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SIMONEELKELES

IrrésistibleAttraction

LaMartinièreJ

ÀKarenHarris,incroyableamie,auteure,mentor,critiqueettantd’autreschoses.

J’auraisétéperduesanstesconseilsettonamitiécesseptdernièresannées.

Millemercisd’avoirpartagécevoyageavecmoi.

Carlos

J’aimerais vivre ma vie comme je l’entends, mais je suis mexicain, et mi familia esttoujourslapourmeguider,quoiquejefasse,queçameplaiseounon.En in,«guider»,c’estriendeledire.«Dictermaconduite»plutôt.

Mi’amánem’apasdemandésij’avaisenviedequitterleMexiqueetd’allervivreavecmonfrereAlexauColoradopouryfairematerminale.ElleadecidedemerenvoyerenAmerique«pourmonbien»,selonsaformule.Commelerestedemifamilial’asoutenue,l’affaireetaitréglée.

Croient-ilsvraimentquedem’expedierauxUSm’eviterade inirsixpiedssousterreouderriere lesbarreaux?Depuisque jemesuis faitvirerde laraf ineriedesucre, ilyadeuxmois,j’aivéculavidaloca.Iln’yapasderaisonqueçachange.

Jejetteuncoupd’œilparlehublot.L’avionsurvoledespicsenneiges.LesRocheuses.Jesuisloind’Atencingo,çac’estsur…etjenesuispasnonplusdanslabanlieuedeChicago,ouj’aigrandi, jusqu’a cequeMi’amanousoblige aplierbagagespourdemenagerauMexique.J’étaisensecondeàl’époque.

Apeinel’avionpose,lesautrespassagerssebousculentpoursortir.Jepatienteunpeu,letempsdemefairealasituation.Çafaitpresquedeuxansquejen’aipasvumonfrere.Putain,jenesuismêmepassûrd’avoirenviedelerevoir!

L’avions’estpresquevide.Jenepeuxplusmedebiner.J’attrapemonsacadosetjesuisles leches indiquant la livraisondes bagages.Aumomentde sortir du terminal, j’aperçoismonfrangin,Alex,quim’attendderrierelabarriere.Jepensaisnepaslereconnaıtreouavoirl’impression d’etre face a un etranger, mais pas d’erreur possible. Son visage m’est aussifamilierquelemien.J’eprouveunecertainesatisfactionenconstatantquejesuisplusgrandqueluimaintenant,sachantquejen’aiplusrienavoiraveclegaminmaigrichonqu’ilalaissederrièrelui.

—YaestásenColorado,medit-ilenmeserrantdanssesbras.

Quandilmelibere,jeremarquedescicatricesapeinevisiblesau-dessusdesessourcils,presdesesoreilles,quin’etaientpaslaladernierefoisqu’ons’estvus.Ilfaitplusvieux,maisiln’aplusceregardde iantqu’iltrimbalaitpartoutavecluicommeunbouclier.Cebouclier,jecroisquej’enaihérité.

—Gracias,jeluirépondssansenthousiasme.

Ilsaitquejesuislacontremongre.L’oncleJulionem’apaslached’unesemelletantquejen’étaispasmontédansl’avion.Ilamenacéderesteràl’aéroportjusqu’àcequ’ildécolle.

—Tusaisencoreparleranglais?medemandeAlexalorsquenousnousdirigeonsverslestapisroulants.

Jelèvelesyeuxauciel.

—Onn’ahabiteauMexiquequedeuxans,Alex.Mi’ama,Luisetmoi,jedevraispreciser.Ettunousaslaisséstomber.

—Jenevousaipaslaissestomber.Jevaisal’universitepourpouvoirfairequelquechosedeproductifdemavie,tudevraisessayerunjour.

—Non,merci.Monexistenceimproductivemeconvienttrèsbien.

Dèsquej’airécupérémonsac,jesuismonfrèreverslasortie.

—Pourquoituportescetrucautourducou?medemande-t-il.

—C’estunchapelet, je luirepondsentripotant lacroixenperlesnoiresetblanches. Jesuisdevenudévotdepuisladernièrefoisqu’ons’estvus.

—Devot,moncul!C’estlesymboled’ungang,jelesais.Ils’approched’uneBMargenteedecapotable. Alex n’aurait jamais pu s’offrir une bagnole pareille. Il a du l’emprunter a sacopine,Brittany.

—Etalors?

AChicago,Alexfaisaitpartied’ungang.Monpapaaussi,avantlui.Quemonfreresoitpreta l’admettre ou pas, etre un voyou s’inscrit dans mon heritage. J’ai essaye de vivre enrespectantlesregles.Jenemesuisjamaisplaintquandjegagnaismoinsdecinquantepesosen travaillant comme un chien apres l’ecole. Quand onm’a foutu a la porte, j’ai rejoint lesGuerreros del barrio, et la je me faisais plus de mille pesos par jour. C’etait peut-etre del’argentsale,maisonavaitdequoimangeraumoins.

—Tun’asdoncrienapprisdeteserreurs?demandeAlex.Etmerde!QuandiletaitdansleLatinoBloodàChicago,jelevénérais!

—Tun’aspasenviedeconnaıtrelareponse.Secouantlatete,frustre,ilmeprendmonsacdesmainsetlejettesurlabanquettearriere.Qu’est-cequeçachangequ’ilsoitsortidesrangsduLatinoBlood?Sestatouages,illesgarderajusqu’ala indesesjours.Qu’illeveuilleounon,ilseratoujoursassociéauLBmêmes’ilnejouepasunrôleactifauseindugang.

Je l’observeun longmoment. Il a change, çac’est sur. Je l’ai senti a la secondeoumon

regards’estposesurlui.Ilressemblepeut-etreaAlexFuentes,maisjevoisbienqu’ilaperdusonespritcombatif.Maintenantqu’ilestalafac,ilcroitpouvoirrespecterlaloietcontribueraunmondemeilleur.Commenta-t-ilpuoublierqu’iln’yapassilongtempsencore,onvivaitdans labanlieue lapluspourriedeChicago ?Onaurabeau s’echiner, unbidonville resteratoujoursunbidonville.

—¿Ymamá?demandeAlex.

—Ellevabien.

—Luis?

—Bienaussi.Notrepetit frereestpresqueaussi futequetoi,Alex.Ils’imaginequ’ilvadevenirastronaute,commeJoséHernández.

Alexhochelatete.Ondiraitunpapatout ier,etjemerendscomptequ’ilpensevraimentqueLuisrealiserasonreve. Ilsdelirent tous lesdeux…Mes franginssontdesreveurs.Alexs’imaginequ’ilvasauver lemondeen inventantdesmedicaments,etLuisqu’ilquitteraunjourcetteplanètepourallerenexplorerd’autres.

Alorsqu’ons’engagesurl’autoroute,unmurdemontagnessedressesousmesyeux,auloin.ÇamerappelleunpeulesreliefsaccidentésduMexique.

—C’est leFrontRange,m’expliqueAlex.L’universite estaupieddecesmontagnes. (Ilpointe ledoigtvers lagauche.)Ça,cesont lesFlatirons.Lesrochessontplatescommedesplanchesarepasser.Jet’yemmeneraiunjour.Britetmoi,onvasebaladerla-basquandonenamarreducampus.

Ilmejetteuncoupd’œilenbiais.Jesuisentraindelematercommes’ilavaitdeuxtêtes.

—Qu’est-cequ’ilya?

Ilplaisanteouquoi?¿Meestátomandolospelos?

—Jemedemandejustequituesetcequetuasfaitdemonfrangin.Alexetaitunrebelle,et toi tumecausesdemontagnes,deplanches a repasseretdepromenadesavec tapetiteamie.

—Tupréféreraisquejeteparledesesaoulerlagueuleetdefumerdeladope?

—Etcomment!jeriposte,feignantl’enthousiasme.Ensuitetum’expliquerasoujepeuxfairetoutça.Jesensquejenevaispastenirlecouplongtempssansm’injecterunesubstanceillégalequelconquedansl’organisme.

Jemens.Mi’amaluiasurementditqu’ellemesoupçonnaitdemedroguer.Autantjouerle

jeu.

—Biensûr…Gardetesconneriespourmamá,Carlos.Jen’ycroispasplusquetoi.

Jeposelespiedssurletableaudebord.

—Tunesaispasdequoituparles.Alexdélogebrutalementmespieds.

—Tupeuxéviter,s’ilteplaît?C’estlavoituredeBrittany.

—Tuesatteintgrave,mec!Quandvas-tutedecideralarguercettegringapourmenerunevied’étudiantnormaleentetapantuntasdegonzesses?

—Brittanyetmoi,onestfidèles.

—Pourquoi?

—C’estcequ’onappelleunerelation.

—Unepanocha,tuveuxdire!Cen’estpasnormaldefrequenteruneseule ille,Alex.Moi,jesuislibreetj’aibienl’intentiondeleresteràjamais.

—Queleschosessoientclairesentrenous,monsieurLibre.Jet’interdisformellementdesauterquiquecesoitchezmoi.

C’estpeut-etremonfrereaıne,maisnotrepereestmortetenterredepuislongtemps.Jen’airienafairedesesreglementsalacon.Jen’enaipasbesoin.Ilesttempsquej’enetablissequelques-unsdemoncru.

—Justepourqueleschosessoientclairesentrenous,j’ail’intentiondefaireexactementcequejeveuxtantquejesuisici.

— Rends-nous service a tous les deux. Ecoute-moi un peu. Tu apprendras peut-etrequelquechose.

Je ricane. Ben voyons ! Qu’est-ce qu’il pourrait bien m’apprendre ? A remplir desdemandesd’inscriptionalafac?Afairedesexperiencesenchimiethermique?Jesuisbiendéterminéàcouperàl’unetàl’autre.

On continue a rouler en silence pendant quarante-cinq minutes, les montagnes serapprochant a chaque kilometre. A la in, nous traversons le campus de l’universite duColorado,aBoulder.Desbatimentsenbriquerougejaillissentdupaysage.Desetudiantsavecleurs sacs adosgrouillentpartout.Alexs’imagine-t-il vraimentqu’il vapouvoir inverser latendanceetsedegoterunjobbienpayepours’eviterd’etrepauvrelerestantdesesjours?Ilpeuttoujourscourir!Dèsqu’onverrasestatouages,onlefoutraàlaporte.

—Jedoisetreauboulotdansuneheure,maisjevaist’aiderat’installerd’abord,dit-ilen

serangeantdansuneplacedeparking.

Je sais qu’il travaille dans un garage pour essayer de rembourser la tonne d’empruntsscolairesetdedettesqu’ils’estmisesurledos.

—C’estlà,ajoute-t-ilendésignantl’immeubleenfacedenous.Tucasa.

Cettebatisseronde,hideuse,pareilleaunepidemaısgeantdehuitetages,estloindemefairel’effetd’unemaison,maispassons.Jerecuperemonsacdanslecoffreetjesuismonfrereàl’intérieur.

—J’esperequ’onestdanslequartierpauvre,Alex,parcequelaproximitedesgensfriquesmefiledesboutons.

—Jenevispasdansleluxe,sic’estcequetuveuxdire.Cesontdeslogementsd’étudiants.

Onmonteauquatrieme.Çaempestelapizzarassiedanslecouloir;ilyadestachessurlamoquette.Oncroisedeux illessupersexyentenuede jogging.Alex leursourit.Avoir leurexpressionreveuse,jeneseraispasetonnequ’ellessemettentagenouxetbaisentlesolsurlequelilmarche.

«Mandi,Jessica,jevousprésentemonfrèreCarlos.

—Bonjour,Carlos…

Jessicam’examinedelatêteauxpieds.J’aidécrochélegroslotdupremiercoup,jelesens.

—Pourquoitunousaspasditqu’ilétaitcanon?

—Ilestencoreaulycée,répondAlexd’untondemiseengarde.

Ilseprendpourquoi,là?Legardiendemaqueue!

—Enterminale,jebafouilledansl’espoirqueçaattenueraleurdeceptiondenepasetreenprésenced’unétudiant.

—Onferaunefêtepourtonanniversaire,lanceMandi.

—Super!Vousvoulezbienêtremescadeaux?

—SiAlexn’ariencontre.

Alexseremetenmarcheensepassantlamaindanslescheveux.

—Jevaisavoirdesennuissijepoursuiscetteconversation.

Les illes eclatentderire.Puiselless’elancentaupetit trotdans lecouloir,nonsansseretourneretagiterlamainpourdireaurevoir.

On entre dans l’appartement. Alex ne vit pas dans le luxe, ça c’est sur. Un grand litrecouvert d’unemince couverture en laine polaire noire, contre unmur, une table, quatrechaises,etpresdelaported’entree,unecuisinetellementminusculequ’onauraitdumalas’yteniràdeux.C’estunstudio.Unpetitstudio.

Alexpointel’indexversuneportevoisinedulit.

—Lasalledebains.Tun’asqu’àmettretesaffairesdansleplacardenfacedelacuisine.

J’yfourremonsacavantdem’aventurerdanslapièce.

—Euh,Alex…oùest-cequejesuiscensédormir?

—J’aiempruntéunlitgonflableàMandi.

—Estábuena–elleestmignonne.

J’examine les lieux avecunpeuplusd’attention.AChicago, je partageais une chambrebienpluspetitequeçaavecmesdeuxfrères.

—Oùestlatélé?

—Jen’enaipas.

Merde.C’estpascool!

—Qu’est-cequejesuiscenséfaire,putain,quandjem’ennuie?

—Bouquiner.

—Estáschiflado,tuesfou.Jenelisjamais.

—A partir de demain, ça va changer,me repond-il en ouvrant la fenetre pour laisserentrerunpeud’airfrais.J’aifaittransferertondossierdescolarite.TuesattenduaulyceedeFlatirondemain.

L’ecole?Ilmeparled’ecole?Putain,c’estbienladernierechosealaquelleunmecdedix-septansaenviedepenser.J’esperaisqu’ilm’accorderaitaumoinsunesemaine,letempsquejem’adapteàlavieauxUSA.Quejeprennemesrepères.

—Ouest-cequetuplanquestonherbe?J’ajoute,sachantpertinemmentquejepousselebouchonunpeutroploin.Tuferaismieuxdemelediremaintenantpourm’eviterd’avoira

fouillertoutl’appartpourlatrouver.

—Jen’enaipas.

—D’accord.C’estquitondealer?

—Tun’aspascompris,Carlos.Jenedonneplusdanscettemerde.

—Tum’asditquetutravaillais.Tugagnesdel’argent,non?

—Oui.Pourmenourrir,alleràlafac.J’envoiecequiresteàmamá.

Pendant que je digere cette info, la porte de l’appartement s’ouvre. Je reconnaisimmediatementlacopinedemonfrere.Ellealesclesdel’appartementdansunemain,sonsacamainetungrossacenpapierbrundansl’autre.OndiraitunepoupeeBarbievivante.Alexrecuperelesprovisionsavantd’embrassersacopine.Ilspourraientaussibienetremariescesdeux-là.

—Carlos,tutesouviensdeBrittany.

Ellemeserreaveceffusioncontresapoitrine.

—Carlos,çafaittellementplaisirquetusoislà!S’exclame-t-elled’untonenjoué.

J’avais presque oublie qu’elle etait pom-pom girl au lycee, mais des qu’elle ouvre labouche,jem’ensouviens.

—Plaisiràqui?Jedemandeavecraideur.Elles’écartedemoi.

—Àtoi.ÀAlex.Safamilleluimanque.J’ensuisconvaincu.

Elleseraclelagorge,unpeumalàl’aise.

—Euh…bon,jevousaiapportéduchinoispourledéjeuner.J’espèrequevousavezfaim.

—Onestmexicains,dis-je.Pourquoitun’aspasprisdumexicain?

Sessourcilsparfaitementdessinéssefroncent.

—Tuplaisantes,c’estça?

Pasvraiment.

Ellesetourneverslacuisine.

—Tuveuxmedonneruncoupdemain,Alex?

Alexrevientavecdesassiettesenpapieretdescouvertsenplastique.

—C’estquoitonproblème,Carlos?Jehausselesépaules.

—Yapasdeprobleme.Jedemandaisjusteatacopinepourquoiellen’avaitpasprisdelabouffemexicaine.C’estellequiaprislamouche.

—Soispolietdismerciaulieudelamettremalàl’aise.

Monfranginachoisisoncamp,c’estclair. Jadis, ilpretendaitqu’ils’etaitenroledansleLatinoBloodpourprotégernotrefamille,demanièrequeLuisetmoinesoyonspasobligésdefairepareil.Jemerendscomptemaintenantqu’iln’enaplusrienàfairedelafamille.

Brittanylèvelesdeuxmains.

—Jerefusequevousvousdisputiezacausedemoi.(Elleremontelabandoulieredesonsacsursonépauleensoupirant.)Jeferaismieuxd’yalleretdevouslaisservousretrouver.

—Net’envaspas,imploreAlex.

Diosmío,j’aibienl’impressionquequelquepartentreleMexiqueetici,monfrèreaperdusescojones.ÀmoinsqueBrittanynelesaitembarquéesdanssonjolisac.

—Laisse-lapartir,Alex,sic’estcequ’elleveut.

Ilesttempsdecouperlalaissequ’elleluiapasséeautourducou.

—Pasde souci, dit-elle avant d’embrassermon frere. Bon appetit.On se voit demain.Ciao,Carlos.

—Ouais,ouais.

Desqu’elleestpartie,jem’emparedusacenpapierrestesurlecomptoirdelacuisineetje le depose sur la table. Je dechiffre les etiquettes sur chaque barquette. « Poulet chowmein»…«bœufchowfun»…«mixpu-pu».

—Mixpu-pu?

—C’estunassortimentd’entrées,m’expliqueAlex.

Pasquestionquejetoucheauntrucquis’appellepu-pu.Çam’agacequemonfreresachememecequec’est.Apresavoirmiscettebarquettedecote,jemesersunepleineassiettedeplatschinoisidentifiables,àlaquellejem’attaqueaussitôt.

—Tunemangespas,Alex?

Ilmeregardecommes’ilnem’avaitjamaisvudesavie.

—¿Quépasa?

—Brittanyn’estpasprèsdes’enaller,tusais.

—Toutleproblèmeestlà.Tunevoispas?

—Non.Cequejevois,c’estmonfrerededix-septpigessecomportantcommeungossedecinqans.Ilesttempsdegrandir,mocoso.

—Pourdevenirchiantamourircommetoi?Non,merci!Alexattrapesontrousseaudeclés.

—Tuvasoù?

—Presentermesexcusesamapetiteamie.Ensuite,jevaistravailler.Faiscommecheztoi,ajoute-t-ilenmelançantuneclédel’appartement.Ettâchedenepasfairedeconneries.

—PuisquetuvascauseravecBrittany,jerepondsenmordantdansunrouleauimperial,situluidemandaisdeterendreteshuevos?

Kiara

—Jen’arrivepasacroirequ’ilt’aitlargueepartexto,s’exclameTuck,monmeilleurami,qui est assis amonbureau dansma chambre et relit les trois phrases sur l’ecran demonportable.Çamarchepas.Dez.Mehaipas.(Ilmejettemontelephone.)Ilauraitaumoinspul’écrireentouteslettres.Mehaipas.Ilplaisanteouquoi?Évidemmentquetuvaslehaïr.

Jem’allongesurmonlitet ixeleplafondenrepensantaupremierbaiserqueMichaeletmoiavonséchangé.C’étaitàunconcertenpleinairàNiwot,derrièrelemarchanddeglace.

—Jel’aimaisbien.

—Ehbien,pasmoi.Commentas-tupufairecon ianceauntyperencontredanslasalled’attentedetonpsy?

Jememetssurleventreenmeredressantsurlescoudes.

—C’etaitmonorthophoniste,pasmonpsy.EtMichaeletaitjustevenudeposersonpetitfrère.

Tuck prend toujours mes copains en grippe. Il sort de mon tiroir un carnet dont lacouvertures’ornedetêtesdemortrosesetagitesonindexdansmadirection.

—Ilnefautjamaisse ierauntypequiteditqu’ilt’aimeausecondrendez-vous.Çam’estarrivéunefois.C’étaitn’importequoi!

—Pourquoitudisça?Tunecroispasaucoupdefoudre?

—Non. Jecroisaudesiraupremierregard.A la forced’attraction.Maispas a l’amour.Michaelt’ajusteditqu’ilt’aimaitpourpouvoirtesauter.

—Commenttusaisça?

—Jesuisunmec.Voilacomment.(Ilfroncelessourcils.)Dis-moiquetul’aspasfaitaveclui?

—Non.(Jesecoueenergiquementlatetepourdonnerplusdepoidsamareponse.)Ons’estpelotes,maisjen’avaispasenvied’allerplusloin.Jenesaispas…Jenemesentaispasprête.

Jen’aipasvuMichaelniparleavecluidepuisquelescoursontrepris,ilyaquinzejours.On a bien echange quelques textos,mais il disait toujours qu’il etait super occupe et qu’il

m’appelleraitdesqu’ilauraituneminute. Ilesten terminaleau lyceedeLongmont, avingtminutesde route, alorsquemoi jevais a l’ecole aBoulder. J’aipensequ’il avaitdes tasdedevoirsafaire,maisjesaismaintenantquecen’etaitpaslaraisondesonsilence.Enfait,ilvoulaitrompre.

Àcaused’uneautrefille?

Parcequejenesuispasassezjolie?

Parcequejerefusaisdecoucheraveclui?

Aumoins,çanepeutpasetreparcequejebegaie.J’aitravaillemonelocutiontoutl’eteetjen’aipasbafouilleuneseulefoisdepuislemoisdejuin.Semaineapressemaine,jesuisalleechez l’orthophoniste, jem’exerce tous les jours devant la glace et jemaıtrise parfaitementchaquemotquisortdemabouche.Avant,jemefaisaisdumauvaissangchaquefoisquejeprenaislaparole,m’attendantal’inevitablereactionperplexedesgens,jusqu’alarevelation.«Oh, je comprends, elle a un probleme ! » Puis venait le regard compatissant, suivi d’unehypothese:«Elledoitetreattardee.»Pourcertainesdemescamaradesd’ecole,montroubledelaparoleétaitunesourced’amusement.Maisjenebégaieplus.

Tucksaitque,cetteannee,jesuisdetermineearevelermoncotesuredemoi–celuiqueje n’ai jamaismanifeste, j’etais timide, introvertie, les deux premieres annees de lycee. Jeredoutais qu’onne semoquedemoi.Desormais, plutot que laKiaraWestford timoree, ilsvontréaliserquejen’aipaspeurdeparlerhautetfort.

Jenem’attendaispasqueMichaelm’envoiepromener.J’esperaisqu’oniraitaubaldelarentréeensemble…

—Arrêtedepenseràlui,ordonneTuck.

—Ilétaitmignon.

—Unfuretaussi,c’estmignon,maisjenesortiraispasavec.Tumeritesmieuxquelui.Tutesous-estimes.

—Nonmaisregarde-moi!Ouvrelesyeux,Tuck.IlyaunsacrefosseentreMadisonStoneetmoi.

—Heureusement!Ellemesortparlestrousdenez.Madisonelevel’adjectif«mechante»a des niveaux sans precedent. En attendant, elle est bonne en tout, et pourrait facilementrevendiquerletitredela illelapluspopulairedubahut.Toutesles illescherchentagagnersonamitiépourfairepartiedelabande«cool»dontelleestleleader.

—Toutlemondel’apprécie.

—Parcequ’ilsontpeurd’elle,maisensecret,ilsladétestent.

Tuckgriffonnequelquesmotsdansmoncarnetavantdemeletendre.

—Tiens,s’exclame-t-ilenmelançantunstylo.

Jeregarde ixementlafeuille.IlaecritREGLESD’ATTRACTIONenhaut,ettraceuneligneàlaverticaleaumilieudelapage.

—C’estquoi?

—Danslacolonnedegauche,tunotestoutcequ’ilyadebiencheztoi.

Ilplaisante!

—Horsdequestion.

— Allez, vas-y ! C’est un exercice de developpement personnel, et unemaniere de terendre compte que les illes commeMadison Stone ne sontmeme pas attirantes. Finis laphrase:Moi,KiaraWestford,jesuisunefillebienparceque…

Jesaisqu’ilnevapasmelacher,alorsj’ecrisquelquechosedestupideavantdeluirendrelecarnet.Illitcequej’aigribouilléetfaitlagrimace.

—Moi,KiaraWestford,jesuisune illebienparcequejesaisjoueraufoot,changerl’huiledemonmoteuretjesuiscapabledegrimperjusqu’a4000metres.Beuh,lesgarçonsn’enontrienàfairedecegenredetrucs!

Ilrécupèrelestylo,s’assoitsurmonlitetentreprendd’écrirefurieusement.

—Jet’expliqueleprocessus.Ilfautmesurertondegred’attractiondanstroisdomainesspécifiquespouravoirunrésultatcomplet.

—Quiaétablicesrègles?

— Moi. Ce sont les regles d’attraction vues par Tuck Reese. On commence par lapersonnalite.Tuesintelligente,drole,sarcastique,enumere-t-ilennotantchaqueadjectifaufuretàmesure.

—Jenesuispassûrequecenesoitquedesqualités.

—Maissi,jet’assure.Attends,jen’aipas ini.Tuesuneamie ideleaussi,tuapprecieslesde isplusquelaplupartdesgarçonsquejeconnais,ettuesunesupersœurpourBrandon.(Quandila inidemarquertoutça,ilrelevelesyeux.)Ladeuxiemerubrique,c’estcelledesaptitudes.Tusaisréparerunmoteur,tuessportive,ettulabouclesquandillefaut.

—Ledernierélémentn’estpasuneaptitude.

—Crois-moi,machoupette,c’enestune.

—Tuasoubliédementionnermasupersaladeauxépinardsetauxnoix.

Jesuisincapabledecuisiner,maiscettesaladefaittoujoursunmalheur.

—C’estvraiquetasaladeestasedamner,reconnaıt-ilenl’ajoutantasaliste.Bon,ultimecritère:l’attraitphysique.

Ilmetoisedelatêteauxpieds.

Jegémisenmedemandantquandcetteséanced’humiliationvas’arrêter.

—J’ail’impressiond’êtreunevachesurunmarchéauxbestiaux.

—Ouais,bon,peuimporte.Tuasunepeauparfaiteetunpetitnezeffronte,commetesnibards.Sijen’étaispashomo,jeseraispeut-êtretentéde…

—Beuh!(D’unetape, j’ecartesamaindelafeuille.)Pourrais-tu eviterdeprononceretd’écrirecemot?

Ilsecouelatêtepourécartersescheveuxlongsdesafigure.

—Dequelmottuparles?Nibards?

— Beuh ! Oui, celui-la. Dis plutot seins ou poitrine, s’il te plaıt. L’autre mot…, ça faittellementvulgaire.

Ilricaneenlevantlesyeuxauciel.

— Bon d’accord, poitrine… effrontee. (Il pouffe de rire. Ça l’amuse beaucoupapparemment.)Excuse-moi,Kiara,ondiraitquetuparlesd’untrucquetuvasfairecuireaubarbecueou commander au resto. (Brandissantmon carnetdevant lui commeunmenu, ilréciteavecunfauxaccentbritish:)Jevoudraisdelapoitrineeffrontéegrilléeavecdelasaladedechouxenaccompagnement,s’ilvousplaît.

JeluiexpédieMojo,monénormeoursenpeluchebleu,àlafigure.

—Jenesaispas,moi.Tun’asqu’aappelerçaparties intimes…Passons aautrechose,d’accord?

Mojoarebondisursatêteetatterriparterre.Tuckn’apasbronché.

—Lolos effrontes, jebarre.Poitrine effrontee, jebarre, annonce-t-il en les rayantd’ungeste theatral. A remplacer par parties intimes effrontees, ajoute-t-il, notantconsciencieusement.Delonguesjambes.Delongscils.(Iljetteuncoupd’œilamesmainsetfroncelenez.)Sansvouloirt’offenser,tuauraisbesoind’unemanucure.

—C’esttout?

—Jenesaispas.Tuasuneautreidée?Jesecouelatête.

—Bon,maintenantqu’onaetabliquetuetaisune illefabuleuse,ilfautqu’ondresseunelistecorrespondantau typedegarçonqu’il te faut.Onvanoterçasur lacolonnededroite.Commençonsparlapersonnalité.Tuveuxunmecqui…Àtoideremplirlespointillés.

—Ungarçonsûrdelui.Vraimentsûrdelui.

—Bon,faitTuckenlemarquant.

—Quisoitgentilavecmoi.

—Gentil.C’estnoté.

—J’aimeraisqu’ilsoitintelligent.

—Danslegenreintellooudébrouillard?

—Lesdeux,jedirais.Adirevrai,jenesuispastressure.Ilmetapotesurlatetecommeaunebravepetitefille.

—Bon,passonsauxaptitudes.

Lailposeundoigtsurseslevres,mesigni iantqu’iln’apasbesoindemonconcours.Cequinemedérangepasplusqueça.

—Cettepartie-la,jevaisl’ecrirepourtoi.Tuveuxuntypequialesmemesaptitudesquetoi,etd’autresenplus.Quelqu’unquiaimelesport,capabled’apprecierl’interetquetuportesàtavieillebagnolequetupassestontempsàretaper…

—Merde!(Jemeleved’unbond.)J’aifaillioublier.Jedoisallerenvillechercherquelquechoseaugarage.

—Jet’ensupplie,nemedispasquec’estunepelucheàsuspendreàtonrétroviseur.

—Tun’yespasdutout.C’estuneradio.Vintage.

— Genial ! Une vieille radio pour aller avec ton tas de ferraille ! raille Tuck enapplaudissantd’unairfaussementexcité.

Jelèvelesyeuxauciel.

—Tuviensavecmoi?

—Non,merci.

Ilfermelecarnetetlerangedansmontiroir.

—Jen’aipaslamoindreenviedet’écouterparlerbagnoleavecdesgensqueçaintéresse.

Apresl’avoirdeposechezlui,ilmefautunquartd’heurepourarriverchezMcConnell,legaragiste.J’entredansl’atelieravecmavoitureetjetrouveAlex,l’undesmecaniciens,penchesurlemoteurd’uneVolkswagen.Ilaeteelevedemonpere.L’anneederniere,aucoursd’uneséancederattrapage,papaadécouvertqu’ils’yconnaissaitenvoituresanciennes.Illuiaparléde la Monte Carlo 1972 que j’etais en train de remettre en etat, et depuis, Alex m’aide adénicherlespiècesmanquantes.

—Salut,Kiara.

Alexattrapeunchiffonpours’essuyerlesmainsetmedemanded’attendreletempsqu’ilaillecherchermaradio.

—Etvoilà!lance-t-ilenouvrantlecarton.

Il sort la radio du carton et la libere de son emballage a bulles. Des ils jaillissent del’arriere, pareils a des jambes greles, mais elle est en parfait etat. J’ai peut-etre tort dem’excitercommeçapouruneradio,maisletableaudebordneseraitpascompletsans.Celled’originen’ajamaismarche,lafaçadeenplastiqueetaitfendue.AlexacherchesurleNetpourmetrouverunsubstitutauthentique.

—Jen’aipaseuletempsdelatester,medit-ilentiraillantsurchaque ilpours’assurerquelesconnexionssontsolides.J’aiduallercherchermonfrereal’aeroport.Ducoup,jen’aipaspuarriverdebonneheure.

—IlestvenuduMexiqueterendreunepetitevisite?

—Cen’estpasjusteunevisite.IlattaqueensecondeaFlatirondesdemain,m’expliqueAlextoutenremplissantunefacture.C’estlàquetuvasaulycée,non?

Jehochelatête.

Ilrangelaradiodanssoncoffret.

—Tuasbesoind’aidepourl’installer?

J’avaispensepouvoirmedebrouillertouteseule,maismaintenantquej’aivularadiodeprès,jen’ensuisplussisûre.

—Peut-être.Ladernièrefoisquej’aisoudédesfils,jelesaibousillés.

—Danscecas,nereglepastoutdesuitelanote.Passedemainsituasletempsapreslescours.Jetel’installerai.Jepourraivérifierqu’ellemarchecommeça.

—Merci,Alex.C’estvraimentgentildetapart.Illevelesyeuxettapotelecomptoiravecsonstylo.

—Çavateparaıtreunpeulocomais…tucroisquetupourraistechargerdefairevisiterl’écoleàmonfrère?Ilneconnaîtpersonne.

—Onasuiviunprogrammed’aideal’integrationaubahut,luidis-je,toutecontentedepouvoirmerendreutile.Onpourraitseretrouverdemainmatindanslebureauduprincipalsituveux.Jesigneraileformulairepourêtresonguide.

L’ancienneKiara,troptimide,n’auraitjamaisproposésonaide.Maispaslanouvelle.

—Jedoist’avertir…

—Quoi?

—Monfrèren’estpastoujoursfacileàgérer.

Jesourisjusqu’auxoreilles,parceque,commeTuckl’asouligné…j’adorelesdéfis.

Carlos

—Jen’aipasbesoinqu’onmeguide.

CesontlespremiersmotsquisortentdemabouchequandmonsieurHouse,leproviseurdulycéeFlatiron,meprésenteàKiaraWestford.

—Noussommes iersdenotreprogrammed’integrationdesnouveauxeleves,expliquemonsieurHouseàmonfrère.Ilpermetd’assurerunetransitionplussouple.

Alexacquiesce.

—Pasdeproblème.Çameconvient.

—Pasàmoi,jemarmonne.

Jen’aipasbesoind’unfoutuguideparceque:1)VulamanieredontAlexasalueKiarailyaquelquesminutes,ilestevidentqu’illaconnaıt.2)Ellen’estpassexy.Elleporteunequeue-de-cheval, des chaussuresdemarche,unpantacourt enStretchavec le logoUnderArmourperchesurunefesse,etunT-shirttropgrand,quilacouvreducoujusqu’auxgenoux,ouilestecritALPINISTE.3)Jen’aipasbesoind’unebaby-sitter,surtoutsic’estmonfrerequimel’adégotée.

MonsieurHouses’assoitdanssongrosfauteuilencuirmarronavantdetendreala illeunecopiedemonemploidutemps.Super,maintenantellevasavoiroujemetrouvechaquesecondedelajournée!Lasituationseraitcomiquesiellen’étaitpasaussihumiliante.

—Notreetablissementestvaste,Carlos,m’expliqueleproviseur,commesijen’etaispascapablededechiffrerleplantoutseul.Kiaraestuneeleveexemplaire.Ellevousmontreraousetrouvevotrecasieretvousescorteraenclasselapremièresemaine.

—Tuespret?medemande-t-elleavecungrandsourire.Laclocheadejasonnepourlepremiercours.

Onn’auraitpaspumeproposerunguidequisoitunpeumoinshilarealaperspectivedecommencerl’écoleàseptheuresetdemiedumatin?

Alexmefaitsigned’yaller.Jesuistentedeluifaireundoigtd’honneur,maisjedoutequeleprincipalapprécierait.

Je suis l’eleve exemplaire dans le couloir desert avec la sensationd’avoir debarque enenfer.Desrangeesdecasierssurdeskilometres.Desaf ichesscotcheessur lesmurs.Dontuneclame«YESWEKAHN!VOTEZPOURMEGANKAHNÀLAPRÉSIDENCEDESÉTUDIANTS»etuneautre«ATUETATOIAVECJASONTU–TRESORIERDUCONSEILDESETUDIANTS».D’autrespostersemanentdegensquirevendiquentque«DESREPASPLUSSAINSSOIENTLANORME!VOTEZPOURNORMREDDING».

Desrepasplussains?

AuMexique,onbouffaitsoitcequ’onapportaitdelamaison,soitlescochonneriesqu’onvousmettaitdansvotreassiette.Onn’avaitpaslechoix.Quandjevivaisla-bas,onmangeaitpoursurvivresanssesoucierdescaloriesoudeshydratesdecarbone.Cequin’empechepascertains de nos compatriotes de vivre comme des rois. Comme en Amerique, il y a desquartiersrichesdanschacundestrenteetunEtatsdupays…seulement,cen’estpaslaquevitmafamille.

Jen’airienafairedanscebahutetaucuneenviedesuivrecette illecommesonombretoutelasemaine.Jemedemandecombiendetempsellevatenirlecoupavantdebaisserlesbras.

Ellemeconduitàmoncasier.J’yfourremesaffaires.

—Lemienestjusteàcôté,m’annonce-t-ellecommesic’étaitunebonnechose.

Elleseplongedansmonemploidutempsenseremettantenmarche.

—LaclassedemonsieurHenneseyestaupremier.

—¿Dóndeestáelservicio?jeluidemande.

—Quoi?Jenefaispasd’espagnol.Jeparlefrançais.

—Pourquoi?YabeaucoupdeFrançaisauColorado?

—Non,maisj’ail’intentiond’allerpasserunsemestreenFranceendeuxiemeanneedefac,commemamère.

Mi’amán’amêmepasfinilelycée.Enceinted’Alex,elles’estmariéeavecmonpère.

—Tuapprendsunelanguedonttuvasteservirjusteunsemestre?Jetrouveçaunpeucon.

Jem’arretedevantuneporteousedessineunesilhouettemasculineetpointemonpoucedanscettedirection.

—Servicio,çaveutdiretoilettes…Jet’aidemandéoùétaientlestoilettes.

—Oh!(Elleal’airunpeutroublee,commesielleavaitdumalagererleschangementsdeprogramme.)Bonben,jevaist’attendreici.

Jedécidedelamettreenboîtehistoiredem’amuserunpeu.

—Saufsituasenviedemefairedecouvrirleslieuxtoi-meme…Jenesaispasjusqu’outuveuxpoussercettepetitevisiteguidée.

— Pas si loin que ça. (Elle pince les levres comme si elle venait de sucer un citron.)Grouille-toi.Jet’attends.

Danslestoilettes,jeprendsappuidesdeuxmainssurlelavaboetjerespireunboncoup.Toutcequejevoisdanslaglaceenfacedemoi,c’estuntypedontlafamilleestimequ’ilestcomplètementnaze.

J’auraispeut-etredudirelaveriteaMi’ama:sionm’aviredelaraf inerie,c’estparcequej’aivouluprotegerEmilieJuarez,unegaminedequinzeansharceleeparundessurveillants.C’etaitdejaasseznulqu’elleaiteteobligeed’arreterl’ecoleetdesemettreabosserpouraidersafamille.Quandlepatronaestimequ’ilpouvaitposersessalesmainssurelle justeparcequ’iletaiteljefe,j’aipeteuncable.D’accord,çam’acoutemaplace,maisçavalaitlapeineetdanslesmêmescirconstances,jerecommencerais.

Un coup a la porteme ramene brusquement a la realite, a savoir qu’une ille fringueecommeunemontagnarde s’apprete am’accompagner en classe. Je doute qu’elle ait besoind’unmecpourladefendre.Alamoindremenace,elleetoufferaitsonagresseurdanssonmegaT-shirt.

Laportes’entrouvre.

—Tuestoujourslà-dedans?

Savoixrésonnedanslestoilettes.

—Ouais.

—Tuasbientôtfini?

Jelevelesyeuxauciel.Enmedirigeantversl’escalier,uneminuteplustard,jem’aperçoisquemonescortenem’apassuivi.Elleestrestéeplantéeaumilieuducouloir,cetteexpressionamèretoujoursscotchéesursonvisage.

— Tu n’avais meme pas besoin d’y aller, commente-t-elle, exasperee. Tu essayais degagnerdutemps,c’esttout.

—T’esunpetitgénie,dis-moi!

Jemontelesmarchesdeuxpardeux.UnpointpourCarlosFuentes.

J’entendssespasresonnerderrieremoi.Elleessaiedemerattraper.Jem’elancedanslecouloirdupremierenréfléchissantaumoyendelasemer.

—Sympadememettresuperenretardenclassepourrien,lance-t-elleentrottinantdansmonsillage.

—Tunevaspasm’accuser!Cen’estpasmoiquiaireclameunebaby-sitter.Sachequejesuisparfaitementcapabledetrouvermonchemintoutseul.

—Ahouais!TuviensdepasserdevantlasalledemonsieurHennesey,jetesignale.

Merde.

Unpointpourl’élèveexemplaire.Cequifaitunpartout.

Leproblème,c’estquejen’aimepaslesmatchsnuls.Jepréfèregagner…hautlamain.

Lalueurd’amusementquejesurprendsdanssonregardm’agace.

Jemerapproched’elle.

—Çat’estdejaarrivedesecher?jedemandeavecunsavantmelanged’espieglerieetdeséductiondanslavoix.

Jechercheàladéstabiliser,déterminéàreprendreledessus.

—Non,merépond-elle,unpeunerveusetoutdemême.

Tantmieux.Jemepencheunpeuplusprès.

—Ondevraitessayerçaensembleundecesquatre,jechuchoteavantd’ouvrirlaportedelaclasse.

Jesensquejel’aiebranlee.Ecoutez,cen’estpasdemafautesij’aiunvisageetuncorpsdereve.Cen’estquegraceal’associationdesADNdemesparents,maisjenevoispaspourquoij’auraishonted’en tirerparti.Avoirune tronchequ’Adonisauraitadmireeestundesraresavantagesquim’ontétédonnésdanslavie,etj’enprofiteàmort,queçaplaiseounon.

Kiara me presente rapidement au prof et ressort aussi sec. J’espere que mon petit

numerodeseductionluia ichulatrouillepourdebon.Danslecascontraire,jemedonneraiunpeuplusdemallaprochainefois.Jem’assoisaunetableetjeregardeautourdemoi.Touslesélèvesontl’aird’avoirdesparentsfriqués.Celycéen’arienàvoiravecFairfield,labanlieuedeChicagoouonhabitaitavantdedemenagerauMexique.AulyceedeFair ield,ilyavaitdesgosses de riches et d’autres pauvres. Flatiron ressemble plus a un de ces bahuts prives,commeilyenavaitaChicago,outouslesgossesportentdesvetementsdemarqueetroulentdansdesbagnolesdeluxe.

Onsepayaitleurtête.Maintenantjesuiscernépardesmecscommeça.

Àlafinducoursdemaths,Kiaram’attenddevantlasalle.Jen’encroispasmesyeux.

—Ças’estbienpasse?crie-t-ellepourcouvrirlevacarmealorsquetoutlemondeserueverslaclassesuivante.

—Tunet’attendspasquejerépondehonnêtementàcettequestion?

—Probablementpas.Magne-toi.Onn’aquecinqminutes.

Tandisqu’ellesefau iledanslafoule,jesuissaqueue-de-chevalquisebalanceachaquepascommelaqueued’uncanasson.

—Alexm’avaitprévenuequetuétaisunrebelle.Ellen’aencorerienvu!

—Commentconnais-tumonfrère?

—C’étaitunélèvedemonpère.Etpuisilm’aideàretapermavoiture.

Cettechican’estpaspossible.

—Tut’yconnaisvraimentenbagnoles?

—Sûrementplusquetoi,jette-t-ellepar-dessussonépaule.

J’éclatederire.

—Tuveuxparier?

—Peut-êtrebien.(Elles’arrêtedevantuneporte.)Toncoursdebio,c’estlà.

Une ille super sexy passe devant nous et s’engouffre dans la salle. Elle porte un jeanmoulantetunT-shirtquil’estencoreplus.

—Whouah!C’estqui,cettemeuf?

—MadisonStone,marmonneKiara.

—Tupeuxmelaprésenter?

—Pourquoi?

—Parcequejesavaisqueçatefoutraitenrogne.

—Etalors?

Elleserreseslivrescontresapoitrine,commesic’étaitunearmure.

—Jepeuxt’indiquercinqbonnesraisons,làtoutdesuite,sansavoirbesoinderéfléchir.

Jehausselesépaules.

—Faispéter.

—Onn’apasletemps.Laclochevasonner…TucroisquetupeuxallertepresentertoutseulamadameShevelenko?Jeviensdemerappelerquej’aioubliedeprendremondevoirdefrançaisdansmoncasier.

—Tuasinteret afaire issa.(Jeregardemonpoignet.Jen’aipasdemontre,maisjenepensepasqu’ellel’aitremarqué.)Çavasonner.

—Jeteretrouveiciaprèslecours,dit-elleavantdepartiràfonddetrain.

Une fois dans la classe, j’attendsque la prof leve les yeux etmevoie. Elle est en traind’envoyercequiressembleàdesmailspersosursonordinateurportable.

Jemeraclelagorgepourattirersonattention.Apresm’avoirjeteuncoupd’œil,ellefermesaboîtemail.

—Asseyez-vousoùvousvoulez.Jevaisfairel’appeldansuneminute.

—Jesuisnouveau.

Elle auraitdu trouver ça toute seulevuque jen’etaispasen cours cesdeuxdernieressemaines,maisbon.

—C’estvousl’étudiantmexicainqu’onnousenvoiedanslecadred’unéchange?

Pasvraiment. Ils’agitplutotd’untransfert,mais jecroisqu’ellese ichedecegenrededétails.

—Ouais.

Je n’ai pas pum’empecherde remarquer les gouttes de sueurqui perlent sur le duvetcouleurpecheau-dessusdesalevresuperieure.Jesuisapeupressurqu’ilyadestechniquespourreglercegenredeprobleme.MatanteConsueloavaitlememesoucijusqu’acequemamères’yattaqueavecdelacirechaude.

—Vousparlezespagnolouanglaisàlamaison?medemandelaprof.

Jenesuispassûrqu’elleaitledroitdemeposercettequestion,maispassons.

—Lesdeux.

Elletendlecouetpromènesonregardsurlaclasse.

—Ramiro,venezici.

Unlatinoapprochedesonbureau.UneversiondePaco,lemeilleurpoted’Alex,enplusbaraque.Quandilsetaiententerminale,AlexetPacosesontfaittirerdessus,etçaamisnosexistencessensdessusdessous.Pacoyestresté.

Je me demande si on s’en remettra jamais. Des que mon frere est sorti de l’hopital,mi’ama,monpetit frereetmoi,onestpartisauMexique retrouver la famille.Depuis cettefusillade,plusrienn’estpareil.

—Ramiro,ditShevelenkoen levant lesyeuxversmoi.Voici…Commentvousappelez-vous?

—Carlos.

—Ilestmexicain,vousêtesmexicain.Vousformerezunparfaitbinômehispanophone.

JesuisRamirojusqu’àunepaillasseaufonddelaclasse.

—Elleestcommeçatoutletemps?

—Apeudechosespres.L’anneederniere,lagrosseBerthaaappeleunmec«lerusse»pendantsixmoisavantdeconnaîtreenfinsonnom:Ivan.

—LagrosseBertha?

—Nemeregardepascommeça.Cen’estpasmoiquiluiaitrouvecesurnom.Çafaitaumoinsvingtansquetoutlemondel’appellecommeça.

Laclochesonne,maispersonnenes’arretedediscuter.Berthas’estreplongeedanssesmails.

—MellamoRamiro,maisçafaittropmejicano.Toutlemondem’appelleRam.

Monprenomaussiestmejicano,maisjen’eprouvepaslebesoindemefaireappelerCarlpourmieuxm’integrer. Il suf it deme regarder pour savoir que je suis latino. Pourquoi jeferaissemblantd’etreautrechose?J’aitoujoursaccuseAlexdevouloiretreungringovuqu’ilrefused’employersonnomdebaptême,Alejandro.

—MellamoCarlos.Tupeuxm’appelerCarlos.

Enprenantletempsdel’examinerd’unpeupluspres,jemerendscomptequeRamporteunpolodegolfdemarque.Ilapeut-etredesoriginesmexicaines,maisjepariequesufamilianevitpasàproximitédelamienne.

—Qu’est-cequ’ilyadesympaàfairedanslecoin?

—Onal’embarrasduchoix,merepond-il.OnpeuttraıneraucentrecommercialdePearlStreet,alleraucine,fairedelarandonnee,dusnowboard,durafting,del’escalade,lafeteaveclesnanasdeNiwotetdeLongmont.

Cen’estpasvraimentcequej’appelles’amuser.Àpartcettedernièreproposition.

La illesexyque j’aiaperçuetout a l’heureest a lapaillasseen facedenous.Elleadeslongscheveuxblondsavecdesmeches,unmagni iquesourireetdeschichistoutafaitaptesarivaliseravecceuxdeBrittany.Cen’estpasque jereluque lacopinedemonfrere,maisonpeutdifficilementnepaslesvoir!

Ellesepencheversnous.

—C’esttoilenouveau.Jem’appelleMadison,ettoi?

—Carlos,lanceRamavantquej’aieletempsdedirequoiquecesoit.

—Jesuissûrequ’ilestcapabledeseprésentertoutseul,Ram,siffle-t-elleenreplaçantsescheveuxderrieresesoreilles,devoilantdesbouclesd’oreillesendiamantssurementcapablesdevousfaireperdrelavuesilesoleiltapeenpleindessus.

Elles’inclineunpeuplusversmoiensemordantlalèvreinférieure.

—TuviensdeMee-ri-co,c’estça?

Çam’agacetoujoursquandlesgringosessaientdeparlercommenous.Jemedemandecequ’ellesaitd’autreàmonsujet.

—Si.

Ellemedécocheunsourireàsedamnerenserapprochantencore.

—Estásmuycaliente.

Ellevientdedirequ’ellemetrouvaitsexy,oujemetrompe?Cen’estpascommeçaqu’onditauMee-ri-co,maisj’aicomprisl’idéegénérale.

—J’auraisbesoind’unbonprofd’espagnol.Ledernierquej’aieus’estrévéléunvrailoser.

Ramseraclelagorge.

—¡Quetipa!Aucasoùtun’auraispascompris,sondernierprof,c’étaitmoi.

Jen’aipasquitteMadisondesyeux.Elleatoutcequ’ilfautpourplaire,çanefaitaucundoute,etn’hesitepasafaireetalagedesesatouts.D’ordinaire,jeprefereleschicasexotiquesàlapeaudemiel,maisjeprésumequ’aucunmecnerésisteàMadison.Etellelesait!

Unefilleluidemandedeveniràsatable.J’enprofitepourmetournerversRam.

—Tuluiasdonnédescours,outuessortiavecelle?

—Lesdeux.Simultanementparfois.Onarompuilyaunmois.Suismonconseil.Gardetesdistances.Ellemord!

—Littéralement?

—Tun’aspasenviedet’approchersuf isammentd’ellepourconnaıtrelareponseacettequestion,crois-moi.Sachejustequeverslafindenotrerelation,jesuisdevenul’élèveetelleleprof.Etjeneteparlepasd’espagnol.

—Estásabrosa.Jesuisprêtàprendrelerisque.

—Donne-t’enàcœurjoiedanscecas,répondRamenhaussantlesépaules,aumomentoùBerthasedécideenfinàdémarrersoncours.Maisjet’auraiprévenu.

Je n’ai pas l’intention de sortir avec qui que ce soit, mais je n’ai rien contre l’idee deramenerquelques illeschezAlexhistoiredeluiprouverquemanatureestdiametralementopposeealasienne.Jejetteuncoupd’œilendirectiondeMadison,etsonsourireestcommeune promesse. Pas de doute, elle ferait parfaitement l’affaire. C’est le genre Brittany, sansl’auréoleau-dessusdelatête.

Apres m’etre tape tous les cours de la matinee, je suis plus que pret pour la pausedejeuner.Quandlaclochesonne,jemerejouisqueKiaranesoitpaslaam’attendredevantlaporte,commeellel’avaitpromis.Jemerueversmoncasierpourrecupererlesandwichquejemesuispréparéenpiochantdanslefrigod’Alex.

Maguidepersoapeut-etredecidedemelacherlesbaskets.Çamevatresbien,saufqu’il

mefautdixminutespourtrouverlacafet.Enentrantdanslasalle,jem’appreteam’asseoirseulàunetablerondequandjevoisRammefairesigne.

—Sympadem’avoirlaisséetomber,lanceunevoixderrièremoi.

Enjetantuncoupd’œilpar-dessusmonépaule,j’avisemoncornac.

—Jecroyaisquetuavaisdécidédemelaissertranquille.

Ellesecouelatêtecommesic’étaitletrucleplusridiculequ’elleaitjamaisentendu.

—Biensûrquenon.Jen’aipasréussiàsortirdeclasseenavance,c’esttout.

—Tropdommage,dis-je,feignantlacompassion.J’auraisattendusij’avaissu…

—Benvoyons!(EllepointelementondansladirectiondeRam.)Vat’asseoiraveclui.Jel’aivutefairesigne.

Jeluidécocheunregardindigné.

—Tumedonneslapermissiondelerejoindre,c’estça?

— Tu peux dejeuner avec moi si tu preferes, dit-elle, comme si j’allais sauter surl’occasion.

—Non,merci.

—C’estbiencequejepensais.

PendantqueKiaraattenddansla iledesrepaschauds,jemetslecapsurlatabledeRam.J’enfourche le dossier d’une chaise et il me presente a ses amis, des gringos qui ont l’aird’avoireteclonesentreeux.Ilsparlentde illes,desport,deleursequipesdefootpreferees.Jedoutequ’aucund’entreeuxsurviveneserait-cequ’une journee a la raf inerieou j’aibosse.Certains demes copains gagnaientmoins de quinze dollars par jour. Lesmontres que cestypesportentcoûtentprobablementplusquenotresalaireannuel.

MadisonapparaîtànotretableaumomentoùRamretournedanslafiled’attente.

—Salut,lesmecs.Mesparentspartentenweek-end.Jefaisunefetevendredisoir,sivousvoulezvenir.Laseulechosequejevousdemande,c’estdenepasenparleràRam.

Elleplongelamaindanssonsacetensortuntubedegloss.Elledevisse lebaton,puisl’appliquesurseslevresenfaisantlaboucheencœur.Alorsquejepensequ’elleena ini,elleformeunOparfaitetfaitglisserletubedanstoussens.Jejettedescoupsd’œilautourdemoipourvoir siquelqu’und’autreassiste a ce spectacle erotique.DeuxdescopainsdeRamsesont arretes de parler pour se concentrer sur elle et son talent si particulier. Quand Ramrevient,ilfocalisetoutesonattentionsursatranchedepizzaauxpepperoni.

UnclaquementdelèvresretentissantramènemonattentionsurMadison.

—Carlos,dit-elleensortantunstylodesonsac,laisse-moitedonnermescoordonnées.

Apresquoiellesemetendevoirdenotersonadresseetsonnumerodetelephonesurmonavant-brasau-dessusdemestatouages.Elleseprendpouruneartisteouquoi?

Quand c’est chose faite, elle agite le bout des doigts en guise d’au revoir avant deretourners’asseoiravecsabande.

Toutenmordantdansmonsandwich, je jetteunregardcirculairedanslacafeteria a larecherchedeKiara, l’anti-Madison. Elle est assise avecun type aux cheveuxblondsqui luitombentsurla igure.Ilfaitmataille,ilaapeupresmacarrure.Serait-cesonpetitami?Sic’estlecas,jeleplains.C’estlegenrede illeaattendredesoncopainqu’illuiobeisseaudoigtetàl’œiletluilèchelecul.

Moncœur,monespritnesontpasfaitspourlasoumission,etjeprefereraismourirplutotquedelécherleculdequiquecesoit.

Kiara

—Alorsçat’apludeguidertoncamarade?medemandemamanaudıner.Jesaisquetuattendaisçaavecimpatience.

—Pasterrible,jerépondsentendantàmonpetitfrèreunetroisièmeserviette.

Iladelasaucebolognaisepleinlesjoues.

JerepenseaumomentoujemesuispointeedevantlaclassedeCarlosala indescours,pourm’apercevoirqu’ilavaitdéjàquittélelycée.

—Ilm’aplantéeàdeuxreprises.

Monpere,psychologue,quis’imaginequetous lesgenssontdesspecimens aanalyser,froncelessourcilstoutenreprenantdesharicotsverts.

—Ilt’alaisséetomber.Pourquelleraison,jemedemande?Euh…

—Parcequ’ils’estimetropcoolpoursefaireescorterdansl’école.

Mamanmetapotelamain.

—Cen’estpasgentildelaissertombersonguide,maissoispatienteaveclui.Iln’apasdemandéàvenirvivreici.Cen’estpasfacilepourlui.

—Tamerearaison.Nelejugepastropvite,Kiara.Ilcherchesaplace,jesuppose.Alexestpassedansmonbureaucesoir.Nousavonseuunelonguediscussion.Lepauvre!Iln’aquevingtans,etlevoilàresponsabled’ungaminàpeineplusjeunequelui.

—SituinvitaisCarlosàveniràlamaisondemainaprèslescours?suggèremamère.

—Excellenteidée,renchéritpapaenpointantsafourchettedanssadirection.

C’estbienladernierechosequeCarlosauraenviedefaire.Ilm’aclairementsigni ieques’ilmesupportaitcettesemaine,c’estparcequ’iln’avaitpaslechoix.Desquej’auraiachevemamissionvendredi,iliraprobablementfairelafêtepourmarquerlecoup.

—Jenesaispas…

—Dis-luidevenir, insistemaman, ignorantmonairdubitatif. Je ferai cette recettedebiscuitsàlamarmeladed’orangesqueJoaniem’adonnée.

JenesuispascertainequeCarlosapprécieramais…

—Jeluiproposerai,maisnesoispassurprises’ilrefuse.

—Ettoinet’étonnepass’ilaccepte,renchéritmonpère,optimisteinvétéré.

Le lendemain, alors que j’accompagne Carlos en cours pour la derniere heure de lamatinée,jetrouveenfinlecouragedeluiposerlaquestion:

—Çateditdevenirchezmoiaprèslescours?

—Tumeproposesunrancard?s’étonne-t-il,lessourcilsencirconflexe.

Jeserrelesdents.

—Pourquituteprends?

—Fautquejetedisequetun’espasmongenre.J’aimelesfemmesbêtesetsexy.

—Toinonplustun’espasmongenre.J’aimelesmecsintelligentsetdrôles.

—J’aibeaucoupd’humour.

Jehausselesépaules.

—Jedoisêtretropfutéepourpigertesblagues.

—Pourquoitiens-tuàm’inviterdanscecas?

—Mamèreafait…desbiscuits.

Apeinecesmotssortisdemabouche,jefaislagrimace.Quiinviteungarçonamanger…desbiscuits?Monfrèreàlarigueur,maisilestenCP!

—Ça n’a rien d’un rancard ou quoi que ce soit, j’enchaıne en bafouillant, au cas ou ils’imagineraitquej’essaiedeledraguer.Onvajuste…prendrelegoûter.

Jedonneraischerpourremonterlabandedecetteconversation,maispasmoyen.Noussommesarrivés,etiln’atoujourspasrépondu.

—Jevaisyre lechir,declare-t-ilbrusquementavantdemelaisserenplanaumilieuducouloir.

Il vay re lechir ?Commes’ilme faisaitune faveurenacceptant l’invitation, au lieudel’inverse.

Devant nos casiers en in de journee, alors que j’espere de tout mon cœur que mapropositionluiestsortiedelatete,ilseplantedevantmoisurunejambe,lesmainsdanslespoches,etlance:

—Quelgenredebiscuits?

Parmitoutesquestionspossibles,pourquoia-t-ilfalluqu’ilmeposecelle-ci?

—Àl’orange.Àlamarmeladed’oranges.

Ilsepencheversmoi,àcroirequejen’aipasparléassezfort,ouassezclairement.

—Delaquoid’oranges?

—Delamarmelade.

—Hein?

—Marmelade.

Jesuisdesolee,maisiln’yapasdefaçoncooldeprononcerlemot«marmelade»,etces«m»siprochesl’undel’autremedonnentl’airniaise.Aumoins,jen’aipasbégayé!

Ilhochelatete.Jevoisbienqu’ilfaitdesonmieuxpourgardersonserieux.Peineperdue.Ilfinitparéclaterderire.

—Tuveuxbienledireencoreunefois?

—Pourquetutepaiesmatête?

—Si.C’estlaseulechosequim’excitedanslaviedesormais,etilsetrouvequetuesuneciblefacile.

Jeclaquelaportedemoncasier.

—Considère-toiofficiellementcomme«désinvité».

Jem’eloigneagrandesenjambees,jusqu’acequejemerappellequej’aioubliedestrucsimportantsdansmoncasier.Jesuisobligeed’yretourner.J’attrapealahatelestroisbouquinsdontj’aibesoinetjelesfourredansmonsacenrepartant.

—Siçaavait etedescookiesauxpepitesdechocolat, jeseraispeut-etrevenu,mecrieCarlosavantdes’esclafferdeplusbelle.

Tuckm’attenddansleparkingdesterminales.

—Tuenasmisdutemps!

—JemesuisprislatêteavecCarlos.

—Encore ? Ecoute, Kiara, on n’est quemardi. Il a trois jours supplementaires a tirer.Pourquoin’abrèges-tupastonsupplice?

—Parcequec’estexactementcequ’ilveut,jerepondsenmontantdansmavoiturepourdemarreraussitot.Pasquestionquejeluidonnelasatisfactiondemedamerlepionachaquecoup.Ilestodieux.

—Ildoitbienyavoirunmoyendeluifaireravalersesmoqueries.

LaremarquedeTuckmedonneuneidée.

—Eurêka!Tuesungénie,Tuck!Jefaisrapidementdemi-tour.

—Tuvasou commeça ?C’estpar la chez toi, je te signale, souligneTuckenpointantl’indexderrièrenous.

— J’aidespetites courses a faire a l’epicerie et a laquincaillerieMcGuckin. Il fautquej’achètedequoifairedescookiesauxpépitesdechocolat.

— Tu fais de la patisserie maintenant ? S’etonne Tuck. Et pourquoi des cookies auxpépitesdechocolat?

Jelegratined’unsourireespiègle.

—Jevaism’enservirpourforcerCarlosàravalersesmoqueries.

Carlos

Mercredi,ensortantdel’ecole, jevaisretrouvermonfrereaugarage.Aumomentou jetraverse la rue, une Mustang rouge vient se ranger pres de moi, toutes vitres baissees.MadisonStoneestauvolant.Jem’approchedesaportière.Ellemedemandeoùjevais.

—ChezMcConnell.Monfreretravaillela-bas.Ilm’aditquejepouvaismefaireunpeudethuneenluidonnantuncoupdemaindetempsentemps.

—Monte.Jet’emmène.

ElleordonneasacopineLaceydepassersurlabanquettearriereavantdemefairesignedem’asseoirdevant,acoted’elle.Jen’aijamaisvecudansunendroitoul’onn’estpasjugeparrapportalacouleurdesapeauouaucompteenbanquedesesparents.Jememe iedoncdecetinteretsoudainamonegard.J’aifaitmonnumerodecharmeaKiaraavantlecoursdelagrosseBertha,etellen’amemepasbattudescilsnidesserreleslevres.J’aijusteeudroitaunemouededegout!Memesihier,ellem’ainvitechezellepourmangerdesbiscuits.Descookiesalamarmeladed’oranges!Quelleidee!Leplusdrole,c’estquej’aibienl’impressionqu’elleétaitsérieuse.

Aujourd’hui,ellem’abaladedeclasseenclassesansdireunseulmot.J’aiessayedebriserlesilenceenlacharriant,maisellen’apasmoufte.Madisoninscritl’adressedeMcConnellsursonGPS.

— Alors, Carlos, lance Lacey en se penchant entre les sieges aumoment ou Madisondemarre.(Ellemetapotel’epauleaucasoujen’auraispasentendu.)C’estvraiquetut’esfaitvirerdetonancienneécoleparcequetuavaistabasséquelqu’un?

Çanefaitpastroisjoursquejesuisdanslelycée,etçacommencedéjààjaser.

—Enfait,j’aimisunedérouilléeàtroistypesetunpitbull.

Jeplaisanteevidemment,maisjecroisbienqu’ellemeprendauserieuxparcequ’elleenrestebouchebée.

—Wouah!(Nouvelletapesurl’epaule.)Onaledroitd’emmenersonchienaubahutdanstonpays?

Elleestplusnazequ’unburritosansfrijoles.

—Biensûr,maisseulementlespitbullsetleschihuahuas.

—Ceseraittellementgenialsijepouvaisveniral’ecoleavecFlaque!(Ellerecommenceamepianotersurl’epaule.J’aienviedeluirendrelapareilleunmilliondefois,pourqu’elleserendecompteàquelpointc’estchiant.)Flaque,c’estmalabradoodle.

Qu’est-ceque çapeutbien etrequ’une labradoodle ?Quoi qu’il en soit, je parieque lepitbulldemacopineLananeferaitqu’unebouchéedeFlaquelalabradoodle.

—Tonfrère,c’estlegarçonquit’aaccompagnéàl’écolelundi?demandeMadison.

—Oui.

Ellevientd’entrerdansleparkingdugarage.

—Ginam’a dit qu’elle vous avait vus tous les deux dans le bureau du proviseur. Tesparentsétaientenvoyage?

—J’habiteavecmonfrère.LerestedenotrefamilleestauMexique.

Inutiledeluipreciserquemonpereestmortlorsd’unera lequandj’avaisquatreans,niqueMi’amam’apratiquement lanquedehorsacoupsdepiedauxfessesavantdem’expedierici.

Madisonn’apasl’aird’enrevenir.

—Tuvisavectonfrère?Sansparents?

—Sansparents.

—Tuenasdelachance!s’extasieLacey.Mesvieuxsontlatoutletemps,etmasœurestcompletementgivree.Jem’echappepresquetouslesjourschezMadison.Elleest illeuniqueetsesparentsnesontjamaisàlamaison.

Madisonestentraindeseregarderdansleretroviseur.Alamentiondesesparents,ellesefigeunbrefinstantavantd’afficherunsourirefactice.

—Ilsvoyagentbeaucoup,m’explique-t-elleavantderemettredugloss.Çanemederangepas.Jepeuxfairecequejeveuxavecquijeveuxsansqu’onm’imposederègles.

Vuquemavieestinfestéedegensquimedonnentdesordres,j’avouequeçafaitrêver.

— La vache ! On dirait que vous etes jumeaux, ton frere et toi, s’exclame Lacey alorsqu’AlexapprochedelaMustang.

—Jenevoispasenquoionseressemble,jemarmonneenouvrantmaportière.

Lesdeux illessortentaussidelavoitureetsepostentdevantmoi.Elless’attendentsansdouteque je fasse lespresentations.Leurpeauclaire,parfaite, leurmaquillagesophistique

étincellentausoleil.

—Mercidem’avoirdéposé.

Ellesm’etreignentl’uneapresl’autre,Madisonavecinsistance.Çaprouvesurementquejel’intéresse.

Alexsedemandecequeje icheaveccesgonzesses,çasevoitsursa igure.Jelesattrapetouteslesdeuxparlesépaules.

— Salut, Alex, je te presente Madison et Lacey. Les deux nanas les plus chaudes deFlatiron.

Ellesluifontunsignedeteteensefendantdeleurplusbeausourire.Ellesontl’aird’avoirapprecielecompliment,memesiellessaventqu’ellessontcraquantesetn’ontsurementpasbesoinqu’onleleurrappelle.

—Mercid’avoiraccompagnémonfrère,ditAlexavantderetourneràl’atelier.

Unefoisles illesparties,jelerejoins.Ilestentraindedemonterlepare-chocsavantd’un4x4accidenté.

—Tuestoutseul?

—Oui.Donne-moiuncoupdemain.

Ilmejetteuntournevis.

On retapait des bagnoles ensemble autrefois, dans le garage de mon cousin Enrique.C’etait l’unedesraresactivites apeupresregloqu’onavait a l’epoque.Enriqueet luim’ontenseignetoutcequejesaissurlesvoitures,etcequ’ilsn’ontpasreussiametransmettre,jel’aiappristoutseulendémantelantdesépavesaufonddel’atelier.

Jemeglissesouslecapotdu4x4pourendévisserlesboulons.Lescliquetisquejeproduisrésonnentdanslegarage,etl’espaced’uninstant,j’ail’impressiond’avoirremontéletemps.

—Sympa,les illes!commenteAlexd’untonsarcastiquetandisquenousnousactivonsl’unàcôtédel’autre.

—Jetrouveaussi.D’ailleursj’avaisdansl’ideedelesinvitertouteslesdeuxaubaldelarentree. (Je glisse le tournevisdans la poche arrieredemon jean.)Oh, avantque j’oublie !Kiaram’aproposédevenirchezellehiermangerdesbiscuits.

