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27/04/2011 LEÇON INAUGURALE DE L'UNIVERSITÉ GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS Thème: «L’avenir de l’agriculture en Afrique» Saint-Louis, Sénégal 27 avril 2011 Madame, Messieurs les Ministres, Monsieur le Recteur, Mesdames, Messieurs les Membres de l’Assemblée de l’Université, Chers étudiants et amis, Excellences, Mesdames et Messieurs, Honorables invités, I. Introduction Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma profonde gratitude à l’Assemblée de l’Université Gaston Berger qui, en sa séance du 10 février 2011, a accepté la proposition de choisir le Directeur général de la FAO, comme parrain de la Nouvelle Unité de Formation et de Recherche de Sciences Agronomiques, d’Aquaculture et de Technologies Alimentaires. Aucun acte ne pouvait, au plan personnel, revêtir une valeur plus émotive que cette leçon inaugurale.

Discours dg fao pour la rentrée solennelle 2011 de l'ugb

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27/04/2011

LEÇON INAUGURALE DE L'UNIVERSITÉ GASTON BERGER DE

SAINT-LOUIS

Thème: «L’avenir de l’agriculture en Afrique»

Saint-Louis, Sénégal

27 avril 2011

Madame, Messieurs les Ministres,

Monsieur le Recteur,

Mesdames, Messieurs les Membres de l’Assemblée de l’Université,

Chers étudiants et amis,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Honorables invités,

I. Introduction

Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma profonde gratitude à l’Assemblée de

l’Université Gaston Berger qui, en sa séance du 10 février 2011, a accepté la

proposition de choisir le Directeur général de la FAO, comme parrain de la

Nouvelle Unité de Formation et de Recherche de Sciences Agronomiques,

d’Aquaculture et de Technologies Alimentaires.

Aucun acte ne pouvait, au plan personnel, revêtir une valeur plus émotive que

cette leçon inaugurale.

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Le hasard, que Cournot définit comme «la rencontre des phénomènes qui

appartiennent à des séries indépendantes dans l’ordre de la causalité», a voulu

que la lecture ait lieu en cette ville historique, où le cours d’eau qui porte le nom

de notre pays étreint, dans ses bras affectueux, l’île enchanteresse où j’ai vu le

jour.

Il finit sa course nonchalante du côté de l’hydrobase au sable blanc, dans une

embouchure, témoin direct et patient du dialogue saisonnier du fleuve et de la

mer, au rythme du flux et du reflux.

Ce site, si calme et un peu complice, pourrait cependant raconter, aux habitants

de la cité, le premier envol glorieux des pilotes de l’aéropostale, au-dessus de

l’Atlantique, à destination de Natal, au Brésil.

Mesdames et Messieurs,

Il est d’usage, en une solennelle circonstance comme celle qui nous réunit

aujourd’hui, de rappeler que la jeunesse porte les espoirs du pays et qu’elle est le

socle de notre avenir. C’est, en effet, la loi biologique de formation, de

multiplication, d’évolution, de dégénérescence et enfin de cessation des

activités des cellules qui détermine de manière inéluctable la durée de la vie

dans le règne animal. L’être humain n’échappe pas à ce déterminisme et la

pyramide des âges est une des caractéristiques d’une population.

Au Sénégal, 68% des 13 millions de personnes ont moins de 25 ans. Vous êtes,

en outre, la génération de l’Iphone, de l’IPAD, de Google, de Facebook, de

Twitter, du « Cloud computing », du courrier électronique et des messages

instantanés.

Vous êtes donc, d’ores et déjà, les acteurs principaux de votre destin et de celui

de la Nation, car ce sont les choix que vous effectuerez et les actions que vous

mènerez dès maintenant qui détermineront le cours de l’histoire de notre pays.

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Ainsi donc, par delà l’émotion que je ressens, c’est la raison qui va émailler mes

propos.

L’Université, l’alma mater, la mère nourricière, va vous ouvrir les portes de la

connaissance qui est indispensable à la productivité et à l’efficacité.

Elle va vous permettre de passer de l'opinion relevant de l'appréciation, de

l'apparence, des sens et donc du subjectivisme, à la connaissance qui est du

domaine des concepts, de la réalité, de la pensée et partant de l'objectivisme.

Platon nous dit: «Il me semble que celui qui sait quelque chose perçoit la chose

qu'il sait. Aussi loin que je puisse le discerner à présent, la connaissance n'est

rien d'autre que la perception» et Socrate complète en disant: «La perception est

donc toujours quelque chose qui est, et puisqu'elle est une connaissance, elle est

infaillible»1. Il ajoute: «Mais toutes les choses dont nous aimons à dire qu'elles

sont, sont réellement en train de devenir» pour souligner la théorie de

l'évolutionnisme.

L'Université va aussi vous initier à la logique cartésienne des règles du

«Discours de la méthode», ainsi qu’à la dialectique qui est questionnement pour

trouver des réponses et dépassement des conclusions primaires par leur

élargissement et leur approfondissement. Elles seront des outils analytiques et

méthodologiques indispensables pour aller, selon Kant2, du noumène «postulat

de la raison pratique», au phénomène objet de vos études et de vos

connaissances, afin de comprendre le sens de l'enseignement de vos professeurs

et de pouvoir passer de la base théorique au processus opératoire.

Mais si la pensée universelle m’a imposé le devoir de remonter à des références

occidentales, pour situer le cadre de la gnoséologie, en tant que « Théorie de la

connaissance, de ses sources et des ses formes », je ne peux oublier que je

1 Théétète « Postulats de la raison pratique »

2 Critique la raison pure

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m’adresse à un auditoire sénégalais qui a des sources négro-africaines

authentiques.

En effet, « la philosophie donne aux évènements leur dimension en hauteur,

mais c’est l’histoire qui leur donne leur dimension en profondeur ».

Aujourd’hui, les ethnologues acceptent l’origine africaine de l’humanité. Mais

c’est le regretté Professeur Cheikh Anta Diop, auteur du livre: « Nations nègres

et culture » qui a établi de manière scientifique en utilisant notamment la

technique de datation au Carbone 14, ainsi que des explications ethnologiques et

linguistiques, l’origine nègre de la civilisation égypto-nubienne.

