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Article original
Prevalence de l’hypertension arterielle en population generale
a la Martinique§
Arterial-hypertension prevalence in the general population of Martinique
S. Merle a,*, K. Pierre-Louis a, J. Rosine b, T. Cardoso b, J. Inamo c, J. Deloumeaux d
a Observatoire de la sante de la Martinique, centre d’affaires Agora, avenue de l’Etang-Zabricot, 97200 Fort-de-France, Franceb Cellule interregionale d’epidemiologie Antilles-Guyane, 97200 Fort-de-France, France
c Service de cardiologie, CHU de Fort-de-France, 97261 Fort-de-France, Franced Pole sante publique-recherche clinique, CHU de Pointe-a-Pitre, 97159 Pointe-a-Pitre, France
Recu le 29 avril 2008 ; accepte le 22 octobre 2008
Disponible sur Internet le 17 janvier 2009
Abstract
Background.– Since 1996, arterial hypertension has been recognized as one of the main health priorities in Martinique. However, its prevalence
in the general population has never been measured. Furthermore, obesity is increasing in many countries and studies have shown that hypertension
is more frequent in obese people than in people with normal body mass index. The objective of this survey is to measure hypertension prevalence in
the general population and to study the link between hypertension, weight status and socioeconomic level.
Methods.– Cross-sectional study of randomly selected homes in randomly selected geographical islets. All household members in these homes
constituted the eligible population. Arterial hypertension was defined as systolic pressure greater than 140 mmHg and/or diastolic pressure greater
than 90 mmHg and/or antihypertensive treatment. Weight status was estimated using the body mass index.
Results.– Study concerned 1504 persons aged 16 years or older with a sex-ratio of 0.7 and an average age of 48.3 years for men and 48.5 years
for women, p = 0.88. The prevalence rate of hypertension is 29% [IC95%: 25.9–31.8] in the sample and declines to 22.5% [IC95%: 20.1–25.1] using
weighted data. The prevalence rate is 33.1% [IC95%: 30.2–36.6] for overweight and 20.1% [IC95%: 17.8–22.6] for obesity. Being overweight is
more frequent among persons with hypertension than among ones with normal blood pressure, 73.0 versus 47.4%; p < 0.001. In those with
hypertension, overweight does not differ significantly between men and women, but the prevalence of obesity is greater among women than among
men (35.7 versus 20.6 %, p < 0.05).
Conclusion.– The high prevalence of both hypertension and obesity in the general Martinican population has been confirmed by this study.
Prevention actions are required to decrease the cardiovascular risk in this population.
# 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Resume
Position du probleme.– Depuis 1996, l’hypertension arterielle (HTA) a ete identifiee comme l’une des priorites de sante en Martinique, mais sa
prevalence en population generale n’avait jamais ete mesuree. Par ailleurs, l’obesite est en progression dans de nombreux pays et il est reconnu que
les personnes obeses sont plus volontiers hypertendues que les personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) normal. L’objectif de cette
etude est de mesurer la prevalence de l’HTA dans la population generale martiniquaise et d’etudier la relation entre l’HTA, le statut ponderal et le
niveau socioeconomique.
Methodes.– Il s’agit d’une enquete en population generale par tirage aleatoire d’ılots geographiques, puis de foyers par ılot, dont tous les
membres constituent la population eligible. L’HTA est definie par une pression systolique superieure a 140 mmHg et/ou une pression diastolique
superieure a 90 mmHg et/ou la prise d’un traitement antihypertenseur. Le statut ponderal est estime par l’IMC.
Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique 57 (2009) 17–23
§ Financement de l’etude : Direction de la sante et du developpement social de Martinique, ministere de l’Outre-mer, Conseil general de Martinique.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : ORS.MARTINIQ@wanadoo.fr (S. Merle).
