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Rémi GENEVEY, Rajendra K. PACHAURI et Laurence TUBIANA (dir.) Réduire les inégalités : un enjeu de développement durable 2013 Dossier

02-couvRST2013-22fév - Regards sur la Terreregardssurlaterre.com/sites/default/files/rst/2013-2-FR.pdf · de l’agence de l’AFD au Maroc (1999-2002), directeur général adjoint

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Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développe-ment durable et en révèle toute la richesse.

La première partie dresse le bilan de l’année 2012 : retour sur les dates qui ont marqué l’avancée des connaissances et la construction de l’action dans les domaines du climat, de la biodiversité, des ressources naturelles, de la gouvernance, de l’énergie, de la santé ou du développement ; analyse des événements clés et des tendances émergentes, identifi cation des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives.

Le Dossier 2013 traite des relations entre l’accroissement des inégalités contemporaines et l’insoutenabilité de nos trajectoires de développement. Les inégalités sont-elle un obstacle au développement durable ? La réduction des inégalités est-elle un prérequis à un mode de développement plus soutenable ? Vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio, les aspects sociaux du développement et de la croissance ont en effet pris une place prépondérante dans le débat public. La frontière historique entre les préoccupations présumées pour l’environnement des pays de l’OCDE, actuellement en crise, et le désir légitime de croissance des pays émergents en pleine expansion semble aujourd’hui s’être brouillée et les équilibres mondiaux profondément transformés. Sous l’effet de la crise économique, les écarts de revenus entre pays riches et pays en développement n’ont fait que diminuer, mais les inégalités au sein même des pays n’ont jamais été aussi fortes, avec des conséquences immédiates sur la santé, l’urbanisation, la biodiversité… Objet de préoccupation commune, nécessitant la mise en œuvre de politiques nova-trices à l’échelle internationale, la question de la réduction des inégalités est au cœur des objectifs d’un développement qui permette à chacun un niveau de vie convenable tout en préservant les besoins des générations futures.

Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable.

Rémi GENEVEY, Rajendra K. PACHAURI et Laurence TUBIANA (dir.)

Réduire les inégalités : un enjeu de développement durable

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25 € Prix TTC France6990683ISBN : 978-2-200-28326-1

Établissement public, l’Agence française de développe-ment (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le gouvernement français. Présente

sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de soixante-dix agences et bureaux de représentation dans le monde, dont neuf dans l’outre-mer et un à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance écono-mique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… En 2011, l’AFD a consacré près de 6,9 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en développement et en faveur de l’outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation de 4 millions d’enfants au niveau primaire et de 2 millions au niveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable pour 1,53 million de personnes. Les projets d’efficacité éner-gétique sur la même année permettront d’économiser près de 3,8 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses travaux sont structurés transver-salement autour de cinq programmes thématiques : gouvernance, climat, biodiversité, fabrique urbaine et agriculture. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est une organisation non gouvernementale indienne créée en 1974 pour développer des solutions innovantes afin de traiter les enjeux du développement durable, de

l’environnement, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Ses diverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationales jusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques et environnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennes régionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Rémi GENEVEY, directeur exécutif à l’Agence française de développement (AFD), est actuellement responsable de la direction de la stratégie, qui regroupe les activités de production de connaissances, pilotage stratégique, évaluation et formation de l’AFD, ainsi que le Secrétariat du Fonds français pour l’environnement mondial. Il a exercé des fonctions de management à l’AFD dans

différents postes, en tant que directeur financier (2006-2008), directeur du département Méditerranée et Moyen-Orient (2002-2005), directeur de l’agence de l’AFD au Maroc (1999-2002), directeur général adjoint et directeur des opérations de Proparco, la filiale de l’AFD pour le financement du secteur privé (1994-1999). Il a été responsable entre 2008 et 2010 de la coordination, pour la France, du groupe de travail international en charge de la création du Centre de Marseille pour l’intégration méditerranéenne.