En exerçant plus tard votre métier dans le terroir aux fins fonds du pays rural, au

plan régional ou mondial, vous devrez veiller à votre enracinement dans vos

valeurs de civilisation. Il s’agit certes de s’ouvrir sans complexe au souffle de la

technicité d’un monde devenu un village planétaire. Mais il vous faut rester fiers

des combats pour la liberté, menés naguère, avec courage et vaillance, par vos

ancêtres qui avaient bâti des royaumes et des empires florissants sur la terre

d’Afrique.

Plus récemment, ce sont les luttes victorieuses des pionniers inlassables de

l’indépendance qui ont permis aux pays du continent d’accéder à la souveraineté

internationale.

Vous êtes les héritiers de ce syncrétisme d’enracinement et d’ouverture de la

culture du XXIe siècle. Aucune fonction, si haute soit-elle, nationale ou

internationale, n’est hors de votre portée, pour autant que vous bâtissiez de

légitimes ambitions sur la compétence et la patience, la rigueur et le labeur.

II. La gouvernance de la sécurité alimentaire mondiale

A la suite de la flambée des prix des denrées alimentaires de 2007/2008,

pourtant annoncée quelques mois à l’avance par la FAO dans ses publications et

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dans les médias, la question de la gouvernance de la sécurité alimentaire

mondiale a été posée, au cours de la Conférence de haut niveau de la FAO sur la

sécurité alimentaire mondiale, à Rome. Cette réunion des ministres de

l’agriculture de juin 2009 est devenue de facto un Sommet avec la participation

de nombreux Chefs d’Etat et de Gouvernement. Ce sujet a été repris aussi au

Sommet mondial sur la sécurité alimentaire de novembre 2010.

Il convient d’expliquer que plusieurs partenaires interviennent en effet dans ce

secteur au plan international.

L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO)

fournit les statistiques sur la production, l’utilisation, les stocks, le commerce et

les prix pour les cultures, les produits de l’élevage, les forêts, la pêche et

l’aquaculture, l’eau, les terres et la biodiversité, de même que les études et les

projections correspondantes. Elle sert de forum neutre pour la négociation des

politiques et des accords internationaux d’utilisation durable des ressources dans

ces secteurs et sur les aspects d’éthique en agriculture et de droit à

l’alimentation. Elle dispose d’un Système d’information et d’alerte rapide sur la

sécurité alimentaire. Elle établit, avec l’Organisation Mondiale pour la Santé

(OMS), les normes de sécurité sanitaire et de qualité des produits alimentaires

pour protéger les consommateurs et donner une base scientifique à l’application

des règles sanitaires et phytosanitaires de l’Organisation Mondiale du

Commerce (OMC). Elle apporte une assistance aux pays membres dans la

formulation des plans, des politiques et des stratégies agricoles, la préparation de

projets bancables, la solution de problèmes techniques, la lutte contre les

déprédateurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes. Elle

intervient aussi, en cas de catastrophes naturelles, pour rebâtir les capacités

productives des agriculteurs, des pêcheurs et des éleveurs.

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Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) fournit de l’aide alimentaire en cas

de crise à partir de stocks mis à sa disposition par les pays excédentaires et

d’achats locaux réalisés avec des financements externes.

Le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA) est une banque

spécialisée qui accorde des prêts bonifiés pour la lutte contre la pauvreté rurale.

Mais d’autres institutions jouent un rôle déterminant dans la sécurité alimentaire

du monde.

La Banque mondiale est le principal bailleur de fonds pour le Développement

dans le monde, suivi des Banques régionales (Banque africaine, Banque

asiatique, Banque interaméricaine, Banque européenne) et sous-régionales, mais

aussi du Fonds européen pour le développement des pays d’Afrique, Caraïbes,

Pacifiques, de la Banque islamique, etc.

Les négociations sur le commerce, notamment les droits de douane, taxes,

subventions et autres soutiens, barrières techniques au commerce, propriété

intellectuelle, etc., sont conduites dans le cadre de l’Organisation Mondiale du

Commerce.

La FAO avait indiqué dès le deuxième Sommet Mondial de l’Alimentation des

Chefs d’Etat et de Gouvernement, en 2002, que si la tendance à la baisse des

ressources et les politiques agricoles n’étaient pas changées, l’objectif de

diminuer de moitié le nombre de personnes qui ont faim à l’horizon 2015, ne

serait atteint qu’en 2150.

C’est pourquoi, les Etats membres ont cru qu’il était urgent et nécessaire

d’engager le débat sur les institutions de la gouvernance mondiale de la sécurité

alimentaire. Ces discussions ont eu lieu dans un cadre démocratique et universel

entre les représentants des Etats membres souverains de toute la communauté

internationale dont les pouvoirs ont été validés par un comité d’accréditation.

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Les agences, les fonds et les programmes des Nations Unies, les Institutions de

Bretton Woods, la Société Civile, les ONG et le secteur privé ont participé à ces

négociations.

A l’issue des réunions, du 27 avril au 4 septembre 2009, et de la

trente-cinquième session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, du

14 au 17 octobre 2009, qui se sont tenues au siège de la FAO à Rome, la

Conférence des Etats membres a approuvé, en sa réunion de novembre 2009, la

décision de confier la gouvernance au Comité de la sécurité alimentaire

mondiale. Cet organisme comprend tous les Etats membres de la FAO et des

Nations Unies. Le secrétariat de cette institution est assuré par la FAO, le FIDA

et le PAM. Un président appuyé par un Bureau, composé de représentants des

différents groupes régionaux, se réunit régulièrement et peut convoquer, en cas

de nécessité, des réunions extraordinaires. Le Comité mondial de la sécurité

alimentaire mondiale fait rapport à l’Assemblée générale des Nations Unies, à

travers le Conseil économique et social.

Un Comité d’experts de haut niveau présidé par le Professeur Swaminathan

prépare les travaux du Comité de la sécurité alimentaire mondiale et donne des

avis sur les questions techniques.

Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale utilise naturellement les études et

les rapports de la FAO sur l’évolution et les projections de la demande, de

l’offre, du commerce, des prix sur le marché international, ainsi que les données

fournies régulièrement par le Système mondial d’information et d’alerte rapide

(SMIAR/GIEWS) qui, grâce à la télédétection, peut s’appuyer sur les

renseignements des satellites géostationnaires d’observation terrestre.

III. La demande alimentaire est en expansion, tant en quantité qu’en

qualité

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Chers étudiants, vous avez choisi de consacrer vos talents à un secteur vital pour

l'avenir du monde. Il faut non seulement nourrir 925 millions de personnes qui

ont faim, mais aussi augmenter la production alimentaire de 70% au niveau

mondial et de 100% dans les pays en développement. Le monde doit en effet

faire face à une croissance démographique qui va porter la population de

6,9 milliards de personnes actuellement à 9,1 milliards à l’horizon 2050.

