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Enjeux de la protection sociale des agents territoriaux Mutuelle Nationale Territoriale, mutuelle régie par les dispositions du livre II du Code de la mutualité immatriculée au répertoire SIRENE sous le numéro SIREN 775 678 584 - MNT - DCAP - Service Éditions - J57 - SEPTEMBRE 2015 m utuels Septembre 2O15 > n°24 Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travail Les jeunes agents territoriaux : une nouvelle génération d’agents pour de « nouvelles collectivités » ? Trois personnes actives sur dix prendront leur retraite d’ici cinq ans. Pourtant l’attention ne se porte que ponctuellement sur les jeunes agents. Y a-t-il une spécificité de cette population jeune au regard du reste de la population territoriale ? Représentent-ils une facette de cette fameuse « génération Y », décrite et si souvent caricaturée ? ou, au contraire, accordent-ils, à la notion de service public local, le même sens que leurs aînés : l’importance d’exercer un métier au service d’une population ? Nous pourrions ainsi penser que cet engagement serve d’autres « causes » (militantisme associatif, syndical, mutualiste…). Anne Grillon fait de nombreuses préconisations, essentielles pour une meilleure intégration des jeunes agents. C’est le devenir du fonctionnement de nos collecti- vités en profonde transformation qui est en jeu. Jean-René MOREAU Président de l’OST Directeur Master 2 APGCL à l’UPEC Une étude qualitative pour comprendre et faire connaître les motivations des jeunes agents, leur perception du service public local, ainsi que leurs problématiques sociales et professionnelles. L’étude interroge le système managérial territorial face au renouvellement de génération d’agents territoriaux. Des agents minoritaires Les jeunes agents sont encore très minoritaires dans les collectivités, mais une nouvelle génération arrive. Dans la FPT, ils représentent 11,3 % des agents. Nombre d’a priori pèsent sur les jeunes. Une littérature abondante à la fois contradictoire et paradoxale véhicule d’eux une image stéréotypée et simplifiée : individualistes, peu motivés et peu disponibles, avec une loyauté incertaine vis-à-vis de leur employeur. Aujourd’hui, les experts et les chercheurs prennent du recul face à ces marqueurs générationnels, considérant que cette génération ne fait que porter et amplifier ce qui constitue un mouvement de fond. Levier de changement pour les collectivités D’ici 2020, huit millions d’actifs partiront en retraite selon l’INSEE. Ce peut être une opportunité pour les collectivités de repenser leur schéma organisationnel et d’engager de nouvelles pratiques. Ces nouvelles organisations impliqueront la prise en compte d’une autre relation au travail des agents, jeunes et moins jeunes : plus d’autonomie et de responsabilités, le besoin de sens, une articulation vie privée et vie professionnelle. Terrains d’étude Deux terrains d’étude différents ont été sélectionnés : l’Île-de- France, avec l’Essonne (91) et la Seine-Saint-Denis (93), et la région Bretagne. Au total, 26 jeunes agents de 18 à 35 ans en poste dans les quatre niveaux de collectivités, de catégories A, B et C, ont témoigné de leur expérience. Méthodologie : une étude qualitative basée sur 40 entretiens variés Entretiens semi-directifs avec 26 jeunes territoriaux de 18 à 35 ans réunis en 3 groupes de 7 à 10 agents, et suivi par l’ensemble des 11 jeunes militants mutualistes membres du comité jeunes, du lancement de l’étude à sa conclusion. Entretiens deux DRH, deux médecins de prévention, deux assistants sociaux et trois représentants d’organisations syndicales.

Les jeunes territoriaux, relations et motivations au travail

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Enjeuxde la protection sociale des agents territoriaux

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mutuelsSeptembre 2O15 > n°24

Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travailLes jeunes agents

territoriaux : une nouvelle génération d’agents pour de « nouvelles collectivités » ?

Trois personnes actives sur dix prendront leur retraite d’ici cinq ans.

Pourtant l’attention ne se porte que ponctuellement sur les jeunes agents. Y a-t-il une spécificité de cette population jeune au regard du reste de la population territoriale ?

