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Chapitre 11 Les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991) REPèRES 159 Repères : une boîte à outils très pratique (cartes, chronologies, tableaux ou graphiques) pour appréhender encore plus facilement les connaissances et idées de ce chapitre. Les États-Unis au milieu du monde (depuis 1991) 11 Document 11.1 Les États-Unis dans le monde au début du XXI e siècle Arabie saoudite Arabie saoudite Japon Australie Canada Mexique Cuba Russie Pakistan Afghanistan Bielorussie Ukraine Iran Égypte Syrie Syrie Maroc Maroc Soudan Zimbabwe Venezuela Colombie Bolivie Birmanie Georgie Corée du Nord Corée du Sud Japon Chine Australie Canada Mexique Cuba Russie Afrique du sud Pakistan Inde Afghanistan Bielorussie Ukraine Iran Égypte Soudan Zimbabwe Venezuela Colombie Bolivie Birmanie Georgie États-Unis Nouvelle Zélande Nouvelle Zélande Taiwan Philippines Taiwan Philippines Corée du Nord Corée du Sud Indonésie Indonésie Afrique du sud Chine Irak Irak Membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) Autres alliés et accords de défense Principaux bénéficiaires de l’aide américaine (Soutien économique et assistance militaire) Alliés et associés Les développements récents de la politique américaine Les risques géopolitiques Ennemis potentiels au seuil de l’armement nucléaire Autres États très critiques envers les États-Unis Régimes jugés préoccupants Pays dans lesquels une action militaire américaine est en cours en 2010 Pays devenu ami depuis 1991 Puissances avec lesquelles les relations sont incertaines Légendes © 2010 Pearson Education France – Les États-Unis – C. Bardot, P-Y. Boillet, H. Lafaye, C. Martinaud, F. Paris, C. Roy

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Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991)

Rep

èRes

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Repères : une boîte à outils très pratique (cartes, chronologies, tableaux ou graphiques) pour appréhender encore plus facilement les connaissances et idées de ce chapitre.

Les États-Unis au milieu du monde (depuis 1991)11

Document 11.1 Les États-Unis dans le monde au début du XXIe siècle

ArabiesaouditeArabie

saoudite

Japon

Australie

Canada

Mexique Cuba

Russie

PakistanAfghanistan

BielorussieUkraine

Iran

Égypte

SyrieSyrie

MarocMaroc

Soudan

Zimbabwe

Venezuela

Colombie

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Birmanie

GeorgieCorée du Nord

Corée du SudJaponChine

Australie

Canada

Mexique Cuba

Russie

Afrique du sud

PakistanInde

Afghanistan

BielorussieUkraine

Iran

Égypte

Soudan

Zimbabwe

Venezuela

Colombie

Bolivie

Birmanie

GeorgieÉtats-Unis

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Taiwan

Philippines

Taiwan

Philippines

Corée du Nord

Corée du Sud

IndonésieIndonésie

Afrique du sud

ChineIrakIrak

Membres de l’Organisation duTraité de l’Atlantique Nord (OTAN)

Autres alliés etaccords de défense

Principaux bénéficiairesde l’aide américaine(Soutien économique etassistance militaire)

Alliés et associés

Les développements récents de la politique américaine

Les risques géopolitiques

Ennemis potentiels au seuilde l’armement nucléaire

Autres États très critiquesenvers les États-Unis

Régimes jugés préoccupants

Pays dans lesquels une action militaireaméricaine est en cours en 2010

Pays devenu ami depuis 1991

Puissances avec lesquelles les relations sont incertaines

Légendes

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Rep

èRes

160 les états-Unis

Document 11.2 Chronologie, 1991-2010

1991 : fin de l’URSS ; guerre du Golfe

1993 : accords OLP/Israël ; échec de l’intervention en Somalie ; attentats islamistes à New York

1998 : attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya ; B. Clinton en Afrique

1996-2004 : dix PECO entrent dans l’OTAN ; celle-ci intervient au Kosovo

2001 : 11 Septembre : attentats d’Al-Qaida ; guerre en Afghanistan ; la Chine entre à l’OMC

2003 : invasion de l’Irak par les états-Unis et quelques alliés

2006 : essais nucléaires nord-coréens ; « partenariat stratégique » Inde/états-Unis

2009 : B. Obama prononce trois discours clés : Prague (5/04 : devant l’OTAN, « un monde sans armes nucléaires ») Le Caire (4/06 : « l’Amérique et l’islam se recoupent »), Oslo (10/12, réception du prix Nobel de la paix : « la guerre est parfois nécessaire ») ; Pittsburgh : réunion du G20, appelé à remplacer le G8 ; échec du sommet des Nations unies sur le climat à Copenhague

2010 : accord START renouvelé entre la Russie et les états-Unis ; vers des sanctions contre l’Iran ?

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mIs

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po

Int

Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991) 161

D ans La puissance des états, le géographe G. Dorel établit, à la toute fin des années 1990,

un classement des nations en fonction de vingt critères qui sont autant de leviers

d’influence. Pour chacun d’eux, le pays venant au premier rang reçoit cinq points, le second

quatre, etc. Le tableau accorde 93 points aux états-Unis et 37 ou 36 aux puissances classées

immédiatement derrière, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France (La Documentation photo-

graphique, n° 806, La Documentation française, 1998). En 2010, il faudrait placer sans doute

la Chine au second rang, mais elle resterait en tout état de cause loin des états-Unis.

