendremon café enpriant pour qu’ilm’offre unebonnedosed’énergiepourreprendreletravail.

Lamachinegrogne,chauffeetfinitparlâcherleliquidechauddansmapetitetasse.Enportantlaboisson à mes lèvres, je jette un rapide coup d’œil à mon téléphone. Plus précisément, sur mesnotifications Facebook. Jemanque de recrachermon café surma belle chemise blanche quand jem’aperçoisqueVinceaacceptémademande.

Mon cœur semet à battre très vite, bien trop vite pour un lundimatin ! Jeme livre alors à unmoonwalkendiablé;contestable,jedoisl’admettre,maisderigueur!

Cependant,lavoixdemaconsciencerésonnedansmonesprit:

«Etmaintenant?C’estquoilasuitedetonplansibrillant?»

Jen’ensaisabsolumentrien.Jecroyaistoutbonnementqu’iln’yrépondraitpasetmaintenantqu’ilm’aprouvéquej’avaistort,unepartiedemoiimaginedéjàunebelleetgrandehistoired’amour.

C’estvrai,unmecaussibeauqueluiquitombeéperdumentamoureuxdelafillequelconque,quilahantedepuissondépart;c’esttellementromantique!

Etpuis,ilyacetteautrepartiedemoi,beaucoupmoinspoèteetpluspragmatique,quiseditqu’ilajusteréponduàunedemanded’amisurFacebookparpurecourtoisie.C’esttoutdesuitemoinsdrôle.

De fait, quelle est la meilleure méthode à adopter ? Y en a-t-il seulement une ? Qu’est-ce quej’attendsdetoutça?Oùçavamemener?

Maconsciencealaréponseàcettequestion:«nullepart»!

Maisjeveuxenavoirlecœurnet.

Ilme faut une entrée enmatière.Mais laquelle ?Quelques secondes seulement sont nécessairespourtrouver.DèsquelevisagedeVincemevientàl’esprit,jesensl’adrénalineprendrepossessiondemoncorpsetj’adorecesentiment.Unefoisencore,jesuistoutexcitéeparcequejem’apprêteàfaire.

*SalutVince.

Mercid’avoiracceptémoninvitation.Voicilaphotoquenousavonspriseavantdepartir.J’aipenséquetuaimeraisgarderunsouvenirdecellequit’auramislapâtéeauvolley.Auplaisir!

Mia.

Etvoilà,messageenvoyé!

C’estsoft{3},amicaletsansaucuneambiguïté.

Est-cequec’estl’effetrecherché?Biensûrquenon!Maisàchoisir,jepréfèrepartagerdebonsmomentsavecluiplutôtquedepasserpourunenymphomaneassoifféedechairfraîche.Enfait,enbonnefillequejesuis,jenesaispascequejeveux.

Après avoir consulté l’heure sur l’horloge au-dessus du frigo, il est temps demettre fin àmestergiversations.Ilfautquej’yaillesijeneveuxpasêtreenretard.

**

Comme toujours, j’ai passéplusieurs heures sur les routes à aller demagasin enmagasin et debureau en bureau. M’assurer que mes clients sont satisfaits, rédiger les bons de commande sinécessaire:voilàcommentjeremplismesjournées.Saufqu’aujourd’hui, j’aiétédistraiteparmontéléphone.

Fichuportable!

J’aitentéderésisteretdenepasregarders’ilm’avaitrépondu,maisjen’airéussiqu’àyjeteruncoupd’œilparintermittencededixminutesettoujoursrien!

Il faut que je cessede cogiter, alors je retrouvemes copinespourunmatch augymnase situé àquelquesruesdechezmoi.Jejouedepuismesquatorzeansetmesamiessontunpeuplusâgéesquemoi,maisonseconnaîtdepuisdenombreusesannéesmaintenant.Jefrôleàpeineleparquetquelesquestionsfusentdéjà.

—Alorscesvacances?

—C’étaitgénial!réponds-jehumblement.

MaisStacymeconnaîtbienmieuxqueça.

C’estlapluspetited’entrenousetsansdoutelaplusefficace.Derrièresoncarréblondetsesyeuxvertssecacheunefillepercutantesurunterrain.Etdanslavieaussi,jedoislereconnaître.

—Et???

—Etriendutout…ajouté-jepourtenterdemettrefinàcetteconversationquiprendunedrôledetournure.

—Pasdemecspouracidulertessoirées?

Ilyenavaitbienuneffectivement…

Avantmêmequejepuissedirequoiquecesoit,moncorpsrépondàmaplace.Jesenscettechaleurprendretoutdoucementpossessiondemoijusqu’àsentirmesjouess’empourprerd’embarras.

—Mia,t’enastropdit!rit-elle.

J’aibienenviedeluirétorquerqu’ellefaitsapropreinterprétation,maispriseaupiège,jen’aiplusqu’àtoutluiraconter.

Le restede l’équipenous a rejoints etMike,notre entraîneur, s’impatiente.Mais il sait quinoussommes!Leshuitnanasquecomptecetteéquipesontbavardes,unfaitaveclequelildoitréussiràjongler.Etjedoisadmettrequ’ilnes’ensortpastropmal.Stacymetireparlamainetd’unseulbloc,nousnousmettonsàcourirautourduterrain.

—Allez!Accouche!

—OK…Ilyabieneuungarçon…

—J’enétaissûre!mecoupe-t-elle

—Attendsavantdetefairetesfilms.Ilnes’estrienpassé,ilsaitàpeinequej’existeàvraidire.MaisDieu!Qu’ilétaitcanon!Deceuxquetuacceptesd’êtrelafilled’unsoir,rienquepourvivreunenuittorrideaveclui,tuvoislegenre?

—Jevoistrèsbien!renchéritMileyenricanant.

Cette dernière et moi sommes comme un binôme. On partage le poste de centrale et le mêmehumour(oùlesexeatoutesaplace).Ellen’aaucuntabouetj’adoresoncôtédéluré.

C’estunejoliebruneaucorpsmagnifiquementbiensculptéavecdesjambesinterminablesetdesyeuxmarronpeufarouches.Elleestaussilégèrementpluspetitequemoi.

—Etdonc?Ilestcommentd’abord?

—Ilest…terriblementsexy!SonsouriredonneraitchaudmêmeauxhabitantsdeLaponie.Ilauncorpsparfait,bronzéjustecequ’ilfaut.Unechevelurebrunesuffisammentépaissepouravoirenvied’y fourrer tesmainsetdesyeux…Unregard…Unregardqui tedonneenviede faire l’amour…Mêmesonprénomsifflelasensualité…Vince.

—Hey!Ducalme!m’interromptStacy.

Enquelquessecondesàpeine,jesuisretournéeauxBahamas,maissavoixvientcruellementdemerameneràlaréalité.Jesuisàprésentàboutdesouffle,sanstropsavoirsic’estmacoursequim’amisedanscetétatoubienmonfantasmeàtailleréelle;peut-êtreunpeulesdeux.Enjetantunbrefcoupd’œilautourdemoi, jem’aperçoisque j’aiprovoqué l’hilaritégénéraledemescoéquipièresavecmesdébordements.

Mia,ressaisis-toi!

—Ets’ilestaussibeauquetuleprétends,pourquoiilnes’estrienpassé?demandeAly.

Alyestpeut-êtrelaplusdiscrèted’entrenous.Avecsavoixfluetteetsesjolisyeuxbleus,ellemefixecommesielleattendaitquejesoisfrappéeparl’évidence.

—Si…Enthéorie,onafaitpleindechoses.PratiquementtouteslespositionsduKamasutra,maisenpratique…Disonsqu’ons’estarrêtéaustadedesympathiser.

—Tureviensbredouilleenfait?mecoupeStacy.

—Nonpasexactement,rétorqué-jefièrement.Grâceauxréseauxsociaux,jegardelecontact.

—Qu’est-cequetuveuxdire?

—J’aifouinésurFacebooketjel’airetrouvé.

—Miaestdevenueunepsychopathe,lesfilles!ajouteStacyfeignantd’êtreeffrayée.

—Enfin…Étantdonnélenombredekilomètresquinousséparent, ilnerisquepasgrand-chose.Pour lemoment, il a acceptéma demande, ce qui en soi, est un bon début.Mais toujours aucuneréponseàmonmessage.

—Lesfilles…Sice«Vince»neluirépondpas,nousallonsvivredesjourssombres,ritMiley.

Jenetelefaispasdire!

Mais plutôt que de confirmer ces propos, j’opte pour un sourire de façade pendant que nousattaquonsleséchauffements.

Cesoir-làenrentrantchezmoi,jem’endorsmonportableprèsdel’oreilledansl’attente…D’unmiracle.

**

Troisjourssontpassés,troislongsjoursoù,lespremierstemps,monportableestrestégreffédansmamain,maispeuàpeu,ilfallaitbienquejeregardelavéritéenface.

Ilnemerépondrapas.

L’enthousiasme et l’espoir se sont envolés me laissant aujourd’hui acculée par le poids desdésillusions,etdeladéceptionaussi.

**

Ce matin, je pars volontairement en laissant mon téléphone bien en évidence sur le bar de lacuisine.Mafaçonàmoidefaireunpieddenezàlasituationdanslaquellejemesuismisetouteseule.Ilesttempsd’oubliertousmesfantasmesetdereprendreladureréalitédemavie,meconcentrersurleconcret.

C’estlegenredepenséesquej’essayedem’ancrerdanslecrânequandunevoiturem’éclaboussedelatêteauxpiedsavecpourseuleexcuse,uncoupdeklaxon.Complètementsurprise,j’ailabouchebéante et je regardemonbeau chemisier blanc complètement recouvert deboue, tout commemonjeansslimquin’estpasdansunmeilleurétat.

Lorsque je reprendsmes esprits, je suis trempée jusqu’aux os avec une odeur nauséabonde quiemplitmesnarines.Lesdentsserrées,jeretourneàmonappartementpourreprendreunedoucheetchangerdevêtements.

Aprèsunpassagerapidesousl’eau,jem’apprêteàreprendrelechemindutravailquand,pouruneraisonquej’ignore,monregardestattiréparlebar.

Justeunpetitcoupd’œil,çanepeutpasfairedemal!

Lorsquej’allumemontéléphone,j’aiunmessage…DeVince.

3

Jeregardefixementmontéléphonecommes’ilfondaitsousmesyeux.Puis,j’appuieunenouvellefoissurl’écranpourlaisserapparaîtreledébutdumessagequidit:

*SalutMia,

mercipourcettephoto.Jevaislagarderpr……

Avantmêmedel’ouvrirpourenconnaîtrelecontenu,j’effectueunedansedelajoiesurCan’tstopthefeeling{4}deJustinTimberlake.

Ilm’arépondu!

Jem’aventuremêmeàfredonnerquelquesparoles.

—Ican’tstopthefeeling!Sojustdance,dance,dance!

Misty, effrayée par mon interprétation médiocre, fait volte-face pour partir se rallonger sur lecanapé.Bon…Etsimaintenant,jelisaiscequ’ilaàmedire…

*SalutMia,mercipourcettephoto.Jevaislagarderprécieusement.Jelaregarderaichaquefoisqueje voudrais me rappeler ma défaite, sois-en sûre. J’espère en tout cas que tu es bien rentrée. Ilsembleraitquetuaiesemportélesoleildanstesbagages.Quedois-jefairepourlerécupérer?Bellejournée.Àundecesquatre…

Jel’ailuaumoinsàcinqreprises.Àessayerdechercherunmessagesubliminal,ouquelquechosedanslegenre,dissimuléentreleslignes.

Ilvagarderprécieusementmaphoto!

C’estàcemoment-làquemoncœurchoisitdefairedesbondspourfinirparéclaterenunvraifeud’artifice disséminant partout des paillettes sur mon âme. Mes jambes, elles, sont prêtes pour unnouvelexploitchorégraphique,maisilyaplusurgentpourlemoment.Jerépondstoutdesuite?Ouj’attendsunpeu?Sij’optepourladeuxièmeoption,combiendetemps,aujuste,faut-ilfairedurerlesuspense?Jen’aipasleCodepénaldeladraguesouslamainetàvraidire,ilm’auraitbienétéutile.Jesuisnulledanscedomaine.

Enrèglegénérale,jevaisdansunbaravecmesamies,onboit,l’alcooldésinhibetousnossens;c’estdenotoriétépublique.Leshommeslesaventbienetarriventtoujourscommeuncheveusurlasoupe. On bavarde de sujets dont on ne se rappellera sans doute pas le lendemain et on terminetoujours chez eux.Puis, arrive lematin, où lamigraine est si terribleque j’aidumal àouvrir lesyeux.Maiselleestencoreplusdouloureusequandj’observemoncompagnondebeuverie.Combiendefoisai-jesouhaitém’arracherunbrasplutôtquedeleréveiller?J’ailafâcheusemaniedetomber

surdestypesquimelancentunregardmatinalquel’onpourraittraduirepar«alorsheureuse?».

Beurk!

Etchaquefoisquejerentreàmonappartement,jemerépèteenboucle«plusjamaisça!».Etjetienslecoup,unesemaine…Deuxsemaines…Puismonutérusmerappellequejen’aiquevingt-sixansetquej’aidesbesoinsàassouvir.Alorsjeressorsetrépètemonerreurencoreetencore…

J’aifiniparpenserquec’estàçaqueserésumemavie:travailleretécumerlesbarsàlarecherched’unmauvaiscoupd’unsoir.

Jedevraispeut-êtrem’offrirunsextoypourm’éviterlesdéconvenues…

Jeresteplantéelààchercherquelleestlameilleurefaçond’agir,mefoutantroyalementd’êtreenretardauboulot.Moncœuretmonespritn’arriventpasàsemettred’accordetçacommenceàmerendrefolle;jedoistrancher!

J’ignoretoujoursquelmessagejeveuxluifairepasser,maislachosedontjesuissûre,c’estquejeveux garder le contact. Alors, forte de ça, je décide de taperma réponse, envoyant, par lamêmeoccasion,audiablel’article3-2duCodepénaldeladrague:

«Celuiquisouhaitesusciterledésir,doitimpérativementrespecterlesilencependantuneduréedevingt-quatreheuresminimum.Celuiquienfreindracetteloiserapunid’uncélibatàperpétuité.»

Aupointoùj’ensuis…

Jesuisdéterminéeetriennepourram’enempêcher.Jedétachedoncchaquesyllabeàvoixhautependantquejelestapesurmonclavier.

*SalutVince.

Merci,jesuisflattée.Effectivement,jesuisbienrentréepeut-être«trop»bien.C’étaittropcourtetlebruitdesvaguesmemanque.Etbienque je trouve taproposition très tentante, je suisauregretdet’annoncerquemalheureusement,lesoleilnem’apassuiviedansmesvalises(j’auraibienaimé!).Enrevanche, je peux te prêterma panoplie : parapluie, imperméable, et bottes de pluie. L’idéal poursurvivreàChicago.N’hésitesurtoutpas!AvecUPS,c’estrapide.Encontrepartie,envoie-moilavestedesT-Birdsetonseraquitte.

Je relis mon message à plusieurs reprises pour éviter de passer pour une nana écervelée auvocabulaire approximatif. Puis, il est temps de soupirer une dernière fois avant d’appuyer sur«envoyer».Voilà!C’estfait!

Sa réponse sera comme une permission à entrer dans son monde, pour mieux le connaître. Jem’aventure à regarder avec attention son profil. Je découvre plusieurs clichés de lui au fil dessaisons. Je lesaime toutes, surtout l’hiver !Sonbonnetengrossemaille sur lecrâne luidonneungenreauquellagentfémininenepeutrésister.

Surtoutpasmoi!

Toutessesphotosdonnentl’illusionqu’ilabeaucoupvoyagéetj’enviecetteliberté.Fairetoutcequiluichantesansjamaisrendredescomptes.Peuimporteàquelmomentontétépriscesclichés,lemoisdernierouilyadixans,ilsembleheureuxetenpaix,mêmelorsqu’ilestprisparsurprise.

Jemedemandecequeçapeutfaired’êtreloindechezsoi,n’avoiraucuneattacheetvivreaujourlejour.Toutplaquer,sansseretourner,seulementavecunsacsurledos.

Jesuissortiediplôméedel’universitéetn’aipasprisletempsdesavourerlemonde.Jemesuisempresséedetrouverunemploi,parpeurd’unepotentiellepénuriedetravail,jesuppose.

Avec le recul, c’était ridicule et pourtant, je me retrouve aujourd’hui avec un boulot, unappartement,unprêtétudiantàrembourser,unloyeretdesfacturesàpayer.Jen’aipaslesmoyensdem’offrirdavantagequ’uncaféchezStarbuck.Heureusement,monbossaeulasuperbeidéed’offrirunesemainedevacancesauxmeilleursd’entrenousetchaqueannée,jefaisensorted’enfairepartie.

Jetravailledur,maisàquellesfins?

J’aitoujourspenséqu’unefoissortieducyclescolaire,jeseraisenfinlibredefairetoutcequejevoulaisetpourtant, j’ai lanettesensationd’avoirquittéuneprisonpouren retrouveruneautre.Lagrisailleenprime!Mêmepourm’apitoyersurmonsort,jen’aipasletemps!Ilfautquejeretourneaucharbonsijeveuxcontinueràmeneruneviederêve.

Ironie,quandtunoustiens…

**

Ce soir, je rentre heureuse d’avoir décroché deux nouveaux contrats. Ce mois-ci, je risqued’explosermonobjectifmensueletj’ensuisravie.

Assisesurmoncanapé,Mistysurlesgenoux,jesuistoujourssansnouvellesdeVince.J’aivoulubraverlesinterditsetn’enfairequ’àmatête,etj’enpayeleprixaujourd’hui.Monmessageestsansréponsedepuisdeuxjours!

Sij’aienfreintl’article3-2ducodepénaldeladrague,Vincelerespecteàlalettre!

Célibatàperpétuité.

Alors,pourm’occuperl’esprit,jefaisbrillermonFacebookparunenouvellephotodeprofil.

Bon…Elledated’ilyadeuxans,maisc’estcelleoùjemetrouvelaplusjolie,cellequipourrait,éventuellement,fairebattrelescœurs.

SurtoutceluideVince!

Dessus, je porte un tailleur noir, nue sous la veste, ce qui met en exergue mon décolleté.Mes

cheveuxsontlissesetj’aioptépouruntraitd’eyelineretunrougecarminsurleslèvres.C’étaitlorsd’unesoiréepourletravail.

Maisça,personnen’estcensélesavoir!

Enphotodecouverture,j’aichoisiunclichédesBahamas.

Quellecoïncidence!

Jesuisallongéeenmaillotdebainsur lesable.Onyvoit justemonbusteetmespieds.Avecenfond,lamerturquoise.Stacyaraison,jedeviensunevraiepsychopathe!

