0280-Fiducius-Gasquet-Ensayo Sobre El Culto y Los Misterios de Mitra en Frances

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Misterios de Mitra

Citation preview

  • Essai'

    sur le Culte et les Mystres

    de Mithra

    PAR

    A. GASQUETRecteurde l'AcadmiedeNancy.

    Paris, 5, rue de Mzires

    mand Colin & Cie, diteursLibrairesdela SocitdesGensde Lettres.

  • ESSAI SUR LE CULTE

    ETLES

    MYSTRES DE MITHRA

    PAR

    A. GASQUETRECTEURDEL'ACADMIEDEN~CJ,~

    PARISARMAND COLIN ET Cie, DITEURS

    5, RUEDE MZIRES,51898

    Tousdroitsrservs.

  • GASQUET.- MithlYl. 1

    ESSAI SUR LE CULTE

    ET

    LES MYSTRES DE MITHRA

    Le culte et les mystres de Mithra s'introdui-sirent Home, l'poque o la Rpublique sondclin, aprs avoir ralis l'unit du monde ancienaux dpens des patries particulires, tait mredj pour la domination de Csar. De tous lespoints du bassin oriental de la Mditerrane,pacifi et asservi, d'Egypte, de Syrie, de Perse etde Chalde, commenaient affluervers la capitaleles cultes orientaux et les superstitions tran-gres. Cyble et Isis avaient prcd Mithra. Autemps de Cicron et de Jules Csar, la colonie juiveavait pris assez d'importance pour proccuper leshommes d'Etat et inquiter le pouvoir. Bientt, la suite de ces palestiniens et d'abord confondusavec eux, les premiers disciples du Christ, prc-dant l'aptre Paul, vont aborder aux ports ita-liens et prendre pied sur ce sol, o, quatre siclesplus tard, l'emblme de la croix couvrira l'empire

  • 2 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITIIRA.de son ombre. Il semble que toutes ces religionsd'Orient aient, ds lors, l'obscur pressentiment quel'unit politique prpare la voie l'unit moraleet que dans cette ville, abrg de tous les peuples,rendez-vous de toutes les croyances et de toutes lessuperstitions, va s'laborer la crise religieuse quidoit donner au monde un Dieu universel. C'est envain que les pontifes et les empereurs essaientd'opposer une digue cette invasion, qu'ils multi-plient contre les nouveaux venus les prcautionslgislatives, et qu'ils consignent dans les faubourgsde la banlieue ces dieux trangers. Le flot dbordetous ces obstacles, et bientt par la lassitude etavec la complicit des pouvoirs publics, les cultesnouveaux parviennent s'implanter dans l'enceintesacre et sur les sept collines.Les temps taient propices pour la propagande

    de ces trangers. La vieille religion officielle semourait au milieu de l'indiffrence gnrale. Aboutde sve, elle avait perdu toute prise sur les mes,toute action sur les consciences. Il n'en restait queles rites, la liturgie, les gestes extrieurs. Cettemythologie fripe n'imposait plus mme auxenfants et aux vieilles femmes. Condamne djpar Platon et par les philosophes, au nom de lamorale, elle tait un objet de drision pour ceux-lmmes qui acceptaient et recherchaient les sacer-doces publics. Tandis que le paysan italien restaitencore fidle ses divinits locales, rustiques etfamilires, dont il ne se dlit jamais complte-ment, la socit des honntes gens et des lettrs ne

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITIIRA.3

    comptait gure que des athes comme Csar etLucrce ou des platoniciens comme Cicron etVirgile. Les aventures des dieux ne servaient plusque de matire aux vers ingnieux des potes, dethmes plastiques aux sculpteurs et aux peintres,de sujets pour les tableaux vivants, obscnes ousanglants, de la scne et de l'amphithtre. Scenamde clo fecistis, crivait avec raison un des plusfougueux adversairesdu paganisme.Cesdieuxpour-tant, malgr le discrdit qui les atteint, continuent tre invoqusjusqu' la fin du paganisme; on leurrend les mmes honneurs; on leur fait les mmessacrifices. Mais les mmes noms recouvrent desconceptions bien diffrentes; le sens qui s'attache cesdnominations vieillies s'est modifi,enmmetemps que le sentiment du divin. Pour certains tho-logiens, les anciens dieux sont rduits la condi-tion de dmons subalternes qu'on relgue dans lesastres ou qui circulent, messagers invisibles, entreciel et terre ; pour d'autres, ils prtent leur person-nalit mconnaissableaux abstractions de la tlio-sophie alexandrine (1).On a souvent reproch aux apologistes chrtiens

    lesprocds faciles de leur polmiquecontre le pa-ganisme, et l'talage copieux et indiscret o ils sesont complu des mfaits de ses dieux. En ralit leschrtiens n'ont fait que suivre l'exemple qui leurtait donn par les paens eux-mmes. Ceux-ci ne(1)Lesbelleset savantestudesde G.Boissier: la ReligionRomainesonslesAntoninset deRville: laReligionsouslesS-

    vres,mepermettentden'insisterquesurles pointsessentielsdecettequestion.

  • 4 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.cachent pas leur honte et leur mpris pour ces di-vinits entremetteuses qui sollicitent tous les basinstincts de la nature humaine par l'exemple de leurimpudicit. Le peuple n'entrait pas, comme le phi-losophe, dans l'interprtation symbolique des

    - mythes ; il n'en retenait que l'expression figure etqui frappait ses sens. Le jeune homme de Trences'autorisait des adultres de Jupiter pour excuserses entreprises de sduction. Par lui-mme le paga-nisme n'a t capable d'enfanter ni dogme ni mo-rale (1); il est indiffrent par essence, n'tant que laglorification des forces naturelles et la traductionmythique de ces nergies en action. Certes, quel-ques intelligences d'lite, travers la beaut, taientcapables de sentir le divin ; mais l'esthtique seratoujours une base fragile pour difier une morale.D'une manire gnrale, on peut affirmer que lamoralit et la vertu, qui certes ne firent pas dfautau monde antique, vinrent d'ailleurs, fondes surdes conceptions puises des sources toutes dif-frentes.A cette impuissance du paganisme formuler les

    rgles d'une morale populaire, il faut joindre leseffets dsastreux du socialisme d'Etat (on peut luidonner ce nom), tel qu'il fut pratiqu par les empe-reurs. On doit se reprsenter le proltariat desgrandes villes, presque entirement entretenu etnourri aux frais du trsor, dshabitu du travail,rcr dans les thermes, corrompu par les specta-(1)Aristote,commed'ailleursSocrate,sparentcommedeuxchosesdistinctesla religionet lamorale.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.5

    1.

    des, ramen aux instincts les plus bestiaux de lasauvagerie primitive, par les tueries de l'amphi-thtre. Onn'a rien trouv de mieuxpour engourdirses fureurs et ses gots d'meute, pour le ddom-mager de la confiscation des liberts publiques.Sevr des agitations de la politique et du souci g-nreux de la patrie qu'il n'a plus dfendre, exclude la religion officielle, qui est un privilge del'aristocratie, il ne lui reste rien pour alimenter etsatisfaire les besoins suprieurs de sa nature,latents dans toute me humaine. Autour de lui, larichesse du monde entier aboutit la jouissancescandaleuse de quelques-uns. Jamais l'gosme n'at plus triomphant ni plus avide, la socit plusmchante aux petits et aux humbles, la vie plusprcaire et plus avilie, que dans le sicle qui suivitl'tablissement de l'empire. Mais en mme temps,cette dtresse qui exaspre la duret des uns,tourne chez les meilleurs en attendrissement, et lesmes, amollies par la souffrance ou brises parl'pouvante, s'ouvrent soudain la piti.Afinde rpondre ces besoins qu'il souponne,

    Auguste, plus par esprit de gouvernement que parpit car il partageait l'incrdulit de son temps- avait imagin de toutes pices une rforme re-ligieuse. Agrandissant la mesure du monde con-quis le culte de la Cit-Reine, il fonda la religion de1 Etat, conu comme une divinit. Dans toutes lesprovinces, par ordre, s'levrent destemples en l'hon-neur de lxome et d'Auguste; partout se multi-plirent les collges et les sacerdoces, et dans les