—Tun’yespasallé?Commentçasefait?

—Çanemedisaitrien.Detoutefaçon,elleaannulé.

Alexrelèvelenezetfixesonregardsurmoi.

—Dis-moiquetunet’espascomportécommeunpendejoavecelle.

—Jemesuisjusteamuseunpeu.Laprochainefoisquetuveuxmedegoteruneescorte,arrange-toipourqu’elleneportepasunimmenseT-shirtavecuneconnerieecritedessus.Ellemefaitpenseràunmecquej’aiconnuàChicago.Jenesuismêmepassûrquec’estunefille.

—Tuveuxunep-p-preuve?lanceKiaraquivientdesurgircommeparenchantementsurleseuil.

Etmerde!

Kiara

—Ouais,riposteCarlosdontl’expressionmêledéfietamusement.Vas-y.Prouve-le-moi.

Alexlèvelamain.

—Pitié!

Ilplaquesonfrerecontrelavoitureenmarmonnantquelquechoseenespagnol.Carlosluirepondsurlememeton.Jen’aipaslamoindreideedecequ’ilssedisent,maisilsn’ontpasl’aircontents,nil’unnil’autre.

Moiaussi,jesuisdemauvaispoil.Jen’arrivepasacroirequejeviensdebegayer.Jem’enveuxdemelaisserdemonterparCarlosaupointquejerecommenceabutersurlesmots.Çaveut dire qu’il a une emprise sur moi, ce qui me rend dingue. J’attends avec impatiencevendredi,jouroul’OperationCookiesdoitdebuter.Ilfautquelesbiscuitssoientunpeurassispourquemonplanfonctionne.Ilnevapasenrevenir.

Irrite,Alexs’ecartedesonfrered’unedemarchepesanteetvaprendreuncartonderrierelacaisse.

—J’aitestetaradio.J’ail’impressionqu’ilmanqueunressort.Jenepensepasqu’ellevamarcher,maisj’aimeraisessayer.Donne-moitesclés,jevaisrentrertavoiture.

Se tournant vers Carlos, il ajoute : « Interdiction d’ouvrir la bouche avant que jerevienne.»Àlasecondeoùilestparti,Carlosenprofite.

—Situestoujoursdéterminéeàmeprouverquetuesunenana,vas-y,jet’enprie.

—Tuprendstonpiedàtecomportercommeunimbécile?

—Pasparticulierement,maisfairesortirmonfrangindesesgonds,j’adore!Or,çalemethorsdeluiquejem’enprenneàtoi.Ducoup,tutetrouvespriseentredeuxfeux.Désolé.

—Laisse-moiendehorsdetoutça,tuveux.

—Tupeuxtoujourscourir!

Ils’accroupitdevantunevoitureendommagéeettireunboncoupsurlepare-chocs.

—Ilfautdefairelesattachesd’abord,dis-je,raviedeluiprouverquej’ensaisplusqueluienmécanique.Tun’yarriverasjamaisautrement.

—Tuparlesde soutien-gorge la oudepare-chocs ?demande-t-il enmedecochantunsourireespiègle.Jesuisexpertdanscesdeuxdomaines,jetepréviens.

J’ai eu tortdemettremonplan a execution.C’estde lagaminerie.MaisCarlosn’auraitjamaisdumefairecetteremarquestupide,nisepayermatetequandj’aidit«marmelade».Ilm’apousséeàvouloirluifaireravalersesparoles.

Onestvendredi.Tucketmoi,onestarrivesal’ecoleenavancepourdecorerlecasierdeCarlos.Mardiapreslescours,Tuckm’aaideeafaireunecentainedecookiesauxpepitesdechocolat. Une fois refroidis, on a colle un petit aimant derriere les biscuits. Ils sont rassismaintenantetonpeut les ixerauxparoismetalliques.QuandCarlosouvrira soncasier cematin,iltrouveral’intérieurtouttapissé.

Chaquefoisqu’ilessaierad’attraperuncookie,ils’emietteradanssamain.J’aiachetedesaimants super puissants, de la taille d’une petite piece de monnaie. Ça va faire descochonneriespartout.Carlosauradeuxsolutions:leslaisserenplaceoulesretirerunaunpourseretrouvercouvertdemiettes.

—Rappelle-moidenejamaismedisputeravectoi,melanceTuckquifaitleguet.

Lescoursnecommencentpasavanttroisquartsd’heure.Lescouloirssontquasidéserts.

J’airelevelacombinaisonducasierdeCarlos,notesonemploidutempsdontmonsieurHousem’adonneunecopie.Jemesenscoupable,maispassuf isammentpourfairemarchearriere.Apres avoirdisposequelquesbiscuits, jeme tourneversTuck. Il surveille l’arriveeeventuelledeCarlos,oudetoutepersonnesusceptibled’avoirdessoupçons.Chaquefoisquejemetsuncookieenplace,Tuckglousseenentendantleclic.

Clic.Clic.Clic.Clic.

—IlvapeteruneDurit!commentemonmeilleurami.Ilsauraquec’esttoi,tusais.Quandonjoueuntouraquelqu’un,ilvautmieuxessayerdegarderl’anonymatpournepassefairepincer.

—C’esttroptard.

Je ixeplusieursaimantsa lasuiteenmedemandantcommentjevaislogerlacentainequej’aiapportée.J’enmetsenhaut,enbas,surlaporte,lescôtés…Ilneresteplusbeaucoupdeplace,mais j’aipresque ini.Ondiraitque lecasiera la rougeolesaufque lesboutonssontmarron.

—Plusqu’un,j’annonceaprèsavoirplongélamaindansmonsac.

Tuckjetteuncoupd’œildanslecasier.

—Çapourraitbienetrelameilleurefarcequ’onaitjamaisfaitedanscebahut.Turisquesderesterdanslesannales,Kiara.Jesuisfierdetoi.Metslederniersurlaporte,justeaumilieu.

—Bonneidée.

Jefermerapidementlecasieravantqu’onnoussurprenneetplaquelederniercookiesurlaporte.Ensuitejejetteuncoupd’œilàmamontre.Vingtminutesavantledébutdescours.

—Maintenant,ilnenousresteplusqu’àattendre.

Tuckglisseunregarddanslecouloir.

—Lesgenscommencentàarriver.Ondevraitpeut-êtreseplanquer?

— D’accord, mais je tiens a voir la tete qu’il fait. Allons-nous cacher dans la salle demadameHadden.

Cinqminutesplustard,alorsqueTucketmoinousrelayonsderrierelehublotenhautdelaporte,Carlosapparaît.

—Levoilà,jechuchote.

Moncœurbatfurieusementdansmapoitrine.

Endecouvrantlecookiesursoncasier,Carlosfroncelessourcils.Ilregardeagaucheetadroite,cherchantmanifestementlecoupable.Quandiltiresurlebiscuit,ils’emiettedanssamainmaisl’aimantrestesurlaporte.

—Commentest-cequ’ilréagit?

Tuck,plusgrandquemoi,aunebienmeilleurevue.

—Ilsecouelatêteensouriant…Ilvientdejeterdesmiettesdanslapoubelle.

Son sourire risque bien de s’effacer quand il verra les quatre-vingt-dix-neuf autresaimantsàl’intérieur.

—J’yvais,dis-jeenquittantmonrefugepourmedirigercommesiderienn’etaitversmoncasier.

—Salut!jelanceàCarlos,unpeudéconfitparlespectaclequ’ilasouslesyeux.

—TuméritesunA+pourl’originalitéetlaréalisation,merépond-il.

—Çat’embetequej’aiedemeilleursresultatsquetoipartout,hein,ycomprisquandje

faisdesfarces?

—Ouais.(Illèveunsourcil.)Jesuisimpressionné.Furax,maisimpressionné.

Ilrefermesoncasiersanstoucheraladecoetnousnousdirigeonsverslasalledecoursenfaisantsemblantderien.

Je ne peux retenir un sourire. Il secoue la tete a plusieurs reprises, comme s’il n’enrevenaittoujourspas.

—Onfaitunetrêve?

—Horsdequestion.Tuaspeut-etreremportecettebataille,maislaguerre,chica,estloind’êtrefinie!

Carlos

Jen’arrivepasamedebarrasserdecetteodeurdebiscuits.Elleimpregnemesmains,mesbouquins…etmemel’interieurdemonsac ados,putain! J’aiessayed’enretirerquelques-uns,maisj’enaifoutupartout.J’ai iniparrenoncer.Jevaisleslaisserlajusqu’acequ’ilssoienttoutmous…EnsuitejerecupererailesmiettesetjelesfourreraidanslecasierdeKiara.Mieuxencore,jelescolleraiavecdelaSuperGlue.

Il faut que j’arrete de penser a cette ille et a ses cookies. Rien ne vaut la cuisine demi’ama,maiscesoir-la,apreslescours,desquejesuisderetouralamaison,jesorscequejetrouvedufrigod’Alexetjetentedenouspreparerunauthentiquerepasmexicain.Unmoyencommeunautredemesortirde la teteces foutuscookiesauxpepitesdechocolatquimerendent dingo. Et puis je suis la depuis une semaine et je n’ai pas encoremange de vraiebouffemexicaine.

Alexsepencheau-dessusdemonragoutethumelefumet.Asonexpression,jevoisbienqueçaluirappellelamaison.

—Ça s’appelle carneguisada.C’estmexicain,dis-je enarticulantbien, commes’il n’enavaitjamaisentenduparler.

—Jesaiscequec’est,andouille.

Ilreposelecouvercleetmetlecouvertavantderetournerétudier.

Uneheureplus tard, on s’installe a table.Alexdevore sapremiereportionavantde seresservir.

—Çat’arrivedemanger?

—Riend’aussi bonque ça, repond-il en lechant sa fourchette. Je ne savaispasque tucuisinais.

—Ilyadestasdechosesquetuignoresàmonsujet.

—Jeteconnaissaisbienavant.

Jeposemafourchette.Jen’aiplusfaimtoutàcoup.

—Ilyalongtemps.

Jegardelesyeuxrivessurmonassiette.Moinonplus,jenesaisplusquiestmonfrere.

Apresqu’il s’est fait tirerdessus, jecroisque j’avaispeurde luiparler.Evoquer lessevicesqu’ilavaitsubisrendait leschosesplusreelles. Ilnem’a jamaisracontecequis’etaitpasseexactementquandilaquitteleLatinoBlood,etjeneluiaijamaisposedequestions.Maishiermatin,j’aipum’enfaireunepetiteidée.

—J’aivutescicatriceshierquandtuessortideladouche.

Ils’arrêtedemangeràsontour.

—Jepensaisquetudormaisencore.

—J’étaisréveillé.

L’imagedesondoszebredecicatricesquiressemblentadescoupsdefouets’estgraveedans ma memoire. Quand j’ai vu le ren lement entre ses omoplates avec les lettres LBtatoueesajamaissursapeaucommeonmarquelebetail,lahaine,l’enviedevengeancem’ontretournélestripes.

—Laissetomber,marmonneAlex.

—Tupeuxtoujourscourir!

Iln’estpasleseulfrereFuentesavouloirprotegerfarouchementlafamille.SijeretourneaChicago,etsijeretrouvelesalopardquiamarqueauferrougelecorpsdemonfrere,ilestmort.Jemerebellepeut-êtrecontremifamilia,iln’empêchequenousavonslemêmesang.

Alexn’estpasleseulaavoirdescicatrices.J’aiplusdecombatsamonactifqu’unboxeurprofessionnel.Enplus,s’ildecouvrelestatouagesquej’aidansledosmedesignantcommeunGuerrero,ilpéterauneDurit.MêmeauColorado,j’aimescontacts.

—Brittanyetmoi,onvavoirsasœurShelleycesoir.Tuveuxvenir?

JesaisqueShelleyesthandicapéeetqu’ellevitdansunesortedefoyerprèsdelafac.

—Jenepeuxpas.Jesors.

—Avecqui?

—Nuestropapan’estplusdecemonde,quejesache!Jen’aipasateteniraucourantdemesactivités.

Nousnousmesuronsduregard.Autrefois, ilmebottait lecul a l’aise.Plusmaintenant.Nous sommes sur le point de nous echarper de nouveau quand la porte s’ouvre, livrantpassageàBrittany.

Elledoitsentirqu’ilyadelatensiondansl’airparcequesonsourires’effaceamesurequ’elles’approchedelatable.

—Toutvabien?demande-t-elleenposantunemainsurl’épauledemonfrère.

—Perfecto.Pasvrai,Alex?

JeprendsmonassietteetjelaporteàlacuisineenmefaufilantàcôtédeBrittany.

—Non,retorqueAlex.Jeluiposeunequestiontoutesimpleetiln’estmemepascapabledemerépondre.

C’estlegenrederemarquequidevraitexclusivementsortirdelabouched’unparent.Jesoupire.

—C’estjusteunefête,Alex.Cen’estpascommesij’allaiszigouillerquelqu’un.

—Unefête?s’étonneBrittany.

—Oui.Serait-ceunconceptquit’échappe?

—J’enaientenduparler.Jesaisaussicequisepassedanscesfetes.(Elles’assoitacotedesonhomme.)Rappelle-toi,Alex.Onallaitadesfetesaulycee,maisonavitecomprisnoserreurs.CeserapareilpourCarlos.Tunepeuxpasl’empêcherdesortir.

Alexpointeundoigtaccusateurversmoi.

— Tu aurais du voir les illes avec qui il traınait l’autre jour, Brittany. Des copiesconformesdeDarlenelapsychopathe.Tutesouviensd’elle?Cetteputen’auraitpashesiteasefairel’équipedefootaugrandcompletsiçaavaitpuaccroîtresapopularité.

Monfranginnefaitrienpourdéfendremacause.Merci,vieux.

—Bon,c’étaitsympadevousécouterparlerdemoi,maisfautquej’yaille,là.

—Tuyvascomment?demandeAlex.

—Àpied.Àmoinsque…

JezieutelesclésdeBrittanyposéessursonsac.

—Ilpeutprendremavoiture,Alex,dit-elle,s’adressantamonfrere,etnonamoi,pourlabonneraisonqu’ilssontincapablesdeprendreunedecisionsansquel’autrel’approuve.Maisinterdictiondeboire.Oudefumerdeladope.

—D’accord,maman,jerépondsd’untonsarcastique.

Alexsecouelatête.

—Cen’estpasunebonneidée.

Elleentrelaceleursdoigts.

—Pasdesouci,Alex.Detoutefaçon,onavaitditqu’onprendrait lebuspourallervoirShelley.

Lacopinedemonfrereremontedansmonestimeunefractiondeseconde,jusqu’acequeje me rappelle qu’elle controle sa vie, et la, ce vague sentiment chaleureux l’eclipseinstantanément.

J’attrapelesclésdevoitureetjelesfaistourbillonnerduboutdesdoigts.

—Allez,Alex.Nerendspasmavieencoreplusmerdiquequ’ellenel’est.

—D’accord,maisrapportecettevoitureenparfaitétat.Sinontuaurasaffaireàmoi.

—Oui,chef,dis-jeenmemettantaugarde-à-vous.

Ilextirpesonportabledesapocheetmelelance.

—Prendsça.

Jemedirigeverslaporteavantqu’ilsaientletempsdeseraviser.J’aioubliededemanderou laBM etait garee,mais jen’ai aucunmal a la reperer.Elleme faitde l’œil en scintillantcommeunangejustedevantl’immeuble.

Jesorsleboutdepapierouj’ainotelenumerodeMadisonavantdemelaverlebras.Desquej’aipigecommefonctionnait leGPS, jetapel’adresse, jedecapotelavoitureetquitte leparkingdansuncrissementdepneus.Àmoilaliberté!

Je me gare dans la rue et remonte a pied la longue allee conduisant a la maison deMadison. Je neme suis pas trompe. C’est bien la. Unemusique assourdissante se deversed’unefenetreaupremier,etj’aperçoisdesjeunesquiseprelassentsurlapelousededevant.Labaraqueestimmense.Jemedemandememesicen’estpasunimmeubleentierjusqu’aceque je sois suf isamment pres pour en avoir le cœur net. En entrant dans le hall geant, jereconnaisdesgensdemaclasse.

—Carlosestlà!hurleunefille.

Jefeinsdenepasentendrelacascadedecrisperçantsquis’ensuit.

Enrobenoirecourteetsupermoulante,unecanettedeBudLightalamain,Madisonse

fraieunchemin jusqu’amoietmeserrecontreelle. J’ai l’impressionqu’ellem’aversede labièredansledos.

—Tuesvenu!

—Ouais.

— Faut qu’on te donne quelque chose a boire. Suis-moi. Je lui emboıte le pas dans lacuisinequisemblesortietoutdroitd’unmagazinededeco.Toutl’electromenagerestenacierinoxydable. D’epaisses plaques de granite couvrent les plans de travail. A cote de l’evier,j’aperçoisune enormepoubelle remplie a rasborddeglaced’ou emergentdescanettesdebière.Jemepenchepourenprendreune.

—Kiaraestlà?

—N’importequoi!ricaneMadison.

J’aimaréponse,jesuppose.

Madisonm’attrapelecoudeetm’entraînedansuncouloir,puisenhautd’unescalier.

—Ilfautabsolumentquejeteprésentequelqu’un.

Elles’arretedevantuneimmensepieceoujedecouvrecinqmachinesdejeuxd’arcade,unbillardetunAirHockeydetable.

Unparadispourados.

Çaempesteladopeenplus.J’ail’impressiond’êtreshootérienqu’enrespirant.

—Lasalledejeux,m’expliqueMadison.

Çaélèveladéfinitiondutermeàunniveausansprécédent,jevousdispas.

Ungringoestvautredansuncanapeencuirmarroncommes’ilavaitl’intentiondetaperl’incrusteavie.IlporteunT-shirtblanc,unjeannoir,desbottes.Ilneseprendpaspourdelamerde,çasevoit.J’aviseunjointsurlapetitetabledevantlui.

—Carlos,jeteprésenteNick,ditMadison.

Legarsesquisseunhochementdetête.Jel’imite.

Madisons’assoitacotedesoncopain,attrapelejointetlebriquetposeacote.Elletireunelonguetaffe.Lavache,elleinhalecommeunchef!

—Nicktenaitbeaucoupàfairetaconnaissance,medit-elle.

Sesyeuxsontinjectesdesang.Jemedemandecombiendejointselleafumesavantquej’arrive.Laceypasselatêteparl’embrasuredelaporte.

—Madison!J’aibesoindetoi.Viens!

Madison nous annonce qu’elle revient avant de sortir de la piece d’une demarcheincertaine.Nicktapotelecanapéàcôtédelui.

—Pose-toilà.

Jeletrouveunpeutropal’aisedanssesbaskets.Monradarestentreenaction.Sonpetitjeun’apasdesecretpourmoi.J’aicroisedescentainesdeNickdansmavie.J’enetaisunmoi-mêmequandjevivaisauMexique!

—Tudeales?jeluidemande.

Ilglousse.

—Situesacheteur,laréponseestoui.(Ilmetendlejoint.)Tuenveux?

Jebrandismacanettedebière.

—Toutàl’heure.

Ilmedévisageenplissantlesyeux.

—Tuseraispasunmecdesstupsparhasard?

—J’ail’aird’unmecdesstups?

Ilhausselesépaules.

—Onnesaitjamais.Ilenexistedetouteslesformes,detouteslestailles.

Toutacoup,jepenseaKiara.Madistractionfavoritecestemps-ci.Jem’efforced’evaluerses reactions quand je la charrie. Elle pince les levres chaque fois que je lui sors uncommentaire desobligeant, ou quand je lirte avec une autre ille. J’ai beau lui avoir dit lecontraire,malgre lemerdier dansmon casier, je regrette presquequ’elle ne soit plusmonguide.Ellevamemanquer.

Jen’aipasencoredecidedelamethodequejevaisutiliserpourmevenger,maisçavafairemal!

—IlparaıtqueMadisonveutcoucheravec toi,declareNickensortantunpetit sacdepilulesdesapocheavantdeleséparpillersurlatable.

—Ahouais!D’oùtutiensça?

—C’estellequimel’adit.Ettusaisquoi?

—Quoi?

Ilglisseunpetitcomprimebleudanssaboucheetrejettelateteenarrierepourlefairedescendre.

—Engénéral,elleacequ’elleveut.

Kiara

—Jesuisdaltonien,maugreemonsieurWhittakerdesavoixgrinçanteentrempantsonpinceaudansdelapeinturemarron.C’estbienduvert?Commentvoulez-vousquejepeignequoiquecesoitsurcettefichuetoilesivousn’étiquetezpaslesgobelets?

On ne s’ennuie jamais pendant les cours d’arts plastiques a lamaison de retraite desHighlands. J’assistais laprof avant,maisdepuisqu’elle adonne sademission, j’ai repris saclasse.L’etablissementfournitlemateriel.Jesuischargeedetrouverlessujetspourceuxquiveulentassisteràmoncourslevendredisoiraprèsledîner.

AlorsquejevoleausecoursdemonsieurWhittaker,unepetitedameauxcheveuxblancscommeneige,prénomméeSylvia,approcheàpetitspas.

—Iln’estpasdaltonien,croasse-t-elleens’asseyantdevantunchevaletvide.Ilestmiro,c’esttout.

Pendantqu’agenouilleepresdelui,j’inscrislenomdescouleursavecungrosmarqueur,monsieurWhittakertourneversmoisonvisagestriéderides.

—Elleestfacheecontremoiparcequej’airefusededanseravecellealapetitefetedelasemainedernière,mesouffle-t-il.

—Sijevousenveux,c’estparcequevousetesvenuatablesansmettrevotredentierhiersoir.(Elleagitelamainenl’air.)Onnevoyaitquesesgencives.SacreCasanova!marmonne-t-elle,offusquée.

—Dévergondée!riposte-t-il.

—Vousdevriezdanseravecellelaprochainefois.Pourqu’ellesesentejeuneànouveau.

Lesdeuxmainscalleuses,arthritiquesduvieilhommeseposentsurmesépaules.

—Elleadeuxpiedsgauches,chuchote-t-il.Neluiditespasquejevousaiditça.Sinonellevamelefairepayer.

—Ilsn’ontpasdecoursdedanseici?

Jeluiparleàl’oreillepourqu’ilsoitleseulàm’entendre.

— J’arrive apeine amarcher. Jen’ai jamais ete FredAstaire.Celadit, si c’etait vous leprofesseur de danse au lieu de cette vieille bique de Frieda Fitzgibbons, je m’inscrirais

volontiersauxleçons.

Ilremuesesgrossourcilsblancstouffusetm’administreunepetitetapesur lesfesses.J’agiteundoigtfaussementmenaçantsoussonnez.

—C’estduharcèlementsexuel.Onnevousl’ajamaisdit?

— Je suis un vieux cochon,ma jolie.Demon temps, onne parlait pas de harcelementsexuel.Lesfemmesetaientcontentesqueleshommesleurachetentdessodas,leurtiennentlesportesetleurpincentlesfesses.

—Jeveuxbienqu’ilsm’ouvrentlesportess’ilsn’attendentpasdefaveursenretour.Enrevanche,lespincementsetlestapessurlesfesses,jem’enpasse.

Ilmechassed’ungeste.

—Ahlala!Lesfillesd’aujourd’hui,ellesveulenttout…Lebeurreetl’argentdubeurre.

—Nel’ecoutezpas,Kiara,intervientSylviaenmefaisantsigned’approcher.Cequ’ilvousfaut,c’estungentilgarçon…Ungentleman.

—Çan’existepas,intervientMildred,savoisine.

Un gentil garçon, hein ? Je pensais que c’etait le cas de Michael. Il n’a meme pas etecapabledemelarguercommeungentleman.

—Jeresteraipeut-êtrecélibatairejusqu’àlafindemesjours.

Les deux vieilles dames secouent vigoureusement la tete, ebranlant leurs coiffuresclairsemées.

—Sûrementpas!protestent-ellesàl’unisson.

—Cen’estpascequevousvoulez,ajouteSylvia.

—Non?

—Vraiment pas. (Elle se tourne versmonsieurWhittaker.) Ils ont beau etre le diableincarne… on a besoin d’eux. (Elle me fait signe deme pencher plus pres.) Moi, ça nemegêneraitpasqu’ilmetapotelesfesses.

—Vousn’êtespaslaseule,renchéritMildredenreprenantsonpinceau.(Cequisedessinesursa toile ressemble etrangement aunnumasculin.)Et sivousdemandiez avotregentilcamarade,Tuck,devenirposerpournous?Vousavezditqu’ondessineraitdessujetsvivants.

—Jepensaisplutôtàunchien.

—Non.Trouvez-nousunmodèle.

—Pasquestionque jedessineuntype, lancemonsieurWhittakerde l’autreboutde lasalle.ÀmoinsqueKiaraaussineposepournous.

—Jenevousprometsrien,dis-je,m’adressantàl’ensembledelaclasse.

J’appelleraiTuckdemainpourvoirs’ilestd’accord.Ildirapeut-etreoui,avecunpeudechance.

Carlos

—Saluuuuut,chantonneMadison.Merevoilà.

Ellearameneaumoinsdixpersonnesquis’agglutinentautourdujointetfonttourner.JemedemandecequeKiara fabriquecesoir. Jepariequ’elleesten traindereviserpoursesexamens d’entree a l’universite, ou un truc du genre, histoire d’etre sure d’acceder a unebonneuniversite. Pendant ce temps-la, je suis a une teufou ondistribuedesbedosetdespetitespilulesbleues.

Nickalignesescachetssurunplateau.Çamefaitpenserauplatpu-puqueBrittanynousaapportél’autrejour.

AumomentouMadisonmepasselestickavecungrandsourire,j’aienvied’oublierKiara,les examens, la fac, la bonne conduite. Je suis une crapule apres tout. Il est temps que jecommenceàmecomportercommetelle.

Jeprendsunetaffeenaspirantlafumeedoucedansmespoumons.Çadechire.Jeressensleseffetsavantmemedepasseramonvoisin.Quandc’estdenouveaumontour,jetireunelonguebouffeeenprenanttoutmontemps.Auboutdelaquatriemefois,jesuissuf isammentdefoncepourmefoutredeKiara,desescookies,desreprochescontinuelsd’Alex,dufaitquej’airacontédessaladesàBrittanyenluipromettantdenepasboirenifumercesoir.

J’aijusteenviedemeconcentrersurlesquestionsessentielles,tellesque…

—CommentçasefaitquelagrosseBerthaneserasepaslamoustache?

—C’estpeut-êtreunhommedéguisé,répondNick.

—Danscecas,pourquoiilsedéguiseenfemmemoche?jedisçatrèssérieusement.

—Peut-êtrequec’estunhommemocheetqu’iln’apaslechoix.

—Çaparaîtlogique.

QuandMadisonprendunenouvelletaffe,sentantmonregardposesurelle,ellemesouritpuisvients’installersurmesgenouxenpassantsalanguesurseslevres.Aenjugerd’apreslalongueurdecettelangue,ildoityavoirdesgenesd’iguanedanssagenealogie.Ellesepencheenavant,seschichissontàquelquescentimètresdemafigure.

—Nickalameilleureherbe,roucoule-t-elleens’étirantcommeunchatsuruntapis.

Letapis,faut-illepreciser,c’estmoi.Elleseretourned’unetorsion,semetcarrementacalifourchonsurmoietnouesesbrasautourdemoncou,lesyeuxmi-clos.

—Jetetrouvesexy.

—Moiaussi,jetetrouvesexy.

—Onvabienensemble.

Ellefaitglissersondoigtlelongdemonmentonetsepencheencoreunpeu.Salangued’iguane jaillit, elle se tremousse contremoi. Puis elle semet ame lecher lementon – cequ’aucune illen’ajamaisfait,jedoisbienl’admettre.D’ailleurs,jen’aipastropenviequeçaseprolonge.

On commence a s’embrasser devant tout lemonde. J’ai l’impression qu’elle aime bienavoirdesspectateurs.Une illefaituneremarqueaungarçonpourqu’ilarretedenousmater.Sans s’en preoccuper, Madison s’incline en arriere et entreprend de remonter son T-shirtcommeunestrip-teaseuseentraindefaireunlapdance.Ilestclairqu’elleaenviequetouslesgarçonslareluquent,etquetouteslesfillessoientjalouses.

C’estuneexhibitionniste,j’ensuissur,saufqu’enjetantmicoupd’œilamagauche,jevoisNickentraindepeloteruneLaceytorsenu.Onfaitunconcoursdetalentssexuelsouquoi?Cen’estpastropmontruc.

—Allonsdansunendroitplustranquille,jemurmuredanslescheveuxdeMadisonquandellecommenceàmetâteràtraversmonjean.

Ellefaitlamouemais initquandmemeparseleveretmetendrelamainentortillantdeshanches.

—Viens.

Toutvabeaucouptropvitecesoir.Jeprefereraisdecompresseruncoupd’abord,d’autantplusquel’avertissementdeRamaproposdeMadisonvientdemerevenirl’esprit.Maiselles’agrippeàmamainetmeforceàlaivre.

—Amusez-vousbientouslesdeux,lanceNick.

Deuxminutesplustard,onentredansunemégachambreavecunlitgigantesque.

—C’esttachambre?

Madisonsecouelatête.

—C’estcelledemesparents,maisilsnesontpourainsidirejamaisalamaison.IlssontaPhœnixencemoment.

Jeperçoisunenuanced’amertumedanssavoix,etj’enconclusqu’ellesevenged’euxens’ébattantdansleurplumard.

Est-cequejepeuxluidirequejeprefereraisfaireçaparterreplutotquedanslelitdesesdarons?

—Allonsdanslatienne.

Ellesecoueencorelatête,m’attireverslelit.

—Qu’est-cequeRamt’aracontéàproposdemoi?

—J’aiunpeudemal apenser a ça, la toutdesuite. Jesuisaussidefonceque toi, je tesignale.

—Essaiequandmemedeterappeler.Ilt’aexpliquepourquoionavaitrompu?Cen’etaitpasentierementdemafaute,jet’assure.Cen’estpascommesijesavaiscequ’ilsavait.J’etaisconscientedecequejefaisais,tucomprends.Memesijesavais,çaneveutpasdirequ’iletaitaucourant.Samèren’auraitjamaispudécouvrirlavéritéettousnousfairearrêter.

J’aimalàlatêterienqu’àl’écouterdébitersonlaïus.

—Jecomprends!

Jen’aipaspigeuntraıtremotdecequ’ellem’araconte,mais jemedisqu’unereponsetoutesimpledevraitfairel’affaire.L’espoirfaitvivre.

—Vraiment?s’exclame-t-elle,toutsourire.

Hein?Dequoiest-cequejeparle?Etelle?Paslamoindreidée!

Ellemeserredanssesbras,pressantseschichiscontremontorse.J’esperequ’ilsnevontpaséclater!

Cettevisionme ile les jetons.Ducoup, jemeremetsdistraitement apenser aKiara, aquoielledoitressemblersoussesT-shirtsgeants.L’espaced’uneseconde,jemedisquececorpsinconnuestplussexyquecequeMadisonnousexhibetouslesjourssouslenez.

Jefermehermetiquementlesyeux.Qu’est-cequimeprend?Kiaran’ariendesexy.Ellemefrustreetmetienttête,pirequemaproprefamille.

—Jet’airacontécequeKiaraafaitàmoncasier?

Madisonmefaitsignedelarejoindresurlelit.

—J’enairienàfoutredeKiara.Cessedepenseràuneautrefillequandtuesavecmoi.

Elle a raison. Il faut que j’arrete deparler deKiara. J’aimeque les chosesme tombenttoutescuitesdanslebec,etKiaranefaitpaspartiedecesbienfaitsdel’existence.Madison,elle,si.

Enmoinsdetempsqu’ilnefautpourledire,oncommenceas’eclateraulit.Madisonestassiseacalifourchonsurmoi,lescheveuxdansla igure.J’ail’impressionqu’onenadanslabouchequandons’embrasse,maisçan’apasl’airdelagêner.

—Tuveuxqu’onlefasse?balbutie-t-elleencambrantlesreins.

Evidemment.Maisj’aialorslemalheurdejeteruncoupd’œilverslatabledenuitd’ousesparents nous sourient sur une photo encadree, et toute mon envie retombe. Je realisebrusquementqueMadisonn’enarienafairedemoi.Cequ’elleveut,c’ests’envoyerenl’airdanslelitdesesparentsavecungarsdéfoncé,auxantipodesdecedontilsrêventpourelle.

Celadit,entresedirequejesuisunsalemecetsecomportercommetel,ilyadelamarge.

—Fautquej’yaille,jebafouille.

—Attends…Ohnon!J’mesenspasbien.Jecroisquejevaisêtremalade.

Elleseleved’unbondetfonceauxtoilettesouelles’enfermeadoubletour.Unesecondeplustard,desbruitsdevomissementsparviennentàmesoreilles.

Jefrappeàlaporte.

—Tuasbesoind’aide?

—Non.

—Ouvre-moi,Madison.

—Non.VachercherLacey,st’plaît.

Sameilleurecopineetplusieursautres illesmontentprecipitammentluiportersecours.Depuis le seuil de la salle de bains, je les regarde la traiter comme si elle etait gravementmalade,etnonpasentrainderendresestripesparcequ’elleatropbuettropfumé.

Auboutdevingtminutesaucoursdesquellesonm’ignoreroyalement, rassuredevoirqu’ondispenseaMadisontouteslesattentionsdontelleabesoin,jedecidequej’enaiassezdecettefête.

Unefoisdehors,jesorsletrousseaudeclesdeBrittanyorned’uncœurrose.Jemetslecontact,j’enclenchelapremiere,maisquandjelevelesyeux,laligneblanchesurlarouteesttoute loue. Jesuis incapabledeconduire.Tropdefonce, tropbourre.Unmelangedesdeuxsansdoute.

Etmerde!Jen’aiquedeuxsolutions:retournerchezMadisonetmetrouverunendroitpourpioncer;oudormirdanslavoiture.

Pasbesoinderéfléchirlongtemps.

Jetiresur lamanettepourincliner lesiegeet fermelesyeuxenmedisantquedemainj’arriveraipeut-êtreàcomprendrecequis’estpassécesoir.

Lalumiereesttropvive.C’estinsoutenable.Lesoleildumatinmetombeenpleinsurlafigure.JesuisdanslavoituredeBrittany.Capotebaissée.Fautquejerentre.

EnarrivantchezAlex,jeletrouveassisatable,unetassedecafeentrelesmains.QuandjejettelesclésdeBrittanysurlatable,ilvientàmarencontre.

—Tum’asditquetuseraisderetourdansquelquesheureshiersoir.Tuesconscientqu’ilestneufheures?Delamañana.

Jemefrottelesyeuxengémissant.

—S’ilteplaît,Alex.Tupourraispasattendreaumoinsmidipourmecrierdessus?

—Jevaiste icherlapaix,t’inquiete.Maislaisse-moitedirequec’estladernierefoisqueBrittanyteprêtesavoiture.

—Pasdesouci.

Du coin de l’œil, j’aperçois lematelas encore gon le. Jem’y laisse tomber comme unemasse.Alextirel’oreillerdedessousmatête.

—Tuneseraispasdéfoncé,parhasard?

—Plusdutout,malheureusement,dis-jeenrécupérantl’oreiller.

Jel’entendssoupirerens’asseyantsursonlit.Ildevraitenroulerun,poursedétendre.

—Qu’est-cequetuveuxencore?jemarmonnecontremonoreiller,sentantsesyeuxmetranspercerlecrânecommedeuxlasers.

—Çat’arrivedetesoucierd’autrechosequedetapomme?

—Rarement.

—Ilnet’estmêmepasvenuàl’idéequejepouvaism’inquiéterpourtoi?

—Pasuneseconde.

Uncoupàlaportel’empêche,Dieumerci,depoursuivresoninterrogatoire.

—Hello,chica.

Laissez-moideviner.Brittanypeut-être?

—Carlosaoubliederabattre lacapote,dit-elle. Il commence apleuvoir. Ila laisse tonportablesurlesiègepassagerenplus.J’espèrequ’ilmarcheencore.

Jeplains leursgossessi jamais ils semarientun jour. J’esperequecesninosne ferontjamaisdeconneries…VulafaçondontBrittanyetAlexmeregardentacetinstant,jepresumequ’ilsaimeraientbienm’interdiredesortieàvie.

Maisdésolé,lesgars.Vousn’êtespasmesparents.

Kiara

Lundimatin,toutessortesdebruitscourentaulyceeaproposdelasoireechezMadison.Elleseseraitenvoyéeenl’airavecCarlossurlelitdesesparents!

Lemardietlemercredi,jeremarquequ’elles’installedésormaisavecluiàlacafét’.

Lejeudi,Carlosn’estmemepaslaaudejeuner.Ellenonplus.Ilsontdus’isolerquelquepart.

Levendredimatin,jerencontreCarlosdevantsoncasiertoujourstapissédecookies.

—Salut,melance-t-il.

—Salut.

Jecomposemoncode,maislaporterefusedes’ouvrir.

J’essaiedenouveau.Jesaisquejenemesuispastrompeedechiffres,maisj’aibeautirersurlapoignée,ellenecèdepas.

Carlosjetteuncoupd’œilpar-dessusmonépaule.

—Tuasunproblème?

—Non.

Jetentelecoupencoreunefois.Jetiredetoutesmesforcessurlapoignee,jesecoue.Rienn’yfait.Carlospianoteduboutdesdoigtssurlaparoimétallique.

—Tuaspeut-êtreoubliélacombinaison.

—Jelaconnaisparcœur.Jenesuispasidiote.

—Tuessûre?Lesfillesbêtes,çam’excite.Jetel’aidit.

Je repense aux rumeurs qui circulent au sujet de Madison et lui. L’idee qu’ils sortentensemblememethorsdemoi,jenesaismêmepaspourquoi.

—Fous-moilapaix.

Ilhausselesépaules.

—Comme tu veux. (La cloche semet a sonner.) Bon ben, bonne chance. Quelqu’un atrafiquétaserrureàmonavis.

Il recuperesesbouquinsdanssoncasierets’eloigne agrandesenjambees. Je luicoursaprès,luiattrapelebras.

—Qu’est-cequetuluiasfaitàmoncasier?

Ils’arrête.

—Changerlacombinaison,peut-êtrebien.

—Comment?

Ilglousse.

—Sijeteledis,jevaisêtreforcédetetuer.

—Trèsdrôle.Dis-moiquellecombinaisontuasmise.

—Jetefourniraivolontiersl’info…(Ilmetapotelenezduboutdesonindex…)quandilneresteraplusunseulcookiedansmoncasier.Plusuneseulemiette.Àplus.

Surce,ildisparaıtdanslaclasse,melaissantmedebrouiller…Etcommenceracomploterlaprochainebataille.

En cours d’anglais,monsieur Furie nous rend nos dissertes. Il nous appelle l’un apresl’autreàsonbureau.

—KiaraWestford.

Ilmetendmacopie,laminegrave.

—Vouspouvezfairebeaucoupmieuxqueça,Kiara,jelesais.Creusezunpeupluslesujetlaprochainefois,etarretezdedonnerdesreponsesquisontcenseesmeplaire.Cen’estpaslepropos.

Enregagnantmatable,jepasseàcôtédecelledeMadison.

—CommentvaCarlos?mechuchote-t-elle.

—Çava.

—Tusais,s’ilteprêteattention,c’estparcequ’ilteplaint.C’esttristequandonypense.

Ignorant sa remarque, je regagne ma place. Un gros C rouge tronant en haut de lapremierepagedemondevoir.Pasterrible,surtoutpourquelqu’unquiesperedecrocherune

bourse.

—Danslequartd’heurequisuit,vousallezmerédigerunargumentaire,annonceleprof.

—Àproposdequoi?demandeNickGlass.

—Lesujetest…

MonsieurFuriemarqueunepause,manifestementdansl’intentiondemenagersoneffetetd’avoir l’attentionde tous ses eleves. Il s’assoit aubordde sonbureauetdebite : « Lesparticipantsauxrealityshowsdoivent-ilsêtreconsidéréscommedescélébrités?»

Toutelaclasserâle.

—Baissezleton,lesgars.

— Comment voulez-vous qu’on ecrive un papier si on n’a pas le temps d’aller surInternet?lancequelqu’undufonddelaclasse.

—Cesontvosideesquim’interessent,paslesrecherchesquevousetescapablesdefaire.Quandvousdevezpersuaderunamidequelquechose,dechangerd’avisparexemple,vousnepouvezpasluidire:«Attendsuneminute,j’aibesoindefairedesrecherchesoudeconsulterles statistiques. » Vous devez trouver les arguments vous-memes. C’est ce que je vousdemandedefairemaintenant.

Ildéambuledanslaclassependantqu’onsemetfrénétiquementàl’œuvre.

—Si vous voulez des points en plus, ajoute-t-il au bout d’unmoment, je vous offre lapossibilitédelirevotredevoiràvoixhauteàlaclasse.

Super.J’aibesoindepointssupplementaires,etjesuiscapablededebitermontextesansbuteruneseulefois,j’ensuissûre.

—Posezvosstylos,ordonneFuriequinzeminutesplustardenjoignantlesmains.Bon,desvolontairespourlalectureàhautevoix?

Jelèvelamain.

— Mademoiselle Westford, venez ici partager le fruit de vos re lexions avec voscamarades.

—Ohnon!Paselle!geintMadison.

Laceypouffederireavecplusieursdesescopines.

—Unsouci,Madison?

—Non,monsieur.C’estjustequej’aifaillimecasserunongle!repond-elleenagitantsesdoigtsmanucurés.

— Je vous serais reconnaissant de garder vos problemes d’esthetique pour apres lescours.Venez,Kiara.

J’attrapemondevoiretvaismeplanterdevantlaclasse.Jem’ordonnederespirerafondetdere lechirposementavantdeformulermesphrases.Puisjemetourneversleprofquimesouritgentiment.

—Allez-y.

Jemeraclelagorge.Jedeglutis,maisjesensmalanguedeplusenplusepaissedansmabouche.C’estdelafautedeMadison.Ellem’adeboussolee,maisjenevaispasmelaisserfaire.Pas question qu’elle ait une quelconque in luence sur moi. Detends-toi. Pense aux mots.N’oubliepasderespirer.

—Jep-p-pense…

Les yeux rives sur ma feuille, je sens tous les regards braques sur moi. Certainscommencentdéjààs’apitoyersurmonsort.D’autres,commeMadisonetLacey,àrigoler.

—Jep-p-pensequelesac-ac-acteursdesrealityshows…

Un eclatderire retentitdans laclasse. Je saisd’ou çavientavantmemederelever lesyeux.

— Je ne trouve pas ça drole, Madison. Respectez votre camarade, proteste monsieurFurie.Etcen’estpasunerequête.C’estunordre.

Madisonplaquesamainsursabouche.

—Jemecalme,dit-elleàtraverssesdoigts.

—Vousavezintérêt,répliqueleprofd’untonsévère.Kiara.Allez-y.

OK.Jepeuxlefaire.Puisquej’arriveadiscuteravecTucksansbegayer, jedevraispeut-etrefairecommesijem’adressaisalui.Je ixemonregardsurmonmeilleurami,toutaufonddelaclasse.Ilm’adresseunpetitsigned’encouragement.

—Lesacteursdesrealityshowssontdescélébrités…

Jemarqueunepauseenprenantunegrandeinspirationavantdepoursuivre.Tupeuxyarriver.Tupeuxyarriver…

—Parcequenouslai-laissonslesm-m-media…

Nouveauxéclatsderire,provenantdeMadisonetdeLaceycettefois-ci.

—Mademoiselle Stone etmademoiselle Goebbert ! aboie Furie en designant la porte.Sortezd’ici.

—Vousn’êtespassérieux,protesteMadison.

—Jen’aijamaiseteaussiserieux.Jevous lanqueuneheuredecolletroisjoursd’af ileeatouteslesdeux,àcompterd’aujourd’hui.

—Nefaitespasça,jeluichuchoteavecl’espoirquepersonnen’autren’entende.S’ilvousplaît,nefaitespasça.

Madisonal’airoutrée.

—Vousnouscollezparcequ’onrit?Allons,monsieurFurie.Cen’estpasjuste.

—Allezvousplaindreauproviseursivoustrouvezquelquechoseàredireàmapunition.

Furieouvre le tiroirde sonbureaueten sortdeux formulairesbleusde retenue. Il lesremplitavantdefairesigned’approcherauxdeuxcoupables.Ellesmejettentunregardnoirenpassant.Jesuisdansdesalesdraps.Madisonm’adanssoncollimateurmaintenant,et jevoismalcommentjevaism’ensortir.

Leprofesseurluitendlesformulairesqu’ellefourredanssonsac.

—Jenepeuxpasresteraprèslescours.Jedoisallertravailleràlaboutiquedemamère.

—Vousauriezduypenseravantd’interrompremoncours.Avantdequittercettesalle,demandezpardonàvotrecamarade.

—Cen’estpaslapeine,jebredouille.Vousn’êtespasobligées.

—Oh!sij’insiste,répondMadison,onestdé-dé-désolées,etellesricanentdeplusbelle.

Mêmequandellessontsortiesdanslecouloir,onentendencoreleursriresrésonner.

—Jevousfaisdesexcusesdeleurpartpourcecomportementdeplace,reprendmonsieurFurie.Souhaitez-vouscontinuerànouslirevotretexte?

Je secoue la tete et il soupire sans protester pour autant quand je regagnema place.J’aimeraisquelaclochesonnepourallermecacherdanslestoilettes.Jem’enveuxtellementdelesavoirlaisséesmedécontenancer.

Pendantlademi-heurequisuit, leprofdemandead’autreselevesdelireleurdevoir.Je

n’arretepasderegarderlapenduleenpriantpourquelesminutespassentplusvite, j’aidumalàmeretenirdepleurer.

Desque lasonnerieretentit, jemejettesurmes livreset jesorsde laclasseaupasdecourse.MonsieurFuriem’appelle,maisjefeinsdenepasl’avoirentendu.

—Kiara!

C’estTuck,quim’asaisilecoudeetm’obligeàluifaireface.

Unestupidelarmecoulelelongdemajoue.

—Jeveuxêtreseule,jebafouilleavantdepartirencourant.

L’escalier au bout du couloir mene a un vestiaire reserve aux equipes qui viennentdisputer des tournois a Flatiron. Il n’y a jamais personne dans la journee, et l’idee demeretrouver tete a tete avec moi-meme dans un endroit ou je n’ai pas besoin d’af icher unsourirefacticemefaitl’effetd’unparadis.Jemerendscomptequejeseraienretardal’etude,maismadameHaddenfaitrarementl’appel.Siellelefait,tantpis.Çam’estegal.Jeneveuxpasqu’onmevoiedanscetétat.

Je pousse la porte du vestiaire etme laisse tomber sur un banc. J’ai epuise toutes lesreservesd’energiequim’ontpermisdetenirlecouppendantladernieredemi-heuredecours.J’aimeraisbien etreplussolideetme icherdeceque lesgenspensentdemoi,mais jen’yarrivepas.JenesuispasfortecommeTuckouMadison.

Siseulementjepouvaismecontenterd’etremoi,KiaraWestford,malgremonproblemed’élocution.

Auboutd’unquartd’heure,jem’approchedulavabopourmeregarderdanslaglace.Çasevoitquej’aipleure,oualorsonpeutcroirequej’aiungrosrhume.Jemetapotelesyeuxavecun petit tas de serviettes en papier mouillees dans l’espoir qu’ils degon lent. Quelquesminutesplustard,jemetrouveapeupresconvenable.Personnenesauraquej’aiversetoutesleslarmesdemoncorps.Jel’espèreentoutcas.

Soudainlaporteduvestiaires’ouvre.Jesursaute.

—Ilyaquelqu’unlà-dedans?hurleunvigile.

—Oui.

—Jevousconseillederetournerenclasseavantquelapolicearrive.Onleurasignalelaprésencededroguesdansl’établissement.

Carlos

Shevelenkoachevesoncoursdebiologiesurlesgenesdominantsetrecessifs.Ellenousafaitdessinerdesencadresennousdemandantd’imaginerdifferentsscenariosaproposdelacouleurdesyeuxdelaprogéniturehumaine.

—J’aiinvitedespotescesoir,m’annonceRampendantquenoustravaillons.Çateditdevenir?

Jeletrouveplutotcoolmemes’ilestpleinauxas.Lasemainederniere, ilm’are ilesesnotespourlesdeuxsemainesd’ecolequej’aimanquees,etleshistoiresqu’ilraconteaproposdesonséjourauskil’hiverderniermefontpisserderire.

—¿Aquéhora?

—Verssixheures,jedirais.(Ilarracheunefeuilledesoncahieretgriffonnedessus.)Voilàmonadresse.

—J’aipasdebagnole.C’estloin.

Ilretournelepapieretmetendsonstylo.

—Pasdeproblème.Jeviendraitechercher.Oùhabites-tu?

Jesuisentraind’écrirel’adressed’Alexquandlaprofapprochedenotretable.

—VousavezrécupérétouslescoursdeRamiro,Carlos?

—Oui.

—Tantmieux,parcequevousaurezuncontrôlesemaineprochaine.

Alorsqu’elledistribuedes ichesd’exercices,cinqbipsretentissentdanslehaut-parleur.Toutelaclasseestenémoi.

—Qu’est-cequisepasse?

Ramiroal’airsouslechoc.

—Ilsontbouclél’école!Putain!

—Commentça,bouclé?

—Sic’estundingoarmed’un lingue,jesauteparfenetre,s’exclameJohn,unautreeleve.Vousmesuivez,lesmecs?

Ramlèvelesyeuxauciel.

—C’estpasunforcene,imbecile.Onauraitentendutroislongsbipsaulieudecinqcourtssinon.C’estunehistoirededrogue.Surementpasunedescentederoutine.J’enauraisentenduparler.

Johnsemarre.

—Passeuncoupdefilàtamère,Ram.Elledoitêtreaucourant.

Unera lededrogue?J’esperequeNickGlassn’apportepassonplateaupu-pual’ecole.JemetourneversMadisonquiestarriveeenretardencours.Ellevientdesortirsontelephonedesonsacetleplanquesouslatablepourenvoyeruntextoàquelqu’un.

—Ducalme,toutlemonde,lanceShevelenko.Laplupartd’entrevousontl’habitudedecet exercice. Pour ceux qui n’auraient pas compris, l’ecole est bouclee. Personne ne peutquitterlebâtiment.

Madisonlèvelamain.

—Jepeuxallerauxtoilettes,s’ilvousplaît?

—Désolée,Madison.

—C’esturgent.Jemedépêche,promis.

— Interdictionde sepromenerdans les couloirsquand l’etablissementestboucle. (Laprof jetteuncoupd’œil a sonordinateur.)Pro itez-enpourreviser l’examende la semaineprochaine.

Unquartd’heureplustard,unflicfrappeàlaporte.

—Quiest-cequis’estfaitchoperavotreavis?chuchoteundenommeFrankdesquelaprofarejointlepolicieranslecouloir.

Ramlèvelesmains.

—Pasmoi,mec.Jen’aipasenviedemefairevirerdel’equipedefoot.Enplus,mameremeferaitcoffrersielledécouvraitquejetrempedansdestrucsillicites.

Àpeinederetourdanslaclasse,Shevelenkolanced’unenoixforte:

—CarlosFuentes.

¡Carajo!Ellem’aappelé.

—Oui?

—Venezici.

—Putain,mec,tul’asdansl’os,souffleFrank.

Pendantquejemedirigeverslaprof,j’arrivetoutjusteameconcentrersurlespoilsdesamoustachequifrémissentquandelleparle:

—Cesmessieurssouhaiteraientvousvoir.Suivez-moi.

Tousleselevesdelaclassesaventpourquoionmeconvoque.Maisjen’aipasdedroguedansmes poches ni dansmon casier. Ils ont du apprendre que je venais duMexique ; ilsveulentmedeporterbienquejesoisnedansl’Illinoisetcitoyenamericain.Danslecouloir,deuxflicss’avancentversmoi.

—C’estvousCarlosFuentes?medemandel’und’eux.

—Oui.

—Pourriez-vousnousindiqueroùsetrouvevotrecasier.

Moncasier?Jehausselesépaules.

—Pasdeproblème.

J’ouvrelamarche,lapoliciasurmestalons,sipresdemoiquejesensleursouf ledansmoncou.Aumomentoujebifurquedanslecouloir,jetombesurunclebardentraind’aboyerfurieusementaupieddemoncasier.Qu’est-cequec’estquecettehistoire?

Sondresseurluiordonnedes’asseoir.

Leproviseurestlàluiaussi.

—C’estbienlecasierqu’onvousaassigné,Carlos?demande-t-il.

—Oui.

Ilmarqueunepausethéâtraleavantd’ajouter:

—Jenevousledemanderaiqu’unefois.Ya-t-ildeladrogueàl’intérieur?

—Non.

—Vousnevoyezpasd’inconvénientànousouvrirdanscecas?

—Non.

Jetapelacombinaisonetjetirelebattant.

—Qu’est-cequec’estqueça?demandeundes licsenpointantl’indexsurlescookiesdeKiara.

Ilserapprochepouryregarderdepluspres,etla,leclebsdevientdingue.L’hommefourresondoigtdansundesbiscuits.

—Cesontdesbiscuits,dit-ilbêtement.

—Votrechienafaimàmonavis.

Soncollèguemejetteunregardincendiaire.

—Boucle-la.Jepariequ’ilssontbourrésdedrogueetquetulesvends.

Bourres de drogue ? Il plaisante ou quoi ? Ce sont juste les cookies rassis avec desaimants.Jememetsàrire.

—Tutrouvesçadrôle,vaurien?

Jemeraclelagorgeenfaisantdemonmieuxpourreprendremonsérieux.

—Non,monsieur.

—C’esttoiquilesasfaits,cesbiscuits?

—Oui,monsieur. (Jemensparceque j’estimequ’ilsn’ontpas a connaıtre la reponse acettequestion.)Maisjevousconseilledenepasessayerdelesdécoller.

—Pourquoipas?Tuaspeurqu’ondécouvrecequ’ilyadedans?

Jesecouelatête.

—Non.Faites-moiconfiance,iln’yariendedans.

—Çaneprendpas,ripostelegars.

Ignorantmonconseil, leproviseurtented’attraperundescookies,quis’effritedanssamain. Je toussotepour tenterdedissimulerunnouvelaccesd’hilarite tandisqu’ilporte lesmiettesbrunatres asonnezpour lesreni ler. JemedemandecequeKiarapenseraitsiellesavaitquesesbiscuitsfontl’objetd’uneinvestigation.

Undespoliciersemietteunautrecookiedanssamainetengrignoteunboutpourvoirs’il

ydécèledestracesdesubstancesillicites.Ilhausselesépaules.

—Jenesensrien.(Ilbranditlerestedubiscuitsouslenezduchien,quinereagitpas.)Riendanslesbiscuits,declare-t-il.Maisilyaautrechosedanscecasier.Sortez-moitoutça,m’ordonne-t-ilencroisantlesbrassurlapoitrine.

J’attrapequelqueslivressurl’etagereduhautetjelesposeparterre.J’enextraisd’autresdubasdemoncasier.

Quandjetiresurmonsacàdos,lechienrecommenceàfairesoncirque.

Ceclebardesttotalementbarre.Sionleregardeassezlongtemps,jesuissurquesatetevafaireuntourcompletsurelle-mêmeetquesesyeuxvontserévulser.

—Videzentièrementvotresacetdisposeztoutparterredevantvous,insisteHouse.

—Ecoutez,jenevoisvraimentpaspourquoicechienenveutamonsac.Ilsouffrepeut-êtred’untroubledelapersonnalité.

—Cen’estpasluiquiaunproblème,fiston,aboieledresseur.

Monsangnefaitqu’untourquandjel’entendsm’appeler« iston».J’aienviedeluisauteràlagorge,maisiltientenlaissecetoutoucomplètementgivréqu’ilpeutlâcheràtoutmomentsurmoi.Jesuisunduracuire,certes,maisjemerendsbiencomptequ’unchienpolicierestcapabledemefairelapeau.

Jesorsunàuntouslesobjetscontenusdansmonsac,quejedisposeproprement,alignés.

Unstylo.

Deuxcrayonsàpapier.Uncahier.

Unmanueld’espagnol.UnecanettedeCoca.

Lechiensemetaaboyercommeundement.Uneseconde!Jen’aijamaismisdecanettedansmonsac.Leprincipals’ensaisit, souleve la languetteet…Oh,merde !Cen’estpasduCoca.C’estunefaussecanetteavecàl’intérieur…

Ungrospochond’herbe.Et…

Uneautreenveloppetransparentecontenantdespilulesblancetbleu.

—Cen’estpasàmoi,jeproteste.

—Àquiest-cequeçaappartientalors?exigedesavoirHouse.Donnez-nousdesnoms.

Jesuisapeuprescertainquec’estNicklecoupable,maispasquestionquejeledenonce.

S’il y a une chose que j’ai apprise auMexique, c’est qu’il faut fermer sa gueule. En toutescirconstances.Memesijen’enairienafairedeceNick,jesuissurlepointdetomber,quecelameplaiseounon.

—Jen’aipasdenomsavousdonner.Jenesuisiciquedepuisunesemaine.Lachez-moilagrappe.

—N’enesperezpastant.Surtoutpasdanslecadred’unetablissementscolaire,cequifaitde la possession de ces substances un crime, replique un des policiers, un œil sur mestatouages.(Ilprendlespochonsdesmainsduprincipaletouvreceluicontenantlespilules.)C’est de l’oxycontine, dit-il. Et ça, ajoute-t-il en ouvrant le sac d’herbes, ça fait assez demarijuanapourqu’onsachequevousnevouscontentezpasdeconsommer.Vousdealez.

—Vousrendez-vouscomptedecequecelasignifie,Carlos?intervientleprincipal.

Parfaitementbien.Çaveutdirequ’Alexvametuer.

Kiara

Quandj’aiapprisqu’onavaitemmeneCarlosaucommissariat,jemesuisjeteesurmontelephonepourappelermonpere.Ilm’aditqu’ilavaitcontacteAlexpoursavoircequis’etaitpassé,etoùonavaitemmenéCarlos.

Enarrivantàlamaison,mamanm’attendsurleseuil.

—Tonpèreaditqu’iln’allaitpastarderàrentrer.IlaeudesnouvellesdeCarlos.

—Tusaiscequiluiestarrivéalors?

Ellehochelatête.

—D’aprèsAlex,Carlossoutientquesesdroguesneluiappartenaientpas.

—Illecroit?

Mamansoupire. Jemerendscomptequ’elleaimeraitbienmedonnerdes informationsplusréjouissantes.

—Ilestsceptique.

Paparentre, lescheveuxenbataille, commes’iln’avaitpasarretedesepasser lamaindedans.

—Réuniondefamille,annonce-t-il.

Unefoistoutlemondeassembléausalon,ilseraclelagorge.

—Qu’est-cequevousdiriezsiCarlosvenaithabitericijusqu’àlafindel’annéescolaire?

—C’estquiCarlos?demandeBrandon.

—Lefrered’undemesancienseleves.EtunamideKiara.(Ildetournesonregarddemoipourleposersurmaman.)Ils’averequ’ilvitdansuneresidenced’etudiants.Commeiln’estpasinscritàl’université,lejugeadéclaréquec’étaitillégal.

—Jevaisavoirunfrere?Super!s’exclameBrandon.Ilpeutdormirdansmachambre?Vouspourrieznousacheterdeslitssuperposésettout.

—Net’excitepastrop,Bran.Ilcoucheradanslachambrejaune,répondmonpère.

—CommentvaCarlos?demandemaman.

—Jen’ensaisrien.Amonavis,c’estungentilgarçonaufond,quis’epanouiraitdansunenvironnementpositif,stable,sansdrogue.J’aimeraisl’aidersinoussommestousd’accord.Sinousnel’accueillonspas,ilseraobligederetournerauMexique.Alexm’aditqu’ilseraitpretatoutpourlegarderici.

—Çanemegênepasqu’ilhabiteici,dis-je,réalisantaprèsavoirprononcécesmotsquejesuissincère.Toutlemondemériteunedeuxièmechance.

Papasetourneversmaman.Ellel’attrapeparlecouetrapprochesatêtedelasienne.

—Monmarivasauverlemonde,unenfantaprèsl’autre,hein?

Illuisourit.

—S’ilfautenpasserparlà,oui.

Ellel’embrasse.

—Jevaisfairelelitdanslachambred’amis.

—Tues lameilleure ! Je vais appelerAlexpour luidireque c’estbon, ajoute-t-il, toutexcite.Unenouvellerencontreestprevueaveclejugelundi.NousferonspressionsurluipourqueCarlossoitinscritauprogrammeREACHàFlatironaulieud’êtreexpulsé.

Monpèrequittelapiècepourallerdanssonbureau.Jelesuisdesyeux.

—Ils’est ixeunenouvellemission,commentemaman.Ilacetteetincelledansleregardcommequandilaundéfiàrelever.

J’esperejustequecetteetincelleseraresistanteparcequejesensquelapatiencedepapa–probablementdigned’unsaint–estsurlepointd’êtresoumiseàrudeépreuve.

Carlos

— Renvoie-moi a Chicago. Tu seras debarrasse de moi comme ça, dis-je a Alex ledimanchematinaprèsuneconversationtéléphoniquehouleuseavecMi’amá.

Ilm’aobligealuiracontertoutcequis’etaitpasse.Quandlapolicem’aescortehorsdel’ecole,menottesauxmains,çanem’apasgeneplusqueça.Voirensuitemonfreredebarqueraucommissariat,contemplersafrustration,ladeception,graveessursonvisage,nem’ontpasnonplusperturbe outremesure.Maisd’avoirparle amaman, l’avoir entenduepleurer,medemandercequ’ilestadvenudesonniñito,c’étaitquasiinsoutenable.

Elleaussim’arecommandédenepasrentrerauMexique.

—Cen’estpassûricipourtoi.Auséntese,Carlos,resteàl’écart.

Çanem’apassurpris.Toutemavie,lesgensm’ontlaissetomber–mipapa,Alex,DestinyetmaintenantMi’amá.Alexestallongésursonlit,unbrassurlesyeux.

— Pas question que tu retournes a Chicago. Le professeurWestford et sa femme ontacceptédet’héberger.L’affaireestréglée.

CelasignifiequejevaisdevoirvivresouslemêmetoitqueKiara.Trèsmauvaiseidée!

—Etmoi,jen’aipasmonmotàdire?

—Non.

—¡Vetealamierda!

—Hé!C’esttoiquit’esmisdanscepétrin.

—Jet’aiditquecettecamen’étaitpasàmoi.

Ilseredresse.

—Tun’aspasarretedeparlerdedroguesdepuisquetuesarrive,Carlos.Ilsonttrouvedelachoradans toncasier,ainsiqu’unequantiteastronomiqued’OC.Çane t’appartientpeut-êtrepas,maistut’esfaitpiéger.

—Tudisquedesconneries!

Unedemi-heureplustard,Brittanyestderetouralorsquejesorsdeladouche.Elleestassise a table, dans un jogging rose bonbon qui epouse ses formes. Elle ferait mieux des’installerici,franchement.Elleesttoutletempslà.

Jemedirigeversmonlitenregrettantquel’appartnesoitpasunpeuplusgrand.Jesuisunhommeencolere,assoiffedevengeance.Jeneconnaıtraipasderepostantquejen’auraipasdécouvertquiaplanquécettedopedansmoncasier.Celuiquiafaitçavamelepayer!

—J’espèrequ’onnevapasterenvoyer,meditBrittanyd’untontriste,maisjesaisqu’AlexetleprofesseurWestfordferonttoutcequiestenleurpouvoirpourt’aider.

—Ne prends pas cet air deprime. Tu vas pouvoir passer ta vie icimaintenant que jedéménage.T’enasdelachance!

—Carlos,retroceda,melancesèchementAlex.

Pourquoiest-cequejemetairais?C’estlavérité.

—Crois-lesituveux,Carlos,j’aimeraisquetusoisheureux,ajouteBrittanyenpoussantunportableflambantneufdansmadirection.Jet’aiachetéça.

—Pourquevouspuissiezmesuivreàlatrace,Alexettoi?

Ellesecouelatête.

—J’aipensequeça te feraitplaisird’enavoirunpournousappelersi tuasbesoindenous.

J’attrapeletéléphone.

—Quiest-cequil’apayé?

—Çan’apasd’importance.

Mafamillen’apaslesmoyensdem’enacheterun,çajelesais.Jetourneledosalacopinedemonfrèreainsiqu’autéléphone.

—Jen’enaipasbesoin,dis-je.Gardetonfric.

Quelquesheuresplustard,nousmontonstouslestroisdanslaBMdeBrittany.J’auraisdume douter qu’elle participerait a la petite aventure qui consiste a me deposer chez leprofesseur,poursansdoutes’assurerquej’aicesseunefoispourtoutesdetraınerdansleurspattes,àmonfrèreetàelle.

Alexbifurquebientotversuneroutesinueusequigrimpedanslamontagne.Envoyant

de ilerdegrossesbaraquesdepartetd’autre,jemerendscomptequ’onestdanslesquartiersfriques de la ville. Les pauvres n’accrochent pas des pancartes disant : ACCES INTERDIT,ALLEEPRIVEE,PROPRIETEPRIVEE,SURVEILLEEPARDESCAMERASDESECURITE. Je suisbienplacepourlesavoir.J’ai etepauvretoutemavie.Laseulepersonnequejeconnaisquis’est avisee d’af icher ce genre de message est mon copain Pedro, mais il avait chourel’écriteaudanslejardind’unrichard.

Ons’engagedansunealleeenbriquemenantaunemaisond’unetageconstruitea lancdecoteau.J’inspectelesenvirons.Danstouslesendroitsouj’aihabite,onpouvaitjeterunepierredanslavitreduvoisinsansmêmeleverlecoude.

Jedevraisetrecontentd’emmenagerdanscettebellebicoque,maisçamerappellejusteque je n’ai rien a faire la. Je ne suis pas idiot. Je sais parfaitement que la seconde ou jerepartiraid’ici,jeseraiaussipauvrequejel’aitoujoursete–oubienderrierelesbarreaux.Cen’estqu’unleurre,etj’aihâtedefoutrelecampdelà.

Onvientapeinedesegarer,Westfordjaillitdelamaison.C’estungrandtypeauxcheveuxgris, lesyeuxcernesderidescommes’ilavait tropsouridanssavieetquesapeaus’etaitrebellée.

Avantquej’aieletempsdesortirdelavoiture,deuxautrespersonnesseruentdehors.Oncroiraitundéfilédegringos,touspluspâlotslesunsquelesautres.

QuandKiaraapparaıtasontour,sonvisagefamilierestunsoulagementenmemetempsqu’une source d’agacement. En une matinee, j’ai force son casier pour inalement meretrouvermenotteengardeavue.Enl’espacedequelquesheures,jesuispassedelarigoladeàlacatastrophe.

Sescheveuxchatainclairsonttiresenarriere.ElleporteunshortenjeanetunT-shirtbaggy, verdatre. Une chose est sure : elle ne s’est pas mise sur son trente et un pourm’accueillir.Elleamêmedelaterre,oudelagraisse,surlesjouesetlesmains.

Son petit frere vient se coller contre elle. Ça doit etre une erreur ou une decision dederniereminute,cegamin.Jepariequ’ilestencoreenmaternelle.Ilestcradeenplus.Iladestraînéesdechocolatsurlementon.

—Carlos,jetepresentemafemme,Colleen,meditWestfordendesignantlameuftouteminceàcôtédelui.Etmonfils,Brandon.Tuconnaisdéjàmafille,Kiara.

Leprofet sa femmesontenpolosblancsassortis. Je les imagine tresbienen traindejoueraugolflesweek-endsdansuncountryclubchic.Quantaugamin,ilsdevraientluifairefaireducinemaoudelapub.Ildegageunetelleenergiequ’onapresqueenviedelui ilerdessupplémentsdevitaminespourqu’ilexplose.

PendantqueBrittanyetAlexserrentlapaluchealafemmeduprofetasesmomes,Kiaraserapprochedemoi.

—Çava?souffle-t-elle,sibasquejel’entendsàpeine.

—Çava,jemarmonneenretour.

Je n’ai pas envie de parler de mon arrestation ni du trajet jusqu’au commissariat al’arrièred’unebagnoledeflics.

