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APPOLONIO Aurélie IUFM DE DIJON
MEMOIRE PROFESSIONNEL
LA SOCIALISATION PAR LA LITTERATURE DE
JEUNESSE
SESSION 2005 Directeur de mémoire: M. Guineret Numéro dossier: 0361974A
2
INTRODUCTION P3 I- LA SOCIALISATION A L’ECOLE PRIMAIRE P5 1- Définition de la notion de socialisation P5 2-La socialisation à travers les programmes P6 3-La notion de valeur P7 II-LA LITTERATURE DE JEUNESSE P10 1-Définition P10 2-L’évolution de la littérature de jeunesse P10 3-L’Intérêt de cette littérature P12 A) La lecture un acte socialisé P12 B) Une culture partagée P13 C) La littérature: un outil médiateur P15 III- VALEURS ET LITTERATURE DE JEUNESSE P17 1- Les valeurs exprimées par la littérature de jeunesse P17 2-Un échange oral nécessaire: exemple du débat P17 3-Séquence mise en place à partir d’un album P18 A) Le choix de l’album P18 B) Séance 1: découvrir l’œuvre et la comprendre P20 C) Séance 2:mise en place d’un débat P21 D) Séance 3: la notion de courage P24 E) Bilan général de la séquence P25 F) Autres pistes qui auraient pu être exploitées avec ce même album P26 4- Les limites de l’utilisation de la littérature comme outil P28 CONCLUSION P30 BIBLIOGRAPHIE P31 REMERCIEMENTS P33 ANNEXES P34
3
Comme l’explicitent les programmes officiels, l’école est en quelque sorte une petite
société. Or chaque société a ses propres règles et valeurs qu’il faut inculquer à chacun des
membres du groupe. Les élèves vont donc apprendre les règles et les valeurs qui s’appliquent
dans leur école et plus largement qui s’appliquent à notre société.
Il semble qu’à l’école maternelle la notion de socialisation est primordiale. En effet, les
enfants sont pour la plupart confrontés pour la première fois à un groupe dans lequel ils devront
s’intégrer tout en continuant de construire leur propre personnalité; tâche paraissant difficile à un
âge où le « MOI » prédomine. A l’école élémentaire, la notion de socialisation a tout aussi son
importance puisque le cycle trois vise « une prise de conscience des valeurs sans lesquelles les
différentes collectivités dans lesquelles s’inscrit la vie quotidienne, de l’enfant ne sauraient avoir
de signification. » Le cycle deux, quant à lui, constitue une transition importante entre la
maternelle et ce cycle des approfondissements car il scolarise des élèves qui commencent à peine
à pouvoir accepter un autre point de vue que le leur sur leurs actions.
La plupart des disciplines scolaires permettent aux élèves d’aborder des normes et des
valeurs propres à notre société. C’est le cas par exemple des arts visuels, de l’histoire et de la
géographie, de la musique, de l’éducation physique et sportive… Si l’on prend ce dernier
exemple, on peut observer que cette discipline est propice à l’acquisition de nombreuses
compétences relatives au « vivre ensemble »: respecter des règles du jeu, coopérer, accepter de
perdre …
Toutefois, j’ai choisi la littérature de jeunesse comme support pour inculquer aux élèves les
valeurs de notre société ou bien encore les valeurs d’autres sociétés. Le choix de ce domaine sera
expliqué au cours de ce mémoire. Nous pouvons cependant avancer le fait que la littérature en
général et la littérature de jeunesse sont des domaines que j’apprécie tout particulièrement car
offrant de nombreux plaisirs.
La mission de l’école est de favoriser chez l’enfant l’acquisition de savoirs, de savoirs
faire, et de savoirs être indispensables à la vie en collectivité, à certains apprentissages.
Se pose alors la question comment socialiser les élèves par la littérature de jeunesse ou
4
plus précisément comment utiliser la littérature de jeunesse pour aborder et inculquer les valeurs
de notre société aux élèves?
Pour répondre à cette question, nous verrons dans un premier temps ce que nous entendons par
socialisation et quelle est sa place au sein de l’école primaire. Dans un second temps, nous
évoquerons quel est l’intérêt de la littérature de jeunesse et enfin dans une dernière partie nous
verrons comment il est possible d’employer la littérature de jeunesse comme support de départ
pour aborder les valeurs de notre société.
5
SOCIALISATION A L’ECOLE PRIMAIRE 1- définition de la notion de socialisation La notion de socialisation est très importante à l’école primaire. En effet, dans les
programmes officiels ce concept est mis en avant. Avant d’évoquer ce que justement expliquent
ces programmes, il nous faut déjà aborder la définition de cette notion de socialisation.
La majorité des grands auteurs est d’accord pour dire que la socialisation peut se définir
comme un processus. Celui-ci se déroule sur le long terme puisque comme l’expliquent Berger et
Luckmann1 , on peut parler de socialisation primaire (s’effectuant pendant toute la scolarité d’un
individu) et de socialisation secondaire s’effectuant pendant l’activité professionnelle d’un
individu.
Nous pouvons définir la socialisation comme l’ensemble des processus par lesquels
l’enfant devient un être social ou plus précisément comme la transmission des valeurs et des
normes. De cette définition, nous retiendrons la notion de transmission qui m’a beaucoup
interrogée.
En effet, si on reprend la thèse de Durkheim concernant la socialisation de la jeune
génération, cet auteur en appelle à un modèle culturel transmis par la génération précédente.
Cela voudrait donc dire que les valeurs et les normes se transmettent de génération en génération
comme une sorte d’héritage. Or la question que je me suis posée est la suivante: est-ce qu’il
existe réellement un héritage englobant normes et valeurs d’une génération? Car certes, il y a une
sorte de relais qui s’établit avec les générations précédentes mais il est plus difficile de penser
que les normes et les valeurs se transmettent à l’identique. Notre société ne cessant d’évoluer il a
donc fallu adapter certaines d’entre elles même si d’autres restent bien ancrées.
Nous pourrions aussi être critique face à la proposition suivante. Selon Durkheim, une action est
exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale,
cela revient à traiter de la socialisation comme une sorte de dressage par lequel l’individu jeune
est amené à intérioriser des normes, des valeurs, des attitudes2… Il considère donc les enfants
comme des êtres passifs.
1 D’après La socialisation de Claude Dubar. 2 D’après L’école à l’épreuve de la sociologie de Anne Van Haecht
6
Je ne pense pas que notre rôle soit de transmettre simplement les règles et les valeurs. Il me
semble important que les enfants les construisent afin qu’ils leur donnent un sens. Pour qu’elles
soient crédibles, il faut qu’ils les comprennent. C’est tout à fait ce qu’expriment les programmes
officiels. Ils préconisent le fait d’élaborer collectivement les règles de vie de la classe dès que
possible, c’est à dire plutôt à l’école élémentaire.
D’ailleurs, Boudon et Bourricaud préfèrent parler « du paradigme de l’interaction » qui se trouve
tout à fait bien illustré dans certains travaux de Piaget.
En effet, cet auteur pense que la socialisation est non une transmission par la contrainte de la part
d’un groupe mais une construction de nouvelles règles suivant une logique de coopération. Ce
qui semble très crédible. Il ajoute aussi le fait que c’est un phénomène non linéaire mais marqué
par des ruptures, des reconstructions et restructurations d’équilibres très provisoires. L’enfant a
donc besoin de vivre diverses expériences pour pouvoir construire sa personnalité, l’école étant
un lieu privilégié puisqu’il sera au sein d’une collectivité.
2- la socialisation à travers les programmes
La scolarisation constitue le mode de socialisation par excellence dans notre société
occidentale. Parmi les différentes instances institutionnalisées de socialisation, l’école s’est taillée
une place essentielle.
A l’école maternelle, la socialisation représente l’une des grandes priorités. En effet pour
la plupart des jeunes enfants, l’école maternelle est un des premiers lieux où ils sont amenés à
vivre en collectivité et cela implique un véritable apprentissage. « L’élève devra trouver sa place
dans le groupe, trouver des repères, apprendre à s’approprier des règles de vie commune. »3
Ce qui ne sera pas facile et prendra du temps car quand l’élève arrive à l’école, l’enfant a souvent
été le sujet privilégié d’attentions centrées sur sa personne.
Un stage en maternelle en moyenne section m’a permis de bien me rendre compte de
l’importance des règles à mettre en place pour créer une « bonne ambiance de travail. » En effet,
le premier jour du stage, je suis beaucoup trop restée dans l’implicite n’énonçant pas clairement
les règles de la classe. Les élèves ont tout de suite repéré cette faille, car finalement ils n’avaient
3 D’après Les Nouveaux Programmes Qu’apprend-on à l’école maternelle? Du Ministère de l’Éducation Nationale
7
pas vraiment de repères et ne savaient pas quelles limites ils ne devaient pas dépasser.