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.carrefours on proposa l'adoration populaire lesLares nouveaux. Cette religion administrative,froide et glace, et qui nous parat, avec notre ma-nire de sentir, comme le rve de bureaucrates endlire, n'eut que le succs qu'elle mritait. Elle sub-sista par la docilit et la crainte, recueillit l'em-pressement officiel des fonctionnaires, et suscital'mulation des courtisans ou des provinciaux enqute de sacerdoces lucratifs. Elle n'eut pas, ellene pouvait avoir les curs.Plus efficace fut l'action de la philosophie

    grecque, surtout du stocisme, qui, transplant Rome, devint vraiment pour ses adeptes une disci-pline morale. Pendant les perscutions qui svirentsur l'aristocratie romaine, il a form quelques-unsdes plus beaux caractres qui aient honor l'huma-nit. Il prit, sous les Antonins, l'allure et la formed'une religion et prtendit par ses missionnaires etses prdicateurs la direction des consciences.Mais lui-mme tait vou la strilit. Mme dansle plus lev et le plus honnte des ouvrages qu'ilait inspirs, dans les Mmoires de Marc-Aurle,rgne l'incertitude dogmatique la plus dconcer-tante. Le pieux empereur, dans sa sublime sincrit,n'ose affirmer ni l'existence des dieux, ni l'immorta-lit de l'me. Le prcepte, auquel il revient sanscesse, s'adapter l'harmonie universelle, se sou-mettre l'ordre et aux lois ternelles de la nature,peut bien tre en dfinitive le dernier mot de la sa-gesse humaine; mais il est de peu d'usage dans lapratique de la vie, et suppose d'ailleurs, en dehors

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.7des ncessits inexorables et lmentaires attaches la condition mortelle, une connaissance de ceslois, decet ordre, de cette harmonie, qui chappaitaux contemporains de Marc-Aurle, et sera l'ter-nel postulat de la sciencehumaine. La prescriptionsuprme de cette philosophie, faire le bien quandmme, quelle que soit notre ignorance des fins del'homme et le but du cosmos, semble bien le crid'un optimisme dsespr. Rienne convenaitmoinsaux multitudes, qui ont besoin d'une foi, qui viventd'esprance et souvent d'illusions.Le peuple en effet entendait d'autres voix, allait

    d'autres matres. L'absence de toute certitudedogmatique le jetait en proie toutes les crdulits.Jamais le monde n'a vu pareil dbordement de su-perstition, pareille orgie de surnaturel ; jamaistant de devins, de charlatans, d'augures, d'astro-logues, de vendeurs de recettes pieuses et d'amu-lettes, n'ont capt des esprits plus avides et plusfaciles duper. La grossire supercherie d'A-lexandre d'Abonotique et de son dieu-serpent pou-vait se renouveler tous les jours sans risque dedcourager l'empressement des dvots. L'espace sepeuplait de dmons et de gnies dociles aux incan-tations. Les plus hauts esprits se laissent gagnerpar cette contagion et ceux qui se targuent le plusde leur incrdulit marquent par quelque endroitqu'ils en ont leur part. Mais cette folie mme estle signe d'un travail intrieur, d'une fermentationspirituelle, d'une attente. Des proccupations nou-velles assigent les esprits et s'en emparent ; des

  • 8 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.mots nouveaux circulent. On les entend dans lesrunions secrtes, dans les associations deshumbles;on les retrouve gravs sur la pierre des tombeaux.Conscient de sa faiblesse, incertain de sa destine,troubl par l'inquitude de la mort, l'homme, aumilieu des tnbres qui l'enveloppent, sent sa d-tresse ; il implore un sauveur qui le guide dans lavie, l'assiste l'heure suprme et soit son mdia-teur au del de la tombe. Il lui demande lechemin du salut et le secret de la vie bienheu-reuse (4). Il souffre de la tare du pch; non passeulement de cette dchance de la dignit person-nelle qui rsulte du sentiment de la faute commise;mais de cette souillure radicale et foncire qui vientde l'infirmit originelle de l'homme. Pour la laveret l'effacer, il a recours aux lustrations, aux expia-tions connues et il en invente de nouvelles. Pourl'atteindre sa racine et le plus prs possible deson origine, l'usage se rpand des initiations pr-coces et multiplies. Des enfants sont initis enbas ge aux mystres de Samothrace et de Liber,(1)Surle sensmystiqueet eschatologiquequeprennentcesmotsdersu>Tr^et de~crto-r)p(a,voirG.Anrich: DasantikeMyste-rienwesen,chap.m, 3,et G.Wobbermin:Religiongeschichtliche

    Studien,189G;Aristides: Sacrosermones,IV;Tx|m6rjTa~cpspovradcMTjpc'avlesdeuxversfameuxdesmystrescitsparFirmicusMaternus: Deerr.prof,relig.,22:

    Arapprocherlespassagesd'Apule: Mtam.,XI: Namet infe-rum claustraet Salutiilillelamin deimanuposita,ipsamquetra

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.9et mme ceux d'Eleusis (1). L'initiation a cettevertu d'abolir l'homme ancien et de le faire renatrede son vivant une vie nouvelle. Ce terme de re-natas, qui se rencontre dans saint Paul et dans l'-vangile de Jean et qui exprime la situation duchrtien libr du pch. se lit sur la pierre desinscriptions mystiques du paganisme, et dans lemme sens et avec la mme acception, dans leonzime livre des Mtamorphosesd'Apule (2).Ces ides datent de fort loin ; elles viennent

    directement de Pythagore, desOrphiques, des mys-tres ; surtout de ceux d'leusis. Ils avaient t lagrande cole de moralit du monde grec. Le siclequi finit avec Pricls et qui suffit illustrer pourjamais le nom d'Athnes, en avait t tout pntr.Plus tard la vogue des mystres s'tait ralentie etl'enseignement de la philosophie avait pris sa place,laissant au peuple les rites discrdits desexpiationset des lustrations familires. Il leur empruntaitcependant et leur phrasologie spciale et le pluspur de leurs doctrines. Pour Platon, la philosophieest une initiation et le moyen de salut par excel-lence; elle mne seule les mes l'poptie, c'est--dire la contemplation du premier principe et la vision de Dieu; pour ses successeurs, qui ren-chrissent sur son enthousiasme, la connaissanceest un mystre; une orgie cleste; le philosophe(1)VoirlestextesrunisparG.Anrich,op.cit.,p.55.(2)Apule: Mtam.,lib.XI,cap.16etcap.26 1erceatusqUIvitscilicetprsecedentisinnocentiafidequemeruerittampraecla-ruinde clopatrocinium,ut renatusquodammodosacrorum

    obsequiodesponderetur.

  • 10 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.un mystagogue et un hirophante ; le fruit de laconnaissance est la gnose, c'est--dire, la vrit. Etvoici qu' plusieurs sicles d'intervalle, la faveurdu dsarroi croissant desconsciences,lesmmesideset avec elles les mmes expressions apparaissent denouveau ; leur tradition conserve dans l'me po-pulaire s'impose la philosophie qui les avait re-foules; peu peu elles dominent tous les esprits.Les religions orientales profitent presque seules de

    ce mouvement. Non seulement elles ont conservle dptdes rvlations premires; plus rapprochesdes origines et de ces temps fabuleux o l'hommevivait dans la familiarit des dieux, elles savent lesprires, les formules, les mots qui agissent sur ladivinit et la forcent rpondre ; mais par leurspratiques, l'appareil de leurs crmonies, la mise enscne de leurs initiations, elles s'entendent autre-ment que les religions officielles, troubler lesmes, secouer les sens, faire jaillir des curs lasource longtemps ferme de l'motion religieuse.De toutes ces religions concurrentes, laquelle

    allait donner au monde le Dieu universel qu'ilattendait ? Le judasme, qui avait joui un instantd'une extraordinaire faveur et qui l'avait mritepar la simplicit grandiose de son dogme et la pu-ret de ses murs, se met de lui-mme hors decause, lorsque aprs la ruine de Jrusalem et la dis-persion, il renonce la propagande et se cantonne,tout ses rves de revanche messianique, dans lacitadelle de son Talmud. Le charlatanisme et l'im-pudence de ses gallesfmissentpar discrditer le culte