Représentent-ils une facette de cette fameuse « génération Y », décrite et si souvent caricaturée ? ou, au contraire, accordent-ils, à la notion de service public local, le même sens que leurs aînés : l’importance d’exercer un métier au service d’une population ? Nous pourrions ainsi penser que cet engagement serve d’autres « causes » (militantisme associatif, syndical, mutualiste…).

Anne Grillon fait de nombreuses préconisations, essentielles pour une meilleure intégration des jeunes agents. C’est le devenir du fonctionnement de nos collecti-vités en profonde transformation qui est en jeu.

Jean-René MOREAUPrésident de l’OST

Directeur Master 2 APGCL à l’UPEC

La MNT : une approche globale

de la santé

• Première mutuelle de la fonction publique territoriale en santé comme en prévoyance.

• Près de 800 000 adhérents.• 1,1 million de personnes

protégées.• 9 000 correspondants mutualistes

dans les collectivités.• 84 sections départementales

présentes en métropole et dans les DOM.

• Tables d’expérience certifiées pour les garanties complémentaires en maintien de salaire.

La MNT, créée et dirigée par des agents territoriaux, bénéficie d’une expertise de la protection sociale complémentaire des agents territoriaux, construite au fil de cinquante années d’expérience et d’échanges avec les acteurs du monde territorial. Avec la création de l’Observatoire social territorial (OST) en 2009, la MNT entend animer le débat entre les acteurs institutionnels de la fonction publique territoriale (FPT) et répondre au besoin d’une meilleure connaissance de l’environnement social des agents territoriaux.Quels que soient la problématique des collectivités et l’avancement de leurs actions, la MNT est à même de proposer des pistes et des actions complémentaires, adaptées et d’actualité avec les Cahiers et les ateliers débats de l’OST, et avec une offre de services dans les domaines de la santé au travail des agents, de la prévention et de l’accompagnement social.

Une étude qualitative pour comprendre et faire connaître les motivations des jeunes agents, leur perception du service public local, ainsi que leurs problématiques sociales et professionnelles.

L’étude interroge le système managérial territorial face au renouvellement de génération d’agents territoriaux.

Des agents minoritairesLes jeunes agents sont encore très minoritaires dans les collectivités, mais une nouvelle génération arrive. Dans la FPT, ils représentent 11,3 % des agents.

Nombre d’a priori pèsent sur les jeunes. Une littérature abondante à la fois contradictoire et paradoxale véhicule d’eux une image stéréotypée et simplifiée : individualistes, peu motivés et peu disponibles, avec une loyauté incertaine vis-à-vis de leur employeur. Aujourd’hui, les experts et les chercheurs prennent du recul face à ces marqueurs générationnels, considérant que cette génération ne fait que porter et amplifier ce qui constitue un mouvement de fond.

Levier de changement pour les collectivitésD’ici 2020, huit millions d’actifs partiront en retraite selon l’INSEE. Ce peut être une opportunité pour les collectivités de repenser leur schéma organisationnel et d’engager de nouvelles pratiques. Ces nouvelles organisations impliqueront la prise en compte d’une autre relation au travail des agents, jeunes et moins jeunes : plus d’autonomie et de responsabilités, le besoin de sens, une articulation vie privée et vie professionnelle.

Retrouvez ce Cahier n°15 en intégralité

ainsi que l’ensemble des publications de

l’Observatoire social territorial sur le site

www.observatoire-social-territorial.fr

Terrains d’étudeDeux terrains d’étude différents ont été sélectionnés : l’Île-de-France, avec l’Essonne (91) et la Seine-Saint-Denis (93), et la région Bretagne. Au total, 26 jeunes agents de 18 à 35 ans en poste dans les quatre niveaux de collectivités, de catégories A, B et C, ont témoigné de leur expérience.

Méthodologie : une étude qualitative basée sur 40 entretiens variés

Entretiens semi-directifs avec 26 jeunes territoriaux de 18 à 35 ans réunis en 3 groupes de 7 à 10 agents, et suivi par l’ensemble des 11 jeunes militants mutualistes membres du comité jeunes, du lancement de l’étude à sa conclusion.

