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Lesexe,c’estfacile.L’amour,c’estuneévidencequis’impose.Laconfiance,c’estpluscompliqué.

Quefaitunhommequin’aconfianceenpersonneetneressentaucuneémotionquandle«coupd’unsoir»faitressurgirlepassésombrequ’ilavaitenterré?MattGarrettestunhommed’affairesquin’apasl’habituded’êtredominénidompté,ilestincapabled’aimer.AlexianeSandestunejeuneavocatefranco-américainedontlerêveestdetravailleràlaCourPénaleInternationaledelaHaye.Ellenecherchepasplusqueluiàvivreunehistoired’amour,entreeux,l’accordestclair:justeunenuit.Maisl’aventured’unenuitvatrèsrapidementsecompliquer:MattetAlexsontliésparladécouverted’unsecret.Chacunalepouvoirdedétruirel’autre.Oudelesauver.

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ChloeWilkox

LUNEDESANGLAMEUTEDERIVERSIDECREEK

Volume5

ZLOU_005

1.Tijuanablues

Tyee

Lorsqu’ilréalisequelejourcommenceàpoindre,Johndéclarequ’ildoitallersecoucher.

–Jepeuxrestersoustonporcheencoreunmoment?Jen’aipasréellementsommeil,avoué-je.–Biensûr,faiscommecheztoi.Ilrestedesbièresdanslaglacièresituveux.–Non,çaira,merci.J’aisimplementbesoind’êtreunpeuseul.Deréfléchiràtoutcequ’ons’estdit

cettenuit.Jevaisregarderlesoleilselever.–OK.Bonnenuit,Ty.–Bonnenuit,John.Mercidem’avoirécouté.

Ilentredanssamaison.Jesoupire,mepasselamainsurlevisage.Envérité,jemefoustotalementduleverdusoleil.Jemesensincapablederentrerchezmoi,àPalmSprings.Lamaisondoitêtrepleinedel’odeurdeNikkie.Sij’yremetslespieds,çavamerendrefou.Jen’aijamaisconnuunedouleuraussiforte.ÇafaitunpeumoinsdedouzeheuresqueNikkieestpartie,maistoutmemanquedéjà:sessourires,sonhumouracerbe,saforce,soncourage.Jenepeuxpasrentrerverscequiaété«cheznous».Tout,là-bas, semble vouloir me rappeler le bonheur que j’ai connu durant ces précieuses semaines que nousavonspartagées:sescheveuxdanslelavabo,sescotonsàdémaquiller,mesdisquesdeNirvanaqu’elleécoutaitenboucleetcebonvieuxtee-shirtHardRockCaféqu’ellem’avaitpiquépourdormir…C’estpournepasavoiràmeconfronteràcesobjetsquisoulignentsonabsencequej’airouléjusquechezJohnendébutdesoirée.

Honnêtement,jenesaispascommentjevaisfairepourl’oublier,nimêmesijepeuxyarriver.Jamaisje n’avais connu de femme comme Nikkie. Jusque-là, je n’avais même jamais été aussi intime avecquelqu’un.Avantelle,j’enchaînaislesaventuresd’unenuit,lesliaisonssanslendemain;j’érigeaisdesbarragesdansmesrelations.Enunregard,ellearéussiàchangerça.

Dèsque je l’aivue,ce jour-làdans lecouloirde lafac,dèsque je l’aientendueparlerdurantmoncours, j’aieuenviede laconnaîtreetdem’ouvrir.Mêmesi toutà l’heure j’ai refuséde l’admettre, jel’aimecommeunfou.Est-ceune raisonsuffisantepoursacrifiermafamilleentière?Commentpuis-jeprendreunetelledécision?Sij’accepted’affronterDeclanetquej’ailedessussurlui,jeperdsNikkie.Sijerefuseetcontrariemondestin,sijeluttecontremanatureprofonde,lameuten’estplusensécurité.Seul l’Alpha légitimepeutgarantir lapérennitéde sonclan.Seul l’Alphapeutdécouragerd’éventuelsagresseurs.

Ilyanéanmoinsunechosequejecommenceàcomprendre:ilestimpossiblepourmoideréfléchiràunesolutionsansavoirNikkieàmescôtés,sanslaconsulter.J’aibesoindelavoir,delatoucher,deluiparler.Ellem’estdevenueaussi indispensablequel’oxygène.Jenepeuxpaspenserquandjesuis loind’elle…àpartàelle.

Est-ce que c’est ça qu’on appelle le « grand amour » ? Ou est-ce que c’est juste une passiondestructrice,commecellequeCaraéprouvaitpourmoi?

Jen’ensaisrien.Jesaisjustequelalaisserpartirtoutàl’heureétaituneénormeconnerie.Aprèstout,l’avenirn’estpasécrit;nousnesavonspascequipeutsepasser.Peut-êtrequeRufussetrompe,quejenegagneraipascontreDeclan?Hier,bienquej’aieeuledessustoutaulongdenotrecombat,ilarefusédesesoumettre.SiNikkien’étaitpasintervenue,quisaitquelleauraitétél’issuedecetaffrontement?Peut-êtreaurait-ilfiniparseretransformerenhumain,peut-êtreaurait-ilrefuséetseseraitlaissétuer…oupeut-êtrequ’ilauraitfinalementréussiàrenverserlasituation.Toutcequejesais,c’estqueDeclanestfort :quandJosefWithnalladécidéqu’ilétait tempspour luid’organisersasuccession, ils’enestfalludepeupourquecesoitsonfilsquilevainque.

Oui,ilresteunespoir.

Jedoism’yaccrocher.Nikkieméritequejegardelafoietmebattepourelle.

Qu’est-cequejefousencoresousceporche?Jedevraisdéjàêtreentraindelatenircontremoi,deluidirecequejeressens.

John avait raison de me dire que tout ce qu’il peut faire pour moi, c’est m’écouter, mais que lesdécisionsnousappartiennent,àNikkieetàmoi.

Réalisantma stupidité, jeme lève et traverse la route pour regagnerma voiture. Une fois installéderrière le volant, je hume l’air de la nuit. Ce que je cherche ? Cette nuance de cacao et de pimenttellement caractéristique de l’odeur de sa peau.Dès que je la sens, jemets le contact et commence àsuivresapiste.

***

Deuxheuresplustard,j’arriveàlafrontièremexicaine,incrédule.Est-cequeNikkieaquittélepays?Était-elledoncàcepointsérieusequandelledisaitneplusvouloirmerevoir?

Peut-êtrequejedevraisfairedemi-tour.

Non,j’aijusteunechoseàluidire.Ensuite,sielleledésire,jelalaisseraitranquille.

Àcetteheuredujour,ladouanebouchonne.Ilmefautprèsde3heurespourentrerdansTijuana.Jegare le roadsterdèsque je trouveuneplace.En sortantdemavoiture, j’ai en tête la chansondu folksingerJJCale,«Tijuana,landofbrokendreams».

Onadumalà imaginer,quandonneconnaîtpascette«capitaledes rêvesbrisés»,ceàquoielleressemble. Miséreuse, bruyante, chancelante, bancale, crasseuse, dangereuse… Les qualificatifs nemanquentpaspourdécrirelaville.Elleestàl’imaged’uncœurquibat:vivante,vibrante,maissurtoutsanglante.J’avaispresqueoubliél’effetqu’ellefait.Jen’avaispasremislespiedsicidepuis1991.Ladernièrefois,j’étaisaccompagnédeCara.C’estétrange,quandonypense.

Derrièrelesodeurspuissantesdepollution,debitumeetdebétonchauffésparlesoleil,jeretrouvele

parfumenvoûtantdeNikkie.Jelehume,jelesuis,jusqu’àentrerdansunbarcrapoteuxoùjel’aperçois.Plutôt, j’aperçois d’abord sa silhouette, dans le contre-jour, penchée sur un jukebox. Le temps dem’habituerà lapénombre, sonprofil se faitplusnet.Ellea l’airperplexe,concentré.Enconsultant lalistedesmorceaux,ellecoinceunemèchedesacrinièrenoireetbrillantederrièresonoreille.Sonregards’arrête sur un titre. Son nez se fronce puis elle sourit. Il faut imaginer ce que c’est que de la voirsourire:c’estcommecontemplerlesoleillui-même.

Il existe un plaisir étrange à observer celle qu’on aime sans en être vu. En épiant Nikkie, j’ail’impressiondelaredécouvrir.Ellemeparaîtfamilièreetpourtantchangée.Sesgestes,safaçondesetenir,debougersontdifférentsdemonsouvenir.Çaaquelquechosede triste–commesidéjàellenem’appartenaitplus.Paradoxalement, le simple faitde lavoirmesoulage. Jesuiscommeun junkiequiauraitenfinreçusadose.Impatientdeluiparler,delatoucher,jefaisunpasverselle.C’estalorsquequelque choseme frappe ; un détail qui me saute douloureusement au visage bien que j’aie tenté del’occulterdepuisque j’ai faitmonentrée :malgré sescernes,malgré sescheveuxemmêlés,malgré saminefatiguée,Nikkieal’airdes’ensortir.Jemedoutequecen’estcertainementpasfacilepourelle,jesaisqu’elleestprobablementtriste,maiselleasurvécuànotreséparation.Elleaquittémamaisonavecsesaffaires,afranchiunefrontièreetlavoilà,prèsde24heuresplustard,prêtesemblerait-ilàallerdel’avant.

J’oublieparfoisàquelpointelleestsolide.

Jeréalisesoudainl’égoïsmedemonvoyage.Qu’est-cequejeveux?Latirerverslebas?Remuerlecouteaudans laplaie?Jedoisaccepter lasituationet la laisserpartir.Jecommenceàreculervers lasortiequandlachansonqueNikkieachoisiesemetàretentirdanslacantina.Unsentimentdésagréablemefige.Jemesouviensdecettechanson,onl’entendaitpartoutl’annéedelamortdeCara.

AllIwannadoishavesomefun

IgotafeelingI’mnottheonlyone

AllIwannadoishavesomefun

UntilthesuncomesupoverSantaMonicaBoulevard

Unfrissonparcourtmacolonnevertébrale,etpasseulementparcequece tubecountryfait remonterdes souvenirs que j’aurais préféré laisser enfouis.Quelque chosene colle pas.Cette chanson est tropfestive. Je veux bien que Nikkie cherche à se remonter le moral, mais là le contraste me laisse unsentimentétrange.Enplus,cen’estpaslegenredemusiquequ’elleécoutehabituellement.Monmalaiseaugmentealorsqu’ellesemetàondulerenrythme,d’unefaçonlasciveetuntantinetvulgairequineluiressemble pas. Bien entendu, les rares clients du bar, des hommes imbibés d’alcool et d’ennui, laregardent soudain. La plupart des habitants de Tijuana sont coincés ici dans l’espoir de passerclandestinement auxÉtats-Unis,ou simplementde recevoir lavisitede leur famillequivitdéjà sur leterritoire américain.Chaqueweek-end, on peut d’ailleurs voir l’immense frontière grillagée servir deparloiràcescouplesdivisés,àcesenfantsinjustementséparésdeleursparents.Pourtousceshommes,Tijuanaestuneprison.

Et ce n’est pas exactement une bonne idée de semettre à danser de cette façon au beaumilieud’uneprison.

Nikkie n’est normalement pas si stupide. Je reste immobile, convaincu que quelque chose clochemêmesij’ignorequoi.Soudain,ellesetourneversmoi,écarquillelesyeuxets’exclame:

–TyeeDarkridge…Qu’est-cequetufichesici?

Je suis surpris par sa façondem’interpeller – prénomplus nom, comme si nous étions deuxvieuxcamaradesperdusdevuequitombentparhasardl’unsurl’autre.Jesuisplusétonnéencorequandellesemetàavancerversmoi, ladémarcheexagérémentchaloupéeetpourtanthésitante.Aumoins, lesautrestypes arrêtent de lamater, comprenant qu’elle est sousma protection. Àmesure qu’elle approche, jecommenceàcomprendrecequisepasse.

Jereconnaiscetteodeur.

L’odeuralcaline,puissante,delatequila.

Comprenantqu’elleestcomplètementivre,unmélangedecolèreetd’inquiétudemesubmerge.Bordel,elleestseule,auMexique,visiblementbourréeavantmidi,ettoutcequ’elletrouveàfaire,c’estdanserdansunbar ?Tijuanaaun tauxde criminalitéqui explose toutes les statistiques.Drogue,prostitution,meurtres : voilà quelques-unes des réjouissances qui accablent chaque jour les 1,5 million d’âmesperduesquipeuplentlaville.Aumilieudecettejungle,elleestuneproiefacile;ellenes’enrendpascompte?Soncomportementlametendanger!Unepartdemoiaenviedel’attraperparlesépaulesetdelasecouer.Uneautrepartréaliseàquelpointtoutceciestmafaute.Jesuisentrainderetomberdansmesvieuxschémastordusetdeluifairedumal,malgrécequejem’étaispromis.

–Jevoulaissimplementm’assurerquetuallaisbien,mens-jepourrépondreenfinàsaquestion.

C’estleseulbobardquimevienne.Leseulquineluidonnerapastropd’espoir.

Si,unesecondeavant, j’ai cruquece seraitunebonne idéede luidemanderde rentreravecmoiàRiverside Creek attendre que j’affronte Declan, je vois maintenant que ce serait la dernière desconneries.Jel’aidéjàfaitassezsouffrircommeça.J’oublieparfoisqu’ellen’aque22ans.C’estunâgeoùonestfragile.

Lameilleuresolutionseraitquejesortedesavie.Quejen’essayeplusjamaisdelarevoir.

Elle a tout le temps dumonde devant elle. Elle m’oubliera.Mais avant tout, je dois la mettre ensécurité.Soncomportementestcomplètementerratique.Ellevafinirpars’attirerdesennuis.

Ellemeregardeavecunairindéchiffrable,àlafoisamuséetfasciné,toutencontinuantàmarquerletempoavecsontalon,puismerépondfinalement:

–Jevaisbien,commetupeuxlevoir.

J’aienviedeluirépondrequecen’estpassiévidentqueça,aupremiercoupd’œil,maisellenem’en

laissepasletemps.

–Tusais,jepensequecettehistoiredevérifiercommentjevais,c’estbidon,meprend-elledecourt.Jepensequ’ilyauneautreraisonàtavenue,ettulesaisaussibienquemoi.

J’inspireungrandcoup,prêtàmejustifier,àmentirsinécessaire,quandNikkies’approchedemonoreille.J’ail’impressionquelascènesedérouleauralenti:sonépaulequifrôlelamienne,sescheveuxquicaressentmajoue,sonparfumquienvahitmesnarines...Jerestepétrifié,envoûtéparcettefille,parledésirquej’aidelaprendredansmesbrasetdeluidirequejel’aime.Ellemedonnelecoupdegrâceensoufflantdansmonoreille:

–Avouequec’estçaqui temanquait,glisse-t-elledansunmurmureavantdeposersapaumesur labraguettedemonjean.

Jefermelesyeuxetprendssurmoidenepascraquer.Courageusement,jelarepousseenluidisant:

–Tutetrompes.

Ses yeux, furibards, cherchent les miens. J’essaye de lui présenter un regard ferme mais neutre,presqueindifférent–unregardquiveutdire:«C’estfini,jenet’aimepas.»C’estalorsquejeremarqueundétailquim’avaitjusqu’iciéchappé:cen’estpasseulementlacolèrequiluidonneceregardnoir.Sespupillessonttellementdilatéesqu’onnevoitpresqueplussesiris.

Elleest…défoncée?

Putain, mais qu’est-ce qui lui prend ? Pour la première fois depuis qu’on s’est rencontré, elle secomportecommeunegamineinconsciente.Cettefois,jel’attrapeparlesépaulesetmepenchesurelle,furieux,prêtàluidirecequejepensedesesconneries,quandsoudainelleclignedesyeuxcommesiellemevoyaitpourlapremièrefoisetmedemande,d’unevoixétonnéeetétonnammentfragile:

–Tyee?Qu’est-ce…Qu’est-cequetuficheslà?Oùest-cequ’onest?

2.Lejourdesmorts(partie2)

Nikkie

–Tyee?Qu’est-ce…Qu’est-cequetuficheslà?Oùest-cequ’onest?