Les changements que j’ai opérés ne tardent pas à faire l’unanimité parmi mes contacts. Les« j’aime»pleuvent,mais toujours aucun signedeVince.Pourtant, j’ai lemoyende savoir s’il estconnectéetc’étaitencorelecasilyauneheure.Cependant,toujoursrien…

Alors,jecontinuedepeaufinermonprofilpourqu’ilsoitparfait.

Àsesyeux!

Desvidéosquimontrentmavivacitéd’espritetmonhumour.Toutmisboutàboutdoittraduirequejesuisphysiquementpastropmal,cultivée,unpeu,maispastrop,avecunbrindemalice.

Lafilleidéalequoi!

MonFacebookestdevenuunvraipanneaupublicitaire.

Vince,achetezMia!Ellenevousdécevrapas!

Jerisàmespropresblagueslorsquemontéléphonesemetàsonner.«Beli»s’affichesurl’écran.Masœur!

—Beli!Commentçava?

—Jedébarque!!!

—Jetedemandepardon?

—Jeviensd’avoirmesrésultats!Jesuisdiplôméeetjeviensfêterça!!!

—Maisc’estgénial.Toutesmesfélicitationspetitesœur.T’eslameilleure.Tuarrivesquand?

—Àlafindelasemaine.Dimancheoniravoirlesparents?

—Évidemment.Tucomptesresterjusqu’àquand?

—Justeleweek-end.J’aitoutbazardéetjem’envolepourLosAngelesaprèsmahalteàChicago.

—Tuvaslefairefinalement?

—Etcomment!J’airemplimapartducontrat,maintenant,jesuislibredefairecequejeveux.

—Situsavaiscommejesuisfièredetoi,réponds-jesimplement.

Etc’estvrai.Masœurestplusexubérantequemoi;elleincarnelajoiedevivre.Unsouriredesapart et on comprend aisément son envie demordre la vie à pleines dents. La canaliser toutes cesannéesn’apasétéunechosefacilepourmesparents.Elleprendlavieavectantdelégèretéqueluiinculquer un cadre et des limites s’était montré très compliqué. Alors mes parents ont adopté lameilleureméthode,ilsluiontdit:

«Obtiensd’abordtondiplômeetensuite,tudéciderasdecequetuvoudrasfaire.Maissitesplansnefonctionnentpas,tuaurastoujoursunealternative.»

Etc’estcequeBeliafait.Elleatravaillé,obtenusondiplôme,etmaintenant,elleveutvolerversd’autreshorizons.Jel’enviepourça.

—«Aslongasyouloveme»{5},dit-elle.

C’estnotrefaçonbienànousdenousavouernossentiments.

J’aitoujoursétéprochedemasœur.Nousn’avonsquetroisansd’écartetsouvent,lesoir,jeluichantaiscettechansondesBackstreetsBoysdont j’étais fan.Etc’est resté.C’estnotre« je t’aime»rienqu’ànous.

—«Idon’tcare,Aslongasyouloveme,baby».{6}

—Àvendredi.

—Àvendredi,réponds-jeavantderaccrocher.

Masœurserad’ungrandréconfortetj’aihâtedelarevoir…

4

Aumatin,mon premier réflexe est de consultermon téléphone. J’attrape l’appareil posé sur lapetitetableetconstatequej’aieffectivementunmessage,maispasdeVince.LenomdeGaryWatsonapparaîtenen-tête.Detouteévidence,onamorduàl’hameçon,maiscen’estpaslebonpoisson.

Maisqu’est-cequ’ilmeveutcelui-là,bonsang?

Garyaété lequarterbackdemon lycée.Àcroirequepourobtenirceposte tantconvoité, il fautavoirunphysiqueaffriolantet,bienentendu,ilnefaitpasexception.Levraiarchétypedujoueurdefootballaméricain!Jenefaispasunegénéralité,jeparleuniquementdecedontj’aiététémoin.

Touteslesfillesétaientraidesdinguesdeluietdurestedel’équipeaussi,évidemment.

J’aiététémoind’unescènebientropvivacedansmonesprit,mêmeencoreaujourd’hui,quiavaitétémonéclairdelucidité.

Après unmatch, je les avais surpris à s’écraser des canettes de bière sur le front avec un rirestupide bien trop sonore à mon goût. Et ce soir-là, j’avais compris qu’un univers complet nousséparait.

Àlafindel’année,monlivretavaitatterriparinadvertanceentresesmainsetcommelégendesoussaphoto,ilavaitnoté:

«SuperGary,leplussexyetmieuxmontédetoutl’Étatdel’Illinois!Jecontinueraiàhantertesrêves»

Etpoèteavecça!

Çafaisaitdesannéesquel’onnes’étaitpasrevuetFacebookestbienpourça:onpeutgarderlecontactàdistance.

JenesaisplusàquelleoccasionGaryetmoisommesdevenusamissurlesréseauxsociaux,alorsquedanslavie,notrebrèveamitiéserésumeà«tusaisoùsetrouvelecoursdelittérature?»,notreseuléchangependanttoutemascolarité.

Enacceptantsademande,j’aisansdouteeuenviedemeprouverquelesannéesavaiententaillésabellegueuleetqu’aujourd’hui,ilétaitgras,saleetentouréd’unedizainedemouflets.

Maislacuriositél’emportesurlesvieuxsouvenirsetj’ouvresonmessage.

Pleindemontagesphoto.

*Hey,Mia,

çafaitunbail!Commentvas-tu?JevoisquetuessurChicagomaintenant.

J’aimontémapetiteaffaireàSugarGrove,situviensrendrevisiteàtesparents,

n’hésitepasàpasser,jeteferaiuneristournesurlavidange!

Àplus.

Jelèvelesyeuxauciel,exaspérée.

Unevidange?Sérieusement?C’esttoutcequ’ilatrouvécommeentréeenmatière?Oualorsc’estjusteunmoyenpourfairesapublicité?Jeluirépondrai…Toutàl’heure…Demain…oupas…Entoutcas,pasdansl’immédiat.

Jejetteunrapidecoupd’œilàmonréveil.Mince!Jesuisenretard!

**

Vendredisoir,àl’aéroport.

Jesuisimpatientederetrouvermasœur.Çafaitplusieursmoisquenousnenoussommespasvuesetj’aihâtedelaserrerdansmesbras!

J’avancedanslegrandhall,prèsdesasortie,etattendspatiemmentsonarrivée.

Au bout de quelquesminutes, les passagers du vol provenant de Philadelphie commencent à semontrer. J’épie chaque voyageur pour ne pas la louper.Quand j’aperçois enfin sa jolie chevelureblonde,jeluibondisdessussansattendre.Ellem’enlacetendrementaprèsavoirposésavaliseetsachaleurmeprocureunsentimentréconfortant.

Àvoirsonsourireetsesyeuxlarmoyants,c’estunplaisirpartagé.

—Onrentreàlamaison?demandé-jetendrement.

—Avecjoie!répond-elle,avantdereprendresonbagageetattrapermonbras.

**

Àl’appartement.

Enentrant,jefoncedanslesalonetdéplieleclic-clac.JelaissemachambreàBeli.

—Quoi?!s’écrit-elle.Nemedispasquetuvasdormirlà-dessus?

—Etpourquoipas?rétorqué-je.J’aipréparémachambreexprèspourtoi,tudevraisêtrecontente.

—Oui,maisquandmême!Jem’incrusteetc’esttoiquipasseslanuitsurlecanapé…

—Leclic-clac!rectifié-je.Etilesttrèsconfortable.Deplus,çaneserapaslapremièrefoisquejedormiraidessus.

Elle souffle et s’avoue vaincue.Elle traîne les pieds jusqu’àma chambre et dépose ses bagagesdanslecoconquejeluiaisoigneusementpréparé.Lesdrapssontpropresetj’aimêmepasséunboncoupd’aspirateur!

**

Aprèsavoircommandédespizzasetachetéunpotdenotreglacepréférée,nousnousétalonsdansle clic-clac et commençons à nous goinfrer de cochonneries, le tout accompagné d’une bonnebouteilledevinblanc.

J’écouteattentivementtouslesépisodesdelaviedemasœur.Enfin,tousceuxqu’elleveutbienmeconfier.Jetentedemettredecôtélesentimentdenostalgiequimesubmergeetm’oppresse.

Beligranditetjenesuispaslàpourvoirça.

J’attrapemonportableetjetteunœilàl’heurelorsqueleprénomdeVinceapparaîtsurl’écran.Lavoixdemasœurdevientrapidementunbruitdefond.

Moncœurpalpiteetuneprofondeenvied’exultermenacedepoindre.

—Mia,est-cequeçava?s’inquièteBeli.

—Oui…Oui…,bredouillé-jemaladroitement.

—Ondiraitquetuviensdevoirunfantôme!

Celui-là,j’aimeraisbienqu’ilhantemesjours…Mesnuits…Toutcequ’ilvoudra!

Maisplutôtquederépondre,jemecontented’ouvrirsonmessage.Unlargesourireilluminealorsmonvisageetilm’estimpossibledeledécrocher.

—Qu’est-cequ’ilsepasse,Mia?insistemafrangine.

—Riendutout…

—Je connais ce sourire…Tuavais lemême le jouroù tu es rentrédu lycée en sautantpartout

parcequeSamPolynski t’avaitdemandéde l’accompagner aubalde find’année.Alors,pasdeçaavecmoi,tuveux!

Ohoui,Sam!

C’étaitmonbadboy.Toujoursvêtud’unblousonàclousencuirnoir,descheveuxmi-longsnoirsquitombaientsursonfrontdefaçontrèssexy.Unjeanstrouéetdesbootsquiavaientunehistoireàracontertantellesétaientusées.Ilavaitunregardàfairepeur.

Ausensproprecommeaufiguré!

Personne n’osait l’approcher,mais j’avais réussi à l’apprivoiser. Je crois que l’histoire que j’aivécueavecluiétaitlemomentdemavieoùjem’étaissentielaplusvivante.Maisc’étaitunartisteetils’étaitenvolépourNewYorkemportantdanssesbagagesdeséclatsdemoncœurqu’ilavaitbriséenchoisissantsacarrière.

Siseulement,ilm’avaitproposédepartiraveclui…

—Tupensesàlui?

Jerelèveaussitôtlatêtedesurprise.

—Àqui?

—Grillée !Tu vois bien qu’il y a quelqu’un !AccoucheSpencer ! ajoute-t-elle en fronçant lessourcils.

—Enréalité,iln’yapasgrand-choseàdire…

—Jeveuxtoutsavoir!Danslesmoindresdétails…,insiste-t-elle

—AuxBahamas,j’airencontréungarçon…

—Jelesavais!mecoupe-t-elle

—Tuveuxconnaîtrel’histoireoutuvasm’interrompretouteslescinqsecondes?

— Excuse-moi… C’est juste que ma sœur qui rencontre un garçon…Ça n’arrive pas tous lesjours…

Elle semetà ricanerdoucementet jemecontentede soupirerd’exaspérationenmemassant lestempes.

N’importequoi!

—Etdonc?

—Benvoilà,tusaistout!réponds-je.

—Tusaisquej’aivingt-troisansetquej’aidéjàvuleloup?Alorselleestoùlapartieinterditeauxmoinsdedix-huitans?Celleoùilt’afaitjouircommecen’estpaspermisetoùtuesrentréeenboitantcommeuncanard?

—Ilnes’estrienpassédetoutça…

—Mêmepasuntouche-pipi?

—Mêmepas…

—MaisMia,qu’est-cequejevaisbienpouvoirfairedetoi?

Sérieusement?

—T’estellementdésespéréequetupratiquesdusexnetmaintenant?

—Maispourquoituveuxmettredusexepartout?

—Paspartout!Uniquementdanstonvagin!s’exclame-t-elleenagitantlesbrasenl’air.

—Beliiiiiii!!!

—Ben,quoi?Çaprendlapoussièretoutça!Encoreunpeu,ettuvasservirdecobayepoursavoirauboutdecombiendetempssanscoucheronpeutredevenirvierge!

—T’arrêtesdediretesbêtises!Tusaistrèsbienquec’estimpossible!

—Hum…Quandjetevois…J’endoute…

—Etpuisd’abord!J’aidesaventures…

—Ahoui?Etladernièreremonteàquand,aujuste?

—Euh…Deuxmois…,j’dirais…C’étaitpourl’anniversairedeMiley…

Ellesoupireetgrimaceavantdereprendredeplusbelle:

—Tuplaisantes?!C’étaitilyasixmoisaumoins!!!

—Qu’est-cequet’ensais,toi?

—Jelesais…Parcequetum’asappeléecomplètementivrepourm’annoncerquetut’apprêtaisàcoucheravecunsosiedeNickCarter!{7}C’estdeschosesqu’onn’oubliepasça…Crois-moi!

—Maiscesderniersmois,jedevaisexploserlesobjectifssijevoulaisavoirunechancedefairepartieduvoyage.Ettuvois,lesjourssontpasséssansquej’yprêteréellementattention.

C’estvraienplus!J’étaistellementconcentréesurmonboulotqueletempsestpasséàlavitessedel’éclair.

—Tuvasvendredesphotocopieurstoutetavie?

—Non…Maisenattendant,çaremplitlefrigo!

—Si tuveuxmonavis…Cen’estpas çaquidevrait être rempli…,poursuit-elle en roulantdesyeuxetencroisantlesbrassoussapoitrine.

—Beli!Tuveuxbienarrêters’ilteplaît!

—Jedisaisçajustepourt’aider…

—Etpuis,çavaquoi…Leshistoiresd’unenuit…Çanemènenullepart…

—Bien…Bien…AlorsqueteracontetonbeauVince?

J’ouvredonclemessagetantattenduetlelisàvoixhaute.

*Ilsembleêtrerevenu.Gardetapanoplie,tupourraisenavoirbesoin.

Pourleblouson,jevaisvoircequejepeuxfaire…

Àplus,jolieMia.

Etc’esttout?Onvasecontenterdeparlermétéoetças’arrêtelà?

Mesépauless’affaissentsouslepoidsdeladéception,maislepire,c’estquejen’osepasleverlatêtepourlirel’ironiedusortsurlevisagedemasœur.Maissaréflexionnesefaitpasattendre.

—Ouh,c’estchaud!raille-t-elle.

—Arrête…Tuveux!

—Cemecteplaît,non?lance-t-elleenserapprochantunpeuplusdemoiavantdemedonneruncoupd’épaule.

—J’aipeurderépondre…

— Pas la peine, ça se voit comme le nez au milieu de la figure ! Ce garçon te plaît et tu luiconseillestonimperméable?C’estçatafaçondeluimontrerqu’ilt’intéresse?

Ellesemetàmesecouerdoucement.

—Detoutefaçon…,ajouté-jeenlarepoussantgentimentavantdemereculer.Ilestàdesmilliersdekilomètres…Alors,àquoibon?

—Situascherchéànouerlecontact,c’estqu’ilyavaituneraison,non?

Elleesttenace!

—J’enavaisenvie,c’esttout!m’agacé-je.

—Maisàquellesfins?

—J’ensaisrien!

—Moi,jesais.Ilteplaîtettuleveux.C’estaussisimplequeça!Alors,montre-luibonsang!

—Jevaisyréfléchir…

—Non…Jeteconnais.Tuvascogiter,prendreleproblèmedanstouslessens,joueràtonjeudequestion-réponse dont toi seule as le secret pour au final, te dégonfler. Passe-moi ton téléphone !ordonne-t-elleentendantlamaindansmadirection.

—Horsdequestion!

—Mia,tusaismieuxquequiconquequequandjeveuxquelquechose,jel’obtienstoujours.Alors,donne-le-moitoutdesuite!

Jemelèved’unbond,bienaccrochéeàmonportable,etfonceverslasalledebain,mettantainsifinàcetteconversationabsurde.

**

Àmonretour,Beliaregagnémachambreetjedécidequ’ilesttempsdemecoucheraussi.

Je suis assez surprise qu’elle abandonne si facilement, mais tellement rassurée à la fois. Jem’endorsavecl’objetdenotrediscordeprèsdemonoreiller.

**

Au petit matin, je suis réveillée par une délicieuse odeur de café et dès que j’ouvre les yeux,j’entendslespancakesfrétillerdanslapoêle.

Ellechantonneavecmoneffroyabletablierautourducou,surlequelestinscrit:

«Soyezindulgents,j’aiétéembauchéepourmonphysique».

Jem’approche,àmoitiéendormie,lesourireauxlèvres.

—Bonjour.

—Bonjour,grandesœur!Biendormi?

—Çapeutaller,merci.Uneminute…Depuisquandtucuisinestoi?

—Depuisque j’aicouchéavecuncommisbossantdansun restaurant troisétoiles,plusde troisnuitsd’affilée!Goûteça…Etdis-m’endesnouvelles.

J’attrape un pancake et mords dedans. Dès la première bouchée, je dois admettre qu’ils sont àtomber.Presquemeilleursqueceuxdenotremère!

—Tudevraislegardercelui-là!

— Dommage. Il est reparti en France. Mais au moins, il m’a fait découvrir les orgasmesgastronomiques!rit-elle.

Jesourisàmontouretmonœilestsoudainattiréparmonportableposésurlecomptoir.

Iln’estpasàl’endroitoùjel’airangéhiersoir.

Puisd’uncoup,toutdevientclair.

—Beli,qu’est-cequetuasfait?

—Dequoituparles?répond-elleinnocemmentencontinuantdes’activer.

—Mon téléphone ! Il n’était pas làquand jeme suis endormie !Tume l’aspiquépendantmonsommeil!Nemedispasque…

— Je t’ai juste donné un petit coup de pouce…, se justifie-t-elle faussement gênée. Tu meremercierasplustard!

Jem’empressedelerécupérerpourvoirl’étenduedesdégâts.

*Raviedel’entendre,Vince.

Voicimonadresse619,WestRandolphStreet.

Promis,dèsquejelereçois,jet’envoieunephotoseulementvêtuedublouson.

Oui,tuastrèsbiencompris…

Elleasignéavecunsmileyfaisantunclind’œil.

Beurk!

Jevaislatuer!

5

—Mia…Disquelquechose!

—Parlerpourneriendire,cen’estpasmongenre,réponds-je,lesyeuxtoujoursconcentréssurlaroute.

—Allez…Quoi…Depuisvendredi,tun’aspasdesserrélesdents.

Etc’estencorelecasmaintenant.

—Çava,soufflé-jeententantd’écourterlaconversation.

—Arrête!Hierauciné,tun’aspasditunmotnonplus.

—Lecinéman’estpasl’endroitidéalpouravoirunediscussion.

—STOP!Nemelafaispasàmoi,d’accord!D’habitude,tum’inondesdequestionsparcequetuveuxtoujourssavoircequ’ilvasepasseravant!

Jecroisquej’aitendanceàoublieràquijem’adresse.Etunefoisdeplus,çametapesurlesnerfsqu’ellemeconnaisseaussibien.

J’aidûmemordrel’intérieurdelalèvreunecentainedefoisaumoinspourm’empêcherd’ouvrirlabouche.

