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Débat thématique II : L'inclusion par l'agriculture Débat thématique II: L'inclusion par l'agriculture 1 Banque africaine de développement (2018), Nourrir l’Afrique : La voie vers la transforma- tion agricole en Afrique (Le Top 5) L 'agriculture est le secteur prédominant de la plupart des économies africaines : 60% de la population la plus active y est engagée. L'Afrique possède 65%des terres arables non cultivées du monde 1 ;et dispose d'eau douce en abondance. Pourtant, chaque année, ce continent dépense beaucoup trop pour les importations alimentaires - environ 35 milliards de dollars américains. Si rien n'est fait, ce chiffre devrait aeindre 110 milliards de dollars d'ici 2025. Au cours d'un après-midi animé d'échanges d'idées, de connaissances et d'expertise, deux groupes d'experts et de praticiens ont discuté sur le rôle des chaînes de valeur agricoles dans la création de la sécurité alimentaire, l'amélioration de la nutrition, la relance des économies par l'agro-industrie, et se sont penchés sur l'importance de l'inclusion sociale, particulièrement l'intégration du genre. Débat I : Défis et opportunités pour les chaînes de valeur agricoles en Afrique Modérateur : Patrick Zimpita, Administrateur, BAD Discours d’ouverture : Nutrition et inclusion - Une approche multisectorielle, Wambui Gichuri, Directeur, Eau et assainissement, BAD Présentation : L'appui de la BAD au développement des chaînes de valeur agricoles, Girma Kumbi, Chargé principal d'évaluation, Évaluation indépendante du développement, BAD Panel : Les chaînes de valeur agricoles en Afrique - défis et opportunités Koffi Amegbeto, Chargé principal des politiques, Bureau régional pour l'Afrique, FAO Fabrizio Felloni, Directeur adjoint, Bureau indépendant de l'évaluation, FIDA Kodjo Kondo, Chargé de programme, Suivi et évaluation, AGRA 3 Jour Vendredi 7 Septembre 2018

: L'inclusion par l'agriculture Débat thématique IIidev.afdb.org/sites/default/files/documents/files/L... · 2019-09-17 · et stimule les PME produisant des aliments sains et nutritifs

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Débat thématique II: L'inclusion par l'agriculture

1 Banque africaine de développement (2018), Nourrir l’Afrique : La voie vers la transforma-tion agricole en Afrique (Le Top 5)

L'agriculture est le secteur prédominant de la plupart des économies africaines : 60% de la population la plus active y est engagée. L'Afrique possède 65%des terres arables non cultivées du monde1;et dispose d'eau douce en abondance. Pourtant, chaque année, ce continent dépense beaucoup

trop pour les importations alimentaires - environ 35 milliards de dollars américains. Si rien n'est fait, ce chiffre devrait atteindre 110 milliards de dollars d'ici 2025.

Au cours d'un après-midi animé d'échanges d'idées, de connaissances et d'expertise, deux groupes d'experts et de praticiens ont discuté sur le rôle des chaînes de valeur agricoles dans la création de la sécurité alimentaire, l'amélioration de la nutrition, la relance des économies par l'agro-industrie, et se sont penchés sur l'importance de l'inclusion sociale, particulièrement l'intégration du genre.

Débat I : Défis et opportunités pour les chaînes de valeur agricoles en Afrique

Modérateur : Patrick Zimpita, Administrateur, BAD

Discours d’ouverture : Nutrition et inclusion - Une approche multisectorielle, Wambui Gichuri, Directeur, Eau et assainissement, BAD

Présentation : L'appui de la BAD au développement des chaînes de valeur agricoles, Girma Kumbi, Chargé principal d'évaluation, Évaluation indépendante du développement, BAD

Panel : Les chaînes de valeur agricoles en Afrique - défis et opportunités

❚ Koffi Amegbeto, Chargé principal des politiques, Bureau régional pour l'Afrique, FAO

❚ Fabrizio Felloni, Directeur adjoint, Bureau indépendant de l'évaluation, FIDA

❚ Kodjo Kondo, Chargé de programme, Suivi et évaluation, AGRA

3Jour Vendredi 7 Septembre 2018

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Discours d’ouverture : Nutrition et inclusion - Une approche multisectorielle

La nutrition n'est pas uniquement la clé d'une bonne santé ou d'une économie forte pour l’Afrique, c'est aussi un droit humain fondamental. En dépit d'un engagement et d'un leadership élevés, les progrès pour atteindre les niveaux recommandés de nutrition ont été lents en Afrique. Si l'on examine les progrès réalisés dans les différentes régions, l'Asie2 et l'Amérique latine ont enregistré des baisses significatives dans les retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans entre 2000 et 2016 - respectivement 36% et 44%. En Afrique, la proportion de retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans au cours de la même période a augmenté de 17%. Pourquoi ? Il s'avère qu'en Amérique latine et en Asie, il a fallu un leadership fort (ce que nous avons), des programmes multisectoriels bien planifiés et des ressources.

Pourquoi la nutrition est-elle importante ? C'est parce qu'elle constitue un énorme défi, mais aussi une opportunité pour l'action et le développement durable en Afrique. Elle est importante parce qu'elle est essentielle à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), essentielle à la réduction de la pauvreté et à la croissance inclusive, et parce que la malnutrition est responsable d'une perte de 11% du produit intérieur brut (PIB) en Afrique. Une perte de 1 % de la taille adulte due au retard de croissance de l'enfant est associée à une perte de productivité de 1,4 %. C'est crucial parce qu’avec des enfants atteints d’un retard de croissance aujourd'hui, nos économies ne pourront pas être compétitives à l'avenir.

