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MASTER « URB’EA » (URBANISME, ENVIRONNEMENT, AMENAGEMENT)
Spécialité : Urbanisme durable et Aménagement
Parcours : Patrimoine et Urbanisme opérationnel
Mémoire de fin d’études 2ème année
Maxime Dubois
LA PROBLEMATIQUE DES ZONES COMMERCIALES EN FRANCE :
EVOLUTION DE L’INTEGRATION URBAINE DE CES ESPACES
Directrice de mémoire : Emmanuelle Gillet-Lorenzi
Année universitaire 2013/2014
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Résumé
La problématique des zones commerciales est complexe notamment dans leur relation avec la
ville. Le commerce a toujours eu une place importante en milieu urbain mais les mutations des
systèmes économiques et des modes de consommation l’ont totalement écarté de la ville. La
dénomination « zone » tend d’ailleurs dans le sens d’une offre commerciale compartimentée dans un
seul espace. La réglementation de l’urbanisme est venue encadrer de façon plus ou moins réussie le
développement des pôles commerciaux périphériques tout comme l’urbanisme commercial. Le
compromis entre les aspects urbanistiques et économiques semble difficile à trouver quant au contrôle
de l’essor des zones. Les récentes dispositions qui insistent sur la prise en compte de l’environnement
viennent encadrer plus durement l’urbanisation en privilégiant le renouvellement urbain plutôt que
l’étalement urbain. Parallèlement, le commerce est de plus en plus déterritorialisé avec l’avènement
du e-commerce qui rend incertain l’avenir des zones commerciales.
Abstract
Shopping areas’ problematic is complicated, in their relation with the city in particular. Trade
had always an important place in urban space but the transformations of economic systems and modes
of consumption have totally isolated it from the city. The designation “area” strives in the sense that
compartmentalized trade supply is located in only one space. Urban and commercial planning
regulations try to control more or less successfully the development of shopping areas. The
compromise between urban planning and economic aspects appear difficult to find about the control
of areas development. The recent clauses, which underline the taking into account of the environment,
come to organize more severely the urbanization: the urban regeneration is privileged instead of urban
sprawl. At the same time, trade is more and more deterritorialized with the advent of e-shopping which
makes unsure the future of shopping areas.
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Remerciements
A Emmanuelle Gillet-Lorenzi, directrice de mon mémoire pour ses conseils avisés tout au long de ma
réflexion ;
A Luc Florent, géographe et membre du jury de la soutenance, pour sa disponibilité ;
A Marc Rocle, architecte-urbaniste et gérant du bureau d’études Aptitudes Aménagement pour ses
remarques pertinentes en tant que professionnel ;
A mes camarades, Léa, Narimann, Christophe et Soufyane pour leur soutien et les discussions
partagées tout au long de l’année ;
A ma famille, à mes proches pour leur soutien quotidien sans faille, pour avoir cru en moi ;
J’adresse mes sincères remerciements.
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Table des matières
Résumé ...................................................................................................................................... 2
Remerciements .......................................................................................................................... 3
Liste des sigles ............................................................................................................................ 7
Introduction ............................................................................................................................... 8
Partie I : Origines et évolutions des zones commerciales du milieu du XXème siècle à nos jours .... 13
1. La naissance des zones commerciales en France dans un contexte de croissance économique
accrue ................................................................................................................................. 13
1.1 Les multiples facettes de la modernisation d’après-Guerre ............................................... 14
1.1.1 La reconstruction de l’Etat français par le phénomène de l’ « américanisation » ........ 14
1.1.2 1946-1975 : les Trente Glorieuses, années de croissances accrues et multiples
modernisation ......................................................................................................... 16
1.2 Le modernisme au service des grandes surfaces ................................................................ 18
1.2.1 L’essor de l’automobile, véritable bouleversement du paysage français .................... 18
1.2.2 L’apparition de nouveaux équipements confortant le développement de la grande
surface .............................................................................................................................. 20
2. L’interventionnisme étatique et les prémisses de l’urbanisme commercial face au phénomène
de périurbanisation ............................................................................................................. 22
2.1 La volonté du législateur de contrôler l’essor du commerce à la périphérie des villes ........ 22
2.1.1 Les outils d’urbanisme propices au développement des zones commerciales ............ 22
2.1.2 La loi Royer ou la naissance de l’urbanisme commercial ............................................ 25
2.2 L’essor considérable des zones d’activités commerciales occultant les dispositions
régulatrices ..................................................................................................................... 26
2.2.1 Les conséquences inopportunes de la Loi Royer ........................................................ 26
2.2.2 De la zone « hypermarché » à la zone commerciale spécialisée : l’exemple de la zone
commerciale de Charmeil ......................................................................................... 28
3. L’essoufflement d’un modèle en lien avec de nouvelles problématiques ............................... 31
3.1 La volonté du législateur de renforcer l’encadrement des projets commerciaux ............... 31
3.1.1 La Loi Doubin redéfinissant la notion d’ensemble commercial................................... 31
3.1.2 De la CDUC à la CDEC : un réel changement ? ............................................................ 33
3.2 La fracture urbaine causée par les zones commerciales .................................................... 34
3.2.1 La sectorialisation des ensembles commerciaux par le POS ....................................... 34
3.2.2 Le phénomène d’étalement urbain marquant le pas des zones commerciales ........... 36
Partie II : La situation des zones commerciales aujourd’hui ........................................................ 40
1. La place des zones commerciales dans le modèle urbain actuel : vers une intégration croissante
de ces espaces au sein des territoires ................................................................................... 41
1.1 La refonte des documents de planification pour une meilleure prise en compte des zones
commerciales ................................................................................................................. 41
Page | 5
1.1.1 La modification en profondeur des documents d’urbanisme : vers un urbanisme durable
............................................................................................................................... 41
1.1.2 La charte d’urbanisme commercial : un outil au service des collectivités pour une
appréhension globale de l’appareil commercial au sein des territoires ...................... 44
1.2 Le rattrapage spatial de l’urbanisation causé par le phénomène d’étalement urbain :
l’exemple de la zone commerciale des Ailes à Vichy ......................................................... 45
1.2.1 D’une zone aux portes de l’agglomération, à une zone incluse dans le tissu urbain .... 45
1.2.2 Une intégration urbaine vraiment totale ? ................................................................ 48
2. Des espaces en quête d’innovation afin de prendre en compte les principes du développement
durable ............................................................................................................................... 50
2.1 La zone commerciale pensée aujourd’hui comme un véritable projet urbain .................... 51
2.1.1 Le concept du fun shopping, ou comment rendre les achats agréables pour le
consommateur ........................................................................................................ 51
2.1.2 Le parc commercial de Be Green à Saint-Parres-aux-Tertres : une réelle révolution du
commerce périphérique ? ........................................................................................ 53
a. Les fondements du label HQE™ Aménagement ............................................... 54
b. Le parc commercial Be Green : un projet d’aménagement durable ? ................ 55
2.2 L’interaction des différents acteurs de l’urbanisme commercial : entre intérêts économiques
et développement durable .............................................................................................. 62
2.2.1 Des aménageurs sans cesse en quête d’originalité pour concevoir des espaces
commerciaux attractifs ............................................................................................ 62
2.2.2 Le rôle accru de l’intercommunalité au sein des territoires en termes d’urbanisme
commercial et d’urbanisme en général ..................................................................... 63
2.2.3 Le contrôle étatique via les CDAC/CNAC dans la délivrance des autorisations
commerciales : vers une meilleure prise en compte des réalités territoriales ............. 64
Partie III : L’avenir des zones d’activités commerciales .............................................................. 66
1. Pour une réglementation des grandes surfaces commerciales dans la continuité des précédentes
mais plus territorialisée ....................................................................................................... 66
1.1 L’intercommunalité comme échelle pertinente pour la prise de décision concernant
l’organisation de l’implantation commerciale .................................................................. 67
1.1.1 La pertinence de l’élaboration des documents d’urbanisme par l’intercommunalité
appuyée par la Loi ALUR .......................................................................................... 67
1.1.2 La réforme de l’urbanisme commerciale : vers une intégration au droit de l’urbanisme
ou seulement une énième évolution des CDAC/CNAC ? ............................................ 69
1.2 La région comme échelle adéquate pour la délivrance d’autorisation concernant les projets
commerciaux d’envergure ? ............................................................................................ 70
1.2.1 L’échec du projet de loi Ollier-Piron : vers une autorisation délivrée au niveau régional
............................................................................................................................... 70
1.2.2 De grandes enseignes commerciales à l’impact régional : l’exemple d’Ikea à Clermont-
Ferrand ................................................................................................................... 71
2. De futures tendances contradictoires sur le devenir des zones d’activités commerciales ....... 74
2.1 La reconstruction des zones commerciales sur elles-mêmes, en phase avec le modèle urbain
actuel et futur ................................................................................................................. 74
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2.1.1 Le recyclage des friches commerciales : de la zone commerciale au quartier
multifonctionnel ...................................................................................................... 74
2.1.2 L’utilisation de la situation d’interface, entre centre urbain et milieu périurbain et rural
............................................................................................................................... 78
2.2 Des projets commerciaux à l’encontre des orientations urbanistiques récentes : l’exemple
d’Europa City .................................................................................................................. 80
2.2.1 Un projet englobé au sein du Grand Paris : vers une intégration réussie ? ................. 80
2.2.2 L’oubli des enjeux environnementaux au profit du dynamisme économique ............. 82
Conclusion ............................................................................................................................... 85
Bibliographie ............................................................................................................................ 87
Annexes ................................................................................................................................... 90
NOTA BENE : Les photographies des terrains d’étude de la zone commerciale de Charmeil, de la zone
commerciale des Ailes et du parc commercial Be Green sont numérotées et localisées sur des cartes
en annexe.
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Liste des sigles
- AdCF : Assemblée des Communautés de France
- ALUR (loi) : loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové
- ANRU : Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine
- CCI : Chambre de Commerce et d’Industrie
- CEE : Communauté Economique Européenne
- CDAC/CNAC : Commission Départementale/Nationale d’Aménagement Commercial
- CDEC/CNEC : Commission Départementale/Nationale d’Equipement Commercial
- CDUC/CNUC : Commission Départementale/Nationale d’Urbanisme Commercial
- CNCC : Conseil National des Centres Commerciaux)
- DOO : Document d’Orientations et d’Objectifs
- EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunal
- HQE : Haute Qualité Environnementale
- LOF : Loi d’Orientation Foncière
- LOV : Loi d’Orientation pour la Ville
- PAZ : Plan d’Aménagement de Zone
- PLU : Plan Local d’Urbanisme
- PLUI : Plan Local d’Urbanisme Intercommunal
- POS : Plan d’Occupation des Sols
- RT 2012 : Réglementation Thermique 2012
- SAU : Surface Agricole Utile
- SCOT : Schéma de Cohérence Territoriale
- SD : Schéma Directeur
- SEM : Société d’Economie Mixte
- SHON : Surface Hors Œuvre Nette
- SRU (loi) : loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbains
- UE : Union Européenne
- ZAC : Zone d’Aménagement Concerté
- ZACOM : Zone d’Aménagement Commercial
- ZUP : Zone à Urbaniser en Priorité
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Introduction
D’après l’Assemblée des Communautés de France (AdCF) en 2012, 62% du chiffre d’affaires du
commerce se réalisent en périphérie des villes, contre 25% en centre-ville et 13% dans les quartiers
avoisinant le centre-ville (commerces de proximité). Dans certains cas extrêmes, la périphérie peut
compter jusqu’à 80% du chiffre d’affaires. Ces chiffres indiquent que les activités commerciales
implantées en périphérie sont aujourd’hui incontournables en France.
La zone d’activités commerciales se caractérise par son implantation en périphérie des villes
et plus exactement en entrée de ville, le long des axes de circulation les plus importants. Appelée
également parc d’activités commerciales, elle se compose la plupart du temps d’un supermarché ou
hypermarché accompagné de magasins spécialisés et de plus petite taille. Si l’on se base sur un point
de vue plus technique, la zone commerciale peut être définie comme « un espace à ciel ouvert,
aménagé en lots en vue d’être vendus ou loués à des entreprises pour l’exercice d’activités
commerciales » (Chaze, 2008).
Le rapport à la ville de la zone d’activités commerciales est difficilement définissable. Si nous
souhaitons l’assimiler à un quartier dans la ville, d’après le dictionnaire Larousse elle apparait comme
« une partie de la ville ayant certaines caractéristiques ou une certaine unité ». En prenant compte
uniquement cette définition généraliste, le quartier pourrait inclure la zone commerciale, l’activité
commerciale étant l’activité économique majeure de cet ensemble. Si l’on se penche sur des
définitions scientifiques issues, par exemple de la géographie, le quartier s’inscrit « comme résultat de
l’interaction espace/société » (Humain-Lamoure, 2007) c’est-à-dire que le quartier s’inscrit dans un
espace urbain et est créé par des pratiques et des représentations sociales, c’est-à-dire par l’Homme.
Le commerce est avant tout une pratique sociale existant depuis plusieurs siècles. Mais, pour le
sociologue et urbaniste Alain Bourdin, « le quartier est toujours défini à partir de l’habitat dans un
premier temps et lorsque l’on se réfère à soi. […] Mais, outre que la mixité n’apparait pas comme une
très grande préoccupation des usagers on constate que l’idée de quartier spécialisé ne déplait pas
nécessairement et que l’on a des idées sur ce que peut ou doit être un quartier spécialisé. » Cela signifie
que le quartier serait donc un morceau de ville qui à l’origine regroupait essentiellement de l’habitat,
mais le quartier spécialisé dans une seule fonction comme peut l’être la zone commerciale aurait
également sa place. Malgré tout, les définitions existantes sur la zone commerciale l’isolent du reste
de la ville : elle ne peut donc être assimilée à un quartier.
Depuis la constitution des premières villes et villages, le commerce a toujours connu une place
importante. Que ce soit dans les cités grecques et romaines, la place du marché était le moteur de
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l’économie urbaine. Cela a perduré au Moyen-Age, la place du marché se situant au cœur de la ville.
Le commerce se sédentarise ensuite sous la forme de boutiques, de magasins aux XVIIIème et XIXème
siècles. A la fin du XIXème siècle et au début du XXème les grands magasins apparaissent en centre-ville,
notamment à Paris, jusqu’à la fameuse crise de 1929 où cette forme de distribution connait ses limites,
avec des coûts élevés et des ventes en stagnation. Les grandes enseignes ont donc eu l’idée de lancer
des magasins plus modestes où le prix unique des produits doit attirer le client et donc relancer la
consommation des ménages. Le nom des enseignes va d’ailleurs permettre de donner le ton sur le
concept de ces nouveaux magasins : c’est la création de Prisunic, de Monoprix, d’Uniprix par Le
Printemps.
La fin de la Seconde Guerre Mondiale va marquer un tournant pour le commerce en ville en
France. C’est l’apparition du libre-service, issu du modèle américain où ce procédé existe depuis les
années 1910 : le premier supermarché est créé par Piggly Wiggly, une enseigne de grande distribution
de Memphis. Suite à la « Mission d’étude sur les structures et les techniques commerciales
américaines » réalisée par de grands commerçants français d’avril à mai 1950, il est conclu de
développer le supermarché en libre-service. Dès lors, le commerce en périphérie des villes est né. Les
premières Zones d’Activités Commerciales sont créées en entrée de ville à la fin des années 60, en
périphérie de Paris ou à proximité de grandes villes de province : les terrains et locaux sont moins chers
qu’en centre-ville, l’espace est vaste et facilement extensible et l’accessibilité est relativement aisée
avec l’essor de l’automobile. Nous pouvons citer par exemple Plan-de-Campagne dans la région de
Marseille en 1967 ou encore Englos à l’Ouest de Lille. Par la suite, ces zones se sont développées en 4
grandes étapes :
- Au départ, elles ont accueilli des supermarchés ou hypermarchés puis ce sont constituées avec
des magasins de meubles et des concessionnaires auto ;
- Au cours des années 80, elles ont connu une forte croissance accompagnée d’une
diversification commerciale, avec l’apparition de grandes surfaces spécialisées en bricolage et
jardinage ;
- Au cours des années 90, le ralentissement de la consommation a freiné leur expansion et a
bénéficié aux solderies, avant de se résorber et de laisser place à une nouvelle période de
croissance.
L’apparition du commerce en périphérie a entrainé une concurrence entre les commerces de
centre-ville et ces nouvelles zones commerciales. Déjà concurrencés depuis le début du XXème siècle
par l’arrivée des grands magasins puis des magasins à prix unique, les petits commerces traditionnels
peinent à survivre et il n’est pas rare de voir de petits commerçants investir dans des zones d’activités
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commerciales. La motorisation des ménages leur est également bénéfique, les centres-villes devenant
difficiles d’accès.
Il ne faut également pas négliger la réglementation qui s’est imposée aux zones commerciales
que ce soit celle relevant du Code de l’Urbanisme ou celle intégré au Code du Commerce et de la
Consommation. En effet, à l’origine, leur développement anarchique a été rendu possible
puisqu’aucune réglementation stricte n’existait. Puis l’essor de ces zones de chalandise a conduit à
l’apparition de l’expression « urbanisme commercial » afin de désigner « l’ensemble des mesures
techniques, administratives et financières visant à permettre un développement des activités
commerciales à la fois harmonieux, efficace et cohérent avec les autres choix d’urbanisme (utilisation
du sol, répartition des quartiers d’habitat, transport, …) » (Merlin, 2010). Ce terme est apparu dans les
années 60 en plein milieu des Trente Glorieuses, période durant laquelle l’Etat français souhaitait au
départ pouvoir régir le développement des grands ensembles avec le développement des zones
d’activités commerciales : cette période se caractérise par un interventionnisme étatique important
où l’investissement des pouvoirs publics est omniprésent dans le but de reconstruire le pays après-
guerre et de le moderniser économiquement parlant. C’est dans ce contexte de forte croissance que
ces zones ont vu le jour dans des lotissements ou des ZUP (Zones à Urbaniser en Priorité) puis elles se
sont organisées au sein de ZAC (Zones d’Aménagement Concerté) avec la LOF (Loi d’Orientation
Foncière) de 1967 : la ZUP puis la ZAC conçues au départ pour ériger les grands ensembles de
logements sociaux, ont été utilisées afin de créer les zones commerciales. Cette opération d’urbanisme
publique devait consister à créer un projet urbain moyennant une procédure plus concertée. Mais le
fait que la ZAC disposant d’une pièce planifiant l’opération indépendamment du POS (Plan
d’Occupation du Sol), le PAZ (Plan d’Aménagement de Zone), a conduit au constat que nous pouvons
dresser lorsque nous arrivons aux portes de n’importe quelle ville française aujourd’hui : les entrées
de ville ont été banalisées avec des zones commerciales semblables composées d’enseignes que l’on
retrouve aux quatre coins du territoire (cf Figure 2).
Aujourd’hui et depuis une vingtaine d’années, la tendance générale en Europe est de freiner
le développement des zones commerciales consommatrices d’espace, nuisant au paysage et d’un point
de vue économique entrainant une certaine désertification commerciale des centres-villes mais
également des bourgs ruraux. D’après Philippe Cattiaux, directeur du commerce intérieur dans les
années 90, les raisons sont de deux ordres : « le mécanisme même des décisions d'urbanisme
commercial qui conduit à examiner, au coup par coup, les projets n'a pas permis une prise en
considération forte des problèmes d'aménagement du territoire » et « le développement du réseau
routier, notamment celui des rocades d'une part, les réserves foncières existant dans les petites
communes voisines des agglomérations, la recherche de la taxe professionnelle de leurs municipalités
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d'autre part, ont favorisé la création de zones commerciales périphériques dans une relative
anarchie. » Les années 2000 marquant la prise en compte de l’environnement en urbanisme avec la
loi SRU1 (Solidarité et Renouvellement Urbains), les lois Grenelle2 ainsi que le projet de loi ALUR (Accès
au Logement et un Urbanisme Rénové), vont dans le sens de ne plus étendre la ville mais de la densifier.
La réimplantation de petites et moyennes surfaces en centre-ville du style Carrefour City ou encore
Monoprix suit cette tendance en visant notamment les personnes âgées et les petits ménages qui n’ont
pas accès à la mobilité pour se rendre en périphérie. Pourtant, cela n’empêche pas que de nouvelles
zones commerciales apparaissent en se voulant plus « alléchantes » esthétiquement parlant, afin de
ne plus faire l’objet de critiques. Les zones d’activités commerciales « verdissent » afin de répondre au
mieux aux exigences du développement durable. Par exemple, les matériaux de construction sont
conformes à la RT 2012 (Réglementation Thermique 2012), la végétation n’est pas négligée afin que la
biodiversité puisse se développer, la gestion des eaux pluviales est de qualité avec la création de fossés
et de parkings perméables et la desserte en transport en commun est effective. Aussi, promoteurs,
élus et enseignes de distribution veulent attirer toujours plus de consommateurs en recherchant
l’innovation. Aujourd’hui, ce ne sont plus uniquement des espaces d’achats marchands mais
également des espaces de loisirs et de détente où tout une panoplie d’activités est mise en place pour
rendre la visite des clients toujours plus agréable.
Nous constatons donc que ces espaces commerciaux ont connu une évolution entre leur
apparition et aujourd’hui. Symbole de la modernité, elles ont par la suite fait l’objet de critiques.
Considérées comme totalement déconnectées de la ville, nous pouvons donc nous demander si les
zones commerciales peuvent être à l’avenir en phase avec le modèle urbain actuel, favorisant
l’intégration, la densification et le renouvellement urbains ?
Afin de répondre à cette question, nous nous attacherons à remonter à la naissance du concept
de zones commerciales en France. Nous verrons quelles en sont les origines, comment se sont formées
les premières. Il sera également nécessaire de relater les différentes évolutions qui ont engendré le
modèle des zones d’activités commerciales actuelles tant du point de vue juridique qu’urbanistique.
Dans une seconde partie, nous nous pencherons sur le modèle actuel des zones commerciales.
Après avoir fait l’objet de critiques notamment en ce qui concernent l’intégration paysagère, la
consommation de foncier ou encore la rupture avec le reste de la ville, elles sont de plus en plus prises
1 Loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains 2 Comprenant la loi n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (dite loi Grenelle I) et la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite loi Grenelle II)
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en compte et intégrées dans les politiques publiques. Les orientations urbanistiques récentes qui ont
été prônées par la loi SRU, les lois Grenelle et plus récemment par la loi ALUR vont dans le sens d’une
densification de la ville.
Enfin dans une troisième et dernière partie, il s’agira d’effectuer une prospective afin de savoir
comment ces zones pourront évoluer de la façon la plus pertinente possible dans les années futures.
La règlementation en urbanisme étant contraire au modèle des zones commerciales implantées en
entrée de ville, leur avenir peut être remis en cause. Ce dernier point sera d’autant plus vrai qu’il sera
renforcé par la loi ALUR. L’influence de grands groupes de distribution tels que Carrefour ou encore
Leclerc peut néanmoins être très importante encore dans la réalisation de projets commerciaux
périphériques.