—Allez !!! Je t’en prie, je t’ai dit que j’étais désolée. S’il te plaît, parle-moi ! Il reste encorecinquantekilomètresavantd’arriveràSugarGroveetj’enpeuxplusd’écouterIfeelloveenboucle.

Mavoiture,c’estleseulluxequej’aipum’offriretjen’ensuispaspeufière.C’estuneCoccinelledecollectionblanchedécapotable.Etbienqu’ellenesoitpastoutejeune,elletienttoujourslaroute.Deplus,jel’aiachetéeavecmonpremiersalaire:c’esttoutunsymbole!Seuleombretableau,unecassetteestrestéecoincéedanslepostedatantdelamêmeépoquequelevéhicule,sansdoute,etc’estDonnaSummerauxcommandes.

—Bienfait!

—Tuvoisquetum’enveux!

—Évidemment!Tuasfaitquelquechosedansmondosettum’asfaitpasserpour…pour…Ladernièredeschattesenchaleur!

—Ahoui…Effectivement…Situcommencesàprononcerdesgrosmots,c’estquetuesvraimentencolère!raille-t-elle.

—Beli!crié-je,exaspérée.

—Quoi???J’aijustevouluterendreservice.

—Endisantàunmecqu’ilallaitrecevoirunephotodemoiàpoil!

—C’étaitsimplementt’aideràpasseràl’étapesupérieure.Sinon,vousalliezresterdanslaphase«Ohtuasvuaujourd’hui,ilpleut!Penseàprendreunelaine,sinonturisquesd’attraperfroid!»

—T’esimpossible!

—Tumeremercieras,tuverras.

—N’exagéronsrien!

—Danscecas,pourquoituneluiaspasrenvoyéunmessagepourluidirequecen’étaitpastoil’auteuredumessage?

—Jen’avaispasenviedepasserpourunegamine…

—Maisbiensûr!

—Tuasdéjàdûmarcherjusqu’àlamaison?

—Tunelaisseraispastasœurpréféréesurleborddelaroutequandmême?

—Tuveuxparier?

Ellecroiselesbrassoussapoitrine,feignantd’êtreblessée.

—Bien.Alorsmaintenantferme-la.

Etc’estensilencequenousterminonsletrajetjusqu’àcheznosparents.

Mêmesic’estunvraibonheurdeseretrouverpourunrepasdominical,çaprometd’êtredecourtedurée.

Notremère nous attend sur le perron et la personnequi se tient près d’elleme fait perdremonsourire.

Maisqu’est-cequ’ilfoutlàlui?

Masœurlereconnaîtrapidementetlasatisfactionselitsursonvisage.

—Jesensqu’onvabiens’amuser!

C’estbienlapremièrefoisdepuisunedécenniequej’aienviedelagifler,maisceneseraitqu’undommagecollatéral.Dèsquenousclaquonsnosportières,ilsviennentànotrerencontre.

—Meschéries !Mia,çane t’ennuiepas, j’espère…J’ai invitéGaryWatsonàse joindreànous

pourlerepas.

Jemecontentedelaserrerdansmesbrassansévoquerlefonddemapensée.

—Tu te souviens de lui ?Vous étiez dans lamême classe au lycée, ilme semble. Il a repris legaragedesonpèreetc’estenallant fairecontrôler lavoitureque jesuis tombéesur lui. Ilaeu lagentillesse de me faire une ristourne sur la vidange alors pour le remercier, je l’ai conviéaujourd’hui.

Benvoyons!

J’adressesimplementunsourireforcéàGarysansdesserrerlesdents.

Ilal’airheureuxd’êtrelà,ouentoutcas,ilendonnel’illusion.

Mamèreplace samaindans lebasdemondos ainsi que sur celui dema sœur et nous invite àentrer.Uneodeurdecannelleemplitlamaison.UnseulregardavecBelietnoussavonsqu’ellenousapréparénotredessertpréféré:ungâteaupomme-cannelle.Lemeilleurdetoutl’État.

Monpèreestdanslesalon,confortablementinstallédanssonfauteuilfaceàunmatchdebase-ball.Dès qu’il nous aperçoit, il se lève promptement pour venir nous serrer à son tour dans ses bras,chacuneàtourderôle.

—Mespuces,commentallez-vous?Vousnousaveztellementmanqué! lance-t-il lesourireauxlèvres.

—Çavapapa,merci,réponds-jesimplement.

—Papa…Jenesaispassic’estparcequeçafaitunpetitmomentqu’onnes’estpasvu,maisturessemblesdeplusenplusàRichardGere!ajoutemasœur.

Aussitôt,monpèrebombeletorseensepassantlamaindanslescheveux,fierdececompliment.Quantàmoi,jelèvelesyeuxauciel,irritéeparlecomportementdeBeli.

Mon père ne ressemble en rien à Richard Gere et ma sœur le sait pertinemment. Je ne peuxm’empêcherdel’attraperparlebrasetdeluichuchoteràl’oreille:

—Paslapeinedeluicirerlesbottes,tulesaurastesvingtdollars!

Jenemesouviensplusexactementàquelmomentçaacommencé,maisquandnousavionsdixans,monpèrenousdonnaittoujoursvingtdollarsàchacuneennousprécisantàchaquefois:

«tiens,tut’achèterastoutcequetuvoudras»

On attendait cemoment comme le camion dumarchand de crèmes glacées,mais aujourd’hui…C’esttoutsimplementtouchant.

Ilrefusecertainementdenousvoirgrandir.

—Lesenfants…Onvapasseràtable!criemamandelasalleàmanger.

Noussavonstoustrèsbienqu’ilnefautpastraînersinousnevoulonspasnousattirerlesfoudresdelamaîtressedemaison.

Monpèreéteint,àcontrecœur,sonmatchdebaseballetnousregagnonslatable.

Bienévidemment,jesuisassiseàcôtédeGary.

Pour l’occasion, il a revêtuunechemisebleue,prèsducorps,pourque l’onpuisse admirer sesmusclesbientaillésetunjeansbleunuitassezmoulant.Ilnousaépargnélacravate.

Alléluia!

Je prends place et il me fait le plus beau sourire qu’il a en magasin auquel je réponds parcourtoisie.

Masœurprendplacejusteenfacedemoiavecunplaisirnondissimulé.

Mamèrearriveenfinavecdanslesmainsunpaindeviande,suiviedeprèsparmonpère,chargédeporterlespommesdeterreetlasalade.

Chacund’euxprendplaceàchaqueextrémitédelatable.Puis,unsilenceinconfortables’installe.

Aumêmemoment,monportablesemetàsonneretmamèrefronceimmédiatementlessourcils.

—Mia…Paspendantlerepas,gronde-t-elle,unairmauvaissurlevisage.

—Oui,maman.Pardon.Jel’éteins.

C’estcequejem’apprêteàfairequandjeremarquequej’aiunmessagedelui.

*Mia,c’estbientoi?Outut’esfaitpiratertoncompte?

En me levant pour aller le déposer dans le salon, j’en profite pour lui écrire rapidement unnouveaumessage.

*Désolée,unemauvaiseblaguedemasœur.

Pourlapremièrefois,saréponsenesefaitpasattendre.

*Cen’estpasqueçamedéplaise…Maiscen’étaitpasl’imagequejemefaisaisdetoi.

Jememetsàsourireet retrouvecettesensationqueseuls lesmessagesquenouséchangeonsmeprocurent.

*Tiensdonc…Etquelleest-elle?

—Mia!Maisqu’est-cequetufabriquesàlafin?Onestàtable!meréprimandemamèredepuisla

salle.

Jedéposemontéléphoneavecregretetretournem’asseoirprèsdenotreinvité.

—Excusez-moi.

Masœur,de l’autre côtéde la table,mime lesmots«c’était lui » et je lui répondsde lamêmemanièreunsuperbe«ferme-la».

Mamèreseraclelagorgeetnousnousmettonsàmangerensilence.

Aumomentdudessert,alorsquetoutsepassesansencombre,Garylanceunpavédanslamare.

—Ilyaunerencontred’anciensélèvesdansunedizainedejoursetjemedisaisqu’onpourraityallerensemble.Mia,qu’enpenses-tu?

J’ai failli m’étrangler avec mon morceau de gâteau ! Alors que je m’apprête à décliner soninvitationavectoutelapolitessedontjesuiscapable,mamèremeprenddecourt.

—Envoilàunemerveilleuseidée!

Jemeretourned’unbondpourluifaireface,ivredecolère.

—Maman!

—Qu’ya-t-il?demande-t-elleinnocemment.

—Jepeuxteparleruneminutedanslacuisine?

Elleselèved’unemanièreélégantequilacaractérisesibien,etmesuitendépassantlaportequinousséparedusalon.

Sansattendreunesecondedeplus,jem’écrie:

—Jepeuxsavoiràquoitujouesaujuste?

—Tupeuxêtreplusclaire…Jenevoispasdequoituparles.

—D’abord,tul’invitesàmangeràlamaison…Etmaintenant,tumejetteslittéralementdanssesbras!Depuisquandest-cequetujoueslesentremetteuses?

—Garyestungarçoncharmant.Ilaunesituationcorrecteetc’estuncélibatairesansenfant.C’estunbonpartipourtoi.

—Maman.Jet’aime,maisjen’aipasbesoindetoipourmechoisirunpetitami.

—Maisçafaitdesmoisquetuesseule!Etàpartcevoyouquetunousasramenéunefois,tun’esplusjamaisrevenueaccompagnée.Jem’inquiète,tusais…

—Jevaisbien.EtSamn’étaitpasunvoyou,ilavaitjusteunlookunpeudécalé.MaisGaryWatson,franchement!Oùest-cequetuesalléepêchercetteidée?

—Ilneteplaisaitpasaulycée?

—Paslemoinsdumonde!

—Laisse-luiunechance,c’estunbongarçon,tusais…

—Tudisçaparcequ’ilt’afaitunevidangeaurabais?

— Pas uniquement…, sourit-elle.Mais tu devrais aller à cette réunion d’anciens élèves, je suiscertaine que ça peut être amusant… Fais-le pour moi. Et puis comme ça, tu resteras dormir à lamaison.

Qu’est-cequej’aihorreurdesonregarddechienbattu!JesaisdequiBelitiresonpouvoirdetoutobtenir.

—Trèsbien.Maisuneseulefoisetensuite,jeneveuxplusenentendreparler!

—Jetelepromets!

Ellemeprenddanssesbrasetnousregagnonslesalonpourretrouvertoutlemonde.

AvecGaryetBeli,onapassé l’après-midià feuilleternosalbumsdu lycée,ànous ressasserdevieuxsouvenirspendantquemamères’activaitdans lacuisineà tout fairebrilleretquemonpèreavaitremislachaînesport.

Jem’absenteuninstantpourconsultermontéléphoneetsuissurprise,unefoisdeplus,deconstaterqueVincem’arépondu.

*Jet’imaginedouce,pleined’esprit,avecbeaucoupd’humouraussi…Unechouettefilleensomme.

*Merci,c’estgentil.

Jesais…Maréponseestnulle.Maisqu’est-cequejepouvaisbienrajouter?Lebipd’unnouveaumessageretentit.

Ilestbavardaujourd’hui.

*Ettoi?Commentmevois-tu?

*JesupposequederrièretesairsdeDonJuan,secachequelqu’und’intelligentetdecultivé.Tuécrisbien,jeveuxdireparlà…Sansfautes.Tutesouciesdumondequit’entoureetjesuisquasimentsûrequetonphysiquetepèseparfois.Cetteétiquettedebeaugossequitecolleàlapeauempêchelesgensdeteconnaîtrevraiment…

*Intéressant…

*Jemetrompe?

*Jemedemandesurtoutcommenttuaspudevinertoutça.

*Facile.Lejouroùnoussommespartis,quandmoncollèguet’ademandédeprendreunephotoavecmoi,dèsqu’ilamentionné«lebeaugosseduclub»,tonvisages’estaussitôtferméetj’aicomprisqueçat’affectaitd’êtrecataloguédecettemanière.Maisaussiqu’ilfallaitquejegratteunpeupoursavoirquisecachaitvraimentderrièrelebadgede«Vince»dessportsterrestres.

*Jesuiscontentquetul’aiesfait.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, ou plusieurs. Je souris niaisement à mon téléphone,commes’ilpouvaitmevoir!

J’aienviedevalsertellementjesuisheureuse.Jenesaisnicommentnipourquoi…Maisquelquechosevientdesedébloquerentrenousàcetinstant.Commesinousvenionsdedéverrouillerlaportequinousséparait.Celleparlaquelle,jenepouvaisentrevoirdesrayonsbrillantsetchaudsfiltrantparendessous.Maisdésormais,nousavonsréussiàl’ouvriretjepeuxalorsvoirlesoleilbriller.

Jesuistoutexcitéeparlatournurequeprendcettehistoire.

6

Avantdepartir,Belietmoiavonsserrénosparentsdansnosbras.

Mamère a insisté pourmedonner un sac réfrigéré contenant des plats préparés pour aumoinstoutelasemaine.

Sicen’estplus!

Samanièrebienàelledes’assurerquejemangeconvenablement.

Gary est parti quelquesminutes plus tôt et nous nous apprêtons à en faire demême. Je déposesoigneusementlesacsurlaplagearrièredelavoitureetcalmement,nousmontonsenroute.

Àpeineavons-noustournéaucoindelaruequelesconversationsvontdéjàbontrain.Commesionavaitattendud’échapperàl’œilavisédemaman.

—TuvassérieusementterendreàcettesoiréeavecGary?

—Jen’ensaisrien…,réponds-je.

—Entoutcas,ilesttoujoursaussibeau.Etpeut-êtremêmemieux…

—Jetelelaisseavecjoies’ilteplaîttantqueça…

—Nedispasdebêtises,iln’avaitd’yeuxquepourtoi.

—C’esttrèsparticulierceladit.Commentpeut-ilmeregarderdecettemanièreaujourd’hui,quandilyadesannéesdeça,j’étaiscomplètementtransparente?

—T’aschangé…T’asdesseinsmaintenant!

Etonsemetàpoufferderire.

Leresteduvoyages’estdéroulédanslabonnehumeur.

Une fois de retour à l’appartement, nous avons pris chacune notre tour une douche pour nousdétendre.

Àpeine sortie de la salle de bain,Beli se jette sur la télécommande et zappe pour s’arrêter surNetflix:

—Jeconnaisunesériedutonnerre!Tuvasaimer!Ças’appelleNewGirl.

Auboutdedeuxépisodes,cesoap{8}dansl’espritFriendsnouvellegénérationm’aconquise!C’est

plutôtdrôleetassezdistrayant!

Belialaboucheouverteetnequittepaslatélévisiondesyeux.

—Aufait!ToujourspasdenouvellesdubeauVince?

—Ons’estéchangéquelquesmessagestoutàl’heure…

—Et?

—Etc’estcool…,ajouté-jed’unairdétaché.

Elles’assiedpourmefaireface.

—Ouais…Sitaboucheledit…Tesyeux,enrevanche,sontsemblablesàceuxdeWolfiedevantlescourbesd’unejoliefille!

— Ilme plaît beaucoup, c’est vrai. Et j’ai ce pressentiment quime pousse à croire que si je leconnaissaisdavantage…Ceseraitbienplusqueça.

—Ma sœur chérie, je t’aime. Je suis la première à t’inciter à t’amuser et à te lâcher.Mais faisattention à toi. Préserve-toi. Je ne suis pas bien sûre que cette histoire te mène là où tu voudraisqu’elle le fasse. Ilestàdesmilliersdekilomètres,entourésde trèsbellesfemmesauquotidien.Cequejeveuxdire,c’estquetudoisêtrelaplusdétachéepossiblefaceàtoutça.Jet’aidéjàvuelecœurbriséetjen’aipasenviederevivreça.

—Ça n’arrivera pas…, la rassuré-je. Je ne suis pas stupide au point de tomber amoureuse surinternet!

Masœurouvrelabouchepuislareferme.Sonregards’estrembruni.Aulieud’allerjusqu’auboutdesespensées,ellepréfères’allongersurlecanapé.

Belisilencieuse,c’estrare!

Aulieudemecreuserlesméningespoursavoircommentinterprétersonmutisme,jedécidedemeconcentrersurlatélévision.

Aprèsavoirregardéunénièmeépisode,Beliselèvepourregagnersonlit.

Demain,jelaraccompagneraiàl’aéroportavantd’allertravailler.

Je m’allonge et place une couverture légère sur moi. Avant de m’endormir, je prends montéléphonepouractiverl’alarmepourdemainmatinquandjemerendscomptequej’aiunmessagedeVince.

*Bonnenuit.

Jevérifiel’heured’envoi:ilyadixminutesàpeine.Jedécidealorsdefaireéchoausien.

*Bonnenuitàtoiaussi.

Saréponseestinstantanée.

*Tunedorspas?

*Non,c’estMisty.

*Quiça?

*Sonchat.

*Trèsdrôle!

Unepointed’humour,çan’ajamaistuépersonne,si?

*Désolée,c’étaittroptentant…Trêvedeplaisanteries.J’allaisyaller…Toiaussi?

*Ohnon!Bientroptôt…J’aiencoreduboulot.

*Dutravail?Maisilestplusde23heures!

*Àtourderôle,nousdevonsfaireactedeprésenceàladiscothèque.Etcesoir,c’estmontour.

*Unpetitcocktailenbonnecompagnieetçadevraitt’aiderdanstondurlabeur.

*Tuveuxbienresteravecmoi?

*Ceserasanslachaleurhumaine,désolée.

*Jem’encontenterai.

*Commetuvoudras.Alorsjereste.

**

Montéléphonesonne.Jel’attrape:ilest5heures30.

Jemetourneetm’étire.Bonsang!Jedonneraistoutpouravoirunehacheàportéedemainpourexploserceportable!Maisenrepensantàlaraisonpourlaquellejen’aidormiquedeuxheures,unsourire naît sur mes lèvres. Impossible de le décrocher, même lorsqu’en me levant pour medégourdirunpeulesjambes,jemarchedansleboldecroquettesdeMisty.

LorsqueBeliselève,àlatêtequ’elleaffiche,jediraisqu’ellen’apaseusonquotadesommeil.

—Pourquoitusouriscommeça?medemande-t-elle,unbrinagacée.

—Pourrien…

—Toi,tuaspassélanuitàdiscuteravectonDonJuan!

—Qu’est-cequitefaitdireça?

—Jevoisquelaconversationquenousavonseuehieraportésesfruits!ironise-t-elleenoubliantsciemmentlaquestionquejevenaisdeluiposer.

—Café?

—Avecjoieetundoublebienserré,s’ilteplaît.

Vingt-cinq minutes plus tard, nous vérifions qu’elle a bien tout et nous prenons la route pourl’aéroport.

Ilyacettebouledansmapoitrinequigrossitpeuàpeu.Devoirdireaurevoiràmasœurmerendunpeunerveuse...J’ignorequandnousnousreverronsetçam’attristeterriblement.

