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Droit du travail Mardi 04 octobre 2011 Les relations de travail (relations entre employeurs et salariés) ne peuvent pas être saisies uniquement à travers les normes juridiques qui les régissent à moins de tomber dans une sorte de fétichisme juridique. Comprendre les relations de travail exige d’aller bien au-delà du droit. Pour autant nul ne conteste aujourd’hui que le droit du travail exerce une influence croissante sur les relations de travail et sur leur évolution. Elle y imprime sa marque. Introduction A) La construction du droit du travail La norme juridique en droit du travail, plus que dans les autres branches de droit privé, ne peut pas être dissociées de différentes données historiques, économiques et sociologiques. Elle ne peut pas être dissociée des options idéologiques tellement la norme juridique dans cette matière est un enjeu politique extrêmement important. Il en résulte que le droit du travail est un droit instable, mouvant, qui s’est construit par stratifications successives, qui n’obéissent pas à une conception cohérente des relations de travail, même s’il existe certaines lignes de force. Il faut faire le tri entre des règles éphémères qui relèvent de la conjoncture et les règles qui ont une vocation plus durable, et donc à structurer la discipline. Trois grandes phases marquent l’évolution du droit du travail en France. 1 ère phase : 1789 – 1871. Passage du libéralisme absolu au début de l’interventionnisme de l’Etat dans les relations de travail. 2 ème phase : affirmation du rôle du législateur dans les relations de travail. Toute une série de textes vont venir favoriser une meilleure protection et défense des intérêts des salariés. Elle peut se diviser en deux grandes séquences. La 1 ère séquence commence à la fin du 19 ème siècle et s’étend jusqu’au début des années 80 avant l’élection de F. Mitterrand. Voici les textes les plus marquants au cours de cette séquence : 1 ère séquence : - 21 mars 1884 consacre la liberté syndicale - 8 avril 1998 instaure une protection des salariés contre les risques d’accidents du travail. - Loi du 13 juil. 1906 crée le repos hebdomadaire. 1

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Droit du travailMardi 04 octobre 2011

Les relations de travail (relations entre employeurs et salariés) ne peuvent pas être saisies uniquement à travers les normes juridiques qui les régissent à moins de tomber dans une sorte de fétichisme juridique. Comprendre les relations de travail exige d’aller bien au-delà du droit. Pour autant nul ne conteste aujourd’hui que le droit du travail exerce une influence croissante sur les relations de travail et sur leur évolution. Elle y imprime sa marque.

IntroductionA) La construction du droit du travail

La norme juridique en droit du travail, plus que dans les autres branches de droit privé, ne peut pas être dissociées de différentes données historiques, économiques et sociologiques. Elle ne peut pas être dissociée des options idéologiques tellement la norme juridique dans cette ma-tière est un enjeu politique extrêmement important. Il en résulte que le droit du travail est un droit instable, mouvant, qui s’est construit par stratifications successives, qui n’obéissent pas à une conception cohérente des relations de travail, même s’il existe certaines lignes de force.

Il faut faire le tri entre des règles éphémères qui relèvent de la conjoncture et les règles qui ont une vocation plus durable, et donc à structurer la discipline. Trois grandes phases marquent l’évolution du droit du travail en France.

1ère phase : 1789 – 1871.Passage du libéralisme absolu au début de l’interventionnisme de l’Etat dans les relations

de travail.

2ème phase : affirmation du rôle du législateur dans les relations de travail. Toute une série de textes vont venir favoriser une meilleure protection et défense des intérêts des salariés.

Elle peut se diviser en deux grandes séquences. La 1ère séquence commence à la fin du 19ème siècle et s’étend jusqu’au début des années

80 avant l’élection de F. Mitterrand. Voici les textes les plus marquants au cours de cette sé-quence :

1ère séquence :- 21 mars 1884 consacre la liberté syndicale- 8 avril 1998 instaure une protection des salariés contre les risques d’accidents du

travail.- Loi du 13 juil. 1906 crée le repos hebdomadaire.- 25 mars 1919 instaure le procédé des conventions collectives de travail.

Ultérieurement le front populaire (1936) et la libération (1945) vont constituer les points forts d’édification du droit du travail par la voix législative.

- 1936 : 40h par semaines, congés payés, renforcement du procédé des conventions collectives, enfin la création des délégués du personnel dans l’entreprise.

- 1945 : création des comités d’entreprise.L’avènement de la Vème république se consacre par l’émergence de l’idée de participa-

tion. Seulement cette idée se révèle vite décevante dans la mesure où la volonté d’associé le ca-pital et le travail se traduit uniquement par quelques textes relatifs à l’intéressement et la partici-pation des salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise. Les évènements de Mai 1968 vont marquer une étape très importante car c’est sous l’impulsion du mouvement de mai que le légis-lateur reconnaît la liberté d’exercice du droit syndical dans l’entreprise sur les lieux de travail (27 déc. 1968) et c’est aussi des effets un peu plus lointains, sous les effets du mouvement de mai,

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que la négociation collective se voit valorisée afin de prévenir les explosions sociales, loi du 13 juillet 1968, loi sur la négociation collective.

Deux ans plus tard une loi du 13 juillet 1973 marque un tournant essentiel puisque ce texte soumet pour la 1ère fois le licenciement des salariés à des exigences de fond et de forme.

2nde phase : de l’élection de F. Mitterrand en 1981 au quinquennat de Nicolas Sarkozy. On observe depuis trente ans (1981-1991) une alternance dans la manière dont le législa-

teur participe à la construction du droit du travail. Alternance entre une philosophie libérale (droite au pouvoir) et une philosophie un peu plus dirigiste lorsque la gauche gouverne, d’inspira-tion sociale démocrate qui souligne d’avantage le rôle indispensable de la puissance publique dans l’encadrement des relations de travail.

Depuis 30 ans la dimension contingente du droit du travail ne cesse de s’accentuer. Au lendemain de l’élection de Mitterrand, un bloc de réformes est constitué de quatre lois essen-tielles, dites lois Auroux. Ces textes poursuivent plusieurs objectifs :

- accentuer les garanties des salariés en matière disciplinaires : loi du 4 aout 1982- renforcer les institutions représentatives du personnel dans l’entreprise : loi du 28

oct. 1982- vitaliser la négociation collective : 13 nov. 1982- améliorer la protection des salariés en matière d’hygiène et de sécurité, loi du 23

déc. 1982

En 1986, cohabitation de Chirac et de Mitterrand, l’idée qui va mener la gouvernance de Chirac est d’assouplir certaines règles juridiques jugées trop contraignantes pour les entreprises. Exemple : une loi du 30 déc. 1986 supprime l’autorisation administrative alors requise en ma-tière de licenciement pour motif économique.

Autre exemple : on favorise le recours au CDD, au travail intérimaire. Et puis on va modi-fier les règles relatives à l’aménagement du temps de travail pour parvenir à plus de souplesse.

1988, retour de la gauche au pouvoir, qui va faire adopter deux lois qui s’inspirent d’une philosophie différente, l’une qui porte sur les procédures de recrutement des salariés et surtout une seconde loi relative à l’obligation pour les employeurs d’élaborer un plan de reclassement en faveur des salariés à l’occasion de licenciement collectif pour motif économique. Nouvelle at-tente politique, en 1993, avec Balladur avec la cohabitation sous Mitterrand, c’est plus libéral à nouveau, une conception qui s’efforce de favoriser la flexibilité et souplesse du temps de travail.

Election de Chirac en 1995 : pendant deux ans aucune réforme significative.1997 : cohabitation entre Chirac et Jospin, et on va assister à l’adoption d’un certain

nombre de textes importants. D’une part les fameuses lois de la réduction de la durée du travail à 35h (lois Aubri) et

une loi dite de modernisation sociale ( loi du 17 janv. 2002) qui vise à renforcer la protection des salariés face aux restructurations des entreprises. Comme on pouvait s’y attendre l’arrivée en 2002 d’une nouvelle de majorité de droite dans la foulée de la présidence de Chirac se traduit par de nouvelles modifications dans l’état du droit du travail.

D’abord deux lois dites lois Fillon en janvier 2003 qui ont pour objet, d’une part d’assou-plir les lois Aubri des 35h. D’autre part une autre loi Fillon va suspendre certains pans de la loi de modernisation sociale du 17 janv. 2002. Une autre Loi Fillon du 4 mai 2004 réforme les règles du dialogue social entre le patronat et les organisations syndicales. Enfin le parlement adopte le 18 janv. 2005 un texte dont nous reparlerons qui s’attache à alléger l’encadrement juridique des licenciements pour motifs économiques.

Le gouvernement de M. de Villepin qui succède en tant que premier ministre à M. Raffarin va être à l’origine de la création très controversée par une ordonnance du 2 aout 2005 d’un contrat de travail de type nouveau baptisé le Contrat Nouvelles Embauches (CNE).

Objectif de ce contrat : il s’agissait d’inciter les employeurs à embaucher grâce à l’abandon de certaines protections essentielles aux salariés en cas de licenciement. Une loi du 25 juin 2008, portant sur la modernisation du marché du travail a rendu caduque le CNE.

Sous Sarkozy. Certaines réformes importantes ont été adoptées, qui, a des degrés divers expriment toujours la même volonté, celle de laisser d’avantage de marge de manœuvre aux em-

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ployeurs afin de favoriser la compétitivité des entreprises et, dit-on parfois, afin de libérer l’écono-mie et le travail. Quelques illustrations :

- suppression des charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires => loi du 21 aout 2007 (le gouvernement actuel pense déjà y apporter des modifications).

- loi du 20 août 2008, dans son volé relatif au temps de travail, va se livrer à un détricotage des lois Aubri sur les 35h hebdomadaires.

Le seuil de 35h constituait déjà une limite souvent théorique, souvent dépassée. Le dépas-sement des 35h, estiment certains observateurs, est désormais défavorisé à des proportions telles qu’il peut mettre en péril le droit constitutionnel à la santé.

- loi du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, modifications de taille au contrat de travail, les plus importantes concernent :

* la période d’essaie qui précède la période d’embauche définitive d’un salarié* les modes de ruptures du contrat de travail, car avec cette loi, est promue

un nouveau mode de rupture inédit qu’on appelle la rupture conventionnelle du contrat de travail.

* nouveau type de CDDCertains considèrent qu’on y voit l’amorce d’une flexisécurité à la française. C’est une

notion importée du Danemark dont les composantes ont été définies par la commission euro-péenne. La flexisécurité entend réaliser un dosage de souplesse et de sécurité afin de permettre à la fois à l’employeur de rompre plus facilement le contrat de travail en échappant au contrôle du juge et au salarié de mieux maitriser son parcours professionnel.

Pour ce faire il faut accorder au salarié licencié des indemnités beaucoup plus consé-quentes qu’actuellement et surtout en accordant au salarié licencié la possibilité, pendant les pé-riodes de chômage entre deux emploi s de continuer de bénéficier de certains droits : droit à la formation, droit à la prévoyance…On appelle cela la portabilité ou transférabilité des droits.

Dernière réforme importante : la loi du 20 août 2008 contient un autre volet essentiel, relatif à la rénovation de la démocratie sociale. Cela réforme les modalités d’acquisition de la re-présentativité syndicale et d’autre part sont réformées les conditions de validité des conventions collectives de travail. Le but de ce texte est de renforcer la légitimité des syndicats et d’accentuer le développement de la négociation collective.

Ce panorama montre que le droit du travail dans sa construction même, est pour une par importante la résultante de son environnement historique, d’où une instabilité prononcée. On pourrait presque dire, une instabilité chronique. Attention, cette instabilité n’exclue pas que se dessine un certain nombre de lignes de force qui vont structurer la branche.

Cette instabilité a été encore renforcée par l’essor croissant depuis près de 30 ans de la négociation collective entre employeurs ou organisations d’employeurs et syndicats représentatifs de salariés. Il y a là comme une 3ème phase déterminante de la construction du droit du travail en France, alors que dans d’autres pays, les règles régissant les relations de travail sont la résultante d’une négociation collective entre les partenaires sociaux. Il a fallu attende plus longtemps en France pour que la négociation collective joue son rôle. Avec cette négociation on se trouve en présence d’un mode de production des règles en droit du travail qui vient concurrencer la produc-tion législative ou encore qui vient influencer très directement celle-ci.

D’où l’interrogation  sur la nature des rapports aujourd’hui entre parlement, censé incarner la souveraineté de la nation, et les partenaires sociaux, corps intermédiaires qui aspirent de plus en plus à la détermination de l’intérêt général, qui estiment qui doivent avoir leur mot à dire. Quel est donc le rapport entre la démocratie politique et ce qu’on appelle communément la démocratie sociale ?

B) La place du droit du travail dans le système juridique français

L’affirmation du droit du travail à la fois comme branche du droit et comme discipline pose une question délicate, celle de son autonomie. Le droit du travail s’établie-t-il en rupture avec l’ordre juridique existant ou bien conserve-t-il des liens avec lui ?

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Le droit du travail a des traits de caractère qui le mettent à part, pour autant, il n’est pas un corps étranger au système juridique.

Il est de par son objet même à part : le travail humain. Le travail est source de tension pour chaque individu comme pour la société en général. Chacun sait que le travail, tout en tou-chant à la vie quotidienne, soulève aussi de grands problèmes de civilisation. On conçoit alors naturellement que le droit lorsqu’il se rapporte à une activité aussi spécifique que le travail, donne naissance à des règles juridiques propres, mais également des techniques juridiques propres. Cela d’autant plus que le travail salarié s’exerce dans un état de subordination. Ceci au-tant, la personnalité marquée du droit du travail ne tient pas seulement à son objet.

Elle résulte également du caractère conflictuel de ce droit. Les intérêts des employeurs et des salariés, même s’ils peuvent se rencontrer, restent marqués par un antagonisme originel. Bien sûr le déplacement de cet antagonisme est souvent souhaité, mais il est loin d’être acquis. Une des caractéristiques du droit du travail tient au fait qu’il n’a pas pour seule raison d’être d’empêcher ou de résoudre le conflit. Le droit du travail est aussi la reconnaissance juridique de l’existence du conflit et de la nécessité du conflit, en même temps qu’il régule les oppositions d’intérêt.

Pour autant il va de soi que ce droit n’a pas acquis sa pleine autonomie par rapport aux autres disciplines. Cette appréciation se vérifie d’abord dans les rapports qu’il entretien avec le droit civil. Historiquement le droit du travail est l’enfant du droit civil, et même aujourd’hui le cor-don ombilical est loin d’être coupé. Les grands principes civilistes tels que le droit de propriété continuent de marquer le droit du travail. En ce sens aussi qu’au vu de certaines orientations as-sez récentes, on assiste même au retour en force de principes civilistes qui avaient été un peu laissés dans l’ombre.

Notamment à la liberté contractuelle, à la force obligatoire des contrats, à l’obligation d’exécuter de bonne foi les contrats. On peut dire que l’impact de ces principes civilistes inhé-rents aux droits des contrats sur les relations de travail est délicat à décrypter, et même assez ambivalent, parce que ces principes civilistes sont à la fois de nature à assoir le pouvoir de l’em-ployeur, à le consolider et à jouer un rôle de protection du salarié contre ce pouvoir, p. ex. lors -qu’un employeur entend modifier les clauses initiales du contrat du travail et qu’il se heurte à la force obligatoire des contrats, énoncés par l’art. 1134 du C.civ. Le droit du travail reste bien sous l’influence du droit civil, même s’il s’est en partie construit en réaction contre ce droit pour mieux prendre en compte la particularité d’être un travailleur subordonné.

Liens entre le droit du travail et autres branches. Sont impliqués dans le droit du travail le droit commercial, en particularité à l’occasion du traitement des entreprises en difficulté, le droit pénal, car bon nombre de dispositions du code du travail sont assorties de sanctions pé-nales, le droit administratif, p. ex. l’administration intervient pour vérifier la licéité des clauses du règlement intérieur dans l’entreprise, en matière de licenciement pour motifs économiques, en matière de licenciement des représentants du personnel, le droit de la sécurité sociale, comme l’indemnisation du salarié malade, les accidents du travail, les retraites. L’originalité du droit du travail apparait assez marquée quand on envisage sa place par rapport à d’autres disciplines juri-diques, qui est d’autant plus frappante quand on s’intéresse aux sources du droit du travail.

C) Les sources du droit du travail.

1) La diversité des sources

a) Les sources classiques- Les sources internationales- Les sources internes

Les sources internationales. - les traités bilatéraux- les conventions internationales (p. ex. celles de l’OIT)

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- droit européen du travail, en particulier sur le droit communautaire

Le traité de Rome de 1957 a donné naissance à la Communauté européenne, et qu’il consacre la liberté de circulation des travailleurs, d’autre part il favorise l’harmonisation progres-sive des conditions de travail. Pour mettre en œuvre ces grands principes, deux grands instru-ments juridiques existent : les règlements communautaires et les directives communautaires.

Les règlements sont des actes de portée générale et obligatoire, directement applicables dans les Etats membres, alors que la directive communautaire est un procédé plus souple. En effet elle impose simplement aux Etats d’atteindre un certain but mais elle les laisse libres du choix des moyens juridiques pour y parvenir. Exemples :- directive sur le sort des employés en cas de faillite- directive sur la santé des travailleurs- directive en matière d’égalité (surtout entre les sexes) des salariés en matière d’emploi et de travail

Il reste que le droit social européen connait un développement plus lent que le développe-ment du droit économique européen. Pour accélérer le processus a été adopté le 9 déc. 1989 une Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux (droit à la sécurité sociale, droit à un emploi rémunéré, droit à la formation professionnelle). Cette charte constitue toutefois une simple déclaration. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion du traité de Maastricht, une nou-velle accélération a été opérée. Le traité comporte en effet un chapitre social annexé au traité puis intégré en 1997 dans le traité d’Amsterdam.

On y trouve en particulier deux innovations. Il est dit que dans certains domaines, les di-rectives communautaires pourront être prises à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité. Il reste cependant des droits réservés à chaque Etat, comme le droit de grève. On y trouve une autre innovation. Il est dit que les organisations syndicales et patronales ont désormais la faculté de conclure des conventions collectives européennes qui pourront éventuellement être reprises dans des directives voire se substituer à certaines directives.

Il existe une Charte européenne des droits fondamentaux, 7 déc. 2000 qui comporte plusieurs chapitres dont un intitulé « solidarité » est consacré au droit du travail et consacre un certain nombre de droits économiques et sociaux, tels que le droit à l’information et à la consulta-tion des travailleurs dans l’entreprises, droit de négociation, protection en cas de licenciement injustifié.

Cette charte a une histoire compliquée. En 2007 cette charte européenne a été modifiée et proclamée à nouveau, pour entrer en vigueur en même temps que le traité de Lisbonne en dé-cembre 2009. Auparavant la charte n’avait aucune force contraignante face aux états membres. Elle a la même valeur juridique que les traités. Etant précisé toutefois que les droits qu’elle recon-nait doivent être interprétés « en harmonie avec les traditions constitutionnelles des Etats membres ». En tout cas une chose est sûre, et c’est une avancée très sensible, la Charte euro-péenne des droits fondamentaux s’impose aux institutions et aux organes de l’union euro-péenne. Autrement dit Le degré de sa force contraignante peut encore prêter à discussion mais ce qui ne fait aucun doute c’est que la charte s’impose aux institutions, aux organes de l’UE, donc à la Commission Européenne, au Conseil Européen, au Parlement Européen et donc dans l’élabo-ration des normes communautaires les institutions doivent tenir compte des droits fondamen-taux reconnus dans cette charte.

Par ailleurs la charte s’impose aussi par le biais de la CJUE. C’est l’occasion de souligner que l’influence du droit communautaire sur les relations de travail ne s’exerce pas seulement à travers les textes communautaires ou Chartes. Naturellement elle s’exerce aussi par le canal de la jurisprudence. Chacun sait que les textes communautaires sont interprétés par la CJUE, dont les décisions sont parfois à l’origine de grandes perturbations propres à chaque Etat.

Mercredi 5 oct. 2010

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A côté des sources internationales, mais toujours concernant les sources classiques, cette branche du droit est naturellement le produit de sources internes qu’on rencontre dans beaucoup d’autres disciplines (constitution, lois, règlements…).

Le préambule de la constitution de 1946 auquel renvoie la constitution de 58 reconnait un corps de principes « particulièrement nécessaires à notre temps » tels le droit de grève, droit à l’emploi, principe de participation, liberté syndicale…

Le Conseil Constitutionnel a été amené à se prononcer sur la portée de ces principes. On trouve ainsi au dessus de la loi un droit constitutionnel du travail qui influence l’action du par-lement et qui rive le droit du travail à quelques grandes directives énoncées solennellement.

Le conseil constitutionnel est devenu un véritable acteur des trans-formations du droit du travail. Par un ancien membre du Conseil Constitu-tionnel.

Depuis le 1er mai 2008 un nouveau code du travail a vu le jour. Il a fait l’objet d’une recodi-fication à droit constant. Toute modification des lois et textes en vigueur a été exclue à cette oc-casion. L’objectif était d’améliorer le plan du code ainsi que la cohérence rédactionnelle des textes afin que le code du travail soit plus facilement accessible, consultable, mais aussi pour que le droit national soit conforme au droit international et européen.

Ce qui animait donc la recodification était des exigences de clarté et d’intelligibilité. On a préféré rédiger des articles courts sur le principe d’une idée par article, en distinguant règles de fond \ règles de forme, principes \ dérogations. Le choix a également été fait d’utiliser systémati-quement l’indicatif présent au lieu de l’impératif. En même temps il a été décidé d’abolir les termes désuets ou ambigus, d’uniformiser le vocabulaire. P. ex. on trouvait auparavant référence à l’employeur ou au chef d’entreprise, et la deuxième a été abolie.

On a constaté que des articles de définition ont été introduits, qui n’existaient pas aupara-vant. Et puis certaines dispositions ont été déclassées de la partie législative à la partie règlemen-taire. Enfin, désormais le code du travail est divisé en huit parties, composée chacune de livres, titres, chapitres, sections, sous-sections. Les deux premières parties sont les plus importantes : l’une concerne les relations individuelles de travail, l’autre concerne les rapports collectifs de tra-vail et du dialogue social. On est passé d’articles à 3 chiffres d’articles à 4 chiffres.

Les intentions de la recodification étaient certes louables. Cependant très vite des critiques acerbes ont été formulées. L’exigence de droit constant n’avait pas été respectée à la lettre. P. ex. le type de découpage d’une idée par article pouvait aboutir à une rupture de logique qui pou-vait amener à des interprétations différentes. On peut donc se demander si une recodification à droit constant est possible. L’objectif même poursuivi par la recodification était la volonté de rendre le droit du travail plus accessible. Or comment peut-on prétendre rendre le droit du travail plus accessible alors que le droit du travail ne peut être intrinsèquement que complexe.

b) la jurisprudence de la Cour sociale de la Cour de cassation.Cette jurisprudence pèse d’un poids très lourd en droit du travail, pour plusieurs raisons.

D’une part elle constitue parfois, le seul point de référence à cause du silence des textes. C’est dans cette situation que la jurisprudence devient véritablement créatrice de règles, on

parle de jurisprudence prétorienne. D’autre part même quand le législateur se prononce, la loi donne parfois des sens à des notions qu’on qualifie de notions cadres, dont le contenu exact ne peut être fixé que par le juge p. ex. la cause réelle et sérieuse de licenciement.

Autre raison de l’importance de la jurisprudence : le juge, dans sa fonction d’interprétation des textes, fait souvent preuve en droit du travail d’une assez grande liberté, certains reprochent même à la chambre sociale d’outrepasser son pouvoir d’interprétation en arrêtant des solutions qui ont la structure et l’autorité d’une règle de droit, ce qui pose un problème de légitimité démo-cratique. P. ex. on a reproché à la Cour de cassation de poser des exigences trop strictes aux em-ployeurs en mode de plans sociaux quand il envisage de faire un licenciement pour motif écono-mique. Les exigences allaient en effet bien au-delà de ce que prescrivait le texte de loi.

En réalité la chambre sociale s’est efforcée de mettre en place une jurisprudence rénovée qui prend appui sur une exploration en profondeur des textes, de la logique interne qui gouverne les textes. Raisonnant de la sorte la Cour de cassation a pu parvenir à des solutions assez sévères

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pour les employeurs. L’activité déployée par la chambre sociale de la Cour de cassation s’est par-fois traduite par des revirements jurisprudentiels qui ont été source d’insécurité et qui ont suscité les foudres du patronat.

Un rapport Molfessis a fait écho à la critique des revirements de la chambre et a proposé de moduler l’effet rétroactif des décisions de justice. Il y a des questions soumises aux juridictions qu’il faut savoir qu’elles donnent lieu à des batailles de principe entre employeurs et syndicats devant le juge. En d’autres termes à l’occasion de tel litige particulier qui concerne quelqu’un, il arrive que les syndicats s’efforcent de faire évoluer le droit des salariés en général.

Le particularisme du droit du travail au regard de ses sources se manifestent surtout par l’existence de sources internes d’origine professionnelles. Parmi ces sources on trouve au premier chef la convention collective de travail. C’est un acte juridique conclu entre d’un côté des groupements d’employeurs et de l’autre côté des syndicats représentatifs de salariés. Dès l’ins-tant où un employeur est assujetti à une convention collective, l’ensemble de ses salariés, syndi-qués comme non syndiqués doit bénéficier de cette convention. La technique de la convention collective de travail est donc difficilement explicable par la théorie générale des contrats, fondée sur un modèle individualiste et sur des relatifs des contrats.

Outre la convention de travail, il existe d’autres sources du travail d’origine profession-nelle, qui elles prennent exclusivement racine au niveau de chaque entreprise. C’est le cas d’abord du règlement intérieur, qui est une norme élaborée unilatéralement par l’employeur, et qui fixe notamment les règles générales relatives à la disciplines dans l’entreprise. C’est le cas également de ce qu’on appelle les usages d’entreprise ou les engagements unilatéraux de l’employeur. Ces sources désignent des décisions à travers lesquelles l’employeur s’engage à l’égard de la collectivité de son entreprise.

Le particularisme ne découle pas seulement de cette diversité mais également de la ma-nière dont l’article de le ces sources entre elle est conçue.

2) la combinaison des sourcesLes rapports entre les différentes sources du droit du travail relèvent de ce qu’on appelle

l’ordre public social. Il y a un texte dans le code du travail, L 2251-1, qui est sans doute le plus emblématique de cet ordre public social. En effet il résulte en effet de ce texte que la plupart des dispositions législatives et règlementaires en droit du travail peuvent être modifiées par voie de convention collective dès lors que cette modification s’opère dans un sens plus favorable aux salariés. Ainsi en droit du travail les prescriptions législatives et règlementaires ne constituent le plus souvent qu’un minimum intangible. On a coutume de dire qu’on est en présence en droit du travail d’un ordre public relatif dominé par la règle du plus favorable ou, autre terminologie dominé par ce qu’on dénomme le principe de faveur. Une convention collective de travail peut donner des droits plus larges. Un engagement d’entreprise peut toujours compter des conven-tions plus favorables.

Depuis une trentaine d’années cette notion d’ordre public social a été rigoureusement contestée en particulier par une frange importante du patronat qui fait le reproche à l’ordre public social de ne permettre de faire des dérogations que des prescriptions uniquement favorables aux salariés. Le législateur n’a pas été insensible aux reproches du patronat. Le législateur, depuis plus de 20 ans déjà, a admis que dans certains domaines, à certaines conditions, une convention collective pouvait modifier un texte de loi y compris dans un sens moins favorable aux salariés, ce qui est une vraie révolution en droit du travail.

D) Les facteurs concourant à l’ineffectivité du droit du travailIneffectivité : situation qu’on peut observer quand les normes ne sont pas appliquées ou

respectées sans que cela n’entraine pour autant le prononcé de sanctions au plan juridique. Il existe un nombre assez important de facteurs d’ineffectivité en droit du travail.

Tout d’abord l’application, en droit du travail, de telle ou telle prescription à certaines caté-gories de salariés ou branches d’activité ou encore aux entreprises ayant atteint un certain seuil d’effectifs. Le droit du travail se présente comme un droit de la différenciation des règles appli -cables. Naturellement cette différenciation contraste avec les critères qu’on applique à la règle de

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droit, qui doit être générale et abstraite. Cette différenciation rend plus délicate l’application des normes sociales, il y a là un 1er facteur d’ineffectivité.

Il y a également des facteurs d’ineffectivité d’origine judiciaire. Tout d’abord les salariés connaissent des difficultés pour accéder aux tribunaux et pour y faire triompher leurs droits. Il n’est pas aisé de faire un procès à son employeur. Le contentieux social est par ailleurs très dis-persé. Il relève tantôt des juridictions judiciaires, civiles, ou pénales, tantôt des juridictions admi-nistratives. Pour ce qui est des juridictions civiles, il faut retenir que c’est le Conseil des Pru-d’hommes qui a compétence pour tous les litiges relatifs au contrat de travail. Toutefois d’autres juridictions sont aussi saisies, comme le tribunal d’instance ou du tribunal de grande instance. Il y a donc une dispersion assez notable du contentieux social en laquelle on peut voir un facteur d’in-effectivité. En tout ca il peut être un facteur de divergence entre les juridictions civiles et pénales.

Enfin il existe des ineffectivités d’origine administratives qu’on tait trop souvent. C’est la question du corps des inspecteurs du travail qui existent depuis une loi du 2 nov. 1992, mais qui ne disposent pas des moyens nécessaires pour contrôler l’application des textes, par ailleurs ils sont très mal acceptés dans les petites entreprises. De plus les pouvoirs des inspecteurs du travail sont modestes, surtout qu’ils ne sont pas assez nombreux.

II. Finalités et fonctions du droit du travailLorsqu’on saisit le droit du travail dans sa finalité, ça serait un instrument de protection

des salariés. Ce droit part du constat fondamental de l’inégalité entre les parties au contrat de travail et qu’il convient de contrebalancer cette inégalité. Seulement cette finalité soulève une question d’actualité : le caractère protecteur du droit du travail implique-t-il que les exigences économiques auxquelles doivent faire face les entreprises ne concernent pas le droit du travail ? Or il n’en est rien. Le droit du travail ne peut pas rester étranger aux exigences économiques.

Une fois qu’on a mis cela, les opinions sont partagées. Pour certains les exigences écono-miques des entreprises doivent conditionner le social sans quoi la protection des salariés risque de se retourner contre eux dans la mesure où elle serait un facteur de détérioration de la situation économique et donc cause d’aggravation du chômage.

Dans cette optique l’idée de protection n’a de réalité tangible que si elle est en accord avec les conditions économiques d’ensemble mais aussi avec les conditions que traversent telle ou telle entreprise en particulier. Alors on retrouve naturellement derrière cette conception un discours bien connu selon lequel il conviendrait d’urgence d’alléger les règles protectrices des salariés et d’assouplir ces règles. Il faudrait d’avantage de flexibilité.

D’autres estiment au contraire que le droit du travail en tant qu’instrument de protection des salariés doit devancer la situation économique. L’idée est qu’une meilleure productivité, com-pétitivité des entreprises, à bien y réfléchir, serait au prix d’une protection sociale maintenue.

1ère observation : le déclin de la fonction protectrice du droit du travail pourrait conduire en particulier à une fragmentation de ce droit entreprise par entreprise. Et cette fragmentation ne serait pas sans danger pour l’équilibre d’ensemble de la société et à terme, pour la démocratie. Il y a bien une exacerbation de la concurrence entre entreprises, exigences renforcées de compéti -tivité, ce qui rend la finalité protectrice du droit du travail plus aléatoire et doit conduire à des efforts d’imagination. Les adaptations que certains souhaitent sont difficilement envisageables si les salariés ne continuent pas de bénéficier d’un socle de règles d’origine législative applicable à tous les salariés. La consistance de ce socle de règles peut être discutée. L’important est de ré-affirmer que ce socle reste indispensable si on entend contrebalancer l’inégalité consubstantielle au contrat de travail, si on entend apposer des bornes poser des bornes au pouvoir de l’em-ployeur.

2nde observation : Il n’est pas certain que les efforts que déploie souvent le législateur et parfois le juge pour adapter le droit du travail aux exigences des entreprises et leurs difficultés économiques, soient toujours très probant. Il faut être prudent quand on prétend juger, évaluer l’efficacité économique d’un dispositif juridique. On peut douter qu’il s’agisse d’un phénomène mesurable, qu’il soit possible de mesurer précisément cette efficacité économique. Cela explique le sentiment de malaise à l’égard de l’analyse économique du droit. Bien sûr cette démarche ne peut pas être rejetée en bloc, mais pour s’en tenir au droit du travail, il est important d’affir-mer que l’évaluation des effets économiques du droit du travail est semée d’embûches.

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En tout état de cause le droit du travail ne peut pas être envisagé uniquement comme un instrument de protection des salariés. C’est la finalité première du droit du travail.

Le droit du travail est un droit ambivalent. Il organise à la fois les conditions juridiques d’affranchissement du salarié par rapport à l’employeur et les conditions juridiques de son assu-jettissement. Le droit du travail pose certes des limites à l’exercice des pouvoirs, officiellement acceptés, parce que le droit lui donne droit de cité.

Illustration de l’ambivalence : jusqu’en 1982 l’employeur a le pouvoir de sanctionner les manquements des salariés à la discipline. En pratique, il peut les sanctionner. Mais juridiquement la justification de ce pouvoir est très faible et controversé. La loi du 4 août 1982, pour la 1ère

fois, accorde aux salariés des garanties disciplinaires, en termes de droit de la défense, contrôle du juge. Ce faisant, cette loi fait œuvre de protection pour le salarié, mais en même temps elle consacre un pouvoir fondamental de l’employeur, en l’occurrence le pouvoir de punir et d’assurer l’ordre et la discipline de l’entreprise. Protection du salarié va alors de paire avec soumission.

Il apparait alors dans le prolongement de ses observations, le droit du travail n’est pas seulement un droit de faveur pour les salariés. C’est aussi le droit des employeurs. Cela signifie qu’on passe insensiblement d’un droit de protection des salariés à un droit de légitimation du pouvoir patronal.

On en vient à considérer que le droit du travail a pour fonction objective, ultime, de main-tenir un certain ordre social en tentant de réaliser un équilibre toujours précaire, peut être même impossible entre les besoins des entreprises et l’impératif de protection des salariés. Au fil du temps, le droit du travail est devenu un véritable outil de gestion des entreprises. Lorsque les em-ployeurs parviennent de se défaire du sentiment de défiance vis-à-vis du droit du travail, ce droit est utilisé au service d’une plus grande efficacité de l’entreprise, surtout dans les plus grandes.

Mardi 11 octobre 2011Définition du droit du travail : ensemble des règles juridiques qui régissent les relations

de travail entre employeurs et salariés. C’est-à-dire ce qu’on peut appeler le rapport individuel de travail, ou le rapport d’emploi qui se noue entre un employeur et chaque salarié au sein d’une entreprise. D’autre part les relations collectives de travail mettent en scène les syndicats, les re-présentants du personnel dans l’entreprise, et elles trouvent une expression privilégiée dans la négociation collective, sans oublier la grève.

Les relations collectives de travail sont traitées en M1 donc le cours de cette année est exclusivement consacré aux rapports individuels de travail ou au rapport d’emploi.

Dans un titre 1 nous traiterons de l’accès à l’emploi, titre 2, de la perte de l’emploi, titre 3, des perturbations affectant l’emploi et enfin nous étudierons dans un titre 4 la structuration juri-dique du rapport d’emploi.

Un mot sur ce dernier titre qui s’efforcera de mettre en perspective toutes les analyses développées à l’occasion des trois premiers titres. Ces mises en perspective permettront de faire apparaitre qu’au cœur de l’organisation juridique du rapport d’emploi on trouve dès l’origine deux mécanismes essentiels : le contrat et le pouvoir. Ces deux mécanismes essentiels, qui structurent l’organisation juridique du rapport d’emploi, doivent depuis peu être confrontés à la monté en force des droits fondamentaux liés à la personne du salarié. Il y a une confrontation qui s’opère entre contrat – pouvoir et reconnaissance des droits fondamentaux du salarié saisi dans sa per-sonne.

Titre 1. L’accès à l’emploi

Il existe quelques modes qui ne confèrent pas la qualité de salarié et qui ne permettent pas de bénéficier du droit du travail dans son ensemble, p. ex. le stage qu’un étudiant effectue dans le cadre d’une convention qui lie son université à une entreprise d’accueil. Le prof ne s’arrê-tera pas sur ces situations car pour l’essentiel l’accès à l’emploi s’identifie à l’acquisition de la qualité de salarié.

Chapitre 1. L’acquisition de la qualité de salariéChapitre 2. Le mécanisme de l’embauche

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Chapitre 3. Les formes juridiques diverses de mise en travail à travers la conclusion d’un contrat de travail

Chapitre  1. L’acquisition de la qualité de salariéCette qualité est celle qu’on attribue à une personne physique qui conclue avec une autre

personne (physique ou morale) qu’on nomme l’employeur un contrat de travail. C’est l’existence d’un tel contrat de travail qui normalement va déterminer l’application du droit du travail.

Section 1. Le critère du contrat de travail : le lien de subordina-tion juridique

La loi ne donne pas de définition du contrat de travail. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de déterminer dans quels cas on se trouve en présence d’un tel contrat. Bien sûr le versement d’une rémunération en contrepartie du travail constitue une condition nécessaire à l’existence d’un contrat de travail. Peu important à cet égard le mode de rémunération.

Seulement chacun sait bien que la rémunération est un élément qu’on trouve dans d’autres contrats que dans le contrat de travail, c’est la raison pour laquelle la rémunération ne peut pas être considérée comme le critère du contrat de travail. Il ressort de la jurisprudence que c’est l’existence d’un lien de subordination juridique qui constitue le critère du contrat de tra-vail à tout le moins, le critère décisif de ce contrat. Le contrat de travail place le salarié sous l’au-torité d’un employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres concernant l’exécution du travail. Ceci étant posé on va voir qu’un certain nombre de difficultés se présentent.

§1. Volonté des parties au contrat et lien de subordination juridique La problématique peut être trouvée dans un arrêt C. Cass. Ass. Plén. 4 mars 1983,

ECOLE DES ROCHES. Dans cette décision la Cour de cassation a considéré que la qualification de contrat de travail échappe à la volonté des parties au contrat et spécialement à la volonté de l’employeur. Il n’est pas rare qu’un employeur soit tenté de qualifier le contrat en des termes qui laisseraient à penser qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail.

En l’espèce, avait été attribué à un enseignant de l’école privée le statut conférencier extérieur et de surcroit cet enseignant était rémunéré par des honoraires. L’employeur préten-dait qu’il échappait à l’application du droit de travail, car ce contrat n’était pas un contrat de tra-vail, et que plus particulièrement il échappait à la législation en matière de licenciement. La Cour de cassation va estimer que dès l’instant où il existe un lien de subordination le juge est tenu de requalifier le contrat en contrat de travail.

Rapporté aux faits de l’espèce, cela signifie que le juge doit restituer à l’enseignant sa qua-lité de salarié et de lui faire bénéficier de l’application du droit du travail. En bref il ressort de cet arrêt ECOLE DES ROCHES que la seule volonté des parties n’autorise pas à soustraire une per-sonne au statut social auquel lui donne droit les conditions d’accomplissement de son travail.

Le 19 déc. 2000 la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui s’inscrit avec une solennité particulière dans le sillage de l’arrêt ECOLE DES ROCHES, et il connu sous le nom de l’arrêt Labanne.

Cass. Soc. 19 déc. 2000, Labanne. En l’espèce un véhicule équipé taxi avait été mis à la disposition d’une personne à travers un contrat nommé : « contrat de location d’un véhicule équipé taxi », il se trouve que le contrat avait été résilié par la société. A l’occasion de cette rup-ture le chauffeur du véhicule équipé taxi prétendait qu’il était lié à la société par un contrat de travail et donc qu’il avait la qualité de salarié et avait donc droit à une procédure de licenciement, et donc le droit de toucher des indemnités de licenciement. La Cour de cassation avant de se pro-noncer sur l’existence d’un lien de subordination, a recours dans le 1er attendu de la décision, à une formulation de principe qui fait directement écho à l’arrêt des Roches de 1983. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquels est exercée l’activi -té des travailleurs. En d’autres termes seules les conditions dans lesquelles la prestation de tra-vail est effectivement accomplie permettent de caractériser ou non l’existence d’un lien de subor-dination juridique et donc permettent de caractériser ou non l’existence d’un contrat de travail et par la même de reconnaitre ou non la qualité de salarié.

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Dans cette décision la chambre sociale décide que les conditions d’accomplissement de son activité plaçaient le locataire du véhicule dans un état de subordination à l’égard du loueur.

Le terme traduit le constat de l’existence d’un rapport empirique de subordination, de sujé-tion, entre les deux personnes, en l’occurrence entre le loueur du véhicule et celui qu’on présen-tait comme le simple locataire. Il en résulte, contrairement à ce qu’en avaient décidé les juges du fond, sous l’apparence d’un contrat de location de véhicule équipé taxi était en fait dissimulé un contrat de travail.

§2. L’existence d’une prestation de travailLa difficulté ici trouve ancrage dans un arrêt : C. Cass. Soc. 3 juin 2009. Au premier

abord cet arrêt se présente comme des plus classiques parce que la Cour commence par réaffir-mer que le lien de subordination constitue le critère décisif du contrat de travail. Puis on retrouve dans cet arrêt du 3 juin 2009 exactement le même attendu que dans l’arrêt Labanne.

Cependant cet arrêt a donné lieu à d’innombrables commentaires car pour la première fois la Cour statuait sur la qualification du contrat liant le participant à une émission de télé réalité au producteur de cette émission. L’émission était l’île de la tentation, émission mettant en scène des couples qui testent leurs sentiments sur une ile exotique et sont filmés au contact de célibataires de sexe opposé. L’avocat général avait estimé qu’il ne s’agissait que d’un divertissement entre adultes consentants et il ajoutait à des fins purement personnelles et non professionnelles. En bref cette situation pour l’avocat général ne relevait pas du droit du travail.

De manière assez inattendue les magistrats de la Cour de cassation refusent de suivre les conclusions de l’avocat général. Ils considèrent que les participants à cette émission de TV réalité exécutaient bien une prestation de travail sous la subordination du producteur de l’émission. En conséquence ces personnes étaient bien liées par un contrat de travail.

Compte tenu du contexte particulier des émissions de téléréalité la solution n’allait pas de soi parce que dans un tel contexte la reconnaissance de la qualité de salarié (donc d’un lien de subordination) exigeait de prendre position au préalable sur le caractère ou non professionnel de l’activité accomplie. Ça exigeait au préalable de prendre position : y avait-il eu ou non l’exécution d’une prestation de travail ? Dans ce sens le contexte était compliqué.

Pour estimer qu’il y avait bien activité professionnelle, dit autrement, qu’il y avait bien eu exécution d’une prestation de travail et non pas un simple divertissement à des fins personnelles, l’arrêt précise que l’activité se déroulait pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement de la vie personnelle des participants et dans des conditions imposées qui se distin-guaient du seul enregistrement de la vie quotidienne des participants. Comme la Cour de cassa-tion savait que cet arrêt allait susciter de nombreux commentaires, elle a décidé de joindre à cette décision un communiqué où elle s’expliquait : elle prend le soin de souligner le fait que dès l’instant où l’activité était exécutée pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la pro-duction d’un bien ayant une valeur économique il s’agissait d’une prestation de travail. Peu im-portait alors la nature de l’activité.

Cet arrêt ILE DE LA TENTATION, au-delà des faits de l’espèce, est porteur d’un message important qu’on puisse énoncer dans ces termes : c’est seulement sur la base d’une presta-tion de travail que peut être caractérisé un lien de subordination. En d’autres termes : le lien de subordination nécessaire à caractériser le contrat de travail s’enracine sur une prestation de travail.

Il reste à se demander si les raisons avancées pour justifier l’existence d’une prestation de travail sont vraiment convaincantes. Et là il y a matière à douter. Car on observe la décision, il apparait en vérité que la Cour de cassation tire de l’existence d’une prestation de travail essen-tiellement des contraintes qui pesaient sur les participants à l’émission. Autrement dit, elle tire les conséquences d’une prestation de travail essentiellement de l’état de subordination des parti-cipants à l’émission par rapport aux producteurs de l’émission. Le bât blesse parce que logique-ment l’existence d’une prestation de travail aurait dû être identifiée préalablement à l’établisse-ment d’un lien de subordination juridique. L’existence d’une prestation de travail aurait dû faire l’objet d’une identification propre. Ça aurait exigé de la Cour de cassation qu’elle fasse clairement apparaitre que les participants à l’ile de la tentation entendaient 1) se procurer des ressources pour l’existence 2) en concourant à la production d’un bien ayant une valeur économique.

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Or sur ces deux plans la décision de la Cour de cassation laisse sur sa faim et on peut se dire qu’elle tire l’existence d’une prestation de travail de toute une série d’éléments qui montrent le lien de subordination, qui devrait s’enraciner dans la prestation de travail. On a l’impression qu’elle biaise.

On va en revenir au lien de subordination proprement dit à travers un 3ème paragraphe.

§3. Les incertitudes inhérentes au lien de subordination du contrat de travailPour retenir l’existence d’un lien de subordination il convient que la personne qui prétend à

la qualité de salarié exécute son travail sous l’autorité et sous le contrôle d’une autre personne en l’occurrence l’employeur. Les juges, pour parvenir à former leur conviction sur ce point, ont re-cours à un faisceau d’indices qui touche spécialement aux conditions d’exécution du travail.

Indices tels que l’accomplissement du travail au lieu voulu par l’employeur, aux horaires voulus par l’employeur, avec un matériel et des matières premières fournies par l’employeur. En outre dans la manière d’apprécier d’un lien de subordination les juges tiennent compte de la marge de liberté propre à certaines activités professionnelles. Dire cela c’est dire que le lien de subordination juridique revêt un caractère relatif.

Pendant de nombreuses années cette relativité a permis à la jurisprudence d’admettre assez facilement l’existence d’un lien de subordination juridique. C’est ce qu’on illustrera dans un grand A. Toutefois en 1996 la Cour de cassation parait désireuse d’adopter une conception plus étroite du lien de subordination juridique, c’est ce qu’on verra dans un grand B. Enfin à côté de ce double mouvement jurisprudentiel, qui est déjà source d’incertitude il est une difficulté d’un autre ordre, que nous verrons dans un grand C, qui tient à la distinction entre le lien de subordination juridique et la dépendance économique.

A) Caractère extensif du lien de subordination juridique : la notion de service organisé

Il faut savoir qu’à partir du début des années 1970 est apparue en jurisprudence une nou-velle notion : la notion de service organisé. Pour admettre l’existence d’un lien de subordination juridique, dont un contrat de travail, la Cour de cassation s’est attachée au fait que la personne revendiquant la qualité de salarié effectuait son travail dans le cadre d’un service organisé. L’in-tégration d’une personne dans un service organisé a constitué à partir du début des années 1970 une nouvelle expression du critère de la subordination juridique.