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.11de Cyble, qui ne dure qu' l'tat de basse super-stition populaire, ayant d'ailleurs prt d'autrescultes ses rites de purification et de rnovation (1).Restent donc les deux religions d'Isis et de Mithra,qui se maintiennent jusqu'au vc sicle. Mais lapremire, toute amollie de tendresse fminine etde maternelle douceur, convient mal pour luttercontre l'ennemi commun, le christianisme, dontl'extraordinaire progrs menace d'une ruine com-mune tous les dieux trangers. Elle cde le pas auculte de Mithra, religion de combat, autrement vi-rile et svre, et qui, ds la fin du mc sicle, a finipar absorber en elle et rsumer le paganisme dudernier ge. Ellebalance, en ell'et,un moment, la for-tune du christianisme : Le monde, a crit Renan,et t mithriaste, si le christianisme avait t ar-rt dans sa croissance par quelque maladie mor-telle. Cet antagonisme fait l'intrt principal d'une

    tude du mithriacisme. Cependant elle a peu tentles rudits. La curiosit est alle de prfrence d'autres formes religieuses, celles surtout qui ontexprim l'me d'un peuple, d'une race, d'une civi-lisation. Le mithriacisme n'a pas eu cette fortune.C'est une religion composite, constitue des l-ments les plus divers, qui s'est adapte aux milieuxles plus diffrents. Moins originale, elle doit cettefacult d'adaptation, le caractre d'universalit quia contribu son succs. Ajoutons que l'tude en

    (1)Demysteriis,chap.m,10.

  • 12 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.est des plus malaises, surtout avant que ne fus-sent dissipesles tnbres qui entouraient leslangueset les religions des pays o le culte de Mithra pritnaissance. Aucun des ouvrages spciaux de l'anti-quit qui traitaient du mithriacisme, ceux d'Eubule,de Pallas, de Kronios, n'est venu jusqu' nous. Nousn'en connaissons que les fragments pars dans lesdeux traits de Porphyre (1), les interprtationspersonnelles de ce philosophe et celles de Celse, lesattaques desPres de l'glise (2). Les monumentsmi-thriaques eux-mmes ont t fort maltraits. Onconnat par une lettre de saint Jrme la destruc-tion du mithrum du Capitole par le prfetGracchus,et celle du mithrseum d'Alexandrie par le patriarchede cette ville. Bien d'autres monuments eurent lemme sort. Leurs dbris pourtant sont prcieux ;ils permettent, avecles nombreuses inscriptions rele-ves en tous pays, d'interprter les symboles fami-liers aux adeptes de Mithra. C'est encore l notresource principale d'information. En notre sicle,Lajard a compromis par les hypothses les plushasardeuses le labeur de toute une vie consacre l'tude de Mithra. A part les planches de son pr-cieux Atlas, quelques pages peine de son uvremritent de rester. C'est aussi tout ce qui subsistede l'ouvrage jadis clbre de Dupuis, l'Origine detous les cultes, qui eut l'ide bizarre de faire(1)LeDeantroNympharumet leDeabslinenlia.(2)VoirsurtoutJustinMartyr: ApologieetDial.conLTl'!Jphnn;

    Origne: ContraCetsuoi; Tertullien: Apologie,Debaptismo,Decorona,etc.; saintAugustin,saintJrmeet FimiicusMaternus:Deerroreprofan.religion.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.13

    GASQUIT.Mithra. 2

    du christianisme une branche du mithriacisme ;quelque chose commeune hrsie mithriaque. R-cemment un professeur de l'Universit de Gand,M. F. Cumont, s'est propos de reprendre la ten-tative de Lajard. Il a runi un grand nombre detextes relatifs Mithra et publi la collection laplus complte des monuments de son culte. Lecommentaire qu'il a promis ne peut manquer dejeter une lumire dcisive sur la plupart des points,qui restent encore obscurs, de la doctrine secrtedesmithriastes (1).

    II

    LESORIGINES.

    Sinombreusesquesoient lesgreffesqu'ait subies leculte de Mithra, au cours de sesprgrinations, partoutes sesracines il tient l'Orient. C'est de lui qu'il areulasvequi anourri jusqu' sesderniers rameaux,la forme deses dogmes,sessymboles, lamoraledontil est pntr. Laphilosophieet la thologiegrecqueont bien pubrodersur cefond, maissans l'abolir.Etu-dier lemithriacisme, abstraction faitede sesorigineset comme un produit attard du syncrtisme occi-dental, c'est enmconnatre plaisir la tendance et laporte.Maiscesorigines elles-mmessont complexes.

    (t)Nousdevonssignaler,outreletravaildjanciendeWin-dischmann: Mithra,les tudesduP.Allartsurle mmesujet,etsurtoutl'excellentchapitredeRvillesurlemithriacisme,dansla ReligionsouslesSvres.

  • 14 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    Il suffit d'un regard jet sur les monuments mi-thriaques pour y dcouvrir la fois des influencesiraniennes et des influences chaldennes. Le taureauimmolparMithra, qui occupe le centre de la plupartde ces compositions, est bien le taureau deslgendeszoroastriennes ; mais dessignes irrcusables, il estaussi le taureau astronomique de Babylone. Lesani-maux figurs auprs de lui, le chien, le corbeau, sur-tout le serpent, sont les animaux de YAvesta;maisles douze signes du zodiaque,qui ornent le cintre deces monuments, les sept plantes qui en parsmentle champ, d'autres indices encore manifestent la reli-gion sidrale, qui fut celledeNinive etdelaChalde.Les anciens ne s'y sont pas mpris. Ils donnent indif-fremment Mithral'pi thte de Persan et de Chal-den (1). Ammien Marcellin, qui accompagna l'em-pereur Julien sur les rives de l'Euphrate, assure queZoroastre emprunta aux mystres de la Chaldeunepartie de sa doctrine (2). Il se trompait assurment,mais seulement sur l'attribution de l'emprunt au l-gislateur lgendaire des Perses. Car l'Avesta, partle calcul despriodes cosmiques,pendant lesquellesOrmuzdet Ahriman se partagent la domination dumonde, ne contient presque aucune donne astrono-mique. Parmi lesmodernes, HydeetFrret eurent les

    (1)CitonsleversbienconnudeClaudien:RituquejpjveucumClialdicostraveremagi;

    et l'inscriptionenversdeRufiusCeonius:PersidiciqueMithrteantistesbabylonietempli.

    (2)Amm.Marcell,lib.23.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.15

    premiers le pressentiment de cette double origine.Elle semble aujourd'hui hors de doute,depuis queles textes religieux de la Chalde, dchiffrs par depatients rudits, permettent des rapprochements etdcouvrent desanalogies, qu'on ne pouvait soupon-ner, avant qu'ils ne fussent publis.

    Si l'on connat aujourd'hui la langue et le textede l'Avesta, on est loin d'tre fix sur la plupart desproblmes que soulve le livre sacr. On n'estd'accord ni sur le temps,ni sur le lieu o le maz-disme parut. Les uns lui donnent pour berceau laMdie, d'autres la Bactriane; Eudoxe et Aristotefont natre Zoroastre six sicles avant Alexandre;Pline le croit antrieur de mille ans Mose;Burnouf place sanaissance vingt-deux sicles avantJsus-Christ; ceux-l le font contemporain d'Hys-taspe, le pre de Darius. J. Darmesteter lui refusetoute ralit et le transforme en un personnage my-thique. Enfin Renan ne croit pas que l'Avestaait ja-mais contenu le coded'un.peuple ou d'une race. Et defait, rien n'est plus malais que de situer dans unepriode historique prcise la doctrine du lgislateurpersan. Celle qui convient le mieux, l'poque desAchmnides, parat devoir tre restreinte au rgnedes premiers princes de la dynastie. Les opinionsmoyennes et probables, dont Spiegel s'est fait l'in-terprte le plusjudicieux, ont reu de graves checspar les conjectures pntrantes, audacieuses, mais