La région qui compte le plus de personnes sous-alimentées est l’Asie/ Pacifique

avec 578 millions. En Afrique, ce nombre représente 25% de la population, soit

245 millions dont 237 millions dans la région au Sud du Sahara.

En outre, le dernier rapport annuel de la FAO sur «La situation mondiale de

l’alimentation et de l’agriculture» montre que les femmes représentent 43% de

la main d’œuvre agricole dans les pays en développement (50% en Afrique

subsaharienne). Mais elles ont un accès inférieur aux ressources productives et

aux opportunités. Si on comble ce fossé hommes-femmes, leur rendement

pourrait augmenter de 20 à 30%, avec un impact positif sur la production

agricole des pays en développement de 2,5 à 4%. Cela entrainerait une baisse du

nombre de personnes qui ont faim de 12 à 17% par an, soit de 100 à

150 millions.

Les tendances actuelles de la transformation des régimes alimentaires devraient

se poursuivre du fait notamment du taux élevé d’urbanisation. Ainsi en 2050, les

zones urbaines représenteront 70% de la population globale. Elles devraient être

accentuées par l’amélioration rapide du niveau de vie moyen des populations

dans les pays émergents. Sur la période 1980-2005, la demande de viande a

doublé et pour les œufs, elle a été multipliée par 4. Ce changement d’habitude

alimentaire va se traduire par une demande mondiale plus forte de céréales car il

faut 7 kilogrammes de cereales pour produire 1 kilogramme de viande de bœuf

et 2,5 kilogrammes pour produire 1 kilogramme de viande de volaille.

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IV. L’agriculture doit également faire face à des nouvelles contraintes

Les ressources naturelles, l’eau et la terre, qui sont la base de la production, vont

donc être utilisées plus intensivement pour faire face à la demande croissante

d'aliments.

L’augmentation des besoins en eau, d’environ 64 milliards de mètres cubes par

an, et le réchauffement climatique, en particulier dans les zones arides et

semi-arides, vont poser de manière aiguë le problème de l'accès à cette ressource

rare. L'eau douce représente en effet 2,5% de l'eau totale. En outre 31,4% de

cette eau n'est pas directement accessible car elle se présente sous forme de

glaciers et d'eau souterraine.

L’eau est certainement le facteur déterminant de l’augmentation de la

productivité et la production. En effet, le secteur agricole consomme environ

70% de l'eau douce.

Les études de la FAO montrent que pour satisfaire les besoins alimentaires de la

population mondiale en 2050, les terres équipées de systèmes d’irrigation, qui

représentent 290 millions d’hectares aujourd’hui, devraient augmenter de

32 millions d’hectares.

L’agriculture irriguée est beaucoup moins vulnérable aux variations et aux

changements climatiques. En outre, ses rendements sont trois fois plus élevés

que ceux de l’agriculture pluviale.

L’agriculture irriguée, pratiquée sur environ un cinquième des terres arables de

la planète, assure environ 50% de la production vivrière et près de 60% de la

production céréalière mondiale.

Hélas, en Afrique, seulement 7% cent des terres arables sont irriguées, et ce taux

tombe à 4% pour l’Afrique subsaharienne, comparé à 38% en Asie et 20% dans

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le monde. Pourtant, le continent n’utilise que 4% de ses réserves hydriques,

contre 20% en Asie. Cela veut dire que sur 93% des terres en Afrique, la vie de

60% de la population qui est rurale dépend de la pluie, facteur de plus en plus

aléatoire avec les changements climatiques.

A l’occasion de la Conférence ministérielle sur «L’eau pour l’agriculture et

l’énergie en Afrique: les défis du changement climatique» organisée par la FAO

en décembre 2008, en collaboration avec l’Union africaine, l’Organisation a

préparé des fiches nationales d’investissement en faveur de projets pour la

maîtrise de l’eau en Afrique à court, moyen et long termes. Les projets ont été

préparés, en consultation avec chaque pays, pour un montant total de

65 milliards de dollars US.

D’autre part, la pratique de l’agriculture de conservation, qui prévoit un travail

minimal du sol et le maintien d’une couverture végétale avec des pailles ou

d’autres matières organiques pour en conserver l’humidité, permet de diminuer

l’irrigation. Elle entraine une réduction des besoins en eau des cultures de 30%.

Elle atténue l’impact des hautes températures et diminue les besoins

énergétiques de l’agriculture de 70%. Enfin, elle contribue à la fixation de

quelque 200 kilogrammes de carbone par hectare et par an.

Aujourd’hui, environ 1,6 milliard d’hectares sont cultivés dans le monde et on

estime qu’il faudra trouver 120 millions d’hectares additionnels dans les pays en

développement d’ici à 2050. Les disponibilités en terres arables pour la

production sont surtout importantes en Amérique Latine et dans les Caraïbes

avec 1066 millions d’hectares (2,14 ha/cap), en Afrique au sud du Sahara

1 031 millions d’hectares (1,80 ha /cap) et dans les pays en transition

497 millions d’hectares (1,20ha/cap). C’est ce qui explique la récente ruée des

pays déficitaires vers ces terres disponibles pour sécuriser leurs

approvisionnements nationaux en produits agricoles. Ces investissements privés

sont nécessaires mais dans le cadre de contrats équilibrés avec des partenariats

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qui permettent à chaque partie d’apporter une contribution en fonction de son

avantage comparatif. La FAO coopère avec la Banque mondiale, la CNUCED et

le FIDA pour la préparation et la négociation d’un code de conduite sur les

investissements agricoles dans les pays en développement.

La préservation de la biodiversité agricole sera aussi un des défis majeurs des

prochaines décennies. Il s’agit des ressources génétiques animales et végétales,

des espèces sauvages qui leur sont apparentées et, plus largement, de toutes

celles qui contribuent au bon fonctionnement des écosystèmes.

Le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et

l’agriculture, adopté en 2001 après huit ans de négociations par les membres da

la FAO est entré en vigueur en juillet 2004. Ce traité a été signé par 126 pays et

par l’Union européenne. Il a permis, depuis 2007, l’accès facilité et le partage

des avantages avec plus de 1,3 millions d’accessions appartenant à 64 des

espèces cultivées qui représentent 80% des aliments d’origine végétale.