Si la puissance est « la capacité d’influencer autrui vers un but choisi » (Joseph Nye), celle de

l’Amérique l’emporte incontestablement sur toute autre depuis « l’évaporation » de l’adver-

saire soviétique en 1991. On a forgé une série de vocables pour décrire la situation : « puissance

globale » (Brzezinski), empire, hyperpuissance… Lancé par Hubert Védrine, qui était alors le

ministre français des Affaires étrangères, ce dernier terme s’est imposé (H. Védrine et D. Moïsi,

Les cartes de la France à l’heure de la mondialisation, 2000). Ne surestime-t-il pas pourtant à

la fois la cohérence des intentions prêtées à l’Union américaine et l’efficacité de ses politiques ?

i. Les États-Unis dans la mondialisation

A. Le pRoCessUs, gÉopoLItIqUe AUtAnt qU’ÉConomIqUe, est LARgement AUtonome

Les années 1989-1991 marquent une bifurcation majeure de l’histoire mondiale à travers des évolu-tions qui sont économiques (l’abaissement du fret maritime, du coût du transport aérien et des communications téléphoniques ; la globalisation financière….) tout autant que géopolitiques. L’Uruguay Round qui transforme le GATT en OMC relève des deux champs, de même que les réformes de Deng Xiaoping en Chine ou celles de Manmohan Singh en Inde. L’implosion de l’empire soviétique parachève le processus, à travers un effet de contagion rapide de la périphérie (en juin 1989, les premières élections libres en Pologne annoncent l’« automne des peuples » symbolisé par la chute du mur de Berlin) vers le centre, la Russie mettant elle-même fin à l’existence de l’Union sovié-tique en décembre 1991.

Ces faits rappellent que la mondialisation n’est pas qu’américaine. Elle est impulsée par des mutations technologiques (la révolution informatique) et des évolutions de marché sur lesquelles les autorités des états-Unis n’ont que peu de prise. Ces dernières ont certes oeuvré, dans la continuité d’une action engagée en 1944-1947, pour favoriser la libre circulation des marchandises et des capitaux.

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les états-Unis162

Elles ont utilisé le FMI et la Banque mondiale pour aligner les politiques publiques des états aidés par ces institutions sur les critères de « bonne gouvernance ». Mais qui croira que les dirigeants de l’Inde, du Brésil, de la Chine ont été convaincus par Washington des bienfaits de l’ouverture éco-nomique ?

Le recul historique minore souvent la portée des changements récents et l’analyse géopolitique est autre chose que le commentaire de l’actualité. Cela étant, les trente dernières années font incontesta-blement surgir un nouvel ordre mondial. Il n’y a pas seulement fermeture de la parenthèse ouverte par la révolution russe d’octobre 1917, qui avait brisé l’unité du marché mondial et donné une colo-ration idéologique aux relations internationales. Nos « temps modernes » (D.Cohen) ne sont pas un retour à la Belle époque : le passage d’une humanité de 1,5 ou 1,7 milliard d’êtres en 1900 à la nôtre qui en compte 6,7 milliards change bien des choses, y compris les équilibres géopolitiques, en raison de la croissance différenciée des continents. Le système international comptait moins de 60 pays en 1914, l’ONU en reconnaît 195 aujourd’hui.

Ce système est en outre devenu « réticulaire » (A-M. Slaughter, « America’s Edge. Power in the Networked Century », Foreign Affairs, janvier-février 2009). Les acteurs institutionnels se sont démultipliés : à côté des états nationaux, les organisations multilatérales (ONU, OMC, G20…) et régionales (Alena, UE…) comptent de plus en plus. Il faut leur adjoindre les innombrables expres-sions des sociétés civiles : ONG, Forum social mondial, think tanks… Pour le sociologue et polito-logue américain David Held, la mondialisation transforme « les communautés de destin nationales » en « communautés de destin imbriquées », « où les espaces politiques, économiques, culturels, environnementaux se recoupent et se chevauchent ».

B. vIsIons AmÉRICAInes DU monDe gLoBALIsÉ

La soudaineté et l’ampleur de ces bouleversements bousculent les conceptions géopolitiques. Les états-Unis se trouvant au premier rang, leurs élites intellectuelles jouent un rôle clé dans l’effort pour penser le nouvel ordre mondial. Deux grands paradigmes polarisent le débat.

• Dès l’été 1989, Francis Fukuyama, universitaire d’origine japonaise, donne à la revue National Interest un article qui évoque une « fin de l’histoire ». Avec la chute des dictatures, la conversion de la Chine au capitalisme, le déclin de l’empire soviétique, il y aurait désormais consensus à l’échelle de l’humanité sur le « bien suprême » : une économie de marché combinée à une démo-cratie parlementaire. Fukuyama n’annonce pas la fin des drames et des conflits, mais estime que la querelle sur la meilleure forme possible d’organisation socio-politique est close. La thèse est développée dans La Fin de l’histoire et le dernier homme (Odile Jacob, 1994).

• Elle est contestée par Samuel Huntington, professeur à Harvard. En 1993, dans un article de l’influente revue Foreign Affairs puis en 1996 dans The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, il expose une vision bien moins optimiste : la fin des conflits idéologiques laisserait place au « choc des civilisations ». Il décrit un monde divisé en neuf civilisations à base essentiel-lement religieuse et relie les conflits à leur incompatibilité supposée, notamment entre l’Occident et le monde musulman.

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Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991) 163

Les critiques ont souligné les faiblesses de ces conceptions : Huntington réduit les civilisations au fait religieux, en fait des essences figées et closes sur elles-mêmes, néglige le fait que les conflits sont plus fréquents à l’intérieur des aires de civilisation qu’entre elles. Elles ont pourtant des implications dans des milieux politiques ouverts au monde universitaire : Huntington inspire les néo-conservateurs qui entourent G. W. Bush (P. Hassner, « Le rôle des idées dans les relations internationales », Politique étrangère, 3-4, 2000).

C. Les ÉtAts-UnIs, « empIRe DU mILIeU »

P. Mélandri et J. Vaïsse détournent l’expression par laquelle s’autodésignait la Chine impériale pour souligner que dans le monde de l’après guerre froide, les états-Unis sont en position hégémonique car ils se trouvent « au centre d’une multitude de liens internationaux étatiques mais aussi politiques, culturels, financiers et économiques » (2001). Leur population est à l’image du monde (chapitre 3). Leurs entreprises dominent la compétition internationale (chapitre 4). Elles animent les flux straté-giques internationaux : les capitaux, les informations, le pétrole, les céréales.