Laplupartdutemps,ellemetapesurlesnerfs,maisqu’est-cequejel’aime!Sadésinvoltureestunvraibold’airfraisdontj’avaisbienbesoin.

**

Aumomentdenousdireaurevoiravantsonembarquement,leslarmesdanslesyeux,ellefinitparlaisserparlersoncœur.

—Mia,viensavecmoi.

—Tuvasarriveràallerjusqu’auxcontrôlescommeunegrande,j’ensuiscertaine!

—Maisnonnigaude!JeteparledepartiravecmoiàLosAngeles.

Jeposemamainsursonfront.

—T’essûrequetutesensbien?

Ellemelaretiresansdélai.

—Jeneplaisantepas!Onprendraunappartement toutes lesdeuxetonpourrapasserdu tempsensemble.Jeveilleraisurtoiettoisurmoi,tuvois…Onseracomplémentaires.

—Beli,jenepeuxpasquitterChicago.J’aiuntravail…

—Et???

—Et…Desamis,unevoiture…,balbutié-je.

—Toutça,tupourraisaussil’avoiràL.A.!

Elleavraimentl’airsérieuse.Mais,jenepeuxpasfaireça.MavieestàChicagoetjenepeuxpastoutplaquersuruncoupdetête.

—Cen’estpasenvisageable.

—Mia,prendsdesrisques!TupourrasvendredesphotocopieursàLosAngelessiçatechante!

—Beli,pascommeça…Tucroisquec’estaussisimple?

—Biensûrqueçal’est,ilsuffitdelevouloir.

LavoixdanslemicroannonceledernierappelpourlesvoyageurssurlevoldeBeli.Jeluiadresseunfinsourireavantde laserrerdansmesbras.Ellenecachepassadéceptionalors je tentede luiremonterlemoral.

—Tuvaslesmettreàtespieds,Beli.Montre-leurquitues!

—Tuvasmemanquer,marmonne-t-elle,sonnezdansmoncou.

—Moiaussi.

—«Aslongasyouloveme»

—«Idon’tcare,aslongasyouloveme,baby»,souris-je.

Puis,jel’airegardées’enallervivresavie.

Jenemefaispasdesoucipourelle,quoiqu’elledécide,elleseralameilleure.Elleestnéepourêtreuneétoile.Çameréconfortede l’imaginer toutdéchirerà l’autreboutdupays,etpourtant,çan’interromptpasleflotdelarmesquidéferlesurmesjoues.

Jeprendsuninstantpourmecalmeravantderetourneràmavoiture,quandmontéléphonesemetàvibrerdansmonsac.Jepenseimmédiatementquec’estunderniermessagedeBeli,maisnon,ilestdeVince.

*Commenttutesens?

Il se souvient que j’aimentionné le départ dema sœur lors de notre conversation nocturne : laraisonpourlaquellej’avaisdûl’écourterpourdormirunpeu.Etcettepenséem’arracheunsourire.

*Pourêtrehonnête,mal.Ellememanquedéjà.

*Jevaisteconfiercequemongrand-pèremerépétaitsouventetjeteprometsqueçam’aaidé,mêmeencoreaujourd’hui.Çafaitdéjàplusieursannéesquejequittelamaisonpoursillonnerlemondesansrevoirtousceuxquej’aime,parfoispendantdelongsmois,doncjemeraccrocheàcesmotsetçamefaitdubien.

«L’absencegranditl’êtreaimé,leparedequalitésquesouventiln’apas,estompelesdéfautsqu’ila.»

*C’estjoli.

*Jetrouveaussi.

*Jepeuxtedemanderpourquoitufaisça?

*Faisquoi?

* Pourquoi tu essayes deme remonter le moral alors que tu es sur une des plus belles plages dumonde?Tupourraistoutsimplementdiscuteravecdesclientsderésultatssportifs(désolée,j’ignorequelleesttonéquipefavorite!)oubienprofiterdetapausepourboireuncocktailavecunparasolàpaillettes.Etaulieudeça,tueslà…

* Oui, je pourrais… Mais je ne sais pas pourquoi… T’imaginer dans un hall d’aéroport, seule.M’attristebeaucoup.

*Oh…

*Jetevoisvenir…Jeconnaislelangagedesfillesetjesaistrèsbiencequesignifiece«oh…».Etneprendspasmes intentionspourde lapitié, tu ferais fausse route.C’est simplementque, si je lepouvais,jeteconsolerais,maiscommejenepeuxpas,lesmotsleferontpeut-êtrepourmoi.

*Bien,alorsc’estgentil.Merci.

*Gentil?C’esttout?Cen’estpastrèsviril…

Il a réussi son pari : il m’a fait rire. Je lui suis reconnaissante d’être « là » en de pareillescirconstances.

Cepetitjeumeplaîtdeplusenplus.

*Àquoitut’attendaisexactement?

*Jenesaispasmoi…«Tuesmonsauveur»…Ou…«Monsuperhéros»,tuvoislegenre!

*Eneffet,jevoistrèsbien…Toutenmodestie…

*Nejamaiss’encombreraveclamodestie,çafreineratoujourstonascensionverslaréussite.

*C’estunpointdevue…

*Maisjesuistrèssérieux.Situesbelle,n’aiepashonte!Situesintelligente,mêmecombat!Etsitudoisêtrelameilleuredanscequetuentreprends,alorsfonce!Onnegagnejamaislerespectd’autruitantqu’onneserespectepassoi-même.

*C’estuneconversationbientropsérieusepouruneheureaussimatinale!

* Il n’est jamais trop tôt pour s’offrir sabelle vie.Tun’enasqu’une et elle t’appartient.À toi desavoircommenttuveuxlamener,etjusqu’où…

*Qu’est-cequetuessayesdemedire?

*Bon…L’heured’êtrehonnêteasonné.Tudoisêtrepersuadéequependanttonséjourici,jenet’aipasvue,maisbienaucontraire.Jet’aiobservée,attentivement.Cernertapersonnalitéaétéunjeud’enfant,etaujourd’hui,plusj’avanceetplusj’aienviedeteconnaître.Lesjourspassentetj’essayetoujours de m’expliquer pourquoi mes pensées dérivent constamment vers toi. Je t’en prie, ne meprendspaspourunpsychopatheetnedésactivepas toncompteaprèsavoir lucemessage.Maisaumomentoùjet’aiaperçueauterraindebeach-volleylapremièrefois,j’aitoutdesuitesuquetuétaisquelqu’unde foncièrementgentil.Tudégagesquelque chosequim’a touchéet venir teparler étaitdevenu un but à atteindre. Je savais que le courant passerait entre nous et quand tu es partie, jen’avaispasenviederomprececontact.Etlorsquetul’asfait,j’enaiétéravi,puisjemesuisravisé.Un grand nombre de filles l’avait fait avant toi et aumoment où elles ont compris que je ne leurdonneraispascequ’ellessouhaitaient,ellesm’ontinsulté.Çam’arefroidi,jel’admets.C’estpourçaquej’aivoulugardercettedistanceavectoipendanttoutcetemps.Puis,quandtum’asparlédecettephoto,età lamanièredont tum’asdécrit, j’ai suquenouspourrionséchangersanscrainte.Tunet’étaispasarrêtéeaupanneau«bellegueule»quejetrimbalesurmonfront.Tuascontinuétaroutepourallerjusqu’àmonâme.Jenepouvaisplusfairemarchearrière,jedevaistelaisserentrer.

Jeliscemessageattentivement,etpourêtresincère,jen’arrivepasàsaisirlesenscachéentreleslignes. Ces mots sont beaux et doux. Pourtant je me sens blessée et touchée à la fois ; drôle decocktail!

Qu’est-ce qu’il veut dire ?Nous sommes de simples amis ?Ou des âmes sœurs ? J’ai peur decomprendre…

Encoreunefois,moncœuretmonespritselivrentunebataillesansmercietjecrainsdeconnaîtrelevainqueur.

7

Vendredi soir est arrivé à une vitesse folle. J’ai boycotté l’entraînement toute la semaine pourrester bien au chaud avec mon smartphone sur mon canapé. Vince fait désormais partie de monquotidien. Je mange avec lui, je regarde la télé avec lui et je travaille même avec lui. Il estomniprésentdans tout ceque j’entreprendsdemanièrenaturelle. Ilme fait rire comme il réussit àm’émouvoiraussi.Jesuisencoresurprisequecetterelationvirtuelleaitprisunetelleplacedansmavieaupointd’êtreenmanquedanslesinstantsoùnenoussommespasconnectés.Ons’estdécouvertdiverspointscommunsquinousontdavantagerapprochés.Entreautres,onapprécietouslesdeuxlesport en général, les festivals musicaux et le cinéma. Mais ce soir, je dois mettre tout ça entreparenthèsespoursortirboireunverreavecStacy,AlyetMiley.Ellessaventpertinemmentlaraisonpourlaquellejesuisauxabonnéesabsentescettesemaine,oudumoins,elless’endoutent,lemomentestvenudesejustifier,jesuppose.J’envoietoutdemêmeunmessageàVincepourleprévenir.

*Aujourd’hui,pasdediscussionjusqu’à02heuresdumatin.Jet’accordeunesoiréederepos.

*Merci,gentedame.

*Jemedemandebiencequejevaispouvoirfairedetoutcetemps…

*Tereconnecteràlavieréelleparexemple…

*Jen’enaipaslamoindreenvie…

*Moinonplus.

*Alors,resteavecmoi.

*Tuesfou.Çasevoitquetuneconnaispasmesamies.Ellesseraientcapablesd’enfoncerlesportesetdem’extrairedemonappartementcontremavolontéetsansménagement.Tuasenviequejecourecerisque?

*Non.Maiscommentleurenvouloir?Jesupposequej’agiraisdelamêmefaçonsij’étaisdanslesparages.

*Elleesttrèsbiencettedistance,tusais…

*Développe…

*Etbien…Cachéederrièretonécran,tupeuxdiretoutcequ’iltepasseparlatête,toutestspontané.Iln’yapasleregarddel’autrequipèseetquipourraitaltérertoncomportement.Tuvois?

*Tu insinuesquesinousdevionsavoircesmêmesconversationsen faceà face, tonattitudeseraitdifférente?

*Yadeschances,oui.

*Tuasun sérieux travail à faire sur toi,Mia.Le regarddesgens sur toi peut êtredifférent d’unepersonneàl’autre.Bienveillant,généreux,médisant,courroucé…Maispeuimporte,ilnedoitjamaisinfluencercequetues.Parcequ’entrelapersonnequitefaitfaceettoi,tuescellequisaitmieuxquequiconquecequetuesetcequetureprésentes.Alors,montre-leursansciller.Çafaitdesjoursquel’ondiscuteetsansmêmetevoir,jepeuxsentircettelumièrequiémanedetoi.Mia,n’aiepaspeurdebriller.

*Commentdireçasanspasserpourunefolle…Tumefaisdubien.

*Jesouffredumêmesyndrome.

*Qu’est-cequ’ilnousarrive?

* Aucune idée. Je n’y pense pas vraiment. Tout ce que je sais, c’est que jeme sens bien quand jediscuteavectoi,jen’aiaucuneenvied’ymettrefinetçamesuffit.

*Jen’auraispasditmieux!

*Disdonc,tunedevaispastepréparer?

Jeregardeuninstantl’heuresurlapenduledemacuisineetm’écriedestupeurquandjeremarquequ’ilnemeresteplusqu’unedemi-heurepourm’apprêter.

* Tu as raison. Je dois y aller ! Le temps tourne à une vitesse folle quand on est ensemble, c’estincroyable.

*File!!!Sinontesamiesvontdevoirdéployerl’artillerielourde!

Underniermessageavecunsmiley rigolopourclorenotreconversationet jecours jusqu’àmachambre.

Unefoisentenueetprêteàpartir,jedécidedeluienvoyerunephoto.Chosequ’entempsnormal,je n’aurais jamais osé faire, mais avec lui… C’est comme si les barrières derrière lesquelles jem’étaiscachéependanttoutescesannéesavaientcédésouslepoidsdesonenthousiasmeetsafaçonàluidevoirlemondedanssasimplicité.

*Mevoilàprêteetàl’heure,s’ilvousplaît.

*Pourquoi tun’aspasmiscetterobeauxBahamas?Oh,etpuis,non…Maisellen’estpasunpeucourte?

*C’estbientoiquim’asditquejenedevaispasmetrouverbelledanslesyeuxd’unautre,maisdansmonproprereflet,non?

*Exact.

*Alors,elleestparfaite!

*Parfaite.Passeunebonnesoirée,jolieMia.

*Toiaussi.

Jepousseunsoupirpleind’amertumeenquittantnotrediscussion.J’auraistellementaiméresterlà,dansnotrebulle,bienauchaud,maisau lieudeça, jeprendsmonsacetmavestedans l’entréeetclaquelaportesansmêmemeretourner.

Il suffitd’undétail,n’importequoi,pour fairemachinearrière. Jedoisaussiécoutermaraison,ellemesuppliedegardermesdistances,denepastropm’investirdanscettehistoire.Onsefaitdubienmutuellement aujourd’hui,mais c’est sans doute éphémère. Il se lassera de nos échanges partéléphoneinterposéunjouroùl’autre…Etjedoismeprépareràcetteéventualité.Sortiretprendredureculfaceàtoutçaestidéal.

Les fillesm’ont donné rendez-vous dans notre repère.À quelques rues demon appartement, leLagunitasTaproom.Lepaysmerveilleuxdelabière!

Lorsquej’entredansceténormehangar,jelesretrouveattabléesprèsducomptoiràrireauxéclats.Dèsqu’ellesm’aperçoivent,ellesselèventtouteslestroispourmeserrerdansleursbras.Stacyfaitsigneauserveurd’apporterunebièresupplémentaireetnousreprenonsplacedansl’alcôve.

—Tunesemblespassouffrante.

—Qu’est-cequ’ilt’afaitpenserça?demandé-jeàStacy,surpriseparcettequestion.

—Jenesaispas…Tun’espasvenuecettesemaineauxentraînements. J’aidoncsupposéque tuétaismalade.

Je baisse le regard sur mes doigts entrelacés, laissant le sentiment de honte prendre peu à peupossessiondemoi.

—C’estàcausedecegarçonn’est-cepas?s’enquierttimidementAly.

LevisagedeVinceapparaîtdevantmesyeuxetunsourirenaîtsurmeslèvres.

—J’aivujuste!sautilleAlysursonsiège.

—J’aipassémasemaineàdiscuteravecluisurlenet.

—Et?

—J’adorepasserdutempsaveclui,voilàtout.

—Yaplusqueça?ajouteStacy.

—Commentpourrait-ilyavoirplusqueça,alorsqu’ilestàdeskilomètresd’ici?

—Tusaisdenos jours…Onpeutsedéplacer trèsfacilement.L’avion,parexemple,peutêtre lasolutionàtonproblème!ironise-t-elle.

—J’aidéjàdumalàbouclermesfinsdemois.UnbilletpourlesBahamasestbienau-dessusdemesmoyens.

—Fairel’amourvirtuel,c’estbienaussi!Çaévitebiendestracas…,philosopheMiley.

Nousnousmettonsàriretoutesenchœurettrinquonsausexesanstracas!

Les bières défilent et nos clameurs de joie sont de plus en plus sonores, signe que l’alcoolcommenceàbattresérieusementdansnosveines.

Plus la soirée avanceetplusmoncorps s’engourdit au rythmedespintesposées sur la table.Etpourtant,lesentimentdemanques’intensifieetdevientdeplusenplusoppressant.

Jejetteunœilàmontéléphone.Detouteévidence,ilarespectémonsouhaitdepasserunesoiréesanslui.Pourunmecquiprétendsavoirdécrypterlelangagedesfilles,pourquoin’a-t-ilpascomprisquejemeursd’enviequ’ilreste?

Bonsang!

Mesépauless’affaissentsousmaculpabilitéetmonsourires’évanouit.L’euphorieadisparupourlaisserplaceauxregrets.

Mileys’enaperçoitrapidement.

—Çanevapas?

—Jepensequejevaisrentrer,annoncé-je.

—Tuveuxqu’onteraccompagne?medemande-t-elle.

—Non,jeteremercie.Çavaaller.

—Bien,mesourit-elleconfuse.

Jelesembrasseuneàuneetsorsdubarentitubantjusqu’àchezmoi.

**

Deretour,jemedirigeavecquelquesdifficultésjusqu’àmoncanapé,montéléphoneenmain.

C’esttoujourslesilenceradio.

Jefixel’appareilaupointd’enloucher,maislesminutess’écoulentetpasdenouvelles…

Lapatiencen’étantpasmonfort,jedécidedeluienvoyerunmessageenpremière.

*Jesuisrentrée.

Unedemi-heureplustard,pasderéponse.

*Tumemanques!

Àpeine ai-je pianoté ces troismots, que jeme rends compte dema stupidité. Il faut que jemerattrape.

*Jene veuxpasdireque tumemanques commeonpourrait le laisser sous-entendrequandonestamoureuxouquelquechosecommeça.Enfin,tum’ascomprisquoi…

Qu’est-cequetupeuxêtrenulle!

*Désolée,jem’enfonce.

Ilestclairqu’écriresousl’effetdel’alcoolestunecatastrophe.Complètementatterrée, jedécided’allermecoucherenespérantquedemain,magueuledeboisembrumecesouvenirembarrassant.

Allongéeetsur lepointdem’endormir, la lumièrede l’écrandeportablem’extirpedemonétatsecond;j’aiunnouveaumessage.

J’attrapel’appareil;c’estVince.

*Mia,tuasbu?

*Çaselit,non?

*Eneffet…

* Je te demande pardon, mais ce soir, je voulais vraiment être avec toi. Physiquement, j’entends.J’auraisaimémeblottir dans tesbras, te sentir prèsdemoi.L’envie est tellementprésenteque çam’oppresse…

*Mia…Tuasbu.Dorsetdemain,tunet’ensouviendrasplus.

*Aucontraire,nedit-onpasquelorsqu’onestsaouls,lessentimentss’éveillentsansplusrienpourlesempêcherdejaillir?

*Peut-être…

*Quelquechosenevapas?

*Jepensequ’ondevraitsedéconnecterpendantquelquesjoursetprendreunpeuderecul.

*J’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas?

*Cen’estpasça…Çan’arienàvoiravectoi.C’estjusteque…çavanousfairedubienàtouslesdeux.

Cesmotsm’étranglent,mespoumonssevidentde tout leurairalorsquemes larmessontsur lepointd’admettreladéfaite.

Jerépondssimplement:

*Commetuvoudras.

Jeserremonoreillerdetoutesmesforcesetm’endorstoutensanglotant.

**

Au réveil, les yeux rougis et gonflés, je me lève, comme à mon habitude, pour rejoindre lamachineàcafé.

Aufildespas,lessouvenirsdelaveillemesortentdecebrouillardépaisdanslequeljemetrouveettoutestintact.

Àregret!