Il a donc fallu prendre un moment pour bien expliciter les règles de la classe. Ce fut aussi
l’occasion de leur demander pourquoi certaines règles étaient exigées, pourquoi il était important
de les respecter. Donnons un exemple simple: je leur ai demandé pourquoi il était important de
lever la main pour s’exprimer et d’attendre que l’on soit interrogé pour parler. Certains sans
hésiter ont répondu que sinon il y aurait trop de bruit. Mais pour d’autres cela paraissait moins
évident donc il semble important sans vouloir toujours se justifier d’expliquer pourquoi on met
certaines règles en place
A quatre ans, les enfants sont encore très égocentriques. On peut observer la
prépondérance du MOI. Le « vivre ensemble » peut alors leur sembler compliqué. Il faut leur
faire prendre conscience du monde extérieur, des autres; il faut alors par différentes mises en
situation leur expliquer qu’ils ne sont pas seuls dans la classe. L’appropriation des règles de vie
passe par la réitération d’activités rituelles. Le moment de la collation me semble très adéquat
pour apprendre aux élèves certaines règles de politesse (attendre que tout le monde soit servi pour
commencer à manger par exemple) et pour apprendre à partager. Il est donc dommage qu’on
veuille le supprimer.
La socialisation va donc ensuite se poursuivre à l’école élémentaire. « Au travers des trois
cycles doit se construire une compétence essentielle de la vie sociale: celle du dialogue et de
l’argumentation. » Rappelons qu’à l’école élémentaire un temps de débat est prévu à l’emploi du
temps. C’est un moment pour s’exprimer mais aussi pour apprendre les règles de communication
sociale, pour apprendre à argumenter, pour apprendre à écouter les autres… nous reviendrons sur
ce thème ultérieurement.
Pour la suite de ce mémoire nous mettrons de côté la notion de norme pour nous intéresser plus
particulièrement à la notion de valeur.
3 La notion de valeur
Il me faut dans un premier temps expliciter ce que l’on appelle « valeur ». La valeur est
subjectivement ce qui est estimé ou désiré, objectivement ce qui mérite de l’estime. L’école a une
mission qui consiste à faire accéder le jeune à l’universel; l’école est la sphère médiane qui fait
passer l’homme du cercle de la famille dans le monde. Les valeurs ne sont pas hiérarchisables
8
absolument. La hiérarchie axiologique est subjective, elle dépend de notre trajectoire
biographique. C’est un point important qu’il faut faire comprendre aux élèves; selon notre vécu,
nos expériences nous avons nos propres valeurs et nous accordons plus ou moins d’importance à
telle ou telle valeur. Chaque individu à sa propre échelle de valeurs.
Pour illustrer cette proposition, il est intéressant de se référer à une séquence menée par
une stagiaire, Karine Molter, assistante de C. Leleux4 dans une classe de CE1. L’enseignante
stagiaire avait comme objectif de découvrir ce qu’est une valeur, une hiérarchie de valeurs afin
d’amener l’enfant au concept de valeur. Pour cela, elle est partie d’un album intitulé Dans la forêt
vierge de Judy Allen. (ANNEXE 1) Dans une première séance, elle leur a présenté cet album et
le leur a lu. Ensuite, elle a procédé à une « cueillette » de questions à propos du récit. Cela a
permis de laisser venir les questions que se posent les enfants. Elle leur a demandé quelles
questions vous êtes vous posés en écoutant le récit et dont vous aimeriez discuter avec la classe.
Elle a inscrit toutes les questions sur une affiche. (ANNEXE 2) Ensemble, ils ont pu entreprendre
un classement des différentes questions par thème. (l’or, la fleur…). L’enseignante a ensuite
choisi de construire le concept de valeur à partir de la qualité de « précieux » et leur a demandé
pour ce faire de dresser la liste de tous les objets précieux
de l’album. Dans une quatrième séance, elle a procédé à un exercice de hiérarchisation des
valeurs. Chaque élève disposait de petites cartes représentant les dessins d’objets précieux, ils
avaient comme travail de classer ces différents dessins du moins précieux au plus précieux selon
ce qu’ils pensent. (ANNEXE 3) Cette activité avait pour but de faire prendre conscience aux
enfants de la pluralité des hiérarchies de valeurs. L’enseignante a bien voulu montrer que chacun
a sa propre échelle de valeur et l’une n’est pas meilleure que l’autre. Peut-être aurait-il été
intéressant d’essayer de construire une échelle de valeur de façon collective pour montrer
qu’ensemble on a des difficultés à construire cette échelle car de nombreux avis divergent, et il
est difficile de se mettre d’accord.
Autre question sur laquelle il est important de s’arrêter c’est quelles valeurs transmettre?
Comme nous l’avons dit, il n’y a pas a priori de bonnes valeurs. Le système éducatif, en matière
de valeurs et de normes devrait se limiter à mettre les jeunes en situation de prise de conscience
des valeurs et des normes qui sous-tendent leurs jugements et de les exercer à juger moralement
et politiquement le point de vue universel d’un citoyen du monde ou le point de vue général des
citoyens de la communauté de référence. Les enseignants ont leurs propres valeurs. Les élèves 4 D’après son livre Éducation à la citoyenneté. Apprendre les valeurs et les normes de 5 à 14 ans.
9
sont à leur contact une grande partie de la semaine, ils sont pour eux un modèle. Inconsciemment,
les enfants ne vont-ils pas adhérer aux valeurs de l’enseignant? Une chose est sûre, l’école se doit
de former des citoyens qui vivent dans une république. Donc il paraît évident que l’on devra les
familiariser avec les valeurs de la République communes à tous les membres de notre pays, c’est
à dire la liberté, l’égalité et la fraternité. Ensuite, il faudra apprendre aux élèves à avoir l’esprit
critique pour juger ce qui est bien ou mal. Mais il est vrai que certains thèmes tels que le respect,
la tolérance, l’acceptation de la différence, la justice sont incontournables puisque ce sont des
notions importantes sur lesquelles se basent une société démocratique.
Un autre point m’a beaucoup interrogé. Que faire quand certaines valeurs de l’école vont
à l’encontre de celles des familles? Car nous ne l’avons pas explicité mais la famille est la
première instance de socialisation. Il est donc important que l’école établisse un contact avec elle.
Les programmes sur ce point sont formels puisqu’ils évoquent la notion de co-éducation.
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II- LA LITTERATURE DE JEUNESSE
1- définition
Il nous faut dans un premier temps expliquer ce que nous entendons par littérature. Elle
désigne l’ensemble des œuvres écrites ou orales auxquelles on reconnaît une finalité esthétique5.
Dans les textes officiels, il est exprimé: « A l’école primaire, la littérature est simplement
considérée comme un ensemble de textes dont la qualité littéraire ne fait aucun doute et que l’on
s’approprie en les lisant. ».
Je me suis intéressée plus particulièrement à la littérature de jeunesse préférant ce terme à
littérature enfantine qui peut parfois être vu comme péjoratif. Par littérature de jeunesse j’entends
tout livre publié dans une collection jeunesse et donc destiné et adapté aux jeunes enfants à cette
restriction près que je m’intéresserais uniquement aux albums et aux romans mais non aux
documentaires et aux bandes dessinées.
Comme je l’ai expliqué dans l’introduction, la socialisation peut s’effectuer par différentes
disciplines: E.P.S., Arts visuels, éducation artistique… Pourquoi avoir choisi la littérature de
jeunesse? Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Nous les verrons ultérieurement, car il nous
faut déjà montrer que la littérature n’a depuis quelques années cessé de se développer et a pris
une place très importante au sein de l’école.
2-L’évolution de la littérature de jeunesse (historique)
La littérature de jeunesse apparaît à la fin du 17ème siècle; jusque là les enfants qui
savaient lire, c’est à dire les enfants de bourgeois et de nobles, devaient se contenter de textes
sacrés et des livres de la bibliothèque familiale, ne convenant pas vraiment à leur âge. A la fin
5 Définition issue de Littérature: album et débat d’idées de N. Miri et A. Rabani
11
de ce siècle trois écrits marquent les débuts de la littérature de jeunesse: Les Fables de La
Fontaine, les « contes » de Perrault et Les Aventures de Télémaque de Fénelon. Ils s’inscrivent
dans les genres littéraires qui s’adressent aux enfants, c’est à dire des écrits didactiques et
moraux: abécédaires, fable, contes de fées, abrégés d’histoire ou de mythologie.
Dans la seconde moitié du 18ème, les dialogues et conversations, le théâtre pour la jeunesse
et les historiettes morales complètent la liste des genres. Apparaissent alors des auteurs
spécialisés dans la littérature de jeunesse telle Mme Leprince de Beaumont. (La Belle et la Bête).