Document 11.3 Le commerce extérieur des États-Unis (en 2008)

Afrique

Exportations

Importations

Europe

Canada

Océanie

ÉTATS-UNISAsie de l’Est

Asie du Sud-Est

Asie du Sud

AmériqueCentraleet caraïbes

CEI

767.5 milliard de $

100

200

300

400

500600

700

Principales destinationsdes Investissements directs étrangersaméricains (en milliards de dollars)

moyenne annuelle calculée sur une période de10 ans (2001-2009)

Roy

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1990

1991

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1998

1999

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2004

2003

2002

2001

2000

Déficit commercial américain,1990-2005 (en milliards de $)

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les états-Unis164

1. Les paradoxes du commerce extérieurL’Union américaine est le troisième exportateur mondial de biens en 2009, derrière, respectivement, la Chine et l’Allemagne. Son poids dans les ventes mondiales est en recul : 37 % en 1950, 15,3 % en 1970, 8,9 % aujourd’hui. Apparu en 1971, leur déficit commercial est abyssal : 677 milliards de $ en 2008, soit 4,7 % du PIB contre 0,3 % dans la zone euro, par exemple. Ces données concordent mal avec le rang flatteur accordé aux firmes états-uniennes par les classements fondés sur les indicateurs de productivité, tel celui du Forum économique mondial (www.weforum.org/).

Elles s’expliquent en partie par les stratégies différentes des entreprises. Celles de l’Allemagne ou de la Chine sont plus tournées vers les marchés extérieurs que celles des états-Unis : le taux d’exporta-tion par rapport au PIB dépasse les 35 % dans les deux premiers pays, 10 % dans le troisième. Inter-vient surtout la réorganisation des corporations à l’échelle du monde : elles déplacent hors des frontières une partie des activités productives, au prix de réimportations. Plus de 40 % du commerce extérieur des états-Unis sont constitués par des échanges intra-firmes : entrée dans l’ère des réseaux, l’économie a une base planétaire plus que nationale. Ainsi, le dynamisme de l’appareil industriel est masqué par l’approche statistique restée territoriale. En revanche, l’agriculture est massivement exportatrice (chapitre 5). Il en va de même pour les services : 14 % des exportations mondiales, avec des positions fortes dans les finances et les services aux entreprises.

Les partenaires de l’Alena absorbent 36 % des exportations (chapitre 9) et les autres membres de la Triade, 27 % ; la part de la Chine et des NPIA oscille autour de 10 %.

2. Au cœur de la « planète finance »Les flux financiers sont le levier et le baromètre de la mondialisation. Leur progression, amorcée dans la décennie 1980, s’est accélérée depuis 1997, même si elle n’a rien de linéaire, amplifiant les à-coups conjoncturels. En tant que nation, les états-Unis restent l’acteur majeur, à la fois premier pays desti-nataire d’IDE et premier exportateur. Les firmes états-uniennes investissent avant tout en Europe : plus de la moitié de leur stock d’IDE s’y trouve. En sens inverse, le territoire états-unien attire depuis les années 1970 des groupes européens puis nippons et aujourd’hui chinois ou indiens. Les investis-seurs étrangers y trouvent un vaste marché, une main-d’œuvre qualifiée, un environnement propice aux affaires et à l’innovation (chapitre 5).

Le dollar garde son rôle de première devise internationale, malgré l’abandon officiel des parités fixes et de la convertibilité en or en 1976 (Accords de la Jamaïque). Il constitue encore 65 % des réserves des banques centrales. Le dollar reste la principale monnaie du commerce international (les exporta-teurs de pétrole ne sont pas les seuls à exiger un paiement en dollars). Celle aussi de la plupart des placements et emprunts effectués par des opérateurs étrangers, firmes ou états. Cette confiance maintenue dans la devise d’un pays lourdement endetté et commercialement déficitaire tient au fait qu’elle donne accès à la première économie de la planète.

Wall Street concentre 42 % de la capitalisation boursière mondiale. Les grandes sociétés d’investisse-ment, les principales agences de notation se trouvent aux états-Unis. La comptabilité des entreprises s’aligne sur les normes états-uniennes.

La culture de masse aussi bien que la culture savante contribuent au rayonnement des états-Unis (chapitre 10). La diplomatie tire à l’occasion parti de l’économie et de la culture : « arme alimen-taire », soutien au cinéma…

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Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991) 165

ii. Acteurs et moyens de l’action extérieure

A. LA pUIssAnCe mILItAIRe

1. Des soldats et des armes

Document 11.4 Les dépenses militaires des quatre pays où elles sont les plus élevées (données 2008)

total en Millions de $ (évolUtion 2008/2006 en %) en % dU PiB en $ Par haBitant

états-Unis 696 268 (+12,8) 4,88 2 290

France 67 185 (+21,1) 2,35 1 049

Royaume-Uni 60 794 (+02,3) 2,28 998

Chine 60 187 (+70, 9) 1,36 45

Total monde 1 464 000 2,40 217

Source : Le Monde, Bilan Géostratégie 2010, mars 2010.

Le Département de la Défense (DoD) dispose d’un budget qui représente, en 2008, 41 % des dépenses militaires mondiales. Après avoir diminué dans les années 1990, il croît depuis 2002.

Le DoD emploie près de 1,5 million de soldats de métier, basés à l’étranger pour un quart d’entre eux. L’arsenal nucléaire comprend 5 200 têtes (45 % du total mondial) installées sur des missiles interconti-nentaux, 17 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et une soixantaine de bombardiers. La marine dispose de cinq flottes et « le tonnage de la flotte de combat est supérieur à celui du total combiné des treize plus importantes marines de guerre » (Y. Boyer, Questions internationales, n° 39). Combinée à l’aviation, cette armada peut projeter 400 000 soldats sur un voire deux théâtres d’opérations éloignés.