Jeleregardeenclignantdesyeuxsanscomprendre.Qu’est-cequim’arrive?C’estquoi,cetendroit?Commentest-cequejemesuisretrouvéeici?Jefouillemamémoire,enquêted’unsouvenirauquelmeraccrocher.Unefouled’imagesmerevient:DeclanauSharky’s,madisputeavecTyee,mavisiteàSanJosépourvoirSara…Toutestdésorganisé.Ilmefautquelquessecondespourretrouverlachronologiedecechaos.Jemesouviensm’êtreréveilléeaprèsavoirprisl’ayé,avoirrouléjusqu’àlafrontière,avoirressentiunaffreuxmaldetêtepuis…plusrien.Lenoirtotal.

J’étudieledécorautourdemoi.Unbardélabréoùlesquelquesclientssontdeshommesâgés,fatigués,au dos voûté, à la peau burinée par le soleil, qui fixent un écran de télévision. Je remarque que laprésentatrices’exprimeenespagnol.Dehors,unvacarmeabominable retentit, concertdeklaxonsetdecrisnoyésdanslesondetrompettesmariachis,deviolonsetdeguitaresclassiques.

JesuisdoncarrivéeauMexique?

Pourquoiest-cequejen’enaiaucunsouvenir?JecontinuederegarderTyee,quimetientfermementparlesépaulesetmefixed’unairinquisiteuretsévère.Jenecomprendsplusrien!

–Jen’auraispasdûvenir,déclare-t-ilenfin.Jevoisàquelpointtoutceciétaituneerreur.–Maistuesvenucomment?Etpourquoi?Attends!leretiens-jealorsqu’ilfaitdemi-tourpours’en

aller.Jet’aiappelé,c’estça?–Bonsang,dit-ilensecouantlatêteetenmejetantunregarddésolé,tuescomplètementdéfoncée,ma

parole!

Ilal’airextrêmementfurieux.Jel’aidéjàvusemettredansdesétatsdecolèresimilairesmaisjamaisà cause demoi. J’ai l’impressionqu’ilmeméprise, que je le dégoûte. Je le comprends : je dois êtreaffreuseà regarder, aussimocheà l’extérieurque jeme sensminableà l’intérieur.Depuisque je suispartiedechezlui, j’aipasséuneéternitéàpleurer,uneautreàboire, j’aiconsommédel’ayéavantdem’endormirdansmavoitureet,pourlereste,jenemesouviensplusderien.

–J’aiprisquelquechosehiersoir,avoué-jeunpeupenaude.Unedroguechamaniqueappeléel’ayé–riendebiensérieux,mejustifié-jesansycroire.

– Rien de bien sérieux ? J’espère que tu plaisantes ! s’emporte-t-il. C’est un des hallucinogènesmystiqueslespluspuissantsquisoient!

–Surmoi,çaasurtoutuneffetamnésique…–Tantmieuxpourtoi,ironise-t-il.Çatepermetpeut-êtred’oublierdansquelpétrintuétaisentrainde

temettreavantquejen’arrive.

Eneffet,jenemesouviensplusdecequej’aipufairepourqueTyeem’enveuilleàcepoint.Maisjesaisparcontreque,quoiquecesoit,ilvatroploin!Dequeldroitparcourt-il200kilomètresjustepourm’envoyersonjugementdanslagueule?Ils’estmontrétrèsclairhiersurlefaitqu’iln’avaitaucunfuturàmeproposer.C’estdoncàmoidegérermavieseule,àprésent,etcommejel’entends!Quitteàfairedeserreurs!

–Jenevoispasdequelpétrintuparles,rétorqué-jesurladéfensive,jet’aiditquejenemesouvenaisderien,etj’ignorecommenttum’astrouvée,mais…

– Je t’ai pistée, m’informe-t-il sansme laisser aller plus loin. Jeme faisais du souci pour toi, jevoulaism’assurerquetuallaisbien.

C’estplusfortquemoi:qu’ilm’avoueçameredonnedel’espoirconcernantsessentimentspourmoi–espoirquisebrisealorsqu’ils’empressed’ajouter:

– Visiblement, j’ai bien fait : tu déconnes à pleins tubes. Suis-moi, finit-il par m’ordonner enm’attrapantparlebras.

–Oùest-cequ’onva?protesté-jealorsqu’ilm'entraînederrièrelui.–Dans un endroit un peu plus safe que ce coupe-gorge où tu as visiblement décidé d’entamer une

carrièredanslelapdance,ironise-t-ilenfranchissantlaporte.–Hey!pilé-jesoudain.Tuaspeut-êtredesraisonsdem’envouloir,maisjeterappellequetun’espas

nonplusspécialementdansmespetitspapiers,encemoment.Alorssi tupouvaiséviterde temontrerinsultant,ceseraitpasmal,merci!

–Tuasraison,grogne-t-ilencontinuantdemetraîner.Jepeuxmecontenterde«désagréable»,pourmoiçaferal’affaire.

Cettefois,j’enaivraimentmarre.Jemedébatspourmelibérertoutenluicriantauvisage:

–Pourquoiest-cequeturéagiscommeça?–Parcequetuteconduisenimbécile!Tunetesouvienspeut-êtrepasdecequetuasfait,là-dedans,

crie-t-ilendésignantlebar,maisçaneveutpasdirequetunel’aspasfait!Enl’occurrence,tut’esmiseendanger!Bordel,qu’est-cequetucrois?Queparcequ’onarompuilyamoinsdevingt-quatreheures,j’aisoudainementcessédemepréoccuperdetoi?Tusaiscequejedeviendraiss’ilt’arrivaitquelquechose?

J’aienviron150réponsespossiblesenstock–«Tut’enfoutraisprobablement»,ou«jen’enairienàfairequetuveuillessoulagertaconscience»,ouencore«situnevoulaispasquejefassedeconneries,ilfallaitpeut-êtreéviterdemebriserenmillemorceaux».J’aiconsciencequetoutesseraientdictéesparlafatigue,lacolère,l’amertumeetuneimmensetristesse.Jechoisisdoncàlaplaced’admettrequesonsoucipourmoime touche–mêmes’ilmeblesse.Etc’estpeut-êtred’ailleursça, leproblème :aimerquelqu’unàcepointfaitautantdemalquedebien.

Je recommence àmarcherderrière lui, cette fois silencieuse, jusqu’à saMercedes, garée à environ700mètresdelà.Jedécouvreaupassage,hallucinée,cesruesoùjen’aipaslesouvenird’avoirmislespieds. Des immeubles délabrés… Çà et là, quelques autels païens couverts d’offrandes colorées –bonbons, pièces, jouets... Nous croisons également de nombreuses femmes, baroques et inquiétantes,griméesensquelettesvêtusdetenueschamarrées.OnsecroiraitenpleinfilmcoréaliséparTimBurtonet

QuentinTarantino.Jesuisàlafoisépoustoufléeetperdue.

– Elles fêtent le jour des morts, m’explique Tyee en me traînant sans daigner me regarder. Unéquivalentmexicain d’Halloween, qui dure deux jours. Jusqu’à demain, la population va célébrer lesenfantsdécédésprématurément,puisceseraautourdesadultes.Cesmaquillagesquetuvoisontpourbutdetromperlesmorts.

Mêmesicettefêten’estaufondpastrèsdifférentedelaSamhainoud’Halloween–uncarnavalfaitpourmettreàdistancelapeurquenousinspireleroyaumedesmorts–jesuisàlafoisimpressionnéeetintriguéeparlaconnaissancedufolkloremexicainquepossèdeTyee.

–Commentest-cequetuensaisautantsurleMexique?m’enquiers-jeengrimpantdansleroadster.

Pourtouteréponse,ilmeprésenteunvisagefermé.

Bien.Àcequejeconstate,lasituationentrenousn’estpasprèsdes’améliorer.

NousparcouronsquelquesmètresavantqueTyees’engagesurlavoierapide.Auboutdedixminutes,nous arrivons devant la grille d’un hôtel de luxe. Un voiturier nous accueille en nous demandant enanglaissinousavonsdesbagages.

–No,luirépondsimplementTyeeenluitendantlesclés.

Au comptoir d’accueil, Tyee parle espagnol. Je devine qu’il s’enquiert de savoir s’il reste deschambres.L’hôte,danssonélégantcostumenoir,s’empressedeprendresacartebleue,puisnousadresseàundesesemployés,quinousconduit.

–¡BienvenidoalHotelLucerna!s’exclame-t-ilenouvrantlaportedecequis’avèreêtreunesuiteimmense.

IllaisseTyeeinspecterlachambre,lesalon,lasalledebains.Cedernierluifaitensuitesignedelatête que tout va bien.Après une discrète révérence, le groomnous remet la clé électronique et prendcongé.

Jeresteplantéelà,effrayéeàl’idéequemesbootspoussiéreusessalissentl’épaissemoquettebeige,examinantdeloinlecanapédesign,l’écranplat,leminibarenmerisier,pendantqueTyeecontinuesontourdupropriétaire.Parl’entrebâillementdelaporte,j’aperçoislelitkingsize,quial’airmoelleuxàsouhaitetsurlequeljerêvesecrètementdem’écrouler.J’entendsl’eaucoulerdanslasalledebains.Jen’oserientoucher.Jesuisembarrasséepartoutceluxe,troubléeparlecadre.Jen’avaisjamaisétédansunechambred’hôtelavecunhomme–alorsdansunesuitedepalace...Quiplusestavecunexquej’aidanslapeau...

Il fautêtre lucide: jedoutequ’ilm’aitemmenée icipourqu’onpasseunmomentromantiqueentêteàtête.

Ilestdessarcasmesqu’unefilledevraitsavoirs’épargnerencertainescirconstances.Celui-làvientdememettre les larmes aux yeux. Il faut dire que je suis épuisée et que, surtout,mon cœur est ravagé.

Heureusement, j’arriveàmecontenir.QuandTyeeréapparaît, ilne remarquerien.Jen’ai toujourspasbougéd’uniota.

–Vaprendretonbain,m’intime-t-il.Jel’aifaitcoulerpourtoi.

Sansoserprotester,jemerendsàlasalledebains–unevasteétendueenmarbreaumilieudelaquelletrône une baignoire immense à pieds de lion. La lumière est tamisée. L’eau du bain, délicatementparfumée.Àlasurfaceflotteunemousselégère.Jemedéshabilleetentredansl’eau,unpoiltropchaude,ce que mes muscles endoloris apprécient. Je m’allonge et ferme les yeux. Que s’est-il passé à lafrontière?Etdurantcelapsdetempsdontjen’aiaucunsouvenir?PourquoiTyeeest-ilici?Est-cemoiquil’aiappelé?Etsioui,pourquoi?Aprèsunedemi-heuredevainesspéculations,jesorsdel’eauetm’enveloppedansunpeignoirépongedouxetconfortable.Jenoueenturbanuneservietteautourdemescheveuxfraîchementlavés.JenetrouvepasTyeedanslachambre,nidanslesalon.Àlaplace,jetombesurunchariotremplidemetsquionttousl’airplussucculentlesunsquelesautres:saladedepoulpe,bruschetta au jambon serrano, langouste, le tout avec une bouteille d’eau pétillante et une autre d’eauminérale–chics,enverre.Unmotaccompagnecefestin.

«Jesuissortifaireunecourse.Commenceàmanger,j’arrive.T»

Obéissante,jegoûtechaqueplat.Toutestdélicieuxmaisrienn’alegoûtdelafête.Jesuisdépriméeetjemesensvide.C’estdoncça,la«descente»dontparlentlesdrogués?

C’estdoncça,avoirlecœurbrisé?

JesuisentraindepicorerunmorceaudelangoustequandTyeerevient.Ilporteunsacqu’ilposesurundesfauteuilsencuir.

–Jenesavaispasoùétaitgarée tavoiturenimêmesi tuyavais laissé tesvalises,m’explique-t-il,alorsplutôtquedelachercherdanstoutelaville,jesuisallét’acheterçaàlaboutiquedel’hôtel.

Mavoiture!Moinonplus,jenemesouvienspasoùjel’aigarée.

Maisça,horsdequestionquejel’avoueàTyee.

Çamereviendraprobablementquandl’effetdel’ayéseseradéfinitivementdissipé,pasdepanique–dumoins,jel’espère;mavieentièreétaitdanscettevoiture.

D’unautrecôté,mavieentièrenevautpasgrand-chose…

Qu’est-cequ’onadit,surlessarcasmesàs’épargner?Jemeficheraisdesgifles!L’auto-apitoiement,çanemeressemblepourtantpas.Siêtreamoureusemetransformeàcepointenchiffemolle,ilvautpeut-êtreeneffetmieuxquej’oublieTyee.

Jesorslecontenudusacetleposesurmesgenoux:uneculotteensatin,unerobebleunuit,unepairedecollantsopaques,unjeanprèsducorpsetundébardeurensoiegrisperle.

–J’espèrequeçaferal’affaire,ponctueTyeed’unevoixvidedetouteémotion.Jemesuisditqueça

teplairait.–Oui,merci,réponds-jeenrepliantsoigneusementleshabits.Etmercipourlebain,ainsique…

Bêtement, je brandisma fourchette sur laquelle est piqué le petit bout de langouste trempé dans lamayonnaise.

–Tudevraisdormirquandtuaurasfinidemanger,suggère-t-il.–Dormir?Mais…Tyee…Ilestàpeinemidi!–Tuesépuisée…rétorque-t-ilpourcoupercourtàmesprotestations.

Ilaprononcécettedernièrephraseavectantdedouceuretdebienveillancequej’enaiunpincementaucœur.C’estlapremièrefoisdepuisquej’aireprismesespritsqu’ilmemontreuneautreémotionquedelafroideuroudel’indifférence.Puisquelquechoseserévolteenmoi.Jeneveuxpasdesadouceuroudesabienveillance!Etjemefousd’attirersapitiéousonindulgence.Jel’aime,illecomprend,ça?Jel’aimecommejenesavaispasqu’onpouvaitaimer.Jel’aimetellementqueçamecollelevertige,queparfois ça m’effraye. Il est ma moitié, mon double, mon âme sœur. Jamais je n’aurais renoncé à luicommeilarenoncéàmoi!Onnetransigepas,avecunamourd’unetelleforce.

Pourtant,c’estmoiquisuispartiedechezlui,hier.

Etdepuis,jen’aifaitqu’accumulerlesconneries.Ilestpeut-êtretempsdechangerdestratégie?Demebattrepourluiaulieudemelamenteretdefuir,commed’habitude?Jemedoisd’essayer.Aprèstout,s’ilestvenujusqu’ici,çasignifieforcémentquelquechose.Àmoidefaireleprochainpas,celuiquiluipermettradecomprendreque j’ai réfléchi,que jesuisprêteà toutaccepter tantqueçanous laisseunechance.Mêmeêtreson5à7,sic’estlaseuleplacequ’ilpeutm’accorder.

–Qu’est-cequetuvasfairependantquejemerepose?m’enquiers-jeenleregardantdroitdanslesyeux.

–Untourenville,répond-ilenhaussantlesépaules.Peut-êtreregarderunfilmoudeux.J’aiprisunechambreadjacente.

–Tuneveuxpas…rester?proposé-je.Ici,avecmoi?

Posercettequestionétaitunetelleépreuvequejemesensàboutdesouffle.Jebaisselesyeux,rougislégèrement.Moncœurcogne.

Allez,unpeudecourage!

Je redresse la tête et le regarde puis, lentement, je tire sur la ceinture demon peignoir afin qu’ilcomprenneàquelpointmoninvitationestsérieuse–àquelpointjesuissérieuse.

–Cen’estpasunebonneidée,tulesaisbien,lâche-t-ildesavoixgraveetsexyquimemetdanstousmesétats.

Unenouvellefois,jerassemblemoncourage.

–Non,cen’estpasunebonneidée…dis-jeenavançantversluipourl’embrasser.

J’attrape sonvisage entremesmains, inclinema tête, ferme lesyeux. Jene toucheplus terre et, enmême temps, je suisaubordde l’infarctus.Qu’est-ceque je fais?Est-cevraimentmoiquiagisde lasorte?Jamaisjen’auraispenséêtrecapabledememontrersientreprenante,maisje leveuxavecunesortederageetdedésespoirquejen’avaisjamaisconnuejusqu’àprésent.Jelesenségalementtroublé.Pourtant,aumomentoùmeslèvressontprêtesàtoucherlessiennes,Tyeemerepousse.