Dès l’instant où il était avéré qu’une personne était intégrée dans un service organisé, la Cour de cassation en déduisait l’existence d’un lien de subordination juridique donc d’un contrat de travail. Cette intégration d’une personne dans un service organisé a été retenue à partir des indications suivantes : d’abord le service organisé implique qu’il existe un cadre de travail prédé-terminé, de sorte que l’organisation matérielle du travail échappe à la personne qui s’insère dans ce cas.

Ensuite la personne qui revendique la qualité de salarié ne doit pas avoir d’entreprise propre. Enfin et surtout pour admettre qu’une personne est intégrée dans un service organisé il suffit qu’elle reçoive des directives générales. En conséquence peu importe que la nature de la prestation de travail n’entraine pas un contrôle direct sur l’exécution de cette prestation.

Grâce à la notion de service organisé, le juge a pu reconnaitre l’existence d’un lien de su-bordination juridique donc d’un contrat de travail alors même que la personne bénéficiait d’une certaine indépendance technique. Il y a donc compatibilité entre indépendance technique et contrat de travail.

P. ex. la Cour de cassation a eu recours à la notion de service organisé pour admettre que des médecins exerçant des consultations dans des dispensaires ou dans des cliniques privées pouvaient, s’agissant de cette activité, prétendre à la qualité de salarié et alors même que ces médecins se livraient dans un cabinet personnel à un exercice libéral de leur profession.

En vérité, au-delà de cet exemple, ne sont pas rares les situations où la frontière entre un travail assujetti et un travail indépendant est très délicate à tracer. Il y a une zone grise où l’on passe insensiblement d’un travail assujetti à un travail indépendant. La notion de service organi-sé, la notion d’intégration d’une personne dans un service organisé a permis de retenir l’existence

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d’un contrat de travail dans ces situations limites. Cela revient à dire que la notion de service or -ganisé a eu pour effet de faciliter l’acquisition de la qualité de salarié.

Cette jurisprudence illustre bien l’extension de la caractérisation du lien de subordination.Depuis une quinzaine d’années la Cour de cassation s’est efforcée de prendre ses dis-

tances par rapport à cette orientation en adoptant une conception moins ouverte du lien de su-bordination. Toutefois les choses sont compliquées, il peut n’y avoir qu’une apparence d’évolu-tion.

B) Conception plus étroite du lien de subordination ? C. Cass. Ch. Soc. 13 Nov. 1996, arrêt SOCIETE GENERALEDans cette décision la Cour de cassation s’attache à donner une définition précise, pour la

première fois, du lien de subordination juridique. Jusqu’à cette décision on pouvait voir dans la notion de service organisé une nouvelle expression de la subordination juridique, c'est-à-dire que la Cour de cassation tirait l’existence d’un lien de subordination de la simple intégration d’une personne dans un service organisé. Or dans cet arrêt la chambre sociale prend ses distances avec cette orientation : « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’au-torité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exé-cution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

Lorsque la Cour de cassation fait allusion au pouvoir de donner des ordres et des directives c’est une allusion à un des pouvoirs de l’employeur qu’on appelle le pouvoir de direction, et lorsque la Cour de cassation fait référence au pouvoir de contrôler l’exécution du travail et surtout de sanctionner les manquements du subordonné c’est une allusion au pouvoir disciplinaire de l’employeur. Dans l’arrêt société générale la Cour de cassation ajoute que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice permettant de révéler l’existence d’un lien de subordi-nation.

Un indice seulement, ce qui emporte comme conséquences que des conférenciers exté-rieurs auxquels avaient fait appel la grande banque n’étaient pas placés en lien de subordination à l‘égard de la banque.

Quasiment dans toutes les décisions rendues depuis l’arrêt société générale, la chambre sociale a eu recours à la même définition que celle utilisée dans cet arrêt pour définir un lien de subordination. Cela permet de confirmer la volonté de réduire le travail dans un service organisé à un simple indice. Si tel est le cas, l’arrêt société générale marquerait une évolution vers une conception moins extensive du lien de subordination donc du salariat.

Seulement tout ceci c’est à première vue, car lorsqu’on y regarde de plus près, la portée de l’arrêt société générale parait assez difficile à évaluer, parce que les motivations de certaines décisions rendues depuis laissent à penser qu’il suffisait que des directives générales aient été adressées sur plusieurs aspects de la prestation générale pour caractériser l’existence d’un lien de subordination.

Il ressort ainsi qu’il résulte de ces arrêts que les directives générales suffiraient à témoi-gner que le travail a été exécuté sous l’autorité de l’employeur. Ass. Soc. 15 oct. 1998   : deux personnes avaient signé avec des associations un contrat en vertu duquel elles devaient accomplir une mission de rétablissement de centre d’établissement pour enfants en Roumanie. La Cour d’appel avait relevé que les deux intéressés ne recevaient aucun ordre précis, mais qu’ils étaient simplement tenu à s’en tenir à des directives, des règles de conduites….en conséquence pour la CA l’existence d’un lien de subordination ne pouvait pas être retenue.

Contre toute attente la Cour de cassation casse cet arrêt. Il résultait disait-elle, que les deux personnes avaient agi sous le contrôle et la direction de l’association. Ces deux personnes se trouvaient donc dans une situation de subordination, elles devaient donc être liées par un contrat de travail à la société.

A la lecture de cette décision il y a lieu de douter de la fermeté dont la Cour de cassation fait réellement preuve pour caractériser le lien de subordination. Bien sûr dans toutes les déci-sions rendues depuis 1996 la Cour reprend quasiment mot pour mot la définition la définition du lien de subordination juridique (intégration dans un service organisé = simple indice du lien de subordination juridique). Mais cette définition n’a nullement interdit à la Cour de faire preuve de souplesse. Souplesse à un double titre : d’abord, les éléments précis qui attestent qu’il y a une

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insubordination, qu’un lien de subordination est caractérisé, ces éléments continuent de varier d’une disposition à une autre. Il n’échappe pas à une certaine relativité.

Ensuite et surtout, c’est que la Cour de cassation n’exige pas nécessairement que des ordres précis aient été donnés concernant les conditions strictes d’exécution dut travail. Il lui ar-rive de se contenter de directives générales. Mais dire qu’il lui arrive de se contenter de règles générales, n’est ce pas dire qu’on en revient à ce qui suffisait à caractériser ce qui était avant 1996 l’accomplissement d’un travail au sein d’un service organisé.

En d’autres termes il n’est pas certain que l’arrêt société générale ait donné le jour à une conception très différente du lien de subordination juridique. Bien sur la Cour de cassation nous livre depuis 1996 une définition précise et étroite du lien de subordination mais force est de constatée cette définition ne l’a pas conduite à adopter une conception stricte ou étroite du sala-rié. Elle n’a pas aidé à réduire la conception de contrat de travail.

Quelle portée peut-on accorder à l’arrêt société générale ? L’évolution tient peut être au fait que depuis l’arrêt société générale la Cour de cassation se ménage la faculté d’exercer d’avantage son contrôle sur les décisions des juges du fond au moyen de la définition qu’elle livre désormais du lien de subordination juridique.

Mercredi 12 octobre 2011La Cour de cassation se ménage la possibilité de faire un contrôle plus étroit sur les déci -

sions des juges du fond. Pour autant la Cour de cassation exerce-t-elle vraiment un contrôle de qualification ?

A certains égards, oui car pour caractériser le contrat comme étant ou non un contrat de travail, la Cour de cassation ne s’en tient pas à la seule volonté des parties. Sous cet angle il y a bien un contrôle de qualification que la Cour exerce sur la décision des juges du fond. Pour le reste, l’identification ou non d’un lien de subordination à partir de toute une série d’éléments de faits qui sont soumis à la Cour. On peut penser que la Cour de cassation exerce plutôt un contrôle de la motivation des juges du fond qu’un contrôle de qualification.

On peut cependant affiner la qualification : la Cour de cassation exerce un contrôle de motivation renforcé grâce à la définition du lien de subordination. Ce contrôle comporte des aléas compte tenu de l’extrême diversité des situations concrètes qui lui sont soumises.C) Lien de subordination juridique et dépendance économique

Dépendance économique - définition. Etat d’un travailleur vis-à-vis de la personne qui l’emploie, lorsqu’il tire du travail qu’il exécute pour cette personne ses principaux moyens d’exis-tence. Or à lire certains arrêts on a pu avoir le sentiment que l’état de dépendance économique facilite devant le juge l’acquisition de la qualité de salarié. A lire quelques autres arrêts on a pu avoir le sentiment que parfois la dépendance économique était une condition requise en plus de la subordination juridique pour acquérir la qualité de salarié.

En vérité il serait inexact de considérer que l’état de dépendance économique s’affirme comme un critère vraiment concurrentiel de la subordination juridique. Ce lien reste le critère es-sentiel, il fait figure de condition nécessaire et suffisante pour montrer l’existence d’un contrat de travail.

En revanche être dépendant économiquement ne constitue pas une condition suffisante pour prétendre à la qualité de salarié. C’est ce qui ressortait déjà d’un arrêt fort ancien : Cass. 6 juil. 1931, qui énonce que « la condition juridique d’un travailleur à l’égard de la personne pour laquelle il travaille ne saurait être déterminé par la faiblesse ou la dépendance économique de ce travailleur et ne peut résulter que du contrat conclu entre les parties […] La subordination ré-sulte bien d’un lien juridique. La qualité de salarié implique nécessairement d’un lien de su-bordination du travailleur à la personne qui l’emploi ».

Pour identifier le critère du contrat du travail on a coutume de parler d’un lien de subordi-nation juridique, qui n’est finalement pas très heureuse, voire équivoque. Il faudrait dire que ce qui caractérise le contrat de travail c’est le lien juridique de subordination. Cela montre la distinction entre la dépendance juridique et la subordination. Etre dépendant économiquement n’est pas une condition suffisante mais ce n’est pas non plus une condition nécessaire pour ac-quérir la qualité de salarié. Dès le moment où on est subordonné juridiquement on peut accéder à la qualité de salarié.

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C’est l’existence d’un lien de subordination juridique qui va permettre de distinguer la dif -férence entre les contrats d’entreprise des contrats voisins. Dans le contrat d’entreprise le maitre de l’ouvrage ne donne que des directives générales en fonction du but à atteindre, en fonction des objectifs. L’entrepreneur lui conserve une indépendance totale par rapport aux conditions d’exécution du travail.

Le contrat de mandat a pour objet la conclusion par le mandataire d’actes juridiques au nom et pour le compte du mandant. Mais surtout le mandataire n’est pas lié au mandant par un lien de subordination juridique. Naturellement le mandataire est tenu d’accomplir sa tâche dans des limites assez strictement fixées mais à partir du moment où il ne dépasse pas ces limites il dispose d’une entière liberté : il n’y a pas de lien de subordination.

S’agissant du contrat de société chacun sait que l’égalité entre associés exclue la subor-dination. Elle implique la participation aux pertes autant que la jouissance des bénéfices. Il y a dans cette égalité entre associés la marque première de distinction du contrat de société du contrat de travail.

C’est parfois à l’occasion d’un contentieux portant sur l’affiliation ou non d’un travailleur au régime de la sécurité sociale, que le juge est amené à se prononcer sur l’existence ou non d’un contrat de travail et donc sur la qualité ou non de salarié. Tout salarié doit être affilié au régime général de la sécurité sociale avec les charges qui en résultent pour l’entreprise.

Les analyses qu’on a essayées de livrer sur le contrat de travail sont parfois un peu fuyantes. Derrière cette impression, ce qui se profile, c’est une réflexion sur l’évolution du lien de subordination juridique. Evolution liée en particulier à ce qu’on appelle la modernisation de l’or -ganisation du travail. Il est vrai que dans un certain nombre d’entreprises les salariés se voient reconnaitre d’avantage de responsabilité, d’autonomie, qu’on leur reconnaissait auparavant. On incite les salariés à prendre plus d’initiatives personnelles (pour optimiser le capital humain). Cer-tains spécialistes s’engouffrent dans cette évolution pour soutenir qu’aujourd’hui la subordination s’estompe voire qu’elle disparait et cède la place à un rapport plus égalitaire entre employeur et salarié.

Il est sans doute plus pertinent de souligner que la subordination, dans certaines entre-prises, change de visage. Exemple : la manière dont les salariés sont de plus en plus souvent sou-mis à des procédés d’évaluation. Ce terme « évaluation » a pénétré les relations sociales. Ces procédés visent à obtenir une meilleure organisation du travail, une meilleure compétitivité. Cela ressort, grâce à l’étude de sociologues du travail, que ces procédés d‘évaluation peuvent donner des effets désastreux, d’une part sur le fonctionnement des services mais surtout, d’autre part, sur la personnalité elle-même des salariés. Ces procédés d’évaluation, dans leur forme la plus sophistiquée, poussent à une autoévaluation permanente. C’est le règne du doute de soi. Il est clair que tous ces procédés qui voient le jour dans les entreprises.

Ces principes d’évaluation invitent les juristes à repenser les caractéristiques du lien de subordination juridique, tout comme les incidences de celui-ci. A l’évidence la subordination de-vient plus difficile à cerner mais n’a jamais été aussi présente.

Il arrive que la loi pose à certaines conditions une présomption d’absence de contrat de travail.

Section 2. La présomption légale d’absence de contrat de travailLoi du 1 er juil. 2003, art. L8221-6  : les personnes immatriculées au RCM (registre du

commerce et des métiers) ou auprès des organistes de recouvrements de sécurité sociale, qui ont conclu une convention avec un donneur d’ouvrage sont présumées ne pas être liés ave ce donneur d’ouvrage par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à cette immatriculation. Il y a présomption d’activité indépendante des personnes physiques ou morales liées à un donneur d’ouvrage en s’appuyant uniquement sur un critère formel, c'est-à-dire l’enre-gistrement au RSM ou à un organisme de sécurité sociale.

Toutefois la présomption posée est une présomption simple et non pas irréfragable, en l’occurrence elle peut être combattue en important la preuve qu'il existe un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ouvrages. Cela suppose qu'il faudra rapporter la

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preuve qu'un contrôle assez direct, assez étroit s'exerçait bien sur l'exécution du travail. Dire cela revient à observer qu’il ne sera pas facile pour ces personnes immatriculées au RCM ou aux orga-nismes de recouvrement de sécurité sociale de démontrer en vérité qu'elles étaient liées par un lien de subordination juridique à l'entreprise qu'il leur a confié tel ou tel ouvrage, quand bien même elle serait sous l’entière dépendance économique de l’entreprise qui leur aura confié cet ouvrage.

Cela correspond assez souvent à la situation des petits entrepreneurs. En effet sous le petit entrepreneur apparemment lié à une grande entreprise par un contrat d'entreprise se cache bien souvent un rapport d'employeur à salariés; en d’autres termes sous ce qui se présente comme de la sous-traitance on sent bien que se cache fréquemment un contrat de travail. Cela ne sera pas facile à démontrer en raison de la présomption de l’absence de contrat de travail posé par la loi. Dernier mot : on sent beaucoup plus que sous la sous-traitance se cache un contrat de travail qu’il n'est pas rare que les salariés à l’origine de l’entreprise de sous traitement soit des salariés licenciés.

Section 3 : l'application du droit du travail par détermination de la loi

Il arrive que la loi fasse bénéficier certaines catégories de travailleurs de l’ensemble des dispositions du droit du travail.

Il y a plusieurs techniques législatives grâce auxquelles le droit du travail va s'appliquer à certaines catégories de travailleurs. Il y a plusieurs techniques législatives : tantôt la loi postule que les travailleurs concernés sont des salariés et que leur contrat est un contrat de travail. La qualification est imposée par la loi : sont concernés surtout les VRP, les représentants de com-merce.

Autre technique législative : il arrive que le législateur indique que la convention soit pré-sumée être un contrat de travail. C'est le cas s'agissant des artistes, des mannequins, des journa-listes professionnels. Sachant que la jurisprudence a admis que cette présomption pouvait être combattue en prouvant que cette activité est exercée en tout indépendance. Ces deux exemples illustrent l'extension du salariat.

Il y a une dernière voie législative au bénéfice du droit du travail. Elle s'applique à certaines per-sonnes mais sans précisions et sans autres justifications :- les travailleurs à domicile (à certaines conditions)- Les catégories de personnes visées à l’art. L7321-2. Parmi ces personnes on y compte les gérants de succursales. La loi énonce que « les gérants de succursales dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes, ou à recevoir des objets à traiter, à manutentionner ou à transporter, ceci pour le compte d’une seule entre-prise industrielle et commerciale », ces gérants de succursales (pour que le texte leur soit appli-cable) doivent exercer leur profession dans un locale fourni ou agréé par l'entreprise pour le compte de laquelle ils travaillent et aux conditions et aux prix imposés par cette entreprise.

Quelles sont les personnes visées à travers toutes ces précautions ? Les personnes sous contrat de franchise. Dans un arrêt du 4 décembre 2001, la Cour de Cassation a estimé que dès l'instant où les conditions énoncées de ce texte sont réunis le droit du travail s'applique sans qu'il soit besoin d'établie l'existence d'un lien de subordination juridique, c’est-à-dire abstraction faite de l'existence ou non d'un lien de subordination. La loi ne prend pas le soin d'indiquer les personnes comme étant présumées liées par un contrat de travail, elle ne prend pas le soin de préciser que ces personnes sont des salariés : elle tire en conséquence que dès lors que les condi-tions du test sont réunies qu’il n’y a pas besoin de montrer l’existence d’un lien de subordination : les personnes sous contrat de franchises sont simplement assimilées à des salariés, c’est un pro-cessus d’assimilation juridique.

Section 4. Conditions de validité et conclusion du contrat de tra-vail

§1. Le consentement des partiesSelon l’art 1821-1L du code du travail, le contrat de travail, contrat synallagmatique, est

soumis au droit commun. En conséquence l’article 1108 du code civil est applicable est chacun se 16

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souvient que ce texte exige notamment le consentement des parties, or ce consentement prend une forme particulière dans le cas du contrat de travail : en effet les conditions du contrat ne sont pas vraiment discutées mais imposées par l’employeur. Ça renvoie à un des caractères généraux du contrat de travail : nous sommes en présence d’un contrat d’adhésion. Ce caractère de contrat d’adhésion explique peut être la réserve dont fait preuve la Cour de cassation à l’égard des employeurs, qui pour invoquer la nullité du contrat ou encore pour justifier un licenciement, prétendent que le salarié leur a fourni des renseignements inexacts lors de son embauche.

Arrêt Cass soc. 30 mars 1999. La Cour de cassation considère que la fourniture d'informations inexactes lors de l'embauche concernant les diplômes obtenus ne s'analyse comme un manquement à l’obligation de loyauté que si elle constitue un dol. C'est donc à cette seule condition que les renseignements inexacts fournis sont sus-ceptible de provoquer la nullité du contrat.

La formulation laisse à penser que pour admettre le dol, il faut que le mensonge ait été avéré, le comportement déloyal ait été déterminant dans le consentement de l'employeur. À travers la formule utilisée la Chambre Sociale semble exiger un degré particulier dans la trompe-rie elle-même, presque d’un degré révélateur d'une intention de nuire à l'employeur. C’est dire que le dol ne sera pas facilement obtenu. Dans le même arrêt, il est précisé que l'inexactitude sur les renseignements fournis ne constitue une faute justifiant un licenciement qu’à une condition : s'il est avéré par la suite que le salarié n'avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il avait été recruté. Cela revient à dire que la compétence constatée par la suite efface le manquement initial à la loyauté et rend le licenciement injustifié.

A travers cet arrêt la chambre sociale entend faire sienne l'idée que dans un contrat de travail, contrat d'adhésion par excellence, le consentement qui apparaît très fragile c'est celui du salarié, ce n'est pas celui de l'employeur. Cet arrêt rappelle l'idée précédente en creux. A travers le contrat de travail le salarié se soumet bien plus qu'il s'engage : il se soumet aux conditions fixés au départ par l'employeur et à l'autorité de l'employeur. Cela explique l'exigence très renfor-cée pour accueillir le vice du consentement lorsque ce sont les employeurs qui invoquent ce vice de consentement.

Finalement le message que la Cour de cassation livre : il ne faut pas que les employeurs soulèvent le vice de leur propre consentement. Nuance : le cadre de haute qualification, lui a un sens, son consentement.

§2. Règles de formeOn ne sait pas suffisamment qu’en droit français le contrat de travail est valablement for-

mé par le seul échange des consentements. Ce qui veut dire qu’aucun écrit n’est en principe né-cessaire sauf pour un certain nombre de contrats spéciaux marqués par la précarité tels que les CDD ou contrats de travail temporaire.

Reste que l’écrit sera toujours de la plus grande utilité pour rapporter la preuve de l’exis-tence du contrat de travail. C’est la raison pour laquelle certaines conventions collectives com-portent des clauses énonçant que le contrat de travail doit être écrit.

Une directive européenne du 14 octobre 1991 impose à l’employeur d’informer par écrit le travailleur des conditions applicables au contrat de travail. Etant entendu que cette exigence n’est pas imposée dans le contrat de travail lui-même. Il a fallu que le droit national se mette en règle avec la directive européenne, ce qui s’est traduit par une loi du 31 déc. 1992 qui a géné-ralisé l’obligation pour les employeurs d’effectuer une déclaration nominative préalable à l’em-bauche qui doit être faite auprès des organismes de protection sociale. Cette déclaration doit comporter des informations relatives à l’employeur et au salarié. Le salarié doit, lors de son em-bauche, recevoir de son employeur un document sur lequel sont reproduites toutes les informa-tions contenues dans la déclaration préalable nominative d’embauche.

Un grand débat s’est ouvert : la règlementation française est-elle en accord avec la direc-tive européenne de 1991 ? Certains soutiennent que la loi française demeure en retrait par rap-port à cette directive, qui exige que des informations soient délivrées par écrit aux salariés en particulier sur son salaire comme sur la durée du travail. Or ces informations n’apparaissent pas dans la déclaration nominative préalable à l’embauche. Réponse française : chaque salarié qui reçoit un bulletin de paie lui donne ses informations. Cependant ces mêmes bulletins ne ré-pondent pas précisément aux exigences de la directive européenne.

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La conclusion d’un contrat de travail constitue naturellement une étape essentielle pour accéder à la qualité de salarié. Mais de plus en plus souvent l’engagement est précédé d’une phase transitoire au cours de laquelle l’emploi n’est pas vraiment assuré.

Section 5. La période d’essaiDepuis une loi du 25 juin 2008, modernisation du marché du travail évoquant la flexisé-

curité, le code du travail comporte des dispositions qui fixent le régime général de la période d’es-sai. Un véritable régime général de la période d’essai voit le jour. La jurisprudence avait contribué à préciser les conditions de la période d’essai. C’est la raison pour laquelle dans ces développe-ments on fera tour à tour référence à la loi du 2008 et des fois à la jurisprudence dont les apports sont significatifs.

§1. Existence et nature juridique de l’engagement à l’essaiDepuis la loi du 25 juin 2008 la période d’essai, comme la possibilité de renouveler cette

période, doit être expressément stipulée dans la lettre d’engagement ou dans le contrat de tra-vail. Avant l’adoption de cette loi il arrivait que des conventions collectives de travail compor-taient parfois des clauses qui disaient que les salariés se soumettent à des périodes d’essai, au-jourd’hui ce n’est pas possible parce que la période d’essai doit être expressément indiquée dans le contrat de travail.

Quid de la nature juridique de l’engagement à l’essai ? Pendant longtemps cette nature juridique a suscité de vifs débats en doctrine autour de la question : est-on en présence d’une convention préliminaire, distincte du contrat de travail définitif ? Ou bien au contraire les parties concluent-elles dès le départ un contrat de travail unique qui comprend simplement une 1ère

phase d’essai relevant d’un régime particulier ? La jurisprudence a opté pour la 2nde analyse : le contrat de travail prend naissance dès le début de l’essai mais il peut être résilié de plein droit pendant la période d’essai si l’employeur estime que l’essai n’est pas concluant ce qui veut dire que les règles légales du licenciement ne s’appliquent pas.

Mardi 18 octobre 2011Il ressort de la jurisprudence qu'il ne peut y avoir de période d'essai qu'au commencement

de l'exécution du contrat de travail et non en cours d'exécution du contrat. Qu’advient-il si une nouvelle période d’essai est conclue soit à l’occasion de la signature

par le salarié d’un avenant à son contrat de travail d’origine afin d’occuper un emploi différent, soit à l’occasion de la signature d’un nouveau contrat de travail, avec le même employeur corres-pondant à un nouvel emploi ?

Qu’advient-il dans ces deux situations si une nouvelle période d’essai est prévue ?La position de la Cour de cassation a semblé hésitante jusqu’à trois arrêts rendus le

30 mars 2005, dans ces trois décisions la chambre sociale de la Cour de cassation considère qu’en présence d’un avenant au 1er contrat comme en présence de deux contrats successifs conclus entre le salarié et le même employeur : la période d’essai stipulée dans l’avenant ou dans le 2nd contrat ne peut être qualifiée comme telle.

Ce qui signifie qu’en vérité il s’agit, selon la Cour de cassation de ce qu’on appelle une pé-riode probatoire et non pas une période d’essai. Les conséquences sont importantes. Si cette période probatoire ne s’avère pas satisfaisante (aux yeux de l’employeur) et si l’employeur décide d’y mettre fin alors le salarié doit être replacé normalement dans ses fonctions antérieures. Et à supposer que l’employeur insatisfait préfère rompre le contrat, puisqu’il s’agit d’une période pro-batoire et non pas d’une période d’essai, alors cette rupture se réalisera en un licenciement in-justifié c'est-à-dire sans cause réelle et sérieuse.

Les conséquences de cette requalification sont donc extrêmement importantes. Cette juris-prudence se fonde sur le fait qu’aux yeux de la Cour de cassation la stipulation d’une période d’essai dans les deux situations qui nous intéressent : soit à l’occasion de la signature d’un nou-veau contrat avec le même employeur ou dans la situation de la signature d’un avenant au contrat d’origine soit pour la signature d’un nouveau contrat avec le même employeur, pour la Cour de cassation la stipulation d’une période d’essai dans ces conditions équivaut à une renon-ciation au bénéfice des règles légales du licenciement, or renoncer pour un salarié à ces règles

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est impossible d’où la requalification en simple période probatoire la période d’essai stipulée dans le 2nd contrat.

§2. La rupture du contrat de travail pendant la période d’essaiDans la période d’essai telle qu’elle peut être prévue qu’au commencement de l’exécution

du contrat, les règles de licenciement ne s’appliquent pas art L1231-1 C. trav. Cela signifie que le contrat peut être rompu immédiatement sans indemnités ni préavis, et

cette rupture n’est pas subordonnée à l’existence d’une cause réelle et sérieuse (condition de licéité de tout licenciement). L’employeur n’a pas à justifier sa rupture de contrat pendant la pé-riode d’essai. Normalement l’employeur est seul juge.

Ce principe connait toutefois des tempéraments d’origine jurisprudentielle, mais relayés par la loi du 25 juin 2008. Il ressort en effet de plusieurs décisions de la Cour de cassation que l’employeur ne doit pas détourner la période d’essai de son objet ou de sa finalité sans quoi la rupture sera considérée comme abusive et donnera droit à des dommages et intérêts.

Dans un arrêt du 20 nov. 2007 la Cour de cassation a franchi un pas supplémentaire. Elle commence par énoncer dans cette décision que « l’essai a pour seule finalité d’apprécier la qualité du salarié » et elle affirme sans détour « qu’est abusive la rupture par l’employeur du contrat lorsqu’elle intervient pour un motif non inhérent à la personne ». La Cour de cassation n’estime plus nécessaire d’évoquer expressément que l’employeur a détourné la période d’essai de son objet ou de sa finalité. Dès l’instant où la rupture est intervenue pour un «  motif non inhé-rent à la personne » alors cette rupture est en soi constitutive d’un abus.

Il reste que la formule de « motif non inhérent à la personne » est très large. Elle pourrait laisser penser que tout motif inhérent à la personne serait de nature à justifier une rupture du contrat de travail pendant la période d’essai. Par exemple : le manque de confiance, la mésen-tente.

Cette lecture a été à juste titre démentie par la Cour de cassation dans un arrêt du 10 déc. 2008. Elle retient une formule plus étroite encore puisqu’elle énonce que la rupture du contrat pendant la période d’essai est abusive dès lors qu’elle est sans rapport avec l’appréciation « des qualités professionnelles du salarié ». La loi du 25 juin 2008 contient une disposition en concordance avec cette décision de la Cour de cassation. En effet l’article L1221-20 C. trav. pré-cise désormais que la « période d’essai permet d’évaluer les compétences du salarié dans son travail notamment eu égard à son expérience». Les termes signifient clairement qu’il s’agit exclu-sivement de pouvoir apprécier les qualités professionnelles du salarié.

Est donc abusive la rupture du contrat pendant la période d’essai lorsque les motifs ne sont pas inhérents à ces qualités professionnelles.

La loi du 25 juin 2008 instaure un délai de prévenance minimal que doit respecter la partie qui décide de mettre fin à la période d’essai. Il peut aller de un jour à un mois selon le nombre de jours ou de mois de présence du salarié. En droit français aujourd’hui, un salarié béné-ficie d’une protection renforcée contre une rupture abusive de son contrat de travail pendant la période d’essai donnant droit à dommages et intérêts.

Mais en dehors même de l’abus il faut souligner que la rupture du contrat pendant la pé-riode d’essai sera entachée de nullité dès lors qu’elle ressort d’un motif discriminatoire Cass. 16 fév. 2005

L’art. L1132-1 dresse une liste des motifs de discrimination prohibés tout en précisant que tout acte contraire est nul de plein droit. Or cette prohibition s’applique aussi bien à la phase de recrutement, à celle de l’exécution, à celle de la rupture du contrat de travail.

Rien ne justifie donc de soustraire la période d’essai au champ d’application de cet article. Le contentieux abondant de la rupture du contrat de travail pendant cette période a donné l’occa-sion à la Cour de cassation d’affirmer que « la rupture d’un contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté la volonté d’y mettre fin ».

Pour la Cour cette date c’est le jour de l’envoi par l’employeur de la lettre recommandée notifiant la rupture. Si cette lettre est envoyée par l’employeur avant la date d’expiration de la date de la période d’essai alors la décision de l’employeur de rompre le contrat ne s’analysera pas comme un licenciement et les règles de celui-ci ne s’appliqueront pas.

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§3. L’exécution et la durée de la période d’essai.La législation du travail s’applique puisque le salarié et l’employeur sont liés par un contrat

de travail. Si à l’issu de la période d’essai les parties au contrat sont décidées à poursuivre leurs relations alors le contrat apparaitra comme définitivement conclu et l’ancienneté du salarié parti-ra du début de l’essai.

La loi du 25 juin 2008 a précisé la durée de la période d’essai, elle dépend de la qualifi-cation du salarié. La durée maximale est fixée à deux mois pour les ouvriers, et employés, trois mois pour les agents de maitrise et techniciens, quatre mois pour les cadres. Il résulte aussi de cette loi que la période d’essai ne pourra être renouvelée qu’une fois, à une double condition :

- le renouvellement doit être permis par un accord collectif de travail1 conclu au niveau de la branche professionnelle2 dont relève l’entreprise, accord collectif de branche étendue3

- il faut que la lettre d’engagement du salarié ou encore son contrat de travail stipule ex-pressément la possibilité d’un tel renouvellement.

Ce sera à l’accord collectif de branche de fixer les conditions du renouvellement et les du-rées du renouvellement, étant toutefois précisé que ces durées de renouvellement ne peuvent pas dépasser quatre mois pour les ouvriers et employés, quatre mois pour les agents de maitrise et techniciens et huit mois pour les cadres.

Dans un arrêt Cass. 4 juin 2009 la Cour n’a pas hésité à prendre appui sur la convention n°158 de l’OIT relative au licenciement et à laquelle la France a adhéré pour fixer des limites à la durée de la période d’essai.

Conformément à cette convention il ne peut être dérogé à l’obligation pour un employeur de justifier un licenciement que pour une durée raisonnable. En conséquence la Cour estime dans cet arrêt qu’une période d’essai d’une durée d’un an n’est pas compatible avec l’exigence de la convention de l’OIT. Dans cette décision n’était pas en cause une hypothèse de renouvellement de la période d’essai, il n’est pas totalement exclu qu’une durée d’un an renouvellement compris aurait pu être acceptée. Ce qui est remarquable à la lecture de cette décision c’est que la Cour de cassation fonde sa solution sur l’exigence générale issue de la convention de l’OIT : la durée de la période d’essai doit être raisonnable. La Cour de cassation se ménage la possibilité de ne pas distinguer qu’il s’agit d’un renouvellement ou non pour apprécier le caractère raisonnable de la période d’essai.

Chapitre 2. Le mécanisme de l’embaucheSection 1. Le régime du placement

Il existe un service public de l’emploi qui a été assuré pendant longtemps par l’ANPE qui intervient pour faciliter le placement des demandeurs d’emploi, pour rapprocher les offres et les demandes.

La place occupée par le service public de l’emploi dans le régime du placement n’est pas aussi centrale qu’on pourrait le penser, en tout cas moins centrale aujourd’hui qu’elle ne l’était hier, pour diverses raisons.

L’employeur et le postulant à l’emploi ont été rapprochés par l’intermédiaire du service public de l’emploi restent libres de conclure ou de ne pas conclure le contrat de travail. On peut nuancer cette affirmation du côté du postulant à un emploi. Depuis une loi du 1 er aout 2008 relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, le refus par un chômeur sans motif légi-time de deux offres raisonnables d’emploi entraine sa radiation provisoire de la liste des deman-deurs d’emploi. Cela constitue une forte incitation à l’adresse du demandeur d’emploi pour qu’il accepte rapidement de conclure un contrat de travail y compris à un salaire moindre que celui qu’il avait auparavant. Au bout de six mois le demandeur d’emploi est tenu d’accepter la mobili -té.

1 Accord conclu entre d’un côté les représentants des salariés de l’autre les représentants des employeurs.

2 Branche professionnelle : toutes les entreprises relevant de la même industrie3 Accord qui a fait l’objet d’un arrêté d’extension du ministère du travail, dont l’objet c’est

de prévoir que l’accord collectif de branche s’appliquera dans toutes les entreprises de la branche.

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On sent le soupçon qui pèse sur certains chômeurs d’être des chômeurs volontaires, ce qui fait écho à la « célébration du travail », de l’effort, dont les personnes qui n’y entrent pas ne mé-ritent pas de considération, n’existent pas. Contrairement au postulant à un emploi, l’employeur est parfaitement libre de ne pas conclure le contrat de travail avec le postulant qui lui a été adres-sé par le service public de l’emploi CConst. 20 juil. 1988 : « le droit pour l’employeur de choi-sir ses collaborateurs se déduit de la liberté d’entreprendre, liberté de valeur constitutionnelle. » Cela relativise le rôle du service public de l’emploi dans le régime du placement.

Autre considération qui laisse à penser que la place de ce régime de placement est moins importante qu’il n’y apparait. Depuis une loi du 18 janv. 2005, le service public de l’emploi ne bénéficie plus d’un véritable monopole. Les activités de placement de demandeurs d’emploi sont clairement ouvertes aujourd’hui à des opérateurs privés qui devront simplement respecter les principes de gratuité, de libre accès, de non discrimination.

Cette même loi, en vue de mieux lutter contre le chômage a également favorisé des liens plus étroits entre l’ANPE et les ASSEDIC (système d’indemnisation du chômage géré par les parte-naires sociaux).

Une loi du 13 fév. 2008 a parachevé cette orientation, elle est relative à la réforme du service public de l’emploi, elle prévoit la création d’une instance nationale unique chargée des missions qui étaient jusqu’alors assurées distinctement par l’ANPE et par les Assedic, qui répond au nom de « Pôle emploi ».

On attend de cette fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, de cette création d’un service public de l’emploi unifié. Le but était de simplifier les démarches des demandeurs d’emploi. Ce qu’on peut observer aujourd’hui c’est que cette fusion a été un ratage pour des raisons d’insuffisance d’effectifs…

Section 2. Le recrutementIl faut entendre par recrutement la phase qui précède la conclusion du contrat de travail.

En raison du principe de la liberté d’entreprendre, à valeur constitutionnelle, mais aussi du prin-cipe de liberté contractuelle, l’employeur est libre de recruter ou de ne pas recruter. Cette liberté on va voir qu’elle connait certaines limites. On va voir ensuite que la loi a posé des bornes aux méthodes proprement dites de recrutement.

§1. Les limites de la liberté d’embaucherA) Les priorités et interdictions d’embauche

Les priorités concernent les handicapés, les victimes d’incidents du travail, les anciens sa-lariés de l’entreprise qui ont fait l’objet d’un licenciement pour motif économique.

Les interdictions d’embauche concernent les jeunes de moins de 16 ans et les travailleurs étrangers lorsqu’ils n’ont pas reçu l’autorisation de séjourner et de travailler en France.B) Autre limite : le respect des droits fondamentaux

1) La non discriminationL’article L1132-1 C. trav. reste une liste de motifs de discrimination prohibés qui ne sau-

raient justifier en aucun cas la mise à l’écart d’une personne d’une procédure de recrutement. De même ces motifs de discrimination ne sauraient en aucun cas justifier une mesure lors de l’exécu-tion de travail ou de licenciement.

« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison- de son origine- de son sexe- de ses mœurs- de son orientation sexuelle- de son âge- de son situation de famille- de sa grossesse comme de sa maternité- de ses caractéristiques génétiques- de son appartenance ou de son non appartenance vraie ou supposée à une ethnie,

une nation, ou une race21

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- de ses opinions politiques- de ses activités syndicales ou mutualistes- de son apparence physique- de son nom de famille- ou en raison de son état de santé ou de son handicape sauf inaptitude constatée

par le médecin du travail. » Il faut ajouter deux innovations issues de la loi du 27 mai 2008   : d’une part la discrimina-

tion comporte depuis ce texte l’injonction de discriminer. D’autre part le harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, constitue une forme de discrimination. Ceci étant le tournant majeur en matière de non discrimination tient au régime de la preuve tel qu’il a été modifié par une loi du 16 nov. 2001. Depuis l’adoption de cette loi la charge de la preuve ne pèse plus sur la personne qui pense avoir été l’objet d’une discrimination. Cette personne, le candidat à un emploi, doit simple-ment « présenter les faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination ». Et ce sera à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Malgré le renforcement de la protection des personnes discriminées il ne sera pas facile d’obtenir la condamnation d’un employeur pour pratiques discriminatoires. Il n’est pas si facile ne serait-ce que de présenter les faits pour présumer l’existence d’une existence de discrimination.

Et puis il y a une dernière donnée de nature à rendre la lutte contre les discriminations plus difficile notamment à l’occasion du recrutement d’un salarié. Cette donnée ressort de la loi du 27 mai 2008, loi qui a pour objet d’adapter au droit français des dispositions communautaires et notamment aux dispositions en matière de discrimination. Cette loi énonce que des différences de traitement fondées sur des motifs de discrimination, motifs normalement prohibés, peuvent être néanmoins admises lorsqu’elles répondent (notions très floues) à une exigence profession-nelle essentielle et déterminante pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence pro-portionnée. La Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur les termes de ce texte qui reproduisent les termes du droit communautaire.

On peut craindre qu’une nouvelle brèche soit ouverte par ce texte dans laquelle certains employeurs pourraient s’engouffrer dans certaines pratiques discriminatoires.

Prenons le cas du recrutement ; ce que permet ce texte à un employeur, c’est qu’il permet à l’employeur de dire « je ne vous ai pas recruté parce que vous êtes noirs ». C’est prohibé. « Mais attention si je ne l’ai pas fait c’est parce que ça répondait à une exigence professionnelle etc. » A partir du moment où toute forme de discrimination est prohibée, il n’est pas acceptable que ces discriminations puissent être justifiées.

Au titre du respect des droits fondamentaux : après la non discrimination, le contrôle des restrictions apportées au droit des personnes.

2) le contrôle des restrictions apportées au droit des personnes : loi du 31 déc. 1992

Loi du 31 déc. 1992Cette loi pose d’abord un principe qui doit être gravé dans les esprits, inséré à l’art.

L1121-1, ancien art. L120-2.C’est un texte capital qu’on retrouvera au moment d’étudier les droits fondamentaux du

salarié.

« Nul ne peut apporter au droit des personnes et aux libertés indi-viduelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » L1121-1 C. trav.

Ce texte érige les droits fondamentaux en limite du pouvoir de l’employeur, qu’il s’agisse de ceux du postulant à l’emploi mais aussi ceux liés à la personne du salarié une fois le contrat de

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travail conclu. Exemple de droits fondamentaux : respect de la vie privée, des expressions reli-gieuses, liberté d’opinion, d’expression…

Le principe posé à cet article a vocation à s’appliquer bien au-delà de la procédure de re-crutement d’un salarié. Lorsqu’un salarié conteste la licéité de certaines clauses de son contrat de travail, il pourra le faire en faisant valoir l’art. L1121-1.

A partir du principe posé à cet article, la loi de 1992 énonce des exigences plus précises qui concernent spécialement le recrutement d’un salarié. En particulier il est indiqué que les infor-mations demandées au candidat à un emploi ne peuvent avoir d’autres finalités que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. La loi ajoute même que « ces informations [demandées au salarié] doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé et avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ».

Ces exigences issues de la loi du 31 déc. 1982 ont causé la modification de beaucoup de questionnaires d’embauche. Certaines questions soumises à un candidat à un emploi qui touchent à sa vie personnelle pourront être toutefois admises en raison des particularismes de certaines entreprises ou bien lorsque l’emploi proposé lui-même présente des caractéristiques particulières. En bref on pourra poser des questions sur sa vie privée lorsque tel élément est de nature à avoir une incidence sur la capacité à exercer l’emploi proposé, p. ex. lorsqu’une personne postule dans un haut poste dans une institution religieuse, il est possible de poser des questions relatives à la religion. Encore faut-il que soit respectée une relation de proportionnalité entre la question sur la vie personnelle et l’exigence liée à l’emploi.

Mercredi 19 octobre 2011

§2. Les méthodes de recrutementLoi du 31 déc. 1992 : le candidat à un emploi doit être expressément informé des mé-

thodes et techniques de recrutement utilisées préalablement à leur mise en œuvre. C’est une exigence de transparence. Le texte dit également que les méthodes et techniques de recrute-ment doivent être « pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».

Il devrait en résulter une exclusion des procédés à caractère irrationnel ou symbolique (graphologie, astrologie, numérologie, morphopsychologie etc.). Pourtant la loi ne s’est pas pro-noncée sur la validité scientifique de ces méthodes : elle n’énonce pas leur absence de validité scientifique. La loi aurait pu donner des règles plus précises, plus contraignantes.

Aujourd’hui aucune véritable garantie n’est reconnue expressément aux candidats à un emploi qui sont soumis à une série de tests psychologiques grâce à ces techniques à caractère irrationnel. Pourtant il semble que les méthodes susmentionnées devraient être considérées comme contraires à deux textes de portée générale : l’un dans le rapport de travail, art. 9 C. Civ. relatif à la protection de la vie privée et l’article L1121-1 C. trav. qui protège les droits fonda-mentaux du salarié.

Le processus suivi par l’individu qui accède à un emploi ne conduit pas seulement à exami-ner la manière dont s’acquière la qualité de salarié ou encore à examiner le mécanisme même de l’embauche. Il convient également de dire quelques mots sur la diversité des formes juridiques de mise au travail.

Chapitre 3. La diversité des formes juridiques de mise au travailChacun sait bien que depuis la fin des années 1970, on assiste à un développement très

sensible de ce qu’on appelle « l’emploi atypique ». Le statut des salariés ne s’identifie plus avec un emploi stable, à temps plein, destiné à s’effectuer en permanence pour la même entreprise, et à s’accomplir dans un lieu unique. Ce modèle a été fortement ébranlé par la crise économique et les mutations économiques. De sorte qu’il se produit depuis plus d’une trentaine d’années une fragmentation du marché du travail. Le salariat se voit coupé en deux collectivités humaines : d’un côté celle des salariés réguliers, des salariés « en continue », de l’autre des salariés pré-caires, à travers lesquels on voit se développer des formes dégradées de travail, des formes de sous-emploi, à travers lesquelles on voit se former le « travailleur pauvre », qui travaille mais qui reste dans un état avancé de pauvreté.

Ce à quoi on assiste fait écho aux besoins des employeurs : d’un noyau de salariés dura-blement attachés à leur entreprise et d’un volant de main d’œuvre qu’ils n’utilisent selon la

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conjoncture que pour le temps strictement nécessaire, quitte à ce que s’installe l’insécurité so-ciale.

Quant aux pouvoirs publics ils se sont efforcés de leur côté d’impulser des politiques d’em-ploi qui visent à ne pas rester figées sur un modèle d’emploi unique. Ces évolutions trouvent une traduction dans les formes juridiques de plus en plus variées que prend aujourd’hui la mise au travail. C’est ce qui explique les propositions qu’on trouve de manière récurrente dans des textes d’économistes pour aller vers un contrat de travail unique dont on nous dit immédiatement qu’il devrait obéir notamment en matière de rupture à des règles beaucoup moins protectrices que celles qui sont aujourd’hui applicables.

Ce contrat n’est encouragé ni par les organisations syndicales ni par les associations du patronat et qu’il n’est pas si bien accueilli auprès des pouvoirs publics.

La diversification des formes juridiques de mise au travail est donc loin d’être stoppée. Elle se manifeste à côté des contrats de travail à durée indéterminé et à temps plein, d’autres contrats de travail qu’on peut qualifier de  contrat de travail spéciaux.  Entrent dans cette ca-tégorie le contrat de travail à temps partiel et le contrat de travail à durée déterminée dont on peut penser qu’il est emblématique de la précarité aujourd’hui de la condition de salarié.

Ceci étant cette diversification connait une autre traduction : elle se traduit aussi par le développement de ce qu’on appelle la fourniture de main d’œuvre par un employeur à un autre employeur.

A travers une ordonnance du 2 aout 2005 avait été crée un contrat dit « nouvel em-bauche » désormais caduc.

Section 1. La précarité résultant de la durée du contrat : le CDD

§1. L’esprit général des textesL’idée centrale consiste à voir dans le CDI la forme normale du contrat de travail, et le CDD

l’exception. Ceci emporte une conséquence essentielle, inscrite dans l’article L1142-1 C. trav. puisque le CDD est l’exception et le CDI la règle alors le CDD ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L1242-2   C. trav . ajoute que le CDD ne peut être conclu que pour une tâche pré-cise et temporaire.

§2. Cas de recours aux CDDDepuis une loi du 12 juil. 1990 une liste limitative a été dressée des cas de recours au

CDD autorisés, aujourd‘hui il existe cinq grands cas de recours au CDD :- le remplacement de salariés absents ou dont le contrat est suspendu- un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (contentieux important : à

partir de quand le surcroit d’activité cesse-t-il d’être temporaire ?)- les emplois à caractère saisonnier c'est-à-dire les travaux appelés à se répéter

chaque année à date à peu près fixe en fonction du rythme des saisons, du mode de vie collectif  : les vendanges, la mise en conserve de fruits et légumes, le monitorat de ski…

- les emplois où il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI. Ces secteurs, leur liste est définie par décret, p. ex. les entreprises de spectacles, de l’audio-visuel, des exploitations forestières.