  • 16 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.souvent paradoxales, du regrett Darmesteter (1).Cependant dans ce conflit de doctrines au sujet

    des antiquits persanes, quelques points peuventtre considrs comme acquis.L'Avesta, dans sa forme actuelle, a t arrt et

    compil sous la dynastie des Sassanides, c'est--dire, seulement au ive sicle de notre re, avec lesdbris d'un ancienAvrsta, en partie perduou dtruitsous les successeurs d'Alexandre. Il n'en subsisteque des fragments, dont quelques-uns remontent une poque fort ancienne. Il est crit en languezend, qui est celle des inscriptions achmnides,alors que, du temps desSassanides, la langue usuelletait le pehlvi.Par la langue aussi bien que par les mythes et

    par le nom des divinits, l'Avesta se rattache cette poque pr-arienne, d'o sont issus les Vdasde l'Inde. Maistandis que l'imagination de l'Hindou,dans son inpuisable fcondit, multipliait sescrations et ses genses divines, le gnie plus sobrede l'Iran choisissait dans le trsor commun un mythecentral, le drame cleste de l'orage, la lutte de lalumire et des tnbres, du dieu rayonnant et duserpent de la nue, et le transposant dans le do-maine moral, en faisait la lutte du gnie du bienet du gnie du mal, reprsents l'un par Ormuzd,l'autre par Ahriman. Cette lutte dont la cration et

    (1)Voirparexemple,d'unepart Spiegel: Die--i-anischeAlter-1humer,3vol.,et de l'autre: J. Darmesteter: Ormuzdet Ahri-man; surtout: Prface la traductiondeCAvesta(Coll.dumuseGuimet).

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.17

    2.

    l'homme sont l'enjeu, implique, dans le mazdismeclassique, une parit absolue entre les deux anta-gonistes, gaux en puissance et en nergie cratrice.L'ide mtaphysique que le mal n'a pu sortir dubien a probablement prsid ce partage. Mais, considrer de prs les textes, YAvestalui-mmepermet de reconnatre dans Ormuzd un principed'antriorit et de supriorit. Ahriman n'a pas laprescience de l'avenir; il subit, mais ne commandepas la destine. Il a conscience de son impuissancefinale. Il est, mais ne sera pas toujours. Sa crationmme n'est pas originale; elle est toute d'oppositionet de contradiction. Et, si l'on va au fond de ladoctrine, il semble bien que le mal n'entre dans lemonde qu'avec la crature.Ormuzd(Ahura-Mazda)est leseigneur omniscient.

    Il est l'espace lumineux antrieur toutes choseset qui les contient toutes. Le ciel est son vtementbrod d'toiles, le soleil l'il par lequel il surveillela cration. Il ressemble de corps la lumire etd'me la vrit. Il a cr le monde par sonverbe, qui en nommant les tres, projette hors delui et insufflela vie. Il ressemble au Jhovah de laGense. On comprend que les Juifs de la captivitaient cru reconnatre en lui l'image de leur Dieu etfait de son serviteur Cyrus le serviteur de ce Dieuet l'excuteur de ses desseins, en mme temps quele librateur de son peuple.Ormuzd s'est donn comme assesseurs les sept

    arnshaspands,qui ne sont, au vrai, que les qualitsabstraites, manes de lui. Il semble que l'Iran,

  • 18 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITIIRA.obsd de la toute-puissance de son Dieu, ait timpuissant donner ces entits la plasticit depersonnes divines. Plus prcis et moins inconsistantssont les vingt-huit zeds, les gnies des lments,du feu, de l'air, des vents, des eaux courantes. Toutmazden leur doit un culte, ses prires et ses ado-rations. Viennent enfin dans la srie des crationsdivines, les ferours ou fravashis, plus difficiles d-terminer; ils sont la fois les types immortels etles ides des choses, et aussi les mnes des tresqui ont vcu. Ils descendent temporairement s'in-carner dans les corps mortels, pour remonter, leurtache accomplie, leur patrie cleste. Les livresparsis de la basse poque leur donnent pour sjourles astres et la voie lacte.Ormuzd a donn Zoroastre sa rvlation, pour

    qu'il enseigne aux hommes la doctrine de puret,les paroles et les formules efficacesqui doivent leurassurer la victoire sur le mal. Lorsque les tempsfixes seront accomplis et le cycle des douze milleannes rvolu, il suscitera de la semence de Zo-roastre un sauveur, qui rveillera lesmorts, sparerales bons, achvera par une expiation suprme lapurification des mchants et consommera la dfaiteet l'anantissement d'Ahriman.Mithra est l'un des vingt-huit izeds. Il appartient la plus vieille mythologie arienne. On a pu dire

    qu'il tait un des premiers dieux du paganisme etqu'il en fut le dernier. Dans les plus antiquesVedcis,il est dj un dieu-lumire, l'assesseur et lecompagnon de Varouna. Il fait le bien par son

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITI1RA.19

    regard et par le jour qu'il apporte ; il s'identifiepeu peu avec le soleil. Dans l'Iran sa fortune estplus clatante. Dans les parties liturgiques et ri-tuelles de YAvesla,son rle est encore effacet desecondplan, bien que son nom soit associ celuid'Ahura. Maisbientt sa personnalit se prcise etse dgage. Dans le Yescht (acte d'adoration) qui luiest consacr et qui appartient probablement unepoque plus rcente, il apparat avec les premierslinaments de la physionomie qu'il gardera dsor-mais jusqu' la fin.Il a t cr par Ahura, qui l'a fait aussi digne

    d'honneur que lui-mme. Il s'avance au-dessus dela montagne de Ilara, sa demeure, prcdant lacourse du soleil, caressant le premier de ses blan-cheurs les sommets levs et survivant ladisparition de l'astre. Il est la fois l'aurore et lecrpuscule. Guerrier imptueux, il combat infati-gablement les tnbres et les uvres de tnbres. Ila dix mille yeux et dix mille oreilles. Rien ne sefait sur la terre, qui lui chappe et les plus secrtespenses lui sont connues. Il dcouvre et dteste lemensonge: il est le dieu de vrit. Seigneur desvastes pturages du ciel, il distribue la richesse etla fcondit. Il est le gardien des contrats et le ga-rant de la parole donne; il prside aux relationsde socit, aux liens qui unissent leshommes, et as-sure la stabilit du foyer. Il est l'ami et le consola-teur. Le pauvre, pratiquant la doctrine de vrit,priv de ses droits, l'invoque son secours, lesmains leves au ciel, lui, dont la voix, quand il se

  • 20 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    plaint, s'lve et atteint les astres. La vache em-mene captive l'appelle grands cris, pensant sontable: que Mithra nous conduise l'table, commele mle, chef du troupeau, marchant derrirenous! Il est le mdiateur entre les hommes, et lemdiateur entre les cratures et le Crateur. Il pr-side au sacrifice, comme le prtre, et offre le pre-mier le Jima dans un mortier maill d'toiles.Quand il prie, sa voix clatante, qui parcourt laterre, se rpand dans les cieux superposs. Aprsla mort enfin, c'est lui qui aide les mes passer lepont fatal, et pse leurs actions bonnes et mauvaises,dans les plateaux quitables de sa justice. Il estdj le triple Mithra, dieu du ciel, de la terre et dela mort.

    Des influences trangres allaient altrer profon-dment cette religion si pure et si simple, et modi-fier surtout la physionomie de la divinit secon-daire qui nous occupe.Quand les vigoureux montagnards de la Perse,

    adorateurs d'Ahura et de Mithra, envahirent laMdieet les pays du Tigre et de l'Euphrate, ils trou-vrent ces contres en possession d'une des plusvieilles civilisations du monde, la fois trssavante et trs corrompue, et d'institutions politi-ques et religieuses fortement organises par uncorps de prtres puissants. Ils en eurent d'abord ladfiance et l'horreur : mais, comme toujours, levainqueur primitif et barbare se laissa gagner par