–Arrête,Nikkie.Nefaispasça.

Saréactionmefaitl’effetd’unedouchefroide.Jeprendssoudainconsciencedemonpropreridicule.Jepensaisvraimentqueceseraitsexy,demejetersurluicommeça?Qu’est-cequej’aidanslecrâne?Etqu’est-cequ’ildoitpenserdemoi? Ilm’a jetée ilyamoinsdevingt-quatreheuresetvoilàque jereviensàlachargecommesiderienn’était!Jesuispathétique.

–Va-t'en,s’ilteplaît,dis-jeenmerajustantetendétournantleregard,mortedehonte.–Nikkie,proteste-t-ilenmeretenantparlebrasalorsquejem’éloigne.–VA-T'EN,OK?hurlé-jecettefois.–Situveux,cède-t-il.Maisjereviendraitevoirquandtuteserasreposée,d’accord?

Jenerépondsrien.Jesuistropmortifiéepourajouterquoiquecesoit.Jemecontentedesecouerlatêtepouressayerdechasserletorrentdelarmesquejesensvenir.ConstatantqueTyeenebougepas,jeluidemandeunedernièrefois,suppliante:

–Pars.S’ilteplaît.Maintenant.

Ilme jette un dernier regard puis sort de la suite.Aumoment où la porte se referme, une boufféed’angoissemesubmerge.Jusqu’ici, toutétait irréel :soncombatcontre l’AlphadelameutedeShasta,notre rupture,ma fuite vers leMexique…Là, la situation devient enfin concrète, cruelle, douloureusecommemillecoupuresdansmachair.JemevoistellequeTyeedoitmepercevoir:unegaminede22ansquisecomporteenreinedupsychodrame,unepauvrefilleenpeignoirépongeavecyeuxdepanda.Notreuniversn’aplusriendemagique, ilest justebanalet tristeàpleurer.J’aicouchéavecunhommeplusexpérimentéetpluspuissantquemoienpensantquec’étaitlegrandamouret,moinsdedeuxmoisaprès,l’idylleprendfindanslasuited'unhôteldeluxe.J’aidéjàlucescénariocentfois,jesaiscequisepasseensuite.Dansdeuxans,cinqans,querestera-t-ildecequ’onavécudanssamémoire?Jevaisdeveniruneanecdote,qu’ilraconteraàsaprochaineconquête:lapetitesorcièresansparentsàquiilabrisélecœur.Illuidiracommeils’enveut,elleluijureraqu’ilestmalgrétoutunhommeextraordinaire,qu’ilafaitlebonchoix…Cettepenséeesttoutbonnementinsupportable.J’aienviedehurler,decasserquelquechose,unvase,n’importequoi,maisjerésiste.Jeneveuxpasluidonnerl’impressionqu’ilm’adétruite.Jeneveuxpasdesapitié.Jecoursjusquedanslachambreenmemordantlalèvrepuismejettesurlelitetétouffemessanglotsdansmonoreiller.

3.Emprise

Cara

Quelmerdier!Endébarquant,Tyeeabienfaillitoutfoutreenl’air.HeureusementquelapetiteNikkies’estendormiedansunsaleétat:çam’afacilitéletravailpourreprendrelecontrôle.

J’ouvrelesrideauxdelachambred’hôteletexaminelesfringuesqu’ilm'a…qu’illuia…qu’ilnousaachetées.Toutd’abord,unjean.Supermoulant,disdonc!

Jerentre,là-dedans?Sérieusement?

Bonnenouvelle:depuislesnineties,lebaggyal’aird’êtrepassédemode.Parcontre,mêmesilesDr.Martensnesontplusàl’ordredujour,Nikkieestloindeporterdeschaussuresàmongoût.Qu’est-cequec’estquecestrucs?Moiquirêvaisd’escarpinsvertigineux…Jepousseunsoupiretexamineensuitelarobe.Bleu foncé,courte, sobre,avecuncolbateauetdesmanches longues.Pas l’extase,maisça feral’affaire.Jel’enfile,ainsiquelescollantsetlesboots.Jelisseletissusurmeshanches:latenueal’airdem’aller impeccablement. J’avance jusqu’à la salledebainspourvérifier le résultatdans lemiroir.Unefoisdeplus,endécouvrantmonreflet,j’aiunchoc.

Est-cequ’un jour jevaisréussiràme faireau faitque,quand jemeregarde,c’estNikkieque jevois?Marivale?

Jevoudraispourtantoublierjusqu’àsonvisage,maisc’estimpossible:ilestdevenulemien.Chaquefoisquej’aperçoismonimage,jenepeuxm’empêcherdemedemander:qu’est-cequ’iléprouvait,pourelle,exactement?Qu’est-cequ’illuiatrouvé?Certes,Nikkieestbelle,difficiledelenier–entoutcas,elle a cegenredephysique, de silhouette, qui plaît auxhommes.Mais elle est tellementdifférentedemoi!

J’examinesescheveux,noirs,avecdes refletspresquebleutés : tout l’inversedemacrinièreblondfoncé aux reflets vénitiens. En plus, les miens étaient ondulés et les siens sont raides comme desbaguettes!Sonteintestbistre,lemienétaitclair.Sesyeuxsontgris-vert,lesmiensétaientbleumarine.Elleestpetiteetmenue, j’étaisgrandeetpulpeuse. J’aimaisarborerdescouleurspastel,des rougesàlèvresfrancs;visiblement,elleporteunegammedecouleursallantdugrisaunoiretnesemaquillequelesyeux.C’estdumoinscequejedéduisenfouillantdanssonsacàmain.J’aibeauleretournerdanstouslessens,jenetrouveriend’autrequedukhôl.

Oui,noussommesvraimentopposéesentoutpoint…

Comment Tyee a-t-il pu être attiré parmon contraire, si réellement j’étais l’amour de sa vie ? Etsurtout,a-t-ileudessentimentspourelle?

Non,c’estimpossible.Ellen’étaitqu’unbouche-trou.Onn'aqu’unseulamourdansunevie,etj’aiété

lesien.Dèslasecondeoùilm’arencontrée,surleparvisdelamaisondelameute,ils’estoccupédemoi.LespremièresnuitsdanslaMaisondelacascade,j’avaissieffroyablementpeur...!MaisTyeem’afabriquéunattrape-rêve,pourquejenecauchemardepastropet,quandl’attrape-rêveéchouait,ilvenaitdormiravecmoi.Jel’aiaimédèslepremierinstant,àunâgeoùonnesaitpasencorecequ’estl’amour.Il étaitmon âme sœur, tout comme j’étais la sienne.C’est pour ça que ça a été aussi affreuxpour luiquandilacomprisqu’ildevraitunjourchoisirentrelameuteetmoi.C’estàcausedecedilemmequil’adéchirétoutcetempsqu’ilafinipardevenirfou…

Jefrissonneenrepensantàcefameuxsoiroùilaperdulecontrôle.SicettefouinedeTomavaittenusalangue,jamaisTyeen’auraitpétélesplombs!Iln’ajamaisététrès…douéaveclesémotions.Àforcedetoujoursvouloirgarderlecontrôle,detoutréprimer,ilestnormalqu’ilaitfiniparcraquer.Leloupenluiaprisledessus,c’estàcausedeçaqu’ilm’amortellementblessée.

Honnêtement,audébut,quandNikkieaenfinrécupérésespouvoirsetquej’aipucommenceràrefairesurface, mon projet était principalement de me venger de Tyee. Je voulais non seulement achever lameute,maiségalementl’éliminerlui–lepluslentementpossible.

Jusque-là,sansmagie,jen’étaisqu’unhôteendormidanslecorpsdeNikkie,unparasiteinactifdanssaconscience,sansdésir,incapabledepenser.MaislapuissancequeNikkieadéveloppéem’apermisdemeréveillerprogressivementetdelacontrôlerpeuàpeupourmettremondesseinàexécution.Çaaétécomme sortir d’un lent coma, un coma de vingt-deux années. Je suis d’abord restée très faible. Je nepouvaisexisterquequandlaconsciencedeNikkiecessaitdeluttercontremaprésence–c’est-à-direlanuit. J’ai dû me servir de ses rêves pour la manipuler. Je devais à tout prix l’amener à retourner àRiversideCreeketàréactiverlamagieducovenpourgagnerencoreenpuissance.Maisquandelleestarrivéeenville, j’aidécouvert l’impensable:queTyeeDarkridgeavaitabandonnélessiens.Qu’aprèsmamort, ils’étaitavéréincapabledesurmontersonchagrinetsaculpabilité.C’estcommeçaquej’aicomprisquelamorsurefatalequ’ilm’avaitinfligéen’avaitétéqu’unabominableaccident.J’aialorssuqu’ilétaitindispensablequejelefasserevenirluiaussi.

Grâceàl’énergiedeslieux,j’aipulancerunsortdesuggestionquiluiaoccasionnélesvisionsdemoidanssonsommeil.Çaasuffipourqu’ilseprécipiteàRiversideCreek–unepreuvesupplémentairedesonattachementàmoi.Biensûr,ilarapidementsentiquej’étaisconnectéed’unefaçonoud’uneautreàlafilledeBarbara.Tyeeatoujourseuunsixièmesensmeconcernant.Quoideplusnormal?Aprèstout,jesuislafemmedesavie.

N’empêche:çal’abienarrangée,lapetitegarce.C’estprobablementcommeçaqu’elleapul’attirerdans son lit.Mais bientôt,Nikkie ne sera plus. Tout ce que j’ai à faire,maintenant que j’ai repris lecontrôledececorps,c’estdelegarderjusqu’àlasuperlunedesangcesoir.L’Altamaraferalereste,etjeseraidéfinitivementdébarrasséedel’espritdeNikkie.

C’estpourçaquejenedoisprendreaucunrisque.

PasquestiondedirelavéritéàTyeeavantd’êtrecertainequ’ilestdemoncôté.OK,d’aprèscequej’aicompris,c’estquandNikkieluiaavouésessentimentsqu’ilarompuavecelleet,quandelleavoululeséduire,hier,ill’arepoussée.Maisonn’estjamaistropprudent.Jepréfèretairemavéritableidentité,dumoinsjusqu’àcequecettesituationsoitunpeuplus…permanente.Saréactiondécideraensuitedeson

sort.Soitilestavecmoi…

…soitilestcontremoi.

Franchement, ce ne serait pas une très bonne idée… Nikkie n’est qu’une amatrice, complètementinconsciente de la puissance qu’elle possède. Moi, en revanche, je me ferai un plaisir d’utiliserpleinementsespouvoirspouréliminertousceuxquisedressentsurmonchemin.

Soudain, quelqu’un frappe à la porte,me sortant demes pensées.Après un dernier regard dans lemiroir,jefonceouvrir:c’estTyee.Enl’apercevantsurlepasdemaporte,monsoufflesecoupe.Vêtud’unechemisenoire,d’unslimbleufoncé,debootsitaliennes,ilal’aird’unerockstar.Commejel’avaisremarquéhieravantquecettesalopedeNikkiereprennelecontrôle,ilportesescheveuxrasdésormais.J’aiunepenséeémuepourlacrinièreunpeusauvage,châtaindoré,desajeunesse,puismeravise:cettecoupe,plusmasculine, luivadivinementbien.Ellemetenvaleur laperfectiondecevisage, sesyeuxperçants et ses mâchoires volontaires, cette symétrie virile qui le caractérise et que rien ne vientdéséquilibreràpartunetrèsfinecicatricequibarresonarcdeCupidon.Noussommesseulementdeuxàconnaîtrel’originedecettepetiteimperfectionquiajoutetantàsoncharme–notretoutpremiersecret.Jedevaisavoirenviron9ansetTyee11quand,un jourqu’ilmarchaitdans lesbois, j’aicommencéà lepister,pourrire.Lesouci,c’estqu’iln’étaitpasd’humeur– ilavaitprobablementdûsedisputeravecDeclan, quelque chose dans ce goût-là. Bref, il m’a très vite sentie et m’a demandé de le laissertranquille.Çam’aaffreusementvexée. Ilétait siméchant !Etavecmoi,alorsque j’étais la seuleà lecomprendre!Sansréfléchir,j’aiarrachélabranche,longueetsouple,d’unpeuplier,etl’aiutiliséepourfrapperTyeeauvisage.Labrancheafendul’airavantdes’abattresursalèvresupérieure.Lorsquejemesuisrenducomptedecequej’avaisfait,j’aitoutdesuitedétalé,mortedehonte.Tyeem’aviterattrapée;ilm’a juré que jamais il ne répéterait à personne ce qui s’était passé. Je crois que c’est là que j’aicomprisqu’ilétaitamoureuxdemoiluiaussi.

–Jepensaisqu’onpourraitpeut-êtreallermangerquelquepart,propose-t-il,incroyablementsexy.Onpourraitenprofiterpourparlerdecequis’estpasséhier.

–Jetesuis.–Tuasenviedequelquechosedeparticulier?–Tacos,affirmé-je.Çafaitunsièclequejen’enaipasmangé.–ÀRome,faiscommelesRomains,sourit-il.OK,suis-moi:jeconnaislebonendroit.

Nousprenonssavoitureetroulonsjusqu’àunecantinaquejereconnaispouryavoirdéjeunéilyavingt-quatre ans avec Declan et lui. Comme Tyee, l’endroit a à peine changé et j’ai une réactionstupidementémueenentrantdanscettetaverneauxmursboutond’oretauxtablespeintesenbleu.Jejetteunregardautourdemoi,troubléeettouchée.

–Çateplaît?meditTyeeensurprenantmonexpression.–J’adore!J’ai…J’aiassezpeuvoyagé,tusais,dis-jeenjouantlerôledeNikkie,etjamaisendehors

desÉtats-Unis,alorsçam’impressionneunpeud'êtreici,dansunpaysétranger.–Biensûr,dit-ilentirantunechaisebleucobaltpourquejem’yinstalle,jecomprends.D’ailleurs,en

parlant de ce voyage, tu voulais savoir hier dans quelles circonstances tu t’étais retrouvée là, etmoiaussi.Ehbien…

–C’estbon,lecoupé-jeavantqu’iln’ailleplusloin,jemesouviensdetoutmaintenant.Onarompu,

j’aiprisdel’ayé,j’aipassélafrontière.Toi,tuesvenut’assurerquej’allaisbien.Tuvois?souris-je.Jenesuisplusamnésique.

Malgrémesparolesrassurantes,Tyeemetunmomentàsedétendre.Jedevineàsonattitudequ’ilsesentcoupablevis-à-visdeNikkie.Tyeeatoujoursétéeffroyablementprotecteur.C’estdanssanature.Jepenseque si je devais définir son typede femme, ce serait la petite chose fragile qui a besoind’êtrecajolée.

Etàce jeu-là,bienqueNikkie fasseàpeineplusd’unmètresoixante,c’estmoi lareine.Jesuisimbattable.

Jepassedonclerestedurepasàmecomportercommeilaimetant:àlafoistimideetmutine,douceetunpeuenfantine.Lamagieopère,Tyeesemblepasseruntrèsbonmoment.C’estfrustrantdesedirequ’ilsecroitavecelleplutôtqu’avecmoi…Jevoudraistantqu’ilsachequec’estmoiquilefaissourirecomme ça !Est-ce ce quime pousse à relâchermon attention et àmanquer de commettre une gaffe ?Toujoursest-ilqu’audessert,quandleserveurnousapporteunénormeplateaudefruitsfrais,jemanquedemetrahir.

–Pasd’ananas,décliné-jealorsqueTyeemetendunetranchedanslaquelleilvientdemordrepourmefairegoûter,tusaistrèsbienquejesuisallergique…

Je ne réalise ma boulette qu’en voyant son air perplexe, puis troublé. Quelle conne ! C’était monanciencorpsquiétaitallergique,pascelui-ci !Heureusement,Tyeeoublierapidementmabévueetmeproposed’allerpasser le restede la journéeà laplage.Audébut, jeme raidis,pensantquec’estunepropositionromantiquefaiteàNikkie.Puis jeréalisequec’est l’occasiondejouer lesespionnesetdevraimentcomprendrecequ’ilenestdecesdeux-là.