- cas de recours plus récent, issu de la loi du 25 juin 2008, loi portant modernisa-tion du marché du travail. Cette loi, outre qu’elle a modifié le régime juridique de la période d’es-sai, est à l’origine d’un nouveau CDD : le CDD à objet défini, destiné à l’embauche des ingénieurs et des cadres pour la réalisation d’un objectif défini, sachant que le recours à ce CDD est subor -donné à la conclusion d’un accord collectif de travail.

Quel est le sort des CDD conclus en violation des différents cas de recours autorisés ? Il faut en revenir à la forme normale du contrat de travail puisque le CDD est l’exception.

Cela veut dire que la conclusion d’un CDD en dehors des cas de recours autorisés est sanc-tionnée par la requalification du contrat en CDI si le salarié en fait la demande devant le juge.

C’est un mode de section original en ce qu’il consiste à requalifier le contrat. Cette requali-fication emporte une conséquence importante : lorsque la relation contractuelle cesse à l’arrivée

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du terme du prétendu CDD alors qu’il y a eu requalification la cessation de la relation contrac-tuelle s’analysera comme un licenciement et non pas comme l’arrivée du terme du CDD.

§ 3. Le régime du CDDLe CDD doit être établi par écrit et qu’à défaut d’écrit il est réputé conclu pour une durée

indéterminée. Dans tous les cas le CDD doit comporter un terme, en principe ils sont à terme pré-cis, de date à date, étant entendu que le contrat ne peut dépasser normalement 18 mois. Mais exceptionnellement les CDD peuvent être à terme imprécis.

En principe un CDD peut être renouvelé à deux conditions :- la loi n’autorise qu’un seul renouvellement - la durée maximale du CDD ne peut pas être dépassée à l’occasion du renouvelle-

ment.Au point que ces conditions n’ont pas été respectées alors que le CDD se poursuit à

l’échéance du terme, le contrat pourra être requalifié en CDI par le juge.

Normalement, pour conclure un nouveau CDD sur le même poste de travail alors qu’un renouvellement a déjà eu lieu, il doit s’écouler depuis l’expiration du précédent CDD une période égale au tiers de sa durée, renouvellement compris.

Dans certains cas la loi ouvre la faculté de conclure plusieurs CDD immédiatement succes-sifs sur un même poste de travail avec le même salarié ou avec un autre salarié. C’est une ma-nière de dire sans qu’aucun délai d’attente ne soit imposé.

C’est possible dans les fameux secteurs où il est d’usage de ne pas recourir aux CDI alors l’employeur peut conclure sur un même poste de travail plusieurs CDD avec le même ou avec un autre salarié. La loi peut aussi donner cette même autorisation, avec le même salarié, sur des postes de travail différents.

Est-ce qu’on n’en vient pas à contourner la règle qui a valeur de principe : la règle selon laquelle le CDD ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ? Au bout d’un certain nombre de CDD immédia-tement successifs l’ensemble en cas de contentieux ne devrait pas être nécessairement requalifié en CDI. La Cour de cassation a pu le dire mais on ne sait pas si elle s’est orientée dans cette direc-tion.

La cessation des CDD. Normalement le CDD est destiné à prendre fin à l’arrivée du terme sauf renouvellement. Naturellement cela n’empêche pas que la cessation du CDD puisse exceptionnellement se produire avant l’arrivée du terme. Il faut retenir que la loi prévoit quatre causes de cessation du CDD avant l’arrivée du terme.

- accord des parties- force majeure- faute grave du salarié - justification par les salariés d’une embauche sous CDI

Ce à quoi il faut ajouter une dernière cause de cessation du CDD avant l’arrivée du terme, distincte des autres car c’est un cas de recours propre au nouveau cas de CDD prévu par la loi du 25 juin 2008. Il s’agissant de ce CDD concernant les ingénieurs et les cadres pour la réalisation d’un objectif défini. Il ressort de ce CDD spécifique que la loi indique que le contrat peut être rom-pu par l’une ou l’autre des parties pour un motif réel et sérieux au bout de dix-huit mois. Puis deux ans après cette conclusion. Si un employeur est à l’origine d’une rupture anticipée d’un CDD qui ne serait pas justifiée par l’une des causes de cessations précédemment mentionnées, cette rupture sera irrégulière. Les conséquences seront que l’employeur devra au salarié des dom-mages et intérêts au moins égaux au salaire que l’ouvrier aurait dû recevoir jusqu’au terme du CDD à quoi il faut ajouter l’indemnité de plein emploi à laquelle a droit normalement tout salarié en fin de CDD.

Section 2. La précarité résultant de la fourniture de main d’œuvre

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Mise au point terminologique : on parle souvent à propos de la « fourniture de main d’œuvre » d’extériorisation de l’emploi. Il existe différentes formes de fourniture de main d’œuvre et les entreprises ne se privent pas d’y avoir recours.

§1. Le modèle du contrat de travail temporaire et le portage salarialLe contrat est un contrat écrit à durée déterminée, souvent de courte durée, conclu pour

l’exécution d’une tâche qui elle-même n’est pas durable, qu’on appelle mission. La véritable spé-cificité du contrat de travail temporaire réside dans l’opération à trois composantes dont il est le support. Il existe un contrat de travail conclu l’entreprise de travail temporaire et le salarié. L’en-treprise de travail temporaire est l’employeur du salarié, c’est elle qui embauche et rémunère ce salarié. En quoi consiste l’activité de l’entreprise de travail temporaire ?

Elle consiste à mettre exclusivement les salariés qu’elle embauche à la disposition provi-soire d’une autre entreprise qu’on va appeler « entreprise utilisatrice » en fonction d’une quali-fication convenue.

C’est à trois composante parce qu’il en découle que la relation de travail temporaire im-plique également qu’il existe un contrat, au sens générique, contrat commercial, ou contrat de mise à disposition, entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice.

Quand la loi reconnait le travail temporaire, elle fixe un cadre légal dans lequel peut s’ef-fectuer une opération ayant pour objet exclusif un prêt de main d’œuvre à but lucratif. Il s’agit d’un prêt qui permet à l’entreprise de travail temporaire de faire un bénéfice sur l’opération. C’est comme si la loi nous disait : « lorsqu’on est dans le cadre du travail temporaire alors on peut ad-mettre que s’effectue du prêt de main d’œuvre à but lucratif ».

Depuis la loi du 25 juin 2008 un autre cadre a été retenu en plus du contrat de travail temporaire : c’est le portage salarial.

Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage salarial, une personne « portée » et une entreprise cliente.

Dans cet ensemble de relations contractuelles la personne dite portée est liée à l’entre-prise de portage salarial par un contrat de travail. Elle est donc un salarié de l’entreprise de por-tage salarial. Sa prestation chez le client lui est rémunérée par l’entreprise de portage.

Un accord collectif relatif à l’activité de portage salarial a été conclu le 24 juin 2010 et cet accord éclaire la différence entre le portage salarial et le travail temporaire : « la démarche de portage salariale est à la seule initiative de la personne portée ». La personne portée prospecte ses clients, négocie le prix de la prestation et enfin met directement en relation l’entreprise cliente avec l’entreprise de portage salarial.

Toute opération ayant pour objet exclusif un prêt de main d’œuvre à but lucratif est in-terdite si elle est effectuée en dehors du cadre du travail temporaire ou en dehors du portage sa-larial. Il existe tous les jours des opérations de fourniture de main d’œuvre accomplies en dehors du cadre du travail temporaire et en dehors du cadre du portage salarial qui pour autant ne sont pas entachées d’illicéité.

Quelles opérations ? Ce qu’on appelle communément la sous-traitance ou la prestation de service, et un contentieux extrêmement lourd va se développer sur la manière de distinguer ce qui relève de la prestation de service ou de sous-traitance et de prêt de main d’œuvre.

§2. La différence entre sous-traitance ou prestation de service et prêt de main d’œuvre illicite.

(Réécouter : pas clair, 19 oct. ) Comment la question se présente-t-elle devant les tribu-naux ? Comment entre-t-on dans le contentieux ?

Lorsqu’une opération de fourniture de main d’œuvre se réalise en dehors du cadre du tra-vail temporaire ou du portage salarial et lorsque le but lucratif de l’opération peut être établi, alors se pose une question sur la nature exacte de la dite opération.

Est-on en présence d’une opération ayant pour objet exclusif un prêt de main d’œuvre à but lucratif ?

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Si oui, il est clair que c’est une opération illicite car elle ne s’est pas effectuée dans le cadre du travail temporaire ou du portage salarial. Ou bien s’agit-il d’une opération de sous-trai-tance  ou de prestation de service qui sont des opérations licites, de fourniture de main d’œuvre licite ?

Pour qu’il s’agisse d’une opération licite (sous-traitance ou prestation de service et non pas prêt de main d’œuvre illicite) la Cour de cassation met en avant toute une série d’indices parmi lesquels il en est un cardinal : en principe pour qu’il y ait sous -traitance ou prestation de service (= opération licite) la main d’œuvre fournie à l’entreprise utilisatrice doit demeurer sous la seule autorité du sous-entrepreneur même quad le travail s’exécute au sein de l’entreprise utilisatrice.

Cela revient à dire que s’il apparait au contraire que le lien de subordination a été transfé-ré à l’entreprise utilisatrice alors les juges en déduiront qu’il ne s’agissait pas de sous-traitance ni de prestation de service mais qu’on se trouvait en présence d’une opération ayant pour objet ex-clusif le prêt de main d’œuvre à but lucratif, opération illicite puisque ne s’étant pas déroulée dans le cadre légal du portage salarial.

En vérité la frontière n’est pas toujours facile à tracer entre une opération de sous-trai-tance et opération de prestation de service et celle de prêt de main d’œuvre à but lucratif. Même dans le cas d’une opération de sous-traitance, naturellement l’entreprise utilisatrice de la main de vente va être amenée à exercer une certaine autorité sur la main d’œuvre qui lui est fournie par le sous-entrepreneur.

La question soumise aux tribunaux : quel est le degré de contrôle de l’entreprise utilisa-trice sur la main d’œuvre qui lui a été fournie.

Pour qualifier l’opération d’opération licite il faut impérativement que l’entreprise qui a fourni la main d’œuvre à l’entreprise utilisatrice continue d’exercer un certain contrôle sur l’exé-cution de leurs prestations de travail pour les salariés fournis par l’entreprise utilisatrice.

S’il apparait au travers les faits tels que soumis à la Cour de cassation, l’entreprise fournisseuse de main d’œuvre n’exerce plus le moindre contrôle sur sa main d’œuvre alors l’en-treprise va considérer qu’il y a un problème avec la marchandise.

§ 3. Le prêt de main d’œuvre à but lucratifC’est simplement pour indiquer que ce texte est parfaitement autorisé, mais depuis une loi

du 28 juil. 2011 les éléments susceptibles de caractériser le but non lucratif d’une opération d’une entreprise fournisseuse de main d’œuvre vont être précisés.

Section III. La précarité liée à l’édiction de l’exigence de justifi-cation du licenciement : les péripéties du contrat nouvel em-bauche.

Le contrat nouvel embauche a vu le jour en 2005 et a été rendu caduc en 2009 par la loi de 2008 portant modernisation du marché du travail.

Raison pour laquelle le CNE peut être envisagé comme une forme de précarisation de l’em-ploi. Avec le CNE, ce qui avait de tout à fait inédit c’est que la précarité venait se loger au sein du contrat à durée indéterminée. La précarité entrait dans le CDI, le CNE était un CDI. La précarité entraine le CDI. En ce que l’employeur avait la faculté pendant une durée de 2 ans à compter de la signature du contrat de rompre le CNE sans être tenu de justifier sa décision. Or en droit du travail français tout licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. Ce système a été ébranlé par le CNE car on pouvait rompre le contrat dans les 2 ans sans la moindre justifica-tion.

Cependant de nombreux juristes ont fait valoir que ce CNE était contraire à la convention n°158 relative au licenciement, ratifié par la France : « tout licenciement doit être justifié sauf pendant une période raisonnable. »

Cela a suscité les quolibets de la droite de la droite.1 er juil. 2008 la Cour de cassation a estimé que la durée de deux ans était une durée dé-

raisonnable, elle heurtait de front la convention n°159 au point que les CNE devaient être requali-fiés en contrats à durée indéterminée soumis au droit commun du licenciement.

La loi du 25 juin 2008 a rendu caduc le CNE.

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Mardi 25 octobre 2011

Titre 2. La perte de l’emploiLe contrat de travail à durée indéterminée, qui reste la règle peut être rompu unilatérale-

ment à tout moment. C’est ce qu’on appelle le droit de résiliation unilatérale. Il peut être exercé par l’employeur ou par le salarié : licenciement ou démission. Selon les cas les conséquences sont très différentes : en cas de démission l’employeur n’aura pas de préjudices importants tandis que l’employé se retrouvera au chômage. Ce contraste justifie que le droit du travail s’est efforcé de traiter différemment les deux situations.

En terme de démission, il n’y a pas d’indemnités exigées ni un long préavis. La seule li -mite : c’est l’abus de droit.

En revanche le licenciement est étroitement contrôlé au plan de la procédure mais aussi sur le fond.

Le licenciement obéit à des règles générales, qui s’imposent en principe quel que soit le motif du licenciement. Il existe un droit commun du licenciement. Ça sera le chapitre 1. A mesure que les problèmes de restructuration des entreprises liées à la vie économique sont devenus des problèmes structurels, on assiste à la naissance de la distinction entre les

- licenciements pour motifs personnels (chapitre 2)- licenciement pour motifs économiques (chapitre 3) Nous verrons dans un 4ème chapitre que toute rupture du contrat de travail par l’employeur,

si régulière soit elle, entraine un certain nombre de conséquence sous forme d’indemnités, sous forme également d’obligations à la charge de l’employeur. Il faut essayer d’amortir le choc pour le salarié de la perte de son emploi. On verra qu’il existe des modes de rupture du CDI distinct du licenciement et qui ne se confondent pas avec la démission (chapitre 5).

Chapitre 1. Le licenciement : règles généralesSection 1. La notification du licenciement

La licéité de tout licenciement est subordonnée à deux conditions essentielles qui tiennent d’une part à la notification au salarié du licenciement. D’autre part à l’exigence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Section 1. La notification du licenciement

§1.L’énonciation du ou des motifs de licenciement dans la lettre de licenciement En vertu de la loi du 13 juil. 1973, loi fondatrice en matière de licenciement, l’employeur

n’était pas tenu de donner les motifs de licenciement dans la lettre. Deux lois postérieures (1986, 1989) ont modifié cette situation. Désormais l’employeur est dans l’obligation d’énoncer le(s) mo-tif(s) de licenciement dans la lettre notifiant le licenciement.

C’est ce qu’on appelle le droit de résiliation unilatérale. Il peut être exercé par l’employeur ou par le salarié : licenciement ou démission peu importe le motif et la taille de l’entreprise : c’est une exigence générale, de l’art. L1232-6.

Le(s) motif(s) doivent être précis. On distingue le motif économique et personnel.- Motif économique : la Cour de cassation rappelle que la lettre de licenciement doit énoncer

* les raisons économiques à l’origine du licenciement (cause économique) * les conséquences de la situation économique sur l’emploi du salarié : y a-t-il eu suppres-

sion, transformation de l’emploi, modification du contrat de travail ? On appelle ça l’élément ma-tériel de la cause économique.

Précision : il ne peut pas être fait grief à l’employeur d’indiquer simplement dans la lettre de licenciement comme cause suivante : la réorganisation de l’entreprise. La cour de cassation pense qu’en cas de contentieux il appartiendra au juge de vérifier si la réorganisation de l’entre-prise est justifiée par des difficultés économiques ou encore par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.

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En cas de licenciement pour motif personnel. Il ressort que le motif précis qui doit être énoncé dans la lettre de licenciement consiste en un fait ou un grief matériellement véri-fiable. Dit autrement : un fait ou grief suffisamment explicite et résultant d’éléments objectifs.

Illustration   : un employeur ne saurait mentionner comme seul fait ou grief dans la lettre de licenciement .p ex. la perte de confiance ou encore des fautes professionnelles ou une incompati -bilité d’humeur. La Cour de cassation considère que de tels faits ou griefs ne sont pas matérielle-ment vérifiables, ne constituent pas un motif précis de licenciement.

Toutefois la Cour de cassation se fait moins exigeante lorsque l’employeur motive par une « insuffisance professionnelle » ou une « insuffisance de résultat » du salarié ou encore « la perturbation du personnel et de la clientèle résultant du comportement du salarié ». La Cour de cassation pense qu’il s’agit de motifs de licenciement qui peuvent être précisés et discu-tés devant les juges du fond en cas de contentieux. A partir du moment où de tels griefs pourront être évoqués, celle de l’employeur a énoncé dans la lettre de licenciement un motif matérielle-ment vérifiable.

Cette distinction peut s’avérer ne pas être convaincant que cela incite les employeurs a utilisé ce motif comme un motif refuge.

§2. Les conséquences de l’absence d’un motif précis dans la lettre de licenciement L’employeur qui omet le motif précis commet-il une irrégularité de procédure (= de forme)

ou bien est-ce qu’on doit considérer que la non énonciation ou l’énonciation imprécise des motifs dans la lettre de licenciement équivaut à une irrégularité de fond ? (= absence de cause réelle et sérieuse de licenciement).

Cass.soc. 29 nov. 1990, ROGIE. (Arrêt de principe) -> À défaut d’un tel motif précis le licenciement sera dénué de cause réelle et sérieuse.

Même si l’employeur ait énoncé le motif de licenciement à un moment quelconque de la procédure, ça n’y change rien, on exige que cela soit mentionné dans la lettre, sinon ça équivaut sans nuance à une absence de cause réelle et sérieuse. Confirmation : Ass. Plén. 27 nov. 1998

Doit-on approuver les conséquences que la Cour de cassation tire de l’absence de motifs précis et sérieux dans la lettre de motivation ?

Le patronat serait en faveur d’une remise en cause d’une telle jurisprudence. Il convien-drait de distinguer absence de d’énonciation de motif précis dans la lettre de licenciement et ab-sence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Argument   : les grandes entreprises ont des services juridiques appropriés et prendront note de cette jurisprudence. Mais il en va différemment dans les PME, l’employeur ne le saura pas forcément

Justification de la jurisprudence   : l’objectif du législateur lorsqu’il contraint l’employeur à la lettre de licenciement, c’est de fixer par écrit les termes du litige sur le fond. Il s’agit de laisser une trace écrite des motifs qui ont poussé l’employeur à rompre le contrat non seulement pour que le salarié sache à quoi s’en tenir mais aussi pour faire obstacle à une variation de motifs entre l’envoi de la lettre de licenciement et le contentieux qui pourrait naitre ultérieurement. En bref cela permet de circonscrire l’éventuel débat judiciaire. Si on pouvait l’envisager comme une simple irrégularité de forme ou de procédure cela ménagerait la possibilité à l’employeur de va-rier de motifs en cours de contentieux sans pour autant que le licenciement soit nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

La cour de cassation a rendu une décision qui prête d’avantage à discussion : Cass. 23 sept. 2003. La Cour de cassation ouvre la faculté à l’employeur d’énoncer dans la lettre de licen-ciement des motifs différents de licenciement à condition qu’ils soient tous inhérents à la per-sonne du salarié. Par exemple un employeur peut énoncer comme motifs de licenciement : de multiples fautes du salarié et aussi l’inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail. Il ressort de ce contentieux qu’alors que l’employeur ne peut pas invoquer à la fois un motif person-nel et un motif économique il peut énoncer plusieurs motifs personnels à condition que

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- Les motifs doivent procéder de faits distincts. - D’autre part les règles de procédure applicables à chaque motif de licenciement

doivent être respectées. Si ces deux exigences sont remplies alors l’énonciation de deux motifs très différents

dans la lettre de licenciement n’équivaudra pas à priver cette lettre de tout motif. Ce sera alors au juge en cas de contentieux d’apprécier quelle est la véritable cause du licenciement. Cette solu-tion se heurte à un objectif au moins : c’est celle d’encourager les employeurs à multiplier les mo-tifs de rupture dans la lettre de licenciement, à ne pas prendre clairement leur responsabilité sur les raisons effectives de la rupture du contrat de travail.

Section 2. Exigence de cause réelle et sérieuse Loi du 13 juil. 1973. Il y a là une limitation capitale au droit de licencier : tous les li-

cenciements doivent être justifiés par une cause réelle et sérieuse. Cette exigence se trouvait à l’article L122-14-3 avant la recodification. Depuis on la trouve dans deux articles distincts : l’un relatif au licenciement pour motif personnel : L 1232-1 al 2 l’autre relatif au licenciement pour motif économique à l’article L1233-2 al 2. Désormais le droit de licencier est un droit conditionné en ce sens qu’il devient indissociable des causes de son exercice, l’acte de licenciement est obli-gatoirement causé (au sens de la cause du droit civil).

Cette exigence est de portée générale. Cela signifie qu’elle s’applique quels que soient les motifs du licenciement, l’ancienneté du salarié, la taille de l’entreprise. Tout licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. Seulement la loi ne définissant pas « cause réelle et sé-rieuse » la jurisprudence a dû le faire.

§1. Le contrôle de la Cour de cassation sur la réalité et le sérieux des motifs de licen-ciement

Quelle est la nature du contrôle que la Cour de cassation exerce sur la décision des juges du fonds s’agissant d’une cause réelle et sérieuse du licenciement ?

Pendant longtemps la Cour de cassation a exercé un contrôle serré sur la décision des juges du fond sans parvenir pour autant à livrer une définition générale, claire, de la cause réelle et sérieuse. Au début de 1987 un revirement s’est produit : la Cour de cassation a décidé de ré-duire son contrôle sur l’appréciation par les juges du fond de la cause réelle et sérieuse. Explica-tions possibles :

- la Cour a souhaité réagir contre une certaine dérive qui la conduisait à considérer les circonstances de fait du licenciement, qui la conduisait à statuer au cas par cas alors que telle n’est pas sa fonction.

- C’était forcé de cette manière de désencombrement la Cour de cassation d’un contentieux qui était devenu très abondant.

A partir de 1987 tout s’est passé comme si un simple contrôle de motivation des décisions du juge du fond s’était substitué à un contrôle de qualification juridique de la notion de cause réelle et sérieuse. On remarque au passage qu’alors que le contrôle de qualification est le contrôle qui permet à la Cour de cassation d’assurer l’unité d’interprétation des règles de droits lorsqu’elle estime que la qualification qui est en jeu se rattache à une notion de droit. A partir de 1987 la Cour de cassation se refuse d’exercer ce contrôle qui fait pourtant partie de son office même.

Le revirement de 1987 comportait un risque qui s’est vérifié, celui d’un éclatement de la notion de cause réelle et sérieuse au sens où chaque juridiction du fond pouvait avoir sa concep-tion du motif justifiant ou non le licenciement, qui se distinguaient fort entre les différentes Cours d’appel.

Ce risque d’éclatement de la cause réelle et sérieuse explique qu’après une période d’ex-périmentation de la jurisprudence nouvelle, qui a duré environ trois ans, la Cour de cassation, ex-posée à des reproches insistants de la doctrine, a compris qu’il ne lui fallait pas aller trop loin dans l’abandon de son contrôle sur la cause réelle et sérieuse de licenciement. La Cour a exprimé qu’il lui incombait de tracer quelques lignes de force pour remettre un peu d’ordre dans la juris-prudence des juges du fond. Désormais le pouvoir d’appréciation des juges du fond va se voir en-cadrer par certains principes directeurs fixés par la Cour de cassation et dont la Cour contrôle le

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respect. On peut dire que ces principes directeurs s’articulent autour d’une idée centrale : la cause du licenciement doit être objective. Se met ainsi en place une jurisprudence normative.

§2. La notion de cause réelle et sérieuse Mise au point : pour qu’un licenciement soit justifié il faut qu’il existe une cause à la fois

réelle et sérieuse. C’est une condition cumulative. Cause réelle. En vertu de la jurisprudence antérieure à la loi de 1973, l’employeur qui

licencie un salarié pouvait invoquer un motif souverainement apprécié par lui. Tout au contraire l’exigence d’une cause réelle de licenciement est porteuse de deux obligations à la charge de l’employeur. D’une part cela implique le l’employeur doit avancer un ou des motifs précis dont l’existence peut être vérifiée. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs.

D’autre part lorsqu’il s’agit d’un motif personnel, l’exigence d’une cause réelle implique que ces éléments objectifs soient imputables au salarié.

La cause sérieuse : au cours des débats à l’AN qui ont précédé l’adoption de la loi de 1973 le ministre du travail avait précisé qu’une cause sérieuse est « une cause revêtant une cer-taine gravité qui rend impossible sans dommage pour l’entreprise la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement ».

A travers cette formulation transparait l’idée de proportionnalité de la mesure de licencie-ment à la gravité du fait qui pourrait la motiver. Or il est très vite apparu que la Cour de cassation faisait preuve au contraire d’une grande souplesse dans la manière d’interpréter l’exigence de cause sérieuse de licenciement.

Aujourd’hui : la situation a un peu évolué depuis que la Cour de cassation s’efforce de tra-cer quelques lignes directrices à l’intention des juges du fond, depuis le début des années 1990 : la cause du licenciement doit être objective. On a déjà vu concernant le licenciement pour motif personnel à propos de la cause réelle que cet impératif d’objectivité se traduit par une double exigence : le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs. Ces éléments objectifs doivent être imputables au salarié. On peut penser aussi que cette double exigence qui permet à la Cour de cassation d’exercer un contrôle sur la cause réelle de licenciement, elle ouvre aussi la voie à un contrôle d’adéquation entre le grief retenu contre le salarié, et la décision de le licen-cier.

On peut même penser que cette double exigence ouvre la voix non seulement à un contrôle d’adéquation mais peut-être à un contrôle de proportionnalité entre le grief retenu et la décision de le licencier. Autrement dit cette double exigence participe d’un début de contrôle sur la cause sérieuse du licenciement et pas seulement un contrôle sur la cause réelle du licencie -ment.

Sur le licenciement pour motif économique, la cause sérieuse. On verra que pèse sur l’em-ployeur une obligation de reclassement du salarié. Si l’employeur n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour reclasser le salarié alors la cause économique du licenciement ne sera pas légi-time. Parce qu’on peut voir dans cette obligation de reclassement en cas de licenciement pour motif économique comme la trace de l’exigence d’une cause sérieuse de licenciement. Lorsqu’on abordera plus en détail le licenciement pour motifs personnels ou économiques.

§3. La preuve de la cause réelle et sérieuseIl ressort de l’ancien article L122-14-3 que le juge forme sa conviction au vue des élé-

ments fournis par les parties. Cela signifie que la charge de la preuve en matière de licenciement ne pèse ni sur l’employeur ni sur le salarié. La charge de la preuve, elle pèse sur le juge. Il y a là comme une des nombreuses manifestations de l’évolution plus générale de la procédure civile : on passe d’une procédure accusatoire à une procédure inquisitoire, on en arrive à faire peser la charge de la preuve sur le juge lui-même et cela permet au juge d’ordonner toute mesure d’ins-truction pour former sa conviction. Que se passe-t-il dans l’hypothèse où le juge serait dans le doute ?

Cela indique que le problème de la charge de la preuve ressurgit sous la forme du « risque de la preuve ». La question revient : qui doit supporter le risque de la preuve ? A qui profite le doute du juge ?

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Une loi de 1989 a tranché la difficulté : L1235-1 d’où il ressort que si un doute subsiste, il profite au salarié. Dire cela, cela signifie que le risque de la preuve pèse sur l’employeur.

Mercredi 26 octobre 2011

§4. Les sanctions de licenciement injustifiéEn principe l’absence de cause réelle et sérieuse n’entraine pas obligatoirement la réinté-

gration de l’employé dans son emploi. L’article 1235-3 le tribunal peut simplement proposer la réintégration du salarié. Si les parties l’acceptent et il y a le maintien des avantages acquis par le salarié, mais si l’employeur refuse l’intégration alors il y aura des dommages intérêts qui ne peuvent être inférieurs au salaire des six derniers mois : c’est indépendant du préjudice effective-ment subi par le salarié. Ces dommages et intérêts viennent s’ajouter aux diverses indemnités qui sont accordées à un salarié licencié, cf. « Les conséquences de tout licenciement ».

Ce dispositif vaut quelque soit le motif du licenciement mais il ne bénéficie qu’au salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté et appartenant à des entreprises d’au moins onze salariés. Que se passe-t-il lorsqu’un salarié a été licencié sans cause réelle et sérieuse et qu’il ne se trouve pas dans cette situation.

Le juge appréciera souverainement les DI en fonction du préjudice subi. Précision : l’ab-sence de cause réelle et sérieuse crée nécessairement un préjudice, le juge n’aura pas à démon-trer son existence.

En principe un licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas entaché de nullité. Le salarié n’a droit en principe qu’à des dommages et intérêts. Il arrive toutefois qu’un licenciement ne soit pas seulement injustifié mais qu’il soit obligatoirement entaché de nullité. Le juge pronon-cera la nullité du licenciement dans deux situations :

- en application d’une disposition légale qui prévoit expressément dans tel ou tel cas la nullité du licenciement.

- si l’employeur a violé un droit ou une liberté fondamentale de la personne du sala-rié.

Section 3. La procédure préalable à un licenciement individuelL’instauration par la loi du 13 juil. 1973 d’une procédure préalable au licenciement indi-

viduel constitue une innovation remarquable dans son principe. Avant l’employeur n’était pas tenu de respecter la moindre exigence procédurale s’il entendait licencier.

Depuis une loi du 30 déc. 1986 la procédure préalable s’applique à tous les licencie-ments individuels (≠ licenciement personnel, il s’agit d’un licenciement d’une seule personne) qu’il s’agisse d’un licenciement pour motif personnel ou pour motif économique, quelle que soit la taille de l’entreprise, quelle que soit l’ancienneté des salariés.

[La procédure que nous allons examiner s’applique aussi à ce qu’on appelle les « petits licenciements collectifs pour motifs économiques ». Cela vise les licenciements économiques de moins de dix salariés. La procédure s’applique également aux grands licenciements collectifs pour motifs économiques lorsqu’il n’existe pas de représentant du personnel dans l’entreprise.]

§1. Les étapes de la procédureA) L’entretien préalable

L1232-2 à L1232-5. L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable, soit par main propre soit

par lettre recommandée. Elle doit indiquer la date, l’heure, le lieu, l’objet de la convocation. La lettre doit préciser qu’un licenciement est envisagé. La Cour de cassation a estimé que l’em-ployeur ne peut pas utiliser des formules fuyantes, ambiguës telles « une sanction éventuelle », un « mesure vous concernant ».

L’entretien ne peut pas avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre de convocation (l’idée c’est qu’il puisse préparer sa défense). L’employeur est tenu d’indi-quer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. Lorsqu’il

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n’y a pas de représentant du personnel dans l’entreprise alors la loi prévoit que l’employé peut se faire assister par une personne extérieure à l’entreprise nommée le « conseiller du salarié ».

La lettre de convocation du salarié doit mentionner expressément la faculté ouverte au salarié de se faire assister par un conseiller extérieur. Ces conseillers correspondent à un besoin réel en particulier dans les PME car ils permettent d’atténuer l’isolement des salariés face à leur employeur et de préparer un minimum la défense du salarié. Les conseillers favorisent une meilleure application du droit du travail.

En revanche quand il existe des représentants du salarié alors le salarié ne peut se faire assister que par une personne appartenant au personnel de l’entreprise. L e plus souvent le sala-rié se fera assisté par le représentant du personnel mais il peut décider de se faire assister par un salarié ordinaire.

Ce qui est assez frappant c’est qu’à l’occasion des multiples contentieux qui frappent l’en-tretien préalable la Cour de cassation s’attache à favoriser l’importance de la phase de l’entretien préalable pour un salarié dont le licenciement est envisagé.

Illustrations : la Cour de cassation a admis par exemple que les paroles proférées par un salarié au cours de l’entretien pour répondre au grief de l’employeur, ces paroles ne peut pas être une cause de licenciement sauf abus : les injures graves et les violences physiques. Des CA ont cependant admis qu’un salarié qui répond à l’employeur qui lui adresse une liste de griefs « t’es qu’un connard » ne constitue pas forcément une injure grave.

La Cour de cassation considère que l’obligation de recueillir la défense du salarié ne peut pas se limiter à une audition passive comme le font trop souvent les employeurs. Cela signifie que cela a un prolongement c’est le devoir pour l’employeur de vérifier à la suite de l’entretien les éléments avancés par le salarié pour expliquer son comportement.

Alors même que la loi est restée muette, la Cour de cassation a admis la possibilité pour l’employeur de se faire assister lui aussi au cours de l’entretien par un membre du personnel de l’entreprise avec comme limite que la procédure sera considérée comme viciée si la composition de la délégation patronale et son attitude exerce une pression telle sur le salarié que l’entretien se transforme en enquête ou en une mise en accusation. Il y a alors une sorte de détournement de l’objet de l’entretien préalable.

Une fois l’entretien terminé, l’employeur peut décider de licencier ou de ne pas licencier. S’ile st toujours décidé à licencier, il ne peut pas le notifier immédiatement, depuis une ordon-nance de 2004 l’employeur doit respecter un délai de réflexion d’au moins deux jours ouvrables après la date de l’entretien préalable. Le délai est allongé dans certains cas. L’employeur est en-suite en mesure de notifier le licenciement.

B) La notification du licenciementCf. section 1.

§2. Les sanctions du non respect de la procédureA) La phase antérieure à la notification du licenciement

On distingue selon l’ancienneté (de deux ans) et le nombre de salariés de l’entreprise (11 salariés).

Si 2 ans d’ancienneté et 11 salariés : la sanction consiste dans une indemnité qui ne peut pas  « être supérieure à un mois de salaire » (= du montant d’un mois de salarié).

Dans le cas contraire. Dommages et intérêts laissés à l’appréciation du juge en fonction du préjudice. La violation de la procédure préalable est nécessairement constitutive d’un préjudice.

Le non respect par l’employeur de ses obligations procédurales ne suffit pas pour priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cela explique la faiblesse des sanctions prévues en cas de non respect des phases de procédure.

Il en va ainsi même si l’employeur s’est volontairement abstenu au cours de l’entretien préalable d’indiquer le motif de la décision envisagée Cass. Soc. 16 nov. 2005. La Cour de cassation estime que cela n’équivaut pas à une absence de cause réelle et sérieuse.

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Il peut arriver qu’il y ait à la fois irrégularité de procédure concernant la phase préalable de notification du licenciement et absence de cause réelle et sérieuse. Dans ce cas l’irrégularité de procédure est absorbée par l’irrégularité du fond en ce qui concerne ses sanctions.

B) L’absence de notification du licenciementCf. section 1.

C) Le non respect d’une procédure conventionnelle Parfois en matière de licenciement pour faute, disciplinaire, une clause de convention col-

lective applicable dans l’entreprise prévoit qu’une instance devra être consultée afin de donner un avis sur le licenciement envisagé. Quelle est la sanction du non respect par l’employeur de l’obligation de consultation d’une instance.

Position protectrice pour le salarié de la Cour de cassation. Dans plusieurs décisions elle a estimé que la consultation d’une telle instance prévue par une convention collective constitue une garantie de fond pour le salarié.

Dès lors son inobservation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette juris-prudence prive les juges du fond du pouvoir d’apprécier si le licenciement est effectivement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

La position de la Cour a été contestée par une partie de la doctrine, et malgré cela la Cour a accentué son orientation Cass. 5 Avril 2005. Une clause d’une convention collective appli-cable prévoyait qu’en cas de faute grave ou de faute lourde du salarié la lettre de licenciement devait être signée par le président du conseil d’administration et par l’administrateur délégué à cet effet.

La Cour a constitué qu’elle telle exigence constituait une garantie de fond dont le non res-pect prive automatiquement le licenciement de cause réelle et sérieuse. On peut penser que l’exi-gence posée : la double signature, doit être entendue ou fait figure d’exigence de forme et non pas d’exigence procédurale. La procédure collective ne prévoyait pas la consultation d’une ins-tance disciplinaire. Lorsque c’est le cas on est en face d’une exigence procédurale. Mais lorsqu’il s’agit uniquement d’une double signature : il s’agit d’une exigence de forme.

Il faudrait comprendre qu’il est une distinction essentielle : la différence entre l’exigence de forme et exigence de procédure. Or la facilité consiste à identifier exigence de forme et exi -gence de procédure.

Section 4. La titularité de licencier La chambre mixte de la Cour de cassation a conduit à se prononcer dans un arrêt de 19

nov. 2010 sur la question de la titularité du pouvoir de prononcer un licenciement dans une SAS. La solution est reprise par la chambre sociale : elle commence par convenir que selon le code de commerce la SAS est représentée à l’égard des tiers par son président et, si ses statuts le pré-voient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité. Cependant la Cour de cassation énonce que cette règle n’exclue pas la possibilité pour les représentants légaux de déléguer le pouvoir d’effectuer des actes déterminés tel que celui d’engager ou de licencier les salariés de l’entreprise. La Chambre sociale admet la délégation de pouvoir dans la SAS comme dans d’autres formes de sociétés. Il en résulte qu’une distinction doit être retenue entre d’un côté le pouvoir général de représentation de la SAS à l’égard des tiers. De L’autre côté la délégation de pouvoirs fonctionnelle, c’est ce qui permet aux représentants légaux de toute société de déléguer conformément au droit commun une partie de leurs pouvoirs en vue d’assurer le fonctionnement interne de l’entreprise. Dans les arrêts du 19 nov. 2010 la chambre mixte ne s’en tient pas là. On observe que la Cour de cassation s’attache à faciliter la forme que peut prendre la délégation de pouvoir. En effet en s’appuyant sur les règles du mandant la Cour de cassation considère qu’aucune disposition n’exige qu’aucune délégation du pouvoir de licen-cier soit donnée par écrit.

La délégation peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement. Plus encore, à supposer que le mandataire ait dépassé son pouvoir. On doit alors

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admettre que l’employeur ait néanmoins engagé s’il ratifie l’acte du mandataire explicitement ou même tacitement. C’est dire la facilité avec laquelle la chambre mixte admet la « délégation de pouvoirs fonctionnels » orientée vers le licenciement d’un salarié. L’apport premier de cette déci-sion est d’admettre la délégation de pouvoirs : distinguer de ce qui relève de la représentation à l’égard des tiers et ce qui relève de la délégation de pouvoirs fonctionnels.

Ce sont des zones charnières entre droit commercial et droit du travail, et vise à approfon-dir les formes et figures de l’employeur dans l’entreprise.

On ne peut pas envisager le droit du licenciement selon qu’on est dans un système juri-dique qui facilite le pouvoir de licencier, ou selon qu’on est dans un système juridique qui rend cette délégation plus complexe et l’assortit de règles fortes.

Récemment la Cour de cassation a rendu la décision dont il ressort qu’un employeur peut utiliser la délégation alors qu’il s’agissait d’un salarié précaire érigé en mandataire de l’em-ployeur.

Chapitre 2. Le licenciement pour motifs personnels Cela devient de plus en plus fréquent surtout dans le secteur tertiaire au point que selon

certains observateurs il y a peut être un effet de substitution des licenciements pour motifs per-sonnels aux licenciements pour motifs économiques : l’encadrement du licenciement s’est fait assez lourd au fil des années.

10% des salariés licenciés pour motifs personnels contestent son licenciement au conseil des prud’hommes.

Il existe deux grands types de motifs personnels susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

- la faute du salarié- les motifs distincts de la faute

* perte de confiance* mésentente* insuffisance professionnelle* insuffisance de résultats* motifs tirés de la vie personnelle du salarié

Section 1. La faute Le motif doit être précis, concret, son existence doit pouvoir être vérifiée. Les éléments

doivent être objectifs, imputables au salarié. Sinon le licenciement pour faute est dénué de cause réelle.

C’est l’exigence d’une cause sérieuse que le contentieux va le plus souvent. Il faut un contrôle de la proportionnalité du licenciement par rapport à la faute commise. On trouve quatre degrés de faute en jurisprudence, ils n’emportent pas les mêmes conséquences :

- faute légère. Ø cause sérieuse de licenciement alors qu’avant la loi de 1973 elle le pouvait.

- faute sérieuse. : constitue une cause sérieuse de licenciement mais n’entraine pas la perte du préavis ni la perte des indemnités de licenciement.

- faute grave. Cause sérieuse de licenciement. Elle est privative du préavis et des indemnités de licenciement.

- faute lourde. Constitue une cause sérieuse de licenciement, privative du préavis et des indemnités de licenciement et en plus elle est privative des indemnités compensatrices de congés payés.

Faute grave. Cass. 27 sept. 2007 : depuis cette décision la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise. Ex. malversations, violation de la sécuri-té, abandon de poste…

L’employeur doit engager la procédure disciplinaire dans les plus brefs délais à compter du jour où il a eu connaissance des faits fautifs. Elle implique par ailleurs une cessation immédiate du travail dès la notification du licenciement.

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Le vol n’est pas nécessairement constitutif d’une faute grave Cass. Soc. 6 mars 2007. Le vol d’un objet de 39 euros (une paire de lunettes) par un salarié de 14 ans d’ancienneté et qui n’avait jamais rien fait, ne constituait pas une faute grave.

Remarque : ça ne veut pas dire qu’il n’est pas constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. Mais l’employeur ne peut pas se prévaloir d’une faute grave. On a coutume de dire en matière de faute grave que la Cour de cassation exerce un contrôle de qualification juridique retenue par les juges du fond à partir de la définition qu’elle a elle-même de la faute grave. A lire cet arrêt de 2007 : « les juges ont pu décider… » On a le sentiment que la Cour de cassation par-fois n’exerce qu’un contrôler de motivation et non pas un contrôle de qualification au sens strict.

La faute lourde : la Cour de cassation s’efforce également de livrer une définition de la faute lourde, selon elle cette faute « suppose l’intention de nuire [du salarié] vis-à-vis de l’em-ployeur ou vis-à-vis de l’entreprise ». Cette intention de nuire est importante. Il ne suffit pas que les conséquences de l’acte commis par le salarié soient lourdement dommageables : en effet il convient que l’intention de nuire ait été caractérisée pour qualifier la faute lourde.

La chambre sociale adopte une conception stricte du terme de faute lourde.

Dernière question à propos de la faute lourde : compte tenu de ce qu’on a dit par rapport à la faute lourde et la faute grave. Mais alors que recouvre la notion de faute sérieuse ?

La faute sérieuse est d’un degré moins élevé que la faute grave. C’est le 1er degré de faute constitutif d’une cause sérieuse. Il faut comprendre pourquoi la jurisprudence a introduit ce degré intermédiaire entre la faute légère et la faute grave.

Réponse : l’idée de la Cour de cassation est de permettre qu’un licenciement soit à la fois justifié sans pour autant priver le salarié du préavis ou des indemnités de licenciement. Il s’agit de cela : elle ne privera pas le salarié du préavis ou des indemnités de licenciement.

Force est de constaté qu’à la lecture des arrêts que peuvent être qualifiés de faute sé-rieuse un certain nombre de comportements fautifs dont on aurait pu penser qu’ils ne revêtent pas une réelle ou même une certaine gravité, p. ex. une indélicatesse, une altercation, une intem-pérance.

Lorsqu’on traite du licenciement pour faute on se situe à un croisement du droit du licen-ciement et du droit disciplinaire qu’on évoquera à la fin du semestre quand on abordera les pou-voirs de l’employeur.

Jeudi 27 octobre 2011

Section 2. Les motifs distincts de la fauteDans le cadre des motifs distincts de la faute, on va aborder dans un paragraphe 1 la perte

de confiance et la mésentente. Deux motifs qu’il convient de ne pas confondre.

§1. La perte de confiance et la mésententeA) La perte de confiance

Il y a eu une évolution jurisprudentielle entre l’adoption de la loi de 1973 et 1987 la Cour de cassation admettait très souvent que la perte de confiance alléguée par l’employeur pouvait être considérée en elle-même comme une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cela veut dire qu’il suffisait à l’employeur d’alléguer des rumeurs, des soupçons mêmes non vérifiés pour que le licenciement soit justifié pour perte de confiance. Dès lors comme chacun le comprend que la perte de confiance est un phénomène subjectif, un état d’esprit, la Cour de cassation offrait ainsi aux employeurs un motif passe-partout pour licencier en grande liberté, notamment les salariés de haute qualification. En 1987 la Cour de cassation a décidé de réduire son contrôle sur les déci-sions des juges du fond même si ça n’a pas duré longtemps.

On a alors vu que les juges du fond se sont divisés en deux camps. Les uns ont exercé un contrôle strict : que des faits précis, graves, soient à l’origine de la perte de confiance tandis que d’autres juges du fond ont admis très facilement ce motif même s’il ne s’appuyait sur peu.

C’est cette situation d’insécurité qui a poussé la Cour de cassation à se réengager en exer-çant de nouveau un contrôle, en témoigne un arrêt très important  Cass. Soc. 29 nov. 1990. Dans cette affaire la Cour d’appel, pour débouter une salarié de sa demande en DI pour licencie-

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ment sans cause réelle et sérieuse, avait estimé que l’employeur était fondé à ne plus lui accor-der sa confiance.

En effet le concubin de la salariée qui travaillait dans la même entreprise qu’elle, avait été licencié pour motifs économiques et avait assigné l’employeur pour obtenir des dommages et intérêts. La CA avait considéré que les fonctions de secrétaire de la salarié, fonction qui s’exerçait dans les fonctions de la société, était incompatible avec le fait d’être la concubine d’un ancien salarié qui avait intenté l’action contre l’employeur pour licenciement.

Cette incompatibilité faisait que pour la CA « l’employeur était fondé à ne plus lui accorder sa confiance ». La Cour de cassation casse la décision de la CA. Elle estime au contraire « que la perte de confiance ne constitue pas en soi un motif de licenciement dès lors qu’un licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs ». La Cour de cassation ajoute une précision impor-tante : ces éléments objectifs doivent être imputables au salarié

A partir de là, on s’est posé la question suivante : cette nouvelle ligne jurispruden-tielle signifie-t-elle que la perte de confiance a perdu toute pertinence pour la justifica-tion d’un licenciement ?

Cass. Soc. 29 mai 2001, cet arrêt laisse penser que cette question appelle une ré-ponse affirmative. On trouve dans cette décision un attendu de principe très didactique dans le-quel la Cour de cassation énonce « la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur des éléments objectifs ». La suite montre bien la finesse du raisonnement, la Cour souligne que « ces éléments objectifs peuvent le cas échéant constituer une cause de licenciement mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l’employeur ».

Cet arrêt a été interprété comme marquant la volonté de la Cour d’évincer purement et simplement toute part de subjectivité de l’employeur. Désormais la cause du licenciement doit résider exclusivement dans des éléments objectifs sans plus jamais se référer à la perte de confiance, puisque cette dernière relève d’une appréciation subjective.