Les questions de la sécurité sanitaire et la qualité des aliments sont traitées par la

Commission mixte FAO/OMS du Codex Alimentarius et la Convention

internationale de la FAO pour la protection des végétaux. Pour assurer la

sécurité sanitaire des aliments que nous consommons, plus de 320 normes,

directives et codes ont été élaborés couvrant les principaux produits

alimentaires. Aujourd’hui, la date d’expiration des denrées périssables est un

exemple de normes qui est devenue une pratique commune de notre vie

quotidienne. En outre, plus de 3700 limites maximales Codex pour les résidus de

pesticides et de médicaments vétérinaires, quelques 2000 dispositions Codex

relatives aux additifs alimentaires et 150 normes pour les concentrations

maximales des contaminants et des toxines naturelles ont été établis.

D’importants traités et instruments internationaux ont été conclus sous les

auspices de la FAO.

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Le Code de conduite pour une pêche responsable a été adopté en 1995, après

sept années de négociations. Il devrait contribuer à la réduction de la pêche

illégale et non déclarée dont le coût est estimé à une valeur de 10 à 23 milliards

de dollars US, notamment grâce à la proposition d’un registre mondial des

navires de pêche avec un numéro d’identification unique pour améliorer la

transparence et la surveillance.

La Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en

connaissance de certains produits chimiques et pesticides dangereux dans le

commerce international est entrée en vigueur en 2004 dans le cadre de

négociations conduites conjointement par la FAO et le Programme des Nations

Unies pour l’environnement (PNUE). La convention qui couvre dans un premier

temps 22 pesticides et cinq produits chimiques dangereux exige que

l’exportation de ces produits n’ait lieu qu’avec le consentement préalable en

connaissance de cause (PIC) de la partie importatrice.

La FAO mène également des actions et des programmes visant à lutter contre les

pollutions. Au cours des dix dernières années, près de 50 millions de dollars US

ont été mobilisés pour aider 36 pays dans l'élimination de pesticides périmés et

pour renforcer leurs capacités en matière de réduction des risques. Le

Programme africain, relatif aux stocks de pesticides obsolètes, est devenu une

référence pour les autres régions du monde.

Le Programme de lutte biologique intégrée a permis l'augmentation des

rendements et la réduction de l'utilisation de pesticides chimiques sur les

cultures importantes comme le riz, le coton et les cultures maraîchères. Le

Programme de champs-école dans ce domaine a bénéficié à 10 millions

d'agriculteurs dans 90 pays.

L’agriculture devra aussi s’adapter aux effets du changement climatique:

températures plus élevées, disponibilité en eau moins régulière, augmentation de

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la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles, perturbation des

écosystèmes, et progression des ravageurs et augmentation des maladies des

plantes et des animaux.

En Afrique subsaharienne, les rendements des cultures pluviales, qui sont déjà

parmi les plus faibles dans le monde, pourraient reculer de moitié d’ici à 2050, si

rien n’est fait au niveau des mesures d’adaptation.

L’agriculture et les forêts représentent 31% du total des émissions de gaz à effet

de serre – 14% pour l’agriculture et 17% pour les forêts. Cependant, ces deux

secteurs peuvent apporter une réduction importante, à hauteur de 80%, par leur

fonction de puits de carbone et par leur potentiel de réduction des émissions

grâce à des techniques agricoles améliorées et durables.

Dans ses actions d’appui aux efforts d’adaptation aux changements climatiques

et d’atténuation de leurs effets, la FAO a, en 2002, créé le Mécanisme pour les

programmes forestiers nationaux. Il soutient actuellement 70 pays et

organisations régionales. La FAO a lancé aussi en 2008, en partenariat avec le

PNUE et le PNUD, le Programme de l’ONU pour la réduction des émissions

résultant du déboisement et de la dégradation des forêts dans les pays en

développement, connu sous le nom de «ONU-REDD». Il est actuellement mis

en œuvre dans neuf pays pilotes dont trois en Afrique (République démocratique

du Congo, Tanzanie et Zambie). En 2009, un Système mondial de surveillance

des forêts a été lancé, pour contrôler leur évolution et faciliter la

comptabilisation du carbone et des paiements à effectuer au titre du programme

REDD. Il s’agit d’un progrès important en matière de monitorage des forêts. Les

données satellitaires à haute résolution de ce genre sont ainsi, pour la première

fois, fournies directement aux pays en développement, pour cette surveillance.

V. Unis on peut relever les défis et réaliser nos objectifs

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Pour gagner dans la bataille contre l’insécurité alimentaire, il faut que tous les

acteurs concernés agissent d’urgence et de manière concertée

Naturellement, ce sont d’abord les pays souverains qui ont le devoir d’assurer la

sécurité alimentaire de leur peuple. Ce sont les gouvernements qui décident des

politiques agricoles. Ce sont les parlements qui votent les budgets et contrôlent

l'action du pouvoir exécutif.

C’est aussi la responsabilité des agriculteurs de produire, mais dans un cadre qui

soit incitatif, par la garantie d'un revenu décent, la mise à leur disposition de

facteurs modernes de productivité ainsi que la réalisation des conditions de

financement, de commercialisation, de stockage et d’accroissement de la valeur

ajoutée par la transformation agro-industrielle.

Les universités et centres de recherche ont un rôle central dans la génération et

la diffusion d’intrants modernes de production et la mise au point de meilleures

pratiques agricoles, mais aussi la transmission de ces informations et

connaissances aux étudiants et aux agriculteurs.

La communauté internationale a aussi la responsabilité de veiller à

l’établissement d’un système agricole mondial équitable qui offre à tous les

agriculteurs du monde, aussi bien des pays en développement que des pays

développés, la possibilité de gagner dignement leur vie. A cet effet, il convient,

après dix ans de négociation, d'arriver enfin à un accord dans le cadre des

négociations de Doha de l'Organisation Mondiale du Commerce. Les échanges

agricoles internationaux actuels ne sont ni libres ni équitables. Les pays de

l'OCDE accordent un équivalent de soutien à leurs agriculteurs de 365 milliards

de dollars US par an. En outre des barrières techniques au commerce,

notamment sanitaires et phytosanitaires ou relevant de la propriété intellectuelle

constituent des freins aux exportations des pays du tiers-monde. Il faut aussi

souligner que les politiques ayant abouti à un usage croissant non alimentaire

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des produits agricoles, sont une parfaite illustration de dérives inacceptables. La

production de biocarburants a plus que triplé entre 2000 et 2008. Elle a entraîné

le détournement, chaque année, de plus de 100 millions de tonnes des céréales,

soit 10% de la production mondiale, vers le secteur des transports. Au rythme

actuel, la production de biocarburants pourrait doubler au cours des dix

prochaines années. Cette évolution est due à des pays développés qui accordent

des subventions d'environ 13 milliards de dollars US à ce secteur et érigent des

barrières tarifaires pour empêcher l'arrivée de produits concurrents sur leurs

marchés.

