54
LA SPOLIATION SOUS L’OCCUPATION NAZIE Comment la spoliation influence-t-elle les organisations économiques et sociales d’un pays et participe-t-elle à une volonté de déshumanisation des victimes ? SOMMAIRE INTRODUCTION..............................2 I. Une spoliation pensée et organisée..........4 A. Le nerf de la guerre : l’or.......................4 B. Un pillage systématique, un blanchiment étatique. .5 II. De la spoliation sous l’occupation nazie à la déshumanisation.................................8 A. Spoliation des biens privés : l’exemple de Paris. .8 B. Spoliation & déshumanisation : Les Camps de Concentration.......................................10 C. Une organisation économique au service de cette déshumanisation d'Etat : de la spoliation économique et culturelle............................12 III.La restitution de biens comme devoir de mémoire 15 A. Une prise de conscience réelle...................15 B. Une « restitution » toujours d’actualité.........16 C. Un combat contre l’oubli et la déshumanisation. . .19 CONCLUSION...............................21 Synthèses personnelles...................22 1

 · Web vie permettant l’accès aux archives américaines, françaises, britanniques, allemandes, belges ou ukrainiennes ainsi qu’à des millions de pages de documents et d’images

  • Upload
    lamanh

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

LA SPOLIATION SOUS L’OCCUPATION NAZIE

Comment la spoliation influence-t-elle les organisations économiques et sociales d’un pays et participe-t-elle à une volonté de déshumanisation des victimes ?

SOMMAIREINTRODUCTION..........................................................................2I. Une spoliation pensée et organisée.............................................4

A. Le nerf de la guerre : l’or................................................................................4

B. Un pillage systématique, un blanchiment étatique.......................................5

II. De la spoliation sous l’occupation nazie à la déshumanisation... .8A. Spoliation des biens privés : l’exemple de Paris.............................................8

B. Spoliation & déshumanisation : Les Camps de Concentration.....................10

C. Une organisation économique au service de cette déshumanisation d'Etat : de la spoliation économique et culturelle...............................................................12

III. La restitution de biens comme devoir de mémoire....................15A. Une prise de conscience réelle....................................................................15

B. Une « restitution » toujours d’actualité.......................................................16

C. Un combat contre l’oubli et la déshumanisation.........................................19

CONCLUSION............................................................................21Synthèses personnelles............................................................22Glossaire ..................................................................................30Bibliographie............................................................................31ANNEXE : Interview D’Iris Knobolch.............................................33

1

INTRODUCTION

Comment réagiriez-vous si des commandos spéciaux pénétraient chez vous et

expropriaient chaque chose que vous possédez en raison de votre religion ? de

votre ethnie ? de votre sexualité ?

Dès 1933, Adolf Hitler, chef du NSDAP (Parti national-socialiste des

travailleurs allemands), est nommé chancelier et devient rapidement le chef du

gouvernement. Il expose sa vision du monde dans « Mein Kampf », ouvrage publié

en 1925 et qui met en exergue son idéologie antisémite. Selon lui, les hommes

appartiennent à des races différentes : la race aryenne, celle des allemands, est

supérieure à toute autre. Pour Hitler, le juif est responsable de tous les problèmes de

l’Allemagne : défaite de 1918, crise économique de 1930... Aussi, l’État nazi mène-t-

il une politique antisémite à grand renfort de propagande : boycott de leurs

magasins, lois de Nuremberg qui, en 1935 les privent de la nationalité allemande et

leur interdit de nombreuses professions. Appauvrie aux suites de la Première Guerre

mondiale, l’Allemagne met tout en œuvre afin de retrouver sa grandeur économique,

et pille des milliers tonnes d’or à plusieurs pays.

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne. La France puis le

Royaume-Uni lui déclare la guerre : c’est le début de la Seconde Guerre mondiale.

L’Europe se retrouve envahie par l’Allemagne nazie de par l’occupation militaire ou

politique ainsi que par l’occupation physique de certains pays tels que la France.

Dès le début de la guerre, la persécution des juifs commence. On « définit » tout

d’abord le juif : toute personne ayant au moins trois grands parents d’origine

israélite. Ensuite, les nazis procèdent à l’expropriation des biens de ces derniers.

L’humiliation se perpétue par la suite dès 1942, lorsqu’Hitler ordonne la déportation

massive des juifs en zone occupée. La dernière étape est l’extermination en

chambres à gaz, dans les camps de la mort.

2

Durant et même avant la guerre, les nazis procèdent alors à une réelle aryanisation

économique des pays occupés constituant leur nouvel “espace vital”, l’aryanisation

se définissant elle-même comme l’expropriation totale des juifs au profit de la “race

aryenne”, “race puissante et supérieure”, selon Hitler. De cette aryanisation

économique découle alors une réelle spoliation des habitants des pays annexés

touchant principalement les juifs. La spoliation de ces juifs révèle d’une

déshumanisation puisque les nazis leur exproprient chaque chose qu’ils possèdent,

même la plus insignifiante.

Comme le définit Jean Mattéoli dans La Mission d’étude sur la spoliation des Juifs

de France : « une spoliation est une atteinte à la propriété privée et, plus

généralement, aux droits des citoyens, qui enfreint directement les principes même

sur lesquels repose l’ordre social. C’est donc bien au-delà̀ des dommages de guerre

ou des pillages. » Ainsi la spoliation se définit comme « l’action de dépouiller

quelqu’un d’un bien, d’un droit ».

Dans le contexte historique de l’Allemagne hitlérienne, il faut comprendre

l’importance de la spoliation dans la définition de l’économie de guerre et la structure

sociale et idéologique de l’État nazi, qui avait la volonté d’une déshumanisation des

victimes. Pour ce faire, il convient dans un premier temps d’analyser l’impact d’une

spoliation pensée et organisée sur les facteurs économiques et sociaux du pays

pour étudier ensuite le passage de la spoliation à la déshumanisation d’une certaine

catégorie d’individus à savoir les juifs pour enfin aborder le sujet de la restitution des

biens spoliés comme devoir de mémoire

3

I. Une spoliation pensée et organisée

A. Le nerf de la guerre : l’or

Depuis le 1er janvier 1938 en Allemagne, toute activité commerciale (commerce

de détail, artisanat, toute offre de biens et de services) est interdite aux Juifs.

Jusqu’à l’automne de cette même année, plus de la moitié des quelque 100 000

entreprises appartenant à des juifs sont saisies. L’ « aryanisation » de l’économie

qui résulte d’un ensemble de mesures de spoliation visant à transférer la propriété

d'entreprises détenues par des personnes de confession juive à des personnes

considérées « aryennes », est enclenchée mais cela n’est pas suffisant.

Affiche apposée dès 1940 sur les

devantures des magasins juif,

conformément à la politique

d’aryanisation

En janvier 1939, Adolf Hitler prépare activement la guerre. Pour satisfaire son

idéologie pangermaniste, il veut réunir toutes les populations de langue allemande

dans un seul et même Etat allemand, le Reich. Il se lance alors dans une politique

d’expansion agressive afin de conquérir un « espace vital » ou « Lebensraum »

explicitée dans son ouvrage « Mein Kampf » publié en 1945. Il prend connaissance

d'une note confidentielle, datée du 7 janvier, préparée par le président de la

Reichsbank, Hjalmar Schacht. Le IIIe Reich, explique Schacht, est au bord de la

banqueroute : « Il n'y a plus de réserves ni de devises à la Reichsbank ».

Les réserves constituées par l'annexion de l'Autriche, l’aryanisation et l'appel aux

valeurs étrangères, sont épuisées.

4

Les finances de l'Etat sont au bord du gouffre. Faire une guerre de conquête

territoriale au sein de l’Europe est l’unique solution de redresser les finances

publiques et d’atteindre l’autosuffisance nazie. Hitler sait que l’or est le nerf de la

guerre moderne. C’est la valeur refuge, plus forte que les monnaies nationales

soumises à l’inflation. L’or permet d'acheter les matériaux stratégiques nécessaires

aux forces armées du Reich. C’est cet or aussi qui rend possible la transformation

de Berlin en « Germania », une capitale à l’image de l’utopie de l’Allemagne nazie.

Le coût de cette édification conçue par l’architecte Albert Speer s’élève à 6 milliards

de Reichsmarks.

Un pillage systématique ainsi qu’un blanchiment étatique résulte du besoin d’or pour

réaliser les projets ambitieux d’Hitler et pour continuer d’entreprendre une guerre

efficace.

B. Un pillage systématique, un blanchiment étatique

A l’aryanisation de l’économie et des commerces, Adolf Hitler ajoute une dimension

urbaine et immobilière. Le Führer promet de créer le  « Grand Berlin” dès 1940. Pour

ce faire, des milliers de logements sont détruits. 70 000 Juifs sont chassés de leurs

habitations afin de reloger les Allemands qui avaient été expulsés des leurs. Les

grands appartements des Juifs, spacieux, luxueux et richement meublés sont

prioritairement réquisitionnés.

