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AGENCE DE LA FRANCOPHONIE (ACCT) INSTITUT DE L’ÉNERGIE DES PAYS AYANT EN COMMUN L’USAGE DU FRANÇAIS (IEPF) LIAISON NUMÉRO 33 - 4 e TRIMESTRE 1996 44 FF • 1900 FCFA • 8,00 $ CDN • 250 FB IEPF Énergie-Francophonie ÉNERGIE ET PRODUCTION AGRICOLE ÉNERGIE ET PRODUCTION AGRICOLE

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INSTITUT DE L’ÉNERGIE DES PAYS AYANT EN COMMUN L’USAGE DU FRANÇAIS (IEPF)

LIAISONNUMÉRO 33 - 4e TRIMESTRE 199644 FF • 1900 FCFA • 8,00 $ CDN • 250 FB

I E P F

Énergie-Francophonie

ÉNERGIEET PRODUCTION

AGRICOLE

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AGRICOLE

LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

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LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

DANS CE NUMÉRO

Dans ce numéro consacré au thème Énergie et productionagricole, Gustavo BEST, du Service de l’environnement etdes ressources naturelles de la FAO, présente les conclusionset recommandations d’une étude de la FAO sur les besoinsénergétiques de l’agriculture en Afrique. L’agriculture, commeles autres secteurs de l’économie en Afrique, manque duminimum d’énergie nécessaire, ce qui maintient la producti-vité à un faible niveau. Comme la productivité agricole estliée de près aux apports en énergie, il est donc urgentd’adopter des politiques permettant de consolider ce lienau profit des agriculteurs, d’autant plus que le rapport entrel’énergie et l’agriculture, rappelons-le, comporte des aspectssociaux uniques.

De son côté, Jean LUCAS, du Conservatoire nationaldes arts et métiers de Paris, s’intéresse plus particulièrementà la capacité de la biomasse à satisfaire les besoins en énergiedu secteur agricole. M. LUCAS estime qu’il y a, dans laproduction et la valorisation énergétique de la biomasse « pardes voies bien choisies », une source possible et particu-lièrement intéressante de devises et, partant, de dévelop-pement. Un concours de circonstances a permis àM. LUCAS, ainsi qu’à toute l’équipe du CEMAGREF,d’étudier un dossier technique qui est rapidement apparucomme susceptible de favoriser le développement denombreux pays pauvres : la biomasse énergie.

Pour sa part, Lanciné SYLLA, de la Direction nationalede l’hydraulique et de l’énergie du Mali, se penche sur lepaysage énergétique rural africain, dans un article sur les« besoins énergétiques de l’agriculture traditionnelle ».L’agriculteur traditionnel doit respecter un « contrat » taciteavec son environnement socioéconomique : assurer sasubsistance propre et produire un surplus permettantd’échanger avec les autres secteurs d’activité économique.Plus largement, l’Afrique doit contribuer à construire et àutiliser l’édifice collectif du génie humain dans les mêmesconditions de dignité et de responsabilité que les autresrégions du monde. Pour M. SYLLA, il convient de mobiliserle potentiel local des ressources énergétiques traditionnellesavant de diffuser des systèmes énergétiques intermédiaireset modernes. Tout passe par l’énergification rurale.

René Yvon BRANCART et Anguie ANGUIE étudientla place de l’énergie dans la production agricole de la Côted’Ivoire, un pays qui tire l’essentiel de ses revenus del’agriculture. Ce secteur est particulièrement diversifié etdynamique. Mais il est également l’un des plus gros

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consommateurs d’énergie, directement et indirectement :il fournit également le gros des besoins énergétiques dupays, par les résidus forestiers et agricoles. Il pourrait aussi,dès le début des années 2000, pourvoir à la satisfactionde marchés énergétiques captifs aujourd’hui des combus-tibles fossiles, dont certains sont produits localement (gaznaturel et pétrole brut). Il s’agit de la génération d’éco-carburants, du développement de la cogénération et dudéveloppement de la génération d’électricité par les voiesthermochimiques de valorisation des biomasses, paral-lèlement au développement des filières solaires.

Restons en Côte d’Ivoire – et dans la valorisation dela biomasse –, alors que Koné TOUNON nous parle del’utilisation des déchets industriels pour la productiond’énergie à la société Palmindustrie. Au lendemain del’indépendance, l’État ivoirien, dans le cadre de ladiversification de ses cultures de rente, a mis en place unvaste programme de développement du palmier à huile dansla région Sud du pays. Ce programme, dont la mise enœuvre et la poursuite ont été confiées à la société Palmin-dustrie, a connu un réel succès. En fait, cette entrepriseest forte d’une expérience de plus de 30 ans dans letraitement des régimes de palme pour la productiond’énergie.

Au Burkina Faso voisin, le séchage de fruits tropicauxpour l’exportation est considéré comme une clé dudéveloppement. F. THUILLIER et A. TRAORE présententun nouveau type de séchoir à caractère semi-industriel misau point dans le cadre du projet ABAC. L’origine de ce projetremonte à 1980. À cette époque, le GRET (Groupe derecherche et d'échanges technologiques), avec l’appui duGÉRES (Groupe énergies renouvelables et environnement)et de l’ISRA (Institut sénégalais de recherches agrono-miques), a commencé à travailler avec des maraîcherssénégalais en vue d’améliorer la conservation de leursproduits par séchage. Une étude de faisabilité a permis desélectionner un modèle de séchoir : le séchoir de type tunnelcartier qui représente une avancée technologique pour leséchage agro-industriel au Burkina Faso.

Enfin, en zone sahélienne, l’approche technologiqueretenue a été celle du séchoir solaire domestique dit«coquillage». Selon les auteurs Thérèse ONADJA et Jean-François ROZIS, « il s’agit d’un outil fiable, demandant peud’entretien, bien adapté aux besoins familiaux et réalisablepar les artisans locaux».

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LIAISONÉnergie-Francophonie

Numéro 33,4e trimestre 1996

est publié trimestriellement par l’Institutde l’énergie des pays ayant en communl’usage du français (IEPF).

56, rue Saint-Pierre, 3e étageQuébec G1K 4A1 CanadaTéléphone : 1 (418) 692-5727Télécopie : 1 (418) 692-5644Courriel : [email protected]

Directeur de la publication :Jean-Marc de Comarmond

Comité éditorial :Jean-Marc de ComarmondSibi BonfilsHenriette DumontFrançois DorlotDibongué A. KouoBoufeldja BenabdallahJean-Pierre Ndoutoum

Chef du service Informationet Documentation :Henriette Dumont

Édition et réalisation graphique :Communications Science-Impact

Photo de la couverture :Stage de formation en culture attelée,Tombouctou, NigerPhoto : Ph. Rocher/Publiphoto

ISSN 0840-7827

Tirage : 5 000 exemplaires

Dépôt légal :Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

Les textes et les opinions n’engagentque leurs auteurs. Les appellations,les limites, figurant sur les cartesde LEF n’impliquent de la part del’Institut de l’Énergie aucun jugementquant au statut juridique ou autred’un territoire quelconque, ni lareconnaissance ou l’acceptationd’une limite particulière.

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SOMMAIRE

ARTICLES

LES BESOINS ÉNERGÉTIQUES FUTURS DE L’AGRICULTUREEN AFRIQUEGustavo BEST ......................................................................... 4

LA CAPACITÉ DE LA BIOMASSE ÉNERGIE À SATISFAIRELES BESOINS EN ÉNERGIE DE L’AGRICULTUREJean LUCAS ............................................................................ 8

BESOINS ÉNERGÉTIQUESPOUR L’AGRICULTURE TRADITIONNELLELanciné SYLLA ..................................................................... 13

LA PLACE DE L’ÉNERGIE DANS LA PRODUCTION AGRICOLELE CAS DE LA CÔTE D’IVOIRERené Yvon BRANCART et Anguie ANGUIE ..................... 17

EXPÉRIENCE DE LA SOCIÉTÉ PALMINDUSTRIEDANS L’UTILISATION DES DÉCHETS INDUSTRIELSPOUR LA PRODUCTION D’ÉNERGIEKoné TOUNON .................................................................... 24

SÉCHAGE DE FRUITS TROPICAUX POUR L’EXPORTATION :L’EXPÉRIENCE AU BURKINA FASO DE LA MANGUE SÉCHÉEF. THUILLIER et A. TRAORE ............................................... 32

PRATIQUES DU SÉCHAGE EN ZONE SAHÉLIENNE :CRÉER DE NOUVELLES ACTIVITÉS RÉMUNÉRATRICESPOUR LES FEMMESThérèse ONADJA et Jean-François ROZIS ....................... 37

RUBRIQUES

L’IEPF A ORGANISÉ ................................................................................ 31

ACTIVITÉS ENVIRONNEMENTALES .................................................... 42

NOUVELLES PARUTIONS ..................................................................... 43

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Les besoins énergétiquesfuturs de l’agricultureen AfriqueConclusions et recommandationsd’une étude de la FAO

Gustavo BEST

Plusieurs pays d’Afrique comptent toujours parmi les plus faibles consommateurs d’énergie parhabitant au monde. Tous les secteurs (industrie, agriculture, transports, ménages et commerce)manquent du minimum d’énergie nécessaire, ce qui maintient la productivité à un faible niveauet nuit à la croissance économique. Dans tous les secteurs, également, l’énergie ne constitueque l’un des nombreux éléments importants entrant dans la production, la conversion, latransformation, le traitement et la commercialisation.

Gustavo BEST est coordonnateur senior Énergieau Service de l’environnement et des ressourcesnaturelles de la FAO.La croissance des rendements et de la production due

à ces différents apports, dont l’énergie, surtout dans lesecteur agricole de la plupart des pays d’Afrique, peutentraîner d’importants avantages, tels de meilleursrevenus, de nouvelles chances d’emploi et le dévelop-pement agro-industriel, ce qui tend à accroître les besoinsénergétiques. Dans ce contexte, l’énergie apparaît commeun «moteur» du développement. Plus qu’un simple rap-port économétrique, la relation entre l’énergie et l’agri-culture comporte des aspects sociaux et politiquesuniques. Dans le cas de l’Afrique rurale, ce rapport touchedes millions de personnes, plongées dans la pauvreté,les corvées de misère et la malnutrition, et, en termesd’énergie, tenues à l’écart du processus de développementdont jouissent d’autres segments de la population.

On a remis à l’honneur, particulièrement en Afrique,les questions de sécurité alimentaire, et avec raison.Dans la seule Afrique sub-saharienne, trente pays ontconnu des niveaux de sécurité alimentaire bas ou même

dangereusement bas, de 1991 à 1993. De nombreuxautres pays de la région auront besoin d’aide en raisond’insuffisances dans leur production alimentaire. Pourparvenir à ce que «toute personne, en tout temps, puissese procurer la nourriture dont elle a besoin pour pouvoirmener une vie saine et active», il faudra nécessairementdisposer d’une énergie de meilleure qualité et en plusgrande quantité. L’énergie peut avoir un impact, à lafois directement et par le biais des avantages qu’ellereprésente en termes d’infrastructure rurale, d’emploiet d’amélioration du niveau de vie, particulièrementdans les zones où la faim résulte d’une pauvretégénéralisée et persistante.

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Dans une nouvelle étude intitulée « Les besoinsénergétiques futurs de l’agriculture en Afrique », laFAO analyse de façon systématique le contexteénergétique passé et actuel du secteur agricoleafricain. Cette étude identifie et examine les tendanceset les résultats du développement énergétique de larégion dans son ensemble, élabore et applique à lasituation de cinq pays (Cameroun, Mali, Soudan,Tanzanie et Zimbabwe) une approche méthodo-logique, et jette les bases d’études nationales, sous-régionales et régionales plus détaillées.

La réalisation de cette étude de la FAO s’est butéeà un obstacle majeur : le manque de données concer-nant la consommation d’énergie du secteur agricole,surtout celle des petites fermes et des petits produc-teurs. Ceci est dû au peu d’attention habituellementaccordé à ce sous-secteur énergétique par lesinstitutions de l’énergie et de l’agriculture, ce quiexplique sans doute en grande partie les problèmesqu’affronte le développement énergétique rural. Lesdonnées disponibles sont généralement incomplètes,souvent peu fiables, éparpillées entre diverses sourceset rarement compilées de manière ordonnée. Afin decombler cette lacune, au moins partiellement, diversspécialistes nationaux ont été contactés et ont aidéà repérer et à recueillir l’information concernantl’énergie et les questions pertinentes, en vue d’en tirerdes études de cas. Voici donc les principales conclu-sions et recommandations de cette étude.

EN MATIÈRE DE POLITIQUES

Les liens entre l’énergie et l’agricultureLa productivité agricole est liée de près aux apportsen énergie, directs et indirects, d’où la nécessitéd’adopter des politiques afin de consolider ce lienau profit des agriculteurs. La planification dudéveloppement agricole, dans la plupart des paysafricains, est conçue et appliquée sans véritable priseen compte de ce lien, ce qui écarte la possibilitéd’améliorer la production, tant sur le plan quantitatifque qualitatif. Quant à la planification énergétique,elle prend rarement en compte les besoins actuels

et à venir de l’agriculture, et la plupart des pro-grammes d’électrification rurale s’adressent surtoutaux ménages.

Les prix de l’énergieLes politiques de prix de l’énergie ne font que peu decas de la situation économique des populations rurales.Pour réaliser le développement rural, il faudra rendredisponibles les sources d’énergie, ce qui pourraitdemander des efforts particuliers à la société dans sonensemble. Ainsi, il pourrait s’agir de subventionnerl’approvisionnement en énergie, afin de maintenir lescoûts au bas niveau attendu et la production agricoleà un haut degré de qualité, comme l’exigent généra-lement les populations urbaines.

L’équité socialeLes politiques favorisant l’équité sociale entrepopulations rurales et populations urbaines, et entrehommes et femmes, particulièrement en milieu rural,sont inexistantes, ce qui entraîne migrations, injus-tices et instabilité sociale. En ce qui concernel’énergie, il faut réduire les corvées humaines (parexemple, pour la collecte de l’eau et du combustible)et améliorer les services. Rendre l’énergie et les autresressources plus facilement accessibles pour lesbesoins de l’agriculture, cela signifie une plus grandereconnaissance, en termes économiques aussi bienque sociaux, du rôle vital que jouent les populationsrurales africaines dans l’alimentation de la société.

La propriété foncièreMême si elles dépassent la portée de l’étude de laFAO, les politiques de propriété foncière et laréglementation visant à contrôler l’usage de la terreont de sérieuses conséquences sur la conversion dela biomasse en énergie. La faiblesse générale de lalégislation concernant les droits de propriété – tantsur la terre que sur les produits, telle la biomasse tiréede la forêt – constitue en Afrique une barrièreimportante au développement sain de la productionet de l’utilisation d’une bioénergie durable.

Plus qu’un simple rapportéconométrique, la relation

entre l’énergie et l’agriculturecomporte des aspects sociaux

et politiques uniques.

La productivité agricole est liéede près aux apports en énergie,

directs et indirects, d’où lanécessité d’adopter des politiques

afin de consolider ce lienau profit des agriculteurs.

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AGRICULTURE DURABLEET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Les besoins énergétiquesdans le cas d’objectifs spécifiquesPlanificateurs et décideurs doivent pouvoir associerbesoins énergétiques et objectifs spécifiques dedéveloppement agricole et rural, tels la sécuritéalimentaire, le développement agro-industriel et despratiques culturales durables. Pour ce faire, il fautdisposer de données concernant le niveau de consom-mation d’énergie de différentes techniques agricolespour les principaux aliments et autres culturesimportantes.

Prendre en compte toute la « chaînealimentaire » dans la déterminationdes besoins énergétiquesAfin de promouvoir des stratégies de sécurité alimen-taire comportant les ressources énergétiques requises,il faudrait tenir compte, dans les politiques etméthodologies adoptées, des liens cruciaux entre laproduction agricole, les industries basées sur l’agri-culture (aliments, boissons, tabac et textiles), ladistribution et la commercialisation, et le reste del’économie. C’est la croissance agricole qui contribuele plus à l’activité manufacturière et au secteur desservices en Afrique sub-saharienne, stimulant nonseulement les agro-industries, mais aussi le reste del’économie. Dans ce contexte, l’énergie tirée de labiomasse constitue un atout supplémentaire.

Une disponibilité énergétique conformeaux objectifs de sécurité alimentaireL’objectif de sécurité alimentaire régionale pourraitsignifier une demande énergétique, pour les besoinsde l’agriculture en 2010, deux à trois fois supérieureaux niveaux de 1990-1991, surtout si l’accent est missur l’amélioration des rendements par le biais detechniques traditionnelles exigeant un grand apporténergétique. (C’est la situation au Zimbabwe.) L’agro-industrie pourrait devenir le secteur dont les besoinsénergétiques connaissent la croissance la plus rapide,suivie du secteur agricole.

Les implications énergétiquesde techniques agricolesà faible consommationDes techniques agricoles à faible consommationd’énergie, tels le contrôle intégré des insectes nuisibles,les cultures demandant peu de labour, l’utilisation derésidus, d’engrais verts et autres fertilisants organiques,peuvent jouer un rôle important dans le développementd’une agriculture durable. On note plusieurs réussiteslocales ainsi que de nouvelles initiatives en matièred’agriculture à faible consommation et haut rendement.

Il reste toutefois à décrire de façon détaillée et systé-matique les implications énergétiques de ces techniques,et de nouvelles recherches seront nécessaires pour lescomparer avec les méthodes traditionnelles à consom-mation élevée.

Planification de l’approvisionnementénergétique pour des interventionsspécifiques d’agriculture durableet de développement ruralLa conception et l’application de presque touteactivité du domaine de l’agriculture durable et dudéveloppement rural nécessiteront une forme et unequantité quelconque d’apport énergétique. Dans biendes cas, on omet de prendre en considération cetapport énergétique, ce qui donne lieu à des solutionspeu satisfaisantes sur le plan environnemental aussibien que sur celui de l’efficacité énergétique. Il faut« énergiser » les pratiques agricoles en recourant auxmêmes critères environnementaux et de durabilitéque pour la pratique elle-même.

LES QUESTIONS DE MÉTHODOLOGIE

Des plans agricoles, énergétiques,d’électrification et de développementrural coordonnésLa plupart des secteurs exécutent leur plan respectifindépendamment des autres secteurs. Or, l’intégrationest particulièrement importante pour l’élaboration depolitiques et de plans énergétiques en agriculture,étant donné les liens étroits entre secteurs. Ceproblème vient en grande partie du peu d’attentionaccordée par le secteur de l’énergie aux zones ruralesen général, de l’incapacité des agriculteurs à s’orga-niser en groupes de pression et de l’absence demandat et d’expertise technique en matière d’énergie,dans le secteur agricole.