Jerelislesmessagesquenousavonséchangéshieretlamélancoliereprendsesdroits.

Commentenest-onarrivéàcerevirementdesituation?

Lapetitevoixenmoiconnaîtlaréponse:j’aitoutfichuparterreavecmonsentimentalisme…

Pour tenter de me distraire, je laisse défiler mon fil d’actualité sur Facebook ; un bon moyend’avoirdesnouvellesdemesamissansvéritablementfaired’effort.

Puis,jetombesurLAphoto.

LEclichéquivientd’éclaterpourdebon labullequeVinceetmoiavionscréée.Lamêmedanslaquellenousétionstouslesdeuxàl’abri.Uneespècedebouledeneigequel’onsecouepourvoirvirevolterlespaillettes…

Àprésent,cettedernièrevientd’exploser,desebriserenmillemorceauxsurlecarrelagedemacuisine,ettoutça,enquelquessecondesàpeine.

UneamiedeVincel’anotifiésurcettephoto.Iln’yapasdelégende,maisinutile,leclichéparledelui-même.Elleadûêtreprisependantque j’étaisaubaravec les filles. Il s’agitdedeuxcoupesdechampagne posées sur le sable, les bulles de ce liquide doré encore frémissantes, et l’on peut

apercevoirenfond,lameràpertedevue.

Quoideplusromantique!

Unmélangededouleuretdecolèredivisemoncœur.

Sansattendre,jeluienvoieunmessagequin’attendpasderéponse.Jamais!

*Tuasraison.Restonsenlà,c’estmieux.

Puis,danslafrénésiedumoment,j’enadresseégalementunàGary.

*Unerobepouruneréuniond’anciensélèves,c’estapproprié?

L’heuredelavengeanceasonné.

8

Lesjourspassentetunecolèresansfaillesm’animetoujours.Jeneparvienspasàmerésoudreàlesupprimerdemoncompte.Tireruntraitsurtoutecettehistoiren’estpassifacilequeça.Cependant,legardercontinued’attiserlesfeuxdemarancœur.Ilfautabsolumentquejepenseàautrechose,quejepositive.

Jecomptaisrentrerchezmoiceweek-end,retrouverdesamisdelycéequejen’aipasrevusdepuisdesannéesafindefairejaserlesplusprétentieuxenarrivantaubrasdeGary.Mais,maconscienceestpluspragmatique.

«Tuvasretrouverdespersonnesquinesavaientpasquetuexistaisàl’époqueetquitejetterontauvisageleurbonheuretleursituationbienconfortablependantquetuleurraconterasàquelpointtavie est pathétique. Tu t’apercevras alors qu’ils t’écoutent d’une oreille distraite parce queGary alâchétonbraspourretrouverlabelleMandy.»

Lepire,c’estqu’elleasansdouteraison.Maisdansquellegalèremesuis-jeencorefourrée?Ilesttroptardpourannuleretàchoisir,jepréfèreservirdefaire-valoiràGaryplutôtquederesterchezmoiàmemorfondre.

**

Cettesemaine, jesuisbiendécidéeàreprendre lesentraînements.Etquandmesamiesm’ontvuepasserleseuildugymnase,ellesonttrèsvitecomprisqu’ilnevautmieuxpasmentionnerlenomdeVince.

Maism’entraînern’estpassuffisant,alorschaquesoir,jevaiscourirauborddelarivièreChicago.J’essayedefairetairemonesprit.J’aibesoindesilence;unsilenceapaisantetabsolu.Maisrienn’yfait.

Unefoisdeplus,Vincearespectémesdésirsaupieddelalettre,cequirendmonhumeurencoreplusmaussade.

Je me déteste d’avoir plongé dans cette histoire tête baissée sans réfléchir, et révéler messentiments fera sans aucundoute la riséedemespairs.En effet, comment expliquer àquelqu’un àquelpointj’aipum’attacheràungarçonalorsquejenel’aivuqu’uneseulefoisetquenousavonspassélerestedutempsàéchangerquelquesmotspartéléphoneinterposés?

Onvasefoutredemoi,c’estcertain.Mêmemoi,j’enriraistellementlasituationestabsurde.Maisjen’enaitoutsimplementpaslaforce.

Jemetraînechaquematinetmesclients,euxaussi,s’aperçoiventdumalaise.Maisenréalité,jenefaispaslemoindreeffortpourlecacher…

Jesuismalheureuseetjeveuxquelemondeentierlesoitégalement.

Ridicule!

**

Vendredi.

JerentredutravailetdécidedenepasattendreetderentrerchezmoiàSugarGrove.

J’aiprislenécessairepourypasserleweek-end.Toutcequejeveux,c’estm’allongerlibrementsurledivandusalonpendantquemamèremecaressedistraitementlescheveux.

Cette idée me donne envie d’appuyer sur le champignon, mais ma voiture n’est pas apte à merendreceservice.Alorsjesuisobligéed’écouterDonnaSummerdiretouthautcequejepensetoutbasavecsafoutuechansonCoulditbemagic{9}.

Etbienquecesoituncoupdusort, jem’acharneàsortircettecassette,maisrienàfaire.Donnacontinueàhurlerdansmesoreillesd’unevoixsifflante:

«EverytimeI’mnearyou,whirlinglikeacycloneinmymind.»{10}

J’éteins violemment le poste radio, mais le vacarme du moteur commence à me donner lamigraine.J’optedoncpourlatorturemusicale.

Vas-y,Donna,aupointoùj’ensuis,nargue-moi!

Etellenes’estpasgênéejusqu’àcequejeparvienneàdestination.

Je suis arrivée tard et pourtant, ma mère a préparé mon assiette. Et lorsqu’elle a entendu levrombissementdevantl’entrée,elleamisleplatàréchauffer.

Mêmesilepouletetlesharicotsvertssontappétissants,jenepeuxrienavaler.

Mamèremeregardeinquiète.

—Mangequelquechose.Tuaslevisagecreuxetleteintblafard!finit-ellepardire.

—Merci,maman,maisjen’aipasfaim.Justeunthé,çaira.

—Jevaismettretonassietteaufrigosijamais,danslanuit,tuasunepetitefaim…

—Faisonscommeça…,tenté-jedelaréconforter,avecunlégersourire.

Avecmonmugencorefumant,jeparsrejoindremonpère,assis,commeàsonhabitude,danssonfauteuildevantunénièmematchdefootball.

Ilmeconnaîtmieuxquepersonneetsaquestionmenouecruellementleventre.

—Ladernièrefoisquejet’aivuelaminetriste,c’étaitaprèstaruptureavecSam.

J’essayededéglutirsesmotsdumieuxpossible,maisrienàfaire,jen’arrivepasàlesavaler.

—Çan’arienàvoir!réponds-jefroidement.

—Jedisaisçacommeça…Jenevoulaispast’offenser.

Je préfère me taire parce que je suis incapable de lui expliquer ce qui me met dans cet état.Commentlepourrais-je?Alorsquemoi-même,j’aiencoredumalàlecomprendre.

Mamannousrejoint,etcommejel’espérais,ellepasselerestedelasoiréeàmecaresserensilencelescheveux.

**

Lelendemain

Mamèreadécrétéquenousdevonspasser la journéeentrefilles.Jesaispertinemmentqu’elleauneidéederrièrelatête.Ellevatoutmettreenœuvrepourquejesoislapluséblouissantepossiblecesoir.Jen’yvoisaucuneobjection.

Alors,aprèslepetit-déjeuner,nouspartonsarpenterlesruesdelaville.

À lami-journée, elle dévoile lamoitié de son plan.Elle a envoyé valser la robe noire que j’aichoisiepourcesoirenlaremplaçantparuneautretoutaussimagnifiquedecouleurrougeavecundécolletéàrasducou,moulanteàsouhait,ets’arrêtantàmi-cuisses.

OnfaitétapechezTina pourdéjeuner.Et cet après-midi, d’après ceque j’ai compris,nousnousrendonsausalondecoiffure.

Pendanttoutlerepas,ellem’amitrailléedeconseilsentoutgenre.Entempsnormal,j’auraisréagienlâchantun«maman,tuveuxbienarrêter,s’ilteplaît!»,maisunejournéeàsescôtésabsorbedéjàlepeud’énergiequ’ilmereste.Alorsjerestelà,àl’écouterpassivement.

Nousavonsterminénotremarathon,commejel’avaisprévu,chezlecoiffeur,celuioùbosseCarl,l’hommequimeconnaîtdepuisdesannéesetquisaitcequej’aimeniveaucheveux.

Jem’installesurunechaisependantqu’ilplaceunecapesurmesépaules.Etjelelaissefaire.Coupdeciseauxaprèscoupdeciseaux,ilredonneformehumaineàmatignasse.Puis,iltermineletoutenlabouclant.

Lerésultatestpasmal.Exactementceàquoijem’attendais!

Jeleremercie,etmamanetmoireprenonslechemindelamaisonafinquejepuissefinirdemepréparer.

Le trajetest rapideetunefoisàdestination, je foncesous ladouche.L’eauchaudemedélasseetj’appréciecemoment.Unefoissortie,jeretournedansmachambred’enfant.CellequejepartageaisautrefoisavecBelietquiestrestéetellequenousl’avionslaisséeavantnotredépartpourlavraievie.Absolumentrienn’abougé.

J’enfilemarobeenessayantdenepasmelaisseratteindreparceparfumdenostalgiequiinondelapièce.

Jem’installeensuiteàlacoiffeusequenousavionsdécoréeavecdesphotosdenous,entourantlemiroir.Ellessontlestémoinsdenotrecomplicité,etça,depuisleplusjeuneâge.

Ilarrivequ’onsechamaillecommeilestdecoutumeauseind’unefratrie,maismalgrétout,c’estmasœur,maconfidente,mameilleureamie.

Les larmes coulent surmon visage et je les laisse faire pourme rappeler à quel point ellememanqueetàquelpointjemesensatrocementseule.

Enadmirantmonreflet,jeremarquequemesyeuxsontrougisetmonvisageestcruellementblanc.Aussitôt, jememetsdeuxgifles surchaque jouepourmedonneruneoncedecourage. Je soupirepourextériorisermonmal-êtreetcommenceàmemaquiller.

Jechoisisdunoirsansexagérerpourlesyeux,dublushsurlesjouespourtenterderattrapermonteintblafardetenfin,unrougeàlèvrescarminpourmettreenvaleurmabouche.

J’accessoiriseavecunepairedebouclesd’oreillespendantescouleuroretunetouchedeparfumchypré{11}pulvériséauxendroitsstratégiques.

Jesuisentraindem’observerdanslemiroirquandj’entendsmamèrehurleraubasdesescaliers:

—Chérie!Garyestlà!

Je passe une dernière foismes doigts dansmes cheveux pourm’assurer que tout est parfait etdescendslesmarchespourlerejoindre.

Lorsqu’ilmevoitarriver,sesyeuxs’écarquillent.Jesourismaladroitement.Unefoisàsahauteur,ilmeprendlamainetdéposeundouxbaisersurledosdecelle-ci.

—Tues…Tuesépoustouflante,lance-t-ilenmedétaillantdelatêteauxpieds.

—Merci,c’esttrèsgentil.Tuestrèsbeauaussi,bredouillé-jetimidement.

Mamèreestauxanges.Sonsourireenditlong.Ellearriveencoreàm’embarrassermêmeàmonâge!

—Nebougezpas!Jevaischerchermonappareilphoto!

Qu’est-cequejedisais!

Garyetmoiéchangeonsunregardamusé.

Finalement,quandelle revientavec l’appareilenmain, jemeprêteau jeuet tape lapose.Quandtoutàcoup,uneidéebrillantetraversemonesprit.

Eurêka!

Elle continue de prendre des clichés et lorsqu’elle finit, je lui tendsmon téléphone, tout en luiexpliquantlonguementcommentl’utiliser.

JeretourneauprèsdeGary,réduisantnotreproximitéaumaximum.Ilsemblesurpris,maisneditrien.J’adopteunairdécontractéetsûrdemoi.

Cheese!

Laphotoenfinprise,noussaluonsmesparentsetprenonslaroutepourlasoirée.

Enchemin,jepostediscrètementnotreclichésurFacebookaveclalégende«onestprêts».

**

Unefoisaugymnaseoùsedéroulentlesfestivités,jejetteuncoupd’œilàmonportable.Maphotoestdéjàcouronnéedesuccèsetles«tuesmagnifique»,«vousformezuntrèsbeaucouple»pleuventencommentaires.

Satisfaite,jesorsdelavoiturepourprendrelebrasdeGary.

Retourner dans cet endroit me rappelle notre bal de fin d’année et malgré tous les derniersévénements,jemesensplusforteenpénétrantdansleslieux.

L’adolescentequej’étaisn’auraitjamaisportéunerobepareilleetn’auraitpasassumélesregardsbraquéssurelleàcetinstant.

Pourêtrehonnête,j’aienviedefaireunbrasd’honneuràtouscesgensquimefixentetcomplotentàvoixbasse.Maismonsourireetmonassurancesontlaplusbelledesrevanches.

Siautrefois,j’avaisététransparente,cesoir,ilsn’ontd’yeuxquepourmoi!

Gary quittemon bras pour aller nous servir du punch et quelques anciens camarades de classeviennentmesaluer.Commejeleredoutais,cegenredesoiréeestunvraidéballagepourenmettrepleinlavueàtousceuxquenousavonsperdusdevueduranttoutescesannées.

Moncavalierrevientetmonopolisetoutel’attention,commeill’atoujoursfait.Çanemedérangepaslemoinsdumonde,bienaucontraire!

Au loin, j’aperçois alors un type que je connais : David Simons. On avait cours de physiqueensemble.

Jem’excuseauprèsdelabandequis’estforméeautourdenous,maisilssonttoussiabsorbésparlesexploitsfootballistiquesdeGarydatantd’unedécenniequ’ilsn’yfontmêmepasattention.

Jeparsm’asseoirprèsdeDaviddanslesgradins,maiscederniernesemblepasmereconnaître.

—DavidSimons,c’estbientoi?lancé-jealors,unpeusurlaréserve.

Ilseretourne,surpris.Visiblement,j’airaison.

—MiaSpencer!Onavaitlecoursdephysiqueencommun!poursuis-jeentenantdeluirafraîchirlamémoire.

—Exact!Mia!Tuastellementchangé!

—C’estletemps…,ricané-je.

—Alorsilafaitdubonboulot!

—C’estgentil.Commentvas-tu?

—Très bien. Jeme demande pourquoi je suis venu ici. Après toutes ces années, je ne partagetoujoursrienaveccespersonnes.Jecroisquej’avaisespéréqu’ilssoienttousbedonnants,dégarnisetquelapuberténelesaitpasvraimentquittés.

Jememetsàpoufferderire.

—Enquoic’estdrôle?

—Parcequej’avaisespérélamêmechose,réponds-jeentredeuxgloussements.

Cettefois,nousrionstouslesdeuxdevantlesinistrespectaclequis’offreànous.

—Avecquies-tuvenue?mequestionne-t-il.

—GaryWatson.

Ilnecachepassasurpriseetunlargesourireétiremeslèvrescarmin.

—C’estunelonguehistoire,maispourrésumer:c’estpourfaireplaisiràmamère.

—Oh!Jevois!ricane-t-il.

—Tudevraislerejoindre,non?

—Oui,maisquand,aujuste?Avantouaprèsqu’ilaitterminédefairetournerMandyAdams?

Sonregardvadanslamêmedirectionquelemien.GaryetMandysontsurlapistededanse,danslesbrasl’undel’autre.

—Jesuisdésolé,dit-il,visiblementgêné.

—Nelesoispas.J’avaisl’intimeconvictionqueçasetermineraitcommeçadetoutemanière.Etcen’estpasplusmald’ailleurs.

Alors nous restons là à évoquer des vieux souvenirs et à rire à gorge déployée en nousremémorant les coursoùnous avionsdûdisséquerunegrenouille. Jedois admettrequeça fait unbienfou.C’esttrèslibérateur,jepasseunagréablemomentetjen’aiaucuneenviequeças’arrête.

David a fait le déplacement exprès pour cette soirée en laissant sa femme et sa fille dans leKentucky.

Nousavonsfiniparquitterlegymnaseetjecroisbienquepersonnen’avraimentremarquénotredépart.

Unefoisdehors,jeluipropose:

—Çatediraitd’allerChezTinapourmangeruneglace?

Ilacquiesced’unhochementdetête.

Etc’estcequenousavonsfait.Heureusementqu’àcetteheure,c’esttoujoursouvert!

Puis,unedemi-heureplustard,ilesttempspournousdenousdireaurevoir.

Ilm’a gentiment raccompagnée devant chezmes parents, je l’ai remercié pour avoir sauvémasoiréeetnousavonsriunedernièrefoisavantdenousquitter.

Avantmêmedepasser lepasde laporte, je retiremesescarpinsquimefontunmaldechienetregagnerapidementmachambre.

J’arrachepresquemarobeetmeglissesouslacouverture.J’attrapemontéléphonedansmonpetitsacàmainpourréglerl’alarmequandjemerendscomptequej’aidesmessagesdeVince.

*Salut.

Il me l’a envoyé quelques minutes seulement après que j’ai posté la photo avec Gary. Cettecoïncidencemefaitsourire.

*Jesuisdésolé.

Celui-là,uneheureaprès.

*T’asgagné!Jesuisjaloux.

Ce dernier, il y a à peine quarante-cinq minutes. Puis mon portable vibre entre mes mains ;nouveaumessage.

*Jesaisquetuliscequej’écris,jelevois.

Regarde-lebiendanscecas,parcequejenerisquepasd’yrépondre!

Bonnenuit,Vince!

Jem’endorssatisfaite.Monplanafonctionnéàmerveilleetilesttempsqu’ilmordelapoussièreluiaussi.

C’estlesourireauxlèvresquejerejoinslepaysdessongesenrepensantàsesmots:

«T’asgagné!Jesuisjaloux».

9

DepuisqueVinceestentrédansmavie, toutest sensdessusdessous. Il aébranléma tranquillitéd’unebiendrôledemanièresansmêmeenavoirconscience.Aupointoù,lorsqu’iladûensortir,jemesuissentiecommeperduedansunetempêtedesableenpleindésert.

Depuisplusieursjoursmaintenant,ilestrevenu,oudumoins,ilaessayé.Jesuisprêteàluiouvrirune nouvelle fois la porte, mais avant ça, j’ai besoin de le faire mariner encore un peu. Qu’ilcomprennequejenesuispasunsimplejouetqu’onjetteetqu’onreprendquandonn’ariend’autrepour s’amuser. Il m’a blessée profondément et mon silence traduit ma peine. Cependant, il estdéterminé.Jereçoischaquejourun,deux,voiretroismessages,tousidentiques«Jesuisdésolé»,aufildesjours,ilessayed’innoveretsesexcusesvarientselonsonhumeur…Enallemand,espagnolouitalien.Cequialedondemefairesourire.C’estdifficiledetenirmesdistances.Chaqueminute,j’aienviedecéderàlatentationpuisjemerappellecesmots:

«Tuasgagné,jesuisjaloux.»

