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No 3 septembre 2011 L’intégration, l’inclusion et les autres...

PAGES ROMANDES -L'intégration, l'inclusion et les autres

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Notre dossier cible la problématique de l’intégration, l’inclusion et la participation de nos enfants en situation de handicap à la vie scolaire, à l’école.

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No 3 septembre 2011

L’intégration,l’inclusionet les autres...

Impressum Pages romandes Revue d’information sur la déficience intellectuelle et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Conseil de FondationPrésident : Charles-Edouard Bagnoud

Rédactrice et directrice de revueSecrétariat, réception des annonces et abonnementsMarie-Paule ZuffereyAvenue Général-Guisan 19CH - 3960 SierreTél. +41 (0)79 342 32 38Fax +41 (0)27 456 37 75E-mail: [email protected]

Comité de rédactionMembres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Sébastien Delage, Olivier Salamin, Cédric Blanc, Michèle Ortiz, Marie-Paule ZuffereyResponsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud

Parution: 4 numéros par anMi-mars, mi-juin, fin septembre, mi-décembre

Tirage minimal: 800 exemplaires

Abonnement annuelSuisse Fr. 45.--AVS, étudiants Fr. 38.--Abonnement de soutien Fr. 70.--Etranger Euros 35.--

Publicité et annonces - Tarifs1 page Fr. 800.--1/2 page Fr. 500.--1/4 page Fr. 250.--1/8 page Fr. 125.--1/16 page Fr. 50.--Tarifs spéciaux pour plusieurs parutionsLes demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites

Délai d’insertion3 semaines avant parution

Compte bancaireBanque cantonale du Valais, 1951 SionEn faveur de K0845.81.47 Pages romandesCompte 19-81-6Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordon-nées et votre règlement par chèque bancaire à:Jean-François Deschamps108, rue Ire ArméeF - 68800 Thann

GraphismeClaude Darbellay, www.saprim.ch

Mise en pageMarie-Paule Zufferey

ImpressionEspace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12

Crédits photographiques et illustrationsRobert Hofer, Shutterstock, Eben-Hézer, Sport-Up, Cédric Blanc, Romain Smet (ASA-Valais), Isabelle et Gwenaëlle, la Brasserie des étoiles.

Photos de couverture: Robert Hofer, Sion: roberthofer.ch

N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction.La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source.

©Pages romandes

Sommaire

Dossier:

L’intégration, l’inclusion et les autres...

2 Tribune libre Jacques Kühni

3 Editorial Cédric Blanc

4 Intégration ou inclusion scolaire, un choix de société avant tout Serge Ramel

8 Que nous révèlent les perceptions des élèves sur les pratiques d’intégration scolaire? Greta Pelgrims

10 Intégrer les porteurs de lunettes à l’école Pierre Vianin

12 Définir l’intégration et l’inclusion, 3 questions à un enseignant spécialisé Stéphane Bergevin

13 La LIPPI, une loi d’intégration Sébastien Delage

14 L’intégration en école ordinaire Témoignage d’une maman

Michèle Ortiz

15 Inclusions comparées Josette Guignard

16 Ensemble, c’est tout Interview de David Quéloz, mathématicien

18 Une journée à la rencontre de l’autre Olivier Salamin

19 Le Parlement s’empare de deux sujets chauds liés au handicap

Mélanie Sauvain, AGILE

20 EGVER, un nouvel outil d’observation et d’évaluation E. Guittard, M. Zollinger et J. Barroso

22 Le handicap au risque des cultures Note de lecture, J.-Louis Korpès

23 Sélection Loïc Diacon

24 Séminaires, colloques et formations

Tribune libre

Insertion, intégration et inclusion: des publicités mensongèresJacques Kühni, Morgins

Sainte Jeanne des abattoirs1 com-mence à comprendre le monde: «Je vois bien ce système, que l’on connaît d’ailleurs depuis longtemps, de l’extérieur. Mais dont le méca-nisme interne est ignoré. Quelques-uns – peu nombreux – sont placés tout en haut et un grand nombre en bas; et ceux d’en haut leur crient: montez, pour que nous soyons tous en haut! Mais à y regarder de plus près, on devine, entre les gens d’en haut et ceux qui sont en bas, quel-que chose d’obscur qui semble être un chemin, en fait une planche, et l’on voit nettement qu’il s’agit d’une balançoire. Tout le système est un jeu de bascule dont les deux bouts dépendent l’un de l’autre; et ceux-ci ne siègent en haut que parce que ceux-là se tiennent tout en bas, et seulement tant qu’ils y restent.»Puisque l’on parle d’en haut et d’en bas, remarquons, en passant, que les écoles se déclinent plutôt vers le haut: les hautes écoles spécialisées, les écoles supérieures; mais aucune ne se prétend basse école sans spé-cialité ou école inférieure. Les insti-tutions scolaires se dénomment en altitude dans un monde «verticalisé» qui dessine les hiérarchies sociales et professionnelles.Isabelle Stengers, dans son texte Une école mutuelle: ça existe? qui préface le livre de Anne Querrien2, écrit: «En d’autres termes, l’école mutuelle a produit des "pauvres" capables de rêver leur propre rêve, non les rêves de ceux qui les avaient instruits, et qui ont su, pour les faire exister, affronter un monde qui leur assignait un destin de soumission.»Cette école-là aurait été un danger pour la bascule brechtienne, elle a donc été condamnée et ceux d’en haut lui ont préféré l’école que l’on connaît bien, celle que Stengers ca-ractérise ainsi: «L’école n’arrive pas à réduire l’inégalité, mais c’est elle

qui fabrique des inégaux adhérant à leur définition: ceux qui échouent sauront que c’est leur incapacité qui explique leur destin.»Sainte Jeanne entend bien le men-songe que profèrent ceux d’en haut quand ils disent, le sourire ravageur, à ceux d’en bas de monter. Je crois qu’il en est de même avec les politiques dites d’intégration, d’inclusion et d’insertion. Ces mots contredisent les efforts de contrôle social des puissants, et leur volonté de garder le savoir et le pouvoir. Toute l’organisation pyramidale dé-ment cette invitation à venir là où la vie est meilleure. C’est le masque habituel de la charité et du capitalis-me compassionnel avec ses avatars humanitaires.Le danger pour l’ordre établi est, encore et toujours, situé là où s’éla-borent l’intelligence du monde et la faculté de comprendre, puis de faire quelque chose de ce que l’on a compris. La bascule ne perdure que par sa capacité à leurrer ceux d’en bas. Quand la farce est éventée, les riches brandissent des armes, avec la même assurance que celle qui por-tait leurs boniments.Hutmacher remarquait en 1990 que: «En revanche, du côté de l’inégalité sociale devant la réussite et l’orientation scolaires, rien n’est changé ou presque. Force est de constater qu’une élévation du ni-veau général de formation est par-faitement compatible avec la stricte conservation des inégalités sociales devant l’école.»3 Je suis un sous-produit de la démo-cratisation des études et mes parents ont tenté de m’installer dans l’ascen-seur social des lendemains radieux. Pendant ce temps-là, les écarts entre riches et pauvres se sont creusés, la fin du colonialisme n’a pas signifié la disparition du fossé Nord-Sud, la gloire de l’économie de marché

n’a pas civilisé les rapports de domi-nation, et l’on voudrait nous faire croire à une bienveillante ouverture qui prendrait en compte les affai-blis, les largués, les différents?La pitié, et sa version politiquement correcte: l’empathie, préfigurent le passage du politique à l’éthique. Le capitaliste compassionnel est très ému devant la famine, la misère et la catastrophe. Son sens des affaires et sa vitalité organisatrice excellent dans l’humanitaire d’urgence et son opiniâtreté à «solvabiliser» les victimes. On parachute des vivres, des médicaments, des médecins, puis des chars et des parachutistes de guerre; pour massacrer les mé-chants. Bien sûr, il y a des domma-ges collatéraux… qui signifient des contrats de reconstructions lucratifs en diable. Payés pour sauver, payés pour détruire et enfin payés pour reconstruire, l’arnaque sublime de l’entreprise humanitaire.Pendant ce temps-là, les néo-curés de l’éthique accomplissent leur tâ-che, historiquement stable: s’occu-per du salut des âmes en assurant la domination des mêmes par les mê-mes. Je ne crois pas à la bienveillance des nantis, mais je crois en la lutte et en l’intelligence des dupés.

1 Brecht, Bertold, Sainte Jeanne des abattoirs, L’Arche, Paris, 1961, 1974.2 Querrien, Anne, L’école mutuelle: une pédagogie trop efficace, Les Empêcheurs de penser en rond, Paris, 2005.3 Hutmacher, Walo, L’école dans tous ses états, des politi-ques de systèmes aux stratégies d’établissements, Genève, Service de la recherche sociologique, 1990.

Edito

Une école, des écoles, une unité...

Cédric Blanc, directeur de la Fondation de Verdeil et membre du comité de rédaction

La revue que vous tenez en mains vous invite dans le monde scolaire. Celui-ci reste depuis toujours un sujet de société qui passionne et qui ne suscite que rarement l’indifférence. Parler de l’enfance, de l’enfant, petit d’homme, et de son éducation, nous renvoie à notre propre histoire. Rappelez-vous.Notre dossier cible la problématique de l’intégra-tion, l’inclusion et la participation de nos enfants en situation de handicap à la vie scolaire, à l’éco-le. L’école, cette institution, respectée à travers les époques, qui trouve son sens (son salut?) dans sa capacité à s’adapter au temps qui passe en répon-dant aux besoins des sociétés qui se succèdent…Ainsi, au-delà du débat sur la terminologie, l’ac-cès au savoir est un droit fondamental qui pose une question simple, à laquelle nos auteurs ten-tent de répondre à leur manière: comment l’école doit et peut répondre aux besoins de tous?

Question de représentation

L’école porte la responsabilité de notre société afin qu’apprendre ne devienne pas une situation de handicap perpétuelle. Prémisse de la vie en société, en commun, l’école instruit les adultes de demain et soutient les parents dans l’éduca-tion à la vie parmi les autres, à la socialisation. Afin d’atteindre ce double objectif, l’école doit tenir compte des différences entre les hommes et, avant tout, de leur représentation individuelle qui conditionne l’organisation et le fonctionnement scolaire. Scolariser ensemble, c’est premièrement comprendre les besoins et connaître les ressources de chacun. Par après, différencier son enseigne-ment… évaluer ensuite et sélectionner si néces-saire. Chaque enseignant pose un regard sur la différence qui le guidera dans ses actions. Pour chacun, parler d’intégration ou d’inclusion, puis la vivre, suppose une réelle définition de la diffé-rence et l’évolution de sa représentation person-nelle vers une représentation partagée. Être libre de s’exprimer, c’est d’abord se sentir responsable devant chaque situation.Voir la différence comme une force ou une folie (P. Vianin, pp.10-11), engendre des attitu-des (aptitudes aussi!) favorisant la participation de tous les élèves. Dans la société. Dans sa famille.

Dans son quartier. Dans son école. Dans tous les milieux, pour chaque individu en tant qu’acteur social responsable.

La force du contexte, du lieu

Le milieu, ainsi que l’illustre J. Guignard (p.18), peut exploiter les effets positifs de son interaction avec l’extérieur. Dans la «Classification Interna-tionale du fonctionnement, du handicap et de la santé», la notion de handicap replace l’indi-vidu dans son contexte, son environnement pour mieux prendre en compte la singularité des situa-tions. Être membre à part entière de l’école incite donc à repenser le dispositif scolaire dans son en-semble et à questionner le rôle des professionnels, aujourd’hui, dans la situation actuelle et selon chaque contexte, comme l’affirme S. Ramel (pp. 4 à 7). Les chiffres ne suffisent pas à justifier les changements. Ce sont les personnes concernées qui les justifient et les personnes engagées, par-fois les mêmes, qui les déterminent. Par eux, c’est l’école qui se transforme afin de reconnaître un lieu adapté à chacun et, s’il n’est commun, en in-teraction positive par sa nature similaire, comme le décrit D. Queloz (pp.16-17). Une école, des écoles, une unité. Autant de réponses à la variété des situations qui n’ont de sens qu’en maintenant à tout prix l’ouverture pour interagir et construire des ponts sur la différence, (res)source intarissable pour l’être humain. Une unité pour un but égale-ment: être instruit et socialisé dans la reconnais-sance de ce que l’on est et de ce qu’on produit, pour soi et pour les autres, afin de faire évoluer notre société, par notre existence au monde, et ainsi construire son avenir.«L’intégration de l’inclusion scolaire» est donc bien un thème d’actualité et autant du futur. Mais elle n’a de sens que dans la construction nécessaire d’une représentation commune de l’école accessible à tous. L’école doit ainsi redéfi-nir, sans cesse à travers les âges, un cadre porteur où l’échec n’est pas sans issue, dans le respect des compétences de ses acteurs et dans la valorisation de la contribution de tous, inclus.A bon entendeur et excellente lecture…

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Intégration ou inclusion scolaire, un choix de société avant toutLe point sur les termes et leurs implicationsSerge Ramel, psychologue* et professeur à la Haute école pédagogique de Lausanne

On ne peut que saluer l’initiative du comité de rédaction de la revue Pages romandes de sortir un numéro consa-cré à la thématique de l’intégration et de l’inclusion sous l’angle de la participation. En effet, s’il est un sujet qui fait débat, souvent passionné, c’est bien celui de la place des élèves en situation de handicap, notamment au sein de l’école, et plus largement de la société. Il est donc heureux qu’une publication faisant le lien entre les diffé-rents partenaires concernées par le handicap pose à son tour un regard averti sur cette thématique.