Afin de renflouer ses caisses, Hitler donne l’ordre de piller systématiquement les

pays conquis. Il confie cette mission aux SS, qui créent une unité spécialisée,

chargée d’agir sur le terrain : le Devisen Schutz Kommando (DSK) « les commandos

de protection des devises ». Leur pouvoir est illimité : ils fouillent les caisses

d'épargne, les banques privées, collectent l'or des bijoutiers, des joailliers, écument

le marché noir, et forcent les coffres de certains clients de banque.

Cette stratégie de confiscation des richesses du pays occupé est extrêmement

profitable, la Tchécoslovaquie va contribuer à hauteur de 30 millions de dollars en

or,  la Pologne à 85 millions de dollars d’or et les Pays-Bas pour cent tonnes d’or.

5

L'or de la Banque nationale belge, mis à l'abri au Sénégal, devient alors un intérêt

majeur pour les nazis. Les autorités pétainistes françaises proposent leur aide pour

récupérer les 221 730 tonnes d’or belges, Vichy ordonnant à la colonie française de

livrer la totalité de l'or belge aux Allemands. Le butin arrivera à Berlin à l’issue d’un

voyage de 18 mois. Cependant le 3 février 1945, plus de 900 bombardiers alliés

lâchent 2300 tonnes de bombes sur Berlin. La ville est réduite à l’état de cendres, la

Reichsbank est pratiquement détruite. Les réserves d’or restantes de la Reichsbank

sont acheminées jusqu’aux mines de sel de Merkers. Lorsque les soldats américains

de la 9ème division d’infanterie entrent en Allemagne au printemps 1945, ils y

découvrent un butin colossal caché par les nazis à des centaines de mètres sous

terre : des centaines de caisses remplies de peintures, de sculptures et d'objets

d'art, plus de 8000 lingots d’or, 2000 sacs de pièces d’or, des reichsmarks, des

souverains anglais, des napoléons, des pièces américaines et des centaines de

sacs de pièces d’or provenant d’autres pays du monde. Ces monnaies, d’origines

différentes, révèlent une spoliation internationale. Cette cave abrite également des

milliers de biens pillés aux victimes. Un empilement de valises remplies d’argenterie,

d’alliances, de dents en or est répertorié méthodiquement, inventorié

méticuleusement et doté d’une étiquette libellée Melmer.  

Les Alliés découvrant la

mine de Merkers, 1945

À la fin de la guerre, on estime que les Allemands ont pillé pour environ 580 millions

de dollars en or à travers les pays envahis, ainsi que près de 450 millions de dollars

or ont ensuite été transférés à l’étranger notamment vers un pays pourtant considéré

comme neutre : la Suisse.

6

Chaque période de guerre est l’objet de trafic, de rationnement, mais là encore

l’échelle de ces pratiques est sans équivalent dans l’histoire. Il s’agit d’un trafic

organisé d’État à État et ce, en toute impunité. C’est également grâce à un

blanchiment étatique qui consiste à dissimuler des fonds de provenance illicite en les

réinvestissant dans des activités légales, qu’Hitler va pouvoir continuer à financer la

guerre car en 1942, l’Allemagne est parvenue à l’épuisement de ses réserves

financières. Face à cette spoliation nazie, Paul Rosny, directeur de la Banque

Nationale Suisse, a décidé de blanchir l’or pillé par les Allemands contre des francs

suisses et des dollars utiles pour l’achat des matières premières (livraisons d'acier,

de tungstène, de pétrole, du wolfram en provenance des pays neutres) pour

l’armement et le commerce extérieur allemand.

Les banques suisses sont également montrées du doigt pour spoliation directe des

biens placés dans leurs coffres par des juifs qui furent par la suite déportés. Leurs

héritiers n'ont pas pu récupérer les avoirs, et les comptes sont tombés en

déshérence.

7

II. De la spoliation sous l’occupation nazie à la déshumanisation

A. Spoliation des biens privés : l’exemple de Paris

Dés les années 1940, une saisie du mobilier des familles juives est ordonnée. En

effet l’opération Möbelaktion mise en œuvre selon les ordres d’Hitler en janvier 1942,

consiste à confisquer les biens des appartements abandonnés par les Juifs. Sont

notamment saisis les espèces, bijoux, argenterie, des horloges, mais également les

meubles de collection en matériaux nobles. Dans le cadre d’une spoliation visant à

exproprier les Juifs de tous leurs biens, le mobilier, la vaisselle ou encore des objets

modestes du quotidien, tel que le linge de maison sont pillés. Confisquer chaque

chose qu’ils possèdent c’est aussi les priver de tout semblant d’humanité. Tout est

confisqué même les objets les plus insignifiants comme des morceaux de papiers

peints, des boutons de porte, des ampoules, des timbres sans aucune valeur autre

que symbolique, tout ce qui permet de personnaliser un lieu, de le rendre plus

humain, plus chaleureux, de le faire sien, tout est spolié par les nazis dont le seul

objectif est d’éliminer les Juifs et de les priver de leur humanité.

Les nazis durant le pillage des biens des Juifs à Paris, s’emparent d'œuvres d'art

prestigieuses comme des Cézanne, des Braque, appartenant entre autres à des

familles juives françaises, tels que les Rothschild ou les Dreyfus. On estime à 400

000 le nombre d’objets d’art subtilisés aux Juifs pendant l’occupation. Parmi eux,

certains sont repérés par les dirigeants nazis dans des magasins, afin d’enrichir leur

collection personnelle, comme le décrit le film « La femme au tableau », de Simon

Curtis. Dès février 1941, plusieurs convois acheminent jusqu’à Linz en Autriche, ville

natale d’Hitler, des œuvres d’art en vue d’un futur musée à l’effigie d’Hitler, le

« Führer muséum » dont il dessine lui-même les plans. Paris apparaît alors tel un

carrefour majeur pour la spoliation des musées et collections privées.

Paris sous l’occupation est l’exemple criant de la façon dont cette confiscation d’Etat

vise à déshumaniser les victimes. Si le Reich fait en premier lieu appel aux

déménageurs français lors de la spoliation des familles juives françaises déportées,

les pillages deviennent ensuite si colossaux que la tâche est alors confiée à des juifs

internés.

8

Ouvriers du camp de

Drancy, travaillant dans

l’immeuble Lévitan

Ainsi, en 1943, l’immeuble Lévitan, à Paris, devient l’annexe parisienne de Drancy et

le centre de tri des biens spoliés. Plus d’une centaine d’internés sont transférés à

Paris afin de trier les biens juifs volés dans les immeubles parisiens, mais également

pillés dans le camp de Drancy. Ils sont chargés de vider les caisses, de les nettoyer

et de ranger méthodiquement le butin. Certains d’entre eux sont en contact direct

avec des objets appartenant à leur famille ou à leurs proches : une humiliation pour

ces juifs contraints de participer à ce pillage. L’attribution du rangement à ces juifs

révèle un réel désir de déshumanisation de la part des nazis.

Cette spoliation des

biens privés se double

alors d’une spoliation de l’âme et de la mémoire. En effet, outre les biens matériaux

de valeur marchande comme les œuvres d’art ou les biens précieux, les objets d’une

valeur sentimentale n’échappent pas au pillage. Les photographies, les lettres

intimes, les souvenirs personnels, tout ce à quoi les futures générations peuvent se

rattacher sont éliminés, pillés par les nazis pendant leur absence, après leur

déportation ou leur fuite. Les nazis n’ont pas seulement tué, ils ont également

essayé d’effacer leur passé afin d’ajouter l’humiliation à la mort.Cependant les nazis

n’avaient, pour la plupart, pas de réelle volonté de piller ou de déshumaniser ces

victimes. Ainsi leur motivation est extrinsèque, c’est à dire provoquée par des

circonstances extérieures à l’individu. Ce dernier, soumis à l’autorité, ne peut que

continuer d’entreprendre la déshumanisation de ces victimes, dictée par Hitler et les

hauts dignitaires nazis.

De par leur attachement au groupe nazi, qui est le plus souvent leur groupe de

référence, ces derniers ont été embrigadés dans une politique de répression. Tout

9

comportement n’étant pas conforme est considéré comme déviant et donc

sanctionné négativement par la suite. En effet plusieurs lettres de SS retrouvées

après la guerre retranscrivent leur malheur et désespoir face à l’obligation de tuer

sans cesse.

Ces populations sont spoliées en vue d’être déshumanisées, comme si l’on voulait

leur ôter leurs droits inaliénables et nier leur existence en tant qu'être humain. La

spoliation de biens privés transparaît alors telle la première étape des atrocités,

puisqu’elle allait se perpétuer dès 1942 dans les camps de concentration et

d’extermination, où les juifs étaient massivement déportés.