Liens et responsabilités institutionnelsL’un des aspects étonnants soulevés par l’étude dela FAO touche le peu de rapports existant entre lesdivers secteurs appelés à prendre part à l’élaborationde politiques énergétiques pour l’agriculture, à laréalisation de projets énergétiques dans le cadred’activités agricoles et au développement de techno-logies concernant le double rôle de l’agriculture entant que consommatrice et productrice d’énergie. Ungroupe de travail national pourrait être créé afind’élaborer un programme global d’énergie pourl’agriculture, et un cadre d’action national pourraitêtre conçu et adopté, servant ainsi de référence pourtous les acteurs impliqués.

La coordination de la planificationaux niveaux local, régional et nationalDes méthodes de planification énergétique agricoleet rurale devraient idéalement être appliquées aux

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niveaux local, régional et national. La meilleure façond’aborder les besoins locaux passe par la connais-sance du contexte local particulier et la participationeffective des populations.

L’analyse de l’utilisation finale à la basede la planification et des projectionsL’analyse basée sur la demande et l’utilisation finaleoffre plusieurs avantages. Elle distingue généralementles types de fermes, de productions, de régions etd’utilisation de l’énergie, et permet une meilleurecompréhension et une meilleure projection desbesoins énergétiques.

LES BESOINS EN DONNÉESET LEUR DISPONIBILITÉ

Le potentiel économique desinterventions énergétiques en agricultureDes efforts supplémentaires devront être consacrésà la compréhension de l’impact économique despénuries et des manques à gagner énergétiques dansle secteur agricole en Afrique. L’information et lesdonnées ainsi produites joueront un rôle capital aumoment de déterminer le niveau optimum de res-sources à consacrer à l’étude et à l’évaluation del’utilisation de l’énergie dans le secteur agricole, ainsique les interventions appropriées. Pour le moment,les ressources semblent cruellement inadéquates,dans une région où l’agriculture constitue la principaleactivité économique.

La collecte, la productionet la collation de données sur l’énergieLa rareté généralisée des données disponibles sur lesmodes d’utilisation de l’énergie, combinée à lanécessité de satisfaire les besoins énergétiques del’agriculture, indique que davantage d’efforts devraientêtre consacrés à la compilation de statistiques surl’énergie dans ce secteur.

Une base de données régionalenormalisée sur l’énergie et l’agricultureLa coopération régionale, dans le domaine del’énergie et de l’agriculture, serait très utile à laconstruction d’une base de données à partir d’uneinformation nationale normalisée. Le questionnaireconçu et utilisé par la FAO dans son étude pourraitservir de guide.

LES QUESTIONS DE TECHNOLOGIE

Une utilisation efficace de l’énergiePlusieurs mesures, d’un bon rapport rendement-prix,sont possibles pour améliorer l’efficacité énergétiquedans des secteurs clés, tels le séchage du tabac, les

systèmes de pompes agricoles et les industries desaliments, des boissons et des textiles, où des réduc-tions de consommation d’énergie atteignant 50 %,20 % et 30 % respectivement pourraient s’avéreréconomiques et accessibles.

La conversion à l’énergie de la biomasseLe rôle potentiel de l’agriculture à titre de producteurmajeur d’énergie ne pourra être exploité que si lestechnologies de conversion de la biomasse (bois etrésidus cultivés à cette fin) sont développées,éprouvées et évaluées sur le plan économique. Onnote, parmi les technologies au potentiel apparent,la gazéification, la pyrolyse, la fermentation (éthanolet biocarburant) et la combustion moderne.

L’énergie renouvelableMalgré les efforts consentis dans de nombreux paysafricains pour développer et utiliser des sources tellesque l’énergie solaire et l’énergie éolienne, on estencore loin d’en réaliser tout le potentiel. Parmi lestechnologies d’avenir, dans ce domaine, il y a cellesqui permettent de puiser et de pomper l’eau à l’aidede systèmes solaires thermiques et photovoltaïqueset d’éoliennes, ou de produire de la chaleur et du froidpour le séchage et autres procédés à l’aide de séchoirssolaires et de systèmes thermodynamiques.

SENSIBILISATION ET CONSTITUTIOND’UNE CAPACITÉ D’INTERVENTION

Sensibilisation politiqueLes décideurs ne voient généralement pas la nécessitéd’accroître de façon urgente l’apport énergétique pourl’agriculture. Alors que le soulagement de la pauvretérurale vient habituellement en tête de liste despréoccupations politiques, dans la plupart des pays,de tels efforts pourraient être mieux soutenus sil’énergie devenait une priorité dans les plans etprogrammes de développement rural.

L’expertise dans l’étudeet l’analyse de l’énergie en agricultureL’Afrique s’est dotée d’une expertise considérabledans de nombreux domaines énergétiques, commeen fait foi le Programme énergétique africain de laBanque africaine de développement, qui mobiliseplus de 140 spécialistes en énergie. Il est urgent demettre sur pied un module de formation, en matièred’énergie et d’agriculture, afin d’exploiter, de mobiliseret d’orienter cette expertise vers ce secteur.

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La capacité de la biomasseénergie à satisfaireles besoins en énergiede l’agriculture

Jean LUCAS

Nombreux sont ceux qui disent chercher des solutions au problème de développement des payspauvres, qui est un des plus difficiles du monde d’aujourd’hui. Moins nombreux sont ceux quisoumettent ensuite les solutions qu’ils ont imaginées à la critique implacable du réalisme. Ilsle font sans complaisance, car ils savent que toute idée qui ne résiste pas à cette critique nepeut, si généreuse soit-elle, que conduire à l’échec. Un concours de circonstances m’a permisainsi qu’à toute l’équipe du CEMAGREF d’étudier un dossier technique qui nous est rapidementapparu comme susceptible de favoriser le développement de nombreux pays pauvres ; c’est ledossier de la biomasse énergie.

Dans le Sahel, mais aussi dans de nombreusesautres zones sèches du globe, la situation estdramatique. Son aggravation peut avoir des consé-quences à la fois sur l’écologie et la paix du monde.C’est pourquoi nous avons approfondi ce dossier quifaisait émerger des solutions capables de ralentirl’aggravation de la crise actuelle et peut être mêmed’y apporter un remède.

LES RECHERCHES QUI ONT CONDUITÀ LA SOLUTION PROPOSÉEDès le premier choc pétrolier, il est apparu anormalde brûler la paille dans les champs ou de laisserpourrir dans la forêt des résidus d’exploitation. C’estce qui m’a conduit très vite (alors au CEMAGREF)à travailler sur la combustion de la paille et du bois,puis à mettre au point de nouveaux gazogènes, àétudier une technique de synthèse du méthanol etde l’ammoniac à partir de la biomasse, à mettre aupoint de nouvelles techniques de carbonisation et de

gazéification, à préparer un procédé de production,d’épuration et de valorisation du « charbon-eau »végétal ou du « charbon-mazout » végétal et àexplorer enfin l’hydroliquéfaction directe de labiomasse.

Au fur et à mesure que l’on progressait technique-ment, on affinait aussi les évaluations économiquesd’impact des diverses voies étudiées. Et il apparaissaitde plus en plus clairement que, si de nombreusesfilières de valorisation énergétique de la biomassetelles le biogaz n’étaient pas habituellement renta-bles1, si d’autres étaient lointaines et incertaines, il

1. Sauf avec des cours de pétrole beaucoup plus élevésque les cours rendus très probables à moyen terme parle prix des énergies alternatives, les techniquesd’économie d’énergie et le contexte géopolitique.

BIOMASSE ÉNERGIE

Professeur de thermique industrielle auConservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)à Paris, Jean LUCAS est également professeurconsultant d’automatique et robotique à l’InstitutNational Agronomique de Paris et Grignon.

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y en avait dont la rentabilité semblait bien réelle : lafilière de la combustion directe du bois et de la paille,les filières de la cogénération de chaleur (ou forcemotrice) et de charbon végétal aggloméré.

Les travaux de la communauté internationale surla biomasse énergie se sont ralentis depuis près de10 ans, mais les progrès en sciences et l’acharnementpermettent aujourd’hui d’envisager aussi des filièrestelles que la production directe et peu coûteuse decarburant liquide à partir de biomasse (sujet développéactuellement entre autres au CNAM par M. Poussi).

Parallèlement au développement de ces recherchestechnologiques, poussé par l’expérience acquise despays africains, et plus particulièrement d’Afriquesahélienne, et la sensation lancinante que des effortscomme ceux que j’avais faits lorsque je travaillais enMauritanie n’étaient finalement pas à la dimension duproblème posé, je réfléchissais aux conséquences quepourrait avoir sur le développement du tiers mondel’utilisation de la biomasse comme source d’énergie.

LA SITUATIONDES PAYS SOUDANO-SAHÉLIENS« L’Afrique se désertifie. »

« La forêt amazonienne recule. »

« La forêt tropicale ou équatoriale, poumon dumonde, est en danger. »

Autant d’expressions que l’on a trouvées, ou quel’on pourrait trouver dans les journaux, aussi bien« spécialisés » que « grand public ».

Une agriculture extensivede surexploitationDepuis quelques décennies, la population des payssoudano-sahéliens augmente rapidement. Malheu-reusement, la pluviométrie, qui y est faible et aléatoire,semble au mieux stagnante2 alors que seule, à premièrevue, l’augmentation de cette pluviométrie pourraitfavoriser naturellement la production agricole.

L’agriculture se fait traditionnellement sur brûlis.Les sels libérés sous forme de cendres par la combus-tion des végétaux assurent pendant quelques annéesla satisfaction des besoins minéraux essentiels desplantes cultivées. Mais ces sols sont progressivementlessivés et la terre « s’épuise ». Il faudrait alors laisserles sols en jachère plusieurs années pour que lavégétation naturelle mobilise de nouveau les selsminéraux nécessaires à une nouvelle culture ou aillerechercher les sols lessivés dans les couches pro-fondes du sol. Or, pour satisfaire les besoins ali-mentaires d’une population croissante et parfois pourfavoriser une production exportable, les agriculteurs

augmentent les superficies cultivées et diminuent dumême coup la durée des jachères. Ainsi, dans biendes régions, les jachères sont devenues trop courtespour que la terre ait, si l’on peut s’exprimer ainsi, letemps de « se refaire » suffisamment.

Bien que la production moyenne interannuellecontinue à augmenter, la production pendant la périodede culture diminue progressivement, tandis que lesystème écologique se transforme et s’oriente vers dessystèmes de plus en plus « prédésertiques ». Dansquelques années, si l’on continue ainsi, c’est même laproduction moyenne interannuelle qui risque de cesserde croître puis de diminuer brusquement du fait de ladégradation brutale de l’ensemble de l’écosystème.

Une dégradation climatique« Le désert progresse ! » En disant cela, on parle de« désertification » et de « désertisation », mais onévoque aussi les mutations progressives des systèmesécologiques « prédésertiques ».

D’aucuns affirment que c’est la diminution dessurfaces boisées, liée à la multiplication des brûlis(méthode évoquée plus haut), qui conduit à unesécheresse plus grave, elle-même génératrice d’unemultiplication encore plus grande des brûlis, etc.

D’autres estiment que les longues périodes desécheresse sont un phénomène statistiquementnormal dans le Sahel et qu’elles sont suivies par despériodes de pluviométrie normale ou supérieure à lamoyenne. L’analyse, par exemple, des crues du fleuveSénégal enregistrées depuis plus de 70 ans montrequ’il y a eu de longues périodes de sécheresse.Pourtant, on attend depuis plus de 20 ans une périodede grandes crues !

Des variations climatiques profondes pourraientêtre liées à l’activité solaire, mais aussi à l’effet de serre…

Bien qu’à l’échelle des ères géologiques la planètesoit en phase de refroidissement, on constate depuisle début des temps industriels une élévation progres-sive de la température moyenne terrestre qui peutêtre associée à une désertification du Sahel.

Malgré tout l’intérêt qu’a le débat sur les explica-tions de la sécheresse, nous n’y entrerons pas plusici. Nous nous contenterons de constater que, vu l’étatdémographique, la situation est critique et que ledésert progresse presque sûrement.

Certains, pour remédier à cette dégradation del’écosystème, préconisent de reboiser massivement.Ils considèrent que les pays concernés ou les orga-nismes internationaux, qui incarnent une certainesolidarité mondiale, doivent dégager les sommesd’argent nécessaires au reboisement des zonesmenacées.

2. D’aucuns pensent même qu’elle diminue ; chosecertaine, personne ne pense qu’elle augmente.

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Malheureusement, on ne voit pas, dans l’état actueldes choses, comment pourraient être dégagés les moyensfinanciers nécessaires à de telles actions. D’autre part,on peut se demander si les actions envisagées seraientefficaces : les causes du déboisement subsistant, les arbresplantés risqueraient d’être coupés prématurément, leproblème redevenant alors entier.

ET POURTANT, LE PIRE N’ARRIVE PASTOUJOURS

Un exemple : la FranceJusqu’en 1950 la France a eu certaines difficultés ànourrir sa population. On remarquera que :

• pendant la période 1750-1870, la quantité decéréales disponible par habitant a légèrementaugmenté (30 à 40 %, ce qui est associé à unemeilleure satisfaction des besoins alimentairesindividuels moyens mais aussi à une légèreaugmentation de la consommation en viande).Parallèlement, les rendements sont passés de6-7 quintaux à 9-10 quintaux à l’hectare.

• de 1870 à 1930, un certain nombre de progrèsagronomiques essentiels sont introduits dans lesexploitations. Pendant la même période, l’amélio-ration des transports permet de « marner » et de« chauler » les terres ; l’utilisation de scories dehauts-fourneaux rendue possible par le dévelop-pement des transports permet d’apporter duphosphate minéral à ces mêmes terres : grâce àdes transports maritimes efficaces, on peutcommencer à épandre du guano du Pérou (nitratede déjections d’oiseaux accumulées). Ainsi, danscertaines fermes comme celle de Chavy, surlaquelle existent des mesures précises, lesrendements étaient en 1870 de 18 q/ha et en 1880de 21 q/ha (ce qui, pour l’époque, est uneperformance exceptionnelle).

Il est très remarquable que la production ait étémaintenue stable pendant cette période alors que lesterres labourables et les prairies artificielles ontnettement diminué en surface.

Ce phénomène est très nettement attribué àl’utilisation d’engrais phosphoriques (le premier typed’engrais minéral utilisé massivement), mais aussid’engrais azotés et potassiques.

• de 1930 à nos jours, c’est bien d’une explosion dela production dont il faut parler, explosion qui apermis une augmentation considérable du niveaude vie et une amélioration de l’alimentation (forteaugmentation de la consommation de viande)malgré une forte croissance démographique(passage à 55 millions d’habitants en 1985).

Cette explosion de la production agricole estdirectement liée à l’augmentation de la consommationd’engrais azotés, rendue elle-même possible par le

développement de la synthèse de l’ammoniac à partirde l’azote de l’air.

C’est l’emploi massif d’engrais azotés qui a donctiré la France d’une situation dans laquelle l’alimentationde la population pouvait être considérée comme en péril.

Il serait intéressant, pour commenter ce point,de rappeler un certain nombre de connaissancesagronomiques, mais afin de ne pas allonger l’article,nous nous contenterons de rappeler que l’azotefavorise :

• la multiplication cellulaire, donc la croissance desvégétaux ;

• la synthèse de la chlorophylle (qui est unesubstance azotée) d’où la couleur vert foncé desplantes après un apport d’azote ;

• la constitution de réserves azotées dans les grains.

De sérieuses raisons d’espérerOn peut observer que la situation des pays pauvresressemble à la situation de la France pendant lapériode 1870-1950.

Les recherches agronomiques de haut niveaupermettent de savoir ce qu’il faudrait faire pouraugmenter la production et ont montré, s’il en étaitencore besoin, qu’avec des doses appropriées d’azote,de phosphore et de potasse, on pouvait passer d’unemoyenne traditionnelle de 8 q/ha à celle de 80 q/haobservée dans les pays riches.

Mais l’Afrique, pour des raisons macro-économiques, ne peut pas actuellement privilégierl’utilisation massive d’engrais azotés, principal facteurde production, et sans lequel phosphore et potassene sont que très mal valorisés. (On notera quephosphore et potasse ne posent pas de gravesproblèmes, car l’Afrique sahélienne dispose degisements de phosphate suffisants et la potassenécessaire est beaucoup moins coûteuse que l’azote.)

Nous allons montrer que la valorisation énergé-tique de la biomasse rend macro-économiquementpossible la mise en œuvre des engrais azotés et parlà ouvre la porte au développement et à la satisfactiondes besoins alimentaires.

LES PRINCIPES DU DÉVELOPPEMENT:APPLICATION À LA BIOMASSE ÉNERGIEDe façon très résumée, on peut, je crois, dire qu’unpays « en voie de développement » peut emprunterdeux itinéraires pour accéder à un état plus développé :

• l’autodéveloppement (itinéraire que les paysriches ont emprunté), qui reste lent malgré lesprogrès scientifiques,

• et la mise en œuvre de moyens exogènes dedéveloppement (potentiellement beaucoup plusrapide).

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Malheureusement, cette seconde voie n’estaccessible qu’à ceux qui peuvent commercer avecles pays riches, c’est-à-dire qui peuvent produirequelque chose qui intéresse ces pays : l’obtention dedevises est en effet indispensable à l’acquisition desmoyens exogènes de développement.

On peut dire aussi que la mécanisation, l’indus-trialisation, le développement tout simplement nesont possibles qu’avec de l’énergie. Vendre ou éviterd’acheter de l’énergie peut rapporter des devises oupermettre d’en économiser, ce qui rend possible ledéveloppement.

Produire de l’énergie est donc un levier essentieldu développement, à condition bien entendu quecette production d’énergie coûte moins de devisesqu’elle n’en rapporte ; et à condition aussi qu’ellerapporte au moins autant de devises qu’une autreproduction à laquelle elle se substituerait, sansdemander plus de capital de travail et de ressourcesconsommables.

Nous allons montrer que la production debiomasse énergie remplit ces conditions.

On a étudié la production à fin d’énergie :

• de pennisetum purpureum irrigué dans les valléesdu Sénégal et du Niger ;

• de savane récoltée en saison sèche dans des zonesà 800-1 000 mm de pluviométrie annuelle ;

• de plantations d’eucalyptus après exploitation dela forêt.

Ces études ont permis d’évaluer les coûts « endevises » de la production de biomasse énergie. Pourles meilleures filières existantes et encore plus pourcertaines filières en cours d’étude, le bilan « coûtdevise – valeur devise » est très positif dans tous lescas d’utilisation locale de l’énergie et dans denombreux cas d’exportation d’énergie.

Pour quelques pays, le choix peut évidemmentse poser entre le développement de productionsminières et le développement de biomasse énergie.Mais nombreux sont ceux dont l’exploitation desressources minières ne durera qu’un temps. Mêmedans ces pays, il est donc intéressant de réfléchir auproblème de la biomasse énergie, ne serait-ce quepour mieux préparer l’avenir grâce aux ressourcesque procurent aujourd’hui, ou procureront demain,les exploitations minières3.