Pour notre part, notre souhait est d’apporter un ensemble d’éléments susceptibles d’éclairer le lecteur afin qu’il puis-se prendre part au débat en connaissance de cause. Pour ce faire, et parce qu’il est parfois difficile de réinventer ce qui a déjà été écrit ailleurs, nous allons nous appuyer sur quelques articles que nous avons récemment publiés1. Nous prions les lecteurs qui nous ont déjà lu à cette occa-sion de nous en excuser et invitons les autres à consulter les ouvrages cités dans cet article pour approfondir leur réflexion.

Une prise de conscience suisse et internationale de longue dateOn ne peut aborder la question de l’intégration et de l’in-clusion scolaire sans la situer dans un cadre plus général, d’abord international puis national. En effet, si la ques-tion de l’intégration, voire de l’inclusion scolaire est par-ticulièrement saillante aujourd’hui, elle ne se limite pas à la Suisse romande et prend déjà son origine dans ces cinq dernières décennies. Rappelons en effet de manière non exhaustive quelques textes fondamentaux2 dont la Suisse est partie prenante:

La Déclaration des droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies du 9 décembre 1975.

Le Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies du 3 décembre 1982.

La Convention sur les Droits de l’Enfant, adoptée par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990.

La Déclaration de Salamanque et le Cadre d’Action pour l’éducation et les besoins spéciaux. Ces textes ont été adoptés par la Conférence mondiale sur l’éducation et les besoins éducatifs spéciaux, qui s’est tenue à Salamanque, en Espa-gne, du 7 au 10 juin 1994, sous l’égide de l’UNESCO.

La Convention relative aux droits des personnes handica-pées, adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation

des Nations Unies, à New-York, le 13 décembre 2006.Ces différentes déclarations et résolutions sont l’illustra-tion d’une prise de conscience de longue date et au ni-veau international de l’importance de mieux intégrer les personnes en situation de handicap. Les enjeux sont en effet primordiaux comme le rappelle un récent rapport de l’OCDE3:«Les coûts sociaux et financiers à long terme de l’échec scolaire sont conséquents. Ceux qui n’ont pas les com-pétences pour prendre leur place dans la société et dans l’économie engendrent des coûts plus élevés en matière de santé, d’aides sociales, de protection de l’enfance et de sécurité».Pourtant, force est de constater en Suisse que la scolari-sation des enfants en situation de handicap s’est princi-palement organisée de manière séparative. Ainsi, quelque 5.4% des élèves n’étaient pas intégrés en 2008-2009 dans des classes ordinaires, dont 2% suivaient leur scolarité en école spéciale et 3.4% dans des classes spéciales rattachées à des établissements ordinaires. Ce dernier point est im-portant car il montre que la question de la principale sé-paration se fait au sein de ces derniers4.Si l’on compare sur le plan romand, on constate de forts écarts entre les cantons. Ainsi, les cantons de Berne et Vaud étaient en 2008-2009 en-dessus de la moyenne nationale en matière de séparation (respectivement 6.1% et 5.9%), alors que le Tessin et le Valais se situaient largement en-dessous (respectivement 2.4% et 1.8%). Ces disparités au sein d’un même pays sont frappantes, quand bien même la scolarité est du ressort des cantons.Cependant, sur le plan suisse, trois changements majeurs ont eu lieu aux niveaux constitutionnel et légal. Le pre-mier concerne la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT). Elle implique une redistribution des res-ponsabilités dans des domaines variés dont notamment la prise en charge financière et la responsabilité de la pé-dagogie spécialisée. Jusque-là cofinancée par l’Assurance invalidité et les cantons, elle est dorénavant à charge com-plète de ces derniers.Le deuxième changement majeur est l’entrée en vigueur en 2004 de la «Loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées» (LHand), découlant de l’article 8 de la Constitution fédérale sur l’égalité. Cette loi fixe le cadre qui doit permettre une meilleure intégra-tion des personnes handicapées dans la société.Le troisième changement concerne l’entrée en vigueur en 2009 de «l’Accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire» (concordat HarmoS) auquel tous les cantons romands ont adhéré.

Il harmonise pour la première fois au niveau suisse la du-rée des degrés d’enseignement, leurs principaux objectifs et le passage de l’un à l’autre.Répondant à l’ensemble de ces contraintes organisation-nelles et légales, un autre «Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spéciali-sée» a vu le jour en 2007 et il stipule notamment que les cantons:

promeuvent l’intégration des enfants et des jeunes handicapés dans l’école ordinaire;

préfèrent les solutions intégratives aux solutions sépa-ratives, ceci dans le respect du bien-être et des possibilités de développement de l’enfant ou du jeune concerné et en tenant compte de l’environnement et de l’organisation scolaires;

s’engagent à utiliser des instruments communs.A ce stade, il est important de relever qu’il n’est pas fait mention d’obligation mais de promotion, de préférence et d’engagement. On est donc loin du cadre contraignant que l’on prête souvent à cet accord. Cependant, l’inten-tion de faire une place plus grande au sein de l’école or-dinaire aux élèves en situation de handicap est clairement manifestée et, pour la première fois, les cantons signatai-res s’y engagent de concert.Il faut encore relever que seul le terme intégration est em-ployé et on n’y parle pas d’inclusion alors que beaucoup de responsables scolaires et politiques le mentionnent dans leurs discours. La question de l’intégration et/ou l’in-clusion scolaire était même le thème choisi en 2010 au niveau suisse pour célébrer la journée internationale des personnes handicapées. Alors, intégration ou inclusion: de quoi parle-t-on?

Une importante différence de projets

Pour Bélanger (2004)5, il s’agit de différencier clairement intégration scolaire d’inclusion scolaire. L’appellation in-tégration comprend une variété de modalités de place-ment dont la présence d’une classe spéciale dans une école ordinaire, la participation des élèves d’une classe spéciale à certaines activités en classe ordinaire, l’intégration des élè-ves dans une classe ordinaire avec un soutien pédagogique à l’extérieur de la classe, l’intégration totale de l’élève qui reçoit du soutien. Cette dernière forme d’intégration est souvent présentée comme synonyme d’inclusion, mais, nous le verrons, elle ne signifie pas forcément la même implication à l’échelle de l’établissement et peut se mettre en place uniquement au niveau de la classe.

1 Ramel, S., et Lonchampt, S. (2009). L’intégration au quotidien: les représentations des enseignantes et des enseignants au sein d’un établissement scolaire. Dans P.-A. Doudin & S. Ramel (Éd.), Intégration et inclusion scolaires. Du déclaratif à leur mise en œuvre, Formation et pratiques d’enseignement en questions (Vol. 9, pp. 47-76). Ramel, S. (2010). Quel impact de l’intégration et l’inclusion scolaires sur les en-seignantes et les enseignants? Dans N. Rousseau (Éd.), La pédagogie de l’inclusion scolaire (2e éd., pp. 383-397). Sainte-Foy: Presses de l’Université du Québec. Ramel, S., et Benoit, V. (2011). Intégration et inclusion scolaire: quelles conséquences pour le personnel enseignant? Dans P.-A. Doudin, D. Curchod-Ruedi, L. Lafortune, et N. Lafranchise (Éd.), La santé psychosociale des enseignants et enseignantes (pp. 203-224). Québec: Presses Universitaires du Québec.2 Pour les consulter en détail, lire par ex. http://dcalin.fr/internat.html3 Organisation de coopération et de développement économiques Field, S., K. Malgorzata et B. Pont (2007). En finir avec l’échec scolaire: dix mesures pour une éducation équitable, Paris, OCDE.4 Source: Statistique des élèves et des étudiants OFS. Indicateurs du système de formation.5 Bélanger, S. (2004). «Attitudes des différents acteurs scolaires à l’égard de l’inclusion» dans N. Rousseau, S. Bélanger, et A. AuCoin (dir.), La pédagogie de l’inclusion sco-laire, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, pp. 37-55.

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Le terme inclusion scolaire désigne «le placement à temps plein de tout élève, peu importe ses difficultés, dans une classe ordinaire correspondant à son âge et qui se situe dans l’école de son quartier. Ainsi, l’élève ayant des be-soins particuliers participe pleinement à la vie sociale et éducative de sa classe» (Bélanger, 2004, p. 39). MacKay (2006; 2007)6 insiste sur le fait que l’inclusion dépasse la notion d’intégration et implique la prise en compte de l’ensemble de la population scolaire. Pour ce faire, l’inclu-sion doit s’attacher à transformer les systèmes éducatifs et à «améliorer la qualité de l’éducation à tous les niveaux et dans tous les environnements, de manière à s’adapter à la diversité des apprenants et à promouvoir la réussite scolaire» Matsuura (2008, p.2)7.C’est en ce sens que l’on ne parle plus d’intégrer seulement certains élèves dans l’école ordinaire, considérés a priori comme extérieurs à celle-ci, mais d’inclure tous les élèves en les acceptant comme membres à part entière de cette école. Ainsi, si l’intégration peut se contenter d’apporter une aide appropriée, dispensée le plus souvent à l’élève et moins fréquemment à l’enseignant, l’inclusion implique de repenser le dispositif scolaire dans son ensemble et les rôles respectifs des professionnels.

L’école prise entre des demandes contradictoires

En Suisse romande, comme nous l’avons vu, la modalité la plus couramment usitée pour prendre en charge des élèves en difficulté ou en situation de handicap reste le recours à des mesures séparatives. En effet, les élèves en difficulté ou en situation de handicap sont scolarisés le plus souvent dans une classe qui les regroupe, au sein de l’établissement scolaire ou d’une école spécialisée. Nous sommes par ailleurs encore loin d’un modèle d’école inclusive pour tous les élèves, car de nombreux systèmes pédagogiques, notamment en Suisse, favorisent une orientation des élè-ves en plusieurs voies d’études selon leur niveau scolaire et ce dès le secondaire obligatoire. Concevoir l’inclusion dans ce degré relève ainsi encore d’un idéal, bien plus que d’une réalité. Quant à l’inclusion dans les degrés primai-res, elle perd de sa pertinence pour les enseignants et en-seignantes au fur et à mesure que les objectifs posés en fin d’année ou de cycle mettent en évidence les lacunes de ces élèves, le développement de leurs compétences important

moins que l’identification de leurs difficultés.Comment concilier alors une école qui permette à chaque élève d’y trouver sa place, quelles que soient ses difficultés ou son handicap, sans pour autant renoncer à une scola-rité basée sur la performance? Cette focalisation sur les résultats est exacerbée par les comparaisons internationa-les des systèmes d’éducation telles que PISA8 qui pour-raient amener à l’exclusion des élèves les plus faibles de l’école ordinaire pour garantir de bons résultats? La Suisse n’échappe pas à cette apparente contradiction. En ins-crivant le principe de non discrimination des personnes handicapées aussi bien dans sa Constitution que dans une loi, ce pays doit mettre en conformité avec ce principe l’ensemble de ses activités, dont la formation. L’impact de cet objectif sur le quotidien des enseignants et enseignan-tes sera réel et conséquent. En effet, vivre une plus forte hétérogénéité ne va pas de soi dans un système scolaire très sélectif et recourant fréquemment à la différenciation structurale depuis plusieurs décennies. Ce paradoxe est renforcé par l’application de standards permettant non seulement la comparaison des perfor-mances entre les élèves, mais également entre les écoles à l’échelle régionale et nationale ou entre les systèmes scolaires à l’échelle internationale. Ainsi, il est demandé à l’enseignant ou à l’enseignante de mettre en place une pédagogie différenciée pour l’ensemble des élèves et plus particulièrement des approches individualisées pour tenir compte des besoins particuliers de certains d’entre eux. Pourtant, la standardisation implique que les écoles et les élèves s’alignent sur les buts attendus à la fin de chaque degré, par crainte de mauvais résultats «dans la grande compétition dans laquelle s’affrontent les élèves, les ensei-gnants, les écoles, les districts et les régions, et les départe-ments.» (Tochon, 2001, p. 183)9.Comment permettre à chaque élève de trouver sa place, quels que soient ses difficultés et ses besoins particuliers, alors que la réponse à ces derniers implique de s’écarter de la norme et de sortir d’une logique de standardisa-tion? L’école vit quotidiennement cette interrogation et cette contradiction, sans disposer toujours du cadre et des moyens lui permettant de gérer les situations complexes auxquelles elle est confrontée.

Un projet de société avant tout

Si l’intégration scolaire est un chemin régulièrement em-prunté par des élèves en situation de handicap, l’inclusion scolaire reste encore essentiellement une visée. Le pro-blème demeure, comme le relève Müller (2010, p. 12)10, «de savoir comment il est possible de combiner cette visée

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volontariste et démocratique avec une mise en œuvre contraignante». Cet auteur plaide plutôt pour une «clarification des niveaux à la fois stratégiques et éthi-ques des problématiques en cours» (ibidem, p. 13) en distinguant «la légitimité éthique de la différenciation, l’exigence morale d’intégration et la visée inclusive comme objectif social plus large» (ibidem, p. 13).Poser l’intégration voire l’inclusion comme un objec-tif et une visée purement scolaire, comme l’actualité semble le faire actuellement, nous fait occulter l’obli-gation d’élargir le débat à la société entière. C’est une condition essentielle pour que le projet d’un enfant se concrétise à l’âge adulte et il s’agit pour nous du prin-cipal défi que posent l’intégration et l’inclusion.