0398-7620/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
doi:10.1016/j.respe.2008.10.008
S. Merle et al. / Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique 57 (2009) 17–2318
Resultats.– L’etude a porte sur 1504 personnes agees de 16 ans et plus avec un sex-ratio de 0,7 et une moyenne d’age de 48,3 ans chez les
hommes et de 48,5 ans chez les femmes ; p = 0,88. La prevalence de l’HTA dans l’echantillon de 29 % [IC95 % : 25,9–31,8] passe a 22,5 % [IC95 % :
20,1–25,1] en donnees redressees. La prevalence du surpoids est de 33,1 % [IC95 % : 30,2–36,6] et celle de l’obesite de 20,1 % [IC95 % : 17,8–22,6].
La surcharge ponderale est plus frequente chez les hypertendus que chez les normotendus, 73,0 % versus 47,4 % ; p < 0,001. Chez les hypertendus,
la surcharge ponderale ne differe pas significativement entre les hommes et les femmes, mais une prevalence plus elevee de sujets obeses est
retrouvee chez les femmes (35,7 % contre 20,6 % ; p < 0,05).
Conclusion.– Cette enquete confirme la forte prevalence de l’HTA et de l’obesite dans la population martiniquaise. Des actions de prevention
sont necessaires pour reduire le risque cardiovasculaire dans cette population.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
Keywords: Arterial hypertension; Obesity; Socioeconomic inequality; General population; Martinique
Mots cles : Hypertension arterielle ; Obesite ; Precarite ; Population generale ; Martinique
1. Introduction
Depuis 1996, l’hypertension arterielle (HTA) a ete identifiee
comme l’une des priorites de sante en Martinique, mais sa
prevalence en population generale n’avait jamais ete mesuree.
En dehors de l’enquete menee de 2001 a 2002 aupres de
personnes salariees (INHAPAG) [1,2], les connaissances
reposaient sur des enquetes realisees en Guadeloupe ou dans
la Caraıbe [3,4]. Par ailleurs, l’obesite est en progression dans
de nombreux pays [5] et il est reconnu que les personnes obeses
sont plus volontiers hypertendues que les personnes ayant un
indice de masse corporelle (IMC) normal. Il etait donc
indispensable de disposer de donnees recentes sur la prevalence
de l’HTA en population generale et d’etudier les relations entre
HTA et les autres facteurs de risque cardiovasculaires. De plus,
l’incidence des accidents vasculaires cerebraux est particulie-
rement elevee en Martinique [6] et la majorite des personnes
atteintes sont hypertendues.
L’objectif de cette etude est de mesurer la prevalence de
l’HTA et d’etudier la relation entre l’HTA, le statut ponderal et
le niveau socioeconomique dans la population generale
martiniquaise.
2. Methodes
L’echantillon a ete constitue par tirage aleatoire de
165 zones geographiques, a partir de la base de sondage
« ılots 15 » de l’Insee qui comprend pres de 4000 ılots, puis de
cinq foyers par ılot, ce nombre ayant ete fixe empiriquement
sur les criteres suivants : correspondre au nombre de foyers
susceptibles d’etre enquetes en une journee et ne pas etre trop
proche du nombre moyen de logements par ılot egal a 32. Dans
chaque foyer tire au sort, tous les membres residant depuis plus
de 12 mois en Martinique et ages d’au moins trois ans ont
constitue la population eligible. L’enquete s’est deroulee en
deux phases, du 17 novembre au 5 decembre 2003 et du
26 janvier au 13 fevrier 2004, afin de mesurer la pression
arterielle a deux moments distincts, avec un intervalle de six a
huit semaines entre chaque passage au domicile des enquetes.
La pression arterielle des personnes agees de 16 ans et plus a
ete mesuree avec un tensiometre electronique OMRON M5-I
(HEM 757-E) muni de deux brassards : un standard (22–
32 cm) et un large (32–42 cm). La mesure a ete effectuee sur un
sujet detendu, en position assise, ayant le bras droit relache,
pose sur un support confortable (table) avec la paume de la
main tournee vers le haut. La premiere serie de deux mesures a
ete effectuee cinq minutes apres le debut de la passation du
questionnaire. Apres une premiere mesure et une fois le
brassard parfaitement degonfle, l’enqueteur elevait le bras du
sujet cinq secondes, attendait deux a trois minutes, puis
renouvelait la mesure de la pression arterielle. La seconde serie
de mesures etait faite en fin de passation du questionnaire. Cela
ayant ete repete a la seconde phase de l’enquete, ce sont donc
au total huit mesures de la pression arterielle qui ont ete
effectuees. L’appareil permettait egalement de mesurer la
frequence cardiaque.