La bonne nouvelle, c'est que le rapport avantages-coûts de l'investissement dans la nutrition est très élevé : autour de 16:13. Les ressources et les programmes doivent être une priorité. Il est nécessaire de privilégier les ressources et les programmes. Cet

2 Le Japon exclu.

3 Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), 2015.

appel cadre très bien avec les stratégies déterminantes de la Banque africaine de développement, notamment la Stratégie décennale et les domaines prioritaires du "Top-5 ", en particulier les stratégies Nourrir l’Afrique et Améliorer la qualité de vie des populations en Afrique. Une meilleure nutrition améliorerait la santé physique et le développement cognitif, les résultats scolaires et la productivité.

Examinons les différents facteurs qui affectent l'état nutritionnel des enfants : il y en a plusieurs, comme l'apport alimentaire inadéquat et l'exposition aux maladies et aux affections connexes, qui sont principalement traitées dans le secteur de la santé. Viennent ensuite les causes sous-jacentes, celles qui ont trait à la sécurité alimentaire des ménages, aux pratiques de soins maternels et infantiles et à l'environnement sanitaire. C'est là que l'on commence à voir le rôle de multiples secteurs tels que l'agriculture, l'approvisionnement en eau, l'assainissement et l'hygiène, la protection sociale, l'éducation, le genre, l'environnement, ainsi que les contextes d'urgence et de fragilité. Il est donc nécessaire d'adopter une approche multisectorielle, qui contribuera non seulement à améliorer la nutrition, mais aussi à renforcer l'inclusion.

Avec des enfants atteints d’un retard de croissance aujourd'hui, nos économies ne pourront pas être compétitives à l'avenir.Wambui Gichuri, Directeur, Eau et assainissement, Banque africaine de développement (BAD), au nom de Jennifer Blanke, Vice-présidente, Agriculture, développement humain et social

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2018

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Engagement ferme et leadership adéquat en vue de réduire la malnutrition, mais peu de progrès au cours des deux dernières décennies :

En 2017

Opportunité d'action et d'investissement dans le développement durable

❚ Une bonne nutrition est indispensable pour la réalisation des ODD et essentielle à la croissance inclusive et la réduction de la pauvreté.

❚ La malnutrition est responsable d'une perte de 11% de PIB en Afrique (IFPRI, 2016). ❚ Une perte de 1 % de taille adulte en raison du retard de croissance chez les enfants va de pair avec une perte de 1,4 % de la productivité.

❚ L'intensification des interventions en matière de nutrition dans les pays à revenu faible et moyen a un rapport avantages-coûts de 16:1 (IFPRI, 2015).

La lutte contre la malnutrition est importante au regard de plusieurs priorités stratégiques de la BAD

❚ Réalisation d'une croissance inclusive et verte : Stratégie de la BAD pour la période 2013-2022. ❚ Réduction de la pauvreté : Stratégie pour le développement du capital humain en Afrique 2014-2018. ❚ Renforcement de l'agriculture et la sécurité alimentaire : Stratégie Nourrir l'Afrique.

La nutrition et le Top 5

Éclairer l’Afrique et l’alimenter en

énergie

Établit et maintient des valeurs nutritives et sûres au sein des chaînes de valeur

agricoles.

Nourrir l’Afrique

Vise à éradiquer la faim et la malnutrition.

Industrialiser l’Afrique

Crée des emplois et stimule les PME

produisant des aliments sains et

nutritifs.

Intégrer l’Afrique

Contribue à une nutrition et des systèmes alimentaires améliorés.

Améliorer la qualité de vie

Essentiel au renforcement de

l'infrastructure de la matière grise.

59 millions d'enfants atteints d'un retard de

croissance en Afrique, soit une augmentation de 17% par

rapport à 2000

10 millions d'enfants en surpoids,

soit 48 % de plus qu’en 2000

14 millions d'enfants souffrant d'émaciation,

signe d'une malnutrition aiguë

Sources : [Top 3 de l'infographie] Replacer la nutrition au cœur du développement : Une stratégie d’intervention à grande échelle. Washington DC : Banque mon-diale ; 2006 (http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/218511469672156377/pdf/347750FRENCH0R101OFFICIAL0USE0ONLY1.pdf).« Une perte de 1 % de la taille adulte due au retard de croissance de l'enfant est associée à une perte de productivité de 1,4 % » OMS/UNICEF/Groupe de la Banque mondiale 2017.

Débat thématique II : L'inclusion par l'agriculture54

eVALUation Matters Troisième trimestre 2018

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Le développement se produit lorsque les secteurs travaillent ensemble. Par exemple : l'eau doit figurer davantage en tant que secteur dans l'agriculture. Avec un stockage par habitant très faible, l'Afrique est le deuxième continent le plus sec du monde. Que ce soit à travers des infrastructures ou des corps naturels tels que des zones humides qui peuvent aussi conserver de l’eau, le stockage est ce qui peut nous aider à traverser une sécheresse. Nous devons aussi développer sérieusement nos eaux souterraines pour l'irrigation et à d'autres fins. Nous n'atteindrons pas nos objectifs agricoles si nous ne gérons pas l’eau différemment.