6 MacKay, A. W. (2006). Relier le soin et les défis: utiliser notre potentiel humain. L’inclusion scolaire: étude des services en adaptation scolaire au Nou-veau-Brunswick [Version électronique]. Halifax. MacKay, A. W. (2007). L’inclusion! Au fait, c’est quoi l’inclusion? Questions et réponses concernant le rapport MacKay sur l’inclusion. Gouvernement du Nouveau-Brunswick.7 Matsuura, K. (2008). «Avant-Propos» dans C. Acedo (dir.), Education pour l’inclusion, Perspectives, 145, pp. 1-3.8 PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires.9 Tochon, F.V. (2001). «Orientation réflexive et sens communautaire à l’arrivée d’une période troublante», Carrefours de l’éducation, 12(2), pp. 180-208. 10 Müller, D. (2010). Différenciation, intégration, inclusion: trois concepts à la même école de l’égalité et de l’équité. Prismes, 14.

Des associations qui visent l’intégration

Intégration Handicap (Fédération suisse pour l’intégra-tion des handicapés FSIH) a été fondée en 1951 en tant qu’organisation faîtière dans le domaine de l’intégration des handicapés. Elle comprend des corporations d’impor-tance nationale, de droit public et privé, s’occupant de l’in-tégration des personnes handicapées ou s’y intéressant.Intégration Handicap encourage et coordonne tous les efforts en faveur de l’intégration professionnelle et sociale des personnes handicapées dont elle s’emploie à pro-mouvoir l’égalité des droits et des chances aux niveaux de la formation scolaire et professionnelle et du travail, ainsi qu’au sein de la société en général. Intégration Handicap poursuit les buts énoncés dans l’in-térêt de toutes les personnes handicapées, quel que soit le type de leur handicap et indépendamment de leur apparte-nance à une organisation.(www.integrationhandicap.ch)

La fondation Sport-Up est un organisme national qui souhaite développer les activités physiques et sportives réu-nissant des enfants avec et sans handicap, en collaboration avec les instances concernées.Les objectifs de la fondation:- Véhiculer les valeurs de la jeunesse par la rencontre de l’autre;- Soutenir tous projets visant la participation des enfants en situation de handicap dans le sport scolaire, associatif et familial;- Informer et relayer l’information aux personnes concernées: écoles, institutions, associations sporti-ves, associations de parents, milieux thérapeutiques, familles;- Collaborer avec d’autres organismes engagés dans le han-dicap ou le sport. (www.sport-up.ch)

L’intégration par le sport - photo Gymnaestrada, Sport-Up

*L’auteur de cet article, Serge Ramel, est psychologue, diplômé et doctorant en psychologie sociale, profes-seur et formateur à la Haute Ecole pédagogique de Lausanne (HEP), membre de l’Unité d’enseignement et de recherche du développement de l’enfant à l’adul-te et co-directeur du aboratoire international sur l’in-clusion scolaire (LISIS)Lancé officiellement le 30 septembre 2010, LISIS est le fruit de la collaboration entre la HEP Vaud et l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Il associe également à ses travaux plusieurs partenaires de ces deux institutions.Les objectifs du LISIS sont de conduire des travaux de recherche et de développement en lien avec la théma-tique de l’inclusion scolaire et de favoriser des projets conjoints entre les institutions de recherche partenai-res. Il s’agit également de stimuler les échanges entre professeurs et de développer des projets de recherche participative avec des établissements scolaires mobili-

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Intégration, inclusion, une question de structures?

Le terme intégration scolaire a de multiples sens. Avec le droit à l’école acquis au cours des années 1970, l’in-tégration a longtemps désigné, pour les politiques scolaires, la scolarisation des enfants présentant un handicap dans l’enseignement public, même si cette école publique les oriente vers différentes structures d’enseignement spécialisé séparées des classes ordinai-res. Dans ce sens, l’intégration dési-gne la scolarisation des élèves dans la structure jugée, par l’autorité scolaire, la plus adaptée à leur «déficience» tout en étant la plus proche des conditions ordinaires (Thomazet, 2009).Plus communément, le terme intégra-tion est réservé à l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une classe ordinaire, par opposition aux structures de scolarisation dites ségré-gatives (classes et écoles spécialisées). Au cours des années 1990, le terme inclusion scolaire émerge pour dési-gner la scolarisation de tous les élèves en âge d’école obligatoire dans des classes ordinaires de l’école de leur quartier de domicile. Bien qu’elles impliquent des modalités d’organi-sation et des pratiques scolaires dif-férentes (Doré, Wagner & Brunet, 1996), les notions d’intégration et d’inclusion renvoient donc souvent aux aspects structuraux de la scolari-sation des élèves à besoins éducatifs particuliers. Pour l’enseignement, les questions de structures sont certes nécessaires car elles dictent les conditions de l’action pédagogique et didactique. Mais elles sont insuffisantes pour réfléchir dans quelle mesure un en-fant avec des besoins éducatifs parti-culiers est effectivement intégré (ou inclus) en tant qu’élève au contexte scolaire ordinaire dans lequel il agit quotidiennement.

Être élève intégré par opposition à être en situation de handicap

Une personne est en situation de handicap lorsque des facteurs envi-ronnementaux font obstacle à l’ac-complissement des tâches et du rôle social attendu par le contexte social dans lequel elle évolue (p. ex., jardin d’enfants, centre de loisirs, cadre pro-fessionnel…). Rapporté à l’école, à la classe et aux situations d’action en classe, un enfant est en situation de handicap scolaire lorsque le contexte (attentes, normes, pratiques d’en-seignement…) ne répond pas aux besoins pédagogiques et didactiques particuliers qu’il a, pour différentes raisons (p. ex., déficience, difficultés scolaires générées par des facteurs sco-laires antérieurs, environnement édu-catif peu stimulant, conditions de vie constituant des facteurs de stress…). Par opposition, un élève est scolaire-ment intégré lorsque le contexte de classe et les situations dans lesquels il agit, facilitent l’accomplissement des tâches et du rôle social d’élève que l’enseignant du groupe-classe attend de lui comme des autres. Être intégré comme élève implique donc la possibilité d’apprendre des savoirs nouveaux, de les exercer, d’accom-plir son travail individuel, de faire la preuve de son savoir, de réfléchir sur ses apprentissages… Mais ce rôle d’élève n’est pas à assumer en contexte de préceptorat privé, ni en contexte d’appui pédagogique indi-viduel avec un enseignant spécialisé au fond de la classe ordinaire. Le rôle d’élève qui nous préoccupe se dé-roule dans un groupe-classe, avec et parmi les autres, en partageant et en construisant la culture commune aux élèves. Cette culture est certes faite des savoirs appris dans les différentes disciplines scolaires, des expérien-ces d’apprentissage partagées, mais aussi des règles explicites et implicites

au fonctionnement du groupe, des expériences socio-affectives vécues avec les pairs durant des situations d’enseignement et d’apprentissage, durant des activités informelles, dans le préau, lors de sorties… Ainsi, être un élève intégré consiste à agir dans le rôle d’élève dont l’activité est à la fois sociale, cognitive et affective. Apprendre en classe est aussi savoir participer aux leçons collectives et aux travaux de groupe en respectant les normes de fonctionnement de telles activités. L’élève qui transgresse les règles implicites aux situations de coopération pour résoudre un pro-blème de mathématiques encourt des risques d’être exclu de l’activité d’ap-prentissage.

Que nous disent les élèves sur leur intégration en classe ordinaire?

Les apprentissages scolaires sont des indices cruciaux pour apprécier dans quelle mesure un contexte scolaire ordinaire permet effectivement aux enfants à besoins éducatifs particu-liers d’intégrer le rôle d’élève. Les dimensions socio-affectives contri-buent selon nous à identifier les ca-ractéristiques du contexte qui font obstacle ou facilitent cette intégra-tion (Pelgrims, 2009). En effet, le sentiment de compétence des élè-ves, leur intérêt pour les savoirs à apprendre, la perception qu’ils ont du climat pédagogique et des prati-ques d’enseignement, leur sentiment d’appartenance au groupe-classe, sont des dimensions qui jouent un rôle important dans l’apprentissage des savoirs et donc dans l’accomplis-sement du rôle d’élève…1 Les propos d’élèves du secondaire obligatoire déclarés en difficultés d’ap-prentissage et de comportement, ré-vèlent qu’ils se sentent plus contraints à apprendre en ordinaire qu’à l’école d’enseignement spécialisé où certains

Que nous révèlent les perceptions des élèves sur les pratiques d’intégration scolaire? Greta Pelgrims, maître d’enseignement et de recherche, Université de Genève

ont l’impression de ne pas progresser. Mais ces adolescents insistent aussi sur le fait que, sans le soutien pédago-gique fourni par des enseignants spé-cialisés qui, selon eux, savent ensei-gner, expliquer et étayer autrement, ils ne pourraient pas suivre le français et les mathématiques. Selon eux, les pratiques ordinaires enseignent insuf-fisamment les savoirs requis à l’école, et ils ont trop souvent l’impression de ne pas saisir les objectifs à atteindre, l’utilité des tâches à accomplir. Lors-qu’ils perçoivent des relations entre élèves et entre enseignants fondées sur l’écoute, le respect, la justice, ils se sentent aussi fortement appartenir au groupe-classe, peu stigmatisés par les pairs sans difficultés et plus aptes à désamorcer toute moquerie éven-tuelle. Le soutien d’enseignants spécialisés apparaît donc important pour le-ver des obstacles aux apprentissages. C’est aussi ce que rapportent des élè-ves présentant une déficience auditive ou visuelle: les enseignants spécialisés sont indispensables pour apprendre les moyens de communication, amé-nager les tâches, mieux compren-dre les savoirs à apprendre en classe ordinaire.Mais des élèves intégrés en classe or-dinaire à l’école primaire nous indi-quent l’émergence possible d’autres obstacles à l’intégration du rôle d’élève, lorsque cette activité de sou-tien n’est pas coordonnée à celle de la classe ordinaire. Certains élèves disent que durant le soutien pédago-gique fourni en dehors de la classe, les tâches sont différentes, plus ludi-ques, plus faciles, surtout en raison des nombreuses aides dont ils béné-ficient. En conséquence, ils se sentent souvent plus compétents en classe de ressource, ou de soutien, qu’en classe ordinaire pour accomplir leurs tâches d’élève. Lorsque, de surcroît, ils se sentent peu considérés par l’ensei-

gnant ordinaire, délaissés «au fond de la classe» en attendant l’aide dont ils ont besoin, ils n’ont pas l’impres-sion d’appartenir au groupe-classe, ni d’être acceptés par leurs pairs sans difficultés. Pour certains, cet appui qui devrait faciliter l’intégration en classe ordinaire, devient un deuxième contexte, avec sa propre culture, ses propres normes de fonctionnement social, pédagogique et didactique, autant d’obstacles au transfert des sa-voirs entre les deux lieux. Ce statut d’enfant non intégré semble apparaître dans différentes conditions. Tout d’abord, lorsque l’élève est dé-claré avec «des troubles du comporte-ment»; bien des travaux montrent la difficulté à être acceptés qu’éprouvent des élèves ayant cristallisé, en réaction à leurs échecs scolaires, des comporte-ments mal perçus par autrui. Certains préfèrent même la classe de ressource où ils se sentent plus en sécurité. La seconde condition concerne le temps passé en dehors de la classe ordinaire. Lorsque l’élève passe plus de 20% en dehors de la classe ordinaire ou n’y suit pas les disciplines sélectives, il se sent davantage appartenir au groupe constitué par les activités de la classe de ressource.

En guise de conclusion…

Les perceptions qu’ont les élèves des contextes scolaires dans lesquels ils agissent nous confirment l’importan-ce de soutenir leur intégration à l’aide d’enseignants spécialisés ou d’appui contribuant à répondre à leurs be-soins pédagogiques et didactiques particuliers. Mais ils nous disent aussi comment il est primordial d’éviter le morcellement des contextes d’ap-prentissage pour un élève dont les difficultés appellent d’autant plus de repères stables. Il convient au contrai-re d’articuler l’activité pédagogique et didactique sur celle de la classe ordi-

naire, en recourant, notamment, aux différentes modalités de co-enseigne-ment. Co-enseigner implique bien sûr, en plus de leur mise en œuvre, la régulation des pratiques de gestion du groupe-classe et des pratiques di-dactiques qui ont été planifiées entre deux enseignants. Au niveau des pratiques d’ensei-gnement, les élèves nous rappellent l’importance de les différencier en fonction des besoins des élèves, d’en-seigner les savoirs non ou peu en-seignés et pourtant requis à l’école, d’expliciter les objectifs à atteindre, d’instaurer des repères stables dans le fonctionnement de la classe et des leçons (Cèbe, Pelgrims & Martinet, 2009). A cet effet, il convient de tra-vailler le terme besoin éducatif parti-culier que l’usage, malheureusement, rend synonyme de déficience, handi-cap, situation de handicap. Afin de mettre en place des pratiques d’en-seignement facilitant chez tous les enfants l’intégration du rôle d’élève, il s’agit d’identifier leurs éventuels besoins pédagogiques et didactiques particuliers: besoins d’apprendre les règles, les savoirs et les savoir-faire requis pour participer et appartenir à la culture sociale et didactique de la classe.