VI. Les travaux de la FAO et le G20

La volatilité croissante des prix des produits agricoles, au cours des dernières

années, constitue une préoccupation majeure car elle menace non seulement la

sécurité alimentaire des populations, mais aussi la stabilité sociale et politique

du monde. Depuis juin 2010, l’Indice FAO des prix des denrées alimentaires a

connu une tendance à la hausse et a atteint, en janvier dernier, son plus haut

niveau. Il a augmenté davantage au mois de février pour atteindre 236 points,

soit une augmentation de 40% par rapport à juin 2010 et de 5% par rapport à son

record de juin 2008.

Cette volatilité est structurellement le résultat de l’insuffisance de l’offre par

rapport à la demande. L’incertitude des marchés a des effets directs sur les

décisions et les flux d’investissement. Elle rend difficile la contractualisation

entre producteurs, commerçants et agro-industriels.

La Présidence du G20, où l’Afrique du Sud est le seul membre africain, a

demandé à la FAO et à l'OCDE de coordonner la préparation des études, avec

les différents partenaires des Institutions de Bretton Woods et du Système des

Nations Unies, notamment pour proposer des mesures concrètes qui seront

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soumises en juin 2011 à la réunion des ministres de l'agriculture préparatoire au

Sommet de Cannes de novembre 2011.

La FAO a publié récemment le Guide pour l’action à l’intention des pays

confrontés à la flambée des prix des denrées alimentaires. Elle organise des

séminaires régionaux à Bangkok pour la région Asie-Pacifique et va continuer

cet exercice pour toutes les autres régions (Afrique, Amérique latine, Asie

centrale, Europe et Proche-Orient), afin d’aider les gouvernements à faire face à

la volatilité des prix en tirant toutes les leçons de l'expérience de la crise de

2007-2008.

VII. Le financement de l’Agriculture

Pour développer l’agriculture de façon durable et nourrir le monde, il faut des

moyens financiers et des investissements, à la hauteur des défis. Mais

paradoxalement, les fonds destinés à l’agriculture ont baissé de manière

drastique. Dans l’histoire de la pensée économique, aucune des écoles à ma

connaissance, n’a avancé l’idée que pour développer un secteur il faut diminuer

les fonds qui lui sont affectés.

Aujourd’hui les faits sont là: la part de l’aide publique au développement

mondiale en faveur de l’agriculture est tombée de 19% en 1980 à 3% en 2003, et

se situe maintenant aux alentours de 5%. En 2006, la Banque mondiale

consacrait 6% de ses ressources à l’agriculture, contre 30% en 1980. Le

10ème

Fond européen de développement, n’a consacré que 4,2% à l’agriculture et

la sécurité alimentaire et au développement rural des Pays d’Afrique, Caraïbes et

Pacifiques.

Les pays en voie développement, pourtant les plus affectés par les pénuries

alimentaires, n’ont pas accordé une priorité suffisante à l’agriculture.

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17

Ainsi, en dépit de la Déclaration des Chefs d’Etat et de Gouvernement africains

de Maputo en 2003, seuls huit pays consacrent aujourd’hui au moins 10% de

leur budget national à l’agriculture. Même si dans les différents pays qui ont eu

du succès, les performances de l’agriculture ont été le reflet de politiques

agricoles cohérentes et ils ont maintenu les incitations positives à la production

notamment par l’accès aux intrants modernes, à la commercialisation par des

garanties de marché et au revenu des agriculteurs par des prix rémunérateurs.

La FAO évalue les investissements nécessaires dans les pays en développement

pour soutenir la hausse de 70% de la production agricole à un montant net

annuel de 83 milliards de dollars (US base 2009). Ce total comprend les besoins

en investissement dans l’agriculture primaire et les services nécessaires en aval,

telles que les installations de stockages et de transformation. Il ne comprend pas

les infrastructures publiques comme que les routes, les projets d’irrigation à

grande échelle, l’électrification et d’autres éléments nécessaires à un

environnement favorable au développement agricole.

L’augmentation des investissements nécessaires pour réduire l’écart global entre

les besoins et les niveaux actuels est de 50% environ. Il s’agit d’une

comparaison entre les investissements bruts annuels de 209 milliards de dollars

US nécessaires (qui comprennent le coût du renouvellement des investissements

pour dépréciation) avec l’investissement moyen annuel par an au cours des dix

dernières années de 142 millions de dollars US.

Ces 83 milliards de dollars US devraient être ventilés en 20 milliards de dollars

US pour la production végétale, en 13 milliards de dollars US pour la production

animale et 50 milliards de dollars US pour les services de soutien en aval

(chaine de froid, entreposage, marchés ruraux et de gros et transformation

primaire des produits).

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18

A l’échelle mondiale les dépenses pour la recherche agricole sont évaluées à

23 milliards de dollars US. Il faudrait des ressources supplémentaires annuelles

de 2,2 milliards de dollars US pour la recherche et de 4,1 milliards de dollars US

pour la vulgarisation.

En termes absolus, les ressources de la FAO s’élèvent à 1 milliard de dollars US

pour le budget régulier et 1,2 milliard de dollars US pour les contributions

volontaires pour la période biennale 2010-2011 (soit avec un taux du dollars US

moyen de 500 F CFA pour la période: 500 milliards de F CFA et 600 milliards

de F CFA, respectivement).

En outre, les Etats membres ont voté au cours des deux dernières périodes

2008-2009 et 2010-2011 des taux de croissances budgétaires de 13,3% et 7,6%

respectivement, qui sont les plus élevés de l’ensemble du système des Nations

Unies.

Mais il faut relativiser ces chiffres. Ils représentent au total 1,2 dollars US

(600 F CFA) par an pour chaque personne qui a faim dans le monde, alors que le

seuil de la pauvreté absolue est de 1,25 dollars US (625 F CFA) par jour et par

personne.