Nous connaissons aujourd'hui des inondations et des sécheresses récurrentes qui détruisent nos produits et nos

infrastructures. De ce fait, la Banque développe des infrastructures résistantes. Mais pour ce qui est de la fragilité, on se focalise sur le court terme. Nous devons examiner les conséquences à court terme, mais nous ne devons pas perdre de vue les impacts à long terme, en particulier la fragilité sociale. Nous devons donc tenir compte du changement climatique dans tout ce que nous faisons. De même, nous ne devons pas nous contenter de cocher des cases, mais nous devons intégrer la dimension genre. Ce n'est pas facile, mais continuons d'en parler. Aujourd'hui, dans nos institutions, il y a plus d'hommes que de femmes à des postes à responsabilités. Ce sont les hommes qui doivent s'assurer que les femmes soient incluses. Nous devons donc travailler ensemble, hommes et femmes.

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Présentation : L’appui de la Banque au développement de chaînes de valeur agricoles

Girma Kumbi , Chargé principal d’évaluation, Évaluation indépendante du développement, BAD

En 2017, l’Évaluation indépendante du développement (IDEV) a évalué le soutien de la Banque africaine de développement (BAD ou «la Banque») au développement des chaînes de valeur agricoles (DCVA). L’exercice comprenait à la fois une évaluation groupée de projets et une évaluation thématique.

L’évaluation thématique a évalué le portefeuille agricole de la Banque au cours de la période 2005–2016, qui s’élevait à environ 3,1 milliards d’UC (4,2 milliards d’USD). Elle fournit des recommandations pour renforcer l’approche globale de la Banque vis-à-vis du DCVA pour sa stratégie «Nourrir l’Afrique», visant à transformer l’agriculture en Afrique. L’évaluation

groupée de projets, quant à elle, est axée sur les projets et fournit des conclusions et enseignements clés tirés de neuf études de cas susceptibles d’éclairer la conception et la mise en œuvre des interventions de DCVA.

9 rapports d'études de cas ont formé l'évaluation groupée

MarocBlé

RD CongoViande

ZambieNoix de cajou

MozambiqueRiz

RwandaLait

KenyaTomate

OugandaPoisson

LiberiaManioc

Côte d’IvoireCacao

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IDEV

Évaluation indépendante du développementBanque africaine de développement

De l’expérience à la connaissance... De la connaissance à l’action... De l’action à l’impact

Mars 2018

Renforcer les chaînes de valeur agricoles

pour nourrir l’Afrique Résumé analytique

L’évaluation groupée de projets

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2018

Débat thématique II : L'inclusion par l'agriculture

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Les constatations de l’évaluation groupée de projets

Pertinence : Les études de cas ont été très pertinentes pour les pays membres et en harmonie avec les stratégies de la Banque, ainsi que les besoins de la population cible. Cependant, l’analyse et la conception des approches de DCVA ont montré plusieurs limites.Efficacité : Les interventions de la Banque en matière de chaîne de valeur font généralement montre d’efficacité par rapport aux objectifs déclarés de hausse de la production et d’amélioration de l’accès physique aux marchés; mais, elles manquent de cohérence pour ce qui concerne les résultats globaux de DCVA. Inclusivité : Dans toutes les études de cas, les interventions de DCVA ont intégré dans leur conception certains éléments visant à améliorer l’inclusivité, mais, dans la réalité, la répartition équitable des avantages n’a pas été effective. Durabilité : La durabilité des avantages procurés par les interventions de DCVA est difficile à évaluer et reçoit peu d’attention du stade de conception à la stratégie de sortie. Dans l’ensemble, la durabilité des résultats des investissements est jugée improbable, faute de planification des mécanismes institutionnels de nature à soutenir les opérations en cours au-delà de la période d’exécution du projet.

Enseignements tirés de l’évaluation groupée de projets

L’intérêt que la Banque porte au DCVA est naissant et n’est pas encore parvenu à maturité. Les études de cas démontrent les possibilités considérables qui existent de renforcer la démarche de DCVA dans les stratégies et opérations de la Banque. Les enseignements tirés de l’évaluation pourraient contribuer à guider et consolider ce processus.

L’analyse exhaustive du DCVA à la conception du projet et son adaptation ultérieure durant l’exécution revêtent une importance capitale.

Enseignement 1 : Une analyse insuffisante dans la conception des projets relatifs au DCVA compromet l’atteinte des effets et de l’impact, tandis qu’une analyse exhaustive de la chaîne de valeur guide la mise en œuvre et la réactivité aux changements survenant dans les marchés et les contextes.

Il est crucial de se soucier de la rentabilité tout au long de la chaîne de valeur.

Enseignement 2 : Les interventions de DCVA fortement axées sur la hausse de la production de produits de base sans se préoccuper suffisamment de l’efficience du système de production et de la chaîne de valeur dans son ensemble subiront des pertes financières et économiques nettes.

Portée et échelle appropriées.

Enseignement 3 : Des interventions de DCVA efficaces nécessitent une planification réaliste tenant compte de la pertinence du champ d’action en termes de temps requis pour permettre la maturation des activités, les acteurs de la chaîne de valeur retenus pour le soutien, l’échelle des activités répondant à la demande du marché et un échelonnement des activités.

Assurer l’inclusivité dans le DCVA.

Enseignement 4 : Des efforts soutenus, concertés et ciblés à toutes les étapes de la conception et de la mise en œuvre du DCVA sont essentiels pour assurer l’inclusivité. Des processus facilitant la participation et des mécanismes assurant le partage équitable des avantages favorisent une inclusion significative.

Soutenir les avantages des interventions de DCVA.