Un arrêt ultérieur du Cass. 30 mars 2005 s’inscrit dans la droite ligne de cette position, encore qu’à la lecture de cette décision, il y a peut être matière à hésiter sur l’interdiction totale pour l’employeur de toute évocation même de la perte de confiance. Ce qui ne fait aucun doute en tout cas, c’est que seuls les éléments objectifs peuvent en eux-mêmes constituer le cas échéant une cause réelle et sérieuse de licenciement et en aucun cas la perte de confiance qui a pu résulter de la perte de ces éléments objectifs.

B) La mésentente

Ça peut évoquer des dissensions entre employeur et salarié, entre deux salariés, une in-compatibilité d’humeur, des divergences. La question qui se pose est de savoir si la Cour de cas -sation adopte aujourd’hui en matière de mésentente la même position qu’en ce qui concerne la perte de confiance.

Dans un arrêt du 13 octobre 1992, la Cour de cassation a énoncé que la mésentente ne constitue pas en soi un motif de licenciement. (Même formule que l’arrêt de 90 \\ à la perte de confiance).

Seuls des faits objectifs imputables au salarié et ayant provoqué une mésentente grave et persistante sont de nature à justifier le licenciement. Doit-on alors considérer que comme pour la perte de confiance la mésentente ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licen-ciement, même quand elle repose sur des éléments objectifs ?

On peut dire que ce pas ne doit pas être franchi. La Cour n’a pas eu recours à cette formu-lation à propos de la mésentente. Il en résulte qu’à la condition de reposer sur des éléments ob-jectifs, la mésentente peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Fournissent une illustration de ce propos deux arrêts du 1 er fév. 2002 et du 22 sep - tembre 2010. La Cour de cassation énonce que « la mésentente ne constitue une cause de licen-ciement que si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié ». Ce qui laisse à penser que la mésentente est possible comme cause de licenciement.

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§2. L’insuffisance professionnelle et l’insuffisance de résultatA) L’insuffisance professionnelle

Pendant longtemps la Cour de cassation est restée sur le fait que l’employeur est le seul juge du bon fonctionnement de l’entreprise et des démarches à employer. L’idée était que les juges du fond ne sauraient substituer leur appréciation à celle de l’employeur pour ce qui est des mérites d’un salarié.

Ici encore plusieurs décisions rendues à partir des années 1990. Il ressort de ces décisions que l’insuffisance professionnelle ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si l’employeur peut établir des manifestations objectives d’une telle insuffisance et si le sala-rié est responsable, au moins partiellement, de l’insuffisance avérée.

Remarque critique: les éléments à partir desquels la Cour de cassation estime dans cer-taines décisions que les juges du fond ont fait ressortir une insuffisance professionnelle, peuvent prêter à discussion. Exemple : Cass. 13 juin 2007, la Cour admet que la comparaison des résul-tats d’un salarié avec des résultats de ses collègues peut caractériser une insuffisance profession-nelle. Cette position a suscité de nombreuses critiques, parce qu’elle n’est pas très convaincante en pratique.

L’insuffisance professionnelle ne caractérise pas la faute. Mais qu’est-ce qu’il advient quand un employeur licencie un salarié « pour faute grave en raison de son insuffisance profes-sionnelle » ? (Cass. 9 mai 2000)

Cet arrêt tranche la difficulté : dans cette affaire la CA avait estimé qu’à partir du moment où l’insuffisance professionnelle était établie, le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation casse cette décision sur le fondement suivant, elle rappelle que l’employeur avait allégué une faute grave du salarié. En conséquence, selon la Cour de cassation, le licenciement avait nécessairement un caractère disciplinaire : peu importe la connexion établie par l’employeur entre l’insuffisance et faute, les termes du débat judiciaire devaient être considé-rés comme fixés sur un seul terrain : le terrain disciplinaire.

B) L’insuffisance de résultatCe motif ne se confond pas avec l’insuffisance professionnelle, il est avancé par les em-

ployeurs lorsque les objectifs qui étaient imposés au salarié n’ont pas été atteints. Il n’est pas rare que ces objectifs soient fixés dans le contrat de travail, qu’on appelle clause d’objectif.

Dans ce cas là, est-ce que le licenciement pour insuffisance de résultat est-il fondé sur une cause réelle et sérieuse ?

Dans un 1er temps la jurisprudence s’en est tenue à la stricte application de la loi contrac-tuelle (1134), le simple constat d’un écart entre les résultats fixés dans le contrat et les résultats obtenus par les salariés suffisaient pour convenir qu’il existait une cause réelle et sérieuse de li-cenciement. Peu importait alors que cette insuffisance ait été due à l’état du marché, à la situa-tion économique, qu’elle n’ait pas été imputable au salarié. C’était alors une orientation fort peu protectrice, mais abandonnée par un arrêt Cass. 30 mars 1999, dans cette décision la chambre sociale affirme que la seule insuffisance de résultat ne peut, en soi, constituer une cause de licen-ciement. On retrouve la formule utilisée par la cour da cassation en 1990.

En conséquence, la Cour de cassation dans cet arrêt de 1999 casse la décision des juges du fond, qui s’étaient contenté de relever que les objectifs n’avaient pas été atteints. La Cour de cassation estime que les juges du fond auraient dû vérifier si les objectifs définis étaient raison-nables et compatibles avec le marché.

=> Il y avait donc là l’exigence générale que le licenciement devrait être fondé sur des éléments objectifs imputables au salarié.

Des décisions ultérieures ont permis à la Cour de cassation de préciser la ligne qu’elle en-tendait suivre désormais.

Cass. 14 nov. 2000 (cf. 2 mars 2005) : on peut tirer deux enseignement de cet arrêt. Dans cette décision la Cour s’abstient de distinguer les objectifs résultant du contrat du travail (accord entre l’employeur et le salarié) et les objectifs imposés unilatéralement par l’employeur.

En refusant cette distinction, la Cour de cassation admet par la même, ce qui prêtait à dis-cussion avant cet arrêt, que l’origine des objectifs, ne soit plus nécessairement contractuelle. Cela

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revient à considérer que la définition des objectifs d’un salarié peut être aussi envisagée comme un attribut du pouvoir de l’employeur, du pouvoir de direction.

Ceci étant, pas d’équivoque : que les objectifs aient été fixés contractuellement ou qu’ils aient été imposés unilatéralement, s’il y a licenciement il faudra contrôler la cause réelle et sé-rieuse.

Par ailleurs la Cour de cassation indique qu’il appartient aux juges du fond, pour parvenir à former leur conviction sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse, d’apprécier si les objectifs étaient réalistes. Cela fait écho à la formule du 30 mars 1999 (les juges devaient vérifier si les objectifs étaient raisonnables et compatibles avec le marché).

Seulement la Cour précise que les juges du fond doivent également apprécier si le salarié était en faute de ne pas avoir atteint les objectifs. La chambre sociale entend signifier qu’à suppo-ser que les objectifs aient été réalistes, il appartenait en outre aux juges du fond de rechercher si la non réalisation des objectifs était bien imputable au salarié, sans quoi le licenciement serait sans cause réelle et sérieuse.

Il y a un problème : la référence de la Cour de cassation à la « faute » du salarié. Elle arrive ainsi à opérer un mélange des genres discutables entre ce qui relève de la faute et ce qui relève de l’insuffisance de résultat. Faute : expression d’une volonté délibérée. Insuffisance de résultat : cela ne relève pas d’un comportement volontaire.

Autre élément de nature à jeter le trouble : à propos de l’insuffisance professionnelle, on a dit dessus qu’elle ne présentait pas de caractère fautif (Soc. 9 mai 2000). Au vu de l’arrêt du 14 nov. 2000, l’insuffisance de résultat devrait non seulement présenter un caractère fautif, mais aussi nécessairement présenter un tel caractère.

Certains auteurs ont reproché que la distinction entre insuffisance de résultat et faute était trop faible.

Cass. Soc. 3 avril 2001, repris par un arrêt Cass. 18 mai 2005. La Cour prend note des critiques, et sans revenir sur cette position, elle l’assouplit singulièrement. Elle commence par rappeler : l’insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement. Puis elle énonce qu’il appartient aux juges de rechercher si les mauvais résultats procèdent soit d’une in-suffisance professionnelle soit d’une faute imputable au salarié.

Cela signifie qu’en l’absence de comportement volontaire, fautif, l’insuffisance de résultat peut être constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement si le salarié, de par son in-suffisance professionnelle est bien à l’origine des mauvais résultats.

Les éléments objectifs relatifs au salarié doivent pouvoir recevoir soit la qualification de faute soit la qualification d’insuffisance professionnelle pour que le licenciement pour insuffisance de résultat soit fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Une certaine cohérence est rétablie mais on se pose une autre question. Est-ce que l’in-suffisance de résultat est en train d’être absorbée comme motif de licenciement par la faute et par l’insuffisance professionnelle ?

La nouvelle ligne jurisprudentielle n’aboutit-elle pas à une sorte de disparition non dite à l’insuffisance de résultat comme motif propre de licenciement ?

§3. Les motifs tirés de la vie personnelle du salariéSous l’angle exclusif du licenciement, tout commence par un arrêt important rendu par la

Cour de cassation le 16 déc. 1997. Mercredi 2 novembre 2011Dans cet arrêt la Cour s’attache à tracer une frontière entre les comportements reprochés

aux salariés dans le cadre de l’exécution de son travail et les faits imputés au salarié qui relèvent de sa vie personnelle. En l’espèce un salarié avait été condamné pénalement pour aide à séjour irrégulier d’un étranger. L’employeur le licencie pour faute grave, mais la Cour de cassation, en usant d’une formulation de principe a énoncé que « le fait relevant de la vie personnelle du salarié ne pouvait constituait une faute ». Grâce à ce concept de vie personnelle, la Cour de cassation entend distinguer la vie professionnelle du salarié et sa vie extra-professionnelle, autrement dit sa vie personnelle. Sa vie personnelle recouvre la vie privée proprement dit : l’intimité de la vie pri-

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vée, mais aussi l’exercice des libertés civiles tel que le droit de participer à la vie politique, à la vie associative etc.

Il ne faut pas tirer de cet arrêt l’idée que les comportements relevant de la vie personnelle du salarié ne justifient plus jamais un licenciement. Ce qui est clair au vu de cet arrêt c’est que la vie personnelle du salarié ne peut pas constituer une faute. Néanmoins l’employeur garde la pos-sibilité d’invoquer le  trouble objectif caractérisé que crée au sein de l’entreprise tel ou tel com-portement tiré de la vie personnelle du salarié, compte tenu de la nature des fonctions du salarié ou encore de la finalité propre de l’entreprise. Simplement l’employeur n’est plus admis à se si-tuer sur le terrain de la faute, sur le terrain disciplinaire, pour licencier un salarié pour élément relevant de sa vie personnelle.

Les choses se sont assez vite compliquées dans la mesure où, en particulier dans un arrêt postérieur Cass. 2 déc. 2003, la Cour de cassation a apporté un tempérament à la ligne direc-trice qui ressortait de l’arrêt de 1997. Il s’agissait dans cette affaire de 2003, un salarié était af -fecté à la conduite de véhicule automobile, or ce salarié se voit retirer son permis de conduire pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique. La Cour de cassation estime que ces faits ne pouvaient pas être considérés comme relevant de la vie privée du salarié : il se rattachait à sa vie professionnelle. A partir du moment où selon la Cour il se rattachait à sa vie professionnelle, le salarié avait bien commis une faute, l’employeur était donc fondé à le licencier pour faute grave.

On peut voir dans cette décision un tempérament à l’arrêt de 97 dans la mesure où, bien quel les faits imputés au salarié n’aient pas eu lieu dans le cadre de l’exécution de son travail, la Cour admet qu’il relevait de sa vie professionnelle compte tenu du lien existant (aux yeux de la Cour) entre les faits imputés au salarié (conduite en état d’ivresse) et sa fonction de conducteur de véhicule automobile.

Les choses se sont encore plus brouillées par la suite : dans un arrêt Cass. Soc. 25 janv. 2006, la Cour a apporté un infléchissement significatif à la ligne arrêtée au départ dans l’arrêt de 1997. Une salarié cadre commercial d’une banque était poursuivie pour des délits reconnus de participation à une affaire de volet de trafic de véhicules. La Cour de cassation commence par indiquer que ce comportement avait crée un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise, compte tenu du statut de la salarié et de l’activité de l’entreprise, la banque. La cour a considéré que le licenciement était justifié. L’infléchissement vient ensuite. La Cour énonce que le compor-tement issu de la vie personnelle de la salarié, qui a crée un trouble objectif au sein de l’entre -prise, est constitutif d’une faute grave, rendant par conséquence impossible la poursuite du contrat de travail.

Pourquoi le sentiment de trouble ? Car contrairement à ce qu’il ressortait de l’arrêt de 1997, l’employeur était admis, dans cet arrêt de 2006, en présence d’éléments tenant à la vie personnelle du salarié, à se situer sur le terrain disciplinaire. Dès lors contrairement à la ligne arrêtée en 1997, la frontière s’estompait entre le licenciement pour faute et le licenciement pour un motif tiré de la vie personnelle. Cela créait donc une grande insécurité juridique et une incerti -tude concernant la jurisprudence de la cour de cassation.

Heureusement un arrêt rendu par la chambre mixte de la Cour de cassation, en 2007, par un arrêt Ch. Mixte. 18 mai 2007, marque un retour à une conception plus sûre. Un salarié s’était fait adressé sur son lieu de travail une revue échangiste à laquelle il était abonné. D’autres salariés avaient porté leur regard sur l’existence de cette revue, qui était au standard, et avait été ouverte, avec une protestation auprès de l’employeur, lui demandant d’exercer une sanction.

L’employeur a donc sanctionné le salarié, en le rétrogradant. La chambre mixte a eu une formidable occasion de mettre de l’ordre dans cette jurisprudence qui devenait un peu brouillonne.

La Chambre mixte estime que la réception par le salarié d’une revue sur son lieu de travail, malgré son caractère pornographique, ne constitue pas un manquement aux obligations résultant de son contrat. Le comportement du salarié relève de sa vie privée et ne saurait lui être imputée à faute. La chambre se fait plus précise : elle énonce « qu’un trouble objectif dans le fonctionne-ment de l’entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l’en-contre de celui par lequel il est survenu ».

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Même si le comportement du salarié provoque un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise, ce comportement ne peut pas être constitutif d’une faute. Avec cet arrêt est restau-rée la distinction entre la notion de trouble objectif à laquelle on peut recourir en présence d’un élément relevant de la vie personnelle du salarié et d’un autre côté la notion de faute qui doit être rattachée à un comportement relevant de la vie professionnelle du salarié.

Du même coup, la distinction entre vie personnelle et vie professionnelle parait pleinement rétablie. La chambre sociale de la Cour de cassation a pris acte du rétablissement clair de la dis -tinction dans un arrêt en particulier, Cass. Soc. 23 juin 2009, la chambre sociale use d’une for-mulation qui lève toute équivoque : « attendu qu’un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire ». On en déduit que seul des faits de la vie professionnelle peuvent jus-tifier un licenciement disciplinaire.

Cet arrêt de 2009 ainsi qu’une autre décision qu’on va citer ont le mérite de clarifier la ligne de partage entre vie personnelle et vie professionnelle. Vie personnelle il y a à partir du moment où le salarié n’a pas manqué à une obligation professionnelle. Autre formulation tirée d’un arrêt du 3 mai 2011 : à partir du moment où un «  salarié n’a pas manqué à une obli-gation découlant de son contrat de travail ».

En l’absence d’un tel manquement du salarié, il ne fait plus aucun doute aujourd’hui qu’on est dans le domaine de la vie personnelle, un licenciement disciplinaire ne peut pas être justifié. Illustration à travers cet arrêt de 3 mai 2011 : la Cour a admis qu’un licenciement disciplinaire ne peut pas être prononcé à l’encontre d’un salarié recruté sur un emploi de chauffeur qui s’est vu retirer son permis de conduire car il y avait commis une infraction. D’après la Cour de cassa-tion, il n’y a pas méconnaissance par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail. La solution est différente de celle retenue le 2 déc. 2003.

Il y a une ligne jurisprudentielle impulsée par la chambre mixte et suivie par la chambre sociale, qui se dessine clairement aujourd’hui, il faut louer la rigueur retrouvée de la cour de cas-sation. Pour autant cette ligne jurisprudentielle forte n’aboutit pas à cantonner la vie profession-nelle exclusivement au temps et au lieu du travail. Certains actes commis par le salarié sont sus-ceptibles de constituer un manquement à ces obligations professionnelles ou, autre formulation, une obligation découlant de son contrat de travail, quand bien même ils auraient été commis en dehors du temps et du lieu de travail.

Tel est le cas en particulier lorsqu’il y a eu manquement du salarié à ce qu’on appelle son obligation de loyauté, car dans ce cas là il manque à une obligation professionnelle, même en dehors du temps et du lieu de travail. Seulement en droit du travail les contours de l’obligation de loyauté demeurent assez imprécis. Conséquences : il y a donc une nouvelle source d’insécurité juridique.

Chapitre 3. Le licenciement pour motif économiqueIl s’agit là de la question la plus lourde du cours, ainsi que la plus compliquée.Depuis une loi du 3 janvier 1975 le licenciement pour motifs économiques a fait l’objet

d’un régime spécial qui tend à le distinguer du licenciement pour motifs personnels. Mais ce ré-gime spécial a connu lui-même des évolutions importantes qui traduisent un double mouvement législatif. D’un côté la nécessité s’est fait jour de ne pas enfermer les entreprises, les étouffer sous des règles qui pourraient nuire à leur compétitivité. Il fallait ménager une certaine liberté des employeurs désireux de licencier pour motifs économiques.

Ça s’est traduit par la suppression par une loi du 30 déc. 1986 de l’autorisation adminis-trative de licenciement qui était requise depuis 1975 en matière de licenciement pour motif éco-nomique. Par là même la loi de 1986 attenue la particularité du régime applicable au licenciement pour motifs économiques. Mais les choses sont plus ambivalentes car d’un autre côté, corrélative-ment à la suppression de l’autorisation administrative , il est apparu qu’en matière de licencie-ment pour motif économique, il fallait renforcer le rôle des représentants du personnel, et surtout prévoir des mesures d’accompagnement des licenciements pour motif économique, tout particu-lièrement un plan social au cœur duquel on doit trouver ce qu’on appelle un plan de reclasse-ment des salariés.

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Tout ceci conduit à indiquer que les règles aujourd’hui applicables en matière de licencie-ment pour motifs économiques sont le point d’aboutissement d’une double logique.

- logique de désengagement de l’administration- logique de consolidation des garanties dont doivent être entourés les salariés licen-

ciés pour motifs économiques : en matière de reclassement et en matière de représentation du personnel.

Encore faut-il savoir ce qu’on entend par licenciement pour motif économique.

Section 1. La notion de licenciement pour motif économiqueLa loi du 2 aout 1989 a livré pour la 1ère fois une définition du licenciement pour motif

économique. Auparavant il faut savoir que cette définition issue de la loi de 1989 a été modifiée par une loi dite de modernisation sociale adoptée au mois de janvier 2002. Toutefois le Conseil constitutionnel a estimé que la nouvelle définition issue de la loi de 2002 n’était pas conforme à la constitution.

C’est seulement trois ans plus tard qu’une loi du 18 janv. 2005 a apporté, sans se heur-ter à la censure du Conseil constitutionnel, une petite retouche à la définition posée par la loi du 2 aout 1989. L’analyse que nous développerons portera essentiellement sur la définition de la loi introduite par la loi de 89 mais retouchée par la loi de 2005.

Article L1233-3 C.trav., ancien article L321-1 : Art. 6309L. 1233-3 (Modifié à compter du 1er mai 2008, L. n° 2008-67, 21 janv. 2008, art.

2, X et 3, 17° ; modifié, L. n° 2008-596, 25 juin 2008, art. 5, II) . - Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non in-hérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa.

Le motif économique est un élément extérieur au salarié, extérieur à son comportement et à ses aptitudes. Le texte suggère de distinguer les raisons d’ordre économique (au sens strict) et ce qu’on peut appeler les causes immédiates du licenciement, ou encore la cause matérielle qui affecte les emplois.

De plus la Cour de cassation a apporté à la définition légale dictée un complément essen-tiel, qui a été consacré ensuite par le législateur. Ce complément est le suivant : le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque l’employeur a accompli son devoir d’adap-tation et que si le reclassement du salarié est impossible.

§1. Les raisons d’ordre économique à l’origine du licenciement : la cause économique au sens strict

A) Les raisons d’ordre économique à l’origine du licenciement énoncées à l’ar-ticle L1233-3, ancien L221-1.

1) Les difficultés économiquesLa fin de l’article L1233-3 fait allusion aux difficultés économiques que rencontre l’entre-

prise. C’est assez large pour viser des difficultés d’ordre conjoncturel ou structurel. Ceci étant pour la Cour de cassation, ne constitue pas un motif économique le fait qu’un salarié coute trop cher dans une entreprise où il est avéré que les profits sont considérables. Ou encore, dans une entreprise dont « la situation est florissante », d’après les termes de la Cour de cassation.

Il faut prouver que l’entreprise est en difficultés économiques, il faut une difficulté réelle, que ce soit économique ou financière. Autrement dit faire des économies pour parvenir à une ré-

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duction des coûts salariaux alors que la situation de l’entreprise est excellente, ne constitue pas un motif économique.

Faire valoir une baisse des bénéfices réalisés ne suffit pas pour caractériser la réalité des difficultés économiques.

Outre les difficultés économiques l’article L1233-3 vise expressément parmi les raisons d’ordre économique à l’origine du licenciement les mutations technologiques.

2) Les mutations technologiquesCes mutations technologiques ne témoignent pas nécessairement de difficultés écono-

miques par l’entreprise. Compte tenu de l’absence de précision du texte de loi, il n’est pas exclu que les mutations technologiques puissent aller de paire avec une bonne santé de l’entreprise, s’il s’agit d’abandonner des techniques dépassées ou changer de matériel informatique.

Cet article L1233-3 prend soin de faire précéder les mutations technologiques et les diffi-cultés économiques de l’adverbe « notamment ». La jurisprudence a pris appui sur cet adverbe pour considérer que des raisons d’ordre économiques autres que les difficultés économiques ou des mutations technologiques pouvaient être à l’origine du licenciement pout motif économique.

B) Les raisons d’ordre économique tirées de la jurisprudence1) La réorganisation de l’entreprise en vu de sauvegarder sa com-

pétitivitéCette raison soulève de nombreuses difficultés. La Cour de cassation a commencé par indi-

quer qu’il y a licenciement pour motif économique en cas de réorganisation de l’entreprise à la condition que celle-ci ait été décidée dans l’intérêt de l’entreprise. Lorsqu’on a vu apparaitre cet attendu, on s’est très vite demandé si la référence trop générale de « l’intérêt de l’entreprise » n’était pas une condition illusoire.

Soc. 5 avril. 1995, c’est un arrêt capital, il dit qu’il y a licenciement pour motif écono-mique à condition que la réorganisation de l’entreprise ait été décidée « aux fins de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise » ou bien si on est en présence d’un groupe de sociétés, et que c’est aux fins de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée par les licenciements pour motif économique.

Dans des arrêts ultérieurs la Cour a légèrement modifiée ou alternée ses formulations. Elle a par exemple énoncé que la réorganisation de l’entreprise devait être « nécessaire à la sauve-garde de la compétitivité ». Dans quelques décisions, des nuances se sont dessinées : qu’elle de-vait être « indispensable à la sauvegarde de la compétitivité ».

L’arrêt de 1995 marque un tournant essentiel : pour qu’il y ait licenciement pour motif économique, la réorganisation de l’entreprise doit avoir été décidée en vue de sauve-garder la compétitivité de l’entreprise.

La discussion ne pouvait pas en rester là. D’autres questions d’une grande résonnance furent soulevées à propos de ce motif. On s’est demandé en particulier si le juge était vraiment en mesure d’apprécier si la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise était en cause. Lorsque l’employeur prononce un licenciement pour motif économique, le juge est-il compétent pour ap-précier si la sauvegarde de la compétitivité est en cause ? Et qu’entend-on exactement par cette expression ?

Renforcer ou établir la compétitivité de l’entreprise n’est pas admise dans cet objectif : cela ne suffit pas. Le juge social a à l’esprit le principe constitutionnel de droit à l’emploi. Il ne suffit pas d’établir qu’on a voulu établir ou améliorer la compétitivité. Il faut que soit menacée à terme assez rapproché la survie même de l’entreprise.

L’exigence que la réorganisation de l’entreprise ait été faite pour sauvegarder la compétitivité, fait-elle entièrement obstacle à la possibilité pour une entreprise d’anti-ciper les difficultés économiques ?

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C'est-à-dire : envisager dès aujourd’hui des licenciements alors qu’il n’existe pas de diffi-cultés économiques présentes mais afin d’éviter des licenciements plus importants dans l’avenir. La Cour de cassation s’est efforcée de répondre à cette question délicate en faisant part d’une certaine souplesse, par une série de trois arrêts : Cass. 11 janvier 2006, arrêts Pages jaunes. La Cour de cassation admet que la réorganisation peut être considérée comme ayant été effec-tuée en vue de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise lorsque cette réorganisation a été mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’em-ploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement.

Ces arrêts Pages jaunes ont suscité immédiatement un très grand émoi de la part des ob-servateurs et de la doctrine.

Mardi 08 novembre 2011En effet on pu y voir un infléchissement significatif \\ aux arrêts antérieurs dans le sens de

l’affaiblissement de la protection des salariés contre les licenciements pour motifs économiques. On a pu penser que le motif économique tiré de la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité serait désormais accueilli plus facilement qu’auparavant par la Cour de cassation. Celle-ci s’est sentie obligée de lever le malentendu, elle l’a fait selon la voie du communiqué sur son site internet. Il en ressort qu’à travers les arrêts « Pages jaunes » le motif économique tiré de la réorganisation de l’entreprise pour sauvegarde de la compétitivité aurait été simplement précisé, ajusté, à travers les arrêts pages jaunes.

Plus précisément elle dit que la réorganisation de l’entreprise répond « à un objectif de prévention propre à ce motif qui intègre naturellement l’objectif de sauvegarder le maximum d’emplois ». Il semble que la Cour de cassation souhaite signifier que l’objectif même de sauve-garder le maximum d’emplois peut parfois requérir une anticipation de la gestion de l’emploi conduisant à des licenciements préventifs. Du reste dans un arrêt postérieur du 21 novembre 2006 la Cour de cassation relève que malgré l’absence de difficultés économiques présentes la réorganisation de l’entreprise avait bien été décidée en vue de sauvegarder la compétitivité pro-cédait d’une gestion prévisionnelle des emplois. Au final il ressort de la jurisprudence « Pages jaunes » que la Cour de cassation n’exige pas à tous les coups des difficultés économiques pré-sentes pour accueillir le motif économique tiré de la réorganisation de l’entreprise en vue de sau-vegarder sa compétitivité. L’employeur a ainsi la possibilité d’anticiper les difficultés économiques de l’entreprise.

Mais sous deux réserves : - il faut un lien entre anticipation des difficultés économiques et anticipation de la

gestion de l’emploi, dont on peut penser qu’il doit transparaitre à travers la décision de l’em-ployeur et à travers la motivation des juges du fond (s’ils ne veulent pas que leur décision soit cassée).

- les juges du fond sont tenus de s’expliquer précisément sur le risque pour la sauve-garde de la compétitivité auquel l’entreprise se serait exposée si elle n’avait pas procédé à des licenciements en l’absence même de difficultés économiques présentes.

L’employeur qui veut prononcer le licenciement pour ces motifs dispose d’une marge d’ap-préciation non négligeable pour une autre raison qu’on découvre à la lecture d’une autre décision, à l’origine d’abondants commentaires, rendue cette fois par l’assemblée plénière de la Cour de cassation : Ass. Plen. 8 déc. 2000, arrêt SAT.

Le contentieux est complexe : dans cette décision la Cour considère que dès l’instant où il est établi que la réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise (ou du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise), il n’appartient pas au juge de contrô-ler le choix effectué par l’employeur entre les différentes solutions qui s’offrent à lui pour sauve-garder cette compétitivité. Pourtant il n’est pas rare (lorsque cela concerne la survie d’un site de production) que des solutions impliquent d’avantage de licenciements que telle autre solution.

En l’espèce l’employeur avait choisi de fermer purement et simplement tout le site de pro-duction plutôt que de le maintenir en licenciant un certain nombre de salariés. Peu importe, dit la jurisprudence, que l’employeur choisisse une solution qui entrainera le plus grand nombre de li -

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cenciements s’il est avéré que cette solution s’inscrit dans le cadre d’une réorganisation de l’en-treprise en vue de sauvegarder sa compétitivité.

La chambre sociale de la Cour de cassation a emboité le pas à l’assemblée plénière dans un arrêt du 1è décembre 2002 rendu à propos de la fermeture d’un site de production. Il en res-sortait qu’il n’appartenait pas au juge de contrôler que la suppression du site était le seul moyen de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Ce choix relevait du pouvoir de gestion de l’em-ployeur. Une autre décision s’inscrit dans le sillage de celle-ci, Cass. 8 juil. 2009 , qui indique que le juge ne peut se substituer à l’employeur quant au choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation.

En quoi cette solution de l’arrêt SAT peut être critiquée.D’un point de vue technique la solution se heurte à l’objection suivante : est-il bien cohé-

rent d’admettre que le juge puisse justifier la mesure de réorganisation de l’entreprise par la né-cessité de sauvegarder sa compétitivité sans qu’il ait à rechercher en même temps s’il n’existait pas d’autres moyens d’assurer cette sauvegarde de la compétitivité que de fermer purement et simplement le site de production ? Comment peut-on soutenir sérieusement que les deux ques-tions peuvent ne pas être liées ? Le contrôle du juge se limite à un contrôle de raisonnabilité de la prise de décision.

Tout au plus il appartient au juge de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi envisagées par l’employeur (arrêt 8 juil. 2009).

Conformément à la loi fondatrice du 13 juil. 1973 le juge doit contrôler le caractère sé-rieux de tout motif de licenciement, donc aussi de tout motif économique. => Ø contrôle de pro-portionnalité

C’est pourtant un tel contrôle de proportionnalité qui serait le témoignage sans équivoque que la Cour de cassation exerce un contrôle sur la cause sérieuse du licenciement.

Finalement, en refusant de se prononcer sur les choix stratégiques de l’employeur, la Cour de cassation rappelle implicitement que c’est l’employeur qui assume économiquement et finan-cièrement ses choix. On peut se demander si la Cour de cassation ne fait pas bien peu de cas d’un droit à valeur constitutionnelle (préambule 1946), c'est-à-dire du droit à l’emploi.

Il ressort d’un arrêt Cass. 16 déc. 2008 que la réorganisation de l’entreprise peut être également justifiée par des difficultés économiques ou des mutations technologiques. On retrouve là les dispositions légales. En conséquence, c’est uniquement si la réorganisation de l’entreprise n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou des mutations technologiques que la réorga-nisation doit avoir été en vue de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.

Petit rappel de la question de l’énonciation du motif de licenciement dans la lettre de licen-ciement : elle ressort d’un arrêt de la Cour de cassation. Lorsque la lettre de licenciement énonce comme motif la réorganisation de l’entreprise sans autre précisions alors la Cour de cassation incombe au juge du fond si la réorganisation était fondée ou résultait soit de difficultés écono-miques soit de mutations technologiques soit de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Cela ne suffit donc pas à caractériser que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le motif manque de précision.

L’adverbe « notamment » dans l’article L1233-3 a permis à la Cour de cassation de retenir parmi les raisons légales une autre raison encore : la cessation d’activité de l’entreprise.

2) La cessation de l’activité de l’entrepriseLa Cour de cassation a été à l’origine de deux arrêts en 2011 dont la portée est particuliè-

rement délicate à dégager mais avec lesquels on doit travailler. Jurisprudence antérieure. La Cour admettait que la cessation de l’activité de l’entre-

prise constituait un motif économique de licenciement. Réserve : à moins d’être due à une faute de l’employeur ou à une légèreté blâmable. Cass. 16 janv. 2001.

Jurisprudence de 2011. Les choses ont changé dans la mesure où la Cour de cassation s’est efforcée d’enfermer ce motif de cessation d’activités dans des limites plus étroites, dans

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l’hypothèse où le contentieux se noue au sein d’un groupe de sociétés. A cet égard il faut com-mencer par dire que deux situations peuvent se présenter. Il arrive que le salarié ait pour coem-ployeur deux sociétés faisant partie du même groupe.

1ère situation : le salarié est sous subordination juridique des deux sociétés. Ceci étant le plus souvent une seule société du groupe est son employeur.

La Cour de cassation s’est prononcée sur chacune de ces situations en cas de cessation de l’activité de l’entreprise. Tout d’abord il ressort d’un arrêt rendu Soc. 18 janv. 2011 que lorsque le salarié a pour coemployeur des entités faisant partie d’un même groupe, la cessation d’activité de l’une d’elle ne peut constituer une cause économique qu’à la condition d’être justifiée par des difficultés économiques, par une mutation technologique ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur du groupe dont relève ces entités.

Dans la situation visée, la cessation d ‘activité d’une des sociétés coemployeur ne suffit plus à elle seule à constituer un motif économique. En l’absence de faute de l’employeur ou de légèreté blâmable, il ressort que dans la situation visée la cessation d’activité d’une société ne suffit plus à elle seule à constituer une raison d’ordre économique au licenciement. Il faut en outre que la cessation d’activités de cette filiale ne résulte pas de choix stratégiques décidés au niveau du groupe mais qu’elle repose sur des difficultés économiques ou des mutations technologiques ou sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité étant ajouté qu’l y a là autant de raisons éco-nomiques dont l’existence devra s’apprécier au niveau du secteur d’activités de groupe dont re-lèvent les 2 sociétés coemployeurs.

Ainsi le sentiment qui domine c’est que la cessation d’activité de l’une des sociétés donc de l’entreprise ne fait plus figure de motif autonome de licenciement. Le fait que le salarié ait pour coemployeurs 2 sociétés du même groupe conduit la Cour à revenir sur le terrain des raisons d’ordre économique autres que la cessation d’activité.

2nde situation : le salarié n’a qu’une seule des sociétés filiales comme employeur. On au-rait pu penser que dans cette situation la Cour s’en tiendrait à sa jurisprudence. Or dans un arrêt Cass. 1 er fév. 2011 , il apparait que le raisonnement suivi par la Cour est plus subtil et plus perti-nent mais aussi plus délicat à cerner. En 1er lieu, la Cour prend ses précautions : elle indique que la cessation d’activités de l’entreprise doit être maintenue comme motif autonome de licencie-ment économique. Elle indique qu’en conséquence le juge ne peut, sans méconnaitre l’autonomie de ce motif déduire la faute ou la légèreté blâmable de l’employeur de la seule absence de diffi-cultés économiques. Tout comme à l’inverse le juge ne peut déduire l’absence de faute de l’exis-tence de difficultés économiques.

Ceci posé, ça n’empêche pas la Cour de préciser aussitôt qu’il n’est pas interdit au juge de prendre en compte la situation économique pour apprécier le comportement de l’employeur c'est-à-dire la cessation d ‘activités de la société. La Cour ajoute que dès l’instant où la décision de fer -meture de la filiale avait été prise par le groupe non pas pour sauvegarder sa compétitivité mais pour réaliser des économies et améliorer sa propre rentabilité au détriment de la stabilité de l’em-ploi, les juges du fond ont pu en déduire que l’employeur avait agi avec une légèreté blâmable. Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Commentaire : cette décision donne un nouveau champ plus large à la légèreté blâ-mable. Par ailleurs la personnalité morale propre à la société filiale qui cesse son activité ne fait pas obstacle à la prise en compte par le juge des raisons pour lesquelles le groupe a pris la déci-sion de fermer la filiale, notamment la volonté d’accroitre sa rentabilité.

Dis autrement la qualité d’employeur de la société filiale qui cesse son activité ne déter-mine pas mécaniquement le périmètre d’appréciation de la légitimité de cette cessation d’acti-vité dès lors la cessation d’activité de la société filiale seule employeur ne sera accueillie comme motif économique de licenciement qu’à une condition, que le groupe, en fermant la filiale, n’ai pas eu pour finalité d’accroitre sa rentabilité.

Là aussi il y aurait énormément de commentaires à faire, on comprend le sens général de cette solution, il n’empêche qu’elle rencontre un certain nombre de difficultés ou d’objections sur le plan technique, pour n’en prendre qu’une, un problème qui intéressait les spécialistes des droits civils, ce qui ressort de cette solution, pour reprendre les termes de la cour, c’est l’em-

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ployeur qui avait agi avec une légèreté blâmable, à la tête de la société qui a cessé l’activité, alors que tout le raisonnement qui surplombe qui dit que c’est la le groupe tout entier qui a déci-dé de sacrifier une filiale pour accroitre la rentabilité. Cela soulève des problèmes d’imputabilité : car au bout du compte on se demande comment pourrait-on engager la responsabilité d’autres personnes que l’employeur quand la fermeture n’est que le résultat de la politique du groupe. Le groupe n’a pas la personnalité juridique cependant, le groupe c’est une addition de plusieurs so-ciétés juridiquement distinctes. Alors comment engager la responsabilité du groupe ? On pourrait alors engager la responsabilité de la direction du groupe ? Mais est-ce qu’on peut engager la res-ponsabilité du groupe et également de l’employeur. Au bout du compte celui qui est considéré comme ayant agi avec une légèreté blâmable, c’est l’employeur de la société qui a fermé. C’est comme si la Cour disait à cet employeur : il ne tenait qu’à vous de résister, vous n’aviez qu’à ré-sister à cette politique de rentabilité extrême du groupe dont la société constituait la filiale. On ne peut qu’approuver la Cour de vouloir ériger une digue à cette obsession folle de la rentabilité  ; même si le raisonnement juridique prête à discussion.

C) La définition du licenciement pour motif économiqueLoi de modernisation sociale, 17 janv. 2002, la définition introduite par cette loi s’est

heurtée à la censure du Conseil constitutionnel. Le licenciement pour motif économique n’était reconnu qu’en cas de difficultés économiques sérieuses et n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen ou en cas de mutation technologique mettant en cause la pérennité de l’entreprise ou encore en cas de nécessité de réorganisation de l’entreprise indispensable à la sauvegarde de la compétitivité. Le législateur s’est efforcé de resserrer les conditions requises pour qu’un licen-ciement soit considéré comme reposant sur une cause économique.

Cette nouvelle définition est apparue au Conseil constitutionnel comme trop restrictive. Dans une décision du 12 janv. 2002 le conseil constitutionnel a estimé qu’au total le cumul des contraintes que cette définition fait peser sur la gestion d’entreprise a pour effet de ne per-mettre de licencier que si sa pérennité est en cause. Dès lors le Conseil constitutionnel considère que le législateur a porté à la liberté d’entreprendre, ainsi à valeur constitutionnelle une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi de maintien de l’emploi. Cette défini-tion issue de la loi de 2002 est déclarée non conforme à la Constitution.

La conclusion du Conseil constitutionnel fut à l’origine de réactions vives de la doctrine, louanges et critiques. Est-il aussi inconcevable que le laisse à penser le Conseil constitu-tionnel d’exiger, comme le suggérait la définition adoptée par la loi de 2002 que la pé-rennité de l’entreprise soit en cause pour admettre qu’un licenciement pour motif éco-nomique soit justifié ?

Au nom de la protection constitutionnelle assurée à la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel en arrive à faire barrage à l’action de l’Etat dans le domaine de la protection de l’emploi. Et il en arrive à faire obstacle à l’action de l’Etat alors même qu’à l’heure de la mondiali-sation des échanges les marges de manœuvre de l’Etat sont aujourd’hui très affaiblies. On peut presque faire le reproche au conseil constitutionnel de l’affaiblissement de ces marges alors que le droit à l’emploi est un principe à valeur constitutionnelle.

§2. Les causes immédiates du licenciement : la cause matérielle qui affecte les emploisL1233-3 : dans tous les cas pour qu’il y ait licenciement l’emploi ou le contrat de travail

doivent avoir été affectés. A) Le motif économique résultant d’une suppression d’emploi

Mercredi 09 novembre 2011Cette hypothèse peut recouvrir le cas où les licenciements ont entrainé une diminution du

nombre global des emplois occupés dans l’entreprise donc une réduction des effectifs globaux de l’entreprise. Mais la suppression d’emploi n’aboutit pas forcément à cette situation. Il arrive que l’employeur supprime des emplois pour les remplacer par des emplois nouveaux et différents. Même si dans ce cas les effectifs globaux sont restés stables il y aura bien eu suppression d’em-ploi. Dans les deux cas, il convient que la suppression d’emploi soit effective : que le poste occupé par le salarié licencié n’ait pas été occupé par la suite par un autre salarié. L’employeur ne doit

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pas avoir remplacé le salarié licencié par une autre personne sur le même poste. Exemple   : des employeurs qui remplacent des CDI en recourant de manière systématique à des CDD sans sup-primer effectivement les emplois occupés par les employés en CDI.

Autre hypothèse : Le poste est supprimé mais les tâches du poste sont reprises par un ou plusieurs salariés de l’entreprise en plus de leur tâche propre. Est-ce qu’il y a suppression d’em-ploi ? Réponse affirmative de la Cour de cassation. Il y a également suppression d’emploi quand l’employeur fait exécuter le travail par un membre de sa famille à titre bénévole.B) Le motif économique résultant d’une transformation d’emploi

C’est différent d’une suppression d’emploi parce que le poste de travail demeure mais en raison de l’introduction de nouvelles technologies ou d’une nouvelle forme d’organisation du tra-vail dans l’entreprise, certains aspects importants du poste sont transformés. C’est dire qu’une transformation d’emploi équivaut normalement à une transformation du poste de travail.

Le poste de travail parait comprendre deux éléments essentiels : une tâche à accomplir et une certaine place dans l’organigramme de l’entreprise. Si ces éléments sont profondément chan-gés il y aura transformation de poste et donc transformation d’emploi de nature à donner lieu à un licenciement pour motif économique s’il est impossible d’affecter le salarié au poste transfor-mé.

C) Le motif économique résultant d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel du contrat de travail

Dans cette hypothèse l’emploi n’est ni supprimé ni transformé. Le poste de travail subsiste mais il reste le même. Dans cette hypothèse certains éléments essentiels du contrat de travail vont être modifiés. Exemple   : réduction de la rémunération, changement du lieu de travail, dimi-nution de la durée du travail. La Cour de cassation qualifie cette situation comme une modifica-tion du contrat de travail. Formulation actuelle de la loi : modification d’un élément essentiel du contrat de travail.

Conformément à cet article, si un salarié refuse une modification d’un élément essentiel de son contrat de travail et si l’employeur ne veut pas poursuivre le contrat aux conditions initiales alors le contrat sera rompu, la rupture s’analysant comme un licenciement. Dès l’instant où la modification apportée au contrat (refusée par le salarié) est consécutive à des raisons d’ordre économique le licenciement qui en résultera est un licenciement pour motifs économiques.

§3. Le devoir d’adaptation et l’obligation de reclassementIl y a là une nouvelle exigence requise pour que le licenciement repose sur une cause éco-

nomique légitime. Elle apparait pour la 1ère fois dans un arrêt Cass. Soc. 25 fév. 1992, EXPO-VIT. Dans cette affaire un salarié avait été embauché comme responsable du fichier client infor-matique. Puis elle est licenciée pour suppression de poste. La salarié prétend que son licencie-ment est injustifié en invoquant que 10 jours après son licenciement l’employeur avait recruté une facturière. En l’espèce on ne pouvait pas nié qu’il y avait bien eu suppression d’emploi.

Malgré tout un peu contre toute atteinte l’arrêt EXPOVIT va tout de même estimé que le licenciement ne reposait pas sur une cause économique. La Cour cassation pose un principe géné-ral : « l’employeur a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois ». Fondement du devoir d’adaptation : la Cour de cassation prend appui sur le droit civil, le droit commun des contrats, Art. 1134, al 3. Elle rattache ce devoir à l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. Les magistrats sont guidés par l’idée générale selon laquelle la loyauté contractuelle comporte en matière de contrat de travail le devoir pour l’employeur de tout faire afin d’éviter les licenciements.

Ensuite la Cour de cassation a estimé que  l’employeur, plutôt que de licencier la respon-sable du fichier client, aurait pu la reclasser dans l’emploi vacant de facturière, compatible avec ses capacités sans faire appel à une nouvelle recrue. La Cour de cassation fait naitre ainsi à la charge de l’employeur une obligation de reclassement dont le succès a été consacré tout comme le devoir d’adaptation par une loi du 17 janvier 2002, loi de modernisation sociale qui n’a pas été censurée par le Conseil constitutionnel.

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Deux arrêts rendus le 2 avril et le 8 avril 1992 dans la foulée d’EXPOVIT, la loi de 2002 n’énonce que l’employeur « est tenu d’une obligation de reclassement impliquant qu’il propose au salarié des emplois relevant de la même catégorie ou des emplois équivalents s’il y en a ». Etant précisé que depuis une loi du 18 mai 2010 le reclassement doit être assorti d’une rémunération équivalente.

Mais la loi de 2002 va encore un peu plus loin puisqu’elle indique qu’à défaut d’emploi de même catégorie ou d’emplois équivalents, l’employeur doit offrir au salarié des emplois vacants de catégories inférieures au besoin par voie de modification du contrat de travail, sous réserve de l’accord exprès du salarié. En cas de refus de la modification résultant du fait qu’on lui a proposé un emploi de catégorie inférieure, l’employeur pourra procéder à un licenciement pour motif éco-nomique. Les offres de reclassement doivent être précises et écrites.

Il ressort en outre de la jurisprudence d’une part que, sauf fraude, les possibilités de re-classement s’apprécient au plus tard à la date du licenciement, d’autre part que l’employeur ne peut limiter ses offres de reclassement en fonction de la volonté présumée du salarié d’en refuser certaines offres Arrêt du 25 oct. 2009.

Il faut comprendre que le devoir d’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois reconnu dans l’arrêt EXPOVIT, est étroitement lié à l’obligation de reclassement. Le devoir d’adap-tation est imbriqué dans l’obligation de reclassement, en ce sens que si l’emploi ou le salarié peut être reclassé, nécessite une adaptation, l’employeur doit proposer au salarié une formation. C’est dire que la mise en œuvre de l’obligation de reclassement implique corrélativement d’assurer l’adaptation des salariés étant entendu que l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur n’est pas seulement reconnue en cas de suppression d’emploi ou de transformation d’emploi elle l’est aussi en cas de modification essentielle du contrat de travail refusée par le salarié.

Principe. Il faut noter également que l’obligation de reclassement doit être mise ne œuvre par l’employeur non seulement dans l’entreprise au sens strict mais aussi dans un groupe de so-ciétés si l’entreprise y appartient, l’obligation de reclassement doit être mise en œuvre dans le groupe de société Soc. 5 avril 1995, Vidéo color. Il résulte de cet arrêt que lorsqu’une entre-prise appartient à un groupe de société les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploita-tion leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Limite. Cette exigence connait toutefois une limite importante qui ressort d’un arrêt Cass. 13 janv. 2010. Elle nous dit que dans un groupe de sociétés l’obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé tout comme l’obligation d’élaborer un plan de sauve-gardes de l’emploi à l’intérieur duquel on trouve un plan de reclassement n’incombe qu’à l’em-ployeur c'est-à-dire à la société du groupe qui a embauché les salariés dont le licenciement est envisagé. En conséquence, « une société relevant du même groupe que l’employeur n’est pas en cette seule qualité débitrice envers les salariés qui sont au service de l’employeur d’une obliga-tion de reclassement ».