Laurence TUBIANA, économiste, a fondé et dirige l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeur au sein de l’École des affaires internationales de Sciences Po et à l’université Columbia (États-Unis). Elle est membre du comité de pilotage du débat national français sur la

transition énergétique et co-présidente du Leadership Council du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions d’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – Cirad, Earth Institute à l’université Columbia, Oxford Martin School). Elle est également membre du China Council for International Cooperation on Environment and Development et du Conseil d’orientation stratégique de l’Institute for Advanced Sustainability Studies (Potsdam, Allemagne).

Rajendra Kumar PACHAURI est docteur en génie industriel et en économie. Il est actuellement le directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergou-vernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.

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Dossier

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En 2012, quatre ans après leur entrée en crise consécutive à l’effondrement de la banque Lehman Brothers, la situation économique et fi nancière des pays développés demeure fragile.

Leur croissance est globalement faible, leurs fi nances publiques sont toujours déséquili-brées et le supplément de chômage induit par les pertes d’activité n’a toujours pas été résorbé. Ces diffi cultés persistantes conti-nuent à peser sur l’économie mondiale. De fait, l’année 2012 est marquée par un ralen-tissement important du commerce interna-tional, limitant la croissance des pays les plus ouverts sur le plan commercial, et par une instabilité récurrente des marchés fi nanciers internationaux préjudiciable aux pays dont le fi nancement de la croissance est dépendant de l’épargne internationale.

2008-2012 : la divergence des trajectoires économiques et financièresÀ ce stade, les diffi cultés du monde développé n’ont pourtant pas provoqué de dégradation signifi cative de la situation économique et fi nancière globale du monde en développe-ment. Dans une certaine mesure, la tendance générale observée au cours de la période 2008-2012 va plutôt dans le sens d’un renforcement relatif des pays en développement (PED) par

Les pays en développement face aux crises des pays développésFrançois-Xavier BELLOCQ, AFD

rapport aux pays développés. Cette tendance est particulièrement frappante sur le plan des régimes de croissance. En effet, même si l’activité économique des PED a été affectée par l’impact récessif de l’effondrement de la fi nance américaine en 2008 et 2009, ceci n’a pas débouché sur un décalage durable des niveaux d’activité par rapport à la trajec-toire qui prévalait jusqu’en 2007 (repère 1 en haut). En revanche, la crise fi nancière améri-caine, puis la crise souveraine des pays péri-phériques de la zone euro, ont durablement affaibli les rythmes d’activité des pays déve-loppés dans la mesure où ceux-ci sont restés nettement décalés par rapport à la tendance antérieure à 2007 (repère 1 en bas). Ces évolu-tions comparées apportent un élément de réponse à la question du découplage qui se posait avec force il y a quatre ans. À cette époque, il s’agissait de savoir si le rythme de croissance des PED pouvait résister à l’affai-blissement, et fi nalement à l’effondrement, de l’activité dans les pays développés. Les évolutions fi nalement constatées sur ce plan indiquent que la croissance des PED a bien été affaiblie en 2008 et 2009 mais ce ralentisse-ment a été temporaire et d’amplitude limitée. Autrement dit, il n’y a pas eu découplage des cycles d’activité à court terme mais, en raison du rebond rapide des PED, il s’est produit

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un découplage des tendances qui a perduré jusqu’à présent.

Corollaire du maintien de leur trajectoire de croissance, les pertes d’emplois observées depuis quatre ans dans les PED ont été limi-tées. Globalement, le nombre de chômeurs enregistrés en 2012 dans cette partie du monde serait identique à celui de 20071. Cela ne signifi e pas que le chômage et le sous-emploi ne constituent pas un problème pour ces pays (c’est notamment le cas pour les pays du sud et de l’est de la Méditerranée) mais ces évo-lutions indiquent que les effets négatifs de la crise mondiale sur les marchés du travail ont été globalement absorbés. La situation est totalement différente dans les pays développés où l’on estime que 13 millions d’emplois ont été perdus depuis 2008, soit une augmentation

1. Furceri D. et Loungani P., septembre 2012, “Jobs and growth: can’t have one without the other?”, World Economic Outlook (WEO).

globale du taux de chômage de 2,5 points de pourcentage.