Pour d’autres pays, limiter les importations, enfabriquant certains produits importés actuellement,est fort intéressant économiquement. Mais cette voie(essentielle sans aucun doute) ne suffit souvent pas

à économiser toutes les devises nécessaires audéveloppement. De plus, dans la plupart des cas,produire de la biomasse énergie n’empêche pas defabriquer les produits importés actuellement.

D’autres pays enfin tentent d’augmenter leursexportations de légumes, de café, de cacao, d’huiles,de fruits… mais on sait que la consommation de cesdenrées n’augmentent pas indéfiniment. De ce fait,les marchés en sont souvent saturés ; de plus les paysriches tiennent à conserver leur autosuffisancealimentaire, ce qui interdit par exemple – même sicela était possible – une exportation beaucoup plusmassive qu’aujourd’hui de viande, de manioc ou detout produit substituable aux céréales. Encore unefois, tenter d’augmenter ses exportations n’empêchepas de produire de la biomasse énergie.

PROPOSITION POUR LES ZONESDE CULTURE DE MIL SOUS PLUIE

Le système actuelLes cultures vivrières sous pluie ne sont raisonna-blement faisables qu’à partir de 600 mm de pluvio-métrie moyenne annuelle, mais elles sont principale-ment développées dans les zones à plus de 800 mm.Comme on l’a déjà dit, un temps de jachère est comprisentre deux périodes de culture. Diminuer ce tempsconduit à une baisse de productivité annuelle lors descultures, mais permet dans beaucoup de cas d’aug-menter la production moyenne interannuelle, du moinstant que l’on n’a pas dépassé une certaine fréquencede retour sur la même terre.

Prenons le cas d’une zone soudano-sahélienne(800 mm répartis sur 4 mois), où 2 ans de culturesont suivis de 6 ans de jachère. Dans cette situation,1 hectare de mil produit 700 kg la première annéeet 400 kg la seconde année.

La production moyenne interannuelle de l’hec-tare est donc :

700 + 400 = 1 100 = 140 kg de grain2 + 6 8

On peut estimer que l’on produit parallèlement300 kg de paille sur le même hectare.

Le système agricole proposéOn peut proposer un autre système sur la mêmesurface : 1/4 d’hectare en culture pérenne de mil avecapport d’engrais minéraux (50 unités d’azote, 7 unitésde potasse, 3 unités de phosphore par hectare et paran) ; 3/4 d’hectare en savane naturelle (en bannissantle brûlis) fauché annuellement, avec un petit apportd’engrais minéraux (10 unités d’azote, 7 unités depotasse, 3 unités de phosphore par hectare et par an).

Dans cette situation de culture permanentestabilisée, la production moyenne interannuelle del’hectare est :

3. Les bois tropicaux nobles n’étant pas renouvelables àl’échelle industrielle sont considérés ici comme desressources minières.

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• en grain : 1 200 kg* � 1/4 = 300 kg

• en paille : (8 000 kg* � 3/4) + (6 000 kg* � 1/4) =7 500 kg (matière sèche) 4

Ce second système serait très intéressant puisque,sur le même hectare, il produirait 2 fois plus de céréalesque le premier et que son excédent de paille serait7 200 kg de matière sèche. Nous allons vérifier qu’ilest bien possible techniquement et économiquement sil’on valorise énergétiquement la biomasse.

Les chiffres donnés plus haut sont une synthèse desrésultats obtenus lors des opérations de modernisationagricole réalisées dans divers secteurs soudano-sahéliens.

On remarquera que la potasse et le phosphoreapportés chaque année correspondent à un peu plusque les quantités exportées dans la biomasse produite.Par contre, en ce qui concerne l’azote, les quantités sontnettement plus importantes que la quantité exportée.

Il serait intéressant d’optimiser ces valeurs, maisdans un premier temps elles ont été choisies paranalogie avec les grandeurs mises en œuvre dans desopérations de développement réalisées par le passé.

On peut s’étonner de la très forte augmentationde la production moyenne interannuelle. Elle n’apourtant rien d’étonnant, car on sait que la mise enœuvre d’engrais (en particulier azotés) accélère ledémarrage de la plante et permet ainsi de capter unrayonnement solaire plus important, c’est-à-dire deproduire par photosynthèse une masse de matièreorganique beaucoup plus grande sur la même surface.

On sait que les engrais coûtent malheureusementdes devises et que tout système mettant en œuvredes engrais minéraux doit, pour se développer (s’ilne produit ou ne coproduit pas au moins les devisescorrespondant aux engrais) être subventionné parl’État, ce qui limite son développement. Il faut doncsavoir quel est le bilan en devises du système proposéet si le revenu coproduit (devises) que l’on peut tirerde la biomasse dépasse assez largement la valeur endevises des engrais utilisés.

Précisons que la valeur en devises de la pailledépend de la filière de valorisation choisie. Il existeactuellement de nombreuses façons de valoriser labiomasse (dont la paille) : nous raisonnons sur lestechniques les plus simples. On peut penser qu’ellessont peu performantes et que certaines techniquesun peu plus complexes assureraient une meilleurevalorisation du produit de base, mais nous allons

montrer que, malgré les mauvaises performances deces techniques, le bilan reste très positif. On endéduira logiquement que l’emploi des techniquesoptimisées permettrait d’obtenir des résultats écono-miques encore meilleurs.

CONCLUSION• Bien que des études de cas analogues à celles que

nous avons faites pour la zone soudano-sahélienne et que nous avons présentées de façontrès résumée dans ce texte soient encore indispen-sables dans diverses autres situations,

• bien qu’il soit désirable de prouver l’exactitude deces études par des opérations de démonstrationsréussies avant de conclure quant au rôle que labiomasse peut réellement avoir comme levier dedéveloppement dans de nombreux pays pauvres,

• les divers éléments évoqués dans cet articlepermettent d’affirmer qu’il y a, dans la productionet la valorisation énergétique de la biomasse pardes voies bien choisies, une source possible etparticulièrement intéressante de devises et par làmême de développement.

On remarquera que l’on n’a pas insisté sur lapossibilité de faire fonctionner tracteurs, engins detravaux publics, installations d’irrigation, unités deproduction d’électricité (de quelques dizaines de kWà plusieurs mégawatts) avec de la biomasse dans desconditions très intéressantes économiquement. On n’apas rappelé non plus qu’un ensemble sucrier irrigué(et plus encore non irrigué) bien bâti peut non seulementêtre énergétiquement autosuffisant mais exporter desquantités importantes d’énergie, et que des usines agro-alimentaires peuvent faire de même. On n’a pas nonplus rappelé qu’une cimenterie peut avantageusementremplacer le mazout qu’elle consomme par de labiomasse, etc. Les équipements pour tout cela existent,mais diverses raisons, qui n’ont rien d’économiques,font qu’ils ne sont pas mis en œuvre.

Nous avons préféré montrer que les obstacles macro-économiques au développement étaient levés par l’usagede techniques de valorisation énergétique de la biomassequi existent actuellement. Cela donne une autredimension au problème et met bien en évidence lesenjeux considérables du développement des techniquesde valorisation énergétique de la biomasse.

On peut souhaiter que la prise de conscience del’importance de ces enjeux vaincra les arguments defacilité et de références acquises qui poussent à fairedemain comme on a fait par le passé et à ne prévoird’utiliser que le pétrole, le charbon et l’électricité dansles équipements des pays en développement.

4. On sait en effet qu’avec la dose d’azote évoquée plushaut, la savane naturelle produit en moyenne 8 tonnesau moins de matière sèche par hectare et par an ; onsait aussi que, lors d’une culture de mil avec les dosesd’engrais citées plus haut, on produit en moyenne6 tonnes de paille et plus de 1,2 tonne de grain.

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Besoins énergétiquespour l’agriculturetraditionnelle

Lanciné SYLLA

L’agriculture traditionnelle est engagée en un « contrat » non écrit avec son environnementsocio-économique : assurer la subsistance propre du producteur et générer des surplus deproduction permettant d’échanger avec les autres branches d’activités économiques. On peutnoter au passage que l’appellation agriculture dans les économies développées s’applique àune gamme d’activités bien plus large que dans la plupart des pays du Sud, qui eux, continuentencore à gérer séparément les diverses productions primaires : exploitations agricoles, élevage,pêches, sylviculture, etc. Non que l’intégration ou la combinaison de ces activités ne se rencontrepas de plus en plus chez les mêmes exploitants. Mais sur les plans technique et culturel1, lessociétés rurales, caractérisées universellement par leur aversion de la rupture, ont dû sécréterpatiemment de telles spécialisations comme prix de leur équilibre dans l’environnement physique,économique et historique. Les institutions de l’administration nationale ont ainsi davantagedû s’adapter aux systèmes ruraux traditionnels, que l’inverse.

L’auteur est chargé de missionà la Direction Nationalede l’Hydraulique et de l’Énergieà Bamako, Mali.

LE MAL-ÊTRE RURAL AFRICAIND’AUJOURD’HUIEn tout état de cause, dans les pays d’Afrique sub-saharienne où les ruraux représentent encore souventune large majorité de la population, il devient de plusen plus difficile pour l’agriculture traditionnelle deréussir le «contrat social inter-branches» évoqué plushaut2. Cela tient, entre autres, à la convergence d’unfaisceau de phénomènes contemporains, dont :

• le déséquilibre technologique s’approfondissantentre villes et campagnes du continent, et entreNord et Sud de la planète ;

• la monétarisation croissante de l’économie, ycompris dans les zones les plus reculées dumonde, avec un flux croissant d’échangesinternationaux ;

• et l’extension rapide de l’urbanisation sans réellemaîtrise, rongeant l’espace rural et sa basematérielle de production, et propageant desmodes de vie de plus en plus extravertis (ce qui,pour nombre de pays en développement, signifieune plus grande vulnérabilité à l’influence desimportations d’articles et de techniques).

Il est tentant, en ces temps où la défense del’environnement est un thème mobilisateur pour detrès grandes institutions dans le monde entier, desacrifier à une certaine imagerie néo-rousseauisteexhortant le continent noir à fuir le modèle de la

1. Dans bien des sociétés traditionnelles africaines, desprofessions restent encore typiques de certainesethnies, castes ou familles.

2. Au point que l’autosuffisance alimentaire, objectifagricole minimum de tout pays, a dû être inscritecomme priorité actuelle des pays membres du Comitépermanent Inter-États de lutte contre la sécheressedans le Sahel (CILSS).

ÉNERGIE ET AGRICULTURE TRADITIONNELLE

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civilisation industrielle au profit d’un supposéhumanisme agraire des millénaires passés. Maisl’évocation des phénomènes précédents interdit devalider cette thèse : l’Afrique a obligation de contri-buer à construire et à utiliser l’édifice collectif du géniehumain, dans les mêmes conditions de dignité et deresponsabilité que les autres régions et peuples dumonde. Dans cette optique, la mise à niveau del’Afrique rurale est un objectif clé.

LES DÉFIS ÉNERGÉTIQUESÀ RELEVERPour accroître sa production, développer sa compéti-tivité économique et améliorer son propre cadre devie, le paysan traditionnel africain doit commencerpar « s’énergifier», c’est-à-dire se doter de ressources,techniques et comportements énergétiques appro-priés. Les besoins spécifiques ruraux d’énergie pourproduire et pour promouvoir un environnementproductif concernent principalement :

• La chaleur nécessaire pour sécher ou cuire desdenrées alimentaires, forger ou réparer des outilsaratoires, chauffer ou griller des substances etobjets divers. L’énergie requise pour ce faire nes’obtient plus simplement du bois de feu ou ducharbon de bois, hier ramassé par la ménagère oul’artisan derrière l’enclos familial. Les combus-tibles ligneux représentent désormais un vrai bienmarchand, collecté massivement à des heures,voire des jours de marche du village. Au fil desdécennies, l’usage de déjections du gros bétail(bœufs ou dromadaires) ou de certains résidusagricoles (pailles, tiges et autres coques) commecombustible est passé de l’exclusivité pourpopulations isolées (cas d’éleveurs nomades duSahara ou des confins sahéliens) au rang d’alter-native ordinaire pour des communautés séden-taires rurales ou semi-urbaines.

• Le froid : Réfrigérer et congeler comptent sansdoute parmi les applications énergétiques les pluspertinentes et les plus attirantes pour l’habitantdes pays chauds, tant pour ses besoins domes-tiques que dans son activité professionnelle. Lesconditions tropicales rendent en effet probléma-tique le stockage des denrées saisonnières etpérissables. Pour rafraîchir de l’eau ou conserver

au frais divers produits, on a recours ici à desenceintes frigorifiques primitives3, basées surl’évaporation naturelle de l’eau imbibant leurparoi. Au mieux, l’outre en peau de chèvre ou lebidon métallique emmailloté dans du tissuhumide procurent un abaissement de températurede l’ordre d’une dizaine de degrés Celsius. Quantà la glace naturelle, les seules occasions qu’ait levillageois sub-saharien d’en voir et d’en touchersont les orages de grêle, très rares, redoutés etfascinants. Or les exigences d’échanges des tempsmodernes imposent de plus en plus de recourir àdes quantités appréciables de froid artificiel. Lapêche artisanale destinée à approvisionner desmarchés urbains en développement et le petitcommerce alimentaire (boissons, crèmes, etc.)comptent parmi les tout premiers secteursdemandeurs de glace. Suivent l’élevage, pour laproduction de lait et d’œufs, ainsi que la conser-vation de médicaments et vaccins vétérinaires.

• Le confort climatique : Le bâtiment rural tradi-tionnel est caractérisé par sa relative spontanéitéet sa dispersion. Toutes les sociétés traditionnellesont conçu et appliqué certaines règles pratiquesde climatique passive, adaptées à leurs conditionslocales. Cependant, à cause de la croissancedémographique générale et de la contraction del’espace unitaire d’habitat et de travail, l’archi-tecture éco-climatique subit un recul plus oumoins marqué, souvent plus pour des raisons derésistance, de fonctionnalité ou de mode esthé-tique que d’économie ou de disponibilité phy-sique : les matériaux rustiques locaux s’effacentdevant les éléments de construction industriels,les formes et dimensions s’alignent sur desstandards défendus par des corporations récentesde la construction et de l’équipement. À stylenouveau, besoin nouveau : le ciment, le fer et lavitre, tout en chassant le fragile banco et le boisputrescible, invitent tôt ou tard à l’aération forcée,en attendant la climatisation active ou l’humidi-fication artificielle.

• L’énergie mécanique pour travailler la terre,transporter des personnes ou des objets, puiser oupomper de l’eau, battre ou moudre des céréales,etc. s’évalue encore exclusivement en nombre debras-jours ou accessoirement d’heures d’attelagedans bon nombre d’exploitations paysannes oud’ateliers ruraux africains. Du fait de leurarchaïsme, plusieurs outils et techniques manuelsd’ici ne permettent du reste que des performancesnettement inférieures à celles observées ailleurs

L’Afrique a l’obligation de contribuer à construire et à utiliser l’édificecollectif du génie humain, dansles mêmes conditions de dignité

et de responsabilité que les autresrégions et peuples du monde.

3. De telles enceintes sont constituées, par exemple, soitde récipients à parois poreuses ou à revêtementspongieux imbibé d’eau, que l’on expose au courantd’air naturel, soit de paniers suspendus à une cordedans la fraîcheur de l’air nocturne.

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avec des éléments analogues. L’identification dutravailleur rural, surtout féminin, à sa seule puissancemusculaire conduit à une immobilisation aliénanteet à une sous-valorisation de l’énorme potentiel créatifde la main-d’œuvre disponible.

• L’électricité : Limitée actuellement à l’éclairage, àl’écoute de la radio et à la télévision, la consom-mation d’électricité rurale tend à s’étendre danscertaines zones à l’alimentation du matérielagricole léger (électropompes, moulins, décorti-queuses, pulvériseurs portatifs, etc.). Le champdes applications est largement fonction du tauxd’électrification rural de chaque pays.

COMMENT TRANSFORMERLE PAYSAGE ÉNERGÉTIQUE RURALLes stratégies et politiques énergétiques aptes àsoutenir un développement rural durable peuvent sebaser sur les 3 axes suivants : 1) Promotion del’utilisation rationnelle des sources et technologiesd’énergies traditionnelles ; 2) Facilitation de l’accèsdes paysans aux énergies modernes ; 3) Intégrationde l’énergification dans une optique d’accroissementde la valeur ajoutée locale.

Les politiques traduisant la mise en œuvre deces stratégies énergétiques s’appuieront sur lesgroupes d’actions suivants :

Mobiliser le potentiel local de ressourcesénergétiques traditionnelles et améliorerles techniques qui y sont liéesLes populations rurales devraient bénéficier de l’appuides États et de leurs autres partenaires pour maîtriserdes modes de gestion rationnelle des ressourcesligneuses locales : contrôle des zones et modalitésd’abattage des arbres, amélioration des techniquesde carbonisation, rationalisation du transport et dela vente du bois de feu, du charbon de bois, etc.

Il y a également lieu de développer le parcnational de bétail de trait dans les zones d’élevage,ce qui inclut la systématisation de l’élevage intensifet du dressage de certaines espèces ainsi quel’organisation de métiers connexes (bourrelier,maréchal-ferrant, etc.).

Le séchage naturel amélioré et la bioconservationde denrées agricoles devront être encouragés en solutiond’attente dans les aires à forte production saisonnièreen ce qui concerne certains fruits, légumes et denréesanimales (autoconsommation et marchés de proximité).

Diffuser des systèmes énergétiquesintermédiaires et modernesSimultanément à la diffusion de foyers améliorés àbois et à charbon de bois, de meules de carbonisationadaptées et de systèmes de traction animale sesubstituant aux équipements manuels ancestraux,

le milieu rural aura avantage à domestiquer d’autrestechnologies intermédiaires, ayant fait la preuve deleur adéquation à des contextes proches de ceuxd’Afrique. En effet, des digesteurs à biogaz, deséoliennes ou des aqualiennes de pompage, des kitsou microsystèmes d’électrification solaire, desmoteurs et groupes électrogènes à carburant d’huilevégétale, des séchoirs artisanaux et semi-industriels,etc. peuvent rendre des services très appréciablesà l’exploitant rural.

Dans un nombre croissant de pays, il estquestion d’utiliser, pour la cuisson, du pétrolelampant (du reste déjà fort répandu pour l’éclairageen campagne) ou du gaz butane (ce qui est beau-coup plus récent). Encore faudra-t-il que cescombustibles soient de prix abordable à la distri-bution et que des équipements adaptés à leurutilisation soient disponibles. Des bouleversementsd’habitudes culinaires sont peut-être à venir, allantdans le sens d’une réduction des temps de cuissondes aliments, ou de l’adaptation populaire auxaliments précuits ou précongelés… tout au moinsà l’usage de certaines couches urbaines.