Les mesures de reclassement proposées par l’employeur n’emportent aucune obligation à la charge du salarié menacé de licenciement pour motifs économiques. Arrêt important : Cass. 29 janv. 2003 , la cour a estimé que le salarié menacé de licenciement pour motif économique est en droit de refuser les mesures de reclassement proposées. L’employeur ne saurait prendre appui sur la décision du salarié pour prononcer un licenciement pour faute. Si c’était le cas le li -cenciement sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse. Pour autant l’employeur pourra prononcer un licenciement pour motif économique. Le salarié a donc aussi un droit au non reclas-sement.

Cette observation et ce devoir connaissent une limite et une contrepartie : le reclassement et le devoir d’adaptation en droit civil s’analysent comme des obligations de moyens et non pas comme des obligations de résultat de sorte que si un salarié n’est pas parvenu en définitive à s’adapter aux différents postes proposés ou si le salarié n’a pas les qualités nécessaires pour ten-ter l’adaptation le licenciement prononcé sera en principe justifié.

Contrepartie du devoir d’adaptation : le salarié qui a accepté le reclassement, il est dans l’obligation d’accepter la formation jugée nécessaire à son adaptation.

S’il refuse un licenciement potentiel serait justifié.

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Dernière remarque. Le devoir d’adaptation n’absorbe pas l’obligation générale de forma-tion qui incombe à l’employeur. Le devoir d’adaptation reconnu pour la 1ère fois par la Cour de cassation par l’arrêt EXPOVIT et consacré par la loi de 2002 s’entend comme un devoir d’adap-tation des salariés à l’évolution de leurs emplois quand l’employeur entend prononcer un licenciement pour motif économique. Il doit tout faire pour éviter de prononcer des licenciements.

Si l’employeur ne respecte pas ce devoir, le licenciement sera sans cause réelle et sé-rieuse. Il ressort d’un arrêt Cass. 23 oct. 2007, que le devoir d’adaptation dont nous venons de parler se double d’une obligation plus générale pour l’employeur d’assurer tout au long de l’exé-cution du contrat de travail « l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au main-tien de leurs capacités à occuper un emploi ». Terminologie importée du droit communautaire : on parle d’employabilité.

La Cour de cassation tire cette obligation des dispositions du code du travail relatives à la formation professionnelle et plus largement de l’alinéa 3 de l’article 1134 du code civil, l’exécu-tion du contrat de bonne foi. La portée de cet arrêt c’est de considérer que le manquement de l’employeur à cette obligation générale d’adaptation entraine pour la Cour de cassation un « pré-judice distinct  de celui résultant de la rupture du Contrat de travail ». Il peut donner lieu à des dommages et intérêts propres en plus des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. O~o~O~o~O

En guise de conclusion, on peut faire trois séries d’observation.

1) Les différents éléments de la notion de licenciement pour motif économique soient réunis.

- Licenciement pour un motif non inhérent à la personne du salarié- Le licenciement doit avoir pour cause première des raisons d’ordre économique

• difficultés économiques• mutations technologiques• réorganisation de l’entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité• cessation de l’activité de l’entreprise

- Ces raisons d’ordre économiques doivent avoir conduit • soit à une suppression d’emploi• soit transformation d’emploi• soit une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, refusée

par le salarié4

- Pour qu’il y ait licenciement pour motif économique, celui-ci doit être prononcé après que l’employeur ait rempli son obligation de reclassement avec le devoir d’adaptation cor-rélatif à ce reclassement5.

2) il peut y avoir des situations de concours de motifs économiques et de motifs person-nels. Dans ce cas l’orientation générale de la Cour de cassation est la suivante : c’est la cause 1ère

et déterminante qui doit être prise en considération pour qualifier le licenciement. Parfois la co-existence de motifs économiques et personnels se présente de manière délicate et il n’est pas aisé de déterminer la cause première et déterminante.

3) Logiquement la définition du licenciement pour motifs économiques doit permettre de qualifier de licenciement comme étant ou n’étant pas un licenciement pour motif économique. C’est ce qu’on appelle la cause économique. La question se pose de savoir si le motif économique avancé par l’employeur ait constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. C’est ce qu’on appelle la cause économique justificative, et non plus qualificative.

4 Un lien de causalité doit exister entre les diverses manières dont l’emploi a été affecté et les raisons d’ordre économique à l’origine du licenciement comme l’énonce expressément le texte de loi par le terme « consécutive ».

5 Dire cela c’est dire que pour qu’il ait licenciement pour motif économique il doit être éta-bli que le reclassement et adaptation ne sont pas possibles : idée du licenciement comme ultime recours.

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Or pendant longtemps on a pu observer que la Cour de cassation traitait de manière indis-tincte ces deux causes. On a pu observer que les deux appréciations se télescopaient. Dans de très nombreux arrêts, la Cour de cassation utilisait la formule : «  le licenciement ne repose pas sur une cause économique ». Ce qui est apparu à travers de nombreuses décisions, il fallait en-tendre tantôt que la cause du licenciement n’était pas économique tantôt que la cause écono-mique du licenciement n’était pas réelle et sérieuse.

Ça a été la cause d’analyses doctrinales, du coup la Cour de cassation essaie de mieux marqué la distinction entre cause économique justificative et cause économique qualifica-tive. Cass. 14 mai 1997. En l’espèce il y avait eu une modification du contrat de travail. La Cour de cassation énonce de manière générale : « constitue un licenciement pour motifs écono-miques la rupture du contrat de travail résultant d’une modification du contrat refusé par le sala-rié et décidé par l’employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié ». La solution doit être étendue aux hypothèses où la rupture du contrat de travail résulterait d’une suppression d’emploi ou d’une transformation d’emploi.

On peut donc considérer que constitue un licenciement économique la rupture du contrat de travail causée par une modification du contrat dans un de ses éléments essentiels refusés par le salarié, ou résultant d’une suppression d’emploi ou de transformation d’emploi pour un motif non inhérent à la personne du salarié. Si les causes immédiates de licenciement ne s’ex-pliquent pas par le comportement personnel du salarié alors le licenciement est un licenciement pour motifs économiques. La cause qualificative est vérifiée.

Pour autant il ressort également de cette même décision du 14 mai 1997 que si les rai-sons d’ordre économique à l’origine du licenciement ne sont pas avérées alors le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Ou la cause économique justificative n’est pas vérifiée.

Sachant qu’il en ira de même si l’employeur n’a pas accompli son obligation de reclasse-ment, dans ce cas également la cause économique justificative ne sera pas vérifiée.

Pourquoi insister sur cette distinction entre cause économique qualificative et justificative ? Quel est l’enjeu ? Cet enjeu il ressort par exemple d’une manière immédiatement tangible dans un arrêt de la Cour de cassation du 14 fév. 2007, que le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, n’enlève pas au licenciement sa nature juridique de licenciement économique. Conséquences : le salarié peut prétendre aux mesures prévues dans le plan social alors même que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

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Mardi 15 novembre 2011

Section 2. Les procédures de licenciement pour motifs écono-miques

Il faut dans tous les cas retenir qu’il vaut mieux parler de procédures dans la mesure où les règles varient en fonction du volume des licenciements projetés, il faut distinguer selon qu’on se trouve en présence d’un licenciement individuel pour motif économique ou bien de ce qu’on ap-pelle un petit licenciement collectif pour motifs économiques, c'est-à-dire un licenciement de 2 à 9 salariés sur une période de 30 jours. Ou encore en présence d’un grand licenciement pour mo-tifs économiques, c'est-à-dire de 10 salariés et plus sur une période de 30 jours.

On distingue trois étapes dans la procédure :- intervention des représentants du personnel (le comité d’entreprise s’il existe)- intervention de l’administration, tandis que depuis une loi de 1986 l’autorisation

administrative de licenciement a été abolie. Ça ne prend plus la forme d’une autorisation.- formalités qui intéressent chaque salarié pris individuellement.

Remarque sur l’intervention du comité d’entreprise : cette intervention ne se traduit par des obligations contraignantes à l’encontre de l’employeur qu’en cas de grand licenciement col-lectif pour motifs économiques. C'est-à-dire 10 salariés et plus sur une période de 30 jours.

Illustration de ces obligations contraignantes : l’employeur sera tenu d’informer et de consulter le comité d’entreprise sur les licenciements envisagés. Cela devra prendre la forme de plusieurs réunions successives du comité selon des délais précis légaux, enfin le comité pourra faire appel à un expert comptable à l’occasion de cette consultation.

Des contentieux complexes ont vu le jour par rapport cette procédure. Idée à retenir : ces contentieux témoignent du fait qu’une partie au moins des règles concernant le licenciement pour motif économique renvoie à ce qu’on peut appeler un processus décisionnel dans lequel l’in-tervention du comité d’entreprise va jouer un rôle important.

Autrement dit le droit du licenciement pour motifs économiques c’est d’abord le droit des licenciements pour motifs économiques envisagés par l’employeur et cette idée renvoie à l’idée du processus décisionnel qui va se dérouler pendant un certain laps de temps.

Il faut aussi retenir que l’obligation de convoquer un salarié à un entretien préalable de licenciement s’applique en cas de licenciement individuel pour motif économique mais aussi en cas de petit licenciement collectif pour motif économique et enfin en cas de grand licenciement pour motif économique lorsqu’il n’existe pas de représentant du personnel dans l’entreprise, ce qui revient à dire qu’en cas de grand licenciement collectif pour motif économique, quand il existe un représentant, l’employeur n’a pas à convoquer chaque salarié à un entretien préalable.

Section 3. Les mesures d’accompagnement du projet de licencie-ment et la détermination des salariés licenciés

Les mesures d’accompagnement du projet du licenciement :Celle-ci doit souvent se présenter sous la forme d’un ensemble de mesures qu’on qualifie

de plan social qui a été rebaptisé « plan de sauvegarde de l’emploi » depuis une loi de moderni-sation sociale, du 17 janv. 2002. Ce plan occupe une place centrale dans le droit du licencie-ment collectif pour motif économique. Ceci étant il y a d’autres mesures d’accompagnement du projet de licenciement tel que le contrat de sécurisation professionnelle.

La détermination des salariés licenciés :Ça signifie au bout du compte, à l’issue de ce processus, comment va-t-on déterminer

quels seront les salariés qui seront sacrifiés ? C’est la question de l’ordre des licenciements, qui doit être établi.

§1. Le plan de sauvegarde de l’emploiA) Champ d’application

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L’employeur a l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi dans les entreprises d’au moins 50 salariés et lorsqu’il envisage de prononcer des grands licenciements collectifs pour motif économique. C'est-à-dire 10 salariés et plus sur une période de 30 jours.

Concernant le champ d’application du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), jusqu’à il y a peu de temps on s’en tenait à quelques affirmations, mais cette simplicité a été bouleversée à raison d’une nouvelle donne. Cette nouvelle donne a été la création par le législateur en 2008 d’un mode original de rupture du contrat de travail, distinct du licenciement qu’on appelle la rup-ture conventionnelle du contrat de travail.

Cette rupture a été à l’origine d’un contentieux très délicat portant sur le champ d’applica-tion du PSE. La question soumise à la cour de cassation a été la suivante : est-ce qu’il convient d’exclure les ruptures conventionnelles de l’appréciation du seuil de salariés déterminant l’obliga-tion pour l’employeur d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi et déterminant aussi son obliga-tion d’information et de consultation du comité d’entreprise.

La Cour de cassation a répondu Cass. 9 mars 2011, elle a estimé que les ruptures conventionnelles du contrat de travail ne doivent pas être nécessairement exclues de l’apprécia-tion de ce seuil. Pour parvenir à cette solution la Cour de cassation prend essentiellement appui sur un accord collectif qui avait été conclu entre le patronat et les principales confédérations syndicales le 11 janv. 2008, car il est à l’origine de la création de la rupture conventionnelle du contrat de travail qui a été consacré par la loi du 25 juin 2008. Or l’accord collectif contient une clause selon laquelle « les ruptures conventionnelles ne doivent pas porter atteinte aux procé-dures de licenciement collectif pour motif économique engagées par l’entreprise ». Dans cette décision la Cour prend également appui sur une directive communautaire relative au licenciement collectif pour motif économique sur laquelle la Cour s’est également appuyée.

La Cour de cassation estime alors que les ruptures conventionnelles « lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles consti-tuent une des modalités, doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’informa-tion et de consultation du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de PSE ».

Autrement dit lorsque les conditions énoncées par la Cour sont réunies alors les ruptures conventionnelles doivent être intégrées dans le décompte des ruptures de contrat de travail pour motif économique qui sont envisagées afin d’apprécier si le nombre de ces ruptures porte sur 10 salariés et plus sur une période de 30 jours.

On a constaté depuis la loi de 2008 que les employeurs procédaient souvent à des mon-tages, p. ex. si un employeur envisage le licenciement de 50 salariés, il passe par la voie de la rupture conventionnelle pour 41 salariés et pour les 9 autres il dit qu’il envisage de licencier pour motif économique dont pas tenu de faire un PSE ou de consulter de manière sérieuse le comité d’entreprise. La Cour de cassation refuse cela.

La solution est loin de lever toutes les interrogations. Assurément il y aura à nouveau contentieux délicat sur cette question. L’articulation de la rupture conventionnelle et du licencie-ment collectif pour motif économique est loin d’être aujourd’hui totalement claire.

Une incertitude subsiste sur les circonstances exactes dans lesquelles des ruptures conventionnelles du contrat de travail seront considérées comme ayant une cause économique.

Même s’il est intégré dans le nombre \\ au seuil, il reste que la rupture conventionnelle demeure un mode spécifique de rupture du contrat de travail. D’une part elle ne prend pas la forme d’un licenciement, et d’autre part il ressort de la loi de 2008 que les dispositions relatives au licenciement pour motif économique ne sont pas applicables à la rupture conventionnelle du contrat de travail. Les salariés qui ont signé les conventions de rupture, est-ce qu’ils peuvent bé-néficier des avantages contenus dans le PSE ?

B) Finalités du plan de sauvegarde de l’emploi art. L1233-61 énonce que le PSE a pour finalité d’éviter les licenciements ou d’en limi-

ter le nombre et de faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne peut être évité « notamment le licenciement des salariés âgés ou qui présentent les caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur insertion professionnelle particulièrement difficile ». Depuis une loi du 27 janv. 1993 le plan de sauvegarde de l’emploi doit comprendre un plan de reclassement

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visant spécialement au reclassement des salariés, il doit être intégré au plan de sauvegarde de l’emploi consacré au reclassement proprement dit. Il doit prévoir des actes tels que des actions de reclassement internes à l’entreprise mais aussi des actions de reclassement externes.

La loi ne fait que confirmer une jurisprudence Expovit de 1992 par laquelle est née le devoir d’adaptation et l’obligation de reclassement. Cette jurisprudence garde par elle-même tout son intérêt car l’obligation de reclassement d’origine jurisprudentielle pèse sur l’employeur quel que soit la taille de l’entreprise et quelque soit le nombre de salariés dont le licenciement est en-visagé.

La loi de reclassement externe de 1993 vise à faciliter l’embauche avec un autre em-ployeur sans rapport juridique avec celui qui licencie. Parmi les mesures que peut prévoir le plan de reclassement la loi de 1993 cite des créations d’activités nouvelles, des actions de formation ou de conversion, des mesures d’aménagement ou de réduction de la durée du travail. Ce qui anime cette loi dd 1993, on peut dire que ce texte entend remédier au caractère très décevant du plan social qui avait été prévu dans une loi antérieure de 1989. Sur la base de ce que prévoyait la loi de 1989 on a constaté que les entreprises avaient mis en place des plans sociaux maigres et bâclés sans recherche d’obligation de reclassement. Une enquête a été faite et il en ressortait qu’on trouvait essentiellement dans les plans sociaux des incitations financières au départ volon-taire, au préretraite parfois de simples propositions d’aide à la rédaction de CV, et parfois de simples indications quant à la manière de se rendre à l’ANPE.

Les choses ont changé depuis la loi de 1993, les plans sociaux doivent obéir à une orien-tation plus précise. La Cour de cassation l’a parfaitement compris, elle s’est attachée à donner toute sa portée à la loi de 1993 en posant, concernant le contenu du PSE certains principes direc-teurs qui ont fait l’objet de vives contestations doctrinales.

C) Contenu du plan de sauvegarde de l’emploiEt particulièrement le contenu du reclassement, en cette matière la jurisprudence de la

Cour de cassation a été déterminante Cass. 17 mai 1995, EVRITE, que le PSE et en particu-lier le plan de reclassement ne saurait être un catalogue de vagues intentions. Il doit contenir des engagements précis. Les mesures inscrites dedans doivent donner une indication sur le nombre et sur la nature des emplois qui peuvent être proposés en reclassement. Autre décision : Cass. Soc. 19 fév. 1997, encore plus rigoureuse. Il en ressort que le plan de reclassement intégré dans le plan de sauvegarde de l’emploi est tenu d’indiquer avec précision les catégories professionnelles concernées par le licenciement et les postes de reclassement qui leur sont proposés. Idée : obli-ger l’employeur à établir une relation entre les catégories et les postes proposés.

Les mesures destinées à faire quitter la vie professionnelle au salarié sont exclues des me-sures prises en compte pour apprécier la validité d’un plan de reclassement, p. ex. les conven-tions de préretraite, les primes de départ. Elles ne tendent pas à reclasser les salariés.

Principe posé par un arrêt Cass. 30 sept. 1997, réaffirmé depuis, que le PSE doit être proportionné aux moyens de l’entreprise. Il en découle que les mesures prévues par la loi à titre d’exemple n’ont pas un caractère strictement obligatoire. En d’autres termes, l’analyse par les juges du fond du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et particulièrement du plan de sau-vegarde de l’emploi devra intégrer la situation propre à l’entreprise. P. ex. le contrôle du juge sur le PSE sera différencié selon la taille de l’entreprise ou selon que l’entreprise est déclarée ou non en redressement judiciaire. Il arrive en effet que le PSE évite de prononcé de la liquidation judi-ciaire. Cette jurisprudence a été consacrée dans la loi du 17 janv. 2002, de modernisation so-ciale. Il faut souligner que le contrôle des juges s’étend également à la situation du groupe auquel appartient l’entreprise, sachant que la prise en compte par le juge du groupe dans lequel s’insère l’entreprise se heurte à une limite : selon un arrêt Cass. 13 janv. 2010, dans un groupe de socié-tés, l’obligation de reclasser les salariés et l’obligation de PSE correspondant au moyen du groupe, cette double obligation n’incombe qu’à l’employeur à l’employeur qui envisage un licen-ciement pour motifs économiques.

Ces obligations n’incombent qu’à la société du groupe qui a embauché le salarié dont le licenciement a été envisagé. Dès lors une société relevant du même groupe que l’employeur n’est pas en cette seule qualité débitrice envers les salariés dont le licenciement est envisagé d’une obligation de reclassement. La Cour précise que cette société relevant du même groupe ne ré-

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pond pas à l’égard des salariés licenciés des conséquences d’une insuffisance des mesures de reclassement prévues. Ultime mise au point : la Cour de cassation vérifie que les mesures conte-nues dans le plan de sauvegarde de l’emploi, particulièrement dans le plan de reclassement, qu’elles sont suffisamment solides, réelles. Elle vérifie la réalité des mesures du PSE. A supposer qu’un salarié licencié pris individuellement conteste son licenciement, le juge devra apprécier si dans le cas particulier de celui-ci, l’employeur a bien rempli son obligation de reclassement. Et donc, si, s’agissant du cas particulier de celui-ci, si le licenciement repose bien sur une cause éco-nomique légitime.

Exemple : une entreprise qui serait considérée comme présentant un PSE suffisant, avec un plan de reclassement consistant, et bien cette entreprise pourrait être néanmoins condamnée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’agissant d’un salarié ou de certains salariés seulement compris dans le licenciement collectif. Elle pourrait être condamnée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si le juge considère que l’employeur n’a pas accompli son obligation de reclassement en considération de la personne du salarié.

C’est une subtilité qu’il faut comprendre :- validité du PSE = ensemble de mesures organisées- se demander si s’agissant du licenciement de monsieur A, B ou C a bien rempli son

obligation de reclassement. C’est à ce prix que le licenciement sera considéré comme reposant sur une cause économique légitime.

D) Sanction d’un plan de sauvegarde de l’emploi non conforme : arrêt samari-taine et tempéraments issus de la loi du 18 janv. 2005

Problème compliqué : l’apport de la Cour de cassation a été décisif. Un débat, une discus-sion s’était ouverte sur la portée de l’ancien article L321-4-1  selon lequel la procédure de licen-ciement est nulle et de nul effet tant qu’un plan visant au reclassement des salariés n’est pas pré-senté par l’employeur aux représentants du personnel. La question qui a suscité débat est la sui -vante : la nullité de la procédure prévue dans ce texte entraine-t-elle la nullité des licenciements qui auraient été prononcés ? Pour certains, très attachés au texte, à une lecture assez étroite du texte, non. La lettre du texte, ont-ils soutenu vise la nullité de la procédure de licenciement, non pas la nullité du licenciement lui-même. Conséquence : en cas d’absence de plan de reclassement ou en cas de plan de reclassement insuffisant les salariés licenciés pourraient avoir droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et aussi à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où un licenciement ne peut pas être justifié en l’absence de plan de reclassement suffisant.

Mais d’autres commentateurs ont estimé au contraire qu’à partir du moment où les licen-ciements constituaient la phase ultime de la procédure, ils devaient être compris dans la nullité affectant la procédure en cas d’absence de plan de reclassement ou de plan de reclassement in -suffisant. Les commentateurs ne se privaient pas de prendre appui sur le texte lui-même : « et de nul effet » devait être interprété comme le fait que le licenciement devait être affecté à la nullité affectant la procédure elle-même.

Contre toute attente c’est cette position qui a été retenue Cass. Soc. 13 fév. 1997, SAMARITAINE. Elle estime qu’il résulte de l’article L321-4 que « la nullité qui affecte le plan social en raison de l’absence ou de l’insuffisance du plan de reclassement s’étend à tous les actes subséquents », et la Cour ajoute que « les licenciements prononcés par l’employeur qui consti-tuent la suite et les conséquences de la procédure de licenciement collectif sont donc eux-mêmes nuls ».

Attention : licenciement nul = les salariés pourront obtenir du juge d’être réintégrés dans l’entreprise. Ne pas confondre : avec un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui donne droit à une indemnisation.

Cette jurisprudence samaritaine a été retranscrite dans la loi du 17 janv. 2002, de mo-dernisation sociale. Mais la dite jurisprudence a été remise en cause partiellement par une loi du 18 janv. 2005.

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Mercredi 16 novembre 2011Il est désormais précisé dans cette loi que la nullité du licenciement ne peut être pronon-

cée si la réintégration du salarié est devenue impossible notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site ou de l’absence d’emploi disponible. La loi tempère la portée de l’arrêt samaritaine parce qu’il en ressort que la nullité ne pourra pas être prononcée lorsque la réintégra-tion du salarié est devenue impossible. Cette loi de 2005 laisse un doute quant à l’adverbe « no-tamment » qui laisse planer un doute quant à l’étendue des situations qui serait de nature à rendre la réintégration impossible. Il est précisé enfin par ce texte que lorsque le salarié ne de-mande pas sa réintégration ou que la réintégration est devenue impossible des juges doivent ac-corder au salarié une indemnité qui ne peut pas être inférieure au salaire des douze derniers mois.

Eclaircissement sur les circonstances dans lesquelles un contentieux comme celui de la Samaritaine est susceptible de voir le jour. Normalement si le plan de sauvegarde de l’emploi, notamment le plan de reclassement comporte de graves carences, s’il n’est pas consistant, il re-vient au comité d’entreprise de saisir immédiatement le juge des référés pour lui demander de suspendre la procédure en cours de licenciement pour motif économique sans attendre que les licenciements soient prononcés. C’est donc seulement si malgré la saisine du juge des référés l’employeur n’apporte pas au plan de reclassement les compléments et modifications demandés et s’il prononce malgré tout des licenciements alors c’est seulement alors qu’une action en justice pourra être attentée sur le fond afin d’obtenir du juge (et non plus du juge des référés) en raison de l’insuffisance du plan de reclassement une déclaration de nullité de la procédure, et une décla-ration de nullité des licenciements eux-mêmes. Sous réserve toutefois (loi de 2005) que la réinté-gration ne soit pas devenue impossible. A ce jour c’est une des propositions fortes du candidat du parti socialiste. Qui en vient à l’idée qu’il faut avoir plus la possibilité de saisir le juge des référés avant que les licenciements ne soient prononcés. C’est déjà comme ça aujourd’hui mais il faudrait trouver des moyens pour que ça soit encore plus simple aujourd’hui.

Mais cette sanction si forte soit elle, elle vient trop tard, et n’est pas vraiment de nature à inciter les employeurs à respecter à la lettre la procédure. C’est enfin une question d’une vive actualité.

Encore un mot sur la question des sanctions : quand le contenu du plan de reclassement est conforme aux exigences légales et jurisprudentielles mais que l’employeur n’a pas consulté ou informé régulièrement le comité d’entreprise, la seule sanction à laquelle il s’expose consiste en indemnisation aux représentants du personnel. Mais il en va différemment dans l’hypothèse où l’absence de consultation du comité d’entreprise par l’employeur a été soulevé devant le juge avant le terme de la procédure donc à un moment ou la dite procédure pouvait encore être sus-pendue et reprise, dans cette hypothèse si malgré tout l’employeur a prononcé des licenciements la Cour de cassation pourra considérer que la procédure est nulle et de nul effet Soc. 14 janv. 2003.

Les contestations susceptibles d’entrainer la nullité de la procédure pour motif économique en raison de l’insuffisance du plan de reclassement (donc nullité des licenciements) doit être sou-levée dans un délai de douze mois. Précision importante : Cass. 15 juin 2010, cette prescription de douze mois s’applique uniquement à la contestation de salarié par rapport à la validité d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

§2. Limites à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploiA) En cas de refus d’une modification de leur contrat de travail par moins de dix salariés

Dans deux arrêts rendus le 3 déc. 1996 FRAMATOME et MAJORETTE la cour de cassa-tion avait estimé qu’en cas de modification par l’employeur du contrat de travail de dix salariés et plus pour des raisons d’ordre économique, l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi et de consulter le comité d’entreprise s’imposait à l’employeur dès que cette modification des contrats de travail était envisagée et non pas simplement après le refus de cette modification des contrats par au moins dix salariés de cette modification.

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Quel était le raisonnement implicitement mené par la Cour de cassation pour parvenir à cette solution ? La Cour considérait que la proposition de modification du contrat de travail est nécessairement porteuse en elle-même d’une rupture en elle-même du contrat dès l’instant où l’employeur propose une modification du contrat de travail de 10 salariés et plus, il ne peut pas ne pas envisager les licenciements pour motifs économiques. Il doit consulter le comité d’entre-prise et établir un plan de sauvegarde de l’emploi dès qu’il propose la modification des contrats.

Ça a suscité deux appréciations divergentes en doctrine.

1ère appréciation très critique à l’encontre de la solution : si l’employeur sait à l’avance que plusieurs salariés vont accepter cette modification et que ce nombre sera inférieur à dix pour ceux qui la refuseront alors il n’est pas nécessaire d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi et une consultation lourde du comité d’entreprise.

2ème appréciation : une autre partie de la doctrine soutient que la décision des salariés auxquels est proposée une modification de leur contrat ne peut être vraiment éclairée que s’ils ont pris connaissance auparavant de l’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui doit no-tamment envisager le sort des salariés qui refuseraient la proposition et qui seraient licenciés.

La décision FRAMATOM et MAJORETTE fait écho à cette deuxième appréciation, mais cette jurisprudence est caduque depuis la loi du 18 janv. 2005, car il ressort de cette loi que désor-mais l’employeur n’est tenu d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi qu’après que 10 salariés au moins aient refusé la modification de leur contrat de travail. L’employeur n’est donc plus tenu dans l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi dès qu’il propose à 10 salariés et plus une modification de leur contrat.

L’employeur est donc admis aujourd’hui à attendre la réaction des salariés auxquels il pro-pose de modifier leur contrat en espérant qu’ils seront moins de dix à refuser cette modification ce qui le dispensera d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi et d’informer et de consulter de manière très contraignante le comité d’entreprise.

B) En cas de plan de départ volontaire excluant tout licenciement : absence de nécessité d’un plan de reclassement

On assiste depuis quelques temps dans les entreprises confrontées à des difficultés écono-miques à un étonnant fleurissement de ce qu’on appelle les plans de départs volontaires.

Dans un arrêt Cass. 26 oct. 2010, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question suivante : l’obligation pour l’employeur d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi comportant un plan de reclassement s’applique-t-elle lorsque l’employeur entend supprimer des emplois dans le cadre d’un plan de départs volontaires ? La Cour estime que dès l’instant où le plan de réduc-tion des effectifs exclue tout licenciement pour atteindre ses objectifs en termes de suppression d’emploi, un plan de reclassement d’emploi n’est pas nécessaire.

Explication de cette solution à travers une communiqué dans lequel la Cour de cassation énonce : « lorsque l’employeur exclu toute rupture prenant le forme d’un licenciement, la re-cherche d’un reclassement devient sans objets, et le plan de reclassement ne parait pas utile ».

D’abord quand la Cour dit qu’un plan de reclassement n’est pas nécessaire, de quoi parle-t-on ? Ce qui ne fait aucun doute c’est qu’un plan de reclassement interne n’est pas nécessaire car les salariés ont accepté à travers un consentement libre. Pour autant l’employeur n’est pas dispensé de créer un plan de sauvegarde de l’emploi, car il ne se confond pas avec le plan de re-classement, qui n’en est qu’une sous partie, comprenant des plans de reclassement externes : un plan de sauvegarde de l’emploi amputé d’un plan de reclassement interne. Voilà sans doute le sens de l’arrêt de 2010.

Les plans de reclassement interne : permet d‘éviter les licenciements ou d’en limiter le nombre.

Malgré cet effort d’éclaircissement du sens de l’arrêt, cette décision suscite de nom-breuses interrogations. Quelle force, quelle portée convient-il de donner à l’exclusion de tout li-cenciement du plan de réduction des effectifs ? À lire l’arrêt d’octobre 2010 là est la clef de l’ab-sence de nécessité d’un plan de reclassement interne. Si la Cour admet cette absence d’obliga-tion c’est que le plan de réduction exclue tout licenciement pour atteindre ses objectifs, il se tra-

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duit uniquement par ce fameux plan de départs volontaires ; si le plan de réduction des effectifs était assorti d’un certain nombre de licenciements, l’employeur aurait été tenu de faire un reclas-sement interne.

Force et portée de l’exclusion :- il faut comprendre vraisemblablement que l’employeur doit s’être engagé, on doit

être en présence d’un engagement unilatéral de l’employeur. Cette exclusion de tout licencie-ment lie l’employeur.

Sur quel laps de temps cet engagement doit-il porter ? Est-ce qu’on va admettre qu’un employeur habile procède par un plan de départs volontaires qui se traduit au mois de novembre 2011 par le départ de 500 salariés de l’entreprise sans établir de plan de reclassement interne, et en constatant que cet employeur dès le mois de décembre envisage de prononcer le licenciement pour motif économique d’un nombre conséquent de salariés ?

La Cour de cassation devra y répondre prochainement.

Les mesures d’accompagnement d’un projet de licenciement ne se limitent pas à un plan de reclassement. La loi prévoit comme autre mesure d’accompagnement du licenciement le contrat de sécurisation professionnelle, mais on ne le traitera pas du tout.

§3. L’ordre des licenciements A) critères légaux

L’employeur doit par consultation du personnel préciser mes critères retenus pour fixer l’ordre du licenciement.

Critères légaux : les critères retenus par l’employeur pour établir l’ordre de licenciements doivent prendre en compte notamment :

- les charges de famille- l’ancienneté des services- situation des salariés dont les caractéristiques sociales pourrait rendre la situation

sociale particulièrement difficile, notamment les personnes âgées ou handicapées.- les qualités professionnellesIl va de soi que l’employeur pour choisir les salariés licenciés ne saurait pas prendre appui

sur un motif discriminatoire prohibé.

B) La liberté de choix de l’employeur et ses limitesAprès avoir consulter le représentant du personnel l’employeur pourra décider de privilé-

gier tel ou tel critère plutôt que tel autre. En effet la Cour de cassation estime que l’article L1233-5 du code du travail n’a pas voulu hiérarchiser les critères qu’il énumère.

D’où une tendance qu’on observe souvent dans la pratique à privilégier le critère des quali-tés professionnelles dans l’ordre des licenciements, dont en principe l’employeur reste seul juge, sous une réserve tout de même : faire valoir des faits précis qui attestent la différence d’aptitude entre les salariés exposés au licenciement.

Pour autant cette faculté offerte à l’employeur de bouleverser et de modifier l’ordre légal des critères, elle se heurte à certaines limites posées par la Cour de cassation. Ainsi l’employeur ne saurait se référer à un seul critère, ce qui revient à dire que l’employeur ne peut au final privi-légier un des critères qu’après « les avoir pris en considération dans leur ensemble ». Aucun cri-tère ne saurait être exclu. Cette prise de considération par l’employeur de l’ensemble des critères légaux pourra le conduire soit à leur accorder une égale importance, soit à établir une hiérarchie entre eux, soit à mettre en œuvre une pondération. Ce qui est sûr c’est que le juge devra appré-cier si l’employeur non seulement a établi des critères pour l’ordre des licenciements mais s’il a bien fixé les critères retenus pour fixer cet ordre. Corolaire : l’employeur devra communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêté ses choix.

Enfin la Cour de cassation a précisé que ce ne sont pas seulement les salariés dont les postes de travail ont été supprimés qui peuvent être licenciés. Ce sont aussi les salariés occupant

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des emplois de même catégorie professionnelle à partir du moment où le choix des salariés licen-ciés est conforme aux critères retenus par l’employeur pour déterminer l’ordre de licenciement.

C) Sanctions Il faut retenir qu’un employeur qui ne fixe pas les critères de choix des salariés licenciés ou

bien un employeur qui ne respecte pas les critères qu’il a fixés adopte un comportement qui n’af-fecte pas le fond de la rupture du contrat de travail. Donc un comportement qui ouvre seulement droit à dommages et intérêts pour violation de l’article L1233-5 C.trav. calculés en fonction du préjudice effectivement subi. Dit autrement : le défaut de fixation par l’employeur des critères ou encore le non respect par l’employeur de ces critères n’a pas pour conséquence de rendre le li-cenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il reste que, comme l’a précisé la Cour de cassation, le préjudice subi par le salarié en rai-son de l’inobservation par l’employeur des règles de l’ordre des licenciements peut aller jusqu’à la perte injustifiée de son emploi hypothèse où le salarié n’aurait pas été licencié si les règles re-latives à l’ordre des licenciements avaient été respectées. Dans ce cas le préjudice doit être inté-gralement réparé : cela signifie que ce n’est pas parce que la réparation va consister en des dom-mages et intérêts souverainement appréciés par le juge qu’elle sera nécessairement plus mo-deste que la réparation prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Précision : la Cour de cassation a précisé que l’ordre des licenciements n’est dressé qu’au moment où les licenciements sont décidés et mis en œuvre. En conséquence : le plan de sauve-garde de l’emploi n’a pas à contenir la liste des salariés licenciés puisqu’à ce stade du plan de sauvegarde de l’emploi les licenciements sont simplement envisagés.

Chapitre 4. Les conséquences du licenciementSection 1. Le droit au préavis

Le préavis n’est pas dû en cas de faute grave ou en cas de faute lourde. La durée du pré -avis est en fonction de l’ancienneté du salarié.Ancienneté du salarié Durée du préavisEntre 6 mois et 2 ans 1 moisPlus de deux ans 2 mois- de 6 mois Cf. conventions collectives et usages

Si elles ne disent rien : pas de délai.

Effets du préavis : on distingue deux situations.- lorsque le préavis est exécuté, le contrat de travail se poursuit normalement pen-

dant le préavis. Mais il peut arriver que le préavis ne soit pas exécuté.

* si faute grave \ faute lourde* l’employeur dispose le salarié d’exécuter le préavis

Il faut savoir que le salarié aura droit alors à ce qu’on appelle une « indemnité compensa-trice de préavis » dont le montant est égal au salaire et aux avantages que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé.

Section 2. L’indemnisation du salarié licenciéMardi 22 novembre 2011

§1. L’indemnité de licenciement

Elle se justifie par le fait que le licenciement même régulier cause un préjudice au salarié : la perte de son emploi. Elle n’est pas due pendant la période d’essai. Elle exige deux conditions :- pas de faute grave ou faute lourde de la part du salarié- ancienneté minimale de un an depuis la loi du 25 juin 2008 alors qu’avant elle était de deux ans

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Cette loi a modifié le montant de l’indemnité : elle est calculée pareillement en cas de motifs per-sonnel ou économique, son montant ne peut pas être inférieur à 1\5 de mois de salaire par année d’ancienneté.

§2. L’indemnité compensatrice de congés payésElle est attribuée en compensation des congés qu’il n’a pas pu prendre et qu’il a acquis

proportionnellement à son temps de travail dans l’entreprise. Il ne faut pas que le salarié ait com-mis de faute lourde.

Mise au point : les différentes indemnités sont cumulatives. D’autre part elles se cumulent également avec les dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou en cas de licenciement irrégulier pour non respect de la procédure.

Section 3. Les formalités afférentes au règlement de la situation entre les parties

Lorsque les parties se quittent elles doivent procéder à la remise de deux documents :- le certificat de travail- le reçu pour solde de tout compte

Ce reçu est à l’origine d’un contentieux L1234-20 C. trav. sachant que le régime a été modifié depuis la loi du 25 juin 2008.

Section 4. La transactionIl peut arriver que les parties à un contrat de travail décident à l’occasion de la rupture du

contrat de conclure une transaction. C’est un mécanisme transposé du droit civil. Difficultés de transaction qui concernent le moment de la transaction et l’exigence de concession réciproque.

A propos du moment de la transaction : pour la Cour de cassation une articulation est re-quise entre licenciement et transaction. Pour la chambre sociale une transaction ne peut être va-lablement conclue entre l’employeur et le salarié qu’une fois que la rupture du contrat de travail par l’employeur est intervenue et est devenue définitive. Autrement dit une transaction ne peut être valablement conclue qu’une fois que le salarié a reçu la lettre de licenciement.

La transaction ne constitue pas en soi un mode de rupture du contrat. La Cour n’accueille la transaction que sur la base d’un licenciement.

Chapitre 5. Les modes de rupture autre que le licenciementNous étudierons successivement :- la démission- la prise d’acte- la rupture conventionnelle du contrat de travail

Section 1. La démissionIl peut arriver que l'employeur désireux d'échapper aux règles du licenciement présenté

comme une démission ce qui n'en est pas une pour le salarié. En cas de contestation par le sala -rié, le juge exige alors pour retenir la démission que la volonté du salarié de rompre le contrat de travail ait été non équivoque et émise librement.

Si tel n'est pas le cas alors c'est l'employeur qui sera considéré comme le véritable auteur de la rupture du contrat de travail. Ceci étant posé, il y a un peu moins de dix ans la Cour de cas-sation s'est attachée à dissuader les employeurs qui tenteraient de se séparer d'un salarié en pré-sentant la rupture du contrat comme une démission ceci afin d'échapper au droit du licenciement. Deux arrêts importants ont été rendus par la Cour de cassation le 25 juin 2003 dont on peut dire qu'ils raisonnent comme une mise en garde à l'adresse de l'employeur.

La Cour estime que même si l'employeur considère le contrat de travail rompu du fait du salarié, l'employeur ne saurait faire parvenir au salarié une lettre prenant acte de sa démission, dès lors qu'il ne peut s'appuyer sur aucun acte expresse du salarié témoignant d'une volonté claire et non équivoque de démissionner.

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Cela revient à dire que depuis ces arrêts en l'absence d'un acte expresse du salarié, l'em-ployeur désireux de rompre le contrat, devra mettre en œuvre la procédure de licenciement. C'est-à-dire adresser au salarié lui notifiant son licenciement après l'avoir convoqué à un entretien préalable. Si l'employeur ne met pas en œuvre la procédure de licenciement, tout en prétendant que le contrat a été rompu du fait du salarié, et si le salarié saisit le juge, la rupture sera qualifiée par le juge en licenciement.

Ce n'est pas tout, elle sera qualifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cela revient au bout du compte à ne retenir la démission que dans des situations où la volonté du sala -rié de se séparer de son employeur est parfaitement identifiable. Ou il ne fait aucun doute qu'on est en présence d'un choix personnel du salarié.

Section 2. La prise d’acte par le salarié de la rupture du contrat de travail du fait de l’employeur

Voici comment se présente la situation :Un salarié fait parvenir une lettre à son employeur l'informant qu'il considère le contrat

comme rompu car l'employeur ne respecte pas ses obligations au premier rang desquelles ses obligations contractuelles.

Et puis, dans la foulée, le salarié saisit le juge en faisant valoir que la rupture du contrat n'est pas de son fait mais est bien du fait de l'employeur. De plus en plus des salariés sont ame-nés à se séparer de leur emploi du fait de cette prise d'acte.

§1. Un nouveau mode à part entière de rupture du contratTout commence par un arrêt Cass. 26 sept. 2002 dans lequel la Cour avait estimé qu’une

démission du salarié n‘est pas caractérisée lorsque le salarié prend acte de la rupture du contrat du fait de l’employeur en lui reprochant de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles.

La Cour a ajouté dans cette décision qu’il en est ainsi même si en définitive les griefs invo-qués par le salarié à l’encontre de son employeur ne sont pas fondés.

Autrement dit dans cet arrêt du 26 septembre 2002 la faculté était offerte au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat du fait de l'employeur même en invoquant des griefs imaginaires au point que certains commentateurs avaient qualifié cette pratique du terme d’au-tolicenciement. Pour la Cour de cassation la rupture devait dans tous les cas s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, parce que le salarié n'avait pas reçu de lettre lui notifiant son licenciement.

Le syllogisme de la Cour de cassation a été vivement critiqué, de faire preuve de raccour-cis. La Cour a changé de cap dans plusieurs décisions très importantes qui marquent le début de la jurisprudence sur la prise d'acte, arrêts du 25 juillet 2003.

« Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiait soit dans le cas contraire d'une démission ».

Il résulte d'un tel attendu que dorénavant le juge doit contrôler le motif qui a conduit le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat du fait de l'employeur. Dit autrement le juge doit vérifier que l'employeur a bien manqué à ses obligations contractuelles.

[Étant précisé (apportée dans un arrêt du 29 juin 2005) que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat ne fixe pas les limites du litige. Cela veut dire que même si dans cet écrit le salarié n'a pas mentionné certains manquements de l'employeur, si par la suite il invoque devant le juge ces manquements qu'ils n'avaient pas mentionnés, le juge devra les exa-miner. ]

Première branche de l'alternative :Si l'employeur a effectivement manqué à ses obligations la prise d'acte par le salarié de la

rupture du contrat du fait de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Encore faut-il que le manquement de l'employeur allégué par le salarié soit « suffisamment grave » (Cass. 19 janv. 2005).

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Toutefois une décision Cass. 30 oct. 2007 laisse à penser qu'au moins dans certaines situations la Cour de cassation exerce un contrôle sur ce qui constitue un manquement suffisam-ment grave justifiant la prise d'acte.

Illustration   : dans cet arrêt de 2007 la Cour avait estimé que manque gravement à ses obligations l'employeur qui porte atteinte à l'intégrité physique ou morale de son salarié.

La Cour de cassation a constaté par la suite qu'en cas de modification du contrat de travail imposé au salarié l'employeur commet un manquement suffisamment grave à ses obligations et donc la prise d'acte est justifiée.

Ou encore : le non respect par l'employeur de son obligation de fournir au salarié le travail convenu justifie inéluctablement la prise d'acte, et donc il y a là un manquement suffisamment grave.

Enfin, dans un arrêt, Cass. 30 mars 2010, la Cour de cassation a pour la première fois énoncé explicitement qu'il convient du manquement de l'employeur « empêche la poursuite du contrat de travail ».

Il faut remarquer la précision dont fait preuve la Cour de cassation lorsqu'elle énonce (ce qu'on retrouvera partout depuis 2003) que si l'employeur a effectivement manqué à ses obliga-tions la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les magistrats prennent soin de ne pas qualifier la rupture comme étant un licenciement. Et pour cause : à partir du moment où l’employeur n’a pas pris l’initiative de la rupture, il serait peu pertinent de qualifier la rupture comme un licenciement.

Seconde branche de l’alternative posée dans les arrêts du 25 juin 2003 :

Si les faits ne sont pas avérés ou suffisamment graves, la Cour dit que la prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat produit les effets d’une démission. Ici encore, on remarque la précision de la Cour de cassation qui évite de qualifier la rupture comme étant stricto sensu une démission. En effet la démission exige une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin à son contrat de travail : ça doit relever d’un choix personnel.

Le raisonnement suivi par la Cour de cassation est séduisant avec tout de même un regret qu'on peut émettre c'est que ce raisonnement aboutit à ce que la rupture du contrat prise en elle-même échappe à toute qualification propre au droit du travail.

Ceci étant, il n'en demeure pas moins que le contrat est bel et bien rompu par la prise d'acte émanant du salarié, au point que cette prise d'acte ne peut pas donner lieu à rétractation unilatérale (Cass. 14 oct. 2009). De plus selon la Cour de cassation cette prise d'acte constitue un acte de résiliation immédiate du contrat (Cass. 12 juil. 2006). C'est dire que le salarié n'est pas tenu d'exécuter un préavis. À supposer que le salarié accomplisse spontanément ce préavis auquel il n'est pas tenu, ce comportement doit être sans incidence sur l'appréciation de la gravité des manquements de l'employeur.

La prise d'acte constitue un mode de résiliation immédiate du contrat de travail, en même temps la prise d'acte marque la cession définitive du contrat de travail (Cass. 12 juil. 2006). Quelle est la portée de cette affirmation ? Elle est assez grande, elle a pour incidence le caractère inopérant de toute autre mode de rupture ultérieure.

Tout autre mode de rupture ultérieur sera considéré comme inopérant. Exemple   1 : un employeur fait parvenir une lettre de licenciement après la prise d'acte, cette lettre est inopérante.Exemple 2   : un salarié commence par agir en résiliation judiciaire de son contrat de travail devant le juge, puis il prend acte de la rupture du contrat du fait de l'employeur. La Cour de cassation estime que le juge devra se prononcer sur la prise d'acte seule en fondant toutefois sa décision non seulement sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié à propos de la prise d'acte mais également de ceux invoqués pour la résiliation judiciaire du contrat.

Depuis les arrêts du 25 juillet 2003 il ne fait aucun doute que la Cour de cassation consacre un nouveau mode de rupture à part entière du contrat de travail à l'initiative du salarié.