Toute personne ayant declare a la premiere phase de
l’enquete suivre un traitement contre l’HTA a ete consideree
comme hypertendue ainsi que celles presentant une pression
systolique superieure a 140 mmHg et/ou une pression
diastolique superieure a 90 mmHg lors des deux phases de
l’enquete. Les personnes, non traitees, ayant eu une seule serie
de mesures et dont les chiffres tensionnels etaient superieurs
aux valeurs precitees n’ont pas ete classees comme hyper-
tendues.
Chaque sujet a ete pese (pese–personne SECA) et mesure
(toise electronique) a la premiere phase de l’enquete. Le statut
ponderal a ete estime par l’IMC egal au poids, en kilogrammes,
divise par la taille, en metre, au carre. Le surpoids correspond a
un IMC compris entre 25 et 29,9 et l’obesite a un IMC superieur
ou egal a 30.
Le tour de taille et le tour de hanches ont ete mesures avec un
metre-ruban pour evaluer l’obesite abdominale definie par un
tour de taille superieur a 88 cm chez les femmes et a 102 cm
chez les hommes. La presence d’un diabete a ete definie par la
declaration d’un diagnostic pose par un professionnel de sante
ou d’un traitement par regime dietetique ou medicaments.
L’interrogatoire a egalement permis de verifier l’existence d’un
traitement hypocholesterolemiant.
Un indicateur socioeconomique a ete cree a partir des
variables socioeconomiques du questionnaire en utilisant
l’analyse des correspondances multiples (ACM) avec le
logiciel SPAD1. Les variables prises en compte sont les
equipements du foyer, la situation financiere du foyer et la
categorie socioprofessionnelle de la personne enquetee. Cet
indicateur comporte quatre modalites : niveau socioecono-
Tableau 1
Pressions arterielles systolique et diastolique moyennes (en mmHg) selon l’age
et le sexe.
Systolique moyenne Diastolique moyenne
Phase 1 Phase 2 Phase 1 Phase 2
Pression moyenne (ET) 126 (21) 124 (20) 76 (12) 76 (12)
Selon le sexe
Hommes 130 (20) 129 (19) 76 (12) 76 (12)
Femmes 123 (22) 121 (20) 76 (12) 75 (11)
Selon l’age
16–44 ans 117 (15) 116 (14) 72 (11) 72 (10)
45–54 ans 126 (20) 124 (20) 80 (13) 79 (12)
55–64 ans 133 (21) 132 (21) 81 (12) 80 (12)
65 ans et + 140 (24) 137 (22) 79 (13) 77 (12)
S. Merle et al. / Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique 57 (2009) 17–23 19
mique tres eleve (niveau 1), moyennement eleve (niveau 2), bas
(niveau 3) et tres bas (niveau 4).
Les variables qualitatives sont exprimees en pourcentage
[intervalle de confiance a 95 %] et les variables quantitatives en
moyenne (ecart-type).
Le test du Chi2 de Pearson a ete utilise pour la
comparaison des variables qualitatives. Un modele de
regression logistique de l’HTA a ete utilise pour les analyses
multivariees en ajustant sur les variables independantes. Le
tour de taille etant tres fortement correle avec le rapport tour
de taille/tour de hanches, n’a ete utilise dans le modele que
ce dernier qui etait plus fortement lie au risque d’hyperten-
sion. Aucune interaction significative n’ayant ete retrouvee
entre les variables independantes, le modele final est donc
sans interaction.
Le degre de significativite des tests a ete fixe au seuil de 5 %.
L’analyse des donnees a ete realisee sous STATA 7.0 (Stata
Corporation, College Station, TX, Etats-Unis).