Nousroulonsjusqu’àuneplagedéserte.Unefoissurplace,jecommenceàsondersoncœur.J’essayedemerapprocherdelui,d’avoirdesgestestendres,deflirter,maisàmongrandsoulagement,quecesoitsurlesablechaudouauborddel’eau,ilmerepousse.Ilmepassedelacrèmesolairesurlesépaulesavec la délicatesse d’un camarade de régiment, préfère marcher sur la plage que ramasser descoquillagesavecmoietrefusedepartageruneglace.Bref,jecommenceàmerendrecomptequ’iln’enavraimentrienàfaired’elle,mais j’aiquandmêmeenviedepousser l’expérienceplus loin.Enprenantl’airoffusquédecellequis'estfaitplaquer,jeluidemande:

–Pourquoies-tuvenujusqu’ici,Tyee?–Jevoulaism’assurerquetuallaisbien,jetel’aidit.Puisquec’estfinientrenous,j’avaispeurquetu

fassesuneconnerie.

Toujourscecôtéprotecteur…JenedoispasmontrerNikkiesousunjourtropfragile;leconnaissant,çapourraitluidonnerenviedelaprotéger.

–Oui,ehbien…Jesuisplusfortequeprévu,j’imagine.– Oui, ou alors j’avais raison. Nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre – pas au point que tu

renoncesàtespouvoirsetmoiàmonclan.

Quoi ? Pendant que j’avais le dos tourné, cette demeurée lui a proposé d’abdiquer ses – nos –

pouvoirs?Maisquelleconne,c’estpasvrai!

Etlui,biensûr,aunefoisdeplusrefusédefairelamoindreconcession…Peut-êtreest-ceparcequ’ils’enfichaitd’elle.Ouparcequ’iln’apaschangéd’uniota.

–C’esttoujourslameuteavanttout,pasvrai?lancé-je,amère.

Jen’aimêmepasbesoindejouerlacomédie.Aprèstout,c’estàcausedessiensqueTyeeaperdulecontrôleilyavingt-deuxans.J’espéraisqu’ilauraitretenulaleçon,aprèsceterribleaccident,maisjedécouvrequ’illesfaittoujourspasseravanttout–etça,çamerendfollederage.

–Ilyaunepersonnepourquij’auraispumedétournerd’eux,avoue-t-ilsansquejem’yattende.

Moncœursemetàcogner.Toutemacolèrefondsoudainalorsquej’attendsimpatiemmentlasuite.

–C’étaitCara,lâche-t-ilenfin.Jenel’aipasfaitetdepuisjevisaveccefardeau.–Tun’aspaspeurderefairelamêmeerreur?–Non,déclare-t-ilavecdouceurettristesse.Jenepourraijamaisrefaireuneerreuraussigrave:ona

qu’unseulamourcommeçadanssavie…

Àcesmots,jesoupiredesoulagement.Voilàcequej’airêvéd’entendredurantvingt-deuxans!Enfin,j’ailacertitudeque,toutcommemoi,Tyeen’ajamaisvouluquelasituationdérapeàcepoint.J’aipétéunplombàl’idéequ’ilépouseShannon,ilaperdulatêtequandjem’ensuisprisàsesamis…Bref,onatouslesdeuxnostorts.Finalement,cequ’ils’estpasséentrenousétaitl’undecesdramespassionnelsoùdeuxêtresdestinésàêtreensembleperdentlecontrôledeleurdestin–commeRoméoetJuliette,OrphéeetEurydice,TristanetYseult…

Saufquemaintenant,jesuisderetour.Plusriennepourranousséparer.

J’aides larmesplein lesyeux tant j’ai rêvédecemoment. Je fixe leciel le tempsdeme ressaisir.Tyee imagine probablement que c’est Nikkie qui pleure de tristesse et il ne fait aucun geste pour laconsoler. Ilest là,seul,bouleversant,prisonnierdusouvenirdesonuniqueamour. Ilestpiégédanssadouleurdepuistellementlongtemps,sanssedouterunseulinstantqu’ilestsurlepointd’êtredélivré…!

– Tu ne penses pas que tu peux avoir une seconde chance ? lui demandé-je la voix étranglée parl’émotion.

–Nikkie…Non,jesaiscequetuvasdiremaistunecomprendspas:jamaisjen’aimeraiuneautrefemmequeCara.

–Justement,Tyee!Sijetedisaisquetun’aspasàenaimeruneautre?QueCarapeutterevenir?osé-je.

–Commentça?medemande-t-illesoufflecourt.

Regarde-moi.Regarde-moi!

Situm’aimesvraiment,tusauras.

Unsilence assourdissant se fait enmoi.Lebruit desvaguesdéchaînéesdisparaît, commecelui des

mouettes,decesenfantsquijouentàdétruireunchâteaudesable,decestouristesquiprofitentdusoleildu Mexique. Il n’y a plus au monde que moi, et Tyee qui me contemple, d’abord incrédule, puisémerveillé,puisenfinheureuxetstupéfait.

–Cara?medemande-t-ilhaletant.Cara,c’estbientoi?

4.Sueursfroides

Tyee

–Sijetedisaisquetun’aspasàenaimeruneautre?QueCarapeutterevenir?medemande-t-elle,curieusementexaltée.

Çaal’airdefonctionner,elletombedansmonpiège.

–Commentça?luidemandé-jelesoufflecourt.

Jelacontemple–cesyeuxgris-vertquim’envoûtent,cevisageenformedecœurquej’aimetanttenirdansmesmains,cettecheveluredejaisdécoifféeparl’airmarin.Levisagedelafemmequej’aime.

EtdontCara,revenued’entrelesmorts,aprispossession.

Je ne sais pas comment c’est possible.Nimême si c’est réellement vrai. Certes, hier, en arrivant,Nikkieavaituncomportementvraimentétrange.Et,durantlanuit,j’aifaitcedrôlederêveoùCaraetellese confondaient. Pour être honnête, ce n’était pas la première fois quemon inconscient produisait cegenredescénariotrouble.Dèsquej’aidécouvertlatachedenaissancedeNikkie,jemesuismisàfairerégulièrement ce cauchemar oùCara revenait. Là, c’était différent – comme si une part demon espritavait voulu m’avertir. Je n’ai pas réagi tout de suite mais, tout à l'heure, alors qu’on déjeunait,l’impressions’estconfirmée.JetrouvaisqueNikkieminaudait,qu’ellesecomportaitdefaçoninfantile,àlalimitedel’hystérie.Jen’aipasimmédiatementreconnuCaramais,quandelleaparlédesonallergieàl’ananas,çaafaittilt.

Àprésent,jedoisenavoirlecœurnet.

–Cara?luidemandé-jeavecunestupeuretunbonheurfeints.Cara,c’estbientoi?– Tu m’as reconnue, déclare-t-elle sonnée. Tu m’as reconnue. Oh ! Tyee, moi qui pensais que tu

m’auraisoubliée…

Jemecalesursonton,stupéfait,àlalimitedel’ahurissement.

–C’estimpensable,soufflé-jeenpassantmamaindanssescheveux,extatique.Monamour,mêmedansmesrêveslesplusfous…

Jejouelesamoureuxtransis,lesprincescharmantsd’opérette,leshérosdecescomédiesromantiquesdontCararaffolait.Commentest-cequejefaispourjoueraussibiencettescène?Alorsquecequejeressensestplusprochedelapaniquetotalequedelatranseamoureuse?

Parcequecettescène,jel’airêvéedesmillionsdefois.

Lesannéesquiontsuivisamort,j’aisisouventespéréqu’ellemerevienneetqu’ellem’absolvedemoncrime !Moi, je luipardonnaiscequ’elleavait tentéde faireàma famille,cesgensqui l’avaientrecueillieetaiméealorsqu’ellen’étaitqu’uneenfantsansdéfense;jesurmontaismondégoûtqu’elleaitprislaviedeBarbara.Onpouvaits’aimerdenouveau,elleetmoi,etcettefoislibrement.Jem’éveillaisdecesrêvespourconstaterquejepleurais,etavalaisunsomnifèrepourallerlaretrouver.J’auraisvoulumourir,pourlarejoindre,pourêtreavecelle,maisjesavaisquelamortnemelarendraitpas,qu’elleneferaitquem’apporterunrepossansrêve–etj’avaisbesoinderêverpourvoirCara.

Cen’estqueplustardquej’aicomprisquecellequej’aimaisn’étaitpasmortecefameuxsoir,maisbienavant,lorsqu’elleavaitsombrédanssafolieobsessionnelleetdestructrice.Peut-êtremêmen’avait-elleétéqu’unechimèretoutescesannées?Peut-êtren’avais-jefaitquechérirunsonge?Jenecouraispasseulementaprèsunemorte,jecouraisaprèsunfantasme,uneconstructiondemonesprit,quelqu’unquin’avaitprobablementjamaisexisté.

Loin deme soulager, cette révélationm’a fait haïr l’amour, cette illusion puérile, et lui préférer lasolitude.PuisNikkieestarrivée.

AvecNikkie,j’aidécouvertqu’ilexisteunamourquivoustranscende,unamourquipermetderévélerlemeilleurensoi,uneflammequibrûlesansjamaisseconsumer.J’aimeNikkiepoursaforce,poursonindépendance, pour ses convictions et ses valeurs. Plus encore que du respect, j’ai pour elle del’admiration.Etjel’adore,toutbonnement.Parfoiscommeunfou,parfoiscommeunadolescent,maislaplupartdutempsenétantsimplementmoi,TyeeDarkridge,unhommequin’ariendeplusquelesautresàpartlachanced’êtreaiméparlafemmelaplusextraordinairedumonde.

Et s’il me faut mentir, tricher, tuer ou aller en enfer pour découvrir ce qu’il est arrivé à cettefemme,jeleferai.Sanshésiteruninstant.

JemepencheversCara– le faitqu’elleaitpris levisagedeNikkie rend toutcelaplus facile–etl’embrasse,avecviolenceetpassion,carmonfuturentierdépenddecebaiser.

–Tyee, soupire-t-elleune foisque jedétachemes lèvresdes siennes,moi aussi j’ai tant espéré cemoment,maissansycroire.Tum’as…

–Chut,jesais,lacoupé-je.Jemesuistellementhaï,situsavais…–Pourquoias-tufaitça?Pourquoim’as-tutuée?– J’ai cru faire lebien,monamour, fais-je semblantde confesser. J’ai cruque laviedemameute

passaitavanttoi.Cen’estqu’unefoisqu’ilétaittroptardquej’aicompris:riennecompteplusquetoi.Rienn’ajamaisétéplusimportantquenousdeux.

–Jenesaispassijepeuxtepardonner,dit-elleensecouantlatête.Oumêmeterefaireconfiance.Tuétaissurmoi,rajoute-t-ellelavoixchevrotante,soustaformedeloup,tugrognais,ettum’asmordueàlajugulaireavecunetellefacilité…

–Oh !Cara,protesté-jeen l’attirant contremoipour susurrerà sonoreille, j’étais jeune, imbécile,arrogant,etjenesavaisrienduvéritableamour.J’aicruquejepourraismeremettredet'avoirperdue,maisvingt-deuxannéesm’ontprouvéquej’avaistort.Sijepouvaisremonterletemps,jechangeraistout.Jetelaisseraisexterminermonpeuple,lemondeentier,pourconnaîtrecinqminutesdebonheuravectoi.Mavieentièren’aétéqu’unimmensedésertsanstoi.Maistuesrevenue…

–Jesuisrevenue,oui,affirme-t-elle,étrangléeparl’émotion.

–Combiendetempsa-t-on?–Commentça?

J’essayedememontrerpragmatique,deréunirunmaximumd’informations.

–CesortquetuasjetéàNikkie,j’imaginequ’ilesttemporaire…–Cen’estpasunsort,m’annonce-t-elleavecfierté.Cejour-là,alorsquej’aisentilaviemequitter,

j’aiutiliséunevieilleformulevaudouequim’apermisdetransférermonâmedanscecorps.Jepensequeçan’aétépossiblequeparcequ’ils’agissaitd’unnourrissonetquesonespritétaitquasimentviergedetouteexpériencedumonde.Jepenseaussiquelefaitqu’ils’agissed’unmembreducovendeRiversideCreek a aidé. Le seul souci, c’est que je suis restée prisonnière presque tout ce temps. Comme…évanouie dans cette conscience. Ce n’est que quand Nikkie a récupéré ses pouvoirs que j’ai pucommenceràmerassembleret,peuàpeu,àprendrelecontrôle.

–TuasdoncrefaitsurfaceaprèsqueTomaétéassassiné,l’encouragé-jeàcontinuer.–Progressivement,oui,continueCaraenprenantmamaindanslasienne.Monespritétaitrouillépar

cesvingt-deuxansdesommeil.C’étaitcommesij’avaisétécryogéniséetoutcetemps.Ilafalluquejemedégèlepeuàpeu.LespouvoirsdeNikkiem’ontserviàça.Maisellelesutilisaitpeu,troppeupourqu’ilssedéveloppent,çaaprisdutemps.Toutcequejepouvaisfaire,c’étaitéventuellementinfluersursesrêvesetlestienspourvousattirertouslesdeuxàRiversideCreek.Commetuvois,jen’avaisqu’unetrèsfaiblemargedemanœuvre…

– … jusqu’à ce que le coven se reforme, comprends-je soudain en essayant de masquer moneffarement.

SiNikkien’avaitpastantcherchéderéponsesconcernantCara,jamaiscettedernièren’auraitpurefairesurface.

–Exactement!Soudain,j’aipubénéficierdel’énergied’uncercleentier.Leproblème,c’estqueplusje devenais forte, plusNikkie aussi. Alors je suis restée tapie dans l’ombre le temps de trouver descirconstancesidéalespourreparaître…

–L’ayé,conclus-je.–L’ayé,oui.Ladrogueatellementépuisésaconsciencequelamienneapus’imposersansdifficulté.–Quandva-t-ellereprendrelecontrôle?demandé-jeenessayantd’avoirl’airinquietpourCara.–Quand?–Oui,baratiné-je.J’aibienvucommehier,ellearejaillid’uncoup.J’aisentiladifférence.–Tun’aspasàt’enfaire,monamour,meditCaraencaressanttendrementmajoue.LapetiteNikkie

esttellementémiettéeparvotrerupturequ’ellemelaisselabarresanstropdedifficultés.Etcesoir,lasuper lune de sang va me fournir assez d’énergie pour me lancer dans un rituel qui va rendre cettesituation…irrémédiable.

–Comment?!

Jesuisdécomposé,maisheureusementCara,danssonhabituellefolienarcissique,interprètemalmaréaction.

–Jesaisquecen’estpas idéald’êtredanscecorps,se justifie-t-elle.Celuid’unefilleavecqui tucouchais…Çarendleschoses…confuses,j’imagine.

–Non,jem’enfous,merattrapé-je.Toutcequicompte,c’estquecesoitvraimenttoi.

–Oui,ajoute-t-elleenpoussantunriresinistre,etpuiscen’estpascommesiNikkietedéplaisait,aumoins.Pourtoi,ceseracommed’enavoirdeuxpourleprixd’une.

–Saufquejeneveuxquetoi,affirmé-jeenl’attrapantparlepoignetpourl’attireràmoi.Quetusoisdans ce corps ou dans un autre, jem’enmoque. Tu esmon âme sœur, Cara, ce qu’il y a entre noustranscendelephysique.Çaamême,ajouté-jeenmepenchantsurseslèvrespourluidonnerlecoupdegrâce,transcendélamort.

Caraselaisseembrasser,frémissante,électrisée.Jesaisquej’airéussimoncoup,qu’ellenesedoutede rien. Simplement, je sais aussi que l’heure tourne. J’ai jusqu’à ce soir seulement pour trouver unmoyendelaneutraliser.

Jevaisavoirbesoind’aide.Etdedétournersonattention.

***

J’aiconduitCaraenpleindésert,àenviron150kilomètresdeTijuana,commeellemel’ademandélorsquenousavonsquittélaplage.Durantletrajet,ellem’aexpliquéqu’elleavaitbesoind’uneamulettepour rendre performant le sort de ce soir, un « Altamara ». J’ignore de quoi il s’agit, je comprendsseulementqueçajoueenmafaveur:unobjetmystique,çasedétruit,etCarasemblemefaireconfiance,cequivamefaciliterlatâche.