1L’auteure conduit différents travaux sur les aspects so-cio-affectifs des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers et scolarisés dans différents contextes d’en-seignement ordinaire et spécialisé. Ses propos sont fondés sur des travaux publiés et sur des données recueillies, en collaboration aussi avec des étudiantes et assistantes: Natalina Meuli, Delphine Ochsner, Sonia Sennane et Cécilia Zuccone.

Vous trouverez toutes les références bibliographiques liées à cet article sur le nouveau site: pagesromandes.ch

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Intégrer les porteurs de lunettes à l’écoleLe point de la situationPierre Vianin, enseignant HEP-Valais, Sierre

Depuis ses débuts, l’école s’est in-terrogée sur l’accompagnement des élèves présentant des besoins parti-culiers. Les réponses apportées ont été différentes selon les époques. Actuellement, le système scolaire est à un tournant: la scolarisation de tous les élèves à l’école régulière tend à devenir - enfin - une réalité. La situation est très différente se-lon les cantons, mais le mouvement vers une école inclusive est engagé.Et il est irréversible.

Premier jour de classe. Les élèves ont un nouvel enseignant - qui s’ex-prime d’emblée sur ses attentes: «Avec moi, chaque année, la moyenne de classe est de 4.3. Pour réussir vous de-vez donc bien travailler!».

Autre enseignant - logique iden-tique – qui rend des examens à ses élèves: «Je vous avais dit que je comp-terais 2 fois la note de cet important examen. Mais, lors de sa correction, je me suis rendu compte que les ré-sultats étaient trop bons. Je ne la compterai donc qu’une seule fois et je préparerai un nouvel examen plus difficile, pour équilibrer».

Troisième situation: Marc pré-sente un retard mental de 2 ans. Il est entré en classe enfantine avec ses copains du quartier. Il a beaucoup de difficulté à se repérer dans les différen-tes activités journalières et souffre de problèmes d’attention. Il a fait énor-mément de progrès depuis son entrée à l’école, il y a 5 ans. En rééavaluant son QI, la psychologue est stupéfaite par les progrès réalisés.

Caroline est une élève qui pré-sente un retard mental suite à une tumeur au cerveau. Ses parents l’ont surprotégée, suite au diagnostic. Lors de son entrée à l’école, elle ne savait pas marcher. Elle a maintenant 7 ans et a beaucoup progressé. Grâce, no-tamment, à l’aide de ses pairs, Caro-line commence maintenant à lire.

Une classe homogénéisée… ou pasteurisée

Ces quatre situations1 posent la ques-tion du seuil de tolérance de l’école face à la différence. Il faut l’affirmer clairement: la «classe homogène» est un mythe, c’est un rêve et une folie. Un rêve pour les enseignants qui pen-sent – comme dans nos deux premiers exemples – que la «moyenne» est la règle et la répartition gaussienne des résultats, une fatalité, voire une né-cessité. Une folie, pour tous ceux qui pensent que la diversité des élèves et la variété des parcours sont une richesse. Dans les deux dernières situations, on considère que l’école est à l’enfant ce que la société et le monde du travail sont à l’adulte. Exclure un enfant de l’école régulière, c’est le couper du monde, c’est l’arracher à ses copains, à son quartier, à son village.

Historiquement, la prise en compte de la différence est passée par plu-sieurs phases. J’en distinguerai 3 principales:La peur et le rejet: l’histoire du rejet est très longue. Dans la Sparte anti-que, par exemple, une commission décide de la survie des nouveaux-nés; les enfants présentant une déficience sont éliminés. En Gaule, les enfants sourds sont sacrifiés à Teutatès, en Chine, jetés à la mer. Plus proche de nous, les nazis – avec les métho-des que l’on connaît – ont exterminé des dizaines de milliers de personnes en situation de handicap (Lambert, 1997). Les exemples sont multiples et la morale judéo-chrétienne de l’amour du prochain, surtout s’il est faible, mettra des siècles à s’imposer.La catégorisation et la ségrégation: dès les années 1950, le diagnos-tic s’affine, ce qui permet de mieux identifier les difficultés des élèves et de mieux comprendre leurs besoins. Malheureusement, la catégorisation

va susciter une «fièvre ségrégative», les enfants étant orientés vers des structures permettant, censément, de mieux répondre à leurs besoins. De nombreuses institutions, écoles et classes spécialisées ouvrent leurs por-tes – qu’on peine à refermer actuelle-ment… Comme le dit très justement Gardou2, «la catégorisation permet la connaissance, mais interdit la re-connaissance». En effet, le diagnos-tic est important pour une meilleure connaissance des difficultés, mais il risque d’enfermer l’élève dans son syndrome et d’interdire la prise en compte de ses besoins spécifiques – toujours singuliers. Dans une logi-que de catégorisation, les porteurs de lunettes sont en danger3! La reconnaissance et l’inclusion: dès les années 70, le courant de la «nor-malisation» remet en question les op-tions prises. Le statut de l’altérité est discuté (Moulin, 2000): n’est-ce pas finalement l’école et sa non-recon-naissance de la différence qui créent le handicap? Ne serait-il pas possible de différencier l’enseignement en classe régulière, plutôt que de différencier les structures, au risque de créer des classes pour les enfants dyslexiques, autistes, à haut potentiel, ou… por-teurs de lunettes?

Intégrer l’inclusion à l’école

Actuellement, le principe inclusif est adopté par la plupart des pays. A Salamanque, en 1994, l’UNESCO a décrété que les écoles ordinaires devaient accueillir tous les enfants, indépendamment de leurs difficultés ou leurs handicaps. Mais de la décla-ration à la réalisation, le chemin est parfois long… Actuellement, en Suis-se, le principe de la scolarisation de tous les élèves à l’école régulière n’est pas encore respecté: 6% de l’ensem-ble des enfants fréquentent encore une classe ou une école spécialisée

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(Noël, 2009). Certains cantons font exception: en Valais, par exemple, les premières expériences d’intégration datent des années 80. Actuellement, il est le canton romand le plus inté-gratif, avec un taux de séparation de seulement 2.2%, ce qui représente environ 250 enfants en situation de handicap intégrés dans les classes ré-gulières. Les bénéficies de l’inclusion sont mul-tiples (Noël, 2009). Les recherches montrent, notamment, que les élèves intégrés progressent mieux - et plus - dans les classes régulières (compé-tences sociales et scolaires). Quant à leurs pairs, ils développent des valeurs nouvelles, comme la solidarité, l’en-traide, la tolérance et le respect de la différence. D’autre part, ces recherches soulignent que l’inclusion d’élèves en situation de handicap dans les classes ne péjore pas les apprentissages des autres élèves. Au contraire, l’inclusion conduit les enseignants à différencier, ce qui profite à l’ensemble des élèves de la classe (Lantier, 1994).Si les bénéfices de l’inclusion sont nombreux, des difficultés peuvent se poser pour des enfants présentant des troubles de la personnalité ou des dif-ficultés de comportement importan-tes. La présence en classe d’un élève qui en perturbe le fonctionnement

par des comportements dérangeants peut en effet rendre la tâche du titu-laire très difficile. Ce n’est donc pas, d’abord, les enfants en difficulté ou en situation de handicap qui posent problème, mais les enfants qui ne res-pectent pas les règles de fonctionne-ment de la classe.

La force du plus faible

Nous vivons actuellement une période très stimulante. Le «mur de Berlin» de l’exclusion scolaire s’effondre. Si certains pans résistent encore, nous savons que le processus est engagé et qu’il est irréversible. L’école régulière devient, enfin, le lieu naturel de scola-risation de tous les élèves. Aujourd’hui, il ne s’agit donc plus de se demander s’il faut inclure, mais d’envisager les moyens les mieux adaptés pour répon-dre, dans l’école régulière, aux besoins de chaque enfant.L’inclusion peut se fonder sur des motifs pédagogiques et pragmati-ques, mais également – et surtout – éthiques. L’inclusion n’est donc pas un cadeau que l’on fait aux enfants en situation de handicap, mais c’est un droit pour eux et un devoir pour nous. Le préambule de la Constitu-tion fédérale déclare que «la force de la communauté se mesure au bien-

être du plus faible de ses membres». Chaque école devrait inscrire sur son fronton cette magnifique finalité: en effet, la force de l’école doit se me-surer à la place qu’elle accorde aux élèves présentant des besoins particu-liers. Comme porteur de lunettes, ça me soulagerait… 1 Les 4 exemples sont réels (malheureusement pour les deux premiers…).2 Lors d’une conférence donnée à Sion, cette année. Char-les Gardou est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés principalement aux situations de handicap. Il est profes-seur à l’université Lumière-Lyon.3 Les porteurs de lunettes devraient d’ailleurs se mobiliser contre les options actuelles de l’UDC qui propose claire-ment d’homogénéiser les classes! En attendant la pasteu-risation…

Références bibliographiques

Lambert J-L. (1997), La nouvelle tentation eugénique, Lausanne, Des SentiersLantier N. et al. (1994), Enfants handicapés à l’école - Des instituteurs parlent de leurs pra-tiques, Paris, L’Harmattan Moulin J-P. (2000), La non-exclusion des en-fants différents, ultime étape vers une école dé-mocratique, in Éducateur Magazine, 6/2000, pp. 6-9Noël I. (2009), A qui profite l’intégration? in Formation et pratiques d’enseignement en question, no 9, Fribourg, pp. 177-179

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Définir l’intégration et l’inclusionTrois questions à un enseignant spécialiséStéphane Bergevin, enseignant spécialisé, Fondation de Vernand, Lausanne

Comment un pédagogue perçoit-il les mouvements d’in-tégration et les intransparences sémantiques qui l’accom-pagnent? Ce sont les questions que nous avons posées à un enseignant spécialisé de la Fondation de Vernand.

Pages romandes (PR): Insertion, inclusion, intégration. Ces termes sont souvent interchangeables lorsqu’on parle de la scolarité des enfants en situation de handicap. Quel-les nuances apporteriez-vous en tant qu’enseignant spécia-lisé, s’agissant de ces trois notions?

Stéphane Bergevin (SB): Tout d’abord, le terme d’inser-tion est rattaché à celui d’intégration dans les domaines socio-économique, de la formation professionnelle et du retour à l’emploi.L’intégration évoque un partage de temps de fréquenta-tion entre une école ou une classe d’enseignement spé-cialisé et l’école ordinaire. Il s’agit d’une mesure destinée à des apprenants ne pouvant suivre la formation scolaire ordinaire en raison de caractéristiques individuelles et qui est couplée à une scolarisation intégrative.Le terme d’inclusion ou d’école inclusive fait référence à l’accessibilité de l’école à tous les élèves. Il diffère de l’inté-gration par le droit égal de tout enfant à fréquenter l’école ordinaire, indépendamment de ses différences ou de ses difficultés. Dans cette perspective, l’Ecole s’adapte aux be-soins spéciaux de chaque élève.Ces termes ont donc des significations distinctes. Ils s’op-posent au concept d’exclusion et renvoient à un processus de transition entre ces deux zones de tension plutôt qu’à un état.

PR: Quels sont les moyens et/ou les outils pédagogiques né-cessaires à la mise en place d’une vraie politique de prise en compte des enfants ayant des besoins spéciaux ?

SB: L’Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée a défini les contours d’une politique de prise en compte des enfants ayant des besoins spéciaux. Dans le canton du Vaud, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture travaille depuis quelques années à la mise en œuvre d’un modèle pédagogique en partant du postulat que tout élève est capable d’apprendre et en se référant à trois paradigmes, à savoir les facteurs environnementaux susceptibles de réduire la situation de handicap, une approche pédagogique inclusive et le rap-prochement entre les mondes de la pédagogie ordinaire et de la pédagogie spécialisée. Ainsi, je crois que l’élabora-tion de moyens est bien engagée.

Cependant, des préoccupations demeurent: par exemple, sur le terrain, nous observons un manque de moyens et de personnel qualifié pour accompagner les élèves vi-vant avec une incapacité intellectuelle dans leur classe d’intégration.A cela s’ajoute la question de leur âge et des possibilités d’intégration. Nous remarquons que ce sont les élèves les plus jeunes qui bénéficient de mesures intégratives. Dans ce processus, l’environnement scolaire admet la difficulté de les intégrer dès le deuxième cycle primaire et envisage la solution séparative à plein temps au-delà.Enfin, nous nous interrogeons également sur un dispo-sitif de transition entre la fin de l’école obligatoire et la formation postscolaire à même de répondre aux besoins spéciaux des adolescents en matière d’orientation et de préparation à une activité professionnelle. En effet, au moment de l’orientation professionnelle, l’élève et sa famille sont confrontés à un choix de formations très restreint. Les critères d’aptitude et de rentabilité écono-mique ont une influence déterminante sur la probabilité d’entreprendre une formation spécialisée. Ils prennent le pas sur les désirs professionnels dont il faut trop souvent faire le deuil. Les voies de formation évoluent vers une séparation d’avec les personnes n’étant pas en situation de handicap. Cette ligne de partage donne l’impression de produire une inégalité lourde de sens quant aux possi-bilités de trouver une activité professionnelle et donc aux opportunités d’être intégré, l’emploi correspondant à une valeur prépondérante dans notre société.

