1
ii&nehospitalidbr I I y a pres d’un siecle et demi, Philippe lgnace Semmelweis etablissait les fondements de I’hygiene hospitaliere et de la lutte contre les infections nosocomiales en montrant que la ” deso- dorisation des mains ” avant les accou- chements permettait une diminution spec- taculaire de la mortalite maternelle. Cinquante ans plus tard, les hopitaux se convertirent a I’hygiene hospitaliere sous I’impulsion des travaux de Louis Pasteur qui creait alors les fameux “ pavillons des contagieux “. Les progres rapides de la medecine, tant diagnostiques, technolo- giques que therapeutiques se succede- rent alors a un rythme effrene : decouverte des antibiotiques, transplantation d’or- ganes, microchirurgie, genie genetique, procreation medicalement assistee.. Rapidement, I’hygiene, ressentie comme une contrainte, n’a plus ete au cceur des preoccupations. La France organise ses CLIN Les recentes ‘I affaires ” (sang contamine par le virus du sida ou de I’hepatite C, transmission de la maladie de Creutzfeldt- Jakob par les hormones de croissance), la mediatisation de certaines epidemics sur- venues dans nos hopitaux, nous ont rap- pele quelques brutales v&it&s sur la fragi- lite d’un systeme de Sante trop confiant dans sa technicite. Des lors, le respect des bonne pratiques de soins et la vigi- lance de tout instant se sont imposes comme autant de moyens de lutter contre les infections nosocomiales dont le poids est devenu incacceptable. En I’espace de dix ans, I’hygiene hospita- Ii&e et la lutte contre les infections noso- comiales s’est structuree en France et a rattrape son retard. Les circulaires de 1988 imposent a chaque etablissement public de soins de se doter d’un Comite de lutte contre les infections nosoco- miales (CLIN). Elles ont ete renforcees en 1993 par la creation de cinq Comites regionaux de coordination des CLIN (C- CLIN) et un Comite technique national (CTIN). En 1994, sous I’impulsion du minis&e de la Sante faisant de la lutte contre les infections nosocomiales une priorite de Sante publique, de nouveaux metiers ont vu le jour : d ‘abord les cadres infirmiers hygienistes puis les praticiens en hygiene hospitaliere et les techniciens bio-hygienistes qui, au sein d’unites ou de services d’hygiene et s’appuyant sur des referents medicaux et paramedicaux pre- sents dans chaque service, ceuvrent tous pour la surveillance et la prevention des infections nosocomiales ainsi que pour le controle de I’environnement. Nosocomialitti et antibiorisistance Les travaux scientifiques relatifs a I’hygiene et aux infections nosocomiales realises depuis une decennie traduisent bien la priorite desormais accordee a ces domaines. Parmi ceux-ci, les enquetes nationales de prevalence realisees en 1993 et 1996 ont permis de mesurer I’am- pleur du probleme en montrant que 5 a 10 % des patients s’infectent au tours de leur hospitalisation et meme jusqu’a 50 ‘70 dans les unites a risque (reanimation). La resistance aux antibiotiques est aussi rapidement apparue comme une priorite de Sante publique. Depuis 5 ans a ete mise en place une strategie de lutte contre les batteries multiresistantes (sta- phylocoques dares resistants a la meticil- line, enterobacteries productrices de beta-lactamases a spectre etendu.. .) visant a identifier les facteurs de risque d’acquisition de ces batteries, a favoriser le depistage, la signalisation et I’isolement des patients porteurs de ces batteries. Les hopitaux engages dans ce program- me ont deja constate une diminution du taux de batteries multiresistantes. Ces dix dernieres annees ont ete aussi marquees par la proliferation d’etudes descriptives epidemiologiques et d’audits de pratiques de soins, par le developpe- ment de formations specifiques en hygie- ne, par l’emergence de nouvelles tech- niques de prevention (catheters impregnes d’antibiotiques) et par les pro- gres de la biologie moleculaire appliquee au typage des batteries.. Chygiene, activite transversale par nature, s’est alors imposee, tardivement mais sQrement, comme un indicateur pertinent de la qualite des soins et un critere incon- tournable du processus d’accreditation des hopitaux. Responsabilitl medicale et vigilance La jurisprudence en matiere de responsa- bilite afferente a la survenue d’infections nosocomiales a egalement evolue, pas- sant du concept d’obligation de moyens a celui d’obligation de securite de resultat dont les medecins ne peuvent s’exonerer qu’en apportant la preuve d’une cause etrangere. La loi de securite sanitaire de 1998 impose aux etablissements de san- te de signaler les evenements iatrogenes survenant pendant le sejour des patients a I’hopital, en particulier les infections noso- comiales. Cette loi s’inscrit dans une volonte de transparence de plus en plus marquee chez les soignants et fortement exigee par les consommateurs de soins. La reglementation s’est aussi durcie en matiere de prevention, obligeant les eta- blissements de Sante a revoir leurs proce- dures de sterilisation ou a controler la qualite de l’eau chaude sanitaire vis-a-vis du risque de legionellose. La encore la reglementation traduit la montee en char- ge d’exigences securitaires des usagers. Le debut du millenaire s’ouvrira, a n’en pas douter, sur un renforcement des sys- temes de vigilantes, sur une meilleure standardisation des methodes de sur- veillance et sur une plus grande maitrise des risques environnementaux. Nous devons nous appreter a evaluer nos resul- tats et a en rendre compte dans la plus grande transparence. Au fur et a mesure que I’activite de prevention s’intensifiera et mobilisera des moyens significatifs, la pertinence de nos actions sera evaluee, et il nous sera impose de fournir des indica- teurs de resultats. Envisager une eradica- tion de toutes les infections nosocomiales est une utopie mais les reduire au maxi- mum sera, dans les an&es a venir, un objectif commun prioritaire et federateur de tous les acteurs de soins. Frederic Barbut Revue Francyse des Laboratolres, pnvier/f&rler 2000, N” 319 21