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Reste que des rapports délicats à analyser peuvent se nouer entre la prise d'acte et la situation dans laquelle le salarié donne sa démission.

§2. L'articulation de la prise d'acte et de la démissionLe salarié qui prend acte de la décision de l’employeur fait une sorte de pari par rapport à

la gravité du manquement de l’employeur. Il faut distinguer deux situations. Situation 1. Le salarié donne sa démission par une lettre recommandée qu’il fait parvenir à

l’employeur dans laquelle il invoque les manquements de l’employeur. On est donc en présence d'une lettre qui comporte des griefs à l'encontre de l'employeur.

Dans ce cas la Cour de cassation estime que cette lettre peut être considérée comme une prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat du fait de l'employeur alors même que les termes « prise d'acte » ne figuraient pas dans la lettre.

Situation 2. La lettre dans laquelle le salarié informe l'employeur qu'il entend démissionner ne mentionne aucun grief à l'encontre de l'employeur. On dit dans ce cas que la lettre est émise sans réserve. Mais il se trouve que par la suite le salarié remet en cause sa démission. C'est-à-dire il saisit le Conseil des Prud'hommes pour obtenir des indemnités en invoquant des manque-ments de l'employeur à ses obligations. Doit-on considérer dans cette situation comme dans la 1ère situation que la lettre de démission constitue ici aussi une prise d'acte de la rupture du contrat du fait de l'employeur ?

La Cour de cassation s'est orientée vers une autre voie dans quatre arrêts rendus le 7 mai 2007. Elle fait preuve d'une grande subtilité dans le raisonnement. La chambre sociale rai-sonne en deux temps.

- 1er temps du raisonnement : elle se place sur le terrain de la démission en considérant qu'il appartient aux juges du fond de vérifier si la démission [sans réserve] présente ou non un caractère équivoque. Dans l'hypothèse où la démission est claire et non équivoque alors elle doit être considérée comme acquise, ce qui signifie que la rupture du contrat s'analysera en une dé-mission, peu importe que le salarié ait invoqué par la suite des manquements de l'employeur.

- 2 nd temps   : dans l'hypothèse où la démission a néanmoins un caractère équivoque alors c'est là que la rupture du contrat pourra s'analyser en une prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat du fait de son employeur. On va alors naturellement retrouver la jurisprudence du 25 juin 2003 : elle produira soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse soit les effets d'une démission, en fonction de la gravité suffisante de la faute.

Une question se pose : d'où peut-on tenir le caractère équivoque d'une démission qui pour-tant a été émise sans réserve ?

Réponse de la Cour : ce caractère équivoque sera tiré des circonstances de fait particu-lières dans lesquelles la démission a été donnée, « des circonstances antérieures ou contempo-raines de la démission ».

Spécialement quand ces circonstances permettent de considérer que l’employeur n’avait pas res-pecté ses obligations. Exemple   : est équivoque la démission sans réserve mais accompagnée d’un décompte des sommes que le salarié estime dues par l’employeur p. ex. du fait des heures sup-plémentaires accomplies.

Cass. 17 mars 2010 : « un salarié ne peut tout à la fois invoquer un vice du consentement de nature à entrainer l’annulation de sa démission et demander que cette démission soit analysée en une prise d’acte, d’où il ressort que la faculté ouverte à un salarié de demander au juge que sa démission équivoque soit analysée en une prise d’acte, ça constitue une alternative à l’action en nullité de la démission pour vice du consentement.

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Raisonnement un peu trop subtil. Illustration : si la démission du salarié a été émise sans réserve et si le salarié invoque les manquements de l’employeur. On va se demander si la démis-sion st équivoque ou non. Si le juge estime qu’en raison des circonstances contemporaines de cette démission est équivoque, il qualifiera la rupture comme était une prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié. On sait qu’en présence d’une prise d’acte, la rupture produira soit l’effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou ceux d’une démission.

On peut estimer que la démission équivoque qualifiée d’une prise d’acte produira les effets d’une démission non équivoque. Est-il rigoureux de faire produire à une démission équivoque les effets d’une démission ?

Section 3. La rupture conventionnelle du contrat de travailDéjà évoquée à l’occasion des licenciements pour motifs économiques, à propos du champ

d’application pour l’employeur d’élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi, on a vu à cette oc-casion que les ruptures doivent être prises en compte dans l’appréciation du seuil d’effectifs dé-clenchant l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, si cause économique et s’ins-crivent dans un plan de réduction des effectifs.

Mercredi 23 novembre 2011La rupture conventionnelle a été instituée par la loi du 25 juin 2008, elle ne concerne

que les CDI, et n’est ni un licenciement ni une démission. C’est une rupture du contrat de travail d’un commun accord. On voit dans ce mode de rupture la mesure phare de la modernisation du marché du travail. La faculté pour les parties à un contrat de travail de le rompre d’un commun accord n’est pas entièrement nouvelle. De par le jeu de l’article 1134 du code civil, le contrat de travail pouvait, comme tout autre contrat, être rompu d’un commun accord, sous réserve de certaines conditions posées par la jurisprudence.

Mais jusqu’à la loi du 25 juin 2008 aucune disposition législative générale propre au contrat de travail et donc insérée dans le code du travail ne concernait la rupture d’un commun accord. Il en va différemment désormais, on assiste avec la loi de 2008 à la naissance d’un mode de rupture inédit dont la vocation est générale, ou presque, parce que les dispositions relatives à la rupture conventionnelle ne sont applicables aux ruptures des contrats de travail résultant soit d’un plan de sauvegarde de l’emploi soit d’un accord collectif de gestion prévisionnelle de l’em-ploi.

1 ère remarque  : ceci n’exclue pas que des ruptures conventionnelles puissent intervenir alors qu’une entreprise rencontre des difficultés économiques l’amenant à supprimer des emplois. Et (cf. hier à la fin du cours), on se souvient de l’arrêt important, que lorsque les ruptures ont une cause économique et qu’elles s’inscrivent dans un plan de réduction des effectifs dont elles com-posent une des modalités, elles doivent être prise en compte dans l’appréciation du seuil d’effec-tifs qui déclenche l’obligation de constituer un plan de sauvegarde de l’emploi et de consultation du personnel.

2 ème remarque  : Lorsque la loi nous dit que les dispositions relatives aux ruptures conven-tionnelles ne sont pas applicables à des licenciements résultant d’un plan de sauvegarde de l’em-ploi ou d’un accord collectif sur la gestion de l’emploi, lorsqu’elle nous dit ça, cela n’exclue pas qu’un plan de sauvegarde de l’emploi ou qu’un accord collectif de gestion prévisionnelle de l’em-ploi puisse prévoir des ruptures d’un commun accord. Mais le régime de la rupture convention-nelle issu de la loi de 2008 ne sera pas applicable à ces ruptures d’un commun accord.

La loi de 2008 dit que les dispositions relatives au licenciement économique ne s’applique pas à la rupture conventionnelle visée dans la loi du 25 juin 2008. Il en résulte la mise à l’écart des règles évoquées dans le licenciement pour motif économique, notamment celles relatives aux plans de sauvegarde de l’emploi, de plans de reclassement, de consultation des représentants du personnel.

Une chose est de dire que les dispositions \\ licenciement éco ne s’appliquent pas aux rup-tures conventionnelles du contrat de travail, et autre chose est de dire que lorsque les ruptures conventionnelles ont une cause éco et s’inscrivent dans une procédure de réduction des effectifs, elles doivent être prises en compte dans le compte pour les seuils pour apprécier le nombre de

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salariés dont la rupture des contrats est envisagée, qui déclenche l’obligation de reclassement, de plan de sauvegarde de l’emploi, la consultation du comité d’entreprise.

§1. Le dispositif issu de la loi du 25 juin 2008A) La conclusion de la convention de rupture

La rupture conventionnelle ne saurait être imposée par une des parties. Elle résulte d’une convention, accord librement consenti. Référence à la théorie de l’autonomie de la volonté. On n’accorde pas vraiment confiance à ce qui aurait été accepté par le salarié, du fait du lien de subordination juridique qui rend la manifestation de volonté du salarié suspecte. Pourtant là, une vision différente s’exprime, dans la mesure où l’accord librement consenti par le salarié fait figure du fondement même de la rupture conventionnelle de contrat.

Il y a là un jeu de dupe, personne ne peut croire à l’idée qu’un salarié de son plein gré, pouvait décider avec l’employeur de la rupture de son contrat. Toujours est-il qu’en vu de garantir au mieux la réalité du consentement, surtout du consentement du salarié, certaines règles en-cadrent la conclusion de la convention de rupture.

1) Les règles de procédureLe principe de la rupture conventionnelle doit être convenu entre l’employeur et le salarié

au cours d’un ou de plusieurs entretiens, sans qu’aucun formalisme particulier ne soit imposé pour la convocation à ces entretiens. S’agissant du déroulement des entretiens, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (s’il existe des représentants du personnel) soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dres-sée par l’autorité administrative. L’employeur devra être préalablement informé de la décision du salarié d’être assisté. L’employeur peut décider lui aussi de se faire assister lors de l’entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou (si <50 salariés) à une organisation syndicale d’employeurs ou encore par un autre employeur relevant de la même branche d’activités.

2) La convention de ruptureElle va fixer le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle à verser au

salarié. Sachant que ce montant ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licencie-ment. On détermine la date de rupture du contrat de travail, laquelle ne peut intervenir avant le lendemain de l’homologation par l’autorité administrative de la convention.

3) Le droit de rétractationA compter de la signature de la convention de rupture chacune des parties dispose d’un

délai de 15 jours pour se rétracter. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en mains propres. Aucune obligation de motivation ne pèse sur la partie qui se rétracte.

B) L’homologation de la convention de rupture et la cessation du contrat de travail

Une foi le délai de rétractation expiré, dès le lendemain, les parties doivent demander l’ho-mologation à l’autorité administrative (direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle) dépendant du lieu où est établi l’employeur.

La validité de la rupture conventionnelle est subordonnée à l’homologation. Sachant que c’est la partie la plus diligente, l’employeur ou le salarié qui envoie cette demande à l’autorité administrative avec un exemplaire de la convention. L’autorité administrative dispose de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour instruire le dossier. Selon l’article L1237-14 l’autorité doit s’assurer du respect des conditions ayant trait au bon déroulement de la procédure. S’assurer qu’il y a eu entretien, que le salarié a bénéficié d’une assistance, que le délai de rétractation a bien été respecté. L’autorité administrative doit également s’assurer de la réalité du consentement des parties.

Cependant il est difficile de savoir sur quels éléments l’autorité administrative est suscep-tible de se fonder pour mettre en cause la réalité du consentement, ainsi que sa liberté. Certaines

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circonstances sont-elles considérées en soi comme contraignantes ? Comme ayant faussé la réali-té du consentement ? C’est difficile de répondre à ce jour à cette question. Une certitude : le sala-rié doit avoir consenti librement et en connaissance de cause à la rupture du contrat de travail, mais la déclinaison de cette certitude ne va pas de soi. Si la demande d’homologation est rejetée, ce rejet doit être motivé. C'est-à-dire que l’autorité administrative doit indiquer la ou les raisons, de fait ou de droit qui l’ont conduite à refuser l’homologation et à estimer que la rupture ne repo-sait pas sur le libre consentement des parties, notamment du salarié.

A partir du moment où la demande d’homologation est refusée, les parties restent liées par le contrat de travail et que ce contrat doit continuer à s’exécuter dans les conditions habituelles.

Si l’homologation est acceptée soit explicitent alors validation automatique de la conven-tion \ soit implicitement : en cas de défait de réponse de l’administration dans le délai de 15 jours alors le contrat de travail peut être rompu et le salarié recevra une indemnité spécifique de rup-ture conventionnelle (≥l’indemnité légale de licenciement) à laquelle peut venir s’adjoindre une indemnité de congés payés et l’ensemble des rémunérations dues par l’employeur à la date de la rupture du contrat de travail.

§2. Quelques sources d’incertitudesIncertitudes \\ au recours possiblement exercé par le salarié, qui ont trait à l’articulation de

la rupture conventionnelle du contrat de travail et d’autres modes de ruptures.A) Les possibilités de recours

Si la demande d’homologation a été acceptée garantie-t-elle une immunité contentieuse ? Est-on assuré que le juge n’intervienne pas ? Alors que le but était de tout faire pour réduire l’in-sécurité juridique.

D’abord il faut indiquer qu’il ressort du texte lui-même que le Conseil des Prud’hommes est compétent pour connaitre des litiges concernant la convention, et l’homologation. Plus encore, il est seul compétent pour connaitre de tels litiges. D’où il découle que ce qui avait été envisagé, la décision d’administration ne peut faire l’objet ni d’un recours hiérarchique ni d’un recours conten-tieux devant le juge administratif. But : éviter les conflits entre contentieux administratif \ conten-tieux judiciaire. [Une exception : si la rupture conventionnelle s’applique aux représentants du personnels, qui ont un statut protecteur qui se traduit par, notamment, la nécessité avant de rompre le contrat, d’obtenir l’autorisation de l’autorité administrative].

On ne peut pas exclure que derrière ce qui se présente comme une rupture convention-nelle du contrat de travail vienne se cacher des comportements purement discriminatoires de l’employeur, à raison de l’âge, de la santé ou encore de l’ handicape du salarié. Rien ne justifierait de mettre à l’écart le juge judicaire, il doit pouvoir être saisi pour obtenir l’annulation de la convention de rupture si elle poursuit une visée discriminatoire.

Le Conseil des Prud'hommes doit pouvoir apprécier la réalité du consentement des parties à la convention de rupture, aussi bien au regard des vices du consentement à proprement parlé (droit commun des obligations) qu'au regard de la loyauté dont a fait preuve l'employeur lors de la négociation qui a conduit à la convention de rupture.

Il en découle alors que l'homologation de la convention de rupture par l'administration ne purge pas la convention de rupture de ses éventuels vices ou défauts.

Question : si un salarié agit devant le Conseil des prud'hommes en contestation de la vali-dité de la convention de rupture, en contestation de la légalité de l'homologation administrative, cette action doit-elle nécessairement viser à obtenir la nullité de la convention ?

Le salarié ne pourrait-il pas plutôt invoquer que la rupture doit s'analyser comme un licen-ciement sans cause réelle et sérieuse ? Ou encore, plus subtilement, le salarié, s'inspirant de la formulation sur laquelle on a insisté hier, à propos de la prise d'acte, ne pourrait-il pas faire valoir que la rupture produit les effets du licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

La question n'est pas tranchée.

B) L'articulation de la rupture conventionnelle et d'autres modes de rupture

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La cour de cassation avait admis que la résolution amiable pouvait constituer un mode de rupture du contrat de travail, elle l’avait admis même en l’absence de litige entre les parties.

La rupture conventionnelle laisse-t-elle subsister la rupture amiable jurisprudentielle ? En d'autres termes la procédure et les exigences qui encadrent les exigences qui encadrent la rup-ture conventionnelle la loi de 2008 doivent-elles être envisagées désormais comme la condition de validité de toute rupture d'un commun accord du contrat de travail ? À la seule exception des ruptures de commun accord dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou dans le cadre d'un accord collectif de gestion provisionnelle de l'emploi.

Ou bien convient-il simplement de voir dans la procédure ou dans les exigences issues de la loi de 2008 des conditions préalables à l'utilisation de la rupture conventionnelle prévue dans cette loi.

Si on retient la 1ère lecture, alors la rupture conventionnelle version loi de 2008 absorbe-rait la résiliation amiable admise jusqu'alors en jurisprudence.

Cela revient à faire de l'administration un garant de la validité de la résiliation amiable telle qu'elle était pratiquée auparavant. En somme cela reviendrait à dénier toute valeur juridique à la résiliation amiable lorsqu'il n'y a pas eu d'homologation administrative. Or, certains auteurs ont observé qu'il n'y a pas de raisons de priver les parties à un contrat de travail de la plus que clas-sique rupture du contrat d'un commun accord [régie par l'article 1134 du code civil].

Il y a là une objection de taille à l'idée que la rupture conventionnelle absorberait la résilia -tion amiable telle qu'elle était depuis toujours admise en jurisprudence. Mais d'un autre côté il y a des arguments forts de texte, qui plaiderait que le régime de la rupture conventionnelle devient bien le régime de la rupture d'un commun accord en général.

L'argument essentiel tient au constat suivant : la place faite aujourd'hui dans le code du travail à la rupture conventionnelle de la loi de 2008 est née de la généralité. Illustration: l’article L1231-1 complété depuis la loi de 2008 pour tenir compte de la rupture conventionnelle de la loi, dispose que le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur [licenciement], ou du salarié [démission ou prise d'acte] ou d'un commun accord . Ce dernier a été ajouté au texte en 2008. La rupture conventionnelle est marquée de la généralité.

Il semble que le régime de la rupture conventionnelle version loi de 2008 est destiné à en-cadrer les ruptures d'un commun accord en général.

La question n'est pas véritablement tranchée. Mais ce qui est sûr en tout cas, c'est que ce dispositif n'est pas vraiment de nature à favoriser une mise à l'écart du juge alors que tel était son objectif même. D'où le sentiment qu'on peut avoir qu’au fond, la recherche de sécurité qui a inspi-ré la loi de 2008 s'avère bien illusoire. Derrière l'impératif qui s'avère toujours très fragile il y a une autre raison qui guide le législateur ou le juge.

Titre 3. Les perturbations affectant l’emploiIl peut arriver, même sans arriver jusqu’à la cessation du lien contractuel que l’emploi du

salarié connaisse des perturbations. Que l’exécution du contrat de travail connaisse des perturba-tions. La frontière est assez mince entre la cessation du lien contractuel et la situation que l’on va présenter. En effet les perturbations affectant l’emploi ou l’exécution du contrat de travail, abou-tissement parfois, souvent, à une rupture pure et simple du contrat de travail.

Il y a cependant une différence : le salarié n’est confronté à cette rupture que dans un se-cond temps. La perte de l’emploi n’est pas à l’origine directement visée. On peut dire que lorsque la rupture du contrat intervient, elle constitue en quelque sorte une résultante de la perturbation qui a touché l’exécution du contrat de travail. L’emploi peut se trouver perturber, ou l’exécution du contrat de travail peut se trouver perturber dans deux grandes séries de circonstances.

Tout d’abord, en raison de ce qu’on appelle un transfert d’entreprise ; on va voir que le code du travail contient une disposition centrale qui règle le sort des salariés en pareille hypo-thèses.

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Ensuite, l’exécution du contrat de travail peut se trouver perturbée lorsque l’employeur décide d’apporter une modification au contrat de travail. C’est une question qui occupe une place fondamentale quand on examine le rapport de travail.

Chapitre 1. Le transfert d’entreprise : l’article L122-12 (nouvel ar-ticle L1224-1).

Exemple: un employeur décide de cessé son activité et de céder son entreprise à une autre personne. Si on raisonnait purement en civilistes, et en particulier si on appliquait l'effet relatif des contrats.

Les contrats conclus avec l'employeur initial ne devraient pas pouvoir être opposables au repreneur de l'entreprise. Si on en restait au droit des obligations, les salariés de l'employeur ini -tial, à l'occasion du transfert d'entreprise, entièrement privés de droit.

Le droit du travail s'est efforcé de combattre de telles incidences. Pour assurer une cer-taine permanence de l'entreprise et du même coup, pour favoriser une certaine stabilité de l'em-ploi des salariés, le droit du travail n'a pas hésité à se détacher des mécanismes qui régissent traditionnellement le contrat. C'est ainsi qu'une loi du 19 juillet 1928 a prévu que s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société. Alors tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise.

Ce texte c'est précisément celui de l'article L1224-1.

Section I. Conditions d'application de l'article L1224-1.Il ne s’applique pas que dans les cas expressément prévus par le texte. Cet énoncé est

d’ailleurs précédé de l’adverbe notamment. En vérité l'article L1224-1 est susceptible de jouer chaque fois qu'une modification inter-

vient dans la propriété comme dans la jouissance des biens de l'employeur chaque fois que l'en-treprise a changé de direction. Toutefois la question s'est posée de savoir si la modification dans la situation juridique de l'employeur impliquait l'existence d'un lien de droit entre les employeurs successifs. On verra que la Cour de cassation ne requière plus aujourd'hui un tel lien de droit. En revanche elle exige pour que s'applique l'article L1224-1 qu'ait été transférée une entité écono-mique conservant son identité.

§1. L'absence d'exigence d'un lien de droit entre employeurs successifsMardi 29 novembre 2011La jurisprudence a connu sur ce point une série de revirements avant de se stabiliser. Tout

a commencé par un arrêt du 27 fév. 1934, GOUPY dans lequel il a été admis qu’un lien de droit n’est pas exigé entre les employeurs successifs pour que s’applique l’article L1224-1.

La Cour de cassation devait se prononcer sur une concession de service publique qui avait changé de titulaire. La CA avait estimé qu’on se trouvait en présence de deux employeurs succes-sifs sans liens entre eux et que le 2nd ne saurait être tenu par les contrats du 1er. Les contrats de travail en cours avec le 1er titulaire de la concession ne subsistaient pas avec le 2nd titulaire de la concession. La Cour de cassation casse cette décision car la CA aurait violé l’article L1224-1 en exigeant un lien de droit entre les employeurs successifs. Ainsi à la suite de cet arrêt GOUPY la Cour de cassation a écarté la nécessité d’un lien de droit pour faire jouer l’article L1224-1.

Pour autant dans une décision du 12 juin 1986 la chambre sociale va estimer que la modification dans la situation juridique de l'employeur implique l'existence d'un lien de droit entre les employeurs successifs. → Un tel lien de droit de venait avec cet arrêt une condition essentielle de l'application de l'article L1224-1.

Mais cette nouvelle condition s'est avérée en contradiction avec la jurisprudence de la CJCE qui a vu le jour à l'occasion de l'interprétation d'une directive communautaire du 14 fév. 1977, relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise. Il ressort en parti -culier d'une décision de la CJCE du 10 fév. 1988 donc interprétant la directive communautaire

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qu'un lien de droit n'est pas requis entre les employeurs successifs pour admettre l'existence d'un transfert d'entreprise.

La chambre sociale de la Cour de cassation a dû prendre acte de cette position et elle en est revenue progressivement à sa jurisprudence d'avant le revirement de 1986.

Deux arrêts rendus en assemblée plénière du 16 mars1990 consacrent ce retour en arrière, l'assemblée plénière énonce que les dispositions de l'article L122-12 [L1224-1 actuel] s'appliquent même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs.

Depuis la chose est entendue : un lien de droit n'est pas requis pour que s'applique l'ar-ticle. Mais une autre exigence a été requise par la Cour de cassation pour que joue l'article L1224-1, ce texte s'applique dès lors qu'il y a eu le transfert d'une entité économique conservant son identité.

§2. Le transfert d'une entité économique conservant son identité

Il ressort de ce contentieux en 1er lieu que la condition du transfert d'une entité économique conservant son identité requière que l'activité économique ait été poursuivie. Elle se présente ainsi comme un élément nécessaire, elle se présente comme le noyau de ce qu'il faut entendre par « entité économique ». Mais ça ne suffit pas. Le transfert d'une entité économique conservant son identité exige le trans-fert des moyens de production ou d'exploitation mis en œuvre pour exercer l'activité poursuivie sachant que la nature de ces moyens peut différer d'une situation à une autre. Il peut s'agir de biens corporels, p. ex. les locaux, les équipements, le stock, le matériel d'exploitation, mais il peut s'agir aussi de biens incorporels tels qu'une clientèle, ou encore les droits sur une marque. Encore a-t-il été précisé dans un arrêt récent, Cass. 25 avril 2007 que les éléments corporels ou incor-porels transférés doivent être significatifs. Là aussi on va assister à une sorte de jeu de ping pong entre la jurisprudence communautaire et la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet pendant un temps la CJCE a pu paraître adopter une position moins exigeante pour admettre qu'il y avait transfert d'entreprise. Mais depuis une nouvelle directive communautaire du 28 juin 1998 le droit communautaire semble s'être ran-gé à la position adopté en France par la Cour de cassation.

En effet selon cette directive il ne peut y avoir transfert d'entreprise sans transfert d'un en-semble organisé de moyens. Cela revient à dire que la poursuite de l'activité ou la seule re-prise d'un service ne suffit pas pour admettre un transfert d'entreprise. La Cour de cassation prend la position à inspirer la directive communautaire de 1998, prenant acte de cette directive, a recours désormais dans ses décisions à la formule utilisée dans la directive (étaiement égale-ment). Ainsi dans un arrêt 22min la chambre sociale énonce que « constitue une entité écono-mique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ».

§3. L'application de l'article L1224-1 dans certaines situations particulières

A) La perte d’un marchéDans un arrêt du 16 mars 1990 l'assemblée plénière de la Cour de cassation exclue l'ap-

plication de l'article L1224 en cas de perte d'un marché. On vise ici l'hypothèse où une entreprise a recours à des entreprises dites « prestataires de

service » p. ex. pour assurer le nettoyage de ses locaux ou encore pour assurer la restauration collective dont vont bénéficier les salariés de cette entreprise. Il y aura alors perte d'un marché si on assiste à une succession de prestataires de services. Ou bien encore si une entreprise re-prend en gestion directe les travaux qu'elle avait jusqu'alors confiés à une entreprise presta-taire de service.

Dans l'arrêt du 16 mars 1990 la Cour de cassation estime que l'application de l'article L1224 est exclue dans ces situations qu'elle qualifie de perte d'un marché : c'est une hypothèse de perte de marché, cela revient à dire que les salariés de l'entreprise prestataire A qui a perdu

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son marché de nettoyage ne pourront pas prétendre que leur contrat de travail pourra se pour-suivre avec l'entreprise prestataire de services B qui a acquis le marché.

Quant à l'hypothèse de gestion directe : je suis une entreprise et je vais confier le travail à une société prestataire de service, je décide de faire faire le travail par mes salariés. Mais la Cour de cassation dit de même que l'article L1224 ne s'applique pas.

Il se trouve que la Cour de cassation, a par la suite infléchi et précisé la position de l'as -semblée plénière de 1990 → Soc. 6 déc. 1991 avec trois mots qui changent tout. La Chambre sociale nous dit que c'est à elle seule que la perte d'un marché ne justifie pas l'application de l'article L1224. D'où il résulte une situation classique : la perte d'un marché pourra entraîner l'ap-plication de l'article L1224 dès lors qu'il y a eu transfert d'une entité économique conservant son identité. Y compris en cas de perte d'un marché la solution dépend une fois encore de l'existence ou de l'absence d'une entité économique conservant son identité donc du transfert ou non des éléments le plus souvent corporels des éléments d'installation.

En cas de perte d'un marché il conviendra de distinguer selon le degré plus ou moins élevé d'autonomie du marché perdu au regard des moyens de production et d'exploitation mises en œuvre. Sans doute aussi au regard des salariés qui étaient affectés au service effectué.

B) Le projet d’externalisation d’un serviceToute cette question a pris racine dans deux arrêts : Cass. 18 juil. 2000, PERRIER. La

société Perrier décide d'externaliser son activité de fabrication et de réparation de palettes, activi-té accessoire à l'entreprise et de céder cette activité à une autre entreprise en faisant jouer l'ar-ticle L1224.

Or les syndicats et le comité d'entreprise contestent l'application de cet article. La Cour de cassation leur donne raison. Elle commence par reprendre la définition « constitue une entité éco-nomique pour l'application de l'article L1224 un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ».

La reprise par un autre employeur de l'activité accessoire de l'entreprise doit s'accompa-gner d'éléments qui démontrent l'autonomie de l'entité économique transférée. La Cour de cassa-tion estime que tel n'était pas le cas en l'espèce.

Au 1er abord les arrêts PERRIER constituent un simple rappel des conditions d'application de l'article L1224 mais à les regarder de près, ils retiennent l'attention pour 3 séries de raisons.

- Tout d'abord ils sont révélateur du refus de la Cour de cassation que l'article L1224 soit instrumentalisé par les employeurs pour réaliser des opérations d'externalisation d'une partie de leur main d'oeuvre. Dit autrement : pour la Cour de cassation l'article L1224 dont la finalité est de permettre la sauvegarde de l'emploi en cas de changement d'employeur ne doit pas se retourner contre les employés en servant en vérité d'instrument à l'employeur pour réduire le coût de sa main d'oeuvre.

- à lire attentivement les arrêts Perrier on a le sentiment que la Cour de cassation s'attache à contrôler les ressorts de l'opération d'externalisation d'un service, et sans doute l'opportunité de l'opération d'externalisation. Ce qu'il y a en filigrane dans la décision c'est la question suivante : s'agit-il vraiment d'externaliser une activité ? Si oui alors dès l'instant où les conditions d'applica-tion de l'article L1224 les conditions de travail pourront se poursuivre avec le nouvel employeur. Mis si les magistrats, au vu des faits qui leur sont transmis acquièrent la conviction qu'il s'agissait non pas d'externaliser l'activité mais d'externaliser le personnel lui-même alors la Cour de cassa-tion entend mettre fin à de telles pratiques en faisant apparaître que les conditions d'application de l'article n'étaient pas réunies.

Avec, le reproche auquel elle s'expose : de tomber dans la casuistique. - Ce qui ressort de ces arrêts c'est que dès l'instant où il paraît que les conditions d'appli -

cation de L1224 ne sont pas réunies la substitution d'employeur est inopposable au salarié. En conséquence les salariés resteront au service de l'employeur initial c'est à dire de la société Per-rier. Pour autant cette activité de fabrication et de réparation de palettes a été cédée à une autre société. Elle sera donc exercée par cette autre société. D'où le risque pour les salariés restés au

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service de la société Perrier d'être très victime très vite d'un licenciement pour motif économique prononcé par la société Perrier qui ferait valoir la suppression de leurs emplois.

Fort justement la Cour de cassation a entendu prendre en compte ce risque dans un arrêt Cass. 21 juin 2006. Dans cet arrêt la Cour de cassation considère que les salariés licenciés dont l'employeur entendait transférer les contrats de travail alors que les conditions d'application de L1224, ces salariés pourront se prévaloir du caractère injustifié du licenciement économique dont ils ont été victime par la suite.

Plus encore il ressort toujours du même arrêt de 2006 que s'il ressort des faits litigieux que l'employeur avait véritablement entendu éluder les droits et garanties des salariés en matière de licenciement pour motif économique en faisant jouer L1224, alors l'employeur n'avait pour seul but que d'éluder les règles de licenciement pour motif économique, il commet faute caractérisée au regard d'une exécution loyale des contrats travail.

La Cour de cassation estime que cette faute est à l'origine d'un préjudice distinct de celui de la rupture des contrats, qui donne droit à des dommages et intérêts propres, qui ne se confond pas avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Section 2. Les effets de l’article 1224-1

§1. La situation des salariésIls conservent leur contrat et peuvent se prévaloir de tous les avantages relatifs au contrat.Par exemple ils conservent leur ancienneté, qui est importante pour le calcul des indemni-

tés auxquelles ils auront droit en cas de licenciement par exemple. Un salarié a été transféré. Ils ne peuvent refuser de travailler avec le nouvel employeur →

Soc.14 déc. 2004, prise de distance avec la jurisprudence de la CJCE. Quote de la Cour de cassa-tion : « le changement d'employeur résultant de plein droit du transfert d'une entité économique autonome s'impose tant aux employeurs successifs qu'aux salariés concernés ».

En d'autres termes, les salariés affectés à l'entité économique qui a été transférée ne sont pas en droit de s'opposer au maintien de leur contrat de travail avec le nouvel employeur. Il en résulte selon la Cour de cassation que le salarié qui aurait été licencié par le 1er employeur en raison de son refus de changer d'employeur ne peut pas prétendre au paiement d'indemnités de ruptures et de dommages et intérêts. Cela revient à dire comme l'a précisé par la suite la Cour de cassation (10 oct. 2010 ? 1H00 ) le refus du salarié de voir son contrat se poursuivre avec le nou-vel employeur produira les effets d'une démission pure et simple. Sous une réserve : l'hypothèse où l'application de l'article L1224-1 entraînerait une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur.

§2. La situation de l'employeur cédantProtection du salarié par les licenciements prononcés par l'employeur cédant à l'occasion

du transfert d'entreprise. Quelle protection va pouvoir bénéficier le salarié si l'employeur cédant prononce des licenciements à l'occasion du transfert. Dans un arrêt du 8 juin 1979 la Cour de cassation avait reconnu la régularité des licenciements prononcés par l'employeur cédant compte tenu de la réorganisation à laquelle le futur employeur avait dors et déjà décidé de procéder.

En d'autres termes, dans cet arrêt de 1979 la Cour de cassation admettait la licéité d'un accord entre le 1er employeur et le 2nd, d'un accord en bonne et due forme, en vertu duquel le cédant s'engageait à licencier préventivement certains salariés pour que ce repreneur hérite d'un fond dégarni.

Cette solution a suscité de vives critiques et a été remise en cause dans deux arrêt du 19 juil. 1990 dont il résulte que les licenciements avant transfert prononcés par le 1er employeur ne sont valables que si les raisons économiques qui ont conduit à une suppression d'emploi touche au fonctionnement de l'entreprise elle-même avant le transfert. Autrement dit que si ces raisons ne sont pas liées au projet du repreneur.

En revanche au vu de ces arrêts si les licenciements n'ont pas été prononcés par l'em-ployeur avant transfert qu'en vue de satisfaire le repreneur on se trouve en présence d'un accord illicite entre cédant et cessionnaire, ou d'un accord frauduleux, parce que conclu en vu d'éluder

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les dispositions de l'article L1224. Conséquence : l'employeur cédant devra verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (sauf si situation de redressement ou liquidation judiciaire).

Autre difficulté : à supposer que l'employeur cédant n'ait pas prononcé de licenciement au moment de la reprise de l'entité économique par le repreneur et que les contrats de travail se soient poursuivis avec le repreneur, mais à supposer que l'employeur cédant (le 1er) prononce des licenciements postérieurement au transfert alors la cour de cassation estime que ces licencie-ments seront privés d'effet : les contrats de travail se poursuivront avec le repreneur comme n'ayant jamais été rompus Cass. 13 avril 1999.

Dans une décision postérieure du 20 mars 2002, MALDONADO,la Cour de cassation a étendu la solution de 1999 à l'hypothèse des arrêts de juil. 1990 d'un licenciement prononcé par le 1er employeur préventivement au transfert d'entreprise alors que les conditions de L1224 étaient réunies.

La Cour estime en l'espèce que le licenciement est privé d'effets et qu'une option s'offre au salarié : ce dernier peut à son choix soit demander au repreneur la poursuite du contrat de travail illégalement rompu par le 1er employeur soit demander à l'auteur du licenciement illégal la répa-ration du préjudice résultant de ce licenciement. Cela revient à dire : exiger des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'option offerte au salarié dans cet arrêt a fait l'objet d'un tempérament dans un arrêt pos-térieur, Cass. 11 mars 2003, VOISIN, la Cour de cassation commence par rappeler que les li-cenciements prononcés préventivement au transfert alors que les conditions de L1224 sont privés d'effets ou s'impose au salarié un choix (poursuite \ DI) seulement la Cour ajoute dans cet arrêt que le changement d'employeur s'impose au salarié, cela veut dire que le salarié n'a plus le choix que lui offrait l'arrêt MALDONADO lorsque le 2nd employeur l'informe avant l'expiration du préavis de licenciement de son intention de poursuivre le contrat de travail sans modification.

Il y a une situation où le choix ne s'offrira pas au salarié. Le licenciement est prononcé, en respectant le délai de préavis. Si le 2nd employeur s'adresse personnellement au salarié pendant ce préavis, qu'il prend la responsabilité de poursuivre le contrat de travail sans y apporter de mo-difications alors les salariés ne peuvent plus exiger du 1er employeur des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

§3. La situation de l’employeur cessionnaireA partir du moment où les conditions d’application L1224 sont réunies, les contrat des tra-

vail en cours au jour du transfert d’entreprise subsistent avec le nouvel employeur par l’effet au-tomatique de la loi.

Ceci étant, et il y a là une des limites essentielles au jeu de l'article L1224, rien n'empêche le nouvel employeur dans un 2nd temps de licencier les salariés dont le contrat de travail s'est poursuivi sous sa direction.

Quelques jours après le transfert d'entreprise le nouvel employeur est en mesure de licen-cier les salariés, à condition que ça soit pour motif réel et sérieux.

Si l'employeur peut licencier à condition de CRS les salariés après le transfert, le 2nd em-ployeur peut également à certains conditions et à supposer qu'ils soient d'accord, modifier le contrat de travail des salariés afin de mieux les adopter à l'organisation du travail dans la nou-velle entreprise.

Chapitre 2. La modification du contrat de travailMercredi 30 novembre 2011L’analyse de la modification du contrat de travail se situe au croisement de la loi contrac-

tuelle (1134 C.Civ.) et de la liberté reconnue à l’employeur d’user de son pouvoir de direction. On a assisté à un mouvement remarquable en jurisprudence. A l’origine la jurisprudence privilégiait

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le pouvoir de direction de l’employeur et ce au détriment des engagements convenus entre les parties au contrat. La Cour de cassation s’attache depuis plusieurs années déjà à redonner sa pleine autorité au contrat. Au point qu’on a pu parler d’un renouveau du contrat de travail.

Section 1. L’identification de la modification du contrat de tra-vail

§1. La distinction de départ : modification substantielle ou non substantielle du contrat de travail

A l’époque pour rechercher si une modification du contrat était ou non substantielle les juges s’en tenait à l’intention des parties. Il s’agissait d’apprécier si au moment de la conclusion du contrat telle ou telle clause avait été déterminante de la volonté des parties, et plus particuliè -rement de la volonté du salarié.

Une telle appréciation était source d’incertitude. Il n’est pas facile de sonder les âmes et les cœurs, d’autant moins dans un contrat de travail, car ce qui le caractérise c’est la subordina-tion juridique. A l’époque les juges ne s’en tenait pas à la volonté des parties, ils appréciaient également si la modification prise en elle-même était importante ou non.

Il en résultait le plus souvent que les modifications portant sur la rémunération étaient considérées comme substantielles. De même lorsque les fonctions du salarié avaient été chan-gées en profondeur. En revanche la Cour avait une position plus fluctuante concernant le lieu et les horaires de travail. Puis il faut noter que dans cette période la Cour de cassation avait manifes-té une volonté de désengagement, de réduire son contrôle sur la qualification du caractère sub-stantielle ou non substantielle de la modification.

La Cour de cassation s’est efforcée depuis plus de dix ans de dissiper le flou qui entourait cette jurisprudence en abandonnant la distinction entre modification substantielle et modification non substantielle du contrat de travail.

§2. La nouvelle distinction entre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail dans l’exercice du pouvoir de directionA) Le sens de l’évolution

Depuis deux arrêts fondamentaux, sans doute parmi les 10 arrêts les plus importants de ces 20 dernières années, rendus le 10 juil. 1996 par la Cour de cassation il apparaît qu’il convient de distinguer selon qu’on est en présence d’une modification du contrat de travail (peu importe qu’elle soit substantielle ou non) ou bien d’un changement des conditions de travail déci-dé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction.

C’est là désormais que se situe désormais la nouvelle ligne de partage pertinente. Le cli -vage doit être opéré aujourd’hui, non plus entre deux variantes de la modification du contrat mais entre ce qui constitue une modification du contrat et ce qui relève d’un simple changement des conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction.

Pour comprendre l’enjeu, même si on y reviendra plus longuement dans la section 2 dans les conséquences de la décision de l’employeur, il faut noter tout de suite que l’employeur ne peut pas imposer unilatéralement une modification du contrat de travail. L’employeur ne peut pas imposer unilatéralement une modification du contrat de travail, il lui faut l’accord du salarié. Mais il en va différemment en cas de changement des conditions de travail.

Ici le refus du salarié d’un tel changement des conditions de travail constitue normalement une faute que l’employeur est en mesure de sanctionner par un licenciement disciplinaire.

Le conseiller doyen Philipe Wacquet de la Cour de cassation à l’époque a eu une impor-tance telle qu’on nomme cette jurisprudence la jurisprudence Wacquet. L’évolution méthodolo-gique de la Cour a évolué. On peut dire que l’évolution jurisprudentielle est sous tendue par l’idée selon laquelle tout contrat de travail est constitué d’un certain nombre d’éléments que l’on doit considérer comme relevant par nature de ce contrat. On doit considérer qu’ils font nécessaire-ment partie du contrat de travail.

En bref, il faut retenir la formule de Phillipe W, il existe un socle contractuel propre au contrat de travail. De sorte que corrélativement se dessine une tendance à l’objectivation du contrat de travail. Dès lors il suffit pour identifier une modification du contrat de travail que l’em-ployeur ait touché à l’un des éléments qui font partie du socle contractuel quelque soit a priori l’importance du changement important sans recherche de l’intention des parties.

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Corolaire : la Cour de cassation a tâché de dresser la liste des éléments faisant partie du socle contractuel. Elle a désigné les piliers du socle contractuel. Alors la Cour a rétabli son contrôle sur les décisions des juges du fond.

Et donc comme ce que certains avaient pronostiqué depuis le départ, la mise en œuvre de cette distinction s’est assez vite révélée délicate et même sous certains aspects incertaine.

B) La mise en œuvre de la distinctionIl ressort de la jurisprudence qu’il existe quatre piliers du socle contractuel.

1) Le salaire- 1 er pilier  : d’abord le salaire contrepartie du travail du salarié. Selon la Cour de cassation, la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail.

Mise au point : pourquoi la Cour de cassation précise-t-elle la rémunération contractuelle constitue un élément du contrat de travail ? La précision contractuelle a toute sa raison d’être dans la mesure où elle permet de réserver l’hypothèse qu’on rencontre souvent où certains élé-ments de la rémunération d’un salarié résulteraient d’une convention collective. La remise en cause des éléments de rémunération issus d’une convention collective est possible selon des règles particulières relatives à la cessation des effets d’une convention collective.

D’ailleurs c’est le cas qu’il s’agisse du mode de rémunération ou du montant de la rémuné-ration. En conséquence la rémunération ne peut pas être modifiée unilatéralement par l’em-ployeur ni dans son montant ni dans sa structure quand bien même le nouveau mode de rémuné-ration serait plus avantageux CCass. 5 mai 2010.

Plus encore une décision de l’employeur ne touchant pas directement à la rémunération mais de nature à avoir une incidence sur la rémunération constitue une modification du contrat de travail qui requière l’accord du salarié Soc. 8 juil. 2000. Il apparaissait dans ce contentieux que l’employeur avait instauré un quota maximum de ventes pour ses représentants de com-merce, qui n’était pas prévu au contrat de travail. LA Cour de cassation, en fixant ces objectifs à ne pas dépasser pour les représentants et les commerciaux, l’employeur n’avait pas simplement usé de son pouvoir de direction dans la mesure où sa décision était de nature à toucher même indirectement à la rémunération.

Autre considération : il peut arriver que la rémunération contienne une partie variable dont le versement est conditionné à des objectifs que le salarié doit atteindre. La Cour de cassation a admis que de tels objectifs peuvent être modifiés unilatéralement par l’employeur dès lors qu’il est prévu dans le contrat de travail que la détermination des objectifs relève du pouvoir de direc-tion de l’employeur. CCass. 02 mars 2011. Deux conditions sont requises : les nouveaux ob-jectifs doivent être réalisables, d’autre part ils doivent avoir été portés à la connaissance du sala-rié en début d’exercice.

2) Les fonctions du salarié- 2 ème pilier : les fonctions du salarié c'est-à-dire le travail qu’il est chargé d’accomplir sous l’autorité de l’employeur.

La Cour de cassation a pris soin de préciser que la tâche donnée au salarié devra être dif-férente de celle exercée antérieurement pour exercer une modification du contrat de travail. Dès l’instant où cette nouvelle tâche correspond à la qualification du salarié, il n’y a pas modification du contrat de travail. En d’autres termes : le moindre changement de fonction ne peut pas être assimilé à une modification de contrat. La vie des entreprises exige une certaine mobilité fonc-tionnelle. On en déduit que s’agissant des fonctions d’un salarié, seule la qualification proprement dite constitue un élément du contrat de travail et donc un élément que l’employeur ne peut pas modifier sans l’accord du salarié. Dès lors on peut dire que toute rétrogradation d’un salarié s’analysera comme une modification du contrat de travail exigeant son accord.

3) Le lieu de travail

- 3 ème pilier   : le lieu de travail. La jurisprudence est plus souple, plus nuancée, et plus incer-taine.

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Selon la Cour de cassation la notion de lieu est relative. Elle désigne en effet un secteur géographique à l’intérieur duquel les salariés ont vocation à se déplacer et même sont tenus de se déplacer si l’employeur le leur demande. Ce qui signifie que ce n’est pas le lieu au sens strict qui élève du socle contractuel, mais c’est le secteur géographique. En conséquence le contrat de travail n’est pas modifié si la nouvelle affectation du salarié reste dans le même secteur géogra-phique. Néanmoins la notion de secteur géographique demeure floue. La Cour de cassation laisse une certaine marge d’appréciation aux juges du fond tout en exerçant son contrôle. Il ressort que la Cour de cassation n’hésite pas à casser la décision des juges du fond dans deux séries de cir -constances.

1 – lorsque les juges du fond retiennent l’existence d’une modification du contrat de travail sans avoir constaté que le poste de travail auquel a été affecté le salarié était situé dans un sec-teur géographique différent de celui où il travaillait précédemment.

2 – lorsque les juges du fond n’admettent pas l’existence d’une modification du contrat de travail en s’appuyant par exemple sur l’augmentation minime de la durée du trajet quotidien sup-plémentaire que devra effectuer personnellement le salarié. Ou encore si ça ne change rien concernant les moyens de transport qu’emploie le salarié, p. ex. s’il le faisait avec son véhicule personnel.

Quand les juges raisonnent de la sorte leur décision est cassée par la Cour de cassation, parce que selon elle le changement du lieu de travail doit être apprécié de manière objective. Il convient donc sur ce point de statuer de la même manière pour tous les salariés. Il reste qu’il ne faut pas perdre de vue que la détermination elle-même des contours du secteur géographique relève bien de l’appréciation des juges du fond. C’est à eux de définir le secteur géographique, en fonction des transports, de la distance et des facilités de communication.

Quelques exemples. Il a été admis qu’un changement du lieu de travail de Lyon à Paris constitue une modification du contrat de travail, tandis qu’un déplacement du lieu de travail de Malakoff à Courbevoie n’a pas été considéré comme un déplacement du lieu de travail, ainsi que le déplacement d’un village à un autre.

Cette notion de secteur géographique traduit la volonté de la Cour de cassation de recon-naître une ère de mobilité dans les limites de laquelle l’employeur peut exercer son pouvoir de direction. Et c’est au-delà seulement qu’il y aura modification du contrat de travail.