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.21-

    le vaincu plus raffin. Cette civilisation tait celledeNinive et de Babylone. Sur les boues fcondes etmalsaines desmarais de l'Euphrate, il est probablequ'a vcu la premire humanit; l'esprit s'effraiesonder les profondeurs infinies de ce pass, Sansentrer dans les controverses que soulve la questionde ces lointaines et obscures origines, il semblebienque deux races, chacune d'un gnie et de croyancesdiffrents, aient concouru cette civilisation. Unepremire population, ingnieuse et misrable, enproie aux surprises, aux sductions et aux pouvan-tenients d'une nature violente et gnreuse. Ellecroit une multitude de gnies malfaisants, auxformes bizarres et monstrueuses, qui s'acharnentsur l'homme, lui envoient la maladie, la peste, lesflaux et la mort; sa religion est toute en formules,en incantations dprcatoires, en amulettes et enphylactres; c'est la magie. De ce foyer s'est envolsur le monde ce sombre essaim de larves, de lmu-res, de vampires, d'tres fantastiques aux corpscomposites, qui ont effrayl'imagination de tous lespeuples; encore aujourd'hui, dans les vieux procsde sorcellerie, serencontrent desformules magiquesdont le sens s'est perdu et qui se retrouvent sur lesbriques d'Our en Chalde et de Ninive. Cespeuplescependant deviennent nombreux et puissants; ils sebtissent les premires cits, s'asservissentquelques-uns de leurs gnies dont ils se font des dieux protec-teurs, ordonnent leur religion, fondesur le culte deslments et des forces de la nature. Ils connaissentles arts et inventent l'criture aux caractres cuni-

  • 22 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.formes. A ces populations se mlrent ou se super-posrent, probablement par la conqute, des Smi-tes, venus du Midi, Sabistes adorateurs des astres.Par le travail sculaire des coles sacerdotales, lescroyances s'amalgamrent, sans se dtruire; lesmy-thologies des dynasties locales se simplifirent ets'unifirent ; les dieux anciens se rpandirent dansles rgions de la vote cleste. De cette laborationsortit une religion toute sidrale, comportant desspculations leves sur l'me et sur la destine, etqui s'accordaient avec un culte trs sensuel et unethocratie froce.L'astrologie, qui suppose la connaissance du ciel,

    tait la grande affaire de leurs prtres, la sciencematresse ; par l ils ont t, mme avant lesEgyptiens, les crateurs de l'astronomie et les vraismatres de la Grce. Eudoxe et Hipparque se sontinstruits leur cole. Des hautes tours tages,qui leur servaient d'observatoires, au-dessus de lapoussire et du bruit des cits, ils plongeaient deleurs regards aiguiss par l'habitude dans les pro-fondeurs sereines du ciel oriental. Ils montraient Callisthne, envoy par Aristote, des observationsastronomiques enregistres depuis 1903 annesconscutives. Dans les dbris de la bibliothqued'Assurbanipal, recueillis Ninive, en mme tempsque des traites de magie et de numration, ontrouve des calendriers et des livres d'astronomie,qui montrent cette science constitue ds le tempsde Sargon l'Ancien ; des catalogues d'toiles avecleurs levers et leurs couchers, la notation desphases

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.23de la lune, les singularits de la course vagabondedes plantes. Ils savaient calculer les clipses delune, peut-tre mme celles du soleil ; du moinspossdaient-ils les lments ncessaires ce calcul.Ils pressentirent la prcession des quinoxes. Ilsfixaientla naissance du monde au moment o le so-leiltait entr dansleTaureau,et lui assignaient pourfin le moment o le soleil rentrerait dans ce signe.Le soleil tait en effet l'objet principal de leurtude. Ils lui avaient trac sa voie dans le ciel,compt pour autant de victoires son entre dans lesdouze signes, ses htelleries clestes, nomm cessignes des vagues figures bauches par les clousor des toiles, et rattach ces signes autant delgendes hroques. Ils avaient divis le zodiaqueen 360degrs et rparti mthodiquement les cons-tellations dans ces divisions, prolonges sur toutel'tendue des cieux. Ils avaient affect ces signesleurs douze dieux principaux, dont sept taient enmme temps les dieux des sept plantes, et attribuaux trente-six dcans les trente-six divinits inf-rieures. Mais pour eux le ciel tait surtout le livredes destines, la manifestation sensible des volontsdivines. Desinfluencesconstates ou supposes, dusoleil, de la lune, des plantes, sur les phnomnesnaturels et sur l'homme, ils concluaient desinfluencespermanentes et occultes, que la sciencepouvait pntrer. En rattachant, dit Philon, leschoses terrestres aux choses d'en haut et le cielau monde infrieur, ils ont montr dans cettesympathie mutuelle des parties de l'univers spa-

  • 24 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.res quant aux lieux, mais non pas en elles-mmes,l'harmonie qui les unit, par une sorte d'accordmusical. Cette civilisation servie pendant des sicles par les

    armes victorieuses des rois de Babylone et deNinive, avait pntr toute l'Asie occidentale. LaMdie, la premire tape de la conqute persane,en tait comme imprgne. Ecbatane, que vit Hro-dote, avait, comme les villes de la Chalde, septenceintes aux couleurs des sept plantes. Les magesy dominaient, semblables ceux de Babylone. Lapure religion de la Perse, presque absolument d-pouille d'lments naturistes, ne tarda pas s'altrer par l'infiltration des ides propres auxsystmes religieux de la Chalde. L'Avesta, mmedans ses parties anciennes, porte la trace de cesinfluences; non seulement la fixation des priodesde la grande anne cosmique, mais le nombre desamshaspands, celui des izeds, qui rpondent auchiffre des plantes et celui des jours des moislunaires, en sont le tmoignage. Il y eut, il estvrai, des ractions violentes. La plus connue est larvolution politique et religieuse, opre par lefils d'Hystaspe, Darius, et atteste par la grandeinscription de Bhistoun, par le massacre desmagesusurpateurs et la restauration dans toute sa puretdu culte d'Ahura-Mazda. Mais jusque dans ce mo-nument du vainqueur se fait sentir l'empreinte desides et des formes, dont il se flatte d'avoir triomph.Les caractres cuniformes de rcriture, les nomsdes mois sont chaldens; chaldens et comme dta-

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.25

    GASQUET.- lIlithl'a. 3

    chs des monuments de Babylone sont les gniesqui reprsentent les dieux persans; toute l'icono-graphie persane drive de cette imitation. La bteahrimanique que combat le serviteur d'Ahura,appartient la mme origine; on la retrouve surces milliers de cnes et de cylindres exhums de lapoussire des cits msopotamiennes et qu'on arelevs jusquesur le champ de bataille deMarathon.Le sigle mme de la divinit, l'Ahura en busteceint de la tiare, aux quatre ailes ployes et qu'en-serre le cercle, symbole de l'ternit, vient endroite ligne de l'Euphrate, o peut-tre il fut im-port d Egypte. La revanche d'ailleurs ne se lit pasattendre ; elle vint probablement des influences deharem si puissantes dans les monarchies d'Orient.La femme de Xercs,Amestris, est toute dvoue auniagisme. Elle sacrifie aux divinits infernales etfait enterrer vivants neuf couples de garons et delilies appartenant aux plus grandes familles de laPerse, pour prparer le succs de l'expdition contrela Grce. Pareil sacrifice expiatoire se consommesur les bords du Strymon, au cours de la marchedes armes du grand Roi. Sous Artaxercs-Mnmons'achve la trahison des dieux nationaux. Deux desizcds avestens, Mithra, le gnie de la lumire,Anahita, le gnie des eaux courantes, dispensatricede la fcondit, se prtaient l'assimilation avecles dieux de la Chalde. Artaxercs le premierimposa l'adoration de ses sujets, et dressa Suze, Ecbatane, labylonc et jusqu' Damas et Sardes, les statues du nouveau couple, Mithra et

  • 26 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.Anahita, conu sur le modle des couples babylo-niens d'Istar, l'Aphrodite chaldenne, et de Mar-douk, le dieu solaire et dmiurge. A leurs temples,qui subsistaient encore au temps des Sleucides, ilaffecta d'immenses revenus et il attacha au servicede la desse des milliers d'hirodules des deuxsexes, vous aux prostitutions sacres.Le culte d'Ahura-Mazda n'est point pour cela d-

    laiss. Les inscriptions aclimnides nous le mon-trent, sous les successeurs d'Artaxercs, associ tan-tt Mithra, tantt Mithra et Anahita. Mais dslors il commence s'effacer et s'clipser devantl'clat de son coadjuteur(1 ). Sans jamais disparatre,il recule au del du ciel des plantes et des toileslixes, dansleciel inaccessible de la lumire incre (2).C'est lui encore, comme au dieu suprme, que dansles derniers monuments du IVesicle aprs Jsus-Christ, Mithra mdiateur conduit les mes,montsur le char solaire. Mais les philosophes seuls leperoivent et le supposent; la foule ne s'en proccupeplus et semble l'ignorer. En mme temps Mithra,distinct du soleil dans les livres sacrs, s'identifiede plus en plus avec lui. De gnie de la lumire, ilest devenu le foyer lumineux qui anime la nature.II se confond avec lui, comme chez les Grecs Apol-lon avec Hlios. Le soleil apparat comme l'imagevisible et secourable du dieu; l'abstraction s'est

    (1)StrabondiradeMithra: 'Ovneco-ofto-ovtau0wv[xvov.(2)Celaressortnettementdudiscoursde DionChrysostome,oce philosophetraitedelareligiondesPerses.(Oral.26.Ba-

    rysthenica.d.Dindorf,t. II,p. 30.)