Les quatre armes, les Marines formant un corps à part, sont adossées au complexe militaro-industriel. L’effort de recherche-développement et la puissance des entreprises travaillant pour le Pentagone (Boeing, Lockheed, Raytheon…) font que le pays est en pointe dans « la révolution des affaires mili-taires ». On cherche à protéger le territoire par un bouclier antimissile, voire par la militarisation de l’espace. On améliore les équipements de détection, les drones, le renseignement : système Echelon, couverture satellite du globe par le système GPS…

Le dispositif militaire se déploie à l’échelle du globe avec des commandements à vocation régionale ou fonctionnelle (Strategic Command pour les forces nucléaires par exemple).

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les états-Unis166

2. Des alliésLes alliances nouées au temps de la guerre froide voient leurs missions évoluer : l’OTAN intervient depuis 2001 comme telle en Afghanistan, loin du théâtre euro-méditerranéen couvert en 1949 par l’Alliance atlantique. Les forces des alliés accompagnent celles des états-Unis dans la fonction de « gendarmes du monde ».

Ces alliés ou d’autres pays mettent à disposition du Pentagone un ensemble de bases navales ou aériennes, ou de facilités (autorisation de relâche pour l’US Navy, installation de centres d’écoute, etc.). Ce réseau s’étoffe dans le golfe Persique, les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, les PECO.

B. DepUIs 1991 : L’IntRoUvABLe pax america

On mesure bien à Washington que l’annonce faite au monde au soir du 25 décembre 1991 par M. Gorbatchev (« la fédération soviétique a cessé d’exister ») ne règle pas toutes les questions de sécurité. Que faire de cette « victoire » ? Peut-on imaginer un retour à l’isolationnisme ? L’opinion y incline. L’élection présidentielle de 1992 en atteste : G. Bush père se représente en vantant son bilan international (outre la fin de l’URSS, 1991 a vu la coalition menée par les états-Unis obtenir une rapide victoire contre l’Irak de S. Hussein) ; il est pourtant battu par Bill Clinton, qui fait campagne sur la crise tandis que l’indépendant Ross Perot obtient plus de 18 % des voix en dénonçant le projet d’Alena. La victoire du candidat démocrate rappelle que pour une majorité d’Américains les priori-tés ne sont pas hors des frontières.

Les cercles dirigeants sont, eux, acquis à l’idée que l’Amérique doit tirer parti de la situation pour promouvoir ses intérêts et ses valeurs. Ils sont cependant partagés entre deux options : unilatéralisme ou multilatéralisme. Ou bien, convaincue de sa « destinée manifeste », l’Amérique agit seule, selon son agenda, en utilisant la force au besoin. Ou bien elle consulte ses alliés, tient compte des institu-tions internationales et cherche à régler les problèmes par la négociation.

Les choses sont plus nuancées en vérité. P. Hassner et J. Vaïsse (2003) l’ont montré, il existe toute une gradation entre les « internationalistes libéraux » dans la lignée de Wilson, les « réalistes gestionnaires » (Kissinger, G. Bush…) et les « hégémonistes néo-fondamentalistes » (Wolfowitz, G. W. Bush…). Les quatre présidents qui se succèdent depuis la fin de la logique bipolaire sont convaincus, comme leurs prédécesseurs, que leur pays doit exercer un leadership voire une hégémonie mais ils hésitent entre ces deux postures. Ils les pratiquent l’une et l’autre en vérité, selon les contextes : la première guerre du Golfe et celle contre l’Afghanistan se font sous mandat onusien mais pas l’invasion de l’Irak en 2003 ; B. Clinton privilégie une « diplomatie commerciale » exclusivement nationale . Madeleine Allbright, ambassadrice des états-Unis auprès de l’ONU sous Clinton, résume la « doc-trine » : « Multilatéraux quand nous le pouvons, unilatéraux quand nous le devons » (dans A. de Hoop Scheffer, Questions internationales, n° 39). Le « multilatéralisme à la carte » de Washing-ton se pratique dans toutes sortes d’instances internationales, de l’Alena ou de l’APEC à l’ONU en passant par le G20, devenu officiellement « forum principal de coopération économique » entre pays émergents et pays développés lors du sommet de Pittsburgh en 2009.

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Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991) 167

iii. Approches régionales

Document 11.5 Les forces armées américaines dans le monde (en 2003)

Troupes déployées Troupes engagées dans desmissions de maintien de la paix

En nombre d’hommes

Alaska14 400

Bermudes 800

Turquie 3 860Turquie 1 400

Yougoslavie 5 100Hongrie 350

Fyrom (KFOR) 260

Bosnie-Herz. 2 000

Égype 865

Norvège 53Allemagne 68 950

Pays-Bas 550

Islande 1 478

Royaume-Uni 9 400

Belgique 1 290

Portugal 780

Espagne 2 190

Italie 2 600

Grèce 290

Hawaï32 460

Japon38 450

Corée du Sud37 140

Guam3 460

Thaïlande108

Singapour124

Australie110

Diego Garcia668

Arabie Saoudite 4 408Bahreïn 4 200

Qatar 3 300Oman 260

Koweït 8 388

Kirghizstan4 000 (prévue)

Tadjikistan 50

Afghanistan7 500

E.A.U. 390

Ouzbékistan 12 000

Cuba (Guantanamo) 2 038

Honduras 356

Colombie 15

A. L’eURope : ÉtRoItesse Des LIens et DIveRgenCes stRAtÉgIqUes

Les rapports restent denses économiquement : l’Amérique adresse à l’Union européenne environ un cinquième de ses ventes ; des flux d’IDE massifs relient les partenaires, dans les deux sens. Les accu-sations réciproques de protectionnisme (les bananes, les avions, l’agriculture…) ne doivent pas mas-quer l’essentiel. Les échanges se doublent d’interactions entre les sociétés : de nombreux étudiants européens séjournent aux états-Unis ; nombre de cadres et de touristes traversent l’Atlantique.