B. Spoliation & déshumanisation : Les Camps de Concentration

Le degré ultime de cette déshumanisation se produit dans les camps de

concentration. A partir du début de l’année 1942, Adolf Hitler ordonne l’arrestation et

la déportation massive de juifs en zone occupée. Dès l’été de la même année, il

ordonne la confiscation des biens à l’entrée des camps. Heinrich Himmler, haut

dignitaire du IIIème Reich, est le chef d’opération de ces pillages dans les camps de

concentration. Il est alors chargé avec le soldat SS, Bruno Melmer, de faire un

inventaire de tous ces biens volés, puis transférés, soit à la Reichsbank ou

dissimulés notamment à Merkers. Avant leur déportation, les juifs avaient également

des valises remplies de vivres et de certains biens précieux, la plupart ne seront

jamais acheminées aux camps de concentration avec leurs propriétaires, mais

seront fouillées et vidées de leur contenu. A leur arrivée dans les camps, argenterie

et alliances, notamment en or, sont confisquées à l’entrée, ainsi que leurs vêtements

et chaussures. Les détenus sont alors amenés à user de stratagèmes humiliants

pour préserver leurs biens précieux, comme avaler leurs alliances afin de les

déféquer, dans le but de les cacher par la suite. Outre le pillage à l’entrée des

camps de concentration, les nazis sont également chargés de subtiliser aux juifs des

biens plus physiques. A l’entrée, les déportés sont tout d’abord rasés, ils sont ainsi

privés de leurs chevelures, les femmes sont également privées de leur féminité.

Les cheveux de tous les détenus sont transformés en immenses bobines de fil

textile, dont les photographies sont encore visibles au Musée du camp d’Auschwitz.

10

De même, les prisonniers se voient faire arracher leurs dents en or de leur vivant ou

après leur extermination en chambre à gaz. L’or récolté dans les camps de

concentration est par la suite refondu en lingots, cela enrichissant les nazis d’un

butin qui sera exporté et masqué de sa véritable origine. Toutes les archives de la

Reichsbank concernant la provenance de l’or nazi depuis les camps, ont disparu ou

ont été volontairement cachées ou détruites, privant les futurs survivants de toute

explication, et en les laissant sans aucune légitimation de ces vols.

Alliances en or retrouvées à Buchenwald, 1944

Lorsque ces victimes juives n’ont plus ni famille, ni biens, ni culture, ni identité, ni

mémoire, c’est dans leur chair d’être humain que la spoliation se manifeste. Les

nazis qui  les considéraient comme des « sous-hommes », comme de simple

numéros, sont allés jusqu’à confisquer leur dernier bien : la vie.

Dès 1944 mais surtout à partir de 1945,

les détenus sortent enfin des camps

lors de la libération de ces derniers. Les

détenus quittent les camps démunis

des rares biens personnels avec

lesquels ils sont arrivés. A leur sortie

c’est non seulement leurs biens qui

leur ont été spoliés, mais leur identité

toute entière.

C. Une organisation économique au service de cette déshumanisation d'Etat : de la spoliation économique et culturelle

Chaussures volées aux victimes du camp,

musée du camp d’extermination d’Auschwitz

11

Comme évoqué dans la première partie, la vision nazie fait de l’aryanisation de

l’économie une priorité. En France, le régime de Vichy va accompagner cette

politique à travers la collaboration. Dès 1940, 50 % de la communauté juive est

privée des moyens d’existence normaux, en vertu des lois de Vichy qui interdisent

de nombreux métiers aux Juifs. Fin 1941, les Allemands sanctionnent la

communauté juive française avec une amende exorbitante d'1 milliard de francs, à

payer entre autres sur la vente de biens juifs, et cela est géré par une banque d’Etat:

la Caisse des dépôts et consignations.

L'historien Henry Rousso, estime à 10 000 le nombre d'entreprises aryanisées.

Parmi les entreprises françaises aryanisées, on trouve notamment les Galeries

Lafayette, les éditions Nathan et d’autres noms français. L'aryanisation touche aussi

la presse, le cinéma, les théâtres... Les cinémas UGC, par exemple, résultent d’un

rassemblement des salles de cinémas de propriétaires juifs, qui durent céder leurs

salles, impuissants. A la fin de la guerre, les propriétaires, pour la plupart décédés,

ne peuvent se manifester pour récupérer ces salles, qui sont regroupées en une

même enseigne appartenant à l’État. Le film de François Truffaut « Le dernier métro

», évoque le destin d’un théâtre « aryanisé » tandis que les précédents propriétaires

se réfugient dans la cave du théâtre pour y vivre.

Entre 1940 et 1944, une unité spéciale appelée Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg

(ERR) est créée et chargée de collecter minutieusement les objets d’art susceptibles

d’intéresser les nazis puis de les rapatrier en Allemagne. La brigade de l'ERR réalise

des catalogues d'objets d'art pour les présenter à Adolf Hitler qui pouvait ensuite

sélectionner parmi ces catalogues, des œuvres d’art pour son futur musée de Linz

ou pour sa collection personnelle. Les objets sont rangés dans des caisses en bois,

étiquetées selon leur destination. Celles destinées à Hitler sont étiquetées de la

lettre « H », tandis que celles destinées à Goering grand amateur d’art, commandant

de la Luftwaffe (aviation de guerre allemande) et organisateur du pillage

économique, étiquetées de la lettre « G ».

La Galerie nationale du Jeu de Paume à Paris, se transforme temporairement en

musée pour entreposer les œuvres d’art et tableaux volés par les Nazis dès leur

arrivée à Paris en juin 1940. Elle devient également une « gare de triage » des

trésors culturels qui sont envoyés en Allemagne de février 1941 à août 1944. On

12

estime à 20 000 le nombre d’œuvres d’art volées aux Juifs et entreposées au Jeu de

Paume.

Plusieurs autres lieux emblématiques parisiens sont utilisés pour entreposer ces

œuvres volées tels que le Palais de Tokyo, le sous-sol du Musée du Louvre, la Gare

du Nord, les Entrepôts ainsi que les Magasins Généraux d'Aubervilliers. Ce tri

résulte alors d’une véritable organisation économique et logistique, dont certains

dirigeants nazis sont accusés de profiter. En effet Hermann Goering a, entre 1940 et

1944, réquisitionné une salle du Jeu de Paume, la « Salle de martyrs », afin d’y

entreposer des œuvres volées qui étaient uniquement visibles par ce dernier.

Goering a subtilisé à lui seul 900 œuvres d’art au Jeu de Paume. Ces œuvres

modernes mises en quarantaine, considérées comme de l’ « art dégénéré » faisait

l’objet de trafic qui a fait la fortune du Reich et du marché de l’art corrompu. Le  23

juillet 1943, sur la terrasse du Jeu de Paume, L’ERR commet l’irréparable : 600

tableaux d’art dégénéré sont lacérés et brûlés dans un autodafé (des Picasso, des

Miro, des Dali, des Masson).

Le 2 août 1944, cinq wagons quittent Paris, c'est le dernier voyage vers l'Allemagne

d'objets spoliés aux familles juives françaises. Arrêté par la Résistance française, ce

convoi ne franchira jamais la frontière française.

La plupart des directeurs

de musées

réquisitionnés à Paris

sont opposés à ces pillages intempestifs d’œuvres d’art par les nazis, tel que le

directeur du Musée du Louvre, Jacques Jaujard. Il est considéré comme le sauveur

Empillage et répertoriassions de caisses remplies d’œuvres d’art spoliées, sous-sol du musée du Louvre, 1943

13

du musée du Louvre. En effet, il va à l’encontre des ordres du gouvernement de

Vichy et joue, avec Rose Valland, conservatrice du Musée du Jeu de Paume qui

espionna le trafic des Allemands, un réel rôle dans la préservation des œuvres.

Jaujard, tout comme d’autres conservateurs de musées, va jusqu’à transgresser la

loi en organisant le transfert de quatre milliers œuvres d’art en zone libre, afin de les

protéger de la convoitise des nazis et de leurs vols intempestifs de grands tableaux.

Plusieurs œuvres furent exilées à travers la France afin d’être protégées notamment

la Joconde, de Leonard de Vinci, l’un des plus grands chefs d’œuvres de l’histoire

qui connut un parcours atypique. En effet, cette dernière est transportée à travers

toute la France afin d’être préservée. Cette toile débute son périple au château de

Chambord, où de nombreuses œuvres furent cachées par des conservateurs de

musées de la Résistance. Le fameux tableau achève son périple dans la demeure

d’un autre conservateur du Louvre, en exil dans un château dans le Lot. La Joconde

est replacée dans le musée du Louvre dès la fin de la guerre, ainsi que plusieurs

œuvres également exilées tel que Le Scribe Accroupi datant de l’Ancien Empire.

Dès la libération de France, Jaujard et Valland, qui avaient secrètement répertorié

chaque objet ou œuvre d’art spolié par les nazis, se sont battus afin de les restituer

à leurs propriétaires après la guerre.