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Partie I : Origines et évolution des zones commerciales du milieu du XXème siècle à nos jours
La seconde moitié du XXème siècle marque les prémisses du phénomène de mondialisation où
les relations économiques entre les Etats vont s’accroitre. Pour Jacques Adda, la mondialisation se
définit comme « l’abolition de l’espace mondial sous l’emprise d’une généralisation du capitalisme,
avec le démantèlement des frontières physiques et réglementaires ». Malgré la Guerre Froide qui
survient quasiment à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, les échanges économiques et financiers
vont s’accélérer à travers le monde même si ce sont principalement trois pôles qui en bénéficient :
l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon. La création du GATT en 1947 qui permettait de
faire baisser les prix des produits importés et de réduire les tarifs douaniers va être bénéfique pour les
échanges commerciaux.
Ce phénomène encore peu descriptible à l’époque va être lancé entre autre grâce à l’aide
américaine offerte à l’Europe afin qu’elle puisse se reconstruire après la guerre. Les échanges
économiques vont d’ailleurs entrainer des échanges culturels puisque les modes de vie vont suivre des
produits de consommation comme nous allons le voir dans cette partie.
La zone commerciale est donc le fruit de ces échanges puisque le mode de consommation
américain va s’imposer en France et en Europe comme le synonyme de la modernité et le passage à
une nouvelle ère de progrès. La période de guerre et de disette doit être oubliée au profit d’une
période où l’offre alimentaire est abondante et abordable pour tous.
Nous allons donc voir la naissance, le succès mais aussi le rejet des zones d’activités
commerciales à l’entame des années 90 où les préoccupations environnementales (Sommet de la
Terre à Rio en 1992) vont surgir.
1. La naissance des zones commerciales en France dans un contexte de croissance économique
accrue
L’apparition des zones commerciales est en lien étroit avec deux facteurs économiques mais
qui sont tout de même différents. En effet, le premier facteur plutôt exogène est le phénomène de
l’ « américanisation » qui n’est ni plus ni moins que le fait de calquer le modèle économique et sociale
des Etats-Unis en Europe. Le second facteur est quant à lui endogène même si le Plan Marshall l’a
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provoqué : c’est la période des Trente Glorieuses, symbole de croissance économique en France et de
multiples progrès.
1.1 Les multiples facettes de la modernisation d’après-Guerre
1.1.1 La reconstruction de l’Etat français par le phénomène de l’ « américanisation »
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la France est détruite tant au niveau physique qu’au
niveau économique. De nombreuses villes et villages français tels que Caen, Brest et Le Havre sont
rasés par les affrontements générés par le débarquement : 74 départements métropolitains sur 90 ont
subi des dommages importants et plus de 20% du capital immobilier est détruit3. L’Etat français sort
ruiné de cette guerre. Ce phénomène touche l’Europe d’une façon plus générale, que ce soient du côté
des Alliés (Grande-Bretagne) et de l’Ennemi (Allemagne, Italie). Seuls les Etats-Unis sortent grandis de
cet affrontement.
C’est dans ce contexte qu’apparait le Plan Marshall institué par les Américains et proposé par
le secrétaire d’Etat Georges C. Marshall le 5 juin 1947. Ce plan vise à fournir aux Européens les dollars
dont ils ont besoin, à condition qu’ils déterminent eux-mêmes leurs besoins et assurent la répartition
des crédits américains. Cette proposition bien que généreuse est tout de même fortement intéressée.
D’une part, le Plan Marshall s’adresse à tous les pays européens y compris ceux qui pourraient tomber
sous influence soviétique. Mais la seconde raison essentielle, et en lien direct avec le sujet, est la
volonté des Etats-Unis d’imposer leur modèle économique à savoir le modèle libéral fondé notamment
sur la consommation de masse.
Née à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, la consommation de masse peut être
définie comme étant « une production de masse et un système de vente de masse qui suppose une
disponibilité toujours plus grande de biens dans une culture qui privilégie l’achat et la vente, le désir,
le glamour et des identités souples et consuméristes. » (Rosenberg, 2009). La révolution industrielle
précoce aux Etats-Unis, au même titre que la Grande-Bretagne, va conduire à la standardisation des
produits de consommation. Le développement de la publicité sous forme d’affiches et de panneaux va
3 Longone, Pierre, Peltier, Roger, Barsalou, Joseph [dir.], 1967, « La France contemporaine, Tome III – Renouveau et solidarités », L’Union Européenne d’éditions, pp 24-26
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être le moteur de la consommation de masse.
La Seconde Guerre Mondiale va être un moyen pour les Etats-Unis de faire découvrir aux
Européens leurs modes de vie et leurs cultures à travers des produits standardisés. Les soldats
américains diffusent la mode des blue-jeans, du chewing-gum et des cigarettes. La firme Coca-Cola en
profite également pour développer ses premières usines au rythme où les troupes américaines
gagnent du terrain. Les prémisses de l’American Way of Life (mode de vie américain en français) sont
donc posées et le modèle va s’intensifier avec le Plan Marshall.
Indirectement, le plan cherche à trouver des débouchés pour les investissements privés
américains en Europe. Il cherche à faciliter l’identification du modèle américain dans la croissance
économique des pays concernés tels que la France. Il permet notamment à des industriels français de
venir visiter les Etats-Unis au cours de missions consacrées à l’agriculture, au marketing, au commerce.
C’est à la suite d’une de ces visites que des commerçants français ont rédigé « le Rapport de la mission
d’étude des structures et des techniques commerciales américaines » en 1951. Un des fondements
des structures commerciales américaines va dès lors être repris par les commerçants européens : le
libre-service. Le principe n’est plus de servir le consommateur mais que celui-ci arpente le magasin à
la recherche de produits qu’il paye ensuite à la caisse. Le second fondement est le discount qui consiste
à vendre des produits de consommation en réduisant les circuits de distribution encombrés par une
cascade d’intermédiaires inutiles, de réduire les marges et d’introduire la notion de productivité dans
le commerce : il n’y a pas de livraison, pas de crédit et pas de locaux luxueux.4 Un des pionniers en
France du discount est Edouard Leclerc qui ouvre en 1949 son premier magasin à Landerneau, une
petite ville du Finistère. Ce modèle commercial qui au départ peine à convaincre les consommateurs
mais aussi les fournisseurs va connaitre un réel succès à la fin des années 50 : en 1958, on dénombre
60 Centres Leclerc dont la première implantation hors de Bretagne, à Grenoble.
Cette véritable révolution va connaitre un engouement tel qu’une concurrence va s’établir. De
nombreux commerçants vont s’inspirer du modèle d’Edouard Leclerc. C’est le cas de Gérard Mulliez
qui va créer en 1961 l’enseigne Auchan ou encore de Marcel Fournier et Louis Defforey qui créeront
Carrefour (cf Figure 1). Cette nouvelle forme de commerce va être synonyme de modernité : pour
preuve, le Carrefour de Sainte-Geneviève-des-Bois va être l’objet de toutes les curiosités, de
nombreuses personnes venant se photographier devant l’enseigne les dimanches. Le supermarché est
donc né : combinaison à la fois de l’influence américaine mais également française, ce type de
4 Desse, René-Paul, 2001, « Le nouveau commerce urbain. Dynamiques spatiales et stratégies des acteurs », PUR, 198 pages
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commerce va connaitre un véritable succès en se développant dans la France entière mais également
dans d’autres pays européens.
L’influence américaine a donc été le facteur majeur de l’apparition de la consommation de
masse sous la forme du supermarché. Mais un phénomène d’autant plus important va être à l’origine
des formations commerciales en périphérie des villes : ce sont les Trente Glorieuses.
1.1.2 1946-1975 : les Trente Glorieuses, années de croissances accrues et multiples
modernisations
Ces trois décennies ont été dénommées « Trente Glorieuses » par Jean Fourastié, économiste
français dans l’ouvrage Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975 publié en 1979.
Cette période synonyme de prospérité, de modernité ainsi que d’augmentation du niveau de vie pour
les Français a vu naitre les zones commerciales, et les a même modelé.
Le rôle de l’Etat est au départ primordial dans ce phénomène de croissance. En partie aidé par
le Plan Marshall, il va très largement intervenir dans les projets d’aménagement pour reconstruire le
pays et le développer. De grands travaux vont être menés durant cette période, que ce soient les
grands ensembles à partir des années 60 mais également les villes nouvelles qui seront créées autour
de Paris afin de désengorger la capitale et de créer de nouveaux pôles d’attractivité. Il ne faut pas
oublier, qu’à cette époque, la natalité reprend après une période de guerre et il faut donc loger une
population nouvelle. C’est le phénomène « baby-boom », où l’on observe une augmentation forte des
naissances : d’après l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques), le nombre
Figure 1 : Le premier supermarché de l’enseigne Carrefour à Sainte-Geneviève-des-Bois (source : lemonde.fr)
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des naissances est supérieur à 800 000 naissances annuelles sur toute la période des Trente Glorieuses,
avec des pics à 860 200 naissances annuelles sur la période 1946-1950 et à 853 200 naissances
annuelles sur la période 1961-1965. Avec un taux de mortalité en diminution constante, la population
passe de 41 millions d’habitants en 1948 à 52 millions en 1973.
Les Trente Glorieuses marquent également une rupture avec la période de l’Entre-Deux-
Guerres concernant l’emploi. Le secteur primaire au sortir de la guerre perd un grand nombre
d’emplois avec la modernisation de la production qui est de plus en plus mécanisée. En 1949, un peu
plus de 5 millions de personnes travaillaient dans l’agriculture tandis qu’en 1973, le nombre d’emploi
chute de moitié soit 2,5 millions de personnes. L’industrie se maintient à 5 millions d’emploi sur toute
la période et connait même une petite augmentation durant les années 70 avec presque 6 millions
d’emploi. Enfin, le secteur tertiaire est le grand gagnant avec des hausses très importantes : le nombre
d’emplois au sein des services marchands passe de 5 millions en 1949 à 7,5 millions en 1973 et de 3
millions en 1949 à 4,5 millions en 1973 pour les services non marchands5. Cette forte hausse est due
notamment à l’essor des emplois dans le secteur du commerce sur toute la période avec en tête le
développement de la grande distribution.
Ces diverses créations d’emplois vont engendrer l’apparition de la classe moyenne qui va
devenir la véritable cible de la grande distribution. Cette classe sociale va être le modèle qui illustre
parfaitement l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, avec notamment l’augmentation du
nombre de femmes ayant un emploi. En effet, les Trente Glorieuses ont été marquées sur le plan
sociétal par la montée de la « classe moyenne » devenue par son poids et son influence le pivot de
l’organisation sociale (Dubet, 2009). Ces classes moyennes vont adopter un mode de vie nouveau
conduisant à des comportements de consommation transformés : la grande distribution va offrir la
possibilité de « massifier » les achats tout en réalisant des économies permettant de consommer plus.
D’ailleurs, les premières formes de la grande distribution que sont le supermarché puis l’hypermarché
(la différence entre les deux se faisant par la taille ainsi que l’aire de chalandise qu’ils forment) vont
être implantées au départ au sein des grands ensembles, où résident les classes moyennes et
modestes. La circulaire Sudreau-Fontanet de 1961 permettait de doter ces nouveaux espaces
urbanisés en commerces en imposant un schéma d’équipement commercial : ce texte sera le premier
document à faire le lien entre urbanisme et commerce. La notion d’urbanisme commercial est créée.
Parallèlement, les Trente Glorieuses connaissent l’apparition d’inventions qui vont être
5 Bouvier Gérard, Pilarski Charles, 2008, « Soixante ans d’économie française : des mutations structurelles profondes », INSEE Première n°1201, juillet 2008, 4 pages
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bénéfiques pour le développement de la grande distribution et plus tard pour les zones commerciales :
la banalisation de l’automobile, l’amélioration de la conservation des denrées périssables et l’essor de
la publicité sont des facteurs qui ont contribué à leur succès.
1.2 Le modernisme au service des grandes surfaces
1.2.1 L’essor de l’automobile, véritable bouleversement du paysage français
Le développement de l’automobile va profondément marquer l’aménagement du territoire
que ce soit en France mais également dans tous les pays industrialisés. Les Etats-Unis comme pour le
libre-service ont été les précurseurs dès l’après-guerre et ont dû prendre en compte la banalisation de
la motorisation des ménages dans l’organisation de la ville.
En France et d’une manière plus générale en Europe, l’automobile se généralise avec les Trente
Glorieuses, la voiture devenant abordable financièrement pour les ménages, en lien avec la hausse de
leurs revenus. Les firmes automobiles veulent rendre également accessible cette invention en créant
des modèles aux coûts les plus bas : ce sont par exemple les modèles tels que la 2CV de Citroën qui va
être diffusée tout au long de la période de l’après-guerre jusqu’aux années 70, de 6 200 unités
produites en 1950 à 232 551 en 1960 (+ 3 650%). La voiture devient en l’espace de quelques années
un moyen de transport synonyme de liberté et de totale autonomie car les individus ne sont désormais
plus dépendants des transports en commun (train, tramways). Son gros avantage est que l’on peut se
rendre n’importe où. On dénombrait en France 1 million d’automobiles en 1946 puis 11,2 millions en
1968 et 15,5 millions en 19756.
Cet essor va dès lors redistribuer l’organisation spatiale et urbaine : les villes vont devoir
évoluer en prenant en compte l’automobile. Le stationnement va se développer, que ce soit le long
des artères mais également sous forme de grandes aires que sont les parkings. La banalisation de
l’automobile va complètement engorger les centres-villes.
Parallèlement, de nouvelles infrastructures vont être créées afin de faciliter la circulation des
automobilistes. Des pénétrantes vont voir le jour afin de regagner le cœur des villes, des autoroutes
6 Cf Annexe 1 - Données sur le logement en France de 1946 à 1975 in Fourastié, Jean, 1979, « Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975 », Fayard, Paris, 300 pages
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vont être tracées afin de connectées les villes entre elles mais également les campagnes qui sont
encore très peuplées. Puis, des périphériques, des rocades vont venir encercler les grandes villes
toujours dans un souci de faciliter l’accessibilité : par exemple, le périphérique parisien inauguré le 25
avril 1973, fait le tour de la capitale sur 35 kilomètres. Quelques années plus tôt, c’est Lyon qui
inaugure en 1958 sa première portion.
Dès lors, l’accès au centre des villes va être de plus en plus difficile. Les commerces établis en
ville et qui tentent de développer le discount vont s’apercevoir des freins au développement. Certes,
la voiture engorge la ville mais les structures commerciales ne sont plus en adéquation avec le modèle
du supermarché. Face à cela, les commerçants vont venir s’installer le long des grands axes routiers
(grands boulevards urbains, autoroutes), où l’accès est beaucoup plus aisé pour les consommateurs,
où les réserves foncières sont pratiquement inépuisables et peu chères afin de construire des
structures de plus grande superficie pour proposer l’offre de produits standardisés la plus importante
possible : les bases de la grande distribution sont alors posées. L’opportunité de l’emplacement est
donc le critère indissociable aux zones commerciales. L’implantation reste tout de même assez proche
de la ville pour ne pas dissuader la clientèle. Les premières zones commerciales et centres
commerciaux sont donc créés et viennent former d’une manière plus générale la notion d’entrée de
ville. Pour Arnaud Gasnier, l’entrée de ville peut être définie comme « une forme d’urbanisation
originale dans le sens où elle demeure structurée sur les principales voies d’accès ou de
contournement des villes le long desquelles elle s’étend. De taille variable, ce phénomène s’inscrit
toujours en continuité de l’agglomération dont il représente une porte ». La première zone
commerciale créée et celle de Plan-de-Campagne entre Marseille et Aix-en-Provence en 1967 (cf Figure
2).
Figure 2 : La zone commerciale de Plan-de-Campagne en 2004 (source : Boris Horvat/AFP)
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Les entrées de villes françaises vont se structurer globalement de la même façon, sous forme
de corridors commerciaux c’est-à-dire le long d’un axe mais également sous forme d’espaces plus
regroupés toujours le long d’un axe mais avec des voies entièrement dévouées pour accéder aux
commerces : cela va former les zones commerciales, espaces complètement autonomes constitués de
divers magasins. Le plus souvent, la zone est formée d’un supermarché ou hypermarché puis des
commerces spécialisés de taille plus modeste vont venir s’implanter autour : chacun profite alors de la
clientèle des autres et inversement. Les aires de stationnement gigantesques vont accompagner ces
zones dans le but de pouvoir accueillir une clientèle de masse : c’est le principe fondamental du « No
Parking, no business » signifiant en français « pas de stationnement, pas d’affaires ». Enfin, la publicité
est le dernier élément du triptyque des zones commerciales. Elle prend la forme de panneaux et
d’affiches disposés le long des axes de circulation à proximité de ces espaces : généralement, chaque
enseigne possède sa publicité afin de guider le consommateur dans cette « jungle commercial » que
forment les entrées de villes.
1.2.2 L’apparition de nouveaux équipements confortant le développement de la grande
distribution
De manière bien plus modeste que l’essor de l’automobile, l’amélioration de l’équipement des
logements va de pair avec le développement des zones commerciales, nouveau symbole de la
consommation de masse.
La fin des années 50 et le début des années 60 voient apparaitre le réfrigérateur, qui se fait
une place dans la cuisine des logements. Il permet de conserver les produits frais achetés notamment
dans les supermarchés ou hypermarchés durant plusieurs jours. Ce nouvel appareil ménager va être
bénéfique à la consommation de masse : les clients de la grande distribution vont pouvoir acheter des
produits en grande quantité car ils pourront les consommer sur un plus long terme. Son nombre a
augmenté de façon très importante sur la période des Trente Glorieuses : en 1954, seulement 6,7%
des ménages disposent d’un réfrigérateur, 40,3% en 1962 puis 91% en 19757. Ce nouveau
comportement de consommation d’acheter en gros est un point important car, contrairement au
commerce traditionnel de centre-ville où l’on achète le plus souvent au jour le jour, le supermarché va
permettre l’achat de produits alimentaires pour une à plusieurs semaines. Couplé avec la place
7 Cf Annexe 1 - Données sur le logement en France de 1946 à 1975 in Fourastié, Jean, 1979, « Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975 », Fayard, Paris, 300 pages
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importante accordée à l’automobile (cf Figure 3), ce nouveau type de commerce va donc profiter du
développement de toutes les nouvelles technologies.
Indirectement, d’autres appareils électroménagers vont prôner la consommation de masse
diffusée par la grande distribution. Tout d’abord, la radio qui existe depuis le début du XXème siècle et
qui est démocratisée depuis longtemps, va
permettre d’émettre des annonces
publicitaires sur des produits standardisés
vendus en grande surface. La banalisation du
poste radio permet de vanter à un grand
nombre de personnes les avantages du
supermarché également : d’après Jean
Fourastié, 71,7% des ménages disposent d’un
poste radio en 1954, puis en 1968 ce sont
pratiquement tous les ménages qui en
disposent (95%).
Enfin, la télévision est le second
émetteur de publicité dans les foyers. Elle se
démocratise au cours de la période s’étalant
des années 50 aux années 70. En 1954,
seulement 1% des ménages possèdent un
téléviseur contre 63,3% en 1968 et 86% en
1975. Son gros avantage par rapport à la radio
est qu’elle peut illustrer à travers des films des
actes de la vie quotidienne tels qu’aller faire ses courses au supermarché.
Tous ces appareils vont d’ailleurs être en vente dans des magasins spécialisés. Constituant le
plus souvent des moyennes surfaces, ces commerces vont très vite s’implanter à proximité des
supermarchés et hypermarchés afin de jouir d’une clientèle occasionnelle existante. De plus, la taille
imposante des produits électroménagers induit une grande surface de stockage qui justifie largement
son emplacement en périphérie des villes. L’enseigne Darty, créée en 1954, est l’une des plus
populaires dans la vente d’appareils électroménagers : c’est d’ailleurs la première à s’implanter en
zone commerciale à la fin des années 60.
Finalement, la période des Trente Glorieuses à travers de nombreux facteurs déterminants,
voit naitre cette nouvelle forme d’urbanisation en entrée de ville. Le commerce qui est à l’origine le
Figure 3 : Campagne de publicité des années 70 pour la Renault 4 (source : /)
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moteur de l’économie des centres-villes connait donc une concurrence de la part des zones
commerciales. Cette dualité centre-périphérie aurait pu d’un premier abord être saine et dynamisante
pour la ville, mais l’absence de régulation de cette forme urbaine à créer très rapidement une
concurrence écrasante du commerce périphérique, entrainant inexorablement la diminution du
nombre de petits et moyens commerces de proximité.
Il ne faut tout de même pas négliger la réglementation lié au droit de l’urbanisme. La volonté
du législateur de prendre en compte l’implantation du commerce ainsi que protéger les réserves
foncières en entrée de ville, va conduire à leur standardisation.
2. L’interventionnisme étatique et les prémisses de l’urbanisme commercial face au phénomène de
périurbanisation
L’Etat centralisateur va réagir quant au développement des zones commerciales menées par
les hypermarchés. Les années 70 vont marquer le point de départ de l’urbanisme commercial qui ne
va cesser d’être modifié au fur et à mesure des mutations économiques et sociales. Nous allons voir
qu’à l’instar du droit de l’urbanisme, le droit de l’urbanisme commercial « n’a pas su anticiper
l’expansion « des grandes surfaces » et est intervenu a posteriori, pour être sans cesse corrigé au gré
des mutations du secteur du commerce. » (Alexandre Graboy-Grobesco, 1999).
2.1 La volonté du législateur de contrôler l’essor du commerce à la périphérie des villes
2.1.1 Les outils d’urbanisme propices au développement des zones commerciales
L’apparition et l’essor des zones commerciales en périphérie des villes ont été rendus possible
par l’existence d’opérations d’aménagement. La distinction entre l’action et l’opération faite par le
Code de l’Urbanisme restant floue (Art. L300-1, Art. L123-1-4), nous pouvons tout de même définir
l’opération d’aménagement comme étant un ensemble d’actions visant à modifier le tissu urbain. Elle
est donc caractérisée par son degré de complexité car il faut une combinaison d’interventions diverses
pour qu’elle soit menée à son terme. La distinction entre une action et une opération relève donc de
l’importance du projet, puisque l’intervention de la collectivité publique doit avoir une incidence
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urbaine forte8.
Le lotissement, procédure la plus ancienne et la plus utilisée et la ZAC, beaucoup plus
contemporaine ont été les deux outils utilisés pour la création des zones commerciales. Ils sont définis
par le Code de l’Urbanisme et nous allons voir quels ont été leurs intérêts dans la formation des zones
commerciales.