3. Resultats
Au total, 1504 personnes agees de 16 ans et plus ont
participe a l’enquete ESCAL. Le sex-ratio est de 0,7 (59 % de
femmes) et la moyenne d’age de 48,2 ans (ecart-type [ET] :
18,4) sans difference significative selon le sexe. La repartition
de l’echantillon par tranches d’age est la suivante : 45,0 % des
personnes interrogees sont agees de 16 a 44 ans, 17,5 % de 45 a
54 ans, 13,6 % de 55 a 64 ans et 23,9 % de 65 ans et plus. Parmi
les personnes interrogees, 83,5 % [81,3–85,8] declarent avoir
deja beneficie d’une mesure de la pression arterielle au cours
des 12 derniers mois avec des differences significatives selon le
sexe et l’age. En effet, 88 % des femmes contre 78 % des
hommes ont beneficie d’une mesure de la pression arterielle au
cours de l’annee ecoulee ( p = 10�5). Cette proportion varie
egalement selon l’age, de 76 % pour la tranche d’age 16 a
44 ans a 86 % pour la tranche d’age 45 a 54 ans et 92 % pour les
tranches d’age 55–64 ans et 65 ans et plus ( p = 10�5). Par
ailleurs, 28 % [25,9–31,1] des enquetes rapportaient avoir deja
ete informes par un medecin que leur pression arterielle etait
trop elevee.
La mesure de la pression arterielle a pu etre realisee chez
98 % des personnes agees de 16 ans et plus a la premiere phase
et chez 90 % a la seconde phase. La repartition par sexe et age
des 8 % n’ayant pu beneficier de la seconde serie de mesures ne
differe pas significativement de celle du reste de l’echantillon.
Parmi elles, 29 % deja traitees ont ete classees parmi les
personnes hypertendues. Les autres ont ete considerees comme
normotendues.
A la premiere phase de mesures, la pression systolique
moyenne est de 126 mmHg (ET : 21) et la pression diastolique
moyenne de 76 mmHg (ET : 12). A la seconde phase de
mesures, la pression systolique moyenne est de 124 mmHg
(ET : 20) et la pression diastolique moyenne de 76 mmHg (ET :
12). La frequence cardiaque moyenne est de 74 (ET : 11)
battements par minute a la premiere phase de mesures et de 73
(ET : 12) battements par minute a la seconde phase de mesures
(Tableau 1).
3.1. Prevalence de l’HTA et caracteristiques des sujets
hypertendus
Au moment de l’enquete, pres de 22 % [19,2–24,3] des
personnes enquetees avaient un traitement antihypertenseur.
Cette proportion est significativement plus elevee chez les
femmes, 25,7 % [22,7–29,1] que chez les hommes, 15,8 %
[12,6–19,7] ( p < 10�5) et se retrouve dans chaque tranche
d’age. Les hypertendus traites se repartissent de maniere
equivalente selon les trois types de therapie :
� 3
6,7 % recoivent une monotherapie ;� 3
0,3 % une bitherapie ;� 3
0,0 % une tritherapie.La classe medicamenteuse d’antihypertenseurs la plus
utilisee est celle des diuretiques qui est prescrite chez
52,6 % des patients hypertendus. Les inhibiteurs calciques
viennent en deuxieme position (44,7 % des prescriptions),
suivis des antagonistes des recepteurs a l’angiotensine II
(32,3 %), des betabloquants (31,6 %) et des inhibiteurs de
l’enzyme de conversion (18,1 %). La prescription des
antihypertenseurs vasodilatateurs et des antihypertenseurs
centraux reste marginale.
Une pression arterielle superieure aux normes preconisees
est retrouvee chez 7,0 % [5,6–8,9] des personnes ne prenant pas
de traitement antihypertenseur (Tableau 2).
Au total, la prevalence de l’HTA est donc de 29 % [25,
9–31,8], sans difference significative selon le sexe (26 % chez
les hommes et 30 % chez les femmes). Cette prevalence differe
significativement selon l’age et augmente jusqu’a atteindre
65 % chez les enquetes ages de 65 ans et plus (Fig. 1). Le test de
tendance montre que le risque d’etre hypertendu est 11 fois plus
eleve dans la classe d’age 55 a 64 ans et 25 fois plus eleve dans
la classe d’age 65 ans et plus que chez les personnes agees de 16
a 44 ans ( p < 10�6).