III. La restitution de biens comme devoir de mémoire

A. Une prise de conscience réelle

La grande galerie du Louvre vidée de ses collections

14

Dès les lois du 16 juin 1948 et du 23 avril 1949, les divers meubles et objets pillés

par les nazis et laissés à l’abandon en France sont entreposés dans différents

gardes meubles en attendant leur restitution. De nombreux meubles, objets ou

œuvres d’art sont alors entreposés dans les locaux de la Foire de Paris ainsi qu’au

Palais de Tokyo. Ces derniers sont divisés en deux catégories. Les objets non

identifiables ou d’usage domestique, sont redistribués grâce à une commission aux

familles dans le besoin. On distingue également une deuxième catégorie, celle des

objets identifiables et pouvant être réclamés par leur propriétaire au ministère des

Finances ou encore revendiqués devant le juge de paix en cas de désaccord. Le

Gouvernement provisoire atteste une nouvelle ordonnance le 21 avril 1945 qui

promulgue l’annulation des dépossessions accomplies par les nazis et le

gouvernement de Vichy. Les lois du 16 juin 1948 et du 23 avril 1949 organisent

également l’indemnisation par l’État des personnes spoliées. De nombreuses

ordonnances et lois existent alors sur les restitutions d’après guerre. Selon le recueil

publié par la Mission Mattéoli, il existe depuis 1943 environ 630 textes concernant

les restitutions. Durant la Seconde Guerre mondiale, environ 400 000 œuvres d’art

sont pillées par les nazis. La récupération de ces œuvres d'art ainsi que leur

restitution est prise en main part le gouvernement américain dès 1943 (soit avant la

fin du conflit mondial) notamment grâce à la création de la Roberts Commission.

Une unité de l'OSS, Art Lofting Investigation Unit (Unité d'enquête sur les spoliations

d'œuvres d'art) est également chargée de récupérer les œuvres d’art volées en

France. Des interrogatoires sont menés et des dépôts sont créés le 20 mai 1945 par

un ordre du Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (SHAEF).

En France, l'ordonnance du 21 avril 1945 déclare « la nullité des actes de spoliation

accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle ». Après la guerre, une commission des

alliés est chargée de faire restituer l'or volé à chaque pays (dont le total est d’environ

4 milliards de dollars or). En 1998, le Crédit Suisse et l'Union des Banques Suisses

remboursent 1,25 milliard de dollars aux survivants de la Shoah « pour solde de tout

compte ».

B. Une « restitution » toujours d’actualité

Après la guerre, la Commission de récupération artistique a restitué en France 45

000 œuvres et objets d'art spoliés. Pour certains, leurs propriétaires n'ont jamais été

15

identifiés et on estime au total à 100 000 le nombre de pièces qui n’ont pas été

rendues à leurs propriétaires d’origine.

Prenons l’exemple du film « La femme au tableau » avec Helen Mirren qui retrace

l’histoire authentique et passionnante de Maria Altman, une autrichienne d’origine

juive ayant fui l’Autriche et qui, à 70 ans, devenue citoyenne américaine, décide de

récupérer le célèbre « Portrait d'Adèle Bloch-Bauer » de Gustav Klimt. Le chef-

d’œuvre, considéré par plusieurs comme la « Joconde de l’Autriche » avait en effet

appartenu à sa famille. De plus en 2008, « Le Mur rose » de Matisse a été restitué

aux héritiers d'Harry Fuld Jr, propriétaire allemand spolié par les Nazis en 1941 ce

qui souligne cette idée d’un combat toujours d’actualité.

  

 Le Mur Rose, d’Henri Matisse  

Décidée par le Premier Ministre Alain Juppé, la Mission Mattéoli démarre en 1997 et

s’achève le 17 avril 2000. Jean Mattéoli présente alors à Lionel Jospin les

conclusions de cette mission d'étude, contenues dans un rapport général. Ce rapport

officiel de l’Etat français met en lumière pour la première fois l'ampleur de la

Portrait d’Adele Bloch-Bauer I, Gustav Klimt

16

spoliation qui a frappé la population juive en France, avec une comptabilité jamais

effectuée depuis la guerre. La commission a estimé à environ 330 000 personnes en

1940, une spoliation lancée en zone Nord dès le début de l'Occupation, assumée

par Vichy et étendue par lui à l'ensemble du territoire national à partir de juillet 1941.

Ils révèlent la multiplicité et la complexité des mécanismes de la spoliation qui ont

touché tous les secteurs de l'économie à l'exception du secteur primaire, toutes les

branches de la fonction publique, de l'industrie, du commerce et des services, public

et privé confondus.  Le rapport évalue à environ de 8,5 milliards de francs actuels le

montant de l’ensemble des biens saisis (immeubles, entreprises, comptes). Cette

somme comprend notamment : les prélèvements sur les comptes bancaires, les

contrats d’assurance-vie, l’aryanisation des biens, les sommes confisquées aux

internés juifs dans les camps français (80 000 comptes bancaires et environ 6 000

coffres bloqués, 50 000 procédures d'aryanisation engagées, plus de 100 000 objets

d'art ainsi que plusieurs millions de livres pillés, 38 000 appartements vidés). Selon

les conclusions de la Mission, l’importance des restitutions opérées par le

Gouvernement provisoire à partir de 1944 peut être évaluée entre 90 et 95 %.

Le rapport recommande que, lorsque la spoliation d'un bien est établie,

l'indemnisation soit de droit, quels que soient les délais de prescription en vigueur, le

premier ministre Juppé déclare en effet  « Quand un bien dont l’existence en 1940

est établie a fait l’objet d’une spoliation et n’a pas été restitué ou indemnisé,

l’indemnisation est de droit quels que soient les délais de prescription en vigueur ».

En septembre 2000, la Caisse des dépôts et consignations a pris l’initiative de

diffuser très largement une brochure intitulée Spoliations antisémites menées par le

régime de Vichy : les engagements de la Caisse des dépôts envers les victimes et

leurs ayants droit. Il y était notamment exposé les procédures de restitutions mises

en œuvre au sortir de l’Occupation. Chaque famille victime de ces mesures est

invitée à contacter l’institution afin de savoir si celle-ci est en possession de

quelques informations la concernant.

Après examen du millier de réponses parvenues à la Caisse des dépôts, une

centaine de familles sont ainsi informées de l’existence, dans les archives, d’une

consignation ayant appartenu à l’un de leurs membres, fondant ainsi leur droit à

réparation.

17

Le 5 mai 2011, les Archives Nationales des États Unis établissent un portail internet

commun (www.archives.gov/research/holocaust/international-resources) permettant

l’accès aux archives américaines, françaises, britanniques, allemandes, belges ou

ukrainiennes ainsi qu’à des millions de pages de documents et d’images numérisées

illustrant les biens culturels spoliés aux juifs par les nazis durant la Seconde Guerre

mondiale. James Hastings, l’homme à l’origine de ce projet a dit : « Ce projet fait de

l’histoire un instrument de justice », en effet ce projet réunissant onze organisations

de sept pays différents, vise à redonner justice aux personnes spoliées et démunies

de leurs biens.

Plus récemment, en mars 2014, Aurélie Filippetti, ministre française de la Culture,

prononce un discours à l’occasion de la cérémonie de restitution de trois tableaux

volés durant la Seconde Guerre mondiale. Ces tableaux, révélant trois différentes

histoires, sont restitués aux descendants des propriétaires légitimes. Ces restitutions

sont un préambule au film Monuments Men, de George Clooney, film traitant de la

spoliation. Ces restitutions toujours présentes et la sortie de tels films, prouvent que

les vols et spoliations durant la Seconde Guerre mondiale ne sont pas oubliés.

La restitution des biens juifs représente bien plus qu’une simple restitution, c’est un

symbole. Pour les nazis, les juifs étaient inférieur à l’être humain et ne méritaient pas

de vivre ou encore moins de pouvoir posséder des biens précieux, comme des

œuvres d’art. Restituer ces biens aux familles c’est donc aussi restituer cette part

d’humanité qu’on leur avait retirée, voila pourquoi, 70 ans après, le sujet est toujours

d’actualité.

C. Un combat contre l’oubli et la déshumanisation

D’après Mattéoli, « la spoliation, qui viole les principes mêmes du droit, exige donc

une restitution pour être corrigée. Parler ici de réparation est une commodité de

18

langage à laquelle nous n’avons pas toujours échappé, mais dont nous ne devons

pas être dupes : en toute rigueur, restituer un bien à son légitime propriétaire n’est

pas seulement réparer un préjudice matériel ; c’est aussi, et d’abord, rétablir un de

droit qui n’aurait jamais dû être violé. On n’est pas ici dans l’ordre des

compensations et des intérêts légitimes, même s’ils sont importants c’est une

question de justice ».

Restituer c’est redonné de la dignité, c’est aussi un geste d’humanité. Tandis

qu’oublier c’est accepté, le silence devient alors coupable. De tels actes ne peuvent

pas être acceptés. A mesure que les survivants de cette période de l’histoire

disparaissent, il est important de se souvenir de ce « crime contre l’humanité »

contre la culture, contre la mémoire. A l’occasion de la cérémonie de restitution de

trois tableaux spoliés, à Paris, Aurélie Filippeti, a tenu un discours sur l’importance

de perpétuer ce combat de restitution essentiel au devoir de mémoire et de justice.