Le lotissement est une procédure juridique d’urbanisme datant de la fin du XIXème obéissant à
cette époque à une logique privée : elle a considérablement évolué au fil du temps. En effet, suite à de
nombreux excès, les divisions de propriété ont été réglementées par les autorités avec la loi du 19
juillet 1924 : dès lors, le propriétaire est obligé de créer des équipements collectifs avant la
commercialisation des parcelles. Puis cette opération a été définie ensuite par l’article 82 de la loi du
15 juin 1943, en excluant les activités économiques du lotissement, qui n’est consenti qu’en vue de
l’habitat. Aujourd’hui, le lotissement est défini par l'article L442-1 du Code de l’Urbanisme, le
lotissement résultant de « la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs
unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ». Cette
définition juridique qui a régulièrement évolué, reste tout de même assez sommaire : cette opération
d’aménagement du foncier constitue en une simple division d’un terrain en plusieurs destinés à être
bâtis. C’est d’ailleurs grâce au lotissement que les premières formes d’organisation urbaine ont vu le
jour : au départ, il est fortement utilisé pour construire des quartiers résidentiels. Totalement banalisé,
ce terme défini par le Code de l’Urbanisme renvoie aujourd’hui à l’image des quartiers pavillonnaires
où l’homogénéité des constructions et la mono-fonctionnalité sont omniprésentes. Cette même
mono-fonctionnalité va donc être favorable à la création des zones commerciales. Principalement
conduite par des acteurs privés (lotisseurs, aménageurs), l’opération de lotissement va être utilisée à
des fins économiques et notamment commerciales. Composé d’un règlement interne à travers le
cahier des charges, il va apparaitre comme très souple dans le montage des dossiers de création,
d’autant plus qu’il suffit d’un arrêté de lotir délivré par le maire pour que le lotissement soit créé.
Aujourd’hui et depuis 2007, la procédure n’est plus la même puisque le permis d’aménager remplace
l’arrêté de lotir : il y a donc un contrôle des services de l’Etat qui s’opère, la procédure est beaucoup
plus encadrée.
8 CE, 29 juillet 1993 ; DJDU n°11994
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Bien entendu, il est difficile de distinguer le type d’opération d’aménagement utilisé pour la
création de n’importe quelle zone commerciale. Mais le lotissement a été la procédure la plus utilisée
selon plusieurs facteurs. Premièrement, le lotisseur achetait un terrain afin de le rediviser en lot qu’il
devait ensuite viabiliser avant la commercialisation. Cela implique donc qu’il devait contracter un
capital important pour mener à bien son opération d’aménagement. Afin de rentabiliser au maximum
l’opération, le plan d’aménagement était donc sommaire, selon une forme hippodamienne (plan
quadrillé) (cf Figure 4). C’est pourquoi les zones commerciales quelle qu’elles soient, ont connu une
standardisation de leur agencement. Deuxièmement, étant principalement d’initiative privée, le
lotissement a permis aux groupes de la grande distribution de s’implanter aisément en entrée de ville :
ils achetaient le foncier, viabilisaient les lots puis commercialisaient ceux dont ils n’avaient pas besoin
pour leur activité. On peut donc retrouver dans les lotissements commerciaux un supermarché ou
hypermarché qui constituait la locomotive de la zone, accompagné de moyennes surfaces spécialisées
qui venaient profiter de l’attractivité générée.
Les ZAC ont également été utilisées pour la création d’ensembles commerciaux en périphérie
des villes. Instituées par la LOF de 1967 en remplacement des ZUP, ces zones sont selon l’article L311-
1 du Code de l’Urbanisme celles « à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement
public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et
l’équipement des terrains, notamment ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou
acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés ».
Figure 4 : Image satellite de l’Aire des Moissons à Saint-Parres-aux-Tertres (10) caractérisant le plan hippodamien de la zone commerciale
(Source : Géoportail, 2012)
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Contrairement au lotissement, cette opération ne peut être menée que par un acteur public (ex :
communes, EPCI), son périmètre ainsi que le programme de la ZAC devant être approuvés par
délibération de l’organe délibérant (conseil municipal pour une commune). En effet, d’après l’article
L311-1 du Code de l’Urbanisme, « Les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur
desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir
pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains, notamment de ceux que
cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder
ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés ». Comme l’affirme l’article, la collectivité ou
l’établissement public portait le projet de ZAC mais pouvait concéder la réalisation à d’autres acteurs
publics ou privés tels qu’une SEM9 (Société d’Economie Mixte) d’aménagement ou un
aménageur/promoteur. La ZAC avait pour objectif d’améliorer la concertation entre les collectivités et
les acteurs privés. Elle est également constituée d’un document d’urbanisme spécifique, le PAZ ce qui
génère des projets urbains à part entière, qui ne sont pas pris en compte par les POS, également
institués par la LOF. Le POS qui est le premier véritable document de planification administrant
l’occupation du sol à l’échelle communale ne prenait donc pas en compte ces zones : il pouvait y avoir
une dualité de planification au sein d’une commune car les deux plans (POS et PAZ) n’avaient aucun
lien. Il était donc possible pour une même commune de prévoir des zones commerciales au travers du
zonage du POS et d’aménager un ensemble commercial par le biais d’une ZAC. L’absence de POS mais
l’existence d’une ZAC était également possible. Avec ce nouvel outil de l’urbanisme apparait donc la
notion d’urbanisme dérogatoire c’est-à-dire que la ZAC est venue dans de nombreux cas prescrire des
règles spécifiques à la zone et différentes de celles édictées par le POS s’il existait.
2.1.2 La Loi Royer ou la naissance de l’urbanisme commercial
L’essor des zones commerciales va donc conduire le législateur à mieux prendre en compte le
commerce dans l’organisation urbaine au début des années 1970. Cette intervention de l’Etat est
également due au mécontentement des petits et moyens commerçants qui voient de plus en plus leur
clientèle partir à l’extérieur des villes, car séduite par le discount. Dans ce contexte, la Loi Royer du 27
décembre 1973 vient encadrer la création et l’extension des surfaces commerciales en donnant aux
9 Entreprise publique locale sous forme de société anonyme, créée par les collectivités locales. Elles doivent être majoritaires au niveau des actionnaires (entre 50 et 85% du capital) et couplées à des actionnaires privés (entre 15 et 50% du capital).
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CDUC (Commission Départementale d’Urbanisme Commercial) un pouvoir décisionnel. Créées dans un
premier temps à titre consultatif en 1969, elles n’ont bien entendu eu aucun poids et grâce à cette loi,
l’urbanisme commercial devient une véritable branche de l’urbanisme. Une autorisation d’exploitation
commerciale est donc délivrée par cette commission, composée de neuf élus, de neuf représentants
des professions du commerce et de deux représentants des associations de consommateur10. La CDUC
était alors compétente « pour la création ou l’extension (de plus de 200 m² de surface de vente) d’une
surface commerciale dépassant (ou devant atteindre en cas d’extension) 2000 m² hors œuvre ou 1000
m² de surface de vente (seuils majorés de moitié dans les villes de plus de 40 000 habitants) » (Merlin,
2010). Ce sont des surfaces très importantes qui sont soumis à l’avis de la commission, notamment les
hypermarchés. Le centre commercial, qu’il est possible de définir comme étant un ensemble de
magasins et de services réalisé et géré comme une entité, est aussi concerné car souvent de superficie
importante. Une grande majorité de commerces n’atteignant pas les seuils légaux est alors exclue du
champ d’intervention de la CDUC.
De plus, cette loi prévoit la création du SDC (Schéma de Développement Commercial), « un
document qui rassemble des informations sur l’activités commerciale et son environnement
économique. Il comporte une analyse prospective puis indique les orientations en matière de
développement commercial et les secteurs d’activités à privilégier » (Art. R751-18 du Code du
Commerce). Ce schéma doit venir aider les CDEC dans leur choix : il n’existe donc qu’à titre informatif.
La volonté du législateur d’avoir instauré un seuil relativement élevé pour les surfaces
commerciales soumises à l’avis de la CDUC va entraîner des effets totalement indésirables pour ce
dernier.
2.2 L’essor considérable des zones d’activités commerciales occultant les dispositions
régulatrices
2.2.1 Les conséquences inopportunes de la loi Royer
La loi Royer génère dès son adoption un vide juridique considérable. En effet, les zones
commerciales composées de groupements de magasins tels que les lotissements commerciaux ne sont
10 D’après Choay, Françoise [dir.], 2010, « Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement », PUF, 1024 pages
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pas concernés par les seuils. La superficie respective de chaque magasin est en-dessous du seuil des
1000 m² (1500 m² pour les villes de plus de 40 000 habitants) : ils ne sont donc pas considérés comme
un ensemble aux yeux de la loi.
C’est donc à l’insu de l’Etat que « bon nombre de constructeurs et promoteurs ont eu l’idée de
créer sur un même périmètre, plusieurs unités commerciales inférieures aux seuils prévus par la loi »
(Graboy-Grobesco, 1999). Nous pouvons donc parler dans ce cas-là d’un contournement du droit de
l’urbanisme commercial : si la loi avait inclus la superficie globale de toutes les unités commerciales
présentes sur un même site, il aurait été intéressant de connaitre le paysage des entrées de ville
françaises actuellement. Du coup, de nombreuses enseignes vont connaitre une période riche où leur
développement va fortement s’accélérer. Toutes les caractéristiques des zones commerciales que le
législateur souhaitait voir disparaitre vont perdurer : les enseignes de la distribution implantent autour
de leur supermarché/hypermarché des enseignes spécialisées disposant d’une aire de stationnement
et des voies d’accès communes.
Pour parer à cette forme de zone commerciale, la circulaire du 10 mars 1976 relative à la
compétence et au fonctionnement des CDUC va définir la notion d’unité économique d’ensemble en
reprenant un avis du Conseil d’Etat. Cette notion revient à assimiler « à la création d’un magasin unique
la création de plusieurs magasins situés dans un même lieu, et constituant une unité économique
d’ensemble en raison de leur conception générale ou de conditions communes d’exploitation. »
(Bouyssou, 1989). De ce fait, plusieurs cas de figure dans les années 80 vont faire l’objet d’avis du
Conseil d’Etat en reprenant cette notion. Par exemple, le groupe Intermarché fait partie des chaines
de grande distribution qui vont profiter de la souplesse de la loi Royer. Sous la forme de lotissement,
il va implanter plusieurs filiales telles que Bricomarché et Vétimarché autour d’un Intermarché. Le
groupe va faire l’objet de plusieurs cas de jurisprudence dans les années 80 comme l’arrêt en Conseil
d’Etat du 25 mai 1988 concernant la commune de Ménétrol dans le Puy-de-Dôme11. Dans cette
configuration, le groupement d’enseigne constitue un centre commercial « Les Mousquetaires » car
sur un même terrain sont implantées des magasins du même groupe ayant une aire de parking
commune ainsi que des voies de desserte. Le Conseil d’Etat va reprendre la notion d’unité économique
d’ensemble afin d’annuler un permis de construire pour l’extension d’un garage-station-service
(dénommé Station-Marché) et la création d’un magasin de pièces automobiles de 420 m² de surface
hors œuvre dont 198 m² de surface de vente. Cet établissement, qui aurait été couplé à deux grandes
surfaces du groupe (Bricomarché et Intermarché) sur le même terrain appartenant à une même SCI
11 CE, 25 mai 1988, Commune de Ménétrol, n°80335, Recueil Lebon
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(Société Civile Immobilière), et qui aurait pratiqué des campagnes commerciales conjointes, aurait
engendré une surface globale supérieure à 2 000 m².
Malgré tout, de nouveaux espaces marchands périphériques vont apparaitre afin de ne pas
correspondre à l’unité économique d’ensemble. Les années 80 vont être la décennie d’expansion de
zones commerciales spécialisées, où d’après Alexandre Graboy-Grobesco « l’hypermarché-
locomotive » n’est plus forcément attractif pour l’implantation de commerces spécialisés.
2.2.2 De la zone « hypermarché » à la zone commerciale spécialisée : l’exemple de la zone
commerciale de Charmeil
Les années 80 sont fortement marquées par la périurbanisation des ménages, qui fuient les
villes à la recherche de plus grands espaces, notamment d’un logement plus vaste accompagné d’un
jardin. Même si ce phénomène a déjà été observé durant les années 60 et 70, c’est lors de cette
décennie qu’il prend tout son sens : « le commerce en périphérie des villes s’appuie […] sur une
clientèle suburbaine et périurbaine qui représente environ les deux tiers de la population et qui a
d’ailleurs augmenté de 27% entre 1975 et 1990. » (Graboy-Grobesco, 1999). De nouveaux
équipements commerciaux périphériques font donc leur apparition, du fait de la spécialisation des
grandes et moyennes surfaces et de la polarisation des points de ventes. C’est le cas de l’agglomération
vichyssoise qui connait une polarisation très nette de son offre commerciale qui est bénéfique pour
les communes périurbaines (cf Figure 5). En effet, sur les quatre zones commerciales, trois sont
implantées dans des communes voisines de Vichy. Nous pouvons constater également que seule la
zone commerciale de Charmeil ne dispose pas d’un hypermarché : c’est une zone commerciale
composée seulement de magasins spécialisés, exemple typique des pôles commerciaux périphériques
des années 80-90.
Charmeil est une petite commune périurbaine composée seulement de 562 habitants en 1982.
La présence d’une zone commerciale sur son territoire en fait une commune atypique puisque la zone
commerciale constitue la grande majorité de l’urbanisation de la commune : elle est surement due à
un aspect économique recherché par la commune, la taxe professionnelle lui permettant d’engranger
des recettes. Nous retrouvons donc des enseignes qui vendent des produits susceptibles d’être
encombrants et dont la localisation en cœur de ville serait difficile. De plus, elle est aisément accessible
par la route, puisque située le long de départementale la reliant au cœur de l’agglomération, aux
communes importantes (Vichy, Cusset et Bellerive-sur-Allier). Au vu du nombre d’habitants et de sa
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localisation aux portes de l’agglomération, elle est clairement destinée à alimenter l’ensemble des
communes du bassin de vie vichyssois.
Elle s’est constituée en plusieurs phases :
- Dans les années 80 avec l’arrivée de concessionnaires automobiles,
- Dans les années 90, de grandes enseignes de bricolage, d’ameublement et de jardinerie se
sont implantées dans la zone,
- Dans les années 2000, quelques enseignes d’ameublement puis des petits commerces
d’alimentation sont apparus, cassant littéralement l’image de grandes surfaces.
Figure 5 : La polarisation du commerce périphérique et des hypermarchés sur l’agglomération vichyssoise (Sources : Géoportail, DAC SCOT Vichy Val d’Allier)
Zone commerciale des Graves-Bartin
(Cusset)
Zone commerciale des Ailes (Vichy)
Zone commerciale Carré d’As-Leclerc
(Bellerive)
Zone commerciale de Charmeil
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Cette zone commerciale même en l’absence d’hypermarché a réussi à se maintenir dans le temps et
même aujourd’hui à attirer de petits commerces. Le peu de grandes surfaces spécialisées que ce soit
en bricolage ou jardinerie sur une agglomération de taille moyenne oblige les consommateurs à se
déplacer à Charmeil. Nous pouvons d’ailleurs remarquer que la zone commerciale n’a été conçue que
pour l’unique automobile, les aires de stationnement étant tellement conséquentes qu’elles ne sont
jamais saturées (cf Figures 6).
Le bourg situé en continuité Nord de la zone commerciale est également totalement occulté
par sa présence. L’offre commerciale de la commune n’est quasiment représentée que par la zone
commerciale, le bourg ne disposant que de deux bar-restaurants. Les liaisons entre ces deux espaces
Figures 6 : Des aires de parking majoritairement vides dans la zone commerciale de Charmeil (Source : Maxime Dubois, 21 février 2014)
Figures 7 : Le cheminement piéton reliant le bourg de Charmeil à la zone commerciale (Source : Maxime Dubois, 21 février 2014)
1 2
3 4
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sont d’ailleurs très limitées, hormis une liaison piétonne peu utilisée par les habitants (cf Figures 7) : la
voiture reste le moyen de transport privilégié.
De vastes surfaces commerciales en entrées de ville ou d’agglomération ont donc pu voir le
jour malgré l’apparition d’une réglementation de leur implantation avec l’urbanisme commercial et la
Loi Royer. Des rectificatifs vont tout de même être élaborés dans les années 90, décennie qui va être
marquée par de multiples ruptures tant sur le plan du droit que des mentalités.
3. L’essoufflement d’un modèle en lien avec de nouvelles problématiques
Après 20 ans de développement effréné, les hypermarchés et zones commerciales en
périphérie des villes ne vont plus avoir la même image. Tout d’abord, le législateur va à maintes
reprises réformer le droit de l’urbanisme commercial afin d’abolir la création de lotissements
commerciaux sous forme de « boite à chaussures ». Une forme de rejet de ces espaces va également
apparaitre d’autant plus que la problématique environnementale et paysagère surgit. Pratiquement
jamais prise en compte dans les projets d’ensembles commerciaux, elle avait pourtant été sous-
entendue. La Loi Royer promulguait pourtant dans son article 1er que l’activité commerciale devait
contribuer à l’amélioration de la « qualité de la vie ». Les critères environnementaux et d’insertion
paysagère n’étaient bien entendu pas les critères les plus pris en compte par les CDUC a contrario des
critères économiques. La composition de ces commissions était également critiquable puisque seuls
des élus et des professionnels de la consommation les composaient. Des urbanistes ou des paysagistes
auraient eu un rôle de conseil non négligeable en matière d’insertion paysagère d’autant plus que les
projets commerciaux s’implantaient tous en entrée/sortie de villes.
3.1 La volonté du législateur de renforcer l’encadrement des projets commerciaux
3.1.1 La Loi Doubin redéfinissant la notion d’ensemble commercial
La loi Royer accompagnée de la notion d’unité économique d’ensemble a constitué en grande
partie le paysage des entrées de villes françaises actuelles. Malgré tout, le législateur va tenter de
stopper l’hémorragie des années 80 en s‘appuyant sur les cas de jurisprudence (cf p. 27 CE, 25 mai
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1988, Commune de Ménétrol, n°80335, Recueil Lebon) : c’est la loi du 31 décembre 1990
d’actualisation des dispositions relatives à l’exercice des professions commerciales et artisanales dites
Loi Doubin. La notion d’unité économique d’ensemble est remplacée par la notion de même ensemble
commercial : il est clairement constaté que l’Etat souhaite voir cesser la création de lotissement
commercial. L’article 29 de cette loi stipule d’ailleurs qu’il est tenu compte de tous les magasins de
commerce de détail qui font partie d’un même ensemble commercial. Le 1° du même article définit
plus précisément les critères pour le passage devant la CDUC :
« Sont regardés comme faisant partie d’un même ensemble commercial, qu’ils soient ou non situés
dans des bâtiments distincts et qu’une même personne en soit ou non le propriétaire ou l’exploitant,
les magasins qui sont réunis sur un même site et qui :
- Soit ont été conçus dans le cadre d’une même opération d’aménagement foncier, que
celle-ci soit réalisée en une ou plusieurs tranches (ex : ZAC),
- Soit bénéficient d’aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l’accès des
divers établissements,
- Soit font l’objet d’une gestion commune de certains éléments de leur exploitation,
notamment par la création de services collectifs ou l’utilisation habituelle de pratiques et
de publicités commerciales communes,
- Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou
indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l’article
357-1 de la loi n°66-357 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ou ayant un
dirigeant de droit ou de fait commun. »
Cette association de critères cumulatifs et de critères alternatifs montre bien la détermination de l’Etat
à vouloir empêcher une seconde fois le fleurissement des zones commerciales. Sur ce modèle, un
lotissement commercial tel que celui des « Mousquetaires » à Ménétrol n’aurait pas pu du départ
s’étendre, d’autant plus que la demande en commission aurait été rejetée à la vue même de plusieurs
critères alternatifs.
Dès lors, le nombre de dossiers traités par les CDUC va considérablement diminuer. Par
exemple, le nombre de nouveaux hypermarchés décroit dès le début des années 90 : en 1990, on
compte 18 nouveaux hypermarchés, 11 en 1991, puis en 1993 les fermetures d’hypermarché sont plus
nombreuses que les ouvertures. Ces chiffres restent toutefois à relativiser sachant que le concept
d’hypermarché s’essouffle durant cette période. Mais ils restent pertinents car on constate tout de
même une baisse corrélé avec l’entrée en vigueur de la loi Doubin à partir de 1991.
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Va s’ensuivre l’adoption d’une seconde loi qui va réformer les commissions délivrant les
autorisations d’exploitation, la Loi Sapin en 1993.
3.1.2 De la CDUC à la CDEC : un réel changement ?
Le changement de dénomination intervient avec la Loi Sapin en 1993 suite à de multiples
affaires de corruption concernant des autorisations d’exploitation commerciale qui auraient été
arrangées. En effet, les années 80 voient l’apparition des lois de décentralisation qui viennent donner
aux communes la compétence en urbanisme. Mais la liberté des communes n’est pas absolue non plus.
Seul le maire dont la commune dispose d’un POS ou d’une carte communale avec délibération est apte
à la délivrance des autorisations d’urbanisme.
Les problèmes de corruption au sujet des zones commerciales sont en lien avec la délivrance
des autorisations d’urbanisme. En effet, le maire siégeait au sein de la CDUC quand un projet
commercial se situait sur le territoire de sa commune, et il était possible que ce dernier soit force de
persuasion pour que le projet aboutisse. Afin de limiter les tractations occultes, la loi transforme la
CDUC en CDEC (Commission Départementale d’Equipement Commercial). Sa composition évolue en
diminuant : de 20 membres, elle passe à 7 membres dont 4 élus locaux (deux représentant la commune
et la structure intercommunale d’implantation et deux autres représentant les communes les plus
peuplées du même arrondissement). Comme le sous-entend Jérôme Monnet, il semblerait que « ces
différentes communes sont en concurrence, les plus peuplées représentant les centres qui tentent de
défendre le petit commerce existant et les autres représentant des périphéries qui cherchent à attirer
des grandes surfaces en tant qu’activités génératrices de taxes et d’emplois ».12 La détermination de
la composition de la CDEC montre clairement la volonté de la loi Sapin à insister davantage sur la prise
en compte de la concurrence par les commissions que sur l’occupation du sol.
Ce dernier principe est renforcé par l’obligation pour chaque pétitionnaire de réaliser une étude
d’impact économique. D’après l’article 31, elle doit préciser « l’offre et la demande globales pour
chaque secteur d’activité dans la zone de chalandise concernée ; la densité d’équipement en
moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; l’effet potentiel du projet sur l’appareil commercial et
artisanal de cette zone et sur l’équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce. ». On
12 D’après Monnet, Jérôme, 2008, « L’urbanisme commercial français de 1969 à 2009 : Quels changements avant et après la directive européenne « Services » ? », octobre 2008, 14 pages
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constate donc un basculement entre la Loi Royer et la Loi Sapin. En effet, l’intervention du législateur
a au départ un intérêt urbanistique en voulant rééquilibrer le commerce entre le centre et la
périphérie. Puis, l’intérêt économique prend le dessus, la CDEC devant réguler la concurrence entre les
zones commerciales mais également à une échelle plus large c’est-à-dire entre les communes d’un
même arrondissement. L’absence de professionnels en aménagement du territoire au sein des
commissions est également un facteur prépondérant.
La Loi Raffarin en 1996 va également renforcer l’intérêt économique de la CDEC avec une
nouvelle révision de la Loi Royer. L’autorisation s’étend à tous les commerces de plus de 300 m² mais
également aux hôtels de plus de 30 chambres ainsi qu’aux cinémas de plus de 1500 places. La
commission est composée d’un membre en moins puisqu’il ne reste plus qu’un représentant de la
commune de l’arrondissement la plus peuplée. Cette diminution de l’effectif est probablement due au
fait que des difficultés sont apparues pour rendre un avis sur certains dossiers qui concernaient les
communes périphériques. Ces dernières veulent attirer de grandes et moyennes surfaces
commerciales tandis que la commune la plus peuplée voit en cela un risque de pertes d’activités
commerciales dans son centre-ville.