Sur le plan stratégique en revanche, le fossé se creuse depuis 1991. Certes, les membres européens de l’Alliance atlantique sont de plus en plus nombreux (28 au début 2010) : les anciennes démo-craties populaires, mais aussi les républiques baltes ont rejoint les douze fondateurs. Plusieurs de ces pays, dont la France qui réintègre les structures de l’OTAN en 2009, sont engagés aux côtés des états-Unis sur divers théâtres d’opérations. Mais ceux-ci adressent depuis une vingtaine d’années trois séries de reproches à l’Europe :

• elle ne prend pas assez sa part du fardeau de la défense. Bien qu’elle ait entrepris de se doter d’une armée commune, l’UE s’en remet en 1999 aux bombardiers américains de l’OTAN pour contrain dre le gouvernement serbe à ne plus soutenir ses milices au Kosovo. La condamnation de l’invasion de l’Irak par la France et l’Allemagne est vivement critiquée aux états-Unis : on oppose la

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« nouvelle Europe », celle de l’Est, qui approuve l’intervention, à la « vieille », qui abdiquerait ses responsabilités. Les rapports franco-américains sont spécialement difficiles. « L’Amérique s’étonne que la France puisse exprimer les mêmes prétentions qu’elle. La France cesse d’être le phare de l’humanité et croit que les états-Unis lui ont volé le rôle » (A. Kaspi, 1999).

• Washington a le sentiment que malgré le traité de Lisbonne, l’UE reste divisée. Les états réagissent en fonction de traditions et de logiques propres : les PECO comptent plus sur l’OTAN que sur l’UE pour les protéger d’une Russie dont ils continuent à se défier ; le Royaume-Uni ne renonce pas à la « relation spéciale », etc.

• l’UE est jugée du coup impropre à constituer un partenaire fiable dans la gestion des crises géopolitiques, y compris dans son voisinage : la Maison-Blanche relance le dialogue israélo-arabe hors du Quartet qui associe les états-Unis, l’UE, la Russie et l’ONU. Elle insiste pour que la Turquie, membre de l’OTAN, soit admise dans l’Union : y voyant un facteur de dépassement de la fracture entre Occident et monde musulman, elle s’impatiente de la lenteur des négocia-tions amorcées en 2005 entre Bruxelles et Ankara.

Le point de vue dominant est résumé par Robert Kagan. Le chef de file des néo-conservateurs amé-ricains estime que face aux états-Unis, « empire bienveillant » passé de « l’innocence » à la realpolitik, les Européens ont fait le chemin inverse depuis 1945 : recrus de tragédies, assurés du « parapluie » américain, ils auraient choisi « Vénus contre Mars », cultiveraient l’illusion d’une paix possible sans la force, aspirant à constituer une sorte de grande Suisse à l’abri des tourments internationaux (R. Kagan, La puissance et la faiblesse. Les États-Unis et l’Europe dans le nouvel ordre mondial, Hachette, coll. Pluriel, 2006). S’adressant avant tout aux Européens à Oslo, B. Obama dit-il autre chose ? « Le monde doit se rappeler que ce ne sont pas les institutions internationales, les traités et les déclara-tions qui lui ont apporté la stabilité après la Seconde Guerre mondiale… Les états-Unis d’Amérique ont contribué à garantir la sécurité mondiale pendant plus de soixante ans par le sang de leurs citoyens et par la force de leurs armes ».

D’aucuns ont cru que B. Obama serait plus disposé que ses prédécesseurs à « accepter sans conditions les règles du multilatéralisme ». En vérité, l’Europe « ne peut rien attendre de l’Amé-rique tant qu’elle aura renoncé à attendre quoi que ce soit d’elle-même » (Zaki Laïdi, Le Monde du 8 avril 2010).

B. L’AsIe, pARtenAIRe essentIeL

1. Le Pacifique, nouvel axe du mondeLes échanges à travers l’océan Pacifique sont depuis la décennie 1980 plus importants que les flux tran-satlantiques. Nourris d’abord par le Japon et les NPIA, ils se sont renforcés avec la montée en puissance de la Chine. Le Forum Asie-Pacifique né en 1989 pour encadrer ces liens reste une coquille vide. On a d’un côté une Asie orientale se structurant au sein de l’ASEAN prolongée par association avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud, de l’autre l’Alena. Cependant, les états-Unis entretiennent des liens étroits avec tous les pays de la façade Pacifique de l’Asie, tant sur le plan humain (les immigrants : chapitre 3) et économique que géopolitique – l’US Pacific Fleet constitue la première force navale au monde.

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Sur le plan économique, les échanges avec le Japon comme avec la Chine sont déséquilibrés. Tous deux sont plus des fournisseurs que des clients. Le déficit commercial se creusait avec l’Archipel dans la décennie 1980, il est abyssal avec la Chine : il est passé de 90 milliards de dollars en 2002 à 227 milliards de dollars en 2009. De ce fait, les deux pays sont aussi des créanciers pour l’Amérique : Tokyo le reste et Pékin détient 800 milliards de dollars en bons du Trésor américain. Les tensions commerciales étaient fréquentes avec le Japon : B. Clinton obtient au milieu de la décennie 1990 l’ouverture du marché nip-pon et l’appréciation du yen (l’endaka). Elles ont laissé place aux protestations de Washington contre le soutien apporté par Pékin à ses exportations via la sous-évaluation du yuan. Cependant, les trois éco-nomies sont interdépendantes. Tirée par les exportations, la prospérité de l’Asie orientale tient aux capacités d’absorption du marché états-unien, qui se nourrit des capitaux asiatiques.