Ensuite, la FAO n’est pas une institution de financement. Le montant total des

prêts à l’agriculture a été en 2009 de 3,4 milliards de dollars EU pour la Banque

mondiale, de 677 millions de dollars US pour le Fonds international pour le

développement agricole et de 342 millions de dollars US pour la Banque

africaine de développement.

Il convient de rappeler que le Programme de travail et le budget de la FAO pour

chaque période biennale sont discutés par les Etats membres dans le cadre des

Comités de l’agriculture, des pêches, des forêts, des produits et de la sécurité

alimentaire mondiale. Ils sont ensuite examinés au cours de plusieurs réunions

par le Comité du Programme et le Comité financier, avant d’être soumis au

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19

Conseil de l’Organisation et enfin votés, après de longues négociations, par les

ministres, les ambassadeurs et les autres représentants des 191 Etats membres à

la Conférence. La part des ressources allouées aux programmes, aux projets, au

personnel, au fonctionnement et à l’équipement est approuvée au cours de ces

réunions.

La FAO a des programmes de coopération avec les institutions financières

internationales pour aider l'investissement direct dans le secteur de l’agriculture

et du développement rural. En 2010, elle a participé à la préparation de 42% des

projets agricoles de la Banque mondiale pour un montant de 1,1 milliard de

dollars US et 49% des projets du FIDA pour un montant de 361 millions de

dollars US (dont 277 millions et 252 millions de dollars respectivement en

Afrique).

La FAO collabore avec les pays du G8 et la Banque mondiale dans le cadre du

Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP). Le

Programme est un mécanisme de financement multilatéral pour aider à la mise

en œuvre des engagements de 22 milliards de dollars US, pour 2009-2010-2011,

pris lors du Sommet du G8 à L'Aquila et du G20 de Pittsburgh, en 2009. Ces

ressources doivent permettre d’accroître la productivité et la production dans les

pays en développement à déficit alimentaire. Depuis 2009, la FAO a aidé les

pays engagés dans le processus du Programme détaillée de développement de

l’agriculture africaine dans des processus similaires pour d'autres régions, à

remplir les conditions pour l’obtention des fonds.

Dans ce cadre, elle a permis à 51 pays africains de préparer leur programme

national à moyen terme d'investissement et leurs profils de projets

d’investissement bancables pour un budget de 10 milliards de dollars. Ils ont

servi de base à la préparation des projets appelés «compacts» soumis au fonds

multilatéral.

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20

Ainsi, huit pays dont cinq africains ont obtenu un financement de 325 millions

de dollars US (Ethiopie, Rwanda, Sierra Léone, Niger et Togo).

Onze programmes régionaux de sécurité alimentaire, pour un budget total de

1 041 millions de dollars US, ont été préparés conjointement avec des unions

économiques régionales, dont cinq en Afrique.

VIII. Assistance à la formulation de politiques agricoles

Durant les quinze dernières années, d’importants efforts ont été faits par la FAO,

pour soutenir les pays membres, dans la préparation de plans, des stratégies et

des programmes pour éradiquer la faim dans le monde

Des programmes spéciaux et nationaux de sécurité alimentaire ont été préparés

avec le soutien de la FAO et mis en œuvre depuis 1994 dans 106 pays, dont

44 sont africains.

L'Organisation a apporté son assistance à l'Union africaine pour la formulation

du Programme détaillé de développement de l'Agriculture africaine qui a été

adopté en 2003 par le Sommet de Maputo. Dans ce cadre, des experts africains

se sont réunis en décembre 2001, à Rome, puis leurs Ministres se sont retrouvés

à la Conférence Régionale de la FAO, au Caire, en Egypte, en février 2002 et,

ensuite en juillet 2003, à Maputo, au Mozambique, juste avant le Sommet de

l’Union africaine. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont adopté à cette

occasion le Programme ainsi que les documents complémentaires. Il nécessitait

un investissement de 25 milliards de dollars US par an pour la maîtrise de l’eau,

les infrastructures et les capacités de commercialisation, l’accroissement de la

production végétale et la réduction de la faim, la recherche agricole et la

diffusion des technologies, la production animale, les forêts, la pêche et

l’aquaculture.

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21

Dans ce cadre, 51 pays africains ont préparé, en collaboration avec la FAO, des

Programmes Nationaux à Moyen Terme d’Investissement (PMMTI) et les

Profils de Projets d’Investissement Bancables (PIBP).

Les Unions économiques régionales, UEMOA, CEDEAO, CEMAC et CEAC,

SADEC, COMESA, IGAD, UMA ont aussi préparé, avec le soutien de la FAO,

des programmes régionaux de sécurité alimentaire, qui mettent l’accent sur le

commerce intra-régional ainsi que les normes sanitaires et phytosanitaires de

l’OMC.

IX. Assistance technique et actions d’urgence

Dans le cadre de la Coopération Sud-Sud, 34 accords ont étés conclus pour

appuyer les pays africains et plus de 1 200 experts et techniciens sont intervenus

en Afrique.

Un programme de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et les

maladies transfrontières des animaux et des plantes a été mis en place dès 1994.

Il a permis ensuite de lutter efficacement contre les criquets pèlerins, la grippe

aviaire, la fièvre aphteuse, la péripneumonie contagieuse bovine, la peste des

petits ruminants, la fièvre de la Vallée du Rift, la dermatose nodulaire bovine et

la trypanosomose africaine.

Le Système mondial d’information et d’alerte rapide sur l’agriculture et

l’alimentation a été renforcé et développé pour devenir un réseau international

qui comprend 116 gouvernements, 61 organisations non gouvernementales et de

nombreuses institutions de commerce, de recherche et d’information.

Un Système d’information et de cartographie sur l’insécurité alimentaire et la

vulnérabilité a été mis en place en 1997 pour le suivi de l’état de l’insécurité

alimentaire dans le monde. Le système aide les pays à préciser les

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caractéristiques de populations vulnérables, à améliorer la compréhension de la

situation grâce à une analyse intersectorielle des causes sous-jacentes et à

formuler des politiques et des programmes pour renforcer la sécurité alimentaire

et la nutrition. Au niveau mondial, il assure la coordination de l’action.

Un Centre de gestion des crises a été établi en 2006 pour combattre la grippe

aviaire et d’autres maladies animales susceptibles d’entrainer des épizooties ou

de menacer la santé humaine. Il permet aujourd’hui à l’Organisation d’intervenir

dans un délai maximum de 72 heures dans n’importe quel point du globe

terrestre.