La mécanisation et la motorisation graduelles desactivités agricoles sont engagées depuis des décenniesdans certains pays africains, souvent sous l’impulsiond’entreprises publiques ou étrangères ciblant desproduits déterminés. C’est le cas des principalesspéculations alimentant les exportations vers l’Europeou l’Amérique : coton, cacao, café, etc. Toutefois, unedemande potentielle importante de motoculteurs,batteuses, décortiqueuses, moulins et autres égreneusesest susceptible de se concrétiser pour un très grandnombre d’exploitations agricoles et d’ateliers rurauxprivés. Le dimensionnement technique, le financementet l’organisation du mode d’exploitation de telséquipements devront faire l’objet d’une analyse et d’unsuivi permanents, qui associent organiquement lesinstitutions publiques et privées agissant dans lessecteurs du développement rural, de la petite industrieet de l’énergie.

L’électrification rurale sera à développer d’abordcomme outil d’amélioration du cadre de vie, puiscomme moyen de promotion de la production. Lespremiers wattsheures au village iront en effet, pourd’évidentes raisons financières, aux priorités socialeset culturelles : alimentation de lampes, de téléviseurs,de transistors, de réfrigérateurs médicaux. Pourrasuivre la production de force motrice ou de puissanceindustrielle pour des machines de ferme ou d’atelier.

Rechercher les couplagesénergie-développement durableLe paysan, exploitant individuel ou coopérateur, serabien mieux armé pour négocier face à ses partenaireséconomiques locaux et étrangers s’il peut lui-même:

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• ajouter de la valeur à sa production, par destransformations élémentaires, avant de la portersur les marchés urbains ou extra-nationaux,

• et recycler dans son environnement général lesextrants matériels et financiers de sa production(récupération de résidus, réinvestissementd’équipement et de formation).

Ce constat plaide ainsi pour l’identification,l’organisation et le développement de filières por-teuses, et pour la promotion des formules intégrées.Selon les zones, les spéculations agricoles, lestraditions associatives existantes, il sera pertinentd’adopter les stratégies suivantes :

• créer ou renforcer des unités de productionartisanale ou semi-industrielle : conserveries defruits et légumes, fabriques de viande séchée, depoisson congelé, de farines de céréales ou detubercules, de fibres textiles égrenées, etc. ;

• assister les organisations de producteurs et opéra-teurs ruraux dans la rationalisation des circuits decollecte, de transport et de distribution des produc-tions agricoles brutes ou semi-transformées;

• et encourager la constitution et le développementde groupements d’intérêt économiques pour larécupération, le traitement et le réemploi dedéchets végétaux et animaux : effluents de biogazfermier, briquettes combustibles.

L’ensemble des transformations décrites iciappellera évidemment des actions d’accompa-gnement concertées de formation, d’organisation ducrédit et de communication.

IMPACT ET ENJEUXDE L’ÉNERGIFICATION AGRICOLE

En termes microéconomiques,l’impact attendu de l’énergification rurale combineraentre autres :

• l’accroissement du niveau de maîtrise de l’eau,induisant à son tour la sécurisation de la produc-tion et du revenu du paysan ;

• la maîtrise accrue du calendrier annuel d’activitésrurales ;

• et la réduction des inégalités de développemententre villes et campagnes de même qu’entreprovinces du même pays.

En termes macroéconomiques,l’énergification des campagnes,en accroissant les volumes de production agricole,améliorera la situation de tous les autres grandsagrégats sectoriels, notamment :

• l’industrie : Le développement de l’agro-artisanat etde l’agro-industrie stimulera les échanges intérieursentre régions et entre producteurs nationaux.

• l’emploi : Du fait de l’extension permise de ladurée effective de l’année agricole, liée à lameilleure maîtrise de facteurs clés de productiontels que l’eau d’irrigation et la capacité de stockagedes denrées, une proportion significative detravailleurs devrait pouvoir rester ou même reveniren campagne.

• le commerce extérieur : La balance des échangesextra-nationaux pourra enregistrer une netteamélioration du fait des valeurs ajoutées nationales.

Quelques retombées spécifiques :Pour les entreprises énergétiques, d’immenses marchés sontà réaliser. Pour ne prendre que les seuls pays du CILSS,les taux de desserte démographique en électricité et en gazn’atteignent pas à ce jour le seuil de 20%. Cela signifie que,pour les compagnies concernées par ces deux produits, iln’est pas exclu de tabler sur un doublement, voire untriplement virtuels de leur chiffre d’affaires à moyen terme.

Pour les terroirs villageois, la mise à disposition del’énergie et le recyclage des effluents industriels contribuerontà accroître l’offre locale de biomasse et à stopper lestendances environnementales adverses (reverdissement,suppression des pollutions). Par la création de micro-pôlesde dynamisme économique, l’énergification rurale contri-buera à asseoir la décentralisation engagée dans la plupartdes pays africains concernés.

Enfin, pour les villes africaines et pour les paysdéveloppés d’autres continents, un effet indirect d’envergurerésultant de l’énergification rurale se traduira probablementpar la réduction des flux migratoires qui posent aujourd’huides problèmes cruciaux d’urbanisme, d’emploi et derelations diplomatiques.

CONCLUSIONAu-delà de simples considérations sectorielles, unemultitude de partenaires nationaux et extérieurs ont desintérêts convergents à promouvoir la production etl’utilisation d’énergies au bénéfice des sociétés ruralesen Afrique.

En appui aux ménages et entreprises des campa-gnes du continent, les pouvoirs publics et l’ensemble despartenaires au développement (agences de coopération,institutions de financement, ONG, collectivités décentra-lisées) devraient toujours prendre en compte la questionde l’énergie dans l’élaboration et la mise en œuvre desprogrammes de développement rural.

Les enjeux économiques, environnementaux etpolitiques justifient que des moyens soient mobilisés pourfavoriser aux échelons local, national et mondial, grâceà des systèmes énergétiques adaptés, l’émergence et laconsolidation rapides d’activités rurales intégrées,porteuses de développement durable.

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La place de l’énergiedans la production agricoleLe cas de la Côte d’Ivoire

René Yvon BRANCART et Anguie ANGUIE

La Côte d’Ivoire tire l’essentiel de ses revenus de l’agriculture. Ce secteur est particulièrementdiversifié et dynamique. Mais il est également l’un des plus gros consommateurs d’énergie,directement et indirectement: il fournit également le gros des besoins énergétiques du pays,par les résidus forestiers et agricoles. Il pourrait aussi, dès le début des années 2000, pourvoirà la satisfaction de marchés énergétiques captifs aujourd’hui des combustibles fossiles, dontcertains sont produits localement (gaz naturel et pétrole brut). Il s’agit de la générationd’écocarburants, du développement de la cogénération et du développement de la générationd’électricité par les voies thermochimiques de valorisation des biomasses, parallèlement audéveloppement des filières solaires.

La Côte d’Ivoire est située en Afrique de l’Ouest.Sa superficie est de 322 463 km2, soit près de 1 %de celle du continent africain.

Le pays s’inscrit dans un quadrilatère de 600 kmenviron de côté, entre 4° 30' et 10° 30' de latitudenord, et 2° 30' et 8° 30' de longitude ouest.

Il est bordé au sud par l’océan Atlantique sur unefaçade de plus de 550 km, représentant une frontièrenaturelle importante en même temps qu’un accès àl’ouverture au commerce mondial et aux échangesdiversifiés.

Au nord, le pays est bordé par le Burkina Fasoet le Mali, par la Guinée et le Liberia à l’ouest et parle Ghana à l’est.

PEUPLEMENTSEstimée, en 1995, à 14,02 millions d’habitants, lapopulation de la Côte d’Ivoire connaît une croissancedémographique annuelle voisine de 3,8 % l’an (tauxdes naissances corrigé de la mortalité), dont 0,7 %de flux migratoires, soit environ 440 000 habitantssupplémentaires par an. La densité moyenne est deprès de 44 hab/km2.

ÉNERGIE ET PRODUCTION AGRICOLE

M. Anguie ANGUIE est sous-directeur des Énergiesnouvelles et responsabledu Bureau des Économiesd’Énergie de la Côted’Ivoire.

Le Dr René Yvon BRANCARTest conseiller du Ministrechargé de l’Énergieet des Transportsde la Côte d’Ivoire.

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SUBDIVISIONS NATURELLESET ADMINISTRATIVESLe territoire se subdivise en 7 régions délimitéesnaturellement par les lignes de crête des bassinsversants, réparties selon les 3 zones phytogéo-graphiques suivantes :

• zone nord occupée par la savane (régions 1, 2 et 3),

• zone sud occupée par les forêts sempervirentes etsemi-décidues (régions 4 à 6) et

• la zone du V Baoulé au centre occupée par desformations herborées et des forêts galeries faisanttransition entre les deux autres zones (région 7).

Le tableau 2 indique la répartition des régions,leur étendue et les précipitations annuelles moyennesqu’elles reçoivent.

L’organisation administrative du pays est établie,depuis janvier 1991, selon 10 régions, 50 départe-ments préfectoraux et 164 sous-préfectures.

RESSOURCES EN EAULe pays est pincé entre les isohyètes 1 200 mm/anau nord-est et 3 000 mm/an dans la pointe sud-ouest.Les précipitations sont donc abondantes, maisinégalement réparties dans le temps et l’espace, cequi est en faveur d’une diversification des spécu-lations agricoles.

Sur un volume moyen interannuel de 460 milliardsde m3 de précipitations, équivalant à une répartitionmoyenne sur l’ensemble du territoire de 1 400 mm depluies annuelles, 37 740 millions de m3 alimentent lesréserves souterraines, 380 milliards au moins retour-nent à l’atmosphère par évaporation et évapo-transpiration du couvert végétal et, enfin, 39 milliardsde m3 forment l’écoulement superficiel.

Sert à la consommation domestique en eau de0,12 à 0,14 % de l’eau, soit 162 millions de m3 parjour, pour la totalité des besoins de la population dont111 pour la seule ville d’Abidjan.

L’irrigation de 65 000 ha, soit 1% des terres cultivées,consomme environ 700 à 800 millions de m3/an, soit0,9 à 1 % des ressources disponibles. Les industries con-somment quant à elles 270 millions de m3/an.

OCCUPATION DES SOLSEn 1989, il y avait 20 millions d’hectares de terrescultivables dont 7,5 seulement étaient mises envaleur. En 1993, les terres cultivées forment 12 % duterritoire national.

Les jachères occupent de vastes espaces que l’onse propose de valoriser en reboisements forestiers. Lesterres incultes constituent une faible portion du territoire.

Tableau 1Population de la Côte d’Ivoire (en millions)

Année 1988 1990 1995 2000Population totale 10,8 11,64 14,026 16,901

Population rurale 5,75 6,195 7,465 8,995

Population urbaine 5,05 5,445 6,561 7,906

Tableau 2Étendue des bassins versants et ressources hydriques de la Côte d’Ivoire

Volume desprécipitations

Bassins Superficie (milliardsZones Régions versants en km2 de m3/an)

Zone de savane (nord) Région 1 Sassandra-Niger 34 724 51,9

Région 2 Bandama-Niger 51 115 66

Région 3 Camoé 52 498 60,8

Zone de forêt (sud) Région 4 Sansandra-Cavally 65 502 116,6

Région 5 Bandama 43 321 64

Région 6 Comoé 31 518 49,4

Zone du V Baoulé (centre) Région 7 Bandama 43 822 50,4

TOTAL (environ) 322 500 459

Cette population est urbanisée à 47 % (dont 17 %à Abidjan, moteur économique du pays), et cettetendance s’accentue encore avec un taux d’urbani-sation de 5 % l’an.

En milieu rural, les femmes constituent plus de50 % de la population active et la majorité absolue(65 %) dans le secteur informel.

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Le PIB en 1995 au prix du marché était de 4 724milliards FCFA dont 1 499 milliards allant au secteurprimaire (31,7 %), 1 015 milliards au secteur secon-daire (21,5 %) et 2 210 milliards (46,8 %) au tertiaire.Son taux de croissance prévisionnel se situera autourde 6 % l’an entre 1997 et 1998, après avoir connu 6,5 %en 1995 et 7 % au lendemain de la dévaluation de lamonnaie régionale, le franc CFA, le 12 janvier 1994.

En 1996, le PNB revient à 600 dollars US parhabitant, ce qui place la Côte d’Ivoire dans les paysà faible revenu.

Le secteur primaire, quant à lui, se répartit entre(en millions de francs CFA) :

1. l’agriculture : 1 377 (91,9 %),

2. l’extraction pétrolière : 55,2 (3,7 %).

Le secteur agricole ivoirien, tourné vers l’expor-tation, est à la base du fulgurant développementéconomique que le pays a connu depuis son indépen-dance en 1960. La Côte d’Ivoire occupe en effet lepremier rang des pays producteurs de cacao et lecinquième rang pour le café.

Cette agriculture, aux immenses potentialités,représente encore aujourd’hui plus de 30 % du PIB,juste après le secteur tertiaire qui en forme 47 %,et elle occupe 56,8 % en valeur des exportations de1995 contre 48,2 % pour les produits industriels. Ellealimente un secteur secondaire en pleine évolution,en particulier au travers d’une agro-industrie particu-lièrement dynamique, et la production croissantede pétrole brut et de gaz naturel depuis 1995. Ellefait vivre la grande majorité de la populationivoirienne, soit 70 %.

LA SITUATION ÉNERGÉTIQUEDE LA CÔTE D’IVOIRELa demande énergétique de la Côte d’Ivoire, à l’instarde tous les pays en développement, est dominée parla biomasse-énergie qui en représente près de 70 %,et par les hydrocarbures dédiés au transport des bienset personnes pour 24 % du bilan, contre à peine 5 %pour l’électricité.

Tableau 3Occupation des sols (hors forêts classées) en 1990

Terres Jachères Forêt Forêt Infrastructurescultivées anciennes Savane claire dense roches et retenues Total

Km2 97 989 836 97 523 59 031 6 784 8 882 270 985

% 36 0 36 22 3 8 100

Tableau 4PIB, population et taux de croissance

1985 1986 1988 1990 1993 1995

PIB (M$US) 6 982,1 9 158,8 10 255 10 795,3 11 235,8 8 588,5

PIB (MdsFCFA) 3 136,8 3 171,7 3 054,5 2 939,3 2 921,3 4 723,7

Croissance réelle – – – –1,1 0 –0,6

Population – 10,1 10,8 11,718 13,175 14,2

PIB/hab. (MFCFA) – 0,321 0,283 0,251 0,221 0,332

Tableau 5Bilan énergétique sommairede la Côte d’Ivoire en 1990

Formes d’énergie Quantités (TEP)

Production netteBois de feu 1 600 000Résidus agricoles et ligneux 317 000Charbon de bois 415 000Électricité 167 000Produits pétroliers 2 441 000Total 1 4 940 000Consommation d’énergieIndustrie 467 000Tertiaire 343 000Résidentiel 1 935 000Transport 448 000Agriculture (directe)* 42 000Total 2 3 235 000

* L’agriculture, qui fournit l’essentiel des revenus dupays, est un consommateur important d’énergie, parrapport au secteur moderne (transport, transfor-mations primaires et secondaires, résidentiel associéaux agro-industries).

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La consommation nationale d’énergie, toutesformes confondues s’élevait à 3 400 000 TEP en 1989-1990 dont 170 000 TEP (soit 5 %) d’électricité,820 000 TEP de produits pétroliers et 2 400 000 TEP(71 %) de bois, charbon de bois, résidus agricoles(source : PNE 1991).

LES GRANDS TRAITSDE LA POLITIQUE AGRICOLESur quels produits repose cette agriculture ? Quellesstratégies les pouvoirs publics ont-ils mises enœuvre ? Quelle est la place de l’énergie dans une telleagriculture ?

Au lendemain de son indépendance, la Côted’Ivoire a mis en œuvre une stratégie de développementagricole, caractérisée par des actions de diversificationdes cultures, de recherche, d’encadrement et de soutiende la production agricole et de prix garantis des produits.Grâce à ces actions, la production agricole a progresséde 4 % l’an en moyenne.

Malgré cette bonne volonté, il y a eu des ratéset certaines filières de production se sont mieuxdéveloppées que d’autres. C’est la raison pourlaquelle, dès 1992, le Gouvernement a mis en placeun plan directeur du développement agricole pour lapériode 1992-2015 dont les principaux objectifs sont :

1. amélioration de la productivité et de la compéti-tivité grâce à la modernisation des exploitations,à une meilleure préparation et à un bon condition-nement des produits et à des allégements fiscauxdestinés à faire baisser les prix des produits à laconsommation et promouvoir l’exportation,

2. recherche de l’autosuffisance et de la sécuritéalimentaire,

3. diversification poussée des productions agricoles,

4. développement des pêches maritimes et lagu-naires par l’exploitation rationnelle de toutes lespotentialités halieutiques,

5. réhabilitation du patrimoine forestier afin deramener et stabiliser le boisement du pays à untaux de 20 % du territoire national, de corriger leseffets néfastes de la déforestation, de restaurer unclimat propice aux activités agricoles et deretrouver un surplus de bois mis sur le marchéinternational.

Les moyens mis en œuvre sont :

1. le désengagement de l’État et corrélativement laprivatisation des entreprises étatiques,

2. le retour des jeunes aux activités agricoles,

3. la promotion du monde paysan et des dyna-mismes locaux,

4. la formation du monde paysan,

5. l’aménagement des terroirs et l’application d’unepolitique foncière,

6. le développement de la recherche appliquée(accent sur le renforcement des programmes derecherches sur les produits vivriers et les produitsanimaux).

Ces moyens ont été complétés par d’autresmesures ayant trait à l’encadrement, à la moder-nisation (mécanisation notamment) des exploitations,à l’accès au crédit et à la stabilité des prix des intrants.

Tableau 6Évolution récente des cultures de rente

(en millions de tonnes par an)

RangProductions 1990 1991 1992 1993 en 1993

Cacao 0,74 0,80 0,75 0,73 1er

Café 0,28 0,20 0,12 0,19 5e

En 1995, les principales cultures de rente en Côted’Ivoire sont : le coton (100 000 tonnes), l’hévéa (70 000tonnes), la canne à sucre (122 000 tonnes), le palmierà huile (1 300 tonnes), le café vert (194 000 tonnes), lecacao (889 000 tonnes), l’ananas (135 000 tonnes), labanane (200 000 tonnes), le tabac (286 tonnes), la cola(57 184 tonnes), le karité (19 999 tonnes), certains fruitscomme la mangue et l’avocat (30 000 tonnes) ainsi quele soja (4 050 tonnes en 1990).

Les cultures vivrières font les tonnages les plusélevés : il y a certes quelques difficultés d’évaluationéconométrique mais les services du ministère chargéde l’agriculture font des estimations régulières etviennent de publier (dans le quotidien abidjanaisFraternité-Matin du 11 novembre 1996) les chiffres dela campagne 1995-1996 qui donnent plus de 700 000tonnes pour le riz, 535 000 tonnes pour le maïs,2 823 000 tonnes pour l’igname, 1 564 000 tonnes pourle manioc et 137 655 tonnes pour les arachides.