On observe egalement une variation de la prevalence de
l’HTA en fonction du niveau socioeconomique (Fig. 2). Plus le
niveau socioeconomique est bas, plus la prevalence de l’HTA
augmente. Le test de tendance montre que le risque d’etre
Tableau 3
Prevalence de l’hypertension arterielle (HTA) dans la population martiniquaise
selon le sexe et l’existence d’un traitement (donnees redressees).
Hommes (%) Femmes (%) Ensemble (%)
Hypertendus traites 11 21 16
Hypertendus non traites 9 4 7
Total hypertendus 20 25 23
Fig. 1. Proportion d’hypertendus selon la tranche d’age et le traitement.
Fig. 2. Proportion d’hypertendus selon le niveau socioeconomique.
Tableau 2
Repartition des enquetes selon le sexe et le statut tensionnel.
Hommes Femmes Ensemble
Normotendus 73,8% [69,1–78,0] 69,5% [65,9–72,9] 71,3% [68,2–74,2]
Hypertendus non traites 10,4% [7,6–14,0] 4,8% [3,4–6,6] 7,0% [5,6–8,9]
Hypertendus traites 15,8% [12,6–19,7] 25,7% [22,7–29,1] 21,7% [19,2–24,3]
S. Merle et al. / Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique 57 (2009) 17–2320
hypertendu est pres de trois fois plus eleve chez les personnes
ayant le niveau le plus bas comparativement a celles ayant le
niveau le plus eleve ; p < 10�6.
3.2. Extrapolation des resultats a la population de la
Martinique
La comparaison de l’echantillon des repondants avec la
population generale de Martinique montre qu’il existe une
surrepresentation des femmes et une sous-representation de la
tranche d’age 20 a 39 ans. En effet, les hommes et les personnes
les plus jeunes acceptent moins souvent de participer a ce
type d’enquete, ce qui necessite d’effectuer un redressement
des donnees selon le sexe et l’age. Les donnees redressees
(Tableau 3) montrent que, dans la population generale
martiniquaise, la prevalence globale de l’HTA chez les personnes
agees de 16 ans et plus est de 22,5 % (20 % chez les hommes et
25 % chez les femmes). La prevalence de l’HTA traitee est de
16 % (11 % chez les hommes et 21 % chez les femmes).
3.3. Prevalence du surpoids et de l’obesite
Sur l’ensemble de l’echantillon, plus d’une personne sur
deux est en surcharge ponderale (surpoids plus obesite). Cette
surcharge ponderale est plus frequente chez les hypertendus
que chez les normotendus (73 % versus 49 %, p < 0,001) et
plus frequente chez les femmes hypertendues (77,7 %) que chez
les hommes hypertendus (66,5 %), mais de facon non
significative.
La prevalence du surpoids est de 34,7 % [30,2–36,6] dans
l’echantillon. Elle est de 43 % chez les sujets hypertendus et de
31 % chez les normotendus ; p = 10�4.
La prevalence de l’obesite est de 21,4 % [19,1–24,0] dans
l’echantillon. Elle est de 30 % chez les hypertendus contre 18 %
chez les normotendus ; p = 10�5. Chez les hypertendus,
l’obesite est significativement plus frequente chez les femmes
que chez les hommes (36,5 % contre 19,0 % ; p = 10�4).
Les sujets hypertendus se caracterisent, par ailleurs, par une
plus grande frequence d’obesite abdominale, de diabete
declare et de prise d’hypocholesterolemiant. Ces personnes
pratiquent moins souvent une activite physique que les
normotendus (26 % contre 40 %). Le tabagisme est moins
frequent dans cette population a haut risque cardiovasculaire
(Tableau 4).
3.4. Analyse multivariee
L’analyse a porte sur 1359 sujets ayant des donnees
completes, soit 90 % des personnes agees de 16 ans et plus. Les
145 individus exclus ne differaient pas des sujets concernes par
l’analyse.
L’age, l’IMC, le rapport tour de taille/tour de hanches, le
niveau socioeconomique, le fait de declarer etre diabetique et la
non-pratique d’une activite sportive reguliere etaient signifi-
cativement associes a l’HTA (Tableau 4).