Entretiens deux DRH, deux médecins de prévention, deux assistants sociaux et trois représentants d’organisations syndicales.

participative associant les agents et la reconnaissance de leur droit à la parole sont autant de pistes crédibles pour répondre aux attentes des jeunes agents.

Axe 3 : réinterroger la politique managériale

Des changements profonds sont à engager en assurant en premier lieu un accompagnement soutenu des managers : rompre avec un management pyramidal et vertical pour tendre vers davantage de transversalité, développer des compétences relationnelles orientées sur l’accompagnement, l’écoute, et la capacité à faire adhérer, et enfin reconsidérer les marges de manœuvre des managers de proximité aujourd’hui quasi inexistantes.

Axe 4 : maîtriser la gestion du temps

L’usage massif des TNIC et des nouvelles formes d’organisation du travail ne peuvent être traités dans des règlements du temps de travail aux dimensions comptables et juridiques. Une réflexion approfondie, prenant en compte différents paramètres, permet en associant étroitement les agents, de répondre aux besoins du service public. Cela répond également aux attentes des agents en veillant à la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie personnelle.

Axe 5 : développer les compétences et offrir des perspectivesLes services publics sont en évolution permanente en raison des transformations des activités et des nouvelles méthodes de travail. Si la formation est un des leviers, nombre d’organisations, conscientes de la nécessité de réduire la déconnexion entre le travail et l’apprentissage, privilégient d’autres pratiques : MOOC (cours en ligne), serious game, fab lab mixant apprentissage collectif et individuel. La carrière n’étant plus un levier majeur de motivation des jeunes agents, les RH formalisent progressivement des parcours professionnels et de formation.

Axe 6 : formaliser une politique d’accueil et d’intégration des agents et des jeunesConjuguer un accueil collectif et un accueil individualisé assorti d’un bilan est incontournable. Le premier, par le biais de stages ou de séminaires, permet à l’agent de s’intégrer dans un réseau et un collectif de travail. Le second se traduit par des bilans individuels, un parrainage ou un tutorat et, si besoin, la formalisation d’un parcours de développement des compétences.

L’auteur : Anne GRILLON est spécialiste des questions RH et du management dans le secteur public ainsi que l’auteur de l’étude Le DRH dans la fonction publique territoriale.

> Le parcours d’entrée des jeunes dans les collectivités territoriales

> Comprendre et prendre en compte les caractéristiques et les attentes des jeunes agents

> Les jeunes agents, un levier pour la transformation des collectivités locales

Un fort besoin de stabilité de l’emploiLa fonction publique territoriale (FPT) et ses métiers sont encore méconnus. Le secteur privé, davantage connu auprès des jeunes en recherche d’un emploi, inspire toutefois une certaine méfiance en raison des pratiques managériales et de l’instabilité de l’emploi. À moins d’un métier s’y exerçant principalement, la FPT est un choix par défaut pour la majorité des jeunes. L’engagement des cadres A est davantage fondé sur le service public, l’intérêt général et le développement des territoires. Au-delà, la FPT reste pour tous porteuse de perspectives d’évolutions professionnelles.

Des jeunes agents mobilisés et engagésUne fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux et même fiers de « servir à quelque chose ». Le statut de l’agent participe également à l’intégration dans la vie civile : relations facilitées avec les banques (obtention de prêts immobiliers) ou avec les bailleurs (location d’un logement).

Un processus de recrutement plus sélectif mais dans le respect de la diversité

Les collectivités souhaitent désormais privilégier un recrutement par les compétences. Nombre d’agents sont dans une situation de déclassement (niveau de qualification supérieur à celui demandé pour son poste), acceptée en raison du système de la carrière. Le processus d’accueil et d’intégration, se structure progressivement et reste un facteur-clé de réussite d’un nouveau collaborateur, surtout s’il s’agit de son premier poste. La

lutte contre les discriminations à l’embauche d’un nombre croissant de collectivités explique leur intérêt pour le label « diversité » de l’Afnor.