Elle dit :

« Il y a presque un an, jour pour jour, je procédais ici même à la restitution de sept

œuvres spoliées par les Nazis à leurs légitimes propriétaires. Je suis heureuse et

émue de pouvoir, une fois encore, faire ce geste de réparation et de justice en

remettant solennellement trois tableaux aux ayants droit des familles auxquelles ils

furent volés. Ces restitutions sont très importantes : elles sont, pour les familles, une

véritable reconnaissance des atrocités subies pendant la seconde guerre mondiale.

Elles n’effacent pas la douleur et son souvenir qui court de génération en génération,

mais elles témoignent d’un indispensable travail de mémoire, soixante-dix ans après

les horreurs de la barbarie nazie. En remettant aujourd’hui trois œuvres spoliées, j’ai

conscience de la vertu pédagogique de cet acte. Je veux qu’il soit l’occasion de ne

pas oublier ce que fut cette page de notre histoire et qu’il manifeste la détermination

de l’Etat à restituer des œuvres, dont il n’est que le gardien provisoire. On pourrait

penser qu’il n’est plus possible de progresser dans le domaine des restitutions. Les

dix œuvres restituées en un an prouvent le contraire. Les restitutions continuent

d’être possibles et le devoir de mémoire est toujours d’actualité. »

Oublier, c’est pardonner l’acte inhumain auquel les juifs ont dû faire face. Restituer,

c’est rendre aux familles une partie de leur identité qui leur à été spoliée.

19

Iris Knobloch, juive allemande dont les parents ont connu l’expérience des camps

ainsi que celle de la spoliation raconte :

« Les photos de famille, meubles ou tout objet permettant de se rattacher au passé,

au vécu des familles assassinées, ont été volés. Il ne reste plus rien pour les

générations futures, c’est comme si des familles ou des identités entières avaient été

effacées, plus aucune photos ou aucune trace de leur existence. Quand mon père

ou ma mère me racontaient ce à quoi ressemblaient mes oncles, mes tantes ou mon

grand-père, je ne pouvais qu’essayer de les imaginer, n’ayant rien d’autre que leurs

paroles comme portraits, et mes parents ne pouvaient se rattacher qu’à leurs

souvenirs qui s'effaçaient au fil des années ».

En effet, comment combattre l’oubli quand tous les supports matériaux auxquels les

familles pouvaient se rattacher leurs ont été arrachés ? Elle explique cependant :

« Selon moi, l’utilisation du cinéma à travers des images pour raconter et illustrer

cette histoire contribue à perpétuer la mémoire ainsi que le souvenir car l’art ne

disparaît pas il est conservé et se transmet à travers les âges et les générations,

luttant de cette manière contre l’oubli. »

CONCLUSION

La spoliation a influencé les organisations économiques et sociales des pays

occupés et a participé également à une volonté de déshumaniser chaque victime.

Iris Knobloch

20

En effet, l’Allemagne ayant été appauvrie aux suites de la guerre et du traité de

Versailles, met tout en place dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, afin de réaffirmer sa

puissance notamment économiquement. Pour ce faire, il met en place la politique

d’aryanisation et pille à chaque pays occupé ses réserves d’or. Son besoin d’or

grandissant, Hitler décide de piller les populations juives en spoliant tous leurs biens

privés. Dans leurs appartements comme dans les camps, tout leur était pris. Le

moindre souvenir était effacé, laissant les survivants sans aucune trace de leur

passé. Les nazis, amateurs d’œuvres d’art, ont également pillé les tableaux et objets

de collections dans les grands appartements juifs mais également ceux des musées

nationaux. C’est grâce à des conservateurs de musée, résistants, que plusieurs

œuvres ont été cachées ou restituées à leurs propriétaires après la guerre. Dès

1945, plusieurs commissions ont été établies afin de restituer aux victimes ce qu’il

leur avait été injustement spolié par les nazis. Certains objets ne peuvent cependant

pas être restitués, puisqu’il est impossible de différencier les réels propriétaires des

simples opportunistes. On estime à 100 000 le nombre d’œuvres et objets d’art non

restitués à ce jour. Par ailleurs, plusieurs associations se battent toujours pour que

justice soit faite et que des familles puissent retrouver dans des archives mondiales

ce qui leur avait été spolié durant cette guerre d’anéantissement. La Seconde guerre

mondiale a fait 60 millions de morts, dont 6 millions de juifs, pour la plupart spoliés

chez eux ou dans les camps de la mort. Aujourd’hui encore, plusieurs familles ou

personnes engagées dans la restitution des objets spoliés, se battent pour éviter

l’oubli de ces pillages consentis par le gouvernement. Se battre pour la restitution,

comme se battre contre l’oubli, c’est ne pas légitimer ces pillages et spoliations

d’œuvres d’art, de biens, mais surtout, d’identités.

SYNTHÈSES PERSONNELLES

SYNTHÈSE PERSONNELLE : DELPORT Jeanne

21

Nous avons choisi d’étudier la spoliation sous l’occupation nazie car pour nous ce

thème n’est pas assez abordé à l’école et est complètement absent de nos manuels

scolaires alors qu’il constitue pourtant un épisode majeur de l’Histoire. Ainsi ce

travail personnel encadré permet de lutter contre l’oubli des évènements et donc de

perpétuer le souvenir.

Ce sujet défini ensemble, regroupe les matières suivantes : le français et les

sciences économiques et sociales. En effet nous avons appris que le pillage ainsi

que la spoliation résultaient d’un réel besoin d’or et de toute une dimension

économique afin d’entreprendre une guerre efficace et de ce fait satisfaire l’idéologie

pangermaniste d’Hitler. De plus l’aspect social se retrouve notamment à travers la

déshumanisation provoquée par la spoliation puisque tous les biens des victimes

juives leur sont pris. En outre la littérature tout comme la peinture servent le devoir

de mémoire et le combat contre l’oubli, cette idée qui constitue une des parties de

notre TPE inclut de cette manière le français. Notre étude sert à démontrer comment

la spoliation influence les organisations économiques et sociales d’un pays et

participe d’une volonté de déshumanisation des victimes.

Nous avons mis un certain temps à trouver une problématique qui couvrait

l’ensemble de notre TPE de manière précise et concise. Après de nombreuses

modifications et l’aide de nos professeurs référents, nous nous sommes mis

d’accord sur la problématique annoncée ci-dessus. Afin de répondre à cette dernière

nous avons tout d’abord effectué de nombreuses recherches sur Internet puis le

manque d’informations sur certains évènements et chiffres précis nous incita à nous

rendre sur des sites d’archives, à nous orienter vers des œuvres littéraires rédigées

par des historiens. De plus nous avons eu la chance de rencontrer Iris Knobolch,

une juive allemande qui nous a raconté l’histoire de ses parents qui ont vécu

l’expérience des camps et de la spoliation et ainsi apporter une dimension plus réelle

et concrète à nos recherches. Nous avons rencontré quelques problèmes de

répartition des taches auxquels nous avons su y remédier rapidement par le simple

biais de la conversation. De plus nous avons eu un peu de mal à trouver des chiffres

précis puisqu’il est très compliqué d’estimer le montant auquel s’élève la spoliation,

ce ne sont que des approximations.

22

Je suis satisfaite du résultat obtenu, je pense que nous avons bien réussi à expliquer

tout d’abord en quoi consiste la spoliation puis ensuite en quoi elle relève de la

déshumanisation. Je trouve également que nous avons réussi à faire passer le

message selon lequel la mémoire permet de ne pas légitimer les événements

passés. De plus la réalisation de ce TPE s’est faite dans la joie et la bonne humeur

ce qui est une satisfaction supplémentaire. Ce sujet m’a permis de découvrir cet

aspect de la Seconde Guerre mondiale que j’ignorais. Il n’y avait pas seulement les

camps de concentration mais également une spoliation de toute une identité. J’ai

appris également de nombreuses anecdotes sur cette période qui me permettent

d’enrichir ma culture personnelle. Ce travail collectif m’a appris comment réellement

fonctionner à plusieurs, être quatre ce n’est pas évident mais une réelle solidarité

s’est créée ainsi qu’un très grand plaisir à faire quelque chose qui nous intéresse. Il

m’a également permis d’améliorer ma façon d’écrire puisque mes camarades me

fournissaient des remarques constructives pour rendre mon travail meilleur et m’a

également permis d’acquérir une certaine aisance à l’oral.

Pour conclure, la spoliation a influencé les organisations économiques et sociales

d’un pays et participe d’une volonté de déshumanisation car elle constitue un pillage

systématique et un blanchiment étatique ainsi qu’une saisie de tous les biens

pouvant créer une identité, une personne et donc nie l’existence des populations

juives en tant qu’êtres humains. Il est donc après la guerre nécessaire de restituer

les biens comme devoir de mémoire. C’est ce message que nous avons réussi à

faire passer : oublier c’est pardonner l’acte inhumain auquel les juifs ont dû faire face

tandis que restituer, c’est rendre aux familles une partie de leur identité qui leur a été

spoliée.