2. Vers une « Chinamerica » ? En Asie, le système géopolitique reste marqué par les logiques de guerre froide.

Les relations entre les états-Unis et le Japon dépendent d’une dissymétrie de moyens qui fait des premiers les protecteurs du second. Cela étant, la présence de bases américaines et de milliers de GI’s, à Okinawa surtout, suscite des frictions. L’opinion souhaite une plus grande autonomie de l’Archipel dans le cadre de l’alliance américaine et son recentrage sur l’Asie – c’est l’une des raisons de la victoire électorale du Parti Démocrate (centre gauche) en 2009.

La relation entre la Chine et les états-Unis est devenue structurante. La Chine tire pleinement parti de la mondialisation économique et de ses échanges avec l’Amérique du Nord. Certains à Washing-ton voudraient officialiser ce duopole par un G2 associant les deux premières économies du monde – la Chine devrait remplacer le Japon au second rang en 2010.

Pourtant, les rapports entre les sociétés et les états restent difficiles. Aux états-Unis, les dissidents chinois exilés sont nombreux. De même, les ONG sont actives pour dénoncer le sort des Tibétains, celui des églises, des opposants et plus généralement l’absence de liberté. Pékin n’en a cure mais les firmes (voir Google) et les pouvoirs publics américains ne peuvent l’ignorer. Surtout, Washington a des alliés qu’inquiète « l’ombre » grandissante du « Dragon » sur l’Asie : Tokyo et Séoul jugent que la Corée du Nord est autant soutenue que freinée par Pékin dans son projet d’arme atomique. Les dirigeants de Pékin ne manquent pas de rappeler que Taiwan est chinoise : or la sécurité de l’île est assurée par les états-Unis qui ne peuvent accepter une réunification par la force.

Pékin vante « l’ascension pacifique » du pays, mise en scène aux Jeux olympiques de 2008. Arguant de la croissance préservée, qui a amorti la crise mondiale en 2009, le président Hu Jintao exige le « partage des responsabilités » dans la direction des affaires internationales. La Chine modernise son appareil militaire (arsenal nucléaire et flotte de guerre). Elle mène une diplomatie planétaire qui la pose en alternative aux états-Unis en Amérique latine, en Afrique, en Iran, etc. Elle utilise le sommet de Copenhague pour se présenter en champion des émergents face aux pays riches. Le Parti commu-niste chinois exalte la fierté nationale pour faire accepter les contraintes politiques. Rien de tel que l’opposition à l’Amérique, « tigre de papier » disait Mao Zedong, pour flatter le sentiment d’une grandeur retrouvée. Dans ces conditions, la « Chinamerica » reste une chimère. Mais la rupture est également peu vraisemblable, tant les économies sont devenues interdépendantes : la situation est à cet égard tout à fait différente de celle qui prévalait entre l’URSS et les états-Unis avant 1991 (F. Lemoine, La Chine, coll. Cap Prépa, Pearson, 2009).

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3. L’Inde, nouveau « partenaire stratégique »Sur le plan économique, les liens s’étoffent quand New Delhi abandonne en 1991 sa stratégie de déve-loppement autocentré. Le territoire indien s’ouvre aux IDE : les firmes états-uniennes sont aimantées par la présence d’ingénieurs bien formés, parlant anglais et peu coûteux (NTIC, services). Dans l’autre sens, l’Amérique attire des diplômés (chapitre 3). Les interactions entre les deux sociétés, l’une et l’autre démocratiques et multiculturelles, se développent : nombre d’artistes, d’écrivains, d’intellectuels indiens circulent entre les deux ; le cinéma indien emprunte à Hollywood (« Bollywood » : ).

Sur le plan géopolitique, la fin de l’URSS permet le rapprochement entre deux états méfiants à l’en-contre de la Chine. Les relations entre Pékin et New Delhi se sont améliorées depuis une dizaine d’années, mais les contentieux territoriaux dans l’Himalaya ne sont pas réglés. Après 2001, les états-Unis s’imposent d’autant plus comme partenaire de substitution à la défunte URSS qu’ils se défient eux-mêmes non seulement de la Chine mais aussi du Pakistan, allié incertain face à l’islamisme. L’Inde de toutes les religions, exposée elle-même au terrorisme, devient un allié si précieux qu’on lui « pardonne » de déroger aux obligations du traité de non-prolifération nucléaire.

Les deux pays s’engagent dans un « partenariat stratégique » non exempt d’arrière-pensées de part et d’autre (C. Bardot, L’Inde au miroir du monde, Ellipses, 2007). Néanmoins, B. Obama, décidé à jouer la carte pakistanaise, semble lui accorder moins d’importance que ses prédécesseurs.

C. « L’oRIent ARABe à L’heURe AmÉRICAIne » (henRy LAURens)

En 1991, l’effacement de Moscou et la guerre du Golfe qui projette leurs forces au cœur du Moyen-Orient donnent aux états-Unis l’occasion de mieux prendre en charge les risques qui font de la région une poudrière (H. Laurens, L’Orient arabe à l’heure américaine. De la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Hachette, 2008).

Sur la question israélo-arabe, leur position est inconfortable : ils ont pour alliés à la fois Israël et des états qui, membres de la Ligue arabe, partagent ses condamnations réitérées contre les actions voire l’existence même de l’état hébreu. Un succès est obtenu en 1993, avec la signature d’un accord entre l’OLP de Yasser Arafat et le gouvernement israélien d’Itzhak Shamir. Mais « le processus de paix » s’ enlise, miné par les extrémistes des deux camps et par l’extension des implantations juives en Cisjor-danie et à Jérusalem. B. Clinton ne parvient pas à sortir la négociation de l’impasse ; le dossier n’avance pas sous G. W. Bush. Au Caire, B. Obama rappelle « la relation immuable » qui unit l’Amérique à Israël et « l’aspiration légitime du peuple palestinien à un état à lui ». Concilier les deux reste malaisé.