Exceptions.→ L’employeur mute le salarié dans le même secteur géographique, il pourra y avoir exception-nellement modification du contrat de travail si le contrat contenait une clause spécifiant que la prestation doit s’accomplir dans tel lieu en particulier. La décision pourra alors s’analyser come une modification du contrat de travail car la Cour de cassation a rendu un arrêt qui a fait couler beaucoup d’encore dont il ressort que la présence d’une clause contractuelle précisant le lieu, la décision de l’employeur de muter le salarié dans le même secteur géographique, ne s’analysera pas nécessairement comme une modification du contrat. CCass. 3 Juin 2003. En effet la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur informative à moins qu’il ne soit sti-pulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.

Si la clause contractuelle ne répond pas à ces caractères la décision de l’employeur de muter le salarié dans la même zone géographique sera un simple changement des conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. La Cour de cassation s’attache à limiter la portée des clauses contractuelles qui mentionnent le lieu de travail du sala-rié.

Principe : l’affectation du salarié en dehors de la zone géographique est une modification du contrat de travail. Sauf que   : → Ne constitue pas une modification du contrat de travail le déplacement occasionnel du sa-larié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement, à la double condition toute-fois que la mission du salarié soit justifiée par l’intérêt de l’entreprise et que la spécificité des

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fonctions du salarié implique une certaine mobilité géographique de sa part CCass. 22 Janv. 2003.

Le caractère occasionnel du déplacement va prêter à discussion, également l’intérêt de l’entreprise, et ainsi que la spécificité des fonctions. Est-ce que ça signifie des postes par essence mobiles ?

Les incertitudes s’accentuent un autre arrêt. La Cour devait se prononcer sur l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors de sa zone géographique initiale, mais que les fonctions du salarié n’impliquaient pas de soi une certaine mobilité géographique. La Cour de cassation pose trois conditions pour que l’affectation occasionnelle ne constitue pas une modification du contrat de travail. CCass. 3 fév. 2010.

* L’affectation provisoire doit être motivée par l’intérêt de l’entreprise.* Cette affectation doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles.* Le salarié doit avoir été préalablement informé dans un délai raisonnable.A la lecture de cette décision, on peut dire que lorsqu’on est dans une situation où un sala-

rié est affecté de manière occasionnelle en dehors de son secteur géographique initial et lorsque rien n’indique que ses fonctions appelaient une certaine mobilité géographique, et bien pour que ce changement d’affectation ne constitue pas une modification du contrat de travail, la Cour de cassation pose deux conditions qui viennent palier l’absence de fonction spécifiques impliquant une mobilité géographique. Ces deux conditions ce sont que : l’affectation doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles et que le salarié doit avoir été informé dans un délai raison-nable.

On assiste à un contentieux qui n’est pas vraiment fixé, sinon que la racine de ce type de contentieux c’est le caractère occasionnel de l’affectation.

→ Le contrat de travail contient une clause de mobilité. Alors la modification du lieu a été acceptée par avance par le salarié. De sorte que si l’em-

ployeur met en œuvre la clause de mobilité même en dehors du secteur géographique du lieu de travail initial, il n’y aura pas modification du contrat de travail, en conséquence l’accord du salarié ne sera pas exigé. En d’autres termes la mutation du salarié en application d’une clause de mobilité ne concerne que les conditions de travail et relève par conséquent du pouvoir de di-rection de l’employeur. Il résulte que le refus par le salarié de cette modification est constitutive normalement d’une faute (cf. plus tard : c’est plus compliqué).

La Cour de cassation a posé une limite importante dans un arrêt du 23 sept. 2009. Elle énonce dans cet arrêt qu’un salarié ne peut pas accepter par avance un changement d’em-ployeur. La Cour précise que la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par contrat de travail à une société s’est engagé à accepter toute mutation dans une autre société du même groupe, cette clause est purement et simplement entachée de nullité. Il faut l’entendre ainsi, comme une limité forte : l’employeur est dans l’impossibilité de prendre appui sur une clause de mobilité pour imposer à un salarié une mutation au sein des différentes filiales d’un même groupe de sociétés. Il y a à travers cette solution une manière pour la Cour de cassation son attachement à l’autonomie juridique de chacune des sociétés d’un groupe, de rappeler que chacune de ces sociétés est bel et bien dotée de la personnalité morale, qui détermine la qualité d’employeur.

Les directeurs des grands groupes de société ont fait valoir que cette jurisprudence était en décalage avec la politique de mobilité dans les grands groupes, auxquels la clause de mobilité donnait un appui juridique solide. Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation.

4) Durée du travail- 4 ème pilier   : la durée du travail. La Cour de cassation a affirmé que la durée du travail telle que mentionnée au contrat constitue en principe un élément du contrat de travail. CCass. 20 oct. 1998.

En l’espèce, si un salarié est engagé pour 39h par semaine et si son employeur entend désormais lui faire faire 41h, même avec une augmentation de salaire, on se trouve en présence d’une modification du contrat de travail. La Cour de cassation a estimé qu’il en va de même si l’employeur entend réduire la durée du travail sans compensation salariale.

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Mardi 06 déc. 2011Ceci étant il ressort de la jurisprudence qu’on ne peut pas tracer un trait d’identité entre durée du travail et horaires de travail.

Le changement des horaires peut consister en un changement des conditions de travail, et pas nécessairement d’un changement du contrat de travail.

En l’état du droit positif 4 situations doivent être relevées, quand le changement d’horaire sera un changement du contrat de travail (donc accord du salarié nécessaire)- le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit ou vice versa- une nouvelle répartition des horaires sur la semaine- passage d’un horaire continu à un horaire discontinu c'est-à-dire travailler en deux pé-riodes bien distinctes dans la journée avec des coupures de plusieurs heures alors qu’on travaillait auparavant sur une seule période. - passage d’un horaire fixe à un horaire modulé. Ex : pendant 2 mois, les salariés vont tra-vailler 35, 40h, et ensuite, ils vont travailler moins, donc sur l’année, l’horaire globale ne sera pas modifiée.

Et si c’est une nouvelle répartition des horaires sur la journée ? Une nouvelle répartition des ho-raires sur la journée relève normalement du pouvoir de direction de l’employeur Soc. 3 nov. 2011.

Réserve   : Sauf s’il y a une « atteinte excessive aux droits du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos ». Elle va permettre de distinguer les change-ments d’horaire sur la journée qui constituent un simple changement des conditions de travail dans l’exercice du pouvoir de direction et les changements d’horaire qui devront s’analyser ex-ceptionnellement comme une modification du contrat de travail qui requière l’accord du salarié.D’autre part, ce qu’on observe c’est que le critère mis en avant (respect de la vie personnelle…) témoigne une nouvelle fois de la montée en puissance des droits fondamentaux liés à la per-sonne du salarié. C’est comme un nouvel axe de résistance au pouvoir de direction de l’em-ployeur. Cette mise en avant des droits fondamentaux est d’autant plus importante qu’on va bas-culer d’un changement des conditions de travail à la modification du contrat de travail.

Cela induit un contrôle de proportionnalité (excessive, pas excessive ?) donc cela aura pour conséquence une insécurité juridique, qui se veut l’instrument de protection du salarié.

Question limitrophe : la modification des cadences de travail constitue pour la Cour de cassation un simple changement des conditions de travail sauf si elle a des répercussions sur la rémunéra-tion des salariés ou encore si elle a des répercussions sur le temps de travail, élément du socle contractuel Soc. 20 oct. 2010.

Si on veut bien admettre qu’une modification des rythmes de travail peut avoir des effets sur la santé des salariés alors considérer qu’il s’agit d’une modification des conditions de travail si elle a une incidence sur la santé du salarié, c’est problématique par rapport au droit à la santé, principe constitutionnel.

Comment la jurisprudence détermine si le contrat de travail a été ou non modifié ? C’est ce qu’on vient d’aborder.Maintenant on peut aborder les conséquences de la décision patronale sur la situation du salarié.

Section 2. Les conséquences de la décision patronale sur la si-tuation du salarié

§1. En cas de modification du contrat de travailLa jurisprudence a effectué un revirement capital en 1987. C'est-à-dire à l’époque où la

Cour de cassation établissait encore une distinction entre modification substantielle du contrat de travail et modification non substantielle (on n’est pas encore en 1996, où les arrêts ont posé la distinction entre la modification du CT et le changement des conditions de travail, npcf les 2 ju-risprudences).

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En 1987 il y a eu un 1er revirement. Dans un arrêt fondamental rendu le 18 octobre 1987, arrêt connu sous le nom d’arrêt Raquin, Cass. 18 oct. 1987, qui a donné naissance à la juris-prudence raquin. Dans cet arrêt la Cour se fonde sur l’article 1134 du C. Civ. pour énoncer que « l’employeur ne peut modifier substantiellement le contrat de travail, il lui incombe soit de main-tenir les conditions contractuellement convenues, soit de tirer les conséquences du refus opposé par l’intéressé [le salarié, l’acceptation de celui-ci ne pouvant résulter de la poursuite par lui du travail ».

La Cour reste attachée à cette règle, qu’on appelle maintenant jurisprudence raquin. Étant entendu que depuis l’abandon depuis 1996 de la distinction « modification substantielle \ modifi-cation non substantielle », la jurisprudence raquin s’applique fort logiquement en cas de modifica-tion du contrat de travail. Cette jurisprudence marque un retour remarquable à l’article 1134 du code civil.

En effet à partir de l’arrêt raquin l’employeur ne peut plus imposer unilatéralement la modification du contrat, il lui faut l’accord du salarié, le contrat reprend donc ses droits par rapport au pouvoir de direction.

On distingue selon que le salarié :- accepte- refuse- la modification lui aurait été imposéeA) Le refus de la modification

1) La jurisprudence raquin et ses implicationsLa modification du contrat ne saurait être considérée comme acceptée par le salarié si ce

dernier n’a pas manifesté expressément son acceptation. Admettons que le salarié poursuive son travail aux conditions nouvelles, qu’il se maintienne à son poste de travail, cette poursuite de l’exécution de son travail ne pourra pas être considérée par l’employeur comme valant accepta-tion tacite.

Si le salarié refuse, alors l’employeur devra tirer les conséquences du refus du salarié, il devra assumer la pleine et entière responsabilité de la rupture du contrat de travail. Il devra enga-ger la procédure préalable au licenciement individuel, en respectant un délai de préavis, verser les indemnités de licenciements.

Dernière application de la jurisprudence raquin : face au refus du salarié d’accepter la mo-dification du contrat, l’employeur reste inactif c'est-à-dire, ne maintient pas les conditions ini-tiales, et n’engage pas la procédure de licenciement alors l’employeur s’expose à une action du salarié en exécution du contrat de travail aux conditions anciennes sachant toutefois que cette faculté s’exposera parfois à des impossibilités pratiques, p. ex. lorsque la modification concerne le lieu de travail et que l’établissement où travaillait le salarié n’existe plus.

Hypothèse la plus fréquente : l’employeur procède au licenciement du salarié qui refuse la modification du contrat de travail. Alors les difficultés ne sont pas terminées. Il faudra se deman-der si le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour motif personnel ou d’un licenciement pour motif économique, tout dépendra de la cause de la modification du contrat qui va déterminer le caractère de licenciement (perso ou éco).

2) L’appréciation de la cause de la modification1 –La modification s’est faite pour un motif non inhérent à la personne du salarié. Alors le

licenciement consécutif est un licenciement pour motif économique. Il pourra être individuel ou collectif selon le nombre de salariés qui ont refusé cette modification.

De surcroit, depuis une loi du 29 nov. 1993 (codé à l’article L1222-6) lorsque l’em-ployeur envisage la modification du contrat pour motif économique, la loi nous dit qu’il en informe chaque salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. Ensuite il dispose d’un mois pour faire connaitre son refus. La loi ajoute : à défaut de réponse dans ce délai, le salarié est ré-puté avoir accepté la modification proposée. Cela ébranle une des implications posée par la juris-prudence raquin qui selon elle, la seule poursuite du salarié ne vaut pas acceptation. A supposer toutefois que l’employeur licencie le salarié avant le terme du délai d’un mois, le licenciement sera nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. 20 déc. 2003).

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Si le salarié refuse la modification dans un délai d’un mois, l’employeur prend la responsa-bilité de la rupture : il le licencie pour motif économique. Il reste à se demander : ce licenciement est-il fondé sur une cause réelle et sérieuse ? Le salarié pourra-t-il obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Un licenciement sera sans cause réelle et sérieuse si la modification du contrat de travail refusée par le salarié n’est pas consécutive soit à des difficultés économiques, soit à des muta-tions technologiques, soit à une réorganisation de l’entreprise décidée pour sauvegarder sa com-pétitivité ? Avec l’obligation de reclassement, qui pèse sur l’employeur, dans l’hypothèse où il entend modifier le contrat du salarié.

2nde situation : la modification du contrat a été décidée par l’employeur cette fois pour un motif lié à la personne du salarié. Dans ce cas là le licenciement est pour motif personnel. Il fau-dra se demander si le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse (cf. jurisprudence sur les différents types de motifs personnels de licenciement). Il faut savoir qu’une attention parti-culière doit être portée à la modification du contrat de travail pour motif disciplinaire, c'est-à-dire à la modification du contrat de travail consécutive à une faute du salarié.

3) Modification pour motif disciplinaireExemple : une mutation, une rétrogradation disciplinaire. Les règles disciplinaires postulent

que le salarié se soumette à la sanction quitte à la contester plus tard. Question délicate : com-ment combiner les règles du droit disciplinaire et les règles de modification du contrat de travail qui permettent au salarié de résister à la modification de son contrat de travail ? il y a eu des atermoiements jurisprudentiels qui sont censés avoir cessés depuis un arrêt Cass. 16 juin 1998, connu sous l’appellation d’Hôtel le Berry. La Cour de cassation considère que l’accord du salarié à une modification de son contrat de travail est toujours obligatoire quel que soit le motif de la mo-dification envisagée même si c’est le comportement fautif du salarié qui a été à l’origine d’une sanction correspondant à une modification du contrat de travail. Exemples types :

- mutation disciplinaire-rétrogradation disciplinairePour la Cour de cassation le refus en soi apporté par le salarié à la modification contrac-

tuelle n’est pas fautif. Face au refus du salarié, l’employeur a simplement la faculté, dans le cadre de son pouvoir

disciplinaire, de prononcer une autre sanction au lieu et place de la sanction refusée par le sala-rié. Si la 2nde sanction est un licenciement, il ne sera justifié qu’à la condition que les faits repro-chés au départ au salarié (à l’origine de la modification du contrat de travail pour motif discipli-naire) sont constitutifs d’une cause réelle et sérieuse.

Récemment la Cour de cassation (Cass. 28 avril 2011) a précisé que lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail il doit l’informer de sa faculté d’accepter ou de refuser cette modification. Si la lettre se taie sur ce point alors le salarié devrait pouvoir prendre acte de la rupture de son contrat de travail du fait de l’employeur. Le même jour (Cass. 28 avril 2011) la Cour a pris une autre décision. Il ressort que lorsque l’em-ployeur, confronté au refus par le salarié de la modification du contrat de travail entend prononcer un licenciement comme sanction de substitution alors un nouveau délai de 2 mois court à comp-ter du refus exprimé par le salarié.

En effet en application du droit disciplinaire, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’enga-gement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Cela veut dire que l’employeur ne pas prononcer une sanction au-delà de deux mois. Si le salarié refuse la modification de son contrat de travail alors un nouveau délai de 2 mois commence à la date du refus.

Certains ont fait remarquer les effets pervers de cette jurisprudence : un employeur ne souhaitait pas licencier le salarié, mais en raison d’une faute, il est décidé à le muter. Mais s’il connait la jurisprudence, il sait que le salarié a une capacité de résistance. Il aura alors tendance à aller directement au licenciement.

B) L’acceptation de la modification

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Dans ce cas là le contrat de travail se poursuit aux conditions nouvelles. C’est un contrat de travail unique et non pas un nouveau qui commence. Encore faut-il que l’acceptation soit non équivoque. L’employeur a donc intérêt à demander au salarié un accord écrit, sans quoi le seul fait que le salarié se maintienne à son poste, ne vaut pas acceptation tacite de la modification (sauf si licenciement économique + délai d’un mois).

C) La modification imposéeExemple : insertion par l’employeur dans le contrat de travail d’un avenant modifiant la

partie fixe de la rémunération d’un salarié. Ou encore : modification unilatérale du mode de rému-nération contractuelle. En présence d’un tel comportement, ce dernier peut provoquer la prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail du fait de l’employeur.

En modifiant unilatéralement du contrat, l’employeur a manqué à ses obligations. La prise d’acte par le salarié produira les effets pour le salarié d’un licenciement sans cause réelle et sé-rieuse.

§2. Changement des conditions de travail pris par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction

Le contrat de travail n’a pas été modifié. Dans les deux arrêts fondamentaux du 10 juil. 1987 la Cour de cassation avait estimé que le refus par le salarié d’accepter un changement de ses conditions de travail « constitue en principe une faute grave qu’il appartient à l’employeur de sanctionner ». [Faute grave : privative du préavis et des indemnités de licenciement].

Par la suite la Cour de cassation a précisé que le refus ne constituait pas nécessairement une faute grave.

Puis la Cour de cassation a estimé que le refus par le salarié d’un changement des condi-tions de travail ne constitue pas à lui seul une faute grave. Cass. 23 fév. 2005.

En d’autres termes, l’évolution est frappante \\ à ce qui ressortait des arrêts de 1996, en principe le refus ne serait pas constitutif d’une faute grave. On inverse presque la proposition de 1987 mais, il reste fautif. Le refus rend le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Confirmation : Cass. 20 mars 2007.

Depuis la jurisprudence qui voit le jour avec l’arrêt de 2005, est-ce qu’il y a des circons-tances où la Cour de cassation pourrait considérer que le refus par le salarié du changement de ses conditions de travail n’est pas constitutif d’une faute (du tout). Réponse dans l’arrêt même de 2005. La Cour de cassation précise qu’il  incombe au salarié qui prétendrait que son refus des changements de conditions de travail se justifiait, de démontrer que « la décision de l’employeur a été prise en réalité pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise où bien qu’elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ».

Mercredi 7 décembre 2011Le contrôle auquel se livre la Cour sur le terrain de la bonne foi contractuelle portera sur

des éléments liés à la vie personnelle et familiale du salarié. L’employeur ne peut pas faire abs-traction des éléments liés à la vie personnelle et familiale du salarié s’il entend qu’il considère qu’il a bien mis en œuvre la clause conformément à la bonne foi. Si le juge estime que le salarié s’est bien acquitté de la preuve qui lui incombe, le licenciement pourra être considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse. Il y a une sorte de progression. On savait déjà, à la lecture de cet arrêt du 23 fév. 2005 que le refus opposé par le salarié au changement des conditions de tra-vail, ne constitue pas une faute grave. On savait aussi que ce refus reste fautif et rend le licencie-ment fondé sur une cause réelle et sérieuse. C’est toute la différence avec le refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail.

Exceptionnellement le refus des conditions de travail ne sera pas constitutif d’une cause réelle et sérieuse si le salarié parvient à démontrer que la décision de l’employeur a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise, ou mise en œuvre dans des conditions exclu-sives de la bonne foi contractuelle.

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Se côtoient ici le droit du travail et le droit civil.les circonstances du changement des conditions de travail devront être appréciées au point qu’il n’est pas exclu que le licenciement consécutif au refus du salarié soit sans cause réelle et sérieuse.

Autre précision : l’employeur ne peut pas considérer que le salarié est démissionnaire. On se souvient que la démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque, elle ne peut pas se déduire du fait que le salarié refuse le changement de ses conditions de tra-vail. Il en va de même lorsque le salarié refuse d’exécuter une clause contractuelle comme une clause de mobilité.

Depuis deux arrêts du 25 juin 2003 étudiés dans le cadre de la démission, en l’absence de démission du salarié par un acte expresse, procédant d’une volonté claire et non équivoque, l’em-ployeur qui considérerait le contrat comme rompu du fait du salarié doit impérativement mettre en œuvre la procédure de licenciement. Sans quoi la rupture du contrat de travail s’analysera en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Titre 4. La structuration du rapport d’emploiC’est la conclusion d’un contrat de travail qui donne naissance au rapport d’emploi. Au

cœur de ce rapport d’emploi on trouve le contrat de travail qui lui a donné naissance mais égale-ment les pouvoirs de l’employeur. Encore, on trouve, une rencontre délicate à décrypter entre le pouvoir et le contrat dont témoigne l’insertion de plus en plus fréquente de clauses dans le contrat de travail liées à l’exécution du contrat de travail.

Enfin, on assiste à l’affirmation croissante des droits fondamentaux. Le contrat, le pouvoir de l’employeur sont de plus en plus soumis au respect de ces droits fondamentaux liés à la per-sonne du salarié.

Chapitre 1. Les pouvoirs de l’employeurLe pouvoir patronale dans l’entreprise se manifeste d’une part à travers l’exercice par

l’employeur de son pouvoir de direction, d’autre part à travers l’exercice de ses prérogatives en matière disciplinaire.

Section 1. Les fondements des pouvoirs patronauxLa recherche de ces fondements revient aux deux conceptions d’entreprise : la conception

contractuelle et la conception institutionnelle. Selon la 1ère conception, l’entreprise se confond avec la juxtaposition des différents rapports contractuels qui lient l’employeur à chaque salarié. L’entreprise n’a donc pas vraiment de réalité collective. Dès lors les fondements du pouvoir patro-nal sont tout à la fois le contrat de travail et les prérogatives attachées à la propriété. Comme le contrat de travail implique la subordination du salarié à l’employeur et parce que l’employeur a des droits sur l’entreprise en tant que propriétaire qu’il peut exercer son pouvoir sur les salariés.

La théorie institutionnelle de l’entreprise. Un grand auteur, Paul Durand est à l’origine de cette thèse qui a été exportée d’Allemagne. Il s’est efforcé de transposer cette théorie de l’institu-tion dans notre pays. Il en est à l’origine. Selon cette théorie, il faut y voir une communauté de travail constituant une institution organisée. L’employeur et les salariés sont unis par et pour la réalisation d’un même but. Ce but c’est d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise. Cela veut dire que dans cette conception il existe un intérêt de l’entreprise commun à tous, et donc supé-rieur aux intérêts respectifs des employeurs et des salariés. Or pour bien fonctionner la commu-nauté qui est ainsi constituée doit être regroupée autour d’un chef. Un chef responsable de l’en-treprise et qui agit en vue du bien commun des membres de l’entreprise. Selon la théorie institu-tionnelle, le fondement du pouvoir patronal c’est la qualité même de chef d’entreprise agissant dans l’intérêt de tous.

Le pouvoir est inhérent à la qualité du chef d’entreprise, dans lequel on doit voir le chef naturel d’une communauté organisée Cass. 16 juin 1946. On peut observer que la théorie institutionnelle trouve aujourd’hui un réel écho auprès d’une partie moderniste du patronat qui considère que l’opposition capital \ travail est une opposition morte. L’employeur agirait toujours dans l’intérêt de l’entreprise, un intérêt commun.

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La jurisprudence utilise tour à tour la conception contractuelle et la théorie institutionnelle de l’entreprise. L’une comme l’autre, par ailleurs, justifie l’existence du pouvoir patronal avec ses deux dimensions essentielles : le pouvoir de direction et les prérogatives en matière disciplinaire.

Section 2. Les manifestations diverses du pouvoir de directionOn va distinguer le pouvoir de direction sur les personnes et le pouvoir de direction écono-

mique

§1. Le pouvoir de direction sur les personnesL’employeur décide de l’embauche, du licenciement, mais encore de l’attribution des

postes de travail, de la répartition des tâches, de l’organisation du travail, des horaires de travail, de l’avancement. L’employeur est premier juge de la carrière des salariés. Il a la faculté de don-ner des ordres et des directives au salarié en cours d’exécution du contrat.

Rappel : c’est dans le cadre de son pouvoir de direction que l’employeur peut décider d’ap-porter un changement aux conditions de travail du salarié. Pris sous cet angle la distinction de l’arrêt du 10 juil. 1996 entre modification du contrat de travail et des conditions de travail, ne vise pas seulement de redonner sa pleine autorité au contrat, en vérité la distinction entend signifier en même temps qu’en dehors du socle contractuel, le pouvoir de direction retrouve normalement toute sa vigueur. C’est bien dans l’exercice de son pouvoir de direction que l’employeur est admis à opérer des changements dans les conditions de travail du salarié.

Cette distinction vise au bout du compte autant à revaloriser le contrat qu’à réaffirmer le caractère indépassable du pouvoir de direction.

§2. Le pouvoir de direction économiqueL’employeur est responsable de la gestion économique et financière de l’entreprise. C’est

lui qui décide des mesures de réorganisation qui lui semblent nécessaires et qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de l’entreprise. Dans un arrêt du 31 mai 1956, connu sous le nom de BRI-NON la Cour de cassation n’avait pas hésité à affirmer que l’employeur est seul juge des circons-tances qui le déterminent à cesser son exploitation. Cette formulation a donné naissance à la théorie de l’employeur seul juge. Les temps ont changé depuis à la mesure du renforcement de la législation en matière de licenciement, particulièrement de la législation en matière écono-mique et du contrôle exercé par le juge dans ce domaine. Il y a un arrêt, rendu par la Cour de cas-sation qui est tout à fait emblématique du déclin du principe de l’employeur seul juge (Cass. 16 janv. 2001) dans lequel la Cour énonce que la cessation de l’activité de l’entreprise peut consti-tuer un motif économique de licenciement mais elle institue deux limites : la fermeture de l’entre-prise ne constitue pas une cause légitime de licenciement pour motif économique si elle s’ex-plique par une faute de l’employeur ou par sa légèreté blâmable. C’est donc une manière de mar-quer le déclin de la théorie de l’employeur seul juge.

Dans la situation où 2 sociétés auraient la qualité de co-employeur la cessation d’activité de l’une ne fait plus figure de licenciement pour motif économique Cass. 18 janv. 2011.

Section 3. Les prérogatives de l’employeur en matière discipli-naire

- pouvoir d’édicter le règlement intérieur- pouvoir disciplinaire

§1. Pouvoir d’édicter le règlement intérieur L’employeur établit des normes unilatéralement dans ce cadre, en matière de discipline,

d’hygiène et de sécurité. Il établit le règlement intérieur à cet effet. Les clauses du règlement in-térieur peuvent être à l’origine d’abus d’où un contentieux important et que la loi du 4 aout 1982 s’est efforcée de limiter le pouvoir de l’employeur d’établir ce règlement sans le remettre en cause pour autant.

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§2. Le pouvoir disciplinaireSous le régime juridique antérieur à la loi du 4 aout 1982, il fallait utiliser le terme « pou-

voir disciplinaire » à la lettre car il n’existait pas de droit disciplinaire. Mise au point : certes cha-cun sait ici qu’en matière de licenciement un droit du licenciement était en place depuis la loi fondatrice du 13 juil. 1973 imposant à l’employeur de respecter des obligations sur la procé-dure et sur le fond. Mais le licenciement ne constitue pas toujours une sanction disciplinaire. Il constitue une sanction disciplinaire que s’il est prononcé en réponse à une faute commise par le salarié.

Quand tel est le cas le licenciement est la sanction suprême or l’employeur qui désire ré-pondre à une faute dispose de toute une gamme de sanctions moindres que le licenciement allant du blâme ou de l’avertissement jusqu’à la mise à pied en passant la mutation disciplinaire ou la rétrogradation disciplinaire.

Avant la loi du 4 aout 1982 le législateur s’était abstenu de toute intervention concernant les sanctions autres que le licenciement. Cela revient à dire que l’employeur disposait d’un pou-voir quasi discrétionnaire sauf licenciement pour faute. Conséquence : e cas de contentieux il était rare que la sanction disciplinaire fût considérée comme injustifiée. Régnait jusqu’en 1982 la théorie de l’employeur seul juge.

La loi du 4 aout 1982 a entendu mettre un terme à cette situation. Désormais le pouvoir disciplinaire de l’employeur est un pouvoir encadré, en amont à travers la mise en place d’une procédure préalable au prononcé de la sanction, disons très proche de celle qu’on connait en ma-tière de licenciement individuel. Et puis le pouvoir disciplinaire est encadré en aval avec le renfor-cement du contrôle judiciaire.

C’est proche de la procédure de licenciement individuel, avec deux particularités : l’em-ployeur ne peut pas engager de procédure disciplinaire au-delà d’un délai de 2 mois suivant la connaissance qu’il a eu du fait fautif. La sanction doit être prononcée dans un mois à partir d’un entretien préalable.

Ajout : lorsqu’on est en présence d’un licenciement pour faute les 2 procédures vont s’ap-pliquer : celle issue du 13 juil. 1973 + celle en matière disciplinaire issue de la loi du 4 aout 1982. Si l’employeur prononce un licenciement pour faute, il devra le faire dans un délai d’un mois sui-vant l’entretien préalable, et notifiera le licenciement max 1 mois après l’entretien préalable.

Au point que selon la Cour de cassation si l’employeur notifie le licenciement au délai d’un mois, il s’agit d’absence de cause réelle et sérieuse.

Le pouvoir disciplinaire est contrôlé avec le renforcement du contrôle du juge. Depuis la loi de 1982 le juge exerce son contrôle sur la régularité de la procédure, sur le caractère justifié ou non de la sanction et sur la proportionnalité de la sanction à la faute. Il en découle selon la loi que le juge a le pouvoir d’annuler une sanction injustifiée et\ ou disproportionnée \\ à la faute com-mise. Mais sauf (la loi le précise expressément) si la sanction est un licenciement pour faute. En effet on sait qu’en cas de licenciement normalement le juge n’a pas le pouvoir d’annuler le licen-ciement en l’absence de cause réelle et sérieuse, le licenciement donne droit seulement à des dommages-intérêts.

Lorsque le licenciement est attentatoire à un droit fondamental lié à la personne du salarié alors la nullité pourra être prononcée avec l’obligation de réintégration. Si des licenciements ont été prononcés ils seront entachés de nullité, sil il n’y a pas eu de PSE.

En 1982 a pris place un droit disciplinaire qui vise à renforcer les pouvoir du salarié. La loi de 1982 n’a pas supprimé le motif disciplinaire car l’employeur garde la faculté de punir d’autres personnes privées.

Simplement le pouvoir de l’employeur est enserré dans toute une série d’obligations et il était temps. S’opère un glissement du pouvoir disciplinaire au droit disciplinaire sans que la men-tion du pouvoir soit franchement écartée.

Le rapport d’emploi se structure autour d’une rencontre assez singulière entre le pouvoir et le contrat.les clauses contractuelles liées à l’exécution du contrat de travail offre un beau té-moignage de cette rencontre.

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Chapitre 2. La rencontre du pouvoir et du contrat : l’exemple des clauses contractuelles liées à l’exécution du contrat de travail.

Section 1. La clause de mobilitéLe contrat de travail contient une clause de mobilité. La Cour de cassation considère alors

que la modification du lieu a été comme acceptée par avance par le salarié. Si l’employeur met en œuvre la clause de mobilité même en dehors du secteur géographique du contrat initial il n’y a pas de modification du contrat de travail et l’accord du salarié n’est pas exigé.

La mutation d’un salarié en application d’une clause de mobilité ne concerne que les condi-tions de travail et relève du pouvoir de direction de l’employeur. Soc. 30 sept. 1990. Ceci étant la jurisprudence a connu des évolutions s’agissant des conditions de mise en œuvre de la clause par l’employeur. Il s’agit aussi des conséquences attachées au refus de sa mutation par le salarié.

Dans l’arrêt du 30 sept. 1997, la Cour de cassation avait estimé que le refus du salarié était constitutif d’une faute en principe même d’une faute grave sauf si l’employeur avait adopté un comportement révélateur d’un détournement de pouvoir.

Par la suite la Cour de cassation s’est orientée dans une direction plus protectrice pour le salarié.

Cass. 18 mai 1999, la Cour a admis que le refus par le salarié de sa mutation pouvait être justifié (et donc le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse) si l’employeur avait fait un usage abusif de la clause. Tel était le cas lorsque comme en l’espèce un employeur imposait à un salarié qui se trouvait dans une situation familiale critique, de sorte qu’un déplacement immédiat dans un poste de travail autre ne pouvait lui être imposé compte tenu du fait que ce poste pou-vait être pourvu à d’autres salariés. Cette solution a retenu l’attention d’autant plus que la Cour de cassation se réfère à l’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail.

Autrement dit dans cette décision la Cour a rattaché la notion d’abus dans l’usage de la clause à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail. Cela revient à dire que pour la Cour de cassation, conformément à cette obligation d’exécuter de bonne foi du contrat de travail l’employeur ne pouvait pas faire abstraction des éléments liés à la vie personnelle et familiale du salarié.

La Cour de cassation ne fait pas référence explicitement à un droit fondamental, elle se réfère à l’exigence de l’employeur de ne pas employeur des éléments liés à la vie personnelle et familiale du salarié.

Autre décision qui accrédite l’idée que la mise en œuvre d’une clause de mobilité par l’em-ployeur se heurte à la limite de l’abus du droit. Le nouveau lieu de travail imposé à un salarié à l’occasion de la mise en œuvre de sa clause de mobilité le mettait dans l’impossibilité de le rendre à l’heure privée sur ce nouveau lieu en raison de l’absence totale de transports en com-mun. Selon la Cour de cassation qu’il en résulte que l’employeur qui n’avait pas assuré au salarié les moyens de se rendre à son travail, que l’employeur avait abusé du droit qu’il tient de l’exer-cice de son pouvoir de direction. Cette observation appelle deux observations : si on la compare à celle retenue dans l’arrêt du 18 mai 1999, dans le cadre d’une comparaison.

Dans l’arrêt de 2001, la Cour de cassation ne se réfère plus à l’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail. Il y a un glissement qui s’opère (1h14) de l’usage abusif de la clause)

1h 14- 1h 20a) Dans l’arrêt de 2001 la cour ne se réfère plus à l’exigence de BF dans l’exécution du

contrat. Il y a un glissement qui s’opère, quasi-imperceptible, de l’usage abusif de la clause à l’usage abusif par l’employeur de son pouvoir de direction. Dans l’arrêt du 10 janvier 2001 c’est sur l’usage par l’employeur de son pouvoir de direction que la Cour entend faire porter directe-ment son contrôle, toujours par le biais de la notion d’abus.

b) Dans l’arrêt du 10 janvier 2001 l’abus consiste de la part de l’employeur a avoir mis en œuvre la clause de mobilité sans avoir assuré aux salariés les moyens de se rendre sur son nou-veau lieu de travail alors qu’il n’existait pas de transport en commun. Pour identifier l’abus, la Cour prend en compte les effets de la décision de l’employeur de mettre en œuvre la clause. Peut-on considérer par la même que la cour prend en compte –comme dans l’arrêt du 18 mai

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1999- un élément lié à la vie personnelle du salarié (élément subjectif : femme enceinte) ? Dans l’arrêt du 10 janvier 2001, pas vraiment. L’abus tient plutôt ici à un élément objectif (le manque de transport en commun).

Il ressort d’un arrêt du 23 janvier 2002 que la Cour peut se livrer à une appréciation objec-tive non pas au regard des effets de la décision mais au regard des motifs de la décision de l’em-ployeur de mettre en œuvre la clause. L’employeur est tenu de justifier la mutation du salarié par un motif objectif, qui se rattache à une exigence : la clause de mobilité ne peut être mise en œuvre que dans l’intérêt de l’entreprise.

L’employeur est tenu de justifier la mutation du salarié par un motif objectif qui se rattache à une exigence : la clause de mobilité ne peut être mise en œuvre que dans l’intérêt de l’entre-prise. Toutes les décisions qu’on vient d’examiner, témoignent de certains tâtonnements de la Cour de cassation. Dans la manière de raisonner, de qualifier juridiquement la situation qui consiste à mettre en œuvre une clause de mobilité et qui risque de s’opposer au refus du salarié.

Il n’est pas sûr que ces tâtonnements aient connu un terme par un arrêt plus récent 23 fév. 2005. Dans cette 2nde décision la Cour de cassation reprend en partie les termes de la 1ère décision du 23 fév. 2005. Elle dit ici que la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n’ont pas à rechercher si la décision de l’employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l’intérêt de l’entreprise .La Cour de cassation ajoute  il in-combe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étran-gères à cet intérêt ou bien qu’elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Mardi 13 décembre 2011Contrairement à ce qui semblait ressortir de certaines décisions antérieures, il est clair

selon cet arrêt que la charge de la preuve pèse sur le salarié désormais. Ce n’est pas à l’em-ployeur de prouver que sa décision de faire jouer la clause était conforme à l’intérêt de l’entre-prise.

Objet de la preuve. La Cour de cassation se réfère à une double exigence dans l’arrêt du 23 fév. 2005. - Obligation pour l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi à laquelle on rattache la prise en compte d’éléments liés à la vie personnelle et familiale du salarié. Ces éléments parti-cipent à une exécution de bonne foi du contrat. Avec la bonne foi on se situe sur le terrain du contrat. - Intérêt de l’entreprise. Ici on se situe sur le terrain du pouvoir de l’employeur. Pouvoir de direction pour muter le salarié n’est possible que dans l’intérêt de l’entreprise.

On s’intéresse au mécanisme contractuel et le contrôle de l’exercice du pouvoir. Plutôt que d’établir une césure entre pouvoir et contrat, la Cour de cassation semble associer contrat et pouvoir afin d’encadrer au mieux la décision de faire jouer une clause de mobilité. Si le salarié qui a refusé sa mutation parvient à démontrer que la décision de l’employeur de faire jouer la clause de mobilité a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise le juge qui contrôlera le pouvoir de l’employeur.

Si le salarié apporte la preuve que la clause a été mise en œuvre dans des conditions ex-clusives de la bonne foi contractuelle contrôle du juge sur la bonne exécution du contrat par l’employeur.

Sanction : le licenciement à l’encontre du salarié qui a refusé la mise en œuvre de la clause de mutation sera dénué de cause réelle et sérieuse. Cela résulte de la volonté de la Cour de cassation d’associer contrôle et pouvoir afin d’encadrer au mieux la décision de l’employeur de mettre en œuvre la clause de mobilité et de laisser une certaine licence au salarié de refuser la mutation.

Les choses se compliquent au vu d’un arrêt très important rendu par la Cour de cassa-tion  Cass. 14 oct. 2008. Cet arrêt a fait grand bruit parce que la Cour de cassation situe le contrôle du juge sur un terrain encore différent. Il apparait que la mise en œuvre d’une clause de

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mobilité par l’employeur peut être dorénavant apprécié non plus seulement à l’aune de la bonne foi ou à l’aune de l’intérêt de l’entreprise, mais aussi à l’aune du respect des droits fondamen-taux de la personne du salarié tel que le droit à une vie personnelle et familiale.

Apport : avant le juge prenait en compte des éléments liés à la vie personnelle et fami-liale que nous avions rattaché à l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi. Seulement dans l’arrêt du 14 oct. 2008 la Cour de cassation va au-delà de l’idée que l’employeur ne peut faire abstraction des éléments liés à la vie personnelle et familiale. En effet, ici la chambre sociale se situe directement sur le terrain es droits fondamentaux de la personne du salarié.

Cela permet d’affirmer qu’elle se situe explicitement sur le terrain c’est qu’elle mentionne, au visa de l’arrêt, l’ancien article (L122), nouvel article L1121-1. C’est un article essentiel, on en aait parlé des droits fondamentaux à l’occasion du recrutement du salarié ;

Cet article consacre la nécessité de respecter les droits des personnes et les libertés indi-viduelles et collectives dans le rapport de travail.

« Nul ne peut apporter au droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée aux buts recherchés ».

La restriction apportée à la vie familiale et personnelle du salarié à l’occasion de la mise en œuvre par l’employeur d’une clause de mobilité, devra toujours être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

Lorsque ce texte a été mis en œuvre pour apprécier la décision d’un employeur de faire jouer une clause de mobilité, la Cour de cassation s’appuie sur un autre fondement encore que ceux mis en lumière auparavant.

Incertitude : si c’est sur ce fondement que l’on considère que la mise en œuvre de la clause de mobilité est condamnable, qu’elle a apporté une restriction excessive au droit du salarié à sa vie familiale et personnelle. Est-ce qu’on peut se contenter de condamner l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

En effet d’habitude la sanction devrait être, pour ces motifs, la nullité.

Observation. Le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié qui a refusé sa mutation pourra être contesté également sur le terrain de la validité même de la clause de mobilité.

Cela signifie non plus donc sur le terrain de la mise en œuvre de la clause. On se situe maintenant sur le terrain de la validité de l’existence de la clause Cass. 7 juin 2006 : « une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et qu’elle ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée ».

En d’autres termes, la clause de mobilité ne saurait heurter la prohibition des conditions purement potestatives.

Il existe une autre clause contractuelle qui mérite attention : la clause de variabilité de la rémunération.

Section 2. La clause de variabilité de la rémunérationCe type de clause est emblématique de la tentation des employeurs d’opérer un transfert

des risques sur le salarié. Il vise à travers un telle clause à ce que la rétribution du salarié ne dé-pende plus seulement de la disponibilité de ce dernier. Le souhait de l’employeur qui insère une telle clause, c’est que la rémunération du salarié varie en fonction des conditions favorables ou non du marché. Il en résulte une grande insécurité pour le salarié. C’est une variabilité source d’insécurité. Elle est d’ailleurs inscrite dans le contrat de travail lui-même.

La Cour de cassation s’est attachée à protéger le salarié de ce type de clauses.

Soc. 27 fév. 2001   Dans cette décision la Cour de cassation motive sa solution en se situant explicitement sur le terrain de l’article 1134 al. 2. Dans cet arrêt la Cour a estimé que « la

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clause par laquelle l’employeur se réserve le droit de modifier en tout ou en partie le contrat de travail, est nulle comme contraire aux dispositions de l’article 1134 al. 2 C.Civ, le salarié ne pou-vant valablement renoncer aux droits qu’il tient de la loi ».

Si on comprend bien la Cour, ce qu’elle entend faire c’est couper court à la tentation de l’employeur de faire barrage au jeu de l’art. 1134 en se servant habilement de l’alinéa 1 de cet article. Puisque le contrat de travail contient une clause de variabilité, l’employeur se contente d’appliquer de manière la plus fidèle l’alinéa 2 de l’article.

La Cour de cassation entend dans cet arrêt de faire barrage au jeu des employeurs qui prennent appui sur l’alinéa 1 pour contourner l’alinéa 2. Et de fonder les dispositions sur l’art. 1170 qui prohibées conditions purement potestatives. Et de dire que cette prohibition devrait jouer en présence de clauses, telle qu’une clause de variabilité dont la mise en œuvre dépend de la seule volonté de l’employeur. La rémunération constitue en effet un des socles du socle contractuel. Depuis une décision du 2 juil. 2002, le raisonnement suivi par la Cour a évolué.

Dans l’arrêt du 2 juil. 2002 la Cour de cassation considère qu’une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié à trois conditions :- Qu’elle soit fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur- Qu’elle ne fasse pas porter le risque de l’entreprise sur le salarié- Qu’elle n’ait pas pour effet de réduire la rémunération au dessous des minima légaux ou conventionnel

Sont ainsi énoncées trois conditions de validité des clauses de variabilité de la rémunéra-tion. La 3ème condition elle rappelle le caractère impératif des minima salariaux, qu’il s’agisse du SMIC ou qu’il s’agisse des minima prévus par les conventions collectives. On comprend bien que cette 3ème condition offre aux salariés un petit verrou de sécurité.

La 2ème condition vise à souligner que le salarié doit recevoir en contrepartie de son travail une rémunération d’un montant minimum qui est lié au temps passé à travailler. Ce lien constitue une forme de protection que le contrat de travail confère au salarié. Ce lien ne peut pas être di-rectement remis en cause sans toucher à l’économie générale du contrat de travail. Si le lien ne peut ne pas être directement remis en cause alors la Cour de cassation a eu fort raison de dire qu’une clause de variabilité de la rémunération ne saurait opérer un transfert des risques sur le salarié. Dans tous les cas, le salarié doit recevoir une rémunération d’un montant minimum lié au temps passé à l’exécution du contrat de travail.

Tempérament   : toute clause de variabilité de la rémunération même si on ne remet pas directement en cause le lien entre rémunération et temps consacré à l’exécution du travail, abou-tit bien à faire supporter au salarié, non pas tous les risques de l’entreprise, mais une partie au moins de ceux-ci.

1ère condition : il faut fonder la condition sur un élément indépendant de la volonté de l’em-ployeur. Il en résulte que sont seules entachées de nullité les clauses dont la mise en œuvre dé-pend de la volonté exclusive de l’employeur.

Or la Cour de cassation n’a pas voulu mettre en avant dans l’arrêt de 2001, elle avait pré-féré pour admettre les clauses de variabilité, se fonder sur l’alinéa 2 de l’article 1134 du code ci-vil. C’est ce qui sépare l’article de 2001 de l’arrêt de 2002.en effet, le recours à 1134 permettait d’annuler la clause quand bien même la variation de rémunération aurait été fondée sur des élé-ments objectifs.

Dans l’arrêt du 2 juil. 2002 la Cour de cassation prend ses distances par rapport à cette orientation dès lors qu’elle admet que la clause est valable si la variation est fondée sur des élé-ments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur. Dans l’arrêt de 2002, la volonté de protéger la rémunération semble atténuée.

Ce glissement du 1er raisonnement au 2nd peut être regretté d’autant plus que l’objectivité des éléments sur lesquels doit être fondée la variation de la rémunération peut elle-même prêter à discussion. Lorsque, comme dans cet arrêt, les éléments tiennent à la baisse du chiffre d’af-faires, on peut se dire que le caractère objectif des éléments de variation est avéré. Mais cette variation parait plus fragile dans l’hypothèse où les éléments auraient trait en tout ou en partie à

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l’évaluation dont le salarié peut faire l’objet de la part de l’employeur. En effet cette clause aurait alors pour effet d’instrumentaliser le contrat de travail pour mieux exercer le pouvoir de direction de l’employeur.

Le scepticisme s’accentue avec un arrêt rendu en 2011 Cass. Soc. 16 mars 2011. Cet arrêt porte sur la situation dans laquelle la rémunération contient une partie variable dont le ver-sement est conditionné à des objectifs que le salarié doit atteindre. La Cour de cassation estime que de tels objectifs peuvent être modifiés unilatéralement par l’employeur dès lors qu’il est pré-vu dans le contrat de travail que la détermination des objectifs relève du pouvoir de direction de l’employeur.

La Cour de cassation exige deux conditions à cela :- Les nouveaux objectifs doivent être réalisables- Les nouveaux objectifs doivent avoir été portés à la connaissance du salarié en dé-

but d’exercice.

Cette jurisprudence devient très difficile à décrypter. Dans cet arrêt de 2002 la Cour de cassation subordonne la validité de la clause de variabilité de la rémunération à condition que la variabilité soit fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’em-ployeur.

Mais dans l’arrêt du 16 mars 2011 on voit la volonté unilatérale de l’employeur réapparaitre. Elle retrouve une place de choix. En effet à travers la possibilité offerte à l’em-ployeur de modifier unilatéralement les objectifs que le salarié doit atteindre, objectifs condition-nant la partie variable de la rémunération.

Pour autant la modification des objectifs sont valables à condition qu’il soit prévu dans le contrat de travail que la détermination des objectifs relève du pouvoir de direction de l’employeur. Si cette condition n’est pas remplie, il semblerait qu’il ne lui serait pas possible de les modifier.