A la fin du 18ème siècle apparaissent des récits longs, premières ébauches des romans qui se
développeront au 19ème et 20ème siècles. Au 19ème siècle, des auteurs s’adressent directement aux
enfants (la Comtesse de Ségur, Hector Malot), leurs romans traitant d’aventures, d’exotisme, et
véhiculant des valeurs culturelles, scientifiques ou morales. En effet, pendant la première moitié
du 19ème siècle, certains auteurs tel que Hetzel s’efforcent de définir les conditions et les objectifs
des œuvres destinées à l’enfance.
Au 20ème siècle, le marché du livre explose, les éditions enfantines se développent et cela
pour tous les âges. Cette explosion est particulièrement due à l’évolution démographique du pays,
aux progrès de la scolarisation des enfants et à l’augmentation du pouvoir d’achat des familles.
On aboutit aujourd’hui à une production très riche, des albums illustrés qui rivalisent
d’invention, de sens esthétique et d’astuces, des romans pour les lecteurs en herbes…L’essor de
cette littérature est non seulement remarquable par sa quantité, mais aussi par sa diversité et sa
richesse. Nombreux thèmes sont abordés nous le verrons ultérieurement. Les albums pour enfants
plus jeunes et les premiers romans abordent également une grande quantité de thèmes et se
démarquent par les graphismes: certains sont d’ailleurs très proches de l’art ce qui joue un grand
rôle dans les relations du texte et de l’image.
Grâce à cette fulgurante évolution, la littérature de jeunesse a pris une place importante à
l’école qui se donne pour principaux objectifs le savoir lire et le plaisir de lire. Le savoir lire est
important dans la mesure où il permet à chaque enfant d’entrer plus facilement dans une œuvre,
de la comprendre et de l‘apprécier. En effet, un enfant qui a des difficultés de lecture pourra se
décourager et laisser de côté tous ces livres et albums qu’il se sent incapable de comprendre. Car
autre objectif que se donne l’école, c’est de rendre l’enfant autonome dans ses propres choix de
lecture, mais pour cela il faut qu’on lui donne les moyens en lui faisant acquérir une bonne base
en lecture.
12
3-L’intérêt de cette littérature
J’ai choisi la littérature de jeunesse pour plusieurs raisons. C’est un domaine très riche.
Elle offre au lecteur des espaces dans lesquels il peut s’évader un temps aux problèmes et
changements qui peuvent intervenir dans sa vie quotidienne ou à l’opposer, elle cherche à l’initier
aux difficultés qu’il pourrait rencontrer dans sa vie future en lui fournissant des moyens d’y faire
face. La littérature permet de nombreux plaisirs, la possibilité de voyager dans des mondes réels
ou imaginaires et un autre aspect plus qu’important, elle apporte le plaisir des mots.
Elle aborde aujourd’hui les problèmes auxquels sont confrontés ses destinataires. Les auteurs
considèrent de plus en plus leurs ouvrages comme un médium qui permet de transmettre un
message. Ainsi comme le souligne Jacques CRINON6, la littérature pour la jeunesse est de plus
en plus « intentionnelle ». Elle est « constituée de récits didactiques dont la lecture est largement
centrée sur le message qu’ils délivrent. » Nous verrons dans une autre partie quels sont les
messages qui peuvent être délivrés. Intéressons nous pour l’instant à l’acte de lecture.
A)La lecture un acte socialisé
A l’âge des apprentissages l’enfant est très égocentrique et peu tourné vers les autres. Or
l’acte de lecture est un acte socialisé (mise entre parenthèse de soi, attente de l’autre, élan vers
l’inconnu). En effet, les élèves sont autour d’un même livre, vont partager ce même moment de
lecture. Ils devront respecter certaines règles: écouter le lecteur, attendre pour exprimer son
ressenti par rapport à ce qui est lu….La lecture est un processus qui alterne entre liberté et
contrainte. Contrainte dans le sens où elle est encadrée; la communication entre le texte et le
lecteur ne peut s’établir que si elle repose sur des codes, des valeurs et des références qui leur
sont en partie communs. Il est donc important d’établir ces différents codes dès le plus jeune âge
de l’enfant, car à la maternelle la littérature de jeunesse à aussi sa place.
De plus, il semble que la littérature de jeunesse permet de multiples échanges sur
différents aspects de l’œuvre: aspect esthétique, actions et sentiments du personnage
principal…Lorsqu’un élève a lu un album ou un roman, il peut en résumer l’histoire, faire part de
6 Dans Lire les droits de l’Homme à l’école
13
ses impressions à ses camarades et pourquoi pas leur donner envie de le lire à leur tour. Car aimer
lire, c’est aussi partager ce qu’on retire de ses lectures. Lors de mon stage en maternelle, j’ai
demandé aux enfants s’ils le désiraient d’apporter un livre qui leur plaisait afin de le présenter
aux autres. Ce qui m’a agréablement surprise, c’est de voir quelle attention les enfants portaient
à leur camarade qui présentait son livre. Ensuite, le livre présenté était laissé à la disposition des
élèves et beaucoup d‘entre eux allaient le feuilleter.
Toutefois, il ne faut pas rendre ces interventions systématiques ce qui pourrait rendre ce moment
lassant.
Le terme de sociabilités autour de la lecture est volontiers employé. Un texte littéraire est très
souvent polysémique et en cela il peut nous interroger. En principe, le livre refermé nous
devrions rester sur des interrogations, avoir envie, avoir besoin de les poursuivre, vouloir les
partager; effet des œuvres majeures.
Il est souvent indispensable de réagir aux contenus des ouvrages, d’en livrer son interprétation, de
la confronter à celle des autres élève. Les échanges sont l’occasion d’exercer et d’accepter des
influences, de prendre de la distance vis à vis des points de vue exprimés, dont le sien, d’en
comprendre l’origine. Une fois un livre lu, des émotions s’expriment ; la capacité à exprimer ses
points de vue et émotions et à tenir compte de ceux d’autrui, « c’est la capacité à s’insérer dans la
société, à s’y insérer sans être un simple rouage mais un véritable acteur. »7
B)UNE CULTURE PARTAGEE
La littérature de jeunesse a pris une telle ampleur qu’une liste nationale d’ouvrages pour
le cycle trois a été élaborée afin de guider les enseignants dans leur choix. Elle comporte des
« classiques de l’enfance », comme par exemple Cendrillon de Charles Perrault, Les Aventures
d’Alice au pays des merveilles de Carroll Lewis, La petite fille aux allumettes de Hans-Christian
Andersen, qui sont souvent réédités et qui constituent un patrimoine se transmettant de génération
en génération.
Un intérêt qui me semble important dans la promotion de cette liste, c’est justement la
7 D’après Entrer dans la littérature à l’école de Hubert Dupart
14
possibilité de se constituer les outils d’une référence commune. « En guidant le choix des
enseignants par une liste nationale d’œuvres de références, on vise aussi à faire de la culture
scolaire une culture partagée »8. Il peut alors se constituer un patrimoine pour la classe, un
patrimoine pour le cycle qui permet d’envisager un parcours de l’élève en littérature, un
patrimoine pour l’école et pourquoi pas pour les élèves en France qui auront plaisir à partager,
retrouver des valeurs. « L’expérience de la lecture commune est une expérience qui arrache des
déterminations sociales, culturelles sans les ignorer pour autant »9. En fait l’idée est de rechercher
une sorte d’unité à travers des références communes. Il est donc important que cette culture
partagée, cette culture de base ne soit pas la culture familiale de tel groupe social. Même si on
retrouvera des inégalités. Il ne faut cependant pas généraliser le fait que tous les enfants des
familles défavorisées lisent moins. En effet, il ne faut pas prendre en compte seulement l’aspect
financier, un enfant peut avoir de nombreux livres chez lui mais cela ne veut pas dire pour autant
qu’il les consulte. Il faut surtout prendre en compte la place qu’a donné la famille au livre, quel
rapport elle entretient avec les livres. Car si les livres sont rangés dans une armoire et ne sont pas
accessibles aux enfants cela ne leur donnera pas envie de les consulter. De plus, si l’enfant n’a
pas l’habitude de voir l’ensemble de sa famille lire, il aura d’autant plus de difficultés à se
familiariser avec les livres.
Sans oublier que les œuvres à lire en classe ne sont pas limitées à l’héritage occidental.
En effet, dans la liste officielle de référence, on peut trouver des contes russes (contes russes
d’Afanassiev: l’oiseau de feu), des contes populaires noirs américains (Quand les hommes
savaient voler de Hamilton V. et Dillon L.), des contes berbères (contes berbères de Kabylie de
Mammeri M.) et bien d’autres encore. Les enfants peuvent alors découvrir leur propre culture
mais aussi la culture d’autres pays, ce qui leur permet d’apprendre à devenir tolérant vis à vis par
exemple des coutumes qu’ils ne connaissent pas.