PR: Comment développer les compétences des enseignants pour accueillir les enfants avec une déficience intellectuelle?

SB: La formation pédagogique est importante, bien sûr. Elle est essentielle pour que chaque enseignant soit – et se sente – en mesure de répondre aux besoins scolaires spécifiques de ces élèves. Cependant, je pense que le déve-loppement de compétences ne passe pas uniquement par une formation à la pédagogie différenciée. Elle concerne aussi l’accès à une meilleure compréhension des processus sociaux et des parcours de vie que traversent les personnes vivant avec une incapacité intellectuelle et leurs parents. L’intensification de contenus de formation cherchant une vision transdisciplinaire permettrait aux professionnels de contribuer à modifier leurs représentations afin d’aborder la rencontre avec la personne au-delà des stigmates de son handicap. De même, le développement de la collabora-tion interprofessionnelle et celui du partenariat avec les familles favoriseraient le partage des compétences entre tous les acteurs impliqués.

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LA LIPPI, une loi d’intégrationPeu de gens la connaissent et pourtant...Sébastien Delage, éducateur spécialisé, Neuchâtel

Difficile d’aborder le sujet de l’intégration des personnes avec un handicap sans un retour aux fondamentaux. Le texte de la LIPPI en est un. Dans cet article, Sébastien Delage retra-verse, pour mémoire, notre Loi fédéralesur les institutions destinées à promou-voir l’intégrationdes personnes invalides.

Comme travailleurs sociaux, nous par-lons souvent de maintien et de dévelop-pement de la dignité, de la valorisation des compétences et des motivations des personnes qui sont confiées à notre ac-compagnement. Ces convictions professionnelles, qui fon-dent nos engagements, sont soutenues par une loi fédérale trop méconnue: la LIPPI, Loi Fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides.La LIPPI découle du vœu du peuple sou-verain qui, après acceptation (à 65%!) en votation populaire de 2004, indique par l’article 112 de la Constitution fédérale que la Confédération a pour mission d’en-courager l’intégration des invalides, et que les cantons y contribuent en construisant et exploitant des institutions. En bonne place dans notre texte fondateur, appuyé par son art. 197 ch. 4, expliquant le mé-canisme péréquatif subséquent, se trouve donc la notion d’intégration.Nous croyons trop souvent devoir avant tout développer la dignité, les compéten-ces et les savoirs professionnels ou scolaires des personnes, enfants ou adultes, à nous confiées: la LIPPI nous rappelle nettement, et avec force, que l’intégration est vertu car-dinale, et que, sans intégration, tout savoir, toute construction de l’être ne serait qu’ef-fort à valeur partielle.L’Assemblée fédérale, en acceptant la LIP-PI, a prescrit qu’une institution souhaitant

reconnaissance via la LIPPI doit garantir, pour chaque personne invalide, que ses droits seront préservés, qu’il s’agisse de la possibilité d’avoir une vie privée, de bé-néficier d’une individualisation de presta-tions ou d’entretenir des relations sociales en dehors de l’institution.Par exemple, un atelier qui occuperait des personnes invalides ne pouvant exercer aucune activité lucrative dans des condi-tions ordinaires, fût-ce dans un système de progression professionnelle, serait lui aussi compatible avec la LIPPI. Il y aurait donc, ici, un lien entre certaines missions de formation professionnelle spécialisée et l’intégration des personnes invalides dans notre société.Dès lors, on peut souhaiter que les lieux de formation spécialisée, qui fournissent d’excellents motifs de progression profes-sionnelle adaptée aux personnes invalides, n’oublieront jamais que leur système de formation et de progression, amenant pas-à-pas chacun au meilleur accomplissement de travaux valorisants, doit nettement vi-ser à l’intégration pour être «LIPPI-com-patible». Sans vocation à l’intégration, toute for-mation, toute pédagogie et toute activité adaptée proposées aux personnes en situa-tion de handicap dans un contexte sou-tenu par la LIPPI, ne sont pas un objectif complet.La LIPPI mentionne la nécessité de dispo-ser d’un personnel spécialisé: il serait inté-ressant de vérifier, dans les textes régissant ce qui est enseigné aux professionnels du monde du social, quelle part des enseigne-ments est réellement dédiée à l’intégration et aux outils construisant cette intégra-tion. En tout cas, voici quelques années, il était des systèmes de formation dans les-quels le mot «intégration» se faisait plutôt discret…La LIPPI représente un socle inaliénable, organisant la transparence des institutions, leur ouverture sur le monde, et prescrivant la transversalité et l’universalité intangibles de l’intégration dans les missions des tra-vailleurs sociaux.

«Chaque canton garantit que les personnes invalides domiciliées sur son territoire ont à leur disposition des institutions répondant adéquate-ment à leurs besoins». (art. 2, LIPPI)

Ci-dessous:La Maison Julie Hoffmann, de la Fondation Eben-Hézer, Lausanne.

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«Ma fille Gwenaëlle a 8 ans. Elle a bénéficié de l’intégration avec les en-fants du quartier au Jardin d’Enfants Ensemble à 2 ans et demi, sous la forme d’une heure de bricolage ou de lecture de contes. Cela lui faisait fait du bien. Lorsque, dans la suite de sa prise en charge, elle est entrée à l’Eco-le La Petite Arche, j’ai demandé à ce qu’elle puisse faire de l’intégration.

C’est important pour moi que ma fille ne soit pas mise dans une bulle, ca-taloguée comme enfant handicapée. Elle peut développer des compéten-ces, si on la met dans des situations avec des enfants valides. Elle peut ap-prendre. Comme je la prends partout, que je fais beaucoup de choses avec elle, je trouve important qu’elle se comporte bien en société. Dans une classe avec des enfants valides, elle est comme tout le monde. Elle est considérée comme une personne «normale». Dès la première année elle a participé à un projet d’intégration, l’après-midi, dans une classe enfantine. Au départ elle était accompagnée d’une éducatrice qui l’aidait à faire des dessins et d’autres activités ma-nuelles. L’éducatrice et la responsable pédagogique de l’école m’ont même appris que ses camarades l’attendaient avec impatience. Cette intégration aide peut-être aussi les enfants valides à comprendre cette différence et à ne pas avoir un regard méprisant une fois plus grands.Ces rencontres ont commencé à in-téresser Gwenaëlle. et elle a progressé en particulier pour prendre le goûter. Quand elle allait en intégration, elle partageait ce moment avec les enfants valides. Et l’émulation a fait qu’elle s’est intéressée à la nourriture. Aujourd’hui elle est dans une classe spécialisée, au sein d’une école pri-maire ordinaire. Maintenant, c’est beaucoup plus complet puisqu’elle

intègre une classe d’enfants valides pour la rythmique et le bricolage. Quand la classe d’à côté fait de la pâtisserie, les élèves viennent la cher-cher. Elle va également manger à midi dans le grand réfectoire avec tout le monde. Au départ, elle était impressionnée, mangeait mal, mettait les mains dans l’assiette et faisait des bêtises. Depuis, elle a fait de grands progrès. Au ni-veau de son vocabulaire, je trouve les efforts qu’elle fait extraordinaires, parce qu’elle veut se faire compren-dre. Le fait de vivre en intégration lui

donne envie de se donner les moyens de se faire comprendre.J’étais toutefois un peu inquiète par rapport au changement de classe. Va-t-elle taper, griffer? Je ne nie pas qu’il y a eu des incidents au départ parce qu’elle n’était pas en confiance et que c’était nouveau, mais maintenant elle a son rythme, ses habitudes et elle est contente. Cela se passe très bien. C’est en confrontant les enfants à des situations qui les sortent de ce «cocon handicap» qu’ils changent et évoluent.»

L’intégration en école ordinaireTémoignage d’Isabelle, maman de GwenaëlleMichèle Ortiz, psychologue et membre du comité de rédaction

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Cet article vous propose un «pas de côté», un regard différent, une discus-sion autour des relations entre les in-clusions d’élèves avec handicap et leur milieu scolaire en les comparant avec les inclusions décrites en biologie.

Avant d’être utilisé communément dans le contexte scolaire, en oppo-sition à l’exclusion, souvent même seul avec le terme «scolaire» implicite, compréhensible uniquement par le contexte, le nom «inclusion» a été souvent utilisé en biologie.Pour les naturalistes du siècle der-nier, une inclusion pouvait être «un insecte, une fleur, un petit objet quel-conque conservé dans un bloc de ma-tière transparente»1 permettant une conservation des formes et des cou-leurs en les isolant de l’air.De même, les spécimens préparés pour être observés au microscope op-tique consistaient en une inclusion dans une matière transparente qui les conservait et permettait aussi de pro-céder à des coupes fines, sans défor-mer les cellules.La microscopie électronique a permis par la suite de découvrir l’intérieur des cellules avec leurs inclusions, des éléments cellulaires nettement déli-mités mais le plus souvent sans mem-brane. Les inclusions sont insolubles dans le cytoplasme, elles sont aussi incapables d’autoduplication.Les inclusions cellulaires ont dans cer-taines cellules la fonction de réserve énergétique comme le glycogène ou les lipides, qui vont s’échanger lors de diverses phases du métabolisme cellu-laire; d’autres inclusions sont consti-tuées de déchets inertes sous forme de cristaux de formes variées; d’autres en-core peuvent être composées de subs-tances n’appartenant pas aux consti-tuants normaux de la cellule et en menacer l’intégrité comme les inclu-sions virales qui utilisent les ressources des cellules envahies pour se multiplier.

L’opposé d’un modèle d’exclusion

Cette illustration, empruntant un passage par une terminologie uti-lisée en biologie, a pour but de mettre ceci en évidence: le modèle d’inclusion, soit de mise à l’inté-rieur des classes fréquentées par les autres élèves du même âge, des élè-ves en situation de handicap, est bien l’opposé d’un modèle d’ex-clusion, de mise à l’extérieur, du groupe. Il n’en demeure pas moins que le choix d’une forme de prise en charge des élèves qui ont des besoins pédagogiques particuliers ou qui nécessitent des soins pour leur per-mettre d’apprendre, pose des ques-tions qui vont au-delà d’un modèle d’organisation.Il ne s’agit pas seulement de choisir si les enfants concernés sont dépla-cés à l’extérieur du contexte scolaire fréquenté par la majorité de leurs camarades du même âge pour rece-voir, seuls ou en groupe, les aides né-cessaires à leur développement ou si ce sont les prestataires d’aide qui se déplacent auprès des enfants- statis-tiquement peu nombreux par rap-port à leur groupe d’âge - pour leur fournir individuellement un soutien adapté, alors qu’autour d’eux, une majorité a les moyens de prendre part sans aide au projet scolaire.L’inclusion scolaire des enfants avec handicap est-elle un progrès sur le chemin de l’égalité de l’offre des mêmes conditions de scolarité pour tous les enfants en leur proposant un contexte de socialisation unique? Au contraire, l’inclusion constitue-t-elle une autre manière de marquer la différence?La comparaison proposée avec les inclusions montre dans la cellule vi-vante, comme dans une classe avec inclusion d’un ou plusieurs enfants différents dans leurs besoins la possi-bilité d’échanges avec le milieu, des

échanges positifs énergisants, mais aussi un risque de destruction de la cellule par le biais des inclusions virales, ou de déstructuration du contexte de la classe selon les problé-matiques posées, soit, une différence du devenir des inclusions entre elles selon leur interaction avec le milieu.Les inclusions n’ont pour la plupart pas de membrane, si elles sont iner-tes, sous forme de cristaux par exem-ple, elle peuvent ne pas avoir d’in-fluence sur le contenu de la cellule, ni être influencées; les inclusions de glycogène ou de lipides sont utilisées en fonction des besoins de la cellule. Elles n’ont pas de contenant propre. En poursuivant la comparaison, il faut se demander qu’est-ce qui peut constituer le contenant protecteur d’un élève inclus au milieu d’autres, plus nombreux que lui toujours, et en possession de ressources mieux adaptées.Pour terminer, les inclusions ne sont pas solubles dans le cytoplasme, le milieu cellulaire, elles gardent une forme délimitée, séparée du reste. Pour être entièrement intégré, un enfant avec un besoin d’aide adaptée à ses besoins devrait-il être entière-ment «soluble» dans le milieu de sa classe?Alors, l’inclusion un progrès? Un modèle d’organisation avec ses ri-chesses et ses limites, adapté pour certains, moins pour d’autres? Des enfants isolés dans un grand groupe parce que peu nombreux ou part in-tégrante d’un système avec des dif-férences?Le débat se poursuit…

1 Définition, dictionnaire Larousse

Inclusions comparéesDe l’inclusion décrite en biologie à l’inclusion scolaireJosette Guignard, pédopsychiatre, Lausanne

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Ensemble, c’est toutApplications mathématiques à la question du handicap David Queloz, mathématicien, actuaire et membre de la direction d’un groupe d’assurancesInterview réalisée par Olivier Salamin, membre du comité de rédaction, Sierre

David Queloz est docteur en mathématiques appliquées (Université de Fribourg); il occupe la fonction d’actuaire (en allemand «Versicherungsmathematiker») et est mem-bre de la direction d’un groupe d’assurances. Après une thèse sur les estimateurs statistiques avec un nombre crois-sant de paramètres des modèles, il travaille aujourd’hui dans un contexte économique où il évalue les risques assu-rantiels contenus dans des produits d’assurance.