Ellem’ademandédem’arrêterdevantunehutte,auxabordsd’unbidonville.Àl’intérieursetrouveunchamanqui trafiquedestalismans.Çafaitmaintenantvingtminutesqueje l’attends.Combiendetempsest-cequeçapeutprendre,d’acheterunAltamara?

Pasdepanique.J’aiencorecinqheuresavantl’éclipse.

Naomivatrouverunesolution.J’aipul’appelerdèsqueCaraestentréesouslahutte.Je luiai toutraconté,del’ayéjusqu’aurituel,etluiaidemandésonaide.

–OK,j’arrive,m’a-t-elleréponduaffolée.Essayedegagnerdutemps.–Gagnerdutemps?Etcomment?Tuveuxquej’empêchelanuitdetomber?ai-jeironisé.LaLunede

selever?Jecroisqueçasesaurait,silesloupsavaientcegenredepouvoirs.–Jenesaispascommenttuvast’yprendre,Darkridge,maiscen’estpasmonproblème.Emmène-la

dîner, faireun tourdegranderoue–usede tescharmes.Etessayedemettre lamainsursonAltatruc.Moi,jemerenseignesurcequ’estcemachinpuisjemetéléporte.

Aprèsquarante-cinqminutes,Cararessortenfindelahutte,unsourirevictorieuxauxlèvres.

Quelquechosemeditqu’elleaeucequ’ellevoulait.

–Tuastrouvé?meforcé-jeàsourireavantderegrimperdanslavoitureetdebalancermonportabledanslevide-pochesentrenosdeuxsièges.

–J’ai,dit-elleensautantsurlefauteuilpassager.–Tuasbesoind’autreschosespeut-être?Des…ingrédients?Pourcompléterlerituel?–Lerituel?merépond-elleamusée.Non,c’estbon.Maintenantquej’ail’Altamara,jen’aiplusqu’à

attendrelasuperlunedesangetceserabon.–C’estaussisimplequeça?m’enquiers-jeenespérantnepaséveillersessoupçons.

Elleopine.

–L’Altamaravaconcentrerl’énergiedelaLuneets’enservirpoureffacerlaconscienceexcédentairedececorps–c’est-à-direcellequin’apluslecontrôle,m’expliqueCara.

Unesuperlunedesang.Unphénomènequineseproduitquetouslesdeuxoutroissiècles,quandlaLuneestpleineetqu’elles’aligneà lafoisavec laTerreet leSoleil,occasionnantuneéclipsequi luidonnecettebelleteinterouille.Sij’arriveàempêcherCarad’utilisersonAltamaradurantl’heurequevadurerl’éclipse,ellen’aurapasl’occasionderéessayeravantlongtemps.

–TuasdelachancequeNikkieaitprisdel’ayéjusteaumomentoùtuenavaisbesoin,remarqué-je.–Tusais,dit-elleenhaussantlesépaules,n’importequelphénomèneastronomiquepuissantauraitfait

l’affaire. Tiens, par exemple, le mois prochain, la Lune va s’aligner avec Aldébaran : ça aurait pumarcheraussi.Etdansquarante-troisjours,ilyauraunepluiedecomètes…

–C’estdoncvraimentcemachinquifaittoutleboulot,alors?Àconditionquelesélémentsextérieurspuissentfournirassezd’énergie?

–Tuastoutcompris,conclut-elleenm’embrassantsurlajoue.

OK.LameilleuresolutionestdoncquejeréduiseenmiettessonAltamara.

–Jepeuxvoiràquoiressemblece…cetobjetquetuasachetépourlerituel?–Objet?rit-elle.–Oui,tusaisbien.L’Alta-quelque-chose.–L’Altamara,s’esclaffe-t-elle.«Lamarquedel’autre»,endialecteauishiri.

Ellesetourneversmoidefaçonàmeprésentersondos,relèvesarobetoutenbaissantlatailledesoncollantetmedévoilelebasdesesreins.Monsangsefige:lamarquedenaissancedeNikkie!Elleaétérepasséeàl’encrenoire.

–Tuvois?m’explique-t-elleamusée.C’estça,unAltamara.–Un…tatouage?–Quimeliedéfinitivementàcecorps.

Merde.Impossiblededétruirel’Altamarasansm’enprendreàNikkie.

Il fautque jecontinuedefaireparlerCara,enespérantqueles informationsqu’ellemefourniramepermettrontdetrouveruneautresolution.

–C’estlemêmetatouagequetuavais,remarqué-je.–Oui.QuandjemesuisinstalléedanslaconsciencedeNikkie,cettemarquedistinctiveestapparue,

commeun…uncanaldecommunicationentremapersonnalitéetl’environnementextérieur.Disonsquegrâceaurituelquevientd'accomplirlechaman,cecanalestdevenubeaucoup,beaucoupplusperformant.

–Ils’yestpriscomment?Illuiasuffiderepasserlatachedenaissanceàl’encrenoire?– Non, idiot, rit Cara en me donnant une tape. C’est une incantation et un onguent qui l’ont fait

redevenircommeça.–Etquelleestsafonction,précisément?Pasengénéral,ça,j’aibiencompris…Maisdanslerituel?

demandé-jeenfronçantlessourcilsl’airperplexe.–L’Altamaraagitcommeuncatalyseur.Toutel’énergiedel’éclipsevasetrouverconcentréeenlui.

Comme ça, je vais pouvoir m’en servir, explique-t-elle en fourrant sa langue dansmon oreille, pouréradiquercettepetiteconne.

ÇaveutdirequeNikkie,là-dedans,peutpeut-êtretrouverunmoyendeseservirdecettepuissanceàsespropresfins!

–Tun’aspaspeurqueNikkieretournel’Altamaracontretoi?–Elle?ricaneCara.Jet’enprie:elleaàpeuprèsautantdeconnaissancesensorcelleriequeHarry

Potterlorsqu’ilapourlapremièrefoismislespiedsàPoudlard.

J’imaginequedanscettecomparaison,CarajouelerôledeVoldemort…

C’estlaseulequalitéqu’onnepuissepasluienlever:elleatoujourseulesensdelamétaphore.

J’essayedeluisourire,commeuntypeamoureuxsurlepointderécupérercellequ’ilaimeleferait.Unepartdemoidoit lutterpournepasl’étrangler, là,maintenant.MaiscelasignifieraitégalementtuerNikkie.Lameilleurechoseà faireestde tenirNaomiaucourantdece j’aiapprissur l’Altamara,afinqu’elle puisse arriver au plus vite. Simplement, impossible de faire ça avec Cara à côté de moi. JedécidedoncdefairecroireàCaraquej’aibesoind’essenceetd’allerauxtoilettes.Unefoisàlastation-service,Caradécidederesterdanslavoiture.Pournepaséveillersessoupçons,jelaissemonportableàcôté d’elle, en évidence. Heureusement pour moi, les cabines téléphoniques à l’entrée des toilettesfonctionnentencore.J’essayedejoindreBrowning,quinedécrochepas.

–Putain,Naomi…fulminé-jeenraccrochant.J’aibesoindetoi,merde!

Jeluilaisseunmessagepourluiexpliquerlasituationetretourneàlavoiture,prêtàrepartir.Maisdèsquejem’installederrière levolant, jeconstatequeCarase tientraidecommeunpiquetsursonsiège.D’unevoixoùpointel’hystérie,ellemedemande:

–Tyee?Quiest«N.»?

Merde.Monportable.

Siça se trouve,pendantque j’essayaisde la joindre,Naomim’aenvoyéun textoetCara l’auravuapparaîtresurl’écrandemonSmartphone.

–C’estundemesétudiantsdelafac,réponds-jeenveillantàresterbadin.Pourquoiça?–Onpeutsavoirpourquoi«N.»tedemandedeluifournirleplusdedétailspossibleconcernantle

rituel?siffleCaraenbrandissantleportable.–Qu’est-cequeturacontes?dis-jeenplissantlesyeuxcommesijecherchaisàlire.–Nemeprendspaspouruneconne!s’emporteCara.C’estlafilleBrowningquit’écrit,pasvrai?La

copinedetapetiteamiechérie?Avoue:tum’asdenouveautrahie,espècedesalaud!–Cara,tutetrompes,commencé-jeàprotestersansqu’ellem’écoute.

–Tusaisleplusdrôle?déclare-t-elleavecunriredément.C’estquej’avaisprévulecoup.Jem’étaisditquesi jamais tuosaismeduperànouveau, je tuerais lameutedevant tesyeux.Finalement, jen’aimêmepasbesoindemesalirlesmainspourmevenger:ilmesuffitd’allerjusqu’auboutdemonplan.EtouiTyee:tupeuxdirebyebyeàtaprécieuseNikkie.Jevaislapulvériser,etjevaislefaireavecjoie,medéclare-t-elleavecdanslesyeuxcetteétincelledefoliequejeluiavaisvueilyavingt-deuxans.

Comprenantqu’iln’estpluspossibledel’amadouer,jedécidedejouercartessurtable.

–Tuescomplètementcingléesi tucroisvraimentqueje te laisseraivivreunefoisquetuaurasfaitdisparaître Nikkie, grondé-je d’une voix caverneuse qui m’avertit que la bête n’est pas loin de semanifester.Jet’aidéjàtuéeunefoisetlereferaiavecplaisir.

–Tuessayesdemefairecroirequetuesindifférentaudestindececorps?Quetuoseraisluifairedumal?medéfieCara.

Je tente de ne pas montrer à quel point sa remarque me déstabilise, mais je comprends qu’elle araison:mêmesijesaisbienqu’ilnes’agitqueducorpsdeNikkie,etmêmeenadmettantquesonâmen’enfassepluspartie,jemesentiraisincapabledem’enprendreàelle.

–Simoijenelepeuxpas,Declanm’aidera,lamenacé-je.

Oui,même si je n’arrive pas àme raisonner,mon ami y parviendra. Il le faut.Après tout, jusqu’àpreuve du contraire, c’est lui l’Alpha. Cara représente un danger pour la meute, même après tout cetemps.Ellevientjustedelesmenacer…!

–Declan?ritCara.PauvreTyee,tuesvraimenttropnaïf:Declanmechoisiratoujoursfaceàtoi.Nesais-tupasquec’estluiquiatuécepauvrebûcherondeLesterBoydilyavingt-deuxans?Pourmefaireplaisir?

–Declan?réponds-jeenricanantd’unairméprisant.Tumens,ilenestincapable.–Peut-êtrequetuneleconnaispasaussibienquemoi.Declanferaitn’importequoipourmoi:jen’ai

euqu’àluidirequeLesterBoydavaitessayédemevioler,cettenuit-là,etilaperdulecontrôle.Ils’esttransformé et l’a tué. Ensuite, ilm’a suffi d’aller trouver les fondateurs pour accuser lameute de cemeurtreetlesconvaincredeformeruncerclepourprotégerRiversideCreek.Lerestedel’histoire,tuleconnais.

–Jenetecroispas,rétorqué-je.Declansecontrôleparfaitement,nousavonsapprisensemble.–Tuveuxvraimentparier?

J’essayedenepaspenser à la façondontDeclanm’adéçucesderniers temps. J’essayedenepaslaisserlaconfianceenceluiquiestencoremonAlphaêtreébranlée.

Maisc’estdur.

Aprèstout,personnen’ajamaiscompriscommentCaras’yétaitprisepourmutilerlecorpsdefaçonàcequ’onlecroiedéchiquetéparunanimal…Cararemarquemonsilenceet triomphe.Ellesaitqu’ellem’amisdansuneimpasse.Jenepeuxplusrienfairepourlacontrer.Jenepeuxquesuivrel’instructiondeNaomi:«Essayedegagnerdutemps.»

–Cara?luidemandé-je.

–Oui?

Sans ajouter un seulmot, je propulse violemment sa tête contre le tableau de bord du roadster, enfaisantbienattentionquecesoitlehautdesonfrontquicogne.Cararetombealors,évanouie.

***

Lorsqu’ellerevientàelle,Caraestligotéesurunechaisedesasuited’hôtel,avecunesacréebosse.Histoiredelagarderdanslesvapeslepluslongtempspossible,jesuispasséfairequelquescoursesdanslesbas-fondsdeTijuana:Valium,Stilnox,Phénobarbital…C’estfoutoutcequecettevilleaàoffriràsestouristes.

Tout d’abord, cette espècede cingléemarmonnedes paroles incompréhensibles.Avecprudence, jem’approched’elleettendsl’oreillejusqu’àdistinguersesmenacesinaudibles.

–Situcroisquedesimplescordespeuventquelquechosecontremonpouvoir…m’avertit-elled’unevoixfaible.

–Quiteditquej’aiutilisédesimplescordes?répliqueNaomi,suiviedeMikeetBrian,ensurgissantderrièreelle.

Jeguette sur le visagedeCara sa réaction. J’espèrevoir passer de la peur, ou aumoinsune lueurd’inquiétudequim’indiqueraitqu’ellesesentpiégée,mais iln’enestrien.Elle toiseles troissorciersd’unairamuséetméprisant.Lacolèresembleluiredonnerdupoildelabête.

– Tiens, se moque-t-elle, j’imagine que c’est vous, la bande de demeurés qui m’avez permis dereprendrececorpsenalliantvotremagieàcelledeNikkieetendécuplantsespouvoirs?

–Tuveuxdire:soncoven?Oui,c’estbiennous,répliqueNaomi.JeteprésenteBrianetMike,ilssonttrèsmusclésetaumoinsautantencolèrequemoi.

–Tuesencolère?Commec’estmignon…Bon,allez,Blondie,détache-moi,siffleCara,etpeut-êtrequejememontreraiclémenteavectoiquandj’extermineraitousceuxquisontdanscettepièce.

– Tu veux dire que si je te libère, tum’épargneras ? lui demande «Blondie » avec un sourire deravissanteidiote.

–Non,répliqueCarad’unevoiximplacable.Maisjetejuredetetuerlapremièrepourquetun’aiespasàvoiràquelpointjecomptefairesouffrirtesamis.

JesensNaomiébranléeparcettemenace,bienqu’elleessayedenerienlaisserparaître.

– Écoute-moi bien, espèce de salope érotomane, contre-attaque l’héritière en s’approchantdangereusementdeCarapourluiparleràseulementcinqcentimètresdesonvisage.D’une,Nikkieestmameilleureamie–etonnedéconnepasimpunémentavecmameilleureamie.Dedeux,c’estmoilagarcedeserviceàRiversideCreek.Alorsnecroispasquejevaislaisserunevieillegrungesurleretourvenirmepiquermaplace!Obstringere,conclut-elleentournantlestalonspourallerprendreplaceauxcôtésdesjumeaux.

Les liens deCara se resserrent.À sa grimace douloureuse, je comprends – non sans satisfaction –qu’ilsluicisaillentlapeau.

–Bien,ponctueNaomi.Maintenant,explique-moipourquoijenet’aipastrouvéequandjecherchaisàsavoirsitupossédaisNikkie?

–Parceque,pauvreidiote:jen’étaispasenNikkie.Jesuisunepartied’elle,etça,depuislejourdesanaissance.Etdansmoinsd’uneheure,jeseraientièrementelle.

–Mercipourceprécieuxrenseignement,c’esttoutcequejevoulaissavoir,ditNaomienprenantlesmainsdesjumeaux.

–Pourquoi?rigoleCara.Tuasunplanpourm’arrêter,peut-être?–Oui,effectivement,rétorqueNaomid’untonacide.Maiscen’estpaspourmettreceplanàexécution

que j’avais besoin de cette info : c’était juste pour élargir ma culture personnelle. On a toujours àapprendredesanciennes,tunepensespas?Surtoutquandcelles-cisontsurleurlitdemort…Nikkie?appelleensuiteNaomienfixantintensémentCaradanslesyeux.Nikkie,mabelle?Jesaisquetueslà,quelquepart.Jesuisvenuepourtoi,pour techercher.Alorsaccroche-toi,bats-toi.Pourmoi…etpourTyee.

Pour toute réponse,Caraadressesonsourire leplussadiqueàNaomi,histoirede l’intimider.Maisc’est bien mal connaître Browning, qui a plus de cran que la plupart des gens que je connais. Sansattendre,cettedernièresemetàdéclameruneformule,bienvitesuivieparMikeetBrian.