Dans l’analyse multivariee, l’age, l’IMC, le rapport tour
de taille/tour de hanches et le diabete declare restent
independamment associes a un risque plus eleve d’HTA
(Tableau 5).
Tableau 4
Caracteristiques des hypertendus et des normotendus.
Variables Hypertendus Normotendus Significativite
Statut ponderal p < 10�5
Poids normal (IMC < 25) 27% [22,7–31,4] 51% [47,5–54,9]
Surpoids (IMC : 25–29,9) 43% [38,1–48,9] 31% [27,3–34]
Obesite (IMC � 30) 30% [25,1–34,9] 18% [15,6–21,2]
Tour de taille p < 10�5
< 88 cm femmes, 102 cm hommes 48% [43,2–53,2] 73% [69,2–76,2]
Obesite abdominale 52% [46,8–56,7] 27% [23,8–30,8]
Rapport tour taille/tour hanche p < 10�5
< Seuil (0,85 femmes ; 0,95 hommes) 47 % [41,4–52,5] 77 % [72,9–80,4]
� Seuil 53% [47,5–58,6] 23% [19,6–27,1]
Diabete declare p < 10�5
Oui 17% [13,7–21,8] 5% [3,6–6,4]
Non 81% [76,7–84,8] 94% [91,9–95,3]
Ne sait pas 2% [0,7–3,4] 1% [0,7–2,8]
Consommation de tabac p = 0,001
Fumeurs (reguliers et occasionnels) 6% [3,8–9,6] 13% [10,7–15,8]
Non-fumeurs 94% [90,4–96,2] 87% [84,2–89,3]
Medicament contre le cholesterol p < 10�5
Oui 17% [13–21] 4% [2,4–5,1]
Non 83% [79–87] 96% [94,9–97,6]
Activite physique p < 10�5
Oui 26% [20,7–31,3] 40% [36,5–43,3]
Non 74% [68,7–79,3] 60% [56,7–63,5]
Tableau 5
Facteurs associes a l’hypertension arterielle (HTA) (analyse multivariee).
OR ajustes IC95 % p
Tranche d’age <0,001
Moins de 45 ans 1,0
De 45 a 64 ans 5,6 [3,8–8,1]
65 ans et plus 17,6 [11,6–26,6]
IMC <10�3
Normal 1,0
Surpoids 2,3 [1,6–3,2]
Obesite 2,8 [1,9–4,1]
Rapport tour de taille/tour de hanches <10�3
< Seuil (0,85 femmes ; 0,95 hommes) 1,0
� Seuil 1,7 [1,3–2,4]
Diabete declare 0,006
Non 1,0
Oui 2,0 [1,2–3,2]
S. Merle et al. / Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique 57 (2009) 17–23 21
4. Discussion
Dans cette enquete, la prevalence de l’HTA a ete calculee en
considerant comme hypertendues les personnes traitees ainsi
que celles presentant une pression systolique superieure a
140 mmHg et/ou une pression diastolique superieure a
90 mmHg lors des deux phases de l’enquete. Le fait de ne
pas avoir pu realiser la seconde phase de mesures chez 8 % des
sujets a tendance a sous-estimer la prevalence de l’HTA. Afin
de corriger ce biais, nous avons estime le nombre de personnes
classees a tort comme normotendues parmi celles n’ayant eu
qu’une seule phase de mesures. Sachant que parmi les
86 personnes n’ayant beneficie que d’une seule serie de
mesures, 29 % sont traitees, l’analyse porte donc sur
61 personnes. La proportion de sujets finalement classes
comme hypertendus chez les personnes non traitees, ayant
beneficie des deux series de mesures et qui avaient des valeurs
elevees de pression arterielle a la premiere phase est de 9,8 %.
En appliquant cette proportion aux 61 personnes etudiees, on
peut donc estimer que six d’entre elles auraient du etre
considerees comme hypertendues. Cette correction entraıne
une majoration de la prevalence de l’HTA de 0,5 %.