Enfi n, les crises en cours dans le monde développé ont eu des effets limités sur les fi nances publiques des PED. En moyenne, leur taux d’endettement est aujourd’hui de l’ordre de 35 % du PIB, soit un niveau identique à la situation qui prévalait en 20072. Ceci induit des besoins de fi nancement de l’État estimés à 9 % du PIB en moyenne en 20123. La situation des pays développés est différente car les crises ont dégradé l’ensemble des variables déter-minant la dynamique d’endettement : baisse de la croissance, hausse des défi cits publics et, dans certains cas, hausse des taux d’intérêt. Résultat, le niveau moyen de la dette publique brute est passé de 75 à 111 % du PIB entre 2007

2. FMI, 2012, Fiscal Monitor Report.

3. Pour une année donnée, le besoin de financement de l’État est la somme de l’amortissement de la dette et du déficit budgétaire.

Une crise qui oublie le Sud ?

La crise n’a pas eu les mêmes effets sur les pays développés que sur le monde en développement. Les premiers ont durablement modifié leur trajectoire de croissance, qui est nettement décalée par rapport à la période antérieure. La crise n’a eu jusqu’ici qu’un impact momentané sur les économies en développement qui ont aujourd’hui retrouvé leur trajectoire de croissance d’avant 2007.

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et 2012 et les besoins de fi nancements annuels des États représentent en moyenne 25 % du PIB. Des besoins de fi nancement aussi élevés exposent les pays développés à des trajectoires d’endettement pouvant rapidement devenir insoutenables en cas de dégradation de leurs conditions de refi nancement. Sur ce plan, les crises souveraines dans la zone euro ont un peu occulté la situation assez précaire dans laquelle se trouvent le Japon et les États-Unis : les États de ces deux pays ont respectivement des besoins de fi nancement équivalents à 60 % et 27 % du PIB en 2013.

Pays en développement : comment absorber durablement les chocs internationaux ?Cette différenciation de trajectoires écono-miques et fi nancières entre le monde déve-loppé et le monde en développement traduit un déplacement des facteurs d’instabilité au sein de l’économie mondiale. Alors que les principales sources d’instabilité économique et fi nancière étaient localisées en Amérique latine au début des années 1980, puis en Asie émergente à la fi n des années 1990, elles se trouvent désormais dans les pays développés où les problèmes de croissance, d’emplois et de fi nances publiques demeurent aigus. Par rapport à la période antérieure à 2008, le monde en développement fait donc face à un environnement international inédit et à des enjeux de politiques macroéconomiques diffé-rents. Ces pays doivent désormais absorber des chocs de forte amplitude et de fréquence élevée en provenance du monde développé, alors même que leur ouverture commerciale et fi nancière a beaucoup augmenté au cours des dernières décennies. Par conséquent, leur capacité à absorber les chocs économiques et fi nanciers demeure plus que jamais un facteur contribuant largement à la préservation de leur trajectoire de croissance. En 2008, la plupart d’entre eux était bien positionné pour faire face à ce type de chocs grâce aux marges de manœuvre accumulées au cours des dix années précédentes. À l’exception des pays d’Europe centrale et orientale, leurs besoins de fi nan-cement externe avaient été signifi cativement

réduits dans les années 2000. En Afrique, en Asie émergente et dans les pays pétro-liers d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les comptes courants étaient globalement devenus excédentaires. Autrement dit, les PED avaient réduit leur dépendance à l’épargne internationale pour le fi nancement de leur croissance. Quatre ans après le début des turbulences fi nancières internationales, cette moindre dépendance aux ressources fi nan-cières extérieures est encore présente dans leurs équilibres extérieurs : la valeur médiane de leur dette externe4 a baissé d’un niveau de 60 % du PIB à 35 % du PIB depuis 1990 et leurs réserves en devises ont progressé de 8 à 18 % de leur PIB. De fait, depuis quatre ans, cette moindre exposition au risque de change induite par des passifs nets en devises plus faibles a été salvatrice : elle a permis d’amortir signifi cativement l’impact des chocs de taux de change et les conséquences de la dégrada-tion des conditions de fi nancement externe que la plupart des pays émergents ont subi par épisodes violents au cours de cette période.