– Et corpus liberat a malo est, et corpus liberat a malo est, et corpus liberat a malo est,psalmodient-ilsenchœur.

Jeguetteuneréactionsanssavoirlaquelle.Jesaisquelebutdel’incantationestdelibérerl’espritdeNikkiedel’emprisequeCaraexercesurluiafinqu'ellepuissereprendrelecontrôledesoncorps.Pourlereste,jenesaispasàquoim’attendre.Desyeuxrévulsés?Unetêtequitourneà360°pendantqueCaradéverseunchapeletd’injures?Riendetoutçanesepasse.Caranesedébatmêmepas.Jecomprendsquequelquechosecloche.Naomiaussi.Pendantunefractiondeseconde,elles’interrompt,perdue,avantdereprendre.

–Qu’est-cequ’ilsepasse?luidemandé-jeaucreuxdel’oreillealorsquelesjumeauxcontinuentàrépéterl’incantation.

–Aucuneidée,merépond-elleàvoixbasse.Çadevraitmarcher,pourtant.–Évidemmentqueçanemarchepas!ritCaraennousentendant.Mêmedroguée,mêmeattachée, je

restepluspuissantequevoustroisréunis.Ouplutôtdevrais-jedire:Nikkierestepluspuissante…

MikeetBrianneselaissentpasperturber.IlsrépètentobstinémentlaformulependantqueNaomimeparleàl’oreille.

–Jenesaispasquoifaire.EllealespouvoirsdeNikkieetuneimmenseexpériencedelasorcellerie:ellearaison,elleestvisiblementplusfortequenous.Jenesuispascertainedepouvoirlavaincre.

–Tudoisyarriver,Naomi ! l’encouragé-je,paniqué.Dans trenteminutes seulement, leSoleil et laLuneserontalignés,l’éclipseseracomplète,etalorsNikkieseraperdueàtoutjamais!

Pourlapremièrefoisdemavie,jemesensperdu,impuissant.Pourlapremièrefoisdemavie…j’aipeur.Naomilelitdansmesyeuxetdécidedeprendreleschosesenmain.

–OK,onpasseauplanB,décideNaomi.

Elle se précipite jusque dans la chambre, fouille dansmes affaires, revient en tenant une seringuehypodermiqueainsiqu’unefioledePhénobarbital.EllelaremplitduliquidesédatifetavanceversCara.

– Naomi, qu’est-ce que tu fais ? lui demandé-je avant de m’écrier, lorsque je comprends sesintentions:non!

Troptard:ellepiquelasorcièredanslebras.Lesyeuxdecettedernièreserévulsent.Satêtevacille.Soncorpsretombe,inerte.

–Qu’est-cequetuasfait,Naomi?crié-jeenavançantversellepourlaprendreparlesépaulesetlasecouer.Tuesfolle?MaintenantqueCaradort,commentest-cequ’onvafairepourlachasser?

–Nous,onnepeutrienfaire,Tyee,merétorquelajeunefemme.Caraaraison,elleestpluspuissantequenous.MaisNikkieestquelquepart,là-dedans,etc’estellelapluspuissanteducoven.Ellepeutsebattre!Alorsmaintenant,tuasenvirontrenteminutespourfaireensortequetonamoureuseaitenviedereprendrelesrênesdesaconscienceetdevirercettevieillepeaudesonesprit,définitivement.Àtoidejouer.

–Commentveux-tuquejem’yprenne?luidemandé-jeenrelâchantmonemprise,auxabois.–Jenesaispas,bordel!Soiscréatif!C'estvousquiavezcetteespècedelienàlaBellaetEdward!

Siquelqu’unpeutlaconvaincrequeçavautlecoupdevivre,c’esttoi!

Jenesaispassiellearaisondecroireça;toutcequejesais,c’estquecequenouspartageonsNikkieetmoi a été suffisant pourme ramener la dernière fois que j’étais perdu dansmes propresméandres.Alorsjemedoisd’essayerdefairelamêmechosepourelle.

–Nikkie,l’appelé-jeenmepenchantverselle.Nikkie,tum’entends?

5.Éclipsetotale

Nikkie

Jesuisallongéedansuneclairière,aumilieud’herbeshautes.Jeregardeleciel.Auloin,j’entendslevrombissementdelacascadedeRiversideCreek.Sonbruitm’apaise,mêmes’ilnesuffitpasàrecouvrirtotalementlesvoixquimeparviennent,fantomatiques,etdontjesaisisçàetlàquelquesbribes.

–…suispascertaine…vaincre.–…yarr…mi!Dans…utesseulement…ipseseracomplè…perdueà…mais.

Jesuistellementfatiguée!Jeneveuxplusmebattre.Caraagagné.Çafaitmaintenantunenuitetunjour qu’elle a pris le contrôle de ce corps sans que je réussisse un instant à le reprendre.Grâce à laSamhain, elle est plus forte que jamais. Sans compter que l’éclipse sera bientôt complète, je le sens.L’énergiedelasuperlunedesangestautourdenous,électrique.Moi,jesuisdéjàentraindedisparaître.Jesuisvide,sansvolonté.Jeneveuxplusmerebellerenvain,justedormir.

Dormir, c’est ceque semble faireCara.Unsommeilprofond, serein,puisqu’elle saitqu’elleest entraindemevaincre.Ellerêve.Cetteclairière,cettecascadesontdesproductionsdesonesprit.Moi,jenesuisqu’uneinvitéedanssonsubconscient.

J’avancedanscesous-boismerveilleux,ceRiversideCreekfantasmé.J’entendsauloindeséclatsderire,desvoix:jelessuis,sansréfléchir,commeunzombie.J’arriveauborddelarivièreetvois,plusloin,Caraentraindesebaigneravecdeuxhommes.Jel’observe,avecsesdixcentimètresdeplusquemoi,sapeaudeporcelaine,sescheveuxondulésauxdiscretsrefletsroux.Ondiraitunange.Elleestbelle–decettebeautéquej’ai toujoursenviée,régulière, indiscutable.Monregardvaensuitevers lesdeuxhommesquil’accompagnent.Enplissantlesyeux,jemerendscomptequel’unestDeclanetquel’autreest…

Tyee.

Moncœurfaitunbond.Qu’est-cequ’ilfaitici?Lamoitiédesoncorpsestimmergéedansl’eau,onnevoitquesesabdominauxparfaits, sesépaulesdenageur, sespectorauxd’athlète.Sescheveuxchâtainssontpluslongsquedansmonsouvenir.Mouillés,ilssontplaquésenarrière.Çaluivadivinementbien.Ilsourit,plussolairequejamais.J’enailesoufflecoupé.Jel’aimetellement…!Mapremièreimpulsionestdecourirverslui,delerejoindrepourtrouverrefugedanssesbras.D’uncoup,jemesouviens:ladisputechezlui,lafaçondontilm’aaccuséedevouloirluiextorquerun«jet’aime»,sonregardrésignéquandjesuispartieauvolantdemonbreaketcelui,pleindepitié,qu’ilm’aadresséquandjel’aiinvitéàresterdansmasuitevingt-quatreheuresplustard.J’interrompsmacourse.

Leurs trois visages se tournent versmoi. Leurs yeux expriment d’abord de la curiosité, puis de lamoquerie.CeuxdeTyeetoutparticulièrement.

–Tuesvenuemevoir?demande-t-ilennecherchantmêmepasàmasquersonmécontentement.Tunepeuxdoncpasmelâcherunpeu?

– Tu devrais renoncer, Nikkie, insiste Cara en jubilant. Tu te donnes en spectacle pour rien, c’estvraimenttristeàvoir.Declan,débarrasse-nousd’elle,s’ilteplaît.

Surce,elleembrasseTyeeàpleinebouche.Jereculecatastrophée,prêteàdétalerquandDeclanquimerejointm’attrapeparlepoignet.

–Etlà!Oùest-cequetucroisaller,commeça?

MesyeuxseposentsurlevisagedeDee,inexpressif.Paniquée,jetentedemedégager.Ilmetientplusfermement,m’attireàluietenserremoncoudesonautremain.

–Declan,qu’est-cequetufais?demandé-jed’unevoixaffolée.–Tul’asentendueaussibienquemoi,Nikkie,déclare-t-ild’unevoixneutre.Jedoist’éliminer.Après

tout,c’estellequidécide:c’estsonrêve.–Dee…Dee,qu’est-cequeturacontes?dis-jeenessayantdedesserrersonemprise.Qu’est-cequetu

fais?

Declannerépondrien,ilsecontentedeserrer,deplusenplusfort.Matrachéeestbroyéeparsamainpuissante.L’aircommenceàmemanquer.OhmonDieu!Jeneveuxpasmourir.

–Declan…tenté-jed’articuler.Nefais…pasça.Tun’es…pas…un…tueur.– Si, Nikkie, je suis un tueur, réplique-t-il, toujours aussi inexpressif. C’est pour toi que j’ai tué

Ronda,etAnnie,etCharly.Toutça,c’estdetafaute.Etmaintenant,jevaistetuer,toi.

Quoi?C’étaitdonclui,letueur?Toutcetemps,alorsquenousn’avonsriensoupçonnéavecTyee?C’estimpossible!

Jenedoispasoublierquetoutceciestunrêve,rienqu’unrêve.

Cequisepasseicinedépendquedel’espritdeCara.C’estsaversiondelaréalitéquiestdonnée.Savisiondesfaits.

Sepeut-ilqu’elleensacheplussurDeclanqueTyee?

Je jetteuncoupd’œildésespéréà l’hommeque j’aime,mais ilcontinued’embrasserCarasansmeprêterattention.Ilfautqu’ilsachecequeDeclanafait!Jemedébats,cettefoisplusviolemmentet,danslapanique,luienvoiemongenoudanslesparties.Instinctivement,Declanlâche.J’enprofitepourtenterdefuir.Seulement,auboutdequelquesmètres,Deemerattrape.Ilmesaisitparlajambepourmefairetomber.

–Arrêtedetedébattre,grogne-t-ilengrimpantsurmoipourm’immobiliser.Toutçaestdetafaute!Tuesaussiresponsabledeleurmortquemoi!

–Declan,gémis-jealorsqu’iltentedememaîtriser,qu’est-cequeturacontes?Tuasperdulatête!Pourquoiest-cequetuastuécespauvresgosses?

– Je te l’ai dit, rétorque-t-il en m’attrapant les poignets et en réussissant enfin à me maintenir

immobile,toutestdetafaute.Tusavaiscequej’éprouvaispourtoi,tum’asencouragépourensuite…–Pourensuitequoi?demandé-jeenessayantdegagnerdutemps.Qu’est-cequej’aifait,Declan?Je

t’assurequemonbutn’ajamaisétédeteblesser.–Àcausedetoi,j’aiperdulecontrôleetjelesaitués!rugit-ilalorsquesonregarddevientjauneet

laissedevinerqueleloupestàdeuxdoigtsdejaillir.

Unenouvellefois,sesmainsenserrentmoncoualorsque,parréflexe,j’appelle:

–Tyee!Pitié,Tyee,aide-moi!

LeregarddeTyeeseportesurmoi,indifférent,puissedétourne.Aumêmemoment,lebruitparasitequej’entendaisunpeuplustôtreprend.

–Je…àNi…Jesui…à…

C’estlavoixdeTyee.

Je ne sais pas d’où elle provient – pour être honnête, on dirait qu’elle est partout autour de nous.Pourtant, leTyeequisebaignedanslarivière,àquelquesmètresdemoicontinuedenepasmeprêterattention.SeuleCaranousregarde,Declanetmoi.

–Maisc’estpasvrai,Dee!Cequetupeuxêtremou!s’énerve-t-elle.Tue-moicetteidiote,qu’onenfinisse!

Une nouvelle fois, la voix de Tyee retentit autour de nous et prononce des bribes de motsinintelligibles.

–Jesaisque…tends.Tudois…trôleNikkie.Dansdixmin…auragagné.

Cettefois,Declanrelâchesonétreinteetcherched’oùprovientcettevoixomniprésente.MêmeCararegardepaniquéeautourd’elleavantdes'approcherdeDeclan.

–N’écoutepas,luiordonne-t-elleenragée.Achève-la.–Declan,non,s’ilteplaît,sangloté-je,avantd’appeler:Tyee!Tyee,parpitié!

Pourquoiest-cequetunem’aidespas?

Unenouvellefois,lavoixsefaitentendre.

–Oui,c’est…a,par…oi.Conti...emepar…

Cettefois,mêmeleTyeedelarivièresemblechercherl’originedecettevoixquiressembletantàlasienne.

–C’estmoi,non?demande-t-ilensortantdel’eau.Ondiraitquec’estmoiquiparle.–C’esttoi,oui,l’appelé-jeenpleurantdeplusbelle.Monamour,c’esttoi.–Je…Jen’arrivepasàentendrecequejesuisentraindedire…

Je remarque alors comme ce Tyee-là a l’air étrange. Creux, vide. Il s’exprime différemment del’hommecharismatiqueetbrillantdont je suisamoureuse. Jenecomprends toutd’abordpaspourquoi,puisjemesouviensquetoutceciestunrêve–lerêvedeCara.Cen’estpaslevéritableTyeequiestlà,c’est l’imagequ’elle s’en fait.Un sentiment de rageme submerge alors que je prends consciencequecette psychopathe a beau être obsédée par lui, elle n’a aucune idée de qui il est !Cette foldingue ditl’aimermais elle ne le connaîtmême pas assez pour pouvoir se représenter toute la complexité et larichessedesamerveilleusepersonnalité!

LeTyeequ’imagineCaraavanceversnous,l’airperdu.Caraleregardefaire,décontenancée.EllenesepréoccupeplusdeDeclan,quisembledesoncôtém’avoirtotalementoubliée.Uneultimefois,Tyeeregardeautourde lui, en semblant chercherd’oùpeutbienprovenir cettevoix, savoix, avantque sonregardseposesurmoi.

–C’estàtoiquejeparle,pasvrai?medemande-t-il.

Quelquechoseestentraindesepasser.

J’acquiesce.

–Jen’arrivepasàentendrecequejetedis,gémit-ilaudésespoir.

Jesuisentraind’influersurlerêvedeCara.Jesuisentraindechangerladonne.

Cettefois,jemeconcentrevraimentettendsl’oreille,jusqu’àentendre.

–Tumedis,répété-jeàTyee,quetusaisquejet’entends.Quejedoismebattre,quejesuisplusfortequeçaetquejepeuxreprendrelecontrôle.

–Lecontrôledequoi?medemandeleTyeedurêve,toujoursaussiperdu.–Lecontrôledecesubconscient.Demonesprit.Dececorps.Demavieetdenotrehistoire.–Pourquoijetedistoutça?medemandeTyee.

Une nouvelle fois, je tends l’oreille. Cette fois, sa voixme parvient plus distinctement.Mon cœurcogneàtouteallurealorsquejesaisissesparoles.Jetrembledetousmesmembresenattrapantlamaindu«faux»Tyeepourluirépétercequel’hommedemavievientdem’avouer.

– Tu dis que c’est… parce que tum’aimes, lâché-je. Tu penses que tu ne te remettras pas demeperdre.

–Oui…ditleTyeedurêveensouriant.Jem’entends,maintenant.

Ilprendl’airconcentréetcommenceàrépéter,luiaussi.

–Je…Jedisquejeneveuxpasvivresanstoi.Quej’auraisdûtedirequejet’aimaisdèsquejel’aisu…J’ail’airtellementtriste!Tellementdésespéré!

–Non!Non,non,non!protestesoudainCara,incapabledebouger.

C’estmoiquil’immobilise?

Tyeecontinue,imperturbable.J’ail’impressionqu’ilsecontentedemoinsenmoinsderépétercequ’ilentend,queprogressivementilfaitcorpsaveclavoixsurplombantequipénètrelesubconscientdeCara.

– J’ai su que je t’aimais dès que j’ai mis un pied dans ton appartement, se remémore-t-il en meregardantdans lesyeux.Tuétais tellementnerveuse, tun’arrêtaispasde t’excuserdudésordre. Jemesouviens avoirpenséque j’aimais cedésordre,qu’il y avait de labeauté et de laviedans tonchaos,m’avoue-t-il.Jevoulaiscomprendretonunivers, teconnaître.Tum’avaisblufféàcepremiercours.Jecroisque,demavie,jen’avaisjamaisentenduquelqu’unparlersiintelligemmentdephysiquequantique.Tuavaislesconnaissancesd’unevéritablescientifiqueetlasagessed’unephilosophe.Etenplus,tuétaisbelle,sourit-il.Anormalementbelle.Bref,ajoute-t-ilavectendresse,j’étaisdéjàfoutu,tuvois?Tum’aseuàtespiedsd’entréedejeu,kiddo.