Etjedésireconservermonascendantencoreunpeu.Cettepositiondeforcemedonneclairementdesailes.Aupointquelorsqueje joueauvolley, j’ai lesentimentdesauterplushaut,autravail, jesuis capable de dépasser mes limites. Que je le veuille ou non, il est devenu capitaine de mesémotions.QuantàGary,luiaussimeharcèledemessages,ilestconvaincuquesij’aiquittélasoiréeprécipitamment,c’estparcequejen’aipassupportédelevoiravecMandy.Quandj’yrepense,jenepeuxm’empêcherderire.Jesaiscommentilpourraitsefairepardonner.IlfautjustequejeretourneàSugarGrovepourça,maispastoutdesuite,riennepresse.

**

Dixjoursmaintenantquejejoueàcepetitjeuetçamesembleêtreamplementsuffisant.Jedécidedoncd’ymettrefindèscesoir.

Jesuisentraindeprendretranquillementmonpetit-déjeunerenpensantàcequejepourraisbientrouvercommeentréeenmatièrequandonsonneàlaporte.Surprised’avoirdelavisiteàuneheureaussimatinale,jebondisdemachaise.

À travers le judas, j’aperçois trois hommes avecdes canotiers sur la tête. Je fronce les sourcilscherchantcequ’ilspeuventbienmevouloir.J’entrebâillelentementetdèsqu’ilsvoientuneouverture,ilsseglissentàl’intérieursansyêtreinvités.

—VousêtesbienMiaSpencer?

—Euh…C’estpourquoi?

L’und’eux,trèssérieuxdanssoncostumedepaillettes,prendlaparole.

—C’estvousouiounon?

—Çadépend…Vousallezmechanterunechanson?

—Onnepeutrienvouscacher!

—Sijevousdonnedixdollarsàchacun,onpeutéviter?

—Vincenousavaitprévenusquevousdiriezça,renchérit-il.

—C’estVincequivousenvoie?

—C’estl’auteurdumessageeneffet…

Jerougis,flattéeparsadémarcheetétonnéequ’ilpuissemeconnaîtreàcepoint.

—Alors?s’impatientel’und’entreeux.

—Jevousécoute.

C’estuntélégrammechantédontlesparolesrésumentcequ’ilessayedemediredepuisdesjours.Ilfautsoulignersonimaginationetsadétermination.Unefoisqu’ilsontterminé,lederniermetendunpaquet.

—Aurevoir,mademoiselle.

—Aurevoir,messieurs.

Ilsôtentleurschapeauxpourmesalueretsortentsansattendreàlarecherched’unenouvelleâmeenpeineàquichanterlasérénade.

Jemeretrouveseuledansmonhalld’entrée,cecolisentrelesmains.Jel’observesoustouteslescouturesàlarecherched’unindice,maisrien.

Maisouvreidiote!

Jefoncejusqu’àlatabledelacuisineetsansperdreuneminute,réduisenmietteslepapierkraft.Sousunfilm,se trouveunemassenoireet jecomprends toutdesuitedequoi il s’agit. Je le retiredélicatementpourmelaisserletempsd’assimilercettesurprisedetaille.Puis,jerelèveleblousondecuir plié en quatre et le retourne aussitôt pour découvrir les inscriptions T-Birds et là, je sautelittéralementdejoieeneffrayantMistyallongéesurlecanapéavecmeshurlements.

Elles’enremettra!

Jenepeuxplusattendreuneminutedeplus,ilfautquejeluienvoieunmessage!

Jemetsenplacetouteunemiseenscènepourl’occasionenespérantquel’effetsoitréussi.Jefais

plusieursclichésavantd’obtenirlemeilleur.Puis,ilesttempsd’yajoutermalégende.J’aiposésurmon lit seulementvêtuede ceblousonet d’unboxernoir.Tout est suggéré, riende choquant. J’aiébouriffémes cheveux et noircismon regard pourme donner un côté un peu rock. Je lui envoiejuste:

*Ellemevabien,tunetrouvespas?

Plutôtsatisfaitedemesprouesses, jeprends lechemindu travailavantd’êtreenretard.Jesuisàpeineaubasdesescaliers,quejesensmontéléphonevibrer.

*WOW!!Sexy!Sij’avaissu,jetel’auraisenvoyéplustôt!

Lesmileyquiestjointàsonmessageaveclesyeuxexorbitésetlabouchegrandeouvertemefaitmourirderire.Undeuxièmenesefaitpasattendre.

*Çaveutdirequ’onfaitlapaix?

*Ilfaudraittoutdemêmeenparler,tunecroispas?

*Tuasraison.

*Cesoir?

*Cesoir.

*Tum’asmanqué.

Intentionnellement, jene répondspas, jepréfère restersurcettenotequimedonnedubaumeaucœur.

Si j’ai débuté cette journée avec un sentiment de légèreté, en rentrant chezmoi ce soir, je suisgagnéepar l’angoisse.Qu’est-cequ’onvaseraconter?Est-ceque jesuisprêteàentendrecequ’ilcomptemedire?Commenttoutçavaseterminer?Tantdequestionsquimettentmesnerfsàrudeépreuve.Cen’estpasdansmeshabitudes,maisavantquetoutcommence,ilmefautunremontant.Jenemesaouleraipas, ladernière foisa fait tropdedégâts,mais justeunverre,pourmedonnerducourage!

J’attrapeunebouteilledewhiskysousl’évier,unpeudeglacedanslefreezer, jeverseleliquidedansungrandverre. Je fais tinter lesglaçonspendantquelquessecondeset leboisd’un trait.Moncorpstoutentiertressailleaurythmedufeuquis’insinuelangoureusementdansmesveinestandisquej’agrippe l’évier de toutes mes forces en tentant de recracher les flammes qui feraient taire cetincendie,seulunsimplefiletdebaves’échappeavecdisgrâce.

Çam’apprendraàjouerlesBudSpencer!

Jeregagnemoncanapé,lesyeuxencorelarmoyants,quandsoudain:nouveaumessage. IlestdeVince.

*Paroùdois-jecommencer?

*Ledébutsembleêtreunebonneidée…Situmeparlaisdecettefilleavecquituasbuuneflûtedechampagnesurlaplage.Autantrentrerdanslevifdusujet,tunetrouvespas?

*Oh…Ça!

*Oui…Ça…

*Cen’étaitrien.Jesaisqueçapeutprêteràconfusion,maisc’étaitjusteunverreavecuneamie.

*Uneamie?

*Oui,Paola.C’estuneemployéequitravailleàlarestauration.Ellemegardechaquematinunpainauchocolatavantquelesclientsnelesemportent.Etquandarrivelejourdemonplatpréféré,ellememet une assiette de côté. C’est toutes ses petites attentions qui font que j’ai une tendresse touteparticulièrepourcettefemme.Maintenant,avantquetumeledemandes,sonmariAntoniotravailleencuisine.Cesoir-là,onasimplementbuunpeudechampagnedansunjolicadrepoursescinquanteans,riendeplus.

*Bien.

*Tumecrois?

*Illefaut…

*Mia.Jenesaispascommentt’expliquer…

*Etsituparlaisavectoncœur…

*J’aimeraisbien…Maisilestcomplètementlargué!

*Ettaraison,quetedit-elle?

*J’aivoulul’écouteretregardeoùçanousamenés…

*Alorsqu’est-cequ’onfait?

*J’en saisabsolument rien.Maisunechoseest sûre : j’aibesoinde toi. J’ai consciencequec’estcarrémentdingueetcomplètementabsurde.T’esàdesmilliersdekilomètresdemoi,tuastavieetj’ailamienne.Onnepourra jamais savoir si lapetite étincelle se termineparungrand feud’artifice.Pourtant,jeveuxgardernotrerelationsansnom.Biensûr,onnevapaspouvoircontinuercommeçaindéfiniment.Toicommemoi,onsaittrèsbienqueçanenousmèneranullepart,maisjeneveuxpasromprececontact.Jen’arrivepasàm’yrésoudre.Àprésent,tuastouteslescartesenmain.

*Pourtant,tulesenscetruc-là,non?Cettesensationétrangeetuniquequiexacerbetesémotions?Cettefaçond’êtreirasciblelorsquelesimageslaissententendrequel’autreestdanslesbrasd’unbelinconnu,lafaçondonttoncœurs’accélèreaumomentoùtureçoisundemesmessages,tapeauquise

metàfrissonnerquandjeparviensàlireentoi,nonpasentetouchant,maisjusteavecmesmots.Tuleressenstoutça,n’est-cepas?

*D’unemanièrequetun’imaginesmêmepas…

*Etpourtant…

*Jeviensdepasserlesjourslespluslongsdetoutemavie.J’aigardélesilencepourtedonneruneleçon,maisjemesuispuniemoi-même.Jem’ensuisvouluedet’avoirlaisséprendreunetelleplaceaupointdecréer levidequand tun’esplus là.Unvide intersidéral.Etégoïstement, j’espéraisquepourtoi,ceseraitlamêmechose.

* Compter les jours, les heures, les minutes et même les secondes, ne m’était jamais arrivéauparavant. J’avais tapé ces quelquesmots surmon clavier et quand j’avais fini par appuyer sur«entrée»,jesentaisdéjàladouleurlancinanteduregret,ungoûtamerquinetequittejamais.C’està cemoment que j’ai compris que je faisais fausse route,mais il était trop tard. Lemal était fait.Pourtant, la peurm’habite toujours.Oui, c’est unique,mais c’est nouveau et c’est aussi n’importequoi.Commentvivrequelquechosed’aussiintenseavecquelqu’unquetun’asvuqu’unefoisetquivitsiloin…

*Tuparlesàunepersonnequiavaittoutplanifiéetquiaujourd’huivitsonindépendance.Seulement,çan’apasleparfumdelibertéquej’espérais.Jetrouveçaplutôtterneetfadeenréalité.Jepensaisvivreuneexistenceexcitanteetjecroisquelaviedemonchatl’estbienplusquelamienne!Depuisquetuesentrédansmavie,jemesensrevivre,jesourisàlavieetjecherchecommentlarendreplustrépidanteet toutçaje te ledois.Enréalité,monparfumdeliberté,c’est toi.Alorss’il teplaît,nem’enprivepas.

*Etcebeaublondnepeutpasremplircerôle?

*Quiça?Gary?

*Jen’ensaisrien.Letocardquiétaitàtescôtésàcettesoirée.

*Tun’asrienàcraindre,onétaitjusteaulycéeensemble.

*J’auraisaimétetouchercommeluiaeulachancedelefaire.

*Ilajusteposésamainsurmahanchepourlaphoto,c’esttout.

*Veinard!

*Ilafinilasoiréeavecsonex.

*Connard!

*Non…Pasvraiment…Cequetunecomprendspas,c’estqu’ilnet’arrivepasàlacheville.

*J’adorequandtuflattesmonego.

*Aaah,leshommes…

*Qu’est-cequ’onvadevenir?

*Deuxamisquisefontdubien!

*Voilàunebienbelledéfinitiondenotrerelationsansnom!

Etc’estcommeçaquenousavonspassélerestedelanuit:àdiscuterlibrement,légèrement.C’estçaquej’aimedansnosconversations.

Lamanièresipureaveclaquelleilmedécritmetmalibidoàrudeépreuve.Aupointquecematin,aprèsun rêve si réel et tellement érotique, j’ai eu lebesoinurgent et irrépressibledeme soulageravecmesdoigts.Mêmemecaresserleclitorisenpensantàluirendtoutçaparfaitetdélicieusementbon.

**

Aujourd’hui,celafaittroismoisquenousavonsentamécetterelationvirtuelle.Enfin…Ellen’étaitpastantvirtuellequeça…Laseulechosequinousmanque,c’estdenoustoucher.

Nos échanges sont de plus en plus poussés et jeme suis retrouvée un grand nombre de fois àassouvirmonfantasmedel’avoirprèsdemoi.

Jelesoupçonned’enfaireautant!Ilestimpossiblederesterdemarbrefaceànosmessagesquimemettentlediableaucorps.

Bizarrement,l’imaginersecaresser,lespaupièrescloses,enpensantàmoi,m’excitedavantage.Àcroirequetoutecettehistoirem’ouvred’autreshorizons,totalementinconnus.

Luicommemoi,ons’était imaginéselasserdetoutça,maisc’estcomplètement l’inverse!J’enveuxtoujoursplusetilestdésormaismonquotidien.

**

ÀdeuxjoursdeThanksgiving,Chicagos’habillepourl’occasionetlesgenspréparentlerepas.Masœur ne peut pas être là pour ce jour spécial car elle a signé un contrat avec une agence demannequinsquil’envoieàSingapourpourunshooting.

Jesuistristeetailecafarddemerendreseulechezmesparents.

Je suis en trainde fairedu lèche-vitrinepour tenterde compenserma solitudeavecunnouveautailleur et une paire d’escarpins qui pourraient aller avec, quand je reçois cemessage dont jemesouviendraisansdoutetoutemavie.

*Çatediraitqu’onpasseThanksgivingtouslesdeux?

*Biensûr,situveux.Jet’enverraiunephotodemapartdedindeettuenferasautant.

*Non.Jecroisquetunem’aspasbiencompris…

*À partma proposition très louable, je ne vois pas d’autres solutions de remercierDieu pour lesréjouissancesdecetteannée,ensemble.

*Moi,j’envoisune.

*Jet’écoute…

*JedébarqueàChicago!

Montéléphonem’échappeettombelourdementsurlesol.Jemebaissepourleramasser,lesmainsencore toutes tremblotantes, sans être épargnée par les passants qui me bousculent. Lorsque jel’attrape,unnouveaumessageestaffichésurl’écran.

*Çanetefaitpasplaisir?

*Sicen’estpasunedetesblaguespourries,jesuisfolledejoie!

*Jet’assurequec’estvrai.J’aiunentretienpourmaprochainedestinationenclubetj’aidemandéàveniràChicagopourcerendez-vous.Çafaitdéjàunmoisdeça,maisjenevoulaisrientediretantquejen’étaispassûr!

*Tuveuxdoncdirequedansdeuxjours,tuseraslà,pourdevrai…Enchairetenos?

*Oui,m’dame!

*Jedéplieleclic-clac!

*Leclic-clac?Sérieusement?!

Aussitôt,jefermelesyeuxdedouleurdevanttantdestupidité!Jesuistoutechambouléeàl’idéedelevoirdébarquer.Jamais,ohgrandjamais,jen’avaiscruquecejourpouvaitarriveretmaintenantqu’ilestimminent,jesuisdémuniedebonsens.

Commentvontsepassernosretrouvailles?Est-cequejevaisêtreàlahauteur?Est-ceundébutouunefin?

Tantdequestionsquivontbientôtavoirleursréponses.

10

VinceJesuiscomplètementdingue,bordel!

Jenesaispluscequejefaisaupointdevouloirmetaperlatêtecontrelesmurspourretrouverlaraison!

J’ensuismêmeréduitàécouterl’albumdeMømeenboucledansl’aviontoutçaparcequ’unjourelleamentionnéqu’elleadoraitcequ’ilfaisait,etd’unecertainemanière,j’ailesentimentqueçamerapproched’elle.

Tout me ramène à elle et toutes mes décisions sont prises pour elle. J’ai même échangé mesplanningsavecmescollèguespourpouvoirpassermessoiréesaucalmeàsescôtés.

Jemesouvienstoujoursdujouroùelleadébarquéavectantdeclartéquec’enétaiteffrayant!Ilasuffi d’un sourire pour qu’une chaleur encore inconnue au bataillon prenne possession de moijusqu’àréduiremescouillesenraisinssecs!Jeposetoutdesuitemamainsurmonpantalonpourtenterd’atténuercettedouleurlancinante.

Ellemetient.

Jel’observaisconstammentdeloin.Unefillecommeelleneméritepaslesortquejeréserveauxtouristesfriandesdemoncorps.

Cen’estqueça,legentilanimateuràlabellegueule.Audébut,l’étiquettedugentilanimateuràlabellegueulemeconvenait.J’aimaislafacilitédéconcertantequ’ellesavaientdeseglisserdansmonlit,ouailleurs…

Peuimportel’endroit,toutcequ’ellesdésiraient,c’étaitmonsexe.

Lespremierstemps,alorsquejevenaisàpeinedequitterlenid,j’avaiscettesoifd’indépendanceetdelibertéetlesfemmesétaientunplus.J’avaislesentimentd’avoirlecontrôlesurquelquechosedenouveauetquimedonnait l’illusiond’être fort,maiselles finissaient toujourspar repartir,parfoismêmesansunregard.Aufinal, jemesuissentiusé,presquesale.Jen’étaisqu’unvulgaireobjetettoutlereste,ons’enfoutait.

Combiendefoisjemesuisobservédanslemiroirenmeclaquantletorsepourmerassurer,enmedisantquejevalaisquelquechose…

Cen’étaitpasdansleregarddetoutescesfemmesquejedevaistrouverl’estimedemoi,maisdanslemien.

Ilm’afalludutempspourlecomprendreetlorsquecejourestenfinarrivé,Miaestentréedansmavie.

Jemenais tranquillementma barque sans but sur unemer d’huile, jusqu’à ce que cette fille auxcheveuxlongschâtainsetauxyeuxtantôtmarrontantôtvertsmefassechavirer.

Jem’étaisinterditdel’approcher,entoutcas,pascommejel’auraisespéré.Elleméritemieuxqueça.Un hommequi prendra soin d’elle et qui soit digne d’elle, qui la fasse rire ; son sourire vauttouteslesmerveillesdumonde!

Qu’est-cequej’aiàluioffrir,moi?Unmecabsent,avecuneviequitientdansunbaluchon?Cen’estpassérieux.

Pendant toute la durée de son séjour, je n’étais jamais loin et c’était volontaire. J’étaisincontestablementattiré.MaisjemerefusaisàterminercommeIcare,alorsjegardaismesdistances.J’avaisremarquéquejenelalaissaispasinsensible,maisceregard,jel’avaiscroisétantdefoisqueje ne voulais pas être déçu en la malmenant derrière un des bungalows. Pourtant, au cours desquelquesfoisoùnousavonsdiscuté,ellenesemblaitpasêtreintéresséecommejel’auraisespéré.Etlorsqu’elle avait déclinéun rendez-vous insidieux. J’avais finipar croireque jeprenaismes rêvespourdesréalités.Cependant,toutmeramenaitàelleetplusriend’autrenecomptait.

Jusqu’aujourdesondépart, jemeréconfortaisenmedisantquec’étaitquelquechosedansl’airquime rendait sentimentaletcomplètementcon.Puis, elle rentrerait chezelleet toutne seraitplusqu’unlointainsouvenir.

Quandcejourestenfinarrivé,c’étaitcommelapiregueuledeboisquejen’avaisencorejamaiseue.Jemerépétaissanscesse:«tiensbon!C’estbientôtfini,mec!».J’avaisfaitbonnefigure,dumoins,j’avaisfaitmonmaximum!