Selon les programmes: « L’appropriation des œuvres littéraires appelle un travail sur le sens. Elle
interroge les histoires personnelles, les sensibilités, les connaissances sur le monde, les références
culturelles, les expériences des lecteurs. Elle crée l’opportunité d’échanger ses impressions sur
les émotions ressenties, d’élaborer des jugements esthétique, éthiques, philosophiques et de
remettre en cause des préjugés. Les œuvres sélectionnées permettent aux enfants d’interroger les
8 D’après Les Nouveaux Programmes du Ministère de l’Éducation Nationale 9 Citation de Jean Hébrard dans Entrer dans la littérature à l’école de Hubert Dupart
15
valeurs qui organisent la vie et lui donne une signification. »
C) LA LITTERATURE : UN OUTIL MEDIATEUR
Une des grandes tendances de la littérature de jeunesse aujourd’hui est d’inscrire les récits
dans la société actuelle. Ce sont des écrits dans lesquels les enfants peuvent se retrouver
culturellement et socialement.
Nombreux romans parlent d’intégration, de racisme, de ségrégation. Comme dans les contes
traditionnels, ces romans fonctionnent selon un schéma manickéen où les méchants sont punis et
les gentils récompensés. Beaucoup de romans suivent plus ou moins le même schéma narratif. Il
s’agit de romans réalistes qui fonctionnent comme des documentaires sociaux s’inspirant de la
vie, de situations réelles et vraisemblables, ils offrent au jeune lecteur une image de la société
contemporaine dans laquelle il se retrouve et peut se repérer socialement selon sa propre
situation.
Le personnage principal vit une situation conflictuelle au début du récit: il a du mal à s’accepter,
ou n’est pas accepté par ses pairs. Il est souvent représenté comme un enfant victime de la
société. Toutefois, dans la plupart des cas, le problème du personnage principal est résolu grâce à
l’amour ou l’amitié. Autre grande caractéristique:la némésis. Le personnage lésé, brimé obtient
toujours gain de cause à la fin et justice lui est rendue. La mise en contexte de ces problèmes
sociaux souvent familiers au jeune lecteur permet une identification aisée au personnage rejeté.
Cet appel à la sensibilité du lecteur facilite la transmission de tolérance et de solidarité que les
auteurs tentent de communiquer.
Il semble important de mettre en avant l’importance du personnage principal, le héros de
l’histoire. Il est important dans le sens où comme nous l’avons dit il permet une identification
aisée du jeune lecteur. Car la représentation de l’enfant dans la littérature de jeunesse n’a évident
jamais cessé d’évoluer. A travers la littérature de fiction, on assiste à la résistible ascension du
héros enfantin d’abord comparse puis protagoniste et enfin sujet réel de l’histoire. Non pas que
l’enfant fut absent de cette littérature, au contraire dès le 18ème on ne manque pas pour des raisons
morales de louer le fils généreux ou d’épingler les enfants qui veulent se gouverner tout seuls.
Mais ces enfants ne sont souvent que des figurations de l’enfance.
On peut se rendre compte facilement que pour être sûr de captiver les enfants, c’est de leur
16
permettre de se projeter dans un héros proche d’eux. Se sont alors développés de plus en plus des
héros enfantins engagés dans des aventures quotidiennes ou extraordinaires, témoins de leur
temps ou explorateur de mondes inconnus. Le héros enfantin a son royaume, sa dynastie, ses
fidèles et ses ennemis; en se projetant dans une image qui le fascine, l’enfant lecteur confronté à
ses doubles affine sa vision du monde et conquiert sa place dans une société qui le reconnaît. Il
s’agit toujours de faire vivre par procuration des enfants typés ou modèles dont les aventures vont
accompagner le jeune lecteur dans la conquête de sa personnalité.
Le personnage principal peut être d’autant plus important dans le sens où il peut jouer un
véritable rôle de médiateur. Un enfant peut avoir des difficultés à parler de lui pour évoquer ses
opinions personnelles, il est donc intéressant qu’il puisse transférer ses sentiments, ses opinions
sur ce personnage fictif; processus que l’on appelle « illusion référentielle ». Il semble et nous le
verrons plus tard que ceci peut représenter un point de départ; partir du héros, ses propres
ressentis et les utiliser pour exprimer ses propres sentiments.
Il nous faut à présent expliquer l’utilisation de la littérature de jeunesse comme outil pour dégager
et discuter des valeurs qu’elle peut évoquer.
17
III- VALEURS ET LITTERATURE DE JEUNESSE
1-Les valeurs exprimées par la littérature de jeunesse
Après avoir examiné de plus près la liste nationale d’œuvres de référence destinée au
cycle trois, on peut observer qu’une grande partie des œuvres indiquées transmet une ou plusieurs
valeurs au jeune lecteur.(ANNEXE 4) Citons quelques exemples: Remue-ménage chez Madame
K de Wolf Erlbruch qui traite du bonheur, du malheur, de la solidarité et de l’amour (des autres
mais de soi même aussi), Oma, ma grand mère à moi qui évoque la cohabitation d’une grand-
mère et de son petit fils que deux générations séparent.
Plus généralement, dans la plupart des livres consacrés aux jeunes enfants, nombreux
thèmes sont abordés. Par ailleurs, dans les programmes, il est expliqué: « La littérature peut
explorer de multiples possibles. La littérature de jeunesse qu’elle soit d’hier ou d’aujourd’hui n’a
jamais manqué de mettre en jeu les grandes valeurs, de montrer comment les choix qui président
aux conduites humaines sont difficiles et comment un être de papier (comme un être de chair)
n’est jamais à l’abri des contradiction ou des conflits de valeurs qui guettent chacune de ses
décisions. » Dans la littérature de jeunesse, aucun thème n’est ignoré. Les livres nous montrent à
la fois des images d’amour, de haine, des images de notre société où l’exclusion s’aggrave. Ils
peuvent évoquer le handicap, la mort, le partage, la tolérance, l’amitié, la misère; des thèmes qui
auparavant étaient plus ou moins tabous, plus difficiles à aborder.
2-Un échange oral nécessaire: exemple du débat
Pour aborder ces grands thèmes, il faut accorder une grande importance à la
communication orale. Les enfants doivent pouvoir tous s’exprimer et échanger leurs idées. Pour
répondre à ces besoins, le débat est l’un des choix que l’on peut faire. En effet, les programmes
énoncent que des lectures communes peuvent se développer dans l’école des débats sur les
grands problèmes abordés par les écrivains comme sur l’émotion tant esthétique que morale
qu’ils offrent à leurs lecteurs. Dans le cas du débat tout l’art va consister à dépasser le stade des
18
opinions pour arriver aux valeurs. Il s’agit, en effet de mettre les élèves dans des procédures de
réflexion et de débat qui les conduisent à modeler eux-mêmes leur pensée par la confrontation, le
frottement avec la pensée des autres. Il existe plusieurs formes de débat; débat mené par
l’enseignant ou débat réglé: chaque élève a un rôle précis qu’ils doivent respecter. Ce moyen est
riche car en plus de travailler sur ce qui se dégage de l’œuvre d’autres compétences interviennent
toujours liées à l’apprentissage du vivre ensemble. En effet, pendant un débat certaines attitudes
sont attendues. Comme par exemple parler suffisamment fort ou attendre son tour de parole. De
plus, les élèves se doivent de fournir un ou plusieurs arguments à leur proposition, écouter les
arguments des autres, fournir un ou plusieurs contre arguments en trouvant des objections aux
arguments apportés, identifier un ou des arguments émis et les personnes qui les ont verbalisés.
Pendant un stage en responsabilité en classe de CM1, il a été possible de mettre en œuvre
une séquence sur l’album YAKOUBA de Thierry Dedieu. (ANNEXE 5) De plus lors d’un module
transdisciplinaire, j’ai pu assister et participer à quelques séances sur ce même album dans une
autre classe de CM1. Je vais donc à présent expliquer ce j’ai pu mettre en place et analyser ce
travail.
3-Séquence mise en place à partir d’un album
A) LE CHOIX DE L ALBUM
Aujourd’hui, pour choisir un roman ou un album de nombreux outils sont à notre
disposition. Nous l’avons déjà évoquée, la liste d’œuvres de référence pour le cycle trois permet
déjà un large choix. De plus, un recueil à destination des enseignants et des écoles a été édité:
« 1001 livres pour les école », élaboré par une commission de la Direction des écoles du
Ministère de l’Éducation Nationale. Il existe aussi des revues pour leur faire connaître les
productions récentes qui proposent un éventail des derniers ouvrages édités accompagnés de
résumés. On peut citer par exemple « La revue des livres pour enfants », « Citrouille » réalisée
par l’Association des librairies spécialisées pour la jeunesse. Sans oublier, l’existence de
19
nombreux sites comme celui animé par Jean-Paul Gourévitch, spécialiste de l’histoire et du
patrimoine du livre d’enfance. Bien entendu, c’est ensuite à l’enseignant d’aller consulter les
ouvrages, les lire et vérifier qu’ils s’adaptent aux objectifs qu’il s’est fixés et qu’ils répondent
bien aux programmes.