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.21ralise en un objet sensible pour tous. C'est ainsique peu peu la fusion s'opre entre les religionsde la Perse et de la Chalde. C'est la fte d'un cultecompltement sidral que nous dcrit Quinte-Curce,certainement d'aprs des documents originaux,sous le rgne de Darius, l'adversaire d'Alexandre.La procession qui se droule au soleil levant, nousmontre, la cime de la tente royale, l'image glo-rieuse de l'astre incruste dans un bloc de cristal,le feu port sur des autels d'argent, un cortge de365 jeunes mages, vtus de pourpre, gaux ennombre aux jours de l'anne, un char consacr Jupiter (Ormuzd) tran par des chevaux blancs etsuivi d'un cheval d'une grandeur merveilleusequ'on appelait le cheval du Soleil (Mithra).Telles sont les altrations qu'a subies la doctrine

    de Zoroastre. Si donc plus tard, dans les mystresde l'Occident, Mithra nous apparat dgag de toutepromiscuit fminine, le plus austre dans sonculte et dans ses symboles de tous les dieux del'antiquit, nous sommes conduits conclure une sparation violente du dieu perse avec lescultes chaldens, une sorte de rforme puritaine,qui ramena Mithra une partie de la puret desconceptions avestennes. Cette rforme, nous n'en

    (t)Ortosoleprocedunt;et superregistabernaculo,undeabomnibusconspiciposset,imagoSoliscrystalloinclusafulgehat.Ignisargenteisaltaribuspneferebatur.Magiproximipatriumcarmencanebant.Magos365juvenessequebantur,puniceisomi-culisvelati,ad numerumdierumanni.CurrumJovisacratumalbentesvehebantequi: hoseximimagnitudineequus,quemsolisappellabant,sequebatur,etc.Quinte-Curce,lib.Ill,cap.7.

  • 28 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.connaissons ni le temps, ni le lieu. Elle s'opraprobablement sous la domination des successeursd'Alexandre, au sein d'une de ces sectes, qui, commeles zerwanistes unitaires, naquirent de la ruine dumagisme, avant la restauration du zoroastrisme,commence par les Arcacides et consomme parles Sassanides. Analiita, seule et sans son acolyte,reste la desse-nature, adore en Armnie, en Cap-padoce et dans le Pont, sous des noms divers.Mithra semble tre demeur le dieu des Parthes,de Tiridate et de Vologse; un Mithra tout persanpar les directions de sa morale et le caractre desa doctrine, chalden par la forme de ses dogmeset son symbolisme astronomique.

    Le commentateur de Stace, Lactantius Plautus,a marqu en ces termes les tapes suivies par leculte de Mithra: Les Perses ont connu les pre-miers ses mystres, les Phrygiens les ont reus desPerses et Rome des Phrygiens (1). Il ne nousreste aucun document du sjour de Mithra en Phry-gie. C'est la principale lacune de son histoire, et ily a peu d'apparence qu'aucune dcouverte viennejamais la combler. S'il ne semble pas que la doc-trine du dieu persan se soit altre au contact desdivinits phrygiennes, dont les cultes orgiastiqueset sensuels ont peu de rapport avec ceux de Mithra,(1)Qua;sacrapriruumPersaehabuerunt,a PersisPhryges,a

    PhrygibusRomani.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.29

    3.

    dj se manifeste en lui cette facilit singulire s'adapter aux divers milieux o il se transporte, et s'apparenter aux dieux trangers qu'il frquente.C'est ainsi qu'il emprunte Attis le costume souslequel il figurera dsormais sur les monuments, lesbraies flottantes, serres aux chevilles, la blouse etle bonnet phrygien, distinct de la tiare persane. Ilconclut alliance avec Sabazios, le dieu solaire leberger des astres brillants (i), qui dj, sous lepatronage du Bacchus de Thrace, a pntr jusquedans les mystres d'Eleusis. Son nom grav se litsur le taureau mitliriaque du Capitole. Dans la fa-meuse catacombe de Prtextt, un prtre de Saba-zios et un pontife de Mithra dorment dans la paixdu mme tombeau, fraternellement unis dans lamort. Pareil rapprochement, attest par les monu-ments du iv sicle, s'opre avec le dieu Men ouLunus, qui ressemble de si prs au Chalden Sin,le dieu mle de la lune, reprsent, comme sou-vent Mithra, le pied pos sur la tte du taureau (2).D'ailleurs les deux mythologies, phrygienne etchaldenne, trahissent desressemblances sensibles,qui proviennent moins d'une influence rciproque,que de l'action exerce sur toute l'Asie occidentale,pendant des sicles, par la domination assyrienne;pour marquer cette filiation, les Grecs faisaientd'Attis le fils de Nanna, qui est une desse de Ba-bylone. Il est possible aussi que, ds lors, le culte

    (1)Philosophoumcna,lib.V (1G9-171). n(2)L'pithtedeMenotyrannusdonne Mithraestfrquentedanslesinscriptions.

  • 30 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.de Mithra ait emprunt celui de Cyblel'usage dutaurobole et du criobole, bien que l'immolation dutaureau et du blier, qui tous deux symbolisent, deux priodes diffrentes, l'anne zodiacale, fut unecoutume gnrale dans les pays de l'Euphrate. En-fin le pin, emblme d'immortalit, qui garde enhiver sa verdure, et qu'on promenait pendant leslamentations d'Attis, devient un des accessoires figu-rs du sacrificemithriaque.De Phrygie, le culte de Mithra gagna les ctes de

    la Mditerrane. Il tait le dieu principal des pi-rates que Pompe poursuivit dans leurs retraitesde Cilicie. Les lgions le rapportrent de Tarse, lavieille colonie assyrienne fonde par Sennachrib,et par elles il fit son entre dans Rome (1).Il y vgta d'abord obscurment. Le premier

    monument qui le signale est une inscription de JNaples, du temps de Tibre. Nron lui fait accueil etdemande, dit-on, ses mystres l'expiation de sonparricide. Il se lie d'amiti avec les souverainsparthes, et reoit leurs ambassadeurs qui clbrent Rome ouvertement leur culte. On sait que lalgende longtemps populaire voulait que le csar,chapp ses meurtriers, et trouv un refuge dansle royaume de l'Euphrate, d'o il devait revenir avec(1)Tarserestajusqu'l'poquedesSleucidesetmmejusqu'

    l'poqueromainefidleau cultede l'Herculeassyrien.Adar-Samdan,dontonbrlait,touslescinqans,dansuneftesolen-nelle,l'imagesurunbcher.Lesmdaillesreproduisentconstam-mentcetype(VoirF.Lenormant: Commentairesur lesfragm.deBrose,p. j45).Sousl'empire,lesmdaillesdeTarsesontdetypepersiqueavecle lionet le taureau(Voirpl. 64de l'AtlasdeLajard).