Tableau 7Évolution des productions vivrières

(en milliers de tonnes)

Produit/Année 1970 1980 1990 1995 1996

Riz paddy 315 420 687 834 700

Maïs 231 380 484 582 535

Igname 1 551 2 040 2 528 2 856 2 824

Manioc 540 1 010 1 393 1 765 1 564

Banane plantain 638 910 1 086 1 240 –

Arachides 42 81 143 237 138

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La sylviculture a également mobilisé d’importantsmoyens ayant servi à différents programmes dereboisement. Car le déboisement incontrôlé tant pourl’agriculture que les autres besoins, a fait passer lasurface de la forêt naturelle de 15,6 millions d’hectaresau début du siècle à moins de 2,5 millions d’hectaresaujourd’hui.

L’agriculture occupe l’essentiel de l’offre, soit plusde 90 % de la biomasse-énergie. Cela représente uneproduction annuelle de 4 250 000 TEP de biomasse-énergie, se répartissant entre :

• défrichements agricoles : 3 712 000 TEP,

• défrichements agro-industriels et plantations :264 000,

• exploitation forestière : 115 000,

• déchets de l’industrie de la première transfor-mation du bois : 162 000.

Ce qui se traduit par le tableau suivant.

Tableau 8Production de bois (en tonnes)

Type/Année 1989 1990 1991 1992

Production 2 295 2 389 2 011 –

Usiné localement 1 937 2 061 1 730 –

Source: Caisse Française de Développement (CFD)

La politique mise en œuvre par les pouvoirspublics dans le secteur de l’agriculture a porté sesfruits, comme le montrent les différents tableauxprésentés ci-dessus, malgré des insuffisances consta-tées çà et là dont notamment le vieillissement de lapopulation paysanne, les problèmes fonciers, l’ineffi-cacité relative du système d’encadrement des agri-culteurs et des éleveurs, les difficultés de financementde l’agriculture et l’insuffisante valorisation desrésultats de la recherche appliquée à l’agriculture.

Une des voies royales de cette recherche est lavalorisation énergétique des sous-produits agricolesqui totalisent chaque année près de 6 millions detonnes équivalent pétrole (TEP).

L’AGRICULTURE ET L’ÉNERGIELe secteur agricole en Côte d’Ivoire a une doublevocation du point de vue énergétique : il est pour-voyeur d’énergie et utilisateur ou autoconsommateurd’une part importante de cette énergie. La disponi-bilité quotidienne de kilocalories nutritionnelles parhabitant était de 2 061 en 1988.

L’offre d’énergie du monde ruralLe secteur agricole dégage un potentiel considérablelié à la structure d’une demande essentiellement àbase de biomasse-énergie.

Le gisement de bois-énergie sur pied est estiméà 1,5 milliard de tonnes équivalent bois (TEB). Lepotentiel annuel de production en biomasse desformations boisées est de 30 millions de TEB dontseulement 20 millions sont accessibles.

Quant au potentiel énergétique annuel desrésidus végétaux, il représente plus de 6 millions deTEP dont 4 millions pour les résidus forestiers,1,5 million pour les résidus des cultures et desplantations et 0,5 million de TEP pour les résidus desagro-industries.

Tableau 9Ressources énergétiques issues

du secteur agricole

Formes d’énergie Quantités (TEP)

Bois de feu 3 712 500

Résidus agricoles et industriels 541 000

Total 4 253 500

La demande d’énergie du secteur agricoleLa demande d’énergie conventionnelle du secteuragricole concerne les consommations d’énergiedestinées à la préparation des terres, à l’irrigation descultures, au transport et aux transformations desproduits agricoles : le parc de véhicules des sociétésagricoles utilise des combustibles et les unités detransformation comme le résidentiel rural moderneest un utilisateur non négligeable d’énergie électrique.

À cette demande, il faut ajouter les combustiblesligneux et l’énergie servant pour le séchage decertaines spéculations (café et cacao notamment)ainsi que le pompage hydraulique en « zone décentra-lisée à mise en valeur traditionnelle ».

L’absence quasi généralisée en Côte d’Ivoire desources de motricité animale entraîne l’utilisationséculaire de la force musculaire humaine, principa-lement pour le travail de la terre, la collecte et l’achemi-nement des ressources thermiques primaires d’originebiomassique (bois de feu surtout), la préparation desrepas et l’entretien de l’habitat, principalement par lesfemmes et les enfants. Les travaux lourds des champssont assurés par les hommes (abattage, préparationprimaire du sol à cultiver, érection des maisons et abris,travaux de pépinières, de mise en place et d’entretiendes plantations).

On a trop souvent tendance à négliger cetteénergie musculaire humaine, mais un bref calculs’impose : la survie d’un homme nécessite l’apportde 2 500 kilocalories par jour, et le travail pour lescultures suivantes représente en journées de labeurles valeurs suivantes :

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Tableau 10Consommation en bois de feu

Urbain Urbain Rural Rural TotalRégion en t kg/p/an en t kg/p/an en t %

Abidjan 260 062 124,3 – – 260 062 5,4

Forêt-Est 475 792 388,55 1 097 033 526,15 1 572 825 32,5

Forêt-Ouest 353 242 352,33 1 375 406 587,94 1 728 648 35,7

Savane 326 825 304,55 950 498 542,85 1 277 323 26,4

Total 1 415 921 3 422 937 4 838 858 100

Source : Plan National de l’Énergie

Riz 75 hj/haSorgho 110Hévéa 80-100Anacarde 50Ananas 550-1 100Avocat 170Banane 288Cacao 423 hj/ha/4 ansCafé 270

Les besoins classiques tels que l’éclairage, lachaleur de confort et la chaleur de cuisson sontsatisfaits en priorité quotidiennement par la biomassevégétale en zone sud et en partie avec de la biomasseanimale (déjections) pour la zone nord.

La demande en biomasse énergie : la part du boisde feu et celle du charbon de bois se répartissentcomme suit en 1990 :

Les ressources énergétiques modernes, commel’électricité, sont loin d’atteindre le cœur du paysmalgré les efforts considérables du Gouvernement(un programme d’électrification rurale de 250 localitéspar an a été récemment adopté par l’Assembléenationale et mis en exécution depuis 2 ans, maisseulement 1 300 villages environ sur plus de 7 500se trouvent électrifiés à ce jour).

Les hydrocarbures, en particulier le pétrolelampant et le gaz butane, pénètrent assez difficilementle marché rural en raison des contraintes écono-miques et techniques qui les accompagnent. Toute-fois, l’acheminement final des produits des récoltess’effectue avec des moyens de transport classiquesque sont la mobylette (4 à 8 litres de mélange), lacamionnette bâchée (12 litres aux 100 km) et lecamion 8 à 10 tonnes (12 à 15 litres aux 100 km, selonl’état du véhicule).

Les transports en commun interlocalités ache-minent les paysans du village à la ville la plus procheoù ils s’approvisionnent en matériel agricole (outilsdivers, sachets de polystyrène, matériaux et élémentsde construction, etc.).

Une enquête détaillée demanderait, comme on peuts’en douter, plusieurs mois à une équipe solidementconstituée et bien outillée, mais mériterait d’être réalisée.

Lorsqu’elles en ont le choix, les populationsrurales choisissent l’électricité en priorité pourl’éclairage et préfèrent le bois et ses dérivés pour lesusages thermiques de cuisson en raison de son faiblecoût apparent, de son accessibilité et de sa relativedisponibilité.

Les sauts technologiques évoqués par M. ModiboDicko dans la revue Liaison Énergie-Francophoniedans sa livraison no 25 du 3e trimestre 1994 consacréeau thème « Quelles énergies pour le monde rural ? »s’opèrent naturellement lorsque la richesse s’accroît,et leur validité est attestée également en zone urbainepériphérique. Ces sauts technologiques avaient dureste été décelés dès 1977 au cours d’une analysede la satisfaction des besoins énergétiques de la villede Nairobi (Kenya).

La transition énergétique vers l’emploi de sourcesmodernes est plus sujette au manque de moyensfinanciers des populations rurales, sous forme d’argentliquide, qu’à leur richesse potentielle en tant queproducteurs à relativement moyen et long terme deressources financières renouvelables : un planteur quidispose de revenus périodiques croissants, commec’est le cas pour les producteurs de la filière café-cacaoou la filière coton, ou encore celle de l’hévéa en Côted’Ivoire, orientera ses dépenses en priorité versl’acquisition de biens d’usage courant tels quel’alimentation, les vêtements et les instrumentsaratoires, puis vers la santé et l’éducation, bien avantde songer à l’énergie.

Il manque un système d’aide au financement decette transition énergétique en milieu rural.

L’État ivoirien prenant en charge l’essentiel dudéveloppement rural, y compris l’exhaure de l’eauet l’approvisionnement en énergies modernes, laissepeu d’efforts à faire aux populations dans cesdomaines, sauf pour ce qui est de la maintenancedes équipements.

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De nombreuses tentatives ont cependant étéfaites pour associer l’énergie et l’eau dans desconditions de respect de l’environnement : parexemple, il subsiste quatre installations solaires pourl’hydraulique agro-pastorale dans la région deKorhogo (Karayéné, Kaffa, Tangafila et Dofouvogou)au Nord du pays, pour une vingtaine d’installationsau départ.

De même, le séchage solaire naturel de denréeset de produits agricoles (riz, gombo, maïs, mil, sorgho,café, cacao, etc.) est une pratique bien répandue enCôte d’Ivoire. Mais il n’existe pratiquement pasd’encouragement à l’utilisation de séchoirs solairesmodernes.

Enfin, le gouvernement ivoirien vient de déciderun programme ambitieux d’inventaire et de recoursaccru, à l’avenir aux « énergies solaires » renouve-lables et peu agressives pour notre environnement.

Cette décision souligne s’il en était encore besoin,la maturation de la réflexion énergétique à l’heuredes grandes orientations pour le troisième millénaire,et un pays en développement qui prend sur lui des’orienter résolument dans la voie des énergiesrenouvelables, tout en poursuivant son dévelop-pement économique par le biais d’une plus grandetransformation de ses productions agricoles, faitsûrement le bon choix : de cette agriculture, et de cetteagroforesterie en plein devenir, pourra naître à termeune nouvelle filière écocarburants et se répandre ausein des populations la notion – aujourd’hui encorerévolutionnaire – d’un recours massif aux bioénergies.

CONCLUSIONL’agriculture est le poumon économique de la Côted’Ivoire pour de longues années encore. Les diversifi-cations remarquables des spéculations de rente,autant que celles qui concourent à l’autosatisfactiondes besoins domestiques, amènent ce pays à explorerde nouvelles voies énergétiques, dont la filière énergie-bois, la filière écocarburants et l’ensemble des filièressolaires, afin de répondre à un taux de croissancede la demande énergétique, qui avoisine 7 % l’an.

La demande énergétique totale (70 % des besoins)rencontre l’offre surabondante du secteur agricoledans son ensemble (surtout le bois-énergie), mais lasous-valorisation actuelle des filières de la gazéifi-cation, de la cogénération et de la conversionchimique des résidus, laisse une place importanteaux combustibles fossiles, principalement pour letransport et l’industrie.

L’ouverture est cependant là, et au-delà de l’an2000 apparaîtront sans aucun doute les premièresopérations de taille industrielle qui fourniront àl’agriculture ivoirienne de nouveaux débouchésdurables, écologiquement profitables, et un rende-ment économique et financier optimum.

PARUTION RÉCENTE

ÉCRITS FRANCOPHONESET ENVIRONNEMENT (1900-1996)

Faisant suite à un premier ouvrage paru en 1991 sur la période1548-1900, dans la collection Les cahiers de l’écologie, cet

ouvrage porte sur la période 1900-1996. Près de 180 textes choisisdans l’espace francophone jalonnent, à travers ces deux tomes,le chemin parcouru par « l’environnement » depuis près de cinq

siècles. Qu’ont en commun Bernard Palissy, Georges Cuvier etMarguerite Yourcenar pour ne citer qu’eux ? Avoir semé, cha-cun à sa manière, des graines d’environnement dans la diversité

des mondes.

Les tomes I et II sont disponibles à l’IEPF.

ÉCRITS FRANCOPHONES ET ENVIRONNEMENT (1900-1996), Serge ANTOINE, Jean-BaptisteDE VILMORIN et André YANA, volume II, Collection Les cahiers de l’écologie, ÉditionsEntente, Paris, 1996, 280 pages. ISBN 2-7266-0115-4

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Expérience de la sociétéPalmindustrie dansl’utilisation des déchetsindustriels pourla production d’énergie

Koné TOUNON

La Côte d’Ivoire, comme la plupart des pays en développement d’Afrique de l’Ouest, estessentiellement à vocation agricole. Ainsi, jusqu’en 1960, année de son indépendance, la prioritéétait accordée à l’agro-exportation. Deux produits essentiels étaient alors cultivés et exportésen l’état : le café et le cacao.

Ingénieur mécanicien électricien,Koné TOUNON est ingénieur de laSection spéciale d’hydraulique etchef de l’Atelier énergie et fluidesà Palmindustrie.

Au lendemain de l’indépendance, l’État ivoirien, dansle cadre de la diversification de ses cultures de rente,a mis en place un vaste programme de développementdu palmier à huile dans la région Sud du pays. Ceprogramme, dont la mise en œuvre et la poursuite ontété confiées à la société Palmindustrie, a connu unréel succès.

Les réalisations suivantes en témoignent :

• 180 000 ha de plantations industrielles et villa-geoises de palmier et de cocotier ;

• 14 huileries de palme pouvant traiter plus de1 800 000 tonnes de régimes par an ;

• une huilerie de trituration de graines d’unecapacité de traitement annuelle de 100 000tonnes ;

• participation effective à l’aménagement duterritoire par la construction de plus de 17 500 km

de pistes reliant 60 villages modernes où viventenviron 15 000 personnes avec toutes les commo-dités (électricité, eau courante, etc.).

Toutes ces réalisations ont permis à la Côted’Ivoire d’occuper la place de premier exportateurafricain d’huile de palme et de devenir le troisièmeexportateur mondial avec 260 000 tonnes d’huile,après la Malaisie et l’Indonésie.

Les obligations réglementaires auxquelles sontsoumises les sociétés ivoiriennes en ce qui concernel’assainissement de l’environnement, le coût toujourscroissant des combustibles non renouvelables(produits pétroliers surtout) et l’insuffisance du réseauélectrique national, qui ne couvre pas la totalité du

BIOMASSE ÉNERGIE

LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

25

territoire, ont conduit Palmindustrie à asseoir uneexpérience forte de plus de 30 ans dans la productionde l’énergie à partir des déchets issus du traitementdes régimes de palme.

PROCÉDÉ DE TRITURATIONDANS UNE HUILERIE DE PALME

Nature et quantité des déchetsLes régimes livrés à l’usine subissent une transformationconformément au schéma de procédé de la figure 1.Au cours de cette transformation, il apparaît, à certainsstades du procédé, des déchets solides ou liquides, dontles caractéristiques et les quantités varient suivant lesperformances du matériel végétal et les saisons.

Les mesures effectuées à Palmindustrie ontdonné les valeurs moyennes suivantes :

a) Déchets secs

Figure 1Huileries de plame, schéma de procédé

Tableau 1Caractéristiques des déchets secs

PouvoirQuantité calorifique

% du poids Humidité inférieurNature des régimes % (PCI) kcal/kg Observations

Rafles 20 à 25 60 1 100 Ce sont les supports fibreuxportant les fruits.

Fibres 13 à 15 40 2 200 Proviennent de la pulpedes fruits.

Coques 5 25 3 200 Les coques couvrentles amandes.

Débris 2,5 11,5 3 900

b) Déchets liquides

Tableau 2Caractéristiques des déchets liquides

Quantité parNature tonne de régimes Observations

Condensats 0,2 m3 Chargés de terre et de débris divers,de stérilisation proviennent de la condensation

de la vapeur d’eau de stérilisation.

Boues de clarification 0,5 m3 Engendrées par les opérationsde purification des jus bruts.

Eaux de lavage des fruits 0,1 m3

et d’hydrocyclonage

Total effluents 0,8 m3 Certaines estimations donnent 10 lde mazout ou 9 kg de mazoutpar tonne de régimes.

Potentiel énergétique de la biomasseSi tous les déchets issus du procédé, hormis les boues,étaient utilisés pour produire de l’énergie électrique,les 14 huileries de palme disposeraient d’un potentielbrut de 1 265 GWh sur la base 1 365 000 tonnes derégimes traités (voir tableau 3 des prévisions de laDirection technique pour l’exercice 1993-1994).

Effluents liquides Régimes Déchets secs

Réception

Stérilisation

Égrappage

Fruits

Malaxage

Extraction

TourteauJus brut

SéchageClarification

DéfibrageÉpuration

NoixStockage huile

Séchage

Calibrage

Concassage

Séparation

Amandes

Séchage

Stockage palmistes

Boues

Eau d’hydrocyclonage Coques

Débris

Fibres

Rafles

Condensatsde stérilisation

Palmindustrie possèdeune expérience de plus

de 30 ans dans la productionde l’énergie à partir des déchetsissus du traitement des régimes

de palme.

LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

26

Table

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LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

27

Cela représente, avec des chaudières de 70 % derendement, 885 GWh/an ou plus de 150 GWh auxbornes des alternateurs selon les rendements desturboalternateurs.

Besoins énergétiques de Palmindustrie

Besoins en vapeur

La consommation de vapeur est d’environ 450 kg partonne de régimes traités. Il s’agit de la vapeur à bassepression (3 bars) utilisée pour la stérilisation desrégimes, le réchauffage et le séchage des produits toutau long du procédé.

Besoins en électricité

Ces besoins sont plus difficiles à cerner. En Côted’Ivoire, pour des unités qui font 20 ou 40 tonnesde régimes/h, compte tenu de nombreuses con-traintes, la consommation est de l’ordre de 18 kWh/tonne de régimes traités.

Couverture des besoins (bilan énergétique)

Énergie disponible (voir tableau 3)

(a) Avec les fibres plus débris 396 500 kcal/Tonnede Régimes

(b) (a) plus coques 556 500 kcal/TR1

(c) (b) plus rafles 798 000 kcal/TR

Bilan vapeur

• Possibilités de production vapeur :

Il faut fournir 700 kcal à 1 kg d’eau pour produire1 kg de vapeur surchauffée à 20 bars de pressionabsolue et à 250 °C.

Avec une chaudière à déchets (rendement de70 %), nous avons les possibilités suivantes :

(a) Avec fibres plus débris

396 500 kcal � 0,7 = 396,5 kg vapeur/TR700

(b) (a) plus coques = 556,5 kg vapeur/TR

(c) (b) plus rafles = 798 kg vapeur/TR

• La couverture des besoins en vapeur, qui sont de450 kg/TR, est ainsi assurée par les fibres plusdébris et 1/3 des coques (33 %).