Concernant mon propre choix tout d’abord, élément important, j’ai choisi cet album car
lorsque je l’ai découvert moi-même, il m’a tout de suite séduite. Cela peut paraître évident mais
je pense que lorsque l’on propose un album ou un roman aux élèves, il faut qu’il plaise à
l’enseignant et il faut l’avoir bien lu. C’est important pour motiver ses élèves, pour leur donner
envie de découvrir l’histoire. Il paraît difficile de donner envie à des enfants de lire un ouvrage
que l’on n’apprécie pas soit même. Sans oublier que le livre en lui-même doit aussi être
susceptible de plaire et d’attirer l’attention et l’intérêt des élèves. Cela passe par l’aspect du livre:
son format, sa couverture, ses illustrations. D’ailleurs, l’album de Thierry DEDIEU propose des
illustrations très riches. (ANNEXE 6) Le graphisme ne nous laisse pas indifférent : des dessins
noirs sur fond beige, des formes sobres, épurées. Seul l’essentiel y figure: peu de détails, des
zones d’ombre, des contrastes, quelques frises évoquant les masques africains. Des sortes de
croquis de carnets de voyage qui nous conduisent, pour mieux les saisir, à entrer dans le texte.
Avant d’expliquer les séances mises en place, il me faut déjà présenter l’album.
YAKOUBA, de T. Dedieu, récit initiatique, évoque l’histoire de Yakouba, un jeune enfant africain
qui pour apporter la preuve de son courage, et réussir son entrée dans le monde noble des
guerriers et des adultes doit affronter le lion. Il part donc seul la peur au ventre. Quand il le
rencontre, celui-ci, blessé et affaibli, le met devant un vrai problème, un vrai dilemme; soit il le
tue mais sans mérite car il est faible, soit il lui laisse la vie sauve. Yakouba préfère le laisser
partir, tout en sachant que sa famille ne lui pardonnera pas. Tenu à l’écart depuis ce jour, par la
tribu, Yakouba garde le troupeau du village. Depuis ce jour, étrangement, le troupeau du village
n’est plus attaqué par les lions.
La présence de ce personnage principal a été prise en compte dans mon choix pour
permettre aux enfants de passer par ce héros pour donner leur avis personnel. Par contre,
l’identification au personnage est moins évidente dans le sens où Yakouba est un jeune africain.
La culture africaine peut être totalement inconnue de certains enfants. Mais cet aspect n’est
toutefois pas inintéressant puisqu’il peut permettre une comparaison des cultures, une
comparaison des us et coutumes et plus généralement des valeurs de deux civilisations
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différentes.
Enfin, bien évidemment j’ai aussi choisi cet album car il permet de travailler sur une
valeur qu’est le courage; le courage étant ici une condition de l’accession au statut de guerrier.
B) séance 1: Découvrir l’œuvre et la comprendre
Les objectifs que j’avais fixés étaient de lire et comprendre un récit complexe
(comprendre le dilemme qui se pose au héros, comprendre et ressentir le non-dit et les ellipses,
réussir à énoncer l’implicite), aller vers la lecture interprétative.
Avant toute chose, il a donc fallu passer par une phase de compréhension assez longue car
cet album présente un certain nombre de difficultés.
En effet, tout d’abord l’histoire se déroule dans un environnement culturel inconnu des
enfants. Ceci peut bien entendu représenter un obstacle à la compréhension car ils n’ont pas
vraiment de repères. De plus, l’auteur utilise un lexique plutôt complexe et une façon d’écrire
assez poétique. On peut aussi trouver dans le texte des ellipses qui ne facilitent pas la
compréhension. Par exemple, au début de l’histoire une fête se prépare elle permet de présenter
l’épreuve à affronter. On peut alors imaginer que cette épreuve n’est pas la première mais
l’ultime et que l’auteur a préféré jouer l’ellipse de ce qui précédait. Ceci suppose donc un travail
conséquent d’interprétation.
Le travail d’interprétation est de combler les manques, rétablir un ordre, faire des rapprochements
non signalés entre les mots du texte, les faits du texte pour pouvoir comprendre ce que l’auteur
veut nous faire passer. Deux séances ont été prévues pour ce travail. Car les élèves doivent avoir
bien assimilé le texte pour pouvoir passer à une autre activité.
Pour leur faire découvrir l’album, j’ai opté pour un dévoilement progressif alternant
lectures hautes voix de l’enseignant, lectures silencieuses de certains passages par les élèves et
analyse des illustrations.
En ce qui concerne la situation initiale, j’ai affiché au tableau la première page de
couverture photocopiée, pour amener les élèves à faire des hypothèses sur l’histoire, sur l’identité
du personnage représenté. Grâce aux indices présents sur cette première page (lance, bouclier
21
personnage au crâne rasé…), ils ont très vite émis l’idée qu’il s’agissait d’une personne noire
originaire d’Afrique.
J’ai voulu dès la première séance leur faire découvrir l’intégralité du texte et j’ai pu observer que
ce fut un travail un peu fastidieux pour eux. Certains passages méritaient que l’on s’y arrête car
ils présentaient des difficultés de compréhension. Mais, très vite, les élèves ont décroché. Il aurait
donc été plus judicieux de s’arrêter au dilemme qui se pose à Yakouba, c’est à dire va-t-il tuer ou
non le lion et de leur proposer à ce moment là un travail individuel et écrit sur justement le choix
que va prendre le jeune africain. La question suivante aurait pu leur être posée: A ton avis, que va
faire Yakouba, va-t-il tuer ou non le lion? Pourquoi? Le fait de différer à la séance prochaine la
découverte du choix de Yakouba aurait produit un effet d’attente chez les élèves. Je leur avais
bien proposé une activité écrite afin de varier les modalités de travail, mais elle est arrivée un peu
tardivement, ce fut difficile de capter leur attention. Ils devaient donc répondre à la question:
Qu’aurais-tu fais à la place de Yakouba? Pourquoi? La plupart des élèves ont répondu qu’ils
auraient fait la même chose, qu’ils ne l’auraient pas tué, prétextant que le lion était trop faible et
que de toute façon il allait sans doute mourir. Certains élèves, quant à eux, ont répondu qu’ils
l’auraient tué car n’auraient pas voulu se faire rejeter par les autres membres de la tribu. Ce petit
débat nous a permis de montrer que Yakouba avait été confronté à un vrai dilemme, comme nous
il a dû peser le pour et le contre pour prendre une décision.
C) Séance 2: mise en place d’un débat
Les objectifs de cette séance étaient les suivants: Dire un texte et participer à un débat (donner
son opinion, écouter les avis des autres et les respecter, argumenter ses réponses)
Lors de cette deuxième séance, nous sommes revenus sur le texte, je voulais m’assurer
que tous les élèves avaient bien tout compris avant d’entamer un débat. Quelques questions de
compréhension leur ont donc été posées.
Ensuite, nous avons pu passer à une autre activité que permet l’œuvre Yakouba qu’est le
travail de diction. Il me semble que ce travail peut permettre à certains élèves de mieux
comprendre le texte. C’est pour cette raison que lorsque l’on fait découvrir une œuvre aux
enfants, il est préférable que ce soit l’enseignant qui lise à haute voix le texte, surtout en ce qui
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concerne les passages jugés difficiles. L’enseignant met le ton et surtout « n’accroche pas »
certains mots comme pourraient le faire certains enfants. La lecture est alors plus fluide et facilite
la compréhension. Bien entendu à titre de remarque, l’enseignant aura du bien étudier le texte et
se sera entraîné à le dire; c’est un travail nécessaire voire indispensable. Pour réaliser ce travail de
diction trois passages ont été choisis car très intéressants.
« Il faut apporter la preuve de son courage et seul affronter le lion. Sous un soleil de plomb marcher,
franchir les ravins, contourner les collines, se sentir rocher, forcément, herbe, bien sûr, vent, certainement, eau, très
peu. »
« Le jour comme la nuit, épier, scruter; oublier la peur qui serre le ventre, qui transfigure les ombres, rend
les plantes griffues et le vent rugissant. Attendre des heures et puis soudain. S’armer de courage, et s’élancer pour
combattre. »
« Comme tu peux le voir, je suis blessé. J’ai combattu toute la nuit contre un rival féroce. Tu n’aurais donc
aucun mal à venir à bout de mes forces. Soit tu me tues sans gloire et tu passes pour un homme aux yeux de tes
frères, soit tu me laisses la vie sauve et à tes propres yeux tu sors grandi, mais banni, tu le seras par tes pairs. Tu as
la nuit pour réfléchir. »
Chacun de ces passages dégage une atmosphère particulière (peur, difficultés, vrai dilemme)
orientant la façon dont on peut le dire. Ce qui est intéressant c’est de laisser les enfants trouver
une façon de les dire qui leur est propre. Il faut donc éviter de dire les passages avant eux car
inconsciemment ou non, ils seraient amenés à reproduire la même chose ce qui n’est pas le but
recherché.