Des parcours valorisant les compétences au cœur des préoccupations des jeunes agentsLes jeunes territoriaux redoutent une obsolescence de leurs compétences, et sont conscients de la nécessité d’une mise à jour de leurs connaissances. La formation est donc très appréciée, d’autant plus qu’ils sont aussi ouverts à des évolutions.

La vision verticale de la carrière régresse au profit d’une vision plus transversale. Son principe, une faible rémunération de départ contre une promesse d’avancement à long terme, ne semble plus répondre aux attentes des jeunes agents. Ils privilégient une évolution plus rapide. Au terme « carrière », ils substituent « mobilité, parcours, formation ».

Une information encore peu disponible L’écart est important entre leur vie privée, où l’accès aux informations est aisé, et leur vie professionnelle où elle est bridée. Les collectivités cultivent encore une certaine opacité et les managers ne semblent pas pleinement assurer leur rôle de relais et de décryptage de l’information. Le partage de l’information est également freiné par un accès très inégal des agents à l’intranet.

Une action sociale peu priséeDepuis plusieurs années la politique d’action sociale monte en puissance dans les collectivités. Les jeunes agents n’en sont pas les premiers consommateurs. La souscription

Les jeunes de moins de 30 ans dans les collectivités territoriales en quelques chiffres significatifs*

* Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2014 de la DGAFP, ministère de la Décentralisation et de la Fonction publique, 2014

Des agents impliqués mais dans le cadre d’une gestion du temps maîtriséePour les jeunes rencontrés, le travail est une contrainte permettant de satisfaire des besoins matériels et procurant une stabilité appréciable. L’intérêt pour le travail est réel, surtout s’il répond à des attentes telles que l’utilité, la diversité ou l’autonomie et s’il est associé à un sentiment de fierté. La relation avec les usagers est au cœur de l’engagement. Elle est un levier de satisfaction surtout en régions ; en Île-de-France, en raison du comportement de certains usagers, elle est plus aléatoire. La flexibilité est très appréciée : les cadres portent un avis très positif sur les technologies numériques de l’information et de la communication qui permettent une plus grande liberté d’organisation du travail.

Des relations distanciées avec les élusLes jeunes s’interrogent sur leurs rôles, leurs missions et leurs prérogatives. Les privilèges des élus, ou ressentis comme tels, ne passent pas inaperçus dans un environnement sous tension. Les cadres A ont une autre relation, plus d’égal à égal.

Suite page 4

Une remise en cause du management traditionnel

Nombre de jeunes agents mesurent mal la valeur d’une ligne hiérarchique à plusieurs niveaux. Ils sont déstabilisés par des pratiques managériales peu communicatives et « déresponsabilisantes », ne leur accordant pas suffisamment d’autonomie. Pour eux, la hiérarchie est une ressource présente quand cela est nécessaire, tenant une fonction de régulation plutôt que de contrôle et s’assurant du résultat plutôt que des moyens. Les fonctions traditionnelles d’autorité, de prescription et de contrôle sont remises en cause. Leur maîtrise des outils numériques les met, paradoxalement, en porte-à-faux avec les plus âgés, moins à l’aise.

Les jeunes peuvent-ils être de bons managers ?Confier des responsabilités mana-gériales à de jeunes cadres incite à s’interroger sur l’enseignement du management. Quelques collectivités souhaitent leur donner leur chance et misent sur leurs atouts : regard neuf, innovation, capacité à travail-ler en transversalité, pour engager de nouvelles pratiques et faire « bouger

les lignes ». L’accompagnement est important. Ces jeunes managers peuvent être mal perçus et susciter un sentiment de dépossession chez des collaborateurs plus âgés.

Des jeunes agents critiques vis-à-vis des organisations syndicalesSi une minorité de jeunes agents leur accorde encore du crédit pour porter des causes collectives, la majorité d’entre eux est partagée entre l’incertitude concernant leur rôle et le rejet (syndicalisme d’opportunité et défense de causes indéfendables). La culture de la contestation systématique ne rencontre ni l’assentiment, ni le soutien des jeunes.