Les catastrophes naturelles sont non seulement plus nombreuses mais elles sont

plus sévères. Aujourd’hui, une centaine de pays ont recours à une aide d’urgence

et 29 pays sont en situation de crise alimentaire. En conséquence, le niveau du

programme d’urgence de la FAO pour reconstruire leur capacité de production

agricole a augmenté pour s’élever à 1,1 milliards de dollars US pour la période

biennale 2010-2011, impliquant 2 000 experts et techniciens.

Le programme des urgences et de réhabilitation de la FAO prévoit de soutenir

près de 300 millions de personnes – à travers le monde – dont 50 millions en

Afrique. Il doit permettre le renforcement des activités de gestion des risques et

de catastrophes. Il doit augmenter la mise en œuvre des actions de terrain pour

sauver les campagnes agricoles en fournissant notamment des semences, des

engrais, des produits et matériels de traitement des cultures. Il apporte des

aliments du bétail et de vaccins. Dans ce cadre des filets de pêche sont fournis,

des navires sont réhabilités, des plans d’action pour la reforestation sont

préparés et des canaux d'irrigation et de drainage réparés. Les agriculteurs

bénéficient aussi de la formation dans des champs-écoles des agriculteurs.

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23

Les opérations d’urgence et de réhabilitation en Afrique ont représenté, en

2009-2010, plus de 500 millions de dollars US, soit 78% du total mondial des

actions de la FAO dans ce domaine.

Face aux inondations, la FAO a mis en œuvre au Pakistan un programme de

92 millions de dollars US pour venir en aide à 1,4 millions de familles rurales et

a assuré la coordination du «Groupe Agriculture» de 200 organisations apportant

une aide dans les 4 provinces touchées par la catastrophe.

Face à la crise de 2007/2008, la FAO a lancé, dès décembre 2007, l’Initiative

contre la flambée des prix des denrées alimentaires. L’Organisation a ainsi

mobilisé à partir de ses ressources propres, de fonds fiduciaires et de la Facilité

alimentaire de l’Union européenne des ressources s'élevant à 389 millions de

dollars US, pour la fourniture de semences, d’engrais, d’aliments de bétail et de

petit matériel dans plus de 90 pays dont 41 en Afrique, afin de permettre aux

agriculteurs de continuer à produire malgré une hausse des prix des intrants

agricoles plus élevée que celle des produits alimentaires.

X. Progrès dans la production agricole

Pour nourrir plus de 9 milliards de personnes en 2050, l'augmentation de 70% de

la production agricole mondiale devrait provenir, pour 90%, de l'accroissement

des rendements et de l'amélioration de l'intensité des mises en culture.

L'expansion des terres cultivées ne devrait contribuer que de 10% à cet objectif.

La recherche, l'innovation et les technologies ont apporté un changement

profond des activités agricoles et permis de faire des grands bonds de

productivité. Ces résultats ont infirmé et donc démenti la thèse de Malthus et des

néo-malthusiens d'une croissance linéaire de la production, face à une croissance

géométrique de la population.

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24

L’amélioration variétale a fait des sauts gigantesques depuis la sélection

massale, la génétique de Mendel et les travaux d’hybridation qui ont conduit à la

Révolution Verte. Aujourd’hui, les progrès de la biologie moléculaire,

l’établissement des cartes génétiques et les possibilités de transferts de gènes

ouvrent des perspectives infinies dans le monde végétal, animal et même

humain.

Ainsi, au cours des cinquante dernières années, de 1961 à 2010, les productions

et les rendements moyens mondiaux ont augmenté respectivement:

- pour le blé, de 222 à 655 millions de tonnes et de 1,1 à 3 tonnes par hectare ;

- pour le riz, de 216 à 700 millions de tonnes et de 1,9 à 4,3 tonnes par

hectare;

- pour le maïs, de 205 à 838 millions de tonnes et de 1,9 à 5,1 tonnes par

hectare ;

Mais les récentes tendances de la production vivrière sont pour le moins

inquiétantes. Par exemple, le taux de croissance des rendements des principales

céréales à l’échelle mondiale n’a cessé de décliner, passant de plus de 3% dans

le années 60 à seulement 1,5% au cours de la dernière décennie (2000-2009).

L’enjeu consiste à inverser cette tendance.

Il existe des opportunités de solution si on se réfère à l'écart de rendement, c’est-

à-dire la différence entre celui pouvant être obtenu en stations expérimentales

locales à l’aide des meilleurs intrants et techniques disponibles, et celui réel

obtenu par les agriculteurs dans les exploitations voisines en conditions réelles.

Cet écart est large, en particulier dans les pays en développement, ce qui

s’explique par la faible pénétration des semences améliorées et des techniques

agricoles plus performantes.

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25

Il faut, en outre, favoriser l'accès à l’information et aux services de

vulgarisation, développer les infrastructures (routes rurales, irrigation, ports de

pêche, centre d'abattage des animaux, chaînes de froid etc.), les institutions et les

services, et améliorer les politiques agricoles pour obtenir la diffusion et

l’adoption de technologies efficaces au niveau des exploitations.

Il faut aussi réduire les pertes après récolte qui peuvent atteindre 40 à 60% pour

certaines cultures en Afrique. Il faut donc investir dans les moyens de stockage

et de conditionnement.

La production mondiale de viande a plus que triplé, passant de 71 millions de

tonnes en 1961 à 290 millions de tonnes en 2010. Celle des pays en

développement a augmenté de 20 à 173 millions de tonnes. L’accroissement a

été surtout marqué dans la production avicole (multipliée par 10) et porcine

(multipliée par 3,4).

La production totale des pêches de capture et de l’aquaculture a atteint en 2009

environ 145 millions de tonnes de poissons, ce qui représente près de 4 fois la

production de 1960. La pêche de capture s’est stabilisée au cours des années

1990. Par contre l’aquaculture est passée de 1,6 millions de tonnes en 1960 à 56

millions de tonnes en 2009 grâce à l’amélioration des politiques aquacoles et à

la mis en place de cadres juridiques et réglementaires favorisant les

investissements privés dans ce secteur.

L’évaluation des ressources forestières mondiales de la FAO a établi que des

progrès significatifs ont été réalisés sur la gestion durable des forêts. Le taux de

déforestation est passé de 16 millions d’hectares annuels dans les années 1990 à

13 millions pour la période 2000-2010. La perte nette de forêts a également

diminué pendant cette période passant de 8,3 millions d’hectares à 5,2 millions

d’hectares annuels.