En Irak, les vainqueurs de 1991 ont laissé Saddam Hussein au pouvoir tout en plaçant son pays sous surveillance : le dictateur est soupçonné de vouloir se doter d’armes nucléaires. L’administration de G. W. Bush se met en devoir dans le sillage de la victoire éclair en Afghanistan de remodeler le « Grand Moyen-Orient », du Maroc au Pakistan. L’Irak est une cible toute désignée. Le but affiché est de favo-riser le développement et la démocratie pour enlever leurs arguments aux islamistes et pacifier la région. D’aucuns avancent qu’il s’agirait en vérité de mettre la main sur les ressources pétrolières du golfe Persique ; ou de réduire l’influence d’une pétromonarchie saoudienne fondamentaliste dont venaient les terroristes du 11 Septembre en contrôlant l’Irak pétrolier ; ou de tenir la Russie éloignée d’une région stratégique. Voire tout cela à la fois. Faute d’archives, ce ne sont que des suppositions.

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Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991) 171

Rien n’interdit de penser que l’influence à la Maison-Blanche de néo-conservateurs ayant une approche idéologique des choses a pu jouer. Quoiqu’il en soit, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes, même si « lentement, chaotiquement, l’Irak se reconstruit » (P. Claude, Le Monde, Bilan Géostratégie, 2010). L’avenir est hypothéqué par les tensions entre les communautés. Le pari de refon-der le Moyen-Orient par la force a échoué.

La nouvelle administration en tire les leçons. Le 4 juin 2009 au Caire, « un Américain d’origine afri-caine et ayant pour nom Barack Hussein Obama » explique que « l’Amérique n’est pas et ne sera jamais en guerre contre l’islam ». Il s’agit d’effacer l’image d’un « choc des civilisations » imposée par l’aventure irakienne.

Le dossier iranien confirme les limites de cette « diplomatie de la parole ». Téhéran affirme son inten-tion de se doter de l’arme nucléaire et le président Ahmadinejad contesté dans les urnes et dans la rue depuis 2009 n’est guère décidé à saisir la main tendue par le nouveau Président américain. Il a besoin d’un ennemi extérieur pour faire taire son peuple. S’achemine-t-on vers un durcissement des sanc-tions contre l’Iran ? Au printemps 2010, B. Obama l’évoque avec insistance, lors de sa rencontre avec N. Sarkozy en mars, comme durant le sommet réuni à Washington en avril pour combatttre la pro-lifération des armes nucléaires.

Par ailleurs, le départ d’Irak annoncé pour l’été 2010 des unités combattantes s’accompagne du dou-blement des effectifs américains engagés en Afghanistan et d’une augmentation des dépenses mili-taires : le projet de budget pour 2011 les porte à 708 milliards de $ – c’est plus de trois fois supérieur au montant cumulé des 27 pays de l’Union européenne : « Mars » n’a pas fini de rappeler à « Vénus » que « la paix requiert des sacrifices » (B. Obama à Oslo).

Au total, les risques géopolitiques restent majeurs dans la région. Chacun a ses logiques et ses acteurs propres, mais ils sont liés : Israël juge sa sécurité menacée par l’Iran (la bombe et l’appui de Téhéran au Hezbollah libanais et au Hamas palestinien) ; les tensions en Irak sont fortes entre la minorité sunnite sur laquelle s’appuyait S. Hussein et la majorité chiite qui pourrait regarder vers l’Iran. La pauvreté et la mau-vaise gouvernance font le lit des extrémismes. Le tout compose une poudrière. L’explosion menace au reste l’Europe bien plus que les états-Unis mais la VIe flotte continuera à faire de la Méditerranée un « lac amé-ricain » (C. Bardot, G. Crouzet, F. Perrier, Maghreb et Moyen-Orient, coll. Cap Prépa, Pearson, 2010).

Pour conclureLa place des états-Unis dans le monde fait l’objet d’appréciations contradictoires. Laudative ou cri-tique, cette littérature a souvent une dimension prospective (Bibliographie). L’avenir n’est écrit nulle part. Toutefois, les scénarios les plus vraisemblables ne concluent pas à l’effondrement d’un pays qui, certes, a des faiblesses et des adversaires, mais dispose d’efficaces leviers d’influence, pour peu qu’on les évalue à l’aune de la globalisation plutôt qu’à celle, révolue, de la puissance territorialisée.

À la condition surtout de renoncer au fantasme de l’« hyperpuissance ». Pas plus en Amérique qu’ailleurs, et sans doute là moins qu’ailleurs, n’existe un deus ex machina qui tiendrait en mains les grandes multinationales, les médias, les studios de cinéma, les forces armées, etc. Et qui manoeuvre-rait savamment tout cela en vue d’un objectif clair et poursuivi avec constance. Qu’il y ait à Washing-ton un projet impérial est très discutable. Ce qui l’est moins, c’est que les présidents successifs restent, chacun à sa façon, imprégnés de la conviction qu’exprimait le troisième, Jefferson : les états-Unis sont, disait-il, « l’Empire de la liberté ».

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Focus : des éclairages originaux et des décryptages de controverses pour une compréhension réelle et approfondie du sujet.

L’ACtUALItÉ à CompRenDRe

La Russie, partenaire ou adversaire ?