Putain,cettesituationestinsupportable!Lepetitgosse,Brandon,estentraindetirersurlajambedemonjeanavecsesdoigtsmaculésdechocolat.

—Dis,tujouesaufoot?

—Non.

JemetourneversAlexquin’aapparemmentrienremarqueouquin’enarienafairequelenainsoitentraindesalopermonfute.

Ensouriant,madameWestfordéloignesonfilsdemoi.

—Prendsquelquesminutespourt’installer,Carlos.Quandtuseraspret,viensgrignoterquelquechosedanslepatio.Dick,conduisCarlosdanssesappartements.

Dick ? Je secoue la tete. Ça ne gene pas le professeur de se faire appeler Dick ? Si jem’appelaisRichard, j’insisteraispourqu’onm’appellecommeça,ouRich…PasDick.Chard,passeencore!MaisDick!

J’attrapemonsac.

—Viens,ditWestford, jevais temontrer lamaison.Kiara,si turaccompagnaisAlexetBrittanyàleurvoiture?

Lerestedel’équipesuitKiarapendantquej’emboîtelepasauprofesseurDick.

Comme je m’y attendais, l’interieur de la baraque est aussi impressionnant quel’exterieur.C’estmoinsgigantesquequechezMadison,maisnettementplusgrandquetouslesendroitsou j’aivecu.D’immensestableauxornentlecouloir.Unbel ecranplattroneau-dessusdelacheminée.

—Faiscommecheztoi,meditWestford.

Benvoyons.Jesuisautantchezmoiiciqu’àlaMaison-Blanche.

—Çac’estlacuisine,ajoute-t-ilenmeprecedantdansunevastepieceoutroneunfrigoenacierinoxydablegéant,assortiaurestedesappareilsménagers.

Lescomptoirsnoirssontincrustésdepetitsfragmentsquifontpenseràdesdiamants.

—Situasbesoindequoiquecesoitdanslefrigooulareserve,sers-toi.Paslapeinededemander.

Nousmontonsdesmarchesrecouvertesd’untapis.

—Desquestions?

—Vousavezunplandeslieux?

Ilglousse.

—Tuaurasvitefaitdet’yhabituer.

Vousvoulezparier?

Jesensvenirunemegamigraine.Jerevede icherlecampdansunendroitoujen’aipasbesoindefairesemblantd’etreunjeunerepentiquivitdansunmini-chateauavecune illequiluicolledescookiesaaimantsdanssoncasieretunmou letquis’imaginequetouslesMexicainsjouentaufoot.

Lachambredesparentsestaupremier,aufondd’unlongcouloir.OnpasseuncoudeetWestfordpointeledoigtversuneautrechambre.

—La,c’estchezKiara.Laporteenface,acotedelachambredeBrandon,c’estlasalledebainsquetupartagerasaveclesenfants.

Enjetantunrapidecoupd’œilàl’intérieur,j’aperçoisdeuxlavaboscôteàcôte.

DickouvrelaportevoisinedecelledeKiaraetmefaitsigned’entrer.

—Voilàtondomaine.

J’exploreduregardcequivaetremachambre.Lesmurssontpeintsenjaune,lesrideauxaux fenetres sont a pois. On dirait une piaule de gonzesse. Simon sejour se prolonge,maviriliterisqued’enprendreunsacrecoup.Ilyaunbureaucontreunmur,acoted’unduvet,unecommodeal’autreboutdelapiece.Lelit,recouvertd’unecouverturejaune,estpresdelafenêtre.

—Çanefaitpasvraimentchambredegarçon,jesaisbien,meditWestford,unpeugene.Ma femme l’a decoree il y a deja quelque temps. Elle comptait y mettre sa collection depoupéesdeporcelaine.

Il plaisante la ouquoi ? C’est quoi d’abord, despoupeesdeporcelaine, et pourquoi un

adultevoudrait-ilunepiecepleinedecestrucs-la?Çadoitetreuntrucderiches.JeneconnaispasuneseulefamilledeMexicainsquiauraitunechambrerempliedefoutuespoupées.

—Onpourraitrepeindrepourrendrelapièceunpeuplusmasculine,ajoute-t-il.

Jen’arrivepasàdétachermonregarddesrideaux.

— Jene suispas sur que ça suf ise, jemarmonne. Çan’apasd’importance. Je n’ai pasl’intentiondefairedevieuxosici.

—Bon, je pense que lemoment est bien choisi pour passer en revue les regles de lamaison.

Ils’installedanslefauteuilprèsdelatable.

—Lesrègles?

Uneondedeterreurm’envahittoutàcoup.

—Ne t’inquiete pas. Il n’y en a pas beaucoup. Mais j’exige qu’elles soient respectees.Primo, pas de drogue ni d’alcool. Comme tu le sais, ce n’est pas dif icile de trouver de lamarijuanaenville,maistuasinterdictionformelled’ytoucher.Secundo,pasdejurons.J’aiunenfantdesixansquiest tres in luençable. Jen’aipasenviede l’entendreprofererdesgrosmots.Tertio,lecouvre-feuestaminuitensemaine,etadeuxheuresdumatinleweek-end.Enoutre, tu es cense faire tonmenage et donnerun coupdemaindans lamaison si on te ledemande, comme nos propres enfants. Pas question de regarder la television tant que tun’auraspas ini tesdevoirs.Si tuamenesune illedanstachambre, tues tenudegarder laporteouverte,pourdesraisonsevidentes.(Ilsefrottelementon,cherchantapparemmentdenouvellestorturesàm’imposer.)Jecroisquec’esttout.Desquestions?

—Justeune.

Jefourrelesmainsdansmespochesenmedemandantcombiendetempsilvaluifalloirpourserendrecomptequejesuisallergiqueauxrèglements.Quelsqu’ilssoient.

—Qu’est-cequisepassesij’enfreinsunedevosputainsderègles?

Kiara

Jenesaispassilesautresl’ontremarque,maisCarlosnousaregardescommes’ilavaitaffaireaunebanded’extraterrestresvenussurterrepourl’aneantir.Iln’estpastrescontentdevenirvivrecheznous,c’estriendeledire.

Jemedemandecommentilvareagirenapprenantqu’ilvasefairerenvoyerdel’ecoleamoinsdesesoumettreauprogrammeREACH.Ceprogrammeestdestineauxadolescentsarisquequisesontattiredesennuis.Onlesautoriseacontinueravenirencourspendantuneperioded’essai.D’apres cequepapam’adit,Carlosne saitpasencorequ’iln’apasd’autresolution. Je n’ai pas envie d’etre a lamaison quandAlex etmon pere vont lui annoncer lanouvelle.

Alexestentraind’inspecterleretroviseurquejeviensd’installer.Incapablederesister,ilsoulèveensuitelecapotpourjeteruncoupd’œilaumoteur.

—C’estunV8standard,j’expliqueàBrittany,quisetientàcôtédelui.

Alexéclatederire.

—Çaneluidirarien.Rienquedefairedel’essence,elledéteste.

Elleluiassèneunepetitetapesurlebras.

—Qu’est-cequeturacontes?Chaquefoisquej’essaiederepareruntrucdansmavoiture,ilprendleschosesenmain.Reconnais-le,Alex.

—Sansvouloirtevexer,mamacita,tuesincapablededistinguerunjointdeculassed’unalternateur.

—Ettoidefaireladifferenceentreacryliqueetgel,riposte-t-elled’untonsuf isant,lesmainssurleshanches.

—Onparletoujoursdevoitures,là?

Brittanysecouelatête.

—Devernisàongles.

—C’estbiencequejepensais.Occupe-toidetesongles,jem’entiendraiauxbagnoles.

Unsourireencoin,ill’attirecontrelui.

—Ledéjeunerestprêt,criemonpèredepuislaported’entrée.

Mamanfaitsigneàmonpetitfrère.

—Brandon,monchéri,montreàBrittanyetAlexoùsetrouvelepatio.

PendantqueBrandonaccomplitsamission,jevaisaidermamèreencuisine.

—Tuasdelagraissesurlementon,medit-elle.Tiens…

Ellemelanceuntorchon.

—Merci.

Jem’essuiepuisjemelavelesmainsavantderemuermafameusesaladeauxépinards.

Maman a mis des sets de table roses a leurs, et ses assiettes preferees, ornees depapillonsdetouteslescouleurs,assortiesauxtassesathe.Ilyaquelquesannees,elleaouvertunmagasindethesbiobaptiseHospitalithe.SivoushabitezaBoulder,ilyafortaparierquevousaimezlepleinair,quevousavezunevieactiveetquevouspréférezlethéaucafé.

La boutique de maman est tres appreciee des gens du coin. Le week-end, je vais luidonneruncoupdemain;jemetsdutheenvracdansdessachets,j’inscrisleslivraisonsdansleregistre,jecolledesetiquettessurlestheieresenceramique.Jem’occupememeunpeudela comptabilite, surtout quand ses calculs sont faux et qu’elle a besoin de quelqu’un pourdeterminerouelleafaituneerreur.Jesuisledenicheurd’erreursdelafamille,toutaumoinspourcequiestdescomptes.

J’apportelasaladeatable.Larecetteestuneinventiondemoncruetlavinaigretteestunsecret. Meme mes parents ne sauraient pas la faire. La salade se compose de poussesd’epinards,denoix,debleu,d’airettessechees,agrementesdela«saucespecialesecretedeKiara»,commeditmaman.QuandjetendsleplatàCarlos,ill’inspecte.

—Qu’est-cequec’est?

—Unesalade.

Ilpoursuitsonexamen.

—Çaneressemblepasàdelasalade.

—Cesontdesép-épinards…

Jem’interrompsàlasecondeoùjebutesurlemot.

—Goûteaumoins,suggèreAlex.

—Jen’aipasbesoinqu’onmedisecequejedoisfaire,répliqueCarlos.

—J’aide la laitueau frigo, intervientmaman. Jepeux te faireunesaladevite fait si tuveux.

—Non,merci,marmonneCarlos.

—J’aimeraisbienunpeudetasalade,ditBrittanyentendantlebrasversleplat.

Je ne sais pas si elle en a vraiment envie. Il est clair qu’elle fait de son mieux pourdétournernotreattentiondesdeuxfrères.

Jeme tourne versmon pere dont le regard est braque sur Carlos. Il se demande sansdoutecombiendetempsilvaluifalloirpoursedetendreetnousfairecon iance.LeproblemeestdesavoirsiCarlosarriveraencoreàbaissersagarde,maintenantqu’ils’estfaitarrêter.

—Jesuisconscientequetuesiciacausedecirconstancesparticulieres,ditmamereaCarlosenfaisantpasserleplatdesaumon.Maissachequenoussommesheureuxdet’offrirl’hospitalité,etnotreamitié.

Papaplantesafourchettedansunpavé.

—Kiara pourrait te faire decouvrir Boulder ceweek-end. Et te presenter ses copains.Qu’enpenses-tu,machérie?

—Biensûr,dis-jemêmesi«mescopains»serésumentàTuck.

Jenesuispasdugenreatraıneravecunebande.TuckestmonmeilleuramidepuisuncertainjourdesixiemeouHeatherHarteetMadisonStones’etaientmoqueesdemoiencoursd’anglaisquandonm’avaitdemandedelireLeContedesdeuxvillesdevanttoutelaclasse.Jem’etaisridiculiseeenbegayant,etjesuissurequeDickensaduseretournerdanssatombeenm’entendantmassacrerseslignes.Enentendantmescamaradesricaner, jem’etaisaussitottue. A la in des cours, j’avais couru a lamaison et jem’etais enfermee dansma chambrejusqu’acequeTuckviennemeconvaincred’affronterlemondeanouveau.Cequis’estpassevendredidanslaclassedemonsieurFuriem’afaitrevivreceterriblesouvenir.

—Jecroisquemonsteakn’estpasassezcuit,ditCarlosenenscrutantl’interieur.C’estcarrémentrose.

—C’estdupoisson,jeluiexplique.Dusaumon.

—Ilyadesarêtes?

Jesecouelatête.

Il prend un petit pain dans la paniere, l’examine sous toutes les coutures, hausse lesépaules.J’enconclusqu’iln’apasl’habitudedupainausonparsemédecéréales.

— Je travaille demain, mais Kiara t’emmenera faire des courses si tu veux, suggeremaman.Commeçatupourrasprendrecequiteplaît.

—Tuaimeslesport,Carlos?demandeBrandon.

—Çadépend.

—Dequoi?

—Dequijoue.Jeneregardejamaisletennisnilegolf,sic’estcequetuveuxdire.

—Jeneteparlepasderegarderlesportalatele,idiot,repliqueBrandon.Jeteparledejouer.Monmeilleurcopain,Max,faitdufootetilamonâge.

—Tantmieuxpourlui,répondCarlosenmordantdanssonsaumon.

—Ettoi,tujouesaufoot?insisteBrandon.

—Non.

—Aubase-ball?

—Non.

Monpetitfrèreestpartietnes’arrêterapastantqu’iln’aurapaslaréponsequ’ilcherche.

—Autennisalors?

—¡Nunca!

—Hein!C’estquoitonsportpréféré?

Carlosposesafourchette.Ohnon!Ilacettelueurrebelledansleregard.

—Letangohorizontal,répond-il.

MamanetBrittanymanquentdes’étouffer.

—Carlos…lancepapasurletondel’avertissementqu’ilréserveauxcasextrêmes.

—Ladanse,c’estpasvraimentdusport,af irmeBrandon,sansserendrecomptequelerestedelatabléeestenétatdechoc.

—Avecmoi,si!répondCarlos.

Alexselèvebrusquement.

—Carlos,marmonne-t-il,lesdentsserrées.J’aideuxmotsàtedireenprivé.Ahora.

Ilentredanslamaison.JenesuispasconvaincuequeCarlosvalesuivre.Ilhesite,mais,finalement,sachaiseraclelesdallesetilselèveàsontour.Çavafairemal,jelesens!

Brittanyprendsatêtedanssesmains.

—S’ilvousplaît,prévenez-moiquandilsaurontfinidesedisputer.

Brandonbraquesesgrandsyeuxinnocentssurmonpère.

—Tusaisfaireletangohorizontal,papa?

Carlos

—Çat’excitedetecomportercommeunpendejo?lancemonfreredesquenoussommesdanslacuisine,horsdeportéedevoixdesgringos.

—Euh…ouais.Assez.J’aieuunsuperprof,pasvrai,Alex?

J’avaisquatreansquandnotrepereestmort.Depuisl’agedesixans,Alexaetel’hommede la famille. Il n’est peut-etre pas beaucoupplus vieux quemoi,mais je n’ai eu personned’autrecommemodèle.

Ils’adosseaucomptoiretcroiselesbrassursapoitrine.

—Voilalasituation:tut’esfaitpincerenpossessiondedope.Jemefousdesavoirsiellet’appartenait oupas. C’est toi qui es tombe.Alors, soit tu encaisses et vis ici sans fairedevagues,soittuteretrouvesdansunfoyerpourdelinquantsoudesmatonssurveilleronttesmoindresmouvements.Qu’est-cequetuchoisis?

—JenevoispaspourquoijenepourraispasretourneraChicago.Onadelafamillela-bas.J’aidescopains.

—C’esthorsdequestion.(Avantquej’aieletempsdereagir,Alexajoute:)JeneveuxpasquetutefassesembringuerparleLatinoBlood.Deplus,Destinynet’attendpas,sic’estcequetupenses.

Destinyetmoi,onarompu le jourouma famillea faitsesbagagespourallervivreauMexique. Elle ne voyait pas a quoi ça servirait d’avoir une relation a distance puisqu’onrisquaitdene jamais se revoir.C’est a caused’Alexqu’onadupartir en fait.Et sion etaitrestes la-bas,Destinyetmoiserionsencoreensemble,et jeneseraispasreleguedansunechambrejauneavecdesputainsderideauxàpois.

Jem’attendsquetoutlemondem’abandonneàunmomentouunautredanslavie.DepuisDestiny,j’airefusedem’impliquersurleplanemotionnel.Sijemelaissaisalleram’attacheraune ille,atouslescoups,ellemelaisseraitenplan,ellemerepousserait,ouellecreverait.Çaatoujoursétécommeça,etilenseratoujoursainsi.

—Jevaisrestericipourlemoment,maisunjour,bientot,jeretourneraiaChicago,avecousanstonaide.Rentrecheztoietlaisse-moitranquille.

J’ecarteAlexdemoncheminetjefoncedansmachambreenclaquantlaportederrieremoi.Maisleduvetjauneavitefaitdemerappelerquecen’estpasmachambre.¡Mierda!

Heureusementqu’Alexnem’apassuivi.J’aibesoind’etreseulpourre lechiracequis’estpasse vendredi.Qui a bienpuplanquer la dopedansmon casier ?Nick ?Madison, qui estarriveeenretardencours?AmoinsquecenesoitunsignedesGuerrerosmesigni iantqu’ouquejemetrouve,ilsnesontjamaisbienloin?

J’ouvremon sac et entreprends de rangermes affaires. Ou plutot je les fourre dans leplacardsansprendrelapeinedelessuspendre.Jenerepassejamaismesvetementsdetoutefaçon. Jesorsmabrosse adents,monrasoir electriqueetmedirigeenfacevers lasalledebains. Supposant que le lavabo avec le petit tabouret est celui deBrandon, je decide de lepartageraveclui.Jen’aivraimentpasenviedetombersurdestampons,dumaquillageouuntrucdegonzessequelconqueenouvrantuntiroir.

Je lanquemonrasoir etmabrosse adentsdansun tiroirvide, au-dessusde celuiquicontient du bainmoussant avec un personnage de dessins animes dessus. Entre les deuxlavabos,scotchéeàlagrandeglace,j’aviseunepetiteaffichette.

HEURESDEDOUCHEDUMATINENSEMAINE

Lundi,mercredi,vendredi:Kiara:6h25-35

Lundi,mercredi,vendredi:Carlos:6h40-50

Mardi,jeudi:Kiara:6h40-50

Mardi,jeudi:Carlos:6h25-35

Jemerejouisd’annonceraKiaraquepersonnenemedictemaconduitepourcequiestdemadouche.Ilm’arrivedelafairedurerjusqu’auneheurequandj’aichaud,quejetranspireouquejesuisencolère.Commemaintenant.

Commesiçanesuf isaitpasqu’onm’aitpincepouruntrucquejen’aipasfait,ilfautquejevivesousletoitd’unebandedebarrésquifontdelasaladeavecdesépinards!

Enregagnantmachambre,jem’aperçoisquelaportedeKiaraestentrouverte.Sachantqu’elleesttoujoursatable,pousseparlacuriosite,jem’yaventure.Deslivresetdesfeuillessontetalespartoutsursonbureau.Surunpanneaudeliegeau-dessusdelatables’af ichentdifférentescitationsquisemblentsortirtoutdroitd’unmanueldedéveloppementpersonnel:

N’aiepaspeurd’êtreunique.

Tudoist’aimeravantd’enaimerunautre.

N’importequoi!Ellecroitvraimentàcesconneries?

Ilyaquelquesphotosd’elleaussi,encompagniedecetypeavecquielledejeunetouslesjours.Onlesvoitfairedelavarappe,ouuntrucdugenre,enmontagne.Suruneautre,ilsfontdusnowboard.Surtouteslesphotos,Kiaraalabanane.

Jeprendsundescahierssursonbureauetj’entreprendsdelefeuilleter.Jem’arretequandjetombesurReglesd’attraction,ecritenhautd’unepage.Monregardsefocaliseaussitotsurlesmots«poitrineeffrontee» igurantparmi lescaracteristiquesdeKiara.Enpouffantderire,jeparcoursl’autrecolonne…Ellechercheunmecgentil,surdelui,capablederetaperlesvoitures.Sportif.Quiabienpunoterça?Jem’etonnequ’ellen’aitpasmarque:jechercheungarçon quimemasse les pieds etme leche le cul. Sur la page suivante, elle a dessine desbagnolesaucrayonapapier. J’entendslaportedelachambregrincer.Etmerde! Jenesuisplustoutseul.

Kiara est plantee sur le seuil, les yeux ecarquilles. Derriere elle, j’aperçois le gars desphotos.Kiaran’apasl’aird’enrevenirquejesoisdanssachambre,lespattesfourreesdanssesaffaires.

—J’avaisbesoindepapier,dis-jed’untondésinvolteenremettantlecahierdansletiroir.

Soncopains’avance.

—Salut,monpote.Çagaze?

JemedemandecequeleprofesseurDickdiraitsijebottaislesfessesdujulesdesa illelejourdemonarrivée.Iln’ajamaisditquel’interdictiondesebattrefaisaitpartiedurèglement.

Jefixelemecenplissantlesyeuxetjefaisunpasverslui.

Kiara s’empresse d’aller fouiller dans son bureau et en sort un cahier neuf qu’ellemeglissedanslamain.

—Voilà,dit-elle,visiblementalarmée.

Jebaisselesyeuxsurlecahierdontjen’aiquefaire,aveclasensationd’etreunjalapenocoince dans un bocal de noix…Un endroit ou je n’ai pasma place, et ce n’est pas un bonmélange.

—A la prochaine,mon pote, jemurmure avant de retourner dansma chambre jaunecanariquejedécidedesurnommerofficiellementinfierno,l’enfer.

Jeregardeparlafenetrepourevaluerladistancequimeseparedusola indepouvoirmefairelamalleunefoisdetempsentempshistoiredegouterunsemblantdeliberte.Peut-etrequ’unjour,jem’échapperaipourdebon.

—Carlos,tupeuxm’ouvrir,s’ilteplaît?

C’estBrittany,derrièremaporte.

Enl’ouvrant,jem’aperçoisqu’elleestseule.

—Situasl’intentiondemefaireunsermon,épargnetasalive,luidis-je.

—Jenesuispaslapourtefairelamorale,repond-elle,sesgrandsyeuxbleuspleinsdecompassion. (Elle se fau ile a cote demoipour entrer.)Meme si je suis sureque tes amismexicainsapprecientd’avoirdesdetails sur tesprouesses sexuelles, t’envanterdevantungossedesixansetsesparentsnemeparaîtpasunetrèsbonneidée.

Jelèvelamainpourl’empêcherdepoursuivre.

—Avantquetucontinues,laisse-moitedirequeçaressemblesacrementàunsermon.

Ellerit.

—Tuasraison.Desolee.Enfait,jesuisvenuet’apporterletelephone.Jesaisqu’Alexettoi,vousetescommechienetchatparfois.Jetenaisatedirequej’etaislasituavaisenviedeparleràquelqu’und’unpeumoinsborné.J’aimisnosdeuxnumérosdanstalistedecontacts.

Elleposeleportablesurlebureau.

Ohnon!Jesensqu’elleessaiedeserapprocherdemoicommelasœurquejen’aijamaiseue.Ellereve!Cen’estpasmongenre.Enconsequence,j’optepourl’attitudedusalopard.Çamevientnaturellement.Jen’aimêmepasbesoindemeforcer.

— Tu lirtes avec moi ? Je croyais que tu sortais avec mon frangin. Pour etre franc,Brittany,jenesorspasavecdesgringas.SurtoutlesblondesavecunepeaudelacouleurdelacolleUhu.Lessalonsdebronzage,tuconnais?

D’accord,lecommentairesurlacolle,c’etaitunpeutoomuch.Brittanyaunjoliteintdore,maisenl’insultant,jelarepousse.J’aifaitçaavecMi’ama.AvecLuis.EtAlex.Çamarcheatouslescoups.

J’ouvreletiroirdubureaud’ungrandgesteetjelaissetomberleportablededans.

—Tuvasenavoirbesoinunjour,dit-elle.Jesuissûrequetum’appelleras.

Jerissèchement.

—Tunesaispasdutoutquijesuisnicequejeferai.

—Tuveuxparier?

Je fais un pas vers elle, envahissant son espace personnel pour l’obliger a reculer et acomprendrequejeneplaisantepas.

—Nemecontrariepas,enfoirée.AuMexique,jefaisaispartied’ungang.

Ellenebougepasd’unpouce.

—Monpetitamiaussi,Carlos,dit-elle a laplace.Vousnemefaitespaspeur,ni l’unnil’autre.

—On t’adejaditque tu etais lamamacita idealepourprouver la theoriede lablondeconne?

Aulieudesedebineroudepiquerunecrise,elleapprocheetmedeposeunbaisersurlajoue.

— Je te pardonne, dit-elle avant de sortir de la chambre a reculons,me laissant en intranquille.

—Jenet’aipasdemandedemepardonner.J’enairienafoutre,jereplique,maiselleestdéjàpartie.

Kiara

— Je ne pense pas qu’il cherchait du papier, dit Tuck en enfourchantmon fauteuil. Ilfuretait.Crois-moi,jesaisreconnaîtreunfouineur.

Jem’assoissurlelitensoupirant.

—Tuétaisvraimentobligédel’asticoteravectes«salut,monpote»?

IlyadesmomentsouTuckditdestrucsrienquepours’amuser.JedoutequeCarlosaitappréciésonhumour.

—Desole.Jen’aipaspum’enempecher.Ilsecroittellementsuperieur.J’avaisenviedeluirabaisser son caquet. (Le visage deTuck s’eclaire.) J’ai une super idee. Si on lui rendait lamonnaiedesapièceenallantfouillerdanssachambre?

Jesecouelatête.

—C’esthorsdequestion.Ildoityêtredetoutefaçon.

—Ilestpeut-êtreallérejoindrelesautres.Leseulmoyendelesavoir,c’estdevérifier.

—Mauvaiseidée.

—Alleeez,gemit-ilcommemonpetitfrerequandiln’obtientpascequ’ilveut.Onvabienrigoler.Jem’ennuielà,etilvafalloirquejepartebientôt.

Avantquej’aieletempsderealisercequ’ils’appreteafaire,ildisparaıtdanslecouloir.J’entendsleparquetcraquersoussespiedsducotedelachambred’amis.Ohnon!Çanevapas.Pasdu tout. Jemeruesur luipouressayerde le retenir,mais ilnese laissepas faire.J’auraisdum’endouter.QuandTucks’est ixeunobjectif,riennepeutl’arreter.Ilressembleamonpèreàcetégard.

LaportedeCarlosestentrouverte.Tuckjetteuncoupd’œilàl’intérieur.

—Iln’apasl’aird’êtrelà.

—Parcequejesuisallépisser,répondCarlos,derrièremoi.

Ohnon!Prislamaindanslesac.

Jeretiensmonsouf leetjepinceTuck.Qu’est-cequiluiaprisala in?C’estidiot.Jeme

demandesiCarlosvasevengerenmejouantuntourluiaussi.

—Onsedemandaitjustesi,euh,lecahierqueKiarat’apasseteconvenait,ditTuck,pasgenelemoinsdumondedes’etrefaitpincer,improvisantal’evidenceaufuretamesure.Tuenprefereraispeut-etreun aspirale?Onpourraitenemprunterun aquelqu’unsi tuenasbesoin.

—Ahouais.

Tucktendlamain.

—Apropos, jenepensepasquenousayons etepresentesof iciellement. Jem’appelleTuck.Çarimeavecgoodluck.

—Etfuck!ajouteCarlos.

—Effectivement, enchaıneTucksans se laisserdemonter.Tuasde la repartie, amigo,ajoute-t-ilenpointantl’indexversCarlos,ungrandsourireauxlèvres.

Carlosécartesamainsansménagement.

—Jenesuispastonamigo,connard.

LeportabledeTucksemetasonner.Ill’extirpedesonpantalonetrepond:«J’arrive»,puisenhaussantlesepaules,ilmedit:«Ilfautquej’yaille.Monbeau-perenousainscritsaunfoutucoursdemacrame,mamanetmoi.Onsevoitaulyceedemain,Kiara.»SetournantversCarlos,ilajoute:«Àundecesquatre,amigo.»

L’instantd’apres,iladisparu,melaissantseuledanslecouloiravecCarlos.Quandil ixesonregardsurmoi,c’esttresintimidant.Ondiraitunepantheresurlepointdebondir,ouunvampireprêtàsucerlesangdetoutepersonnesemettantentraversdesonchemin.

—Au fait, il avait raison, ton pote. Je n’avais pas besoin de papier. J’etais en train defouiner.

Ilpénètredanssachambre,maisavantdefermerlaporte,ilsetourneversmoi.

— Ces murs sont minces comme du papier a cigarette. Tache de t’en souvenir laprochaine foisque tonpetit copainet toivousparlezdemoi, lance-t-ilavantdeclaquer laporte.

Carlos

Cesoir,leprofesseurm’aconvoquédanssonbureau.Jem’attendsqu’ilsedéchaînecontremoi. J’aimeraisbien,en fait. Si ce typeou le jugedu tribunalpourenfants imaginentqu’enm’amenantici,ilsvontmereformeroumechanger,ilssefourrentledoigtdansl’œil.C’estparinstinctquejemesuisrebellechaquefoisquequelqu’uns’estevertueacontrolermavieetam’imposerdenouvellesrègles.

Westfordjointlesmainsetsepencheau-dessusdesonbureau,faceaupetitcanapesurlequeljesuisassis.

—Qu’est-cequetuveuxàlafin,Carlos?

Il me prend au depourvu. Je ne m’attendais vraiment pas a ça. Je veux retourner auMexiqueetcontinuer amenermaviecommeje l’entends.Oubien aChicagorejoindremespotesetlescousinsavecquij’aigrandi…Jenepeuxquandmemepasluidirequej’aimeraisfairerevenirmipapádumondedesmorts.

Commejenerépondspas,ilsoupire.

— Je sais que tu esundur, reprend-il. Alexm’adit que tu avais trempedansde salesaffairesauMexique.

—Etalors?

—Alorsjetenaisjusteatedirequetupeuxteforgerunenouvelleexistenceici,Carlos.Tuas demarre du mauvais pied, mais rien ne t’empeche d’effacer l’ardoise et de toutrecommencerdezero.TamamanetAlexsouhaitentqueleschosessepassentaumieuxpourtoi.

—Écoutez,Dick,Alexnesaitmêmepasquijesuis.

—Tonfrereteconnaıtmieuxquetunelepenses.Etvousvousressemblezplusquetun’esprêtàl’admettre.

—Onvientapeinedeserencontrer.Vousnonplus,vousnesavezpasquijesuis.Etpourtoutvousdire,jen’aipasbeaucoupderespectpourvous.Vousouvrezvotreporteaunmecquis’estfaitarreterpourdetentiondedrogue.Commentest-cepossiblequeçanevousfassepaspeur?

—Tun’espaslepremiergaminaqui j’aidonneuncoupdemain,ettuneseraspasle

dernier,m’assure-t-il.Jedevraisprobablementt’informerqu’avantdedecrocherundoctoratenpsychologie,j’etaisdansl’armee.J’aivuplusdemorts,d’armesetdesalestypesquetun’enverrasjamaisdanstavie.J’aipeut-etrelescheveuxgris,maisjepeuxetreaussicoriacequetoiquandillefaut.Jepensequ’ilyamoyendecollaborertouslesdeux.Àprésent,revenons-enàlaraisonpourlaquellejet’aifaitvenirdansmonbureau.Qu’est-cequetuveuxexactement?

J’aiintérêtàdirequelquechosepourqu’ilmelâchelesbaskets.

—RetourneràChicago.

Ilsecarredanssonfauteuil.

—D’accord.

—Commentça,d’accord?

Illèvelesmains.

—Çaveutdire ceque çaveutdire.Tuappliques le reglementde lamaison a la lettrejusqu’auxvacancesd’hiveretjet’envoielà-baspourunevisite.Jetelepromets.

—Jenecroispasauxpromesses.

—Ehbien,moisi.Etjelestiens.Toujours.Bon,assezdediscussionserieusepourcesoir.Vatedétendre.Faiscommecheztoi.Regardelatélésituveux.

Enfait, jeremontedirectementdansl’in iernoapois.EnpassantdevantlachambredeBrandon,jelevoisassisparterredansunpyjamadecoredeminiballonsdebasket,degantsetdebattes.Iljoueavecdessoldatsenplastique.Ilal’airtellementinnocent,etheureux.C’estfacilepourlui.Ilneconnaîtriendumonderéel.

Unmondequipue.

Dèsqu’ilm’aperçoit,ilmefaitungrandsourire.

—Salut,Carlos,tuveuxjoueràlaguerreavecmoi?

—Pascesoir.

—Demainsoiralors?demande-t-ild’untonpleind’espoir.

—Jenesaispas.

—Qu’est-cequeçaveutdire?

—Çaveutdire:repose-moilaquestiondemain,etmareponseserapeut-etredifferente.(Àlaréflexion,j’ajoute:)Demandeàtasœurdejoueravectoi.

—Ellevientdelefaire.Maintenantc’esttontour.

Montour.Ilrêveouquoi?

— Ecoute, demain apres l’ecole, on fera une partie de foot ensemble. Si tu arrives amarquerunbutcontremoi,jejoueraiauxpetitssoldatsavectoi.

Iln’apasl’airdecomprendre.

—Jecroyaisquetujouaispasaufoot.

—J’aimenti.

—T’espascenséfaireça.

—Ouais,ehbienquandonestado,onmenttoutletemps.

Ilsecouelatête.

—Çam’étonnerait.

Jericane.

—Onverraquandtuaurasseizeans.Jepeuxt’assurerquetuauraschangéd’avis.

Enregagnantmachambre, jecroiseKiara.Saqueue-de-chevalestdefaite.Sescheveuxpartentdanstouslessens.Jen’aijamaisrencontrede illequisepreoccupeaussipeudesonapparence.

—Oùtuvasattiféecommeça?jeluidemanded’untonmoqueur.

Elleseraclelagorgecommesiellecherchaitàgagnerdutemps.

—Courir,finit-elleparrépondre.

—Pourquoifaire?

—Del’exercice.Tu…veuxvenir?

—Non,merci.

J’aidansl’ideequelesgensquifontdel’exercicesontdescolsblancscoincesquipassentle plus clair de leur journee le cul visse sur une chaise. Kiara continue son chemin. Je larappelle.

— Attends. (Elle se retourne.) Dis a Tuck de me foutre la paix. Et a propos de tonprogrammededouches…

Jevaisluiexpliquercommentçamarche,quiestlepatron.Sonpereessaiepeut-etredem’imposerdesloisquejen’aipasl’intentiondesuivre,maispersonnenevamedirequandjepeuxprendre unedouche, surtout pas une gringa. Je croise les bras surmapoitrine et luidéclaretoutdego:

—Jenefonctionnepasavecdeshoraires.

—Moisi.Tuasintérêtàt’yfaire,répond-elleavantdedescendrel’escalier.

Je reste enferme dansma chambre jusqu’au lendemainmatin, quand j’entends le profbeuglerderrièremaporte.

—Carlos,situn’espasencoredebout,bouge-toi.Onpartdansunedemi-heure.

Desquej’entendssespass’eloigner,jem’extraispeniblementdulitetmedirigeverslasalledebains.Enouvrantlaporte,jetrouveBrandonentraindesebrosserlesdents.Ilamisdudentifricepartoutsurnotrelavabo.Ilenapleinautourdelabouche,ondiraitqu’ilalarage.

—Dépêche,cachorro.J’aibesoindefairepipi.

—Qu’est-cequeçaveutdireca-cho-ro-ro?

Ilestloindeparlerl’espagnolcouramment,çac’estsûr.Tantmieux.

Je m’adosse contre le chambranle le temps qu’il ait ini, j’entends la porte de Kiaras’ouvrir.Ellesortdesachambre,touthabillee.En in,sionpeutappelerçahabillee.Elles’estfait une queue-de-cheval comme d’hab, elle a mis un T-shirt jaune marque TERRED’AVENTURE,unshortmarronbaggyetdeschaussuresdemarche.

Des qu’elle m’aperçoit, elle ouvre grand les yeux, devient toute rouge et detourneinstantanémentleregard.

—Hahaha!ricaneBrandonendesignantmonboxer.(Jebaisselesyeuxpourm’assurerque…mes parties intimes sont a l’abri.) Kiara a vu ton caleçon ! Kiara a vu ton caleçon !chantonne-t-il.

Elledescendlesmarches.Unesecondeplustard,elleadisparu.

JeregardeBrandonenplissantlesyeux.

—Ont’adéjàditquet’étaisunsalepetitmerdeux?

Ilportesamainàsabouche.

—Tuasdisungrosmot!

Je leve les yeux au ciel. Interieurement. Il va vraiment falloir que jememette a parler

espagnolenprésencedecegaminsijeneveuxpasqu’ilcomprennecequejedis.

—Pasdutout.J’aiditquetuétaisunsalepetitmorveux.

—C’estpasvrai.Tuasditmerdeux!

Jeportemamainamaboucheamontourd’unairchoque.Puisjedressel’indexetl’agitesoussonnezcommeunmômededeuxansendisant:

—Tuasditungrosmot!

—C’esttoiquiascommencé,proteste-t-il.J’aijusterépétécequetuasdit.

—J’aiditmorveux.Toi,tuasdituntrucquirimeavec.Jevaislerépéter.

J’ouvrelabouche,commesij’allaisledenoncer.Jen’aipasvraimentl’intentiondelefaire,maislepetitdiablonelesaitpas.

—Neledispas.S’ilteplaît.

—D’accord.Jelaissepasser.Justecettefois-ci.Tuvois,onestdescomplicesmaintenant.

Ilfroncesespetitssourcils.

—Jesaispascequeçaveutdire.

—Çaveutdirequ’onnesedénoncepasl’unl’autre.

—Etsitufaisquelquechosedemal?

—Tulaboucles.

—Etsic’estmoiquifaisunebêtise?

—Jenedisriennonplus.

Ilméditelachoseuneminute.

— Alors qu’est-ce qui se passe si tu me surprends en train de manger la reserve decookies?

—Jen’enparleraiàpersonne.

—Etsij’aipasenviedemebrosserlesdents?

Jehausselesépaules.

—Tupeuxalleràl’écoleavecunehaleinedeputoisetdescaries.Çam’estbienégal.

Brandonmegratified’ungrandsourireetmetendlamain.

—Affaireconclue,mongars.

Mongars!Enleregardantpartirentrottinantdanssachambre,jemedemandesijemesuismontréplusmalinquelui,ousic’estl’inverse.

Kiara

JesaiscequeCarlosporteaulitmaintenant.Unboxer.Riend’autre.J’aidudetournerlesyeuxtoutal’heuremalgreuneirresistibleenviederegarder.Ilad’autrestatouagesenplusdeceuxsursonbicepsetsonavant-bras.Unpetitserpentsurlapoitrine.Unpeuplusbas, j’aientrevudes lettresrougesetnoiresenpartiecacheespar leboxer. Jedonneraischerpoursavoircequiest ecrit laetpourquoiils’estfaitfairetouscestatouages,maispasquestionquejel’interrogelàdessus.

Mamanestpartieilyaplusd’uneheurepourlaboutique.C’estamontourdepreparerlepetitdejeunerpourtoutlemonde.Papaengloutitlesœufsetletoastquejeviensdeluiservir.Il attend la visite d’Alex d’uneminute a l’autre ; il doit ressasser le sermon qu’Alex et luis’apprêtentàfaireàCarloscematin.

Jen’aiaucuneenvied’assisteraça,etjemesensunpeucoupabled’avoirde ieCarloshiersoir.Iln’acertainementpasbesoind’unepersonnedepluscontrelui.

—Qu’est-cequetuvasluidire,papa?jedemandeenm’asseyantàcôtédelui.

— La verite. Qu’une fois la tutelle temporaire con irmee par le juge, j’espere qu’ilsl’autoriserontàsuivreleprogrammeREACHaulieudel’incarcérer.

—Çanevapasluiplaire.

—Iln’apaslechoix.(Papametapotelamain.)Net’inquiètepas,çavaaller.

—Commenttulesais?

—Lejugetientbeaucoupacequelesjeunespoursuiventleurscolarite,etjesoupçonneCarlosd’avoirenviede ilerdroitaufond.Pouretrehonnete,jenesuispassurqu’ilserendecompteàquelpointilaenviederéussir.

—Ilsecomportecommeunimbécile,franchement.

—Ça cache quelque chose de plus profond. Il va nous donner du il a retordre, aucundoutela-dessus.(Papainclinelateteetplongesonregarddanslemien.)Tuessurequeçanet’embêtepasqu’onl’héberge?

Jem’imaginealaplacedeCarlosetmedemandesiquelqu’unmetendraitlamain.N’est-cepaslaraisonpremieredenotrepresencesurterre,venirenaideauxautres?Jenepensepasàunequêtereligieuse,maistoutsimplementhumaniste.

SiCarlosnepeutpaslogerici,Dieusaitoùilfinira.

—Çanemegênepasdutout,jet’assure.

Entre ses connaissances en psychologie et son in inie patience, mon pere va pouvoiraiderCarlos.Quantàmaman…unefoisqu’ons’habitueàsesmanies,elleestsuper.

—Brandon,oùestCarlos?demandepapaenvoyantmonfrèresauteraubasdel’escalier.

—Jesaispas.Danslasalledebains,jecrois.

—Bon,prendstonpetitdéjeuner.Tonbusarrivedansdixminutes.

L’eaus’arrêtebientôtdecouleràl’étage,preuvequeCarlosestsortidesadouche.

—Vacherchertonsac,Bran.C’estl’heured’yaller.

Pendant quepapa accompagneBrandon a la porte, je preparedesœufs brouilles pourCarlos.

Jel’entendsdescendrel’escalieravantqu’ilapparaisse.Ilporteunjeanbleufonce,dechireauxgenoux,unT-shirtnoirusequiadupasserunnombreincalculabledefoisalamachine…maisquisembletoutdouxetsuperconfortable.

—Tiens,dis-jeenposantsonassiettesurlatableavecuneorangepressée.

—Gracias.

Ilprendsontempspours’asseoir,manifestementsurprisquejeluiaiepreparesonpetitdéjeuner.

Pendantqu’ilmange, je remplis le lave-vaisselle et sorsdu refrigerateur les sandwichsquemamannousapreparespourmidi.Quandmonpererevientquelquesminutesplustard,ilestencompagnied’Alex.

—Salut,frangin,ditAlexens’asseyantàcôtédeCarlos.Prêtpourletribunal?

—Non.

J’attrapemonsacadosetmescles,determineealeslaisserseuls.Surlechemindel’ecole,pourtant,jemedisquej’auraispeut-etremieuxfaitderesteralamaisonpourfairetampon.Trois hommes ensemble, en particulier si deux d’entre eux sont les intraitables freresFuentes, pourraient constituerunmelangeexplosif. Surtoutquandonest sur lepointd’encontraindreunàs’inscrireàunprogrammedestinéauxdélinquants.JesuissûrequeCarlosvapéteruncâblequandilsvontluiannoncerça.

Papaapeudechancesdeleconvaincre.

Carlos

—Bonalors,qu’est-cequetufaislà?jedemandeunefoisdeplusàmonfrère.

MonregardseportesurWestford,unetassedecafealamain.Ilsmijotentuntruc,jelesens.

—Tonfreretenaitaetrepresentpourdiscuterdecequivasepasseraujourd’hui.Nousallons demander au juge de te con ier a ma garde en echange de ta cooperation et de taparticipationàunprogrammespécial.

Jebaisselesyeuxsurmonassiettequej’aiàpeinetouchéeetjelâchemafourchette.

—Jecroyaisqu’onallait justeautribunalpourof icialiserlatutelle.La j’ai l’impressiond’etre devant un peloton d’execution, les yeux bandes avant qu’onme tendema derniereclope.

—Iln’yapasdequoienfaireunplat,intervientAlex.Leprogrammeenquestions’appelleREACH.

Westfordvients’asseoirenfacedemoi.

—Ilestdestinéauxadolescentsàrisque,précise-t-il.

JemetourneversAlexpourqu’ilmerediseçaplusclairement.Ilseraclelagorge.

—C’estpourlesjeunesquionteudesdemelesaveclajustice.Tudevrasyallertouslessoirsaprèslescours.

C’estuneblagueouquoi?

—Jevousaiditquecettedauben’étaitpasàmoi.

Westfordposesatasse.

—Àquiappartenait-elledanscecas?

—Jen’aipasdenomprécis.

—Çanemesuffitpas.

—C’estàcauseducodedusilence,intervientAlex.

Westfordleregarded’unairinterdit.

—Lecodedusilence?

Monfrèrerelèvelesyeux.

—Jeconnaisquelqu’unquifaitpartiedesGuerrerosdelbarrio,dit-il.Ilsontuncodedusilence qui protege tous leurs membres. Il ne parlera pas, meme s’il connaıt le nom ducoupable.

Westfordsoupire.

—Çanenousaidepasdutout,maisjecomprends.J’aimeraisautantpas,maisc’estainsi.En consequence, nous sommes dans l’obligation de demander au juge d’autoriser Carlos aintegrer leprogrammeREACH.C’estunebonnesolution,Carlos.Celavautmieuxquedesefaire renvoyer de l’ecole et enfermer dans un centre de detention pour delinquants. Tupourraspassertondiplômeetadresserdesdemandesd’inscriptionàdesuniversités.

—Pasquestionquej’ailleàlafac.

—Quecomptes-tufairealorsapreslelycee?Etnemedispasdealerdeladrogue,parcequec’esttropfacile.

—Qu’est-cequevousensavez,Dick?C’est fastochepourvousderester ladansvotregrossebaraqueabouffervostrucsbiodemerde.Quandvousaurezpasseunejourneedansmapeau,vouspourrezmefairelamorale.D’icilà,jeneveuxrienentendre.

—Faisçapourmi’ama.Elledesiretellementqu’onaitunemeilleureviequ’elle,intervientAlex.

— Je m’en fous. (Je me leve pour porter mon assiette dans l’evier. Ils m’ont coupel’appétit.)Bon,finissons-enaveccetteconnerie.

Westfordattrapesoncartableensoupirant.

—Vousêtesprêts,lesgars?

JemefrottelesyeuxaveclespoingsenesperantpresquemeretrouvercommeparmagieàChicagoenlesrouvrant.

—Vousnevousattendeztoutdemêmepasquejerépondeàcettequestion?

Ilesquisseunsourire.

—Pasvraiment.Ettuasraison,jenepeuxpasmemettreàtaplace.Celadit,toinonplus.

—Allons,professeur.Jevouspariemacouillegauchequeleplusgrosproblemequevous

avezjamaisaffrontédanslavie,c’estdedécideràquelcountryclubvousinscrire.

— Jene feraispas cepari si j’etais toi,me repond-il en sortantde lamaison.Nousnesommesmembresd’aucunclub.

Enarrivantasavoiture,oucequejecroisetresavoiture,j’aicommeunmouvementderecul.

—Qu’est-cequec’estqueça?

—UneSmart.

Oncroiraitunecrottede4x4.Jeneseraispassurprisqu’onmedisequ’enfait,c’estunjouet.

—Çapermetd’economiserde l’essence.Ma femmeprend le4x4.Comme jem’en sersuniquementpourallerautravail,cechoixm’aparuparfait.Prendslevolantsituveux.

—Àmoinsquetunepréfèresmonteravecmoi,lanceAlex.

—Non,merci,jerépondsenouvrantlaportièredelaSmartcôtépassager.

Ça semble moins minuscule a l’interieur, mais j’ai quand meme l’impression de meretrouverdansunenavettespatialeminiature.

Enmoinsd’uneheure, le jugeaccorde aWestfordmagarde temporaire.Au lieudemecondamneraunsejourdansuncentrededetentionpourmineursouadestravauxd’interetgeneral,ilapprouvemaparticipationauprogrammeREACH.Alexnousquitteparcequ’ilaunexamen.C’estdoncamonnouveaututeurdem’emmenerm’inscrireauprogrammeavantdemeconduireàl’école.

Çasepassedansunbatimentenbriquemarronsitue aquelquespatesdemaisonsdulycée.Aprèsavoirattendudanslehall,nousnousrendonsdanslebureaududirecteur.

Ungrandgringo,quidoitbienpesercentcinquantekilos,nousaccueille.

— Je suis Ted Morrisey, directeur du programme REACH. Vous devez etre Carlos. (Ilfeuillettemon dossier avant d’ajouter :) Expliquez-moi la raison de votre presence parminous.

—Jesuislàsurordredujuge.

—Onm’indiqueici,dansvotredossier,quevousavezetearretevendredidernierpourdétentiondedrogue.(Ilrelèvelesyeux.)C’estungravedélit.

Uniquementparcequejemesuisfaitpincer.Leprobleme,c’estquejesuismexicainetquejesuisaf ilie aungang.Ilnemecroirajamaissi jeluidisqu’onm’atenduunpiege.Laplupartdesautresmecsontduluisoutenirmordicusqu’ilsn’yetaientpourrien.Jetrouveraiquim’afaitlecoupet,aufinal,j’auraimarevanche.

Pendantlademi-heurequisuit,Morriseymedébitesaleçon.Enrésumé,ilestquestiondereprendrelecontroledemadestineeetdemonavenir.C’estmadernierechance.Sijeveuxm’ensortir,sonprogrammemedonneralesoutilsnecessairespouratteindremonpotentiel,blablabla.Ala in,desconseillersd’orientationsechargentd’aiderleselevesadecrocherunjobouuneadmissiondansun etablissementd’educationsuperieure. Jemeretiensde fairesemblant de ron ler une ou deux fois. CommentWestford arrive-t-il a ecouter toutes cesconneriessanspoufferderire?

—Pourvotregouverne,acheveledirecteurensortantunmanuelqu’ilfeuillettepageparpage, sachez que nous procedons a des controles anti-drogue aleatoires tout au long del’anneesurl’ensembledenoseffectifs.Encasdepresenced’unesubstanceillegaledansvotresysteme ou sur vous, votre tuteur en sera informe. Vous serez vire du programme seancetenante,ainsiquedel’ecole.Pourdebon.Aumoindreecart,laplupartdescontrevenantsseretrouventsouslesverrous.

Morrisey nous remet une copie du reglement de l’etablissement, aWestford et amoi.Apresquoiilcroiselesmainssursongrosbidonetsourit,maisjenesuispasdupe.C’estuncoriacequines’enlaissepasconter.

—Desquestions?demande-t-ild’untoncalme,memes’ilnefaitaucundoutedansmonespritquecettevoixpeutbeuglerdesordresplusfortqu’unsergentinstructeur.

—Toutestclair,jepense,ditleprofesseuraprèsm’avoirjetéuncoupd’œil.

—Parfait.Ilnousresteunederniereformalitearegleravantquevouspuissiezrejoindrevoscamaradesenclasse.

Ilfaitglisserunefeuilledansmadirection.

—Ils’agitd’uncontratderesponsabilitestipulantquejevousaiinformedesreglementsdenotreprogramme,quevouslescomprenezetquevousacceptezdevousyconformer.

Jeremarquequ’ilyatroislignespourlasignature.Unepourmoi,unepourunparentouuntuteuretunepourunmembredupersonneldeREACH.Jelisrapidementletexte:

En signant ce document, je… m’engage a me soumettre au reglement de ini dans lemanuel de REACH. Je comprends les regles qui m’ont ete exposees par un membre dupersonnelduprogramme.Enoutre,jereconnaisquesijefaisentorseacereglementpourunmotifquelconque,jeseraisoumisauneactiondisciplinairequipeutinclureuneassignationarésidence,desséancesdeconseilssupplémentaireset/ouuneexpulsionpureetsimple.

Traduction:

Je…cedemaliberteaupersonneldeREACH.Ensignantcedocument,jecerti iequemonexistenceseradicteepard’autresgensetquej’auraiuneviedemerdetoutletempsquejeresteraiauColorado.

Sans trop re lechir, je griffonne mon nom en bas de la feuille avant de la glisser endirectiondeWestfordpourqu’il y appose sa signature a son tour. Je veux juste en inir etpasseraautrechose.Inutiled’ergoter.Unefoislepapelardsigneetrangedansmondossier,onnouslachenonsansm’avoirdonnel’ordredemepresenterchezREACHaquinzeheuresauplustarddulundiauvendredi,souspeinedeviolerlaloi.

Etmoi,jemedisqu’onm’imposetellementderèglesquejevaisenviolerunesanstarder.

Kiara

Pas trace de Carlos depuis le debut des cours. Tout lemonde cancane a propos de ladescentedepolicedevendredietsedemandecequ’estdevenulenouveaudeterminale.J’aientendu quelqu’un dire que Carlos avait passe le week-end en prison ; un autre eleve apretenduqu’on l’avait reconduit a la frontiere. Jemegardede leurdirequ’il vit cheznous,mêmesij’adoreraisqu’ilslafermenttousetarrêtentdefairecirculerdefaussesrumeurs.

Àl’heuredudéjeuner,Tucketmoinousinstallonsanotretablehabituelle.

—Jenepeuxpasveniràtoncoursdedessinvendredi,m’annonce-t-il.

—Pourquoipas?

—Mamereabesoindemonaidetoutleweek-endpoursoncoursd’orientation.Ilsn’ontpasassezd’instructeurs.

—CesdamesdesHighlandsvontêtrecruellementdéçues.

Elles etaient toutes emoustillees d’apprendre que deuxmodeles allaient venir poser aleurprochaincours.Memeapresquejeleuraiprecisequ’ils’agissaitdemonamiTucketdemoietque,non,nousneserionspasnus,maiscostumés.

—Trouvequelqu’und’autre.

—Commequi?

—J’aiuneidée!s’exclame-t-il.DemandeàCarlos.

Jesecouelatête.

—Horsdequestion. Ilest fouderagedes’etre faitpiegervendredi. Jedoutequ’il soitd’humeurarendreserviceaquiquecesoit.Chaquefoisqu’ilmelanceunde i,jesensquejevaismemettreàbégayer.

Tuckglousse.

—Silesmotsneteviennentpas,tupeuxtoujoursluifaireundoigtd’honneur.Lesmecsdesongenreréagissenttrèsbienaulangagedessignes.

Àlasecondeoùilditça,Carlosapparaît.Touslesregardssetournentdanssadirection.

Sij’etaislui,j’eviteraislacafeteriapendantaumoinsunmois.Maisjenesuispaslui.Oncroiraitqu’iln’apasremarquetouteslesmessesbassesquesonarriveesuscite.Ilsedirigedroitverssatablesanss’excuserouquoiquecesoit.Sonassurancem’impressionne.

Personnenelesalue.Pour inir,Ramseglissepresdeluietl’invitealerejoindre.Apresça,lespectacleest ini.Ramalacoteavectoutlemonde,ets’ildonnesonapprobationaCarlos,malgréladescentedevendredi,Carloscessetoutàcoupd’êtreunparia.

Aprèsledéjeuner,enlecroisantdevantlescasiers,jeluitapotel’épaule.

—Mercid’avoirremismonanciennecombinaison.

—Jenel’aipasfaitpargentillesse.C’étaitpournepasmefairegrilleretvirerdubahut.

Ilyaunesemaine,quandilestarrive,iln’enavaitrienafairedesefairemettrealaporte.Maintenant qu’il court vraiment le risquede se faire renvoyer, il se bat pour rester. Jemedemandesic’estlamenacequiluifaitceteffet-là.

Carlos

Monassistantsocial,monsieurKinney,m’accueilledanslehalldeREACH.Unefoisdanssonbureau,ilposeunefeuilledepapierjaunedevantmoi.Monnomestmarqueenhaut,suividequatrelignes.

—Qu’est-cequec’est?

J’aidéjàsignépourleurdonnermavie.Qu’est-cequ’ilsveulentdeplus?

—Unefiched’objectifs.

—Unequoi?

—Une iched’objectifs,repete-t-ilenmetendantuncrayon.Jeveuxquevousennotiezquatre. Vous n’etes pas oblige de faire ça maintenant. Re lechissez-y ce soir. Vous me larendrezdemain.

Jelaluirendssur-le-champ.

—Jen’aipasd’objectifs.

—Toutlemondeena,merepond-il.Sicen’estpasvotrecas,ilfautqueçachange.Celavousaideraàdonnerunsensàvotrevie.

—Sij’enai,jenesuispasprèsdevousenfairepart.

—Vousn’irezpasloinavecuneattitudepareille.

—Çan’apasd’importance.Jen’aipasl’intentiond’alleroùquecesoit.

—Pourquoipas?

—Jevisl’instant,mec.

—Etvousretrouverenprisonpourpossessiondedrogueenfaitpartie?

—Pasvraiment.

Jesecouelatête.

—Ecoutez,Carlos.TousleselevesquiparticipentauprogrammeREACHsontdessujetsa

risque,reprend-ilenm’entraînantdansunlongcouloirblanc.

—Quelgenrederisque?

—D’uncomportementautodestructeur.

—Qu’est-cequivousfaitcroirequevouspouvezmecorriger?

Ilmedévisaged’unairgrave.

— Notre but n’est pas de vous corriger, Carlos. Nous allons vous fournir les outilsnecessairespourvouspermettrededeveloppertoutvotrepotentiel.Lerestedependdevous.90 % de nos effectifs inissent par decrocher leur diplome sans avoir commis une seuleinfraction.Nousensommestrèsfiers.

—S’ilsfinissentleursétudes,c’estuniquementparcequevouslesforcezàêtrelà.

— Croyez-le ou non, l’envie de reussir est dans la nature humaine. Certains de nosadolescents sont commevous. Ils se sont faits embringuerdansdes gangs, des affairesdedrogue, et ils ont besoin d’un environnement sur apres l’ecole. Parfois, pas toujours, c’estparcequ’ilsnesontpasarmespourgererlestresspropreal’adolescence.Nousleuroffronsuncadreauseinduquelilspeuventréussirentirantpleinementpartideleursatouts.

Pasetonnantqu’Alexfretillaital’ideequejeviennela.Ilveutquejefassecommetoutlemonde…quejeterminelelycee,quej’aillealafac,quejemedegoteunjobrespectable,quejememarieetquej’aiedesgosses.Maisjenesuispascommelui.J’aimeraisqu’ilsarretenttousdeme traiter commesimonbutdans l’existence etait de vivremavie conformement auxvolontésdemonfrère.

Kinneym’introduit dansunepiece ou attendent six desaxes assis sagement en cercle.Unefemmevetued’unelonguejupeamplequimefaitpenseramadameWestfordestparmieux,uncarnetposésurlesgenoux.

—C’estquoi?Delathérapiedegroupe?jeglisseàl’oreilledemonguide.

—MadameBerger,jevousprésenteCarlos,dit-il.Ilnousarejointscematin.

Bergermefaitunsourire,lacopieconformedeceluidontMorriseym’agratinedanssonbureaucematin.

—Prenezplace,Carlos,dit-elle.Pendantnotreseance,vousetesautoriseaparlerdetoutcequivousvientàl’esprit.Asseyez-vous,jevousenprie.

Supercool!Unethérapiedegroupe!Jebousd’impatience.Jecroisquejevaisdégobiller.

UnefoisKinneyparti,Bergerdemande a tout lemondedesepresenter.Commesi j’enavaisquelquechoseàfoutredeleursnoms.

—Jem’appelleJustin,ditlemecàmadroite.

Ils’estteintlescheveuxenvertdevant.Safrangeesttellementlonguequ’ondiraitqu’ilaunrideaudevantlesyeux.

—Salut,jeréponds.T’eslàpourquoi?Dope?Volàmainarmée?Meurtre?

Jedisçacommesij’énuméraisdesplatsqu’onpeutcommanderdansunresto.

Bergerlèvelamain.

—Carlos,notrepolitiqueinterneinterditcegenredequestions.

Oups!Jedevaisêtreentrainderêverpendantcettepartiedusermon.

—Ahbon!Pourquoi?Ondevraitmettrecartessurtable,jetrouve.

—Voldevoiture,bredouilleJustin,àl’étonnementdetoutlemonde.

Iln’enrevientpaslui-mêmedenousavoirfaitpartdesonpetitsecret,ondirait.

Unefoislespresentationsfaites,j’enconclusqu’onm’aniplusnimoinsaffecteaugroupesortitoutdroitdel’enfer.Amagauche, j’aiunegringadunomdeZanaquidecrocheraitunrole a l’aise si quelqu’un se decidait un jour a faire un reality show baptise Les Putes duColorado.Acoted’elle,ilyaQuinn–jen’arrivepasadetermineraquelsexeilappartient.IlyaaussideuxLatinos–uncertainKenoetuneMexicainesupersexy,prenommeeCarmela,auxyeux brun chocolat, a la peaudemiel. Elleme rappellemon ex,Destiny, sauf qu’une lueurdangereusebrilledanssonregard.

Bergerreprendlaparoleenposantsonstylo.

—Avantvotrearrivee,Carlos,Justinnousacon iequequandilsesentfrustre,illuiarrivede donner des coups de poing dans les murs pour sentir la douleur. Nous cherchions aidentifierd’autressoupapesmoinsdestructrices.

JetrouveçapathetiquequeJustinsedefoncecontrelesmurstellementilestdesesperedesentirquelquechose,n’importequoi,memedeladouleur…Moi,c’estexactementl’inverse.Jeferaistoutcequiestenmonpouvoirpourneriensentir.Monobjectiflaplupartdutemps,c’estlaléthargie.

Hum,c’estpeut-etreçaquejedevraisecriresurmafeuilled’objectifs.Butn°1deCarlosFuentes:Etreléthargiqueetlerester.Jedoutequeçapasse,maisc’estlavérité.

—Alors,çaaétécettepremièrejournée?

AlexestpassemechercheraREACHacinqheuresetdemie.Ilm’aemmenedanscequejesuppose etre le centre-ville de Boulder – une grande place appelee Pearl Street Mall. A lagrandejoiedemadameWestford,ons’estfendud’unevisitedanssonmagasinpourboireunthedanslepatio.Jen’aipasvraimentenviedethe,maiscommed’habitude,cen’estpasmoiquidécide.

MadameWestfordposedeuxtassesdethespecial–«rienquepourvous,c’estlamaisonquioffre»–avantderetourneràl’intérieurprendrelescommandesd’autresclients.

Jeregardemonfrère,totalementdétenduenfacedemoi.

—Jemetapeunebandededesaxesdanscefoutuprogramme,Alex,jeluidisavoixbassepourquemadameWn’entendepas.Y’enapasunpourrattraperl’autre.

—Çanepeutpasêtresiterriblequeça.

—Attendsdelesvoir.Enplusilsm’ontfaitsigneruncontratalaconquim’obligeaobeirau reglement.Tu te rappelles a Fair ieldquandonavait ledroitde tout faire,Alex ?Apresl’école,onétaitlivrésànous-mêmes.Justetoi,moietLuis.

—Onavaitdesregles,merepond-ilenprenantsatasse.C’estjustequ’onnelesappliquaitpas.Mi’amábossaittellementdur,ellen’étaitjamaislàpournoussurveiller.

OnetaitloindevivrecommedesroisaChicago,maisonavaitdelafamille,desamis…Unevie.

—Jeveuxretournerlà-bas.

Alexsecouelatête.

—Iln’yaplusrienpournouslà-bas.

—ElenaetJorgeysont,aveclepetitJJ.Tunel’asjamaisvu,cemome,Alex.Mescopainsaussisontlà-bas.Ici,jen’aiquedalle.

—Jenedispasquejen’aipasenvied’yretourner.Maisc’estimpossiblemaintenant.Ceseraittroprisqué.

—Depuisquandtuaslatrouille?Putain,tuasvraimentchange.Jemerappellequandtun’hésitaispasàdireauxgensd’allersefairefoutre,quandtufaisaistoutcequetuvoulaissansyréfléchiràdeuxfois.

—Jen’aipaslatrouille,Carlos.JetiensarestericipourBrittany.Ilarriveunmomentouilfaut arreterde sebagarrer avec lemondeentier. Ce stade-la, je l’ai atteint il y adeux ans.Regardeautourdetoi,Carlos.Ilyad’autresfilles,àpartDestiny.

— JeneveuxpasdeDestiny.Plusmaintenant. Si tuparlesdeKiara, laisse tomber.Ne

compte pas sur moi pour sortir avec une minette qui veut controler ma vie et qui sepreoccupedesavoirsijedealeousijefaispartied’ungang.Regarde-nous,Alex!Onestassisdansunputaindesalondetheaumilieudegringospleinsauxasquin’ontpasuneideedecequisepasseendehorsdecetteréalitébidonqu’ilsappellentleurvie.T’esdevenuunchido.

Alexsepencheversmoi.

—Laisse-moitedireuntruc,petitfrere.Çameplaıtdenepasavoiraregarderderrieremonepaulechaquefoisquejemetsunpieddanslarue.Jesuiscontentd’avoirunenoviaquimetrouvegenial.Etjeneregrettepasd’avoirlaissetomberladopeetleLatinoBloodpourlapossibilitéd’unavenirdigned’êtrevécu.

—Tuvasteblanchirlapeaupouravoirl’aird’ungringotoiaussi?Merdealors!J’esperequetesgossesserontaussipalotsqueBrittanypourquetunesoispasobligedelesvendreaumarchénoir.

Alexestentraindeperdresonsang-froid.Jelevoisauxtressaillementsdesamâchoire.

—Etremexicainneveutpasforcementdireetrepauvre,riposte-t-il.Cen’estpasparcequejevaisalafacquejetourneledosamonpeuple.C’estpeut-etretoiquiluitournesledosenfait,enperpétuantlestéréotype.

Jegémisenrejetantlatêteenarrière.

—Perpetuant?Perpetuant?Lavache,Alex,notrepeupleneconnaıtmemepaslesensdecemot.

—Vatefaireenculer!grogneAlex.

Aprèsquoi,ilrepoussesachaiseets’enva.

—Voilàl’Alexquejeconnaissais!Celangage-là,jelereçoiscinqsurcinq,jecrieaprèslui.

Iljettesongobeletdansunepoubelleetpoursuitsonchemin.Jereconnaisqu’ilnemarchepasencorecommeungringoetcontinuededonnerl’impressiond’etrecapabledebotterlesfessesdetoutepersonnepretealuibarrerlaroute.Maisavecunpeudetemps…D’icipeu,ilaural’aird’avoiravaléunparapluie.

MadameWestfordnetardepasareveniralatable.Ellejetteuncoupd’œilamongobeletintact.

—Monthénet’apasplu?

—Çava.

Elleremarquelesiègevideenfacedemoi.

—OùestpasséAlex?

—Ilestparti.

—Oh!

Ellerapprochelachaisevideets’assoitàcôtédemoi.

—Tuveuxqu’onenparle?

—Non.

—Tumepermetsdetedonnerunconseil?

—Non.

Qu’est-cequejevaisluidire?Quedemain,j’ail’intentiondeforcerlecasierdeNickpourvoirsijepeuxtrouverdespreuvesdupiègequ’ilm’atendu?AutantquejefouilledansceluideMadisonpendantquej’ysuis.EllequitenaittantacequeNicketmoifassionsconnaissance.Ellesaitpeut-etrequelquechose.Maispasquestionquejefassepartdemessoupçonsaquiquecesoit.

—Commetuveux,maissituchangesd’avis,n’hésitepas.Attends-moiici.

Ellerécupèremongobeletpleinetdisparaîtàl’intérieur.

Jen’enrevienspas!Mi’amaetelle,c’estlejouretlanuit.Simamereaenviedemedonnerunconseil,vouspouvezêtresûrqu’elles’exprimera,quej’enaieenvieoupas.

MadameWrevientuneminuteplustardavecunautrebreuvage.

—Essaieça,dit-elle.C’estunmelanged’herbesapaisantes:camomille,aubepine,baiesdesureau,eaudemélisseetginsengdeSibérie.

—Jepréféreraisfumerunpétard,dis-jesurletondelaplaisanterie.

Elleneritmêmepas.

—Certainsd’entrevoustrouventqu’iln’yapasdequoifairetoutunplatpourdel’herbe,jelesais,maisilsetrouvequepourlemoment,c’estillegal.(Ellepousselegobeletversmoi.)Jepeux tegarantirqueçava tecalmer,ajoute-t-elle. (Avantderetourner a l’interieurpourservird’autresclients,ellemelance)Etçat’éviteralesembrouilles.

Jebaisselesveuxsurlegobeletremplid’unliquidevertclair.Onnediraitpasdelatisane,juste du the provenant d’un bon vieux sachet. Je jette un œil a droite et a gauche pourm’assurerquepersonnenemeregardeavantdeporterlatasseàmeslèvresetderenifler.