Enseignement 5 : La durabilité des avantages des interventions de DCVA passe par un train de mesures d’accompagnement exhaustif, faisant appel au partenariat avec le secteur privé, les pouvoirs publics et d’autres acteurs du développement.

L’Évaluation thématique

L’évaluation est fondée sur la théorie et met l’accent sur l’apprentissage. Elle adopte une approche non

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traditionnelle en ce sens qu’elle n’évalue pas des investissements ou des opérations spécifiques, mais vise plutôt à comprendre comment les opérations de la Banque ont appliqué la théorie du changement de l’AVCD dans des contextes différents. Elle dégage les enseignements clés et propose des recommandations pour aider la Banque à effectuer sa programmation future.

Les conclusions de la présente évaluation ont été obtenues en triangulant des informations de multiples sources de données probantes issues d’une série de documents de fond :

Les constatations de l'évaluation thématique :

L’évaluation thématique a examiné la question «La Banque a-t-elle appliqué des normes de bonnes pratiques en matière de DCVA?»

En somme, l’évaluation thématique a révélé que :

❚ L a p l u pa r t d e s p r i n c i p e s f o n d a m e n t a u x d e l ’ AV C D sont évidents dans toutes les interventions de la Banque dans une certaine mesure. Cependant, il conviendra de les renforcer tous afin d’obtenir les résultats attendus de la stratégie « Nourrir l’Afrique », grâce à une approche de DCVA.

❚ Même si les stratégies de la Banque ont mis en évidence une volonté générale d’inclusivité dans le DCVA, elles sont largement motivées par les pressions exercées pour atteindre des quotas de jeunes et de femmes dans les interventions relatives aux projets.

❚ S’agissant des catalyseurs clés pour le DCVA, l’évaluation montre que l’appui le plus efficace se rapporte aux infrastructures et à leur financement approprié lorsqu’elles ont été soutenues.

❚ La durabilité est incertaine, avec une appropriation insuffisante et une fonctionnalité limitée des installations réalisées constituant des entraves à la durabilité.

Recommandations de l'évaluation thématique

L’évaluation propose six recommandations globales, étayées par des actions indica-tives, visant à renforcer l’approche de la Banque en matière de DCVA dans le cadre de la Stratégie «Nourrir l’Afrique».

1. Développer une approche cohérente et homogène de l’AVCD dans

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IDEV

Appui de la Banque africaine de développement

au développement des chaînes de valeur agricoles :

Enseignements pour la stratégie « Nourrir l’Afrique »

Rapport de synthèse

Mars 2018

1 revue de littérature

1 revue du portefeuille

1 revue des politiques et des stratégies

9 études de cas pays

Interviews d’informateurs clés (ceux-ci sont inclus dans les études de cas et les examens des politiques et des stratégies.)

Débat thématique II : L'inclusion par l'agriculture 59

eVALUation Matters Troisième trimestre 2018

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l’ensemble des opérations de la Banque. Les principes fondamentaux et les catalyseurs proposés par l’évaluation peuvent être considérés comme un point de départ. Il convient à cet égard de faire appel à tous les départements de la Banque qui contribuent à appuyer l’ACVD, et d’avoir une vision claire de la manière dont s’effectuera l’intégration au niveau régional et national dans le contexte de chaînes de valeur spécifiques.

2. Renforcer les capacités d’analyse et de mise en œuvre de l’AVCD. Il importera de prévoir, dans les budgets des programmes et projets, suffisamment de ressources au début de la mise en œuvre pour effectuer l’analyse nécessaire. Au minimum, ces ressources devraient permettre de financer les besoins en matière de gestion des systèmes agricoles, les besoins liés à la production technique en vue de l’innovation et de l’ajout de valeur, l’évaluation du marché et l’analyse participative des parties prenantes.

3. Concentrer les interventions relatives à l’AVCD sur l’ajout de valeur et la création d’un impact durable. Les interventions doivent apporter une valeur ajoutée à la production de base grâce, entre autres, aux avancées technologiques en matière de traitement après récolte, à la réduction du gaspillage, à un prix plus avantageux lors de l’achat d’intrants ou de la vente, et à des circuits de consolidation et de distribution plus efficaces.

4. Travailler avec des partenaires, en particulier ceux du secteur privé, à renforcer les approches stratégiques et opérationnelles de l’AVCD. Pour ce faire, il sera nécessaire d’identifier de nouveaux partenaires potentiels et de consolider les approches de gestion des partenariats dans les interventions relatives à l'AVCD de la Banque. Les interventions liées à la politique requerront des partenariats stratégiques solides, noués souvent avec d’autres partenaires au développement

majeurs, pour renforcer l’influence régionale en faveur du changement.

5. Engager des actions positives pour assurer l’inclusivité. L’inclusivité est déjà bien couverte dans les documents de politique et de conception, mais il faut faire davantage pour s’assurer qu’elle produit un impact pour les populations cibles. La Banque doit élaborer une approche globale de l’inclusivité qui reflète une connaissance approfondie des relations de pouvoir, du cadre de négociation et de la situation sociale des groupes vulnérables, et appuyer leur inclusion tout au long de la chaîne de valeur. La Banque doit élaborer une approche globale de l’inclusivité en examinant non seulement la situation et le rôle des populations vulnérables tout au long de la chaîne de valeur, mais aussi leur capacité à accéder aux actifs productifs (eau, capital, connaissances et terres), leurs stratégies de gestion du risque, leur niveau d’alphabétisation, leur capacité à être formellement représentées et les normes sociales auxquelles elles sont confrontées dans leurs communautés et leurs ménages.