Rétablir des marges de manœuvre macroéconomiques lorsque cela est nécessaireCes évolutions jusqu’ici globalement favo-rables ne doivent pas occulter cependant la situation de certains PED sortis affaiblis de ces quatre années d’instabilité internationale. Ces situations particulières sont à prendre en considération dans un contexte où les pers-pectives économiques et fi nancières interna-tionales tendent de nouveau à se dégrader. Fin 2012, la volatilité des marchés fi nanciers internationaux demeure élevée (repère 2) et le commerce international ralentit de façon signifi cative (repère 3). Dans ce contexte, les pays les plus affectés par le choc de 2008 et 2009 peuvent se trouver dans une situa-tion paradoxale dans laquelle il s’agit de rétablir des marges de manœuvre macroéco-nomiques, dans le but d’absorber de probables nouveaux chocs, et de préserver le dynamisme

4. La dette externe représente l’ensemble des dettes publiques et privées dues à des créanciers étrangers.

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de la demande interne dans un contexte où la demande extérieure s’affaiblit.

Aujourd’hui, cet enjeu concerne notamment les pays du sud et de l’est de la Méditerranée où les fi nances publiques sont généralement très sollicitées depuis quatre ans pour amortir l’impact des chocs extérieurs sur la croissance et pour répondre aux revendications des populations dans le contexte du Printemps arabe. Sur ce plan, la hausse des cours internationaux des matières premières éner-gétiques et agricoles a souvent provoqué une augmentation importante des subventions aux effets négatifs pour les fi nances publiques : les défi cits publics ont progressé de 4,8 à 9,5 % du PIB dans cette région entre 2007 et 20125. Les chocs économiques, fi nanciers et politiques que ces pays subissent depuis quatre ans ont par ailleurs des répercussions négatives sur leurs équilibres extérieurs. Au cours des quatre dernières années, l’augmentation des défi cits courants associés, dans certains cas, au tarisse-ment des entrées de capitaux a provoqué une réduction de leur liquidité en devises. Ceci a essentiellement concerné la Tunisie et l’Égypte jusqu’en 2011. Puis cette tendance s’est diffusée à la Jordanie et au Maroc, où les ratios de liqui-dités en devises ont beaucoup baissé en 2012. En août de cette année, cette pression sur leurs

5. En moyenne, dans les pays émergents, les soldes budgétaires sont passés d’un excédent de 0,3 % à un déficit de 1,9 % du PIB au cours de la même période.

réserves de change a poussé ces deux pays à signer un accord avec le FMI (respectivement un accord de confi rmation et un accord au titre de la ligne de précaution et de liquidité).

À moyen terme, les politiques économiques qui permettront aux PED d’absorber les chocs économiques et fi nanciers internationaux ne se limiteront pas aux mesures visant la reconstitution ou la préservation de marges de manœuvre macroéconomiques telles que des défi cits budgétaires limités, des dettes faibles et des réserves de change suffi santes. En effet, alors que l’économie mondiale pourrait être durablement installée dans une phase de crois-sance limitée et d’instabilité fi nancière, les PED pourraient être incités à défi nir des objectifs de politiques publiques touchant à leur modèle de fi nancement et à leur modèle de croissance.