Après avoir réalisé ce travail de diction, nous sommes revenus sur le passage qui nous fait
comprendre que Yakouba a choisi de laisser la vie sauve au lion. J’ai alors mis en place un débat
autour de la question suivante: D’après vous, Yakouba a-t-il été courageux? Cette question a été
choisie pour aborder dans un premier temps la notion de courage tout en ne s’écartant pas trop de
l’album et donc pour laisser un support aux élèves. D’après le texte ce qu’impose l’épreuve, ce
n’est pas la simple force de tuer mais plus encore le courage de risquer de mourir. L’épreuve
engage donc une alternative entre le courage (de tuer le lion ou de mourir) et la lâcheté (de ne pas
risquer de mourir). Le bénéfice de l’épreuve consiste pour le courageux en l’honneur de devenir
un guerrier reconnu, et pour le lâche, en le déshonneur de ne devenir qu’un simple berger mis à
l’écart du village. Or dans ce cas particulier, le lion est blessé; un réel dilemme s’est posé alors à
Yakouba. Selon notre propre vision, on peut voir les choses différemment. Si l’on reprend les
multiples réactions des élèves qui ont eu lieu pendant le débat par rapport à la question de départ,
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la classe se trouve partagée. Un groupe d’élèves répondait que Yakouba n’était pas courageux.
Citons quelques unes de leurs remarques.
« non, il n’a pas été courageux car il n’a pas su se battre avec le lion »
« oui, il n’a pas effectué sa mission, il n’a pas été jusqu’au bout, donc c’est un lâche »
A l’opposé, l’autre groupe pensait que Yakouba s’était montré courageux. Voici quelques une de
leurs justifications:
« Yakouba est courageux car il aurait pu tuer facilement le lion mais il ne l’a pas fait »
« Oui, c’est courageux de ne pas se battre avec un plus faible. »
« En plus, il n’a pas eu peur de se faire rejeter par les autres » (les autres membres de la tribu)
Bilan de la séance:
Tout d’abord, concernant le travail de diction, j’ai pu remarquer que la plupart des enfants
appréciaient beaucoup cette activité. Nombreux sont ceux qui se sont portés volontaires.
Par contre, pendant le débat quelques difficultés se sont présentées à moi.
Tout d’abord, les élèves avaient tendance à ne s’adresser qu’à moi. Or pendant un débat, les
élèves doivent bien entendu s’adresser à l’ensemble de la classe pour que chacun puisse rebondir
à telle ou telle proposition. Ceci je pense était dû à la disposition des élèves. Ils n’avaient pas une
vue d’ensemble mais étaient tous disposés face à moi donc naturellement c’est à moi qu’ils
s’adressaient. Passant d’une activité à l’autre je n’ai pas pensé à changer la configuration de
classe ce qui fut préjudiciable.
De plus, ce qui m’a paru difficile dans le débat est le fait de faire participer tous les élèves. En
effet, certains élèves ont des difficultés à s’exprimer devant toute la classe du fait de leur timidité
et il est vrai que l’on a tendance à interroger les élèves qui ont le doigt levé. Or ce sont toujours
les mêmes. Le débat demande donc une certaine organisation pour qu’il puisse fonctionner.
24
D) Séance 3: la notion de courage
Pour cette séance les objectifs visés étaient de tenter de donner une définition du courage, mais
surtout comprendre que chaque individu à sa propre échelle de valeurs.
Pendant cette dernière séance, nous avons travaillé sur la notion de courage. Je désirais
savoir ce que pour eux désignait ce concept. Après un bref rappel sur les séances précédentes, je
leur ai posé la question: qu’est-ce que le courage? Il est vrai que cette question peut paraître
difficile car elle a tout d’une question philosophique. La notion de courage est une notion
abstraite et trouver une définition semble compliqué. Mais il me semblait intéressant de poser
cette question ainsi sans plus de précisions pour recueillir en quelque sorte leurs conceptions
initiales sur le sujet. De plus, les élèves devaient travailler seuls dans un premier temps et par
écrit. Ce travail individuel est pertinent car dans ce cas je désirais avoir chacune de leurs opinions
personnelles, si ce travail avait été effectué en collectif, certains auraient été influencés par les
propositions des autres élèves. Malgré la difficulté de cette tâche, les élèvent donnèrent des
propositions très intéressantes:
Cependant, certains d’entre eux étaient gênés par la formulation de la question, j’ai alors précisé:
qu’est-ce qu’être courageux? As-tu un jour assisté à un acte courageux?
Ensuite par groupes de quatre, ils devaient répondre aux questions, essayer d’écrire sur une
feuille blanche ce que pour eux représentait le courage puis ils devaient illustrer leurs
propositions par un ou plusieurs dessins.
En passant dans les groupes, je me suis vite aperçue de la difficulté des élèves à définir, car ils
ont donné très souvent des exemples. (le courage c’est par exemple quand on s’approche d’un
animal dangereux) Mais ceci peut être bénéfique dans le sens où on peut dépasser l’exemple en
trouvant ce qu’il y a de commun à plusieurs exemples, c’est un exercice de généralisation et
d’abstraction qui dégage un attribut du concept.
Pour la plupart des élèves, si on examine leurs propositions (ANNEXES 7, 8,9 et 10) lors de la
mise en commun, le courage c’est d’assumer un danger, vaincre sa peur. Un des groupes n’a
d’ailleurs défini le courage que par le fait de dépasser ses angoisses: vaincre la peur du vide, la
peur des ascenseurs, la peur des animaux dangereux… (ANNEXE 7) Un groupe a tenté de donner une définition mais on s’aperçoit très vite qu’ils finissent par donner
des exemples. (ANNEXE 8)
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« le courage peut être une expression : quand la maîtresse te dis que tu vas faire une
dictée et que tu n’aimes pas on te dis bon courage »
Si on analyse les dessins produits par les élèves (ANNEXE11, 12, 13), on retrouve toujours la
même idée, c’est à dire que pour être courageux, il faut assumer un danger.
Pour finir la séance, je leur ai demandé collectivement de classer les différentes situations
qu’ils m’avaient données du moins courageux au plus courageux sur une échelle de valeurs
dessinée préalablement au tableau. Très vite, les élèves ont été en désaccord. J’ai essayé
d’intervenir le moins possible. Et au bout de quelques minutes un élève m’a dit:
« Mais ce n’est pas possible, on n’arrivera jamais à se mettre d’accord on est trop
nombreux. »
Remarque intéressante puisqu’elle nous a permis de conclure. Je leur ai demandé pourquoi ils
n’arrivaient pas à se mettre d’accord pour arriver à l’idée que chaque personne a ses propres
opinions et donc que l’on a chacun sa propre échelle de valeurs.
E) Bilan général de la séquence
Dans l’ensemble, les séances que j’ai pu mettre en oeuvre m’ont paru satisfaisantes dans
la mesure où j’ai pu atteindre mes objectifs: c’est à dire leur faire comprendre que l’on peut avoir
des avis divergents sur un même sujet mais qu’il faut respecter l’opinion des autres, et qu’il est
difficile ensemble de créer une échelle de valeurs de part justement ces avis divergents. Je pense
que s’il fallait recommencer, je reprendrais à peu près la même démarche, mais je prévoirais plus
de séances car l’album comme nous l’avons vu est très riche et complexe. Il a fallu faire des
choix et laisser de côté certaines activités qui auraient pu être très enrichissantes.
Je trouve l’idée du débat très intéressante car il permet d’enrichir les arguments des
élèves. Ils ont vraiment la conviction de construire une notion ensemble car pendant le débat des
libertés leur sont accordées.
Ce qui a été le plus difficile à gérer ce fut mon intervention. Le plus dur est de savoir
quand intervenir, jusqu’où laisser les enfants s’exprimer. Cependant, d’après Miri N. et Rabany
A.10 dans le contexte des débats l’enseignant doit être plus l’accompagnateur et le garant du bon
10 D’après Littérature: album et débat d’idées.
26
déroulement que « le maître à penser. » Même si le débat doit comporter quelques contraintes, il
doit pouvoir laisser aux enfants une certaine marge de liberté.
De plus, nous avons en tant qu’individu nos propres opinions sur un sujet. Il faut alors rester
neutre, c’est à dire ne pas vouloir faire dire ce que l’on voudrait entendre. Il est vrai à certains
moments j’étais tenté d’orienter leurs réponses. Certes il faut aider les élèves pour que le débat
reste bien animé mais il faut tout de même savoir s’effacer.