6. Renforcer le dialogue sur les politiques pour créer un environnement plus favorable à l’AVCD. Cela implique non seulement l’établissement d’un dialogue sur les politiques avec les autorités nationales, mais aussi l’intégration d’autres parties prenantes à la chaîne de valeur dans l’AVCD. Il convient d’aller bien au-delà de la production et d’élaborer, selon une approche globale, de meilleures politiques sectorielles englobant le régime foncier, les services d’appui, les systèmes de connaissances, le renforcement des capacités, la consolidation des organisations d’agriculteurs, la coordination des acteurs le long de la chaîne de valeur, la mise en place d’un cadre pour aider les producteurs à satisfaire aux normes de qualité, ou l’appui à la création de conditions équitables en vue du développement de l’agriculture sous contrat.

Débat thématique II : L'inclusion par l'agriculture60

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Discussion de groupe : Les chaînes de valeur agricoles en Afrique - défis et opportunités

La première des deux discussions a porté sur les défis et les opportunités des chaînes de valeur agricoles en Afrique en ce qui concerne - entre autres - l'échelle des opérations, le niveau et la nature de la coordination, le statut des dispositions institutionnelles, les capacités financières et techniques, l’impact du changement climatique, les conditions politiques et socio-économiques, la force des réseaux commerciaux, la stabilité et la sécurité, la qualité de la participation des intervenants et surtout, le niveau d'inclusion.

Les panélistes ont parlé chacun de la façon dont leurs institutions respectives abordent les défis et les opportunités face au développement des chaînes de valeur agricoles. Assurer l'inclusion a été considéré par le panel comme l'un des plus grands défis, tandis que certaines interventions de l'auditoire ont attiré l'attention sur les mesures nécessaires pour développer les chaînes de valeur agricoles à la lumière des effets du changement climatique.

Le modérateur, Patrick Zimpita , administrateur de la BAD, a posé des questions à chaque panéliste.

Koffi Amegbeto, Chargé principal des politiques, Bureau régional pour l'Afrique, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)

QUESTION : Dans quelle mesure les pays africains ont-ils utilisé les chaînes de valeur agricoles pour fabriquer des produits et services à valeur ajoutée susceptibles d'améliorer la production et la participation aux marchés ? Quels défis ont-ils eu à relever ?

Le développement de l'agro-industrie est important pour atteindre un certain nombre d'objectifs de développement durable tels que l'éradication de la pauvreté, l'élimination de la faim et de la malnutrition, l'agriculture durable, l'industrialisation, l'innovation, la production et la consommation durables, pour n'en citer que quelques-uns. Outre son rôle important dans la réduction de la pauvreté, le développement de la chaîne de valeur agro-alimentaire est d'une grande importance stratégique pour soutenir les systèmes alimentaires résistants nécessaires pour une alimentation saine.

Les efforts de l'Afrique en matière de développement des chaînes de valeur agricoles sont très limités par rapport aux besoins du continent. Dans de nombreux cas,

les politiques sont inefficaces et le système de réglementation inadéquat. Certains gouvernements n'ont pas toujours la bonne perception des rôles des secteurs public et privé dans le développement des chaînes de valeur agricoles. Ce sont là quelques-uns des facteurs qui empêchent les chaînes de valeur agricoles de stimuler la croissance économique sur le continent.

Outre son rôle important dans la réduction de la pauvreté, le développement de la chaîne de valeur agro-alimentaire est d'une grande importance stratégique pour soutenir les systèmes alimentaires résistants nécessaires pour des régimes alimentaires sains.

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Fabrizio Felloni, Directeur adjoint, Bureau indépendant de l'évaluation, Fonds international de développement agricole (FIDA)

QUESTION : Dans quelle mesure les gouvernements africains sont-ils prêts à développer des chaînes de valeur agricoles susceptibles de répondre aux exigences des sociétés modernes ?

Il y a d'abord un défi structurel : de nouvelles politiques, de meilleures politiques, des politiques commerciales, des politiques nécessaires pour un fonctionnement plus efficace des entreprises publiques, y compris le paiement de prix plus appropriés aux petits producteurs.

L'autre défi est la capacité des gouvernements à développer et à gérer des chaînes de valeur agricoles. Les chaînes de valeur impliquent plusieurs types de partenaires. Il n'y a pas que les producteurs, il y a aussi les transformateurs, ceux qui travaillent dans le transport, les regroupeurs, ceux qui s’occupent de l'emballage et les exportateurs. Un grand nombre d'acteurs interviennent. Il est urgent de renforcer les capacités en matière de développement des chaînes de valeur agricoles et de permettre aux acteurs de collaborer efficacement en vue de rendre ces chaînes plus rentables.

Le troisième défi concerne le secteur privé. Bon nombre des acteurs appartiennent

au secteur privé. Nous constatons que le personnel des organismes publics est composé de spécialistes techniques compétents et bien préparés, mais dont très peu ont travaillé sur des chaînes de valeur agricoles. Lorsque nous examinons des éléments aussi essentiels à leur développement que la rentabilité, nous constatons des lacunes dans la capacité de préparer des dossiers suffisamment solides pour convaincre le secteur privé d'y participer.

Ces lacunes n’existent pas qu’au niveau des administrations, mais aussi au sein de nos organisations. Par exemple, nous travaillons certes dans le secteur agricole, mais nous nous intéressons surtout à l'amélioration de la

Nous qui œuvrons au sein des organisations avons aussi besoin d'un peu de renforcement des capacités pour mieux concevoir et mieux soutenir la mise en œuvre des projets de nos homologues nationaux.