Notre invitation vous a d’abord un peu surpris. Nous étions à la recherche d’un mathématicien pour évoquer avec lui la théorie des ensembles et chercher à mieux défi-nir les notions d’intégration et d’inclusion… Quelle a été votre première impression?

Ma 1ère étape a consisté à me remémorer la théorie des ensembles, approche que je n’ai plus pratiquée depuis mes études universitaires... En mathématiques, un ensemble A est inclus dans un ensemble B si tout élément de A fait aussi partie de B. Personnellement, dans les exemples de la vie courante, j’interpréterais «l’inclusion» comme une situation dans laquelle deux éléments qui sont de nature similaire ou proche sont amenés à interagir, à travailler ensemble; une notion d’unité s’en dégage ainsi. Dans cette vision, il n’y a donc pas le sentiment d’une intervention «forcée». Cela peut sous-entendre que l’inclusion dans un groupe est donc en lien étroit avec la notion de «conditions d’ac-cueil» favorables. Dans la notion d’intégration en revanche, il se dégage, se-lon moi, une idée de «forcing», un passage qui n’est peut-être pas sans heurts. Ainsi, à mon sens, l’inclusion semble plus naturelle et se fait plus dans le respect, ce qui peut impliquer une démarche d’accompagnement.

Faire des maths, pour vous c’est: un état d’esprit, une pas-sion, un gène?

Selon moi, c’est tout d’abord un état d’esprit. C’est aussi disposer d’un esprit cartésien, apprécier les réflexions rigou-reuses, systématiques. Cela doit certainement être nécessai-re pour accepter de travailler avec une matière aussi «sèche», dénuée d’appréciations sociales ou humaines que sont les mathématiques, mais qui permet aussi d’arriver à des cer-titudes «absolues» favorisant la prise de décision (vrai/faux, oui/non, …).Comment les mathématiciens vivent-ils les relations hu-maines, qui regorgent d’éléments aussi bien objectifs que subjectifs, influençant des décisions qui ne sont que rare-ment binaires? Une approche unique pour traiter de l’hu-

main en laisse forcément une ou plusieurs sur le bord de la route. Pour le mathématicien que je suis, répondre à des mandats dans le monde politique me plonge dans des situations dans lesquelles la notion de relativité peut être extrême-ment importante lors de prises de décisions. Cela amène à reconsidérer la notion de vérité «pure», mais aussi à garder conscience que le monde «réel» n’est pas aussi binaire que peut l’être celui des sciences.

Pouvez-vous nous parler en quelques mots de l’apport de modèles statistiques?

Dans le cadre de modélisations statistiques, des tendances générales sont établies; elles se basent sur des moyennes, ainsi que sur des écarts «moyens» (écart-type) par rapport à ces dernières, cela permettant de proposer des solutions standardisées… qui, par définition, ne correspondent ja-mais totalement à la réalité observée! C’est donc un moyen de comprendre le fonctionnement de certains phénomè-nes, notamment humains, sans pouvoir les expliquer tota-lement. C’est cela aussi, la «beauté» de chaque individu…Dans le domaine de l’assurance-maladie, certains experts cherchent à développer des modèles de «morbidité» qui permettraient de «classer» chaque personne, selon son profil, dans une catégorie de risques. Est-ce réaliste? Peut-on aujourd’hui déterminer quels sont les paramètres (âge, sexe, lieu de domicile, comportement, gènes, …) qui per-mettent de le faire? Et surtout le risque n’existe-t-il pas que ce nombre de paramètres soit tellement important que nous nous retrouvions tous dans notre «propre boîte»?...De manière générale, accepter que tout être est fonda-mentalement unique pousse à des réflexions menant à des regroupements de ces derniers, et à reconnaître de facto que des différences existent et existeront toujours! Une juste appréciation entre un nombre acceptable de regrou-pements et des différences gérables au sein de ces derniers doit pouvoir réduire le risque d’exclusion inhérent à ce type de démarches.

On ne s’attend pas souvent à trouver des mathématiciens ailleurs qu’à l’Université, dans un monde dédié à l’avancée de la recherche. Il semble que les maths conduisent aussi à la gestion et au management?

Au travers de sa formation, un mathématicien acquiert un certain nombre d’outils utiles pour occuper des postes de management. Ce sont en général des personnes organi-sées, capables de gérer le travail avec méthode et rigueur, structurées dans leur pensée. Ce bagage de compétences

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doit cependant idéalement encore être complété par des notions relatives à la gestion des ressources humaines, en d’autres termes développer aussi le quotient émotionnel qui permet de gérer des problématiques pour lesquelles les solutions sont rarement binaires…

Vous travaillez dans le domaine souvent controversé des assurances sociales, «faire du business dans le champ de la santé» (entend-on de plus en plus souvent): comment pourriez-vous nous décrire votre parcours professionnel au sein du groupe d’assurances qui vous emploie?

Pouvoir comprendre un phénomène, et en expliquer les facteurs-clé, tels que l’évolution des coûts dans le domai-ne de la santé représente pour tout statisticien quittant le monde académique un défi passionnant et motivant à re-lever; c’est donc avec cet esprit-là que j’ai commencé mes activités au sein de mon entreprise. Ensuite le fort déve-loppement de ce dernier m’a permis d’occuper différentes fonctions jusqu’à celle que j’ai aujourd’hui.Mais revenons sur le thème passionnant des coûts de la santé... Très rapidement, il apparaît qu’un tel phénomène est extrêmement difficile à modéliser, et le résultat obtenu donne des résultats souvent insuffisants pour pouvoir en tirer des tendances précises. Tant d’éléments liés à cette situation ou exogènes interagissent entre eux et rendent une telle approche difficilement réaliste. A titre d’exemple, citons le modèle élaboré par des spécia-listes d’une haute école en Suisse allemande et qui donne des projections pour l’année suivante. Selon leur approche, la croissance des coûts pour 2012 - par rapport à 2011- devraient, dans 90% des cas, se trouver entre +0.6% et +7.3%. Ce qui donne une variation que l’on peut consi-dérer comme très importante, si l’on sait que cela concerne des montants supérieurs à 20 milliards de francs. Dans le champ de l’assurance privée, les techniques actua-rielles sont très souvent utilisées. Elles doivent nous permet-tre d’évaluer au mieux les risques assurantiels que prend un assureur quand il offre des couvertures d’assurances. Com-bien va coûter en moyenne un assuré de sexe masculin, âgé entre 31 et 35 ans, habitant dans le canton de Vaud et qui bénéficie du choix de la division privée en cas d’hospitali-sation? Différents outils statistiques nous sont alors d’un grand soutien pour estimer au mieux ces prestations et dé-finir le montant de prime qui devra être facturé à l’assuré. En décidant de conclure un contrat d’assurance privé, une personne cherche à se couvrir contre les conséquen-ces économiques liées à la réalisation du risque couvert: maladie, accident, invalidité ou décès, par exemple. Ré-cemment nous avons lancé un nouveau produit exclusif qui permet d’apporter une réponse financière dans une situation humaine très difficile; la prestation consiste à verser une rente aux parents dont l’enfant serait atteint de cancer et qui se verraient contraints d’arrêter de travailler pour s’en occuper. Dans ce cas, ce qui a joué le rôle primaire de catalyseur pour ces réflexions n’est pas seulement celui du profit pour la société, mais c’est aussi d’apporter une réponse d’utilité sociale. La prime finale qui devra permettre de couvrir le coût attendu lié à cette prestation d’assurance sera, il est vrai par la suite, complétée par une part devant servir à gé-

nérer un flux financier positif pour la société, afin qu’elle puisse notamment continuer à se développer et à favoriser l’innovation.

Les maths sont une science qui peut avoir des applications concrètes. Comment procède-t-on pour créer un modèle mathématique et le mettre en application?

Tout d’abord, de façon très schématique, modéliser un phénomène revient à essayer d’en comprendre le fonc-tionnement, notamment en détectant les variables expli-quant au mieux le résultat obtenu, et cela sur la base d’ob-servations effectuées. Un des objectifs fixés dans le cadre d’une modélisation est ainsi de pouvoir prédire, en fixant la valeur des variables, le résultat à venir.Prenons l’exemple de 100 enfants au bénéfice d’une inté-gration scolaire et pour lesquels vous allez tirer un bilan de l’expérience réalisée pour chacun: intégration réussie, ratée, ratée, réussie, etc. L’idéal serait de pouvoir extraire de cet échantillon les variables-clé, les caractéristiques qui expli-quent la réussite (ou non) d’une telle intégration. Si tout se passe au mieux, vous parvenez à détecter les quelques paramètres qui jouent un rôle fondamental (par exemple le nombre maximal d’élèves dans une classe, le degré de formation de la maîtresse, etc.). Il s’agira alors de considérer ces axes de travail jugés statistiquement pertinents et que vous allez appliquer «sur le terrain» en créant des classes correspondant à ces critères. Ensuite il faudra vérifier avec de nouvelles observations si le résultat obtenu correspond à celui que nous attendions au travers de notre modèle. Il est cependant très important d’analyser tout cela avec une «humilité» certaine, car, comme je l’ai déjà mention-né, vouloir expliquer le comportement humain sur la base de critères définis revient à faire fi du caractère par défi-nition unique de l’être humain. Cela peut par contre être d’un intérêt certain pour augmenter le taux de réussite de projets à caractère humain.Enfin, garder un œil critique sur les résultats obtenus reste une nécessité pour ne pas tirer des conclusions en inadé-quation avec la réalité. Le titre d’un livre écrit dans les années 1950 résume au mieux cette remarque: «How to lie with Statistics»!…

Que retenir de la théorie des ensembles et quelles pistes de travail pouvons-nous en tirer?

La théorie des ensembles est fondamentale en mathéma-tiques; elle introduit notamment les notions d’apparte-nance, mais aussi d’intersection, d’inclusion, de différen-ce et de complément. Elle est à la base de nombreuses constructions mathématiques. Dans cette approche, la notion de «référentiel» est importante; celui-ci permet de dire si un élément est inclus ou non dans un groupe. De façon imagée, on pourrait conclure, dans vos questionne-ments, que la taille du référentiel est un choix de société. Si l’on prend l’humanité comme référentiel, chacun y sera inclus. Si l’on resserre celui-ci à une classe où n’est évaluée qu’une certaine performance (p.ex. scolaire), gageons que les conditions d’accueil nécessaires à l’inclusion seront plus exigeantes, et donc plus exclusives. CQFD**Ce Qu’il Fallait Démontrer…

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Une journée à la rencontre de l’autreOlivier Salamin, directeur, ASA-Valais, Sion

Comme cela avait été annoncé dans les colonnes de la re-vue, l’Association valaisanne d’aide aux personnes handi-capées mentales (ASA-Valais) a organisé le samedi 18 juin passé une première «Journée rencontre».Celle-ci avait pour but de permettre à des personnes suffi-samment autonomes pour se rendre à Sion par leurs pro-pres moyens, de disposer d’un lieu et d’une animation qui favorise les rencontres… et plus si affinités.

Plus si affinitésL’intitulé de la journée, nous le savions, allait générer des attentes importantes chez certains participants. Il est dif-ficile d’espérer rencontrer l’amour d’une vie et de ne pas le trouver là où il est attendu.Parmi la douzaine d’inscrits, nous n’avons compté qu’un tiers de femmes. Ce décalage, nous l’aurions souhaité plus réduit et nous en tiendrons compte pour tendre vers une plus grande parité lors d’événements ultérieurs.Au final, il était sans doute plus commode de venir à Sion pour nouer des liens et de nouvelles amitiés, pour échan-ger ses coordonnées ou… pour repartir ensemble (si, si c’est arrivé mais nous n’en dirons pas plus).

Un slow dating pour prendre son tempsCe que ces rencontres ont donné ou vont donner ne nous regarde pas. Par contre, le concept d’animation qui a sous-tendu la rencontre avait clairement pour but de mettre les participant-e-s aussi à l’aise que possible, de favoriser les échanges entre les uns, les unes et les autres, de donner à la journée une ambiance légère et festive. Magali Pralong et Martial Germanier se sont donc attelés à la mise sur pied

de temps partagés en toute simplicité, pour progressive-ment s’effacer et laisser la place la plus grande possible aux échanges entre participant-e-s.Initiée sous la forme d’un apéritif durant lequel se suc-cédaient des rencontres de 5’ avec chacun-e des partici-pant-e-s, la glace s’est progressivement brisée. Le fait de disposer d’un badge et d’un petit formulaire de présenta-tion préalablement rempli (où figuraient les intérêts per-sonnels de chacun-e) a permis que les langues se délient et qu’un premier temps de gêne soit rapidement dépassé.Un repas partagé selon les affinités - qui ont résulté des premiers échanges du matin - a marqué la pause de midi, avant que les rencontres ne se poursuivent dans une am-biance décontractée, au rythme de musiques choisies par Martial, le DJ du jour.

Mener un second projetLa Brasserie des Etoiles à Sion a joué le jeu d’une ouvertu-re exceptionnelle de ses portes et se dit prête à «remettre le couvert». Aujourd’hui, nous aimerions que cette première expérience ne reste pas lettre morte.Nous comptons sur notre réseau et sur la revue Pages ro-mandes afin de motiver les proches, les professionnels et les personnes elles-mêmes à nous contacter pour consti-tuer une petite base de données de personnes motivées et intéressées par nos rendez-vous de la Brasserie.Notre objectif est en effet d’organiser une seconde ren-contre, idéalement avant la fin de l’année.Pour y parvenir, une condition: 10 femmes et 10 hommes prêt-e-s à prendre le risque de la rencontre.