F) Autres pistes qui auraient pu être exploitées avec ce même album
J’ai choisi de travailler sur la notion de courage car je voulais montrer que si pour certain
un acte pouvait être qualifié de courageux pour d’autres il pouvait ne pas l’être. Il est vrai qu’à
travers ce récit d’autres thèmes auraient pu être abordés. Par exemple, on aurait pu débattre sur le
rôle des parcours initiatiques en comparant les pratiques de plusieurs pays du monde ou encore
sur la légitimité des rites de passage pour appartenir à un groupe. (par exemple, épreuves lors
d’activités sportives mais aussi malveillances commises pour être accepté par une « bande ») De
plus, il aurait pu être évoqué l’importance d’appartenir à un groupe et donc le poids de
l’exclusion ou le rôle de la communauté dans l’éducation des jeunes. Cet album est donc très
riche puisqu’il permet d’aborder un grand nombre de thèmes, il permet vraiment de nous
interroger. Toutefois, il faut faire des choix, tout ne peux pas être traité en partant du même
album car les élèves s’en lasseraient.
De plus, le module Français transdisciplinaire m’a permis de découvrir d’autres
procédures, d’autres façons de travailler sur ce même album. J’ai aussi pu comparer les
propositions qu’ont données les élèves de cette classe avec celles données par la classe avec
laquelle j’ai pu travailler en stage.
L’enseignant qui menait la séance avait choisi « la stratégie boule de neige » pour débattre
sur la notion de courage. (ANNEXE 14) C’est à dire que dans un premier temps, l’élève
travaillait seul sur la question suivante: si vous aviez été à la place de Yakouba, auriez-vous tué le
lion? Et pourquoi? Pour la même raison ce travail individuel intervient pour que les élèves ne
soient pas influencés par les propos des autres. Cette question demande à l’élève de se mettre à la
27
place du personnage principal.
Ensuite, les élèves travaillaient par deux. Chaque élève devait se mettre à la place d’un
personnage, l’un à la place d’un guerrier, l’autre à la place de Yakouba. Le guerrier devait poser
ces questions à Yakouba: Pourquoi as-tu tué le lion? Pourquoi ne l’as-tu pas tué?
Ce procédé est tout à fait intéressant dans le sens où il permet vraiment à l’enfant de s’identifier
au personnage. Cela lui permet de verbaliser ce qu’il a écrit individuellement sur son cahier. De
même, le fait qu’il se trouve avec un autre camarade peut l’encourager à s’exprimer sans avoir
peur du regard de l’adulte.
Une fois ce travail terminé, les enfants se regroupaient par quatre pour discuter sur la question:
Yakouba est-il courageux ou est-il un lâche?
Les enfants se sont ensuite regroupés par douze pour répondre à la question: est-ce que Yakouba
est devenu un adulte?
Enfin dans un dernier temps, toute la classe a pu échanger ces idées.
Cette idée de « stratégie boule de neige » était tout à fait pertinente, il a vraiment permis
d’enrichir les arguments des élèves et surtout élément important il a permis à tous les élèves de
s’exprimer. En effet, même les plus timides d’entre eux ont pu à un moment ou un autre
développer leur point de vue même si ce ne fut que dans les deux voire les trois premières étapes.
Cela aurait pu être un moyen pour pallier à la difficulté rencontrée lors de mon premier débat.
Toutefois je pense qu’il aurait fallu passer un peu plus de temps sur la compréhension du texte,
avant de débattre sur les différentes questions proposées. Car on a pu s’apercevoir que certains
enfants se posaient encore de nombreuses questions. Par exemple, ils ne savaient pas si le lion
avait été blessé par la faute de Yakouba.
Dans la séance suivante, comme je l’ai fait, l’enseignant a travaillé plus particulièrement sur la
notion de courage. Pour aborder cette notion, il a réparti la classe en quatre groupes:
- un groupe qui devait sur une affiche écrire « pour nous le courage c’est… » et
compléter la phrase.
- un groupe qui devait classer différents actes du moins courageux au plus courageux sur
une échelle de valeurs.
- un groupe qui devait faire un dessin représentant une situation courageuse.
- un groupe qui devait mettre autour du mot courage tous les autres mots qui leur
passaient par la tête.
28
Je trouve cette idée très judicieuse, tous les groupes travaillaient sur le même thème mais
de façon différente. La mise en commun est alors d’autant plus intéressante. En effet, chaque
groupe présente un travail différent ce qui rend cette mise en commun plus attrayante, plus
vivante. Cela a vraiment permis de garder l’attention de l’ensemble des élèves car ils étaient
curieux de voir ce qu’avaient produit leurs camarades.
De même à l’intérieur de chaque groupe chaque élève avait un rôle particulier, ils devaient alors
s’autoréguler: un élève était le « maître du temps,» un autre était le « gardien du silence, » un
autre était le « distributeur de parole » et le dernier était le scribe. Les élèves se sentaient alors
responsable ils étaient alors tous très actifs au sein des groupes. Car on sait bien que lorsque l’on
fait un travail de groupe, certains élèvent sont totalement effacés et laissent les autres faire
l’activité.
Si l’on compare les propositions faites par ces élèves par rapport aux propositions des
élèves avec qui j’ai pu travailler, on constate la même manière de procéder pour définir cette
notion de courage. C’est à dire que les élèves ont aussi donner des exemples pour expliquer ce
qu’est être courageux. Par ailleurs les mêmes exemples ont été cités: le pompier qui sauve des
vies en bravant les flammes. La notion de danger revient donc, pour la plupart des élèves le
courage est d’assumer un danger.
Par contre, je ne pense pas que j’aurai fait travaillé un groupe sur l’échelle de valeurs. Les enfants
ont eu des difficultés à réaliser cette échelle car ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord; ce qui
est tout à fait évident car comme nous l avons dit chaque individu à sa propre échelle de valeurs.
Comme dans ma séance je l’aurai mis à la fin pour que collectivement ils tentent de la remplir.
C’est vraiment à partir de ce moment là qu’ils auraient pu conclure qu’on ne peut pas en créer
une de façon collective.
4-Les limites de l’utilisation de la littérature comme outil
Comme nous l’avons vu précédemment la littérature de jeunesse ou plus précisément le
livre peut être utilisé comme un outil, un instrument permettant de débattre sur de nombreux
thèmes.
Le principal écueil à éviter absolument est l’utilisation abusive des livres, de la littérature
29
de jeunesse. En effet, il faut veiller à ne pas se cantonner dans une exploitation des livres
uniquement pour les apprentissages; il ne faut pas oublier l’idée que l’école se donne entre autres
missions de développer le goût de la lecture. La lecture doit rester un réel plaisir; le fait de
toujours questionner les élèves sur un texte peut finir par les écœurer de la littérature.
A tous les niveaux du cycle un au cycle trois, il est important de conserver des moments de
« lecture plaisir » où les élèves n’auront rien d’autre à faire que d’apprécier la lecture faite par
l’enseignant ou par un de leur pairs. L’appréciation peut bien entendu se faire de façon négative
ou positive. Les élèves ont tout à fait le droit de ne pas apprécier tel ou tel livre ce qui est
intéressant par contre c’est de leur faire argumenter leur choix.
Lors de mes différents stages, j’ai pu constater qu’à tout âge, les élèves ont un réel plaisir à
écouter une histoire, leur attention m’a agréablement surprise.
Si comme nous l’avons vu le livre semble être un très bon support, un très bon point de
départ pour évoquer certaines valeurs, il ne faut pas l’utiliser à outrance. Le fait de partir de
situations fictionnelles est intéressant car il permet à certains élèves d’exprimer leurs émotions à
travers le personnage fictif. Il faut veiller toutefois à ne pas toujours partir de situations
fictionnelles, mais essayer le plus souvent possible de partir des expériences de classe qui
peuvent être toutes aussi riches car concernant directement les élèves.
De plus, il faut éviter d’instrumentaliser la littérature. Il ne faut pas choisir un livre
exclusivement pour les débats qu’il suscitera, sa qualité littéraire s’avérant alors secondaire. Les
lectures littéraires des différents cycles doivent être choisies avec soin et organisées en parcours
logiques. Ces lectures doivent permettre aux élèves de retrouver un personnage, un thème, un
genre, un auteur, un illustrateur…car c’est par cette habitude de fréquenter les livres que l’élève
va se construire progressivement une culture. Ici on aborde un point important dans la cohérence
des lectures non évoqué précédemment. Comme il a été dit les différents ouvrages consultés
s’éclairent entre eux et renvoient les uns aux autres:il s’agit de créer des réseaux entre les livres
qui donnent sens aux lectures et aux apprentissages.
Il faut aussi faire très attention à ne pas faire dire n’importe quoi à un texte pour essayer
d’arriver à ses fins, et dégager des valeurs que l’auteur n’évoque pas ce qui dénaturerait l’œuvre.
Il a été évoqué le terme de sociabilités autour de la lecture. Il désigne bien des échanges,
une conversation mais n’implique pas à chaque fois un débat réglé. Il faut donc trouver d’autres
façons de procéder pour varier les modalités de travail.