–Tyee,parpitié,supplieCaraens’interposantentrenous.Nefaispasça.–Écoute,continueTyeeenignorantCaraetenregardantpar-dessussonépaulepourtrouvermesyeux,

je ne sais pas si tu vas revenir, si tu comptes reprendre les rênes. Ce n’est pas àmoi de te dire det’accrocher. Jen’ai pas l’intentionde te raconterque lavie envaut lapeineou cegenredebanalitésmensongères,précise-t-ilavecgravité.Lemondeestunendroitlaid,injuste,inutilementviolent,ettuesmieux placée que quiconque pour le savoir. Mais rien que par ton existence, tu le rends plus beau,souffle-t-il,ému.Etmêmesijevaispasserl’éternitéàtepleurer,àsouffrircommeunchiendet’avoirperdue,jeneregrettepasuneseuleseconded’avoircroisétaroute.Teconnaître,t’aimer,auraétélebutdetoutemonexistence,Nikkie,etçaauraétéunimmenseprivilège.

–Jet’aime,murmuré-je,deslarmespleinlesyeux.–Ça,jelesais,mabelle,sourit-il.CommeleditNaomi,onauneconnexionàlaBellaetEdward,toi

etmoi.Ennettementplusvieux.

Ilplaisantepouréviterderendrecemomenttroptriste.Jelecomprends.Danscemondedefous,nousauronsaumoinsréussiàtrouverl’amour:iln’yariendetristelà-dedans.

–Surtouttoi,lecharrié-jeenm’essuyantlesyeuxetenmeforçantàluirendresonsourire.

Jevaismêmejusqu’àrireautraversdemeslarmesetréalisesoudainqueledécorachangé:iln’yaplusniCaraniDeclanauborddelarivière.C’estlanuitàprésent,unenuitaussirougequel’immenseLunedansleciel.

–C’estàçaqueçaressemble,mourir?luidemandé-je.–Jen’ensaisrien,avoue-t-il.Maispeut-êtrequesic’estvraimentlafin,alorsondevraitpeut-être…

seprendrelamain?suggère-t-ilens’emparantdesmiennes.–Ondevrait,oui,murmuré-jeavantdem’approcherdelui,depencherlatêtesurlecôté,detendrele

coupourl’embrasser.

Dèsquenosbouchesse touchent, lesolsemetà trembler, ledécoràs’effriter.Lesarbres tombent,aussitôt engloutis par la terre ; le ciel devient noir comme du charbon, la Lune s’évanouit, j’ail’impressionquetoutsedélite…Jegardelespaupièresserrées,leplusfortpossible,puislesouvreengrandpourregarderlamortenface…quandjeréalisequejesuisattachéesurunechaise,danscequial’air d’être la suite de l’hôtelLucerna. Je sens le souffle de Tyee, son odeurminérale et herbée, sabouchesensuellequiembrasselamienne.

–Tyee,susurré-jed’unevoixfaiblecontresabouche–maisjen’aipaslaforced’allerplusloin.

…Jesuislà,jesuisrevenue,tum’asramenée.

–Tyee,éloigne-toid’elle,recommandeunevoixquejereconnaîtraisentremille.

Naomi?

Jerelèvedifficilementlatêteetconstatequ’ellesetientlà,entouréedeMikeetdeBrian.

–Qu’est-cequetuveuxdire?luidemandeTyeeenlafusillantduregard.–Quetunepeuxpasêtrecertainquec’estbienelle.–Qu’est-cequeturacontes?Biensûrquejesuiscertain!

Accroupi faceàmoi, ilessayed’arracher les liensquimemaintiennentattachéeà lachaise, sansyparvenir.JecomprendsqueNaomilesaensorcelés.

–Naomi,libère-laimmédiatement,exige-t-ild’unevoixmenaçante.–Pasavantd’êtrecertainequ’ils’agitbiendeNik!–Jetegarantisquec’estelle,murmure-t-ilenplongeantsesyeuxdanslesmiens.

Siseulementj’avaislaforcedeparler…

–Commenttulesais?objectemonamie.–Jelesais,c’esttout!s’emporte-t-ilenseretournantverselle.Tuveuxsavoircomment?Parceque

jesuisamoureuxdeNikkie,etpasdeCara!Hier,quandc’étaitCaraquiavaitlecontrôleetquepourtantjel’ignoraisencore,jel’airegardéedanslesyeuxet,pendantunquartdeseconde,jen’airienressenti.Mais dès que Nikkie est revenue, mes sentiments aussi ont resurgi. Je l’aime à ce point-là, Naomi,insiste-t-il.Alorsmaintenant,libère-la!

Naomihésitepuiss’approcheàson tour,malgré lesprotestationsdes jumeaux.Ellesemblesoudainavoiruneidée.Ellefaitletourdelachaise,remontemarobeetexaminelebasdemesreins.

–Solvunteum,lâche-t-elleenfin.

Immédiatement,meslienssedesserrent.Jeglissedelachaiseettombe,inerte,danslesbrasdeTyee.

–Putain,Naomi,qu’est-cequetuasfoutu?demandeMike,furieux.Tuveuxtousnousfairetuer?TutesouviensdecequeCaraaditqu’ellenousferait,sijamaistuladétachais?

–L’Altamaraadisparu,OK?s’agacelasorcièreblonde.Tyeearaison,c’estbienNikkiequiestici.LaNikkied’avantcecauchemar.

Maisàcepropos,monamiesetrompe:aprèscequej’aivécu,jeneseraiplusjamaislamême.

–Elleesttoujourslà?demandé-jed’unevoixmalassuréealorsquelesdernierseffetsdusédatifsedissipent.Latachedenaissance?

–Oui,admetNaomi.Maiselleareprissateintenormale.Toutvabien.

Tout en tentant de me lever, j’ouvre la bouche pour parler, pour leur dire que non, c’est tout lecontraire,maisàlaplacejechancelleetm’écroule.Heureusement,Tyeemerattrape.

– Ça va aller, mon amour, me murmure-t-il en me tenant contre son corps puissant. C’est finimaintenant…C’estfini…

***

Uneheureplustard,Tyeeetmoisommesenfinseuls.IlainstalléNaomietlesjumeauxdanssasuitepourpasserlanuitavecmoi.Demoncôté,jereprendsdesforcesmêmesipsychiquementjesuisépuisée.Moncerveauestencompote.Jeboisunthé,assisesurlesofa,sousunplaid,enregardantlasuperlunedehors.Çayest,l’éclipseestfinieetl’astreareprissateinteargentine.Tyeemetientserréecontrelui,ilhumemescheveux.

–C’estsibondetesentir,desentirquec’estvraimenttoi,soupire-t-ilenresserrantsonétreinte.J’aieutellementpeur!

–Moiaussi,j’aieupeur,mecontenté-jederépondrelesyeuxdanslevague,d’unevoixvideetsansémotion.

Lefaitestquejesuistraumatisée.Certes,j’aivaincuCaraetl’Altamaraadisparu.Maislatachedenaissance,elle,esttoujourslà.Caraattend,tapie,quelquepartdansunrecoindemonesprit.D’aprèslesinformationsqueTyeeetlestroisautresontglanéesdurantcesdernièresvingt-quatreheures,illuisuffitd’attendre un phénomène astronomique puissant pour revenir à la charge. Je ne peux pas revivre çaencoreunefois.Jedoismedébarrasserd’elle.

–Tunetesouviensvraimentpasdurêvequetu…qu’ellefaisait,secorrigeTyee,aumomentoùtuasreprislecontrôle?

– Si, mais de façon floue, comme pour n’importe quel rêve. J’ai quelques bribes, bien sûr… Unsentimentgénéral…

–Dis-moitoutcequiterevient.Àl’heureactuelle,mêmeleplusinsignifiantdesdétailspeutpeut-êtrenouspermettredeteprotégeràl’avenir.

–Toutcequejesais,c’estquetuétaislà,maisqu’ilyavait…jedirais…plusieursversionsdetoi–monDieu!Cequejeraconten’aaucunsens,dis-jeensecouantlatête.

–Si,m’encourageTyeeenserrantmamaindanslasienne.Continue.–Declanaussiétaitlà,etCara…Jecroisque…j’étouffais.Onmevoulaitdumal.–Tum’appelaisàl’aide,m’expliqueTyeel’airgrave.Tuétaisinconscientesurcettechaise.Naomi

t’avaitadministréunpuissantsédatif.Jeteparlais,ettoiturépondaisparfoisenpleurantmonnom.Jenepouvaisrienfaire,Nik!Jeteregardaisetjenepouvaispast’atteindre!C’étaitaffreux…

–Tum’assauvée,Tyee,luiassuré-jeenmelovantdanssesbras.C’estparcequejet’aientenduquej’aipuprogressivementreprendrelecontrôledurêve.

–Tuyesarrivéeparcequetuesforte,Nikkie.Tuesplusfortequenoustousréunis.–Pasvraiment…Caran’apaseudemalàmechasser,rétorqué-je,amère.Etdeuxfois,enplus!Qui

meditqu’ellenevapasreveniràlachargedèsquejefermerailesyeux?–Dansquelquesheures,lejourvaselever;laSamhainseraterminéeetlaLunecouchée,merassure

Tyee.Çanousdonneunpeudetemps.

–Unpeudetempspourquej’abandonnemespouvoirs,complété-je.–Jesaisquec’estdur,Nikkie…–Non,lecoupé-je.Tutetrompes.Jesaisquec’estdecetteénergiequ’ellesenourrit,et,crois-moi,je

n’ai aucunproblèmeà l’idéede lui couper lesvivres, réponds-je en serrant lespoings, résolueà toutfairepourmedébarrasserdecellefollefurieuse.

–JesupposequetupeuxencorecomptersurtonamieSarapourt’aider?

JerepenseàmonidéederemettremespouvoirsàceChasseurdontm’aparlémonamie.Tyeeignoreceprojet.Quimeditqu’ensiphonnantmonénergie,ilnevapaségalementaspirerCara?Cettecingléeseretrouveraitalorssousformed’amulette,enventesurleDarkWeb;elleseraitprobablementachetéeparunadolescentperturbéquipensequelamagienoireestunjeu…L’idéemefaitfrissonner.

Cen’estpasassezsûr.Jedoistrouverunautremoyen.Etvite.

–Quand je pense que j’ai failli te perdre ce soir ! s’exclame Tyee en resserrant un peu plus sonétreinteprotectrice.

Jemeretournevers luiet l’interrompsd’unbaisersauvage,brûlant,désespéré.Moiaussi, j’aibienfaillileperdre.Rienqued’ypenser,j’enaifroiddansledos.

–C’étaitpourquoi,ça?medemande-t-il.–Pourm’avoirsauvée.

Ilmeregardeavecintensitépuismerendmonbaiser.Depetitsfrissonsmeparcourent.Jeluiretournesaquestion.

–Etça,c’étaitpourquoi?–Parcequejet’aime,merépond-ill’airgrave.

Iln’acessédelerépéterpendantquej’étaisinconscienteetdepuisquej’airouvertlesyeux.Pourtant,cestroismotsdanssabouchegardentuncôtéirréel.Ilsmerendentheureusetoutenmefaisantpeur.Cen’estquelorsqu’onconnaîtunbonheuraussigrandqu’onavéritablementquelquechoseàperdre.

–Redis-leencore,exigé-je.–Quoidonc?Quejet’aime?Jet’aime,mejure-t-ilenm’embrassantdenouveau.

Cette fois, c’estunedoucecaresse, langoureuseet sensuelle. Jepivoteunpeuplusvers lui,prendsappuisursonépauleetmehissesurlui.Jememetsàlechevauchertoutengardantmeslèvresjointesauxsiennes. Mes mains se posent sur ses joues. Mes doigts effleurent sa légère barbe, conséquence dequarante-huit heures sans rasage. Il empoigne ma nuque. Son baiser devient plus ardent. Sa langues’aventure à la rencontre de la mienne. Nos souffles s’intensifient. Les caresses laissent place auxmordillements.

–Etça?C’estpourquoi?mesusurre-t-ilalorsquej’attrapesonlobeentremesdents.–Ça?réponds-jeaucreuxdesonoreille.C’estmamanièreàmoide tedireque tuvasdevoirme

teniréveilléetoutelanuit.Pourmapropresécurité,bienentendu.–Bienentendu, répète-t-il enaffectantunsérieuxabsolu.Et tuasune idéedecomment jedoism'y

prendre?s’enquiert-ilenm’attrapantparleshanchespourm’attirerbrusquementverslui.–J’enaiquelques-unes,oui…–Quelques-unes?Wow. J’imaginequec’estunebonnechosequenousayons lanuit entière, ence

cas…

Tout en riant, je l’embrasse de nouveau. Je lui suis reconnaissante de semontrer normal avecmoimalgrécequenousavonsvécudepuisdeuxjoursetdeplaisantercommesic’étaitunesituationordinaire.Comme si je n’étais pas, quelque part au fond demoi, cette autre femme piégée dans sa psychose etacharnéeàdétruiretoutcequ’ilaime.

Demon côté, après avoir perdu le contrôle demon corps, après avoir été dominée par une autrepersonnalité,j’aiplusquejamaisbesoindesentirquec’estbienmoiquisuislà,quec’estbienmoiquiexiste.QuecesontbienmeslèvresquieffleurentcellesdeTyee,quec’estbienmonsoufflequisemêleausien,quecesontmesmèchesdecheveuxquitombentsursonvisage,caressentsesjoues,soncou.

Je goûte sa bouche avec extase.D’abord ses lèvres, charnues et souples, puis sa langue sensuelle,alorsquej’enfoncelamiennedanssabouche.Jemepressealorscontresontorse,empoignesescheveuxettirelégèrement.Tyeelaisseéchapperungrognement.Mabouchepartdenouveauàlaconquêtedesoncou,desonlobe,etmurmuredanssonoreillequelques-unesdemesidéespourluifairepasserletemps.Contremacuisse,soussonjean, jesenssavirilitégonflée,etcontremoncorpssurvoltévibre lesien,électrisé. Sa bouche aussi m’explore : lèvres, paupières, cou, épaule, jusqu’à ce qu’il me tiennefermement,mainsdansledos,m’empêchantdebouger.

–Jeteproposederalentirunpeu.Aprèstout,ondoittenirtoutelanuit.– Je neme fais pas de souci pour ça, je sais ce dont tu es capable, TyeeDarkridge… répliqué-je

provocanteenrepartantàl’assaut.

Ilm’arrêteetdenouveaumemaîtriseavecdouceurmaisrésolution.

–OK,laisse-moiformulerçaautrement,sourit-ilenmeposantsurlesofa.J’aienviedeprofiterdesheuresqu’ilnousresteavantleleverdusoleilpourtebaisercommejamaistun’asétébaisée.

Cesmotsme font l’effetd’unshoot.Une injectiondedésirpurqui se répandenquelquessecondesdansl’ensembledemesveines.Monsangdevientbouillonnant.Mapeaufrissonne,monventreestsaisid’un spasmeviolent. Jamais encore il nem’avait parlé avec une telle autorité. Je l’ai connu sauvage,affamé,animal,brusquesouvent,maisjamaisdominateur.Jecroisquej’aimeça.

Non,j’ensuiscertaine.

Pour l’encourager à continuer, je ne bouge pas, n’ajoute rien ; je le regarde juste avec un airinquisiteur.

Quecomptes-tumefaire,Tyee?

Commepourrépondreàmaquestionsilencieuse,ilreculed’unpasetmedemande,d’unevoixgrave,profonde,sexyàencrever:

–Déshabille-toi.

Machinalement,jemehissesurlesgenouxetcommenceàenlevermarobe,maisilm’interromptd’unevoixferme.

–Ralentis,Nikkie.Jeveuxavoirletempsdemémoriserchacundetesgestes.Jeneveuxrienoublier.C’estunenuitimportantepourmoi.