Bilan électricité• Possibilité de production

Il faut 25 kg de vapeur pour produire 1 kWh, cequi donne :

(a) Avec les fibres plus débris 15,86 kWh/TR

(b) (a) plus coques 22,26 kWh/TR

(c) (b) plus rafles 31,92 kWh/TR

• La couverture de nos besoins, qui sont de 18 kWh/TR, est assurée par la totalité des fibres et coques(15,86) et 1/3 des coques.

VALORISATION DES DÉCHETSIl ressort du bilan énergétique que Palmindustrie n’apas besoin, dans le fonctionnement normal de seshuileries, de tous les déchets issus du procédé detransformation. Cependant, pour des raisons écolo-giques et de réglementations, la société est obligéede recycler ces déchets. De nombreuses études sontmenées sur les différents systèmes de dépollution etde valorisation.

La situation actuelle est la suivante2 :

• Les rafles sont incinérées dans des fossescreusées à même le sol et les cendres obtenuesservent d’engrais en plantation.

• Les fibres et les débris de coques sont utiliséscomme combustible dans les chaudières quiproduisent la vapeur d’eau destinée à :

• alimenter les turboalternateurs,

• assurer le réchauffage au cours du procédé.

• Les coques sont partiellement utilisées (dans laproportion de 1/3) comme combustible d’appointdans les chaudières. Le solde est expédié àl’huilerie de graines à Abidjan.

• Les effluents liquides sont décantés dans desflorentins (pour récupération d’huile) avant d’êtrerejetés dans la nature. Il faut signaler que desfemmes s’installent en aval des caniveaux à bouespour extraire des effluents liquides des matériauxpour savon.

CONTRAINTE DE LA PRODUCTIOND’ÉNERGIE À PALMINDUSTRIE

Caractère saisonnier de la productionLa figure 2 montre la répartition de la production del’exercice 1995-1996 (1 294 130 tonnes de régimes)selon les mois de l’année. Ainsi, plus de 60 % de laproduction est traitée en 5 mois (40 % du temps) etmoins de 40 % de la production est répartie sur plusde 60 % du temps.

Donc l’énergie théorique calculée n’est pasdisponible de façon régulière. En période de pointe,il y a surplus de déchets et en période creuse, la pluslongue, il y a tendance à une pénurie de déchets.

1. TR = Tonne de Régimes

2. Extrait du rapport de la Direction technique sur « LesActions de dépollution engagées par la sociétéPalmindustrie ».

LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

28

Par ailleurs, les usines ne fonctionnent pas 24heures/24 sauf en pointe très marquée. Donc, pourle démarrage du procédé et pendant les périodesd’arrêt il est fait appel à des sources d’énergieextérieures. Ces sources peuvent être le réseaunational de distribution d’électricité, là où il existe,ou des groupes autonomes de production. Dans lecas de Palmindustrie, ce sont les groupes électrogènes(GE) de petites puissances qui sont utilisés. Leurpuissance unitaire varie de 100 à 300 kVA. Chaqueusine dispose de deux GE (voir tableau 5).

Figure 2Exercice 1995-1996 : production mensuelle

des régimes traités

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Tableau 4Exercice 1995-1996 : production mensuelle

des régimes traités

Périodes Tonnages de régimes

Octobre 1995 77 812

Novembre 1995 72 908

Décembre 1995 50 938

Janvier 1996 86 794

Février 1996 130 629

Mars 1996 183 278

Avril 1996 200 247

Mai 1996 158 505

Juin 1996 120 322

Juillet 1996 80 150

Août 1996 67 890

Septembre 1996 64 657

Total exercice 1 294 130

Qualité des installations de productionLes installations de production de Palmindustrie sontvieillissantes. Les chaudières ont des rendementsdégradés entraînant des baisses de pression perma-nentes. En conséquence, les sources diesel, qui nedevraient être qu’une solution de rechange, sontsollicitées de façon quasi permanente.

La production agricole étant régulièrementcroissante (sauf catastrophe atmosphérique), leséquipements sont sollicités au-delà de leur possibilité,ce qui se traduit par une légère dégradation du tauxd’extraction. Ainsi, ce taux est passé de 21,6 à 20,5 %de 1992-1993 à 1995-1996 quand le tonnage derégimes traités passait de 1 182 109 à 1 293 341tonnes (voir figures 3 et 4).

Figure 3Évolution du tonnage de régimes traités

1 000 000

1 100 000

1 200 000

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Exercice

1995/19961994/19951993/19941992/1993

Figure 4Évolution du taux d’extraction d’huile

de 1993 à 1995

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1995/19961994/19951993/19941992/1993

Source : Direction technique PALMINDUSTRIE (DTI)

Source : Direction technique PALMINDUSTRIE (DTI)

Source : Direction technique PALMINDUSTRIE (DTI)

LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

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LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE • NO 33 / 4e TRIMESTRE 1996

30

Compétence technique du personnelUne autre difficulté de la production d’énergie danscette entreprise agro-industrielle est que le personnelchargé de la conduite des chaudières et des centralesde production est peu qualifié. Cela semble dû aufait que les responsables se sont toujours préoccupésde rendement à l’hectare, de capacité horaire detraitement et de taux d’extraction, toutes chosesfaisant appel à des notions plus agronomiques etmécaniques qu’électriques. Le fait également de nepas payer une facture régulière et directe à undistributeur d’énergie peut avoir laissé croire que« n’importe qui », pourvu qu’il sache lire, peutconduire les installations électriques.

Conséquence de cette perception, les concepteursont prévu des chaudières et des équipements dont laconduite est entièrement manuelle, ce qui est parti-culièrement pénible surtout en ce qui concerne laconduite des chaudières alimentées à la pelle !

Éloignement des sitesdu réseau national d’électricitéComme le montre le tableau 5 (Bilan de la puissanceinstallée sur les huileries de palme), la plupart deshuileries sont assez éloignées du réseau, certainesétant à plus de 60 km. Les puissances en jeu sonttelles que la réalisation de lignes de raccordementserait hors de prix. Cela a pour conséquence l’utili-sation prolongée généralisée de GE sur tous les sitessauf un (Yassap), qui est déjà raccordé.

COÛT DE L’ÉNERGIELe coût global de l’énergie est important à Palmindustriedu fait surtout de l’utilisation de groupes électrogènes.

Pour les 15 huileries et les quelque 60 villages quiabritent les travailleurs sur les ensembles agro-industriels,quelque 100 groupes électrogènes sont installés, dontenviron 80 fonctionnent de façon régulière.

Le budget global de combustible et d’entretien deces GE était d’environ 3,5 milliards de FCFA en 1994,soit un coût global de 13500F par tonne d’huile produite.

Ce coût global tient compte des installationsannexes des villages, qui n’entrent pas directementdans le processus de production.

COÛT DE L’ÉNERGIE DES HUILERIES(VOIR TABLEAU 6)Au niveau des huileries, les coûts directs de produc-tion d’énergie étaient de 6 525 F par tonne d’huileproduite pour l’exercice 1994.

Sur ce coût :• les groupes électrogènes donc l’énergie d’origine

diesel absorbent 5 500 F,• et l’énergie issue de la biomasse ne demande que

1 025 F.

INFLUENCE DU COÛTDE L’ÉNERGIE SUR LE COÛTDE PRODUCTION DE L’HUILELa tonne d’huile revient à environ 165 000 FCFA.

Ainsi :

• l’énergie issue de la biomasse a un coût marginald’environ 1 025 F, soit moins de 1 % ;

• l’énergie due aux groupes électrogènes dans leshuileries coûte 5 500 F, soit environ 3 % ;

• les groupes électrogènes dans leur ensemblecoûtent 13 500 F, soit 8 %.

Ces chiffres donnent un coût spécifique de 11,5 F/kWh produit à partir de la biomasse alors quel’énergie produite à partir d’un groupe électrogènede 300 kVA est de l’ordre de 115 F/kWh, contre 40 F/kWh en moyenne exigé par le distributeur national.

PERSPECTIVESL’objectif poursuivi est de réduire, autant que fairese peut, l’influence des groupes électrogènes sur lecoût de production de l’huile. Deux projets ont étémenés afin de raccorder les unités de Palmindustrieau réseau national.

Le premier projet ne s’intéresse qu’à un raccor-dement simple, en consommateur. Seules cinq (5)unités situées à moins de 10 km du réseau sontconcernées. Ce raccordement, par lequel les unitésne peuvent que consommer, permettra de se passerdes GE en les remplaçant par le réseau. On ramène-rait ainsi le coût de l’énergie due à la source extérieureà moins de 2 000 FCFA par tonne, soit environ 1 %du coût de revient actuel.

L’investissement pour les cinq (5) unités estrécupérable en moins de 2 ans selon les études menéespar l’Énergie Électrique de Côte d’Ivoire (EECI).

Tableau 6Coût de production sur les huileries de palme

Item Description 1995 1994 1993 1992

1 Tonnage régimes traités 1 149 328 1 197 675 1 180 735 1 191 758

2 Capacité horaire traitement (t/h) 21,6 20,8 21,6 21,9

3 Tonnage huile produite 249 417 258 539 255 796 260 833

31 Taux extraction huile (3)/(1) 21,7 % 21,6 % 21,6 % 21,9 %

32 Coût moyen production huile FCFA/tonne 214 588 163 685 135 088 128 586

4 Tonnage palmistes produits 31 469 31 935 34 462 41 113

41 Taux extraction palmistes (4)/(1) 2,7 % 2,7 % 2,9 % 3,5 %

42 Coût moyen de production palmistes 47 798 45 320 30 212 22 104

5 Coût énergie hors carburant FCFA/tonne 1 537 1 023 781 907

Source : Direction du Budget et Contrôle Gestion (DBCG), Palmindustrie

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Le deuxième projet est un projet de cogénération.Il change complètement la physionomie des sites. Ils’agit d’installer des équipements de productionpouvant utiliser tous les déchets exploitables. Lesurplus d’énergie serait alors livré au réseau. Pendantles périodes creuses ou d’arrêt de l’usine, l’énergieserait fournie par le réseau.

La cogénération permettrait non seulementd’éviter d’utiliser les GE, mais surtout d’éliminer tousles déchets par combustion ; le caractère saisonnierde la production agricole ne serait alors plus unobstacle au bon fonctionnement de l’usine.

L’inconvénient de ce projet est son coût relati-vement élevé. Cependant, la Banque Mondiale, dansle cadre d’une table ronde sur la question, s’est diteprête à trouver des bailleurs de fonds pour leraccordement de 10 unités de Palmindustrie.

CONCLUSIONLa Côte d’Ivoire dispose d’un potentiel énergétiquerelativement important en biomasse (150 000 000kWh) rien que sur les huileries de palme, dont larécupération plus ou moins complète pourraitcontribuer à réduire de façon notable l’emprise nocivedes produits pétroliers sur le coût de production. Cetterécupération résoudrait en même temps l’équationécologique, car une huilerie de palme est un grosgénérateur de déchets (environ 600 000 tonnes dedéchets pour 1 400 000 tonnes de régimes traités).

L’importance du projet se mesure dans l’intérêtque lui portent la Banque Mondiale et le Fonds pourl’Environnement Mondial, qui étaient prêts à mobiliserle financement auprès de bailleurs de fonds, au pointd’organiser une « Table ronde sur l’autoproduction àpartir de la biomasse » en novembre 1992.

Quant à nous, nous sommes convaincus que,malgré la privatisation en cours de Palmindustrie, lacogénération s’imposera comme la solution auxproblèmes de la valorisation des ressources énergétiqueslocales inemployées et de la maîtrise de l’énergie dansles entreprises agro-industrielles en Côte d’Ivoire.

Sources documentairesArchives du Service Documentation de Palmindustrie.

Archives de la Direction de la Transformation Industrielle(DTI) et de la Direction du Budget du Contrôle deGestion (DBCG).

D.P.C Luxembourg : « Étude de la valorisation des déchetsd’huilerie de palme. Rapport final et évaluationéconomique » pour le compte de la RépubliqueTogolaise.

Documentation/Projet GEF/Banque Mondiale : Productiond’électricité à partir de la biomasse.

SEMAINES NATIONALESSUR L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUEDeux semaines nationales de sensibilisation et de formation surl’efficacité énergétique se sont tenues à Bamako, au Mali, du28 octobre au 1er novembre dernier et à Cotonou au Bénin du 4au 8 novembre 1996. Ces semaines s’inscrivaient dans le cadre duprogramme PRISME (Programme International de Soutien à laMaîtrise de l’Énergie) et se sont déroulées suivant 4 volets :

• un atelier Homme-Énergie dont l’objectif est de former lesgestionnaires de bâtiments tertiaires à la gestion efficace del’énergie,

• un forum d’échanges et de discussions entre opérateursbéninois, maliens et ivoiriens sur le suivi et l’optimisation desfactures d’électricité du secteur public,

• des actions de formation en direction des groupes PRISME duBénin et du Mali pour en renforcer les capacités d’interventionau plan technique et dans leur rôle d’intermédiaire pour lapromotion de l’efficacité énergétique.

• une journée de l’efficacité énergétique, qui a permis, à traversune série de conférences et de débats, de replacer les questionssur l’efficacité énergétique dans le contexte plus général dudéveloppement durable.

Les séminaires ont permis de mobiliser, au-delà du secteur del’énergie, des institutions de formation et leurs étudiants, desresponsables des administrations en charge des dépenses publiquesd’énergie.

L’Institut a bénéficié dans la conduite de cette action, duconcours financier des coopérations wallonne, française et cana-dienne. L’ADEME a fourni le support technique. Les ministères del’Énergie des deux pays bénéficiaires ont su créer les conditionsappropriées pour que les échanges soient les plus fructueux et queles travaux débouchent demain sur des réalisations concrètes.

L’opération du Mali a été rehaussée par la présence de M. Jean-Louis Roy, Secrétaire général de l’Agence de la Francophonie (ACCT),qui a procédé à l’ouverture et à la clôture des travaux, en compa-gnie du ministre d’État chargé de l’intégration africaine (absent surla photo), du ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique,du ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat et du ministre del’Éducation de base (tous deux absents sur la photo).

L’IEPF A ORGANISÉ

Nous retrouvons sur la photo, de gauche à droite,M. Sibi BONFILS, directeur adjoint à l’IEPF, M. Jean-LouisROY, secrétaire général de l’Agence de la Francophonieet M. Cheickna Seydi Ahamadi DIAWARA, ministre desMines, de l’Énergie et de l’Hydraulique du Mali.

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Séchage de fruits tropicauxpour l’exportation:l’expérience au Burkina Fasode la mangue séchée

F. THUILLIER et A. TRAORE

Pays d’Afrique de l’Ouest anciennement appelé « Haute-Volta », le Burkina Faso, « pays deshommes intègres », connaît, malgré son enclavement régional, un fort développement agro-économique depuis plus d’une décennie.

Encore aujourd’hui et sous un climat soudano-sahélien toujours aussi rude, 85 % de la populationvit de l’agriculture et produit une grande variété de fruits (mangues, bananes, papayes…) etde légumes (aubergines, tomates, haricots…). Ainsi, le Burkina Faso est devenu le plus grosproducteur ouest-africain de mangues (160 000 tonnes pour l’année 1994-1995) avec son voisin,la Côte d’Ivoire.

F. THUILLIER est ingénieurGÉRES (Groupe ÉnergiesRenouvelables etEnvironnement), Marseille(France).

A. TRAORE est ingénieurABAC (ONG Bukinabé)(Burkina Faso).

Cette situation ne va pas sans poser quelquesproblèmes lorsqu’il s’agit d’écouler la production. Lasaturation des marchés est devenue préoccupanteau moment de la récolte1. Jusqu’en 1992, les moyensde conservation étaient limités au séchage tradi-tionnel2 et les autres procédés de transformationétaient inaccessibles pour le producteur.

LE SÉCHAGE :UNE IDÉE POUR LE DÉVELOPPEMENT

En fin des années 1980, au Burkina Faso et dansd’autres pays de la sous-région, est apparue, à traversdes projets de développement, l’idée de valorisercertains produits agricoles par le séchage amélioré,notamment les fruits, pour en faire des produitstransformés, destinés à la consommation.

L’idée est séduisante parce que c’est une techni-que connue, un procédé souple et facile à maîtriseravec un coût de revient peu onéreux, permettant devaloriser de grandes quantités de matières premières.Selon ces principes, l’Institut Burkinabé de l’Énergie(IBE) commence à concevoir des séchoirs, appuyépar des organismes internationaux comme la FAO

1. On enregistre jusqu’à 50 000 tonnes/an de pertes pourla mangue.

2. Se reporter à l’article « Créer de nouvelles activitésrémunératrices pour les femmes ».

PRODUCTION AGRO-ALIMENTAIRE

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(projet PNUD/FAO), et certaines ONG s’engagentdans la sensibilisation du milieu rural.

C’est le cas du CÉAS (Centre Écologique AlbertSchweitzer – ONG suisse) qui, dès 1987, voit dansle séchage un moyen de valoriser la mangue et del’exporter vers la Suisse, où le consommateur estfriand de fruits séchés exotiques.

LE RÉFLEXE « SOLAIRE » :INTÉRÊT ET LIMITES D’UN SÉCHOIRSOLAIRE DIRECT PASSIFSur la base d’un prototype de l’IBE, le CÉAS choisitde diffuser, à partir de 1988, des séchoirs « banco »(voir la figure 1) auprès de groupements qu’il appuiedéjà.

Constitué d’un bâti en briques (banco) surmontéd’une couverture en film plastique transparent, ceséchoir solaire direct à convection naturelle devaitsécher jusqu’à 120 kg de mangues fraîches préparéesen morceaux (équivalant à 250 kg de matière première)en moins de 72 heures, soit environ 10 kg de produitsec/j./séchoir. Réalisable en matériaux locaux, utilisantl’énergie solaire largement disponible 8 mois/an, leséchoir semble alors adapté au contexte local3.

L’envoi d’échantillons en Suisse reçoit un échofavorable de OS3, réseau de commerce solidaire quicommande 1 tonne de produit fini pour 1989. Lafilière d’exportation de mangues séchées du BurkinaFaso vers l’Europe vient de naître.

Jusqu’en 1991 la production, atteignant 4 tonnesà l’exportation, est assurée par ce type de séchoir,soit une vingtaine d’exemplaires répartis sur 3 sitesd’exploitation. Mais déjà, l’expansion de l’activitésoulève des problèmes organisationnels et techniquescomme l’inadéquation du séchage solaire direct passifaux exigences d’une production agro-alimentaire quise caractérise par :

• un séchage incomplet en période humide etsurtout l’impossibilité de sécher dès le début dela saison des pluies,

• et une qualité de séchage médiocre (couleur,hygiène, réhumidification nocturne, produit dequalité inégale).

Dès lors, il fallait revoir le système technique enplace pour respecter des exigences de quantité et dequalité.