30
Nous avons donc essayé de montrer à travers ce mémoire que la littérature de jeunesse
représentait un très bon support pour évoquer certaines valeurs avec les élèves. En effet, la
plupart des œuvres évoquent de nombreux thèmes intéressants à aborder avec ceux-ci. Ils peuvent
se sentir vraiment concernés puisque le texte est adapté à leur âge et il évoque des sujets, des
thèmes très proches de leur vie quotidienne. De plus, le fait d’utiliser le débat permet de
développer de nombreuses compétences relatives au « vivre ensemble ». Ils peuvent s’exprimer
librement mais doivent tout de même respecter certaines contraintes. Ce qui est intéressant est le
fait que chaque idée va au fur et à mesure se développer et cela grâce à la contribution de chacun.
Bien évidemment, il faut veiller à ce que chaque élève exprime son opinion, ce qui n’est pas
toujours facile, nous l’avons vu.
Même si la littérature semble être un très bon support, il y a cependant des limites à ne pas
dépasser. Car certes la littérature de jeunesse peut constituer un outil de base pour aborder
certaines valeurs, cependant il ne faut pas systématiquement « l’instrumentaliser. » Ce qui fait
une œuvre, c’est sa qualité esthétique, c’est un aspect à ne pas oublier. Consulter un livre doit
rester un réel plaisir pour les enfants car une des grandes missions de l’école est bien de leur
favoriser l’accès aux livres et de leur donner le goût de lire. Il faut donc travailler de la sorte de
façon ponctuelle.
Ce mémoire a été pour moi très enrichissant, il m’a permis de découvrir des œuvres de la
littérature de jeunesse que je ne connaissais pas et donc d’enrichir mon propre réseau de livres.
L’enseignant doit donc se constituer un véritable répertoire d’œuvres afin qu’à tout moment il
puisse proposer à ces élèves un livre adapté. Car n’oublions pas que la littérature de jeunesse
n’est pas exclusivement réservée aux enfants…
31
�BLAMPAIN D., La littérature de jeunesse pour un autre usage, Éditions Labor, 1979
�CHARMEUX E., La lecture à l’école, CEDIC, 1975
�DUBAR C., La socialisation, Armand Colin, 1991
�DUPART H., Entrer dans la littérature à l’école, Chroniques sociales, 2003
�LELEUX C., Éducation à la citoyenneté. Apprendre les valeurs et les normes de 5 à 14 ans,
De Boeck, 2000
�MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, Les Nouveaux Programmes Qu’apprend-on
à l’école élémentaire, 2002
�MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, Les Nouveaux Programmes Qu’apprend-on
à l’école maternelle, 2002
�MIRI N., RABANY A., Littérature: album et débat d’idées, Bordas, 2002
�TAUVERON C., Lire la littérature à l’école, Hatier, 2002
�VAN HAECHT A., L’école à l’épreuve de la sociologie, Éditions Universitaires De Boeck,
1990
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ALBUMS:
�DEDIEU T., Yakouba, album Seuil jeunesse, 1994
�ALLEN J., Dans la Forêt vierge, L’École des Loisirs, 1995
QUESQUES SITES INTERNET:
�www.ricochet-jeunes.org/sommaire.asp
�http://eduscol.education.fr
�www.citrouille.net
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Je remercie Monsieur Guineret qui a accepté de me suivre pour l’élaboration
de ce mémoire.
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ANNEXES
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ANNEXE 1
ALLEN Judy, Dans la forêt vierge, trad. P. Bertrand, illustration de BUTLER J.,
Paris, L’École des Loisirs, 1995.
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ANNEXE 1 SUITE
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ANNEXE 2
Cueillette des questions:
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ANNEXE 3 ECHELLE DE VALEUR :
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ANNEXE 4
Exemples d’ouvrages de la liste nationale de référence et thèmes pouvant être abordés:
AUTEUR TITRE DE L’OEUVRE THEMES ABORDES
DOUZOU O. et
SIMON I.
Les petits bonshommes sur le carreau La misère, l’indifférence, la honte
CHABAS J-F. et
PLACE F.
Trèfle d’or L’amitié entre deux personnes
différentes, l’esclavage
ERLBRUCH W. Remue ménage chez Madame K Bonheur, malheur, solidarité
HARTLING P. Oma, ma grand-mère à moi Cohabitation de deux générations
différentes
MORGENSTEN S et
D’ALLANCE M.
Joker Possibilité de s’interroger sur les
valeurs de l’école
RADSTROM N. et HEITZ B. Robert Le handicap, la solidarité, l’amitié
SCHADLICH H. et
HARISPE E.
Le coupeur de mots La valeur de l’échange verbal,
l’utilité des savoirs sur la langue
THIES P. Je suis amoureux d’un tigre La culture japonaise
TILLAGE L. Léon Le racisme, la ségrégation raciale
LEBEAU S. Salvador: la montagne, l’enfant e la
mangue
Le désir de vivre, les valeurs
humaines dans une famille où la
mère doit assumer la charge du
foyer
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ANNEXE 5 Yakouba De partout à la ronde,
On entend le tam-tam.
Au cœur de l’Afrique, dans un petit village, on prépare un grand festin.
C’est un jour de fête. On se maquille, on se pare.
C’est un jour sacré.
Le clan des adultes se rassemble et désigne les enfants en âge de devenir des guerriers.
Pour Yakouba, c’est un grand jour.
Il faut apporter la preuve de son courage,
et seul, affronter le lion.
Sous un soleil de plomb marcher,
franchir les ravins, contourner les collines,
se sentir rocher, forcément,
herbe, bien sûr,
vent, certainement,
eau, très peu.
Le jour comme la nuit, épier, scruter;
oublier la peur qui serre le ventre,
qui transfigure les ombres, rend les plantes
griffues et le vent rugissant. Attendre
des heures et puis soudain.
S’armer de courage, et s’élancer
pour combattre.
Alors Yakouba croisa le regard du lion.
Un regard si profond qu’on aurait pu lire dans ses yeux.
« Comme tu peux le voir,
je suis blessé.
J’ai combattu toute la nuit
contre un rival féroce.
Tu n’aurais donc aucun mal
à venir à bout de mes forces.
Soit tu me tues sans gloire
et tu passes pour un homme aux yeux de tes frères,
soit tu me laisses la vie sauve
et à tes propres yeux
tu sors grandi, mais banni,
tu le seras par tes pairs.
Tu as la nuit pour réfléchir. »
Au petit matin, Yakouba ramassa sa lance, jeta un dernier regard sur le lion épuisé
Et prit le chemin du retour.
Au village, les hommes, son père, tous l’attendaient
Un grand silence accueillit Yakouba.
Ses compagnons devinrent des guerriers respectés de tous.
A Yakouba, on confia la garde du troupeau, un peu à l’écart du village.
C’est à peu près à cette époque
Que le bétail ne fut plus jamais attaqué par les lions. DEDIEU T.
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ANNEXE 6
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ANNEXE 7
Le saut à l’élastique La peur des serpents La peur du vide La peur des ascenseurs La peur du space mountain La peur de la timidité La peur du feu La peur des animaux dangereux Ex: le lion La peur de la vitesse
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ANNEXE 8
Qu’est ce que le courage? 1- Le courage peut être une expression. Ex: Quand la maîtresse te dit que tu vas faire une dictée et que tu n’aimes pas on te dit bon courage. 2- Quand on doit aller sur scène on a le trac. 3-Ex: Quand les pompiers doivent éteindre des incendies et qu’ils sauvent des vies ça c’est du courage. 4-Ex: Quand on doit passer une épreuve qui est difficile s’est du courage
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ANNEXE 9
Le courage peut être: Les pompiers ont du courage parce qu’ils sauvent des vies dans les flammes. Les policiers ont du courage parce qu’ils vont affronter des bandits. Un homme a grimpé la Tour Eiffel à mains nues, quel courage! La SPA est courageuse parce qu’elle abrite des millions voir des milliards d’animaux domestique. Les sauveteurs ont du courage parce qu’ils sauvent des vies.
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ANNEXE 10
1- protéger une vie en danger 2- Vaincre sa phobie 3- Avouer ses sentiments 4- Dire la vérité 5- faire un record 6-Aller au tableau sans avoir appris la leçon 7- Mentir à ses parents 8- Faire une règle que l’on n’a pas le droit de faire. 9- Montrer ses mauvaises notes à ses parents
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ANNEXE 11
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ANNEXE 12
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ANNEXE 13
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ANNEXE 14
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Ce mémoire tente de montrer comment on peut utiliser la littérature de jeunesse comme
support de départ pour aborder les valeurs de notre société et celles d'autres sociétés. Un échange
oral est nécessaire d'où le choix du débat. Il permet à lui seul de faire acquérir aux élèves des
savoirs être. Toutefois, j'insiste sur l'écueil à éviter. En effet, il ne faut pas sans cesse
instrumentaliser la littérature de jeunesse car il faut qu'elle reste pour les enfants un réel plaisir.
On doit se donner comme priorité de susciter chez l'enfant le désir et le plaisir de lire.
����������socialisation, valeurs, littérature de jeunesse, débat, Yakouba de T. Dedieu
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