Comment s’adapter à l’instabilité financière internationale ?L’amélioration des dispositifs de supervision fi nancière6 demeure sur ce plan un enjeu de première importance dans les économies en développement, notamment pour celles très intégrées aux marchés fi nanciers internatio-naux (les pays communément appelés « pays émergents »). Cette nécessité découle d’abord

6. La supervision financière regroupe l’ensemble des moyens mobi-lisés par les autorités publiques pour assurer la stabilité du système financier. Il s’agit notamment de veiller à la situation des bilans des institutions financières en matière de solvabilité, de qualité de l’actif et de provision.

Un commerce international incertain

Les marchés financiers internationaux ne sont pas encore remis de la crise de 2007. Ils restent marqués par une forte volatilité qui rend difficile toute prospective à long terme tant pour les pays développés que pour les pays en développement.

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Des marchés financiers volatiles

Les échanges internationaux ont connu un coup d’arrêt tant pour le G7 que pour les BRICS en 2008, en contrecoup de la crise. S’ils ont repris, depuis, un niveau quasiment comparable à la période précédente, ils restent eux aussi très volatiles, trahissant l’incertitude qui entache l’économie mondiale.

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de l’accroissement rapide des actifs bancaires consécutif à l’assouplissement des politiques monétaires mises en œuvre après l’effon-drement de Lehman Brothers. Dans certains pays, la taille des bilans bancaires a augmenté parfois fortement (Chine, Turquie, Inde, Brésil, Indonésie, Vietnam), ce qui renforce le besoin d’une supervision fi nancière mieux organisée et plus effi cace. À court terme, ce développe-ment accéléré des systèmes bancaires des pays émergents pourrait perdurer car l’on assiste depuis quelques mois à une nouvelle phase d’assouplissement des politiques monétaires visant à limiter les effets induits du ralentisse-ment de l’économie mondiale (Brésil, Chine, Colombie, Philippines, Afrique du Sud).

L’amélioration des dispositifs de supervision est également rendue nécessaire par le fait que les diffi cultés des pays développés provoquent depuis 2008 un affl ux de liquidité internatio-nale vers les marchés fi nanciers émergents. Pour les investisseurs internationaux, les marchés émergents permettent de pallier la faiblesse des rendements et les perspectives de croissance faibles caractérisant aujourd’hui les pays développés. Ces entrées de capitaux, conjuguées aux excédents de compte courant des pays émergents, provoquent en moyenne annuelle des entrées nettes de liquidités de 800 milliards de dollars depuis 2008. Le repère 1 montre ainsi que la crise en cours a considérablement amplifi é l’affl ux de liquidités internationales vers les marchés émergents par rapport à ce qui était observé au cours des périodes précédentes. Dans certains cas, ces liquidités sont investies à court terme (Turquie, Afrique du Sud, Mexique, Kenya), ce qui expose le pays récipiendaire à des sorties brutales de capitaux, préjudiciables à ses équilibres fi nanciers (baisse des ressources fi nancières disponibles, chute du taux de change de la monnaie domestique et hausse des taux d’intérêt). En effet, l’entrée croissante des non-résidents sur les marchés d’actifs en monnaie locale peut générer des chocs de liquidité importants lorsque l’aversion au risque s’accroît brutalement dans les pays développés (à titre d’exemple, le Brésil, la Turquie, l’Indonésie et l’Afrique du Sud sont

des pays où les non-résidents occupent une place importante ou en augmentation sur les marchés obligataires en monnaie locale). C’est pour cela que, depuis 2008, certains pays émergents cherchent à améliorer leurs dispositifs de supervision fi nancière afi n de prévenir les risques générés par ces affl ux de liquidité. De fait, plusieurs options de politiques économiques sont observées dans cette partie du monde depuis quatre ans. Une option peu conventionnelle consiste à mettre en œuvre un contrôle aux entrées de capitaux afi n de contenir l’appréciation induite du taux de change (taxe sur les entrées de capitaux au Brésil). Une voie médiane cherche à encadrer l’accès aux devises des résidents ou, inverse-ment, l’accès aux actifs en monnaie locale pour les non-résidents (encadrement des opérations fi nancières des non-résidents en Chine). Enfi n, une troisième option, plus classique, encadre l’exposition des banques au risque de change en renforçant certains aspects des dispositifs prudentiels (Indonésie, Turquie).