SYNTHÈSE PERSONNELLE : MINICONI Chiara

J’ai toujours été une grande passionnée de cinéma. L’été dernier, je suis allée

voir le film de Simon Curtis La Femme au Tableau. Ce film m’a profondément

bouleversée, choquée et en quelque sorte ouvert les yeux sur le monde et sur

23

l’Histoire. Comment avais-je pu ignorer ces atrocités et ces actions abominables

qu’on avait fait subir à des milliers d’êtres humains ? Certes on parle de la Shoah

dans les manuels scolaires et des camps de concentrations mais sans jamais

évoquer la spoliation qui a été infligée aux juifs. C’est devant cette ignorance totale à

laquelle je faisais face que pour moi il fut évident que nous devions choisir ce sujet

pour notre TPE. Je l’ai mentionné au reste du groupe, et le sujet fut choisi

àl’unanimité. En découvrant à la rentrée que nos deux matières encadrant le TPE

étaient le Français et les SES. Nous nous rendîmes compte que notre sujet devait

avoir une dimension autre qu’historique et que nous devions le documenter de

chiffres précis afin d’illustrer la spoliation des juifs sous l’occupation nazie dans son

aspect économique et social.

Le but de notre étude est de montrer comment un pays en temps de guerre peut en

arriver à la spoliation de milliers de personnes dans le but de générer des réserves,

allant jusqu’à déshumaniser les victimes. Nous avons pour objectif de montrer

comment et pourquoi cette spoliation a été opérée et de rappeler le devoir que nous

avons, nouvelles générations, de perpétuer la mémoire de ces populations et de ne

jamais oublier.

Nous avons mis beaucoup de temps à trouver une problématique qui nous semblait

adéquate. Non pas que l’idée ne fut pas claire mais nous n’arrivions pas à trouver

les mots justes afin d’expliquer au mieux le processus de déshumanisation jusqu’à

ce que nous trouvions la problématique représentant parfaitement notre point de

vue : Comment la spoliation influence-t-elle les organisations économiques et

sociales d’un pays et participe-t-elle d’une volonté de déshumanisation des

victimes? Au début de notre étude, nous avons rencontré une difficulté majeure, à

savoir le problème de documentation à laquelle nous pouvions accéder dans nos

recherches.

En effet, cet aspect de la Shoah étant peu abordé, nous dûmes nous renseigner à la

Bibliothèque Nationale d’Information dans des Encyclopédies ou encore interviewer

une personne afin d’obtenir le plus d’informations possible. Nous avons donc

rencontré Iris Knobloch, une juive allemande qui nous a raconté l’histoire de ses

parents qui ont vécu l’expérience des camps et de la spoliation.

24

Je suis satisfaite du résultat obtenu car je pense que malgré la difficulté que nous

avons rencontrée à acquérir de l’information, nous avons pu enquêter et apporter le

plus d’informations possible à notre devoir. Ce travail m’a permis de vivre une réelle

cohésion de groupe et à ne pas me limiter à ce que je pensais pouvoir trouver

facilement et m’a appris à toujours chercher plus. Il a amélioré ma capacité à

travailler en groupe et à effectuer des recherches sur un sujet précis et également à

travailler sous la contrainte du temps.

Pour conclure, je pense que notre groupe a réussi à bien retransmettre le processus

de déshumanisation ayant eu lieu à cause de la spoliation et donc par conséquent à

remplir se devoir qu’a la nouvelle génération de perpétuer la mémoire.

25

SYNTHESE PERSONNELLE : SILVA Axel

Tout d’abord, bien qu’un très grand nombre de personnes connaissent le

contexte et les événements qui se sont déroulés durant la Seconde Guerre

Mondiale, nous avons voulu évoquer à travers notre travail personnel encadré, la

spoliation qui a touché les populations juives sous l’occupation nazie afin d’apporter

un éclairage supplémentaire. En effet, ce sujet n’est pas étudié à l’école et très peu

abordé. Les matières encadrant ce TPE sont le français et les sciences

économiques et sociales. La spoliation possède en effet un réel contexte social étant

donné la déshumanisation des victimes, mais également économique puisque tout

l’or pillé et les objets des victimes apparaissent comme une source de richesses

pour le gouvernement nazi.

Les recherches se sont effectuées essentiellement à travers la lecture de livres, le

visionnage de reportages ainsi qu’à travers les différents sites internet et notamment

les archives. Par ailleurs, nous avons eu l’opportunité d’interviewer Iris Knobloch,

une juive allemande dont les parents ont vécu l’expérience des camps et de la

spoliation. Cependant, certaines difficultés se sont présentées à nous, du fait d’un

certain manque d’informations, par exemple, le nombre de biens et d’objets d’art

volés sont des approximations et non des nombres exacts puisqu’il est impossible

de savoir réellement tout ce qui a été spolié car tout n’a pas été reporté

méthodiquement. Malgré cela, nous étions un groupe où l’entente était très présente

tout comme la coopération.

Le temps n’a pas réellement été un obstacle puisque nous avions choisi notre sujet

dès les premiers cours. De ce fait, nous avons réussi à travailler dans de bonnes

conditions et atteindre le résultat que nous espérions. De plus, ce sujet m’a, pour ma

part, beaucoup appris dans la mesure où je ne possédais pas toutes les

connaissances nécessaires pour la réalisation de ce travail.

26

Au-delà de l’apprentissage acquis, j’ai aussi appris une nouvelle manière de

travailler un tel travail de groupe, avec un contenu si développé, ne m’avait jamais

été demandé auparavant. Je pense par ailleurs que ce travail m’a permis d’être plus

à l’écoute des autres sur un projet commun.

Pour conclure, la spoliation faite aux juifs durant l’occupation des nazis relevait d’une

réelle soif d’or mais était surtout l’expression d’une volonté acharnée visant à

déshumaniser les populations juives mais également les populations des territoires

occupés par l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler.

27

SYNTHÈSE PERSONNELLE : SIMON Pauline

La Spoliation sous l’Occupation nazie est liée au thème de l’argent et du

pouvoir. Nous avons fait ce choix car il semblait intéressant d’aborder la spoliation,

aspect de la Shoah souvent insuffisamment abordé dans notre programme

d’histoire. Ce dernier ne nous a cependant pas été imposé. Plus personnellement, le

choix de ce sujet me paraissait évident puisque l’histoire d’Anne Frank m’a

profondément touchée, et me passionne depuis la lecture de son journal.

Notre sujet est en cohérence avec les sciences économiques et sociales car cette

spoliation et deshumanisation relevèrent de la soumission à l’autorité, où tout

comportement déviant du nazisme était banni. Notre sujet est en cohérence avec le

français car la spoliation se manifeste notamment dans le domaine de l’Art. De plus,

la spoliation et plus globalement la Shoah ont été des sujets sur lesquels beaucoup

d’auteurs ont écrit : poètes, écrivains ou dramaturges.

Nous avons de plus choisi d’orienter notre sujet vers un aspect davantage social en

construisant la problématique autour de la notion de déshumanisation. Ces atrocités,

bien qu’ayant une visée économique, ont notamment été commises à cause d’une

idéologie antisémite, cruelle et raciste. De ce fait, les nazis, monstres de cruauté, ont

tout mis en œuvre afin d’humilier les juifs, victimes impuissantes, dans le but de les

éliminer. Ces derniers ont été déshumanisés, de par ces pillages mais également de

par leur expérience traumatisante dans les camps de la mort.

Nous avons réussi à développer notre problématique en nous intéressant davantage

aux procédés de spoliation. En effet, outre le pillage de biens matériels, des

souvenirs sentimentaux étaient également spoliés. La spoliation, bien qu’elle révèle

d’un vol et d’une mutilation internationale, déshumanise et prive les survivants et

descendants de tout souvenir ou légitimation. Notre problématique était au début

axé sur un aspect historique, et notre plan était de ce fait plus linéaire et

chronologique. Nous voulions donc à tout prix éviter de tomber dans un récit

historique, puisqu’il ne s’agissait pas d’une des matières encadrantes de notre TPE.

28

Afin de répondre à notre problématique, nous avons dès le début commencé à nous

documenter sur le sujet, à nous intéresser davantage aux émissions et reportages

traitant de la spoliation et à rechercher tout type de support, notamment

cinématographiques, afin d’avoir une idée plus imagée du sujet. De plus, nous avons

pu rencontrer une dame dont le père et la mère ont vécu la spoliation, tant chez eux

que dans les camps. Afin de nous documenter, nous avons également visité

l’immeuble Lévitan à Paris, centre de tri et annexe du camp de Drancy. Nous nous

sommes équitablement réparti le travail, en faisant en sorte que chacun travaille sur

l’aspect de la spoliation qui l’intéressait le plus.