Des insatisfactions encore peu nombreusesElles proviennent principalement de la perception d’un écart entre le discours sur les valeurs affichées et les pratiques. Les jeunes demandent plus l’équité de traitement et la justice sociale que l’égalité. La rémunération est perçue différemment selon les territoires. Les jeunes agents travaillant en régions sont plus sereins que ceux de la région parisienne, le coût de la vie étant moins élevé.

Catégorie A

3,4 %

4,7 %

7,3 %Catégorie B

Catégorie C

Répartition par catégorie

Administrative

10 %

33 %

12 %

27 %

12 %

12 %

12 %14 %9 %

9 %13 %

AnimationCulturelleMédico-socialeMédico-techniqueSportiveTechniqueSécurité-Police municipaleSocialeHors filière (emplois de cabinet)Filière indéterminée

Répartition par filière

Sans diplôme

8,7 %

32,2 %

28,7 %

30,4 %Diplôme inférieur au baccalauréatDiplômés du baccalauréat

Diplômés de l’enseignement supérieur

Répartition par diplôme

à une complémentaire santé et prévoyance est généralement subordonnée à une aide financière de l’employeur.

Tout l’enjeu des collectivités territoriales est de prévenir les risques de démotivation de ces jeunes agents, encore très impliqués malgré quelques signes de lassitude. Tous ont plébiscité l’autonomie, des marges de manœuvre et la prise de responsabilités. L’étude propose six axes de réflexion.

Axe 1 : devenir un employeur de choixLe but est de susciter un engagement davantage centré sur la collectivité que sur le métier ou le service, en valorisant et en prenant appui sur ses caractéristiques : territoire, valeurs, culture interne, missions, projets, politique RH et managériale... Il s’agit de susciter

une adhésion durable pour ne plus être un employeur lambda, interchangeable.

Axe 2 : engager de nouveaux modes de fonctionnement Un fonctionnement en transversalité associé à la digitalisation du travail permettant de démultiplier les coopérations, une approche plus

> Le parcours d’entrée des jeunes dans les collectivités territoriales

> Comprendre et prendre en compte les caractéristiques et les attentes des jeunes agents

> Les jeunes agents, un levier pour la transformation des collectivités locales

Un fort besoin de stabilité de l’emploiLa fonction publique territoriale (FPT) et ses métiers sont encore méconnus. Le secteur privé, davantage connu auprès des jeunes en recherche d’un emploi, inspire toutefois une certaine méfiance en raison des pratiques managériales et de l’instabilité de l’emploi. À moins d’un métier s’y exerçant principalement, la FPT est un choix par défaut pour la majorité des jeunes. L’engagement des cadres A est davantage fondé sur le service public, l’intérêt général et le développement des territoires. Au-delà, la FPT reste pour tous porteuse de perspectives d’évolutions professionnelles.

Des jeunes agents mobilisés et engagésUne fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux et même fiers de « servir à quelque chose ». Le statut de l’agent participe également à l’intégration dans la vie civile : relations facilitées avec les banques (obtention de prêts immobiliers) ou avec les bailleurs (location d’un logement).

Un processus de recrutement plus sélectif mais dans le respect de la diversité

Les collectivités souhaitent désormais privilégier un recrutement par les compétences. Nombre d’agents sont dans une situation de déclassement (niveau de qualification supérieur à celui demandé pour son poste), acceptée en raison du système de la carrière. Le processus d’accueil et d’intégration, se structure progressivement et reste un facteur-clé de réussite d’un nouveau collaborateur, surtout s’il s’agit de son premier poste. La

lutte contre les discriminations à l’embauche d’un nombre croissant de collectivités explique leur intérêt pour le label « diversité » de l’Afnor.

Des parcours valorisant les compétences au cœur des préoccupations des jeunes agentsLes jeunes territoriaux redoutent une obsolescence de leurs compétences, et sont conscients de la nécessité d’une mise à jour de leurs connaissances. La formation est donc très appréciée, d’autant plus qu’ils sont aussi ouverts à des évolutions.

La vision verticale de la carrière régresse au profit d’une vision plus transversale. Son principe, une faible rémunération de départ contre une promesse d’avancement à long terme, ne semble plus répondre aux attentes des jeunes agents. Ils privilégient une évolution plus rapide. Au terme « carrière », ils substituent « mobilité, parcours, formation ».