Vers une croissance mieux équilibrée ?À plus long terme, l’affaiblissement de la demande des pays développés observé depuis 2008 constitue un second enjeu que le monde en développement devra relever pour main-tenir son rythme de croissance. Les grands pays émergents seront probablement incités à promouvoir une croissance moins extra-vertie, moins dépendante des débouchés et des fi nancements extérieurs. Certaines de ces économies disposent d’atouts pour opérer ce rééquilibrage car la taille de leurs marchés domestiques constitue un débouché impor-tant et peut être une source d’économie d’échelles (Chine, Inde, Brésil, Indonésie). Cependant, le rééquilibrage ne concerne pas uniquement l’articulation entre les compo-santes internes (consommation, investisse-ment) et externes (exportations nettes) de la demande agrégée. Il s’agit aussi d’opérer un rééquilibrage entre les composantes internes de la demande afi n de conforter la croissance de long terme. Sur ce plan, la question du rééquilibrage se pose de façon différente selon les pays. En Inde, au Brésil et en Indonésie,

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il s’agit notamment de maintenir l’augmen-tation récente du taux d’investissement après plusieurs années d’investissements réduits, souvent à la suite de crises fi nancières. En Chine, au contraire, la croissance est profon-dément déséquilibrée au profi t de l’investis-sement et au détriment de la consommation des ménages dont la part dans le PIB a beau-coup baissé depuis le début des années 1990. Dans certains secteurs, les investissements de capacités ont probablement créé des surca-pacités importantes pesant sur la rentabi-lité du capital. En outre, l’important plan de relance mis en place à partir de 2008 pour pallier les effets récessifs de l’effondrement du commerce mondial a essentiellement reposé sur l’investissement, aggravant ainsi son hypertrophie par rapport à la consomma-tion. La progression rapide des salaires réels enregistrée au cours des années 2000 a certes permis de stabiliser le taux de consommation des ménages, mais le rééquilibrage du régime de croissance nécessite des mesures de poli-tiques publiques plus volontaristes.

Les politiques publiques susceptibles d’ini-tier ce rééquilibrage ont été évoquées dans le cadre du G20 car elles s’inscrivent dans la

logique de coopération internationale visant à réduire les déséquilibres macroéconomiques internationaux7. Dans les neuf pays émergents composant le G20, le rééquilibrage des bases de la croissance passera par une plus grande fl exibilité du régime de change (Chine), l’amélioration des systèmes de protection sociale, l’augmentation des dépenses sociales (notamment dans le secteur de l’éducation), la réduction des disparités régionales infrana-tionales (Argentine, Brésil, Chine, Afrique du Sud) et la libéralisation du secteur des services (Chine, Inde). L’horizon temporel de ces politiques demeure néanmoins le long terme, notamment pour ce qui concerne le dévelop-pement des systèmes de protection sociale. En Inde et en Indonésie, la part de la force de travail contribuant à un système de protection est de l’ordre de 10 % en raison notamment du poids important de l’informalité et de l’auto-emploi sur le marché du travail8. n

7. Banque mondiale, novembre 2011, Rebalancing, Growth and Development: An Interconnected Agenda, Washington D.C., Banque mondiale.

8. OCDE, 2011, “Special focus: inequality in emerging countries”, Divided We Stand: Why Inequality Keeps Rising?, Paris, Publications de l’OCDE.

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Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développe-ment durable et en révèle toute la richesse.

La première partie dresse le bilan de l’année 2012 : retour sur les dates qui ont marqué l’avancée des connaissances et la construction de l’action dans les domaines du climat, de la biodiversité, des ressources naturelles, de la gouvernance, de l’énergie, de la santé ou du développement ; analyse des événements clés et des tendances émergentes, identifi cation des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives.