Nous pouvons donc dire qu’il y a un réel avancement dans la structuration des CDEC par rapport
aux CDUC. Même si les critères économiques avec notamment la question de la concurrence
prédominent dans le choix des commissions, les seuils ont été rabaissés et un plus large éventail de
commerces est concerné par l’avis de la CDEC. Néanmoins, si l’on se détache des évolutions de
l’urbanisme commercial, les zones commerciales ne sont plus synonymes de modernité comme elles
ont pu l’être à leur apparition. Elles sont décriées tant par les élus que par les professionnels de
l’urbanisme pour plusieurs raisons.
3.2 La fracture urbaine causée par les zones commerciales
3.2.1 La sectorialisation des ensembles commerciaux par le POS
Les zones commerciales se sont développées en parallèle du POS sur à peu près une trentaine
d’années. Ce document d’urbanisme qui est le premier plan déterminant l’occupation des sols des
communes françaises, doit en théorie organiser de façon harmonieuse l’urbanisation. Tout le territoire
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communal est quadrillé par le POS, et seules les ZAC et les secteurs sauvegardés exclus des morceaux
de territoire de ce document.
D’une manière générale, le POS a consisté à compartimenter les différentes activités sur le
territoire des communes. Très souvent, le zonage représentait des zones propres au commerce, à
l’habitat, à l’industrie, … sans créer de réelle cohérence ni de continuité entre elles. L’exemple
précédemment développé de Charmeil est pertinent dans le sens où une zone commerciale a vu le
jour sans avoir pris en compte l’existant. Il n’y a aucune cohérence entre l’espace bâti représentant le
bourg et les « boites à chaussures » le jouxtant. C’est donc une des grandes critiques faites au POS
puisque qu’il n’était pas un outil permettant de guider les communes dans un urbanisme de cohérence,
mais seulement un outil foncier réglementant l’occupation du sol. Les communes ont recherché le
profit en attirant des enseignes commerciales réputées, facteurs de taxes professionnelles et
d’emplois.
Pourtant, d’après Dominique Moreno, le commerce aurait pu être réellement intégré dans les
POS. En effet, selon elle, le principe d’un zonage géographique et par activité a été enrichi par la LOV
(Loi d’Orientation sur la Ville) de 1991 en ajoutant un onzième alinéa à l’article L123-1 du Code de
l’Urbanisme. Afin d’attirer l’attention des communes sur le fait de veiller à une répartition
harmonieuse des équipements commerciaux et d’éviter l’omniprésence des grandes surfaces, « les
POS peuvent délimiter les zones dans lesquelles pourront s’implanter les commerces de détail soumis
à autorisation d’urbanisme commercial ». A la lecture de cet alinéa, nous pouvons constater que cette
disposition n’est que facultative ce qui laisse une totale liberté aux communes. De plus, la volonté du
législateur de rééquilibrer l’appareil commercial entre le centre et les périphéries n’est pas explicite
avec cette unique démarche. Il aurait été judicieux également d’instituer un zonage en faveur des
commerces de proximité. Enfin, « on ne peut que regretter que le législateur en 1991 n’ait pas été au
terme d’une réelle démarche d’intégration de l’ensemble des composantes du commerce dans les
documents de planification […] la loi s’est limitée aux POS, alors que les documents en tenant lieu
étaient tout autant concernés (ZAC commerciales) » (Moreno, 1999).
Enfin, l’implantation des zones commerciales par les POS ne peut être que de la seule
responsabilité de la commune. En effet, cette affirmation est d’ailleurs soulevée par Phillipe Cattiaux
dès 1994. Les équipements commerciaux sous forme de grandes surfaces en périphérie des villes
attirent des consommateurs sur une zone de chalandise dépassant très largement le territoire
communal : « l’aire de chalandise d’un supermarché correspond approximativement à 10 000
habitants et celle d’un hypermarché à 50 000 habitants ou plus (vingt minutes en automobile) »
(Merlin, 2008). La question d’une responsabilité intercommunale est donc soulevée, celle-ci pouvant
varier selon la nature des commerces, leur pouvoir d’attractivité et l’état de la concurrence. Philippe
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Cattiaux sous-entend donc déjà la pertinence d’un document d’urbanisme à l’échelon intercommunal
(« POS intercommunal »).
Dans ce contexte, le phénomène d’étalement urbain qui s’est développé tout au long de la
seconde moitié du XXème siècle va apparaitre. Les lotissements pavillonnaires mais aussi les zones
commerciales vont être pointés du doigt comme étant les causes de l’artificialisation du sol. Les aspects
environnementaux et paysagers vont dès lors être de plus en plus prégnants.
3.2.2 Le phénomène d’étalement urbain marquant le pas des zones commerciales
L’étalement urbain est une notion assez récente malgré que ses origines remontent aux
années 50. Sans utiliser ce terme, Jean Fourastié parlait déjà de ce phénomène ainsi que des probables
effets qu’il pouvait engendrer :
« On peut s’inquiéter de voir tant de gens habiter, même propriétaires, des logements ou des maisons
si éloignées de leurs lieux de travail et de ravitaillement. On peut habiter n’importe où aujourd’hui, et
de plus en plus souvent on le fait, en pleine campagne, au creux d’un vallon, au sommet d’un rocher –
mais c’est au prix d’une consommation énorme d’énergie mécanique (fuel, gaz, essence, électricité,
…) pour le chauffage, les transports, la cuisine, l’eau, le téléphone… ».
Nous pouvons également définir l’étalement urbain comme la résultante du « processus
d’urbanisation conduisant à une diminution de la densité des zones urbanisées, du fait du
développement de zones d’urbanisation peu denses en périphérie des pôles urbains et/ou, parfois,
d’une diminution de la population en centre-ville. » (Sainteny, 2008)
Même si l’habitat est principalement mis en avant quand nous parlons de ce phénomène, le
commerce fait également partie des activités génératrices de l’artificialisation des sols en périphérie
des villes. En effet, au vu des surfaces commerciales créées en entrée de villes couplées aux vastes
aires de parking goudronnées, ce sont plusieurs hectares qui sont régulièrement urbanisés. Entre 1992
et 2004, ce sont plus de 600 km² de superficie par an qui sont artificialisés soit l’équivalent de la surface
d’un département tous les dix ans. Ce sont principalement les terres agricoles qui en font les frais.
Toujours selon Sainteny, l’étalement urbain vient « en concurrence directe avec les productions
agricoles alimentaires et énergétiques, d’autant plus qu’il se fait d’abord au détriment de l’agriculture
urbaine et périurbaine qui représente 50% de la valeur ajoutée agricole ». L’artificialisation des
surfaces agricoles qui provoquent d’ailleurs souvent le morcellement des terres, engendre la
disparition des circuits courts. Par exemple, si l’on prend le cas de l’Aire des Moissons à Saint-Parres-
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aux-Tertres, commune périurbaine de l’agglomération troyenne, la zone commerciale a engendré une
consommation de foncier agricole de l’ordre de 33,8 hectares en 1995, surfaces commerciales et aires
de stationnement comprises (Figures 8). La SAU (Surface Agricole Utile) de la commune a d’ailleurs
diminué de presque 20% de 1988 à 2000 en passant de 1082 ha à 847 ha (source : recensement agricole
2010). Quand on compare également avec la superficie du bourg de la commune qui est relativement
étiré, la zone représente un tiers de la surface du bourg (94,7 ha). L’essor des zones commerciales a
donc contribué au phénomène d’étalement urbain.
La transformation de l’occupation du sol joue directement sur le paysage. En effet, la
disparition de terres agricoles au profit des zones commerciales modifie irrévocablement la perception
paysagère. Le commerce périphérique a entrainé avec lui une architecture, de la voirie, une trame
Figures 8 : Evolution de la zone commerciale de l’Aire des Moissons à Saint-Parres-aux-Tertres de 1983 à 1995 (Source : Géoportail)
1983
1990 1995
Localisation de l’Aire des Moissons dans l’agglomération troyenne (Source : Géoportail)
Troyes
Saint-Parres-aux-Tertres
Aire des Moissons
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végétale ainsi que des équipements qui suppriment les paysages agraires tels que l’openfield ou le
bocage. L’architecture des grandes surfaces commerciales est d’ailleurs un des principaux points noirs
nuisant à l’esthétique des entrées de villes. Le terme de boite à « chaussures » caractérise bien cela :
un bâtiment sans fenêtres, ni vitrines, de forme rectangulaire et composé le plus souvent de tôle. Nous
pouvons les assimiler à des hangars. Là encore, la recherche de la rentabilité a conduit les enseignes
de la grande distribution a érigé des magasins aux coûts les plus bas : la recherche de l’esthétisme est
nulle.
Pourtant, avec l’apparition des zones commerciales et l’arrivée de la Loi Royer, des mesures
ont été adoptées afin de prendre en compte l’environnement dans les projets. Il a déjà été remarqué
que la Loi Royer de 1973 faisait apparaitre la notion de « qualité de vie » dans l’implantation d’activité
commerciale. Les grands projets commerciaux devaient en outre faire l’objet d’une étude d’impact
environnementale ainsi qu’une enquête publique. La loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de
la nature définit d’ailleurs l’étude d’impact comme étant « une analyse de l’état initial du site et de son
environnement, l’étude des modifications que le projet y engendrerait et les mesures envisagées pour
supprimer, réduire et si possible, compenser les conséquences dommageables pour
l’environnement ». Cette étude aurait donc dû être le préalable indispensable en amont de toute
réflexion développée en matière d’urbanisme commercial. Comme le souligne à juste titre Alexandre
Graboy-Grobesco, les critères environnementaux sont totalement occultés par les critères
économiques dans les CDUC puis les CDEC : « afin de contraindre les promoteurs de grande surface à
s’intégrer harmonieusement dans les sites et paysages, les membres des commissions
départementales devrait davantage s’attacher aux exigences environnementales avant de se
prononcer sur la conformité des projets ». Cette critique doit néanmoins être remise dans son contexte
puisque les membres des commissions d’urbanisme commercial n’ont aucun titre d’urbanistes ni de
paysagistes. Seuls des élus et des représentants des consommateurs ou des CCI (Chambres du
Commerce et de l’Industrie) les composent, soit des personnes ayant uniquement des compétences
dans le domaine de l’économie et de la consommation.
Le législateur a pourtant à de maintes reprises réagit. Entre autre, la circulaire du 12 janvier
1981 relative à l’instruction des demandes de permis de construire visées par la Loi Royer impose de
replacer les projets dans leur « contexte urbanistique » c’est-à-dire le site d’accueil du centre
commercial ou du supermarché envisagé. La Loi Paysage du 8 janvier 1993 va aller encore plus loin
dans la réflexion puisqu’elle fait du paysage une notion juridique. Elle devient une loi d’aménagement
et d’urbanisme au même titre que les lois Montagne et Littoral. Les documents d’urbanisme et a
fortiori les autorisations d’urbanisme doivent donc être compatibles avec cette présente loi. Cette loi
va être suivie par le premier texte qui va réellement bouleverser l’implantation en entrée de villes : le
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rapport du sénateur Ambroise Dupont intitulé « Les entrées de ville ou redonner le goût de
l’urbanisme ». Ce texte va introduire la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection
de l’environnement qui créé l’article L111-1-4 du Code de l’Urbanisme. Celui-ci « interdit, en dehors
des espaces urbanisés des communes, les constructions sur une bande de 100 mètres de part et
d’autre de l’axe des autoroutes et routes express, réduite à 75 mètres pour les routes à grande
circulation » (Moreno, 1999). Malgré tout, il était possible de déroger à la règle avec la circulaire du 13
mai 1996. Si les collectivités locales et les partenaires privés réfléchissaient à « insérer dans leur POS
un projet urbain portant sur la qualité architecturale, la sécurité et la réduction des nuisances aux
portes de leur territoire », ce dernier pouvait voir le jour en-dessous des seuils précédemment cités.
La problématique environnementale commence donc à émerger dans les mentalités mais aussi
dans la réglementation. Ce changement radical a d’ailleurs été provoqué par de grandes conférences
telles que le Sommet de Rio en 1992 qui va influencer le droit de l’urbanisme actuel.
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Partie II : La situation des zones d’activités commerciales aujourd’hui
Actuellement, l’urbanisme et a fortiori l’urbanisme commercial est influencé par les grandes
préoccupations environnementales et sociétales qui sont apparues lors du Sommet de la Terre à Rio
de Janeiro en 1992. Cette réunion internationale présidée par l’ONU (Organisation des Nations Unies)
et rassemblant une centaine de pays va être l’élément décisif en vue de changer les comportements
de consommation des populations. Il est dressé le constat d’un dérèglement climatique en partie causé
par les pratiques humaines (pollutions) : celles-ci entrainant entre autre des hausses de température
et la disparition d’espèces animales et végétales. A la suite de cela, la majorité des Etats s’est engagée
à faire des efforts de mise en œuvre afin de respecter la nature. Des moyens et objectifs ont été fixés
aux Etats par la suite pour que les espaces naturels soient préservés et qu’ils aient une consommation
énergétique plus raisonnée. Le Protocole de Kyoto en 1997 est le plus important traité fixant des
objectifs en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l’ensemble des Etats
signataires : réduire entre 2008 et 2012 de 5,2% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à
1990. La notion de développement durable apparait dans les discussions de ces deux événements.
Apparu dans les années 80 mais mis en avant dix ans après, il a été défini par le Sommet de la Terre
comme étant un développement permettant de « répondre aux besoins des générations actuelles sans
compromettre la capacité des générations futures, ni celle d’autres groupes, proches ou éloignés, à
satisfaire leurs propres besoins ». Il s’articule autour de trois piliers fondamentaux qui ne doivent en
aucun cas être isolés les uns des autres dans toutes les opérations dites durables : le pilier économique,
social et environnemental.
Parallèlement, en Europe, l’UE (Union Européenne) est créée par le Traité de Maastricht en
1992-1993. Les compétences communautaires sont beaucoup plus développées qu’au temps de la CEE
(Communauté Economique Européenne) et le droit européen va se nourrir des objectifs prônés par la
communauté internationale. Dès lors, chaque Etat membre de l’UE doit retranscrire dans le droit
national les directives européennes. Les années 2000 vont donc être marquées par la prise en compte
du développement durable et notamment de l’environnement dans le droit de l’urbanisme. Dans la
continuité des dispositions apparus dans les années 90 telles que l’Amendement Dupont, les zones
commerciales vont évoluer sur bien des points dans un souci d’intégration urbaine. L’attractivité
commerciale est également un enjeu afin que ces espaces restent durables, surtout au vu de la
revitalisation des commerces en centre-ville.
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1. La place des zones commerciales dans le modèle urbain actuel : vers une intégration croissante
de ces espaces au sein des territoires
Les années 2000 marquent un tournant pour le Code de l’Urbanisme puisque la Loi SRU du 13
décembre 2000, dites Loi Gayssot, vient poser de nouveaux fondements dans le domaine de
l’urbanisme. La prise en compte du développement durable a largement influencé cette nouvelle loi
dont l’orientation première et de renouveler la ville c’est-à-dire reconstruire la ville sur elle-même en
assurant sa densification. Il s’agit dès lors de mener des opérations en priorité sur le tissu urbain
existant au lieu de construire en périphérie des villes comme les zones commerciales ont pu l’être,
engendrant l’étalement urbain. Parallèlement, les zones commerciales situées en entrée de villes ont
connu un rattrapage de l’urbanisation venant alors englober ces zones dans le tissu urbain et ainsi
créer des continuités. L’étalement urbain a pu dans certains cas être bénéfique notamment pour ces
espaces.
1.1 La refonte de la planification commerciale pour une meilleure prise en compte des zones
d’activités périphériques
1.1.1 La modification en profondeur des documents d’urbanisme : vers un urbanisme durable
Avec la loi SRU apparaissent deux nouveaux documents d’urbanisme qui viennent remplacer
le POS ainsi que le SD (Schéma Directeur). Le PLU (Plan Local d’Urbanisme) et le SCOT (Schéma de
Cohérence Territoriale) sont beaucoup plus structurés et pertinents pour mener à bien la volonté de
l’Etat visant à densifier l’urbanisation plutôt que l’étaler.
Le PLU vient remplacer le POS qui n’avait été conçu que pour régir l’occupation du sol de la
commune. Son remplaçant reste toujours dans une optique d’un zonage où s’organise les différentes
fonctions (habitat, activités économiques, agriculture) mais va beaucoup plus loin : il planifie la
stratégie communale grâce au PADD (Projet d’Aménagement et de Développement Durables). Cette
pièce permet d’après l’article L123-1 du Code de l’Urbanisme de définir « les orientations générales
d’aménagement et d’urbanisme retenues pour l’ensemble de la commune », et montre donc la volonté
de l’Etat que les autorités locales aient une vision à moyen et long terme de leur territoire. Du PADD
découlent ensuite toutes les autres pièces du dossier de PLU, que ce soient les orientations
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d’aménagement ainsi que le zonage et le règlement. En outre, toutes les pièces doivent être mises en
cohérence, le zonage résultant de la stratégie urbaine portée par la municipalité.
La loi SRU met fin également au caractère dérogatoire des ZAC puisque le PAZ et le RAZ
(Règlement d’Aménagement de Zone) n’existent plus pour les ZAC nouvellement créées : les règles
d’urbanisme de ces zones sont désormais incluses au sein du PLU. Par contre, les ZAC créées avant
cette loi disposent toujours de PAZ et de RAZ. Il n’y a donc pas une volonté de l’Etat de mettre en
compatibilité les « anciennes » ZAC avec le PLU. Mais le fait d’inclure les zones créées à posteriori
montre déjà une avancée dans la façon de construire un urbanisme durable : le législateur souhaite
abolir l’urbanisme dérogatoire.
A l’échelon intercommunal, le SCOT est le document d’urbanisme de l’aire urbaine fixant les
grandes orientations des politiques publiques dans les domaines de l’urbanisme, de l’aménagement,
des transports ou encore de l’implantation commerciale. Il va donc être un document important pour
les zones commerciales notamment. Au départ, d’après l’article L122-3 du Code de l’Urbanisme, le
SCOT doit seulement prendre en compte « la zone de chalandise des commerces » ainsi que les
schémas de développement commercial. Tout comme pour le PLU, c’est le PADD qui va être la pièce
centrale du document. Nous pouvons donc constater un progrès quant à l’intégration des équipements
commerciaux dans les documents d’urbanisme, même si une simple prise en compte est instituée par
le législateur. C’est la Loi de Modernisation de l’Economie, dites LME de 2008 qui va créer une pièce
spécifique pour régir le développement des surfaces commerciales : le DAC (Document
d’Aménagement Commercial). Cette loi, issue de la Directive européenne « Services » de 2006, marque
l’influence de l’UE dans le droit français et notamment dans ce cas de faire évoluer le régime des
autorisations commerciales. Elle inscrit dans le Code de l’Urbanisme que les SCOT :
« peuvent définir des zones d’aménagement commercial […] définies en considération des exigences
d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement ou de qualité de l’urbanisme
spécifiques à certaines parties du territoire couvert par le schéma. Leur délimitation ne peut reposer
sur l’analyse de l’offre commerciale existante ni sur une mesure de l’impact sur cette dernière de
nouveaux projets de commerces. La définition des zones figure dans un document d’aménagement
commercial [qui] doit faire l’objet, dans un délai d’un an à compter de la délibération l’adoptant, d’une
enquête publique » (Art 102, IX, 2)13.
13 D’après Monnet, Jérôme, 2008, « L’urbanisme commercial français de 1969 à 2009 : Quels changements avant et après la directive européenne « Services » ? », octobre 2008, 14 pages
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Les SCOT ne sont donc pas dans un premier temps obligés d’avoir un DAC, ce qui n’encourage
pas les structures porteuses des SCOT d’en rédiger un. Les ZACOM (Zones d’Aménagement
Commercial) dont le périmètre est défini au sein de ce document sont les zones où le développement
commercial sera privilégié. Le DAC est donc le premier document qui vient régir l’implantation des
zones commerciales à l’échelle d’un bassin de vie.
Son caractère obligatoire va être effectif avec les lois Grenelle et plus précisément avec la loi
ENE (Engagement National pour l’Environnement) du 12 juillet 2010. Cette loi découlant du Grenelle
de l’Environnement de 200714 conduit à l’apparition d’une multitude de dispositions en matière
d’environnement et de développement durable : c’est une grande avancée qui vient réellement
encadrer le développement urbain. Les documents d’urbanisme vont être modifiés dont le SCOT où le
DAC devient obligatoire. Les conditions d’implantation vont être posées comme la superficie minimale
requise pour qu’une enseigne s’implante dans une ZACOM. Par exemple, pour le SCOT de Vichy Val
d’Allier, la zone commerciale de Charmeil définie comme étant une ZACOM ne peut recevoir que des
commerces dont la surface commerciale est supérieure à 1000 m². La communauté d’agglomération
souhaite donc renforcer les pôles commerciaux existants mais surtout éviter une dispersion des
grandes surfaces commerciales afin notamment de lutter contre l’étalement urbain, synonymes de
disparition de terres agricoles, de zones naturelles, … Le périmètre de la ZACOM de Charmeil a
également été tracé tout autour des entités existantes afin de ne pas poursuivre son développement.
Cette zone que nous avons qualifié d’atypique auparavant puisque située dans une commune peu
peuplée et surtout excentrée du cœur urbain de l’agglomération, ne pourra donc continuer à
s’accroitre : l’objectif est qu’elle se maintienne.
Au niveau du PLU, la Loi ENE va renforcer la partie environnementale avec l’obligation de
recenser et préserver la trame verte et bleue au travers des corridors écologiques et des zones
humides. L’urbanisation dans la lignée de la Loi SRU doit être densifiée et principalement dans la
continuité du tissu urbain existant. Un échéancier de l’ouverture à l’urbanisation des zones AU (zones
à urbaniser) est rendu obligatoire dans les OAP (Orientations d’Aménagement et de Programmation).
Le législateur vient dès lors ajouter la variable temps dans le développement urbain des communes,
des zones ne pouvant être ouvertes à l’urbanisation qu’à partir d’une certaine date. Ce qui signifie une
utilisation à bon escient des réserves foncières des communes et surtout qu’un ou des projets urbains
sensés voient le jour sur ces terrains.
14 Processus mis en place par le gouvernement français dès 2007 sous forme de rencontres politiques visant à prendre en compte l’environnement et le développement durable dans les politiques publiques menées à long terme. Il a été suivi par les lois Grenelle I et II impactant de nombreux domaines dont le droit de l’urbanisme.
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Le droit de l’urbanisme intègre donc de plus en plus le commerce dans la règlementation. Mais
un outil indépendant de ce droit a permis de réguler la production de surfaces commerciales en
sensibilisant les collectivités locales.