Une information encore peu disponible L’écart est important entre leur vie privée, où l’accès aux informations est aisé, et leur vie professionnelle où elle est bridée. Les collectivités cultivent encore une certaine opacité et les managers ne semblent pas pleinement assurer leur rôle de relais et de décryptage de l’information. Le partage de l’information est également freiné par un accès très inégal des agents à l’intranet.

Une action sociale peu priséeDepuis plusieurs années la politique d’action sociale monte en puissance dans les collectivités. Les jeunes agents n’en sont pas les premiers consommateurs. La souscription

Les jeunes de moins de 30 ans dans les collectivités territoriales en quelques chiffres significatifs*

* Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2014 de la DGAFP, ministère de la Décentralisation et de la Fonction publique, 2014

Des agents impliqués mais dans le cadre d’une gestion du temps maîtriséePour les jeunes rencontrés, le travail est une contrainte permettant de satisfaire des besoins matériels et procurant une stabilité appréciable. L’intérêt pour le travail est réel, surtout s’il répond à des attentes telles que l’utilité, la diversité ou l’autonomie et s’il est associé à un sentiment de fierté. La relation avec les usagers est au cœur de l’engagement. Elle est un levier de satisfaction surtout en régions ; en Île-de-France, en raison du comportement de certains usagers, elle est plus aléatoire. La flexibilité est très appréciée : les cadres portent un avis très positif sur les technologies numériques de l’information et de la communication qui permettent une plus grande liberté d’organisation du travail.

Des relations distanciées avec les élusLes jeunes s’interrogent sur leurs rôles, leurs missions et leurs prérogatives. Les privilèges des élus, ou ressentis comme tels, ne passent pas inaperçus dans un environnement sous tension. Les cadres A ont une autre relation, plus d’égal à égal.

Suite page 4

Une remise en cause du management traditionnel

Nombre de jeunes agents mesurent mal la valeur d’une ligne hiérarchique à plusieurs niveaux. Ils sont déstabilisés par des pratiques managériales peu communicatives et « déresponsabilisantes », ne leur accordant pas suffisamment d’autonomie. Pour eux, la hiérarchie est une ressource présente quand cela est nécessaire, tenant une fonction de régulation plutôt que de contrôle et s’assurant du résultat plutôt que des moyens. Les fonctions traditionnelles d’autorité, de prescription et de contrôle sont remises en cause. Leur maîtrise des outils numériques les met, paradoxalement, en porte-à-faux avec les plus âgés, moins à l’aise.

Les jeunes peuvent-ils être de bons managers ?Confier des responsabilités mana-gériales à de jeunes cadres incite à s’interroger sur l’enseignement du management. Quelques collectivités souhaitent leur donner leur chance et misent sur leurs atouts : regard neuf, innovation, capacité à travail-ler en transversalité, pour engager de nouvelles pratiques et faire « bouger

les lignes ». L’accompagnement est important. Ces jeunes managers peuvent être mal perçus et susciter un sentiment de dépossession chez des collaborateurs plus âgés.

Des jeunes agents critiques vis-à-vis des organisations syndicalesSi une minorité de jeunes agents leur accorde encore du crédit pour porter des causes collectives, la majorité d’entre eux est partagée entre l’incertitude concernant leur rôle et le rejet (syndicalisme d’opportunité et défense de causes indéfendables). La culture de la contestation systématique ne rencontre ni l’assentiment, ni le soutien des jeunes.

Des insatisfactions encore peu nombreusesElles proviennent principalement de la perception d’un écart entre le discours sur les valeurs affichées et les pratiques. Les jeunes demandent plus l’équité de traitement et la justice sociale que l’égalité. La rémunération est perçue différemment selon les territoires. Les jeunes agents travaillant en régions sont plus sereins que ceux de la région parisienne, le coût de la vie étant moins élevé.