… et hygiène hospitalière

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: … et hygiène hospitalière

ii&ne hospitalidbr

I I y a pres d’un siecle et demi, Philippe lgnace Semmelweis etablissait les fondements de I’hygiene hospitaliere et de la lutte contre les infections

nosocomiales en montrant que la ” deso- dorisation des mains ” avant les accou- chements permettait une diminution spec- taculaire de la mortalite maternelle. Cinquante ans plus tard, les hopitaux se convertirent a I’hygiene hospitaliere sous I’impulsion des travaux de Louis Pasteur qui creait alors les fameux “ pavillons des contagieux “. Les progres rapides de la medecine, tant diagnostiques, technolo- giques que therapeutiques se succede- rent alors a un rythme effrene : decouverte des antibiotiques, transplantation d’or- ganes, microchirurgie, genie genetique, procreation medicalement assistee.. Rapidement, I’hygiene, ressentie comme une contrainte, n’a plus ete au cceur des preoccupations.

La France organise ses CLIN

Les recentes ‘I affaires ” (sang contamine par le virus du sida ou de I’hepatite C, transmission de la maladie de Creutzfeldt- Jakob par les hormones de croissance), la mediatisation de certaines epidemics sur- venues dans nos hopitaux, nous ont rap- pele quelques brutales v&it&s sur la fragi- lite d’un systeme de Sante trop confiant dans sa technicite. Des lors, le respect des bonne pratiques de soins et la vigi- lance de tout instant se sont imposes comme autant de moyens de lutter contre les infections nosocomiales dont le poids est devenu incacceptable.