Nous attendons vos coordonnées et restons à votre disposition:ASA-Valais, av. de Tourbillon 9, 1950 Sion +41 27 322 17 67 - [email protected]

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Nous élirons un nouveau Parlement le 23 octobre. C’est lui qui décidera du sort de deux dossiers essentiels pour les personnes handicapées et leurs proches: le second volet de la 6e révision de l’AI (6b) et la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Il est donc essentiel de s’engager et de participer aux élections fédérales de cet automne.

Le second volet de la 6e révision de l’AI (6b)Deux mois seulement se sont écoulés entre l’adoption par le Parlement du premier volet de la 6e révision de l’AI (6a) et la publication par le Conseil fédéral du message sur le second volet (6b). Ce dernier projet est désormais entre les mains du Parlement. Notre position est claire: le texte doit être renvoyé au Conseil fédéral afin d’être fondamentalement amélioré. Il n’est pas question ici de changer un ou deux détails, mais bien l’orientation du texte.

Le second volet de la 6e révision de l’AI a pour objectif d’économiser 420 millions de francs par an, en s’atta-quant à la sécurité matérielle des assu-rés. Autant dire qu’on s’éloigne encore davantage du mandat constitutionnel visant à garantir la couverture des be-soins vitaux de tous.Un nouveau système linéaire de ren-tes est notamment prévu. Si la volon-té d’affiner le calcul des rentes peut être saluée, le système proposé ici est mauvais. Son objectif n’est pas de vi-ser plus d’égalité mais seulement de permettre des économies. Et tant pis si des milliers d’assurés verront leur rente AI être réduite (voire suppri-mée) sans aucune garantie de trou-ver un emploi pour compenser cette perte. Le Conseil fédéral n’a toujours pas

compris que prôner la réintégration n’était pas synonyme de réintégrer ef-fectivement. Comme dans les autres révisions, les patrons ne sont tenus à rien, alors qu’il semble évident que sans employeur pas d’emploi et que sans emploi, pas de réadaptation.

Un autre point inquiète tout parti-culièrement les milieux concernés. Le Conseil fédéral veut encore dur-cir l’accès à l’AI. Ainsi, le droit à une rente sera suspendu tant que l’office AI estime qu’une personne peut sui-vre des mesures de réadaptation ou un traitement médical. Selon l’inter-prétation que feront les offices AI de la loi, les malades chroniques pour-raient simplement être exclus de l’AI. Enfin, le projet 6b prévoit aussi de réduire les rentes pour enfant, de 40 à 30% de la rente principale.

AI bientôt bénéficiaire, mesures inutilesToutes ces mesures d’économies sont rejetées par nos milieux, d’autant plus qu’elles sont désormais inutiles si l’on se réfère aux derniers calculs de l’OFAS. L’Office fédéral des as-surances sociales prévoit en effet que l’AI redeviendra bénéficiaire déjà en 2019, à la fin du financement addi-tionnel. Il a esquissé divers scénarios, dont le plus probable escompte un bénéfice de 225 millions de francs en 2019, de 716 millions d’ici à 2024. Les mesures existantes suffisent donc à équilibrer les comptes de l’AI et permettront même de désendetter l’assurance à moyen terme. Aucune autre coupe n’est donc justifiée. Et si la Confédération tient absolument à désendetter l’assurance à court terme, elle doit envisager d’autres moyens que de nouvelles réductions durables des prestations. Des recettes supplé-mentaires limitées dans le temps doi-vent être proposées. Si ces positions ne trouvent aucun écho, les organi-

sations du monde du handicap sont déterminées à lancer un référendum.

La Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapéesLes milieux concernés avaient jus-qu’au 15 avril pour se prononcer sur l’adhésion de la Suisse à cette conven-tion onusienne. La partie n’est pas gagnée, les partis de droite et les mi-lieux économiques ayant fait part de leur opposition à la signature de cet accord pourtant déjà paraphé par 149 pays. Tous les Etats européens ont si-gné, à l’exception de la Biélorussie et de la Suisse!Les organisations du monde du han-dicap s’engagent pour la ratification de ce texte qui encourage fonda-mentalement l’intégration et l’égalité des personnes avec un handicap. La Convention interdit la discrimina-tion dans tous les domaines de la vie et garantit les droits fondamentaux civiques, économiques, sociaux et culturels. Du côté de ses adversaires (UDC et PLR en tête), on craint en particulier l’article relatif au droit au travail. Le message du Conseil fédéral sur cette convention est attendu au printemps 2012. Nous espérons donc que les débats se termineront d’ici à décembre 2013 avec une fin heureuse…

AGILE Entraide Suisse Handicap regroupe et représente 40 organisa-tions d’entraide et de proches de per-sonnes handicapées, tous handicaps confondus. Depuis 60 ans, elle s’engage pour la sécurité sociale, l’intégration et l’égalité des personnes vivant avec un handicap.

Le Parlement s’empare de deux sujets chauds liés au handicapMélanie Sauvain, secrétaire romande, AGILE

Politique sociale

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EGVER1, un nouvel outil d’observation et d’évaluationLa démarche de co-construction d’un outil d’observation/évaluation de l’enfant dans son contextesocio-familial, à l’usage des pédagogues en éducation précoce spécialisée du SEI2

Evelyne Guittard, Transition et Passages, Michel Zollinger, Fondation de Verdeil et José Barroso, Fondation de Vernand

Le cadre socio-politique

Suite à la votation populaire du 28 no-vembre 2004, un transfert des tâches entre la Confédération et les cantons a débuté le 1er janvier 2008. Une de cel-les-ci concerne la pédagogie spécialisée. Chaque canton doit alors élaborer une nouvelle base légale.Le Canton de Vaud a accepté l’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (en 2007) qui précise, entre autres, que l’attribution de mesures de pédagogie spécialisée se fera sur la base d’une grille d’évaluation standardisée, qui recourt aux nouvelles classifications internationales, notamment la Classification Internatio-nale du Fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF).Dans ce contexte, les fondations de Ver-deil et de Vernand se veulent proactives dans l’anticipation des changements en marche, et ont souhaité élaborer un outil d’observation/évaluation spécifique à la pédagogie précoce spécialisée des Services Educatifs Itinérants (SEI). Cet outil doit correspondre à la réalité des interventions auprès des enfants dans leur famille et

affiner la prise en considération de l’envi-ronnement socio-familial de l’enfant.Les fondations ont alors mandaté Ma-dame Evelyne Guittard, psychosociologue et pédagogue spécialisée, pour élaborer un dispositif de co-construction d’un outil.L’ensemble de la démarche s’est inscrit dans une approche clinique de l’inter-vention qui tient compte de la réalité ob-jective qu’appréhendent les différents ac-teurs en situation, du cadre mais aussi du niveau symbolique, ainsi que des repré-sentations et du sens. La démarche s’est voulue participative, avec des échanges et des débats collectifs qui ont permis de re-penser les pratiques.

La méthodologie de co-construction de l’outil: un processus en 5 phases du printemps 2009 à l’hiver 2010.

Des séances de travail en alternance avec les groupes régionaux, les cadres res-ponsables SEI des deux fondations, ainsi que des séances en plénière, afin de favo-riser la circulation de l’information, et le nécessaire cadrage des responsables dans l’orientation du projet.

Deux journées de formation-action ont été intégrées au processus de co-construc-tion de l’outil afin de revisiter et mobiliser les référentiels et concepts-clés qui sous-tendent les pratiques.

Les phases du projet

La 1ère phase: une identification des prati-ques des PEPS (Pédagogue en Education Précoce Spécialisée) au sein du contexte familial.Des interviews dans les groupes régionaux ont permis de donner forme, de nommer les modes d’observation de l’enfant au sein du contexte, de la culture, du cadre, des évène-ments de la vie familiale et de leurs mises en lien. De là ont été forgés la structure et les domaines du futur outil concernant l’envi-ronnement socio-familial de l’enfant.La 2e phase: un retour de ces échanges

Dans la perspective de l’entrée en vigueur de l’Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la péda-gogie spécialisée, deux fondations vaudoises construisent ensemble un outil d’évaluation à l’usage des péda-gogues en éducation précoce spécialisée du SEI�. Evelyne Guittard (Transition et Passages) et les responsables du projet des fondations de Verdeil et Vernand exposent leur démarche.

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1EGVER, Evelyne Guittard, Vernand, Verdeil;2 SEI, Service Educatif Itinérant

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dans chacun des groupes a mis en évidence les différentes modalités de pratiques, en fonction des situations et de la posture professionnelle de la PEPS. De cette phase ont émergé des mises en question et en dialogue, tel-les que:

des questions éthiques concer-nant la relation de confiance avec la famille et la confidentialité face aux contraintes de l’écrit dans les rapports de transmission,

des questions d’identités profes-sionnelles des PEPS exerçant à l’ar-ticulation de plusieurs champs dis-ciplinaires, dont les limites restent nécessairement floues.Cette phase a permis de donner vi-sibilité, de révéler au sein du collec-tif des PEPS, les compétences fines mobilisées par les professionnel-le-s, dans les interventions en situation complexe.

La 3e phase: la construction d’un prototype d’outil d’observation a vu le jour, sous une forme informatisée, avec des espaces variables nécessaires aux commentaires par domaine, et des espaces de synthèse.Les premiers essais ont lieu, accom-pagnés de retours critiques de la part de chaque professionnel-le.

La 4e phase: les retours critiques ont été exploités et des éléments de l’outil remaniés et remis en consultation lors d’une séance de travail réunissant l’ensemble des PEPS et les cadres res-ponsables.

La 5e phase: initiation d’un travail en parallèle concernant l’outil centré sur l’enfant pour ensuite être intégré à celui incluant les dimensions socio-familiales et environnementales de l’enfant.

La première version est stabilisée fin 2010. L’outil est entré dans une nou-

velle phase test au début 2011.Dès lors, les pédagogues du SEI des fondations de Verdeil et de Vernand sont entrés dans une phase d’expé-rimentation qui a pris fin en mars 2011. Chaque pédagogue de l’éduca-tion précoce spécialisée a testé l’outil avec un nouvel enfant. Il s’agissait de vérifier son adéquation dans la situa-tion familiale de l’enfant en l’obser-vant aussi bien dans son développe-ment que dans son environnement socio-familial. L’objectif étant la mise en lien de ces deux aspects.

EGVER est personnel à la PEPS et il doit permettre une observation rapide de l’enfant et de son environnement (en quelques semaines). Les observa-tions recensées favorisent la rédaction du premier rapport pédagogique per-mettant de déposer la demande de prestations au Service de l’Enseigne-ment Spécialisé et de l’Appui à la For-mation (SESAF) qui octroie le finan-cement de ces prestations. Ce premier

rapport permet également d’élaborer les premiers objectifs pédagogiques pour l’enfant et sa famille.Avec l’entrée en vigueur de la fu-ture loi sur la pédagogie spécialisée, EGVER permettra aux prestataires de pédagogie précoce spécialisée de déposer une demande de mesure renforcée auprès de la future com-mission cantonale d’évaluation, qui se prononcera sur la poursuite de la mesure d’Education Précoce Spécia-lisée (EPS), au-delà des six premiers mois de mesure dite ordinaire.

Une période de réajustement, tant sur le plan informatique que sur les aspects des domaines et items a pris quelques mois. En effet, si l’on vou-lait que cet outil corresponde le plus possible à la réalité des pratiques, il a nécessité quelques améliorations jusqu’à la prochaine phase de stabili-sation prévue durant l’année scolaire 2011-2012.

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«On ne naît pas handicapé, on le devient!» Cette paraphrase d‘Eras-me n’a jamais été plus vraie si on en juge la diversité des situations présentées dans l’ouvrage de Char-les Gardou, première publication en langue française d’une approche anthropologique du handicap à travers le monde.