Bond’accord,cen’estpasdutheordinaire.Çasentlesfruits,les leursetquelquechosed’autreque jen’arrivepas ade inir.Memesi cesparfumsnemesontpas familiers, ilsmemettentl’eauàlabouche.

Enrelevant lesyeux, jevoisTucks’approcherdemoi.Kiaraestavec lui,maiselles’estarreteepresd’untypequijouedel’accordeonunpeuplusloin.Ellesortundollaretsepenchepourledéposerdanssonétui.

Pendantcetemps-la,Tuckvaprendreunechaiseauneautretableetvients’asseoirenfacedemoi.

—J’auraispaspensequetuetaisunbuveurdethe,medit-il.Jet’imaginaisplusdugenretequilaetrhum.

—Tun’aspersonned’autreàalleremmerder?

—Non.

Jeregardecetypequin’apasdusecouperlescheveuxdepuisaumoinsneufmoisposersondoigtsurmontatouageàl’avant-bras.

—Qu’est-cequeçaveutdire?

J’écartebrusquementsamain.

—Quesitut’avisesdemetoucherdenouveau,jetefousuncoupdepiedaucul.

Kiaranousrejoint.Elleal’airdemauvaisehumeur.

—Aproposdecoupdepiedaucul,comments’estpasseetapremierejourneeaREACH?demandeTuckenmedecochantunsouriregrimaçantquimedonneenviedel’envoyervalsersursachaise.

Kiarasaisitsamancheetl’écartedelatable.Tuckperdl’équilibreets’étale.

—Elleauntrucàtedemander,Carlos.

—Non,non,pasdutout,bredouille-t-elleenl’aidantasereleveravantdel’entraınerverslemagasin.

—Maissi.Demande-lui,jel’entendsinsisteravantqu’ilsdisparaissentdemavue.

Kiara

JepousseTuckàl’intérieur.

—Arrête,bonsang!

Onestdansl’arrière-boutique,oùpersonnenepeutnousentendre.

—Pourquoi?Tuasbesoindequelqu’unpourposerdevanttespetitsvieuxavectoi,etlui,d’untrucàfaireàpartcomptersestatouagestoutelasaintejournée.C’estuneidéegéniale.

—Jenesuispasd’accord.

MamèresefaufileàcôtédenousetétreintTuck.

—Quesepasse-t-il?

—J’avaisprevuderendreserviceaKiaravendredipoursoncoursdedessin,maisenfait,jenepeuxpas.ElleapensédemanderàCarlosdemeremplacer,expliqueTuck.

Ungrandsourireilluminelevisagedemaman.

—Oh!Macherie,c’estsigentilatoidel’incluredanstesactivites!Tuesvraimentuneillebien.Jesuis ieredetoi.(Ellemeserredanssesbrasamontour.)Ma illen’est-ellepaslameilleure?

—Sansaucundoute,madameWestford.Lameilleure!

Tuckn’apassonpareilpours’insinuerdanslesbonnesgrâcesdesparents.

—Kiara,quandvousaurez iniici,rameneCarlosalamaisonsituveuxbien.IletaitavecAlextout a l’heure,malheureusement jecroisqu’ilssesontdisputes. Jem’envaisdansuneheure,maisjedoispasserchercherBrandonchezuncopain.Tonperes’occupedudıner.Unefois que tu seras a lamaison, ce serait peut-etrebienque tu supervises la preparationdurepaspourêtresûrequ’onaquelquechosedemangeableàsemettresousladent.

Elle nous prepare du the. Puis je retrouve Carlos dehors en train de siroter ce que jesoupçonneetreunedesmixturesspecialesdemamere.Ilal’aird’apprecier,maisjenepeuxpasenêtrecertaineparcequesonvisageestunmasqueimpassible.

—Àdemain,lanceTuckenlevantsongobeletdansmadirection.

—Qu’est-cequetuvoulaismedemander?interrogeCarlos.

Ilal’airénervé.

Tuveuxbientedéguiserencow-boysamedisoiretposerdevantdesvieux?

—Rien.

Jen’arrivejustepasàledire.

Maman sort discuter avec des clientes. Je la regarde faire la conversation avec ellescommesic’etaientsesamiesintimes.Enapprochant inalementdenotretable,ellesepenchepourvérifierquenousavonsvidénosgobelets.

—Çat’aplu,Carlos,ondirait.

Lorsqu’elletrouvelebonmelangepourunclientdif icileacontenter,elleal’impressiond’avoirgagnéàlaloterie.

— J’ai crucomprendrequeKiaravoulait tedemanderdeposerpourellevendrediauxHighlands.Çadevraitêtresympa.

Carlosmedévisage,l’airdedire:Dequoielleparle?

—Tuveuxencoreunpeudetisane?ajoutemamanàsonadresse.

—Non,merci.

—Kiarapeutteraccompagneràlamaison.Pasvrai,chérie?

Jem’empressed’acquiesceravantqu’ellenecontinuesursalancée.

—Allons-y.

Enarrivantprèsdemavoiture,Carlostireenvainsurlapoignéedelaportière.

—Tudoisteglisserparlafenêtre.Elleestbloquée.

—Tuplaisantes,j’espère?

Jesecouelatête.

—Pasdutout.J’ail’intentiondem’enoccuperquandj’aurai inidereparerlapenduleetlaradio.

Il s’introduit avec souplesse dans la voiture, les pieds d’abord et se love dans le siegebaquetenvinyle.Auboutdecinqminutesdesilence,jemeprendsaregretterquelaradiooulevieuxmagnetophonenemarchentpas. J’ai l’impressionqueCarloscommence asesentir

nerveux.

Ils’agitedanssonsiège.

—C’estquoicettehistoiredepose?

—Jedonneuncoursdedessindansunemaisonderetraitelevendredisoir.Tun’espasobligédelefaire.Jenecomptaismêmepasteledemander.

—Pourquoipas?

Onestàunfeurouge.J’enprofitepourmetournerverslui,déterminéeàêtrefrancheaveclui.

—Parcequetuposeraisavecmoi,etjesaisquetuneseraspasd’accord.

Carlos

J’ai tout compris. Elle n’a pas envie de poser avec un mec qui s’est fait pincer enpossessiondedrogue.

—JepeuxamenerMadison,jesuggeredecetoninsolentquiluitapesurlesnerfs.Jesuissurqu’elleseraitcontentedeposerpourmoi.Maintenantquej’ypense,ellem’ainvitechezellevendredi,alorsjenecroispasquejepourraiveniràtapetitefiesta.

—Jenevoisvraimentpascequetuluitrouves.

—Entoutcasjeluitrouveplusdechosesqu’àtoi.

Etvoila,unmensonge,pourlarebuter.Enrealite,Madisonnem’attirepasdutout.Jefaisdemonmieuxpourl’eviterdepuisqu’elleagerbe asafete,maiscommeellefaitpartiedesgensquejesuspectedem’avoirtenduunpiege, jevais etreobligedemerapprocherd’elle.Kiaran’apasbesoindelesavoir.Etencoremoinsquej’aipenseaelleetasesfoutuscookiesbeaucoupplusquej’auraisdû.

Dèsqu’onestarrivésàlamaison,ellesortprécipitammentdelavoiture.

En allant me faire un casse-dalle a la cuisine un peu plus tard, je la trouve en traind’eplucherdeslegumes.Çaluiplairaitsansdouted’avoirmatetesurcetteplanche,enplusdescarottes.

—Bonjour, Carlos, lance le professeur enme voyant entrer. Comment as-tu trouve leprogramme?

—Nul.

—Çat’ennuieraitd’êtreunpeuplusspécifique?

—Totalementnaze,jeprécised’untonsarcastique.

—Tonvocabulairemesidere,replique-t-il.Aufait,j’aibesoindevousdeuxcesoirapreslerepas.

—Pourquoifaire?

—Désherber.

—Jecroyaisquelesgensfriquésavaientdesjardiniers?

Cen’estpaslecasmanifestement,vuqu’apresledıner,Dicknousemmenedanslejardinavecdesgrossacsenpapier.Ilnousdistribuedesgantsentissu.

—Jem’occupedujardindedevant.Kiara,Carlosettoi,attaquez-vousàceluidederrière.

—Papa!brailleBrandondepuislaportedupatio.Carlosapromisdejoueraufootavecmoicesoir.

—Désolé,Bran.Ildoitnousdonneruncoupdemain.

—Tupeuxnousaidertoiaussi,intervient

Kiara. Brandon a l’air ravi de pouvoir assister sa grande sœur. Jeme souviens quandj’étaispetitetqu’Alexmeproposaitdeleseconder.J’avaisl’impressiond’êtreutile.

—Hé,Brandon,moiaussij’aibesoind’aide.Situtravaillesbien,jejoueraiavectoi.

—C’estsûr?

—Ouais,tienslesacgrandouvertpourquejepuisseyjeterlesmauvaisesherbes.

Ilseruesurlesacetécartebienlesbords.

—Commeça?

—C’estparfait.

Kiaraest aquatrepattesen traind’arracherdespoigneesdemauvaisesherbesqu’ellefourredanssonsac. JevoismalMadison agenouxdans la terre,enpleintravailmanuel. Jel’imaginetoutaussimaldansunevieillebagnoledontlaportièreestcondamnée.

—Tuestroplent,observeBrandon.JepariequeKiaraacueilliplusd’herbesquetoi.(Ilcourtinspecterlesacdesasœur.)Ellegagne!

—Çanevapasdurer.

J’attrape une gerbe de mauvaises herbes que j’arrache d’un coup sec. Des epinestranspercentmesgants,maispeum’importe.

Jejetteuncoupd’œil aKiaraquiaredoubledevitesse.Elleadorelacompetition,çasevoit.

—J’ai ini!s’exclame-t-ellebientotenseredressantavantd’otersesgantsdejardinavecpanache.

ElleprendBrandondanssesbrasetlefaittourbillonnerenl’air.Ilsatterrissenttouslesdeuxdansl’herbeenriantcommedesfous.

—Tudevraisfairegaffe,Kiara.Tavraiepersonnalitécommenceàsefairejour.

Pro itantqueBrandonaledostourne,ellemefaitundoigtd’honneuravantdesedirigerverssavoiture.Jemelasuismiseàdos,çanefaitaucundoute.

—Onpeutjoueraufootmaintenant!Vatemettredevantlebut,ditBrandonendésignantunpetit iletaufonddujardin.Tuterappelles,sijemarque,tuaspromisdejouerauxsoldatsavecmoi.

Jemeplantedevantle iletpendantquelenaintenteenvaindemarquer.Ilsedonnedumal,fautlereconnaıtre.Ils’acharnejusqu’acequ’ilsoitaboutdesouf le,sansrienlacherbienqu’iln’aitaucunechance.

— Ce coup-ci, je vais reussir, declare-t-il pour la cinquieme fois. (Il pointe le doigtderrièremoi.)Regarde!Là-bas.

—Tunem’auraspassifacilement,monpetitgars!

Jecomprendsqu’ilaitenviedetricher,maisilnesaitpasàquiilaaffaire.

—Non,maisjet’assure.Regarde!insiste-t-il.

C’est assez convaincant, mais il n’est pas question que je detournemon attention duballon.Jepreferearreterdesballestoutelajourneeplutotquedejoueralapoupee.Ilshoote,maisjebloqueunefoisdeplus.

—Désolé,vieux.

—Brandon,c’estl’heuredetonbain!appellesamèredepuislepatio.

—Laisse-moiencoreessayerunoudeuxfois,maman.S’ilteplaît.

Elleconsultesamontre.

—Encoredeux,etpuisaubain.Carlosasûrementdesdevoirsàfaire.

Apresdeuxnouvellestentativestoutaussiinfructueuses,jedisaBrandonderenoncer.Ilsedirigeverslamaisonensautillant.Ilauneassezbonnecoordination,maisaquelagelesgossesserendent-ilscomptequeçanesefaitpasdesautiller?Enmontantdansmachambre,je passe devant la salle a manger. Installee a la grande table, Kiara est plongee dans sesbouquins.

Desmèchesdecheveuxs’échappentdesaqueue-de-chevaletluitombentsurlafigure.Ducoup,jemedemandequelletêteelleauraitsiellelâchaittout.

Ellemejetteuncoupd’œilavantderepiquerdunez.

—Tudevraislaissertescheveuxdetaches,luidis-je.IlsepourraitqueturessemblesunpeuplusàMadisoncommeça.

J’aidroitàunautredoigtd’honneur.J’éclatederire.

—Tudevraisfairegaffe.J’aientendudirequedanscertainspays,chaquefoisqu’onfaitça,ontecoupeundoigt.

J’attendsdeux joursavantdemedecider a fracturer les casiersdeNicketdeMadisongraceaundesaimantsdeKiara(sanslecookie)etaunpetittournevisquej’aichouredanssavoiture. Aumilieu du troisieme cours, je demande a aller aux toilettes et j’en pro ite pourexplorerlecasierdeMadison.Danssoncartable,jetrouvedesbouquins,dumaquillageetdespetitsmotsprovenantdeLaceyetdesesautrescopines.Parunheureuxhasard,ellealaissesonportabledansunepetitetrousse.Jel’embarqueauxchiottesavecmoi.Enfaisantde ilerses textos, son agenda, les contacts, je ne remarque riendeparticulier, sauf que vendredi,aprèslescours,elleaappeléNickplusdedix-fois!

Jeremetssonportableenplaceavantderetournerenclasse.

ResteNick.Jel’aperçoisdetempsaautredanslescouloirs,j’aireperesoncasier,maisjen’aiaucuncoursaveclui.Pendantl’heuredudejeuner,ilyatropdemondequitraıne,maisjuste apres, jeme fau ile vers les casiers et je fais a nouveau bon usage de l’aimant et dutournevis.

Unbordelinnommableregnedanssoncasier.Danssonsacadosjetrouvetoutuntasdeboutsdepapieravecdesnomsetdescodesnotesdessus.Sesclientsprobablement,ousesfournisseurs,maiscesfichuscodessontindéchiffrables.

Jesuisladepuistroplongtemps.Maisjesensquejesuispresdubut,commesiPacooupapam’exhortaientapoursuivreunpeuplusmesinvestigations.Jemeremetsafouillerdansl’espoirdedenichersontelephone,ouunpreuvequelconquequ’ilaprispartautraquenarddontj’aiétévictime.Rienquecesboutsdepapier.

Quelqu’undescendl’escalier.Lespasserapprochent.Sic’estleproviseur,jesuisfoutu.Sic’estNick,j’aiinteretameprepareramebattre.Jepasserapidementenrevuelespetitsmotsjusqu’àceque…yes,j’aitrouvé!

C’estleseulmessagequin’estpascode.J’ylislenomdequelqu’unquejeneconnaisquetropbien…WesDevlin,ungrosbonnetdeladrogue,etroitementlieauxGuerrerosdelbarrio.

Suivid’unnumérodetéléphone.

Jefourrelepapierdansmapocheetrefermeprecipitammentlecasieravantquel’intrussurgissedel’escalier.

Nickainteretafairegaffeparcequ’ilnevapastarderarecevoirmavisite.Unevisitequ’iln’estpasprêtd’oublier.

Kiara

Mercrediapresl’ecole,jesuisentraindelavermavoituredansl’alleequandAlexdeposeCarlos,quirentredesonprogramme.Alexvientversmoietattrapeuneéponge.

—Tonperem’aditquetuavaisdesproblemesavec laradiomalgre leressortque j’aiinstallé.

—Effectivement.J’adoremavoiture,maiselleest…imparfaitementparfaite.

—Onpeutdireçacommeça.Çamerappellequelqu’unquejeconnais.(Iljetteuncoupd’œil a l’interieur.)CelledeBrittanyest rapide,mais celle-ci aencoredupeps. (Il s’installedansundessiegesbaquets.)Çameplairaitd’enavoirune.UndemesclientsauneMonteCarlos73avendre.J’envisagedel’acheter.Carlost’aditqu’ilavaittravailledanslegaragedemoncousinàChicago?

—Non.

— Ça m’etonne. Il traınait toujours avec Enrique a l’atelier. Il aime la mecaniqueprobablementencoreplusquemoi.

—Tun’avaispasunrendez-vous?demandeCarlos,adossealaportedugaragedepuisledébutdelaconversation.

Jelesaisparceque,dèsqu’ilestprèsdemoi,jesenssaprésence.

Depuislundi,jel’evite,cequiatresbienfonctionnepournousdeux.QuandAlexs’enva,unpeuplustard,Carlosserapproche.

—Tuasbesoind’aide?

Jesecouelatête.

—Tucomptesmefairelagueulelongtemps?Bonsang,Kiara,c’estbonmaintenant.Jeprefereencoretespetitesphrasesdedeuxmotsquelesilencetotal.Jesaispas,moi,fais-moiundoigtd’honneuraumoins.

Jejettemonsacsurlabanquettearrièreetlancelemoteur.

—Oùtuvascommeça?medemande-t-ilenseplantantdevantmavoiture.

Jeklaxonne.

—Jenebougeraipasd’ici.

Pourtoutereponse, jereitere.Monklaxonestmoins intimidant,moinspuissantque lamoyenne,maisjenepeuxpasfairemieux.

Ilabatsesdeuxmainssurlecapot.

—Bouge!

Ilobtempere, asamaniere.Avecunesouplessedigned’unepanthere, ilseglissepar lafenêtre,lespiedsdevant.

—Tudevraisarrangercetteportière.

J’en conclus qu’il a l’intention de m’accompagner. Je gagne la route et je prends ladirection de Boulder Canyon. Le vent s’engouffre dans la voiture. L’air fraisme fouette levisageetmaqueue-de-chevalcinglemanuque.

—Jepourraistelaréparer.

Carlossortlamainparlafenêtre,laissantleventglisserentresesdoigts.

Je remonte Boulder Canyon sans dire un mot en admirant le paysage. On pourraitimaginerquejesuisblasee, jevisicidepuissilongtemps,maispasdutout.Cesmontagnesexercenttoujoursuneétrangefascinationsurmoi,etmeprocurentunesensationdepaix.

JemegarepresduDomequeTucketmoiescaladonsdetempsentemps.J’attrapemonsacsurlabanquettearrièreetjedescendsdevoiture.Carlossortlatêteparlafenêtre.

—Onn’estpasarrivés,si?

J’avouequej’eprouveunecertainesatisfactionenluiretorquant:«Detrompe-toi.»Monsacsurl’épaule,jemediriged’unbonpasverslepontsuspenduau-dessusdeBoulderCreek.

—Hé,chica!

Jecontinuemoncheminendirectiondemonsanctuairedansleshauteurs.

—¡Carajo!

Jenemeretournepas,maisd’apreslesbruitsqu’ilemetetlechapeletdegrosmotsqu’ilaligne en espagnol, j’en conclus qu’il est en traind’essayer d’ouvrir la portiere pour sortir.Sans aucun succes.Quand il s’extirpe par la fenetre et s’affale sur le gravier duparking, jel’entendsjurerànouveau.

—Kiara,merde,attends-moi!

J’aiatteintlepieddelamontagne,pointdedépartdemonitinérairehabituel.

—Oùest-cequ’onest,bordel?

Jepointeledoigtverslapancarteavantdememettreenrouteverslesrochers.

Je l’entends deraper sur les cailloux derriere moi tandis qu’il cherche en vain a merattraper.Onestsurlapistemaintenant,etjenevaispastarderabifurquerpourm’engagerdansmonsentierperso.Carlosn’apasleschaussuresquiconviennent,çac’estsûr.

—Tuasdegrosproblèmes,chica!grommelle-t-il.

Jecontinuesansluipreterlamoindreattention.Ami-parcours,jem’arretepoursortirmabouteilled’eaudemonsac.Ilnefaitpastropchaud,etj’ail’habitudedel’altitude,maisj’aidejavudesgensdéshydratés,etcen’estpasbeauàvoir.

—Tiens,dis-jeenluitendantlabouteille.

—Tuplaisantes?Jesuissûrquetul’asempoisonnée.

Jeboisunegouléeavantdeluiproposerànouveaudeboire.

Enfaisanttoutuncinema,ilessuielegoulotaveclebasdesonT-shirt,commesij’avaisunemaladieinfectieuse.Aprèsquoiilvidelamoitiédelabouteille.

Quand il me la rend, je fais mon cirque a mon tour, essuyant avec application sesmicrobes sur le goulot avec le basdemonT-shirt. Je crois l’entendre glousser.Ou alors, ilchercheàcouvrirsonsoufflecourtàcausedelagrimpette.

Dèsquejemeremetsenmarche,ilrouspète.

—Tuprendstonpied,là?Parcequemoi,cen’estvraimentpasmontruc!

Je maintiens mon rythme. Chaque fois qu’il glisse, il jure. Il devrait concentrer sonattentionsursespiedspoureviterdederaperdanslesrochers,maisaulieudeça,ilusesasalivepourrien.

—Jet’aiditaquelpointçam’agaçaitquetunem’adressespourainsidirepluslaparole?Ondiraitunemuettequineconnaıtraitpaslelangagedessignes.Serieux,çamemethorsdemoi.Tucroisquejen’aipasassezdeproblemescommeçaentrelepiegequ’onm’atendumonarrestation,etcefoutuprogrammeREACHqu’onm’obligeàsuivre?

—Si.

J’arrive a l’endroit ou on doit franchir un petit rebord en s’accrochant aux rochers en

surplomb.Jenerisquerien,sijetombe,çaneseraqued’unmetre,oudeux,surunesurfaceplate.

—C’estuneplaisanterieouquoi?demande-t-ilenmesuivant.(Acestade,ildoitsedirequ’iln’apasvraimentlechoix.)Onvaquelquepartouonerrejustesansbutjusqu’acequejemepètelagueulepourdebon?

Apres avoir escalade le gros rocher qui dissimule mon refuge au regard des autresalpinistes,jem’arretesurunezonedegageesousungrandarbresolitaire.Jesuistombeeparhasardsurcelieuilyadesannees,quandj’avaisbesoind’unabripour…re lechir.Depuisj’yvienssouventfairemesdevoirs,dessiner,ecouterlesoiseauxetemplirmespoumonsdebonairfrais.

Jem’assoissurunrocherplat,j’ouvremonsacados,etjeposelabouteilled’eaupresdemoi.Jesorsmonlivredemathsetjecommenceàétudier.

—Nemedispasquetuvasbosser?

—Maissi!

—Etmoi,jefaisquoi?

Jehausselesépaules.

—Tun’asqu’àadmirerlepaysage.

Iljettedesregardsrapidesàgaucheetàdroite.

—Jenevoisrienàpartdesrochersetdesarbres.

—Çameparaîtnormal.

—Donne-moitesclés,ordonne-t-il.Toutdesuite.

Jel’ignore.

Ilbougonne.Ilpourraitfacilementmemaıtriserets’emparerdemonsacpourrecupererlesclés.Pourtant,iln’enfaitrien.

Jegardelenezdansmonlivre,passantd’uneequational’autre,prenanttranquillementdesnotesdansmoncahierdebrouillon.

Carlosrespireunboncoup.

—Bon,d’accord,jesuisdesole.Perdon.Madisonetmoi,c’estdupasse.Etjepreferedeloinposeravectoiplutotquedetraıneravecelle.Whouah!Lanaturearestauremafoienl’humanitéetfaitdemoiunemeilleurepersonne,ondirait.Bon,tuescontente?

Carlos

Kiarafinitparrefermersonbouquin.Ellelèvelesyeuxpuisplongelamaindanssonsacetmejettelesclésdesavoiture,quej’attrapeauvol.

—Tucomptesresterici?

—Oui.

—Moi,jem’envais.

—Ciao,répond-elleenagitantlamain.

Jenevaisquandmemepasattendrequ’elleait inisesrevisions.J’aichaud,jetranspireetje suis fou de rage. Je re lechis intensement a la maniere de prendre ma revanche, encommençantparluipiquersavoitureetlaluirendresansunegoutted’essence.

Apresavoirfourresesclesdanslapochedemonjean,j’attaqueladescente.Jederapeaplusieurs reprises et me retrouve les quatre fers en l’air. Je vais avoir des bleus partoutdemainmatin.Merci,Kiara!

Jem’apitoieune seconde sur cepauvreTuck, obligede se la farcir,meme si jemedisqu’ilssemeritentl’unl’autre.EtpuismespenseessetournentversDestiny.Siellesetrouvaittoute seule dans cesmontagnes, je ne la perdrais pas de vue. Je jouerais les chevaliers enarmure.Jelaporteraismêmesurmondosjusqu’ausommetsiellemeledemandait.

Enattendant,memesiKiaran’estpasmacopineetneleserajamais, jenepeuxpaslaplanter.Ilyadesoursdanslecoin,paraıt-il.Etsiellesefaisaitattaquer?A-t-ellevraimentcruquej’allaislalaisserlà,oumemet-elleàl’épreuvepourvoirsijesuisuntypebien?

Pasdepot.Jenesuispasuntypebien.

Je n’arrete pas deme retamer. Chaque fois que je pense avoir trouve le bon chemin,j’aboutisàuncul-de-sacouaubordd’unefoutuefalaise.

Jeramasseuncaillouetjelelance.Unautre.Encoreunautre.Lesentendrericochersurlesrochersatténueunpeumafrustration.

J’ôtemachemise,jelacaledanslaceinturedemonjeanetjem’essuielefront.

JesuisloinduMexique,çac’estsur.Jeneconnaispersonnequiiraitcrapahuterdanslesmontagnesrienquepourseplongerdansdesbouquins.S’il etaitquestiondesebourrer la

gueuleoud’allerfumerunpète,là,jecomprendrais.

Je remonte dare-dare la pente, en maudissant mes semelles glissantes, ainsi qu’Alex,Mi’amá,Kiaraetàpeuprèstouslesgensdemaconnaissance.

—Tu es loca, chica, je crie en franchissant le rocher qui protege son petit coin prive.Serieux,tucroyaisvraimentquej’allaisgrimperjusqu’iciavectoipour icherlecampau inalavectesclésdanslapoche?

—Jenet’aipasdemandédemesuivre.

—Commesij’avaislechoix.

—Onestli-li-libres,toietmoi.

—Parlepourtoi.Maliberte,onmel’aprisealasecondeoujesuismontedansunavionadestinationduColorado.

Jem’assoisfaceaelle.Ellecontinueaprendredesnotescommesiderienn’etait.Onestvenusiciensemble,onrepartiraensemble.Çanemeplaıtpasplusqueça,maisjenevoispascequejepeuxfaired’autre.Detempsaautre,ellerelevelateteetmesurprendentraindelaixer.Jefaisexpres,pourlamettremalal’aise.Ça inirapeut-etreparluitapersuf isammentsurlesnerfspourqu’ellerangesesaffairesetsedécideàbouger.

Auboutdecinqminutes,jemerendscomptequemastrategieestinef icace.Lemomentestvenudechangerdetactique.

—Çatediraitdeflirter?

—Avecqui?demande-t-ellesansprendrelapeinedemeregarder.

—Avecmoi.

Ellelèvelatête,justeletempsdemetoiser.

—Non,merci,répond-elleavantdesereplongerdanssesrévisions.

Ellesefichedemoi.Jelecroispas!

—ÀcausedecependejodeTuck?

—ParcequejeneveuxpasdesrestesdeMadison.

—Attends.Unmomento.Jemesuisfaittraiterdetoutessortesdetrucsmais…C’estdemoiquetuparleslà?

—Ouais.Enplus,Tuckembrassesuperbien.Tunepeuxpasrivaliseraveclui.

—C’esttoutjustes’iladeslèvres,cemec-là!

—Tuveuxparier?

Je suis tout sauf des restes. Apresma rupture avecDestiny, quand on a demenage auMexique,j’aicollectionnélesfilles.Jepourraisécrireunmanuelsurlebaisersijevoulais!

JemepencheversKiaraeteprouveunecertainesatisfactionenl’entendantretenirsonsouf le.Soncrayons’est ige.Ellenebougepasd’unmillimetrequandj’approchemabouchejusteendessousdesonoreilledroite.Pendantcetemps-la,mamaingauches’aventureversl’endroit sensiblesoussonautreoreilleque je taquineduboutdupoucependantquemeslèvresrôdentsursanuque.Elledoitsentirmonsoufflechaudsursapeau.

Ellepenchelegerementlatetepourmefaciliterl’acces.Jenesuismemepassurqu’elleenest consciente. Je continue mon manege. Elle gemit presque imperceptiblement, mais jem’obstine.Çal’excite,c’estevident.Çaluiplaıt.Elleenveutencore.Maisjemecontiens…Desrestes,nonmais,tuvasvoir!

Leprobleme,c’estquejenem’attendaispasqu’ellesenteaussibon.D’habitude,les illessentent les leursoulavanille apleinnez,alorsqu’elle,elledegageunedelicieuseodeurdeframboisesuperdoucequimefaituneffetbœuf.Memesijemedisqueje lirteavecellejustepourluiprouveruntruc,moncorpsasérieusementenviedeconclure.

—T-tu-tu-tu as ini ? bredouille-t-elle pour essayer demasquer sa reaction,mais sesparoles la trahissent. J’essaie de travailler et tu cachesmon soleil, chuchote-t-elle, d’ou jeconclusqu’ellenebégaiepasquandelleparleàvoixbasse.

—Onest a l’ombre, sousunarbre, je lui repondsenm’ecartant toutdememeunpeuparcequej’aibesoindemeressaisiravantdeperdrelecontrôle.

Je m’adosse a un rocher dont les asperites malmenent mon dos nu. Je plie un genouhistoiredeprendreuneposedecontracteememesic’estloind’etrecequejeressens.Pendantque j’essaie de me mettre a l’aise, Kiara se remet a bosser sous son ichu arbre. Elle netranspirepasdutoutetparaittoutafaitdetendue.Jenesaispassic’estacausedecequis’estpasse,oupaspasseentrenous,mais j’ai superchaud.Amoinsquecenesoit le temps.Onpourrait penser qu’ayant vecu au Mexique, je suis habitue a la chaleur, mais je suis ne aChicagoou j’aipasse leplusclairdemavie.Les etessontchaudsdansl’Illinois,mais ilsnedurentquequelquesmois.

Jesuistoutretourneal’interieur.Moncœurbatcommeundingue,etilyauneenergievibrantedansl’airquin’étaitpaslàavantquejem’approched’elle.

Qu’est-cequim’arrive?Çadoitetrel’altitude.Çanetourneplusronddansmatete.Ilfautquejechangevitefaitdesujetpournepluspenserausexe.

—Commentçasefaitquetubégaies?

Kiara

Monstylo s’immobilise. J’essaiedemeconcentrer surmon equation,mais jevois lou.Personnen’ajamaisabordelaquestiondirectementavecmoi,endehorsdesorthophonistes.Jenesuispasprete a lui repondre,d’autantplusque j’ignore lacausedemonbegaiement.C’estcommeça,jesuisnéecommeça,jen’ypeuxpasgrand-chose.

Avantqu’iln’interrompebrutalementmareverie,jenepensaisqu’auneseulechose:lebaiser que nous avons failli echanger. Son souf le chaud dans mon cou qui m’a ebranleejusqu’alamoelle.Maisilmetitillait,c’esttout.Jelesavais,etluiaussi.Jemouraisd’enviedetournerlatêtepoursentirseslèvressurlesmiennes,maisj’avaispeurdem’humilier.

Je range mes affaires dans mon sac que je mets sur mes epaules et je commence adescendre.

Jemarche vite dans l’espoir de le distancer suf isamment pour qu’il soit oblige de seconcentrersursespiedsaulieudemeposerd’autresquestionsidiotes.J’aicommisunegraveerreurenl’amenantici.Unedécisionimpulsive.Jem’enmordslesdoigts.Lepis,c’estquejenem’attendaispasdutoutaavoiruneenviedevorantedel’embrasser.Jusqu’acequ’ilabordelesujetdubégaiement,jeveuxdire.

ApresavoirtraverselepontquienjambeBoulderCreek,jemedirigeversmavoiture.Enfouillant dans mon sac a la recherche de mes cles, je me rends compte que Carlos les atoujours.Jetendslamain.

Aulieudemelesrendre,ils’adosseàlavoiture.

—Jeteproposeundeal.

—Jenefaispasdedeals.

—Toutlemondeenfait,Kiara.Mêmelesfillesintelligentesquibégaient.

Jen’arrivepas a croirequ’il vientde remettre laquestionsur le tapis. Sansme laisserdemonter, jepivote surmes talons,determinee a rentrer apied. Il a interet a ramenermavoitureàlamaison.S’illalaisselà,ellevaseretrouveràlafourrière.

Jel’entendsjurerànouveau.

—Reviens,crie-t-il.

Je continue amarcher.Bientot j’entendsdespneus crisser sur le gravierderrieremoi.

Carlosm’arejointeauvolantdemavoiture.Ilaremissachemiseetjem’enfeliciteparcequejeperdsunpeumesmoyensquandilesttorsenu.

—Monte.

Jepoursuismaroute.Ilavanceaupas.

—Tuvasfinirparavoirunaccident.

—Tucroisquej’enaiquelquechoseàfoutre?

Jejetteunrapidecoupd’œildanssadirection.

—Non,maismoisi.Jetiensàmavoiture.

Quelqu’unklaxonnederrierelui.Ilnebronchepasetcontinuearoulera2al’heureacotedemoi.Aupremiervirage,ilenfoncel’accélérateuretmefaitunequeuedepoisson.

—Nejouepasacepetitjeuavecmoi,dit-il.Situnemontespasalaseconde,jevienstechercher.

Nousnousmesuronsduregard.Auxtressaillementsdesamachoire,jevoisqu’ilestaussidéterminéquemoi.

—Situmontes,jelavetavoiture.

—Jeviensdelefaire.

—Jefaistescorvéespendantunesemaine.

—Ça…çanem’embêtepasdelesfaire.

—Jelaisseraitonfrèregagneraufootetjejoueraiauxpetitssoldatsaveclui.

Jourapresjour,BrandonessaieenvaindemarquerunbutcontreCarlos.Iladoreraitlebattre.

—D’accord,jeréponds,maisc’estmoiquiconduis.

Ilseglissesurlesiegepassageret jem’installeauvolant.Sonairtriomphalnem’apaséchappé.

—Tusaiscequec’esttonproblème?

Evidemment,aulieud’attendremareponse,ilselancedansuneanalyseenregledemapersonnalité.

— Tu fais des histoires pour tout. Prends le cas d’un baiser, par exemple. Tu dois

t’imaginerqu’embrasserquelqu’un,çasignifieforcémentuntrucsentimental.

—Jenepassepasmontempsàembrasserlesgenspourm’amusercommetoi.

—Pourquoipas?Onnet’ajamaisapprisquelavieestcenséeêtreuntrucsympa?

—Jem’amuseautrement.

—Oh!S’ilteplaît,s’exclame-t-il,incrédule.Tuasdéjàfumédel’herbe?

Jesecouelatête.

—Prisdel’Ecstasy?

Jefaisunemouededégoût.

—Baisécommeunefolleausommetd’unemontagne?

—Tuasunevisiontorduedudivertissement,Carlos.

Ilsecouelatêteàsontour.

—Okay,chica.Tut’eclatescomment,toi?Encrapahutantdanslamontagne?Enfaisanttesdevoirs?EnregardantMadisonsepayertatêteenclasse?Jesuisaucouranttusais.

Jemerangesurlebas-côtéenmalmenantmespauvrespneus.

—Lagrossièreté…neprouvepasqu’on-qu’on-qu’onest…

Je begaie comme une dingue cette fois-ci. J’avalema salive et je respire un bon coup.J’esperequemafrustrationnesautepastropauxyeux.Jesaisd’ouçavient…maisjenepeuxrienyfaire.

—…undur.

—Jenecherchepasaetreundur,Kiara.Tutetrompessurmoncompte.Cequejeveux,c’estêtreunvraiconnard.

Ilmedécocheunsourireeffronté.

Jesecouelatête,agacée,avantdemeréengagersurlachaussée.

Quandonarriveàlamaison,papaestentraindejoueravecBrandondanslejardin.

—Oùétiez-vouspassés?

—Kiaram’aemmenéfaireuntourdanslamontagne,répondCarlos.Pasvrai,K.?

— Un petit entraınement ? demande papa en se tournant vers moi. Puis il ajoute al’adressedeCarlos:Nouscamponssouventenfamille.

—Jenefaispasdecamping,Dick,nid’escalade,répondCarlos.

—Enrevanche,iljoueaufoot.(J’esquisseunsourireamontour,lateteinclinee.)Tunem’aspasditquetumouraisd’enviedefaireunepartieavecBrandon?

—Çam’étaitpresquesortidelatête,riposte-t-ilavecunsourireidentique.

—Oh,maisc’estsuper!s’exclamemonpereenluitapantdansledos.Brandonvaetretellementcontent.Tuesprêt,Bran,àfaireunepartiedefootavecCarlos?

Tousnosregardssetournentversmonpetitfrère,quisehâted’allerinstallerlebut.

—Génial!Jevaistebattreaujourd’hui,Carlos.

—N’ycomptepastrop,muchacho.

Carlosdonneuncoupdepieddansleballonetcommenceadribblercommeunpro.Quoiqu’ilendise,ilestévidentqu’ilaamplementpratiquécesport.

—Jemesuisentraînéavecpapa,annonceBrandon.Jesuisprêtàt’affrontermaintenant.

Entraıneoupas,monpetitfreren’apasunechancedel’emporteramoinsqueCarlosnedecide de le laisser gagner. Je suis impatiente de voir le triomphe eclater sur le visage deBrandonquandleballondepasseraCarlosetqu’ilmarqueraunbut.Jem’installedanslepatiopourlesregarders’échauffer.

—Tun’aspasdesdevoirsàfaireouquelquechose?

Jesecouelatête.

Ilchercheincontestablementàmedéfieravecsonpetitnumérodesupériorité.

—Jecroisquejevoisdesmauvaisesherbesquetuasoubliederamasserdetoncote,melance-t-il.

—Viensjoueravecnous,Kiara,brailleBrandon.

—Elleestoccupée,répondCarlos.

Brandonmeregarded’unairinterdit.

—Elleestassiselàànousregarder.Jevoispascommentellepourraitêtreoccupée.

Carlosacaléleballonsoussonaisselle.

—Jepréfèreregarder.

—Alleeez !protesteBrandonencourantversmoi. (Ilmeprend lamainet tiredessuspourmeforceràmelever.)Joueavecnous.

—Ellenesaitpeut-êtrepasjouer,commenteCarlos.

—Évidemmentquesi!Donne-luilaballe.

Carlosmel’expedie.Jelafaisdribblersurmesgenouxavantdelaluirenvoyerd’uncoupdetete. Iln’enrevientpas,apparemment. Je l’ai impressionne.Enundemesrares instantsdiva,j’époussettedelapoussièreinvisibledemesépaules.

—Çaalors!Kiarasaitdribbler,s’etonneCarlosensepositionnantdevantlebut.Tum’ascachéça!Voyonssituarrivesàmarquerunbut.

Desquej’airecupereleballon,jefaisunepasseaBrandon.Ilmereexpedieleballond’uncoupdepiedavantdelerabattreverslebut.

Jenesuispasvraiment surprisequeCarlos l’interceptepresquesanseffort.Apresent,c’est a sontourdes’epousseter les epaules.Ducoup, jeregrettedenepasavoirbalance leballonaufonddufilet.

—Tuveuxunedeuxièmechance?

—Un autre jour peut-etre, je lui reponds sans trop savoir s’il fait allusion au presquebaiserdetoutàl’heureouaufoot.

Sessourcilsmontentauciel,etj’ail’impressionqu’ilacomprisquemareponseavaitundoublesens.

—J’attendscedéfiavecimpatience.

—Àmoidejouer!hurleBrandon.

Carlossereplacedevantlegoaletsepencheenavant,trèsconcentré.

—Tuasdroitatroisessais,Brandon,maisilfautregarderleschosesenface.Tun’espasassezbon.

Monpetitfreretirelalanguedecote.Ilestenmodeconcentration/competitionmaximal.Quandilseraplusgrand,j’ensuissûre,iltiendraladragéehauteàCarlos.

Brandon pose le ballon et recule de cinq pas en les comptant consciencieusement. Ils’agenouille,telungolfeurpreparantsoncoup.Carlosva-t-illelaissergagner?Jen’aieuaucunsignedesapartlaissantentendrequenotrepetitdealtenaittoujours,etilm’al’airsacrementdéterminéàbloquerlaballe.

—Laissetomber,cachorro.Tun’yarriverasjamais.Tuvasm’appelerleMaıtregardiendebuttout-puissant,leseuletunique…CarlosFuentes!

Sesrailleriesnefontqu’accroıtreladeterminationdemonfrere.Ilpinceleslevres,serrelespoingspuis il tapedans laballeaussi fortqu’unpetitgarçondesixanspeut le faire,engrognantmêmeaumomentdel’impact.Leballonmontedanslesairs.

Carlosbonditpourl’attraper…

Etlerateadeuxcentimetrespres.Mieuxencore,ils’affaleetroulesurledosapresavoirheurtélesoldepleinfouet.

Jen’aijamaisvuunetelleexpressiondetriomphesurlevisagedemonfrère.

—J’airéussi!braille-t-il.J’airéussi!Dupremiercoup,enplus!

IlcourtversmoiettapeavecvigueurdansmamainavantdesautersurCarlos.

—J’airéussi!J’airéussi!!!

—Tuasjamaisentenduparlerd’unmauvaisgagnant.

—Non. (Brandon sepenchevers sonoreille.)Çaveutdireque tuvas jouer auxpetitssoldatsavecmoicesoir!

—Onnepourraitpasenvisagerunmatchretour ?Genredeuxsur trois ?Ou trois surcinq?

—Laissetomber,José!

—Jem’appelleCarlos,pasJosé,riposteCarlos,maismonpetitfrèrenel’écoutepas.

Ilestpartiàfonddetrainverslamaisonannoncerauxparentsqu’ilabattuCarlos.

Cedernieresttoujoursàterrequandjem’agenouilleàcôtédelui.

—Qu’est-cequetuveux?bougonne-t-il.

—Teremercier.

—Pourquoi?

—Pouravoirtenuparoleenlaissantgagnermonfrere.Tutedebrouillesassezbienenconnardlaplupartdutemps,maistuasquandmêmedupotentiel.

—Quelgenredepotentiel?

—Celuid’unêtrehumainconvenable.

Carlos

Aprèsledîner,j’exhumeleportableetj’appelleLuisetMi’amá.

—¿Teestásocupandodemamá?jedemandeàmonpetitfrère.

—Si,jem’occuped’elle.

Descoupsretentissantsàmaportemerappellentquej’aiperdulematchcetaprès-midi.

—C’estl’heuredeG.I.Joe,Carlos!brailleBrandonderrièrelaporte.

—¿Quiénesése?

—Legaminchezquij’habite.Ilmefaitpenseràtoiparfois.

—Supergentil,hein!répliqueLuisetiléclatederire.CommentvaAlex?

—Alexesbuenagente.Toujourslemême.

—Mamanaditquetuavaisdesproblèmes.

—Si,maistoutvas’arranger.

—J’espereparcequ’ellefaitdeseconomiespourvenirvousvoircethiver.Sijesuissage,elleditquejepourraiveniraussi.Podemosvolveraserfamilia,Carlos.Ceseraitgénial,non?

Oui,ceseraitgenialquenousredevenionsunefamille.Pourmonpetitfrere,unefamillecompletesecomposedenousquatre–mama,Alex,luietmoi.Ilneparlaitpasencorequandpapaestmort.Jeneveuxjamaisavoird’enfantsparpeurdelaisserderrieremoiunefemmequisebatpourlesnourrirouquemafamilles’imagineêtreaucompletsansmoi.

Toctoctoc.Toctoctoc.

—Tuesla?brailleanouveauBrandon,maiscettefois-cisavoixmeparvientdubasdelaporte.

J’aperçois sa bouche dans la fente entre le battant et la moquette. Je devrais ouvrirbrutalementhistoiredevoirlepetitdiablodécamper.

—Ceseraitsuperquevousveniez,mamáettoi.Déjamehablarconmamá.

—Ellen’estpaslà.Estátrabajando.Elleestautravail.

Moncœurseserre.Jeneveuxpasquemameretrimecommeçapourdesclopinettes.Jefaisaisvivrelafamillequandj’etaisauMexique.Maintenantjevais a l’ecolependantqu’ellebossecommeunemalade.Cen’estpasjuste.

—Disluiquej’aiappele.¡Quenoseteolvide!j’insiste,sachantqu’ilesttellementoccupeàs’amuseravecsescopainsqu’iladeschancesd’oubliermoncoupdefil.

—J’ypenserai.Promis.

Quandjeraccroche,Brandonesttoujoursentraindetambourinersurmaporte.

—Arrêtedetaper.Tumedonnesmalàlatête,dis-jeenluiouvrant.

Ilseredressealavitessed’uneclair.Chancelle.J’aibienl’impressionquelesangluiestmontéàlatête.Bienfaitpourlui.

—Brandon,lancesonpereenpassantdanslecouloir,jet’aiditdenepasembeterCarlos.Tudevraisêtredanstachambreentraindelire.

—Jenel’embetepas,repond-ild’untoninnocent.Ilapromisdejouerauxpetitssoldatsavecmoi.Pasvrai,Carlos?

Illèveversmoiunregardsuppliant.

—C’estvrai,dis-jeàWestford.Cinqminutes,etj’aurairemplimamissiondegrandfrère.

—Dixminutes,riposteBrandon.

—Trois,jerenchéris.Moiaussi,jesuiscapabledejoueràcejeu-là.

—Non,nonetnon.Cinq,çam’ira.

Àpeinedanssachambre,ilmefourreunefigurinedanslesmains.

—Tiens!

—Jesuisdesoledetel’apprendre,monpetitgars,maisjen’aipasl’habitudedejoueralapoupée.

Vexé,ilserebiffe.

—G.I.Joen’estpasunepoupée!C’estunmarine,commemonpapaavant.

Ilsortdesminisoldatsenplastiqued’unseauet lesdisposedans lapiece.Onpourraitcroirequ’ilfaitçaauhasard,maisj’ailesentimentqu’ilyaunecertainemethodedanscette

gabegieapparente.

—Tun’avaispasdeG.I.Joequandtuétaispetit?

Jesecouelatete.Jen’avaispasbeaucoupdejouetsd’apresmessouvenirs…Ons’amusaitavecdesbatons,descailloux,desballonsdefoot.Detempsaautre,Alexs’introduisaitdansleplacarddemamereetoninventaitlesjeuxlesplusdinguesenmettantdescaillouxdanssescollants.Parfois,oncoupait les jambespouren fairedes frondes.Oubienony fourraitdesballonsremplisd’eauetonsebattaitavec.Onsefaisaitregulierementbotterlesfessesaprescesméfaits,maisons’enfichait.Çavalaitlecoupquandmême.

—Bon,reprendlemomed’untonserieux.LesCobrassontlesmechants.Ilsveulentetrelesmaîtresdumonde.LesG.I.Joesdoiventlescapturer.T’ascompris?

—Oui.Bon,onyvalà?

Brandonlèvelesmains.

—Attends,attends!Ilfautquetuaiesunnomdecoded’abord.Tuveuxquoicommenomdecode?Moi,c’estRacer.

—JevaisprendreGuerrero.

Ilpenchelatêtedecôté.

—Qu’est-cequeçaveutdire?

—Guerrier.

Ilacquiesced’unhochementdetête.

—D’accord,Guerrero,tamissionconsisteamettrelamainsurledocteurClind’œil.(Ilmeregardeenouvrantdegrandsyeuxronds.)C’estlemecleplusmechantdelaterre.PirequelecommandantCobra!

—Onnepourraitpasluidonnerunnomunpeupluseffrayant?Desole,maisdocteurClind’œil,çanefaitpastrèssérieux.

—Ohnon!Onnepeutpasfaireça.C’estimpossible.

—Pourquoipas?

—J’aimebiencenom-là.EtledocteurClind’œiln’arrêtepasdeclignerdel’œil.

Ilestmarrant,cegosse,fautlereconnaître.

—Bon,d’accord.Qu’est-cequ’ilafaitdesiterrible,tondocteurŒil?

—Docteurclind’œil,corrigeBrandon.PasŒil.

—PeuImporte.

JebrandismonG.I.Joeenplastique,etjeluidis:

—Bon,Joe,tuesprêtàbotterlesfessesdudocteurŒil?

Jeme tourne versBrandon. Joe dit qu’il est pret. Brandon s’anime comme s’il etait enmissionsecrète.

—Suis-moi,chuchote-t-ilencommençantaramper.Allez,viens!dit-ilunpeuplusfortenvoyantquejen’aipasbougé.

Jem’aplatiscommeunecrepederriereluienessayantdem’imaginerdanslapeaud’ungossedesixansquialapatiencedejoueràcejeuàlagomme.

Brandonmetlamainderrièresonoreilleetmurmure:

—Jecroisqueledocteursecachedansleplacard.Ameutelestroupes.

J’enveloppeduregardlesminisoldatséparpilléssurlamoquetteetj’ordonne:

—Cernezleplacard,soldats.

— Tu dois changer ta voix pour avoir l’air d’un marine, s’exclame Brandon, peuimpressionnémanifestementparmestalentsd’acteur.

—Arrêtedechercherlapetitebêteoujemetire.

—D’accord,d’accord.Neparspas.Tupeuxgardertavoix.

Nousdisposonslestroupesautourdelaporteduplacard.Autantpimenterunpeuletrucpuisquejesuislà.

—Joem’aapprisqu’ilavaitdesinformationssurledocteur.

—Qu’est-cequec’est?demandeBrandon,marchantàfondlacaisse.

Ilfautquejetrouvequelquechosevitefait.

—Ilaunenouvellearmeasadisposition.S’iltefaitunclind’œil,tuesmort.Faisbiengaffedenepasleregarderdanslesyeux.

—D’accord!lanceBrandon,toutexcité.

Luisestcommelui.Ilpartauquartdetourpourunrien.

Ducoup,jepenseamamaetauxraresfoisoujel’aivusourirecesdernieresannees.J’aibeauêtreunrebelle,jedonneraisn’importequoipourlafairesourireànouveau.

Kiara

JeregardeCarlosetmonpetitfrerejouerauxsoldatsdepuisleseuildelachambre.Carlosainstalletoutundecor,desT-shirtsdeBrandonpendusadela icellefaisantof icedetunnels.Attacheealafenetre,la icellecourtsurtoutelalongueurdelapiecejusqu’alapoigneedelapenderie.

D’apres son air detendu, j’ai l’impression que Carlos s’amuse presque autant quemonfrère.Mamèremecaressel’épauleenpassant.

—Çava?chuchote-t-elle.

Jehochelatête.

—Jemefaisdusoucipourtoi.

—Toutvabien.Net’inquiètepas.

Jerepenseacetapres-midi,quandnousavonsfaitdufootdanslejardin.J’avouequejemesuisamuséemoiaussi.

—Vraimentbien,jet’assure,j’insisteenétreignantmaman.

—Ilsontl’airdepasserunbonmoment,commente-t-elleenpointantlementonverslascenedeguerrequisederouledanslachambredeBrandon.OndiraitqueCarloscommenceasefaireàsavieici.

—Peut-être.

—Lescinqminutessontpasséesdepuislongtemps,s’exclameCarlos.

MamanentredanslachambreetprendBrandondanssesbras,coupantcourtacequinepouvaitmanquerd’êtreunetentativedenégociationdontmonpetitfrèrealesecret.

—C’estl’heured’allertecoucher.Tuasécoledemain.

Unefoisqu’ellel’abordé,elleajoute:

—Tut’esbrossélesdents,n’est-cepas?

—Ouais,répondBrandonenhochantlatête,labouchehermétiquementfermée.

Jedoutequ’ildisevrai.

—Bonnenuit,Racer,lanceCarlosensortantdelapiècedanslesillagedemaman.

—Bonnenuit,Guerrero.Kiara,vuqueCarlosrefusedemeraconterunehistoire,tuveuxbienmechanterunechanson?Oujoueraujeudeslettres?S’ilteplaît…

—Lequeltuveux?

—Lejeudeslettres.

Ilseredresseenmetournantledosetsoulèvesonhautdepyjama.

—Nousjouonsacejeudepuisqu’ilatroisans.Duboutdudoigt,jetraceunelettresursondos.Ildoitdevinerlaquelle.

—A,s’écrie-t-ilfièrement.J’endessineuneautre.

—H!

Puisuneautre.

—D!Non,B.C’estjuste?

—Oui.Bon,unedernière.Etpuistudors.Jetraceuneultimelettre.

—Z.

Exact.Jeluidéposeunbaisersurlefrontetlebordeunedernièrefois.

—Jet’aime.

—Moiaussi.Kiara?

—Oui.

—DisàCarlosquejel’aimeaussi.J’aioublié.

—Entendu.Fermelesyeuxmaintenant.

Carlosestadosseaumurdanslecouloir.Mamanadisparu.Elleaduallerregarderlateleavecpapadanslesalon.

—J’aientendu.Pasbesoinderépéter,meditCarlos.

Sonimpudencecoutumieres’estenvolee.Ilal’airvulnerable,commesilesgentilsmotsdeBrandonavaientbriseunebarriereemotionnelleenlui.J’ailasensationd’entrevoirlevraiCarlos.

—Bon.(J’ailesyeuxrivessurmeschaussuresparcequepourtoutdire,jesuisincapabledecroisersonregard,tropintense,hypnotisant.)Merciencore…d’avoirjoueavecmonfrere.Ilt’aimebeaucoup.

—Parcequ’ilnemeconnaîtpasvraiment.

Carlos

Avantledebutdescours,jevaisderrierelesgradinsdustadealarecherchedeNick.Sanssurprise,jeletrouveentraindefumerunpétard.

Uneexpressionpaniquéepassesursonvisage,masquéepresqueaussitôtparunsourire.

—He,mec!Commentçava?J’aiapprisquetut’etaisfaitgaulerlasemainederniere.Jeteplains.(Ilmetendlebédo.)Tuveuxunetaffe?

Jel’attrapeparlecolletetjeleplaquecontreunebarremétallique.

—Pourquoitum’aspiégé?

—T’esdingue!Jenevoispasdequoituparles.Pourquoijet’auraispiégé?

Jeluibalancemonpoingdanslafigure.Ils’écroule.

—Tuterappellesmaintenant?

—Ohmerde!s’écrie-t-ilalorsquejesuispenchésurlui.

Jevaisletabasserjusqu’àcequ’ilcrachelemorceau.

S’il est implique d’une maniere ou d’une autre avec les Guerreros del barrio, et WesDevlin,celaveutdirequeKiaraetlesWestfordpourraientetreendangerpuisquejevissousleurtoit.Jenepeuxpasaccepterça.

Jelerelèveenl’attrapantparlecoldesachemise.

—Dis-moipourquoituasplanquecettedopedansmoncasier.Tuasinteretatemagnerparcequejesuisdemauvaispoildepuisquelesflicsm’ontembarqué.

Illèvelesmainsensignedecapitulation.

—Jenesuisqu’unpiondanscettehistoire,Carloscommetoi.Mondealer,Devlin,c’estluiquim’aditdefaireça.Iletaitarme,mec.Ilm’a ilelacanetteetm’aordonnedelamettredanstonsac.Ilm’aditquesinonj’allaisavoirdesennuis.Jenesaismemepaspourquoi.Jetejure,l’idéenevenaitpasdemoi.

J’ensuisreduitadeterminerdequiçavient.Leprobleme,maintenant,c’estquejedoiscontacterDevlinetsurveillermesarrièresvingt-quatreheuressurvingt-quatre.

—Carlos,c’estàtontour.

Tous les regards se tournentversmoidans la sallede therapie.Berger s’attendque jeracontemavieatoutlemonde.Çaneluisuf itpasquejedoiveecoutertousleursproblemesalacon?LeperedeJustinquiluirepetesansarretquec’estunconnard,etKenoquiseprendpourunherosparcequesespotesontbudelabieretoutleweek-endetqu’iln’apascedealapressionambiante?Desconneries,toutça!

MadameBergerm’observepar-dessusseslunettes.

—Carlos?

—Oui.

— Voudrait tu nous raconter quelque chose d’important qui te serait arrive cettesemaine?

—Pasvraiment.

Zanaricaneenretroussantseslèvresétincelantesdegloss.

—Ilsetrouvetropcoolpourpartageravecnous!

—Ouais,renchéritCarmela.Pourquoitutecroissupérieurd’abord?

Kenome ixe,cherchantam’intimider,jesuppose.Jemedemandes’iladesinfosausujetdeDevlin.

J’auraistortd’espererlesoutienduMexicanPowerdanslescirconstancesactuelles.JemetournedoncversJustin.

—Tupeuxfairecequetuveuxtantqueçanem’impliquepas,meditletypeauxcheveuxverts.

Qu’est-cequeçaveutdire,putain?

Quinnalesyeuxrivésausol.Bergersepencheenavant.

—Carlos,celafaitdejaunesemainequevouseteslaetvousnevousetestoujourspasouvertanous.Chaquemembredugroupeareveleunepartdelui-memeauxautres.Pourquoinepasnousraconteraumoinsunpetitquelquechosea inquevoscamaradespuissentsesentirplusprochesdevous?

Elles’imaginequej’aienviedenouerdesliensaveccesgens-là.Elleestfolleouquoi?

—Disquelquechose,n’importequoi,m’exhorteZana.

—Ellearaison,enchaîneKeno.

Bergermedécochesonregardcompatissantquisous-entend«onestlàpourtoi».

— Il faut que chacun apporte son tribut si l’on veutmaintenir la cohesion au sein dugroupe.Considérezvotrecontributioncommelacollequinoussoudesansexclurepersonne.

Elleveutdelacolle,jevaisluien ilerdelacolle!Pasquestionquejel’ouvreaproposdeNickoudeDevlin,maisj’aiuneautreidée.Jelèvelesmainsensigned’abdication.

—D’accord. J’ai failli embrasser une illemercredi. Kiara. Au sommet de la putain demontagnequ’ellem’aforcéàescalader.Rienqued’ypenser…(Jesecouelatêtedefrustration).Leprobleme,c’estquedepuisdeuxjours,jen’aipasarretedepenseracequeçaauraitetesij’avaiscontinué.

Kenos’inclineversmoi.

—Elleteplaît?

—Non.

—Pourquoit’asessayédel’embrasseralors?demandeZana.

Jehausselesépaules.

—Pourluiprouveruntruc.

Personneneditrien.Toutel’attentionestfocaliséesurmoi.

—Prouverquoi?demandeBerger.

—Quej’embrassemieuxquesoncopain.

Justinportesamainasabouche.Siçalechoqueacepoint,jepariequ’onpeutcomptersurlesdoigtsd’uneseulemainlenombredefillesqu’ilaemballées.

—Ellet’arendutonbaiser?demandeCarmela.

Kenohausselessourcils.

—Elleestmexicaine?

—Onnes’estpasembrassés.Presque,j’aidit.Pasdequoienfaireunfromage.

—Tulakiffes,decreteZana.(Voyantquejericane,elleajoute)Quandonditqu’ilnefautpasenfaireunplat,c’esttoutlecontraire.

—Qu’est-cequeçapeutfaire,Zana?intervientJustin.Ilnel’apasvraimentembrasseeetelleauncopain.Elleestdéjàprise,queçaluiplaiseounon.

—Tudoisfaireuntravailsurtoi-memeavantd’avoirunerelationsaine,Carlos,decreteZanacommesielleétaitexperte.

Peut-etre,bon,bref,Kiaranemeplaıtpasdetoutefaçon.Etunerelationsaine,c’estbienladernierechosedont j’aienvie…Jenesuismemepassurqueçaexiste. Jem’adosse amachaiseetcroiselesbras.

—J’aiterminé,madameBerger.

Elleacquiesced’unhochementdetête.

— Merci d’avoir partage cette information avec nous, Carlos. Nous vous sommesreconnaissantsd’avoirbienvoulunousdonnerunaperçudevotrevie intime.Croyez-leounon,notregroupeestplussoudédésormais,grâceàvous.

Je meurs d’envie de lui montrer mon index pour qu’elle lache ce que je pense de sathéorie,maisceseraitprobablementuneviolationdeleurfouturèglement.

J’endurelasuitedelaseancedetherapiedegroupeaveclesautrestaresmemes’ilssecomportenttouscommes’ilsetaientmescopainsmaintenant,jelejure.Quandjesorsen indubâtiment,jetrouveAlexdansleparkingquim’attendauvolantdelavoituredeBrittany.

Aunfeurouge,jevoisuncouplemarchermaindanslamainsurletrottoir.Jen’aijamaisvu Tuck et Kiara se tenir par lamain. Il y en a un des deux qui doit avoir la trouille desmicrobes.

— Kiara a un petit ami. Un pendejo de premiere, je lance a brule-pourpoint. Ils sontridiculesensemble.

Alexsecouelatête.

—Qu’est-cequ’ilya?

—Nejouepasavecelle.

—T’inquiète.

Alexéclatederire.

—C’estcequej’aiditàPacoquandilm’amisengardeàproposdeBrittany.

—Mettonsleschosesaupointunefoispourtoutes.Jenesuispastoi.Jeneleseraijamais.Etsijetedisqu’iln’yarienentreKiaraetmoi,c’estqu’iln’yarien.

—D’accord.

—Ellemetapesurlesnerfslaplupartdutempsdetoutefaçon.

Pourtouteréponse,ilsebidonnedeplusbelle.

Il n’y a personne chez lesWestfordquandnous arrivons. La voituredeKiara est dansl’allée,lavitrecôtépassagerestouverte,commed’habitude.

—Elleabesoinqu’onluiarrangeça,dis-jeàAlextandisqu’ons’enapproche.

Onnepeutpass’empecherl’unetl’autred’imagineraquoiressembleraitlavoituresielleétaitretapée.

—Laportièrecôtépassagernes’ouvreplus.

Alextiraillesurlapoignée.

—Tudevraisladémonteretvoirsitupeuxlaréparer.

Jehausselesépaules.

—Jevaispeut-êtrefaireça.

—Réparéeoupas,elleestsympacettebagnole.

—Jesais.Jel’aiconduitel’autrejour.

Jepasselatêteparlafenêtreavantdemeglisseràl’intérieur.

—Sijetedisaisquej’enaiachetéunepareille?annonceAlex.

—C’estpasvrai?Tuasenfinunevoitureàtoi?

—Oui. Il y adu travail a fairedessus. Je la garde a l’atelier jusqu’a ceque je trouve letempsderemettrelemoteurenétat.

— A propos de moteur, je trouve que celui-ci se traıne, dis-je avant de tirer sur lalanguettepourouvrirlecapot.

—Tuessûrqu’ellenenousenvoudrapasdefouinerdanssavoiture?

—Çaluiseraégal,dis-jeencroisantlesdoigtspourquecesoitvrai.

Pendantquenousinspectonslemoteurenparlantmecanique,jemedisquec’estpeut-êtrelemomentdeluiracontercequej’aidécouvert.

—Jepensequec’estDevlinquim’atenduunpiège.

Alexrelèvelatêtetellementvitequ’ilsecognelecrânecontrelecapot.

—Devlin?WesDevlin?

Jehochelatête.

—Pourquoilui?

Ilsepasselamainsurlesyeux,commes’iln’arrivaitpasacomprendrecommentj’aipumefoutredansunbordelpareil.

—Ilrecrutedesmembresdegangunpeupartout,quellequesoitleuraf iliation.Ilenfaitdeshybrides.Commentas-tupulelaisserfaire?

—Jenel’aipaslaisséfaire.C’estarrivé,c’esttout.

Monfrèreplongesonregarddanslemien.

— M’aurais-tu menti, Carlos ? Aurais-tu contacte les Guerreros au Mexique ? Cettehistoire de dope etait-elle prevue depuis longtemps ? Parce que Devlin ne plaisante pas.Putain,ilamêmedesliensavecleLatinoBloodàChicago.

—Tucroisquejenelesaispas!(JesorslenumerodeDevlin,recuperedanslecasierdeNick,etjelemontreàAlex.)Jevaisl’appeler.

Iljetteuncoupd’œilaupapieretsecouelatête.

—Nefaispasça.

—Jen’aipasd’autresolution.Ilfautquejesachecequ’ilveut.

Alexémetunpetitrire.

—Ilveuttemettrelamaindessus,Carlos.LesGuerrerosontdûluiparlerdetoi.

Àmontourdelefixerdansleblancdesyeux.

—Jen’aipaspeurdelui.

AlexalacheleLatinoBlood,etilafailliylaissersapeau.Ilsaitcequec’estdede ierlesgrosbonnetsd’ungang.

—Jet’interdisdefairequoiquecesoitsansmoi.Onestdesfreres,Carlos.Jemebattraitoujoursàtescôtés,sansteposerdequestions.

C’estbiencequejecraignais.

Kiara

Apres le dıner, Tuck etmoi, on a decide d’aller courir avant son entraınement pour lacompetitiondefrisbee.Pendantlespremierscinqcentsmetres,onadiscute,maisdepuisjecoursensilence.Onn’entendplusquenospasquiresonnentsur le trottoir.Lachaleuresttombée;ilyamêmeunepetitefraîcheurdansl’air.

J’aimebienfairedujoggingavecTuck.C’estunsportsolitaire,etjetrouveçanettementplussympaàdeux.

—CommentvaleMexicain?demande-t-il,savoixfaisantéchocontrelaparoi.

—Nel’appellepascommeça!C’estraciste.

—Jenevoispasenquoic’estraciste!Ilestmexicain.

—C’estlafaçondonttuledis.

—Oncroiraitentendretonpère,sisensibleetpolitiquementcorrect.

—Qu’ya-t-ildemalàêtresensible?EtsiCarlost’appelaitl’homo?

—Jenel’accuseraispasd’êtreraciste,çac’estsûr.

—Répondsàmaquestion.

Tuckglousse.

—Ilm’avraimenttraitédetarlouze?

—Non.Ilcroitqu’onestensemble.

—Jepariequ’ilneconnaıtmemepasdegays.Cetypeaunbouclierdetestosteronesd’unkilomètred’épaisseur.

Àl’entréedusentierquitraverseCanyonPark,jem’arrête.

—Tun’astoujourspasréponduàmaquestion,dis-jehorsd’haleine.

J’ail’habitudedecourir,maisaujourd’hui,moncœurbatplusviteetjemesensstresseetoutàcoup,sansraison.Tucklèvelesmains.

—Çame serait egal qu’ilme traite d’homo vu que j’en suis un. Il estmexicain, alorsqu’est-cequeçapeutfairequejedisequ’ilestmexicain?

—Çafaitrien.C’estledevantquimegêne.

Tuckmeregardeenplissantlesyeuxcommes’ilcherchaitàdécelermesmotivations.

—ÔmonDieu!

—Qu’est-cequ’ilya?

—Tulekiffes,leMexicain.J’auraisdum’enrendrecompteplustot.C’estpourçaquetut’esremiseàbégayer…C’estàcausedelui!

Jericaneenlevantlesyeuxauciel.

—Pasdutout.

Ignorantsathéorie,jem’élancesurlesentier.

—Jen’arrivepasàycroire,roucouleTuckenmeplantantsonindexdansleflanc.

J’accélèrel’allure.

—Attends-moi.

Jel’entendspantelerderrièremoi.

—Bon,d’accord.J’arrêtedel’appelerleMexicain.Etdedirequetulekiffes.

Jeralentisunpeuetj’attendsqu’ilmerattrape.

—Ilcroitqu’onsortensemble,etçamevatrèsbien.Neledétrompepas,d’accord?

—Sic’estcequetuveux.

—Absolument.

Parvenusausommetdelapente,nousnousattardonsunpeupourcontemplerlavilledeBoulderànospiedsavantderebrousserchemin.

Enrentrant,jetrouveAlexetCarlosplantésprèsdemavoituredansl’allée.

Carlosnousenveloppeduregardetéclatederire.

—Vouseteshabillespareil.C’estagerber.(Ilpointesonindexversnous.)Tuvois,Alex.Enplusdetoutlereste,jedoismefarcirça:desgringosassortis.

—Onn’estpasassortis,protesteTuck.(Apresavoirjeteuncoupd’œilamonT-shirt,ilhausselesépaules,forcéd’admettrequeCarlosaraison.)Enfin,si.Bon,d’accord.