En I’espace de dix ans, I’hygiene hospita- Ii&e et la lutte contre les infections noso- comiales s’est structuree en France et a rattrape son retard. Les circulaires de 1988 imposent a chaque etablissement public de soins de se doter d’un Comite de lutte contre les infections nosoco- miales (CLIN). Elles ont ete renforcees en 1993 par la creation de cinq Comites regionaux de coordination des CLIN (C- CLIN) et un Comite technique national (CTIN). En 1994, sous I’impulsion du minis&e de la Sante faisant de la lutte contre les infections nosocomiales une priorite de Sante publique, de nouveaux metiers ont vu le jour : d ‘abord les cadres infirmiers hygienistes puis les praticiens en hygiene hospitaliere et les techniciens bio-hygienistes qui, au sein d’unites ou de services d’hygiene et s’appuyant sur des referents medicaux et paramedicaux pre- sents dans chaque service, ceuvrent tous

pour la surveillance et la prevention des infections nosocomiales ainsi que pour le controle de I’environnement.

Nosocomialitti et antibiorisistance

Les travaux scientifiques relatifs a I’hygiene et aux infections nosocomiales realises depuis une decennie traduisent bien la priorite desormais accordee a ces domaines. Parmi ceux-ci, les enquetes nationales de prevalence realisees en 1993 et 1996 ont permis de mesurer I’am- pleur du probleme en montrant que 5 a 10 % des patients s’infectent au tours de leur hospitalisation et meme jusqu’a 50 ‘70 dans les unites a risque (reanimation).

La resistance aux antibiotiques est aussi rapidement apparue comme une priorite de Sante publique. Depuis 5 ans a ete mise en place une strategie de lutte contre les batteries multiresistantes (sta- phylocoques dares resistants a la meticil- line, enterobacteries productrices de beta-lactamases a spectre etendu.. .) visant a identifier les facteurs de risque d’acquisition de ces batteries, a favoriser le depistage, la signalisation et I’isolement des patients porteurs de ces batteries. Les hopitaux engages dans ce program- me ont deja constate une diminution du taux de batteries multiresistantes.

Ces dix dernieres annees ont ete aussi marquees par la proliferation d’etudes descriptives epidemiologiques et d’audits de pratiques de soins, par le developpe- ment de formations specifiques en hygie- ne, par l’emergence de nouvelles tech- niques de prevention (catheters impregnes d’antibiotiques) et par les pro- gres de la biologie moleculaire appliquee au typage des batteries..

Chygiene, activite transversale par nature, s’est alors imposee, tardivement mais sQrement, comme un indicateur pertinent de la qualite des soins et un critere incon- tournable du processus d’accreditation des hopitaux.

Responsabilitl medicale et vigilance

La jurisprudence en matiere de responsa- bilite afferente a la survenue d’infections nosocomiales a egalement evolue, pas- sant du concept d’obligation de moyens a celui d’obligation de securite de resultat dont les medecins ne peuvent s’exonerer qu’en apportant la preuve d’une cause

etrangere. La loi de securite sanitaire de 1998 impose aux etablissements de san- te de signaler les evenements iatrogenes survenant pendant le sejour des patients a I’hopital, en particulier les infections noso- comiales. Cette loi s’inscrit dans une volonte de transparence de plus en plus marquee chez les soignants et fortement exigee par les consommateurs de soins. La reglementation s’est aussi durcie en matiere de prevention, obligeant les eta- blissements de Sante a revoir leurs proce- dures de sterilisation ou a controler la qualite de l’eau chaude sanitaire vis-a-vis du risque de legionellose. La encore la reglementation traduit la montee en char- ge d’exigences securitaires des usagers.

Le debut du millenaire s’ouvrira, a n’en pas douter, sur un renforcement des sys- temes de vigilantes, sur une meilleure standardisation des methodes de sur- veillance et sur une plus grande maitrise des risques environnementaux. Nous devons nous appreter a evaluer nos resul- tats et a en rendre compte dans la plus grande transparence. Au fur et a mesure que I’activite de prevention s’intensifiera et mobilisera des moyens significatifs, la pertinence de nos actions sera evaluee, et il nous sera impose de fournir des indica- teurs de resultats. Envisager une eradica- tion de toutes les infections nosocomiales est une utopie mais les reduire au maxi- mum sera, dans les an&es a venir, un objectif commun prioritaire et federateur de tous les acteurs de soins.

Frederic Barbut

Revue Francyse des Laboratolres, pnvier/f&rler 2000, N” 319 21