L’enquete ESCAL met en evidence une prevalence elevee de
l’HTA dans la population generale martiniquaise (22,5 % en
donnees redressees) comparable a celle mesuree dans la
population generale adulte en Guadeloupe (23 %) [3,4].
Cependant, dans ces etudes, la mesure de la pression arterielle
n’a ete realisee qu’a une seule occasion. Par comparaison, les
etudes comme ESCAL qui reposent sur deux series de mesures,
ont tendance a minorer la prevalence de l’HTA.
Ce resultat confirme l’importance donnee a cette pathologie
en termes de sante publique depuis la premiere conference
Regionale de sante de 1996. En Martinique, l’HTA est
identifiee comme un des axes prioritaires sur lesquels des
actions de prevention doivent etre menees.
Si la situation en Martinique est tres proche de celle de la
Guadeloupe ou d’autres ıles de la Caraıbe, on constate qu’il est
difficile de comparer avec la France metropolitaine ou il n’y a
pas eu d’etude equivalente en population generale ayant permis
d’evaluer la prevalence de l’HTA a partir d’une methode de
mesure standardisee. Les donnees disponibles proviennent
principalement d’etudes realisees a partir de la clientele des
S. Merle et al. / Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique 57 (2009) 17–2322
medecins generalistes [7], de population de travailleurs [8] ou
portent uniquement sur la prise d’un traitement antihyperten-
seur [9]. Selon ces differentes sources, la prevalence de l’HTA
varie. Par exemple, en 1994, 41 % des adultes de la clientele des
medecins generalistes etaient hypertendus et 59 % d’entre eux
recevaient un traitement [7]. En 1997, a partir des donnees des
trois registres francais du reseau Monica, la prevalence de
l’HTA etait de 48 % chez les hommes et de 37,4 % chez les
femmes de 35 a 64 ans [10]. En 2001, la prevalence de l’HTA
dans une population de travailleurs etait de 13 % [8]. La plupart
de ces etudes n’ont ete realisees qu’a partir d’une seule phase de
mesures a l’exception de celle de Lang et al. [8]. Si on ne prend
en compte que les personnes recevant un traitement, on estime,
en 2004, que 24 % de la population francaise de 35 ans et plus
est traitee pour HTA [9]. La meme proportion est retrouvee
dans ESCAL pour cette tranche d’age, puisque 24,2 % des
personnes agees de 35 ans et plus prennent un traitement
antihypertenseur (donnees redressees).
En comparant les etudes realisees selon la meme methode en
Martinique et en France metropolitaine aupres d’un echantillon
de travailleurs, on constate des differences. En effet, l’etude
INHAPAG [1] montre des prevalences de l’HTA plus elevees
que l’etude IHPAF [8] : 19,5 % en Martinique contre 16,2 % en
France metropolitaine chez les hommes et 18,9 % contre 9,4 %
chez les femmes. Cette difference s’explique en partie par
l’influence des facteurs genetiques dans cette pathologie,
puisque de nombreuses etudes rapportent une prevalence de
l’HTA plus elevee dans les populations noires americaines et
caribeennes [11–13]. En 1999 et 2000, aux Etats-Unis, la
prevalence de l’HTA est de 33,5 % dans la population noire de
18 ans et plus contre 28,9 % dans la population blanche [11].
Cette etude, realisee a partir d’une seule phase de mesures,
montre aussi que l’augmentation de l’age, un IMC eleve et le
fait d’etre de race noire sont independamment associes au
risque d’etre hypertendu. En Angleterre, ou vivent de
nombreuses personnes originaires de la Caraıbe anglophone,
une etude a egalement confirme que les Afrocaribeens sont plus
souvent hypertendus que les Caucasiens [13]. Apres ajustement
sur l’age, l’IMC, le tabagisme et la quantite d’alcool bue par
semaine, le risque d’etre hypertendu est multiplie par 1,56
[1,14–2,13] chez les hommes et par 2,4 [1,51–3,81] chez les
femmes d’origine afrocaribeenne comparativement a la
population de race blanche.