Jenem’enetaismemepasrenducompte.Tucknonplus,manifestement.OnportetouslesdeuxdesT-shirtsnoirsornesdegrosseslettresblanchesquidisent:AULIEUD’ETREUNEPETITEFRAPPE,FAITESDELAVARAPPE.Onlesaachetesensemblel’anneedernierequandonestallesescaladerlemontPrinceton.C’etaitlapremierefoisdenotreviequ’ongrimpaitaplusde4000mètres.

Carlosnemequittepasdesyeux.

—Qu’est-cequevousfaitesamaMonteCarlo?jem’exclame,determineeachangerdesujet.

Ilsetourneverssonfrère.

—Onjetaitjusteuncoupd’œil,répondAlex.Pasvrai,Carlos?

Carloss’écartedemavoiture.

—C’estça.

Presquegêné,ilseraclelagorgeetfourrelesmainsdanssespoches.

—Mamanaditque jedevais t’emmener fairedescoursescesoir.Laisse-moiprendremonsacetmesclés.Ensuiteonpourrayallersituveux.

Enmontantdansmachambre, jemedemandesi jen’aipaseutortde laisserCarlosetTuckensemble.Ilsnesontpasfaitspours’entendre,cesdeux-la.Jerecuperemonsacsurmonlit,maisaumomentoùjem’apprêteàredescendre,jedécouvreCarlossurleseuil.

Ilsepasselamaindanslescheveuxensoupirant.

—Toutvabien?jedemandeenfaisantunpasverslui.

—Oui,maisonnepourraitpasyallerrienquetouslesdeux?Toietmoi,sansTuck.

Ilbasculed’unpiedsurl’autrecommesiquelquechoseletracassait.

—Pasdeproblème.

Ilnebougepasd’unpouce.J’ail’impressionqu’ilaautrechoseamedire.Jeresteplanteela.Plusonsedevisage,plusjemesensnerveuse.Cen’estpasqu’ilm’intimide.C’estjustequel’atmospheremeparaıtelectriqueensapresence.Cettevulnerabiliteapparenteestunnouvelaperçudesavraiepersonnalité.Sanslemurprotecteur.

J’aieuunmaldechienaresisterquandilafaitminedem’embrasserl’autrejourauDome,

etacetinstant,malgrelapresencedeTucketd’Alexdehors,jeressensuneattiranceencoreplusirrésistiblepourlui.

—Tuvastechanger?demande-t-ilenconsiderantmonT-shirttrempedesueur.CeT-shirt,fautvraimentquetut’endébarrasses.

—Tuattachestropd’importanceaulook.

—Mieuxvautçaquepasdutout.

Jemetsmonsacenbandoulièreavantdeluifairesignededégagerlepassage.

Ils’écarte.

—Àproposdelook,çat’arrived’enleverl’élastiquequetuasdanslescheveux?

—Non.

—Ondiraitunequeuedechien.

—Tantmieux.

Aumomentdemefau ileracotedelui,jetournebrusquementlatetepouressayerdelefouetteravecmaqueue-de-cheval.Ill’attrapejusteavantqu’ellel’atteigneenpleine igure.Jem’attends qu’il tire dessus,mais a la place il fait glissermes cheveux entre ses doigts. Jem’aperçoisqu’ilsourit.

—Qu’est-cequ’ilya?

—Ilssontdoux.Jen’auraispascru.

Le fait qu’il prete attention au contact de mes cheveux entre ses doigts me coupe lesouf le.J’avalepeniblementmasalivependantqu’ilcontinuealescaresser.Ungesteintime.Ilsecouelatête.

—Undecesjours,Kiara,onvafairedesbêtises,toietmoi,tulesais,non?

J’aienviedeluidemanderdedevelopper,maisjem’enabstiens.Alaplace,jeluireponds:«Jenefaispasdebêtises»,avantdeleplanterlà.

TucketAlexnousattendenttoujoursdansl’allée.

—Qu’est-cequivousapristoutcetemps?demandeTuck.

—T’aimeraisbienlesavoir,hein?repliqueCarlosavantdesetournerversmoi.Dis-luiqu’ilnevientpasavecnous.

Tuckpassesonbrasautourdemesépaules.

—Qu’est-cequ’ilraconte,monchou?Jepensaisqu’onallaittraınerchezmoieten in,tusais…

Ilagitelessourcilsavantdem’administrerunepetitetapesurlesfesses.

Ilsurjouetellementsonnumerodepetitamiqu’iln’estpascredibleunseulinstantamonavis,maisCarlosesttombédanslepanneauàenjugerparsonexpressiondedégoût.

—Ressaisis-toi,monlapin,jeluichuchoteàl’oreille.

—D’accord,sucred’orge.

Jelerepousseavantd’éclaterderire.

—Jem’envais,annonce-t-ilavantdes’éloigneràpetitesfoulées.

Alexl’imitequelquesinstantsplustard.JemeretrouveseuleavecCarlosdansl’allée.

—Jen’arrivepasacroirequej’aimisautantdetempsapiger,s’exclameCarlos.Vousetesjustecopains,Tuckettoi.Jenepensemêmepasquevousfricotezensemble.

—C’estridicule!

Jemontedanslavoitureenévitantsonregard.Ilseglisseparlafenêtre.

—S’ilestlechampiondubaisercommetulepretends,commentçasefaitquejenevousaijamaisvusvousroulerunepelle?

—Ons’embrassetoutletemps.(Jem’eclaircislavoixavantd’ajouter:)C’estjustequ’onfaitça…enprivé.

Ilprendunairsuffisant.

—Jenetecroispasuneseconde!Situetaismapetiteamieavecunetaloncommemoivivantsoustontoit,jetebécoteraisdevantluiàlamoindreoccasionpourqu’iln’oubliepas.

—Oubliepasquoi?

—Quetum’appartiens.

Carlos

Jepoussemonchariotdanslesalleesdusupermarche,contentdepouvoiracheterdelabouffeque jesuiscapabled’identi ier.Enmefau ilantentre lesautresclientsaurayondeslégumes,j’attrapeunavocat,quejelanceàKiara.

—Jepariequetun’asjamaismangéunvrairepasmexicain.

—Biensurquesi,merepond-elleendeposantl’avocatdanslechariot.Mamerefaittoutletempsdestacos.

— Qu’est-ce qu’elle met comme viande dedans ? je demande, histoire de la mettre al’épreuve.Jepariequetamèren’apaslamoindreidéedecommentonfaitlestacos.

Kiaramarmonnequelquechosequejenecomprendspas.

—Quoi?Jen’aipasentendu.

—Dutofu.Jereconnaisquelestacosautofu,cen’estpascequ’ilyadeplusauthentique,mais…

—Çan’ariendemexicain.Mettredutofudansunplatetoserlequali ierdemexicain,c’estuneinsulteàmonpeuple.

—J’endoute.

Ellepoursuitsonchemindansl’alleeenmeregardantprendredestomates,desoignons,de la coriandre, du citron vert, du chili, des jalapenos. Toutes ces odeurs fraıchesme fontpenseralacuisinedeMi’ama.J’attrapequelquechosequ’onavaittoujourssouslamainalamaison.

—Ça,c’estuntomatillo.

—Qu’est-cequetufaisavec?

—Jepeuxprépareruneméchantesalsaverde.

—Jepréfèrelasalsarouge.

—Parcequetun’aspasencoregoûtéàlamienne.

—Onverraça,dit-elled’unairdubitatif.

Je vais peut-etre etre oblige de lui preparer une portion specialement epicee pour luirappelerqu’ilfautéviterdemedéfier.

Ellemesuitpasapasdanslemagasin.J’achetetoutcequ’ilmefaut:desharicotsrouges,duriz,delafarinedemasa,differentesvarietesdeviande–bio,al’insistancedeKiara–,bienqueçacoûtedeuxfoispluscherquelaviandenormale.

Unefoisrentres,jedeballetoutesmesprovisionsdanslacuisineetjemeportevolontairepour preparer le dıner. Madame Westford m’est reconnaissante parce qu’elle doit aiderBrandonafairesesdevoirs.Ilparaıtqu’ilavoulusedessinerunecartesurlapeauavecdesmarqueurspermanents,etçaneveutpass’enaller.

— Jevais tedonneruncoupdemain,annonceKiarapendantque jedisposedesplatscreuxsurlecomptoiretdescasserolessurlagazinière.

Jemedisquepourunefois,elleabienfaitdemettreunT-shirt.Inutiledeluisuggererderemontersesmanches.

—Onrisquedesesalir,luidis-jependantqu’onselavelesmains.

Ellehausselesépaules.

—Cen’estpasgrave.

Jeversedelafarinedansunplat,j’ajoutedel’eau.

—Prête?

Ellehochelatête.

Jeplongelesmainsdanslemélangeetjecommenceàpétrir.

—Bonalors!Tum’aides?

Elles’approcheetenfonceasontourlesmainsdanslapatecollantequ’ellepresseavecapplication.Nosdoigtssetouchental’occasion,etaunmomentdonne,ilmesemblebienquej’enprendsunpourdelapâte.

J’ajouteunpeud’eauetjeprendsdureculpourlaregarder.

—Quelleconsistancetuveux?demande-t-elleencontinuantàmalaxer.

—Jetediraiquandtupeuxarrêter.

Allez savoir pourquoi je suis la adosse contre le comptoir comme un imbecile a la

regarderpetrir.Peut-etreparcequ’elleneseplaintjamaisderien.Escaladerlesmontagnes,retaperdesvoitures,de ierdesconnardsdemongenre,sesalirlesmainsdanslacuisine,rienneluifaitpeur.Ya-t-ilunechosequ’ellenepeutpasfaire,ouqu’ellerefusedefaire?

Unemassesolidedepâtereposedansleplat.

—Jecroisqueçava.Fais-endesboulettes.Jelesecraseraiavecunepoele.Commejesuissurquevousn’avezpasdemachineatortillas,onvaimproviser.Faisattention.FaudraitpasquetusalopesceT-shirtridicule.

Pendantque je fouilledans lesplacards a la recherchede ilmalimentairepourglisserentrelapoeleetlesboulettes,quelquechosemeheurteledos.Enmeretournant,jevoisunepetitebouledepâterouleràmespieds.

Jelevelesyeux.Kiaraauneautreboulettedanslecreuxdesamain,qu’elles’appreteamelancer.

—Nemedispasquetuviensdemebalancerça? jem’exclame,contenantavecpeinemonhilarité.

Ellesaisituneautreboulettedelamaingauche.

—Ehsi!C’étaitpourtepunirdet’êtremoquédemonT-shirt.

Ellesouritd’unair triomphantavantd’expediersonprojectile,saufquecette fois-ci, jel’attrapeauvol.Jemebaisserapidementpourramasserlaprecedente,sibienquej’enaideuxdanslesmainsmaintenant.

—Pourmepunir,hein?dis-jeenenvoyantenl’aircellequej’aichopeeauvol.Celle-ci,elleestpourtoi.Lesreprésailles,çacraint,chica.

—Tutrouves?

—Oui,jetrouve.

—Ilvafalloirquetum’attrapesd’abord.

Ellemetirelalanguecommeunegaminededeuxansavantde ilerdanslejardin.Jelalaisseprendreunpeud’avance,letempsd’embarquerleplatdepateavantdem’elancerasapoursuite.Monarsenalvientdesemultiplierconsidérablement.

—Nedétruispasmesboules!

Elleeclatederirealasecondeouellealancecettephrase.Amuse,jelaregardesejetersurunetablebassedupatiopours’enfaireunbouclier.

—Jepréfèrequecesoitlestiennesplutôtquelesmiennes.

Aprèsquoijelamitrailledeboulettesjusqu’àcequ’ilnem’enresteplus.

Labataillesepoursuit.Bientôt,lejardinseretrouvejonchédepetitesboulesblanches.

Westfordapparaît,unpeusurprisvisiblement.

—Jecroyaisquevousétiezcenséspréparerledîner.

—C’estlecas,répondKiara.

—Pendantquevousbatifolez,nous,onafaim.Oùestlerepas?

Nous ledevisageonsavantd’echangerunregard.Sansunmot,nous lebombardonsdeboulettes jusqu’a ce qu’il prenne part a l’action. A la in, Brandon etmadameWestford s’yjoignentàleurtour.

J’aimerais bien qu’Alex et Brittany debarquent. Ça ne me derangerait pas de leur enbalancer quelques-unes a eux aussi. Je devrais peut-etre suggerer a madame Bergerd’organiserdesbataillesdeboulettespendantlesseanceschezREACH.Çavaudraitmieuxqueleurthérapiedegroupe.

Kiara

—Viens a lamaisoncesoir, lanceMadison aCarlosdevantsoncasiervendredimatin.Mesparentsnesonttoujourspasrentrés.Onpeutfairelafêtetoutleweek-end.

Jesuisdevantmonproprecasieretj’aitoutentendu.Carlosestcensem’accompagneramoncoursdepeintureauxHighlands.Va-t-ilmelaissertomberpourelle?

—Jenepeuxpas,répond-il.

—Pourquoipas?

—J’aiunautreplan.

Abasourdie,elleaunmouvementderecul.Jedoutequ’onluiaitjamaisrefusequoiquecesoit.

—Avecunefille?

—Oui?

—Quiça?demande-t-elled’untoncassant.

Avantquejemerendecomptedecequisepasse,Carlosm’attirecontrelui.

—Kiara.

Pendantquejesuissouslechoc,Madisonpartd’ungrandéclatderireméprisant.

—Dis-moiquec’estuneblague!

—Enfait…,jebalbutie,pretealededouaner,maisCarlosmeserrecontreluiaupointdemecouperpourainsidirelacirculationdanslebras.

—Onsortensembleensecretdepuisunesemaine.

Ilme decoche un grand sourire assorti d’un regard qui laisse supposer que je suis lafemmede sa vie. Ce sourire trompera peut-etreMadison,mais je sais que c’est n’importequoi.

—Pasvrai,Kiara?

Ilm’étreintavecvigueur.

—Heinhein,jecroasse.

Madisonsecoueénergiquementlatête,commesiellen’enrevenaittoujourspas.

—FautêtredinguepourpréférerKiaraWestfordàmoi.

Ellearaison.Onl’adansl’os!

—Tuveuxparier?

J’ouvregrandlesyeuxquandCarlossepencheversmoi.

—Embrasse-moi,cariño.

Unbaiser?Danslecouloir,devanttoutlemonde?Jen’arrivememepasaarticulerdevantMadison,sansparlerderoulerunpalotaugarçonsurlequelelleajetesondevolu.Soussesyeux.

—Jenenene…

J’essaie de trouver quelque chose a dire, mais je n’arrete pas de begayer. Comme s’iln’avaitpasremarquequejemedebatspouralignerdeuxmots,Carlosprendmajoueencoupeavantdelaissersesdoigtsglisserdoucementversmabouche.Legenredetrucquelesmecsfontquandilssontfousdeleurcopine.MaisCarlosjouelacomedie.Jelesais.Illesait.MaisMadison,ellel’ignore.

Jesenssonsouf lesurma igureetjel’entendsmurmurerun«merci»presqueinaudibleavantqu’ilposeseslevressurlesmiennes.Jefermelesyeuxetj’essaied’oubliertoutcequim’entoure pour savourer l’instant. Si c’est un faux baiser, ce n’est pas l’impression que çadonne. C’est doux, excitant. Je devrais l’envoyer paıtre, j’en suis consciente,mais j’en suisincapable.

Jenouemesbrasautourdesoncou.Danslememetemps,ilmeserreplusfort,etsemetataquinermeslevresdepetitscoupsdelangueerotiquespourm’obligeraouvrirlabouche.Jenesaispasou ilaappris aembrassercommeça,mais jedoismeretenirdegemir. Jesensquelquechosemonterdufonddemesentraillesquandnoslanguessemélangent.

Finalement, Carlos s’ecarte de moi et, denouant mes bras qui lui enserrent le cou, ilsoupire:

—Elleestpartie.

—Qu’est-ce…qu’est-cequec’étaitquecettehis-his-toire?

Ilregardeautourdeluipours’assurerquepersonnenenousépie.

—J’aibesoinquetusoismapetiteamie.Voilà,c’estdit.

Commejenerepondspas,ilmeprendparlecoudeetm’entraınedanslecouloirjusqu’alasalled’informatiquequiestvide,endehorsdelatrentained’ordinateursalignesenrangeesbiennettes.

Cegarçonm’embrouillel’esprit,etçan’aidepasquemeslevresvibrentencoreapressonbaisersensuel.Jetachedemecalmeretm’appliqueare lechiravantdedirequoiquecesoit.Ilnefautpasquejebégaie.

—EtMadisonalors?Ilparaîtquetuascouchéavecelle,danslelitdesesparents.

—Onn’apascoucheensemble,Kiara.C’estellequialancecetterumeur,pasmoi. Je laconnaissaisdepuisapeinecinqjoursquandellem’ainviteacettestupidefete.Fais-moiunpeuconfiance.

—Pourquoijeteferaisconfiance?Tumera-racontesquedesbobards.

Jeluitourneledos,prêteàm’enaller.Sijeluienveuxtellement,jecrois,c’estparcequecebaiseravaittoutd’unvraialorsqu’enfait,c’étaitunstratagèmepourtromperMadison.

—D’accord,jel’admets,jeracontebeaucoupdeconneries,maisjen’aipascoucheavecelle.Laseuleraisonpourlaquelleellechercheamemettrelegrappindessus,c’estqu’elleveutrendreRamjaloux.Ilfautquejemedebarrassed’elle,alorstuveuxbienqu’onfassesemblantd’êtreuncoupleoupas?(Ilenfouitlesmainsdanssespoches).Donne-moitonprix.

—Pourquoimoi?

—Parceque tues trop futeepourcroire amesconneriesetparceque jeneveuxpasd’unevraiepetiteamie.J’enaieuune,etçaaétélacatastrophe.Allez,dis-moitonprix.

Jen’enairienafairedemesapertouslesjours,maisjusteunefois,j’aimeraisalleraubalavecungarçon.C’estmaderniereanneeau lyceedeFlatiron.L’occasionpourraitnepassereprésenter.

—Viensaubaldelarentréeavecmoi.

—Jenevaispasdanscegenredetrucs.(Ilsecouelatête).C’esthorsdequestion.

—Ok.Laissetomber.

Alorsquejemedirigedejaverslaporte,ilmesaisitparlecoudeetm’obligea luifaireface.

—Tueslaseulefillequipuissem’aider.

—C’estlebalourien,jerépliqued’untonferme.

Ilgrincedesdents.

—Bon,d’accord.Maisj’exigequetumettesunerobe…etdestalons.Etjeneparlepasdecesgrostalonsdegrand-mère.

—Jen’aipasdechaussuresàtalons.

—Vat’enacheterunepaire.(Ilmetendlamain.)Marchéconclu?

Jeprendsunesecondepouryréfléchir,puisjeluisaisislamainetjelaserreavecvigueur.

—Marchéconclu.

J’essaiededissimulermonexcitation,maislapoigneedemainsnemesuf itpas.J’ouvregrandlesbrasetjelepressecontremoi.Çalesurprend,j’ail’impression,maisçam’estegal.Jevaisalleraubal!Etpasavecn’importequi…avecCarlos,ungarçonquiestsansdouteleplusparfaitdesfauxpetitsamis.Siseulementonpouvaitlaissertomberle«faux»…

JevaischercherCarlos aREACHacinqheurespour l’emmener a lamaisonderetraite.Toutlegroupenousattenddevantleschevalets,impatientdesemettreàl’œuvre.

JeconduisCarlosdanslebureaudeBettyFriedman,laresponsabledescours.

—Betty,jevousprésenteCarlos.Ilvamedonneruncoupdemainaujourd’hui.

Ellelèvelesyeux.

—C’estgentilavous,Carlos.Jesuiscontentequevousayezpuvenir.Toutlemondeestravid’avoirdevraismodeles.L’undenosartistesenresidenceest lapourvousassisteretsuperviserlecoursaujourd’hui.

Nous la suivons dans la salle de loisirs ou un type en col roule noir et pantalon noirmoulantestentraindeverserdelapeinturededifférentescouleursdansdesbocaux.

—Voicivosmodèles,luiditBetty.KiaraetCarlos,jevousprésenteAntoineSoleil.

— J’ai apporte des costumes, dis-je en sortant une chemise a carreaux rouge et uneceinturedecow-boypourCarlos,ainsiqu’unetenuedecow-girlpourmoi.Jelesaiempruntesaudépartementthéâtredel’école.

Carlosjetteuncoupd’œilàsoncostumeetreculededeuxpas.

—Tunem’asjamaisparlédecostume!

—Ahbon!

—Non.

—Désolée.Ondoitsedéguiser.

Bettynousdésigneunepiècevoisine.

—Vouspouvezallervouschangerdanslasalledeconférence,sivousvoulez.

Carlos me prend la chemise et le ceinturon des mains et s’engouffre dans la salle deconférence.Jeluiemboîtelepas.

—Rappelle-moipourquoij’aiacceptédefaireuntrucpareil.

—Parcequetuavaisenviedemefaireplaisir,jerepondsenfermantlaporteaclepourquepersonnen’entreaccidentellement.

—C’estça!(Ilotesachemise,revelantunventredurcommedubetonquen’importequelmecluienvieraitetquiferaitsalivertoutesles illes.)Laprochainefoisquecetteenviemeprend,gifle-moi.(Ilsetourneversmoi,unsourireencoin.)Jeplaisantais.

—C’estbiencequejepensais.

Je passe la robe en jean et en dentelles,me felicitant que la tableme cache, aumoinspartiellement.Une foisque je l’aien ilee, je fau ilemesmainsendessouspourretirermonchemisier avant d’oter mon pantalon. Whouah ! Vachement courte, cette robe. Vraiment,vraimentcourte.Enregardantmesjambesnues,j’essaiedelafairedescendreunpeu,maisilyatellementdecouchesdedentellequ’elleestrigideetrebiquedubas,commedespétales.

— S’il te plaıt, neme dis pas qu’il faut que jemette cette ceinture ridicule ! protesteCarlos,àl’autreboutdelapièce,enaccrochantlagrosseboucleargentée.

—Imagine-toidanslapeaud’unchampionderodéo!

—Unchampiondeboxeplutot,vulatailledecemachin.Qu’est-cequetumets?J’esperequetuasl’airaussiridiculequemoi.

Jebaisselesyeuxsurmapetiterobeafanfreluchesavecsonfauxgiletenjeancoususurledevant.

—Moncostumeàmoiestencorepirequeletien.

—Écarte-toidelatable.Laisse-moivoir.

—Non.

—Allez!Onformeuncouplemaintenant,non?

—Unfauxcouple,Carlos.

Ils’assoitauborddelatable.

—Enfait,jemedisais…Commeonsaittouslesdeuxqueçanenousmeneranullepart,onpourrait,jesaispas,traînerensemble.

—Qu’est-cequeçaveutdire«traînerensemble»?

—Tusais,passerplusdetempstouslesdeux.Tumefaisrire,Kiara,etencemoment,j’aibesoinde rigolerunpeu. (Il contourne la table etm’observede la tete auxpieds avantdesifflerd’unairappréciateur.)Joliesjambes.Tudevraislesmontrerplussouvent.

Jehausselesépaules.

—Jevaisyréfléchir.

—Àquoi?Àmontrertesjambesouàtraîneravecmoi?

—Lesdeux.

L’ideed’etreavecluin’estpaspourmedeplaire,maisjedoisatoutprixeviterqu’ilmebriselecœur.Sij’acceptequ’onsevoieplus,jedoisdresserunebarriereemotionnelleentrenouspourempêcherqu’ons’impliquetrop.Jenesuispassûred’enavoirlaforce.

Dans la salle de loisirs, je presenteCarlos a Sylvia,Mildred,monsieurWhittaker et lesautres.Sylviam’attrapeparlamanche.

—Ilestmignon.

—Jesais.Leproblème,c’estqu’illesaitaussi.

MildredfaitsigneàCarlosd’approcher.

—Laissez-moivousregarder.(Ellel’examineavecattention,delateteauxpieds.)Jevousai vuquandvous etes arrive ?Qu’est-ce que c’est tous ces tatouages ? Ça vousdonnedesalluresdehooligan.

—J’ensuisun,jesuppose,répond-il,mêmesijenesaispastropcequeçaveutdire.

—Çaveutdirequevousvousattirezdesennuis,dit-elleenpointantsonpinceausurlui.Rienquedesennuis.Monmarietaitunhooligan.Partoutouilallait,ilavaitdesembrouilles.Ilpassaitsontempssursamoto,commeJamesDean.

—Queluiest-ilarrivé?demandeCarlos.

—Cevieuxschnockestmortilyadixans,dansunaccidentdevoiture.(Elletapotelajoue

deCarlos.)Vousluiressemblezunpeu.Approchez-vous.

Une foisqu’il estpresd’elle, elle ferme les yeuxet tend lebrasvers sonvisagequ’ellesembledessinerduboutdesdoigts.Carlosresteimmobile,lalaissantreverensereplongeantdansuneepoqueplusheureuseets’imagineruninstantquecesontlestraitsdesonmarietnonpaslessiensqu’ellecaresse.Finalement,Mildredsoupireetrouvrelesyeux.

—Merci,chuchote-t-elle,auborddeslarmes.

Carloshoche la tete en silence, conscientdu cadeauqu’il vientde lui faire.Etmoi j’enreste clouee sur place. En apparence, il joue les durs qui ne laissent personne l’approcher.Maislorsquej’entrevoislachaleur,lacompassionqu’ildissimule,jesenscettebarriereenmois’effriter.

—Bon,sions’ymettait!lanceAntoine.(Ilainstalleunepetiteestradedevantlaclasse.)Vousdeux,ajoute-t-il,venezici.

Carlosgrimpelepremiersurlascèneavantdemeprendrelamainpourm’aideràmonter.

—Etmaintenant?demande-t-il.

—Onestcensésposer.

—Commentça?

Antoinetapeduplatdelamainsurl’estradepourattirernotreattention.

—Jevaisvousexpliquer.Kiara,attrapez-luilesépaules.Carlos,tenez-laparlataille.

Onobéit.

—Commeça?jedemandeenessayantd’ignorerl’effetquemefontlesmainsdeCarlossurmeshanches.

—Ondiraitquevousavezpeurdevousrapprocherl’undel’autre,souligneAntoine.Vousetesraidescommedespiquets.Kiara,penchezletorseversCarlos.C’estça.Apresent,pliezungenou… Carlos, assurez-vous que vous la soutenez bien. Sinon, elle va tomber… Kiara,regardez-le comme si vous etiez amoureusede lui, attendant la promessed’unbaiser…Etvous,Carlos,baissezlesyeuxsurellecommesic’etaitla illedontvousavezrevetoutevotrevie.C’estparfait!Restezcommeçapendantlademi-heurequisuit.

Il se tourne vers les residents des Highlands et leur parle de silhouettes, du corpshumain…pendantquejemeperdsinexorablementdanslesyeuxdeCarlos.

—Tuasétésuperaveclespatients,jechuchote.Jesuiscontentequetusoisvenu.

—Etmoijesuiscontentquetuaiesmiscetterobe.

Durantlestrenteminutesquisuivent,tandisquenousnousefforçonsdebougerlemoinspossible,jemeplongedanssonregardsombre,etilenfaitdememe.Memesijecommenceaavoirdescrampes,jemesensheureuse,ensecurite.Ducoup,jenepeuxpasm’empecherdeluidire:

—J’aiprismadécision.

—Àquelsujet?

—Àproposdenous.J’aimeraisbienqu’ontraîneunpeuplusensemble.

Illèveunsourcil.

—Ahbon?

—Oui.

Carlos

Presque tous les matins, je suis reveille par Brandon chantant l’une de ses chansonsfavoritesquejen’arriveplusamesortirdelatete:«Bonjour,bonjour.Toutlemondesourit.C’estainsi,c’estainsiqu’ondémarrelajournée!»Dequoivousrendredingue!

Cematin,pourtant,cen’estpaslepetitfreredeKiaraquimetiredemonsommeil,maislavoixdeTuckbeuglantdanslecouloir.

«Lacucaracha,lacucaracha,yanopuedecaminar,porquenotiene,porquelefalta,jenesaispaslasuitelalala!»

Brandonne fait pas expres deme taper sur lesnerfs,mais jemedemande siTuckneseraitpasjustesurlaterrepourmefoutreenrogne.

—Tunelafermesdoncjamais?jehurleenespérantqu’ilm’entendeducouloir.

—Salut,amigo,répond-ilenouvrantmaporte.Deboutlà-dedans!

Jeredresselatête.

—Jecroyaisquej’avaisverrouillélaportepourempêcherleschieurscommetoid’entrer.

Ilbrandituntrombonetorduetl’agiteenl’air.

—Si.Heureusementquejesaismeservird’unouvre-portemagique.

—Sorsd’ici.

—J’aibesoindetonaide,amigo.

—Non.Fouslecamp.

—C’estparcequeKiaram’aimeplusquetoiquetumedétestesàcepoint?

—Çavapasdurer.Fouslecamp,jetedis.

Ilnebougepasd’unpouce.

—Ecoute,jenesaispassic’estvraiounon,maisj’aientendudirequelesgensquijurentessaientdecompenserlapetitetailledetusaisquoi.

Jerepoussebrusquementlescouverturesetbondishorsdulitpourluicourirapresdanslecouloir,maisiladisparu.

LaportedeKiaraestouverte.C’estlouche.

—Oùest-ilpassé?

—Euh…

Jeparcourslachambreduregardavantd’ouvrirbrutalementleplacard.Commedebienentendu,Tucks’estplanquéàl’intérieur.

—Jeplaisantais,mec.Tun’aspaslesensdel’humourouquoi?

—Pasàseptheuresdumatin.

Iléclatederire.

—Vat’habiller,sinontuvasfairepeuràcettepauvreKiaraavectatriquedumatin.

Jebaisselesyeuxsurmonboxer.Bienevidemment,latengodura,souslesyeuxdeKiaraetTuck.Etmerde!J’attrapelepremiertrucquimetombesouslamainenguisedebouclier.C’estunepeluche,maisjen’aipasvraimentlechoix.

—C’estlemojodeKiara,s’exclameTuckenpouffantderire.Mojo.Tupiges?

Sansunmot,jeretourne issadansmachambreouje lanqueMojoparterre.ConnaissantKiara,ellevaprobablementm’obligeràluiacheterunnouvelours.

Jem’assoissurmonlitenmedemandantcommentjevaisfairepourmerapprocherdeKiaraavecTuckdanslepaysage,etpourquoij’enaienvie.J’aimebienl’embrasser,c’esttout.Uncoupàlaporteinterromptlecoursdemespensées.

—Qu’est-cequetuveux?Jegrogne.

—C’estKiara.

—…etTuck,faituneautrevoix.Jevaisouvrir.

—Ilveuts’excuser,meditKiara.

—Jetedemandepardond’avoirouverttaportesanspermission,ditTucksurletond’unpetit garçon que sa maman aurait envoye s’excuser. Je promets de ne pas recommencer.Pardonne-moi,s’ilteplaît.

—D’accord.

Jem’apprêteàrefermer,maisKiaraposesamainsurlebattant.

—Attends.Tuckavraimentbesoindetonaide,Carlos.

—Pourquoifaire?

—Iln’yaquesixjoueursdansnotreequipedeFrisbee.Ilnousenfautsept.Ilyenatroisquiontlagrippe,etdeuxautressesontblessésenquartdefinale.Kiarapensequetuneseraispasmauvais.

—Pasmauvais?

—Pourquoitunejouespasaveceux?jedemandeàKiara.C’esttoilasportive.

—C’estuneéquipemasculine,merépond-elle.

Tuck joint lesmains enungestedepriere et je sensqu’il vame sortir un chapeletdeconneries.

—S’ilteplaıt,amigo.Onabesoindetoi,Kimosabe,OTout-puissant.Onaplusbesoindetoiquedelaterreselevantàl’ouest.

—C’estlesoleilquiselèveàl’est,connard.

—Seulementsionestsurlaterre.Sionestsurlalune,c’estlaterrequiseleveal’ouest.(Il inspire a fond.)Bon, j’enaiassezde te lecher lecul.Tuesdesnotresoupas?Lapartiecommencedansmoinsd’unedemi-heureetilfautquejesachesiondoitdeclarerforfaitoupas.Tuesprobablementnotreseulespoirmalheureusement.

JemetourneversKiara.

—Ilavraimentbesoindetoi,dit-elle.Jeviendraivousencourager.

—D’accord.Jevaisyaller.Maisjefaisçapourtoi.

—Attendsunpeu…commentça,ilfaitçapourtoi?(LeregarddeTuckpassedemoiaKiara sansquenouspipionsmotni l’unni l’autre.)Quelqu’unva-t-ilm’expliquer cequi sepasse?

—Non.Donnez-moicinqminutes.

Surlechemindustade,Kiarainsistepourquemonfrèrevienneaussi.

—Appelle-le,dit-elle.Sinonc’estmoiquilefais.

—Etsijen’aipasenviequ’ilvienne?

Ellesortsonportable.

—Tucrevesd’enviequ’ilsoitlasiçasetrouve,maistuestropbornepourl’admettre.Jetemetsaudéfi.

Quellemouchel’apiquée?

Je luiprends le telephonedesmainset j’appellemon frere. Je luiparledumatch. Ilmerépondsanshésitationqu’ilarrive.

Apresquej’airaccrocheetrestituesonportableaKiara,Tuckm’expliquelesregles.Jemeconcentre sur l’essentiel : une fois que j’ai attrape le Frisbee, je dois le renvoyer a uncoéquipierenmoinsdedixsecondes.

—Cen’estpasunsportdecontact,Carlos,merappelle-t-ilpourlaeniemefois,alorssituasenviedebalancerdescoupsdepoing,debousculerlesautresoudetebattre,arrange-toipourquecesoitaprèslematch.

Sur le terrain, ilmepresenteaurestede l’equipe.Unepenseem’obnubile : si j’aide lescoéquipiersdeTuckàgagner,Kiarameconsidérera-t-ellecommeunhéros?

Danslesminutesquiprecedentlecoupd’envoi,jem’entraıneaveclesautres.Çafaitdesannees que je n’ai pas lance un Frisbee, mais j’arrive sans probleme a l’expedier a monpartenaire.

L’undesgarsdemonequipepasseacotedemoiencourant.Ilmefaitunclind’œilavantdemetapersurlesfesses.

Qu’est-cequec’estquecetruc?Unritueld’unnouveaugenre?Jenesuispaspartisandesrituelsquiconsistentàmepeloterlesfesses.

Jem’approchedeTuckentraindefairedesétirementssurlatouche.

—Jerêveoucetypemefaitdesavances?

—Ils’appelleLarry.Nemedemandepaspourquoi,maisiltetrouvesexy.Iln’arretepasdebaverdepuisquetueslà.Ignore-le,c’esttout.

—Net’inquiètepaspourça.

— Tiens, ajoute Tuck en fouillant dans son sac avant de me lancer un polo. C’estl’uniformedenotreéquipe.

Jeplaquelepolocontremoi.

—Ilestrose.

—Tuasquelquechosecontrelerose?

—Ouais.Çafaitpédé.

Tuckclaquedeslèvres.

—Euh,ouais.Ecoute,Carlos, lemomentestsansdoutebienchoisipourque je tedisequelquechose.Çanevaprobablementpasteplaire.

Pendantqu’ilparle, jepassemescoequipiersaucrible.Dennis,quiaquelquechosedecarrement feminin.Legarsquim’a tape sur les fessesest en trainde semordiller la levreinférieurecommes’ilenvisageaitdemesauterdessus.Quantauxpolosroses…

—C’estuneéquipedetarlouzes,non?

—Commenttuasdevine?Acausedespolosrosesouparcequetufaissaliverlamoitiedel’équipe?

Jeluirefourguesonpolo.

—Pasquestionquejejoueavecvous.

—Ducalme,Carlos.Cen’estpasparcequetufaisequipeavecnousqu’onvateprendrepourungay.Nesoispashomophobe.C’estpascorrectpolitiquement.

—Tucroisquej’enaiquelquechoseàfaired’êtrepolitiquementcorrect?

—Penseàtoustesfansquetuvasdécevoir.Kiara…ettonfrère.

Jemedemandesimonfreresemarreous’ilgrincedesdents.Toutcequejesais,c’estqu’ilbranditlepoucedestribunes.Brittanys’estpointeeelleaussi.Kiaraetelleontl’airenpleinconciliabule.

Jenedevraispasposerlaquestion,jelesais,maisjenepeuxpasm’enempêcher.

—Comments’appellenotreéquipe?

—LesPédésextrêmes,répondTuckavantdes’esclaffer.

Quantamoi,jenerispas,maisalorspasdutout!

—Qu’est-cequ’ilya?Çaneteplaîtpas?Tufaispartiedelabandemaintenant,Carlos.

Çanemefaittoujourspasrire.

IlattrapeunFrisbeequ’ungarsluienvoiepours’entraineretlerenvoie.

—Oh!Justepourquetusoisaucourant,avantd’allersurleterrain,onseregroupeetonhurle«Allez,lesgays!»Àl’unisson,superfort!

Çasuffitcommeça.

—J’abandonne.

Jesorsduterrain.Siquelqu’undecheznousmevoyait,onm’enverraitvolerd’AtencingoaAcapulcoetretour.

—Jedisaisçapourrigoler,mec,crieTuckderrièremoi.

Jem’arrête.

—Etcen’estpasvraiqu’ons’appellelesPedesextremes.(Il levelesmainsensignedecapitulation.)Bond’accord,laverite,c’estqu’onnecriepas«Allezlesgays»,memesiJoela-bas,celuiquia lescheveuxenpointes,nous l’asuggereaudebutde lasaison.Ons’appellejustelesExtremes.Onn’arrivaitpasatrouverunnomsympa,alorsLarryaproposeçaetonenestrestéslà.Çateva?

Jeluireprendslepolodesmainsensecouantlatête.

—Tum’endoisunepourça,luidis-jeenenlevantmonT-shirtpourenfilerlerose.

—Jesais.Donne-moitonprix,amigo.

—Tulesauras.Plustard.(MonregardseportesurKiaradanslesgradins.)Kiaraa-t-elledéjàeuunpetitami?

Ilsetapotelementondel’index.

—Ellenet’ajamaisparlédeMichael?

—Quic’estceMichael?

—Letypeavecquielleestsortiependantl’été.

—Ellenem’enapastouchéunseulmot.

—C’étaitsérieux?

Tuckafficheunsourirejusqu’auxoreilles.

—Onestbiencurieux,dis-moi.

—Répondsàmaquestion.

—Illuiaditqu’ill’aimaitpourlalarguerpartextoaufinal.

—Quelconnard!

—Jenetelefaispasdire.

Tuck pointe l’index vers l’autre bout du terrain ou l’equipe adverse est en train des’échauffer.

—C’estlegrandentraindeprendresabouteilled’eau,avecunpolomarqueBarra.C’estsonnom.

—Celuiquiaunbandanavert?

—Ouais.MichaelBarra.Lelargueurpartexto.

—Ilestchauveouquoi?

—Non. Ilprotegesaprecieusechevelurepournepassedecoifferquand il joue. (Tuckposesamainsurmapoitrinepourattirermonattention.)Maisrappelle-toicequejet’aiditdanslavoitureenvenant,aproposdesregles.Cen’estpasunsportdecontact,Carlos.Onserapénalisésencasdebrutalitésgratuites.

—Heinhein.

Jeregardel’exdeKiarajetersabouteillevideverslatoucheal’autreboutduterrainsanssesoucierqu’ellemanqued’atteindrelechiend’unspectateur.Jedetestecemecalorsquejenel’aijamaisrencontré.

Des que la partie commence, Dennis expedie le Frisbee a toute volee dans le campadverse. Tout se passe bien jusqu’a ce qu’un type de l’autre equipe marmonne uncommentairehomophobeaumomentouj’interceptesonlancer.Monsangnefaitqu’untourcommequandonmetraitedesaleMexicain.

J’ail’espritdecompetitionenattendant,etjesuispretabotterleculdequelques-unsdecesSuprêmes.

JemedemandesilemomentestbienchoisipourinformerMichaelqu’ildoits’attendreaquelquesbrutalitésgratuitesdelapartd’unMexicanosuperénervé.

Kiara

ÇafaitbizarrederevoirMichael.Jesavaisqu’ilseraitla,maisjen’avaisaucuneideedel’effet que ça me ferait de me retrouver en sa presence apres notre rupture, le pensaisressentiraumoinsunepetiteemotion,merappelercequim’avaitpousseeasortiraveclui,maisquandmonregardseposesurlui,jen’eprouvestrictementrien.Jesuispasseeaautrechose,c’estclair.Leprobleme,c’estquelegarçondontjesuisentraindetomberraidedinguenecherchequ’unebreveaventure.Cen’estpascequejeveuxavecCarlos.J’acceptedefairecommesicequ’ilyaentrenous etait temporaireetsuper iciel,maischaquefoisqu’onestensemble,çameparaîttropparfaitpourrestercommeça.

Jemesuisaperçuequejefantasmaissurluiquandjemereveillelematin,al’ecoleaussi,avant dem’endormir le soir, des que quelque choseme fait penser a lui. A l’epoque ou jesortaisavecMichael,ilnem’obnubilaitpascommeça.

Carlosabeausedonnerunmaldechienpourfairechierlemonde,j’entrevoispetitapetitsavraienature.Quand il joueavecmonfrere, il laisseparaıtreunecertaine tendressequ’ilcache au reste du monde. Quand on se chamaille, son cote taquin ressort. Quand ilm’embrasse,jesensunbesoindesespered’affection.Lorsqu’ilpreparedesplatsmexicainsouqu’il emaille ses phrases de mots d’espagnol, son attachement a sa culture irradie de luicommeunfaisceaudelumière.

Jeconnaissesqualitesprofondes,etjesaispourquoiilmetouchecommejenel’aijamaiseteauparavantparpersonne.Enrevanche, ildissimulesafacettesombre,qui faitde luiuntypejaloux,furieux,abattu,etjesuisconscientequec’estcetaspect-ladesapersonnalitequil’empêchedes’engagersurleplanémotionnel.

Les equipessemettentenrangchacuneauboutdesonterrain,etcelledeTuckmetleFrisbeeenjeu.Michaels’elancelepremier,l’attrapeets’empressedelerelanceraundesescoéquipiers.Leproblème,c’estqueCarlosestlàpourl’intercepteràlasecondeoùillelâche.

Deslespremieresminutesdelapartie,lesExtremesmarquent.TucktapedanslamaindeCarlos.J’avouequeçafaitplaisirdelesvoirs’entendreaulieudesedisputer.

—Carlosestsuperbon!s’exclameBrittany.

—C’estunFuentes.Évidemmentqu’ilestbon,répondfièrementAlex.

Jesavaisqu’ilsedébrouilleraitbien.Iln’auraitjamaisacceptédejouersinon.

La fois suivante ou Carlos recupere le Frisbee,Michael vient le narguer. Je n’ai pas lamoindreideedecequ’ilssedisent,maisj’ailanetteimpressionqu’ilssontsurlepointd’envenirauxmains.D’ailleurs,apresavoir jete ledisque aunautregarsdeson equipe,CarlosbousculeMichael,quiseretrouvelesquatrefersenl’air.

—Faute!hurlequelqu’undesoncamp.

—Faute,moncul!protesteCarlos.Ilm’aprovoqué.

—Ila injurienotrecoequipier, intervientTuckendesignantMichael. Je l’aientendu. Ildevraitseprendreuncartonjaune.

Michaelseredresseetpointel’indexsurCarlos.

—Tun’aspasarrêtédemeprovoquerdepuisledébutdelapartie!

—Onjoueenindividuel,riposteTuck.Iltedéfendait.

—Ilm’apoussé.Tul’asbienvu.Toutlemondel’avu.Ildevraitêtreéliminé!

SiCarlosestelimine,lapartieest inie.LesExtremesdevrontdeclarerforfait.Carlossetourneversmoi,etmoncœurfaitunbonddansmapoitrine.S’ilaacceptedejouer,cen’estpasparcequeTuckluiademande.Ilafaitçapourmoi…etjesuspectequejesuisal’originedesonagressivitévis-à-visdeMichael.

Dieumerci,toutlemondesecalmeavantqueçadegenere,etlematchreprend.Pendantl’heurequisuit,jeregardelesdeuxequipess’affronter.Pour inir,lesSupremesl’emportent:13à9.

Aumomentoujedescendslesgradins,jevoisMichael,couvertdesueur,s’approcherdemoi.Iln’apaschange.Ilaotesonbandanaetsescheveuxchatainclairsontimpeccablementcoiffes, la raie sur le cote. Avant, je trouvais fantastique qu’il soit toujours bien peigne.Maintenant,çam’agace.

Ils’essuielafigureavecuneserviette.

—Jenesavaispassituviendraisvoirlematchoupas.

—Tuckjouait,dis-je,commesicelasuffisaitàtoutexpliquer.Carlosaussi.

Ilfroncelessourcils.

—Quic’estceCarlos?Lepédéavecquij’aifaillimefoutresurlagueule?

—Oui.Saufqu’iln’estpaspédé.

—Nemedispasquetusorsaveclui.

—Jenediraispasçacommeça.On…

Carlossematerialisetoutacoupsousnosyeux,torsenu.IlseglisseentreMichaeletmoi,deposantdestraıneesdesueursurl’avant-brasdecedernieraupassage.Michaelregardesonbrasavecdegoutavantdel’essuyeravecsaserviette.Apparemmentdetermineaenrajouterunecouche,Carlosvientmeprendreparlesépaules.

—Ontraîneensemble,j’achèveàl’intentiondeMichael.

IgnoranttotalementlaprésencedeCarlosàmescôtés,ildemande:

—Qu’est-cequeçaveutdire?

— Ça veut dire qu’elle est occupee toutes les nuits par un Latino super sexy, mec,l’interromptCarlosenmeserrantcontreluiavantdesepencherpourm’embrasser.

Aulieuderépondreàsonbaiser,jerepoussesonbrasetm’écarte.Àl’entendre,jesuisunemarie-couche-toilà,commesionétaitdesamisetplussiaffinités,sansmêmelecôtéamitié.

—Arrête!jeproteste.

—Quej’arrêtequoi?

—Tonnumero.Soisnormal, luidis-je,poursauver la facevis-a-visdeMichael toutenessayantdecachermapeine.

—Normal ? Tu neme trouves pas assez normal ? s’exclame-t-il. Tu veux cemec a laplace ? Tu as remarque que ses tifs ne bougent pas ? Ce n’est pas normal. Tu veuxrecommencerasortiraveclui?Netegenepaspourmoi.Putain,situasenviedel’epouserpourêtreKiaraBarrajusqu’àlafindetesjours,netegênepaspourmoi!

—Cen’estpasceque…

—Jeneveuxpaslesavoir.Hastalavista,achève-t-ilavantdes’éloigneràgrandspas.

JesenslerougedelahontememonterauxjouestandisquejereportemonattentionsurMichael

—Désolée.Carlospeutêtrecaustiquequandçaleprend.

—Tun’aspasat’excuser.Iladegrosproblemesmanifestement,etpourtoninformation,sache que mes cheveux bougent… quand je le decide. Ecoute, poursuit-il, changeantbrusquementdetactique,onvaallerdejeuneraucentrecommercialdePearlStreet,chezOldChicago,avecmonéquipe.Viensavecmoi,Kiara.Ilfautqu’onparle.

—Jenepeuxpas.(JemetourneversTuck,BrittanyetAlex.)Jesuisvenueavecdesgens…

Michaelfaitsigneàsescoéquipiers.

—Fautquej’yaille.Situchangesd’avispourledéjeuner,tusaisoùmetrouver.

JerejoinsBrittanyetAlexenpleineconversationavecTuckpresdemavoiture.Carlosadisparudelacirculation.

—Çava?medemandeBrittany.Jehochelatête.

— Jenevoudraispasmemelerdecequinemeregardepas,ajoute-t-elle,mais j’aivuCarlospassersonbrasautourdetesepaules.Ilavaitl’airdemauvaispoilquandilestparti,etonnel’apasrevudepuis.Est-cequevous…

—Non.Pasdutout.

—Ilsfontsemblantdesortirensemble,maisKiara,elle,elleprendleschosesauserieux,intervientTuck.

—Jevaisallerlechercher,annonceAlexensecouantlatête,énervé.Ilvam’entendre.

—Nefaispasça,jem’exclame,paniquée.S’ilteplaît.

— Pourquoi pas ? Il n’a pas le droit de faire semblant de sortir avec des illes en lestraitantcomme…

—C’estleurproblème,Alex,l’interromptBrittany.Laisse-lesréglerçaentreeux.

—Maisilsecomportecomme…

RéagissantàlapressiondelamaindeBrittany,Alexs’interromptenmilieudephrase.

—Ilstrouverontunesolution,luiassureBrittany,puisellesourit.Net’enmêlepas.

—Pourquoitulesdéfends?

—Parcequemoncopainalatetedureetchercheconstammentlabagarre,repond-elleavantde se tournerversTucketmoi.LesFuentesont çadans le sang.Tout inirabien, tuverras,m’assure-t-elle.

J’aipeurquemoncœurnesefracasseenmillemorceauxavantça.

Carlos

— Carlos, peux-tu me donner un coup de main pour la voiture de ma femme ? medemandeWestfordplustarddanslajournée.

Jesuisdanslepatioentraindeboireunedesdécoctionsdesafemme.

—Pasdeproblème.Qu’est-cequinevapas?

—Ilfautchangerl’huile.Jeveuxm’assurerquelepotd’echappementestbien ixeaussi.Colleenditqu’ilfaitdubruit.

J’aideleprofesseurasouleverlavoitureavecuncricetalastabiliseravecdesbriques.Nousnousglissonstouslesdeuxsouslacarrosseriependantquel’huilecouledansunpetitseau.

—Tut’esbienamusécematinpendantlematch?

—Oui,saufquej’ignoraisquej’allaisjoueravecdeshomos.

—Çat’agêné?

—Audebut,oui.Maisau inal,nousn’etionsqu’unebandedecoequipiers.VoussaviezqueTuckétaitgai?

— Il nous l’a annonce sansdetourquand il est venuhabiter cheznous il y a quelquesannees.Sesparentsetaiententraindedivorcerdansdesconditionsdif iciles.Ilavaitbesoind’untoit.(Westfordposesalampedepocheetsetourneversmoi.)Unpeucommetoi.

—Acepropos,vousrisquezderegrettervotredecisionquandjevousauraiditqueKiaraetmoionfaitpasmaldetrucsensemble.

—Tantmieux.Jenevoispaspourquoicelam’inciteraitàregretterdet’avoiraccueilli.

Jepréféreraisnepasêtresousunevoitureaumomentoùj’ajoute:

—Etsijevousdisaisquejel’aiembrassée?

—Oh!Jevois.

A-t-ilenviedem’attachersouslabagnoleetdelalaissermetomberdessuspourquemestripesserepandentpartoutdanssonallee?Oudemefaireingurgiterl’huilesalejusqu’ace

quejeluipromettedeneplusposermessalespattesdeMexicainsurelle?

—Vousalliezsûrementl’apprendretôtoutard,parquelqu’und’autre.

—Jeteremerciedetonhonnetete,Carlos.Çaprouvequetuesintegre,etjesuis ierdetoi.Çan’apasdûêtrefacilepourtoidemeledire.

—Bonalors,vousallezmefoutredehorsouquoi?

J’aibesoindesavoirsijevaismeretrouveràlaruecesoir.

Ilsecouelatête.

—Non. Je ne vais pas temettre a la porte. Vous etes assez grands pour prendre vosresponsabilitesl’unetl’autre.J’ai eteadomoiaussietjenesuispasasseznaıfpourpenserque les jeunesd’aujourd’huisontdifferentsdeceque j’etais.Mais tuas interet anepas luifairedemal,anepaslaforcerafairequoiquecesoitqu’ellen’apasenviedefaire.Sinonjenemecontenteraipasdetejeterdehors,jetedécouperaienrondelles.C’estclair?

—Parfaitementclair.

—Bon.Apresent,prendscettetorcheetjetteuncoupd’œilauradiateurpourvoirs’ilfautlevidanger.

Jeluiprendslalampedesmains.Avantdem’extrairededessouslevéhicule,j’ajoute:

—Merci.

—Dequoimeremercies-tu?

—Denepasmetraitercommeunvoyou.

—Iln’yapasdequoi,merépond-ilensouriant.

Quandnousenavons iniaveclesreparations,j’appellemamaetLuis.Jeleurracontelematch,jeleurparledeKiara,desWestford,detoutlereste.Çafaitdubiend’avoirmifamiliaauboutdu il.Quandjeleurexpliquequejecontinueaallerencours,j’ail’impressiond’avoirdroit a une standing ovation. Ça fait longtemps que je n’ai pas eprouve ça. Je m’abstiensd’évoquerDevlinévidemment.Pasquestionquej’imposecestressàMi’amá.

Aprèslecoupdefil,jevaisàlacuisine.Personne.

—Onestdanslapiècetélé,mecriemadameW.Viensnousrejoindre.

Toutelafamilleestinstalleedevantleposte,leprofesseuretsafemmedansdesfauteuils,KiaraetBrandonsurlecanapé.Unplatdelasagnesreposesurlatablebassedevanteux.

—Prendsuneassiette,sers-toietassieds-toi,m’ordonneWestford.

—C’estlasoiréefamiliale!brailleBrandonenfaisantdesbondssurlesofa.

—Lasoiréefamiliale?Enquoiçaconsiste?

MadameW.prenduneassietteetmelatend.

—Àchoisiruneactivitéqu’onfaittousensemble.Onfaitçaàpeuprèsunefoisparmois.

—C’estuneblagueouquoi?

Monregardpassedel’unal’autre,etjemerendscomptequ’ilssontserieux.Cessoireesfamiliales existent bel et bien, et ils ont veritablement envie de passer leur samedi soirensemble.

Enme tournant versKiara, jemedis que cene serait pas simal au fonddepasser lasoiréeàglanderdevantlatélé.Jeremplismonassietteàrasbordetjem’approcheducanapé.

—Bouge-toiunpeu,cachorro.

BrandonseblottitentreKiaraetmoi.

Apres le repas, j’aide aporter lesassiettes sales a la cuisinependantqueKiara faitdupop-corn.

—Tun’es pas oblige de prendre part aux activites qu’on fait en famille si tu n’as pasenvie,souligne-t-elle.

Jehausselesépaules.

—Çanemedisaitriendesortirdetoutefaçon.

Jejetteunpop-cornenl’airetjel’engloutisenvol.

Enregagnantlesalon,jepenseplusaKiaraqu’aautrechose.MemequandledessinanimequeBrandonachoisicommence,jeluijetterégulièrementdescoupsd’œil.

—C’estl’heured’alleraulit,Bran,annoncemadameW.àlafindufilm.

—Jeveuxresterencoreunpeu,gémitBrandonensecramponnantaubrasdesasœur.

—Non.Tut’escouchetroptardcesdernierstemps.DonneunbisouaKiaraetaCarlosetviensavecmoi.

Brandonsemetdeboutsur lecanapeetse jettedans lesbrasdesasœur.Elle leserre

contreelleetl’embrasse.

—Jet’aimeplusquetum’aimes,luidit-il.

—C’estimpossible.

Ils’arracheasonetreinteensetortillantetbonditversmoisurlesofa.J’ouvregrandlesbrasetjelesnoueautourdesoncou.

—J’t’aime,amigo.

—Tuparlesespañol,cachorro?

—Ouais.J’aiapprisàl’école.Amigo,çaveutdireami.

Jeluitapoteledos.

—TuesmonpetitMexicainenherbe,hein?

—Çaveutdirequoienherbe?

—Ilt’expliqueraçademainmatin.C’estl’heure,Bran,lancesamere.Vienstoutdesuite.Asseztraîné.

—Choisissezleprochain ilm,ditleprofesseurennouslançantlatelecommande.Jevaisrefairedupop-corn.Bran,jeviendraitedirebonsoirdesquetuserasenpyjamaetquetuteserasbrossélesdents.

MadameW.emmeneBrandonaupremier.Sonmaris’envaaussi,aveclesbolsvides.JesuisseulavecKiara.Enfin.

Unbrassurledossierducanape,l’autresurmongenou,jesensintensementsapresencea cote de moi. Elle se leve et se dirige vers un placard rempli de ilms – a l’evidence lacollection personnelle desWestford. C’est la premiere fois que je vois autant deDVD chezquelqu’un.

—Jen’arrivepasàêtrenormalavectoi,dis-je.

Ellesetourneversmoi,perplexe.

—Qu’est-cequeturacontes?

—Cematin,devantMichael,tum’asdemandéd’êtrenormal.

Jerespireunboncoupetjemedecidealuidirecequej’auraisduluiexpliquercematinapreslematch.Quandj’ai iniparrentrer,aulieudelalaisserm’ignorer,j’auraisduluiavouerlavérité.

—Jen’yarrivepas.QuandTuckm’aditquetuetaissortieavecMichael,j’aieupleindevisionsdetoiaveccemec,etçam’arendudingue.Jeneveuxpasquetuaillesavecquelqu’und’autre.

—Jen’enaipasenvie.Jeveuxetreavectoi.Bon,vienschoisirun ilmavantquejetediseuntrucqueturegretteras.

Ellemefaitsigned’approcher.

—Choisis, toi,çam’est egal, je luireponds, ecartantdemonespritsoncommentaire aproposdecequejevaissoi-disantregretterd’entendre.

J’enaiassezentendu.Elleaenviedesortiravecmoi.Etmoid’etreavecelle.Aquoiboncompliquerleschoses?EllesortWestSideStoryduplacard.J’éclatederire.

—Tuaimescefilm?

—Oui.Lesdansessontsuper.Leschansonsaussi.

Jemedemande si elle danse aussi bienqu’elle bricole les voitures, si elle pensequ’uncouplemixteestfoutud’avance,comptetenudesdifférences.

—Tudanses?

—Unpeu.Ettoi?Àpartletangohorizontal,jeveuxdire.

Ilyadesmomentsouellemesurprend. Je suis toujoursunpeusecouequandellemelaisseentrevoirsoncôtéépicé.

—Quandj’etaisauMexique,mescopainsetmoi,onallaitenboıtetouslesweek-ends.Ondansait,onrencontraitdesfilles,onbuvait,onfumaitdel’herbe…C’étaitsympa.MaintenantjesuislààpartagerunesoiréefamilialeaveclesWestford.Lestempsontchangé,çac’estsûr.

—Tuastortdefumer.

—Çanet’arrivejamaisdefairedestrucsqu’ilnefautpasfaire?Allons.Kiara,crachelemorceau. Jenepeuxpascroireque tusoisaussi innocenteque tucherches anous le fairecroire. Tu es comme nous tous, pauvres pecheurs. Tu ne fumes pas, tu ne bois pas, tu netouchespasaladope.D’accord.Maistudoisavoird’autresvices.C’estlecasdetoutlemonde.(Commeellene repond rien, je continue :)Parle-moid’un trucque tu faisquipourraitmechoquer.

Elleserassoitsurlecanapé.

—Techoquer?

—Ouais.Vraimentmechoquer.

Ellesemetàgenouxetsepencheversmoi.

— Jepensebeaucoup a toi,Carlos,mechuchote-t-elle a l’oreille. Le soir,quand je suiscouchee,j’imaginequ’ons’embrasse,quenoslanguesglissentl’unecontrel’autrependantquetuenfouistesmainsdansmescheveux.Quandjemevoisentraindecaressercesmusclessurtapoitrine,jemetouche…

—Voilalepop-corn!s’exclameWestford,faisantirruptiondanslapieceavecdeuxbolsremplisàrasbord.Kiara,qu’est-cequetufais?

La scene qu’il a sous les yeuxdoit etre onne peut plus suggestive. Kiara est a quatrepattes,penchéesurmoi,sonvisageàquelquescentimètresdumien.

Je deglutis. Ce qu’elle s’appretait ame dire compose une image presque insoutenabledansmonesprit.Jeplongemonregarddanslesienpourvoirsiellemeracontedescraquesoupas,maisjen’arrivepasaledeterminer.Sesprunelleslancentdeseclairs,maisjenesaispassic’estsousl’effetdelapassionouparcequ’elles’amusecommeunepetitefolleaessayerdemebattreàmonproprejeu.

Jegardelesilence,lalaissantsedébrouiller.

Ellebasculesursestalons.

—Euh…je…rien,enfait.

Sonpèresetourneversmoienquêted’uneexplication.

—Faites-moiconfiance.Vousnevoulezpaslesavoir.

—Savoirquoi?s’enquitmadameW.ennousrejoignantàsontour.

Leprofesseurmetendunboldepop-cornpendantquesafemmereprendplacedanssonfauteuil.Jememetsàgrignoterpouréviterd’avoiràparler.

—Jen’arrivepasàsoutireruneréponseclaireàcesdeuxados,déclareWestford.

Kiaraseblottitdanssoncoinducanapé.

—Papa,maman,queferiez-voussivousnoussurpreniezentraindenousembrasser?

Kiara

Cen’etaitqu’unehypothesedansmonesprit,biensur.JenepensaispasqueCarlosallaits’étoufferavecsonpop-corn.C’estpourtantcequiestarrivé.

—Çava?

Iltoussecommeundingueetmedevisagecommesij’etaislapersonnelaplusderangeedelaplanète.

—Qu’est-cequiteprenddeleurposerunequestionpareille?

—J’aienviedeconnaîtrelaréponse,c’esttout.

Mesparentssontentraindecommuniquerpartélépathiepourtrouveruneréponse.

—Ehbien,euh…commencemaman.Euh…

—Cequetamereessaiededire,intervientpapa,c’estquenousavonsetedesadosnousaussi. Nous comprenons donc que l’experimentation fait partie du processus normal dedéveloppementdel’individu.

—D’autantquevousetesconscientsqu’il fautserespecterl’unl’autreetrespectervoscorps,enchaînemamère.

Jelasoupçonnedefaireexprèsdenepasrépondreàmaquestion.

—Oui,maman.

Papaattrapelatélécommande.

—Bon,maintenantquecettehistoireestreglee,qu’est-cequevousvoulezvoircommefilm?

—WestSideStory,jeréponds,unpeugênée.

Pendant qu’on regarde le ilm, de temps a autre, Carlos ricane comme s’il trouvaitcertainesscenesridicules.Ala in,jepleuretellementqu’ildoitmepasserlaboıtedeKleenex,prèsdeluisurlatablebasse.

—Donne-m’enunamoiaussi,marmonnemamanenreni lant.Jepleurechaquefoisquejevoiscefilm.

—Jedétestecettefin,jedéclareensortantleDVDpourleremplacerparunautre.

PapasetourneversCarlos.

—Qu’est-cequejepeuxdire?Mesfemmesveulentdesfinsheureuses.

Maman qui a remonte ses cheveux avec une grosse barrette, telle une adolescente, ledévisage.

—Qu’est-cequetuascontrelesfinsheureuses?

—Ellesnesontpasréalistes,intervientCarlos.

—Surce,jevaismecoucher,annoncemonpere.Jesuiscreve.(Ils’etireengrognanttouten s’extirpant de son fauteuil.) Ma vieille carcasse ne supporte plus de veiller au-dela deminuit.Àdemainmatintoutlemonde.

—Jemontedansunpetitmoment,luilancemaman.

Nousdecidonstouslestroisderegarderunautre ilm.Un ilmd’actioncettefois-ci.ÇadevraitplaireàCarlos,àmonavis.Auboutdedixminutes,mamancommenceàbâiller.

—Jesuisunpeuplusjeunequetonpere,Kiara,maismoinonplusjenetiensplustroplecouppasséminuit.Jemonte.

Elles’enva,maisavantdequitterlapièce,elleinterromptlefilmetsetourneversnousenagitantl’index.

—Confianceetrespect.

Son sermon se resume a ces deuxmots choisis. Ensuite elle lance la telecommande aCarlosavantdes’éclipser.

—Tamereseposelapourcequiestdefoutrel’ambianceenl’air,commenteCarlosd’unevoixtraînante.

Pendant la suite du ilm, je lui glisse des regards de temps a autre. L’intrigue doit lepassionnerparcequ’ilalestraitsdétendus,alorsqu’ilestsouventcrispéd’ordinaire.

Àunmomentdonné,ilmesurprendentraindel’observer.

—Tuveuxunverred’eau?medemande-t-il.

—Volontiers.

Ildisparaıtdanslacuisineetrevientquelquesminutesplustardavecdeuxverresd’eauglacée.

La piece est plongee dans l’obscurite en dehors de la lueur provenant de l’ecran. Sesdoigtsef leurentlesmiensquandjeprendsundesverres.Jenesaispass’ill’asenti,maisjenepeuxignorerlareactiondemoncorpsaucontactdouxdesamaintouchantlamienne.Rienavoiraveccematinaprèslematch,quandilafaitsonshowpourlagalerie.

Ilhesite,puissonregardrencontrelemien.Ilfaitsombre,noussommesseuls,etmemes’il a dit quemamanavait casse l’ambiance, je revede lui dire que j’ai envie de sentir sesmainspartoutsurmoi.

Con ianceetrespect.Jeme iealuipournepasmefairemalphysiquement,maispassurle plan emotionnel… Jem’empresse de rompre le charme et de boire un peu d’eau froide.Sinon,jerisqued’etretenteedeluidemanderdem’embrasserdenouveauenmeforçantanepaspenserauxconséquences.

Sansdireunmot,ilsecaledanslecanape.Noscuissessetouchentpresque,etpendantlasuitedufilm,jenepenseplusqu’àlui.

Leherosestcoincedansunentrepotavecuneravissanteblonde.Illasoupçonnedefairepartiedesméchants,maisiln’arrivepasàluirésister,etilscommencentàflirter.

Carlosremue,s’eclaircitlavoixavantd’engloutirunelampeed’eau.Puisuneautre.Uneautreencore.

La scene qui se deroule sous ses yeux lui rappelle peut-etre le fantasme dont j’aicommencealuiparlertoutal’heure.J’inspireafondenessayantdemeconcentrersurle ilm,etnonpassurnosgenouxquisefrôlent.

Auboutd’unmoment,jeluijetteunnouveaucoupd’œil.Ondiraitqu’ils’estassoupi,maisjenesuispassûre.

—Carlos?

Ilrouvrelesyeux,cespuitsnoirsquibrillentdanslalueurdel’ecran.Ledesireclatedanssonregard.

—Ouais?

—Tudormais?

Ilglousse.

—Loindelà.J’essaiejustedemeretenirdetesauterdessus.

Le ilmoublie,jechassemespeurs,resolueamettrenossentimentsal’epreuve.Jevaisfermerlaporteàclé,pourêtresûrequ’onnesoitpasdérangés.

—Tuasverrouillélaportelà.

—Jesais.

Je ne suis pas tres douee avec les mots, et si je tente de dire quelque chose, je vaisprobablementmemettre a begayer et gacher l’ambiance pour de bon. Si je n’arrive pas aexprimerclairementcequejeressens,jesuissuredepouvoirluienfairelademonstrationaumoins. Jerealisetout acoupqueje lui faiscon iancememes’ilnesefaitpascon iancelui-même.

Jem’agenouillepresdeluisurlecanapeetleveunemaintremblanteverssonvisage.Mesdoigtssepromènentlelongdesamâchoirerâpeuse.Ilretientsarespiration.

—Kiara…

Mesdoigtsvontseposersurseslèvrespourl’interrompre.

—Chut!

—Onneseraitpassurlepointdefaire…unebêtise?

Jemepencheverslui.Savoixfaiblitamesurequemeslevresapprochent.Jeprendsappuidesdeuxmainssursapoitrinetoutenmerapprochantunpeuplus.Encore.Encoreunpeu.Bientôtjesenslachaleurdesonsoufflesemêleraumien,etjen’yrésisteplus.

—Destasdebêtises.

Jenepeuxpasespereretrealuiajamais,j’ensuisconsciente,maisjeveuxluimontrerl’effetquepeutfaireuneintimitéassociéeàdesémotionsvéritables.

Aumomentoumeslevresfrolentlessiennes,ilemetunpetitgemissement.Soncœurbatatoutrompresousmapaume.Lebruitdouxdenoslevress’entrouvrantetsemelantmefaitfondrelesentrailles.Ilmelaisselecontroledelasituationengardantlesbraslelongdesoncorps, mais chaque fois que ma bouche ef leure la sienne quelques secondes, il se met ahaleter.