Les clauses de variabilité de la rémunération offre un témoignage de la manière dont le rapport d’emploi se structure autour d’une relation fragile, incertaine, mais réelle, entre le pouvoir et le contrat. A l’occasion de l’examen qu’on a fait brièvement des clauses de variabilité de la rémunération on peut parler même d’entrelacement entre le contrat et le pouvoir lorsqu’il s’agit d’identifier le fondement de certaines décisions, avec bien sûr tout le flou qui peut en résul-ter.

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Chapitre 3. L’affirmation des droits fondamentaux liés à la per-sonne du salarié

La loi et tout particulièrement l’article L1121-1 et suivante, ainsi que le juge, ‘attachent à favoriser une meilleure prise en compte dans le rapport d’emploi des droits fondamentaux liés à la personne du salarié.

Même si la notion reste incertaine on peut dire que ces droits fondamentaux résultent du principe à valeur constitutionnelle, ou bien issu de conventions internationales, et même de toute autre origine, et qui ont un but commun : la défense de la personne humaine.

On peut distinguer dans les relations de travail deux catégories de droits fondamentaux.Mercredi 14 décembre 2011

→ 1ère catégorie : les droits spécifiques, c'est-à-dire les droits fondamentaux adaptés spécia-lement aux relations du travail. On range parmi ces droits de nombreux droits collectifs : droit de grève, liberté syndicale, droit pour chaque salarié de participer à la détermination des relations de travail à travers la négociation collective. On range parmi ces droits, certains droits individuels. Ex : le droit pour chaque salarié de se retirer d’une situation de travail dangereuse pour sa santé, le droit au repos qui se traduit par le droit pour chaque salarié de disposer d’au moins 11h par jour dans lesquelles il ne travaille pas.

→ 2nde catégorie : les droits fondamentaux de droit commun, c'est-à-dire les libertés garan-ties à chaque citoyen que l’employeur ne peut pas ignorer dans le cadre du rapport d’emploi qui le lie à chaque salarié. Parmi ces droits fondamentaux de droit commun on compte : la liberté de pensée, la liberté d’expression, la liberté religieuse, le droit au respect de la dignité, plus généra-lement tout ce qui a trait à la vie personnelle.

L’ascension de ces droits fondamentaux de droit commun dans le droit du travail traduit une attention accrue pour la personne du travailleur. On prend le travailleur en tant que personne et moins en tant que salarié. C’est une évolution remarquable quand on sait que l’existence d’un lien de subordination juridique constitue le critère du contrat de travail, et qu’on sait que l’em-ployeur dispose d’un certain nombre de pouvoirs tels que le pouvoir disciplinaire et le pouvoir de direction, bref quand on se dit que l’inégalité consubstantielle au contrat de travail induit néces-sairement que des restrictions sont susceptibles d’être apportées aux libertés des salariés.

D’autant plus que le travail salarié s’accomplit dans le cadre d’une entreprise où nul ne conteste que doit régner un certain ordre. Malgré tout cela, on assiste à une montée en puissance des droits fondamentaux au sein du droit du travail.

Cependant les relations entre le droit du travail et le droit fondamentaux de la personne ne sont pas simples, et ne sont pas évidentes. Interdiction pour l’employeur d’opérer des discrimina-tions entre salariés. On sait que la loi dresse une liste fort longue de motifs de discrimination pro-hibés L1132-1 C. trav.

La non discrimination entre salariés peut constituer l’interface de la reconnaissance de certains droits fondamentaux dans la mesure où cette reconnaissance s’accompagne naturelle-ment d’une prohibition renforcée des discriminations.

Les droits fondamentaux liés à la personne du salarié ont deux points d’ancrage en droit positif:- Tout d’abord on observe que ces droits fondamentaux mettent à l’épreuve la liberté contractuelle en ce sens que la validité de certaines clauses insérées dans le contrat de travail peut désormais être contestée au nom de l’atteinte portée à un droit fondamental. - Il n’est plus rare que des décisions unilatérales de l’employeur, des comportements mêmes de l’employeur soient sanctionnés en raison de l’atteinte portée à un droit fondamental ou de la restriction excessive portée à un tel droit.

Enfin sur le terrain de la non discrimination nous verront que la non discrimination suscite depuis quelque tems un intérêt renouvelé, notamment pour deux raisons :- Le nouveau régime de la preuve, apparu avec une loi de 2001 .- La prohibition des discriminations avec la reconnaissance en jurisprudence d’un principe d’égalité de traitement entre salariés.

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Section 1. La liberté contractuelle à l’épreuve des droits fonda-mentaux

§1. La clause de mobilitéRappel : le lieu de travail au sens du secteur géographique constitue un des piliers du socle

contractuel. Si l’employeur entend muter un salarié en dehors du secteur géographique où il ac-complit sa prestation, cette décision s’analysera comme une proposition de modification du contrat de travail qui requière l’accord du salarié.

Toutefois il en va différemment quand le contrat de travail contient une clause de mobilité. On sait que la mise en œuvre par l’employeur de cette clause s’analyse en un changement des conditions de travail et non pas en une modification du contrat décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. De sorte qu’en principe, le refus du salarié d’accepter sa mutation est constitutif d’une faute.

Encore faut-il que la décision de l’employeur n’ait pas été prise pour des raisons étran-gères à l’intérêt de l’entreprise, que la clause n’ait pas été mise en œuvre dans des conditions ex-clusives de la bonne foi contractuelle et que cela n’ait pas apporté une restriction excessive à un droit fondamental tel que le droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale. A travers la jurisprudence qu’on a rappelée, le juge exerce un contrôle sur la décision de l’employeur de mettre en œuvre la clause.

Mais le contrôle du juge peut porter également, parfois, sur la validité même de la clause, et à sa teneur.

La clause ne peut pas conférer à l’employeur d’étendre unilatéralement la portée de la zone géographique. Sur le terrain de la validité de la clause : pour être valable, une clause de mo-bilité est tenue de ne pas apporter une restriction excessive à un droit fondamental.

En ce sens, la liberté contractuelle est mise à l’épreuve d’un droit fondamental. Il y a un arrêt célèbre qui illustre cette problématique  CCass. 12 janv. 1999, SPILEERS.

Un attaché commercial salarié était domicilié dans la région parisienne avec sa famille et devait prospecter un secteur couvrant la région parisienne, le Nord et l’Est de la France. Seule-ment son contrat de travail contenait une clause de mobilité en vertu de laquelle l’employeur se réservait « le droit de modifier la région d’activité en demandant au salarié d’être domicilié dans la nouvelle région dans les six mois suivant le changement d’affectation ».

En vertu d’une telle clause la mobilité professionnelle devait se doubler d’un changement de résidence. Un an après le recrutement, l’employeur notifie au salarié son changement d’affec-tation. Il lui demande en application de la clause contractuelle de rejoindre la région de Montpel-lier mais aussi d’y être domicilié. Réaction du salarié : il refuse de transférer son domicile familial à Montpellier tout en proposant d’avoir une résidence dans cette ville. Réaction de l’employeur : face à la réaction du salarié il décide de le licencier en invoquant le non respect de la clause de mobilité.

Contentieux : la CA considère que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sé-rieuse, en effet le salarié, en refusant de déménager, avait manqué à ses obligations contrac-tuelles.

La Cour de cassation casse la décision de la CA. Raisonnement : elle distingue la mobilité professionnelle prévue dans la clause, qui est parfaitement valable, et l’obligation de transférer le domicile, qui elle ne pouvait s’imposer au salarié. Pour donner toute l’importance qu’il convient à cette règle, la Cour de cassation mentionne au visa de la décision, l’article 8 de la CEDHSLF, texte international incorporé au droit interne. En effet selon ce texte toute personne a le droit au respect de son domicile.

Or la Cour de cassation considère que le libre choix du domicile personnel et familial est l’un des attributs de ce droit pour toute personne au respect de son domicile.

En conséquence la Cour de cassation considère qu’une restriction par l’employeur du libre choix de domicile n’est valable qu’à la condition d’une part, - d’être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise - et d’être proportionnée au but recherché, compte tenu de l’emploi occupé et du travail deman-dé.

Ce que les motifs de la CA n’avaient pas fait ressortir.

L’obligation pour le salarié inscrite dans une clause du contrat de travail de changer son domicile ne pourra être valable que si les deux conditions cumulatives sont rem-plies, susmentionnées.

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Il faut souligner que derrière la référence de la Cour de cassation à la CEDHSLF, ce qui se profile, c’est une autre référence, pleinement française, c’est la référence à l’article L1121-1. Selon cet article : nul ne peut apporter au droit des personnes des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. On sent bien, même sans référence exacte, les attendus de l’arrêt qui mettent avant les conditions de cet ar-ticle.

Pourquoi ne pas avoir appliqué cet article ? Car les faits étaient antérieurs à la loi du 31 déc. 1992, codifiant cet article.

Mais un arrêt CCass 13 janv. 2005, lui a été rendu au visa de l’article 9 C.Civ. mais égale-ment de l’article L1121-1 C. trav. La Cour de cassation énonce que « toute personne dispose de la liberté de choisir son domicile » et elle ajoute que conformément à l’article L120-2 une restriction ne peut être apportée à cette liberté que si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

En l’espèce, elle a énoncé que tel n’était pas le cas d’une clause contractuelle qui obligeait un avocat salarié à établir son domicile au lieu d’implantation du cabinet, afin uniquement de fa-voriser, de permettre une bonne intégration dans l’environnement local.

Dans l’arrêt SPILEERS comme dans l’arrêt du 13 juil. 2005 la clause de mobilité était assor-tie d’une obligation de transférer le domicile. C’est cette obligation qui a entamé la validité même de la clause.

Mais pour éviter les risques de confusion, la Cour de cassation a pris soin d’affirmer solen-nellement dans un arrêt postérieur, Cass. 28 mars 2006, qu’une mutation géographique ne constitue pas en elle-même une atteinte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son domicile.

Il faut déjà au moins ajouter l’obligation de changer le domicile. La Cour de cassation boucle les choses : elle fait preuve d’une belle rigueur juridique.

Quand on y regarde de plus près c’est quand même plus compliqué, c’est ce « en elle-même » qui est troublant. Exemple simple : un type bosse à Toulouse. Son contrat de travail contient une clause de mobilité, qui à aucun moment ne l’oblige à transférer son domicile, qui de surcroit in-dique les régions où il est susceptible d’être muté. Une vise les Alpes de Haute Provence. Or tra-verser d’Ouest en Est est un enfer, en plus il faut un TER, puis un car. C’est une région belle, mais imprenable. Si l’employeur décide de faire jouer la clause de mobilité. Ça l’oblige à transférer le domicile personnel et familial. Or il ne s’agit que d’une mutation géographique, elle ne constitue pas en elle-même une liberté fondamentale. Donc ce raisonnement de la Cour n’est pas vraiment convaincant, ça aurait été mieux de dire « en principe » plutôt qu’en « elle-même ».

§2. La clause de non concurrenceL’engagement d’un salarié de ne pas exercer d’activité concurrente à compter de la rup-

ture du contrat de travail, cet engagement est générateur de contraintes nouvelles, de sujé-tions nouvelles et lourdes. Surtout en période de crise de l’emploi, la clause de non concurrence réduit les chances du salarié de retrouver un emploi dans le même secteur d’activité.

Nul doute donc que la liberté du travail, la liberté du salarié est bel et bien ébranlé lors-qu’une clause de non concurrence figure dans un contrat de travail. Et cela d’autant plus que la clause de non concurrence a vocation à produire ses effets quel que soit le mode de rupture du contrat, et quel que soit son motif (démission, licenciement pour motif économique, licenciement pour motif personnel, même si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse). En dépit de la conciliation délicate entre le respect de la liberté du travail et les clauses de non concurrence la Cour de cassation a admis la licéité de ces clauses.

Depuis déjà plus de dix ans, la Cour de cassation pose plusieurs séries de conditions, qui ont été précisées, complétées dans un arrêt essentiel du CCass. Soc. 10 juil. 2002. Il ressort de cette décision que la validité d’une clause de non concurrence est subordonnée à trois condi-tions cumulatives :

→ La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entre-prise. On retrouve la formule déjà utilisée dans l’arrêt SPILEERS à propos de la clause de mobilité imposant au salarié de transférer son domicile. Étant entendu que les juges du fond devront pro-céder à une appréciation concrète de ce caractère indispensable ou non à la protection des inté-

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rêts légitimes de l’entreprise, eu égard aux fonctions effectivement exercées par le salarié. Il res-sort d’un nombre abondant d’arrêts que les clauses de non concurrence ne sont pas admises uni-quement pour les salariés de haute qualification. → Certes le salarié peut consentir à restreindre les modalités d’exercice de la liberté du tra-vail. Mais le salarié ne saurait aliéner cette liberté. Selon la Cour de cassation la clause de non concurrence doit être limitée dans son étendue c'est-à-dire limitée dans le temps et l’es-pace. A travers une telle limitation la Cour de cassation entend s’assurer que la clause de non concurrence n’aboutit pas purement et simplement à priver le salarié de la possibilité d’exercer une activité qui soit conforme à sa formation, à son expérience professionnelle.

Il en résulte qu’il ne suffit pas pour admettre la validité d’une telle clause qu’elle soit limi-tée dans son étendue. Il convient en outre qu’à travers cette limite la clause tienne compte des spécificités de l’emploi du salarié.

Selon cette appréciation les juges du fond peuvent décider de réduire l’étendue de la clause, qu’il s’agisse de son champ d’application géographique, de sa durée, ou encore qu’il s’agisse des personnes avec lesquelles le salarié a l’intention de nouer des relations juridiques.→ Selon la Cour de cassation, il est nécessaire de verser au salarié une contrepartie finan-cière, étant précisé que cette indemnité pourra être versée soit lors du départ du salarié soit à échéance, ou périodique.

Les trois conditions susmentionnées sont cumulatives. Sanction de l’absence d’une condition : la clause de non concurrence sera nulle.

CCass. 13 juil. 2010 : la clause contractuelle par laquelle l’employeur se réserve la faculté après la rupture du contrat de renoncer à la clause de non concurrence, une telle clause est nulle.

La Cour de cassation fait preuve d’une sévérité renforcée sur les clauses de non concur-rence. Cette sévérité doit être approuvée, parce que c’est bien à l’aune de la liberté du travail que doit être appréciée la validité d’une clause de non concurrence. Les clauses de non concurrence constituent une restriction à la liberté d’exercice d’une activité professionnelle donc à un droit fondamental lié à la personne du salarié, d’où du reste la mention de l’article L122, nouvel article L1221-1.

Si on franchit un pas supplémentaire. On pourrait même être porté à considérer que les clauses de non concurrence constituent en elles-mêmes une atteinte à la liberté du travail, cela signifie qu’on glisserait de la restriction à cette liberté, qui n’est pas nécessairement sanctionnée, qui n’est sanctionnée que si elle est excessive, à l’atteinte qui devrait être à tous les coups sanc-tionnée, et qui devrait conduire à la nullité en soi des clauses de non concurrence.

La Cour de cassation n’est pas prête à franchir un tel pas, mais pour au moins une raison : la conviction qu’ont les magistrats de la chambre sociale que les clauses de non concurrence, dans certains cas, peuvent être dictées par la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.

Section 2. L’atteinte ou la restriction excessive apportée aux droits fondamentaux par les décisions ou comportements de l’em-ployeur

§1. Les droits fondamentaux visésA) Le droit du salarié au respect de sa vie personnelle

On l’a rencontrée quand on a étudié le licenciement pour motif personnel, pour un motif distinct de la faute, pour un motif tiré de la vie personnelle du salarié. La chambre sociale de la Cour de cassation s’attache désormais à distinguer la vie professionnelle du salarié et sa vie per-sonnelle, qui va bien au-delà de l’intimité de la vie privée. Pour la Cour de cassation un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement pour faute.

Pour autant il serait inexact de considérer que des comportements relevant de la vie per-sonnelle du salarié feront toujours obstacles à un licenciement justifié.

En effet l’employeur garde la possibilité d’invoquer le trouble objectif caractérisé que crée au sein de l’entreprise tel ou tel comportement tiré de la vie personnelle du salarié compte tenu de la nature des fonctions du salarié et compte tenu de la finalité propre de l’entreprise.

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Il faut à présent enrichir l’analyse en la resituant en l’analysant à la lumière de la recon-naissance des droits fondamentaux liés à la personne du salarié. Quand on s’attache à resituer la vie personnelle du salarié, la 1ère chose qu’il faut souligner et qui apparait à la lecture de la juris-prudence, c’est que même au lieu et au temps du travail, même quand le salarié exécute sa pres-tation de travail, il existe, selon la formule de P. Waquet, « une zone d’autonomie irréductible du salarié ».

Il entend signifier que selon la Cour de cassation l’employeur ne peut pas porter atteinte à l’intimité de la vie privée du salarié même au temps et au lieu de travail. P. ex. en interceptant des communications téléphoniques, des photocopies du salarié, à son insu. Cette position a connu des prolongements dans un domaine essentiel aujourd’hui, à propos des outils informatiques mis à disposition d’un salarié par l’employeur. En témoigne un arrêt essentiel CCass Soc. 2 oct. 2001, NIKON. La Cour de cassation, au visa de cet arrêt, va mentionner à la fois l’article 9 du C.Civ., l’article 8 de la Conv. EDH, et enfin, l’art. L120-2, nouvel article L1121-1, selon lequel aucune restriction ne peut être apportée aux droits des salariés et aux libertés fondamentales qui ne serait justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.

Mardi 03 janvier 2012Le visa de ces articles est une manière pour la Cour de cassation de souligner que ce texte

doit servir de référence obligée pour le juge chaque fois qu’est en jeu un droit fondamental lié à la personne du salarié. Cette remarque est importante par rapport au contentieux qui nous inté-resse. En effet dans l’arrêt NIKON la Cour de cassation, après avoir énoncé que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, commence par indi-quer que l’intimité de la vie privée, comporte le secret des correspondances. Ce n’est pas surpre-nant mais la Cour en tire des conséquences, elles ont suscité discussion.

Les conséquences : la Cour estime que l’employeur viole le droit de chaque salarié au res-pect de l’intimité de sa vie privée s’il prend connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un ordinateur mis à sa disposition pour son travail. La Cour ajoute : ceci même au cas où l’employeur aurait formellement interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur. Les employeurs se sont inquiétés que le salarié intitule un fichier nommé « per-sonnel » toutes sortes d’informations sans aucun contrôle et émettent vivement le vœu que la Cour de cassation infléchisse sa jurisprudence.

La chambre sociale n’y a pas été insensible Soc. 17 mai 2005. Il ressort de cette déci-sion que sauf risque ou évènement particulier l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels qu’en présence du salarié ou à la condition que ce dernier soit du-ment appelé lors du contrôle.

Sous des allures protectrices, cette décision impose en vérité des limites à la solution de principe à la solution de principe de l’arrêt NIKON. Il ressort que dès l’instant où le salarié est pré-sent ou il a été dument appelé, ou en cas de risque ou d’évènement particulier, l’employeur est admis désormais à ouvrir les fichiers qui avaient pourtant été identifiés parle salarié comme per-sonnels.

Autre limite à la jurisprudence NIKON Cass. Soc. 18 oct. 2006. La Cour estime que tout document ou fichier non identifié comme personnel par le salarié est présumé professionnel et peut donc être ouvert par l’employeur en dehors même de la présence de l’intéressé.

Ceci étant, une fois le fichier ou le document ouvert, l’employeur ne peut pas l’utiliser pour sanctionner le salarié si ce document ou fichier s’avère après ouverture relevant de la vie privée du salarié. Soc. 5 juil. 2011,, était en cause une pièce jointe contenant des photos érotiques qu’une salarié avait fait parvenir à un autre salarié, cadre dirigeant, et ce cadre dirigeant s’était contenté de conserver les photos érotiques dans sa boite de messagerie, mais ne les avait ni en-registrées ni diffusées. La Cour de cassation a estimé que l’employeur ne pouvait pas prendre appui sur cette pièce jointe pour prononcer une sanction disciplinaire, car relevait de la vie privée. Est troublant pourtant le soin que la Cour de cassation a pris a précisé que le salarié n’avait ni enregistré ni diffusé les photos. La décision aurait-elle été différente, sinon ? Cela fait naitre un doute.

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Dernière observation concernant l’hypothèse d’un échange de courriels entre salariés Soc. 2 fév. 2011. Il ressort de cette jurisprudence que dès l’instant où un message est envoyé par un salarié à un autre salarié au temps et lieu e travail est en rapport avec son activité profes-sionnelle, ne peut pas être considéré comme revêtant un caractère privé. En conséquence ce message à caractère professionnel peut être retenu au soutien d’une sanction discipli-naire.

La Cour de cassation met ainsi les salariés en garde dans le cadre de courriels échangés avec des collègues ou avec des proches, les salariés ne doivent pas abuser de leur liberté d’ex-pression en tenant des propos injurieux ou même en émettant des critiques excessives à l’en-contre de l’employeur, à l’encontre de la hiérarchie. La frontière reste étroite, et difficile à définir, parfois.

La Cour de cassation a considéré que le juge ne peut pas se fonder sur un dispositif de contrôle des salariés (caméra vidéo p. ex.) qui n’a pas été préalablement porté à la connais-sance des salariés, pour retenir l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il s’agit d’un moyen de preuve illicite portant atteinte à la vie privée.

Dans le même esprit, l’employeur n’est autorisé à ouvrir les sacs appartenant au salarié pour en vérifier le contenu qu’avec leur accord et à condition de les avoir informé de leur droit de s’y opposer et exiger la présence d’un témoin Cass. 11 fév. 2009.

Enfin, la Cour de cassation a rendu le même jour que l’arrêt NIKON une autre décision Abraham. Il en ressort qu’une atteinte à la vie privée peut être constituée à travers l’ordre donné à un salarié de travailler à son domicile, d’y installer ses dossiers et tous ses instruments de tra-vail.

B) Le droit du salarié au respect de sa dignitéExemple : Soc. 25 fév. 2003. En l’espèce une salarié exerçait les fonctions de rédacteur

au service contentieux d’une caisse d’allocation familiale. Elle était en faute au motif qu’en tant qu’allocataire d’une autre caisse d’allocations familiales, elle avait minoré ses déclarations de ressources dans le but de bénéficier de prestations sociales indues. La Cour de cassation estime qu’un tel comportement était constitutif d’une faute grave : les faits commis par la salarié en tant qu’allocataire d’une caisse d’allocations familiales, cela même alors qu’elle était chargée de pour-suivre au service contentieux d’une autre caisse d’allocations familiales de sorte que pour la Cour de cassation, la salariée avait manqué à son obligation de loyauté, et même de probité à laquelle elle était soumise de par ses fonctions. Elle se voit débouter de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et même de ses indemnités de licenciement, du fait de la faute grave.

La Cour est allée plus loin. La salariée, en effet, avait également demandé des dommages-intérêts en réparation du préjudice suivant : le préjudice né de la diffusion par l’employeur à l’oc-casion d’un certain nombre de réunions de service, des motifs pour lesquels il avait engagé une procédure disciplinaire à l’encontre de cette salariée. Alors la Cour de cassation estime que sur le dernier point il convient d’accorder raison à la salariée.

La Cour estime que le fait pour l’employeur de porter à la connaissance du personnel sans motif légitime les agissements d’un salarié nommément désigné, constitue une atteinte à la digni-té du salarié, constituant un préjudice distinct de celui de la perte de son emploi.

C) La liberté d’expression du salarié Jurisprudence CLAVAUD, 28 avril 1988Un ouvrier travaille pour l’entreprise Dunlop. Il a donné une interview à un journal, l’Huma-

nité, et dans cette interview, il s’exprime sur les conditions de travail dans son entreprise. En conséquence, M. Clavaud est licencié car il n’a pas fait preuve de la discrétion et de la réserve que son employeur était en droit d’attendre de lui. Le requérant demande la nullité du licencie-ment pour atteinte à une liberté fondamentale (avant que l’article L120-2 nouvel article L1121, existe).

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La prétention de voir reconnue la violation à un droit fondamental, ça heurte un problème juridique, car en donnant un entretien à un journal, M. Clavaud a certes exercé une liberté indivi-duelle, reconnu par l’art. 10 et 11 de la DDHC, celle d’opinion et d’expression. Seulement il est salarié, qui s’est exprimé sur son travail, en dehors de l’entreprise. Or on ne trouve dans le C. trav. aucun texte ne prévoyant expressément que le prononcé d’un licenciement en raison de l’exercice de la liberté d’opinion dans les conditions indiquées est frappée de nullité.

La Cour de cassation est dans l’embarras. Mais elle observe que depuis une loi du 4 aout 1982, un droit d’expression direct e (et collective) est ouvert aux salariés sur leurs conditions de travail, à l’intérieur de l’entreprise, dans le cadre de ce que la loi appelle des groupes d’expres-sion. Il se trouve que la loi de 1982 précise que les opinions émises par les salariés dans l’exercice de ce droit ne peuvent motiver un licenciement devant s’entendre comme le fait que le licencie-ment serait frappé de nullité. La Cour de cassation va prendre appui sur ce texte pour considérer que l’exercice du droit d’expression des salariés sur leurs conditions de travail ne peut motiver un licenciement, il faut en déduire qu’il ne peut en être autrement en dehors même de l’entreprise, sauf abus.

La cour admet la nullité du licenciement à l’encontre de M. Clavaud qui s’est ex-primé sur son travail en dehors de l’entreprise.

A propos de la liberté d’expression du salarié, s’agissant de l’exercice de cette liberté dans l’entreprise, et en dehors des groupes d’expression prévus par le code du travail, dans cette situa-tion la Cour de cassation a suivi une voie différente de celle empruntée dans l’affaire Clauvaud.

Deux décisions : 14 déc. 1999, 20 mai 2001. Dans la 1ère affaire il était reproché à un salarié directeur administratif et financier d’avoir adressé aux membres du comité de direction auquel il appartenait un document critiquant la nouvelle organisation mise en place par l’em-ployeur. L’employeur a estimé que le salarié avait manqué à son obligation de réserve ce qui jus-tifiait son licenciement. Dans la 2nde affaire, on reprochait à la salarié gestionnaire de marchés d’avoir réagi à un avertissement en adressant à la direction plusieurs courriels dans lesquels elle rendait compte de son activité, analysait ses propres méthodes et justifiait que ces méthodes étaient exemptes de tout reproche. Dans la 1ère comme dans la 2nde affaire, la CA avait jugé que le licenciement était fondé sur cause réelle et sérieuse.

Or la Cour de cassation casse les deux décisions en des termes strictement identiques : dans les deux cas la Cour de cassation prend appui sur l’article L122, L1121-1. : « Attendu que la CA a méconnu que sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liber-té d’expression, il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées aux buts recherchés ».

Il faut observer que dans les deux arrêts, on lève l’incertitude sur ce que recouvre l’abus de la liberté d’expression, il est indiqué qu’il faut entendre par abus, les termes injurieux, diffama-toires, excessifs…Termes que ne comportaient pas les documents litigieux.

Mais il résulte des deux décisions également, qu’en dehors des cas d’abus, il y a place dans l’entreprise pour la liberté d’expression, laquelle relève des droits fondamentaux, et est ins-crite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Dans l’entreprise et hors de l’entre-prise, la liberté d’expression est érigée en principe.

Cela emporte comme conséquence ( 26 oct. 2005), l’employeur ne peut pas obliger le salarié a prendre position ou d’émettre une opinion publiquement.

Nuance. Il reste que ces décisions de1999 et 2001 n’excluent pas que des restrictions puissent être apportées à la liberté d’expression, conformément à ce que prévoit le nouvel article L1121 lui-même, qui devront obéir aux exigences de justification et de proportionnali-té.

Résumé des nuances   : Il semble bien que l’exercice par le salarié en dehors ou à l’intérieur de l’entreprise est soumis à une double réserve :

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- abus commis par le salarié (termes injurieux, diffamatoires, excessifs), qu’on trouvait déjà dans l’affaire Clavaud de 1988- éventuelles justification et proportionnalités de la restriction apportées à l’employeur à cette liberté d’expression

On peut alors se demander si le contentieux en matière de liberté d’expression des salariés n’est pas particulièrement révélateur, du caractère réversible de l’art. L1121-1, au sens où il consti-tue un instrument précieux de protection des droits et libertés individuelles du salarié. Particuliè-rement, un instrument de la protection de la liberté d’expression. Mais il permet en même temps, en dehors de tout abus dans l’exercice p. ex. de la liberté d’expression, d’admettre que des res-trictions soient apportées à un droit fondamental dès l’instant où elle serait justifiée et proportion-née.

Cela ne transparait pas l’affaire Clavaud. Cela marque à la fois une avancée à ce qu’étaient les textes avant, et aussi qu’à travers cette avancée, on va pouvoir apporter des restrictions à la liberté d’expression qu’on ne pouvait pas apporter auparavant.

D) La liberté de se vêtir Arrêt Cass. 28 mai 2003 .

Un salarié a été licencié après être venu travailler pendant plusieurs jours en bermuda, alors que la direction lui a demandé de venir travailler en pantalon. Il est licencié, et il agit devant le juge des référés pour obtenir l’annulation de son licenciement et sa réintégration dans son en-treprise sur le fondement de l’article L1121-1 (ancien art. 122). Aussi, sur le fondement du texte de loi, nouvel article L1122-1 qui prohibe la discrimination. La Cour de cassation refuse de faire droit à la demande du salarié.

Elle commence par noter que l’allure vestimentaire ne fait pas partie de la liste déjà longue des motifs de discrimination prohibés par la loi.

A partir de là la motivation de l’arrêt se fonde sur l’art. L1121-1, et cela frappe par son ca-ractère nuancé. La Cour de cassation rappelle qu’en vertu de l’article L122 (L1121-1) l’employeur ne peut imposer au salarié des contraintes vestimentaires qui ne seraient pas justifiées par la na-ture de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. Cela veut dire que la chambre sociale accepte de voir dans la liberté de se vêtir à sa guise (au temps et au lien de travail) une des libertés individuelles visées à l’article L1121-1.

Toutefois la Cour de cassation se range à l’appréciation des juges du fond selon laquelle la tenue du salarié était en l’espèce incompatible avec ses fonctions et conditions de travail.

Cet arrêt a retenu l’attention, parce que la Cour de cassation ne s’en est pas tenue à cela. C’est à un autre titre que l’arrêt a suscité l’intérêt et qu’il prête le flan à la critique. La Cour de cassation admet que la liberté de se vêtir appartient à la catégorie des libertés individuelles vi-sées à l’art. L1121-1. Néanmoins elle estime que cette liberté : « n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales ».

En somme, la liberté de se vêtir est une liberté individuelle non fondamentale.

On voit une gradation dans les droits et libertés liés à la personne du salarié. Certains droits seraient fondamentaux, d’autres non. Mais où passe la frontière ? L’arrêt ne répond pas à la question. De sorte que on peut se demander si à travers la distinction qui voit le jour dans cet arrêt, si le but de la Cour de cassation n’est pas de justifier par avance son refus de prononcer la nullité d’un licenciement dans l’hypothèse même où un employeur aurait porté atteinte excessive à la liberté de se vêtir.

Si dans un nouvel arrêt, la contrainte vestimentaire n’était pas considérée comme justifiée et proportionnée, mais considérée comme excessive, le salarié, injustement licencié, n’aurait droit malgré tout qu’à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le licenciement ne serait donc pas entaché de nullité, et en conséquence, le salarié n’aurait pas droit à être réintégré dans l’entreprise.

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Cet arrêt invite à une interrogation plus générale : à quelle sanction s’expose un em-ployeur en cas d’atteinte ou de restriction excessive à un droit fondamental, en particulier lorsque le salarié a été victime d’un licenciement.

Mercredi 4 janvier 2012

§2. Les sanctions à l’atteinte ou la restriction excessive à un droit fondamentalIl faut indiquer, sous forme en partie de rappel, qu’il y a des hypothèses où sont en jeu des

droits fondamentaux de la personne du salarié, directement ou indirectement, dans lesquels les textes du code de travail prévoient expressément que le licenciement sera frappé de nullité. Illus-tration :

C’est le cas (à propos de Clavaud), lorsqu’un salarié est licencié en raison des opinions qu’il a émises à l’occasion de l’exercice de son droit d’expression sur les conditions de travail, à l’intérieur de l’entreprise, dans le cadre de groupes d’expression loi du 4 août 1982 (texte spécial)

Autre exemple : lorsque le licenciement est prononcé contre une femme en l’état de gros-sesse constatée, ou des périodes de congé maternité ou de congé adoption, le licenciement sera entaché de nullité.

Lorsque le licenciement est prononcé contre un salarié victime d’un accident du travail, ou d’une maladie professionnelle nullité du licenciement (textes spéciaux).

Le salarié a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ou moral de son employeur ou d’un supérieur hiérarchique nullité du licenciement (texte spécial)

Si un salarié est licencié pour un motif discriminatoire nullité de plein droit du licencie-ment

Sont en jeu des libertés et des droits fondamentaux de la personne. Alors le licenciement revêt un degré d’illicéité tel qu’on ne peut l’interpréter comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. C’est un licenciement qui exige une protection plus radicale : le licenciement est nul de plein droit et le salarié doit pouvoir être réintégré dans l’entreprise. La réintégration dans l’en-treprise ne peut pas être laissée au bon vouloir de l’employeur.

Dans toutes les situations qu’on a mentionnées, la nullité est prévue dans un texte spécial du code du travail. Qu’en est-il en l’absence de texte spécial du droit du travail prévoyant la nulli-té lorsqu’un licenciement porte atteinte à un droit fondamental ou apporte une restriction exces-sive à un droit fondamental.

Jurisprudence concernant la liberté d’expression du salarié illustre la question : le licencie-ment prononcé en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression est-il entaché de nullité ou s’agit-il simplement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne donnant droit qu’à des dommages-intérêts ?

Dans l’affaire Clavaud, la nullité du licenciement avait été retenue par la Cour de cassation alors que dans les 2 autres arrêts postérieurs, \\ à la liberté d’expression, la Cour de cassation n’a condamné l’employeur qu’à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il faut toutefois ajouter que dans ces 2 situations (14 déc. 1999 et 20 mai 2001) les salariés n’entendaient qu’obtenir des dommages-intérêts. De sorte qu’on ne peut pas exclure que si les salariés avaient agi en nullité du licenciement, la Cour aurait fait droit à leur demande sur le fon-dement désormais de l’art. L1121, qui figurait au visa de ces décisions. Elle aurait sans doute fait droit à leur demande même si la nullité n’est pas expressément prévue dans l’art. L1121.

Malgré tout on peut penser que si les salariés s’étaient situés sur ce terrain, la Cour leur aurait donné satisfaction. En effet plusieurs décisions de la Cour de cassation accrédite l’idée que le licenciement attentatoire à un droit fondamental, ou apportant une restriction excessive à un droit fondamental non justifié par la tâche à accomplir et disproportionné, est entaché de nullité, en l’absence même de texte spécial le prévoyant expressément.

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La Cour de cassation énonce dans un arrêt Cass. 13 mars 2001, que « le juge ne peut annuler un licenciement en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de la violation d’une liberté fondamentale ». La seule violation d’une liberté fondamentale pourrait donc suf-fire à entrainer la nullité du licenciement. Cette violation découle, sur le fondement de l’ar-ticle L1121 d’une restriction excessive qui aurait été apportée à un droit fondamental. Le fameux adage « pas de nullité sans texte », selon la chambre sociale de la Cour de cassation, il doit céder face au caractère fondamental du droit en cause.

Réserve   : la nullité du licenciement requière qu’ait été heurtée une liberté fondamentale. P. ex. il ne fait aucun doute que la liberté d’expression appartient à cette catégorie. Mais il faut se rappeler l’arrêt « Bermuda » analysé hier, pour la Cour de cassation il n’en va pas de même de la liberté de se vêtir, qui relève des libertés visées à l’art. L1121 mais la Cour de cassation dit qu’il ne s’agit pas d’une liberté fondamentale.

Section 3. La non discrimination entre salarié.Depuis une quinzaine d’années, la question de la discrimination dans les rapports de tra-

vail a pris de l’importance comme les Q de l’égalité de traitement entre salarié.Dans le Titre 1 consacré à l’accès à l’emploi, on avait indiqué qu’en vertu du préambule de

1946, repris par la constitution : nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. Sur ce socle sont venues se greffer des textes plus précis tel que l’art. 1132-1 C. trav. Cet article dresse une liste importante des motifs de discriminations prohibés. Elle a été encore élargie par une loi du 16 nov. 2001.

Depuis la loi du 16 nov. 2001, la lutte contre les discriminations ne concerne plus seule-ment le recrutement, les sanctions disciplinaires ou le licenciement. Elle se rapporte à l’ensemble de la vie professionnelle d’un salarié. De sorte que les salariés en poste dans l’entreprise seront mieux protégés contre les discriminations en matière de rémunération, de formation, de qualifica-tion, de promotion professionnelle, ou encore en matière de reclassement en cas de licenciement pour motifs économiques.

Elle institue un nouveau régime de la preuve, sur lequel il faut s’arrêter.

§1. Le régime de la preuve. A) La charge de la preuve

La loi du 16 nov. 2001 ne fait plus peser sur le salarié la charge de prouver qu’il a été victime d’une discrimination, du fait que cette preuve était presque impossible à apporter.

C’est à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Cela ne veut pas dire pour autant qu’un salarié à l’occasion d’un contentieux, qu’il peut rester totalement inactif.

Le salarié qui estime avoir été discriminé doit présenter les faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination (Loi du 27 mai 2008). [Ancienne formulation de la loi de 2001 : éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination] A vrai dire le sens des deux formulations est identiques.

Avec le régime né de la loi du 16 nov. 2001, s’opère un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié.

A l’employeur la charge de prouver que sa décision a bien respecté la prohibition des dis-criminations. Au salarié revient seulement la charge de l’allégation. Le salarié n’a pas à établir des éléments de fait permettant de présumer l’existence d’une discrimination. Ça doit se distinguer d’un soupçon, ça doit se distinguer d’une rumeur, mais il faut des éléments de fait. Il n’est donc pas toujours aisé pour un salarié d’obtenir la condamnation d’un employeur pour pratique discri-minatoire.

B) L’objet de la preuve.

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Cela constitue une nouvelle illustration de l’exigence de justification rencontrée tout le long du droit du licenciement. En effet l’employeur doit justifier les décisions qu’il prend vis-à-vis d’un salarié, et elles doivent reposer sur des éléments objectifs, et étrangers à toute discrimina-tion.

Cass. 10 nov. 2009   : un employeur tranquillement demande à un de ses salariés de changer son prénom de Mohamed pour celui de Laurent. La Cour de cassation a estimé qu’on était bien en présence d’une discrimination à raison de l’origine, et la Cour de cassation précise que la circonstance avancée par l’employeur, que plusieurs salariés portaient le prénom de Mo-hammed, n’était pas de nature à caractériser l’existence d’un élément objectif susceptible de justifier le comportement de l’employeur.

Cass. 10 nov. 2000   : pour la Chambre sociale l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés. En conséquence un em-ployeur peut donc avoir adopté un comportement discriminatoire à l’encontre de l’employeur, en l’espèce, il avait fait grève, et l’employeur l’avait sanctionné pour cette raison, sans qu’il soit be-soin de relever que d’autres salariés n’avaient pas été victimes pour ce qui les concerne d’un tel comportement.

Cette position est à nuancer en distinguant les mesures à effet instantané, et les me-sures à effet continu. Mesure à effet instantané : un employeur prononce une sanction à l’encontre d’un salarié pour avoir participé à une grève, ou qu’il ait voulu exprimé ses convictions religieuses dans le cadre de son travail.Mesure à effet continu : comment a continué l’évolution de carrière des salariés mère de fa-mille, ou salariés représentant du personnel dans l’entreprise.

En présence de mesure à effet instantané : on comprend que la comparaison avec la situa-tion d’autres salariés n’est pas utile pour identifier une discrimination. La discrimination s’entend d’un traitement qui lèse la personne. C'est-à-dire que la personne est moins bien traitée qu’elle ne le devrait en raison d’un motif de discrimination prohibé. Le juge n’a pas à trouver effective-ment un autre salarié placé dans la même situation au sein de l’entreprise, qui aurait subi un trai-tement plus favorable. Face à une telle mesure, la comparaison peut s’opérer in abstracto. On se demande : le salarié aurait-il été mieux traité si l’employeur n’avait pas pris en compte le motif discriminatoire ?

Mais quand on est en présence d’une mesure à effet continu, là, la comparaison est indis-pensable.

La loi du 16 nov. 2001 reconnait pour la 1ère fois en droit français la notion de discrimina-tion indirecte., elle vient de la jurisprudence d’une directive du 27 nov. 2000, sur la discrimina-tion H-F.

Discrimination : une pratique, une décision, un critère, une disposition, apparemment neutre, est susceptible d’avoir pour effet un désavantage particulier pour des personnes de telle religion, de telle conviction, ayant tel handicape ou tel âge, de tel ou tel sexe. Il n’est pas rare p. ex. que les employeurs, pour une augmentation, mettent un quota de présence, sans distinguer selon les motifs d’absence. Ça peut être considéré comme une discrimination indirecte si elle conduit à désavantager les représentants syndicaux, car ils bénéficient d’heures de délégation, ils sont en droit de les utiliser sur leur temps de travail pour accomplir leur mission de représentant syndical, et donc il leur arrive, d’être absent de leur travail.

La discrimination incluse l’injonction de discriminer. D’autre part le harcèlement moral ou sexuel constitue une forme de discrimination. Enfin l’adaptation de certaines mesures du droit communautaire au droit français, et là une forte régression se produit. Une disposition de la loi du 27 mai 2008 importée du droit communautaire énonce que des différences de traitement fondées sur des motifs de discrimination normalement prohibés, peuvent être néanmoins admises lors-qu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. Sont donc désormais susceptibles d’échapper à condamnation des différences de traitement qui sont pourtant fondées sur l’un des motifs de dis-crimination normalement prohibés, visés dans la liste de L1132-1.

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Il y a là une nouvelle brèche qui s’ouvre, et pourrait renouer avec d’anciennes pratiques discriminatoires. D’autant plus que les conditions posées pour que les différences de traitement échappent aux poursuites, seront forcément délicates. Qu’est qu’il convient d’entendre par exi-gence professionnelle légitime, proportionnée ?

§2. De la non discrimination à l’égalité de traitement entre salariésPendant longtemps la Cour de cassation a considéré que le principe de la liberté contrac-

tuelle devait conduire à reconnaitre le droit pour l’employeur de rémunérer différemment des tra-vailleurs placés dans une même situation. En effet il fallait qu’il n’y ait pas de distinction fondée sur un motif de discrimination prohibé.

Or depuis un arrêt, sans doute un des 10 arrêts les plus importants de ces 20 dernières années, connu sous le nom Ponsolle, du 23 oct. 1996, la Cour de cassation estime désormais que l’employeur est tenu d’assurer une égalité salariale, non seulement entre H et F, mais encore entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, dès lors que les salariés sont dans une situation identique.

La Cour de cassation, au fil des arrêts, n’a pas hésité à parler de principe et non pas seulement de règle. A travail égal, salaire égal. Là s’opère un glissement : on glisse de l’interdic-tion des distinctions fondées sur des motifs de discrimination prohibés à l’obligation pour l’em-ployeur d’assurer une égalité de traitement entre salariés. La Cour de cassation semble vouloir lutter, à sa manière, contre l’individualisation à outrance qu’on peut observer dans les entre-prises, la concurrence interne. Quand elles sont instituées en système de gestion, et qu’elles de-viennent des sources de stresse, de pression managériale. Ce qui guide la Cour de cassation, c’est de remettre un peu de solidarité, de collectif dans le rapport de travail. Il ne faut pas être dupe : c’est un principe qui va permettre de rationnaliser d’avantage le pouvoir de patronal, de légitimer plus encore le pouvoir patronal, de le sophistiquer.

Est-ce que cela interdit toute différence de rémunération des salariés dans des situations identiques ? Non mais l’employeur doit pouvoir justifier ces différences par des raisons objectives et pertinentes.

Cette reconnaissance d’un principe d’égalité de traitement entre salariés a été considérée comme capitale, même si elle ne concerne que le salaire en premier lieu.

La Cour de cassation s’efforce de ne pas confondre égalité de traitement et non discrimina-tion. Simplement, au fil des années qui suivirent l’arrêt Ponsolle de 1996, on a constaté que la portée du principe de salaire égale = travail égal, avait tendance à s’atténuer en raison de la faci-lité avec laquelle la Cour de cassation admettait que des salariés n’étaient pas placés dans une situation identique. A partir du moment où le salarié n’était pas dans une situation identique à un autre, ils pouvaient faire l’objet de différences de traitement.

Les protestations doctrinales se sont faites assez vives. Depuis peu, la chambre sociale semble faire preuve d’une vigilance renforcée pour favoriser l’effectivité du principe d’égalité de traitement.

Dans une décision du 20 fév. 2008, la Cour de cassation a considéré que pour l’attribu-tion d’un avantage, la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justi-fier une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard du dit avantage.

Cette différence de traitement doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. L’employeur avait réservé (à tord selon la Cour) l’octroi de tickets restaurants au personnel non cadre de son entreprise. La Cour a estimé que vis-à-vis de l’avantage, les deux catégories étaient dans une situation identique.

Cass. 1 er juil. 2009   : décision à propos de jours de congés payés supplémentaires qu’un accord collectif accordait uniquement aux salariés cadres et pas aux salariés non cadres. Cette différence de traitement n’a pas été admise par la Cour de cassation qui a estimé une fois de plus que les salariés se trouvaient dans une situation identique au regard du dit avantage.

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Dans un arrêt récent du 8 juin 2011, la Cour de cassation a infléchi sa position. Elle es-time en effet que repose sur une raison objective et pertinente la différence de traitement fondée sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors qu’elle a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie détermi-née.

Conclusion de l’ensemble du chapitre 3 (affirmation des droits fondamentaux) :

La montée en puissance des droits fondamentaux peut être perçue comme un moyen, voire comme un moyen privilégié d’apposer une borne essentielle à la prégnance du pouvoir de l’employeur. Ceci étant, l’heure n’est pas venue où la possibilité serait ouverte au salarié de re-vendiquer pleinement sa qualité de personne dans le cadre du rapport de travail qui le lit à l’em-ployeur.

Est-ce que cette heure viendra un jour ? On peut fortement en douter tant il est vrai que le droit du travail s’est édifié sur une ambivalence : il vise certes à organiser les conditions juri-diques d’affranchissement du salarié par rapport à l’employeur, mais il tend en même temps à organiser les conditions de l’assujettissement du salarié \\ à l’employeur. Sans assujettissement il n’est plus de droit du travail. Il faut donc comprendre que c’est seulement le tracé de la frontière entre la liberté et la contrainte (ou le pouvoir de l’employeur), qui est susceptible de se déplacer.

Mais l’opposition, est bien irréductible entre le droit du travail et la reconnaissance pleine et entière des droits fondamentaux liés à la personne du salarié.

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