Il faut noter que les etudes menees en France retrouvent
en general une prevalence plus elevee de l’HTA chez les
hommes que chez les femmes. Dans ESCAL, le contraire est
observe et il semble que cette constatation soit a mettre sur le
compte de l’obesite particulierement frequente chez les
femmes martiniquaises. Dans l’etude americaine de Hajjar
egalement, les femmes sont plus souvent hypertendues que
les hommes (30,1 % contre 27,1 %), cette difference
persistant selon l’origine raciale, puisque la prevalence de
l’HTA est de 30,9 % chez les hommes noirs de 18 ans et plus
contre 27,7 % chez les blancs et de 35,8 % chez les femmes
noires contre 30,2 % chez les femmes de race blanche [11].
Contrairement a l’IMC, le sexe ne reste pas associe a l’HTA
en analyse multivariee, ce qui confirme le role important du
mode de vie (alimentation, activite physique) dans le fait
d’etre hypertendu ou non.
Les facteurs de risque classiquement associes a l’HTA ont
ete retrouves dans l’enquete ESCAL : age, exces de poids, tour
de taille eleve, diabete. Une etude cas-temoins realisee en
Guadeloupe confirme egalement un risque plus eleve d’HTA
chez les sujets obeses (OR ajuste = 2,41 ; p < 0,001) et ayant
une glycemie elevee (OR ajuste = 1,67 ; p < 0,002) [14]. Par
ailleurs, l’interet de mesurer le tour de taille des patients est
desormais bien demontre et cet indicateur, qui reflete le degre
d’obesite abdominale, est un marqueur simple des facteurs de
risque cardiovasculaires [15].
L’association entre l’absence de pratique d’une activite
physique et l’existence d’une HTA, observee en analyse
univariee, n’est pas retrouvee en analyse multivariee, proba-
blement parceque cette variable est aussi liee au degre
d’obesite. De meme, le lien entre niveau socioeconomique
bas et prevalence de l’HTA disparaıt en analyse multivariee, car
il traduit en fait une plus grande prevalence de l’obesite et du
surpoids chez les personnes de bas niveau socioeconomique. Le
meme constat est fait dans l’etude PHAPPG [16], menee aupres
d’une population precaire guadeloupeenne agee de 18 a 69 ans,
qui a retrouve 25 % d’hypertendus chez les hommes et 22 %
chez les femmes. Elle met l’accent sur le surpoids et l’obesite
comme facteur de risque associe a l’HTA et conclut que la forte
prevalence de l’HTA chez la femme antillaise est surtout liee a
une frequence elevee de l’obesite et du surpoids.
5. Conclusion
ESCAL, premiere enquete en population generale sur la
prevalence de l’HTA en Martinique, confirme que l’HTA est
bien une maladie a forte prevalence dans ce territoire et que la
decision de la prendre en compte dans les priorites de sante etait
justifiee. Cependant, il s’agit d’une etude transversale qui ne
permet pas d’etablir un lien de causalite entre l’HTA et les
facteurs de risque identifies. Malgre ses limites, cette enquete a
fourni de nombreuses donnees non disponibles jusque-la et sert
donc de reference pour la politique de sante publique en
Martinique.
La particularite de l’HTA en Martinique comme en
Guadeloupe, est une prevalence plus elevee chez les femmes
antillaises que chez celles de France metropolitaine, en rapport
avec une obesite plus frequente. Cependant, les femmes
semblent beneficier d’une meilleure prise en charge. Ces
differences liees au sexe, presentes egalement dans l’etude
INHAPAG, suggerent que les hommes martiniquais, proba-
blement moins conscients de leur statut hypertensif, se traitent
moins que les femmes. Ces constatations soulignent l’impor-
tance d’inciter la population masculine a consulter plus souvent
un medecin et ainsi d’ameliorer le diagnostic et la prise en
charge de l’hypertension chez les hommes.
Enfin, compte tenu de la forte incidence des accidents
vasculaires cerebraux en Martinique [6] et de la frequence de
l’HTA chez ces patients, il est necessaire de depister et traiter
efficacement leur HTA, afin de prevenir la survenue d’un
accident vasculaire cerebral et ses complications sequellaires.
S. Merle et al. / Revue d’Epidemiologie et de Sante Publique 57 (2009) 17–23 23
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