Lorsquesonamiestvenumedemanderdeprendreunephotoavecelle, j’aieudumalàcachermonérectionnaissanteetmoncœurquipalpitaitàoutrance.«Soisfortmec!»

Naturellement, j’avaisposémamainsursonépauleetc’était leseulcontact« intime»quenousavionséchangédurantsonséjour.

Etquelcontact!

C’était carrémentunedéchargeélectriquequim’aparcouru l’échineetm’a immobilisé l’espaced’uninstant.Jepouvaishumersonodeur:unmélangedesonparfumetdesescheveuxquifinissaitdemeréduireànéant.Commeunegonzesse, j’auraisaiméquecemomentnese termine jamaisetpourtant…Illefallait!

Lorsquesonamiafaituneremarquesurlasempiternellerengainequejeneconnaissaisquetropbien«lebeaugosseduclub»etqu’elleavaitsouri,j’avaissentisl’imagequejem’étaisfaited’ellesecorneretj’avaistournéhâtivementlestalonspouréviterdemontreraurestedumondequej’étaisunmec«content».

Si j’avais cru qu’après son départ tout irait mieux, je m’étais clairement fourvoyé !Mais quelbordel!Ilm’arrivemêmedelavoirparmilesnouveauxarrivants.

Mesaoulerlarendaitencoreplusprésente.

Dormirlamettaitdansdessituationstellementcompromettantesquejemeréveillaistoujoursavecunegauled’enfer.Etjeregrettaisalorsamèrementdenepasavoirsaisil’opportunitédelatoucher,delapénétrer.Pourrattrapermonerreur,j’avaisdéjàfantasmésurtouslesendroitsoùj’auraispulafairehurlerdeplaisir,chaquecentimètrecarrédececlubporteraitlestracesdenosébats.

Jeneparvienspasàtrouverleremèdequipourraitmeguérird’elle,rienàfaire!

Le jour où j’ai reçu son premier message, je n’arrivais pas à le croire. J’étais persuadé quequelqu’unmefaisaitunemauvaiseblague.J’étaisalléfarfouillerdanssesinformationspersonnellespourm’assurerque jenerêvaispas !Puis,sonmessageavecnotrephotome rappelanosderniersinstantsetjen’avaispasenvied’êtreunefoisdeplus,unsimplephysique.

Netefaispasavoir,mec!Prendstesdistances!

Etc’estcequej’aifait.Cependant,cemoyendel’avoirdanslesparagescalmaitmafolie,jusqu’aujouroùsesmotsontsoulevélacoupedecristalau-dessusdemoncœurpourlemettrecomplètementànu.Et là ! Jeme suisdit« t’es foutu ».Depuis cette fois-là, à chaqueparole échangée, je tombetoujours plus profond dans le sable mouvant répondant au doux de nom de Mia. J’ai cherché àcomprendre.Maiscommentcomprendrequelquechosequin’apasdesens?

Même si c’est par ordinateur interposé, cette fille me fait vibrer, me fait jouir sans même metoucheretprovoquedesémotionsinéditesdontjeneveuxplusjamaismepasser,jamais!

Si jesuiscapablederessentir toutçasansmêmela toucher,sansmêmelaserrercontremoi,oul’embrasser,alorsqu’est-cequeçaserasionmedonnelachancedelarevoir?

Jeneparvienspasàimaginerqu’elleetmoi,cenesoitqu’unsimplecoupd’unsoir,maisdanstouslescas,c’estvouéàl’échec.

Jen’arrivepasàsavoirsijesuisguidéparledésir,parl’inassouvi,ousic’est…del’amour.Jenepeux pas concevoir de tomber amoureux aussi vite, mais la voir, la sentir, m’aidera à mettre del’ordredansmesidées.

J’ai faitdespiedsetdesmainspourdéplacermonentretienàChicago,monchefdevillagem’aregardécommesij’étaisdevenucomplètementfou.Jen’aipasoséluidirequ’ilaraison.Çafaitdéjàplusieursmoisque je travailledansceclub, j’arriveà la findemamissionet lemomentestvenupourmoidevoguerversdenouveauxhorizons.Ilmeconnaîtetn’ajamaisrieneuàrediresurmonboulot.C’estsansdoutepourcetteraisonqu’ilaaccédéàmafaveursipeuconventionnelle.

Ilafait jouersesrelations,cequiaprispasmalde temps,maisafiniparobtenir toutcequejedésiraisdepuisdesmois:Mia.

Monavenirsejouelorsdecetentretienetpourtanttoutcequicomptec’estelle.Lorsquejeluiaiannoncélanouvelle,jedoisadmettrequesaréponsem’aplutôtsurpris.

Puis,danscetavionquim’amèneversmonEldorado,j’aicomprisquenousdevonsapprendreànous connaître, à marier nos émotions avec nos corps. Qu’on arrive à faire coïncider le mondevirtuelaveclaréalité.Jesaisquelaseulechosequimemanquepourenfintrouverlasérénité,c’estla

toucher.Faire glissermesmainspartout sur elle.Celameprocurera la quiétude absolue, j’en suisconvaincu,maisjesuisprêtàacceptertoutcequ’ellevoudrabienmedonner.

Monavionamorceladescente.Jesuissiprèsdubut…Jesuisdiviséentrel’excitationd’enfinlarevoir et l’anxiété de cette rencontre. Après tout ce que nous avons partagé… Est-ce que je doisl’embrasseroutoutsimplementlaserrercontremoi?Jen’aipasposéunpiedàterrequejemesenscommeunadoattardéenpleineincertitudelorsd’unpremierrencard!Çacraint!

11

Jesuisdanslehalldel’aéroportdeChicago.Jeleconnaiscommemapocheetc’estsansaucunedifficultéquejetrouveleterminalpourattendreVince.L’adrénalineestàsoncombleaupointquejepourrais flancherà toutmoment.Mes jambesmesupportentàpeine ; seule l’excitationmepermetencorederesterdebout.

J’aipassélesdeuxderniersjoursàimaginertoutessortesdescénariosetçam’apermisdetenirjusque-là.Saufqu’aujourd’hui,c’estleflouabsolu!Pourtenterd’ignorercetempsquisemblealleràreculons depuis qu’ilm’a appris la nouvelle, j’ai prévenumes amies et les ai harcelées pour desconseilsdedernièreminute.Dansl’euphorie,j’aimêmeoubliédem’épiler!

Sansblague!

Alors ce matin, juste avant de partir, j’ai dû faire des pirouettes inimaginables pour n’oublierpersonne!

Àprésent,jesuisimpeccablecommeleculd’unpouletetpluslégèreaussi…

Quantàmamère,ilestfortprobablequ’ellemeferalatêtejusqu’àNoël,minimum!J’aiprétextéuntravaildedernièreminutem’empêchantderentreretlapiluleadumalàpasser.

Si je lui révèle lavraie raisondemonabsence, j’auraidegrandeschancesdemeretrouverà laDCF{12}.Mieuxvautnepasprendrederisquesinutiles.

Rien ne peut se mettre en travers de mon chemin, j’ai même joué la carte de la prudence enchoisissant de l’emmener au restaurant demain soir pour éviter toute intoxication alimentaireéventuelle.L’aspectpratiqueestmaîtrisé,maislaprincipalesourced’angoisserestenotrerencontre.Plusquedeuxpetitesminutesetjeseraifixée.

Jemeursd’enviequ’ilm’embrassesansattendre,maisest-cequ’ilvaassouvirmondésir?Quandl’hôtessefinitparannoncerl’arrivéedesonavion,jenetiensplusenplace.

Lespremierspassagerscommencentàapparaîtreetjemehissesurlapointedespiedspourtenterdeledistinguer.Quandj’aperçoissatignassebrune,moncœursemetàtambourinerdansmapoitrineàunrythmeeffréné.Etlà,jelevois.Ilmarchejusqu’àmoiavecunnatureldéconcertant.Ilnemanqueplusqu’unetumbleweed{13}pourcomplétercegrandmomentdesolitude.

Puis,unsourirevientilluminersonvisageetterminedemefairefondre.Ilesttoujoursaussibeauetlevoirvêtud’unjeansdélavéetd’untee-shirtprèsducorpsfaisantressortirsonbronzageparfaitest tout simplement… à couper le souffle ! Ma culotte peut attester qu’il me fait toujours autantd’effet!

Maisquand il sepenche surmoipourdéposerunbaisermaladroit surmon front alorsque j’ailégèrementpoussémeslèvresenavant,moncœuréclatecommeunevulgairebombeàeau.J’aidu

malàcachermadéceptionetjetrouverapidementunsubterfugepourmerattraper.

—Tuasfaitbonvoyage?

—Trèsbien.Jeteremercie.

—Onvaallerchezmoirangertesaffaires.Tuveuxtereposerunpeuoutusouhaitesqu’onaillerepérerlelieudetonrendez-vous?

—Jenesuispasvenupourdormir.Maisvapourunehaltepourquejepuissedéposermavalise.

Étrangement,letrajetjusqu’àmonappartementsefaitensilence.

Je jette des coups d’œil furtifs dans sa direction,mais il serre avec force son sac contre lui etsembleabsorbéparlepaysage.

Lorsquenousarrivons, il regardeàpeineautourde luietbalancesonbaluchondans l’entréeenclaquantlaportederrièrelui.

—Bon…Alors,onvaoù?

—Tonrendez-vousestàquelleheure?

—Enfindejournée.

—Jeteproposed’allervoiroùçasetrouvepuisoniraensuitefaireuntourenvilleetboireuncafé,c’estbon?

—Absolument!

Ilsembleheureux,maisquelquechosecloche.

Ilvienttoutjusted’arrivercertes,maisilmemanquelapassion.J’espèrequeletempsnousaideraàvaincrenotretimidité,etrapidement!Parcequechaquesecondecompte.

Aufildelajournée,notrecomplicitéreprendsesdroitsetjemesensdeplusenplusàl’aiseaveclui.

Noussommesencoreassezmaladroitsdansnosgestes:unemainaubasdudos,unebousculadeamicaleépaulecontreépauleetchaquefois,moncorpsréagitinstantanément.

Latensionestpalpableetlaretenuel’esttoutautant.Onneveutpasseprécipiteretpourtant,jen’aiqu’uneseuleenvie:envoyerenl’airtouscesprincipesàlaconetmelaisserallerdansuneimpasseàl’abridesregardsindiscrets.

Fautquejejouisse!

Ilprendsoudainmamaindanslasienneetcesimplegestetendresuffitàmedésarmeretcalmermesardeurs.Mondésirmefaitperdrepied,maismoncœurestplusmesuré.Ilsaitcequ’ilmefaut.

Plutôtqu’uncoupàlahussarde,jepréfèreunsoljonchédepétalesdefleursetunhommequimerépèteàquelpointjesuisbelletoutenmefaisantl’amourdivinement.EtjeveuxquecethommesoitVince.

Alorsj’attendspatiemmentqu’ilsedécide.

Àl’heuredesonrendez-vous,ilinsistepourquejerentreenmedonnantunénièmebaisersurlefront.

Bonsang!Jedétestecebaiser!C’esttellement…fraternel.Horsdequestionqu’ilmeconsidèrecommesasœur!

Ilestclairquecesdeuxjoursneprennentpasdutoutladirectionquej’espérais…

**

Vers20heures,ilrevientàl’appartement.

Ils’estperduouquoi?

Autantneriendire.

Jeluiproposealorsunepetitesortie:

—Çateditd’allermangerunmorceauauKingsBowlLincolnPark?

—Pourquoipas!Çaseraitsympa,répond-il.

Aussitôtdit,aussitôtfait.

Nousgrimponsdansuntaxietilnenousfautqu’unquartd’heurepouryarriver.

Àpeineavons-nousmisunpiedd’ansl’établissement,queleregarddeVinceaccrochelespistesdebowling.L’air sournoisetmalicieuxsur sonvisage sonnecommeunemiseaudéfi.Pasbesoindemot,j’acquiesced’unhochementdetête.

Nousprenonsunepairedechaussureschacunetnousrendonsàladernièrepistelibre.

Pasdecadeaux!Jedonnetoutcequej’ai.J’enchaînelesstrikesetneparvienspasàcachermajoieàlavuedemonscore,peut-êtremêmequej’enjoue.

Puis,jemerapprochedelui,mabouleporte-bonheuràlamain,etluiproposedelachoisirpoursonprochaincoup.Sonregardamusédisparaîtinstantanément.Ilapprochesamaindemonvisageetôtedélicatementunemèchedecheveuxquimebarrelevisageetaussitôt,sesyeuxsemettentàbrillerd’unelueurmaligne.

Ses lèvres s’approchent dangereusement des miennes et naturellement, je ferme les yeux pouracceptercebaiserdontjerêvetant.

Toutmoncorpsestprêtà l’accueillir,maisunbruitsourdretentitet leshurlementsdeVincemefontrouvrirlesyeux,emportantainsitoutelamagiedel’instant.

Perduedansmonmoment,j’ailâchémabouledebowlingquiamalencontreusementatterrisursonpied.

Quellecruche!

Iljurededouleurethurlecommeunpossédéensautillantsurunpied.

Jecherchedésespérémentuntroudesourispourm’yengouffreràjamais.Ilvamedétesteràcoupsûr!

Tousmesrêvesdebaisersmagiquesetdenuitstorridesviennentdes’écrasersursesorteils!

Jefinis toutdemêmeparreprendremesespritsetpassemonbrassous lesienpour leconduirejusqu’àmavoiture.

Je le traîne jusqu’à l’extérieurethèleun taxi.Unvéhicule jaunes’arrêteànotrehauteuretnousgrimponstouslesdeuxsurlaplagearrière.

Danslavoiture,iltentedemeconvaincrequec’estinutile,maisjepréfèreenavoirlecœurnet.

Ets’ilsdevaientl’amputer?

Lorsqu’on arrive à destination, on sedirigevers les urgencesoùonnousdemandedepatienterdanslasalled’attente.

Jerongemesonglesd’angoisseetVincesembles’amuserdelasituation.

—Ets’ilétaitcassé?Pire…Situnepouvaisplusremarcher?Pourunchefdessports,çacraint!OhmonDieu!Ilsvonttevireretceseramafaute!paniqué-je.

—Alorselleressembleàça,laMiaangoissée?lance-t-il,lesourireauxlèvres.

—Etencore,tun’aspastoutvu…

—Jel’aimebien,ajoute-t-ild’unairamusé.Maispasbesoind’êtremédecinpoursavoirqu’iln’estpascasséet jevaispouvoirgardermonpied,ne t’en faispas.Tucroisque jepourrais faire ça sic’étaitlecas?

Illebougepourtenterdemerassurer.

—RentronsMia…

—Pastantquetun’auraspasvuunmédecin!Jeveuxenavoirlecœurnet!

—Ettêtueavecça!

Onritàl’unisson,lorsquesoudain,sonnomrésonnedanslasalle.Onselèvetouslesdeuxetc’estpartipourunebatteried’examen!

**

Uneheureplustard.

Ouf!Enfinsortis!Jesuisplusrassurée!

Au final, il n’a rien, certainementunbleuquidevraitmontrer leboutde sonnezd’ici quelquesheures,maisriendeplus.

Onluiatoutdemêmeconseillédemettredesglaçonscettenuitpouréviterqueçaenfle,maisc’esttout.

—Tuvois?Tuaspaniquépourrien,annonce-t-ilensortant.

Je le suis en soufflant et une fois à l’extérieur, nous arrêtons un taxi. Il est temps pour nous derentrer.

**

Unefoisàl’appartement,jecomptebienjouerlesinfirmières.

Jedéplie le clic-clac et l’installe confortablement dessus. Il s’allonge et je foncedans la cuisinepourattraperdelaglacedanslecongélateurquejeplaceensuitedansunsachet.

—Tuessûrqueçavaaller?demandé-jeenrevenantlesacgivréenmainavantdeledéposersursablessure

Il frissonne au contact du froid,maisnegrimacepaspour autant.Sansdoutepour éviterdemefaireculpabiliserdavantage.

—Ilyauntrucquim’embêtequandmême…

—Dis-moi…,lesupplié-je.

Jesuisprêteàtoutpourmefairepardonner.

—Jevoudraisterminercequej’aicommencé.

Avantquejepuissecomprendreoùilveutenvenir,ilm’attirecontreluietcolleseslèvrescontrelesmiennes.

Durantuninstant,jerestesurpriseetceluid’après,jemelaissealleràcebaiserquej’attendaistant.

J’ouvre la bouche pour laisser sa langue venir à la rencontre de lamienne et elles semettent àdanseravecune incroyableperfection.Cecontactestau-delàdemesespérances,bienmeilleurquetousceuxquej’aiconnusparlepassé.Unbaiserquiélectrise,quifoudroiecommeleplusbeloragequiéclatedurantunemagnifiquejournéed’été.

Vinceprendsontemps,ilmegoûtecommesij’étaislameilleureglacedechezBen&Jerry’setj’enredemandeencore!

Lorsquecebaiserprendfin,jenesuisplusqu’unepoupéedechiffon,descœurspleinlesyeux,unsourireniaisauxlèvres,complètementenivréeparlemeilleurdesalcools:lui.

—Est-cequeçava?s’inquiète-t-il.

—Ohoui…

—Jevoulaisjustetesouhaiterbonnenuit…

—Tuasbienfait…,réponds-je,encoretouteétourdie.

Jesenssonregardposésurmoialorsquejequittelapièceencorevacillante,rebondissantsurlesmursducouloirmenantjusqu’àmachambre.

Jem’allongesansmêmeprendrelapeinedemedéshabilleretjerepassemesdoigtssurmabouchepourmeremémorercemomentintense.Elleestencoretoutegonfléeetfourmillantedeplaisir.

Jerejoinslemondedesrêveslesourireauxlèvres.

**

Lelendemain,jesuisréveilléeparunedélicieuseodeurdecafé.Ilmefautquelquesinstantspourmeremémorerlesévénementsdelaveilleetvoilàquejesourisànouveau!

C’estbienlapremièrefoisquejesuisdebonnehumeuravantmatassedecafématinale!

Je le rejoins sans tarder dans la cuisine et le découvre aux fourneaux en train de préparer despancakes.Unenuitetiladéjàprissesaises.

J’adoreça.

Je m’approche lentement sans trop savoir si le baiser d’hier était une exception ou bien siaujourd’hui il va devenir une généralité. Je ferme les yeux pour implorer le Seigneur qu’ilrecommenceetlorsquejelesrouvre,ilestfaceàmoietsonregardenditlong:ilvaexaucermesprières.

Ilsourit,seulementvêtudesoncaleçonàrayuresbleuciel,et j’aialorsl’impressionqu’unDieuvivantestdansmacuisine.

Amen!

Ilestsexycommecen’estpaspermis!