Les échanges restent minces et les différends se multiplient depuis une dizaine d’années. La Russie de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 1999 (comme Président puis comme Premier ministre depuis 2008), soupçonne Washington de vouloir brider sa renaissance comme puissance : l’élargissement de l’OTAN jusqu’aux frontières russes, la chute de gouvernements pro-russes en 2003-2005 (Serbie, Ukraine, Géorgie, Kirghizistan), l’établissement de bases américaines près de la mer Caspienne ont été ressentis ainsi. De leur côté, les dirigeants américains soupçonnent la Russie de renouer avec l’impérialisme en s’arrogeant un droit de regard sur son « étranger proche ». Ils lui reprochent ses liens avec l’Iran et craignent la formation d’un bloc continental : l’Organisation de coopération de Shanghai associe Moscou et Pékin aux pays d’Asie centrale, autour des enjeux pétroliers et gaziers. Les relations s’apaisent depuis 2009 : B. Obama renonce à implanter en République tchèque et en Pologne des éléments du bouclier antimissile, repousse sine die l’adhésion de l’Ukraine et de la Géor-gie à l’OTAN, signe avec Moscou en avril 2010 un nouvel accord START de réduction mutuelle des armes nucléaires (prélude au « monde sans armes nucléaires » évoquée par le président américain ?). La Russie a intérêt à stabiliser la situation en Afghanistan : elle ne souhaite pas voir se renforcer en Asie centrale un islamisme qui aurait des effets de contagion sur les peuples musulmans du Caucase, alors même que la situation est loin d’être « normalisée » en Tchétchénie. Mais le sentiment national est blessé par le déclassement du pays : le PIB russe ne représente que le dixième du PIB américain. Le Kremlin peut-il se passer de faire du « loup américain » (Poutine) un bouc émissaire commode ? La dissymétrie de puissance nourrit les « incompréhensions mutuelles » (Isabelle Facon, Russie, les chemins de la puissance, éditions Artège, 2010).

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Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991)

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L’eRReUR à ÉvIteR

L’Amérique ne serait que le « pays du dieu dollar »

Aussi puissante soit-elle, la culture de masse américaine ne doit pas occulter la place qu’occupe dans le pays et hors des frontières sa « culture savante » : 45 % des lauréats des Prix Nobel décernés depuis 1901 sont états-uniens, dont deux sur trois depuis le milieu des années 1970, des scientifiques et des économistes mais aussi des écrivains – douze Nobel de littérature : Faulkner, Hemingway, Steinbeck, Bellow, Singer…. Par ailleurs, « c’est à New York que s’écrit l’histoire de l’art de l’après-guerre : expressionnisme abstrait dans les années 1950, minimalisme et pop art dans les années 1960, pein-ture postmoderne dans les années 1980 avec Jean-Michel Basquiat, néo-kitsch des années 1990 avec Jeff Koons » (T. Laurent, Questions internationales, n° 42, mars-avril 2010, « L’art dans la mondialisa-tion »). En 2010, le peintre Cy Twombly peint le plafond de la salle des bronzes du musée du Louvre, un musée Guggenheim doit ouvrir en 2011 à Abou Dhabi…

Cette vitalité créatrice repose sur des fondements spécifiques. À côté des pouvoirs publics, dont le rôle est conséquent, les fortunes privées dotent le pays d’instituts scientifiques, de bibliothèques, de fondations aux collections fabuleuses : Carnegie, Barnes, Phillips… Les 4 000 universités emploient l’essentiel des 2 millions d’artistes du pays (trois fois plus que de policiers). L’environnement socio-politique est propice à une « vie culturelle profondément démocratique » (F. Martel, 2006).

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1. ÉCRIt

Les États-Unis, la « fin de l’Empire » ? (Ecricome, 2009)

Libellé problématique exigeant une réflexion nuancée et dialectique, prenant en compte toutes les formes d’influence. L’existence même d’un « Empire américain » doit se discuter avant que d’évoquer sa fin éventuelle. Lier celle-ci à la crise des subprimes serait surestimer le présent : quid du krach boursier de 1987, de l’éclatement de la bulle Internet en 2000… ? L’associer à l’Irak serait oublier le Vietnam, échec bien plus avéré. Distinguer : empire/hégémonie/leadership. Montrer les métamor-phoses de la puissance.

Sujet possible : Les États-Unis, une hyperpuissance ?

(reprendre les problématiques ci-dessus, par exemple)

2. oRAL heC

Sujets possibles

• Les états-Unis dans l’échange international

• Les limites de la puissance américaine

• Les états-Unis et la Chine

• Les états-Unis et le Moyen-Orient depuis les années 1970

Sujet traité : L’Amérique redécouvre l’Afrique

Le continent africain, négligé durant la guerre froide, fait l’objet d’un intérêt soutenu depuis la fin du xxe siècle. Cela se marque par des voyages présidentiels : B. Clinton effectue deux longues tournées en 1998 puis en 2000 ; G. W. Bush également, en 2003 puis en 2008 ; B. Obama se rend au Ghana, petit pays anglophone et démocratique, dès 2009. Tant les autorités que la société civile américaines s’engagent sur le continent noir : un plan de 30 milliards de $ a contribué à freiner la pandémie de sida, les ONG états-uniennes sont en pointe sur les questions humanitaires (Darfour, Zimbabwe, Congo…). Il y a aussi une présence militaire avec une base à Djibouti.

Pouvoirs publics et firmes sont intéressés par le pétrole africain. Les premiers veulent diversifier les fournisseurs et sécuriser les approvisionnements. Les secondes sont actives au Nigeria, en Angola, en Guinée équatoriale. La Maison-Blanche entend aussi combattre l’islamisme radical en Afrique, tant dans la partie orientale où il est actif de la Somalie à la Tanzanie qu’au Sahara.

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175Chapitre 11 les états-Unis au milieu du monde (depuis 1991)

La percée américaine sur le continent noir n’est pas sans susciter des tensions avec la France, « gen-darme » traditionnel dans la région : c’est à l’arrière-plan des conflits des Grands Lacs au milieu de la décennie 1990. Elle se heurte aussi aux ambitions chinoises affichées depuis le premier Forum Afrique/Chine en 2006 (C. Bardot, J. Favre, B. Jégou, F. Paris, A. Touitou, L’Afrique, coll. Cap Prépa, Pearson, 2009).

En Afrique du Nord, les relations s’étoffent aussi bien avec le Maroc (un traité de libre-échange s’ applique depuis 2006) qu’avec l’Algérie et la Libye où les enjeux énergétiques sont importants. Le Maghreb constitue un autre sujet de friction possible entre Paris et Washington.

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