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.31ses allis pour se venger de ses ennemis. Le culte -de Mithra est florissant sous Trajan. Adrien l'in-terdit un moment, cause des scnes cruellesqui passaient pour ensanglanter ses crmonies.Commode se fait initier et se souille au cours despreuves d'un homicide qui fait scandale (1). Avecles empereurs syriens se rpand la vogue des cultessolaires. Elagabal, le prtre syrien couronn, pr-tend subordonner au dieu d'Emse toutes les divi-nits de l'empire, prludant un syncrtisme pr-matur, qui, dans sa pense, devait embrasser lejudasme et le christianisme (2). Mais c'est surtoutd Aurlienquedatent l'extension et l'immense popu-larit deMithra. N en Pannonie, d'une prtressedu Soleil, lev par sa mre dans le temple, il estenvoycommeambassadeur enPerse. Au cours d'unfestin, il lit dans le relief d'une coupe consacre Mithra la promesse de sa grandeur future. Plustard, empereur, vainqueur de Znobie, il transporte Rome le dieu solaire de la cit palmyrenne;reprenant la tentative d'lagabal, cette fois avecsuccs, il unit dans une mme adoration et dans unmmetemple tous les cultes du soleil, grecs, latins,syriens et persans. Au nouveau Dieu, il consacrel'empire, et pour la premire fois, sur lesmdailleset sur les monuments, se lit avec l'emblme del'invictus, cette formule: Sol, dominas itnperiiRomani (3).Ce Dieu n'a pas de nom patronymique,(1)Lampride:VitaCommodi,cap.9.(U)Lampride: VitaIIelioa..cao.3.(3)FI.Vopiscus: Aurelianivita,cap.4,14,25.

  • 32 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    rien qui rappelle une origine particulire, la dvo-tion spciale d'un peuple. C'est Sol, le dieu invin-cible, dont les tnbres de la nuit et de l'orage nepeuvent triompher, que les sicles ne diminuentpas; le dieu certain (certus sol) dont la ralitvivante et agissante blouit l'univers. Mais cetanonyme la faveur populaire attache un nom, celuidu dieu persan, dont les mystres se rpandent enraison mme du succs des cultes solaires. Sol etMithra, comme l'attestent les inscriptions, ne sontplus dsormais qu'une mme divinit. C'est celle deDiocltien, deConstance-Chlore, des derniers empe-reurs ; c'est celle aussi de Constantin, dont les mon-naies portent l'emblme de Yinvictuset qui long-temps hsita entre Mithra et le Christ. C'est surtoutle dieu de Julien, vou ds sa jeunesse Mithra,dont il fait le conseiller et le gardien de sonme (1). Le monothisme latent, que porte en luile paganisme, trouve sa formule dans le trait quel'imprial crivain intitule : le Roi Soleil (2).

    IIILADOCTRINE.

    L'initiation mithriaque tait donne dans desgrottes naturelles ou artificielles. Zoroastrele pre-

    (1)Julien: Conivium,336: ristTjJLaxal PlLO'1o-aXf,poivre.

    (2)Je renvoiepourladitusiondu cultedeMithrasous1em-pire,au livredeJ.Rville: laReligionsouslesSvres.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.33

    mier, crit Porphyre, consacra en l'honneur deMithra, crateur et pre de toutes choses, un antrenaturel dans les montagnes voisines de la Perse,arros par des sources, couvert de fleurs et de feuil-lages. Cet antre reprsentait la forme du monde,cr par Mithra (1). A l'intrieur taient disposs et l les symboles des lments cosmiques et desclimats. Aprs Zoroastre, l'usage persista d'initier etde clbrer les mystres dans des antres ou descavernes. Il ajoute que dans cet antre, dont ladescription est emprunte Homre, habitent desNaades ou des Nymphes qui reprsentent lesmes fiances des corps mortels. C'est l une des-cription assez exacte de la grotte mithriaque, telleque des fouilles rcentes nous l'ont rvle. Maisiln'est question dans l'Avesta, ni de grottes, ni denymphes, ni de l'appareil astronomique, dont nousparle Porphyre. Bien au contraire, nous savonsparHrodote et Strabon que les Mazdensproscrivaientles temples et sacrifiaient leurs dieux sur le som-met des montagnes. Mais nous saisissons en cetusage la survivance d'une des plus vieilles tradi-tions des religions orientales. La grotte, image dumonde cr, avec le foyer qui l'clair, symbole dusoleil, se retrouve dans le culte de la Cyble Phry-gienne et dans les vieux cultes de la Grce, enCrte et en Arcadie. Ces antiques souvenirs trou-vent un cho dans Platon, qui dans un mytheclbre, reprsente le monde terrestre comme une

    (1)Porphyre: DeantroNymph.,cap.G-8: I\j[io>,ov't'ic;{hic;

  • 34 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.caverne (1). Les Chaldens affectaient de donner leurs tours prismatiques la forme de montagnes,creuses de chambres la base, et pour eux le mmeterme traduisait le temple et la terre. Pareille concep-tion s'imposait aux gyptiens dans la constructionde leurs pyramides, o le mort vivait sa secondeexistence. Enfin les Etrusques et les Latins eux-mmes avaient la prtention dans le plan et dansl'orientation de leurs temples, de reproduire l'ordre etla disposition de l'univers. En sorte que la grottemithriaque est simplement le temple sous sa formela plus primitive (2).Lesmystres deMithra, comme en gnral tous les

    mystres de l'antiquit, avaient pour objet d'expli-quer aux initis le sens de la vie prsente, de calmer

    (1)Porphyre,op. citt., cap.5 et 6. Platon: Del'epublica,lib.VII,cap.8.(2)Je laissevolontairementde ctlespointssecondairesduculteetde lalgendedeMithra; leMithra~us-poyvri,invictusde

    pelra natus,ainsinomm,soitqu'ils'agissedu premierrayons'lanantaumatindusommetdesmontagnes,soitdel'tincellequijaillitduchocdurocher(SitoTO-JTrjpb;xsvrpov),ditLydusDeMens.,III, p. 43.Leptrogensest souventreprsentdanslesmonumentsparunefigureradieenbustesortantdurocher.QuantauMithravoleuroudtourneurdebufs,ilenestsouventquestiondanslesdocuments(Porphyre: DeanlroNymph.; Com-modien:Instruct.,I, 13etsq.:Insuperet furemadhucdepingistiesse. Vertebatquebovesalienossemperin antris,sicutetCacusVulcanifilius; FirmicusMaternus: Deerror.prof,rel.,cap.5: Virumabactoremboum).Il s'agitl d'unedesplusan-cienneslgendesindo-europennes;le dieusolairedtourneetchasselesnuages,c'est--dire,danslelangagemythologique,lestroupeauxpaissantdans les pturagesdu ciel. Mithra,dansYAvesta,est ledieudesvastespturages.Il ramne l'tablelesvachesgares.M.Braldanssonlivreclbre: Herculeel Cacus,amontrl'originedecettelgendeet commentelles'estrpan-dueet transformedansles diversesmythologies.VoiraussiJ.Darmesteter: tudesiraniennes,t. II, p. 193.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.35les apprhensions de la mort, de rassurer l'mesur sa destine d'outre-tombe, et par la purificationdu pch, de l'affranchir de la fatalit de la gnra-tion et du cycle des existences expiatoires. Cettelibration s'opre par l'entremise d'un dieu psycho-pompe et sauveur, qui lui-mme a pass parl'preuve, subi une passion et travers l'clipsd'une mort passagre pour revivre jeune et triom-phant (1).C'taitle dogmefondamental des mystresd'Eleusis et le sens de l'anode et de la cathode deCora, arrache aux bras de son ravisseur Hads etrendue la lumire, en mme temps qu'elle rame-nait pour la nature les floraisons du printemps; lesensde la passion et de la rsurrection de Dionysos,dchir pas les Titans et ranim par Zeus en uneapothose dfinitive. Il est pour les mystes le prin-cipede la force immortelle et libratrice qui circuledans la nature et de la vie qui nat de la mort;comme du sarment de vigne dessch par l'hiver,mond par le ciseau, sort le bourgeon verdoyantqui porte les promesses de l'automne. Tel taitaussi l'enseignement desmystresd'Attiset d'Adonis,des mystres gyptiens d'Osiris, le dieu des morts,qui renat tous les matins en la gloire d'Horus. Etc'taient les mmes consolations et les mmes esp-

    (1)C'estlesenstrsclairdesdeuxversdjcits,prononcsparle prtreauxmystresd'Adonis:

    EtFirniicusMaternus cettecitationajoute: Ilabetergodia*boluschristossuos,cap.2i.