Ils’approchedemoienfaisantdansersesabdosparfaitsetjerestelààledétailleravecattentionpournerienlouperdecetinstant.

Ilglissesesmainsautourdemataille,m’embrassedoucementsurlenezavantdeplanterseslèvressurlesmiennes.Etmevoilàrepartiesurlapisteauxétoiles!

Uneodeurdebrûlévientinterromprecebaiserparfait.Ilseretournevivementetattrapelapoêleavantquesespancakesn’aienttouscramé.Ilmelanceunsouriregênéetjememetsàricaner.

Nousnousmettonsàtablepourdégusterlespancakesquiontsurvécu.

—Qu’est-cequetuveuxfaireaujourd’hui?demande-t-il.

—C’estThanksgiving!réponds-je,totalementexcitéeàcetteidée.

—Maisencore?

—J’avaisprévudet’emmeneraudéfilé,maisavectonpied…Çasemblecompromis,admets-je,l’airtriste.

—Monpiedvatrèsbien.Allonsvoircedéfilé,çaal’airdetetenirtrèsàcœur.

Mesyeuxbrillentetlesourirequ’ilafficheajouteàmonexcitation.

Le petit-déjeuner englouti, je file dansma chambre pourme préparer et il fait demême en serendantàlasalledebain.Unefoishabillés,nousnousmettonsenroute.

**

Onressembleàunvraicoupledéambulantdanslesrues,aveccettecomplicitémanifesteetlesyeuxéblouissantsd’affection.

J’ai le sentiment que nous venons d’accrocher le dernier wagon et l’idée de le voir repartirm’attrister affreusement. Je tente de repousser cette image de toutesmes forces parce que je saispertinemmentqueçavamebriserlecœur.

Parfois,Vinceal’airabsentetj’espèresecrètementquec’estparcequ’ilressentlamêmechosequemoi.

**

La journée a été la plus magnifique qu’il m’a été donné de vivre. Après le défilé, nous avonsmangéunhotdogdansleparc.

Lesoir,nousavonsétéaurestaurant,celuiquej’airéservéspécialementpourl’occasion.

Ilesttempsderentrer.

Nousgrimponsdansuntaxietàpartirdecemoment,seslèvresnequittentpluslesmiennes.

Monter les marches jusqu’à mon appartement est un vrai parcours du combattant, mais nousréussissonsàyparvenirmalgrétout.

Àpeineavons-nousfranchilehalld’entrée,quenosvestesvirevoltentdanstouslessensetlorsquenousatteignonslaportedemachambre,ilnenousresteplusquenossous-vêtements.

On rit sans jamais décoller nos bouches l’une de l’autre. J’ai simplement allumé la lampe dechevet,déposantunpréservatifbienenévidencepour lemomentopportun,etmesuisallongéesurmonlitpourlecontemplerluietsonregardconcupiscent.

Ilôtesoncaleçonetlà,envoyantsonsexedresséetprêtàl’action,jesaisques’ilestaussidouéquecequej’imagine,jevaispasserunmomentd’exception!Uninstantdeceuxquirestentgravésàjamais.

—Tunetedéshabillespas?

—Jepréfèrequecesoittoiquilefasses…

—Vosdésirssontdesordres.

Ilsejettesurmoisansattendre.Ilcommenceàm’embrasseretdéposetendrementdesbaiserssurmonvisagepuissabouche,pourenfindescendrelentementdansmoncouoccasionnantdesfrissons

partoutsursonpassage.Jefermelesyeuxpourabsorbercessensationsdivinesetlaisseéchapperdesgémissementsdeplaisir.Sesmainsviennentdécuplermonextase.Ilretiremonsoutien-gorgeetresteuninstantàcontemplermapoitrinenue.

—Dieuduciel…Ilssontencoreplusbeauxquecequejem’étaisimaginé!

Jesourisenmemordillantlalèvre,légèrementintimidéeparsoncompliment.

Puis,ilcommenceàprendreundemesseinsencoupeetàleléchertoutdoucementets’enempareensuitecomplètement.Avantdefairesubirlemêmesortàl’autre,ilajouteenchuchotant:

—Tunesaispascombiendefois,j’airêvédefaireça…

Jegonflelapoitrine,combléedel’entendreprononcercesmots.

Jepeuplesesnuitscommeilpeuplelesmiennesetcetteidéemerendivredebonheur.

Lorsqu’il reprend son ascensionversmonnombril, je suis déjà trempéededésir. Il s’arrête netpourrevenirplongersonregarddanslemienetlà,jesaisistoutelasincéritédontilpeutfairepreuve.

—Mia,tuessibelle.

Etilm’embrassedenouveauavecunetelleforcequec’enestpresquedouloureux.Cebaiserestlegage de tous ces mois où nous avons attendu impatiemment de vivre ce moment et il a uneimportancemutuelle,c’estcertain.

Toutenlaissantéchappernotrefrustration,Vincejouedesesdoigtshabilesetlesglissedansmaculotte.Ilprendunplaisird’enferàmefairelanguir.J’ouvreunpeuplusmesjambespourluilaisserlibreaccès,maisilnesemblepascomprendrelemessage.Alors,j’attrapesamainetlaplacesurmonclitorisbouillant.

Unsouriresedessinesurses lèvres,maisaucunsonn’ensort. Ilcommencealorsàmecaresserdoucementavecsonindex,puisavecsonmajeuravantquesesdoigtspénètrentmonantre.Jenepeuxm’empêcherdelâcheruncridesatisfaction.Jefermelesyeuxetsavourel’instantengémissantsanscrainte.

—Tuesbelle,lâche-t-ildansunsouffle.

Etilmelerépète,encoreetencore.

Àcesmots,jemesenslibred’explosersansréserve.

Lorsqu’ilseplaceentremesjambes,ilnemelâchepasduregardets’enfonceenmoitendrement,guettantmaréaction.Maislasiennemesurprenddavantage.Saboucheformeun«O»parfaitetilsiffleentresesdents:

—Oh!MonDieu!

—Est-cequeçava?demandé-jealors.

—Parfaitementbien!Laisse-moiuneminute…J’aijustebesoinde…savourer…

Jesouris,soulagéeetamuséeparsonattitude.Puisilfinitparbougeretcommenceunva-et-vientcomplètement divin. Je pose naturellement mes mains sur ses fesses parfaitement musclées pourl’inciteràallerplusviteetplusfortetc’estcequ’ilfait.

Dans la folie du moment, je termine par l’enlacer avec mes jambes pour m’accorder avecharmonie à son assaut. L’orgasme le plus lunaire qui soit pointe soudain le bout de son nez. Desfourmillements exquis me prennent de la plante des pieds jusqu’à la pointe demes cheveux. Unechaleurenivrantes’emparedenosdeuxcorpsetunejouissancehorsducommunnoushappetouràtour.JehurleàpleinspoumonsetVinceenfaitautant.

Lapressionredescendue,ils’allongeprèsdemoi,essoufflé,melaissantencorehaletanteetsouslechocdequelquechosequejeneconnaissaispasjusqu’àlui.

—C’était…C’était…,s’étrangle-t-ilsansparveniràterminersaphrase.

—Jevoistrèsbiencequetuveuxdire…,finis-je.

Lorsque nous avons fini par reprendre nos esprits, Vince m’a attirée dans ses bras pour mecaresserdistraitementlescheveux.

—Tusaiscequej’aileplusregrettépendantcesquelquesjoursoùonacessédeseparler?

—Non,jet’écoute.

—Jemesuissouvenuque jene t’avaispasdemandéquelsétaient tes troissouhaitsauxgrandesétapesdetavie.

—C’est-à-dire?

—Hébien,parexemple…Quandt’esgamin,tonrêve,c’estd’alleràDisneyworld.Ado,c’estdeparticiperàunSpringBreak{14},etadulte,devenirprésident!

—Hum,moi…Enfant,jevoulaisêtreuneprincesseetquemonprinceviennemedélivrer.J’avaisessayéunefoisavecmonvoisinWalter.J’avaisinsistépourqu’ilpasseparlelierrequidonnaitsurmachambre,maisilesttombéets’estcassélajambe,alorsj’aiarrêtédecroireauprincecharmant.Ado,jerêvaisdefaireunvoyageenEurope,maismesparentsn’avaientpaslesmoyens.Etadulte,jevoulaisacheterunvan-combietsillonnerlesÉtats-Unis.

—C’estdommage,tun’enasréaliséaucun.

—Ouais…Aucun,avoué-jetristement.

—Moi…Deux sur trois…Mais en ce qui concerne le poste de Président, je n’ai pas ditmonderniermot!

Nousavonsfiniparnousendormirdanslesbrasl’undel’autre.

Maisaumilieudelanuit,jesensunfrissonmeparcourir.Àtâtons,jecherchesachaleurdanslelit,maisrien.J’ouvrelesyeuxetconstatequ’iln’estpluslà.

Uncourantd’airfroidprovenantdelafenêtreattiremonattention.Jemelèveetjetteunœil.Ilestassissurl’escalierdesecours,l’airpensif.

—Vince?lancé-je.Qu’ya-t-il?

—Rien…Rien…,répond-ildoucement.

J’attrape ma couverture, enjambe le rebord de la fenêtre et me glisse à l’extérieur pour allerprendreplaceprèsdelui.

Onrestalà,ensilence,pendantunbonmoment.Soudain,ilselèveetsemetàcrieretjesursaute.

— Fait chier ! jure-t-il en se levant pour ensuite me faire face. Pourquoi faut-il que ce soit sicompliqué!

—Dequoiparles-tu?

—Detoi!

—Hein?

—Jen’aipasenviederepartir…

Jebaisselesyeuxpouréviterqu’ilnemevoie.Jeressensexactementlamêmechose.Ilpoursuit:

—J’étaisvenuicidansl’espoirquenousdeuxçanemarcheraitpas,queduranttouscesmoisonavaitfaitfausserouteetquecesdeuxjoursensembleallaientnousouvrirlesyeux.C’étaittellementplussimpleavantcettenuit!

—Vince…

—Jesaiscequetuvasdire…C’estabsurde!Toutecettesituationl’est!Commentjepeuxavoirunefilledanslapeaualorsqu’onvitàdesmilliersdekilomètresl’undel’autre?!Êtreloindetoi,toutcetemps,çaaétéunenfer!Maiscen’estrienàcôtédedevoirtelaissercesoir!Jesuisbonàenfermer…

Jeme lève pour être à sa hauteur et posemesmains sur chacune de ses joues pour attirer sonattention.

—Vince,si tuesfou,danscecas, jelesuisaussi.J’airessentiexactementlamêmechose,decepremier baiser extraordinaire, à cette nuit d’amour unique. Te voir partir me brise le cœur, jet’assure.

Ilcalealorssonfrontcontrelemienetsoupire.

—Qu’est-cequ’onvadevenir?

—Jenesaispas…,murmuré-je

—Faisonsl’amourencore…

—Toutcequetuvoudras.

Etjeluiaidonnéplusqueça:unenuit,unematinéeetundébutd’après-midi.Etchaquefois,c’étaitmeilleurquelafoisd’avant.

Ilestprévenant,douxettellementdoué!

Jenepeuxplusmepasserdelui,etpourtant,l’heuredesadieuxasonné.

—Sijeteproposaisdefaireunefolieavecmoi,est-cequetuaccepterais?

—Sanslamoindrehésitation.

—Alors,laisse-moiunesemaineetjereviens!

—Commentça?

—Jemetsaupointlesderniersdétails,jequitteleclubcorrectementetonparttouslesdeux.

—Oùça?

—SillonnerlesÉtats-Unisenvan-combi!

—Tuessérieux?luidis-jeenmeredressantdanslelit.

—Etcomment!

—Etmontravail?Monappartement?Monchat?

—Si tusouhaites leprendre,onl’embarque!Sinon,quelqu’unpourrabiente legarderpendantquelquetempsetpourlereste,tuplaquestout!

—Commeça?

—Mia,onpartquelquessemaines,quelquesmois,onverrabien.Tantqu’onsesupporte,onroule.Maiss’ilyalemoindreproblème,onrentre,tureprendstavieetmoilamienne,c’estaussisimplequeça!Repenseàtoutescesfoisoùtuévoquaistesregrets,ilesttempsderéaliserundetesrêves.Vivrel’excitationdontturêvaistant…J’aideséconomiesetontrouveradespetitsjobssurlesroutes.Jet’assurequeçavaêtregénial!T’enpensesquoi?

Aufildesonrécit,jesensl’excitationmegagner,maislapeurégalement.Cependant,toutchezluim’inspireconfiance,etsurtout,jen’aiaucuneenviedelequitter,alorsjeneréfléchispasuneseconde

plus!

—C’estd’accord!

Aussitôt,ils’agenouillesurlelit,foudejoie,etfinitparmesauterdessuspourm’embrasser.

**

Finalement,c’estlecœurlégerquejel’accompagneàl’aéroport.

Plusqu’unesemaineetilseratoutàmoi!

Demoncôté,jen’aipasperduuneminute.Jeprofitedechaquejourpourtoutorganiser.

Monpatronestravipourmoi.

Encequiconcernemonappartement,jesuisparvenueàtrouverquelqu’unpourlesous-louer:labelle-filled’AlyetelleaccepteaussidegarderMistypourluitenircompagnie.

Mesamiessontfollesdejoiepourmoietm’encouragentdanscettevoie.

Ma sœur s’est d’abord assuréeque j’ai toutesmes facultésmentalespuis elle aussi a fini par seréjouirdecettenouvelleetsouhaitequejelaisselibrecoursàmafolie.

C’estbienparti!

Je lui ordonne de ne rien dire àmes parents car je suis sûre qu’ils ne comprendront pas et jepréfèreattendreencoreunpeuavantdedevoirleurexpliquermasituation.

J’aifaitunrapidealler-retouràSugarGrove,sidansl’idéejesouhaitaisqueGarymeretirecettesatanéecassettedemonautoradio,j’aifinalementoptépourqu’ilgardemavoiturependantladuréedemonséjour.Cequ’ilaacceptésanshésiter,mêmesijeluiaiassuréàmaintesreprisesquejeneluienvoulaispasdutoutpournotresoirée,ilm’aditqu’ilenprendraitsoinetferaitmêmeunevidangedurantmonabsence.

Tout est réglémaintenant et j’attends impatiemment que Vince vienneme chercher devantmonancienappartement.

Ilm’aformellementinterditdemerendreàl’aéroportparcequ’ilaunesurprisepourmoietpourladécouvrir,jedoispatientersagementsurletrottoir.

Jefrappedistraitementlespetitscaillouxdelarouteavecmonpiedquandj’entendsunklaxon.Jelèvelesyeuxetaperçoisunsuperbevan-combicommejel’aitoujoursrêvé.

La carrosserie est blanche et rouge et brille comme un sou neuf. Vince est au volant, uneexpressiondefierténondissimuléeplaquéesurlevisage.

Jel’observesegarer,lesyeuxremplisd’amour,etmemetsàsourirebêtement.

—Ilteplaît?m’interroge-t-ilendescendantduvéhicule.

—Ilestmagnifique!

—Madame,sivousvoulezbienvousdonnerlapeine.

—Maisavecjoie!

Ilattrapemesbagages,lesdéposeàl’arrière,etnousprenonstouslesdeuxplaceàl’avant.

—Oùest-cequ’onva?demandé-je,complètementexcitée.

—Oùtuvoudras!répond-ilenm’embrassanttendrement.

—Alors,roule!ris-je

Nousavonsprislaroutesansbut,maisensemble,heureuxdeneplusjamaisnousquitter,etc’esttoutcequicompte.

J’avaisbesoindefoliedansmavieetmafolie,c’estlui:Vince.

Jepourrais le suivre jusqu’auboutdumondeet ça tombebien !C’estpeut-êtrenotreprochainedestination.

Fin

Remerciements

Tout d’abord, si je peux écrire des remerciements, c’est parce que « mes exceptionnels » sonttoujours là et m’encouragent toujours avec ferveur pour donner le meilleur. Alors merci d’êtretoujourslà,parcequej’écrispourvous,pourvousfaireplaisiretpourconservercetteconnexionquej’affectionnetant.

Ungrandmerciàtoutemafamille.Ilsn’ontpashésitéàmesuivretêtebaisséedanscetteaventure,àlirechacundemeslivres,àmesouteniretàm’encouragerdanscettevoie.Lirelafiertédansleursyeuxestlaplusbelledesrécompenses.

Àmoncompagnonderoute,Eric.Mêmes’ilnecomprendpastoujourstoutceremue-ménage,s’ilgrogneparfois parceque je suis souvent devant l’ordinateur, il est toujours là.Me laisse le tempsnécessairepourécrireetnesouhaitequ’unechose…Quejeréussisse.

Àmesmeilleuresamies,NathouetCaro,toujourslàdeprèscommedeloinetquim’acceptenttellequejesuis.

Àmesbêtalectricesetamies:Pauline,Marie-Josée,MarieetLydia,quisonttoujourslà,toujourspétillantes,pleinesd’énergieettoujoursdebonsconseils.

Merciaussià l’équipedePassionEditions.ÀShirleypoursesconseilsavisés,àAméliepoursagentillesseetsapatience,etbiensûr,merciàPhaniequiaécoutémespleurnicheries,mesdoutessansjamaisciller,toujoursaveclesourireetsabonnehumeurquilacaractérisetant.

J’ai une belle équipe àmes côtés donc chaque personne a son importance et sa valeur ajoutée, jemesuremachancechaquejouretj’enprendssoindumieuxpossible.

DUMEMEAUTEUR

{1}Groupevocaljamaïco-antillaisdediscopopayantnotammentinterprétélachansonDaddyCool.

{2}GangdeDannydanslefilmGrease.

{3}Léger.

{4}ChansoninterprétéeparJustinTimberlakeetsortiele6mai2016.

{5}Aussilongtempsquetum’aimes.ChansoninterprétéeparlesBackstreetBoys,tiréedel’albumBackstreet’sBack,sortien1997souslelabelJive.

{6}Peuimporte,aussilongtempsquetum’aimesbébé.

{7}MembredugroupeBackstreetBoys.

{8}OupluscommunémentditSoapOpera.Cetermedésignelesfeuilletonssentimentaux.

{9}ChansoninterprétéeparDonnaSummersdontlamélodieestbaséesurlePréludenuméro20enDomineur,opus28deFrédéricChopin.ÉcriteetcomposéeparAdrienneAndersonetBarryManilowen1973.

{10}«Àchaquefoisquejesuisprèsdetoi,tourbillonnantcommeuncyclonedansmonesprit.»

{11}Unparfumchyprés’inspireduChypredeCoty,unparfumcrééaudébutduvingtièmesiècle.

{12}Servicessociaux.

{13}OuenFrançais,Virevoltant,estuneplantetypiquedesmilieuxaridesbienconnuedansleswesterns.

{14}Semainedecongésdurantlaquellelesétudiantsaméricainsparticipentàdesbeuveriesettoutessortesd’excès.

Pagetitre1234567891011Remerciements

Recommended