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26

Avec le soutien de la FAO, 75% des forêts du monde sont couvertes par un

programme forestier national dans le cadre d’un processus participatif pour le

développement et la mise en œuvre de politiques forestières publiques en

conformité avec les processus internationaux.

Mesdames et Messieurs,

Les enseignants et étudiants de l’Université Gaston Berger ont une source

majeure d’informations scientifiques, techniques, économiques et sociales, sur le

site FAO «www.fao.org» qui a reçu au mois de mars 2011 une moyenne

d’environ 36 millions de «hits» par jour.

Le programme AGORA, mis en place par la FAO et de grands éditeurs, permet

aux pays en développement d’accéder en ligne à une large collection

bibliographique dans des domaines de l’alimentation, l’agriculture,

l’environnement et leurs sciences sociales. AGORA fournit aux institutions de

107 pays une collection de 1 900 revues. Il serait utile que l’Université Gaston

Berger qui ne participe pas à ce réseau puisse en devenir membre.

XI. Conclusion

Je ne voudrais pas vous quitter jeunes et chers étudiants sans vous encourager à

être des personnes résolument engagées sur la voie de l’effort et du travail. Dans

un monde où le mirage de la génération spontanée de richesses sert de miroir

aux alouettes, sur le chemin attrayant de la facilité, cet appel peut paraitre

relever de l’utopie du héros de Cervantes.

Je voudrais donc vous inviter à la réflexion sur cette trilogie fondamentale:

Premièrement: «Les êtres dont l’existence dépend de la nature n’ont,

quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu’une valeur relative, celle

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27

des moyens, voilà pourquoi on les nomme des choses; au contraire les

êtres raisonnables sont appelés des personnes parce que leur nature les

désigne comme des fins en soi» nous disent Kant3 et surtout Hegel

4;

Deuxièmement: «Le principe intérieur de la liberté ou de l’effort explique

tous les phénomènes de l’homme»5 nous dit le métaphysicien et

normalien Marie François Gontier de Biran dit Maine De Biran;

Troisièmement: «Toute définition de la liberté qui ne postule pas

implicitement ce rapport: Liberté = Travail = Fatigue – est creuse6» nous

précise le philosophe Raymond Ruyer.

Jeunes étudiantes et étudiants de l’Unité de Recherche de Sciences

Agronomiques, d’Aquaculture et de Technologies Alimentaires, à la fin de votre

cursus universitaire, vous serez confrontés au grand débat sur l’Ethique des

Sciences. Je voudrais donc vous citer la conclusion du discours que j’ai

prononcé à l’Académie des Sciences de l’Institut de France, le 12 octobre 1998

et qui me semble être d’une actualité brulante.

Aujourd’hui, le devoir qui est nécessité d’accomplir une action par respect pour

la morale7, interpelle l’homme de science, vecteur de dynamisme dans les

écosystèmes. Il doit au sein de la biocénose, augmenter la productivité

alimentaire, tout en maintenant l’équilibre biologique. Il doit aussi, au sein de la

biosphère, assurer un environnement sain et sans risque pour l’homme.

3 Fondements de la Métaphysique des mœurs

4 Principes de la Philosophie du droit

5 De l’existence, textes inédits, Vrin, 1966 page 36, né en 1766

6 Revue de métaphysique et de morale – 1949, né en 1902

7 Fondements de la métaphysique des mœurs - Kant

Page 28: Discours dg fao pour la rentrée solennelle 2011 de l'ugb

28

Mais par delà ces deux objectifs, souvent difficilement compatibles, il génère

des techniques qui ne sont pas neutres au plan de l’accessibilité, facteur d’équité,

selon qu’elles requièrent une capitalisation importante ou faible et, qu’elles ont

un coût plus ou moins élevé susceptible, au demeurant, d’évoluer sur une

certaine période.

La valeur d’un jugement dépendra donc du moment où il est porté, en fonction

d’un cadre perspectif à court, moyen ou long termes.

En éthique scientifique, il ne peut donc y avoir de position vraie susceptible

d’être démontrée ou prouvée, mais on peut tirer de la praxis un point de vue

juste qui devient idéologique dès lors qu’il se réfère à une finalité.

Différents philosophes participent au débat contemporain sur la bioéthique. On

peut les classer en deux catégories, basées sur une conception hétéronomique de

norme morale extérieure à l’homme ou autonomique de norme morale posée par

l’homme8.

Cette apparente dichotomie masque en réalité deux perspectives de «Janus» d’un

même ensemble. En effet, l’homme de science déterminera sa conduite en

fonction de facteurs intrinsèques, psychologiques et idéologiques. Mais il

tiendra aussi compte des règles extrinsèques établies par ses pairs dans le cadre

professionnel et au sein de la société civile.

«Tout notre progrès technologique dont on chante les louanges, le cœur même

de notre civilisation, est comme une hache dans les mains d’un criminel9», nous

avertit un grand savant, (Albert Einstein), tandis qu’un écrivain de renom, (Paul

8 Fondements philosophiques de l’éthique médicale – S. Rameix

9 Correspondances - Einstein

Page 29: Discours dg fao pour la rentrée solennelle 2011 de l'ugb

29

Valéry), nous rappelle «que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le

monde …. Une civilisation a la même fragilité qu’une vie 10

».

Dans la quête perpétuelle du savoir indispensable au progrès humain, la marge

est étroite entre l’errance d’une exploration funeste et l’éclair de génie salutaire.

«Les craquements du monde moderne nous ont engagés dans les ténèbres, les

problèmes sont incohérents, les solutions contradictoires. La vérité d’hier est

morte, celle de demain est encore à bâtir11

», mais « il serait fou de vouloir de

nouveau enchaîner Prométhée. Il nous faut au contraire appliquer l’esprit

scientifique pour trouver des solutions aux difficiles problèmes de notre

existence présente12

», afin de répondre, avec science et conscience, à la question

angoissante et poignante: comment nourrir le monde?»

Madame, Messieurs les Ministres,

Monsieur le Recteur,

Messieurs les Membres de l’Assemblée de l’Université,

Chers étudiants et amis,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Honorables invités,

Je vous remercie de votre aimable attention.

10

Variétés III – P. Valéry

11 Lettre à un otage – A. de St. Exupéry

12 Conférences de l’Unesco – F. Joliot