L’UTILISATION DU GAZ :UNE SOLUTION ÉNERGÉTIQUESATISFAISANTE MAISNON SUFFISANTEUne des réponses aux problèmes posés seratechnologique, avec l’apparition d’un séchoir au gaztype « cadre » (voir la figure 2).

Dans le contexte burkinabé, le gaz constitueeffectivement une source énergétique intéressante enmilieu urbain, car il est disponible en bouteilles de 12à 36 kg à un prix au kWh abordable (25 FCFA/kWh).

Constitué de 2 cellules concomitantes, pourvueschacune d’une entrée d’air et d’un brûleur (puissancede chauffe ª 2,5 kW), le séchoir reprend le principede convection naturelle (ce qui nécessite un prétraite-ment chimique du produit pour limiter les risques

Figure 1

3. Référence « Sécher les produits alimentaires » –Collection « Le point sur… » – GÉRES-GRET – 1995.

Air frais e

t sec

Air chaud et humide

Air frais et secFilm transparent

250 cm

240 cm

620 cm

190 cm

Le séchage, un moyende valoriser la mangue

et de l’exporter vers la Suisse,où le consommateur est friand

de fruits séchés exotiques.

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bactériologiques), mais peut fonctionner jour et nuitavec contrôle manuel de la température et ainsi sécher100 kg (charge nominale) en 24 heures, soit uneproductivité de 15 à 18 kg/j./séchoir de produit séché.

ÉVOLUTION DE LA DEMANDE :CHOIX STRATÉGIQUESET OPTIONS TECHNIQUESÀ partir de 1993, le marché d’exportation s’est élargiaux partenaires de OS3 à travers un réseau européendu commerce solidaire. Cette perspective a mobiliséles acteurs locaux et a permis la multiplication desunités de production (3 en 92, 4 en 93, 7 en 94, 8en 95).

Plusieurs de ces unités ont alors réfléchi sur lesmoyens à mettre en œuvre pour consolider leurdéveloppement :

• structuration de la filière avec la création d’unG.I.E. ;

• diversification des marchés d’exportation et sous-régionaux ;

• amélioration de la qualité des produits finis.

Briques

Cheminée 30 cm Ø

Bois

Brûleur

215 cm

27

4 c

m

39

0 c

m

180 cm

Figure 2

Dès 1993, le GÉRES a soutenula « filière mangues séchées

à l’exportation » à travers un projetplus général de développement

des activités de séchage familialeset artisanales.

D’un faible niveau de technicité (absence deconvection forcée, de système de sécurité et derégulation du gaz), le séchoir « cadre », comme sonprédécesseur, peut être fabriqué localement pour uncoût d’investissement équivalant de nos jours à 8 000FF (1 FF = 100 FCFA).

Toutes ces caractéristique ont permis aux 3 unitésexistantes (de faibles capacités financières et techni-ques) de remplacer rapidement leurs outils solairesde production moyennant une aide du CÉAS (sousforme de prêt) et d’éviter ainsi une rupture de pro-duction.

L’introduction de cette innovation technique n’acependant pas résolu l’ensemble des problèmespropres à cette méthode de séchage :

• un outil de séchage limité : faibles performancesénergétiques, hétérogénéité du séchage, nécessitéd’un prétraitement ;

• problèmes liés à la multiplication des unités deproduction : qualité inégale de la matière premièreet du produit fini, complexité dans la gestion desopérations.

Mais, grâce aux mécanismes du marché solidaireen Europe reposant sur un accompagnement com-mercial des producteurs, les relations commercialesont été maintenues ; ainsi, en 1992, l’exportation pourle compte d’OS3 a atteint 9 tonnes, soit un chiffred’affaires à cette époque de 360 000 FF (1 FF =50 FCFA avant dévaluation) pour les producteurs.

Sur le plan technique, l’un des principauxproducteurs, A. Mayabouti, a choisi d’adopter laconvection forcée, sur le modèle de séchoir existant,afin d’augmenter ses capacités de production. Maisla principale évolution viendra de l’introduction d’unnouveau modèle de séchoir semi-industriel auprèsde la COOPAKE, un des membres du G.I.E. enpartenariat avec le GÉRES.

Dès 1993, le GÉRES a soutenu la « filièremangues séchées à l’exportation » à travers un projetplus général de développement des activités deséchage familiales et artisanales. Devant la naturede l’activité et les besoins localement exprimés, leGÉRES a ainsi adopté une démarche d’ingénierie deprojet. Pour répondre aux soucis de développementà moyen terme des unités de séchage artisanal, ilfallait étudier les marchés potentiels de diversification.Une étude menée en 1994 a permis de caractériserplusieurs segments potentiels du marché des fruitsséchés :

• le marché dit « biologique », avec plusieursdizaines de tonnes, mais un cahier des chargesbasé sur la qualité du produit (absence deprétraitement) ;

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Figure 3Séchoir de type tunnel Cartier

• et celui des industries utilisatrices, qui recherchentmaintenant des produits intermédiaires «naturels»et imposent des critères de standardisation (homo-généité de la production).

Face à cette double exigence, les moyens tech-niques en place ne permettaient pas de lancer uneproduction pilote pour tester les marchés identifiés.Il fallait donc envisager un nouveau type de séchoirà caractère semi-industriel.

L’introduction de ce nouvel outil technique ademandé une étude de faisabilité qui, tenant comptedu cahier des charges obtenu auprès des futursclients, a permis de sélectionner un modèle de séchoir.

En ce qui concerne le choix technique, lesmodalités d’appropriation du séchoir par les utili-sateurs et sa viabilité économique ont été les deuxcritères prépondérants. C’est pourquoi le GÉRES aprivilégié un transfert de savoir-faire issu du séchagedu pruneau en France ; le séchoir devait par ailleursoffrir des possibilités de fabrication locale.

LE SÉCHOIR DE TYPE TUNNEL CARTIERLe séchoir de type tunnel cartier représente uneavancée technologique pour le séchage agro-industriel

au Burkina Faso (figure 3). Selon le principe du« séchoir tunnel » à recyclage d’air, un exemplaire« pilote » a été construit dans une des unités deséchage. Ce séchoir est une cellule compartimentéeen 2 chambres, l’une pour accueillir les 2 chariotsde fruits, l’autre pour les organes techniques dechauffe et de ventilation.

Avec une puissance de chauffe instantanéede 40 kW et un débit nominal de ventilation de8 000 m3/h, ce séchoir peut produire 65 kg de mangueséchée/cycle de séchage (18 h) en charge nominale(320 kg en claies).

Porte face B

Déflecteur (plan 3)

Mur extérieur

Cloison intérieure

Trappe sortieair humide (plan 5.2)

Porte face A (plan 5)

Système de chauffe (plan 3)

Entrée d’air sec (plan 2)

Ventilateur (plan 4)

Face A

Face BToit de bâti : des briques

sont supportées par des fers en Précautions à prendre : voir plans 3 et 4

Ces produits, naturelset exotiques, possèdent des atouts

différents de ceux de la concurrenceasiatique et devraient toucher

une certaine clientèle.

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Équipé d’un système de sécurité et de régulationde la température de chauffe, il conserve un contrôlemanuel de l’humidité en sortie de tunnel pourconduire le séchage.

Le gaz a été conservé comme source de chauffagemais, grâce au recyclage de l’air, la consommationénergétique descend à 1,25 kWh/kg d’eau évaporée(contre 2,5 pour les séchoirs au gaz à convectionnaturelle). Cette convection forcée associée au contrôled’humidité permet d’éviter les prétraitements chimiqueset d’atteindre 95 % d’homogénéité de produit fini.

La souplesse d’utilisation du séchoir (multi-chariots à chargement par fournée ou semi-continu)s’adapte bien aux conditions de travail locales(gestion parfois difficile de l’approvisionnement) etpermet de tester d’autres produits (fruits, légumes,poissons), voire d’autres procédés (pasteurisation àhumidité intermédiaire de 35 %).

Le principe du « séchoir tunnel » permet d’alignerjusqu’à 6 chariots dans une cellule, ce qui porte sacapacité à 200 kg de produits séchés/jour (cas de lamangue), soit une production de 30 tonnes enfonctionnement normal pour une année (environ5 mois). Le séchoir actuel (2 chariots) fournit dutravail pour environ 15 personnes à plein tempspendant la saison des mangues.

DES POTENTIALITÉS TECHNIQUESÀ EXPLOITER ET À SOUTENIRCe nouveau séchoir a terminé sa phase expérimentaleavec la production de nombreux produits locaux :mangues, bananes, papayes, bissap, etc.

La bonne qualité des produits finis permettra,à la fin de 1996, de réaliser un test de marché ensupermarché dans le Sud de la France et ainsid’étudier la réceptivité du client et l’écoulement dansla grande distribution. Ces produits, naturels etexotiques, possèdent des atouts différents de ceuxde la concurrence asiatique et devraient toucher unecertaine clientèle. Le prix de vente (CAF) de 35 FF/kg permet d’envisager une distribution à moyenneet grande échelles. L’extrait d’une analyse écono-mique (tableau 1) montre qu’en capacité nominale,une unité de 30 t/an peut, en maintenant ce prix devente, générer une capacité d’autofinancement de34 % (coût de revient : 23,5 FF/kg).

Toutes ces nouvelles perspectives devraientpermettre de voir la production locale se multiplierdans les prochaines années si, de plus, les acteursburkinabés bénéficient de conditions favorables :

• un accès au crédit, compte tenu du coût del’équipement de séchage : 70 000 FF pour leséchoir plus 130 000 FF pour le bâtiment et lematériel léger connexe, pour une capacité de2 tonnes par mois ;

Tableau 1Analyse de la répartition des charges

Séchoir au gaz semi-industriel

Nature des charges % du coût % dans le prix % du chiffred’exploitation de production de revient d’affaires

Charges d’exploitation 100 94,5 62Matière première 16,4 15 10Emballage 13,6 12,6 8,5Électricité 3,6 3,3 2,3Vapeur 15 14 9,4Fret 32,5 30 20,2Personnel salarié 3 3 2Main-d’œuvre 8 7,6 5,4Frais généraux 5 4,5 3

Marge brute – – 38Amortissement – – 5,7Frais financiers – 4,5 2,9Taxes – 1 0,7Cap. d’autofinancement – – 34

• un appui technique à la préparation des inves-tissements, notamment pour le matériel importé(brûleur, ventilation, contrôle-commande) ;

• une formation à l’utilisation du séchoir dès la miseen route, pour maîtriser rapidement le séchagetunnel ;

• un accompagnement technico-commercial pourtoucher les marchés européens traditionnels.

CONCLUSIONCette expérience montre combien il peut être longet difficile de valoriser des produits africains àdestination des marchés européens. L’introductionde nouvelles techniques ne suffit pas à répondre àl’ensemble des problèmes de gestion d’une activitéde ce type.

Dans la mesure où le partenariat Nord/Sudrepose sur un accompagnement et non une prise encharge, les acteurs économiques ont prouvé leurcapacité à accéder aux marchés européens et às’approprier des équipements issus de la culturetechnique occidentale. Dans un environnementfavorable et avec une démarche d’appui qui tend versl’autonomisation des acteurs locaux, l’émergence dePME/PMI agro-alimentaires devient donc un moteurde développement durable au Burkina Faso.

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Pratiques du séchageen zone sahélienne :créer de nouvellesactivités rémunératricespour les femmes

Thérèse ONADJA et Jean-François ROZIS

L’origine du projet ABAC remonte à 1980. À cette époque, le GRET (Groupe de recherche etd'échanges technologiques), avec l’appui du GÉRES (Groupe Énergies Renouvelables etEnvironnement) et de l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherches Agronomiques), a commencéà travailler avec des maraîchers sénégalais en vue d’améliorer la conservation de leurs produitspar séchage.

Thérèse ONADJAest coordonnatricedu projet ABAC.(ONG Burkabé)(Burkina Faso)

Jean-François ROZISest ingénieur et travaillepour le GÉRES.(Groupe Énergies Renouvelableset Environnement)Marseille (France)

Le constat initial était le suivant : le séchagetraditionnel par exposition directe au soleil restantune bonne réponse aux moyens techniques etéconomiques des paysans, il fallait toutefois pallierces limites :

• une forte dépendance vis-à-vis des conditionsclimatiques ; dès que le ciel devient couvert(intersaison) et que l’air s’humidifie, le séchageà l’air libre s’avère inopérant ;

• une faible qualité nutritionnelle et microbiolo-gique de produit séché ainsi que ses caractéristi-ques parfois médiocres de goût, d’aspect, voired’odeur ;

• une mauvaise protection face aux nuisibles ;

• le temps que nécessite cette pratique (protectionface au vent, à la pluie, aux animaux ainsi qu’unelenteur du processus (en climat peu favorable).

L’approche technologique a permis de proposerdeux ans plus tard le séchoir solaire domestique, dit« coquillage » (figure 1) en raison de sa forme et deson système d’ouverture. Il s’agit d’un outil fiable,demandant peu d’entretien, bien adapté aux besoinsfamiliaux et réalisable par les artisans locaux.

LES LIMITES DE L’APPROCHETECHNOLOGIQUECe séchoir permettait l’amélioration des qualitésvisuelles, hygiéniques et organoleptiques du produitfini. Malgré ces qualités, on ne comptait que 172

PRODUCTION ARTISANALE

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exemplaires en 1988. Au Burkina Faso, quelquesinitiatives isolées de séchoirs solaires avaient vu lejour au milieu des années 1980, mais sans suite.

En 1992, le GÉRES définissaitune nouvelle approche et visait un objectif dediffusion de 500 séchoirs coquillages en 3 ans.

Les données agroclimatiques au Burkina Fasojustifiaient le choix de ce programme comme situationde référence. La production maraîchère de contre-saison avait connu une forte croissance grâce à lavalorisation des points d’eau (lacs, barrages,…), ayanttriplé en moins de 10 ans pour atteindre 120 000tonnes en 1991-1992. Or, en période de saturation,les prix des légumes chutent, les surplus sont bradéset les invendus sont perdus (jusqu’à 20 % de laproduction). Pour certains fruits comme la mangue,la moitié de la production est perdue. Améliorer leséchage reste donc une priorité en l’absence de chaînedu froid viable, de réseaux routiers performants etd’une gestion des pics de récolte.

Afin de lever les contraintes liées à la pratiquedu séchage solaire dit amélioré, on a privilégié uneapproche multidiscipli-naire pour agir sur l’en-semble de la filière. L’ac-cent a été porté sur latransformation et la com-mercialisation-consomma-tion. En ce qui concerne lacommercialisation, cetteétape a été facilitée par ledépôt d’une marque commer-ciale dénommée PALSEC (cf. logo)garantissant un niveau de qualité minimal.

Les actions d’appui ont été multiples :

• élaboration de recettes pour les produits nouveaux;

• campagne de promotion (publicités télévisées,foires, séances de dégustation, etc.) ;

• formation des transformatrices sur les attentes dequalité des consommateurs.

Il ne s’agissait plus alors d’un banal outil deconservation (type réfrigérateur) mais d’un outil deproduction rentable permettant de générer desrevenus, notamment en milieu rural reculé (voirTableau 1 : compte d’exploitation prévisionnel). Pourune famille rurale, la décision d’investir dans unséchoir est comparable à celle d’acheter une charrue.Il faut pouvoir le rentabiliser grâce à la commer-cialisation d’une partie des produits séchés.

Figure 1Séchoir domestique solaire (coquillage)

Le séchoir solaire domestique, dit« coquillage », est un outil fiable,demandant peu d’entretien, bien

adapté aux besoins familiauxet réalisable par les artisans locaux.

Pour répondre aux attentes de formation sur lesprocédés de séchage, il fallait concevoir des outilsde formation spécifiquement destinés à la populationconcernée. Le séchage de produits agricoles est uneactivité essentiellement féminine. Au Burkina Faso,la structure existante du monde rural permet detravailler directement avec des groupements villageois(de 20 à plus de 100 personnes).

Les modules de formation mis en place parl’équipe locale ABAC-GÉRES sont dispensés par desanimatrices burkinabé (durée moyenne de 5 à 6 joursavec suivi après formation). Les différents pointstouchant l’amélioration de la pratique sont abordés :

• usage et entretien du séchoir coquillage ;

• procédés de séchage pour chaque produit ;

• conservation des produits séchés par emballage ;

• notions de gestion, de commercialisation ;

• qualités nutritives des produits séchés et recettesculinaires.

L’aspect pratique de ces formations, conformé-ment à la demande des groupements, a permis unetransmission efficace des compétences : réalisationd’une gamme de produits finis, par exemple des platsà base de produits secs, et progression dans l’acqui-sition du savoir-faire. L’usage et le mode d’organi-sation sont laissés à la discrétion des villageois, demême que les mécanismes des crédits pour l’acqui-sition des séchoirs.

Pour promouvoir la construction du séchoircoquillage, qui représentait (et représente toujoursen 1996) le meilleur compromis de petit séchoirdomestique fonctionnant entièrement à l’énergie

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solaire, il était nécessaire de travailler avec différentsateliers d’artisans. Outre une formation directe à laréalisation du séchoir (ainsi qu’un guide de fabrica-tion), un suivi régulier de la production des ateliersgarantissait l’homogénéité des outils.

Une gamme de trois modèles de capacitésdifférentes a été proposée : le N° 1, d’une surface deséchage de 0,5 m2 ; le N° 2, d’une surface de 1,4 m2 ;et le N° 3, d’une surface de 2,2 m2. Quelques amélio-rations ont été apportées au modèle 1992 (protectiontotale contre les insectes grâce à l’ajout de mous-tiquaires, simplification, amélioration des perfor-mances, gain de temps dans la fabrication dessystèmes d’aération et ajout d’un « chapeau »).

LES RÉSULTATS EN 1995En trois ans, 1 400 séchoirs ont été diffusés, soit 500destinés à l’autoconsommation et 900 à la commer-cialisation de produits séchés, ce qui représente unrésultat de trois fois supérieur à l’objectif initial. Centvingt villages ont été « sensibilisés » par les anima-trices du programme; la moitié d’entre eux ont acquisdes séchoirs, et 20 provinces sur les 30 que comptele Burkina Faso ont été rejointes par cette diffusion.

On peut également souligner l’effet positif de ladévaluation pour la compétitivité économique desproduits transformés localement, ceci malgré l’aug-mentation de 40 % du coût d’investissement duséchoir.

LES LEÇONS DE CETTE EXPÉRIENCEL’évaluation menée en fin d’action a permis de faireressortir plusieurs points qui devraient être pris encompte dans l’avenir.

La nécessité de former les utilisatrices au moyen detechniques pédagogiques adaptées à leurs besoins.

Au moins 80 % des femmes utilisant le séchoir n’ontpas terminé le cycle de scolarisation primaire.Satisfaites de la formation dispensée, la majoritéd’entre elles souhaitent un suivi sous forme derecyclage, afin notamment de tester d’autres produitset d’acquérir des notions de gestion et de marketing.