Certes, nous avions déjà remarqué l’excellent ouvrage de B. Ingstad et S.R.Whyte, «Disability and Culture» paru en 1995, mais celui-ci n’explo-rait essentiellement que le handicap dans des sociétés africaines et asia-tiques. D’autres se sont intéressés à des handicaps particuliers comme N. Kamei (2006) avec l’histoire des sourds en Afrique, ou bien à des pé-riodes reculées de l’histoire comme «Madness, Disability and Social Ex-clusion» de J. Hubert en 2000. Le tour de force de Charles Gardou est qu’il permet de visiter en 400 pa-ges une vingtaine de pays à travers, l’Asie, l’Amérique, l’Océanie, l’Afri-que, et l’Europe. Il n’est guère envisageable de synthé-tiser l’ensemble des présentations, chaque auteur prenant le parti de développer son propos selon un an-gle qui lui est personnel. Néanmoins, l’ensemble des textes confirme que le handicap, en tant qu’atteinte à l’in-tégrité physique, sensorielle, men-tale ou psychique, produit des effets comparables dans toutes les cultures et toutes les contrées du globe. Même si des variations apparaissent ici ou là il y a, dans l’ensemble, une forme de continuité de la pensée dans la recher-che de sens à cette irruption d’une anomalie. Même avec les connaissan-ces scientifiques qui sont les nôtres aujourd’hui, on recourt encore de manière récurrente aux mythes pour tenter d’expliquer l’incompréhen-sible, et l’on attribue aux personnes atteintes des qualités ou des défauts

qui les figeront en quelque sorte dans des statuts sociaux prédéterminés par des croyances anciennes. C’est d’ailleurs l’un des mérites de ce livre que de mettre en lumière, à travers les différentes présentations, l’opposition permanente entre les conceptions nouvelles du handicap et les conceptions anciennes dont on arrive difficilement à se défaire. Le maintien de ces croyances indique bien qu’il y a un rapport à l’irrationnel dans l’appréhension de ce phénomène dérangeant que présente le handicap. Ainsi on constate bien la permanence de certaines interprétations, quel que soit le continent de référence, comme par exemple la place occupée par les ancêtres ou l’esprit des ancêtres (Pays Kanac, Inuits, Sénégal) et la lecture du handicap comme marque d’une sanction, d’une punition liée à la transgression d’un interdit ou d’une norme sociale. Mais l’ouvrage permet également d’observer les différentes lectures ac-tuelles du handicap. On s’aperçoit ainsi de l’importance du statut des personnes handicapées selon les pays: statut recherché au Surinam et en Guyane française, statut qui constitue une sorte de rempart à la misère alors qu’à l’inverse, en Chine, celui qui ne contribue en rien à la société n’a pas un statut enviable. Tout aussi intéressants les chapitres abordant le handicap sur le continent européen et qui nous donnent la pos-sibilité de nuancer nos visions sur tel ou tel pays: ainsi le regard porté sur la Norvège relativise beaucoup notre vision idéalisée de la politique sociale des pays nordiques. Les auteurs no-tent en effet que «les multiples initia-tives prises en Norvège pour garantir à tous l’accès à l’éducation ne sont pas parvenues à supprimer l’écart en-tre le "dire" et le "faire", et relèvent même que "la gestion par objectifs" requiert un ciblage préalable et précis

des "problèmes" auxquels des "mesu-res" sont censées répondre. C’est la définition précise du problème qui le transforme en "objectif à atteindre". Cela légitime le recours au diagnostic et à la catégorisation, issus du modèle médical, qui fait un retour en force en dépit des intentions démocratiques et inclusives. Avec des instruments de contrôle sous formes d’épreuves et d’évaluations nationales, qui établis-sent des classements des élèves et des établissements, se font jour une hié-rarchisation et une marginalisation, en contradiction avec l’idée même que les différences constituent une ressource». D’une manière pratiquement si-milaire, l’auteure du chapitre sur l’Allemagne remarque «l’évolution positive des politiques du handi-cap durant ces dernières décennies (…) représente le bon côté de la réalité. Mais il existe un revers de la médaille: la reconnaissance et l’in-clusion des personnes handicapées continuent d’être menacées. Malgré les instructions officielles, le nom-bre d’enfants et d’adolescents placés dans des établissements spécialisés ne cesse d’augmenter (…)».Ainsi, alors même que les discours actuels prônent une politique valo-risant l’hétérogénéité et la différence, on note que «dans les pays riches, le handicap renvoie à une forme d’exis-tence frappée par la dépréciation.»

En résumé, un ouvrage captivant par sa diversité mais aussi son actualité. On en vient à souhaiter la parution d’un second tome avec beaucoup d’impatience.

1Le handicap au risque des cultures - Variations anthropologiques Charles Gardou et des chercheurs des 5 continents. Edition Erès, 2010, 437 pages.

Note de lecture

Le handicap au risque des cultures, variations anthropologiques1

Ouvrage de Charles Gardou et de chercheurs des 5 continentsJean-Louis Korpès, professeur HEF-TS, Fribourg

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Sélection

Loïc Diacon, responsable infothèque, Haute Ecole de Travail social (IES), Genève

Handicap et domicile: interdépendance et négociationsSous la direction de Pascal DreyerLyon: Chronique sociale, 2011

Le domicile est, pour les personnes en situation de handicap comme pour tout un chacun, le lieu de l’identité et de l’épa-nouissement affectif, celui du ressource-

ment et un refuge. L’accompagnement apporté au domicile par les proches et les professionnels ne se substitue pas à la personne mais l’aide à réaliser ses choix. Cette démarche qui lie étroitement, dans l’épaisseur du quotidien, la personne ac-compagnée et la (les) personne(s) accompagnante(s), suppose une relation de partenariat reposant sur une authentique et sincère capacité de négociation. À travers l’aide demandée et reçue, la personne handicapée réalise son projet de vie (quoti-dienne, sociale, professionnelle, personnelle) tandis que la per-sonne accompagnante doit pouvoir s’épanouir, en particulier sur le plan professionnel (développement de compétences, de savoir-faire et de savoir-être spécifiques).

Autisme et zoothérapie: communica-tion et apprentissages par la médiation animaleFrançois Beiger et Aurélie JeanParis, Dunod, 2011

Trouble du développement marqué par les difficultés de relation à l’environnement et de communication, l’autisme nécessite une prise en compte de la personne dans son en-

tièreté. De nombreuses méthodes thérapeutiques ont été pen-sées pour améliorer les capacités interactionnelles des personnes atteintes. La médiation animale offre une approche originale et pertinente, en cela que l’animal tient lieu d’intermédiaire de communication entre le patient, souvent un enfant, et le zoothérapeute. Certaines personnes atteintes profondément conserveront en mémoire le vécu et les expériences de la thé-rapie. D’autres patients réussiront à prendre conscience de leur fonctionnement relationnel et cela permettra l’apprentissage de certains comportements et aptitudes.Accompagné de cas réels et de descriptions concrètes des séances de médiation animale proposées à l’Institut français de zoothé-rapie, cet ouvrage apporte un éclairage sur les possibilités ouver-tes par la médiation animale dans l’aide aux personnes atteintes d’autisme. Il intéressera donc tous les professionnels du secteur médico-social amenés à œuvrer auprès d’enfants autistes.François Beiger, fondateur et directeur de l’Institut français de

zoothérapie (IFZ), zoothérapeute et psychanalyste en relation humain/animal, est spécialiste depuis plus de 40 ans des com-portements et du langage du chien. Il a développé la zoothéra-pie au Canada pendant plus de 15 ans. Il est aussi ethnologue sur les peuples Inuit, conférencier, réalisateur et auteur.Aurélie Jean, psychologue clinicienne, est zoothérapeute à l’Ins-titut français de zoothérapie où elle dirige notamment le pôle Formation pratique en zoothérapie.

Positionnement au fauteuil roulantSous la direction de A. Gélis, F. Nouvel et R. AissaouiIssy-les-Moulineaux: Elsevier-Masson, 2011Collextion «Problèmes en médecine de rééducation»

Dans ce recueil d’une quinzaine d’articles rédigés par une trentaine de spécialistes, il est montré en quoi la bonne position dans un fauteuil roulant est essentielle à la

santé et au confort du patient ou de l’usager: état des lieux des cliniques spécialisées, aspects cliniques pour le pyopa-the, l’infirme moteur cérébral et le blessé médullaire, aides techniques à la posture statique ou dynamique. Ouvrage destiné aux spécialistes.

Sexualité, handicaps et vieillissementSous la direction de Philippe Pitaud Toulouse: Editions érès, 2011

La sexualité des personnes âgées ou vivant avec un han-dicap est encore aujourd’hui un tabou dans notre société. Pourtant elle est l’une des dimensions fondamentales de la santé physique et mentale, l’un des moyens de rechercher et de développer nos pouvoirs de vivre et d’être heureux. Elle est un élément essentiel des relations à nous-même et aux autres. Malgré son âge ou son handicap, le sujet demeure entier dans ses capacités à donner mais également à recevoir de l’amour, à être en relation avec d’autres.Comment comprendre les interdits et les dénis de nos sociétés vis-à-vis de cette problématique? Quels rapports complexes entretiennent l’âge, le corps, l’affectivité et la sexualité? Comment les professionnels, mais également les familles, se situent-ils par rapport à l’émergence de désirs amoureux chez les personnes handicapées ou âgées dont ils s’occupent? Comment les institutions peuvent-elles préser-ver une vie intime pour leurs résidents?Les auteurs proposent dans cet ouvrage un espace de ré-flexion, de confrontation et de débats sur ces questions.(...)(Extrait de la 4e de couverture)

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Formation et informations

Approche multidimensionnelle des com-portements d’automutilation (blessures et PICA)

Yves Lardon 7 et 8 novembre 2011

Lieu: Haute Ecole fribourgeoise de travail socialDélai d’inscription: 3 octobre 2011Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille Jaquet - 026 429 62 [email protected]

Classification du handicap: approfondis-sement CIF et PPHCoordinateur: Jean-Louis Korpès10, 11 novembre 2011, CIF21 et 22 novembre 2011, PPHLieu: Haute Ecole fribourgeoise de travail socialDélai d’inscription: 7 octobre 2011Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille Jaquet - 026 429 62 [email protected]

Intervention structurée et individualiséePour les personnes autistes ou présentant des caractéristiques apparentées (syndrome frontal, atteintes neurologiques, etc)Intervenant: Yves LardonCoordinateur: Jean-Louis Korpès14, 15 et 16 novembre 2011Lieu: Haute Ecole fribourgeoise de travail socialDélai d’inscription: 3 octobre 2011Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille Jaquet - 026 429 62 [email protected]

L’école pour enfants en situation de polyhandicap. De l’utopie à la réalité, du non-sens au sensIntervenante: Monique SeylazCoordinatrice: Annick Cudré-Mauroux23, 24 novembre 2011 et 25 janvier 2012Lieu: Haute Ecole fribourgeoise de travail socialDélai d’inscription: 21 octobre 2011Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille Jaquet - 026 429 62 [email protected]

Projets d’intervention individualisée (PII) élaborés à partir de la CIFIntervenant et coordinateur: Jean-Louis Korpès19 décembre 20113 février 2012Lieu: Haute Ecole fribourgeoise de travail socialDélais d’inscription: 19 décembre 2011 et 3 février 2012Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille Jaquet - 026 429 62 [email protected]

Violences en institutionsRéfléchir et agir... Quelques considé-rations en éthique appliquéeRoger Cevey et Christiane BessonEn collaboration avec Espace CompétencesCours Améthyste No 42321 et 22 novembre 2011Renseignements et inscriptionsChristiane Besson, Impasse de la DîmeCH - 1523 Granges-près-MarnandTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]

La personne polyhandicapée «dans tous ses états»Angélique ResinCours Améthyste No 42530 novembre et 1er décembre 2011Renseignements et inscriptionsChristiane Besson, Impasse de la DîmeCH - 1523 Granges-près-MarnandTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]

Comprendre et dynamiser les organisations et les équipesA l’aide des outils de l’analyse transactionnelle(Théorie des organisations de Berne) et de l’ap-proche systémique des organisations (Mintzberg)Jacques Dekoninck et Christiane BessonCours Améthyste No 40012, 13 et 14 octobre 201125, 26 et 27 janvier 2012Renseignements et inscriptionsChristiane Besson, Impasse de la DîmeCH - 1523 Granges-près-MarnandTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]

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La nouvelle «Revue suisse de pédagogie spécialisée» est arrivée!

Le Centre suisse de pédagogie spécialisée (CSPS) a le plaisir de vous annoncer le lancement de la «Revue suisse de pédagogie spécialisée». Cette publication, qui s’adresse aux professionnel-le-s de Suisse latine, se veut une véritable plate-forme d’information sur les questions liées à l’éducation, à la scolarisation et à la formation professionnelle des personnes ayant des besoins éducatifs particuliers et celles en situation de handicap.Quatre publications par année vous permettront de suivre l’actualité grâce à un dossier thématique, des arti-cles spécialisés, des rubriques diverses telles que tour d’horizon, ressources, agenda des formations continues et autres manifestations. Afin d’échanger les savoirs et savoir-faire, la rédaction de la revue invite les personnes actives dans le domaine (enseignant-e-s spécialisé-e-s ou ordinaires, logopédistes, psychomotricien-ne-s, éducateurs et éducatrices, responsables d’institution, chercheurs et chercheuses, étudiant-e-s, etc.) à lui faire parvenir des propositions d’articles. Retrouvez toutes les informations nécessaires sur le site internet: www.csps.ch/revue ou auprès de Céline Joss, collaboratice scientifiqueCentre suisse de pédagogie spécialiséeMaison des cantons, Speichergasse 63000 Bern 7Tél. +41 31 320 16 60

ASA HANDICAP MENTAL change d’adresse

Les bureaux de l’association ASA HANDICAP MENTAL sont transférés dès le 1er août 2011 à l’adresse suivante:

ASA HANDICAP MENTAL Chemin Louis Hubert, 2CH-1213 Petit Lancy

Tél. +41 (0)22 792 48 65Fax +41 (0)22 792 53 [email protected]

Les adresses des sites internet restent inchangées: www.asa-handicap-mental.chwww.arthemo.chwww.mirarts.ch

Rencontre

Je suis une jeune femme qui aimerait rencontrer une jeune femme qui ne fume pas.Je suis autonome et je vis dans un appartement près de Lausanne avec mon chat.Je cherche à donner de la tendresse, des bisous de l’amour, et à recevoir tout cela aussi.J’aimerais qu’on se prenne dans les bras!Mon handicap est léger. J’aime rire et dessiner.

Merci de me téléphoner au +41 76 445 30 79 de 10 h à 18 h 45

THJO