Nous avons cependant rencontré quelques difficultés. Premièrement, la

prononciation des termes allemands fut très compliquée pour nous. Ensuite, les

données sur les quantités pillées à chaque pays étaient calculées en tonnes d’or,

impossibles à convertir en dollars ou en euros actuels. Enfin, les recherches sur la

spoliation dans les camps de concentration furent compliquées, puisque ces

dernières font davantage partie de témoignages et de récits de vie que de faits

historiques.

Je suis assez satisfaite du résultat obtenu, puisque ce TPE est le fruit de

nombreuses heures de travail et de recherches approfondies. Le voir abouti est alors

un réel accomplissement de cette année de première. Ce sujet m’a fait acquérir

davantage de culture générale et m’a fait prendre conscience que la Shoah ne se

résumait pas seulement aux camps de la mort. Ce travail collectif m’a notamment

appris l’entraide, et m’a prouvé que les groupes de travail pouvaient être d’un réel

soutien, notamment pour la préparation d’oraux ou de moments de stress

passagers.

En conclusion, il est possible d’affirmer que la Seconde Guerre mondiale fut une

guerre d’anéantissement, qui passa notamment par l’élimination des juifs. Avant leur

extermination en chambres à gaz, un réel processus de déshumanisation touchait

ces victimes, impuissantes. La spoliation se manifesta alors dans les biens publics

tels que l’or des pays, dans les biens privés mais également dans l’art. Je pense que

notre principal objectif a été atteint puisqu’à travers ce TPE, nous avons réussi à

aborder un passage fondamental de l’histoire, trop oublié de nos jours.

29

GLOSSAIRE

Aryanisation : est un néologisme désignant l'expropriation totale des juifs en Allemagne ainsi qu'en Autriche pendant la période du nazisme et par extension les spoliations endurées par les juifs de toute l'Europe occupée pendant la Shoah.

Blanchiment : infraction consistant à dissimuler des fonds de provenance illicite en les réinvestissant dans des activités légales.

Confiscation : la saisie ou le fait de prendre quelque chose a quelqu'un par un acte d'autorité

Déshumaniser : faire perdre son caractère humain a quelqu'un ou a un groupe de personnes, en leur enlevant toute sensibilité.

DSK (Devisen Schütz Kommando ou détachement pour la mise en sûreté des devises) : unité spécifique créée par les SS, chargée d’agir sur le terrain. Ils pillaient alors les coffres des banques publiques comme privées, lingots, pièces d’or ou encore bijoux.

ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg) : équipe d'intervention du Reichsleiter Rosenberg. Il s’agissait d’une section du bureau de la NDSAP qui a effectué d'importantes confiscations de biens appartenant aux juifs dans les territoires occupés de la Wehrmacht.

Espace vital : concept géopolitique suivant l'idée d'un territoire assurant la survie culturelle d'un peuple et de favoriser sa croissance via l'influence territoriale

Möbel Aktion : unité spéciale chargée du pillage des appartements

Nazi : partisan du NSDAP qui promouvait la supériorité de la race aryenne au détriment des autres.

NSDAP (Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands ou parti nazi) : parti politique allemand de l'extrême droite rattachée à la famille politique du fascisme. 

OSS (Office de Services Stratégiques) : agence formée durant la seconde guerre mondiale et considérée comme le prédécesseur de la CIA. L'OSS a été formée pour coordonner l'espionnage derrières les lignes ennemies.

Pillage : vol par la violence, notamment en temps de guerre

Spoliation : l'action de déposséder quelqu'un ou un groupe de personnes légalement, par la violence ou par la ruse

SS (Schutzstaffel) : organisation paramilitaire nazie créée en 1925 pour assurer la protection d’Adolf Hitler et qui devint une des principales organisations du régime nazi.

30

BIBLIOGRAPHIE

SITES INTERNET :

Pierre HAZAN, Sur les pistes de l’or volé par Hitler ; Libération [en ligne], mis à jour le 2/12/1997, disponible sur http://www.liberation.fr/planete/1997/12/02/or-nazi-sur-les-pistes-de-l-or-vole-par-hitler-1_223806

Eric BIETRY-RIVIERRE, Trésor volé par les nazis : les Alliés abusés en 1946 ; Le Figaro [en ligne], mis à jour le 06/11/2013, disponible sur http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2013/11/06/03015-20131106ARTFIG00558-tresor-vole-par-les-nazis-les-allies-abuses-en-1946.php

Klaus GOLDMANN, Œuvres d’art et prises de guerre (1945) ; Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 12 décembre 2015, disponible sur: http://www.universalis.fr/encyclopedie/oeuvres-d-art-et-prises-de-guerre/

Dans une mine de sel, les Nazis camouflent le plus fantastique musée du monde ; Les chroniques de l’histoire [en ligne], mis à jour le 12/09/2008, disponible sur : http://leschroniquesdelhistoire.centerblog.net/5889882-Dans-une-mine-de-sel--les-Nazis-camouflent-le-plus-fantastique-musee-du-monde

Brigitte PÄTZOLD, Complicités avec le nazisme ; Monde diplomatique [en ligne], disponible sur : http://www.mondediplomatique.fr/1997/06/PATZOLD/4772#partage

Mission d’information sur les œuvres d’art spoliées par les nazis, Commission de la culture, de l’éducation et de la communication ; site internet du Sénat [en ligne], disponible sur : http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/4P_C_Bouchoux_oeuvres_spoliees__vJM_cor_CB.pdf

La mission Matteoli, Site Rose Valland [en ligne], disponible sur : http://www.culture.gouv.fr/documentation/mnr/MnR-matteoli.htm

Philippe DAGEN, 1 500 trésors pillés par les nazis retrouvés à Munich ; Le Monde [en ligne], mis à jour le 04/11/2013, disponible sur : http://mobile.lemonde.fr/culture/article/2013/11/04/1-500-tresors-pilles-par-les-nazis-retrouves-a-munich_3507491_3246.html

Jean-Jacques NEUER,  Éclairage sur le découverte récente des tableaux volés ; Le Huffington Post [en ligne], mis à jour le 08/11/2013, disponible sur : http://www.huffingtonpost.fr/jeanjacques-neuer/tableaux-juifs-spolies-restitution_b_4235062.html

31

France. Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, Rapport à Monsieur le Président de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France : Comité de surveillance du secteur bancaire et financier / Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France ; Conseil national du crédit et du titre, rédigé en 2000 ; Bibliothèque nationale de France, mis en ligne le 30/12/2013, disponible sur : http://catalogue.bnf.fr/

LIVRES :

Collectif d’auteurs, Œuvres volées, destins brisés ; L’histoire des collections juives, 2013

Jean-Marc DREYFUSS, Le pillage des biens juifs dans l’Europe occidentale occupée ; Autrement, 2007

GENSBURGER Sarah, Images d’un pillage : Album de la Spoliation des Juifs à Paris, 1940-1944 ; ÉditionsTextuel, 2010

REVUES, MAGAZINES, JOURNAUX :

Annette WIEVIORKA, Des spoliations aux restitutions ; Persécutions et spoliations des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, presse universitaire de Grenoble, 2004

Véronique SALES, La Suisse, les juifs et l’or des nazis ; L’Histoire, mensuel n°209, avril 1997, page 78

Emmanuelle POLACK, Le peintre, la danseuse, le nazi ; L’Histoire, mensuel n°386, avril 2013, page 18

Jan HEIDTMANN, Allemagne. L’extrême droite s’enracine dans l’immobilier ; Courrier international, n°1284, juin 2015

ILLUSTRATIONS :

Aryanisation économique et restitutions ; La documentation française [en ligne], disponible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/004001396.pdf

Les objets français volés par les nazis ; L’internaute [en ligne], mis à jour le 03/11/2006, disponible sur : http://www.linternaute.com/actualite/magazine/

32

INTERVIEW D’IRIS KNOBOLCH

Iris Knobolch n’a pas directement vécu la Spoliation. En effet, ce sont ses parents qui ont réellement vécu ce traumatisme et cette déshumanisation. Ses deux parents ont vécu différemment la guerre et la Spoliation, dans deux pays différents, et ont été impactés de manière différente. Iris nous raconte alors l’histoire de ses parents, qui lui ont raconté toutes les atrocités dont ils ont été victimes durant la guerre.

Nous : Pouvez vous tout d’abord nous expliquer quels sont vos liens avec la spoliation ?

Je vais vous raconter un peu, en premier lieu, les deux histoires très différentes de

mes parents, qui ont vécu la spoliation différemment. Je crois que cela vous donnera

un aperçu de ce qu’il s’est passé à cette époque, car il est différent de l’entendre que

de le lire, ou voir dans des films ou des documentaires.