1.1.2 La charte d’urbanisme commercial : un outil au service des collectivités pour une
appréhension globale de l’appareil commercial au sein des territoires
Face au trop grand nombre d’équipements commerciaux au sein des agglomérations, pouvant
être renforcé par l’apparition de projets commerciaux qui ne feraient qu’accroitre l’offre engendrant
le déclin de certains pôles, les collectivités se sont penchées sur un moyen de réguler le développement
du commerce. C’est ainsi que de nombreuses agglomérations ont rédigé une charte d’urbanisme
commercial, document contractuel fédérant l’ensemble des acteurs (communes, EPCI, CCI, …) autour
d’une vision partagée de l’aménagement commercial. Ce document met également l’accent sur le
caractère intercommunal du commerce. En effet, les collectivités, en élaborant cette charte, prennent
conscience que l’activité commerciale possède un pouvoir de captation dépassant très largement les
limites communales.
Depuis le début des années 2000, la surface commerciale autorisée en France n’a cessé
d’augmenter en passant de 2 500 000 m² en 2001 à 4 000 000 m² en 2009 (Madry, 2011). Cette
surproduction immobilière a entrainé l’apparition de friches commerciales soit parce que certains
pôles difficilement rentables ont souffert de l’apparition de nouveaux, soit dans une moindre mesure
parce que les nouveaux projets commerciaux n’ont pas trouvé d’enseignes. D’autant plus, si ce sont
des zones commerciales en périphérie des villes, leur recyclage parait difficile : elles sont la plupart du
temps accessibles que par l’automobile et les bâtiments « boites à chaussures » restreignent le type
d’activités qu’ils peuvent accueillir. La charte est donc dans ce cas conçue afin que l’offre commerciale
soit en totale adéquation avec le territoire. Elle est d’ailleurs élaborée le plus souvent dans de grandes
aires urbaines telles que Bordeaux et Rennes, où la pression foncière et la surface vouée au commerce
sont importantes.
Elle se compose d’un diagnostic faisant l’état des lieux du tissu commercial du territoire : il va
permettre notamment de hiérarchiser les différents pôles commerciaux selon leur degré d’attractivité
que ce soit au travers de l’importance des enseignes qui les composent (petits commerces
traditionnels caractérisant le centre-ville ; grandes surfaces caractérisant les communes périurbaines).
Ensuite, des principes sont posés c’est-à-dire des axes de développement des différents pôles afin
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d’anticiper l’implantation de tous projets commerciaux. Il y a la volonté de créer une harmonie aux
différentes zones commerciales mais également au commerce de centre-ville afin d’atténuer le
déséquilibre centre-périphérie. Dès lors, pour chaque pôle commercial, la charte d’urbanisme
commercial peut venir diversifier le type de commerce spécialisé selon les zones ou encore interdire
le développement de certaines si celles-ci sont déjà bien pourvues en magasins. Le principe de
concurrence qui était le facteur déterminant auparavant devient petit à petit moins primordial, laissant
une plus grande place aux principes urbanistique et paysager.
Ce document qui reste tout de même une volonté politique d’un territoire n’est pas
négligeable une fois créé. En outre, la charte peut servir de base à la création d’un SDC (Schéma de
Développement Commercial) ou directement être prise en compte par le SCOT.
Nous constatons donc une plus grande intégration du commerce dans l’urbanisme afin que les
zones commerciales notamment ne soient plus en rupture avec les nouvelles orientations que peuvent
être le renforcement des réseaux de transports en commun ou des modes de circulation douce en
général. Cette intégration est d’autant plus visible aujourd’hui puisque l’intercommunalité par le biais
des chartes d’urbanisme commercial et des SCOT intervient directement sur le devenir de ces espaces.
Néanmoins, le phénomène de périurbanisation voire même de rurbanisation15 est venu urbaniser les
abords de certaines zones commerciales, ce qui a donc conduit les pouvoirs publics à adapter ces
espaces.
1.2 Le rattrapage spatial de l’urbanisation causé par le phénomène d’étalement urbain :
l’exemple de la zone commerciale des Ailes à Vichy
1.2.1 D’une zone aux portes de l’agglomération, à une zone incluse dans le tissu urbain
La zone commerciale symbolisant l’entrée de ville ou d’agglomération des années 60 à 90 n’est
plus forcément visible aujourd’hui. L’étalement urbain qui a principalement été caractérisé par le
développement des zones d’habitat individuel est allé de pair avec le développement des zones
commerciales. Située à l’interface de l’urbain et du rural, les ensembles commerciaux périphériques
ont été accompagnés d’autres formes urbaines telles que les lotissements pavillonnaires, attractifs
15 Phénomène caractérisant le peuplement et l’urbanisation des territoires ruraux périphériques à une ville
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pour leurs habitants car à la fois près de toutes les fonctionnalités urbaines et également localisés dans
des espaces semi-ruraux permettant de se sentir vivre à la campagne.
C’est le cas de la zone commerciale des Ailes, qui a été implantée au Nord de Vichy à partir des
années 70 (cf Figure 5 et Figures 9). Au départ, seul un hypermarché est conçu à proximité du quartier
de grands ensembles de logement collectif portant le même nom. Il y a donc une volonté d’attirer des
consommateurs vivant dans ce quartier mais également une clientèle plus éloignée avec l’aire de
stationnement de taille importante caractéristique de l’époque.
L’hypermarché va ensuite connaitre une extension dans les années 80. Puis au début des
années 90 un lotissement commercial va être créé à proximité de l’hypermarché. Nous retrouvons la
1970 1974
1992 2010
Figures 9 : Evolution du développement de la zone commerciale des Ailes à Vichy (03) (Source : Géoportail)
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formation classique d’une zone commerciale, la grande surface alimentaire étant le moteur de la zone
tandis que les enseignes spécialisées profitent de l’attractivité de l’hypermarché pour perdurer.
Parallèlement à son développement, la zone a connu au fil des décennies un rattrapage spatial
de l’urbanisation dû en grande partie à l’essor de l’habitat individuel en périphérie de l’agglomération
vichyssoise, notamment sur la commune de Creuzier-le-Vieux située à l’Est des Ailes (Figure 10).
Progressivement, le site d’entrée de ville a été repoussé encore plus loin du centre de l’agglomération,
la zone commerciale des Ailes étant aujourd’hui incluse dans le tissu urbain.
Dans les années 60 et jusqu’en 1979, l’hypermarché vient achalander le quartier des Ailes
composé d’habitat collectif au Nord et au Sud de ce dernier. Sur la même période, nous constatons
Figure 10 : Evolution de l’urbanisation autour de la zone commerciale des Ailes
(Source : Géoportail)
Avant 1979 1979-1987
1988- 1997 1998-2010
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l’apparition de l’habitat individuel sur la commune de Vichy à l’Est des Ailes puis quelques habitations
sont construites au coup par coup ou sous la forme de lotissement sur la commune de Creuzier-le-
Vieux. Sur la période 1979-1987, l’hypermarché connait une extension de ses locaux afin d’accroitre
sa surface commerciale et de proposer une cafeteria. Dans le même temps, de nouveaux pavillons sont
érigés à Creuzier-le-Vieux et une clinique privée vient enrichir le quartier des Ailes. La période suivante,
1988-1997, c’est la naissance du lotissement commercial regroupant des moyennes surfaces
spécialisées à proximité de l’hypermarché. Enfin, la période récente de 1998 à 2010 va connaitre une
urbanisation quasi-totale autour du site : les coteaux de Creuzier-le-Vieux vont connaitre une
urbanisation grandissante conjuguant habitat collectif et habitat individuel. Nous pouvons donc dire
que la zone commerciale est intégrée au tissu urbain puisqu’il ne connait pratiquement pas de
discontinuité.
L’intégration urbaine ne se résume pourtant pas à ce seul critère. En effet, il s’agit de savoir si
l’intégration est plus complexe que cela, notamment en terme de connexion que ce soit des transports
en commun mais également en mode de déplacement doux (pistes cyclables, cheminements piéton).
1.2.2 Une intégration urbaine vraiment totale ?
La zone commerciale des Ailes, malgré le fait qu’elle soit enveloppée dans l’urbanisation
existante, connait quelques points noirs. En effet, elle est tout d’abord typique des zones commerciales
conçues sous la forme de « boite à chaussures ». Nous retrouvons le plan à damiers qui a fait son
succès économiquement parlant. Le style architectural est relativement sommaire et très symétrique
(cf Figure 11) entrainant une intégration paysagère nulle. De plus, la prédominance de l’automobile
est visible puisque les aires de stationnement représentent une grande partie de l’occupation du sol.
Figures 11 : La zone commerciale des Ailes : le modèle typique des « boites à chaussures » marquant la prédominance des enseignes et du stationnement (Source : Maxime Dubois, 21 février 2014)
5 6
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Il en va de même pour l’hypermarché Cora qui est le moteur économique de la zone. D’après Pierre
Merlin, le nombre de place de stationnement est proportionnel à la surface de vente, à raison de 15 à
20 places de stationnement pour 100 m² de surface de vente. La surface de vente faisant environ
14 000 m², il devrait y avoir 2100 places. Or, nous constatons qu’il n’y en a qu’un peu plus de 900. Nous
sommes donc bien loin de la norme qui peut être pratiqué dans d’autres hypermarchés. Malgré tout,
la surface du parking est conséquente (environ 2 ha) et entièrement goudronnée : les eaux pluviales
ne sont donc pas prises en compte.
La végétation est présente mais reste tout de même minimaliste. Seules des arbres et quelques
haies agrémentent le site mais elles servent surtout de délimitation des aires de stationnement entre
chaque commerce. Nous pouvons en déduire qu’à sa création, l’automobile étant un facteur
important, tous les efforts ont été consentis pour l’accessibilité routière et le stationnement.
D’ailleurs la place du piéton est assez réduite (cf Figure 12). En effet, l’accès à la zone
commerciale n’est seulement possible que par des trottoirs reliés entre eux par des passages piétons.
Un lieu de détente composé de bancs est également présent mais au vu du nombre de piétons
arpentant la zone, cet espace n’a aucun intérêt. Les quelques aménagements proposés pour les
piétons sont donc très minces et nous pouvons penser qu’ils ont été créés en lien avec la présence du
quartier d’habitat entourant la zone commerciale. Ils ont tout de même le mérite d’exister puisqu’ils
Figures 12 : Une place du piéton limitée mais présente (Source : Maxime Dubois, 21 février 2014)
7 8
9
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sont utilisés par une minorité de consommateurs, la part la plus importante venant de communes
voisines à celles de Vichy.
Enfin, nous pouvons noter la présence de transport en commun ainsi que des voies de
circulation douce (piste cyclable) reliant notamment la zone commerciale au centre-ville. Elle connait
donc une intégration que l’on peut qualifier de partielle. En effet, par rapport au précédent exemple
de la zone commerciale de Charmeil, la place accordée à l’automobile est en recul. Des aménagements
piétonniers et cyclables ainsi qu’une ligne de bus permettent à une plus large partie de la population
d’accéder à cet équipement commercial. L’urbanisation générée au fil des décennies autour a conduit
les pouvoirs publics à mettre en place des infrastructures collectives qui ont été profitables à
l’intégration urbaine de la zone. Cet exemple montre donc déjà une évolution dans la constitution des
zones commerciales en périphérie des villes.
2. Des espaces en quête d’innovation afin de prendre en compte le principe du développement
durable
Aujourd’hui, la zone commerciale nouvellement créée n’est plus la zone de la fin du XXème
siècle. Jugée à de nombreuses reprises comme dégradant les paysages des entrées de ville
notamment, des efforts d’implantation et de conception ont été mis en œuvre. Le concept a également
évolué puisque l’alimentaire n’est plus la dominante essentielle au maintien voire à la pérennité de la
zone d’activité commerciale. Que ce soit les enseignes, les promoteurs, les communes et/ou les
intercommunalités, chacun prône pour des zones commerciales innovantes afin d’attirer une clientèle
toujours plus nombreuse, de générer des profits, de créer des emplois et donc un dynamisme
économique du territoire. Malgré tout, nous allons voir que des dysfonctionnements existent encore
et toujours au sein de ces espaces.
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2.1 La zone commerciale pensée aujourd’hui comme un véritable projet urbain
2.1.1 Le concept du fun shopping, ou comment rendre les achats agréables pour le
consommateur
Le phénomène du fun shopping n’est pas récent puisqu’il est apparu au tournant des années
50 aux Etats-Unis, avec le néologisme retailtainment, contraction des termes retail (commerce) et
entertainment (divertissement). Ce concept peut se définir comme étant la combinaison de l’activité
commerciale et des loisirs, pouvant mêler à la fois « des ambiances festives, services récréatifs, biens
ludiques et commerces en tout genre » (Gasnier, 2008). Il a également évolué en lien avec le
développement commercial, au départ dans les downtowns puis il est allé de pair avec les immenses
malls des suburbs américains.
En France, il tient surtout de la volonté d’enseignes qui veulent se démarquer de la
concurrence en proposant des activités à leur client en plus de la vente d’articles. Les précurseurs sont
des enseignes telles que Disney, la FNAC ou encore Decathlon pour le sport. Cette dernière a d’ailleurs
misé énormément sur le fun shopping. En témoigne le magasin situé sur les communes de Kingersheim
et Wittenheim dans l’agglomération de Mulhouse en Alsace (cf Figure 13), qui s’étale sur pas moins de
30 ha en proposant une multitude d’activités sportives. La partie magasin est donc minoritaire sur cet
exemple mais reste tout de même conséquente (38 000 m²). C’est une nouvelle forme de commerce
en périphérie des villes. Même si la forme « boites à chaussures » de la zone commerciale est toujours
présente, les usages sont beaucoup plus diversifiés, le sport étant dans ce cas un élément moteur de
Figure 13 : Le Decathlon de Mulhouse, symbole de la démesure du fun shopping (Source : decathlon.fr)
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l’attractivité du site. Tout un complexe sportif bien entendu payant vient en prolongement de l’offre
de produits : l’enseigne a trouvé un bon moyen de proposer à ses clients un espace où utiliser ses
accessoires de sport.
Baptisé Village Oxylane, ce concept créé par l’enseigne Decathlon fleuri de plus en plus en
France, en lien notamment avec la médiatisation de phénomènes tels que le surpoids et les bienfaits
du sport sur la santé. De plus, ces villages fonctionnent en totale autonomie économique : le
supermarché ou l’hypermarché n’a pas lieu d’exister à proximité. Il suffit qu’il ne soit pas trop éloigné
en temps et en distance de la ville-centre (10 minutes environ) pour pouvoir attirer. Comme l’affirme
Arnaud Gasnier, « cette conception marketing repose bien évidemment sur la stratégie de
différenciation et de niche pour pouvoir se démarquer de la concurrence d’une part, sur celle de
l’implantation face aux freins constitués par les CDEC et la raréfaction des terrains opportuns proches
des grandes villes centres, d’autre part »16.
L’exemple de Village Oxylane montre bien que seule une implantation en périphérie d’une
ville-centre peut être pertinente pour créer un tel complexe commercial. Mais le fun shopping est
visible également plus ponctuellement, dans des zones commerciales plus « classiques ». En effet, des
loisirs sont venus renforcer l’appareil commercial des zones périphériques : c’est notamment le cas
des multiplexes de cinéma, des bowlings et de la restauration rapide. Aujourd’hui, il est très fréquent
de trouver ces activités et a fortiori un restaurant McDonald’s ou Quick dans une zone commerciale
de moyenne ou grande superficie. Apparus durant les années 90 et 2000, les loisirs au sein des zones
d’activité commerciale sont venus répondre à l’essoufflement du modèle « hypermarché » et aux
nouveaux comportements des consommateurs. En outre, la réduction du temps de travail et le succès
de l’achat-plaisir en lieu et place de l’achat utile ont accru la demande en loisirs. Tout ceci concourt à
personnaliser les zones commerciales que ce soit l’ambiance, la thématisation ou encore l’identité du
lieu. Nous pouvons entrevoir également l’apparition d’une mixité des fonctions puisque le commerce
n’est plus le seul critère d’attractivité de la zone : les loisirs vont permettre de rendre beaucoup plus
agréable les achats des consommateurs.
Cette mutation des zones commerciales montre l’adaptabilité des espaces ainsi que des
groupes de la grande distribution à apporter sans cesse de la nouveauté pour le consommateur. Au
départ censées être des groupements de commerce discount permettant aux individus de faire des
économies pour les achats quotidiens, les zones commerciales veulent devenir « des espaces à vivre »
16 Desse, René-Paul [dir.], 2008, « Dictionnaire du commerce et de l’aménagement », PUR, 355 pages
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où l’achat n’est plus forcément obligatoire. L’arrivée des loisirs permet d’attirer également des
consommateurs sur des temps plus longs : l’usage que nous faisons des zones commerciales n’est plus
minuté. D’après Bruno Sabatier et Arnaud Gasnier, « l’imbrication de plus en plus étroite de ces deux
fonctions définit un nouveau genre de projets urbains à caractère ludique, festif, touristique et produit
de nouvelles formes d’urbanisation dans l’espace urbain, suburbain et périurbain ». En définitive, la
multifonctionnalité s’est substituée à la spécialisation des espaces qui s’était imposée durant plusieurs
décennies. Ces zones multifonctionnelles ont depuis quelques années encore évolué, l’accent ayant
été mis sur davantage de verdure toujours dans l’optique d’ « espace à vivre » et d’une insertion sur
le site plus travaillée.
2.1.2 Le parc commercial Be Green à Saint-Parres-aux-Tertres : une réelle révolution du
commerce périphérique ?
Une nouvelle génération de zone commerciale est apparue depuis peu. Le modèle du retail
park (parc d’activités commerciales) caractérise cette forme récente du commerce périphérique. Selon
le CNCC (Conseil National des Centres Commerciaux), un parc d’activités commerciales se définit
comme étant « un ensemble à ciel ouvert, réalisé et géré comme une entité. Il comprend au moins
cinq unités locatives et sa surface est supérieure à 3000 m² de SHON (Surface Hors Œuvre Nette) ». A
la différence des « zones boites à chaussures », les différents commerces disposent chacun d’un local
au sein d’un même bâtiment. Il permet donc en théorie de diminuer la consommation en foncier, de
mutualiser les aires de stationnement et ainsi de réduire les coûts d’entretien et de fonctionnement.
Rien qu’aux dires des trois points précédents, nous pouvons constater déjà un souci de limiter
l’étalement urbain mais également de créer des zones commerciales mieux organisées qu’auparavant.
Un des exemples récents de retail park est celui de Be Green situé sur la commune de Saint-
Parres-aux-Tertres, à l’Est de Troyes. Ouvert à l’automne 2013, il est en fait une extension de la zone
commerciale de l’Aire des Moissons existante, composée seulement de magasins spécialisés, car étant
localisée à proximité d’un hypermarché E.Leclerc. D’ailleurs, la zone des Moissons a subi une
requalification des espaces extérieurs (voirie, espaces verts, signalisation) parallèlement à la création
de Be Green. Mené par la communauté d’agglomération du Grand Troyes en association avec un
promoteur de la région, le projet a permis de créer 30 000 m² de surface commerciale afin d’accueillir
26 enseignes. Construit sur des terrains agricoles, la zone Be Green a donc dû répondre à une
problématique d’intégration sur le site mais également au sein de la zone commerciale existante. Elle
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a a priori réussi ce pari puisqu’elle est la première zone à être labellisée HQE™ (Haute Qualité
Environnementale) Aménagement.
Nous allons donc voir si la certification de ce retail park est justifiée et si celui-ci a été intégré
dans son environnement, qu’il soit immédiat mais également plus lointain (à l’échelle de
l’agglomération troyenne). Pour cela, nous allons analyser le label HQE™ Aménagement afin de voir si
l’intégration urbaine du projet Be Green répond aux principes du développement durable.
a- Les fondements du label HQE™ Aménagement
Le label HQE™ Aménagement a été créé par l’association HQE regroupant aussi bien des
donneurs d’ordre que des professionnels et experts de l’aménagement et de la construction. Il est
donc né d’une collaboration entre acteurs publics et acteurs privés regroupée au sein d’une plateforme
de la construction et de l’aménagement durable reconnue d’utilité publique depuis 1996, seulement
quelques années après le Sommet de la Terre de Rio.
Ce label qui au préalable fait l’objet d’une démarche tout au long du projet urbain, a pour
objectif de prendre en compte les enjeux du développement durable. Un cadre de référence a donc
été réalisé afin de pouvoir évaluer le projet et le certifier « durable » au sens du label HQE™
Parc commercial Be Green (extension de l’Aire des
Moissons)
Figure 14 : Situation du parc commercial Be Green par rapport à la zone commerciale existante (Source : Géoportail)
Voies d’accès créées
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Aménagement : 17 thèmes d’aménagement durable ont été mis en place au sein d’une grille. Ces
thèmes sont d’ailleurs compatibles avec les 20 engagements de la charte EcoQuartier élaborée par le
Ministère de l’Egalité des Territoires et du Logement17, où toutes les collectivités signataires de la
charte doivent respecter ces principes dans la réalisation de leur projet d’éco-quartier. Les projets
labellisés EcoQuartier étant nécessairement des quartiers d’habitat, nous pouvons en déduire que le
label HQE™ Aménagement est plutôt destiné aux autres types de « quartiers », même s’il est pour le
moment difficile d’assimiler une zone commerciale à un quartier.
Les 17 thèmes composant la démarche recoupent des thématiques diverses et variées. En
effet, ils concernent aussi bien l’accessibilité du quartier, que l’efficacité énergétique des bâtiments, la
protection des milieux naturels ou encore l’ambiance du site. Ces thèmes sont également regroupés
en trois grands ensembles que nous pouvons identifier comme ressemblant aux trois piliers du
développement durable :
- Assurer l’intégration et la cohérence du quartier avec le tissu urbain et les autres échelles
du territoire (dimension urbaine)
- Préserver les ressources naturelles et favoriser la qualité environnementale et sanitaire de
l’aménagement (dimension environnementale)
- Promouvoir une vie sociale de proximité et conforter les dynamiques économiques
(dimension socio-économique)
Nous allons donc voir en appliquant chaque thème de la démarche si le projet Be Green
répondant aux critères HQE™ Aménagement est un projet d’aménagement durable. La démarche qui
semble pourtant réfléchie et organisée va peut-être laisser entrevoir une certaine limite de la
labellisation, qui se cantonnerait peut être trop à la mise en place d’une grille d’évaluation
standardisée.
b- Le parc commercial Be Green : un projet d’aménagement durable ?
Le premier ensemble de thèmes composant la dimension urbaine regroupe tout ce qui attrait
à l’intégration du projet, que ce soit l’accessibilité du site, la densité ou encore l’intégration paysagère.