—Laisse-moitegoûter,murmure-t-il.

Lafoissuivante,jeluideposedespetitsbaiserssurleslevresavantdetrouverlecouragedel’embrasserpourdevrai.Uneonded’energiedeferleenmoiquandnoslanguessetouchentpourlapremièrefois,etoh,j’aienviedetellementplus!

Lesondufilmn’estqu’unbruitdefond.

Carlosprendmonvisageentresesmainsetmeforceaplongerleregarddanssesyeuxsombres,sexy,emplisdepassionetdedésir.

—Tujouesunjeudangereux,chica.

—Jesais,maisjetefaisconfiance.

Carlos

Sesmotsfontechodansmatete.Jetefaiscon iance.C’estlapremierefoisqu’une illemedit ça.Quand on s’etait rencontres,memeDestinym’avait dit que j’allais devoir gagner sacon iance.Elleestimaitquejen’etaispasunmecserieux,ceenquoiellen’avaitpastort.EtvoilaKiara,quim’annoncetoutdegoqu’ellese ieamoialorsqu’ellesaitpertinemmentquejen’aijamaiseteunchevalierenarmure.Elleestacalifourchonsurmoi,leslevreshumidesdenosbaisers.Siellecroitquejevaismeteniràcarreau,elleestfolle.

Je tiens toujours son visage entre mes mains. Je respecte trop cette ille pour etremalhonnêteavecelle.

—Tuastort.

Enrougissant,elleglisseunemainderrieresatetepouroterl’elastiquequiemprisonnesescheveux.

—N’empêchequec’estvrai.

Ellesecouesachevelurequis’abatcommeunrideausursesepaules,s’arretantjusteau-dessusdesseins.Jen’aijamaisrienvud’aussisexydemavie,etelleestencoretouthabillée!

Encore?Aquoijepense?Pasquestionquejeladeshabille.J’enmeursd’envie.J’adoreraislui otercescouchesdefringuesetparcourirdesyeux,desmains, lescourbesdesoncorps.Moncorpsàmoim’ypousse.Vas-y.Elleenaenvie.Oùestleproblème?

Leproblème,c’estcefichumot.Confiance.

Ellemefaitconfiance.

Jefermehermetiquementlespaupieres.Quedirepourluiprouverquejesuislemauvaisgarçon qu’elle connaıt ? Elle aurait bien tort de compter surmoi. Je pro iterais d’elle a lamoindreoccasion,maiscommentluifairecomprendre?

Elle prendra peut-etre peur si je lui montre que je suis pret a passer a la vitessesuperieure. Je lui attrape les fesses et jeme frotte contre elle d’unemaniere qui ne laisseaucundoutesurmesintentions.

Seulement,ellesemetabougeravecmoi.Merde!C’estmauvaissigne.Ellemedomine,çanefaitaucundoute.J’adorecontrôlerengénéral,maislàjesuisàsamerci.

Je l’attire contre moi et je la serre en promenant mes mains dans son dos. Nos

respirations pantelantes emplissent la piece. Heureusement que le ilm couvre les bruitsqu’onfait.

Jem’inclineenarrièrepourscrutersonvisageconfiant.

—Ilfautquetuarrêtesavantqueçadégénère.C’estpasmoiquileferai.

Enfait,noussommesdéjàalléstroploinetellen’apasdutoutl’aird’avoirenvied’arrêter.

Elles’immobiliseetpressesajouecontrelamienne.

— Je suis vierge, me chuchote-t-elle a l’oreille, comme si c’etait un secret qu’elle nevoulaitpartagerqu’avecmoi.

Oh!putain!

J’appuielatêtecontreledossierducanapé.

—Tunetecomportespasvraimentcommetelle,j’avoue.

—C’estàcausedetoi,Carlos.Tuesleseulàmefaireceteffet-là.

Ellen’auraitjamaisdudireça.Jesaismaintenantquejedetienslecontrole,peut-etrepasphysiquement,maisaumoinsmentalement.Pastrèsjudicieuxdesapartdemelecéder.

Je suis en train d’embarquer cette ille dans la zone de danger, mais c’est la que j’ail’habitudedepasserleplusclairdemontemps.Mesmainsdescendentverssataille.

—Enlèvetonhaut,chica.

ElleattrapelebasdesonT-shirt.J’ailesouf lecoupealaperspectivedecequejesuissurlepointdedecouvrir.Jelevelesyeuxverssonvisage,sesyeuxsontempreintsd’incertitudeetd’uneautreémotionquejerefused’identifier.

D’ungeste rapide, elle fait passer son immenseT-shirtpar-dessus sa tete, revelantuncorpspourlequelontuerait,onmourrait.Oulesdeux.

— Je ne suis pas foutue comme Madison, dit-elle d’un ton timide en couvrantpudiquementsonventre.

—Quoi?

—Jenesuispasmincecommeelle.

Mincepourmoi equivaut a fauxcorpsoupasdecorpsdu tout. J’aibesoind’une ille alaquellejepeuxm’agrippersansavoirpeurdelacasser.

J’ecartedoucementsesmainsquejeposedelicatementdepartetd’autredesoncorps.Enprenantdurecul,abasourdi,jeregardelesoutien-gorgerosequicouvresapoitrine.Ellen’avraimentpasdequoietregenee.Elleatoutcequ’ilfautpourplaireetneserendmemepascomptequ’elleaunbienplusbeaucorpsqueMadison,deloin.ElleadescourbeslaouDieuvoulait qu’elles soient, et je meurs d’envie de les caresser et de memoriser les moindrescentimètresdesapeau.J’ailasensationd’êtreletypeleplusveinarddelaterre.

—Ereshermosa…

Ellealesyeuxbaissés.

—Regarde-moi,chica.

Quandelleobéit,jerépète:Ereshermosa.

—Qu’est-cequeçaveutdire?

—Tuesbelle.

Ellesejettesurmoietdéposedespetitsbaiserssurmeslèvres.

—Atontour,murmure-t-elleetellesemordlalevreinferieureenattendantquej’otemachemise.Dontjemedébarrasserapidement.

—Jepeuxtetoucher?demande-t-elle,commesiellen’etaitpasenpleinepossessiondemoncorpsàcetinstant.

Je prends samaindans lamienne et je la guide.Quand je la liberepourqu’elle puisseexplorertouteseule,sesdoigtstracentlentementdessillonsdehautenbassurmapoitrine.Chaque caressemebrule de l’interieur, et quand sesdoigts s’attardent sur le tatouagequidépassedemonjeanavantdeplongersouslaceinture,jemanquedeperdremesmoyens.

—Qu’est-cequeçadit?demande-t-elleeneffleurantleslettres.

—Rebelle.

J’enfoncemesdoigtsdanssescheveuxpourrapprochersonvisagedumien.J’aibesoindelagouteranouveau,desentirseslevresdoucessurlesmiennes.Nousrecommençonsanousembrassercommesic’etaitlapremierefois,etpeut-etreaussiladerniere,nossouf les,noslanguessemélangeantpresquedésespérément.

Pendantqu’ellepoursuit sesexplorations, je concentre toutemonattentionsurelle. Jefaisglisserlesbretellesdesonsoutien-gorgequiluitombentsurlesbras.Ellesecambrealorset jenepeux imaginervisionplusexcitante, illeplussexyquecellequiestassisesurmesgenoux.Monpoulss’accélèrequandj’écarteletissusoyeux.

Sa main se ige quand mes doigts remontent jusqu’aux courbes de ses seins, que je

caresseduboutdespouces.Rienn’auraitpumeprepareralavagued’emotionsquideferleenmoiàcetinstant,tandisquejemeperdsdanssesyeuxpétillants.

—Jecroisque jesuisen trainde tomberamoureusede toi, souf le-t-ellesibasque jecroisl’avoirimaginé,etpuissoudain…desdétonationsretentissent.

Dansmapanique,jeplaqueKiarasurlecanapéetjemecouchesurellepourlaprotéger.

Jereleve lesyeux,perplexe.Attendsuneminute ! Iln’yapersonnedans lapiece apartnous.Qu’est-cequec’estquecettehistoire?

Endirigeantmonregardversl’ecrandelatele,jevoisleherosdu ilmpenchesurlecorpsd’unmortdontlapoitrinesaigneàprofusion.Voilàd’oùvenaientlescoupsdefeu.

JemetourneversuneKiaratremblantedepeur,àdeminue.

—Désolé,dis-jeenmeredressant.Désolé.C’étaitjustelefilm.

Moncœurbatplusfortquelabatterie aunconcertderock.Quandlesdetonationsontretenti, j’auraisfaitn’importequoipourlasauver.Ycomprissacri iermapropreexistence.L’ideedelaperdredelamememanierequej’aiperdumonpere,dontj’aifailliperdreAlex,m’estjusteinsupportable.Rienqued’ypenser,j’ailesoufflecoupé.

Etmerde!

J’aienfreintmarèglenuméroun:nejamaisplusm’impliquerémotionnellement.

Depuisquandai-jecessedem’interesserades illesquicherchentjusteaprendredubontemps?Lemot«amor»nefaitpaspartiedemonvocabulaire.Jenesuispasfaitdel’etoffedontonfabriquelespetitscopains.Sivousvoulezdel’amour,unengagement,cen’estpasamaportequ’ilfautvenirfrapper.Jedoismetirerdelàavantdetropm’enfoncer.

—Cen’estpasgrave,dit-elleenseredressant asontourpoursepencheraussitotsurmoi,beaucouptropprès.

Jen’arrivepasare lechirquandjesenslachaleurdesoncorpsimpregnerlemien.Jemesensclaustro,piégé.Ilfautvraimentquejemebarre.

Jelarepoussedoucementpourcreuserunpeuladistanceentrenous.

—Si,c’estgrave.

Mareactionauxcoupsdefeuareplaceleschosesdansleurcontexte.Jenepeuxpasfaire

çaavecKiara.Jemefrottelesyeuxetjepousseungrossoupirdefrustration.

—Couvre-toi,dis-jeenramassantsonT-shirt.

Aumomentoujefaisça,jemedisquejedoisatoutprixevitersonregard.Jeneveuxpaslavoirmeurtrie,sachantquec’estdemafaute.

—J’ena-a-avaisenvie,bredouille-t-elled’unevoixtremblante.T-t-toiau-au-aussi.

Etmerde!Elleesttellementbouleverseemaintenantqu’ellen’estpluscapabled’alignerdeuxmots sans buter dessus. Il vaudraitmieux pour elle qu’elleme deteste plutot que detomberamoureusedemoi.

—Peut-etre,maisjechercheune illequiveutjustes’envoyerenl’airavecmoi,etnonpasmedéclarersonamouréternel.

—Jen-n-n’aipas…

Jelevelamainpourl’arreter.Jesaiscequ’ellevadire,qu’ellen’ajamaispretenduqueçairaitplusloinqueçaentrenous.

—Tuasditquetuetaisentraindetomberamoureusedemoi,etc’estbienladernierechosequ’ungarçoncommemoiaenvied’entendre.Reconnais-le,Kiara.Les illesdetongenrerêventdecouperlescojonesauxmecspourpouvoirlessuspendreàleurrétroviseur.

Jecontinueaparlerpourneriendirecommeunpendejo,lesmotss’enchaınantsansquejere lechisseuneseulesecondeacequejeraconte.Jesaisquemesmotslablessent.Çametuedeluifaireça,maisilfautqu’ellesachequejeneseraipaslapourlarattraperquandelletombera. Je dois regler cette affaire avec Devlin, et rien ne dit que j’en sortirai forcementvivant.Ladernierechosedontj’aienvie,c’estqueKiarapleureunetrequides ledepartneméritaitpassonamour.

—Onpeutresteramis,jesuggère.

—Desamisquicouchentensemblesansrienéprouverl’unpourl’autre?

—Çameparaîttrèsbien.

—Çanemesuffitpas.

—Inutiled’espérer.Situasbesoindeplus,trouve-toiuneautrepoire.

Surcesmots,jemedirigeverslaporte,impatientde ileravantquejelasupplieagenouxdemeprendreanouveaudanssesbraspourallerjusqu’auboutdecequ’onacommence.Jem’efforce de chasser demon esprit toutes ces images d’elle. Il y a peu de chances que j’yparvienned’iciunboutdetemps.

Deretourdansmachambre,jem’assoissurmonlit.Inutiled’essayerdefermerl’œil.C’estpeineperduepourcesoir.Jesecouelatete,hallucinedem’etrefourredansunpetrinpareil.L’abandonnerdanslesalonestlapremiereinitiativealtruistequej’aiprisedepuisquejesuisdansleColorado.

Pourtantj’ailesentimentd’êtreunconnardfini.

Kiara

Seuledanslesalon,jerepenseacequis’estpassecesoir.J’avaisbeaumedireque lirteravecCarlosn’engendreraitriendeserieux,j’esperaislecontraire.Jesavaistresbiencequejefaisais,etlefaitqueçasesoitretournecontremoim’aprouvequeCarlosavaitraison.Iln’estpasfaitpourunerelationdelongueduree.Ilveutjusteune illequisedesapepourluisansaucunengagementniaucunepromesse.UnefillecommeMadison.

Jemesuis ridiculisee ce soir.Commeai-jepupenserqu’en luioffrantmoncorps, je leferaischangerd’avis?C’étaitidiot.Ai-jevraimentcruqu’unecommunionphysiqueentrenousluidonneraitenvied’avoirunerelationàlongtermeavecmoi?Oui,jel’aicru.

C’etaitparfaitcesoirquandons’estembrasses.Toutcequej’aijamaisdesire,espere.Desqu’ilaprismonvisagedanssesmains,j’etaisperdue.J’aitoutdesuitesuquetoutcequej’aivecu, ou aurait pu vivre avec Michael, n’aurait jamais pu rivaliser avec l’intensite de cemoment.

Toutest ichumaintenant.Carlosm’arepoussee.Apresça,jen’aiplusprononceunseulmotsansbégayercommeuneidiote.

Lahonte?C’estriendeledire.Commentvais-jel’affronterdemainmatin?Pis,commentvais-jem’affrontermoi-même?

Carlos

J’aidormiapeupresdeuxheurescettenuit.Quandlesoleilm’areveille,j’aigemiavantdemetournerdansl’autresenspouressayerdemerendormir.Cen’estpasfacilequandlapieceentiereestdelamemecouleurquecefoutucagnard.Laprochainefoisquejepassedevantune quincaillerie, il faut que je pense a acheter de la peinture noire pour repeindre machambred’uneteintequicorrespondeàmonhumeur.

Jem’allongesurlecote,unoreillersurlatete.Quandjerouvrelesyeuxunesecondefois,ilestdixheures.

J’appellemi’ama,parcequej’aibesoind’entendresavoix.Ellemeditqu’elleestentraind’essayer de trouver des billets pour venir nous rendre visite, et dans son intonation, jedetecteuneexcitationquejeneluiaipasconnuedepuisdesannees.Çamerappellequej’aipromisàmadameW.deluidonneruncoupdemainàlaboutiqueaujourd’hui.J’enverrailefricquejemeferaiàmamápourqu’ellepuissel’ajouteràlasommemisedecôtépourlevoyage.

Aprèsmadouche,jefrappechezKiara.Ellen’estpaslà.Jedescends.

—OuestKiara?jedemandeaBrandonquijoueaunjeud’ordinateurdanslebureaudesonpère.

Ilnem’entendpas,oualorsilm’ignore.

—Salut,Racer!jehurle.

—Quoi?répond-ilsansdétachersonregarddel’écran.

Jem’approche pour jeter un coup d’œil au jeu qui le passionne tant. Je vois plusieurspersonnagesdebandesdessineesentraindesebaladerdansunparc.Dansuncoindel’ecran,jelis:Marchandises:cocaïne,3grammes;marijuana,7grammes.

—Àquoitujouesexactement?

—Unjeud’échange.

—Tuesuncyber-dealer,maparole!Éteins-moiçatoutdesuite.

—Pourquoi?

—C’eststupide.

—Commenttusais?(Illèvesesgrandsyeuxinnocentsversmoi.)Tun’asjamaisjoué.

—Si.

En vrai. Et uniquement parce que j’y etais contraint pour survivre. Mais Brandon ad’autresperspectivesdanslavie.Iln’apasbesoindetra iquerpours’ensortir.Jenevoispasl’intérêtqu’ilprêteàcettesimulationalorsqu’ilestenCP.

—Éteins-moiça,Brandon.Sinon,c’estmoiquilefais.Jeneplaisantepas.

Ilrelèvelementonmaiscontinuesapartie.

—Non.

—Quesepasse-t-il?demandeWestfordenentrantdanslapièce.

—Carlosveutquej’eteignel’ordi.Tum’asditquejepouvaisallerdessuspourjouer.Tousmescopainsjouentàcejeu-là.

JepointemonindexsurBrandon.

—Sespotesetluisontdescyber-dealers,jedéclareàsonpère.

Westfordouvregrandlesyeuxetseruesurl’écran.

—Desdealers?Dequeljeus’agit-il,Brandon?

Pendantque leprofesseurexplique a son ilsque lesdrogues illegalesnesontpasdesmarchandises,jem’eclipse.Jel’entendsbougonnerquelquechoseaproposdel’inef icaciteducontrôleparental.Ilauraitdûsurveillerçadeplusprès.

JetrouveKiaraentraindetravaillersursavoituredansl’allee.Sesjambesdepassentdelaportierecoteconducteur.Jelaregardes’activer,latetesousletableaudebord,untournevisalamain.

—Tuasbesoind’aide?

—Non,répond-ellesansseredresser.

—Tumepermetsdejeteruncoupd’œilal’autreportiere?Jepeuxpeut-etret’arrangerça.

—Çavatrèsbiencommeça.

—Pasvraiment,non.Elleestfoutue.Tunepeuxpasroulercommeçaadvitamaeternam.

—Tuseraisétonné.

Jem’adossealacarrosserie.Etj’attends.J’attends.Siellenereapparaıtpasd’iciquelquesminutes,jevaisfinirparlatraînerdehorsparlapeaudesfesses.

Westfordsortdanslejardin.

—Kiara,àquelleheureallez-vousàHospitalithé,Carlosettoi?

—Dèsquej’aurairaccrochécefil,papa.Ilrefusedecoopérer.

—Tuvasdevoirlesouderamonavis,luidis-je,memes’ilestassezclairacestadequ’ellen’enaquefairedemessuggestions.

—Dis-moiquandtuserasprête.Enattendant,j’aiunmotàdireàCarlos.

D’undoigtmenaçant,leprofesseurmefaitsignedelesuivredanssonbureau.

Ilal’airdem’envouloir.Adirevrai,çasecomprend.Jemesuisdrolementlacheavecsafillehiersoir.

Encoursderoute,onpasseàcôtédeBrandonquiregardeundessinaniméausalon.

—Quesepasse-t-il?jedemandeàWestfordunefoisinstallédansunfauteuil.

—Ça!riposte-t-ilenmejetantleT-shirtabandonnehiersoir.Jel’aitrouveparterredanslapièceTV.Ilestclairqu’ils’estpasséquelquechosedepastrèscatholique.

Bon, d’accord, il sait qu’on a lirte, mais il devrait s’estimer heureux de ne pas avoirretrouvélesoutifdeKiarasousmonT-shirt.

—Jereconnais…Ons’estunpeulaisséallerhiersoiraprèsvotredépart.

—C’est ceque je craignais.Ma femmeetmoi croyons enune communication francheavec nos enfants et meme si tu n’es pas un des notres, je suis responsable de toi en cemoment.(Ilsepasselamainsurla igureetinspireungrandcoup.)Jedevraisetrepretpourcegenrededialogue.J’ai eteadomoiaussi,et j’aifaitexactementlamemechosechezmesparents.(Ilrelèvelesyeux.)Mêmesij’aidissimulélespreuvesavecunpeuplusdezèle.

—Çanesereproduirapas,monsieur.

—Lespreuves laisseesen evidenceou lesbatifolagessousmon toitavecma ille ?Etlaissetomberlemonsieur.Onn’estpasàl’armée.

—C’estmoiqui lui ai faitdesavances,papa, lance subitementKiaradepuis le seuil. Iln’estpasresponsable.

Westfordfaitlagrimace.

—Ilfautetredeuxenl’occurrence.Jenesuispasentraind’accuserquiquecesoit,nidechercheruncoupable.Ondiscute,c’esttout.Jeregrettequetamerenesoitpaslaaussi.Tut’eseuhprotégéaumoins?

Kiaragémit,affreusementembarrassée.

—Onn’apasfaitl’amour,papa!

—Ahbon?

Jesecouelatête.

Jen’arrivepasacroirequ’onestentraindeparlerdeça.Lesperesmexicainsn’ontpascegenre de conversation, surtout pas avec les garçons qui fricotent avec leur ille. Ilscommenceraientparbotterlesfessesdumecavantdeposerdesquestions.Ilsinterdiraientaleurfilledesortirdechezellesanschaperon.Pasquestionde«communicationfranche»!

J’ai l’impressiondeparticiper aune emissionpourgringossur ledeveloppementde lapersonnaliteetjenesaispastropcequejesuiscensedire.Jen’aipasl’habitudenonplusdesdaronsquiveulentabordercegenredesujets.Est-cenormal,oucelaseproduit-ilseulementaveclespèrespsychologuesdeprofessionquicherchentàvousrétrécirlacervelle?

—Jenesuispas idiotaupointdepenserque jepeuxvousempecherde faire…cequevousavezfait,quoiquecesoit,poursuitWestford.Maisj’instaureunenouvelleloi:plusdepelotagesousmontoit.Sijevouscompliqueleschoses,vousyre lechirezpeut-etreadeuxfois.Enmaqualitedepere,Kiara,etdetuteur,Carlos,jetiensaussiavousdirequ’ilconvientderesterviergesjusqu’aumariage.

Ilsecaledanssonfauteuiletnoussourit,supercontentdesasortie.Dommagequecetentretienarrivedesannéestroptard,encequimeconcernetoutaumoins.

—Vousétiezpuceauquandvousvousêtesmarié?jelanced’untonpleindedéfi.

Sonsourires’effaceaussitôt.

—Euh,en in…c’etaittresdifferental’epoqueouj’etaismoi-memeadolescent.Lesjeunesd’aujourd’hui sont plus eduques, plus au courant. Les partenaires qui ne sont pas engagesdansunerelationserieuse,monogame,s’exposentadesmaladiesincurables…adesdangers.(Ilagitel’indexdansnotredirection.)Etn’oubliepaslaquestionduG.

Jenepeuxpasm’empêcherdeglousser.

—¿Perdon?

—Gcommegrossesse!(Ilme ixeenplissantlesyeux.)Jen’aipasenvied’etregrand-

pèreavantunbonboutdetemps.

Je pense a ma mere, tombee enceinte d’Alex a l’age de dix-sept ans. Mi’ama m’a faitpromettrede toujoursmeproteger.Elle redoute tellementqu’unde ses ilsne se retrouvedans lamemesituationquemipapaetelle.Elleestmemeallee jusqu’acacherdescapotesdansmontiroiràcaleçonspourquejen’oubliepas.

J’aieulatrouilledemaviehiersoir. J’ai toujoursgarde latetefroidequandj’aicoucheavecune illemaishiersoir,memesanspreservatifsouslamain,jenepeuxpasaf irmerquej’auraissum’arreter.Etjen’etaismemepasdefonce!Sicescoupsdefeunem’avaientpasfaitbaliser commeundingue, j’auraispeut-etreune tout autrediscussionavec leprofesseur al’heurequ’ilest.

—Onsaittoutça,papa,ditKiara.

—Çanepeutpasvousfairedemald’avoirunpetitcoursderemiseaniveau,sachantquej’aitrouvéleT-shirtdeCarlosparterredanslapièceTVcematin.

Kiaramanquedes’étranglerquandilbranditl’objetdudélit.

Westfordjetteuncoupd’œilàlapendule.

— Il faut que j’envoie Brandon prendre l’air avant qu’il ne soit atteint de troubles del’attentionàforcederegarderlatélé.

Iltendlesmainscommes’ils’apprêtaitàmefaireuneoffrande.

—Sommes-nousbiend’accordsurtoutça,Carlos?

—Oui.Tantqueçanesepassepaschezvousetquevousn’etespasaucourant,çanevousdérangepasqu’onfricote.

—Jesaisquetuplaisantes.Tuplaisantes,n’est-cepas?

—Peut-être.

—Maisoui,papa,ilplaisante,intervientKiaraenfaisantunpasdanslapièce.

—N’oubliezpas…Sérieux.Monogame.Passousmontoit.Etconfiance.

—SansomettrelaquestionduG,jeluirappelle.

Ilhochelatête.

—Oui.LaquestionG.Unejourneeal’armee,Carlos,etontedebarrasseraitenmoinsdetempsqu’ilnefautpourlediredecetteeffronterie.

—Dommagequejen’aiepasl’intentiondem’engager.

— Dommage, en effet. Si tu mettais autant d’energie a etre un bon soldat que tu endeploies a te comportercommeuncon, tu irais loin. Je suis tentedemettreun truc-rougedans la lessive pour que tes sous-vetements virent au rose. Ça te rappellerait notre petiteconversationd’aujourd’hui.

Jehausselesépaules.

—Inutile.Jeneportepasdeslip.

—Dehors, insolent, ordonne-t-il ennous chassant vers laporte. (Je crois entrevoirunpetit sourire au coin de sa bouche. Ma replique l’a amuse apparemment.) Sortez de monbureau,toutdesuite.Gardonscetentretienpournous.FoncezaHospitalithemaintenant.Mafemmevousattend.Elleabesoindevous.Nevousarretezpasencoursderoute,crie-t-ilunefoisquenoussommesdans lecouloir. J’appelle la-basdansquinzeminutespourm’assurerquevousêtesarrivés.

Kiara

—Ecoute,chica…,ditCarlosquelquesminutesplustardalorsquenousroulonsverslaboutiquedemamère.

Jemecramponneauvolant.

—Arrêtedem’appelercommeça!

—Commentveux-tuquejet’appellealors?

Jehausselesépaules.

—Peuimporte.Maispaschica.

Aumomentde tendre lamainpourallumer lastereo, jemerappellequ’ellenemarchetoujourspas. Je serre le volantunpeuplus fort en concentrant toutemonattention sur laroute,mêmeauxfeuxrouges.

Carloslèvelesmainsensignedecapitulation.

—Qu’attends-tu demoi ? Que je te raconte des bobards ? C’est ça que tu veux ? Bond’accord, jevaist’endonnerdesmensonges.Sanstoi, jenesuisrien,Kiara.Moncœur,monâmet’appartiennent.Sanstoi,lavien’aaucunsens.Jet’aime.C’estçaquetuveuxentendre?

—Oui.

—Siunmectedittoutça,c’estqu’ilnelepensepasvraiment.

—JepariequetonfrèreleditàBrittany,etqu’ilestsincère.

—C’estparcequ’iln’aplussatete.Jecroyaisquetuetaislaseule illeanepasgobermesconneries.

—C’estexact.Consideremondesirdesortiravectoicommeuneerreurdejugement.J’aidepassecestade.J’attendsmoinsqueriendetoiapartirdemaintenant.J’ai iniparmerendrecomptequetun’etaispasdutoutmongenre,j’ajouteenluijetantunregardencoin.Jevaispeut-êtreappelerMichael.Ilveutseréconcilieravecmoi.

Carlos attrape mon sac et sort mon portable de la poche du cote. Je tente de le luiarracher,maisilesttroprapide.

—Qu’est-cequetufais?

—Regardeou tu vas,Kiara.Tune voudraispas avoir un accident a caused’une fauted’inattention,hein?

—Remetsçaenplace.

—Jevaislefaire.Ilfautquejevérifiequelquechosed’abord.

Au prochain feu rouge, je lui reprends le telephone et je lis le message qu’il vientd’envoyeràMichael.«Vatefairefoutre.»

—Tun’aspasfaitça?

—Si!(Ilseradosse,trèsfierdeluiapparemment.)Tumeremercierasplustard.

Leremercier!Leremercier!Jemerangesurlebas-cote,jechopemonsacetjelebalancecommeunematraquesurlatêtedeCarlos.

Ils’ensaisitavantqu’ill’atteigne.

—Nemedispasquetuavaisvraimentenviederessortiraveccenaze.

—Jenesaispluscequejeveux.

Enarrivantaumagasindemaman, apeine lemoteurarrete, je sorsde lavoituresansattendreCarlos.

—Kiara,attends,grogne-t-ilensehissanthorsdelafenetre.(Jel’entendscourirderrieremoipourmerattraper.)Jevaisreparercette ichueportierememesic’estladernierechoseque je fais dema vie. (Il se passe la main dans les cheveux.) Ecoute, si la situation etaitdifférente…

—Quellesituation?

—C’estcompliqué…

Jeluitourneledos.S’ilrefusedem’endiredavantage,inutiledediscuter.

—Bonjourlesenfants!(Mamannousaccueillesurleseuildelaboutique,coupantcourtatoute discussion.) Kiara, j’ai sorti les reçus dumois dernier et de la semaine qui vient des’écouler.Reporte-lesdansleregistresiçanet’ennuiepas.Carlos,viensavecmoi.

Pendantque jepointe lesreçusun aundans lebureau, j’entendsmamereexpliquer aCarloscommentrépartirlesboîtesdethéenvracqu’onvientdelivrer.

Versuneheure,ellepasselateteparl’entrebaillementdelaporteenmeproposantdelaretrouverdansl’arriere-boutiquepourdejeuner.Ellen’apasl’aird’avoirsentilatensionquivibredansl’airquandnousnousasseyonstouslestroisautourdelatable.Elleestdugenreas’attendrequetout lemondesoitgai,pleind’energietout letemps,sibienquejedemandequandellevaserendrecomptequelequotientdebonheurdanslapièceestquasinul.

—J’aiprisçachezTeddy, lemarchandambulantdevant laboutique,annonce-t-elleenvidantlecontenud’unsacenpapier.

—Qu’est-cequec’est?demandeCarlosenprenantcequ’elleluitend.

—Unhotdogvégétarienbio,répondit-elle.

—Commentçavégétarien?

—Végétarien.Sansviande.

Carlosdéballesonsandwichaveccirconspection.

—Çanevapastetuerdemangersain,Carlos,luidit-elle.Celadit,siçaneteplaıtpas,jepeuxallertechercherunplattoutpréparé,situpréfères.

Jem’attaqueamonsandwich.Çam’est egaldemangertouslesplatssainsquemamanprépare,maisjen’auraisriencontredufast-fooddetempsàautre.

Carlosmorddanssonhotdog.

—Pasmauvais.Ilyadesfritesavec?

Jemeretiensderirequandmamandéposeunpetittasdefritesorangesuruneserviette.

—Cesontdespatatesdouces sautees.Avec lapeau,pour les ibres.Elles recelentdesomégas3aussi,sauferreur.

—Jepreferenepassavoircequecontientcequejemange,ditCarlostoutencontinuantamâcher.

Mamannoussertdesverresdethéfroidconfectionnéparsessoins.

—Tudevraist’yinteresser.Tuastort,repond-elle.Parexemple,cethesecomposed’açai,d’extraitdepelured’orangeetdementhe.

— Mange, maman, dis-je, avant qu’elle se lance dans une longue explication sur lesantioxydantsetlesradicauxlibres.

—D’accord,d’accord. (Ellemorddanssonhotdog.)Alors,c’etaitbien le ilmquevousavezregardéhiersoir?

—Oui,jerépondslaconiquementenespérantqu’ellenedemandepasdedétails.

Jen’aipaslamoindreidéedel’intrigue.Elleattrapeunefriteetengrignotelebout.

—Çaavaitl’airassezviolent.Jen’aimepaslesfilmsviolents.

—Moinonplus,dis-je.

Carlosgardelesilence.Jesenssonregardposesurmoimaisj’evitedeleverlesyeux.Iris,l’unedesemployéesdemaman,ouvrelaporte.

—Colleen,ilyauneclientequivousdemande.Elleestpressée,ilmesemble.

—Ledevoirm’appelle,ditmamanavantd’engloutirunedernièrebouchée.

Je me leve, prete a la suivre, mais Carlos m’attrape le poignet. Seigneur, j’aimeraistellementqu’ilmeprennedanssesbrasetmedisequenousn’avonspas faitd’erreurhiersoir!Àquoiboncompliquerleschoses?

—Cen’estpastoi, tusais.Ça fait jenesaiscombiendetempsque jen’aipaseuaussienviedesortiravecunefille.Depuis…

Illaissesaphraseensuspensetmelâchelepoignet.

—Depuisqui?

—Çan’apasd’importance.

—Pourmoi,si.

Ilhesite,commes’ilrepugnait aprononcersonnom.Quandilsedecide aarticulersonnom « Destiny », je vois clairement qu’il a encore des sentiments pour elle. Il donnel’impressiondesavourerchaquesyllabe.

Jesuisjalouse,evidemment.Impossiblederivaliseravecelle.Carlosl’aimeencore,c’estsûr.

—Jecomprends.

—Tunecomprendsriendutout.Hiersoir,j’aibalisecomplet,Kiara.J’aieprouvequelquechosequejen’avaispas…

—…ressentidepuisDestiny.

—Horsdequestionquejeretombeamoureuxcommeça.

—Bonalors,jesuiscenséecontinueràfairesemblantdesortiravectoioupas?

—Encorequelquessemaines,jusqu’acequeMadisonsedecideapasseraautrechose.(Ilrelèvelesyeux.)Là,ontrouveraunefausseraisonderompre.Onaconcluunmarché,non?

—Absolument.

Deretourdans lebureau, jemereplongedans lesreçus,mais leschiffressont lous. Jelâchemoncrayonensoupirantetjeprendsmatêteàdeuxmains.

J’aietetellementbetededireaCarlosquej’etaisamoureusedelui.Jel’aifaitfuir,çavadesoi.Toutemavie,jusqu’amaintenant,j’aietesurlareserve.Etpuisj’airencontreCarlos,etilm’adonnéenviedefoncersansjamaisleregretterunseulinstant.

Quandilajoueaufootavecmonfrereetquej’aientrevulagenerositequ’ilneprodiguequ’auxrarespersonnesqu’ilestimedignesd’enpro iter,j’aicomprisqu’aveclui,cequel’onasouslesyeuxnecorrespondpasnécessairementàlaréalité.

A la in de la journee, je le retrouve dans l’arriere-boutique en train de mesurer lesdifférentsingrédientspourlesmélangesfaitsmaisondemaman.

—J’aitrouvéunbonprétextepournotrefausserupture,luidis-je.

—Vas-y.

—TuestoujoursamoureuxdeDestiny.

Sesdoigtssefigent.

—Trouveautrechose.

—Quoi,parexemple?

—Jenesaispas.Autrechose.(Ilreposelesbocauxsurlesetageres.)JevaisaugaragevoirAlex.Disàtesparentsquejerentreraiplustard.

—Jepeuxt’yconduire,dis-je.Jem’envaislà,maintenant.

Ilsecouelatête.

—J’aienviedemarcher.

Quelquesminutesplustard,enlevoyantsortirparlaportedederriere,jemedemande

s’iln’apasjusteenviedes’éloignerdemoiauplusvite.

Carlos

Desque jesuisassez loinde laboutique, jesors leportablequeBrittanym’adonne. JecomposelenumérodeDevlinetj’attends.Àpeinea-t-ildécroché,jedis:

—IciCarlosFuentes.Vousvouliezdemesnouvelles.Mevoilà.

—Ah,senorFuentes.Jepensaisbienquetun’allaispastarderacontacter,faitunevoixsuaveàl’autreboutdufil.

—Qu’est-cequevousvoulez?j’enchaıne,histoiredeluifairesavoirsur-le-champquejeneplaisantepas.

—Justetecauser.

Je continue amarcher tout en parlant parce que j’ai la sensation bizarre qu’ilme faitsuivre.

—TuétaisobligédedireàNickGlassdemetendreunpiègepourça?

—J’avaisbesoind’attirer tonattention,Fuentes.Maintenantquec’est fait, ilest tempsqu’onserencontre.

Jemeraidisdespiedsàlatête.Quej’aieenviedelevoiroupas,jenevaispasycouper.

—Quand?

—Quedirais-tudetoutdesuite?

—Vousmefaitessuivre?jedemande,maisjeconnaislareponseavantmemedeposerlaquestion.

—Evidemment,Fuentes.Jesuisunhommed’affaires,ettuesmaprochainerecrue.Ilfautquejet’aieàl’œil.

—Jen’aijamaisditquej’acceptaisdebosserpourvous.

—Non,maisçavapastarder.Jemesuislaissédirequetuavaislescouillesqu’ilfallait.

—Quivousaditça?

— Disons, un petit Guerrero. Assez cause. Quand tu verras un de mes hommes

s’approcherdetoienvoiture,monte.

—Commentjesauraiquec’estundevoshommes?

Ilricane.

—T’inquiète.Tulesauras.

Ilaraccroche.Quelquesminutesplustard,un4x4noirauxvitresteinteess’arretejustedevantmoi.Envoyant laportieres’ouvrir, jerespireungrandcoup,pret aaffrontercequim’attend.Quoiquemafamilleendise,c’estmondestin.

Surlabanquettearriere,jereconnaisDiegoRodriguez,unGuerrerotellementhautplacedanslahierarchiequ’onparlaittoujoursdelui,memesionlevoyaitrarement.J’esquisseunsignede tete toutenmedemandantcequ’il fabriqueavecWesDevlin. Jesaisquecertainsmembresdegangseconsiderentcommedeshybridesetse ichentdesaf iliations,mais jen’aijamaisvuquelqu’und’aussiélevédansl’organisationfonctionnercommeça.

—Çafaisaitunbail,meditRodriguez.

Al’avant,ilyadeuxgringosbatiscommedesbodybuilders,entraınesabotterdesculs.Ilssontlàpourprotégerquelqu’un,etc’estsûrementpasmoi.

—OùestDevlin?

—Tuleverrasbienasseztôt.

Jeregardeparlafenetrepouressayerdedeterminerladirectionqu’onaprise.Envain.Jesuistotalementperduetalamercidecestroisgus.JemedemandecequeferaitKiarasiellesavaitquej’etaisdansunevoitureencompagniedecesbrutes.Ellemediraitprobablementquejen’auraispasdûymonter.Pasquestionquej’abaissemagardeuneseuleseconde.

Ducoup,jerepenseahiersoir,quandjelatenaisdansmesbras.Aucontactdesapeausidouce,j’aiperdulecontrole.Bonsang,j’etaispretaprendretoutcequ’elleavaitaoffrirenmefichantdesconséquences.

—Onestarrivés,lanceDiego,metirantbrutalementdemespensées.

Onestdevantunegrossebicoqueentoureed’unmurenciment.Apresavoirenfonceunetouchesur l’interphone,onentre.Diegomeprecedevers laported’entreepuism’emmenedansunbureauassezgrandpourimpressionnern’importequelPDG.

LetypeblondassisderriereunetableenboisfoncedoitetreDevlin.Ilporteuncostume

fonceetunecravatebleuclair,assortieasesyeux.Ilmefaitsignedem’installerdansundesfauteuils face a lui. Mais je reste debout, et les deux gardes du corps qui nous ont suivisviennentseposterdepartetd’autredemoi.

Jesuisenmauvaiseposture,maisjenevaispasmelaisserfaire.

—Ditesàvosmolossesdemelâcher.

Devlinleurfaitsignedes’eloigner,etlesdeuxtypesreculentaussitotpourallerbloquerlaporte.Jemedemandecombienillespaiepourêtresescerbères.

Diegoesttoujourslamemes’iln’apasditunmot.Devlinsecarredanssonfauteuilavantdemejauger.

—Alors,c’esttoiCarlosFuentes.Diegom’arebattulesoreillesatonsujet.Ilm’aditquetuavais fausse compagnie aux Guerreros del barrio. C’est gon le,meme si j’imagine qu’ils teferontlapeausitut’avisesderemettreunpiedauMexique.

—C’estpourmedireçaquevousm’avezconvoque?Sivousetesaf ilieauxGuerrerosets’ils vous ont dit de vous debarrasser demoi, je ne vois pas pourquoi Nickm’a tendu unpiège?

—Pourlabonneraisonqu’onn’apasdutoutl’intentiondesedebarrasserdetoi,Fuentes,intervientDiego.Onvaseservirdetoiaucontraire.

Cesmotsmedonnentenviedegueuler acestypesquepersonnenevamecontrolernim’utiliser,maisjemecontiens.Plusilsparleront,plusj’auraid’infos.

— A vrai dire, Fuentes, poursuit Diego, on te rend service en ne te livrant pas auxGuerreros en petits morceaux. Pour nous remercier, tu vas travailler pour nous commecoursier.

Coursier?Ilveutdirequ’ilsveulentfairedemoileurnouveaudealeretquejevaisdevoirencaissersi jemefaischoper.Ladopeplanqueedansmoncasier etaituntestpourvoirsij’allais denoncer Nick. Si je l’avais fait, on m’aurait traite de mouchard et je seraisprobablementalamorgueal’heurequ’ilest.Enprouvantquejen’etaispasunnarco,jesuisdevenuunemarchandiseprecieuse.ÇamerappellelejeuvideodeBrandon,saufquecelui-ciestmortel.

Devlinsepencheversmoi.

—Disonsleschosesclairement.Tubossespournousettun’asaucunsouciatefaire.Enplus,tuserasriche.(Ilsortuneenveloppedutiroirdesonbureauetlafaitglisserdansmadirection.)Jetteunœil.

J’ouvrel’enveloppe.Ellecontientuneliassedebilletsdecentdollars–plusquejen’enaijamaiseuentrelesmains.Jelareposetranquillementsurlebureau.

—Prends-la.Cefricestatoi,ditDevlin.Dis-toiquec’estjusteunavant-goutdecequejepeuxtefairegagnerenunesemaine.

—LafamilleDevlins’estalliéeauxGuerreros,alors?Depuisquand?

—Jem’allieavectoutcequimerapprochedemonbutultime.

—C’estquoivotreobjectif?Ladominationdelaplanète?

Ilnetrouvepasçadrôle,manifestement.

—Pourlemoment,çaconsisteareceptionnerdescargaisonsqu’onm’envoieduMexiqueetas’assurerqu’ellesnesontpasderoutees,situvoiscequejeveuxdire.Rodriguezpensequetuaslepotentielnecessaire.Ecoute,jenesuispaslechefd’ungangderuequisebatpourunterritoire, lacouleurdesapeauousa foutuenationalite. Jesuisunhommed’affaires, jegereunbusiness.Jen’enairienafoutrequetusoisnoir,blanc,asiatoumexicain.Putain,j’aiplusdeRussesdansmeseffectifsqueleKremlin!Tantquetupro itesamesaffaires,jeveuxquetutravaillespourmoi.

—Etsijen’aipasenvied’enêtre?

DevlinsetourneversRodriguez.

—TamamavitaAtencingo,n’est-cepas?demandecedernierd’untonsuaveenfaisantunpasversmoi.Tonpetitfrereaussi.Ils’appelleLuis,c’estça?Ilestmignon.J’aiungarsquiles surveilledepuisplusieurs semaines.Unmotdemapart, et lesballesvont fuser.On leslaisserasurlecarreauavantqu’ilssachentd’oùçavient.

Sans me preoccuper de savoir s’il me raconte des salades ou pas, je me jette surRodriguez.Personnenemenacemafamille!Ilseprotegelevisagedesdeuxmains,maisjesuisrapideetjeluiarracheunboutdepeauavantquelesdeuxmalabarsaientletempsdem’attraperlesbrasetdem’écarterdelui.

—Jevousconseilledenepas toucher auncheveudema famille,ou jevousextirpe lecœuràdeuxmains,jehurletoutenmedébattant.

Rodriguezplaquesamainsursajoueblessée.

— Ne le lachez pas, ordonne-t-il avant de m’injurier en un melange d’anglais etd’espagnol.Tuesloco,tusaisça?

—Si.Muyloco,jerepondsalorsqu’undesdeuxtypescommetl’erreurdemelacherunesecondepouravoirunemeilleureprisesurmoi.

J’enpro itepourluibalanceruncoupdepiedquil’envoievaldinguercontreuntableau.Enlevoyantsefracasseraterre,jejetteunrapidecoupd’œilautourdemoipourreperercequejepeuxcasserd’autre,histoiredeleurmontrerquejenesuispasdugenreamelaisserfaire

quandonmenacemafamille.

Deuxautrestypesfontirruptiondanslapiece.Merde.Jesuiscostaudetcapabledemedefendre, mais cinq contre un, c’est pas gagne. Sans compter Devlin, affale dans son grosfauteuilencuirentraindenousregardernousfoutresurlagueulecommesionfaisaitçapours’amuser.

Jereussisamedegageretaleurtenirtetequelquesminutesjusqu’acequedeuxdemesadversairessejettentsurmoietmeplaquentcontrelemur.Jenemesuispasencoreremisdel’impact quand un autre commence a me rouer de coups. Ça pourrait etre Rodriguez oun’importelequeldeleursacolytes.Toutestflouàcestade.

Jeriposte,maischaquecoupporteamonestomacfaitsoneffet,etjesouffrelemartyre.Quandunpoings’abatsurmamachoire,unefois,puisdeux,puistrois,jesenslegoutdusangdansmabouche.Ilsmeprennentpourunpunching-ballouquoi!

Rassemblanttoutemonenergie,ignorantladouleur,jereussisameliberer.Enplongeantenavant, jepercuteviolemment l’und’eux.Pasquestionque jeme laissedominersansmebattre,mêmesijen’aiaucunechancedel’emporter.

Monavantageestdecourteduree.Onmeseparedemonagresseuretonm’expedieaplatventresur lamoquette.Si jemereleve, j’arriveraipeut-etre a leurenfairebaverencoreunpeu,maisonmemarteledecoupsdepied,decoupsdepoing,etjesensmesforcesfaibliravitesse grandV.Un choc violent dans le dosm’indique qu’undesmecs porte des bottes atalonsd’acier.Avecl’energiedudesespoir,j’attrapelajambedeceluiquivientdem’assenerlecoupdegrace.Ilbasculeenavant,maispeuimporte.Jesuisvide.Plusd’energie,plusenviedeme battre… Juste une douleur dechirante chaque fois que je fais unmouvement. J’en suisreduitaprierpourperdrerapidementconnaissance…oumourir.J’accueillerail’unoul’autreavecbonheuràcestade.

Dèsquejecessedemedébattre,Devlinleurcried’arrêter.

—Mettez-ledebout,ordonne-t-il.

Onm’assoitdansunfauteuil,faceaubosstoujoursimpeccabledanssoncostumedePDG.MonT-shirtesttoutdéchiréettachédesang.

Devlinmeredresselatête.

—Vois ça commeunemaniere dedire adieu auxGuerrerosdel barrio et un rituel debienvenueauseindelafamilleDevlin.Tufaispartiedesnotresmaintenant.Jesaisquetunemedécevraspas.

Jenerepondspas.Jenesaismemepassij’yarriveraissijelevoulais.Enrevanche,jesais

quejenesuispasunDevlin,etquejen’enseraijamaisun.

—Tu as du repondant, j’avoue,mais ne t’avise pasdedemolirmabaraqueoude t’enprendredenouveauàmeshommes,outuesmort.

Surce, ilquitte lapiece,nonsansavoirordonne asessbiresdetoutremettreenplaceavantsonretour.

Onm’extraitsansmenagementdemonsiege.Jemeretrouvesurlabanquettearrieredu4x4.

—N’essaiepasdenousresister,aDevlinouamoi,meditRodriguez,alorsquenousnousmettonsenroute.Onadegrandsprojets,etonabesoindetoi.LesgarsdeDevlinn’ontpaslesconnexionsmexicainesquenousavons,toietmoi.Çafaitdenousdesgensprécieux.

Jenemesenspastropprecieuxacetinstantprecis.J’ail’impressionquemateteestsurlepointd’exploser.

—Arrete-toila,ordonneRodriguezquandonestaunecentainedemetresdelamaisondesWestford.(Ilouvrelaportiereetmetraınedehors.)Veillebiensurcette illechezquituhabites. Jenevoudraispasqu’il luiarrivequelquechose. (Il remontedans lavoitureetmejette l’enveloppe bourree de fric.) Tu devrais etre remis d’aplombdans une semaine. Je tecontacteraiàcemoment-là,dit-ilavantquelavoituredémarre.

Jetiensapeinedebout,maisjereussisametraınerjusqu’alaported’entree.Jenedoispasetrebeauavoir.Unefoisal’interieur,j’essaiedemonterincognitodansmachambreenpressantmonT-shirtcontremabouchepourquelesangnecoulepassurletapis.

Jemedirigedroitverslasalledebains.Leprobleme,c’estqueKiaraensortaumomentoùj’arrive.

Enmevoyant,ellepousseuncrietportelamainàsabouche.

—Carlos!ÔmonDieu!Quet’est-ilarrivé?

—Tumereconnaisencoremêmeaveclatronchedéfoncée.C’estbonsigne,non?

Kiara

J’ail’impressionquemoncœurvaexploser,tellementilbatfort.Carlossefau ileacotedemoietsepenchesurlelavabo.

—Fermelaporte,dit-il,gemissantdedouleurtoutencrachantdusang.Jeneveuxpasquetesparentsmevoient.

Jefermeàcléavantdemeprécipiterverslui.

—Ques’est-ilpassé?

—Jemesuisfaittabasser.

— Çame paraıt evident. (J’attrape une serviette bleumarine sur le radiateur et je lamouille.)Parqui?

—Tuneveuxpaslesavoir.

Il se rince la bouche avant de se regarder dans la glace. Sa levre fendue continue asaigner ; ila l’œilgauchetoutgon le.Vu lamanieredont ils’appuiesur le lavabo, j’imaginedansquelétatestlerestedesoncorps.

—Ilfautquetuaillesàl’hôpital.Etqu’onappellelapolice.

Ilsetourneversmoiengrimaçantdedouleur.

—Pasd’hôpitalnidepolice,gémit-il.Çairamieuxdemain.

—Tun’ycroispasuneseconde.

Enl’entendantgeindreànouveau,jeressenssasouffrancecommesic’étaitlamienne.

—Assieds-toi,dis-jeendésignantleborddelabaignoire.Jevaism’occuperdetoi.

Ildoit etreauboutdurouleauphysiquementet emotionnellementparcequ’il se laissefaire et ne bouge pas d’un pouce pendant que j’humidi ie la serviette avant d’essuyerdelicatementlesangsurseslevresquihiersoirencoresouriaientsousmesbaisers.Ellesnesourientplus.

Jetapotesesplaiesavecdouceur,douloureusementconscientedenotreproximite.Alorsquejepasselaserviettesursonvisagetuméfié,ilarrêtemamain.

—Merci,murmure-t-ilquandjeplongemonregarddanssesyeuxtristes.

Pourfuirl’intensitédumoment,jeretournepasserlaserviettesousl’eau,puisjel’essore.

—J’espèrejustequel’autretypeestencoreplusamoché.

Ilricane.

—Ilsetaientcinq.Etilssonttousenmeilleuretatquemoimemesijeleuraitenuteteunboutdetemps.Tuauraisétéfièredemoi.

—J’endoute.C’esttoiquiascommencé?

—Jenemerappelleplus.

Cinq types ? Je n’ose pas lui demander de details parce que rien qu’en regardant sesmeurtrissures,j’aipresquelanausee.Pourtant,jetiensasavoircequiluiestarrive.J’aperçoisuneenveloppesurlatablettedulavabo.Jelaprendsetjejetteuncoupd’œilal’interieur.Desbilletsdecentdollars.Unpaquet.Jebrandisl’enveloppe.

—C’estàtoi?

—Sionveut.

Unmilliondescenariossurlamanieredontilapuentrerenpossessiondecetargentsebousculent dans ma tete. Tous plus mauvais les uns que les autres. Mais ce n’est pas lemomentdelecuisiner.Ilamaletjevaisdevoirinsisterpourl’emmeneràl’hôpital.

Jebrandisl’indexsoussonnez.

—Suismondoigt.Jeveuxm’assurerquetun’aspasdecommotion.

J’observe attentivement ses pupilles pendant qu’il s’execute. Ça a l’air d’aller, mais ilm’obéitsansrâler,etçamefaitpeur.Jepréféreraisqu’ilsefasseexaminerparunmédecin.

—EnlevetonT-shirt,dis-jetoutenfouillantdansl’armoireapharmaciealarecherchedeTylenol.

—Pourquoi?Tuveuxqu’onremetteça?

—Pasdrôle,Carlos.

—Tuasraison.Maisjetepreviens…sijelevemonbrasau-dessusdematete,ilyadeschancesquejetournedel’œil.J’aisupermalauxcôtes.

SonT-shirtetant ichudetoutefaçon,jeprendsunepairedeciseauxdansuntiroiretjelecoupeaumilieudansledos.

—Jepeuxfairelamêmechoseavecletienaprès?plaisante-t-il.

J’essaiedemecomportercommesion etait justedesamis,mais iln’arretepasdememettredesbâtonsdanslesrouesetjenesaisplusoùj’ensuis.

—Jecroyaisquetunevoulaispasqu’onsorteensemble.

—Exact.Maisjemedisquetevoirnuelamaintenantpourraitpeut-etrem’aideraavoirmoinsmal.

—Tiens,dis-jeenluitendantdescomprimésetunverred’eau.

—Tun’asriendeplusfort?

—Non,maissitumelaissest’emmenera l’hopital, jesuissurequ’ilsaurontcequ’iltefaut.

Sansrepondre, ilavalelescomprimesenrejetantlateteenarriere. Je luienlevesonT-shirt et j’examine sesblessures enmemordant les levrespournepashurler. Je remarquequelquescicatricesanciennes,maislesdommagesin ligesaujourd’huisurledosetlapoitrinenesontpasbeauxàvoir.

—Jen’ensuispasamapremierebagarre,marmonne-t-ilcommesiçapouvaitmefairedubiendel’entendre.

—Tuferaispeut-etrebiendeleseviterpourdebon.(J’essuiesontorseavecprecaution.)Tuasdesplaiesetpleind’ecchymosesdansledos.

Cettevisionmedonneenviedepleurer.

—Jesais.Jelessens.

Une fois tout le sang enleve, je prends unpeude recul. Il esquisse un sourire, tout deguingoisàcausedesalèvreenflée.

—Jeteplaiscommeça?

Jesecouelatête.

—Ilfautquetudisesamesparentscequis’estpasse,tusais.Ilsvontforcementteposerdesquestions,dèsqu’ilsteverront.

—Jeneveuxpasypenser.Pastoutdesuite.

Ilselèveenserrantlesbrascontresonventre,gémissantdedouleur.

—Jevaismecoucher.Vienst’assurerquejesuisencorevivantdemainmatin.

IlrecuperesonT-shirtetl’enveloppeavantdesortirdelasalledebains,puisils’effondresursonlit.

—Jet’airemerciée?demande-t-ilquandils’aperçoitquejel’aisuivi.

—Plusieursfois.

—Tantmieux.Parcequec’étaitsincèreetçanem’arrivepresquejamais.

Jeremontelescouverturesautourdesoncorpsmeurtri.

—Jesais.

Surlepointdequitterlapiece,j’entendssarespirations’affolercommes’ilcommençaitapaniquer.

—Net’envapas,s’ilteplaît,chuchote-t-ilentendantlamainversmoi.

Jem’assoisacotedeluisurlelit.A-t-ilpeurqu’onl’abandonne?Ilnoueunbrasautourdemacuisseetposesonfrontcontremongenou.

—Ilfautquejeteprotège,dit-ilàvoixbasse.

—Dequi?

—DelDiablo.

—ElDiablo?Quiest-ce?

—C’estcompliqué.

Qu’est-cequ’ilentendparlà?

—Essaiedetereposer,luidis-je.

—Jenepeuxpas.J’aimalpartout.

—Jesais.

Jecaresselebrasaccrochéàmoijusqu’àcequesarespirations’apaise.

—J’aimeraispouvoirt’aider.

— Tum’aides, murmure-t-il tout contrema jambe. Ne t’en va pas, d’accord ? Tout lemondemequitte.

Desqu’ildormira, jevaisappelerAlexet luiracontercequis’estpasse.Ainsiqu’amonpere. J’imaginequeCarlosnemeremercierapascettefois-ci. Ilyamemedeschancesqu’il

m’enveuilleàmort.

Carlos

JemecramponneaKiara,enproieaunbesoindesesperedelaproteger.Siseulementjepouvaisbougersansmesentiratrocementmal,sescaressessurmonbrasm’inciteraient afairetoutautrechosequedormir.J’accueilleraislesommeilavecbonheur,maisjetiensalagarderal’œil.Rodriguezpourraitluifairedumal.Jenepeuxpasaccepterça.Tantqu’elleestensecurite,estabien.Ilfautquej’avertissemamaetLuisaussi.Jevaisjustedormirunpetitmomentpourapaiserladouleur.LeslignesqueKiaratraceduboutdesdoigtssurmonbrasl’atténuentunpeu.Jefermelesyeux.Cen’estpasgravesijem’assoupisuninstant.

Jerouvrelesyeuxenentendantlaportegrincer,et jemerendscomptequeKiaran’estplusassise acotedemoi.Cen’estpasque jem’attendaisqu’ellemesurveillependantmonsommeil. Je tentedemeredresser,mais je suis tellementraide, chaquemuscle, chaqueos,chaquearticulationdemoncorpsproteste.Je inisparyrenonceretresterallongesurlecote,souslacouvertureenesperantquec’estKiaraquivientd’entreretnonpassesparents…oupis,Brandon.S’ilmesautaitdessus,lesconséquencesseraientterribles.

Jefermelesyeux.

—Kiara?

—Oui.

—S’ilteplaît,dis-moiquetuesseule.

—Paspossible.

Etmerde!J’enfouislatetedansmonoreillerdanslevainespoirdecacherlesmarquessurmonvisage.

—Dis-moicequisepasse,Carlos.Toutdesuite,intimeWestfordd’untoncassant,quasimilitaire.

D’ordinaire,ilestplutôtcalmeetdécontracté…Maisplusmaintenant.

—J’aiprisunetrempe.Çairamieuxdansquelquesjours.

—Peux-tumarcher?

—Oui,maiss’ilvousplaıt,nemedemandezpasdevousleprouvertoutdesuite.Unpeuplustardpeut-être.Demain?

Westfordtiresurlescouverturesetjure.Jenepensaispasquec’étaitsongenre.

—J’auraispréféréquevousvousabsteniezdefaireça.

Jesuistorsenuetlesdégâtssubissautentauxyeux.

JemetourneversKiara,deboutprèsdulit.

—Tum’astrahi.Jet’avaisdemandédenepasleurdire.

—Tuasbesoind’aide,répond-elle.Tunepeuxpast’ensortirtoutseul.

Westfords’accroupitdemanièrequesonvisagesoitàlahauteurdumien.

—Onvaàl’hôpital,m’annonce-t-il.

—Horsdequestion.

J’entendsd’autrespasdanslachambre.

—Commentva-t-il?

C’estlavoixdemonfrère.

—Tuasconvoquétoutelacavalerieoujustelamoitié?

Apresm’avoirjeteuncoupd’œil,Alexsecouelatetepuissefrottela igureenproieaunmelangedefrustration,decolereetdeculpabilite.Iln’yestpourrien.C’estmoiquimesuisfourredanscettehistoireetjeregleraileproblemeparmoi-meme.Enattendant,j’aimeraisqu’ilss’enaillenttousetmelaissentseul.Jen’aipasenviedeparlerdestypesquim’ontfaitça,nidecequiaprovoquélabagarre.

—T’inquiète.Çava.Enfin,entoutcas,çaira.

—Ilrefused’alleral’hopital,ditleprofesseur,l’airtellementinquietqu’ondiraitquec’estsonproprefilsquiaprisuneraclée.

—Ilnepeutpasyaller,répondAlex.

—C’estdelafolie,Alex!Queltyped’individusnevontpasal’hopitalquandilsontbesoindesoins?

—Lesgenscommenous.

—Çanemeplaıtpas,cetteaffaire,maisalorspasdutout.Onnepeutpasresterlaasetourner les pouces. Regarde-le, Alex. Il est pratiquement en position fœtale. Il faut faire

quelquechose. (J’entendsWestfordarpenter lapiece.)Bon, j’aiunamimedecin.Charles. Jepeux l’appelerpour voir s’il acceptede venir ici l’examiner. (Westford s’agenouille pres demoi.)Maiss’ilditquetudoisetrehospitalise,ajoute-t-ilenagitantsondoigtsousmonnez,tuyvas,mêmesijesuisobligédetetraînerhorsd’iciàcoupsdepiedaucul.

Àpropos…

—OùestBrandon?

Jeneveuxpasqu’ilmevoietantquemafiguren’aurapasdégonflé.

—QuandKiaranousaracontecequis’estpasse,Colleenadecidedel’emmenerchezsagrand-mère.Ilyresteraquelquesjours.

Laviedetoutelafamilleestsensdessusdessous,àcausedemoi.Commesiçanesuffisaitpasquejemangeleurnourritureetquej’occupeunepiecedelamaison.Legosseestbannidechezluimaintenantparcequejesuisunesous-merde!

—Désolé.

—Net’inquietepasdeça.Kiara,jevaistelephoneraCharles.Sinouslaissionslesdeuxfrèrestêteàtêteuninstant?

Enferetdamnation.Surtoutpas!

Dèsquelaportes’estrefermée,Alexs’approchedulit.

—Tuasunesalegueule,frérot.

—Merci.(Envoyantsesyeuxinjectesdesang,jemedemandes’ilapleureenapprenantqu’onm’avait tabasse. Je ne l’ai jamais vupleurerdemaviemalgre lesmomentsdif icilesqu’onapassés.)Toiaussi,jetesignale.

—C’étaitlesgarsdeDevlin,hein?Kiaram’aditquetuluiavaisparléduDiablo.

—Cesonteuxquim’onttenducepiegeal’ecole.Hiersoir,ilsm’ontintegrealeurgang–contremongré.IlsdisentquejesuisunDevlinmaintenant.

—C’estdesconneries.

Bienque lemoindremouvementme fasseunmaldechien, jenepeuxm’empecherdericaner.

—VadireçaaDevlin.Alare lexion…Jeplaisante.Resteaussiloindeluiquepossible.Tun’asrienàvoirdanscettehistoire.Net’enmêlepas.Jesuissérieux.

Jemeredresseunpeupourm’assurerqu’ilecoute.C’estmonfrere,monsang.Ilmetapesurlesnerfslaplupartdutemps,maisaufondj’aienviedelevoir inirsesetudes,avoirdesmini-Alex et desmini-Brittany tout aussi horripilants que leurs parents. Cette affaire avecDevlin…

Jenesuispassurdepouvoirm’endepetrer.Jetentedem’asseoirenfaisantlagrimace,lesouf lecoupe.J’aimeraisbienetrecapabled’encaisseretdefairecommesij’etaisinsensiblealadouleur.J’aihorreurdemesentirfaible.

Alextoussotepuisdétournelesyeuxpourneplusmevoirmedémener.

— Je n’arrive pas a croire que ça recommence. (Il se racle la gorge puisme fait face.)Qu’est-cequeDevlint’adit?Ildoitavoiruneraisonspécifiquepourvouloirt’enrôler.

PlusAlexensaura,plusilseraimpliquédanscebordel.Cequejeveuxàtoutprixéviter.

—Jemedébrouilleraipourlesavoir.

—Tulesaisdéjà.Jenesortiraipasd’iciavantquetum’aiestoutdit.

—Turisquesd’êtrelàunmoment.Jeteconseilledetemettreàl’aise.

Westfordfrappeetouvrelaporte.

—J’aiappelémonamiCharles.Ilestenroute.

Safemmeapparaîtunesecondeplustard,unplateaudanslesbras.

— Mon pauvre enfant, dit-elle, posant son plateau pour se precipiter vers moi. (Elleexaminemalèvrefendue,mesecchymoses.)Commentest-cearrivé?

—Vousnevoulezpaslesavoir.

— Jedeteste labagarre. Çane resout jamais rien. (Ellem’apporte leplateau.)C’estdubouillondepoule,m’explique-t-elle.Magrand-mèredisaitqueçaguérittout.

Jen’aipasfaim,maiselleesttellement ieredesonbouillonquej’enprendsunecuillereejustepourqu’ellearrêtedemeregarderd’unairaussiangoissé.

—Alors?

Étonnamment,leliquidechaud,salé,avecdesvermicelles,descendfacilement.

—C’estsuperbon.

Ilsm’onttousal’œil.Desvraiesmerespoules.AvecKiara,çaallait,maisjesuisvulnerablemaintenantetjemepasseraisbiendetoutecetteattention.J’aijustebesoindeKiara.Ouest-

ellepasséed’ailleurs?

Lemédecinarrive.Ilpasseunedemi-heureàm’examinersoustouteslescoutures.

—Ilsn’ysontpasallesdemainmorte,dites-moi?(SetournantversWestford,ilajoute:)Çavaaller,Dick.Pasdecommotion,nidecontusionsgraves.Sescotesenontprisuncoup.Jene peux pas avoir la certitude qu’il n’y a pas d’hemorragie interne, mais il n’a pas tropmauvaise mine. Gardez-le quelques jours a la maison. Ça devrait s’arranger peu a peu. Jereviendraimercredi.

Unefoistoutlemondedescendupourledîner,Kiaraseglissedansmachambre.

—Jeneregrettepasdeleuravoirditlaverite.Tun’espasaussiinvinciblequetulecrois.Autrechose…(Ellesepenchepourpouvoirmeregarderdanslesyeux.)Maintenantqu’onsaitqueçavaallerpourtoi,j’aidecidedeneplusm’apitoyersurtonsort.Situfaisaisdutra icdedrogue,tuasinteretaarreter.Jemedoutequecen’estpasenvendantmescookiesaaimantsquetuaseul’argentcachésoustonoreiller.

— Je t’aime plus quand tu compatis. Et tu te lattes. Je n’arriverais meme pas a lesfourguer,tescookies,sansparlerdelesvendre.Pourtagouverne,jenevendspasdedrogue.

—Explique-moicommenttuaseucetargentalors.

—C’estcompliqué.

Ellelèvelesyeuxauciel.

—Toutestcompliquéavectoi,Carlos.Jechercheàt’aider.

—Tuviensdemedirequetuascessédemeplaindre.Pourquoitum’aiderais?

—Parégoïsme,enfait.Jenesupportepasdevoirsouffrirmonfauxpetitcopain.

—Tut’inquiètesdetoialors,pasdemoi?jesouligne,amusé.

—Oui.Ettum’asfichumonbalenl’air,jetesignale.

—Commentça?

—Tun’aspeut-etrepasremarquelesaf ichesdansl’ecole,c’estleweek-endprochain.Vuquetunepeuxmemepasmarcher,jenevoispastropcommenttupourraisdansersamediprochain.

Kiara

Lemercredisuivant,Carlos insistepouraller a l’ecole. Ilditqu’ilsesentmieuxmais jevois bien qu’il bouge plus lentement que d’habitude et qu’il souffre encore. Il a unœil aubeurrenoir,salevreesttoujoursen lee,maisçaluidonnejusteunairplusdur,pluscoriace.Danslescouloirs,laplupartdeselevesledevisagentenledesignantdudoigt.Chaquefoisqu’ilvoitquelqu’unnous ixer,ilpassesonbrasautourdemataille.Çanem’amusepasdejouerlerôledesacopinequandçaserésumeàsefairemater.Maisonestensemble,etsaforcem’aideàfairefaceàtouslescommérages.

— Beuh ! fait Tuck. Ça me fait presque mal aux yeux de regarder ton cocard. Tu nevoudraispasporterunmasqueouquelquechose?Unbandeau?

Avantquej’aie letempsdeluiexpedieruncoupdepiedsouslatable,CarlosattrapeledossierdelachaisedeTucketlefaitbasculer.

—Ferme-la,fucker.

—C’estTucker,répondTuck,quiglissedesachaiseens’ycramponnantcommeilpeut.

—J’aibesoindeparleràKiaraseuleàseul.

—Arretezdevouschamaillertouslesdeux.Carlos,tunepeuxpasordonner aTuckdes’enaller.

—Mêmesic’estpourt’inviteraubal?