–Pourquoiça?demandé-jed’unevoixenjôleuseetbrûlante.–Parcequejen’avaisjamaisdit«jet’aime»avantcesoir.Jamais.

Une émotion incroyable me submerge. Je ne pensais pas que pour Tyee, c’était une première.J’imaginaisque,mêmes’ilnes’étaitrienpasséentreeuxparrespectpourDeclan,ilavaitprononcécesmotsdansl’oreilledeCara,qu’illesavaitmêmerépétés.Etpuisj’imaginaisqu’envingt-deuxans,ilyavaitpeut-êtreeud’autresfemmesquiavaientcompté.Onn’ajamaisparlédenospassés,avecTyee–tropcompliqués,pourl’uncommepourl’autre;tropdouloureux.Demoncôté,ilyaeudeshommes,biensûr–ouplutôt,desgarçons.Quelquesorgasmes,presqueaccidentels.Uneoudeuxfoisoùj’aicruaimer,oùj’aidit«jet'aime»,sansyréfléchir,justepourmeraconterdeshistoiresettromperl’ennuidemavieordinaire.Etmevoilà,à22ans,faisantfaceaugrandamour,celuiquichangenonseulementvotrevie,quiscellevotredestin,maisquivoustransformeenprofondeur.

–Tyee, luidis-jeen le regardantdans lesyeuxalorsque j’attrapeunenouvelle fois l’ourletdemarobepourmedéshabillerlentement,commeilleveut,tulesais,quetuesmonpremieramour?

– Je préférerais surtout être le dernier, si ça te va, sourit-il alors que ses yeux dorés foncentlégèrementpourprendreleurteinteambréedeloup.

–Tupeuxavoirlesdeux,réponds-jeensoutenantsonregard.Avecmoi,tupeuxtoutavoir.

L’airdanslachambredevientélectriquealorsque,denouveauappuyéesurmesgenoux,jeretiremarobe.Letissuglissecontremapeau,commeunecaresse.Jelisseensuitemescheveuxetlesfaispassersurmon épaule, en regardantTyeed’un air timide.Comme je ne portais pas de soutien-gorge, je suissimplementencollantsetmesensparticulièrementexposée.

–Maintenant,tescollants,mecommandelemâleAlpha.

Obéissante, je fais rouler leWolford le long de mes hanches, jusqu’à mi-cuisse, puis allonge lesjambes,pointestenduesdevantmoipourfinirdel’ôter.

–Ilmerestemaculotte,remarqué-je,mutine.–Lève-toi,m’ordonneTyee.

J’obtempère.Le loups’avanceversmoi,desadémarcheà la foismajestueuseetanimale. Il fait letour de mon corps, l’admirant, sans le toucher. Il disparaît de mon champ de vision, réapparaît. Lesmomentsoùjenepeuxpaslevoir,jesenstoutdemêmesesyeuxposéssurmoi,quimedétaillent,etçasuffitàm’exciterfollement.

–Jenepensaispasqu’onpouvaitêtreàcepointaccroàunepersonne,àunepeau,lâche-t-ildansmondosd’unevoixrauquequimefaittremblerdedésir.

Il resurgit devantmoi et cette foisme touche, pudiquement, à l’épaule, du bout des doigts. Puis sapaume,plusaudacieuse,caressemonbuste,departenpart.Enfin,samaindescendversmapoitrine.Messeinssontfaitspoursemoulerdanssapaume,ilsontpilelabonnetaille.

–J’ail’impressionquejet’aisculptée,remarque-t-il,commes’illisaitdansmespensées.Quetuesfaitepourmoicommesijet’avaiscréée.

–Tul’asfait,d’unecertainemanière,réponds-jeenhaletant.– Pas exactement… sourit-il de manière énigmatique. Il y a une part de toi qui m’échappe

complètement.C’estaussiçaquimeplaît:quetutedonnesettedérobesenmêmetemps.

D’unemain,ilagrippemesfessesetmeplaquecontrelui.Jesuisaffreusementtroubléepartoutecettedéclaration.

–Tuesceluiquim’asauvée,Tyee, luidis-jeenpassantunbrasautourdesoncou,enécartantmesdoigtspourlesenfoncerdanssescheveux,enmerapprochantdeseslèvres.C’estpresquepareilquesitum’avaiscréée.

–Presque,oui,sourit-il.

Ilpassel’élastiquedemaculotte,décidé,etplongebrusquementsamainjusqu’àmonintimité.Deuxdoigtsécartentmeslèvresgonfléesdedésir,commegorgées,pourconstaterl’humiditédemonsexe.Matêtebasculeinstinctivementenarrière.JemeretiensàlanuquepuissantedeTyeepournepasbasculer.Jusqu’à ce contact brûlant, le désir était monté lentement, tout en tension, chargeant la pièce d’uneatmosphèrelourde.Sesdoigtssurmoi,c’est l’oragequiéclateenfinaprèsunejournéetorride,c’est lapluie qui vient soulager une terre surchauffée. Je gémis alors qu’il remonte le long dema fente pourcaresser mon clitoris, de cette façon experte qui n’appartient qu’à lui – d’abord doucement, tournantautourdecepetitboutondeplaisirpour fairegrimperma température,puis,quand ilmesentàpoint,titillantdirectementcerenflementdechairquicontrôletoutmoncorps.Jesuistellementexcitéequejeglapis,nuedanssesbras,alanguieetivredeplaisir.Jemelaissefaire,dominéeparsesgestesexperts.Ilretire sa main et passe son tee-shirt par-dessus sa tête pendant que je gémis, affamée, suppliante.Frénétiquement, je caresse ses épaules dorées et puissantes, ses pectoraux en béton. Il s’agenouille,emportantaupassagemaculotte,puisposesabouchesurmonsexequ’ilcommenceàembrasserdeseslèvressouples,avecsalanguequis’immiscedanschacundemesreplis,m’arrachantdesglapissementsdeplaisir.Afindem’ouvrirunpeuplus,ilfaitpassermajambepar-dessussonépaule.Jem’accrocheàses cheveux de toutesmes forces pour ne pas perdre l’équilibre. C’est incroyablement bon ! Je n’enrevienspas.Jegémiscommejamaisjen’avaisgémiavant.

Abandonnantmonintimité,Tyeeserelèveetm’emportedanssesbrasàlaforceherculéennejusqu’ausofa,oùilmejetteavecuneabsencedeménagementquimeparaîtincroyablementérotique.

–Continue,exige-t-il.Caresse-toi.

Déchaînée,j’obéissansréfléchir.Ilpassequantàluisamainsurlabossedesonentrejambe,visiblemalgrél’épaisseurdujean,puisdéfaitlaboucledesaceinture,leboutondesabraguette.Jesuisencoreentraindemetoucher,unemainsurmonsexeetl’autresurmonsein,quandilenlèvesonjeanpuissonboxernoir.Sonmembrejaillit,puissant,bandé,appétissant.Ilcommenceàlecaresserenmeregardantl’air aussi affaméquemoi.N’y tenantplus, jeglisseducanapéet avanceen rampantvers luipour le

prendredansmabouche.Aumomentoù,àgenouxdevantcedieuvivant,jel’enfonceenmoi,ilpousseunsoupirdesoulagementprofondpuism’attrapeparlescheveuxpourallerplusloinencore.Jesavouresongoût,discretetdélicieux.Nouscommençonsàallerlentementàlarencontrel’undel’autre.Tyeegémitavecunetelleintensitéqueçamerenddingue.Jelèvelesyeuxversluipournerienraterduspectacledece superbe colosse quime domine de toute sa hauteur et qui pourtant est àmamerci. Il va et vient,soupirantcommec’estbon,soupirantcommeilm’aime,exhalantqu’ilnepeutpassepasserdemoi.Jemesensincroyablementpuissante,mêmeàgenouxdevantlui.Parmoments,jepassemamainentremescuissespourconstatercommejesuismouillée.Jeluiretireparfoismabouche,letempsdereprendremonsouffle, et continue à caresser sa peau douce comme du velours avecma paume humide.Mes doigtsresserréssurluil’électrisent,maispasautantquemalanguequitourneautourdesongland.Ilprenduntelpiedqu’iln’essayemêmepasdese retenir.Encriantmonnomavecunesensualitédévastatrice, ilmedonnecedont jecrevaisd’envie :sa jouissancedansmabouche,que j’accueilleavecunsentimentdefiertéincroyable.

Jesuisbienentenduexcitéequandjemerelève.Jem’attendsnéanmoinsàcequ’ilmeprennedanssesbras,àcequ’onfasseunpetitbreak…MaisTyeemeplaquedosà luietcommenceà joueravecmesseins,lesmalaxant,lespressant,lessoupesant.Mestétonspincésentresonpouceetsonindexsontdurs,incroyablement sensibles sansêtredouloureux. Instinctivement, je tendsmacroupevers lui alorsqu’ilglissedenouveausamaindansmafente,mepénétrantcettefoisdedeuxdoigts.Ilcommenceàmedonnerduplaisiralorsquejegémis–encore,encoremonamour–,eteneffetilm’endonneencore,plusmêmelorsqu’ilplacesonautremaincontremonclitoris,qu’ilstimulejusqu’àcequemavoixnesoitplusqu’unlonggémissementtremblé.Jechavirecomplètementdanssesbras,aupointdenepasmerendrecomptequesonsexecontremesfessesestdéjàduretdenouveauprêtàmesatisfaire.

–Commenttuveuxquejeteprenne?grogne-t-ilàmonoreille.–Brutalement,haleté-je.

Je n’en reviens pas de ma réponse mais c’est pourtant la vérité. Je ressens en moi une puissantepulsionvitalequimedonneenviedefairetremblerlesmursdecettesuite,delaisserlibrecoursàmesinstincts.Commesi,aucontactdeTyee,jedécouvraismoiaussimapartanimale.

Réagissantàmademande,Tyeeavanceenmepoussantjusqu’àl’autreboutdelapièceetmeplaquecontrelemur.Ilestcollécontremondos,nu,ethumeavecaviditémonodeur.

–Écartelesjambes,m’intime-t-ilensuite.

J’obéis.Ilm’attrapeparlatailleetm’attireverslui.Jeprendsappuisurlemur,cambrée,penchée.Ilme pénètre par-derrière, sansménagement,mais aussi sans difficulté tant je suis ouverte et prête à lerecevoir.Sonpremiercoupdereinsm’arracheunlongcridesatisfaction.Ilresteunmomentaucreuxdemoi,leplusprofondémentpossible,enhaletantàmonoreille.Jesenssoncœurcognerpresqueaussivitequelemien.Puisilcommenceàmeprendre.Ilmeconquiertcentimètreparcentimètre,coupparcoup,meremplissantdesavirilitéahurissantequiattisemondésiretlesoulageàlafois.Jesuisdéchaînée,jeressensuneviolencequejen’avaisjamaisconnue,queseulsonmembreréussitàapaiserquand,aucreuxdemoi, ilmemurmurequec’estbon,queçan’a jamais été aussibon,qu’il estdinguedemoi. Je luiréponds moi aussi des mots d’amour et des paroles terriblement crues, complètement dépassée parl’intensitéduplaisirquejeprendsàmefairebaisercommeça.Ilseretire,revient;chaquepousséeme

chavireunpeuplus.Cen’estpasseulementmonsexequiirradiedeplaisir:c’esttoutmoncorpsquiestélectrisé.Etlorsquel’orgasmeexplose,commeuneforcesupérieureetmystique,c’estdechaquefibredemon corps qu’il s’empare. Jem’entends hurler le nomdeTyee, une fois, deux fois, jusqu’à perdre lecomptedescrisetdessecondes.Jemelaisseemporter,sansavoirplusconsciencederienàpartquejesuisvivante,diablementvivante,etqueplusjamaisjeneveuxmesentirautrement.Lorsqu’ilmerejointdansl’extase,déversantsasève,jepousseunsoupirdereconnaissance.Toutcequej’aitoujoursvouluestlà.Toutcequej’aitoujoursvoulu,c’estsapeau,c’estlui,c’estsavieaucreuxdemoi.Etensemble,emboîtés,nousnouslaissonsdériver…

6.Letueurdel’Interstate10

–Jen’arrivepasàcroirequelesoleilsoitdéjàentraindeselever,chuchoteTyeealorsquejesuisdanssesbras.

–Mmmm,réponds-jeavecunsourireextatique,moijen’aiaucunmalàlecroire.Tum’asépuisée.– Tu es certaine que tu ne veux pas… ? propose-t-il en faisant descendre sa main jusqu’à mon

entrejambe.–Tun’espashumain,réponds-jeenriant.–Ah?Tuasremarqué?semoque-t-il.– Je n’enpeuxplus ! plaidé-je en l’embrassant. Il faut que je dorme !LaSamhain est terminée, la

superlunes’estcouchée,l’Altamaraadisparu…Tantquejen’utilisepaslamagie,jenerisquerienpourl’instant.

–Tuasraison,admet-ilenmeserrantdanssesbrasfortsetprotecteurs.Tuasbesoinderepos.

Ilserelève,vatirerlesrideaux,puisrevients’étendrecontremoi,enmoulantsoncorpspuissantaumien.Jepousseunsoupird’aiseetmelaissedériver…Quandsoudain,dansunétatdesemi-sommeil,quelquechosemerevientsubitement.Enétouffantuncri,jemeredresse.

–Nikkie?s’inquièteTyee.Nikkie,qu’est-cequ’ilsepasse?–Rien,réponds-jeunpeuperdueensecouantlatête.Ouplutôt:si.Quelquechosevientdemerevenir.

ÀproposdurêvedeCara.–Quoi?demandeTyeeenseredressant.–Declanétaitlàetil…ilavaitsesmainsautourdemoncou,dis-jeenjoignantlegesteàlaparole.Il

disaitquejel’avais…quejel’avaispousséàperdrelecontrôle.Àtuer.

Toutmerevientdeplusenplusclairementàmesurequejeluiraconte.

–Dans le rêvedeCara…Declan confessait lesmeurtres de ces trois jeunes trouvés dans les boisdepuisdébutseptembre!

–Comment?mefaitrépéterTyee.

Ilnevajamaismecroire.Biensûrqu’ilnevajamaismecroire.

Malgrétoutcequil’opposeàDeclan,c’estunmembredelameute–contrairementàmoi.

–Jesaisqueçateparaîtfou,plaidé-je,quec’esttonplusvieilamietquecen’étaitquelasubjectivitédeCaraquiparlait,mais…

–Nikkie,m’interromptTyee,avantqueje l’assomme,CaraaditquelquechoseàproposdeDeclanquiauraittuéLesterBoydilyavingt-deuxans.Surlemoment,j’aicruqu’ils’agissaitencored’unedesestentativesdemanipulation,maissimêmesonsubconscientsereprésenteDeclancommeunassassin,c’estqu’elleycroitvraiment.Etsielleycroitàcepoint,c’estpeut-êtreparceque…

–…parcequ’elle saitdeschosesqu’on ignore,dis-jeencomplétant saphraseet en sortantdu lit.

Vite,iln’yapasuninstantàperdre!

Jecommenceàenfilermesfringues.Tyeesortàsontourd’entrelesdrapsetmedemande:

–Qu’est-cequetufais?–Si jamaisCaraaditvrai,expliqué-jeenattrapantmescollants,plusriennipersonneàRiverside

Creekn’estàl’abri.Nileshabitants,nilesRustles,nilesfondateurs…–…nilameute,conclutTyeeavecuneexpressiongrave.

Jeresteunmomentpétrifiée.Est-ilpossibleque,toutcetemps,DeclanaitétéuncomplicedeCara?Etsioui,jusqu’oùsera-t-ilprêtàallerpourramenercellequ’ilaimait?

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Égalementdisponible:

Sea,sexandYou

LéodevaitjustepassersonétéàservirdescocktailsauxplusbeauxmecsdeSouthBeach,Miami.Ilnes’attendaitpasàrencontrerJake,cericheNew-Yorkaisaussifascinantquedétestable…etencoremoinsàdécouvrirquec’estchezluiqu’ilesthébergé!Charmantetpleindevie,iln’étaitpaspréparéàcetouragandesentimentsquilesubmerge,niàseretrouverbienmalgréluiaucentred’unerivalitéimpitoyableentreJakeetsonex,deuxhommesaussiirrésistiblesquepuissants.

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Août2016

ISBN9791025732601