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Débat thématique II : L'inclusion par l'agriculture 63

eVALUation Matters Troisième trimestre 2018

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production, à l'augmentation du rendement des nouvelles variétés ou à l'augmentation des rendements par l'irrigation. Cependant, beaucoup d'entre nous n'ont pas d'expérience de travail avec le secteur privé.

Au sein de nos organisations, nous avons également besoin d'un peu de

renforcement des capacités pour mieux concevoir et mieux soutenir la mise en œuvre des projets des homologues nationaux. Le développement des chaînes de valeur agricoles est tout à fait nouveau pour la Banque africaine de développement, d’où la nécessité d’une mobilisation, d’un investissement et d’un engagement à long terme.

Kodjo Kondo, Chargée de programme, Suivi et évaluation, Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA)

QUESTION : Bien que plus de la moitié de la population africaine travaille dans l'agriculture, le continent dépend encore énormément des importations d'aliments transformés, de même que du riz ou du blé. Pourquoi ce paradoxe et comment peut-on inverser cette tendance ?

Nous avons le plus grand nombre d'agriculteurs, mais nous dépendons beaucoup du blé, du riz ou du sucre importé pour satisfaire nos propres besoins de consommation. Pourquoi ? Dans une certaine mesure, nos systèmes de

production ont une faible productivité et manquent d'innovations appropriées,

Nous devons faire des réformes pour soutenir la consommation de produits locaux et promouvoir notre production locale. Nous devons revenir à ce que nous connaissons.

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de mécanisation et de variétés améliorées. Le taux d'épandage d'engrais en Afrique est parmi les plus faibles au monde. Nous avons raté l'occasion d'une révolution verte, que les pays asiatiques ont saisie.

Pourquoi avons-nous laissé passer cette opportunité qu'était la révolution verte ? Une partie de la réponse se trouve dans les réformes structurelles des années 1980 où nos gouvernements ont dû cesser de soutenir l'agriculture. Les producteurs asiatiques ont saisi l'occasion et inondé notre marché de riz, profitant également de la baisse du coût du transport maritime.

Autre exemple : le pain, qui ne faisait pas partie de nos habitudes alimentaires à l'origine, s’est enraciné dans nos économies locales. Comment inverser cette tendance ? Nous devons procéder à des réformes pour soutenir la consommation de produits locaux et promouvoir notre production locale. Nous devons revenir à ce que nous connaissons. Au Nigeria, par exemple,

une loi a été adoptée pour obliger les boulangers à utiliser plus de farine de manioc dans leur pain, tandis qu'au Sénégal, ils sont tenus d'utiliser de la farine de mil.

Débat II : Vers un développement inclusif des chaînes de valeur

Modérateur : Youssouf N'Djore , Directeur, Développement social, World Cocoa Foundation

Panel : Vers un développement inclusif de la chaîne de valeur

❚ Aboegnonhou Chaldia Agossou, Seeds Services

❚ Troels Egeskov Sorensen, expert en fragilité et résilience, Bureau de coordination des pays en transition, BAD

❚ Enock Warinda, Responsable du thème - Gestion des connaissances, suivi & evaluation, Association pour le

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renforcement de la recherche agricole en Afrique orientale et centrale (ASARECA)

❚ Koffi Amegbeto, Chargé principal des politiques, Bureau régional pour l'Afrique, FAO

Aboegnonhou Chaldia Agossou, cofondatrice, Seed Services

QUESTION : En vous basant sur votre propre expérience, comment une jeune dirigeante perçoit-elle une chaîne de valeur inclusive ?

Pour moi, une chaîne de valeur agricole désigne un ensemble d'activités impliquant différents acteurs qui contribuent à la mise sur le marché d'un produit donné. Ces acteurs qui interviennent en amont et en aval sont :

❚ les producteurs d'intrants (dont je fais partie, en tant que responsable d'une start-up qui commercialise des semences de fruits et légumes locaux adaptées à notre environnement) ;

❚ les producteurs (grands et petits) ; ❚ les transformateurs ; ❚ les assureurs exerçant dans le

domaine de l'assurance agricole ; ❚ les négociants.

Lorsque nous analysons une chaîne de valeur agricole, nous constatons que les femmes et les jeunes sont généralement minoritaires . Pourquoi sont- i ls marginalisés et comment pouvons-nous inclure davantage ces personnes marginalisées dans les chaînes de valeur agricoles ? La population africaine est composée principalement de jeunes. Nous devons donc trouver des stratégies pour intégrer ces acteurs dans les chaînes de valeur, les aider à mener à bien leurs activités et en tirer profit.

Pour rendre les filières agricoles plus inclusives, il faut d'abord penser à la formation des différents acteurs. Nous devons renforcer leurs capacités de gestion et de leadership et, surtout, leur apporter un soutien financier.

De leur côté, les institutions financières doivent mettre en place des modèles adaptés aux besoins des petits producteurs et à ceux des femmes. Ils ont différents niveaux de pouvoir sur le marché. Nous devons donc leur trouver des mécanismes de financement appropriés. Une certaine équité doit prévaloir dans le financement de ces acteurs.

C’est ce que nous croyons nécessaire pour rendre les chaînes de valeur réellement inclusives, pour une meilleure intégration des jeunes et des femmes et pour une véritable transformation de l’agriculture en Afrique.

Les institutions financières doivent mettre en place des modèles adaptés aux besoins des petits producteurs et des femmes.