Jememords la levre. Il n’estpas serieux !Commentpourrait-ilm’accompagneraubalalorsqu’ilyatroisjoursencore,iln’arrivaitmemepasaremuerlepetitdoigt?Jevoisbienqu’illuttepournepasfairelagrimacechaquefoisqu’ilsepenchepourprendredeslivresdanssoncasierouqu’ils’assoit.Ledocteurluiaditqu’ildevaitremuerpouréviterdetropseraidir,maiscen’estpasunsurhomme,mêmesiçaluiplairaitbienàmonavis.

—Tuvaslasupplieragenoux?demandeTuckendesignantlesol.Jevousannoncequetoutlemondeadejalesyeuxrivessurvous.Jepourraisprendreunephotoavecmonportableetl’envoyeràl’équipechargéedel’annuairescolaire.

—Fiche-nouslapaix,Tuck.

—D’accord,d’accord. Jevaisallerdejeuner acotede JakeSomers.Quisait, inspireparCarlos,j’arriveraipeut-êtreàtrouverlecouragedeluidemanderdem’accompagneraubal.

Carlossecouelatête.

—Commentj’aipucroirequetusortaisaveclui!

UnefoisTuckparti,ilrapprochesachaisedelamienne.

Aumomentouilplielataillepours’asseoir,ilretientsonsouf le.Ilcacheplutotbiensasouffrance. Je doute que qui que ce soit d’autre l’ait remarquee. Il plonge lamain dans sapocheetensortunbilletpourlebal.

—Tuveuxbienveniravecmoiaubal?

Toutesonattentionestconcentreesurmoi,sansqu’ilsesoucielemoinsdumondedesregardsdesautres.Enrevanche,moi, jesens leursyeuxbraquessurmoicommeautantdeflèches.

—Pourquoimedemandes-tuçamaintenant,enpleindéjeuner?

—Jeviensjusted’acheterlebillet.Jevoulaism’assurerquetuétaistoujoursd’accord.

Je letrouvetresvulnerabledepuis labagarre. Ilmanqued’assurance.Çam’inquiete.Ducoup, jemedemandes’ilne inirapasparmerepousserune foisdeplus. Jem’habituetresbienaceCarlos-la,celuiquin’apaspeurdemedireaquelpointilabesoindemoipresdelui.Mais ça me rend emotive, et plus je suis emotive, plus j’ai de la peine a controler monbégaiement.

—Tupeuxàpeinebou-bouger,Carlos.Tun’espasob-ob-bligé.

—J’enaienvie.(Ilhausselesepaules.)Enplus,jesuisimpatientdetevoirenrobeavecdestalons.

—Ettoi,qu’est-qu’est…cequetuvasmettre?Uncostumecravate?

—JepensaisplutôtjeanetT-shirt,réplique-t-ilenremettantlebilletdanssapoche.

Un jean ? Un T-shirt ? Au-dela du fait que ce n’est pas du tout le genre de tenue quiconvientpourlebaldedébutd’année…

—Onn’irapasbienensemble.JenepeuxpasépingleruneboutonnièresurunT-shirt.

—Uneboutonnière?Qu’est-cequec’estqueça?Pourquoiest-cequej’auraisenviequetum’épinglesuneboutonnièredessus?

—Vérifielemotdansledictionnaire.

—Pendantquetuyes,amigo,intervientTuckquiarappliqueencatimini,jetteaussiuncoupd’œilaumot«bouquetdecorsage».

Carlos

Corsage(bouquetde)(ko:’rsa:z)n.Petitbouquetde leursporteaupoignetouepingleal’épaule.

C’estlade initiondudictionnaire.DanslebatimentdeREACH,ilyaunepetitepiecequ’ilsappellentbibliothequequicontientsurtoutdesouvragessurledeveloppementpersonnel.J’aieu de la chance d’y denicher un dictionnaire que jeme suis empresse de consulter. Kiaraserait etonnee,j’ensuissur.Maintenantjemedemandecommentjevaisfairepourtrouverquelquechosedeconvenableamemettresurledospourlebal.Jesuisencoreplusperplexealaperspectivedemeprocurerundecesfoutuscorsages.

AvantqueBergerentamenotreséancedethérapie,ZanaetJustins’approchentdemoi.

—Qu’est-cequit’estarrivé?medemandecedernier.Uncamiont’estpassédessus?

Zana qui porte une jupe tellement courte qu’elle va se faire renvoyer de l’ecole sanstarder,morddansunbrowniequ’elleaprisdansunplatmisànotredisposition.

— Il paraıt que tu t’es fait agresser par les membres d’un gang qui defendaient leurterritoire,dit-elleàvoixbassepouréviterqueBergerm’entendesiellearrive.

—Vousavezfauxtouslesdeux.

Jeme glisse sur une chaise en esperant que Berger neme cuisine pas a propos de labaston.J’aien inobtenud’Alexqu’ilcessedemeposerdesquestions.Jeluiaiditdemelacherenluipromettantdel’eninformersiDevlinouseshommesmerecontactaient.

Mais jene croispasauxpromesses.Pourquoi lesgens se laissent-ilsmenerenbateaucommeça?

Keno se pointe en retard. Je remarque aussitot qu’ilm’ignore. En tempsnormal, je nem’enseraispasaperçumaistouslesautresmedevisagent,lesyeuxecarquillescommesiuneformedevieextraterrestres’etaitempareedematronche.Heureusementqu’ilsnem’ontpasvudimanche!Çavadéjàbeaucoupmieux.

Enentrantdanslapiece,Bergermejetteunrapidecoupd’œiletressortaussitot.Moinsd’uneminuteplustard,KinneyetMorriseyapparaissentàleurtour.

—Carlos,venezavecmoi,lancecedernierenpointantledoigtsurmoi.

Kinneyetluim’escortentdansunepetitepiece.Onsecroiraitdansuncabinetmedical.J’avisememedesboıtesaaiguillesusageescontrelemur.Ilyaunedifference,pourtant:deschiottessontplanquéesdansuncoinderrièreunpetitrideauquipendduplafond.

Morriseydésignemafigure.

—Votretuteurnousafaitsavoirquevousseriezabsentlundietmardi.Vousvousetesbagarré,nousa-t-ildit.Vousvouleznousenparler?

—Pasvraiment.

Kinneyfaitunpasversmoi.

—Bon, Carlos, je n’irai pas par quatre chemins. A en juger par votre apparence, noussoupçonnonsquevous etiezsous l’in luencedesubstancesnocivescettedernieresemaine.Lesbagarressont leplussouvent liees a l’alcoolet a ladrogue.Nousallonsproceder auneanalysed’urine.Allez-vouslaverlesmainsaulavabolà-bas.

J’aienviedeleverlesyeuxaucieletdeleurdirequecen’estpasparcequ’onseprenduneracleequ’onestunjunkie,maisau inal, jemeborneahausserles epaulesavantd’allermelaverlesmains.

—Commevousvoulez.Donnez-moiunrécipientetfinissons-en.

—Si le resultat est positif, on vous vire,m’annonceMorrisey enprenantun gobelet aurinedansunplacard.Vousconnaissezlerèglement.

Aumomentoùjem’apprêteàl’attraper,illèvelesbras.

—Laissez-moivousexpliquercequevousdevezfaire.Mettez-vousenslip,devantnous,ensuitevousirezurinerdanscerécipientderrièrelerideau.

JejettemonT-shirtsurunechaiseavantdefairedescendremonjean.Puisj’ouvregrandlesbrasetjefaisvolte-face.

—Vousêtessatisfaits?Aucunemarchandisedecontrebandesurmoi.

Morriseymetendlegobelet.

—Vousavezquatreminutesmax.Etnetirezpaslachaîneouilfaudrarecommencer.

Je passederriere le rideau avecmon gobelet et je fais pipi. Faut reconnaıtre que c’esthumiliantdesavoirqu’ilsm’entendent,mêmes’ilsontl’habitudedecegenredesituation.

Une fois que j’ai ini et que jeme suis rhabille, onmedonne l’ordredeme relaver lesmains et de rejoindre mon groupe. Ils n’auront pas les resultats avant demain. Je suistranquille d’ici la. Quand j’entre dans la salle, tout le monde me devisage, sauf Keno. Ilsconnaissentmanifestementlaprocédureetontpigéqu’onvientdemetester.

—Contentsdevousrevoir,ditBerger.Lasemaineaetedureapparemment.Vousnousavezmanqué.

—J’étaiscommequidiraitàlaramasse.

—Vousvouleznousenparler?Toutcequ’onsediticiresteentrenous.Pasvrai,lesgars?

Tout lemondehoche la tete,mais je remarquequeKenomarmonnedans sabarbeencontinuant a eviter mon regard. Il sait quelque chose. Il faut que je determine quoi. Leproblèmevaêtredelecoincerpourluiparlerseulàseulvuqu’aprèschaqueséance,ilfile.

—Jepréfèrequequelqu’und’autreprennelaparole.

— Il sort avec KiaraWestford, intervient Zana. Je l’ai vu la tenir par la taille dans lescouloirsdel’ecoleetmacopineZinaetaitaurefectoirequandil luiaproposed’alleraubalaveclui.

C’estladernièrefoisquejefaisuntrucenpublic.

—Çat’arrivedet’occuperdetesaffaires?Serieux,t’aspasmieuxa fairequecancaneravectesconnardsd’amis?

—Vatefairefoutre,Carlos.

—Çasuf it.Zana,onneparlepascommeça ici. Jene tolereraipas les jurons.C’estunavertissement.(Bergerprenduncrayonetnotedestrucsdanssoncahier.)Parlez-moidubal,Carlos.

—Iln’yarienàdire.J’yvaisavecunefille,c’esttout.

—Quelqu’undespécial?

JemetourneversKeno.S’ilconnaıtlabandedeDevlin,ilrisquedeleurtransmettredesinfos.Bergerest-ellenaıveaupointdecroirequecequiseditauseindenospetitesseancesde therapienesortirapasde la ?A laminuteouonseradehors, jegarantisqueZanaserapendue a son portable en train de raconter a ses imbeciles de copines tous lesrenseignementsqu’elleaurapunoussoustraire.

—Kiaraetmoi,c’est…compliqué,dis-je.

Complique.Ilsemblequecesoitleleitmotivdemaviecesdernierstemps.Lerestedelaseance estmonopolise par Carmela qui se plaint que son ringardde pere lui a interdit departirenvoyageenCalifornieavecsesamispendantlesvacancesd’hiver.Elledevraitavoirdes parents comme lesWestford pour qui tout lemonde devrait gerer sa vie et faire sespropreserreurs(jusqu’acequevousvousfassieztabasser,auquelstadeilsnevouslachentpluslagrappe).AuxantipodesdesparentsdeCarmela.Apreslecours,jesuisKenoquandilsortdubâtiment.

—Keno!jel’appelle,maisilcontinueamarcher.(Jejureentremesdentspuism’elanceapetitesfouléespourlerattraperavantqu’ilatteignesavoiture.)C’estquoi,tonproblème?

—Jen’enaipas.Fiche-moilapaix.

Jem’interposeentresabagnoleetlui.

—TutravaillespourDevlin,hein?

Iljettedescoupsd’œilfurtifsautourdenouscommes’ilavaitpeurqu’onnousobserve.

—Tire-toidelà.

—Horsdequestion,mec.Tusaisquelquechose–cequiveutdirequ’onestsuperpotestoietmoi.Jenevaispastelachertantquetun’auraspascrachelemorceausurcequetusaisàproposdeDevlinoudemoi.

—Tun’esqu’unpendejo.

—J’aientendupire.Nemecherchepas.

Ilal’airnerveux.

—Bon,montedanslavoitureavantqu’onnousvoieensemble.

Ladernièrefoisqu’onm’aditça,jemesuisfaitdéfoncerlagueuleparcinqpendejos.

—Monte.Sinonjenetedirairien.

Jesuissurlepointdemeglisserparlafenêtrejusqu’àcequejeréalisequeseulelavoituredeKiaraauneportierecoincee.Kenodemarre.Alexm’attendchezMcConnell.Sachantqu’ilnemanquerapasd’envoyerlacavaleriesijenemepointepas,jel’appelle.

—Oùes-tu?demande-t-il.

—Avecun…ami.(C’estloind’etrelecas,maisaquoibonbrandirundrapeaurouge?)Jeteretrouveunpeuplustard,j’ajoutepuisjeraccrocheavantqu’ilpuissemefairechier.

Kenoneditpasunmotjusqu’acequ’ilsegaredevantunpetitimmeubleendehorsdela

ville.

—Suis-moi,dit-ilensedirigeantverslebatiment.Unefoischezlui,ilmepresenteasamaetasessœursaquijedisbonjourenespagnol,puisnousnousenfonçonsverslefonddel’appartement. Sa petite chambrem’est etrangement familiere. Je repererais probablementunechambred’adomexicainaunkilometre.Desphotosdefamillesontepingleessurlesmursblanccreme.Ledrapeaumexicainplacardeetlesstickersblanc,vertetrougesurlebureaumemettental’aise,memesijemerendscomptequejedoisetresurmesgardesavecKeno.Jenesaispastrèsbienàquoiiljoue.Ilsortunpaquetdecigarettes.

—T’enveuxune?

—Non.

Çan’ajamaisetemontruc,memesij’aieteeleveparunebandedefumeurs.Mi’amafume,Alexaussifumaitjusqu’acequ’ilcommenceasortiravecsareinedebeaute.Enrevanche,siKenomeproposaituncomprimedeparacetamoloudeux,jenediraispasnon.Jesuisrestecouchépresqueencontinudepuisdimancheetjemesensencoretoutraide.

Ilhausselesépaulesetallumesaclope.

—Morriseyt’afaituneanalysed’urineaujourd’hui,hein?

J’ai lesentimentqu’onvacauserdechosesetd’autresavantd’aborder lesujetquim’aamenéchezlui.

—Oui.

—Tucroisqueçaira?

—Jenesuispasinquiet.

Adosseaureborddelafenetre,jeleregardes’asseoirasonbureauetsouf lerunnuagedefumée.Ilal’aircomplètementinsouciant.Ducoup,j’éprouveunepointedejalousie.

—Bergerafailliavoiruneattaquequandellet’avuaujourd’hui.

—Tupeuxmeparlerenespagnol,tusais.

—Ouais,maissijefaisça,mamerevacomprendredequoijeparle.Jepreferequ’ellen’ensacherien.

Je hoche la tete. C’est toujours mieux quand les parents sont dans l’ignorance.Malheureusement,j’aiduappelermononcleJuliohieretlemettreaucourantdecequipasse.Il m’a promis de faire en sorte que Luis et mi’ama bene icient d’une protection sans lesalarmerinutilement.Ilm’enavouludemesdemelesavecDevlin,maisils’attendaitplusoumoinsquejesoissourced’embrouilles.Iln’étaitpasvraimentétonné.

Çamedonneenviedeprouverquejenesuispastotalementinutile,maiscen’estpaspresd’arriver. Toutema vie, j’ai ete une source d’embrouilles. C’est reconfortant de savoir queKiaraetsesparentspensentquetoutlemondepeutrepartirdezéroavecuneardoisepropre.

—AlorstusorsaveccetteKiara?(Nouveaunuagedefumée.)Elleestsexy.

—Torride,jeréponds,sachantqu’ilnelaconnaîtpasvuqu’ilnevapasaulycéeFlatiron.

Des images de Kiara dans son T-shirt NE SOIS PASUNE PETITE FRAPPE, FAIS DE LAVARAPPEmeviennental’esprit.Jedoisbienreconnaıtrequecen’estpaslegenrede illequim’attired’habitude,etjesuisconvaincuqueKenonelatrouveraitpassexydutout.Pourjenesaisquelleraisonpourtant,cesdernierstemps,jenetrouveriendeplusexcitantqu’une illecapabledesouderdes ilsetdeconfectionnerdescookies aaimants. Il fautque j’arretedepenserconstamment aelle,mais jen’enaipasenvie.Pasencore.Apres lebalpeut-etre.Enplus,jedoisresterprèsd’ellepourlaprotégerdesbrutesdeRodriguezetdeDevlin.

ÀproposdeDevlin…

—Assezbavassé,Keno.Dis-moicequetusais.

—JesaisquetufaispartiedelabandedeDevlin.Onsaittous…

—Quiça,tous?

—LesSixpointRenegados,plusconnussouslenomdeR6.(IlsoulevesonT-shirtpourexhiberuneetoilenoireasixbranchesavecungrandRbleuaumilieu.)Tuesdanslamerdejusqu’aucou,Carlos.Devlinestcingle,etlesR6n’apprecientpasqu’ilserapprochedenotreterritoire.Onavaitlasituationenmainparici,jusqu’acequ’ilviennemettresonbordel.Çanevapastarderaetrelaguerre,etDevlinestentrainderecruterdesmecscapablesdesebattre.Pourlemoment,toutcequ’ilaadispo,c’estunebandedelosersquifumentapeupresautantqu’ilsvendent.Ilabesoindeguerriers.Ilsuf itdeteregarder,Carlos.Onvoitbienquetuesunguerrier,unGuerrero.

—Ilm’aditqu’ilvoulaitquejedealepourlui.

— Ne le crois pas. Il veut que tu sois ce qu’il veut, quand il veut. S’il reçoit de lamarchandiseduMexique,ilexigedesMexicainsdansl’equipe.Ilsaitqu’onfaitpascon ianceauxgringos.S’illuifautunsoldatpoursebattredanslarue,ilsaitqu’ilt’aenréserve.

Kenom’observe, cherchant a evaluer ma reaction. En fait, je savais tout ça depuis ledebut,endehorsdel’existencedesR6.Super!Onm’arecrutepouruneguerredeladroguequin’aqu’unseulobjectif:lefric.

—Pourquoitumeracontestoutça?Quelesttonintérêtlà-dedans?

Kenosepencheenavantentirantunetaffeetexhaleunlongpanache.Ilmedevisaged’unairgrave.

—Jemebarre.

—Commentça,tutebarres?

—Jefouslecamp.Jevaisdisparaıtredansunendroitoupersonnenemetrouvera.J’enaimarrede toute cettemierda, Carlos. Toutes ces conneries qu’onnousmet dans le crane aREACHapeut-etre inipardeteindre,vasavoir?ChaquefoisqueBergernousrepetequ’onestresponsabledenotreavenir,jemedis:Tunesaispasdequoituparles,mabonnedame!Etsic’etaitvrai,Carlos,quejepuissedeciderdemonavenir?Sijepouvaistoutrecommencerdezéro,ailleurs?

—Ettuferaisquoi?

Ilrit.

— Ce que je veux, mon pote. J’arriverai peut-etre a me degoter un boulot et a medebrouillerunjour,jesaispascomment,pouravoirmondiplomeetalleralafac.Voirememememarieretavoirdesenfantsquinesauraientpasqueleurpereaunjouretemembred’ungang. J’ai toujoursreved’etre juge,pourchanger lesystemedemaniereque lesadosnesefassentpascouillonnercommemoi.Tuvois?C’estçaquej’aiécritsurleurfiched’objectifs.Tudois penser que c’est idiot comme but vu que je me suis fait arreter pour detention dedrogue…

—Çan’ariend’idiot,dis-je,l’interrompant.Jetrouveçacool.

— Vraiment ? (Il chasse la fumee d’un geste, et pour la premiere fois, je sens sonenthousiasmemalgrel’apprehension.)Tuveuxveniravecmoi?Jeparsala indumois,lejourd’Halloween.

—C’estdanstroissemaines.

Quitter le Colorado me permettrait de me debarrasser de Devlin. Mon frere et lesWestford retrouveraient une vie normale sans avoir a se preoccuper de moi et de mesconneries.Kiaraelleaussipourraitcontinuerameneruneexistencetranquille,uneexistencequ’elleauraitpasseesansmoidetoutefaçon.Ellenetarderapasaprendreconsciencedelarealite.Jen’airienaluioffrir,etjen’aipaslamoindreenviedelaregardersortiravecd’autrestypes.SijamaiselleseremetavecMichael,jevaispeteruncable.J’aiperdulateteencroyantqueçapouvaitdurertoutelavieentrenous.

—Tuasraison,dis-jeaKenoenhochantlatete,ilfautquejeparte.Maisjedoisd’abord

retournerauMexiquepourm’assurerquemafamilleestensecurite.Quandj’aurai iled’ici,jen’auraisplusqu’eux.

Kiara

Maman n’a pas eu l’air surprise quand je lui ai dit que j’allais au bal avec Carlos. Ellem’avaitpromisdem’emmeneraucentrecommercialvendredipourm’acheterunerobe.Çam’aprisunboutdetemps,maisj’ai iniparentrouveruneensatinnoirsansmanchesdansune boutique vintage. Elle epousemes formes. Je n’ai pas l’habitude de porter des tenuesaussimoulantesetinconfortables,quiplusestavecunefentequimontehautsurlecote,maisune foisque je l’aieuesurmoi, jemesuis sentie jolieet suredemoi.Çam’a faitpenser aAudreyHepburndansBreakfastatTiffany’s.

Enrentrantàlamaison,jemesuisdépêchéedemonterdansmachambreetj’aipendumarobedansmonplacard.JenevoulaispasqueCarloslavoieavantlejourdubal.

Samedimatin,toutelafamille,ycomprisCarlos,s’estlevéepouralleraumatchdefootballamericainau lycee.Flatironagagne :21 a13,sibienquetout lemondeestravigoreetdebonnehumeur.Apreslematch,Carlosaditqu’ilavaitdeschosesafaire.Jesuisalleeacheterdeschaussuresavecmaman.

Elleaattrapédesballerinesnoiresavecdespetitesbouclessurlecôté.

—Quepenses-tudecelles-ci?Ellesontl’airconfortables.

Jesecouelatête.

— Ce n’est pas le confort qui m’interesse. Je deambule dans le magasin en evitantsoigneusement les talons que Carlos quali ierait de souliers de grand-mere. Je jette mondevolusurdesescarpinsensatinnoiravecunebridesurlachevillefaçonretroetdestalonsinsdehuitcentimetres.Ilssontparfaits.Jenesaispassij’arriveraiamarcheravecça,maisilssontravissants,etassortisàmarobe.

—Etceux-là,qu’endis-tu?

Mamanouvregrandlesyeux.

—Tuessûre?Tuvasdépassertonpèreavecça.

Mamann’aaucunepairedechaussureavecdestalonsdeplusdequatrecentimètres.

—Jelesadore.

—Essaie-lesalors.C’estungrandjourpourtoi.

Un quart d’heure plus tard, je sors dumagasin avec les escarpins, tout excitee d’avoirtrouvelapaireidealepouralleraveclarobeideale.Jeveuxquelasoireesoitparfaite.PourvuqueCarlosnesesentepassouspression,memesijel’aiquandmemecontraintam’inviter.J’esperequ’onvas’amuseretoubliercequis’estpasse leweek-enddernier. Jedoutequ’ondansebeaucoupvusonetat,maiscen’estpasgrave.Jeseraicontented’etreaveclui,qu’onformeunvraicoupleoupas.

—Ilfautqu’onailleacheteruneboutonniere,ditmamanaumomentounousremontonsdanslavoiture.

—Jem’ensuisoccupéecematin.

— Bien. Il y a des piles dans l’appareil photo. Ton pere est en train de charger lecamescope.Onest inprets.Onenverralesphotosa lamamandeCarloslundi,pourqu’ellen’aitpaslesentimentd’êtreexclue.

De retour a lamaison, jem’enfermedansmachambrepourm’exercer amarcheravecmesnouvelleschaussures.J’ail’impressiondeplongerenavantchaquefoisquejefaisunpas.Çameprendunebonneheurepourm’yfaire.Tuckpasse a lamaisonm’apporteruneboıterempliedecadeauxpourlasoirée,cequimerendencoreplusnerveuse.

—Ouvre-la,dit-ilenmelatendant.

Jesoulevelecouvercleetjetteuncoupd’œilal’interieurdelaboıteavantd’enextraireunejarretièreendentellenoire.

—Çanesefaitpasdeporterunejarretièreàunbal.

—Celle-laaetefabriqueetoutspecialementpourl’occasion.Regarde,ilyaunpetitballondefootdoréenguisedebreloque.

Jelajettesurlelitavantdesortirl’articlesuivant.Duglossrose.

—Personnellement,çamedebecte,ditTuckenhaussantlesepaulesquandjefaistournerlebaton.Maisilparaitquelesheterosaimentbienles illesquiontleslevresquibrillent.Ilyadel’eyelineretdumascaraaussila-dedans.Ladamedelaboutiquem’aditquec’etaitdelasuperqualité.

Àmesurequejesorscesobjetsl’unaprèsl’autre,jem’arrêtepourregarderTuck.

—Pourquoitum’asachetétoutça?

Ilhausseànouveaulesépaules.

—C’estjuste…jenevoulaispasquetusoispriseaudépourvu.Tul’aimesbien,Carlos,quetu l’admettesounon. Je saisque j’ai ete unpeuduravec lui,mais tu lui trouves surementquelquechosequ’onn’arrivepasàvoir,nousautres.

Tuckestleplusgénialdesamis.

— Tu es un amour, dis-je en sortant de la boıte des pastilles a la menthe et… deuxpréservatifs.Quejebrandis.

—Dis-moiquetunem’aspasachetédescapotes.

—Tuasraison. Jene lesaipasachetees. Je lesaiprises a l’in irmeriede l’ecole. Ils lesdistribuentgratuitement.Tuferaispeut-etrebiendeluidemanders’ilestallergiqueaulatextoutdemême.Sic’estlecas,tuesmal!

Jem’imagineentraindefairel’amouravecCarlosetjesensmesjouess’empourprer.

—Jen’aipasl’intentiondecoucheravecluicesoir.

Jejettelespochettessurlelit.Tucklesrécupère.

—C’estpourçaquetuasbesoindecespreservatifs,imbecile.Siçaarrivealorsquetunet’yattendspas,tun’auraspascequ’ilfaut.Ducoup,tuteretrouverasenceinteoutuchoperaslesida.Fais-moiunefaveur.Mets-lesdanstonsac,oufourre-lesdanstaculottesitupréfères.

JeprendsTuckdansmesbrasetjeluiplaqueunbaisersurlajoue.

—Jet’aime,Tuck.Tuesfabuleux.EtjesuisdesoleequeJackaitrefused’alleraubalavectoi.

Iléclatederire.

—Jenet’aipasracontéladernière.

—C’est-à-dire?

—Ilm’aappeleilyauneheure.Ilneveutpasalleraubal,…maisilaimeraitqu’ontraıneensemblecesoir.

—C’estsuper.Jecroyaisqu’ilétaithétéroaufait.

—C’estquoi, tonprobleme?Pourquelqu’unquiaungaycommemeilleurami, tun’asaucun lair.OnnefaitpasplushomoqueJakeSomers.T’aspaslesyeuxenfacedestrousouquoi?Jet’avouequejesuisangoisseetexcitealafois.J’esperequejenevaispasfoirer.Çafaitunmomentquej’enpincepourluiensecret.

Il s’approchedemonbureauet sortdu tiroirnotrecahier sur les reglesd’attraction. Il

arrachetouteslespagesetlesdéchireenpetitsmorceaux.

—Qu’est-cequetuf-fais?

—Onn’enaplusbesoin.J’aicomprisuntruc.

—Quoi?

Iljettelesboutsdepapierdansmapoubelle.

—C’estdubidon, ces regles. Jaken’etaitpasdu toutmon typeapriori.Onn’apas lesmemes interets. Il deteste les Extremes. Quand il n’a rien a faire, il lit des poemes, pours’amuser!T’imagines.Jen’arretepasdepenseralui.Ilveutqu’ontraıneensemblecesoir!Çaveutdirequoi,traîner?

—Jen’aitoujourspascomprismoi-meme.(J’attrapeundesdeuxpreservatifsetjeleluijette.)Tuferaisbiend’enembarquerun,aucasoù.

Carlos

—Jet’avaisbienditquetum’appelleraisunjour,ditBrittanyalorsqu’onmarchedanslecentrecommercial.

Jeluiaitelephonehierpourluidemanderdemeretrouverapreslematchdefootballcematin.J’aibesoindesonaide.Elleestlaseulepersonnequejeconnaisquisoitsuf isammentachevalsurlesprincipespoursavoirtoutcequ’ondoitfaireavantunbal.

—Pasdequoit’envanter.Jem’etonnequ’Alexn’aitpasinsistepournousaccompagner.Vousêtesinséparablesd’habitude.

Elleseconcentresurlesrangeesdecostumesdontellechoisitcertainsmodelespourquejelesessaie.

—Évitonsdeparlerd’Alex,tuveuxbien?

—Quesepasse-t-il?Vousvousetesengueules?jelanceenblaguant,necroyantpasunesecondequemonfrèreaitpusedisputeravecelle.

Ellebatdespaupières,commepourretenirdeslarmes.

—Enfait,onarompu.Hier.

—Tuplaisantes.

—Jesuisonnepeutplusserieuse,etjeneveuxpasenparler.Vaessayerçaavantquejememetteàhurleraumilieudumagasin.Çarisquedenepasêtrebeauàvoir!

Elleme lanquelescostumesdanslesbrasetm’expedieverslescabinesd’essayage.Enluijetantuncoupd’œilpar-dessusmonepaule,jevoisqu’elleasortiunmouchoirdesonsacetqu’elles’essuielesyeux.

NomdeDieu!Pasetonnantquemonfreresoitsipeucausantdepuisdimancheetqu’ilnem’ait pas cuisine a propos deDevlin. Qu’est-ce qu’il a bien pu faire pour foutre en l’air sarelationavecBrittany,alorsqu’elleachangésavie?

Graceal’enveloppebourreedebilletsdeDevlin,j’achetelecostumedanslequel,d’apresBrittany, j’ai l’air d’un mannequin pour Vogue Homme. Ensuite nous allons chercher lecorsageque j’ai commandehier. J’ai eu la chancede trouverune leuristequiaacceptedem’enconfectionnerun a laderniereminute.Une foisdans lavoiture, jemedisque jedoispouvoirinterrogerBrittanysurleurrupturesupposeesanstropderisques.Sielleeclateen

sanglotsmaintenant,personneneverraqu’elleadumascarapleinlafigure.

Jenepeuxplusmeretenir,macuriositéesttropforte.

— Mon frere et toi allez tellement bien ensemble que c’en est ecœurant. Que s’est-ilpassé?

—Demande-lui.

—Ilsetrouvequ’a l’instantpresent, jesuisavectoi,etnonaveclui.Amoinsquetunepréfèresquejel’appelle…j’ajouteensortantleportabledemapoche.

—Non!crie-t-elle.Jet’interdisdel’appeler.Jeneveuxpaslevoirnil’entendreniavoirquoiquecesoitàvoiraveclui.

Merdealors!C’estsérieux.Elleneplaisantepas.J’aiintérêtàtrouveruntrucvitefait.

—Tupeuxmeconduireaugarage.J’empruntelavoitured’Alexcesoir.

—Tun’asqu’àprendrelamienne,réplique-t-ellesanssourciller.

Rate!IlfautquejetrouveunpretextepourvouloirprendrelanouvellevoituredemonfrèreplutôtquesasuperBMdécapotable.

—Kiaraaimelesvoituresanciennes.ElleseradeçuesijemepointedansuneBMalorsqu’elle s’attendait auneMonteCarlo.Ellen’estpasvraimentnormale, tu sais.Elleperd lespédalespourrien.Jenevoudraispasqu’ellesemetteàchialeretàbégayerenpleinbal.

—Tuasl’intentiondecontinuerameraconterdessaladesjusqu’acequejemedecideatedéposerchezMcConnell,c’estça?

—Engros,oui.

Àunfeurouge,Brittanypousseungrossoupir.

—Bon, d’accord. Je t’y emmene.Mais n’espere pas que je sorte de la voiture pour luiparler.

—Sijeprendssavoiture,ilvabienfalloirquequelqu’unleraccompagnealamaison.Tupeuxt’encharger?Jedoisallermepréparerpourlebal.

Lecouplequ’ilsformenttouslesdeuxmedonnelanausee,maisl’ideequ’ilspuissentseséparer,êtremalheureux…noestábien.Çanevapasdutout.Jememoqued’eux,maisaufonddemoi,jelesenvie.Tantqu’ilssontlal’unpourl’autre,lemondepourraits’effondrerautourd’euxsansqu’ilss’enaperçoiventouqueçalesperturbe.

—Nem’endemandepastrop,Carlos.Jetedeposeetje ile.Jevaistedonnerunconseil

pourcesoir,apresquoi je laboucle.Surveille tonattitudeetremballe tonego, traiteKiaracommeuneprincesse.Qu’ellesesentespéciale.

—Tupensesquej’aiunegosurdimensionnéetquejemecomportemal?

Elleémetunpetitrire.

—Cen’estpascequejepense,Carlos.Jelesais.CesontdesdefautsdefabricationchezlesFuentes,malheureusement.

—J’appelleraisplutôtçaunatout.C’estcequinousrendirrésistibles.

— Si tu le dis. C’est ce qui detruit vos relations aussi. Si tu veux que Kiara garde unmerveilleuxsouvenirdecettesoirée,souviens-toidecequejet’aidit,etmaîtrise-toi.

—Est-cequejet’aiditqu’Alext’aimetellementqu’ils’estfaittatouertonnompartoutsurlecorps?Mêmesurlanuque!

—C’estmarquéLBsursanuque,Carlos.CesontlesinitialesdeLatinoBlood.

—Pasdutout.Tutetrompes.C’estcequ’ilveutfairecroireatoutlemonde,maisenfait,çaveutdireLoverofBrittany.T’ascompris?

—Beleffort,Carlos.Complètementfaux,maischapeautoutdemême!

Fideleasapromesse,ellemedeposedevantlegarageetrepartaussitotenfaisantcrissersespneusdansleparking,cequemonfrereluiaapprisafaire,j’ensuissur.Unepreuvedeplusqu’ilsdevraientêtreensemble.

Lebustedemonfreredisparaıtsouslecapotd’uneCadillac.Jemedemandes’ilsaitquel’amourdesavies’éloigneàcetinstantàfonddetrain.

—Qu’est-ceque tu fais la ?demande-t-ilens’essuyant lesmainsavecunchiffon. Je tecroyaisàmoitiémort.

—Tuseraissurprisde ladifferencequ’ilyaentre amoitiemortetmortpourdebon.Pourtouttedire,jemesenssupermal,maisjesuisassezdouépourfairesemblant.

—Heinhein.

Ilaunbandananoirsurlefront,cequineluiestpasarrivedepuisqu’ilaquitteleLatinoBlood.Cen’estpasbonsigne. Ila l’aird’unrebelle,etmeressembleunpeutrop.Quandonchercheasedonnerdesalluresderebelle,onn’estpasloindesecomportercommetel.Jesuisbienplacépourlesavoir.

—J’aidutravailàfaire,ettoitudoistepréparerpourlebal,alorssituveuxbien…

—Pourquoias-turompuavecBrittany?

—Ellet’aditça?s’exclame-t-ilenfronçantlessourcils,furieux.

Merde, il est foude rage.Vu saminededeterre, jedoutequ’il aitbeaucoupdormi cesdernierstemps.

—Inutiledesortirdetesgonds,mec.Ellenem’ariendit.Ellem’ajusteditdetedemandercequis’estpassé.

—Onarompu.Tuasraison,Carlos.Onesttropdifferents,elleetmoi.Onnevientpasdumêmemonde.Çanepouvaitpasmarcherdetoutefaçon.

Ilreplongesouslecapot,maisjeletireparlachemise.

—Ustedesestupido.

—Tuosesmetraiterdestupide?Cen’estpasmoiquimesuisfaitenrolerdansungangcontremongréhier.(Ilsecouelatête.)Ça,c’étaitcarrémentstupide.

—Ecoute,Alex, tumedispourquoivousavezrompu,toiettareinedebeaute,et jeteracontetoutcequejesaissurDevlin.

Ilsoupire,etsacoleresemblesedissiperunpeu.Jemerendscomptequ’ilchercheanousprotegeravanttout,lafamilleetmoi.IlsaitqueDevlinvameremettrelegrappindessuslasemaineprochaine.Ilnepeutpass’empecherdes’impliquerpouressayerdemesortirdecepétrin.

—LesparentsdeBrittanyviennent rendrevisite a sa sœurShelleydansquinze jours,m’explique-t-il. Elle est determinee a leur dire que nous sortons secretement ensembledepuis ledebutdu lycee. Ils savent comment ça s’est ini entrenous a Chicago. Jeme suiscomportecommeunconavecelle,etpuisj’aifoutulecamp.(Ilpressesespoingscontresesyeuxengemissant.)Regarde-moi,Carlos.Jesuistoujourslemecavecquiilsnevoulaientpasqu’ellesorteaChicago.Ilsmeconsiderentcommeunmoinsquerien,etilsontprobablementraison. Brittany veut que j’aille dıner avec eux, putain, comme s’ils allaient acceptertranquillementquela illequ’ilsont eleveepourenfaireuneprincesse inisseavecungarsqu’ilsonttoujoursvucommeunpauvreMexicaincradesortitoutdroitd’unbidonville.

Jen’encroispasmesoreilles.Monproprefrerequiacombattuavectantdecouragesongang pour reprendre sa liberte au risque de se faire tirer dessus chie dans son froc a laperspectivededéfendresarelationavecBrittany,etlui-même,faceàsesparents.

—Tuaspeur!

—Pasdutout.Jen’aipasbesoindeleursconneries,c’esttout.

Enverite,ilalatrouille.IlredoutequeBrittanyneprennelepartidesesdaronsunefoispourtoutes,etqu’ellelelargue.Ilnesupporteraitpasqu’ellelerejette.Ilpreferelarepousser,l’écarterlui-mêmeavantqueçavienned’elle.Jelesaisparcequec’estl’histoiredemavie.

—Brittanyestdetermineeasauvervotrerelationcoutequecoute,luidis-jetandisquemonregardvaerrersurlaMonteCarlod’Alexdansuncoindel’atelier.Pourquoin’enfais-tupasautant?Parcequetueslache,monfrere.Faisunpeucon ianceatanovia.Turisquesdelaperdrepourdebonsinon.

— Ses parents ne me trouveront jamais assez bien pour elle. J’aurais toujours lesentimentd’êtrelependejoproloquiaprofitédeleurfille.

J’aidelachancequelesparentsdeKiaranesoientpascommeça.Euxserejouissentdubonheurdeleursenfants,quellesquesoientlescirconstances.Ilstententdenousin luencer,sans nous juger. Au debut, j’ai cru qu’ils jouaient la comedie, que personne ne pouvaitm’acceptercommejesuis,surtoutquejem’efforçaisdelesrepousser.Maisj’ailaconvictionquelesWestfordacceptentvraimentlesgenstelsqu’ilssont,avecleursdéfautsettout.

— Si tu penses etre un pendejo prolo, alors c’est ce que tu es. Le probleme, c’est queBrittanyn’estpasconscientedesdifferencesdeclassesocialeetqu’ellenepensepas a toncompteenbanquequandelleestavectoi.C’estassezdebectantquelquepart,maisellet’aime,pointbarre.Vousdevriezpeut-etrevoussepareraufond,parcequ’ellemeriteunmecpretatoutpourdéfendresarelation.

—Vatefairefoutre!Tun’yconnaisrien.Çafaitcombiendetempsquetun’espassortiavecunefille?

—J’aiunecopinemaintenant.

—Larelationestbidon.Kiaraelle-mêmelereconnaît.

—Bon, peut-etre,mais c’estmieux que ce que tu as toi, c’est-a-dire que dalle. (JemedirigeverslaMonteCarlobleue.)Jeteledisquandmeme,maisj’esperaispouvoirempruntertabagnolecesoir.Paspourmoi.PourKiara.Tul’aimesbien,jelesais,etjevoismalcommentjepourraisprendresavoiturepourunrancardofficiel.

—J’avaisl’intentiond’allerchezlesWestfordavantlebal.Ilsm’ontinvité.

—Netedonnepascettepeine.

—Bond’accord,mais rapporte-la-moi a la inde la soiree. J’ai l’intentionde travaillerdessusdemainmatin.(Commejebalancemespaquetssurlabanquettearriere,Alexajoute:)JecroyaisquemarelationavecBrittanytefaisaitgerber.

—J’aimebient’emmerder,Alex.C’estaçaqueçasertlespetitsfreres,non?(Jehausseles

epaules.)Cen’estpeut-etrepasunechicamexicana,maisc’estlameilleuregonzessequetutrouverasjamais.Tuferaisaussibiendescellerl’affaireetdetemarieravecelle.

—J’aiquoiàluioffrir?Undemidiplômeetunebagnolevintage?

Jehausselesépaules.

—Sic’esttoutcequetuasadonner,elleacceptera,j’ensuissur.C’estbeaucoupmieuxquecequej’ai,etplusquecequenosparentsavaientquandilssesontmaries.SanscompterqueMi’amáavaitunvilainpolichinelledansletiroir.Toi,enl’occurrence.

—Àproposdevilain,tut’esregardédanslaglacecesdernierstemps?

—Oui.C’estbizarre,Alex.Memeavecuncocardetlalevrefendue,jecontinueaetreplusbeauquetoi.

—Benvoyons!Attends!Tunem’astoujourspasparlédeDevlin.

—Ahouais!(Jedemarreetfaisronronnerlemoteur.)Jeteraconteraiçademain.Peut-être.

EnarrivantchezlesWestford,jetrouveBrandonassissurmonlit,lesbrascroises.Ilfaitdesonmieuxpouravoirl’airmechant,maisjesupposequ’ilfaudraencoreunebonnedizained’annéesavantqu’ilintimidequelqu’un.

—Qu’est-cequisepasse,cachorro?

—Jesuisfâchécontretoi.

Toutlemondem’enveutencemoment,maparole!

—Prendsunnuméroetfaislaqueue,mec.

Ilsoufflecommeunebagnolequiauraitunpotd’échappementdéglingué.

—Tuasditqu’onetaitdescomplices.Quesijefaisaisunebetise,tunerapporteraispas.Etinversement.

—Oui.Etalors?

—Tuesunrapporteur.Papaneme laisseplus jouersur l’ordinateursaufquand ilmesurveille,commeunbébé.C’estdetafaute.

—Désolé,monpetitgars.Lavieestinjuste.

—Commentçasefait?

Sielleetaitjuste,monpereneseraitpasmortquandj’avaisquatreans.Jen’auraispasame soucier deDevlin. J’aurais vraimentmes chances avec Kiara. La vie, en gros, c’est unevacherie.

—Jen’ensaisrien.Maissituledécouvresunjour,cachorro,dis-le-moi.

Jem’attendsqu’ilpiqueunecrise,maispasdutout.Ilsauteaubasdemonlitetsedirigeverslaporte.

—Iln’empêchequejecontinueàêtrefâchécontretoi.

— Tu t’en remettras. Fiche le camp maintenant. Je dois prendre une douche et mepréparer.Sinonjevaisêtreenretard.

—Jem’enremettraisplusviteetjetelaisseraistranquillesitupouvaisallerpiquerdesbonbonsdansleplacardau-dessusdufrigo.C’estlaquemamanlescache.(Ilmefaitsignedemepencherpourmeglisserunsecretàl’oreille.)

—Ellegardedes snacksmauvaispour la sante la-dedansaussi.Tu sais, ceuxqui sontsuperbons!

Ils’exciteaufuretàmesurequ’ilm’expliquetoutça.

Ilmerestemoinsd’uneheurepourmepréparer,maisjeneveuxpaslelaissertomber.

—D’accord,Racer.Prêtàtelancerenmissionsecrète?

Ilsefrottelesmains,manifestementravidem’avoirmanipule.Ilauncertainpouvoirdepersuasion,fautlereconnaître.

—Suis-moi.

Jejetteuncoupd’œildanslecouloiravantdeluifairesigne.Jemeretiensderireenlevoyantm’emboıterlepassurlapointedespieds.Ilyadesmomentsouilsecomportecommeungossede six ans, d’autresou ilme fait l’effet d’avoirplusde jugeoteque laplupartdesadultesdemonentourage.

Ondescendlesmarchesensilence.Avantqu’onaitatteint lacuisine,quelqu’unsortdubureau de Westford. C’est Kiara, vetue d’une longue robe noire qui moule ses courbesdelicieusesdelapoitrineauxcuisses.Sescheveuxjolimentboucles lottentsursesepaules.La fente incroyablement sexy sur un cote de sa robe laisse entrevoir une longue jambemagnifique.

J’enrestebouchebée.

Jelaparcoursdesyeuxavecdelice.Jemesouviendraidecetinstantjusqu’ala indemavie,jelesais.Quandmonregardseposesursesescarpinsouvertsauboutavecdestalonsquejen’auraisjamaisimaginelavoirporter,moncœuraunrate.J’aipeurdecilleraucasouceseraitunmirage.

—Qu-qu-qu’est-cequevous…vous…vousfaiteslà?

Brandonémetun«chut»retentissantenportantundoigtàseslèvres.

— On est en mission secrete, chuchote-t-il bruyamment, sans se rendre compteapparemmentquesasœurs’estmétamorphoséeendéesse.Nedisrienàpapaetmaman.

—Promis,répond-elle.C’estquoivotremission?

—Desbonbons.Ceuxquisontmauvaispourlasanté!Viensavecnous!

JereportemonattentionsurKiara,regrettantdenepasetreseulavecelleacetinstant.J’auraisdonnén’importequoipourça.

—Brandon,vavoiroùesttonpèrepours’assurerquelavoieestlibre.

J’aibesoindequelquessecondestranquillesavecsasœur.

—D’accord,répond-ilenseglissantdanslecouloir.Jerevienstoutdesuite.

J’aimoinsd’uneminuteentêteàtêteavecelle.Jefourremesmainsdansmespochespourqu’ellenevoiepasque je tremble.Ellemegratined’unpetit sourireavantderegarderparterre.

Jelevelesyeuxversleplafonddansl’espoirquelecielmeprodiguerasesconseils,ouquemonperemeferaunsignepeut-etre.Puisjejetteunpetitcoupd’œilaKiara.OmonDieu!Ellea le regardrive surmoi apresent.Elleattendque jedisequelquechose.Avantque j’aie letempsdetrouveruneremarquepertinenteoudrôle,Brandonestderetour.

—Ilestdanslesalon.Allons-yavantqu’ilnousattrape.

J’ai enviede l’etrangler. Il fautque jemedebarrassede cettepetitepeste.Onprend ladirection de la cuisine tous les trois. J’ouvre le petit placard au-dessus du refrigerateur. Ilcontienteffectivementungrandpanierremplidedenréesdecontrebande.

BrandontiresurlebasdemonT-shirt.

—Montre.Montre.

Jeposelepaniersurlatable.Brandonsehissesurunechaiseetexaminelebutin.

—Tiens,medit-ilenmefourrantunebarrechocolateedanslamain.Ilyadesnoixla-

dedans.J’aimepaslesnoix.

Finalement, ils’empared’unebarredechocolatau laitetdedeuxrouleauxaureglisse.Ravidesontrésor,ilsauteaubasdelachaise.

Je remets le panier dans la cachette que tout le monde connaıt. Le temps que je meretourne,Brandonestdéjàentraindecasserunboutdechocolat,qu’ilfourredanssabouche.

—Pourquoituasl’aird’unefille,Kiara?demande-t-il,labouchepleine.

—Jesorscesoir.AvecCarlos.

—Etvousallezvousembrassersurlabouche?

Elleluidécocheunregardoutré.

—Brandon!Çaneseditpas.Quit’aparlédeça?

—LesCM2,danslebus.

—Qu’est-cequ’ilsontdit?

—Enfin,tusais…,réplique-t-ild’untonexaspéré.

—Dis-moi,insiste-t-elle.Jenesaispascommentonfaitsiçasetrouve.

Jesuisbienplacepoursavoirqu’elleestparfaitementaucourantdelachose,maispasquestionquejelatrahisse.

—C’estquandonlèchelalanguedel’autre,chuchote-t-il.

Lavache!Jen’ensavaispasautantasonage.C’estdejauncyber-dealer.Etvoilaqu’ilsemet aparlerde se roulerdespelles.Kiarameregarde, je leve lesdeuxmains. Je lui auraisvolontiersfaitunepetitedémonstrationtoutdesuite,maisjepeuxattendreunpeuplustard.

—C’estpasmongamin.

—Onpeutattraperpleindemicrobescommeça,ajouteBrandonenmachonnantd’unairsongeurcommes’ilévaluaitlesconséquencespossiblesdubaiser.

—Absolument,confirmeKiara.Pasvrai,Carlos?

—C’estsûr.Destasdemicrobes.

Jem’abstiensdeluipréciserquedanscertainscas,çavautlecoupdeprendrelerisque.

—Jeneferaijamaisça,déclareBrandon.

—Situnet’essuiespaslaboucheapresavoirmangeduchocolat,personnen’auraenviedet’embrasser,cachorro.C’esttropdégueu.

AlorsqueKiaraattrapeuneserviettepournettoyerla iguredesonpetitfrere,illevelesyeuxverselled’unairintrigué.

—T’aspasréponduàmaquestion.Vousallezvousembrasser,Carlosettoi?

Kiara

—Arrêtedemeposercettequestion,Brandon,oujevaisdireàmamanquetuaspiquéduchocolat. Iln’empecheque je t’aime, j’ajouteenmepenchantpourdeposerunbisousursajouenettoyée.

—T’esmechante,riposte-t-il,maisjevoisbienqu’ilnem’enveutpasparcequ’ilsortdelacuisineensautillant.

Nous sommes en in seuls, Carlos et moi. Il s’approche de moi par-derriere et ecartedelicatementmes cheveux pour degagerma nuque. « Eres hermosa », me chuchote-t-il al’oreille.Rienquelesondecesmotsenespagnolmefaitfondredel’intérieur.

Jemetournepourluifaireface.

—Merci,c’estgentil.J’avaisbesoindel’entendre.

—Faudraitquej’aillemepréparer,maisjen’aipasenviedetequitterdesyeux.

Jelerepoussemalgrélevertigequejeressenssoussonregardintense.

—Vas-y.Dépêche-toi.Pasquestionquejeratemonpremierbaldelycée.

Quarante-cinqminutesplustard,jesuistoujoursdebout,mestalonsauxpieds,tellementjeredoutede froissermarobesi jem’assois.Mamana insistepourmemettreduvernis aonglesrose;jerésisteàl’enviedemelesronger,maisjenepeuxpasm’empêcherdegigoter.

Onestdanslejardinoùpapaetmamanmemitraillentdevantlamaison,prèsd’uneplanteenpot,demavoiture,avecBrandon,devantleportail…

Finalement, Carlos ouvre la porte en verre coulissante et apparaıt dans le patio. UncostumenoiretunechemiseblancheontremplacesessempiternelsjeandechireetT-shirt.Rienqu’a levoirsursontrenteetunpourmoime faitbattre lecœur a toutrompre. J’ai labouchetoutesèche.Surtoutquandjevoisqu’ilaunbouquetdecorsageàlamain.

— Tu esmagni ique, s’ecriemaman. C’est gentil a toi d’emmener Kiara au bal. Elle atoujoursrêvéd’yaller.

—Cen’estpasunproblème,répondCarlos.

Jem’abstiensdepreciseramamanqu’ilnem’auraitjamaisinviteesionn’avaitpaspasseunaccord.Jesuisàpeuprèscertainequ’onneseraitpaslàentenuedesoiréeautrement.

—Tiens,meditCarlosenbrandissantunpetitbouquetde leursblancetvioletaucœurjaune.

Pendant que mes parents s’eloignent un peu pour nous laisser tranquilles, Carlos meglisselebouquetaupoignet.

—Jevoisbienqueçanevapasavectarobe,medit-iltimidement.Ettudevaist’attendreadesroses.Cesontdesastersmexicains.Chaquefoisquetonregardseposeradessuscesoir,jeveuxqu’ellestefassentpenseràmoi.

—Ellessontravissantes,dis-jeenportantlebouquetamonnezpourrespirerleurdouxparfum.

Laboutonniereque j’ai acheteepour lui est restee sur la tabledans lepatio.C’estunesimpleroseblancheavecdesfeuillesd’unvertintense.Jevaislachercheretlaluitends.

—Jesuiscenséel’ép-l’épingleràtonrevers.

Ilserapproche.Avecdesmainstremblantes,jesaisislagrosseaiguilleetjem’efforcedelaplantercorrectement.

—Laisse,jevaislefaire,dit-ilenmevoyantmebagarrerpourenfoncerl’aiguilleatraverslerubanvertàlabasedelaboutonnière.

Nosdoigtssetouchent.J’enailesoufflecoupé.

Aprèsuneautreséancedeposedontonseseraitbienpassé,desnuagescommencentàseformerau-dessusdenostêtes.

—Ilestcensépleuvoircesoir,annoncemaman.

Ellem’intime l’ordred’emportermon impermeable taupe. Ilnevapasdutoutavecmarobe,maisme protegera au cas ou. Carlos a l’air tout content deme fairemonter dans lavoituredesonfrère.Ilsavaitquejetrouveraisçacoolqu’onaitlamêmevoiture,Alexetmoi.

Dix minutes plus tard, nous penetrons dans le parking bonde de l’ecole. Avant qu’onatteigne les portes, Nick Glass et deux autres types sortis de nulle part nous bloquent lepassage.Ilestclairqu’ilsnesontpasvenuslàpourdanser…maispourfairedugrabuge.

Jeme cramponne au bras de Carlos, redoutant qu’il ne se retrouve implique dans une

nouvellebagarre.

—Iln’yapasdesouci,m’assure-t-ilàvoixbasse.Fais-moiconfiance,chica.

—C’estmonterritoire,asseneNickenfaisantunpasdeplusversnous.J’aipasenviedelepartager.

—Jen’enveuxpasdetonterritoire.

—Qu’est-cequisepasse?demandeRamquiapprocheacetinstantencompagnied’unefillequejenereconnaispas.

RametCarlossontdevenuscopains a l’ecole,etça faitplaisirdevoirquelqu’unpret aprendresadéfense,mêmesic’estlesoirdubal.

—Onestcools,pasvrai,Nick?lanceCarlos.

LeregarddeNickpassedel’unal’autre.LespotesdeNicknesontpasdulycee.Ilsontdestetesdetypesquin’hesiteraientpasunesecondeasebattre,maispour inir.Nicks’ecarteetnouslaissepasser.

Carlosmeprendlamainetnousfraieunpassagesansselaisserdémonter.

—Situasbesoindemoi,Carlos,jesuisla,lanceRamaumomentouonatteintlaportedel’école.

—Memechosepourtoi,mec,luirepondCarlosenpressantmamaindanslasienne.Situveuxqu’onailleailleurs,Kiara,jenesuispascontre.

Jesecouelatête.

—Onafaitunmarche.Jeveuxquelephotographeprenneunephotodenouspourquejepuisse l’epinglerau-dessusdemonbureaucommesouvenirdemonpremierbal.Promets-moijustequ’iln’yaurapasdebagarres.

—D’accord,chica.Maisaprèslaphoto,situveuxallerquelquepart,dis-le-moi.

—Oùest-cequ’onirait?

Il regarde autour de lui les banderoles, les af iches, les etudiants qui s’epoumonent etdansentsurunemusiqueassourdissanteetmeserrecontrelui.

—Unendroittranquille,ouonpeutetreseuls.Jen’aipasvraimentenviedetepartagercesoir.

Letruc,c’estquemoinonplus.

Lephotographenousafaitposeravantqu’onentredanslegymnase.Enfait,c’estluiquiadetermine la pose qu’on devait prendre, nous traitant comme des mannequins dans unevitrine.

—Tuveuxboirequelquechose?demandeCarlosenmeserrantencoreplusfortcontreluipourquejel’entendemalgrélesaccentstonitruantsdelastéréo.

Jesecouelateteenprenantlamesuredelascenequej’aisouslesyeux.Laplupartdesilles portent des robes super courtes avec des volants qui voltigent quand ellestourbillonnentsurelles-mêmesendansant.J’ail’airdéplacédansmarobelonguenoirerétro.

—Quelquechoseàmanger?Ilyadelapizza.

—Pastoutdesuite.

Je regarde lesautresdanserunmoment.Laplupart evoluentengroupesur lapisteenfaisantdesbondsenrythmeaveclamusique.PasdeMadisonnideLaceyenvue.Contentedevoirque jeneseraipas laciblede leursremarquesgrossierescesoir, j’abaisseunpeumagarde.

Carlosmeprendparlamainetm’entraîneverslefonddugymnase.

—Viens,onvadanser.

—Tun’espascompletementremisencore.Attendonsqu’ilyaitunslow.Jeneveuxpasquetusouffres.

Ignorantma remarque, il commence a danser. Il n’apas l’aird’avoirmal.D’ailleurs, ondiraitqu’iladansetoutesavie.Lamusiqueaunecadenceendiablee.Laplupartdesgarçonsque je connais n’ont pas le rythme,mais Carlos, lui, si. Il est etonnant. J’ai envie de resterplantéelààl’admirer.

—Montre-moicequetuasdanslestripes,melance-t-ilaunmomentdonne,unelueurespiègledansleregardsoussessourcilsencirconflexe.Jetemetsaudéfi,chica.

Carlos

Kiaradansecommeunepro.Lavache!Unpetitde iderien,etellesemetaondulerdeshanches comme si elle avait la musique dans le sang. Je me rapproche d’elle et nous netardons pas a bouger a l’unisson. Nous trouvons notre rythme au gre des chansons quis’enchaînentsansinterruption.KiaramefaitoublierDevlin,ledrameentreBrittanyetAlex.

Aumilieu d’un air super saccade, le DJ change brusquement la cadence. Unemelodiedouloureusementlenteaproposd’unchagrind’amouremplitlegymnase.Kiarameregarde,nesachantpastropcommentonvas’yprendre.

Je lui attrape lesmainset je lesnoueautourdemoncou.Elle sent tellementbon…undelicieuxparfumde framboises.Alorsque je l’attirea inquesoncorps sepressecontre lemien,jen’aiqu’uneseuleenvie:l’emporteravecmoietneplusjamaislarendre.J’essaiedefairecommesiDevlinn’existaitpas,commesijen’allaispaslaperdrepourtoujoursala indumois.Jeveuxpro iterafonddecettesoireevuquemonavenirm’apparaıtcommeunmegabordel.

—Àquoipenses-tu?medemande-t-elle.

—Aujouroùjepartiraid’ici,jerépondsfranchement.

Elle ne sait pas que j’envisage de quitter le Colorado, mais ce n’est pas grave. Si elleconnaissait mes plans, elle appellerait probablement Alex et ses parents pour qu’ilsinterviennent.ElleconvieraitsansdouteTuckaussipendantqu’elleyest!

Toujours pendue amon cou, elle plonge son regard dans lemien. Jeme penche pourdeposer un petit baiser sur ses levres douces, brillantes. J’en ai rien a faire que les profsregardent.Onnousatousmisengardesurlesrisquesdesefairerenvoyerdubalencasdecomportementdéplacé.

—Onn’apasledroitdes’embrasser,mesouffle-t-elleens’inclinantenarrière.

—Danscecas,allonsquelquepartoùonpeutlefairetranquille.

Mamainglisselelongdesondospourallerseposersurlarondeurdesahanche.

—Hé!Carlos!hurleRamens’approchantdenousavecsacopine.Onsetired’ici.Onvaseposerdanslamaisondemesparentsauborddulac.Vousvenez?

JemetourneversKiara.Elleacquiesce.

—Tuessûre?

—Oui.

Comme il s’estmis a pleuvoir, nous courons jusqu’a la voiture. Je suis celledeRametplusieursautreshorsduparking.Unedemi-heureplustard,onquittelaroutepours’engagerdansunelonguealléeconduisantàunpetitpavillonaubordd’unlacprivé.

—Tuessûrequeçatevad’êtrelà?jedemandeàKiara.

Ellen’apratiquementpasouvertlabouchedepuisqu’onaquittélegymnase.

—Oui.Jen’aipasenviequelasoirées’arrête.

—Moinonplus.

Aprèscesoir,laréalitéreprendrasesdroits.

Nousemboıtonslepasatroisautrescouplesverslamaison,aupasdecourseparcequ’iltombedescordesmaintenant.Lamaisonn’estpasimmense,maislagrandebaievitreedonnesur le lac. Je suis sur qu’on aurait une vue superbe s’il ne faisait pas nuit noire. Pour lemoment,onvoitjustelerideaudepluiequitambourinecontrelesvitres.

Lefrigoestpleindecanettesdebière.

—Servez-vous,nousditRamenenjetantuneachacun.Ilyenad’autresdanslegaragesionenveut.

KiaragardelacanettequeRamluiadonnéeàlamain,sansl’ouvrir.

—Tuvasboirelatienne?medemande-t-elle.

—Peut-être.

Ellemetendsapaume.

—Donne-moi les cles alors. Je ne veuxpasque tu conduises si tubois, dit-elle a voixbassepourquelesautresnel’entendentpas.

—Au fait, hurleRam, tous ceuxquiboivent icipioncent ici.C’est le reglementdans lamaison.

Jeregardeautourdemoi.Lesautressontprêtsàallersepieuter,ondirait.

—Attends-moiici,dis-jeaKiaraavantdecouriralavoiturechercherleportablequej’ai

laissésurletableaudebord.

Cinqminutes plus tard je suis de retour. En depit de sa pretendue timidite, Kiara sedebrouillecommeunchef.Raml’abrancheesur laquestiondesavantagesdudiesel,et j’aienviedebrailler:«C’estmacopine!»Cen’estpasvraimentlecas.En in,çaneleserabientotplus.Enattendant,cesoir,elleestàmoi.Jelaprendsàpart.

—Onvadormirici,luidis-je.Jeviensd’appelertesparents.Ilssontd’accord.

—Commenttut’esdébrouillépourqu’ilsacceptent?

—Jeleuraiditqu’onavaitunpeubu.Au inal,ilspreferentqu’onresteiciplutotqu’onprennelaroute.

—Maisjen’avaispasl’intentiondeboire,moi.

Jeluidécocheunsourireespiègle.

—Cequ’ilsignorentnelestuerapas,chica.

Pendantquelesautressetrouventdescoinstranquillespourpasserlanuit,jem’emparedequelquescouverturesqueRamasortiesduplacardetj’entraîneKiaradehors.

—Onvaoù?medemande-t-elle.

—J’airepereunejeteepresdulac.Jesaisqu’ilfaitfroidetqu’ilpleut…maisc’estal’abri,ettranquille.

J’enlèvemavesteetlaluimetssurlesépaules.

—Tiens.

Elleglisselesbrasdanslesmanchesetlaserreautourd’elle.Çameplaıtqu’elleportemaveste,commesi,enunsens,elleétaitàmoietàpersonned’autre.

Ellem’attrapelepoignet.

—Attends!Donne-moitesclés.

Et merde ! C’est la qu’elle va me dire qu’elle ne m’appartient pas, qu’elle est encoreamoureusedeMichael,qu’elleveutpartir.Ouqu’elleavaitjusteenviequejel’accompagneaubal,quejemesuisfaitdesidees.Memesijen’aibuqu’uneseulebiereetquejesuisencorepeniblementsobre, jen’aiaucuneenviedelaramenerchezelle.Jeveuxquecettenuitdureaussilongtempsquepossible.

—J’aibesoindemonsac,bredouille-t-elle.Jel’ailaissédanslavoiture.

Oh!Sonsac.Jeresteplantelasouslapluie,abasourdi,aregardercette illequimedonneenviedemecolleraelleetdeneplusjamaislalachercommesielleetaitmondoudou.Cesemotionsmefonttotalementbaliser.Surlecheminduponton,onfaithaltealavoiture.Ellerécupèresonsacetleserrecontreellequandnoustraversonslapelouse.

—Mestalonss’enfoncent,dit-elle.

Jeluiconfielescouverturesetjelaprendsdansmesbras.

— Ne me lache pas, s’exclame-t-elle en tenant les couvertures contre elle tout en sependantàmoncoucommesisavieendépendait.

—Fais-moiconfiance.

C’est la deuxieme fois que je lui dis ça ce soir. Elle ne devrait pas se ier amoi parcequ’aprescettenuit,impossiblededirecequivasepasser.Maisjen’aipasenviedepenserademain.Cettesoireevadevoirm’aideratenirlecouptouteunevie.Maiscesoir…cesoirellepeutmefaireconfiance.

Je depose Kiara sur le ponton couvert. Il fait sombre, les nuages cachent la lune. Lacouverturedudessusesthumide.Jemefelicited’enavoirprisplusieurs.J’installelessechessurlepontonpournousfaireunecoucherembourrée.

Jenesaispassionvajustesecontenterdedormir.

—Kiara?

—O-Oui,répond-elle,savoixfaisantéchodansl’obscurité.

—Vienst’allongerprèsdemoi.

Kiara

Moncœurpalpiteàcesmotsetjesensuneonded’excitationmonterenmoi.

—Ilfaitn-noir.Jenevoisrien.

—Suismavoix,chica.Tunetomberaspas.Jesuislà.

Jetendslesbrasdansl’obscuritecommeunaveugle,frissonnantedenervosite,amoinsquecenesoitacausedelapluieglaciale.Quandnosmainsserejoignentdanslanuit,Carlosmeguideverslescouvertures.Jeposemonsaccontenantlepreservatifaproximiteavantderemontermaladroitementmarobepourpouvoirm’asseoir,contrelui.

Ilm’enveloppedesesbrasmusclés,puissants.

—Tutrembles,dit-ilenm’attirantcontresapoitrine.

—Jene-nepeuxpasm’enemp-pêcher.

—Tuasfroid?Jepeuxallerchercherd’autrescouverturessitu…

—Non,net’envapas.Re-re-resteavecmoi.

Jeluienlacelataille,meblottissantcontresoncorpschaud,refusantdelelâcher.

—Jesuisjusteunpeuner-nerveuse.

Ilmecaresselescheveuxtrempésdepluie.

—Moiaussi,chuchote-t-il.

—Carlos?

—Oui.

Comme je ne peux pas le voir, je cherche son visage a tatons. Mamain rencontre samâchoireraséedeprès.

—Raconte-moiundetessouvenirsd’enfance.Unbonsouvenir.

Il met beaucoup de temps avant de repondre. Ne se rappelle-t-il d’aucun evenementheureuxdel’époqueoùilvivaitàChicago?

—Alexetmoi,onfaisaittoujoursdesbetisesapresl’ecolependantquemamanetaitautravail.Alexetaitcenseetreresponsable,maisladernierechosequ’ungossedetreizeansaenviedefaireenrentrantchezlui,c’estsesdevoirs.Onorganisaitdesconcoursqu’onappelaitlesOlympiquesFuentesetoninventaitdesépreuvestotalementridicules.

—Quoiparexemple?

—Alexavaiteucetteideestupidequiconsistaitadecouperlehautdescollantsdemamaetdemettredesballesdetennisdanschaquejambe.Ilappelaitçadescollants-disques.Onlesfaisaittourbillonnercommedesmoulinsavantdeleslanceraussifortqu’onpouvait.Parfoisilfallaitlesenvoyerleplusloinpossible,d’autresfois,leplushaut.(Ilgloussederire.)Onetaittellement cons, on remettait les collants dans le tiroir de maman, persuades qu’elle nedouteraitjamaisquec’étaitnousquilesavionsbousillés.

—Elleétaitsévèreavecvous?

—Disonsqueças’estpasséilyaseptans,etquej’aiencoremalauxfesses.

—Ouilleouilleouille.

—Alexetmoi,onpassaitbeaucoupdetempsensembleal’epoque.Unjour,j’avaisdecidequejevoulaisetreunpirate.Jesuisalledanslachambredemama,j’aiprissoncoffretabijouxetjel’aienterredanslesbois,presdelamaison.C’etaitpresquequedutocetcesepinglesalaconqu’elledevaitporter auboulot. En rentrant a lamaison, j’ai dessine une carte avecungrandXenrouge indiquant l’endroitou j’avaiscachemon tresor,et j’aidit aAlexd’aller lechercher.

—Ill’atrouvé?

—Non.(Ilricane.)Etmoinonplus.

—Tamèreadûêtrefurax.

—C’estriendeledire,chica.Touslessoirsapresl’ecole,j’allaiscreuserdanslesboispouressayerderetrouverlecoffret. Jen’ai jamaispumettrelamaindessus.Lepire,c’estqu’ilyavaitsonalliancededans…Ellene laportait jamaisparcequ’apres lamortdepapa,ellenevoulaitpasprendrelerisquedelaperdre.