Tout d’abord, en termes d’accessibilité, l’automobile reste le transport le plus adaptée pour rejoindre
la zone Be Green. En effet, le site est localisé en sortie d’agglomération, à proximité de la rocade (cf
17 Cf Annexe 2 – Matrice des correspondances entre les 17 thèmes de la démarche HQE-Aménagement et les 20 dimensions de la Grille EcoQuartier in Guide Pratique du SMO HQE-Aménagement, avril 2013, 18 pages
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Figure 15). Une ligne de bus urbain relie la zone commerciale de l’Aire des Moissons au centre-ville de
Troyes, mais il faut tout de même compter 20 minutes de transport. De plus, la fréquence d’arrêt à
l’Aire des Moissons est irrégulière puisque seul un bus sur trois dessert la zone. Les modes de transport
doux ont été développés au sein du site (cf Figures 16) : des pistes cyclables ont été tracées le long des
voies routières, mais il n’y a pas de continuité entre celles-ci et le réseau de l’agglomération. Nous
avons observé des tronçons en direction de Troyes mais ils restent trop occasionnels, obligeant les
usagers à alterner entre voies strictement cyclables et voies routières. Par contre, le piéton a été
totalement privilégié sur le site, avec une multitude de cheminements et de passages piétons. Une
large promenade permet d’ailleurs de longer les différents commerces sans avoir besoin de traverser
les aires de parking. La place de l’automobile a d’un autre côté été diminuée afin que les espaces
publics lui soient rendus. Le stationnement a été mutualisé afin qu’il n’y ait pas de parking dédié à
chaque commerce : il reste encore très consommateur de surface. Les voies de desserte du parc
commercial ont également été rétrécies d’une part pour que la vitesse pratiquée soit sécurisante pour
un espace où le piéton est prioritaire et d’autre part pour que chaque moyen de transport puisse
trouver sa place (piste cyclable le long des axes de circulation). Selon les voies, les sens de circulation
ont été séparés afin de créer un cheminement d’entrée et de sortie du site pour l’automobile ainsi que
Troyes-centre – Aire des Moissons : 20 minutes en bus
Figure 15 : Une situation géographique favorable à l’automobile (Source : Géoportail, TCAT)
Aire des Moissons
Rocade
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pour sécuriser les usagers du parc commercial (cf Figures 17). La place du piéton est d’autant plus forte
que les concepteurs ont insisté sur l’aménagement d’espaces publics au milieu des commerces et des
espaces dédiés à l’automobile. Nous avons observé une multitude de bancs, d’aires de jeux pour les
enfants dans l’optique de rendre la visite du parc commercial agréable : l’achat ne doit plus être qu’une
nécessité mais également un loisir. Des agréments ont donc été mis à disposition des consommateurs
afin de les inviter à revenir mais également afin qu’ils prennent plus de temps (Figures 18). Ce nouveau
concept de zone commerciale introduit la notion d’ « espace à vivre » dans le but que cet
aménagement soit durable dans le temps.
Figures 16 : La présence de divers aménagements favorisant la mobilité douce (Source : Maxime Dubois, 20 mars 2014)
10 11
12 13 14
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En termes de densité, le parc commercial Be Green offre une densité beaucoup plus
importante que celle de la zone commerciale antérieure. Avant son apparition, l’Aire des Moissons
s’étalait sur 16, 3 ha pour environ 30 moyennes surfaces commerciales. Le parc commercial Be Green
est composé de plus de 30 moyennes surfaces s’organisant sur une superficie de seulement 10 ha.
Nous avons donc une offre commerciale conséquente sur une surface plus petite, le principe du retail
park favorisant cette densité. Le choix de son implantation reste cohérent puisqu’il s’agit d’une
extension de zone commerciale, ce qui évite un aggravement de la polarisation commerciale au sein
de l’agglomération troyenne. Cette extension a d’ailleurs été bénéfique puisqu’elle a permis une
requalification des espaces publics de la zone plus ancienne. Malgré tout, les « boites à chaussures »
sont toujours présentes. Quant au parc commercial Be Green, les bâtiments ne ressemblent en rien
aux locaux des zones des années 80-90. Au niveau des matériaux, le bois est omniprésent et prend la
place de la tôle. Les surfaces vitrées sont conséquentes et permettent aux magasins d’aménager des
vitrines, à l’instar des commerces de centres-villes. Les enseignes sont plus discrètes comparées aux
commerces situés dans l’ancienne zone, mais leur implantation en hauteur permet tout de même de
les localiser. Un certain effort de l’intégration paysagère du projet a donc été fait, notamment au
Figures 17 : Une réduction de la place de la voiture à nuancer (Source : Maxime Dubois, 20 mars 2014)
Figures 18 : Des aménagements agrémentant le cadre de vie et laissant place à la détente (Source : Maxime Dubois, 20 mars 2014)
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niveau de l’esthétisme des bâtiments. Nous retrouvons néanmoins un magasin qui ne profite pas de
cette configuration : l’enseigne d’ameublement Alinéa, qui se veut être la locomotive du parc
commercial. En effet, le local n’a aucun intérêt architectural ni même paysager puisqu’il n’est autre
qu’une « boite à chaussures », ce qui contraste totalement avec le reste de l’ensemble (cf Figure 19).
Ce magasin est pourtant la vitrine de ce pôle commercial mais sa trop grande superficie en raison des
articles qu’il vend ne pouvait être surement en phase économiquement parlant. Malgré les efforts
accordés au point de vue esthétique, les coûts ne doivent pas être trop conséquents ce qui pourrait
jouer dans le montant des loyers pour attirer des enseignes.
Deuxièmement, la démarche HQE™-Aménagement s’appuie sur la volonté de préserver les
ressources naturelles ainsi que de favoriser la qualité environnementale du projet. L’enjeu premier est
celui de l’eau, qui est la ressource essentielle devant aujourd’hui être traitée par tout projet
d’aménagement. Les eaux de pluie doivent donc être traitées sur le site. Après avoir visité le parc
commercial, nous pouvons en déduire que le réseau d’eaux pluviales aurait pu être plus organisé et
plus efficace. D’une part, le stationnement qui représente la majeure partie de la surface aménagée
ne prend pas en compte ou très peu ce phénomène : les aires de parking ont été entièrement
imperméabilisées ce qui laisse place au ruissellement de l’eau, traité ensuite par des petits bassins
Figures 19 : Le contraste architectural et paysager au sein du parc commercial Be Green (Source : Maxime Dubois, 20 mars 2014)
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d’infiltration. Le système de stationnement perméable aurait pu renforcer le caractère durable du parc
commercial. D’autre part, la toiture végétale recouvrant l’intégralité du retail park parait symbolique
(cf Figures 20) : elle joue son rôle de surface infiltrante pour l’eau mais aurait mérité d’être plus
esthétique, toujours dans l’optique que Be Green soit fidèle à son nom. Là encore, la dénomination
évoque la volonté du promoteur et du Grand Troyes de réaliser une zone commerciale « écologique »
avec de nombreux espaces verts. Nous constatons en effet la part importante allouée au végétal, que
ce soit des arbres longeant les voies d’accès ou encore les haies et pelouses ajoutant de la verdure aux
aires de stationnement. Mais le résultat au niveau environnemental reste mitigé puisque le traitement
des eaux pluviales aurait pu être plus abouti. De plus, l’existence d’une biodiversité est difficilement
quantifiable. En effet, la présence de divers végétaux ne signifie en rien qu’il y ait une faune qui vive
au sein du parc commercial : aucune zone naturelle n’est recensée ni même réglementée à sa
proximité immédiate. Malgré tout, il est quand même préférable d’avoir insérer du végétal plutôt
qu’avoir artificialisé intégralement les sols. Au niveau de la qualité environnementale des bâtiments,
ces derniers ont été érigés dans le respect de la RT 2012 puisque construits à partir de 2013. Nous
sommes donc en présence de bâtiments qui ont une consommation d’énergie primaire au maximum
de 50 kWhEP/(m².an).
Figures 20 : Une prise en compte inaboutie des eaux pluviales (Sources : Maxime Dubois, 20 mars 2014 ; ecovegetal.fr)
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Enfin, au niveau socio-économique, le parc Be Green est considéré comme un moteur
économique pour l’agglomération puisqu’il a permis la création de plus de 450 emplois. Ceci n’est pas
négligeable puisque l’aire urbaine de Troyes connait un taux de chômage conséquent de 13,2% en
201018. Malgré tout, ce projet n’en reste pas moins un projet de zone commerciale puisque la mixité
des fonctions et des activités est peu identifiable. Comme toutes les zones d’activités commerciales,
nous pouvons noter la présence de restaurants qui ne font que diversifier l’activité commerciale. Les
espaces de détente et de loisirs viennent ajouter un plus à l’offre de commerces mais sont tout de
même reléguer au second plan : les espaces de loisirs ne sont pas utilisés par des personnes autres que
celles qui viennent faire du shopping. Pour finir, la démarche HQE insiste sur la promotion des filières
économiques locales. A ce propos, nous remarquons que seules des enseignes nationales sont
implantées dans le parc Be Green. Nous retrouvons donc la standardisation commerciale que
connaissent toutes les entrées de villes françaises. Il est d’ailleurs intéressant de rajouter qu’une partie
des enseignes du parc commercial sont également implantées en centre-ville voire dans d’autres zones
commerciales de l’agglomération (ex : Jennifer, Maisons du Monde) ce qui traduit leur volonté
d’achalander une grande partie du territoire et donc d’étouffer le petit commerce traditionnel
principalement situé en centre-ville moins accessible. Néanmoins, le projet a fait appel à des matériaux
et compétences disponibles localement : pour preuve, l’entreprise Petitjean basée à Saint-André-les-
Vergers dans l’agglomération troyenne a été choisie pour la conception de l’éclairage public du site.
L’exemple du parc d’activités commerciales Be Green montre bien les failles de la labellisation
HQE™-Aménagement mais aussi de la labellisation des projets d’aménagement en général. Pour qu’un
projet soit durable, l’instauration d’une grille d’évaluation et d’une démarche opérationnelle ne suffit
pas. Sans être trop rentré dans les détails, nous avons pu mettre en lumière quelques points qui
auraient pu être améliorés. Si l’on compare le concept de retail park avec les anciennes zones
commerciales, seule l’intégration du projet sur le site semble être plus travaillée. Des
dysfonctionnements vis-à-vis de l’intégration sur un territoire plus vaste (bassin de vie) perdurent
comme l’a montré la desserte en transport en commun. Cela montre toute la difficulté de définir un
projet d’aménagement durable d’autant plus quand il s’agit d’une zone commerciale. Les différents
acteurs interagissant au cours de la conception du projet n’ont pas les mêmes intérêts ce qui peut
entrainer des manques à l’arrivée.
18 D’après INSEE, RP2010 exploitations principales
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2.2 L’interaction des différents acteurs de l’urbanisme commercial : entre intérêts économiques
et développement durable
2.2.1 Des aménageurs sans cesse en quête d’originalité pour concevoir des espaces
commerciaux attractifs
Qu’ils dépendent d’une enseigne de grande distribution (ex : Immochan pour le groupe
Auchan) ou qu’ils soient indépendants, les aménageurs de zones commerciales doivent se démarquer
de la concurrence dans la conception de ces ensembles. La tendance étant depuis quelques années à
faire des zones commerciales des « espaces à vivre », chaque promoteur se lance dans la réalisation
de retail park où l’environnement au sens de la préservation des écosystèmes, de la biodiversité et de
la gestion des eaux est l’élément déterminant. Chacun conçoit des espaces commerciaux où la nature
se veut être omniprésente afin de minimiser l’effet d’urbanisation induit par le projet. Comme nous
avons pu le constater précédemment avec le centre Be Green à Saint-Parres-aux-Tertres, le végétal est
très présent qu’ils soient sous forme de pelouses, d’arbres ou encore de toitures végétalisées. Ces
exigences que les entreprises de conception de projets commerciaux veulent respecter sont le moyen
pour eux d’afficher leur prise en compte des problématiques environnementales. Cela passe
également par l’obtention de label tel que le label HQE™ Aménagement qui est pour les constructeurs
un gage de qualité de leur projet.
Les aménageurs vont même jusqu’à créer leur propre label de zones commerciales pour
pousser encore plus loin leur engagement dans le respect des principes du développement durable,
l’environnement toujours en tête. Family Village® et autre Green Center® sont autant de marque
déposée de zone commerciale « écologique » où la surconsommation de fonciers agricoles ou
naturelles semble être du passé.
Pourtant, nous constatons qu’en prônant une bonne gestion de l’eau et de la biodiversité et
un choix de matériaux de construction naturels (bois), les aménageurs souhaitent occulter les
dysfonctionnements de la zone commerciale qui n’ont cessé d’être présents depuis son apparition. Ce
sont par exemple la situation géographique toujours plus éloignée des centralités urbaines, et
renforçant la vocation commerciale des entrées de ville, la consommation d’espaces agricoles alors
que les circuits courts de production sont aujourd’hui privilégiés ou encore une inscription dans le
paysage qui n’est pas toujours réussie. De plus, les principes du développement durable ne sont pas
visibles de la même manière. En effet, le pilier environnemental est le plus présent dans les nouveaux
projets de zone commerciale. C’est aussi celui qui est le plus facilement visible lors d’un relevé de
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terrain puisque tout un ensemble d’aménagements a été conçu pour le faire ressortir. Le principe
économique et le principe social sont beaucoup moins marqués d’autant plus qu’ils ne sont pas
essentiellement représentés par des éléments visuels. Hormis la création d’emplois induite par le
projet, le pilier économique peut se présenter sous une forme immatérielle telle que des économies
d’échelle réalisées sur le financement de la zone commerciale. Pour le pilier social, le fait de mettre
l’accent sur la constitution de lieu de vie sous-entend forcément des relations sociales au sein des
zones commerciales. Des espaces publics beaucoup plus présents qu’auparavant montrent l’effort fait
par les aménageurs dans la conception des zones commerciales mais nous sommes encore très loin
des relations sociales pouvant apparaitre dans des rues commerciales piétonnes de centre-ville. La
voiture reste encore le moyen de déplacement le plus rapide pour rejoindre ces espaces périphériques.
La mixité des fonctions qui renforcerait le caractère social de la zone commerciale n’est pas assez
affirmée : la conjugaison de logements ou de bureaux avec l’offre commerciale pourrait être un moyen
de favoriser l’intégration des zones commerciales avec le reste de la ville, et notamment du point de
vue social. Ce sont aux collectivités entre autre de réfléchir sur ce point tout en préservant leurs
intérêts dans la réalisation d’un tel projet.
2.2.2 Le rôle accru de l’intercommunalité au sein des territoires en termes d’urbanisme
commercial et d’urbanisme en général
Depuis l’apparition des premières zones commerciales à aujourd’hui, l’action des collectivités
locales en matière d’urbanisme commercial a considérablement évolué. D’une gestion essentiellement
municipale tirant profit des opportunités de développement commercial, nous sommes passés à une
action publique plus intégrée et transversale, définies aux échelles supracommunales (celle de
l’intercommunalité ou du SCOT). En effet, l’époque où une commune périurbaine voulait engranger
des recettes en transformant des terrains naturels ou agricoles en surface commerciale par le biais de
la taxe professionnelle est révolue. Le changement d’échelle pour mieux appréhender l’urbanisme
commercial est pertinent puisqu’une zone commerciale possède une aire de chalandise dépassant
largement le territoire communal, d’autant plus quand un hypermarché y est implanté. L’élaboration
du SCOT ainsi que son suivi réalisés par une structure publique intercommunale doit permettre de
mieux appréhender ces espaces commerciaux périphériques pour qu’ils soient mieux intégrés au reste
du territoire et notamment au centre urbain.
La commune ne dispose plus que d’une marge de manœuvre réduite dans les choix et décisions
à prendre en ce qui concerne le développement commercial. La compatibilité du PLU avec le SCOT et
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le DAC laisse peu de possibilité à la commune et à son maire de faire passer sa politique d’urbanisme
commercial. La création de nouvelle zone commerciale ne peut plus être que de l’initiative de la
commune, il faut qu’elle soit portée par la communauté de communes, d’agglomération ou urbaine.
Cela peut nous laisser penser que leur développement va considérablement se ralentir dans le futur
puisque l’objectif principal fixé notamment par le DAC est que les ZACOM recensées sont les seules
zones où l’activité commerciale de grande surface peut s’implanter.
Le développement économique est également envisagé à l’échelle de l’agglomération, du
bassin de vie. Il fait d’ailleurs partie des compétences obligatoires des communautés de communes,
d’agglomération et urbaine. Les emplois induits par la création d’une zone commerciale peuvent donc
être un facteur déterminant pour l’intercommunalité. Il faudra que ses choix et notamment son
implantation soient motivés dans le SCOT et le DAC. La collectivité devra également négocier avec
l’enseigne ou l’aménageur qui désire s’implanter sur l’agglomération. L’arrivée d’une enseigne
nationale tel qu’un hypermarché peut engendrer une attractivité pour le territoire tant du point de
vue économique pour les emplois et la fiscalité créées que du point de vue commercial. Malgré tout,
les pouvoirs publics ne doivent pas céder face à toutes les exigences de la grande distribution, qui
souhaite s’implanter sur le territoire de la manière la plus rentable possible, au détriment souvent du
respect des paysages ou de l’environnement. Pour cela, l’Etat à travers la CDAC vient encadrer le
développement commercial afin que les projets soient cohérents vis-à-vis du territoire et qu’ils soient
intégrés.
2.2.3 Le contrôle étatique via les CDAC/CNAC dans la délivrance des autorisations
commerciales : vers une meilleure prise en compte des réalités territoriales
En 2008, la LME (Loi de Modernisation de l’Economie) du 4 août vient réformer en profondeur
l’urbanisme commercial et correspond à la transposition de la directive européenne « Services ». Cette
dernière a été instituée pour harmoniser les instances délivrant les autorisations. Les CDEC/CNEC sont
dès lors remplacées par les CDAC/CNAC, avec entre autres la disparition des représentants du
commerce et de l’artisanat, « qui étaient à la fois juge et partie puisqu’ils étaient élus par les acteurs
économiques déjà installés » (Monnet, 2008). La CDAC est composée de 8 membres dont 5 membres
sont des élus locaux : aux trois élus de la CDEC réformée par la loi Raffarin s’ajoutent le président de
l’EPCI du SCOT et le président du Conseil général. Les représentants du commerce et de l’artisanat sont
remplacés par des personnalités qualifiées dans les domaines de la consommation, du développement
durable et de l’aménagement du territoire : cela montre que le principe de concurrence n’est plus du
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tout le facteur prépondérant, l’aménagement du territoire et l’urbanisme ont pris une place
importante dans les critères de décision de la commission. D’ailleurs, à la vue de ces domaines,
l’évaluation du projet porte sur les critères suivants :
- En termes d’aménagement du territoire, l’effet du projet sur l’animation de la vie urbaine,
rurale et de montagne, l’effet sur les flux de transport et les effets découlant des
procédures d’OPAH et de ZAC ;
- En termes de développement durable, la qualité environnementale du projet et son
insertion dans les réseaux de transports collectifs ;
La CDAC apprécie également les effets du projet sur l’accessibilité de l’offre commerciale, la gestion
de l’espace ou encore les paysages et les écosystèmes. Ces critères restent flous mais témoignent tout
de même de la volonté du législateur de rendre les projets de moyennes et grandes surfaces plus
cohérents avec leur environnement immédiat comme avec leur environnement plus large.
En ce qui concerne les surfaces commerciales soumis à autorisation, le seuil est relevé à 1 000
m² de surface de vente, et les communes de moins de 20 000 habitants gardent la possibilité de saisir
la CDAC pour les projets de plus de 300 m².
Cette réforme marque une réelle volonté de placer l’intercommunalité au premier plan au sein
des commissions et de prendre plus en compte le territoire où s’installe tout projet commercial de
grande surface. En témoigne également le remplacement des personnes représentant le commerce et
l’artisanat par des acteurs de l’aménagement du territoire qui permettent de donner une autre vision
de l’impact du commerce qui est loin de n’être qu’économique.
Pourtant, malgré une évolution des CDAC qui paraissait positive en contextualisant chaque
demande de projet, la surproduction commerciale est bien réelle : la création de surface de vente
progresse plus vite que la consommation. La surface de vente n’a cessé de croitre entre 2007 et 2009 :
en 2007, 3,5 millions de m² ont été autorisés par les CDAC et plus de 4 millions de m² ont été autorisés
en 2009 (PROCOS, 2010). Diverses possibilités sont envisageables afin que les surfaces commerciales
n’augmentent pas en lien notamment avec la lutte contre l’artificialisation des sols et la reconstruction
de la ville sur elle-même. Les espaces commerciaux périphériques ne doivent également pas être
dispersés sur le territoire.
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Partie III – L’avenir des zones d’activités commerciales
Le devenir des pôles commerciaux de périphérie parait difficile à prédire tellement les
habitudes de consommation ont évolué ces 40 dernières années. Malgré tout, les zones commerciales
très souvent implantées en des points stratégiques du territoire, ont un important potentiel afin que
celles-ci se réinventent mais surtout qu’elles soient mieux intégrées à la ville dont elles dépendent. La
mixité des fonctions de ces espaces pourrait être la clé de l’intégration urbaine.
La réglementation devrait aller dans le sens d’une meilleure prise en compte du commerce
dans la ville et surtout une gouvernance de l’urbanisme à une échelle plus pertinente que celle de la
commune. La loi ALUR va permettre dans ce cas de renforcer le rôle des communautés de communes
et d’agglomération. Une réforme de l’urbanisme commercial est également souhaitable pour
davantage de cohérence territoriale des projets commerciaux. L’idée d’inclure cette branche au droit
de l’urbanisme pourrait être une solution au décalage qui survient souvent entre les dimensions
économique et urbaine des projets d’implantation.
Enfin, nous nous demanderons si les zones commerciales ne peuvent pas tout simplement
perdurer. Actuellement créées sous forme de retail park, elles continuent d’attirer des consommateurs
aussi bien issus des centres-villes, que du périurbain et du rural. Les éléments qui en ont fait leur succès
à leur apparition dans les années 60 (prix, choix, accessibilité), sont toujours présents aujourd’hui, et
ce malgré le développement par les enseignes de distribution de point de vente en centre-ville
(Carrefour City par exemple).
1. Pour une règlementation des grandes surfaces commerciales dans la continuité des précédentes
mais plus territorialisée
Les zones commerciales « nouvelle génération » montrent un certain effort pour respecter le
site où elles s’insèrent. Le respect des principes du développement durable va également dans le sens
d’une meilleure intégration des espaces commerciaux périphériques même si nous avons pu voir que
des progrès pouvaient encore être faits en la matière. La réglementation de l’urbanisme et du
commerce est venue également prendre en compte ses principes s’inscrivant dans une perspective
plus globale à l’échelle mondiale. Nous allons donc voir si les textes nouvellement ou prochainement
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mis en vigueur vont approfondir ces aspects pour davantage connecter les zones d’activités
commerciales avec le territoire dont elles font partie.
1.1 L’intercommunalité comme échelle pertinente pour la prise de décision concernant
l’organisation de l’implantation commerciale
1.1.1 La pertinence de l’élaboration des documents d’urbanisme par
l’intercommunalité appuyée par la loi ALUR
La loi ALUR du 24 mars 2014 vient marquer le pas pour la commune, qui au fil des décennies,
perd petit à petit du poids au sein de la gouvernance des territoires et notamment pour la compétence
urbanisme. Il est vrai qu’avec 36 681 communes françaises dont seulement 947 comptant plus de
10 000 habitants, le développement des territoires peut paraitre freiner, surtout pour des projets
commerciaux où la commune d’implantation ne peut être la seule entité à prendre les décisions.