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Troels Egeskov Sorensen, Expert en fragilité et résilience, Bureau de coordination des pays en transition, BAD

QUESTION: De votre point de vue, quels sont les points de fragilité que nous devrions prendre en compte dans notre analyse des chaînes de valeur agricoles (si nous voulons les rendre plus inclusives) ?

À la BAD, nous reconnaissons que le travail dans les pays en transition n'est pas un exercice de routine. De ce fait, l'évaluation ne peut pas se dérouler comme à l'accoutumée. Le secteur agricole est étroitement lié à de nombreuses complexités liées à la fragilité, à la vulnérabilité et aux conflits violents. Par conséquent, la conception de projet devrait tenir compte de la façon dont ces activités agricoles sont liées à ces fragilités.

Il est important d'élaborer des conceptions de projets sensibles à la fragilité. Lorsque nous examinons sous l’angle de la fragilité les évaluations et les leçons tirées de l'expérience, nous constatons que l'accent est mis davantage sur la façon dont les conflits affectent la production agricole. Ce que nous voyons moins, ce sont la recherche et l'évaluation relatives à l’impact des projets agricoles sur la fragilité, une fois qu’ils sont mis en oeuvre.

Certains facteurs de fragilité tels que les droits fonciers, l'accès à la terre, l'accès à l'eau, l'utilisation de l'eau, la croissance démographique dans les zones où les terres agricoles sont rares, les migrations, les conflits entre agriculteurs et éleveurs nomades, sont liés au secteur agricole. Nous voyons, par exemple, comment la prolifération des armes modernes

rend les conflits liés aux activités agricoles beaucoup plus violents entre ces groupes.

Malgré notre connaissance de ces dynamiques, lorsque nous regardons les évaluations que nous entreprenons par rapport à la production agricole et à la conception des projets, nous voyons beaucoup moins l'intégration de la dynamique de fragilité. Par exemple : devrions-nous aborder, dans la conception de projet, la manière de renforcer les dispositifs de sécurité en fonction du contexte ? Devrions-nous inclure davantage de médiation des conflits ? Devrions-nous intégrer des activités visant la création des itinéraires alternatifs pour le transport du bétail ? Faudrait-il intégrer davantage d'activités sur le dialogue social, la cohésion sociale ou l'implication communautaire ?

Il est également important de disposer d'indicateurs sensibles à la fragilité. En Afrique, continent connu pour

Nous ne voyons pas beaucoup de recherche et d'évaluations sur l'impact qu'ont les projets agricoles, une fois en place, sur la fragilité.

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son manque de statistiques, il y a aujourd’hui beaucoup plus de données qu'il n’y en avait il y a 5 ans. Cependant, il n'y a pas assez d'indicateurs, de méthodologies et d'approches pour cartographier les différents facteurs de fragilité qui influencent la performance des chaînes de valeur agricoles en Afrique.

Pour combler cette lacune, la BAD travaille sur deux outils : le premier, l’outil d’évaluation de la résilience et la fragilité des pays se compose de 118 mesures de données et 91 indicateurs. Ce qui est novateur avec cet outil, c'est que non seulement nous analysons les pressions de la fragilité dans chaque pays, mais nous évaluons aussi les capacités à gérer ces fragilités. Le deuxième outil est une nouvelle plate-forme de collecte de données au niveau communautaire, qui mesure les niveaux de pauvreté et de vulnérabilité.

Pour que le contexte de fragilité soit intégré dans notre suivi et notre évaluation, ces indicateurs de fragilité

doivent faire partie de la conception du projet. Une évaluation complète des chaînes de valeur agricoles doit donc inclure la dynamique de fragilité. C’est ainsi que l’on pourrait tirer des enseignements susceptibles de contribuer au renforcement de l'impact sur le développement.

Il est également important que les praticiens travaillant avec les secteurs agricoles collaborent avec leurs homologues de la Banque et des experts en matière de fragilité, afin d'assurer l’inclusion de ces indicateurs dans la conception de projet. En ne prenant pas conscience du conflit associé à un projet, on pourrait en fait aggraver les choses. Inversement, en intégrant les activités de fragilité dans nos projets agricoles, nous pourrions également renforcer la résilience du pays. Mon appel est donc le suivant : renforçons le lien entre le travail qui se fait sur le développement des chaînes de valeur agricoles et la fragilité.

Enock Warinda, Responsable du thème - Gestion des connaissances, suivi & évaluation, Association pour le renforcement de la recherche agricole en Afrique orientale et centrale (ASARECA)

QUESTION: Que pensez-vous de l'innovation dans l'optique d'une meilleure intégration de nos chaînes de valeur ? Et des mécanismes de suivi et d'évaluation pour de meilleures chaînes de valeur ?

Le 27 janvier 2018, Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l'Union africaine, et António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, ont signé le cadre UA-ONU pour la mise en œuvre de l'Agenda 2063. Ce document comporte 6 principes directeurs du cadre de développement dont le premier de la liste est l'inclusivité. Mais qu'est-ce que l'inclusivité et que recouvre-t-elle ? Le document qu'ils ont signé stipule que l'inclusivité doit « Offrir à tous la possibilité de participer à l’amélioration de

leurs moyens de subsistance, en érigeant en priorités le renforcement de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation

En Afrique, plus de 80% des chaînes de valeur agricoles oscillent entre les stades ‘naissant’ et ‘émergent’.

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des femmes ainsi que l’exploitation du dividende démographique de la jeunesse ». Par conséquent, pour un développement des chaînes de valeur agricoles ancrées dans l'inclusivité, nous devrions prêter attention au cadre UA-ONU.