—ÔmonDieu!C’esthorrible.

—C’estvrai,maisc’etaitdroleenmemetemps.Unjour,jeretrouveraicecoffret,amoinsquequelqu’unn’aitdejamislamaindessus.Bon,atontour.Qu’est-cequetuasfaitquandtuétaispetitepourmettreenrogneletout-puissantprofesseuretlareineduthébio?

—Unefoisj’aicachélesclésdepapapourqu’ilnepuissepasallerautravail.

—Tun’aspasmieux?

— Je faisais semblant d’etremalade pour pouvoir rester a lamaison au lieu d’aller al’école.

— S’il te plaıt ! J’etais le champion de ce genre de truc. Tu n’as pas quelque chose devraimentcostaud?Saufsituasétéunmodèledevertutoutetavie?

—Quandj’étaisfâchéecontremesparents,jemettaisduTabascosurleurbrosseàdents.

—Voilà!Çac’estdéjàmieux.Sympa!

—Mesparentsnem’ont jamais frappee. Ilsne croientpas a cegenredepunition.Parcontre,j’aieudroitadestasd’interdictionsdesortiedurantmaphaserebellequandj’avaisdouzeans.

Carloséclatederire.

—Moi,jevisenétatderébellionpermanent.

Sesdoigts seposent surmongenou et remontent lentement.Quand ils rencontrent lajarretière,ileffleureladentelle.

—Qu’est-cequec’estqueça?

—Unejarretiere.Tuescensemelaretireretlagarderensouvenir.Commeunesortedetrophee, la preuve que tu es alle loin sexuellement avec une ille. C’est ridicule, en fait. Etplutôtdévalorisantquandonypen-pense.

—Jesaiscequec’est,dit-ild’untonamuse.Jevoulaisjusteentendrel’explicationdetabouche. (Il la fait lentement glisser le long de ma jambe, en suivant le parcours avec seslèvres.)Çameplaît,ajoute-t-ilenm’ôtantmeschaussurespourfinirderetirerlajarretière.

—Tuesd’humeurrebellelà?

—Si.Très.

—Tuterappellesquandjet’aiditqu’onallaitfairedesbêtisesundecesjours,toietmoi?

—Oui.

—Jecroisquecejourestarrivé.

D’unemaintremblante, jecommenceadeboutonnersachemise.Jel’ouvreetjedeposedespetitsbaiserssursontorsemuscle.Mabouchedescendaufuretamesurequejedefaislesboutons.

—Tuveuxfairedesbêtisesavecmoi,Carlos?

Carlos

Sij’aienviedefairedesbetisesavecelle?Etcomment!Laminuteouj’aiposelesyeuxsurelleaulycee,j’aisuquej’etaismalbarre.Lasensationdeseslevreschaudesetdoucessurmapeauestentraindemefaireperdrelatete.Jelalaisseprendrelecontrole,jemeretiensmemesimoncorpsenreclameplus.Brittanym’aditdereprimermonegoetmonattitudecesoir.Leproblème,c’estquejen’aiaucunemaîtrisesurl’unoul’autre.

Salanguefrôlemonmamelongauche.

—Jep-peux?chuchote-t-elle.

Aucune illenem’afaitça.D’ailleurs,jenesuispassurquej’accepteraisqu’uneautremelefasse.Maisjen’aipasaffairean’importequelle ille.C’estKiara.J’aidansl’ideequ’ellepeutfairecequebonluisembleàcetinstant,etqueçam’iratrèsbien.

—Oui.C’estsuperagréable,chica.Jesuisimpatientdeterendrelapareille.

Jerespireavecpeineenincitantlerestedemoncorpsasecalmerpendantquesaboucheémigréversl’autrecôtédemapoitrine.

J’aibesoindelasentircontremoi.Jen’aijamaisprétenduêtreunmecpatient.

—He, jemurmureen lui levant lementon. Je l’embrassedoucement, impatientqu’elles’allongecontremoi.Àmontour!

J’ecartema veste de ses epaules et je la jette au loin.Mes doigts s’acheminent vers lafermeture Eclair dans son dos. A mesure que je la fais glisser, exposant une peau quej’aimeraisvoirmaisquejedoismecontenterd’imaginer,Kiaradeboutonnemonpantalonetplongesamainàl’intérieurpourmecaresseràtraversmonboxer.

—Qu’est-cequetufais?

—Desolee,s’excuse-t-elleenretirantprestementsamain.J’avaisbe-besoindefairequel-quelquechoseavecmesmainsetjevoulaissavoirsiçat’excitait.

J’éclatederire,luilaissanttoutloisirdetrouverlaréponse.

—Alors,àtonavis?jedemande,amusé.

—Tuesexcité,çanefaitpasdedoute.

—Fautquandmemequejetedise…(Jeluiprendslamainuninstantavantdelareposeroùelleétait.)Rienquedepenseràtoi,çamarche.

Je perçois son sourire,meme sans le voir. J’imagine les longs cils encadrant ses yeuxchangeantsquiontdûprendreuneteintegrisclair.

Jefaisglissersarobedesesépaulesjusqu’àcequejeluiaieôtéecomplètement.

— A ton tour, chuchote-t-elle en s’ecartant prestement alors que je m’apprete a lacaresser.

J’enlèvetoutsaufmonboxerpuisjel’attiresouslescouverturesavecmoi.

—Tuasfroid?

Elletrembleunpeutandisquesesdoigtsef leurentmonvisagecommesiellecherchaitamémorisermestraits.

—Non.

Jemepenchesurellepourl’embrasser.

—Donne-moitesmicrobes,dis-je,memoquantdelaremarquedeBrandonaproposdubaiser.

—Seulementsitumedonneslestiens,répond-elle,sabouchecontrelamienne.

Elleentrouvreleslevresetnoslanguessemelangentdelicieusement,m’excitantencoreplus,sitantestquecesoitpossible.

Noscorpssemettentaoscilleral’unisson,pressesl’uncontrel’autre,pendantcequimeparaıt une eternite. Je glisse unemain dans sa culotte, la caressant pendant qu’elle-memem’enveloppedesdeuxmains.

—J’aiapportéunpréservatif,dis-jequandellecommenceàfairedescendresaculotte.

Onachaudtouslesdeux,onestennage,etjen’ytiensplus.

—Moiaussi,chuchote-t-elledansmoncou.Maisonnepourrapeut-êtrepasl’utiliser.

—Pourquoipas?

Jem’attendsqu’elledisequec’etaituneerreur,qu’ellen’avaitpasl’intentiondememettredans tousmes etats pourm’annoncer au inal que je ne suis pas digne de lui prendre savirginité.

Elles’éclaircitlavoix.

—Çadép-dépendsituesallergiqueaulatexoupas.

—Aulatex?

Onnem’ajamaisposelaquestion.Peut-etreparcequetouteslesautres illesavecquij’aiétésupposaientquej’apporteraisdescapotes,ouquejenemeprotégeraispas.

—Jen’aiaucuneallergie,chica.

—Tantmieux,dit-elleenplongeantlamaindanssonsacpourensortirunpreservatif.Tuveuxquejetelemette?

Je ne vois pas son sourire en coin,mais je le devine. Cen’est pasmoi qui suis vierge.Pourtantcesoir,j’aieudroitàunesuccessiondegrandespremières.

—Tuessûredesavoirfaire?

J’entendsl’enveloppesedéchirer.

—Tumede ies la ? chuchote-t-elle, puis, se penchant versmoi, sa bouche a nouveaucontrelamienne,elleajoute:ô,Carlos.Tusaisbienquejesuisincapablederésisteràundéfi.

Kiara

—Reveille-toi,chica.LavoixdeCarlos,lacaressedesesdoigtssurmonepaulemetirentdemonsommeil.

Nosjambessontentremelees,matetereposeaucreuxdesonbras,etlesouvenirdenosébatsquelquesheuresplustôtfaitressurgirdessentimentsdoux-amers.

J’ouvre les yeux. Il fait encore nuit, et nous sommes nus comme des vers sous lescouvertures.

—Salut,jechuchoted’unevoixfaible.

—Salut.Ilfautqu’onyaille,Kiara.

—Pourquoi?Onnepeutpasresterencoreunpeu?

Ilseraclelagorgeets’ecartedemoi,sonmouvementprovoquantunsouf led’airfroidsurmapeau.

—J’aioubliéquejedevaisrapporterlavoitureàAlexcesoir.

—Oh!fais-jebêtement.D’accord.

A l’evidence, il panique et regrette ce qu’on a fait. J’ai compris. Je ne sais pas ce qui aprovoquéçaàl’instant,maisj’aicompris.

—Habille-toi,dit-ilsanslamoindreémotiondanslavoix.

Unefoisqu’onesttouslesdeuxhabillés,ilmetendsaveste.

—Paslapeine,dis-je.J’aimonimper.

—Tul’aslaissédanslavoiture.Metsça.Çateprotégeradelapluie.

—Jen’enaipasbesoin.

Jem’elancesouslapluie,piedsnus.J’aibesoindesonamour.Desonhonnetete.Savesten’étaitqu’uneprotectionsuperficielle.Elleestcomplètementtrempéedetoutefaçon.

UnefoisqueCarlosafourrelescouverturesdanslecoffreenmarmonnantquelquechoseaproposd’unelaverie,onsemetenrouteatraverslesruessombres,desertes.Ensilence.On

entend juste la pluie qui tambourine sur le toit. J’aimerais qu’elle neme fasse pas autantpenserauxlarmes.

—Tuesfâchécontremoi?

J’enfilemonimperpourqu’ilnevoiepasmesbrastrembler.

—Non.

—Alorsarretedefairelatete.C’etaitmerveilleuxpourmoicesoir.Negachepastout,s’ilteplaît.

Ils’engagebientotdansl’alleedecheznousetsegarepresdemavoiture.Iltombedestrombesmaintenant.

— Attends quelques minutes, que ça se calme, dit-il pendant que je recupere meschaussuresetmonsac.

—Commentvas-turentrerquandtuaurasdéposélavoiture?

—Jevaisdormirchezmonfrère.

Jesuisdesyeuxlesgouttelettesdepluiequitracentdessillonssurlepare-briseavantdesevolatiliser.Ilvafalloirquej’yaillesanstardersijeveuxéviterdecraquerlamentablement.

—Justepourquetusaches,jeneregrettepascesoir.Vraimentpas.

Il se tourne vers moi. Les lumieres du dehors eclairent son beau visage aux traitspuissants.

—Écoute.J’aibesoinderéfléchir.Toutesttellement…

J’achèvesaphrase.

—Complique.Laisse-moitefa-fa-faciliterlatache.Jenesuispasbeteaupointdepenserquelasituationachangeparce-parcequ’onacoucheensemble.Tuaseteon-onnepeutplusclairdepuisledebutenmedisantquetunevoulaispasdecopine.Voila,j’aitoutsimpli ie.Tueslibreetsansattaches.

—Kiara…

Jenesupporteraispasdel’entendrem’expliquerqu’onacommisuneerreurcesoiralorsquejeviensdelededouaner.Jesorsprecipitammentdelavoiture,maisaulieudecourirvers

laported’entree,jem’engouffredansmavieilleguimbarde.J’aibesoind’etredansunendroitoujepeuxre lechir,etpleurersansquepersonnem’entende.Mavoitureseramonsanctuaire.SiseulementCarlosvoulaitbiendémarrer,quejepuissepleurertoutmonsoûl.

Mais ildescendsavitreetmefaitsignedel’imiter. Ilessaiedemedirequelquechose,maissavoixporteàpeinedanslevacarmedudélugequis’abat.Jemepencheparlafenêtre.

—Qu’est-cequetudis?

Ilsepencheasontour,merejoignantami-chemin.Onesttrempestouslesdeux,maisons’enfiche.

—Neprendspaslafuitequandj’aibesoindetedirequelquechosed’important.

—Quoi?

J’espere qu’il n’a pas remarque les larmes qui semelent aux gouttes de pluie surmesjoues.

—Cesoir…pourmoiaussi,c’etaitmerveilleux.Tuasbouleversemonunivers.Jesuisentrainde tomberamoureuxde toi, chica, et çame fout lesboules. J’aibalise toute la soireeparcequejelesavais.J’aiessayedelenier,detefairecroirequec’etaitbidonentrenous,maisc’étaitunmensonge.Jet’aime,Kiara,dit-ilavantdetendrelecoupourm’embrasser.

Carlos

—Qu’est-cequetufousla?demandeAlexenmevoyantdebarquerchezluiacinqheuresdumatin.

—Jereviensm’installerici,dis-jeenmefrayantunpassageacotedelui.Jusqu’acequeKenoetmoi,onfichelecampàlafindumoisentoutcas.

—TuescenséêtrechezlesWestford.

—Jenepeuxplushabiterlà-bas.

—Pourquoipas?

—J’espéraisquetunemeposeraispaslaquestion.

—Tuasfaituntrucillégal?demande-t-ilenfaisantlagrimace.

Jehausselesépaules.

—DanscertainsEtatsçapourrait.Ecoute,Alex,jen’aipasd’autreendroitoualler.Jepeuxtoujoursallervivredanslarueaveclesautresgaminsqueleurfranginafichusàlaporte…

—Arretetesconneries,Carlos.Tusaistresbienquetunepeuxpasvivreici.Lejugetel’ainterdit.

Jugeoupas,jenepeuxpaspro iterdeWestford.Ilfaitpartiedecesgensbonsqui,pourmoi,n’existaientquedanslesfilms.

—J’aisautélafilleduprof,jemarmonne.Alors,jepeuxrestericioupas?

—S’ilteplaît,dis-moiquetuplaisantes.

—Impossible.C’etaitlebaldedebutd’annee,Alex.Etavantquetumefassesunsermonsurlebienetlemal,rappelle-toiquelapremierefoisquetuascoucheavecBrittany,c’etaitacaused’unpari.Vousavezfaitçaparterredanslegaragedenotrecousin.Lejourd’Halloween,enplus!

Alexsefrottelestempes.

—Tunesaisrienaproposdecettenuit-la,Carlos,alorsnefaispassemblantd’etreaucourant. (Il s’assoit sur son lit et prend sa tete entre ses mains.) Pardon de te poser la

question,maisfautquejesache…Tuasutiliséunpréservatif?

—Jenesuispascomplètementidiot.

Ilrelèvelesyeux,lessourcilsfroncés.

—Jereconnaisquejesuisunpeucon,maistoutdemême.Onavaitunecapote.

—Tun’aspasfoirésurtoutelaligneaumoins.Tupeuxrestericicesoir.

Il sortdescouverturesetunoreillerduplacardapresquoi il retournes’allongersur lematelaspneumatique,sibienquejedoisdormirparterre.Dixminutesplustard,leslumiereséteintes,tandisquejefixelesombresauplafond,jebriselesilence:

—Quandes-tutombeamoureuxdeBrittany?Tul’assudepuisledebutoubienest-cequ’ils’estpasséuntrucparticulier?

Commeilnerepondpastoutdesuite,j’enconclusqu’ildort.Puisjel’entendspousserunlongsoupir.

—C’etaitpendantlecoursdechimiedemadamePeterson…Quandellem’aditqu’ellemedétestait.Arrêtedejacassermaintenantetdors.

Jemetournesurlecoteetjerepassetoutelasoireedansmateteencommençantparlemoment ou j’ai vu Kiara dans sa robe noire. Cette vision m’avait coupe le souf le,littéralement.

—Alex?

—Qu’est-cequ’ilyaencore?

—Jeluiaiditquejel’aimais.

—C’étaitsincère?

Je ne plaisantais pas quand j’ai dit a Kiara qu’elle avait mis monmonde sens dessusdessous.Quelgenrede illeportedesvetementsbaggytouslesjours,aunmeilleurpotequiestgay,begaiequandelleperdsesmoyens,collel’horairedesdouchessurlaglacedelasalledebains, fabriquedescookies aaimantsrienquepourmefoutreenrogne,bricolesurdesbagnolescommeunmecettrouvequec’estunde idemettreunpreservatifaungarçon?Elleestcinglée,enfaitquandj’ypense.

—Jesuisdanslamerdejusqu’aucou,Alex.Jerevedemereveillertouslesmatinsacoted’elle.

—Tuasraison,Carlos.Tuesdanslamerde.

—CommentjevaisfairepourmesortirdecettehistoireavecDevlin?

—Jen’ensaisrien.Jenesuispasplusrenseignequetoisurlaquestionacestade,maisj’aiunepetiteidéesurlapersonneàquionpeuts’adresserpourréglerça.

—Quiça?

—Jetelediraidemainmatin.Enattendant,boucle-la.Laisse-moidormir.

A cet instant,mon portable s’ebranle, les vibrations retentissant bruyamment dans lepetitappartement.

—Putain!Quipeutbient’appeleràuneheurepareille?protesteAlex.Devlin?

Aprèsavoirlulemessage,j’éclatederire.

—Non.C’estuntextodetonex-copine.

Alexserelèved’unbondetm’arracheletéléphonedesmains.

—Qu’est-cequ’elledit?Pourquoiest-cequ’ellet’écrit?

—Calme-toi,frerot.Elletenaitasavoircommentmasoirees’estpassee.JeluiaienvoyeunSMSavantdevenirici.Jenepensaispasqu’ellerépondraittoutdesuite.

—Elleveutsavoirsijesuisaussimalheureuxqu’elle,constateAlexenlisantlemessageasontour.

Lalueurdel’ecransere letantsursonvisagereveletout.Ilesttoujoursdesesperement,abjectement amoureux de Brittany. Jeme paierais sa tete si je ne pensais pas avoir eu lamemeexpressionquandjemesuisreveilleaveclecorpsdeKiarapressecontrelemienetquej’aiprisconsciencequejeprefereraismourirplutotquedevivreunjourdeplussanselle.Çanefaitpastreslongtempsquejelaconnais,maisrienqu’alaregarder,jesensqu’onestfaitsl’unpourl’autre.Ilyadesgensquitrouveraientpeut-etreçabizarre,maismoijecomprendstrèsbien.

—Eh,Alex,renvoie-luidoncunmessageenluidisantquetuessupermaletpretatoutpourlarecuperer…memesiçat’oblige adıneravecsesparentset abaisersespiedsblancperlependantlessoixante-dixprochainesannées.

—Qu’est-cequetusaisdesrelations,oudespiedsblancperle?Laissetomber.Jeneveuxpasconnaîtrelaréponseàcettequestion.

Ilsedirigeverslasalledebainsetfermelaportederrièrelui.

Vuqu’iln’estplusdanslachambre,autantquejepro itedesonlit.IlvapasserunboutdetempsacoteaenvoyerdesSMSasonex-copine,jusqu’acequ’elleredeviennesacopine.Aufond, j’ai bien fait d’adresser un message a Brittany avant de venir, sachant qu’elle etaitprobablementréveilléeetaussimalheureusequemonfrère.

Surleponton,quandj’aicaresseleslongscheveuxdeKiarapendantqu’elles’endormaitdansmesbras,unepeurparalysantem’aenvahi.Jemesuisrenducomptequecequej’avaisvecu avecDestiny n’avait rien a voir avec ce que j’eprouve pourKiara. Çam’a terri ie, j’aipanique.J’airessentilebesoindeprendremesdistancespourdigerertoutça.Tantquejesuispresd’elle,jefantasmesurunaveniravecelleaulieudemeconcentrersurlarealite–asavoirque je vais quitter le Colorado a la in dumois. Comme dirait Keno, il n’y a pas vraimentd’autresolution.

Alexmesecouecommeundingue.

—Lève-toi.

—J’aibesoindedormirencorequelquesheures.

—Paspossible.Ilestdéjàmidi.Ettuasreçuunmessage.

Brittany encore. Ils feraientmieux de se remettre ensemble. Çame ferait un souci enmoins.

—Jet’aiditdeluienvoyeruntextoetdeluidirequetuétaisprêtàtoutpourlarécupérer.

—Cen’estpasunmessagedeBrit.J’ouvreunœil.

—Kiara?

Ilhausselesépaules.

—Tuenasreçuund’elle,effectivement.

Jemeredressetellementvitequelesangmemontebrutalementàlatête.

—Qu’est-cequ’ellevoulait?

—Savoirsituallaisbien.J’aireponduataplace,quetuavaisdormiicietquetudormaisencore.MaistuaseuunmessagedeDevlin.Ilveuttevoircesoir.

Jemefrottelanuquepourévacuerlatension.

—Bonben,nousyvoila!Inutiledeseleurrer.Ilnem’apasoublie.Ils’estdonnebeaucoupdemalpourmerecruter.Jenevoispascommentjepeuxm’ensortir.

— Il y a toujours unmoyen de s’en tirer,me repond Alex enme jetant une serviette.Prendsunedouche.Habille-toi.Tun’asqu’am’emprunterdesfringues.Grouille-toi.Letempspresse.

Unpeuplustard,ilmeconduitsurlecampusdeBoulder.Jelesuisdansundesbatiments,et me ige quand nous nous arretons devant une porte marquee RICHARD WESTFORD,PROFESSEURDEPSYCHOLOGIE.

—Qu’est-cequ’onfaitlà?

—Ilpeutnousaider,m’assureAlexavantdefrapper.

—Entrez.(Westfordlevelesyeux.)Salut,lesgarçons.Vousvousetesbienamuses,Kiaraettoi,sijecomprendsbien,Carlos.Colleenm’aditqu’elledormaitencorecematinquandjesuispartidelamaison.Jen’aipaspuluidemandercommentças’étaitpassé.

—C’étaitsuper,jemarmonne.Kiaraest…

—Unphénomène,jesais.Onnes’ennuiejamaisavecelle.

—J’allaisdiremerveilleuse.Votrefilleestmerveilleuse.

—Jen’ysuispaspourgrand-chose,avraidire.Colleenaformidablementbienelevenosenfants.Kiaraajustebesoindesortirunpeudesacoquille.C’etaitgentilatoidel’emmeneraubal.Ellet’enesttresreconnaissante,jelesais.Bon,enattendant,jesuissurqu’Alexn’apassollicite cet entretien pour qu’on parle de la pluie et du beau temps. Qu’est-ce qui vousamène?

—Répète-luicequetum’asdit,ordonneAlex.

—Pourquoi?

—Parcequec’estunhommedeterrain.

Je jette un coupd’œil au crane degarni deWestford.Unhommede terrain, tu parles !Autrefoispeut-être,maisplusmaintenant.C’estunpsydésormais,etnonplusunsoldat.

—Vas-y,insisteAlexd’untonagacé.

Jen’ai pasd’autre alternative.Autant cracher lemorceau.Westford trouverapeut-etreunesolutionàlaquellejen’aipaspensé.Çam’étonnerait,maisçavautlecoupd’essayer.

—Vousvousrappelezquandjemesuisfaittabasseretquejevousaiditqu’onm’avaitagresséprèsducentrecommercial?

Ilhochelatête.

—J’aimenti.Enfait…(JemetourneversAlexquim’exhorteacontinuer.)JemesuisfaitembrigaderparuncertainDevlin.

— Je sais qui c’est, m’interrompt le professeur. Je ne l’ai jamais rencontre, mais j’aientenduparlerde lui.C’estundealer. (Ilplisse lesyeuxet j’entrevois l’hommecoriacequ’ildoitencoreêtreaufonddelui.)Tuasintérêtànepasfaireaffaireaveccegars-là.

— Tout le probleme est la. Soit je vends sa camelote, soit il me tue. A ce stade, jepréféreraisdealerplutôtquemourir.

—Tuneferasnil’unnil’autre.

—Devlinestunhommed’affaires.Laseulechosequil’intéresse,c’estlefric.

—Lefric,hein?

Westford s’incline en arriere sur sa chaise, faisant fonctionner ses meninges a pleinregime.Lachaisebasculetellementloinqu’ilestobligedeseraccrocherasonbureaupournepassecasserlafigure.Supercoriace,lemec!

—Dessuggestions?demandeAlex.Onn’aplusd’idées.

Westforddressel’index.

—Jepeuxpeut-êtrefairequelquechosepourvous.Quanddois-tulerencontrer?

—Cesoir.

—Jeviensavectoi.

—Moiaussi,renchéritAlex.

—Genial!Onvaorganisernotreproprepetitgangderenegados.(Jericane.)OnnepeutpasallertrouverDevlincommeça.

—Attendsunpeu,tuverras.Quoiqu’ilfaillefaire,ontesortiradelà.

Ilplaisanteouquoi?Cen’estpasmonpere.Ildevraitmeconsiderercommeunfardeau,unboulet,quinevautpaslecoupqu’onsebattepourlui.

—Pourquoivousfaitesça?

—Parcequemafamilletientatoi.Ecoute,Carlos,jecroisquelemomentestvenuquejeteparleunpeudemonpassé,histoirequetusachesàquituasaffaire.

Jesuisimpatientdel’entendre.

Jem’adosseamachaise,mepreparantaunlongrecitlarmoyantaproposdemechantsdaronsrefusantdeluiacheterlejouetqu’ilavaitdemandepoursessixans.Oudugamindulyceequi luiacasse lagueulepour luipiquersongouter.Amoinsqu’iln’enaitvoulu asesparents de lui avoir achete une voiture d’occasion au lieu d’une neuve pour ses seize ans.S’attend-ilvraimentquejeleplaigne?Aurayondumélodrame,jelebatshautlamain.

Ils’agite,malàl’aise,sursachaise,pousseungrossoupir.

—Mesparentsetmonfreresontmortsdansunaccidentdevoiturequandj’avaisonzeans.(Lavache!Jenem’attendaispasaça.)Onrentraitalamaisonunsoir,ilneigeait.Monpèreaperdulecontrôleduvéhicule.

Uneminute!

—Vousétiezdanslavoiturevousaussi.

Ilhochelatête.

—Jemerappellequ’ilafaituneembardeeetpuislavoitures’estmiseatourbillonner.(Ilhesite.)Ensuiteuncamionnousapercutes.J’entendsencorelescrisdemamerequandelleavu les gros phares se diriger droit sur nous, je revois les yeux demon frerem’implorantcommesijepouvaisfairequelquechose.

Il s’eclaircit la voix, deglutit, etmon cynisme a la pensee de gagner ce « concours del’enfancelaplusmalheureuse»sedissipeàvitessegrandV.

—Apreslechoc,quandmoncorpsacessedetremblercommeunepoupeedechiffon,j’aiouvertlesyeuxetj’aivudusangpartoutdanslavoiture.Jenesavaismemepassic’etaitlemien,celuidemesparentsoudemonfrere.(Sonregardestdevenuvitreux,maisilneversepasunelarme.)Monfrereetaitenmorceaux,Carlos.J’avaisl’impressionquej’allaismourirsije bougeais, tellement j’avaismal,mais il fallait que je le sauve. Que je les sauve tous. J’aiessayed’arreterlesangquicoulaitdelablessuredemonfreresurson lancaussilongtempsquej’aipu.Dusangchaud.J’enavaispleinlesmains.Lesambulanciersontdum’arracheralui.Jenevoulaispaslelacher.Jenevoulaispaslelaissermourir.Ilavaitseptans.UnandeplusqueBrandon.

—Ilssonttousmorts,saufvous?

Ilhochelatête.

—Jen’avaispasd’autrefamillepourm’offriruntoit.J’aipasselesseptanneessuivantesdefamilled’accueilenfamilled’accueil.(Ilplongesonregarddanslemien.)Enfait,jemesuisfaitrenvoyerpresquechaquefois.

—Àcausedequoi?

—Toutcequetupeuximaginer.Bagarres,drogues,fugues…Engros,j’avaisbesoind’etre

compris,guide,maispersonnen’avaitletempsnil’enviedemeremettresurlabonnevoie.Pour inir,adix-huitans,onm’alachedanslanature.JemesuisretrouveaBoulderoujesuistombesurdestasdegaminscommemoi.Maisvivredanslarue,cen’estpasfolichon.J’etaisseul,jen’avaispasd’argent.Unjourquejemendiaisdanslarue,unhommem’alanced’untonrailleur:«Tameresait-elleoutuesetcequetufaisdetavie?»Çam’afaitre lechir.Simameremeregardaitdela-haut,elleseraitfollederageenvoyantquejenefaisrienpourm’ensortir.Jemesuisrenducompteaussiquej’auraisbeaumebattre,çanemerendraitpasmafamille.Touteslesdroguesdumonden’effaceraientpasleregarddemonfreremesuppliantde l’aider. Je ne pourrais jamais fuir cette image. Fuir ne ferait qu’aggraver les choses. J’aifocalisétoutecetteénergiesurl’armée.

—Jeneveuxpasquevousrisquiezvotreviepourmoi,professeur.C’estdejaassezgravecommeçaquejeveuillesortiravecvotrefille.

—Onparleradeçauneautrefois.Concentrons-noussurleproblemequinouspreoccupemaintenant. A quelle heure es-tu cense rencontrer ce Devlin ? acheve Westford d’un tondéterminé.

Nousnousmettonsd’accordpournousretrouveraseptheuresetorganiserunplan.Quelplan?Jen’enaipasl’ombred’uneidee.J’esperequed’iciseptheurescesoir,Westfordl’auradetermine.Pourtoutdire,jemesenssoulagedecon ieren inmonsortaquelqu’unenquij’aiconfiance.

Kiara

Lundimatin,mamanadécidédepréparerdespancakespourlepetitdéjeuner.

—Qu’est-cequetufaisencoreàlamaisonàcetteheure-ci?

—Mesemployesvontsechargerdel’ouverture,repond-elleenmegratinantd’unsourire,cedouxsourirequimefaisaittoujoursunbienfouquandj’etaiscoinceealamaison,petitefille,parcequej’étaismalade.C’estsympad’êtrelàpourunefoisquandBrandonettoipartezàl’école.

—Avez-vousparléavecCarlos,papaoutoi?

Çadoitfairecentfoisquejeposelaquestiondepuishier.Mesparentsonttouslesdeuxundroledecomportementdepuisquepapaestrentredutravailhier.Asonretour,ilssesontenfermesdesheuresdans sonbureau. Ils ont l’air sur lesnerfsdepuis, et jen’arrivepas asavoirpourquoi.

Carlos m’a dit qu’il allait dormir chez Alex l’autre soir, juste avant de m’avouer qu’ilm’aimait.J’aimeraisqu’ilsoitlapourm’assurerquetoutirabienentrenous,maisjesaisqu’ilavaitbesoindeprendresesdistancespourréfléchir.

Leprobleme,c’estquejen’aipasapaisesaplusgrandecrainte.Ilfautqu’ilsachequejenevaispaslelaissertomber,nirenonceranous.J’auraisbienaimepouvoirluiparlercematinavantlescours,maisiln’apasréapparudepuisqu’ilm’adéposéedimancheàl’aube.

Jeregardemamanremuervigoureusementsapâteàcrêpes.

—Jenesaisquetedire.

—Commentça?

—Jeneveuxpasenparler.

Jem’approched’elleetposeunemainsursonbras,interrompantsonmalaxage.

—Quesepasse-t-il,maman?Ilfautquetum’expliques.(J’avalemasaliveavecpeine.)Jerefuse de baisser les bras et laisser le garçon que j’aime vivre une vie d’enfer parce qu’ilm’aimeenretour.Çanevautpaslecoup.Jesuispretearompreavecluisiçapeutlerendreheureux.J’aibesoindesavoir,maman.

Ellesetourneversmoi,etjevoisqueleslarmesbrouillentsonregard.Ilsepassequelque

chose,çanefaitaucundoute.

—Tonpereditqu’ilalasituationenmain.Jeluifaiscon iancedepuisvingtans.Jenevaispasarrêtermaintenant.

—Celaa-t-ilquelquechoseavoiravecCarlos?Aveclefaitqu’ilsesoitfaittabasser?Est-ilendanger?

Mamanprendmonvisageentresesmains.

—Vaàl’école,machérie.Jesuisunpeutenduecematin,excuse-moi.Çavapasser.

—Qu’est-cequivapasser,maman?Jecommenceàpaniquermaintenant.Dis-le-moi.

Ellereculeunpeu,sedemandantmanifestementquellesseraientlesconsequencessiellesedécidaitàmerévélerlesecretqu’elledétient.

—Tonpereditqu’ils’enoccupe.Hier,ilaeuunelongueconversationavecTometDavid,sescopainsdel’arméequitravaillentpourlabrigadedesstupéfiants.

—J’aimalaucœur.

—Çavaaller,Kiara.Vatepreparerpourl’ecoleetnedispasunmotdetoutçaaquiquecesoit.

—Lepetitdéjeunerestprêt?s’enquiertBrandonenentrantdanslacuisine.

Mamanseremetàremuersamixture.

—Presque.J’aifaitdespancakesàlafarinecomplète.

Brandon fait sa fameuse moue a laquelle personne dans la famille ne peut resister.Gardera-t-il toujours cette expression ?Connaissantmon frere, je suis surequ’a cinquanteans,ilentireraencoreparti.

—Tupeuxmettredespépitesenchocolatdedans?S’ilteplaît!

Mamansoupireavantdedéposerunbaisersursajouerebondie.

—D’accord,maisvamettreteschaussurespourquetunesoispasenretardpourlebus.

Pendantqu’elleverseunepremierelouchedepatedanslapoelebouillante,jemeglissedanslebureaudepapa.Jesaisquec’estmal,çanesefaitpas,maisjem’installeasatableetjeparcours l’historiquedenavigation sur sonordinateur. Sur Internetd’abord, puisdans sesdossiers. S’il y a le moindre indice sur ce qui se passe, il faut que je le sache. Et comme

personnenemeditrien,jen’aipasd’autresolutionquedemenermonenquêtemoi-même.

Malheureusement pour papa, heureusement pour moi, il n’a rien efface. En faisantapparaıtre toutes les pages qu’il a ouvertes au cours des dernieres vingt-quatre heures, jetombesurunelettrequ’ilaecriteasonpatron,proposantunnouveauprogramme,unprojetd’examenpoursaclasseencoursd’élaborationainsiqu’untableauremplidechiffres.

Je l’examine avec attention. C’est de la inance… un releve bancaire. Le derniermouvementdated’aujourd’hui:unretraitdecinquantemilledollars,laissantunsoldedecinqmille.Unseulmotpourdéfinirceprélèvement:Liquide.

Monpereasorticinquantemilledollarsdesoncompteaujourd’hui.C’estlieaCarlos,j’ensuisconvaincue.

—Kiara,lespancakessontprêts!criemamandelacuisine.

Ilestclairqu’ellenemedirapaspourquoimonpereaprelevecettesommecolossaledeleurcompte.Jefaisl’innocenteetjemangemescrepesenscotchantunsourireinsouciantsurmonvisage.

Dèsqu’onafinilepetitdéjeuner,mamans’empressedeconduireBrandonàl’arrêtdebus.J’en pro ite pour retourner issa sur l’ordi de papa parce qu’une autre ideem’est venue al’esprit : jevaissur lesitedecartesdont ilsesertd’ordinaireet jecliquesur lesdernieresrecherches.

Commejem’yattendais,lesdeuxdernierescorrespondentadesadressesinconnues.Lapremiere,presd’EldoradoSprings,l’autreaBrush,unebourgadesitueeauneheureetdemiedecheznousenvoiture.Jesaisqu’ilyabeaucoupdeproblèmesdedroguelà-bas,etmoncœursombredansmapoitrine.Qu’est-cequisepasse, a la in? Jenoterapidement lesadresses,j’éteinsl’ordinateuretvoyantmamanrevenir,jereprendsmonairinnocent.

En ouvrantmon casier a mon arrivee a l’ecole, j’y trouve deux roses posees surmesbouquins,unerougeetunejaune,lieesensembleparunchapeletnoiretaccompagneesd’unpetitmot.UncadeaudeCarlos.Çanefaitaucundoutedansmonesprit.Agenouilleedevantmoncasier,jelislemessagegriffonnésurunefeuilledepapierarrachéeàunchapelet.

K

La leuristem’aditquelejauneetaitunsigned’amitie,etlerouged’amour.Lechapeletestlaseulechosedevaleurquejepossède.Ilestàtoi.Jesuisàtoi.

C

—C’estbienKiaraWestford?s’exclameTuckenapprochantderrieremoi.La illequinemerappellejamais?

Jeserremestrésorscontremapoitrine.

—Salut.Désolée.C’estlafolieencemoment.

—Qu’est-cequetutiens?demande-t-ilenfronçantlessourcils.

—Destrucs.

—Çavientdetonétalonmexicain?

Jebaisselesyeuxsurlesmagnifiquesroses.

—Iladespro-pro-problemes,Tuck.Monpereestaveclui,etmamanesttoutebizarre.Ilfautquejelesaide,maisjenesaispascomment.Onnepeutpasmelaisserdansl’ignorancealorsqu’ilssonttousendanger.Jemesenstellementinutile.Jenesaispasqu-qu-quoifaire.

Jenem’enrendspascomptetoutdesuite,maisjesuisentraindefrotterlesperlesduchapeletentremesdoigts.Tuckm’entraînedansunesalledeclassevide.

—Quelgenredeproblèmes?Arrêtedetremblercommeça.Tumefaispeur.

— Je ne p-peux pas m’en empecher. Je crois que ça a quelque chose a voir avec desdealers.Jebaliseamort.PapaseprendpourRambo.Ilpensequ’ilpeuttoutarranger.Ilsepeutque labrigadedes stupe iants soit impliqueeaussi. J’ai l’impressionqueCarlosestdans lamerdejusqu’aucou,Tuck.Jenesaismemepasquiestledealerenquestion,saufqu’apreslabaston,Carlosm’aparléd’uncertainDiable,ElDiabloenespagnol.

—ElDiablo?(Tucksecouelatete.)Çanemeditrien.Tusaisaquitudevraisparlerdeça?

—Àqui?

—ARamGarcia.Sameretravaillepourlabrigade.Elleestvenuenousfaireunspeechaproposdesonboulotenclasseilyaunboutdetempsdeça.

Jel’embrassesurlajoue.

—Tuesungénie,Tuck!jelanceavantdepartiràlarecherchedeRam.

Unedemi-heureplustard,jesuisdevantmadameGarcia,lamamandeRam,encostumepantalonbleumarine,chemisierblanc.Lelookparfaitd’unagentdelabrigade.DesqueRamm’adonnesonnumero,j’ai iledansmavoiturepourl’appeler.Jeluiairacontetoutcequejesavais.C’estlapremierefoisdemaviequejesechelescours.Enmemetemps,jen’aijamaiseuàmerongerlessangspourCarlosetmonpèreauparavant.

Ellevientderaccrocheraprèsavoirparléàmaman.

—Ellearrive,medit-elle.Maisilvafalloirqueturestesiciquelquesheures.Jenepeuxpastelaissersortirdecetimmeuble.

—Jenecomprendspas.Pourquoi?

—Parcequetuconnaisl’adresseaBrush.Cetteinformationpourraitmettredestasdegensenpéril.

Ellesoupire,puissepencheau-dessusdesonbureaucouvertdepilesdedossiers.

— Pour dire les choses crument, Kiara, ton pere, Carlos et Alex sont tombes sur uneaffairesurlaquellenoustravaillonsdepuisdesmois.

—S’ilvousplaît,dites-moiqu’ilsnesontpasendanger,jelasupplie,lecœurbattant.

—Nousavonsinformenosagentsin iltresdanslegangquetonpereetlesfreresFuentesdevaient etre proteges. Ils sont aussi en securite qu’on peut l’etre quand une descenteantidroguesestsurlepointd’avoirlieu,d’autantplusquetonpèreprendratouteslesmesuresnécessaires.

—Commentlesavez-vous?

—Iladejacollaboreavecnousenqualitedepro iler,etlorsd’operationsclandestines.Ilacache l’operationencours aCarlosetAlexpour leurprotection.Moins ilsensavent,mieuxc’est.

Quoi?Monpere travaillepour labrigade?Depuiscombiende temps? Ilnenousenajamaisparle.Jamaisjen’auraisimaginequ’ilpuissetravaillerensecretpourlaDEA.Toutceque jesavais,c’estqu’ilavaitdesamis a l’armeeavec lesquels ilestresteencontactetquitravaillaientpourlabrigade.

Ma perplexite doit se lire sur mon visage parce que madame Garcia se leve et vients’accroupirprèsdemoi.

—Tonpereaprispartad’importantesmissionsdecombataveccertainsdenosagents.Ilesttresrespecte,ilsaitcequ’ilfait.(Ellejetteuncoupd’œilasamontre.)Toutcequejepeuxte dire, c’est que nous lesmaintenons sous une surveillance constante, et que nos agentsinfiltréssonthautemententraînés.

—Çam’estégalqu’ilssoienthautemententraînés.

Mesyeuxseremplissentdelarmes.JepenseatoutcequejevoulaisdireaCarlosetquej’aigardépourmoi,àtouteslesfoisoùj’auraisdûdireàmonpèrequejel’aimais.

—Jeveuxavoirlagarantieabsoluequ’ilsnerisquentrien.

MadameGarciametapotelegenou.

—Malheureusement,cegenredegaranties-làn’existepasdanslavie.

Carlos

Jemetourneversmonfreredontlesjointuressonttoutesblanchesaforcedeserrerlevolant. Le professeur a passe toute la journee a envisager differents scenarios, au cas ouDevlin,ouundeseshommes,décideraitdenepastenirparoleetdenoustirerdessus.

EnarrivanthiersoirchezAlexounousavionsrendez-vous,Westfordportaituncolroulenoiretunpantalonsombre,commes’ilseprenaitpourZorro.J’ail’impressionquelepauvrealanostalgiedesoperationsmilitairesclandestinesauxquellesilaparticipejadis.Ilavaitl’airtoutexcité.

NemedemandezpascequiluiaprisdepasserunaccordavecDevlin.Jemesuisengueuléavecluipendantuneheureenluidisantqu’iletaithorsdequestionqu’ilclaquedesdizainesdemilliersdedollarsdeseseconomiespourmesortirdecemerdier.J’enavaismalalagorgeaforce,maisiln’arienvouluentendre.Iladitqu’ilnegocieraitavecElDiablo,avecousansmonconsentement.

Avantqu’ilmettesonprojetaexecution,onaeuunelonguediscussion.Iletaitdisposeaproposerd’acheterDevlinpourlasommequ’ilfaudrait…àunecondition.

Quejem’engagedansl’arméeouquejefassedesétudesuniversitaires.

C’etait aprendreoua laisser.Leprofesseurvoulaitbiensedelesterd’unpaquetdefricpourmelibererdeschaınesdeDevlin,maispassanscontrepartie.C’estdel’esclavage,jeluiaiditcetaprès-midipendantqu’onétudiaitleplanendétail.

—Arrêtedediredesconneries,Carlos.Tumarchesoupas?

Onaechangeunepoigneedemainet,amagrandesurprise,ilm’aprisdanssesbrasenmedisantqu’iletait ierdemoi.Çafaitbizarrequ’untypequisaitquijesuis,etcequej’aifait,sesouciequandmêmedemonaveniretveuillequejeréussisse.

Devlin lui a donne vingt-quatre heures pour reunir les cinquante mille dollars qu’ilreclame.Avantça,ilvoulaitquejemepointedansunendroitsecretaBrushpourprouverquejeformeunfrontuniavecRodriguezdevantnosalliesdesGuerreros.Jepensequ’ungroscoupseprepare,maislesfournisseursmexicainsnefontpascon ianceaDevlin.JemedemandesilaguerrederueaveclesR6adéjàcommencé.

Onestenrouteverslelieudurendez-vousavecDevlinetRodriguez.Westfordal’argent,dansunsacdetoileentrelespieds.Depuislabanquettearriere,jeregardelesdeuxmecsquiconstituentmondetachementpersonnel.Moncœurbatfortalaperspectivedelesembarquerdanscettehistoire. J’etaiscense faireçatoutseulsansentraınerquiquecesoit.Devlinestmonproblème,maisilsontdécidédeleprendreàleurcompte.

Je repense a Kiara caressant mon tatouage. Elrebelde. Je suis un pietre rebelle si j’aibesoind’unvieuxetdemonfrerepourmeseconder.Çameretournelestripesqu’ilssoientlaavecmoi,maisj’avouequejenesaispastropcequej’auraisfaitsanseux.

—Ilestencoretempspourquevousvousdégonfliez,vousdeux.Jepeuxyallertoutseul.

—C’esthorsdequestion,répondAlex.Jeviensavectoi,quoiqu’ilarrive.

—Jesuisfinprêt,renchéritWestfordentapotantsonsac.

—Çafaitunesacreesomme,professeur.Vousetessurdevouloirvousdelesterdetoutcefric ? Si vous vous desinteressiez de moi et gardiez l’argent, je ne vous en tiendrais pasrigueur,voussavez.

Ilsecouelatête.

—Plusquestiondereculermaintenant.

— Si l’un de vous a l’impression que quelque chose va de travers, tirez-vous vite fait.Devlinsedébrouilletoujourspouravoirledessusennombred’hommes.

UnefoisdansBrush,Alexralentitl’allure.LesruesmerappellentFair ield,ouonhabitaitdansl’Illinois.Onnevivaitpasdanslequartierleplusfriquedelaville.Certainespersonnesrefusaientdetraverserlazonesudparcraintedespiratesdelaroute,maisc’étaitcheznous.

Desjeunesauncoinderuezieutentlavoitured’Alexd’unairsoupçonneux.Sional’airdesavoircequ’onfaitetouonva,toutsepasserabien.Siondonnel’impressiond’etreperdus,onestfoutus.

Aumomentouons’engagedansunealleesinueusepourseretrouverdevantunesorted’entrepot abandonne, je chope la chair de poule. Pourquoi Devlin a-t-il insiste pour nousdonnerrendez-vousici?

—Tuesprêt?medemandeAlexensemettantaupointmort.

—Non.(Westfordet luise tournentversmoicommeunseulhomme.) Jevoulaisvousremercier, jemarmonne.Mais… vous pensez queDevlin va prendre l’argent et se tirer, ounousdescendreetprendrelefricquandmême?

Leprofesseurouvresaportière.

—Iln’yaqu’unseulmoyendelesavoir.

Noussortonsdelavoiture,touslessensenalerte.JemesuismoquedeWestfordparcequ’ils’estfringuetoutennoir,maisilabeletbienl’aird’unduracuire.Vieux,chauve,maisduràcuirequandmême.

—Ilyaungarssurletoit,unàdeuxheuresetunàdixheures,souffle-t-il.

C’étaitquoisonsurnomdansl’armée?Œildelynx.

Unautretypefaitlepieddegrueal’entreedubatiment.Unevingtained’anneespeut-etre,avecdescheveuxtellementdécolorésqu’ondiraitqu’ilssontblancs.

—Onvousattend,dit-ild’untonbourru.

—Bien,dis-je.

Resoluaprendrelasituationenmain,j’entrelepremier.S’ilssemettentatirer,jeserailacible,etAlexetWestfordreussirontpeut-etreas’echapper.Pendantquelemecauxcheveuxblancsnousfouilleaucasouonseraitvenusarmes,Westfordsecramponneasonsaccommes’illuiétaittroppénibledes’enséparer.Lepauvre,ilnefaitvraimentpaslepoids!

—Jenevoulaispasquevoussoyezimpliquélà-dedans,onestd’accord?

—Inutiled’ergoter.Ceseraitunepertedetempsetçanetemèneranullepart.

Notreguidenousentraîneversunpetitbureausurlecôtédubâtiment.

—Attendezici,ordonne-t-il.

Nous y voila. Les freres Fuentes et un ex-bidasse cramponne a un sac contenantcinquantemilledollarspourachetermaliberté.

Rodriguezapparaît.Ils’installeàlatable.

—Bon,qu’est-cequetunousamènes,Carlos?

—Del’argent.PourDevlin.Lebossn’estpasvenu,fautcroire.

—Onm’aditqu’unbienfaiteurt’avaitrachete.Tuconnaisdesgenshautplaces,dis-moi?ajoute-t-ilenlorgnantleprofesseur.

—Sionveut.

Iltendlamain.

—Donnez-moiça.

Westfordsertlesacplusfortcontrelui.

—Non.Devlinetmoiavonsconcluunmarché.Onvaréglercetteaffairetouslesdeux.

Rodriguezrapprochesonvisagedusien.

—Soyonsclairs,grandpapa.Vousn’avezaucunpouvoirici.Vousdevriezmelecherlecul,sinonvousrisquezdevousretrouveràterreavecunoudeuxtrousdeplusdanslevôtre.

—Oh, que si, j’ai du pouvoir.Ma femme est en possession d’une lettre qu’elle a pourmission de remettre a la police si nous ne rentrons pas sains et saufs. Croyez-moi, onn’oublierapassifacilementunenseignantrespecte.Onvoustraquerajusqu’acequ’onvoustrouve,Devlinetvous.

Iladittoutçasansrelâchersapoignesurlesac.

Visiblementfrustre,Rodriguezquittelapiece.Jemedemandes’ilvanoustirerdessusetembarquerlefricàsonretour.

—Vouscroyezpeut-etrequeDevlinvavousdonnerunreçu?jedemandeauprofesseur.Jedoutequevousayezdroitàunabattementfiscal.

Ilsecouelatête.

—Memeensituationdedanger,tucontinuesajouerlesfortestetes.Tunelachesdoncjamais?

—Non.Çafaitpartiedemoncharme.

—Commentsavez-vousqueDevlinestlàd’abord?intervientAlex.

Leprofesseurnesourcillemêmepas.

—S’ilyauntypesurletoitetdeuxautresenfaction,surveillantlesalleesetvenuesdetoutlemonde,c’estquelebossestlà.Faites-moiconfiance.

Unedemi-heureplustard,Devlinenpersonneentredanslebureaud’unpasnonchalant.Ilestclairqu’ilnousafaitattendreexpres,pourbiennousfairesentirsasuperiorite.Iljetteuncoupd’œilausac.

—Yacombienlà-dedans?

—Lasommeconvenue…Cinquantemille.

Devlindéambuledanslapièceennousobservantd’unairsceptique.

—Jemesuisrenseignésurvous,professeur.

Westfordal’airnerveuxunedemi-seconde,maismasqueaussitotsonanxiete.J’ignoresimonfrèreouDevlinl’ontremarqué,maismoisi.

—Etqu’avez-vousdécouvert?

—Pasgrand-chose.C’estcequ’ilyadeplusbizarre,repondDevlin.Ducoup,jemedisquevousavezpeut-etredesaccointancesdanslesservicesderenseignements.Vousetesvenulapourmetendreunpiège,siçasetrouve.

Jenepeuxpasm’empecherderire.Leprofesseurneconnaıtpersonnedanscesmilieux-la. Peut-etre qu’a l’epoque de sa gloire, il etait une sorte de soldat agent secret, maisaujourd’hui, il n’est plus que le papadeKiara et deBrandon. Les soirees familiales le fontbander,nomdeDieu!

—Lesrelationsquej’aiselimitentaudépartementdepsychologiedel’université.

—Tantmieux,parcequesijedecouvrequevousetesenchevilleavecles lics,cesgaminsvont regretter de vous avoir rencontre. Rodriguezm’a dit que votre femme a une lettre aremettre a la police a in d’assurer votre securite. Je n’aime pas les menaces, professeur.Ouvrezcesac.

Westfords’executeetsortl’argent.Unefoisconvaincuquelasommeestcompleteetquelesbilletsnesontpasmarqués,Devlinm’ordonnedelesramasseretdelesluidonner.

—Onaencoreunequestionaregler,dit-ilenmedesignant.Rodriguezettoi,vousallezrencontrerdespotesàmoi.Desgensimportants.AuMexique.

—Quoi?Çasûrementpas.Tupeuxtoujourscourir.

—Çanefaisaitpaspartiedumarché,intervientWestford.

—Ehbien,j’aichangeladonne,repliqueDevlin.J’ail’argent,unearmeetlepouvoir.Vous,vousn’avezrien.

Al’instantou ilprononcecesmots, lesolsemetatremblercommesionetaitenpleintremblementdeterre.

—C’estuncoupmonté,hurlequelqu’underrièrelaporte.

LeshommesdeDevlinsesonttousdisperses,oubliantleurmissiondeprotectionpoursauverleurpeau.

Desagentsdelabrigadedesstupe iantsenvestesbleuesfontirruptiondansl’entrepot,armesaupoing.Ilsordonnentàtoutlemondedesecoucheràterre.

Leregardfou,Devlinsortun45desaceintureetlebraquesurleprofesseur.

—Non!jehurleavantdemejetersurDevlinpourluifairelâchersonarme.

PersonnenetueraWestford,memesiçaveutdirequejedoismeretrouveralamorgue.J’entendslecouppartiretj’aisoudainl’impressiond’avoirlacuisseenfeu.Dusangcouledemajambesurlesolenciment.C’estsurrealiste.J’aipeurderegarderlablessure.Jenesaispassic’estgrave.Ondiraitqu’unmillierd’abeillesm’ontpiquelacuisseenmemetemps.Alexserue surDevlin,mais ce dernier est plus rapide. Il oriente son armeversmon frere, et unehorriblepaniquem’envahit.Jerampeversluipourl’arreter,maisWestfordmeretient.Acetinstant,letypeauxcheveuxblancsentredanslapièce,unGlockàlamain.

—Police!braille-t-il.Posezvosarmes.Putainmais…

Enunquartdeseconde,Devlinabraquesonarmesur lui.Un echangedecoupsde feus’ensuit.Jeretiensmonsouf le,maisjerecommencearespirerquandjevoisDevlinaterre,serrantsapoitrinedesdeuxmains.Ilalesyeuxouverts,unemaredesangsouslui.Ladouleuratroceal’ideedeperdremonfrereouWestfordentrelesmainsdeDevlinm’inciteafermerhermétiquementlespaupières.

Quandjelesrouvre,j’aperçoisRodriguezducoindel’œil.Ilbraquesonarmesurlegarsauxcheveuxblancs.J’essaiedeprevenircedernier,maisamongrandetonnement,Westfords’emparedel’armedubossetabatRodriguezcommeuntireurd’élitechevronné.

Puisilaboiedesordresaundesagentsdelabrigadependantqu’Alexetluim’emportenthorsdel’entrepôt.

—Vousetesdelabrigade?jeluidemande,lesdentsserreesparcequemablessuremefaitunmaldechien.

—Pasexactement.Disonsquej’aiencoredesbonsamishautplacés.

—Vousallezpouvoirgarderlescinquantemillealors?

—Oui.Cequiveutdirequenotremarchénetientplus.Tun’espasobligéd’alleràlafacoudansl’armée.

Deuxbrancardiersarriventprecipitammentavecuneciviere.Ilsm’yattachentmaisjemedébrouillepourvoirleprofesseuravantqu’ilsm’emmènent.

—Justepourquevoussachiez.Jevaism’enrôler.

—Jesuisfierdetoi.Maispourquoi?

Jegémisdedouleur,maisréussisàesquisserunrictus.

—Jeveux etresurqueKiaraaitunpetitamiquiaautrechose a luioffrirqu’uncorpsdivinetunetroncheàfairepleurerlesanges.

—Çat’arrivedelaissertomberl’ego?

—Ouais.

Quandsafillem’embrasse,monegofichelecamp.

Kiara

JecaresselebrasdeCarlosetjelelaisseserrermamaindanslasiennependantquenousattendonsleverdictdumedecinaproposdesajambe.Alexnel’apasquitted’unesemellenonplusdepuisquenoussommesarrives a l’hopital. Ilapeur,et j’ai l’impressionqu’ils’estimeresponsabledecequiestarrivéàsonjeunefrère.Maistoutestfinimaintenant.

MonpereadecouvertquelamamandeCarlosetsonpetit frere etaientmenaces.Avecleurpermission,illesadoncfaitvenirdansleColorado.Illesaideaussiatrouverunlogementtemporaire,cequejetrouvesuper.

—Papaassurequetuvast’ensortir,dis-jeaCarlosenmepenchantpourluideposerunbaisersurlefront.

—Etc’estunebonnechose?

Ok,Kiara,c’estlemomentdetelacher.C’estmaintenantoujamais.Jeluiparleal’oreillepourqu’ilsoitseulàm’entendre.

—Je…jecroisquej’aibesoindetoi,Carlos.Dugenre…,pourtoujours.

Quandjerelevelatete,ilplongesonregarddanslemien.C’estcequejeveux.C’estluiqueje veux. Plus que ça, j’ai vraiment besoin de lui. On a besoin l’un de l’autre. Plus je merapprochedelui,plusjemenourrisdel’énergieetdelaforcequ’ildégage.

Je vois bien qu’il a envie de dire quelque chose, pour remplir le silence comme a sonhabitude,maisilseretient.Oncontinueaseregarderdanslesyeux.Jenedetourneraipaslesmiens.Pascettefois-ci.

D’ungestetremblant,jemassesonplexussolairesursachemisedansl’espoird’apaiserladouleur.Ilrespireplusfortmaintenant,etjesenssoncœurbattresousmesdoigts.

Ilposesamaincontremajoue,sonpouceglissantdoucementsurmapeau.Jefermelesyeuxetjemelaisseallercontresapaumechaude,quimefaitfondre.

—Tuesdangereuse,dit-il.

—Pourquoi?

—Parcequetumefaiscroireàl’impossible.

Apres l’operation, alors que toute la famille est reunie autour de son lit d’hopital, on

frappeàlaporte,etBrittanyentred’unpashésitant.

—Mercidem’avoirappelée,Kiara.

C’estCarlosquim’aditdelefairejusteavantl’intervention,apresm’avoirfaitpartdelaruptureentreAlexetelle.

—Jet’enprie.Jesuiscontentequetusoislà.

—Moiaussi,ditCarlos.Jesuissousmorphine,jetepreviens.Tuaspeut-etreenviedeleconsignerquelquepart. (Voyant son frere sur lepointdequitter lapiece, Carlos ajoute enbredouillant:)Alex!Attends.

Alexseraclelagorge.

—Qu’est-cequ’ilya?

—Jesaisquejevaisregretterdet’avoirditça,maisvousnepouvezpasrompre,Brittanyettoi.

—C’estdéjàfait,répliqueAlexavantdesetournerverssonex.Pasvrai,Brit?

—Commetuveux,Alex,répond-elle,frustrée.

—Pasdutout.(Ilserapproched’elle.)C’esttoiquivoulaisqu’onsesepare,mamacita.Nememetspasçasurledos.

—Maisc’esttoiquiveuxqu’oncachenotrerelationamesparents.Pasmoi.J’aienviedecriersurtouslestoitsqu’onestensemble.

—Ilapeur,Brittany,intervientCarlos.

—Dequoi?

Alexcaleunemèchedecheveuxblondsderrièrel’oreilledeBrittany.

—Jeredoutequetesparentsnet’ouvrentlesyeuxsurlefaitquetuméritesmieuxqueça.

—Tumerendsheureuse,Alex,tumedonnesenviedetravaillerdur.Jemeprendsaujeudetesrevesd’aveniretjemeursd’envied’yparticiper.Queçateplaiseounon,tufaispartiedemoi. Personne ne peut rien y changer. (Elle leve les yeux vers lui, le visage baigne delarmes.)Fais-moiconfiance.

Ilessuieseslarmeset,sansdireunmot,illaprenddanssesbrasenétouffantunsanglot.

Unedemi-heureplustard,Alex,Brittanyetmesparentssesontechappespourrallierlacafeteria de l’hopital. Tuck apparaıt, les bras charges d’un gros vase rempli d’œillets rosesauquelestattacheunballonsurlequelonlit50%DESMEDECINSONTLEURDIPLOMEDANSUNEPOCHETTESURPRISE–ONESPÈREQUEVOTREOPÉRATIONS’ESTBIENPASSÉE!

—Salut,amigo!

—Ohnon!Paslui!railleCarlosd’unairfaussementagacé.

Çame faitdubiendevoirqu’iln’arienperdudesacombativiteapres les evenementsd’aujourd’hui.

—Quiest-cequil’ainvité?

Tuckposesonvasesurlereborddelafenêtre,unsourirejusqu’auxoreilles.

—Allons!Nesoispasaussigrincheux.Jesuisvenuteremonterlemoral.

—Enm’apportantdesfleursroses?s’exclameCarlos,pointantledoigtverslevase.

—Enfait,ellessontpourKiara,vuqu’elleestobligeedesefarcirtapomme.(Ilrecupereleballonetattachelaficelleaupieddulit.)Jepeuxtefaireunstrip-teasesiçatedit.

Carlossecouelatête.

—Dis-moiquej’aimalentendu,Kiara.

—Soisgentilaveclui.Ilestvenujusqu’icipourtemontrerqu’iltientàtoi.

—Disonsque j’ensuisvenu a t’apprecier,repliqueTucken ecartantsescheveuxdesaigure.Deplus, si je t’avais pas sous lamain pourmedefouler,ma vie seraitmoins drole.Regardeleschosesenface,amigo,tumecomplètesenfait.

—Tuesloco.

—Ettoi,tueshomophobe,maisavecKiaraetgraceamesconseils,tuaslepotentieldedevenirunetreconvenableettolerant.(Sonportablesemetasonner.Illesortdesapocheetannonce:)C’estJack.Jerevienstoutdesuite.

Apresquoi,ildisparaıtdanslecouloir,nouslaissantseuls.En in,pastoutafait.Assissurunechaisedansuncoindelachambre,Brandonestabsorbéparsonjeuvidéo.

Carlosmeprendlepoignetetm’attiresurlelitaveclui.

—Avantaujourd’hui,j’avaisl’intentiondequitterleColorado,m’avoue-t-il.Jepensaisque

c’étaitmieuxquejenesoisplusunfardeaupourtesparentsoupourAlex.

—Tuaschangéd’avis?jedemande,nerveuse.

J’aibesoinqu’ilmedisequ’ilaenviederesterpourdebon.

—Jenepeuxplusm’enaller.Tonpèret’aditquemáetLuisvenaient?

—Oui.

—Cen’estpaslaseuleraisonpourlaquellejereste,chica.Jenepeuxpasplustequitterquejenepeuxsortird’iciavecmajambeencompote.J’aijusteunequestion…Tupensesqu’ilfautquejelediseàtesparentsmaintenantouplustard?

—Leurdirequoi?jedemande,lesyeuxécarquillés.

Ilm’embrasseavecdouceuravantd’ajouterfièrement:

—Quenoussommesengagésdansunerelationsérieuseetmonogame.

—Ahbon?

—Si.Etdèsquejesortiraid’ici,jevaisréparerlaportièredetavoiture.

—Passijem’enoccuped’abord.

Ilmedévisageensemordantlalèvrecommesijel’excitais.

—Est-ceunenuancededéfiquej’entendsdanstavoix,chica?

Jeluiprendslamainetentrelacenosdoigts.

—Absolument.

Ilmeserrecontrelui.

—Tun’espaslaseuleaapprecierlesde is.Etsacheunefoispourtoutesquej’aimelescookiesauxpépitesdechocolatchauds,tendresaumilieu…etsansaimantscollésdessus.

—Moiaussi.Lejouroùtutedéciderasàenfaire,préviens-moi.

Iléclatederireetinclinesonvisageverslemien.

—Vousallezvousembrasserlà?bafouilleBrandon.

—Ouais,alorsfermelesyeux,repondCarlosavantdenousmettrelacouverturesurlatête.Jenetequitteraijamais,chuchote-t-ilcontremabouche.

—Tantmieux.Jenetelaisseraijamaispartir.Etmoinonplusjenetequitteraijamais.Nel’oubliepas,d’accord?

—Entendu.

—Bonalors,est-cequeçaveutdirequetuvasapprendreàfairedel’escalade?

—Jeferain’importequoiavectoi,Kiara.Tun’aspaslulemotquej’aimisdanstoncasier.Jet’appartiens.

—Etmoijesuisàtoi.Pourtoujours,etencoreplusqueça.

Vingt-sixansplustardÉpilogue

CarlosFuentesregardelafemmequipartagesaviedepuisvingtansfairelescomptesdelajournee.LesaffairesmarchentbienaugarageMcConnellqu’ilsontrachetedesqu’ilaquittel’armee.Ilss’ensontplutotbiensortis,ycomprisdurantlesanneesdecrise.Kiaraatoujoursapprecie leschosessimplesdans lavie,memedepuisqu’ilsont lesmoyensdefairemieux.Qu’est-cequevousvoulez?FairedelavarappeauxabordsduDomelarendplusheureusequetoutaumonde,etc’estdevenuunrituelhebdomadairepoureux.

Leski,lesnowboard,c’estuneautrepairedemanches.Chaquehiver,Carlosemmenesafemmeetsesenfantsauxsportsd’hiver,maisilassistedeloinauxleçonsqueKiaraprodiguea leurstrois illes.EllessonttoujourssupercontentesquandleuroncleLuisvientaveceuxparcequec’estleseuldesfreresFuentesaetreassezfoupourfairelacourseavecellessurlespistesnoires.

Apresavoirchangel’huiledelavoituredesonvieuxcopainRam,Carloss’essuielesmainsavecunchiffon.

—Kiara,ilfautqu’onparledecegaminquetonperenousaforcesaprendresousnotretoit.

—Iln’estpasmechant,repond-elleenlegrati iantd’unsourirerassurant.Ilajustebesoindequelquesconseils,etd’untoitsurlatête.Ilmefaitunpeupenseràtoi.

—Tuplaisantes?Tuasvulenombredepiercingsquecevoyous’estfaitfaire?Jepariequ’ilenadansdesendroits…Jeneveuxmêmepaslesavoir.

Acetinstant,Cecilia,leur illeaınee,s’engouffredanslegarageauvolantdesavoiture.Levoyouenquestionestàcôtéd’elle,surlesiègepassager.

—Ilalescheveuxtroplongs.Ondiraitunemujeràbarbe,commenteCarlos.

—Chut!Allons,soisunpeupluscompréhensif,protesteKiara.

—Ouetiez-vouspasses?lance-t-ild’untonaccusateuralasecondeoulesdeuxlyceenssortentsimultanémentdelavoiture.

Ilsnerépondentnil’unnil’autre.

—Dylan,suis-moi.Ilfautquenousayonsuneconversationentrehommes.

Lejeunegarçonlevelesyeuxauciel,cequin’echappepasaCarlos,maisillesuitdanssonbureaudansuncoindel’atelier.Apresavoirfermelaporte,Carloss’installedanssonfauteuilderrièrelatableetfaitsigneàDylandeprendreplaceenfacedelui.

—Çafaitdejaunesemainequetu logescheznous,mais j’avaisbeaucoupdetravail,sibienquejen’aipaseuletempsdetespécifierlerèglementenvigueursousnotretoit.

—Ecoutez,vieux,repliquelegamind’untonnonchalantavantdesecarrerdanssonsiegeenposantseschaussuressalessurlebureaudeCarlos.Jen’appliquejamaislesrègles.

Vieux?N’appliquepaslesregles?Bonsang,cegosseabesoind’unboncoupdepiedauxfesses.Pouretrefranc,Carlosabienreconnuenluilerebellequ’iletaitjadis.Westfordetaitlemeilleur pere de substitution qu’il aurait pu esperer avoir a l’epoque ou il a debarque auColorado…Pourtoutdire, il l’avaitappelepapaavantmemed’epouserKiara.Iln’osememepasimaginercommentsonexistenceauraittournésanssesprécieuxconseils.

EnecartantlespiedsdeDylandesonbureau,ilrepensealafoisouleprofesseurluiavaitfaitunsermoncomparableàceluiquiestsurlepointdesortirdesabouche.

—Uno,pasdedroguesnid’alcool.Dos,pasdegrosmots. J’aiunefemmeettrois illes,alorssurveille ton langage.Tres,couvre-feu adixheuresetdemieensemaine,etminuit leweek-end. Cuatro, tu dois faire ton menage et donner un coup de main quand on te ledemande,commenospropresenfants.Cinco,pasdeteleamoinsquetun’aies initesdevoirs.Seis…(Iln’arrivaitpasasesouvenirdelasixiemeregleimposeeparsonbeau-pere,maisçan’avaitpasd’importance.Carlosavaituneregledesoncruqu’ilvoulait faireentrerdans lecrânedesonhôte.)Interdictiondesortiravecmafille.N’ypensemêmepas.Desquestions?

—Ouais.Une seule. (Le gosse sepenche et plante son regarddans le sien, un sourireespiegle aux levres.) Qu’est-ce qui se passe si j’enfreins ne serait-ce qu’une seule de vosputainsderègles?

Tabledesmatières

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Carlos

Kiara

Vingt-sixansplustardÉpilogue