Cette loi très axée sur le logement, impacte toutefois le commerce ainsi que la réglementation
dont il doit tenir compte. En effet, le terme « urbanisme rénové » présent dans le nom de la loi
confirme bel et bien la volonté de l’Etat d’insister sur le renouvellement urbain, qui passe par la
densification. En premier lieu, le SCOT est renforcé et son rôle de document intégrateur de l’ensemble
des schémas et des normes locales (PDU, PLH entre autres) est plus que jamais confirmé. Au niveau
foncier, le SCOT devra comporter une analyse des capacités de densification ce qui à première vue va
faire émerger directement des pôles où l’urbanisation devra être privilégiée. Mais il est encore trop
tôt pour savoir quel impact ce recensement de foncier aura.
Concernant le PLU, qui représentait encore pour la commune un pouvoir décisionnaire
important pour faire passer la politique de la municipalité en place, la compétence est transférée
progressivement à l’EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale) dont dépend la
commune, à savoir soit une communauté de communes ou une communauté d’agglomération. A
l’avenir, le PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) sera le document d’urbanisme le plus locale.
Ce volet de la loi a d’ailleurs connu plusieurs rebondissements puisqu’au départ il devait être
obligatoire sans opposition possible. Finalement, un compromis a été trouvé afin que les maires ruraux
disposent encore d’un droit de regard sur la compétence : le transfert de la compétence PLU à
l’intercommunalité est effectif sauf opposition de 25% des communes représentant 20% de la
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population. Nous pouvons tout de suite en déduire que le PLUI sera plus facilement transféré aux
communautés d’agglomération composées d’une ville-centre peuplée qu’aux communautés de
communes où le nombre de petites communes est très important.
Ce document qu’il soit élaboré à l’échelon communal ou intercommunal, devra au même titre
que le SCOT poursuivre la lutte contre l’artificialisation des sols. Le PADD comportera désormais une
analyse de la consommation d’espace ainsi qu’un objectif chiffré de limitation de celle-ci. Les
possibilités de densification seront également analysées. Enfin, les réserves foncières identifiées
« 2AU » c’est-à-dire les zones à urbaniser à long terme seront considérées comme zones naturelles ou
agricoles si aucun projet d’aménagement ou aucune acquisition foncière n’ont eu lieu au bout de
douze ans. Le PLU devient dont de plus en plus restrictif et les projets d’aménagement vont surement
devoir faire l’objet de motivation de la part de l’organe délibérante.
L’urbanisme commercial est également concerné par la loi ALUR mais il s’agit seulement de
quelques modifications toujours dans l’optique de lutte contre l’artificialisation des sols. D’après
l’article L111-1-6 du Code de l’Urbanisme, la surface dédiée au stationnement des commerces
nonobstant les règles du PLU ne devra dépasser l’équivalence des ¾ de la surface de plancher des
bâtiments affectés au commerce. Avant cette mesure, le plafond était de 1,5 fois la surface de plancher
du bâtiment, ce qui montre une réelle volonté de diminuer les aires de parking qui ont toujours été
démesurées. De plus, les drive viennent compléter la liste des commerces soumis à l’avis de la CDAC.
Apparaissant dans de nombreuses zones commerciales, ce sont actuellement par ce biais que les
grands groupes de distribution se livrent une concurrence acharnée. Enfin, le SCOT connait des
précisions pour le DOO (Document d’Orientations et d’Objectifs) qui recense les zones où
l’implantation des commerces doit être privilégiée (ZACOM). D’après l’article L122-1-9 du Code de
l’Urbanisme, les conditions d’implantation doivent privilégiées la consommation économe de l’espace
que ce soit par un bâti plus compact ou encore une optimisation des surfaces de stationnement.
L’accessibilité via les modes doux et les transports en commun doivent être préférées au « tout-
voiture » ainsi que la qualité environnementale, architecturale et paysagère. Nous retrouvons donc les
critères sur lesquels se basent les projets d’EcoQuartier et HQE™-Aménagement, ce qui devrait
encourager la conception de retail park.
Nous pouvons nous interroger sur le fait que l’urbanisme commercial soit considérer tantôt
dans des mesures liées au droit de l’Urbanisme ou tantôt dans des mesures relevant du droit du
Commerce. N’est-il pas aujourd’hui et à l’avenir pertinent d’inclure définitivement l’urbanisme
commercial à l’urbanisme ?
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1.1.2 La réforme de l’urbanisme commercial : vers l’intégration au droit de l’urbanisme ou
seulement une énième évolution des CDAC/CNAC ?
Ce questionnement se retrouve lors de tentative de réforme de l’urbanisme commercial. Et
cela induit une seconde interrogation : faut-il réglementer le commerce seulement en termes
d’aménagement du territoire ou faut-il encore que des règles économiques et concurrentielles
viennent le légiférer ?
Le projet de loi Pinel relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (TPE)
adopté le 18 février 2014 vient réformer à l’instar de la loi ALUR l’urbanisme commercial. Tout d’abord,
les procédures d’autorisations d’implantation commerciale se veulent être simplifiées notamment en
fusionnant le permis de construire avec l’autorisation commerciale. Cette mesure est censée accélérée
la procédure mais d’une façon générale il renforce l’idée selon laquelle le commerce est de plus en
plus influencé par l’urbanisme. La CDAC est également réformée, sa composition passant de 8
membres à 12 : les collectivités seront donc plus représentées lors d’instruction de projet les
concernant mais l’ajout de représentants du département pose question. En effet, ceux-ci n’ont
aucune compétence sur le sujet. La CNAC de son côté pourra s’autosaisir des projets supérieurs à
20 000 m² : cela représente un progrès quand nous savons qu’ « en 2012, celle-ci a refusé 50% des
projets supérieurs à 30 000 m² qui lui étaient soumis, tandis que les CDAC les ont tous validé sauf un ».
Ce projet de loi semble rempli de différentes mesures qui n’ont pas de réelle cohérence. La volonté de
de créer un lien juridique entre autorisation commerciale et permis de construire montre une avancée
importante mais le remaniement des commissions n’a aucun intérêt d’autant plus que la diminution
des membres des CDAC qui a été effectuée au fil des différentes réformes laisse place à un ajout de
quatre membres. Cela ne devrait qu’augmenter les conflits d’intérêt qui restent encore très fréquents.
Cette réforme est clairement synonyme d’hésitation de la part du législateur. A vouloir peut-
être trop inclure la réglementation de l’implantation commerciale dans le droit de l’urbanisme, cela
peut laisser entrevoir la déterritorialisation du commerce à l’exemple d’Internet. Il est clairement
difficile de trouver des compromis sur la réglementation des zones commerciales, qui ne sont à
l’origine que des outils économiques pour les enseignes et les promoteurs mais également pour les
collectivités car synonymes d’emplois, de fiscalité, de dynamisme économique pour le territoire en
général. Il est vrai que les commissions d’aménagement sont nécessaires mais l’échelle d’intervention
peut poser question même si elle renvoie également à la problématique du découpage administratif
français. Le contrôle étatique est plus que nécessaire pour qu’il n’y ait pas d’abus sur certains
territoires et les collectivités locales doivent laisser davantage de place à l’intercommunalité. Pour ce
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qui est de la représentativité des professionnels, il nous semble que des urbanistes et paysagistes
apportent un atout sérieux quant à la prise de décision mais ceux-ci doivent être extérieurs au
territoire, pour éviter tout clientélisme. Les professionnels du commerce et de la concurrence doivent
également siéger tels que des experts de la consommation et de l’urbanisme commercial (ex :
membres de cabinet d’études) afin d’éviter la représentation des Chambres de Commerce qui sont
élues par des chefs d’entreprise et qui peuvent avoir intérêt dans la consultation de projets.
A l’avenir, il nous parait délicat d’orienter l’implantation commerciale seulement vers le Droit
de l’Urbanisme. Des réformes façon « puzzle » risquent encore de voir le jour c’est-à-dire tantôt
instituées par l’urbanisme et tantôt par le commerce. De plus, la décentralisation inaboutie symbolisée
par la CNAC, devrait plutôt laisser place à une échelle intermédiaire à celle de la CDAC pour les gros
projets de zones commerciales ayant un rayonnement régional, toujours dans l’idée d’une intégration
territoriale plus pertinente.
1.2 La région comme échelle adéquate pour la délivrance d’autorisation concernant les projets
commerciaux d’envergure ?
1.2.1 L’échec du projet de loi Ollier-Piron : vers une autorisation délivrée au niveau régional
Le projet de loi relative à l’urbanisme commercial porté par Patrick Ollier et Michel Piron en
2010 venait intégrer l’urbanisme commercial dans le droit de l’urbanisme général. De ce fait, les CDAC
étaient supprimées afin que les projets cessent d’être autorisés au coup par coup. A la place, les
documents d’urbanisme voyaient leur rôle renforcé en couvrant la question commerciale, en rendant
obligatoire le DAC dans les SCOT. Le PLUI doit prendre en compte ces dispositions en l’absence de
SCOT. L’intercommunalité est donc l’échelle privilégiée pour la compétence en urbanisme commercial.
En l’absence de document d’urbanisme, une commission au niveau régional est mise en place, la CRAC
(Commission Régionale d’Aménagement Commercial) qui examine au coup par coup les projets de
plus de 300 m² de SHON des communes concernées. Ce remaniement d’échelle parait pertinent
puisque la région est compétente dans le domaine du développement économique en matière de
planification, de programmation des équipements et d’aménagement du territoire.
Cette proposition n’étant pas allée au bout, elle a tout de même inspirée la loi ALUR
notamment en ce qui concerne la problématique commerciale dans les documents d’urbanisme. Mais
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les élus locaux pouvaient être réticents vis-à-vis de la CRAC puisque le président du conseil régional et
le président du conseil général représentait dans la commission deux élus sur cinq.
Mais cette volonté de créer une commission au niveau régional peut être utilisée dans un autre
moyen : pour les projets commerciaux d’envergure tels que des centres commerciaux régionaux. Ceux-
ci pourraient être déterminés en fonction de l’aire de chalandise et des surfaces commerciales qu’ils
engendreraient. Ainsi, la CNAC disparait au profit du transfert de compétence à la CRAC où le préfet
de région peut tout de même représenter l’Etat au sein de cette commission. L’aire de chalandise
n’étant pas fixée sur les limites administratives, les régions voisines à la région d’implantation qui
pourraient être englobées dans l’aire de chalandise du projet pourraient également être consultées.
Cette mesure permettrait aux collectivités de mieux prendre en compte certains projets tels que ceux
de la firme Ikea, qui sont à chaque fois colossaux et génèrent des impacts dépassant très largement
les compétences des communautés d’agglomération concernées. En effet, « les sites d’Ikea ne
reflètent pas les contours classiques de la hiérarchisation établie des territoires » (Gaudin & Musereau,
2009).
1.2.2 De grandes enseignes commerciales à l’impact régional : l’exemple de l’implantation
d’Ikea à Clermont-Ferrand
L’arrivée sur un territoire d’une firme multinationale induit de nombreux impacts
économiques, sociales mais également en termes d’aménagement du territoire. La fameuse enseigne
de meubles en kit Ikea fait partie de ces firmes qui sont voulus par les acteurs locaux car synonymes
d’un rayonnement du territoire. L’implantation d’un magasin fait souvent l’objet de polémiques car
les collectivités locales favorisent très souvent son arrivée. Bénéficiant de passe-droit, Ikea a très
souvent peu de problèmes pour s’installer où elle le désire. D’ailleurs, certains Etats sont même allés
jusqu’à modifier certaines règles d’urbanisme. Par exemple, en 2004 en Irlande, la loi restreignait à
6 000 m² la superficie maximum des magasins de grande distribution. Ikea désireuse de s’implanter à
Dublin, le Ministre de l’Environnement de l’époque décide alors de modifier la loi à l’avantage de
l’enseigne suédoise après que la firme ait refusé pendant plusieurs mois de revoir ses plans, et ce
malgré que les plus petites structures commerciales s’y soient opposées. La firme arrive toujours à
mettre en application sa stratégie afin de capter le plus de clients possibles. « En 2005, à peine 50% de
la population française était à moins d’une heure d’un magasin Ikea, aujourd’hui c’est 60% » (Gaudin
& Musereau, 2010). L’objectif à terme est d’atteindre les 80%.
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L’implantation d’un Ikea à Clermont-Ferrand témoigne de la volonté de l’enseigne de combler
le manque de représentation au centre de la France. Le plus près actuellement étant à Saint-Etienne
c’est-à-dire à 2h de route de la capitale auvergnate, parait proche. Mais la situation de carrefour
autoroutier de la ville, avec le passage de l’A71, l’A75 et l’A89 (cf Figure 21) permet de rapprocher les
régions Limousin, Languedoc-Roussillon et Centre et donc des acheteurs potentiels n’ayant pas
d’autres Ikea à proximité. La zone de chalandise représenterait environ 800 000 habitants à 1h de route
et le double à 1h30. Cette implantation exprime également la volonté des élus de la communauté
d’agglomération du Grand Clermont d’attirer de grandes enseignes multinationales afin de renforcer
l’attractivité du territoire (ex : création d’emplois). Le site d’implantation est la zone d’activités des
Gravanches localisée le long de l’autoroute A71. D’une surface de 33 000 m², ce magasin sera l’un des
plus grands de France, avec 5 000 m² de plus que celui de Saint-Etienne. Afin d’accueillir les visiteurs,
1 300 places de parkings vont être créées mais ce n’est pas tout. Toute une série d’aménagement du
réseau routier à proximité du site est en cours de réalisation : des ronds-points ont été réalisés sur
Figure 21 : Une localisation privilégiée au carrefour de trois axes autoroutiers (source : Géoportail)
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mesure afin de pouvoir supporter le trafic automobile induit ainsi qu’une bretelle d’autoroute afin de
desservir le site. Preuve de la volonté d’implantation de la firme, elle finance pour 1/3 les
aménagements.
Malgré tout, l’implantation des magasins Ikea est toujours conçue sur le même modèle. De
vastes « boites à chaussures » de plusieurs milliers de m² aux couleurs de la firme (bleu et jaune), le
stationnement dispose de surfaces dédiées très importantes et imperméables. Ikea recherche la
rentabilité maximum en déboursant seulement le nécessaire et elle réussit à chaque fois à imposer
son modèle (cf Figure 22). Tous les magasins Ikea sont conçus sur le même plan et ce quel que soit la
région du globe où ils se trouvent. Quand certains promoteurs essaient de réaliser des zones
commerciales à l’architecture innovante, aux espaces verts abondants, Ikea reste sur le modèle des
années 60-70 où l’automobile était le facteur prépondérant. Le modèle est d’ailleurs toujours fondé
sur le tout automobile, puisque la firme cherche encore et toujours à capter une clientèle éloignée à
1h ou plus de ses magasins. Leur intégration se fait à grande échelle et non à l’échelle urbaine.
L’exemple d’Ikea nous montre bien que le commerce sous la forme de grandes surfaces va
probablement continuer à être à deux vitesses. Le devenir des zones commerciales afin qu’elles soient
intégrées à la ville passera par différentes possibilités en phase avec les orientations urbanistiques
actuelles.
Figure 22 : Le magasin Ikea de Bordeaux, symbole d’une conception standardisée (Source : Ikea France)
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2. De futures tendances contradictoires sur le devenir des zones d’activités commerciales
Le devenir des zones commerciales va essentiellement être déterminé par les futures
pratiques commerciales des consommateurs et notamment du développement de l’e-commerce qui
jouera un rôle très important dans l’offre commerciale des territoires. Selon Pascal Madry, 20% du
chiffre d’affaires du commerce spécialisé serait généré par le commerce en ligne d’ici 2020. Par
conséquent, 15 millions de m² de commerces physiques deviendraient inutiles et risqueraient d’être
transformés en friches commerciales. Cela laisserait entrevoir de nouveaux espaces de projets pour
les collectivités en lien avec le renouvellement urbain. Mais la création de nouveaux espaces
commerciaux en périphérie des villes n’est-elle pour autant vouée à disparaitre ?
2.1 La reconstruction des zones commerciales sur elles-mêmes, en phase avec le modèle urbain
actuel et futur
2.1.1 Le recyclage des friches commerciales : de la zone commerciale au quartier
multifonctionnel
La question des friches commerciales devrait donc se poser de plus en plus dans les années à
venir. Aux Etats-Unis, le phénomène a été beaucoup plus précoce qu’en France, de nombreux dead
malls (« centres commerciaux morts » en français) fleurissant en périphérie des villes. Ces espaces
abandonnés par leur fonction principale ne seront pour autant un fardeau pour les collectivités, leur
grande étendue géographique, leur localisation avantageuse et l’existence des réseaux (aériens et
souterrains) étant un atout indéniable dans la reconversion des zones commerciales. Ayant souvent
été rattrapé par l’urbanisation des villes (cf Partie II), les friches seraient un moyen de retravailler la
morphologie urbaine ainsi que le paysage des entrées de ville dans l’optique d’une intégration urbaine
de qualité, élément qui ne pouvait être possible avec les zones commerciales dédiées au « tout »
automobile.
En application des orientations urbanistiques actuelles, l’implantation de quartiers durables
serait une réponse à la déconnexion de ces anciens espaces. Nous pouvons d’ailleurs définir un
quartier durable comme étant un quartier répondant aux exigences du développement durable afin
de retrouver des aspects économiques, sociales et environnementaux fonctionnant en synergie. Par
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exemple, il regrouperait à la fois des activités économiques telles que des commerces et des services,
des logements de différents types favorisant la mixité intergénérationnelle (petits collectifs, maisons
mitoyennes et individuelles) et des espaces verts qui diminueraient l’artificialisation des sols. La
démolition des « boites à chaussures », qui n’ont aucune qualité architecturale et paysagère,
permettrait de les remplacer par des bâtiments mieux intégrés à leur environnement et notamment
au tissu urbain existant.
Afin d’illustrer de façon claire ce à quoi une reconversion de friche commerciale peut
ressembler, prenons pour exemple la zone commerciale de Charmeil (cf Figure 23), en admettant
qu’elle soit désertée d’ici quelques années par les grandes enseignes spécialisées de bricolage,
d’ameublement et de jardinerie. Les locaux commerciaux de ces enseignes n’ont pas vocation à être
conservés et peuvent donc être démolis pour laisser place à des logements de divers types. D’une
surface totale de 2,9 ha, les terrains ainsi que les locaux commerciaux offrent un potentiel de
logements intéressant. En reprenant les orientations urbanistiques de la loi SRU notamment, les
opérations immobilières doivent favoriser la mixité de l’habitat en vue de créer une mixité
Grandes surfaces à reconvertir
Petites et moyennes surfaces à
conserver
Bourg-centre
Quartier résidentiels environnants
Voie de désenclavement créée
Figure 23 : Orientations sur le devenir des surfaces commerciales de la zone de Charmeil (Source : Maxime Dubois ; Google Earth, 2013)
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intergénérationnelle et de densifier l’habitat19 qui est principalement caractérisé par la maison
individuelle à Charmeil. De fait, 4 ensembles collectifs de 10 logements locatifs seront construits en
lieu et place de l’enseigne de bricolage. Les logements seront de tailles diverses afin de pouvoir attirer
à la fois de jeunes couples (T2) mais aussi des seniors (T2-T3) ou encore des étudiants (studios). Le
19 Cf Annexe 5 – La densité selon la typologie de logement d’après MOULINIE, Claire, NAUDIN-ADAM Muriel, « Appréhender la densité. 3. Formes urbaines et densités », Note rapide sur l’occupation du sol, n°384, IAURIF, Paris, Juin 2005
Figure 24 : Schéma d’aménagement de la reconversion de la zone commerciale (Source : Maxime Dubois ; Google Earth, 2013)
Maisons individuelles
Maisons mitoyennes
Petits collectifs (R+2)
Commerces
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stationnement sera souterrain afin de diminuer la place de l’automobile dans le quartier. Ensuite, 32
logements individuels denses et donc mitoyens composés d’un étage permettront de diversifier l’offre
afin d’attirer de jeunes couples primo-accédants. Un garage pour chaque logement permettra de ne
pas encombrer les espaces publics. Ces logements disposent également d’un jardin. Enfin, des maisons
individuelles viennent s’ajouter à l’offre de logement : 14 pavillons permettront de loger des couples
avec ou sans enfant qui souhaitent devenir propriétaires. Les parcelles oscillent entre 400 et 700 m² et
chaque logement dispose d’un garage toujours dans l’optique de réduire la place de l’automobile dans
les espaces publics. Au total, 76 logements seront construits et la dimension sociale du quartier est
bien identifiable avec la mixité de l’habitat, des cheminements piétons et une aire de jeux qui viendront
favoriser le lien social au sein du quartier. La voie de desserte principale de la zone commerciale est
conservée et des extensions sont créées afin de desservir chaque îlot de logement et ainsi de
désenclaver cette zone vis-à-vis de la commune.
La fonction commerciale est toujours présentes mais sous forme de commerces de proximité
(boulangerie, salon de coiffure, pharmacie, épicerie, …). Les petites et moyennes surfaces
commerciales apparues dans les années 2000 sont donc conservées. Le stationnement, omniprésent
sur la zone commerciale ne sera pas conservé dans son intégralité : seule l’aire de parking située à
proximité des commerces est maintenue afin qu’ils puissent profiter aux personnes extérieures au
quartier.
Enfin, l’aspect environnemental est illustré par le remplacement de la majorité des aires de
stationnement au profit d’espaces verts permettant l’infiltration des eaux de pluie et l’embellissement
du cadre de vie. Nous passons dès lors d’un espace urbain très minéral à un espace urbain végétal qui
malgré la densité de l’habitat permet de créer des ruptures.
Ainsi, cette reconversion fictive, qui ne prend bien sûr pas en compte les documents
d’urbanisme en vigueur ainsi que tout outil de planification urbaine, ni même les coûts induits mais
qui sert plutôt de prospective sur ce que pourrait devenir une friche commerciale, illustre parfaitement
la frontière qu’il y a entre un quartier c’est-à-dire un « morceau de ville » intégré au tissu urbain
existant et une simple zone où un espace est destiné à une fonction. Toujours dans un souci de
durabilité, l’habitat ne doit pas être l’unique fonction venant remplacer le commerce : c’est la
multifonctionnalité qui doit aujourd’hui être favorisée pour réduire la dépendance à l’automobile.
D’ailleurs, la desserte en transport en commun d’un quartier n’est privilégiée par les collectivités que
s’il y a une demande forte. Charmeil n’étant actuellement pas desservie par le réseau de bus urbain de
l’agglomération vichyssoise, un projet de quartier multifonctionnel pourrait être un moyen de relier la
commune au reste de l’agglomération.
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La zone commerciale pourrait également être affectée à une autre utilisation toujours en lien
avec la réduction de la place de l’automobile en ville en bénéficiant de sa position d’interface entre
milieu-urbain et milieu rural.
2.1.2 L’utilisation de la situation d’interface de ces espaces commerciaux entre centre
urbain et milieu périurbain/rural
Nous avons vu que bien souvent les zones commerciales périphériques étaient rattrapées par
l’urbanisation pavillonnaire des années 80-90 des communes périurbaines. Cela a induit l’extension
des réseaux de transport en commun toujours plus éloignés du centre-ville afin de desservir logements
et commerces. Les flux automobiles ont donc augmenté, et ne sont pas forcément tous captés par les
équipements commerciaux de périphérie. La localisation en entrée de ville les place à l’interface entre
le centre urbain où sont présentes la majorité des activités humaines et les zones périurbaines et
rurales caractérisées depuis quelques années par une hausse du nombre de logements sous forme de
maisons individuelles. Les déplacements pendulaires c’est-à-dire les déplacements domicile-travail qui
sont identifiés aux « heures de pointe » (horaires où le trafic routier est dense, huit heures le matin et
dix-sept heures le soir) ne cessent d’augmenter.