Catégorie A

3,4 %

4,7 %

7,3 %Catégorie B

Catégorie C

Répartition par catégorie

Administrative

10 %

33 %

12 %

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12 %14 %9 %

9 %13 %

AnimationCulturelleMédico-socialeMédico-techniqueSportiveTechniqueSécurité-Police municipaleSocialeHors filière (emplois de cabinet)Filière indéterminée

Répartition par filière

Sans diplôme

8,7 %

32,2 %

28,7 %

30,4 %Diplôme inférieur au baccalauréatDiplômés du baccalauréat

Diplômés de l’enseignement supérieur

Répartition par diplôme

à une complémentaire santé et prévoyance est généralement subordonnée à une aide financière de l’employeur.

Tout l’enjeu des collectivités territoriales est de prévenir les risques de démotivation de ces jeunes agents, encore très impliqués malgré quelques signes de lassitude. Tous ont plébiscité l’autonomie, des marges de manœuvre et la prise de responsabilités. L’étude propose six axes de réflexion.

Axe 1 : devenir un employeur de choixLe but est de susciter un engagement davantage centré sur la collectivité que sur le métier ou le service, en valorisant et en prenant appui sur ses caractéristiques : territoire, valeurs, culture interne, missions, projets, politique RH et managériale... Il s’agit de susciter

une adhésion durable pour ne plus être un employeur lambda, interchangeable.

Axe 2 : engager de nouveaux modes de fonctionnement Un fonctionnement en transversalité associé à la digitalisation du travail permettant de démultiplier les coopérations, une approche plus

Enjeuxde la protection sociale des agents territoriaux

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mutuelsSeptembre 2O15 > n°24

Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travailLes jeunes agents

territoriaux : une nouvelle génération d’agents pour de « nouvelles collectivités » ?

Trois personnes actives sur dix prendront leur retraite d’ici cinq ans.

Pourtant l’attention ne se porte que ponctuellement sur les jeunes agents. Y a-t-il une spécificité de cette population jeune au regard du reste de la population territoriale ?

Représentent-ils une facette de cette fameuse « génération Y », décrite et si souvent caricaturée ? ou, au contraire, accordent-ils, à la notion de service public local, le même sens que leurs aînés : l’importance d’exercer un métier au service d’une population ? Nous pourrions ainsi penser que cet engagement serve d’autres « causes » (militantisme associatif, syndical, mutualiste…).

Anne Grillon fait de nombreuses préconisations, essentielles pour une meilleure intégration des jeunes agents. C’est le devenir du fonctionnement de nos collecti-vités en profonde transformation qui est en jeu.

Jean-René MOREAUPrésident de l’OST

Directeur Master 2 APGCL à l’UPEC

La MNT : une approche globale

de la santé

• Première mutuelle de la fonction publique territoriale en santé comme en prévoyance.

• Près de 800 000 adhérents.• 1,1 million de personnes

protégées.• 9 000 correspondants mutualistes

dans les collectivités.• 84 sections départementales

présentes en métropole et dans les DOM.

• Tables d’expérience certifiées pour les garanties complémentaires en maintien de salaire.

La MNT, créée et dirigée par des agents territoriaux, bénéficie d’une expertise de la protection sociale complémentaire des agents territoriaux, construite au fil de cinquante années d’expérience et d’échanges avec les acteurs du monde territorial. Avec la création de l’Observatoire social territorial (OST) en 2009, la MNT entend animer le débat entre les acteurs institutionnels de la fonction publique territoriale (FPT) et répondre au besoin d’une meilleure connaissance de l’environnement social des agents territoriaux.Quels que soient la problématique des collectivités et l’avancement de leurs actions, la MNT est à même de proposer des pistes et des actions complémentaires, adaptées et d’actualité avec les Cahiers et les ateliers débats de l’OST, et avec une offre de services dans les domaines de la santé au travail des agents, de la prévention et de l’accompagnement social.

Une étude qualitative pour comprendre et faire connaître les motivations des jeunes agents, leur perception du service public local, ainsi que leurs problématiques sociales et professionnelles.

L’étude interroge le système managérial territorial face au renouvellement de génération d’agents territoriaux.

Des agents minoritairesLes jeunes agents sont encore très minoritaires dans les collectivités, mais une nouvelle génération arrive. Dans la FPT, ils représentent 11,3 % des agents.