Ma mère est née à Munich, elle était enfant unique. Mon grand-père, son papa, était

tout d’abord allemand. La religion lui importait peu, il n’était pas très religieux. Sa

médaille de combattant de la Première Guerre mondiale trônait dans le salon, c’était

sa fierté : il était fier d’être Allemand. C’était un avocat très connu à Munich. Munich,

c’est là où tout a commencé, c’est là où Hitler est arrivé au pouvoir. Le jour de la

Kristallnacht (Nuit de cristal, 1938), ma mère devait avoir 8 ans, mais elle s’en

rappelle toujours vivement. Elle avait très peur, elle voyait des synagogues brûler.

Elle se rappelle toujours de ce moment où s’arrête un monde et où un autre

commence, c’était un moment traumatisant. Ma grand-mère, sa mère, était une

femme non juive, qui s’était convertie pour se marier avec lui. Quand le fait d’être juif

devint compliqué, sa mère se sauva sans explication, préférant se sauver elle

même. Ma mère était très attachée à sa grand-mère, c’était presque sa deuxième

mère. Un jour les Nazis sont venus chez mon grand-père afin de déterminer qui de

la famille partirait dans les camps de travail. Ma grand-mère s’est portée volontaire,

elle ne voulait pas que son fils et son enfant partent travailler. C’était comme si elle

avait perdu sa deuxième maman.

Plusieurs amis de mon père lui ont conseillé de s’enfuir, la situation des juifs

empirant de jour en jour. Il a pris ces conseils très au sérieux, mais uniquement pour

33

ma mère, qui avait 8 ans à ce moment là. Il l’a donc emmené chez une dame très

pieuse, catholique, qui était notre ancienne femme de ménage. Elle habitait dans un

petit village en Allemagne, pas très loin de Munich. Elle avait fait comme un deal

avec Dieu. Deux de ses frères se battaient pour Hitler en Russie, et elle s’est dit  :

« je vais sauver cet enfant, et Dieu me rendra mes deux frères ». Cette dame a alors

prétendu que ma mère était un enfant hors mariage. Quand mon père a emmené ma

mère dans ce bled, il ne pouvait pas lui expliquer pourquoi, il ne pouvait pas lui dire

qu’elle était en danger parce que les juifs étaient menacés. Comme elle avait huit

ans, il ne put rien lui dire de peur qu’elle parle et se compromette auprès des gens

du village. Elle croyait alors qu’il l’avait à son tour abandonnée. Vous vous imaginez

le traumatisme pour un enfant qui, a cet âge, à perdu sa mère, sa grand-mère et son

père ?

Cette femme avait très peur que l’enfant ne parle. Elle ne la laissait pas jouer avec

d’autres enfants. Ses seuls amis étaient les animaux de la ferme, ça doit être pour

ça que je suis cinglée avec les animaux (rires). Ma mère avait des affinités fortes

avec eux.

Ma mère vécut pendant toute la guerre dans cette ferme, mo grand-père est mort

dans un camp. A la fin de la guerre, cette dame ramena ma mère à Munich, elles ne

savaient rien de ce qu’il était arrivé à mon père et à nos affaires. Dans l’appartement

de mon grand-père, dans son appartement, il n’y avait plus rien. Un ami de mon

grand-père les informa que mon grand-père était mort, et que tout nous avait été

volé par les Nazis pendant la guerre.

Nous : Dans les appartements il ne restait plus rien. Les draps, les ampoules avaient été volés. Tout était vraiment spolié ?

I : Il ne restait plus rien, je ne sais pas si ils ont volé, si ils ont juste brulé ou détruit

mais il ne restait rien. A mon sens le pire est qu’il ne restait même pas des objets

personnels : des lettres, des photos, des souvenirs qui sont plus importants que tout

le reste.

34

Pour finir sur l’histoire de cette femme et ma mère, autour de la fin des années 90’

en Allemagne, ma mère a fait tout les efforts possibles pour que cette femme qui l’a

sauvée de la déportation soit honorée pour avoir risqué sa vie afin de la sauver. En

Allemagne après la guerre il y avait une clause dans la Constitution qui disait qu’on

ne pouvait donner des médailles aux personnes avant 1945, ma mère s’est donc

battue très longtemps pour que cette femme vivant toujours dans le même village

soit honorée. Un jour, un représentant du gouvernement est donc venu la voir pour

lui dire que le ministre allait donc venir dans le village pour l’honorer mais elle a

refusé car elle craignait de se faire rejeter pour avoir aidé un juif. C’est pour ça que

la mémoire est si importante. L’Allemagne a fait un réel travail de restitution que la

France a moins fait.

Mon père est né en Pologne d’une famille religieuse et a été déporté à 17 ans. Son

père a été tué devant ses yeux. Il était le plus jeune de la famille à être au camp, ce

qui lui a permis de survivre car il pouvait travailler. Les Américains l’ont par la suite

libéré de Auschwitz. Il est par la suite retourné en Pologne pour retrouver sa famille

restante et a cherché à retrouver la maison familiale spoliée par des allemands le

menaçant de mort si il ne partait pas sur les champs. Tout le monde s’était fait

assassiner durant la guerre. Je n’ai jamais vu de photos de ma famille, il n’avait rien,

il ne restait rien, je ne sais pas à quoi ressemblent mes grands parents et mes

oncles. Mes seuls repères étaient leurs paroles. Il n’avait rien, et cela pour moi, c’est

vraiment la spoliation de l’âme qui est pire que tout ce qui est matériel. C’est toute

une identité effacée. Ma mère avait fait tout un processus pour récupérer sa maison

et ce qu’il y avait dedans, elle n’a jamais rien pu retrouver. Mes parents se sont

rencontrés à Munich quand ma mère avait 16 ans et mon père 26 ans et se sont

mariés un an plus tard sans famille sans argent. Ils sont restés en Allemagne où ma

mère dirige aujourd’hui la présidente de la communauté juive en Allemagne.

Je pense que ce sera encore plus difficile aujourd’hui de perpétuer la mémoire

puisque les personnes au fil du temps disparaissent avec leurs histoires sans les

avoirs forcément racontées à leurs enfants car c’était trop douloureux d’en parler.

35

Nous : En ce moment même des restitutions d’œuvres d’art ou de biens ont lieu. Que savez vous de cela ?

I : Des cas de restitution que je connais sachez que ça ne fut jamais « offert » par

l’Etat ce fut toujours des processus très compliqués des familles qui n’avaient rien à

ce moment là, pas de quoi payer les avocats ou de quoi faire les recherches. La

priorité fut de survivre, c’est plus tard que des recherches ont eu lieu non pas par

valeur économique mais par valeur sentimentale. Les processus furent toujours

compliqués surtout pour les personnes qui ne pouvaient pas être assistés. La

démarche était néanmoins plus facile en Allemagne que dans les autres pays

comme la Pologne.

Les objets les plus faciles à récupérer étaient les immeubles, l’immobilier car c’est

beaucoup plus facile à tracer et à retrouver sur le marché. Pour ce qui est de

l’intérieur des appartements c’était impossible à prouver.

On ne parle pas assez de la spoliation et de la Shoah dans les manuels scolaires et

d’année en année ce passage se raccourcit dans le programme. On ne montre pas

assez d’images sur cette époque de l’histoire. Il y a pourtant des documentaires, des

images ou des témoignages qui ne sont pas assez évoqués. On ne peut pas

comprendre si on ne le voit pas. Même moi je n’arrive pas à me l’imaginer car c’est

tellement abominable et je trouve ça triste que les écoles ne montrent pas plus

d’images pour marquer et préserver la mémoire. Les visages des survivants

disparaissent au fur et à mesure du temps.

Les films comme la Liste de Schindler sont très importants afin de préserver la

mémoire. Ce film a touché beaucoup de gens et l’a rendu accessible à tous et à

permis aux gens de mieux comprendre cette période.

On peut à mon sens dire que l’art touchera toute les générations et préservera la

mémoire comme la fondation de Spielberg qui a filmé des milliers de personnes qui

ont raconté leur histoire qui seront marqués dans le temps grâce à la vidéo et

immortalisés.

36

REMERCIEMENTS

Nous souhaiterions remercier toutes les personnes qui nous ont apporté leur soutien

tout au long de l’élaboration de notre TPE.

Nos familles ou nos proches ont facilité certaines de nos démarches et nous ont

apporté leurs précieux conseils.

Nos remerciements vont aussi aux personnes avec lesquelles nous avons eu la

chance d’échanger, notamment Iris Knobolch qui nous a fait l’honneur et l’amitié de

nous offrir son témoignage mais aussi Tal Bruttmann, dont les connaissances

immenses sur le sujet de la spoliation nous ont été là encore très précieuses.

Nous avons été par ailleurs très sensibles au soutien que nous ont apporté plusieurs

professeurs et membres de l’équipe pédagogique de l’EIB, qui nous ont aidé dans

nos recherches et la documentation de nos travaux.

Enfin, nous souhaitons adresser nos remerciements les plus sincères à Mme

Boujeant et M. Chaulier, nos professeurs encadrants. Ce TPE passionnant et

enrichissant n’aurait jamais pu voir le jour sans leur soutien attentif et leurs conseils

avisés.

37