En Afrique, les chaînes de valeur agricoles en sont à différents stades de maturité. Si nous examinons tout l'éventail des niveaux de développement - naissant, émergent, en expansion et mature - nous pouvons constater que plus de 80% des chaînes de valeur oscillent entre les stades « naissant » et « émergent ». Cela appelle à une analyse très claire du développement de nos chaînes de valeur.

Le développement des chaînes de valeur agricoles commence par - et est tributaire de - la conservation de l'eau et de la terre. Si nous ne gérons pas notre terre et notre eau, nous n'irons pas très loin. Dans quelle mesure nous concentrons-nous sur le développement de ces deux ressources ? Le suivi et l'évaluation doivent donc suivre la transformation et l'évolution des chaînes de valeur agricoles et déterminer si elles sont inclusives, afin d'éclairer la prise de décision. Le développement d’une chaîne de

valeur agricole nécessite une cartographie axée sur la séquence des activités au fur et à mesure que nous concevons, fabriquons et livrons les produits.

Un deuxième aspect important du développement de chaînes de valeur agricoles inclusives en Afrique est le fait que les technologies de l'information et de la communication (TIC) ne sont pas suffisamment utilisées dans la gestion des systèmes de production, l'accès aux marchés ou l'inclusion financière. Nous avons travaillé sur l'utilisation des TIC dans le développement des chaînes de valeur agricoles. Nous n'avons pas fait suffisamment d'évaluations et n'avons pas profité des connaissances de ceux qui ont utilisé ces plates-formes. Par exemple, nous avons de nombreux services électroniques. Au Ghana, nous avons ESOCO, une société qui fournit des outils mobiles et en ligne pour la collecte de données. Le Rwanda a développé sa propre version de la plate-forme ESOCO qui a été incluse dans son plan national de développement agricole à travers une approche intelligente et pédagogique. Cet "ESOCO+" va aider à améliorer le système d'information sur les prix du marché.

Koffi Amegbeto, Chargé principal des politiques, Bureau régional pour l’Afrique, FAO - au nom de Tacko Ndiaye, Chargé principal de l'égalité des sexes, Division de la protection sociale et des institutions rurales, FAO

QUESTION: Quelle est l'approche de la FAO pour promouvoir des chaînes de valeur agricoles inclusives ?

L'intégration de la dimension genre est importante pour améliorer les chaînes de valeur agricoles en Afrique, en grande partie parce qu'environ 50% des femmes d'Afrique subsaharienne travaillent dans ce secteur. Les femmes apportent également une contribution essentielle au transport et à l'expédition des aliments, ainsi qu'à la production, à la transformation, à la distribution et à la consommation des

L'intégration de la dimension genre est importante pour améliorer les chaînes de valeur agricoles en Afrique. Environ 50% des femmes en Afrique subsaharienne travaillent dans le secteur agricole.

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denrées. L'autonomisation des femmes, en particulier dans les zones rurales, peut accroître la productivité, réduire la faim et la malnutrition et améliorer considérablement les moyens d'existence.

Cependant, les femmes sont confrontées à plusieurs contraintes lorsqu'elles travaillent dans l'agriculture et les systèmes alimentaires. L'approche de la FAO a été d'autonomiser les femmes dans le secteur agricole. Pour lutter contre les inégalités entre les sexes dans les chaînes de valeur agricoles, une approche politique clé a consisté à faire appliquer les législations, par exemple celles qui protègent contre la discrimination, le harcèlement, les inégalités salariales, ainsi que les normes éthiques et les codes de conduite.

La FAO a produit un cadre conceptuel et des directives de mise en œuvre pour aider les praticiens et les décideurs qui planifient et mettent en œuvre des interventions dans les chaînes de valeur. Ce cadre comporte deux dimensions clés : la première est de promouvoir l'accès des femmes aux ressources productives, aux services, aux technologies, aux marchés et à l'information ; la seconde est de promouvoir l'accès aux

4 Lors de la deuxième Assemblée ordinaire de l'Union africaine en juillet 2003 à Maputo, les chefs d'État et de gouvernement africains ont approuvé la "Déclaration de Maputo sur l'agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique" (Assembly/AU/Decl.7(II)). La Déclaration contenait plusieurs décisions importantes concernant l'agriculture.

capacités - en termes de compétences [formation], de pouvoir dans la prise de décision et de confiance en soi. Le cadre souligne les rôles que les femmes et les hommes peuvent jouer dans les différents nœuds de la chaîne de valeur. Il identifie les contraintes qui les empêchent de tirer profit de leur travail et les aide à acquérir les compétences et les possibilités de libérer leur plein potentiel.

QUESTION : Que peut faire un partenaire comme la BAD ou la FAO pour s'assurer que les gouvernements renouvellent leur engagement en faveur du programme mondial de développement du secteur agroalimentaire et investissent 10% de leur budget dans l’agriculture ?

Nous devons éviter de nous préoccuper uniquement de l'objectif de 10% du PIB en matière d'investissement dans l'agriculture pour la sécurité alimentaire. Bien qu'elle ait été adoptée par les chefs d'État, la part de 10% du PIB n'est qu'un chiffre indicatif. Un pays peut allouer 5% de son budget national à l'agriculture et atteindre ses objectifs de sécurité alimentaire, tandis qu'un autre peut investir 15% et ne pas atteindre les objectifs qu'il a fixés dans la Déclaration de Maputo.4

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