Nombre d’a priori pèsent sur les jeunes. Une littérature abondante à la fois contradictoire et paradoxale véhicule d’eux une image stéréotypée et simplifiée : individualistes, peu motivés et peu disponibles, avec une loyauté incertaine vis-à-vis de leur employeur. Aujourd’hui, les experts et les chercheurs prennent du recul face à ces marqueurs générationnels, considérant que cette génération ne fait que porter et amplifier ce qui constitue un mouvement de fond.

Levier de changement pour les collectivitésD’ici 2020, huit millions d’actifs partiront en retraite selon l’INSEE. Ce peut être une opportunité pour les collectivités de repenser leur schéma organisationnel et d’engager de nouvelles pratiques. Ces nouvelles organisations impliqueront la prise en compte d’une autre relation au travail des agents, jeunes et moins jeunes : plus d’autonomie et de responsabilités, le besoin de sens, une articulation vie privée et vie professionnelle.

Retrouvez ce Cahier n°15 en intégralité

ainsi que l’ensemble des publications de

l’Observatoire social territorial sur le site

www.observatoire-social-territorial.fr

Terrains d’étudeDeux terrains d’étude différents ont été sélectionnés : l’Île-de-France, avec l’Essonne (91) et la Seine-Saint-Denis (93), et la région Bretagne. Au total, 26 jeunes agents de 18 à 35 ans en poste dans les quatre niveaux de collectivités, de catégories A, B et C, ont témoigné de leur expérience.

Méthodologie : une étude qualitative basée sur 40 entretiens variés

Entretiens semi-directifs avec 26 jeunes territoriaux de 18 à 35 ans réunis en 3 groupes de 7 à 10 agents, et suivi par l’ensemble des 11 jeunes militants mutualistes membres du comité jeunes, du lancement de l’étude à sa conclusion.

Entretiens deux DRH, deux médecins de prévention, deux assistants sociaux et trois représentants d’organisations syndicales.

participative associant les agents et la reconnaissance de leur droit à la parole sont autant de pistes crédibles pour répondre aux attentes des jeunes agents.

Axe 3 : réinterroger la politique managériale

Des changements profonds sont à engager en assurant en premier lieu un accompagnement soutenu des managers : rompre avec un management pyramidal et vertical pour tendre vers davantage de transversalité, développer des compétences relationnelles orientées sur l’accompagnement, l’écoute, et la capacité à faire adhérer, et enfin reconsidérer les marges de manœuvre des managers de proximité aujourd’hui quasi inexistantes.

Axe 4 : maîtriser la gestion du temps

L’usage massif des TNIC et des nouvelles formes d’organisation du travail ne peuvent être traités dans des règlements du temps de travail aux dimensions comptables et juridiques. Une réflexion approfondie, prenant en compte différents paramètres, permet en associant étroitement les agents, de répondre aux besoins du service public. Cela répond également aux attentes des agents en veillant à la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie personnelle.

Axe 5 : développer les compétences et offrir des perspectivesLes services publics sont en évolution permanente en raison des transformations des activités et des nouvelles méthodes de travail. Si la formation est un des leviers, nombre d’organisations, conscientes de la nécessité de réduire la déconnexion entre le travail et l’apprentissage, privilégient d’autres pratiques : MOOC (cours en ligne), serious game, fab lab mixant apprentissage collectif et individuel. La carrière n’étant plus un levier majeur de motivation des jeunes agents, les RH formalisent progressivement des parcours professionnels et de formation.

Axe 6 : formaliser une politique d’accueil et d’intégration des agents et des jeunesConjuguer un accueil collectif et un accueil individualisé assorti d’un bilan est incontournable. Le premier, par le biais de stages ou de séminaires, permet à l’agent de s’intégrer dans un réseau et un collectif de travail. Le second se traduit par des bilans individuels, un parrainage ou un tutorat et, si besoin, la formalisation d’un parcours de développement des compétences.

L’auteur : Anne GRILLON est spécialiste des questions RH et du management dans le secteur public ainsi que l’auteur de l’étude Le DRH dans la fonction publique territoriale.