Le Dossier 2013 traite des relations entre l’accroissement des inégalités contemporaines et l’insoutenabilité de nos trajectoires de développement. Les inégalités sont-elle un obstacle au développement durable ? La réduction des inégalités est-elle un prérequis à un mode de développement plus soutenable ? Vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio, les aspects sociaux du développement et de la croissance ont en effet pris une place prépondérante dans le débat public. La frontière historique entre les préoccupations présumées pour l’environnement des pays de l’OCDE, actuellement en crise, et le désir légitime de croissance des pays émergents en pleine expansion semble aujourd’hui s’être brouillée et les équilibres mondiaux profondément transformés. Sous l’effet de la crise économique, les écarts de revenus entre pays riches et pays en développement n’ont fait que diminuer, mais les inégalités au sein même des pays n’ont jamais été aussi fortes, avec des conséquences immédiates sur la santé, l’urbanisation, la biodiversité… Objet de préoccupation commune, nécessitant la mise en œuvre de politiques nova-trices à l’échelle internationale, la question de la réduction des inégalités est au cœur des objectifs d’un développement qui permette à chacun un niveau de vie convenable tout en préservant les besoins des générations futures.

Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable.

Rémi GENEVEY, Rajendra K. PACHAURI et Laurence TUBIANA (dir.)

Réduire les inégalités : un enjeu de développement durable

2013

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25 € Prix TTC France6990683ISBN : 978-2-200-28326-1

Établissement public, l’Agence française de développe-ment (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le gouvernement français. Présente

sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de soixante-dix agences et bureaux de représentation dans le monde, dont neuf dans l’outre-mer et un à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance écono-mique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… En 2011, l’AFD a consacré près de 6,9 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en développement et en faveur de l’outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation de 4 millions d’enfants au niveau primaire et de 2 millions au niveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable pour 1,53 million de personnes. Les projets d’efficacité éner-gétique sur la même année permettront d’économiser près de 3,8 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses travaux sont structurés transver-salement autour de cinq programmes thématiques : gouvernance, climat, biodiversité, fabrique urbaine et agriculture. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est une organisation non gouvernementale indienne créée en 1974 pour développer des solutions innovantes afin de traiter les enjeux du développement durable, de

l’environnement, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Ses diverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationales jusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques et environnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennes régionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Rémi GENEVEY, directeur exécutif à l’Agence française de développement (AFD), est actuellement responsable de la direction de la stratégie, qui regroupe les activités de production de connaissances, pilotage stratégique, évaluation et formation de l’AFD, ainsi que le Secrétariat du Fonds français pour l’environnement mondial. Il a exercé des fonctions de management à l’AFD dans

différents postes, en tant que directeur financier (2006-2008), directeur du département Méditerranée et Moyen-Orient (2002-2005), directeur de l’agence de l’AFD au Maroc (1999-2002), directeur général adjoint et directeur des opérations de Proparco, la filiale de l’AFD pour le financement du secteur privé (1994-1999). Il a été responsable entre 2008 et 2010 de la coordination, pour la France, du groupe de travail international en charge de la création du Centre de Marseille pour l’intégration méditerranéenne.

Laurence TUBIANA, économiste, a fondé et dirige l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeur au sein de l’École des affaires internationales de Sciences Po et à l’université Columbia (États-Unis). Elle est membre du comité de pilotage du débat national français sur la

transition énergétique et co-présidente du Leadership Council du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions d’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – Cirad, Earth Institute à l’université Columbia, Oxford Martin School). Elle est également membre du China Council for International Cooperation on Environment and Development et du Conseil d’orientation stratégique de l’Institute for Advanced Sustainability Studies (Potsdam, Allemagne).

Rajendra Kumar PACHAURI est docteur en génie industriel et en économie. Il est actuellement le directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergou-vernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.

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Dossier

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