Aujourd’hui et dans les années à venir, les autorités s’efforceront de réduire la place de
l’automobile dans les centres-villes. Celle-ci prend de la place sur l’espace public et nécessite des aires
de stationnement de plus en plus grandes et cause bien souvent un dysfonctionnement des transports
en commun aux heures d’entrée et de sortie de travail par le biais de retard dû à la congestion du
trafic. Dans une moindre mesure, elle rejette des gaz à effet de serre qui polluent les villes.
En outre, les zones commerciales implantées tout autour des villes le long des principales voies
d’accès pourraient être utilisées comme des pôles secondaires, passages obligés pour les personnes
souhaitant regagner le centre-ville. Ces espaces joueraient le rôle de frontières entre le transport
automobile et les transports en commun. Disposant de stationnement sous-utilisé, les zones
commerciales permettraient aux automobilistes venant de communes périphériques de garer leur
voiture et de finir leur trajet via le bus, le tramway voire le métro pour les grandes agglomérations. Un
double enjeu pourrait ressortir de ce concept : d’un côté, les centres-villes voient leur cadre de vie
amélioré avec le recul de l’automobile au profit des transports en commun et des modes de
déplacement doux (cycles, piétons) ; de l’autre, les zones commerciales et notamment les
hypermarchés qui sont censées être en perte de vitesse à l’avenir bénéficient d’un potentiel de
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consommateurs qui partiraient travailler le matin en ville puis rentreraient le soir en passant faire ces
courses au préalable.
Nous pouvons en conclure que ce concept, qui pourrait s’adapter à de nombreuses
agglomérations françaises géographiquement parlant, serait un moyen durable d’intégrer les espaces
commerciaux périphériques au reste de la ville. Mais la mise en place d’une telle initiative implique
forcément une volonté politique clairement affichée d’élus voulant désengorger les centres-villes, qui
ne sera peut-être pas partagé par la population.
Pour autant, ce concept montre une fois de plus que les zones commerciales possèdent un
potentiel de reconversion très intéressant qui dans le futur va pouvoir laisser place à de nouvelles
formes urbaines. Le nombre d’acteurs limité ainsi que les moyens importants dont dispose la grande
distribution encourageront une mutation relativement rapide de ces espaces en lien avec les enjeux
contemporains. Mais la création ex nihilo de nouveaux projets commerciaux doit-elle encore être
tolérée à l’extérieur des villes ?
Actuellement A l’avenir
Figure 25 : Schéma du concept d’interface entre urbain et rural (Source : Maxime Dubois, Agence Odonata)
Habitat rural/périurbain Zone commerciale Centre urbain
Déplacement travail Plateforme de correspondance Déplacement commerces Transport mutualisé
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2.2 Des projets commerciaux à l’encontre des orientations urbanistiques récentes : l’exemple
d’Europa City
Le projet Europa City est un exemple qui montre bel et bien l’influence de la grande
distribution dans les projets de territoire. Porté par le groupe Auchan, via sa filiale immobilière
Immochan, ce vaste espace commercial sera localisé d’ici 2020 au sein du Triangle de Gonesse, une
zone d’aménagement de 280 ha située entre les aéroports du Bourget de de Roissy-Charles de Gaulle,
à 19 km au Nord-Est de Paris, sur des terres actuellement à vocation agricole (céréaliculture). Comme
nous allons le voir, ce projet pharaonique s’inscrit dans le projet du Grand Paris.
2.2.1 Un projet englobé au sein du Grand Paris : vers une intégration réussie ?
Le projet du Grand Paris, qui vise à terme à transformer l’agglomération parisienne en une
métropole de rang mondial, a vocation à « améliorer le cadre de vie des habitants, à corriger les
inégalités territoriales et à construire une ville durable » d’après le Ministère du Logement et de
l’Egalité des Territoires. Toute une série de projets d’aménagement vont être réalisés en synergie pour
arriver à ce résultat, et Europa City viendra se greffer au Grand Paris.
Europa City
Figure 26 : Localisation d’Europa City au sein du projet du Grand Paris Express (Source : Secrétariat d’Etat à la Région Capitale, 2009)
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Ce projet commercial cumule tous les superlatifs puisqu’il a été désigné comme le plus gros
projet structurant du Grand Paris et c’est également le projet d’investissement immobilier privé le plus
important de France (plus de 80 ha). Il se veut être un centre commercial combiné à de nombreux
loisirs : la dimension ludique et culturelle sera poussée à l’extrême par rapport aux zones commerciales
« nouvelle génération ». Au total, l’offre de surface commerciale représentera 230 000 m² qui sera
complétée par une offre de loisirs à l’effigie des grands centres commerciaux dubaïotes : une piste de
ski, un parc aquatique ou encore une piste de cirque. Ce projet illustre donc la volonté d’une enseigne
de la grande distribution à faire passer le commerce en second plan : Europa City n’est pas destiné à
recevoir des consommateurs mais des touristes. En témoigne les objectifs que se sont fixés les
dirigeants d’Auchan : accueillir 30 millions de visiteurs par an d’ici 2025 soit deux fois plus que
Disneyland.
En ce qui concerne l’implantation, pour l’entreprise Auchan, le choix du site est idéal (cf Figures
26 et 27) puisque localisé entre deux aéroports de Paris et à proximité d’un carrefour autoroutier très
fréquenté (A1-A3-A104). Son existence est également liée à la création de nouvelles lignes de transport
qui doivent renforcer la cohésion du territoire de l’agglomération parisienne : sa situation aux portes
de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle va être bénéfique puisqu’elle sera connectée au RER D et
aussi à la ligne de métro automatique appelé Grand Paris Express. Le projet Europa City a donc vocation
à attirer des personnes résidant aussi bien au sein de l’agglomération parisienne que de l’extérieur.
A1
A3
A104
Périmètre Europa City
Triangle de Gonesse
Autres zones commerciales
Aéroports de Paris
Autoroutes
Voies ferrées
Figure 27 : Vers une saturation des équipements commerciaux au sein du Triangle de Gonesse (Source : Maxime Dubois, Géoportail)
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Pour ce qui est de l’intégration architecturale, urbaine et paysagère, le projet retenu se veut en rupture
totale avec ce qui peut se faire actuellement (cf Figure 28). Les formes sont épurées et les concepteurs
souhaitent que l’urbanisation des terres agricoles n’altère en rien le paysage. La végétation sera
abondante et une continuité écologique traversera cet espace commercial toujours dans cette optique
de prendre en compte l’environnement.
Au vu de ces éléments, Europa City peut être considérer comme un projet de territoire
démesuré que ce soit par sa surface mais également les activités et services qu’il regroupera. Mais
peut-on qualifier ce projet de durable en sachant que c’est un des objectifs premiers du Grand Paris et
qu’il intègrera tous les critères que nous retrouvons dans des retail park « écologiques » (toitures
végétalisées, végétation abondante, …) ?
2.2.2 L’oubli des enjeux environnementaux au profit du dynamisme économique
Ce projet ne peut être qualifié de projet durable et ce pour différentes raisons. Tout d’abord,
il sera situé sur des parcelles actuellement cultivées et à très bon rendement. Ce sont également les
terres agricoles les plus proches de la capitale, ce qui favorise les circuits courts et la production
alimentaire locale (cf Figure 29). D’après l’association Les Amis de la Terre, qui revendique la lutte
contre l’urbanisation des terres agricoles du Triangle de Gonesse, 740 tonnes de blé par an seraient
perdus chaque année si le projet venait à voir le jour. Malgré la protection au Nord d’Europa City de
Figure 28 : Projection d’Europa City (Source : BIG architects)
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terres agricoles au sein d’un « Carré Vert », la pression foncière qu’entrainera l’apparition de ce projet
viendra probablement urbaniser cette zone. En effet, le projet n’a qu’un but économique car il va
permettre de dynamiser un territoire où le taux de chômage est élevé : d’après le recensement INSEE
de 2010, les communes membres de la communauté d’agglomération du Val-de-France ont un taux
de chômage compris entre 13,7% (Arnouville) et 22,7% (Sarcelles). Nous sommes donc face à un
territoire qui a besoin d’attirer des entreprises et des activités afin de remédier à cette problématique.
C’est dans cette perspective que les élus ont donné leur accord à Auchan puisque le projet va être un
véritable moteur de l’emploi pour l’Ile-de-France : la construction nécessitera plus de 12 000
embauches sur 4 ans, puis une fois l’ouverture d’Europa City, ce sont 11 500 emplois directs et 6 000
emplois indirects qui seront créés. 40% des emplois ne sont donc pas assurés sur du long terme.
Mais certaines zones commerciales situées aux abords du futur projet risquent de souffrir de
la concurrence et cela pourrait entrainer la fermeture de magasins, laissant place à l’apparition de
friches commerciales (cf Figure 27). En effet, pas moins de cinq pôles commerciaux de moyennes et
grandes surfaces sont situés dans un rayon de 10 km d’Europa City. Le problème ne serait donc que
déplacé, le projet créant des emplois tandis que de potentielles pertes d’emplois pourraient survenir
dans les zones commerciales voisines. De plus, aucune mesure n’a encore été faite pour que les
Figure 29 : Carte des types d’agriculture d’Ile-de-France (Source : IAU IdF)
Triangle de Gonesse
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emplois créés par Europa City soient destinés en priorité aux personnes touchées par le chômage sur
le territoire.
Ce projet est-il donc si nécessaire pour le territoire du Nord-Est Parisien mais également pour
l’Ile-de-France ? Malgré les dispositions récentes prises en urbanisme où il est prôné la protection des
terres agricoles afin d’enrayer l’étalement urbain et de favoriser le renouvellement de la ville, des
projets commerciaux tels que celui d’Europa City vont pouvoir continuer à voir le jour. Bien que cet
exemple semble exceptionnel, cela prouve que des projets d’envergure plus modestes peuvent
apparaitre dans les années à venir au nom de la création d’emploi et du dynamisme économique, et
en occultant les enjeux agricoles et naturels qui sont pourtant essentiels à l’avenir.
Taux de chômage
Gonesse 15,2%
Garges-les-Gonesse 20,9%
Sarcelles 22,7%
Villiers-le-Bel 17,5%
Arnouville 13,7%
Bonneuil-en-France 15,9%
Figures 30 : Taux de chômage en 2010 des communes membres de la Communauté
d’Agglomération du Val de France (Sources : INSEE RP 2010 exploitations principales ; agglo-
valdefrance.fr)
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Conclusion
Finalement, l’avenir des zones commerciales semble indécis malgré les signes annonciateurs
d’une augmentation de la surface commerciale. Mais cette forte croissance conduira inéluctablement
au développement des friches commerciales dans les années à venir, et ce malgré la diversification des
activités qui est de plus en plus prégnante. Malgré tout, la zone commerciale ne peut pas encore être
identifiée comme étant un quartier, sa dénomination renvoyant toujours à la compartimentation de
l’offre commerciale au sein d’un même espace. Une évolution semble avoir tourné la page des « boites
à chaussures » : la zone est remplacée par le parc d’activités ou retail park, symbole d’une volonté
d’intégration de cet espace au sein d’un territoire. Nous avons un réel changement du paysage des
entrées de ville avec ces nouvelles formes de locaux commerciaux, des matériaux jusqu’à l’esthétisme.
La part dédiée à l’espace public est visible et « vert ». Mais l’éloignement des zones d’activités
commerciales du pôle urbain et la desserte automobile encore omniprésente ne nous permettent pas
d’affirmer que ces zones sont intégrées à la ville dont elles dépendent. Il reste donc encore des
améliorations à apporter à ces espaces : une mixité des fonctions plus affirmée pourrait être une
solution afin que les zones commerciales puissent devenir des quartiers multifonctionnels où
logements et activités économiques cohabiteraient.
Le droit de l’urbanisme doit continuer à prendre en compte le commerce. Il est impossible de
dissocier cette entité ainsi que la ville qui ont toujours eu besoin l’une de l’autre pour perdurer. Des
avancées ont pu être observées depuis la création de l’urbanisme commercial dans les années 60-70 :
les phases successives de décentralisation de la compétence urbanisme ont aidé à mieux appréhender
l’équipement commercial des villes. Les documents d’urbanisme (SCOT et PLU) n’ont cessé d’encadrer
le développement des zones commerciales au vu notamment des orientations urbanistiques actuelles
telles que le renouvellement urbain. Le principal problème dans l’encadrement du commerce tient à
la coexistence de deux réglementations distinctes : le code du commerce et le code de l’urbanisme.
Les différentes réformes des CDAC en sont la preuve : leur composition a été perpétuellement
mouvante et les critères d’autorisation commerciale au départ plutôt économiques sont aujourd’hui
axés sur le développement durable. Mais la théorie est souvent très loin de la pratique puisque
l’économique et le financier sont encore les critères majeurs, qui permettent aux projets commerciaux
de continuer à naitre en périphérie des villes. Les distributeurs de la grande surface et les aménageurs
l’ont bien compris et se tournent aujourd’hui vers les territoires ruraux. De petites communes
éloignées des pôles urbains disposent d’une zone commerciale en entrée de ville, au détriment du
petit commerce de centre-ville qui arrivait encore à se maintenir. Au contraire des commerces
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traditionnels en centre urbain concurrencés par les enseignes franchisées, les commerces des
communes rurales attiraient une clientèle locale qui les dynamisait. La zone commerciale vient nuire
au petit commerce rural, au même titre que les commerces de centre-ville urbain.
Le transfert de la compétence urbanisme à l’intercommunalité peut être un moyen de réguler
l’implantation commerciale à une échelle de bassin de vie. Mais encore faut-il une volonté politique
qui vienne favoriser le maintien du commerce traditionnel de centre-ville à forte valeur ajoutée
(commerces alimentaires par exemple) et qui autorise l’implantation de commerce spécialisé en
périphérie pour des questions d’accessibilité pratique notamment dans la vente de produits
encombrants. A ce titre, les enseignes d’ameublement, de bricolage et de jardinage sont concernées.
De plus, les similitudes des zones commerciales avec les grands ensembles de logement
collectif pourraient faire réfléchir les autorités dans la création d’une agence nationale du
renouvellement des zones commerciales sur le même principe que l’ANRU (Agence Nationale pour la
Rénovation Urbaine). L’intégration urbaine étant actuellement une préoccupation importante à
l’élaboration de tout projet, cette agence pourrait permettre une rénovation et une réflexion de ces
espaces par rapport au reste de la ville : la problématique de l’accessibilité et de l’intégration paysagère
et urbaine seraient les objectifs premiers de cette agence. La concertation des acteurs économiques
(aménageurs, enseignes) et des acteurs publics (élus, Etat) sera bien évidemment déterminante.
Finalement, la question des zones commerciales et de leur intégration au territoire est et sera
complexe à l’avenir. L’évolution des modes de consommation sera l’élément clé dans la façon
d’appréhender le commerce. Le e-commerce prenant de plus en plus d’ampleur dans le quotidien des
consommateurs et dans la stratégie économique des distributeurs, il faudra surement encadrer
l’implantation de hangars style « boites à chaussures » au fonctionnement similaire aux drive : des
locaux de stockage de marchandises pourraient continuer à fleurir en lien avec le commerce par
Internet engendrant des flux de marchandises accrus en ville afin de livrer le consommateur. Cette
forme urbaine pourrait redevenir les locaux commerciaux de demain.
Page | 87
Bibliographie
Ouvrages :
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Tome III – Renouveau et solidarités », L’Union Européenne d’éditions, pp 24-26
- Fourastié, Jean, 1979, « Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975 »,
Fayard, Paris, 300 pages
- Moreno Dominique, 1999, « Urbanisme et équipement commercial », Economica, 111 pages
- Graboy-Grobesco, 1999, « Droit de l’urbanisme commercial », Bibliothèque De Droit de
l’Urbanisme et de l’Environnement Tome 5, LGDJ, 338 pages
- Sueur, Jean-Pierre, 1999, « Changer la ville : pour une nouvelle urbanité », Odile Jacob, pp 78-
88
- Desse, René-Paul, 2001, « Le nouveau commerce urbain. Dynamiques spatiales et stratégies
des acteurs », PUR, 198 pages
- Peron, René, 2004, « Les boîtes, les grandes surfaces commerciales des villes », Collection
Comme un accordéon, Editions L’Atalante, 221 pages
- Desse, René-Paul [dir.], 2008, « Dictionnaire du commerce et de l’aménagement », PUR, 355
pages
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Articles :
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Assujettissement. Pluralité d’établissements. Constitution d’une unité économique
d’ensemble. Appréciation. », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n°12, 24 mars
1989, p. 23
- Cattiaux, Philippe, 1994, « Pour une critique sereine de la loi Royer. Point de vue d’un
praticien », RDI 1994, pp 562-565
- Bourdin, Alain, 2003, « Urbanisme et quartier. Ce que nous apprend Paris Rive gauche »,
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- Gasnier, Arnaud, 2007, « Dynamiques et enjeux des pôles commerciaux périphériques : études
de cas français », Territoire en mouvement, 3 | 2007, 14 pages
- Sainteny, Guillaume, 2008, « L’étalement urbain », Responsabilité & Environnement n°49,
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- Bouvier, Gérard, Pilarski, Charles, 2008, « Soixante ans d’économie française : des mutations
structurelles profondes », INSEE Première n°1201, juillet 2008, 4 pages
- Monnet, Jérôme, 2008, « L’urbanisme commercial français de 1969 à 2009 : Quels
changements avant et après la directive européenne « Services » ? », octobre 2008, 14 pages
- Desailly, Bertrand, Beringuier, Philippe, Briane, Gérard, Dejoux, Jean-François, 2009, « Les
impacts environnementaux de l’étalement urbain », Perspectives Villes, février 2009, 4 pages
- Schmit, Philippe, 2009, « Urbanisme commercial, à la recherche d’un nouveau modèle »,
Intercommunalités, n°135, 12 pages
Page | 88
- Rosenberg, Emily, 2009, « Le « modèle américain » de la consommation de masse », Cahiers
d’Histoire. Revue d’histoire critique, 108 | 2009, pp 111-142
- PROCOS, 2010, « 2009 : en pleine crise, la surproduction de surfaces commerciales s’aggrave »,
note d’expert, 2 pages
- Musereau, Jonathan, Gaudin, Solène, 2010, « IKEA, un modèle territorial « en kit » : stratégies d’implantation et pouvoirs locaux », Revue Géographique de l'Est, vol. 50 / 3-4 | 2010, 18 pages
- Madry, Pascal, 2011, « Le commerce est entré dans sa bulle », Etudes foncières n°151, mai-
juin 2011, pp 12-17
- Madry, Pascal, 2012, « La fin de l’urbanisme commercial », Etudes foncières n°160, novembre-
décembre 2012, pp 20-24
- DATAR, 2012, « Des facteurs de changement 2 », Territoires 2040 n°6, La Documentation
française, pp 27-41
- Allé, Camille, 2013, « Maitriser l’urbanisme commercial », Working papers du Programme
Villes & territoires, 2013-03 Paris, Science Po, 36 pages
- Dossier « De la zone au quartier », Revue Urbanisme hors-série n°46, novembre 2013, pp 70-
74
Colloques/Séminaires :
- Jourdan, Gabriel, 2008, « Les zones périphériques industrielles et commerciales : de nouvelles
centralités pour la ville de demain ? », Les cahiers de la FNAU n°22, décembre 2008, 5 pages
- Sabatier, Bruno, 2009, « Les recompositions territoriales liées à la consommation en Midi-
Pyrénées : un enjeu de développement régional » in Développement territorial : jeux
d'échelles et enjeux méthodologiques, Lausanne : Suisse (2009), 8 pages
Rapports/Projets de loi :
- Projet de Loi Ollier-Piron relatif à la réforme de l’urbanisme commercial de 2010
- Projet de Loi ALUR de 2013
- Projet de Loi Pinel relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises de 2013
Jurisprudence :
- CE, 25 mai 1988, Commune de Ménétrol, n°80335, Recueil Lebon
Documents de planification et d’urbanisme :
- Le SCOT de Vichy Val d’Allier de 2013
Page | 89
Etudes / Guides méthodologiques :
- Moulinié, Claire, Naudin-Adam, Muriel, « Appréhender la densité. 3. Formes urbaines et
densités », Note rapide sur l’occupation du sol, n°384, IAURIF, Paris, Juin 2005
- CAUE de Loire-Atlantique, 2011, « Réinventer la zone d'activités. Pour un aménagement
durable des espaces d'activités », 40 pages
- CCI de l’Essonne, 2011, « Zones d’activités économiques en Essonne : recommandations pour
une prise en compte du développement durable dans les projets de requalifications », 60
pages
- AdCF, 2012, « Urbanisme commercial : une implication croissante des communautés mais un
cadre juridique à repenser », 68 pages
- Gardesse, Camille, 2014, « Cas d’étude, Paris, France : Europa City l’implantation d’un grand
projet privé dans le cadre du Triangle de Gonesse ». Context, Rapport 3. Groupe de
programmes d’urbanisme, AISSR, Amsterdam, 100 pages
Références internet :
- Site de la Préfecture du Morbihan : www.morbihan.gouv.fr
Informations concernant le rôle et la composition de la CDAC
- Site de Frédéric Renaudin, avocat spécialiste en droit public et expert en urbanisme
commercial : www.urbanismecommercial.com
Informations concernant les effets de la loi LME sur l’urbanisme commercial
- Site du service public de l’accès au droit : www.legifrance.gouv.fr
- Site de la fédération PROCOS : www.procos.fr
- Site de l’Assemblée Nationale : www.assemblee-nationale.fr
Projet de loi « Ollier » sur la réforme de l’urbanisme commercial
- Site du Ministère de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme : www.artisanat-commerce-
tourisme.gouv.fr
Projet de loi « Pinel » relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises
- Gaudin, Solène, Musereau, Jonathan, 2009, « Ikea revisite les classiques de la géographie »,
Espacetemps.net, Objets, 26 novembre 2009
- Site Urbanews : www.urbanews.fr
Foucher, Yoan, 2013, « Quel avenir pour les zones d’activités commerciales », Le Mag’ du
24/04/2013
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Annexes
Annexe 1 : Données sur le logement en France de 1946 à 1975 (Source : Fourastié, Jean, 1979, « Les Trente Glorieuses, ou la
révolution invisible de 1946 à 1975 », Fayard, Paris, 300 pages)
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Annexe 3 : Localisation des prises de vue sur la zone commerciale des Ailes (Vichy – 03) (Source : Maxime Dubois, Géoportail)
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Annexe 4 : Localisation des prises de vue sur le parc d’activités commerciales Be Green de Saint-Parres-aux-Tertres (Sources : Maxime Dubois, Open Street Maps)
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Annexe 5 : La densité selon la typologie de logement (Source : MOULINIE, Claire, NAUDIN-ADAM Muriel, « Appréhender la densité. 3. Formes urbaines et densités », Note
rapide sur l’occupation du sol, n°384, IAURIF, Paris, Juin 2005)
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