Le séchoir nécessitant un déboursement moyende 400 FF (équivalent à 1,5 mois de travail au salairede base), il est important de rassurer « le client» (latransformatrice) en lui proposant un suivi après ventepour qu’elle réussisse sa première année d’exploitation.

Les modes d’organisation doivent être libressuivant les besoins, les capacités d’investissement, etc.

La tendance à utiliser le séchoir pour démarrerune activité commerciale est très marquée. L’objectifactuel est d’accompagner les partenaires pour passerdu stade familial vers des unités de type artisanal quipuissent répondre à leurs exigences. Il faut toutefoisréaliser une analyse préalable pour chaque nouveau

groupement afin d’orienter au mieux l’activité duséchage. Dans certaines zones, par exemple, lapratique du séchage amélioré n’est plus justifiée enl’absence de surplus agricoles.

L’existence de débouchés très diversifiés

Certaines transformatrices, grâce à leur dynamisme,ont testé et mis au point de nouveaux produitstransformés qui peuvent satisfaire la clientèle urbaine.À ce niveau, il est important de les accompagner pourproduire un produit fini de qualité homogène grâceà la mise au point de processus adéquats (fonio,couscous,…). D’autres utilisent les séchoirs pour laproduction d’aliments plus transformés (à valeurajoutée plus grande). Nous pouvons citer le cas desfemmes qui fabriquent des pâtes alimentaires ouencore des farines pour bébés.

Par ailleurs, il est nécessaire de s’adapter auxgoûts des consommateurs et à la bourse de laménagère :

• forme de morceaux : tranche, lamelle, cube,poudre, etc. ;

• conditionnement adéquat : sachets Palsec pourles grandes surfaces, petits sachets ordinaires pourles vendeuses de marché ;

• sachets plus petits permettant de vendre le produità toutes les femmes, y compris celles dont lerevenu est faible ;

• gamme de produits variée, par exemple le pimentnature et assaisonné ;

• facilité d’utilisation : bissap instantané prêt à êtreconsommé.

Le séchoir coquillage reste toujours le meilleuroutil de séchage domestique en zone sahélienne.

Une fois ses performances connues, effectivesessentiellement en saison sèche et sur quelquesproduits faciles à sécher (par ex. : légumes feuilles)en saison des pluies, il s’agit d’en tirer le meilleurprofit. À notre connaissance, aucun autre outil « toutsolaire » ne répond mieux au cahier des chargessuivant :

• fiable et résistant ;

• d’entretien facile ;

• fabriqué avec des matériaux disponibles localement;

• utilisable pour des produits différents ;

• de coût abordable pour une famille rurale ;

• facilement transportable.

On cherchera à améliorer quelques aspects(nouvelle peinture noire plus durable, actuellementdisponible au Burkina Faso…). Mais il faut garderà l’esprit que les surcoûts générés par d’éventuellesaméliorations doivent être justifiés économiquement.

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Fait important, le séchoir coquillage reste l’outille moins coûteux par m2 de surface de séchage etdemande peu de frais d’entretien. D’autre part, laproposition d’une gamme de trois dimensions permetd’adapter l’outil au niveau de production souhaité.

En somme, on peut dire que l’on est passé dustade de la recherche/développement pour validerl’intérêt et la capacité d’intégration à la phased’ingénierie, où il fallait proposer sur le marché unproduit correspondant aux critères d’achat du clientpotentiel (la transformatrice). La finition a étéparticulièrement soignée pour satisfaire pleinementl’utilisatrice. Soulignons enfin que les artisans-fabricants ont décidé de s’associer pour faire l’acqui-sition de matières premières à prix plus bas etproduire un stock de séchoirs, ce qui permet d’absor-ber les fluctuations de la demande.

Une seconde phase devrait consolider ces nouvellesfilières économiques avec la diffusion supplémentairede 7 000 séchoirs coquillages (1996-1999).

Pour réaliser cet objectif ambitieux, il faudra créerun courant commercial portant sur 250 tonnes deproduit secs (environ 2 500 tonnes de produits frais),soit un chiffre d’affaires de 600 millions de FCFA.

Il s’agira de prendre en compte les expériencestirées de la première phase en élargissant la formationdes utilisatrices, en permettant aux artisans-fabricantsde s’organiser face à la nouvelle demande et enimpliquant les différentes structures capablesd’octroyer de petits crédits ; le projet aidera par ailleursles futurs producteurs à élaborer leur demande.

Ce programme est soutenu par la Caisse Françaisede Développement, l’Union Européenne et l’ACCT,dont la Direction générale du développement et dela solidarité soutient la formation des femmes engestion.

La politique promotionnelle des produits séchésdevra comporter des opérations de communicationvers les consommateurs et la prospection de nou-veaux marchés à l’extérieur du pays notamment(produits biologiques, industries agro-alimentaires).Toutefois, le marché national peut absorber laproduction de 20 000 séchoirs coquillages.

Puisque nous nous adressons à des lecteurssensibilisés aux problèmes d’énergie, mentionnonsles faits suivants : avec une surface moyenne decaptation de 0,6 m2, une utilisation de 6 mois/an, unensoleillement journalier de 5 kWh/m2 et un rende-ment énergétique de 40 %, les 8 000 séchoirs quipourraient être utilisés en l’an 2000 au Burkina Fasoproduiraient 1 728 mégawatts/heure d’énergie utile,soit l’équivalent de 136 000 kg de gaz en bouteillepar an. Ce simple calcul permet de constater, une foisde plus, la pertinence de l’usage de l’énergie solairedans de petits systèmes décentralisés.

D’autre part, il ne faudrait pas croire qu’un outiltechnologique, aussi bien conçu soit-il, s’autodiffusesans un accompagnement minimal (promotion,formation), que ce soit au Sahel ou dans d’autresrégions du monde. L’énergie solaire, ça marche ; ilfaut simplement se donner les moyens de l’utiliser.

Pour en savoir plus ou pour participer au pro-gramme en cours au Burkina Faso et dans les payslimitrophes, n’hésitez pas à consulter les ouvragessuivants, en vente sur demande :

Trois guides pratiques :

• Guide de fabrication des séchoirs coquillages,43 p., 1994

• Comment sécher vos produits avec le séchoircoquillage, 59 p., 1994

• Recettes culinaires à base de produits séchés auBurkina Faso, 52 p., 1994

Un guide technologique :

• Sécher des produits alimentaires, Collection «Lepoint sur… », 344 p., 1995

Deux films vidéo :

• Soleil, mon amour – 26 mn

• Bien manger, mieux vivre – 3 mn

En vente au GÉRES :73, Avenue Corot13013 MarseilleFRANCETél. : (33) 4.91.70.92.93Téléc. : (33) 4.91.06.19.46Courriel : [email protected]

ou au Burkina Faso :Alain Traoré – Christian LegayABAC-GÉRES : 01 BP 4071OUAGADOUGOUBURKINA FASOTél./Téléc. : 00.226.36.26.30 –Courriel : [email protected]

Réf. : JFR/EA/9610.103B.SEC

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* GRET : Groupe de recherche et d’échanges technologiques* 1 FF = 100 FCFALes calculs ont montré un revenu moyen de 300 FCFA/heure contre 130 FCFA pour l’équivalent « SMIC » burkinabé.

Cas concret d’un groupement féminin utilisant 4 séchoirs N° 3

Lieu : ville de Bobo-DioulassoPériode de séchage des légumes :

Produits Période Prix Cas 1 Cas 2 Cas 3Pommes de terre Mars/Avril 125 FCFA*/kg 1 mois 1 mois 1 mois

Tomates Janvier/Février 20 FCFA/kg 1 mois 2 mois 2 mois

Mangues Avril/Mai/Juin 35 FCFA/kg 1 mois 2 mois 3 mois

Production en kg F = frais S = secProduits pour 1 N° 3 F S F S F SPommes de terre 8 kg F fi 1,5 kg S 80 15 80 15 80 15

Tomates 15 kg F fi 1 kg S 150 10 300 20 300 20

Mangues 10 kg F fi 1 kg S 100 10 190 19 270 27

Rubriques (en FCFA) Cas 1 Cas 2 Cas 3CHARGESAchats produits frais :

• Pommes de terre 10 000 10 000 10 000• Tomates 3 000 7 500 7 500• Mangues 3 500 6 650 9 450

Amortissement des séchoirs sur 10 ans1 N° 3 : 48 000 F au 30/09/95 4 800 4 800 4 800

Amortissement de matériel léger sur 5 ans1 soudeuse, balances, couteaux 2 000 2 000 2 000Total : 10 000 F pour 1 N° 3

Sachets plastiques• Pommes de terre (250 gr) 2 100 2 100 2 100• Tomates (100 gr) 3 500 7 000 7 000• Mangues (200 gr) 1 750 3 325 4 725

Cartons (1 pour 10 kg) : 500 F/carton 2 000 3 000 3 500Frais prospection/échantillon 5 000 8 000 10 000Transport produits secs : 50 F/kg 1 750 2 700 3 100Eau lavage, trempage produits frais 1 000 1 500 2 000Métabisulfite (pré-traitement) 1 200 1 500 1 800Entretien annuel du séchoir

Peinture : 3 000 F/2 ans + Claies/2 ans = 6 000 F 4 500 4 500 4 500Frais financiers 2 000 2 000 2 000Sous total charges 48 100 66 575 74 475Recettes

Pommes de terre : 2 500 F/kg 37 500 37 500 37 500Tomates : 3 000 F/kg 30 000 60 000 60 000Mangues : 2 500 F/kg 25 000 47 500 67 500

Sous-total recettes 92 500 145 000 165 000Pertes : 5 % ; dons et autoconsommation : 10 %Total : –15 % 13 875 21 750 24 750Revenu financier/an pour 1 N° 3 30 525 56 675 65 775Revenu/heure de travail 339 378 365

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ACTIVITÉS ENVIRONNEMENTALES

○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○

CONGRÈS MONDIALDE LA CONSERVATIONEn partenariat avec les comités canadien et français de l’Unioninternationale pour la nature (UICN), l’IEPF a organisé à Montréal,le 14 octobre dernier, une journée francophone sur le thème« Francophonie, diversité biologique et développement durable ».Les travaux se sont déroulés dans le cadre du Congrès mondialde la conservation tenu du 13 au 22 octobre, à Montréal.

Cette journée d’échanges avait pour objectifs :

• de renforcer la présence et la contribution des spécialistesfrancophones au sein de l’UICN,

• de renforcer la solidarité Nord-Sud et de mieux coordonnerles efforts,

• de valoriser les outils de formation et de communicationen français dans le domaine de l’environnement.

Cette réunion a regroupé plus de 120 experts provenantde 21 pays membres de la Francophonie.

Les présentations et discussions ont porté sur :

• le programme environnement de l’Agence de la Francophonie,

• les problématiques de la formation et de l’information enlangue française,

• la présence de la langue française à l’UICN et ce, aussi bienà son siège que sur le terrain et dans les commissionsd’experts.

Les participants ont mis en évidence la faible présence del’UICN dans les pays francophones d’Afrique du Nord, l’importancedes facteurs culturels, la dynamique que la communauté fran-cophone doit insuffler au programme environnement de laFrancophonie. Ils ont recommandé la mise en place d’un comitéde liaison des membres francophones de l’UICN qui aurait pourmandat d’élaborer une stratégie d’intervention prenant en compte :

• le renforcement et la présence des francophones au seindu personnel et des commissions de l’UICN,

• l’identification des capacités et des besoins en matière decommunication et de formation en français,

• l’implantation de l’UICN dans les diverses régions franco-phones,

• l’identification des domaines prioritaires de coopérationet la coordination des actions,

• l’identification des diverses sources de financement.

Pour de plus amples informations :

Sory Ibrahima DIABATEResponsable de programmeSecteur Environnement, IEPF

UNE RÉUNION D’EXPERTS DESPAYS FRANCOPHONES MEMBRESDE LA COMMISSION POURLE DÉVELOPPEMENT DURABLEL’Agence de la Francophonie (ACCT) a organisé à Bordeaux, du9 au 11 décembre 1996, un atelier de trois jours, qui a regroupéenviron 45 experts francophones représentant de pays ayant unsiège à la Commission du Développement Durable (CDD) en1997 et ceux qui siégeaient en 1996. Participaient égalementdes experts de certains pays non membres.

Cet atelier a contribué à la préparation des pays fran-cophones pour leur participation à la 5e réunion de la CDD enavril 1997 et à la Session spéciale de l’Assemblée Générale desNations Unies.

Les travaux se sont déroulés autour de 4 tables rondes :

• les stratégies nationales de mise en œuvre d’Action 21Les études de cas présentées ont porté sur la mise en œuvre

des engagements de Rio dans chacun des pays et ce, à traversles stratégies élaborées (Plan d’action sur la désertification, PNAE,Stratégie nationale de Conservation, Plan d’action forestiertropical, Stratégie nationale de développement durable, etc.).Les échanges qui ont suivi ont permis de faire le diagnostic dusuivi de Rio en mettant en exergue les actions concrètes réaliséeset les difficultés rencontrées.

• l’exercice d’intégration des stratégies sectorielles de déve-loppement durable et ses aspects institutionnels

Au cours de cette table ronde l’on a mis l’accent sur le pro-blème de la multiplicité et la mise en cohérence des stratégiessectorielles. Il s’agissait en l’occurence de dresser un répertoire desplans d’action qui sont en train d’être mis en œuvre ? Répondent-ils à des besoins internes ou à des exigences externes ? Quelsmécanismes de coordination ont été mis en place et dans quellemesure ont-ils fonctionné ?

• les ressources et les mécanismes de financement du déve-loppement durable

Les discussions ont été orientées sur les sources de finan-cement qui ont été effectivement mobilisées dans les différentspays. Les participants ont insisté sur les problèmes liés à l’accèsaux ressources externes. Quelles étaient les agences partenaireset dans quelle mesure se sont créées des convergences dans leuraction ?

• la préparation de la 5e Session de la Commission du déve-loppement durable et de la Session spéciale de l’AssembléeGénérale des Nations Unies

Cette session a fait émerger les priorités d’action dans laperspective d’une participation significative des pays franco-phones à la Session spéciale de l’Assemblée Générale des NationsUnies et sur l’agenda international qui en découlera. Les ré-flexions ont porté sur le mandat renforcé qui pourrait être donnéà la Commission du Développement Durable et au rôle que lacommunauté des pays francophones devrait y tenir.

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NOUVELLES PARUTIONS

LES PROJETS EN EFFICACITÉÉNERGÉTIQUE ET LEURSPOSSIBILITÉS DE FINANCEMENTL’énergie est une ressource essentielle au bon fonctionnementde l’économie moderne. Son utilisation peu rationnelle entraînedes problèmes économiques et environnementaux importants.La sensibilisation à ces problèmes a motivé au cours des vingt-cinq dernières années une volonté croissante d’utiliser ration-nellement l’énergie et une prise de conscience des potentielsde réduction se retrouvant chez un bon nombre d’utilisateurs.

En plus d’être fort louable surle plan environnemental, laréalisation d’activités en effi-cacité énergétique et l’implan-tation de programmes de ges-tion efficace de l’énergieentraînent généralement uneréduction des coûts d’exploita-tion très importante pour lesentreprises et les institutions.Pourtant, la difficulté d’obtenirdu financement constitue tropsouvent un frein majeur à laconcrétisation de telles acti-vités.

À la lumière de ce constat,plusieurs possibilités de finan-cement, dont certaines mé-thodes novatrices, ont prisforme au cours des années afin

de permettre la réalisation de ces projets. Une de ces approchesnovatrices a été créée par des entreprises de services écoéner-gétiques (ESE) qui ont développé une approche intégrée assortiede garanties de performance permettant le financement de telsprojets.

Cet ouvrage présente les différentes possibilités de financementde projets en efficacité énergétique mises en valeur au cours desvingt dernières années et introduit de façon particulière la notiond’entreprise de services éconergétiques. Il pourra potentiellementguider une entreprise dans la mise en place de financement deprojets en efficacité énergétique, tant dans les pays du Sud quedans ceux du Nord.

Cet ouvrage de référence est divisé en quatre parties :1. différentes possibilités de financement de projets en efficacité

énergétique,2. introduction au concept d’entreprise éconergétique pouvant

réaliser le financement de projets en efficacité énergétique,3. principales institutions de financement de projets en efficacité

énergétique,4. expériences d’ESE et perspectives de développement du

concept.LES PROJETS EN EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE ET LEURS POSSIBILITÉS DE FINAN-

CEMENT, Pierre BAILLARGEON, Raymond FORTIN, Pierre LANGLOIS etMichel LÉONARD de Soprin ADS, IEPF, Québec, 1996, xvi et 128 pages.

L’ORGANISATIONET LE DÉVELOPPEMENTDES SECTEURS ÉLECTRIQUESDE L’ASIE DU SUD-ESTCet ouvrage est consacré à l’analyse de la situation des systèmesélectriques des pays de l’Asie du Sud-Est. Il rassemble lescommunications qui ont été faites lors de la session surl’organisation et le développement des systèmes électriquesd’Asie du Sud-Est et du Pacifique organisée au mois de novembre1995 par l’Institut de l’énergie des pays ayant en commun l’usagedu français à Phnom Penh, auCambodge, avec la colla-boration de la société Élec-tricité du Cambodge.

Les textes des communica-tions qui sont repris ici, fontétat des mutations que viventactuellement les systèmesélectriques de par le monde.Ils montrent nettement l’éro-sion de l’approche institution-nelle traditionnelle caracté-risée par la présence d’unmonopole public exclusifchargé du développement dusecteur, au profit d’une ap-proche par le secteur privé. Ilsfournissent une vue très com-plète des différents cas defigures et de la diversité desexpériences qui émergent aujourd’hui dans le paysage électriquemondial.

Voici un aperçu du contenu de l’ouvrage :

Première partie : les expériences des pays industrialisés (lesystème électrique en Europe et aux États-Unis, les réformesinstitutionnelles en Amérique du Nord – caractéristiques ettendances des systèmes électriques du continent américain –,nouvelles stratégies des acteurs et prospective des systèmesélectriques européens)

Deuxième partie : les éléments d’analyse des systèmes des paysen développement (les changements institutionnels dans lessecteurs électriques des pays en développement, la réforme dusecteur électrique dans les pays en développement et le rôlede la Banque mondiale, les réformes institutionnelles du secteurélectrique en Afrique subsaharienne)

Troisième partie : analyse et spécificités du continent asiatique(les caractéristiques et l’environnement du secteur électriquede l’Asie, la description des systèmes du Cambodge, du Vanuatuet du Viêt-Nam)

Considérations finales : la régulation : mythes et réalité ; queldéveloppement pour les systèmes électriques du Cambodge,du Laos et du Viêt-Nam ?L’ORGANISATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES SYSTÈMES ÉLECTRIQUES

DE L’ASIE DU SUD-EST, sous la direction de Dibongué KOUO, IEPF,Québec, 1996, xvi et 292 pages.