  • 36 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.rances que suggraient aux initis Yanabasr et lacalabase mithriaque.Tous ces mystres supposent un ensemble de

    doctrines sur l'origine spirituelle et immortelle del'me, sa dchance et son rachat. Il serait int-ressant d'en rechercher la gense et de remonter leur source premire (1). Les Grecs eux-mmes,presque sans exception, en reconnaissaient la prove-nance orientale. Ils en attribuaient l'importation Pythagore, qui passait pour les tenir directementou par l'intermdiaire de Phrcyde de Scyros, dessanctuaires d'Egypte et de Chalde. De fait, ellessont absolument trangres la religion d'Homre,et n'ont rien dmler avec ses dieux enivrs deleur force et enchants de leur beaut, qui ont siintimement pntr l'art et la posie hellniques.Sans doute la croyance un principe immorteldans l'homme, la survivance de l'me, est en germedans le culte des morts et des hros, commun presque toute l'humanit ; mais combien vague,imprcise et flottante, avant que les mystres nel'aient formule en dogme religieux et que Pytha-gore et Platon n'aient tent d'en donner la dmons-tration philosophique (2). Dans Homre et jusquedans Pindare, il ne s'agit gure que d'une immor-talit d'exception et d'adoption, objet d'un privilgedes dieux, d'une immortalit aristocratique. Quant

    (1)Voirentrebeaucoupd'autresouvrages:J. Girard: Lesenti-mentreligieuxenGrce; Th.Weil: Del'Immortalitdel'mechezlesGrecs(Journ.desSavants,sept.1895);Rhode: Psi/che.(2)Pausanias,lib.IV,32; MaximedeTyr: Disserl.,lG.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.37

    GASQUET.Mithra. 4

    a la vie d'outre-tombe elle leur apparat misrableet dsole. Qu'on se rappelle l'enfer de l'Odysseetces ombresextnues, sansconsistanceet sans cons-cience,qui ne recouvrent un moment le sentimentl't le souvenir, qu'aprs s'tre abreuves du sangchaud et fumeux des victimes, et qui soupirent la-mentablement vers la vie qui les a quittes. Tousles peuples de l'Orient, un certain moment deleur volution, ont pass par des croyances presqueidentiques. On connat le scheol hbreu qui nerend pas ses morts . L'Aralou chalden est un lieu o les morts n'ont que la poussire pour leurfaim, la boue pour aliment, o ils ne voient pas lalumire, oles ombres, commedesoiseaux de nuit,remplissent la vote . Les plaintes du doublegyp-lien, dans la terre de l'Occideitt, sont aussi expres-sives de l'amer regret de la vie. L'Occident estune terre de sommeil et de tnbres lourdes, uneplaceo les habitants, une fois tablis, dorment enleur forme de momies, sans plus s'veiller pourvoir leurs frres, sans jamais plus apercevoir leurpre et leur mre, le cur oublieux de leurs femmeset de leurs enfants. L'eau vive que la terre donne quiconque vit sur elle, n'est plus ici pour moiqu'une eau croupie et morte. Qu'on me donne boire de l'eau qui court ; qu'on me mette la facean vent du nord, sur le bord de l'eau, afin quela brise me caresse et que mon cur en soitrafrachi de son chagrin (1). Mais l'Egypte

    (1)Trad.Maspero.

  • 38 ESSAISURLECULTEET.LESMYSTRESDeMITHRA.et la Chalde ne s'en sont pas tenues cesconceptions, et de donnes aussi rudimentaireset grossires, elles ont fait sortir quelques-unsdes mythes grandioses, qui ont. consol et r- :confort d'humanit. On doit l'Egypte, pour quila mort fut la grande affaire de la vie, le mythe del'Osiris infernal, que les Grecs semblent bien luiavoir directement emprunt. La Chalde peutrevendiquer deux des lgendes les plus dcisivespour le progrs moral de l'Orient : celle d'Istar etde Rhammouz, le jeune dieu que rend la vie l'eaude la source qui jaillit au fond des enfers ; l'autre,celle du hros solaire babylonien, Izdubar, Gilga-ms ou Nimroud, qui, ses douze travaux accomplis,se purifie de ses dernires souillures terrestres parla flamme du bcher et dont l'me, sous la formed'un aigle, s'envole vers les cieux (1). Quant audogme persan, plus sobre et plus nu, il se formuleainsi, dans le Boundehesch : L'me est une lu-mire, qui, la naissance, descend du ciel, et qui, la mort, y retourne. Les ferouers sont les typesimmortels des tres, provisoirement prts l'exis-tence terrestre, et qui reviennent, leur tche accom-plie ici-bas, la source de toute lumire et dtoute vie.Ces ides sur l'origine et la destine de l'me,

    (1)V.Halvy: Lacroyance Vimmortalitde l'mechezlesChaldem(Mlangesdecritiqueetd'histoire).CemotifestsouventreproduitsurlesmdaillesdeTarse.C'estl l'originedesritesdel'apothose,usitsd'abordenOrient(apothosedeSardanapale,d'Alexandrele Grand),puistransports Rome(crmoniedel'apothosedesempereurs).

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.39

    impliquent une conception pessimiste de la vie,considre commeune diminution et une dchancede l'tre, une preuve et une expiation. Les Grecseux-mmes n'ont pas chapp cette ncessit.Eux qu'on reprsente trop volontiers tout la joiede vivre dans la srnit de leurs horizons lumi-neux et limits, ils ont connu les retours mlan-coliques sur la misre de l'existence et l'pre iro-uie de la destine. Du jour o leur pense s'estreplie sur elle-mme, ils ont saisi l'antinomie ra-dicale de la nature et de la morale. Schopenhauern'a pas d'aphorismes plus dsabuss que les sen-tences qui chappent aux plus sages d'entre eux.Touthomme est calamit, dira Solon.Pour Hera-clite, pendant la vie nos mes sont mortes etensevelies en nous; lorsque nous mourons, ellesre-tournent l'existence et vivent. Euripide s'criera,presque comme Hamlet : Qui sait si vivre n'estpas mourir, et si mourir n'est pas vivre pour ceuxqui sont dans les enfers? C'tait la base mme del'enseignement desmystres; et c'est aux orphiquesque Platon empruntera sa clbre dfinition: Lecorps est le tombeau de l'me, et elle y reste commeensevelie pendant la vie prsente (1) . L'me,enseigne Empdocle, est une exile qui aspire sapatrie cleste; la vie est un chtiment pour desdlits anciens. L'expiation est ncessaire ici-baspour librer l'me de la servitude de la gnration.

    (1)Platon: Cratyle,38.LireaussidansZeller: Histoirede laPi osophiegrecque,trad.Boutroux,l'exposdeladoctrined'Em-pedocle.

  • 40 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITIIRA.Chose curieuse, c'est un chrtien, c'est Clmentd'Alexandrie qui proteste le plus vivement contreces vues pessimistes et fait grief aux philosophesgrecs d'avoir proclam que la nature est mau-vaise et que tout mal vient de la chair, tant lechristianisme fut lent s'approprier la doctrinesvre de saint Paul et s'en pntrer tout entier.

    Voyons maintenant l'application que les mi-thriastes ont faite de ces ides et de quelles formesils les ont revtues.Le dogme mithriaque de l'anabase et de la cata-

    base s'explique en combinant les renseignementsque nous tenons de Celse, de Porphyre et Ma-crobe(1).Les symboles astronomiques de la grotte repr-

    sentaient la vote du ciel, et la double rvolutioncleste, celle des toiles fixes et celle des plantes ;les premires, sjour de lumire et de splendeur,habitacle des dieux et des bienheureux ; les secondes,rserves l'volution des mes. Aux deux extr-mits du ciel, sont placs les deux tropiques, celuidu Cancer et celui du Capricorne. Ce sont lesdeux portes, l'une des Dieux, l'autre des hommes M,ainsi nomms, parce que de l'une descendent lesmes prises des corps mortels, et que par l'autreelles remontent au lieu de leur origine. Le Cancer(1)Origne,inCelsum,vi,22;Porphyre: Deantro,chap.10-22;

    Macrobe,inSomniumScipionis,xi.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.41

    4.

    est affect la Lune, source de gnration et con-servatoire de vie pour tous les thologiens de l'an-tiquit ; le Capricorne Saturne, la plus loigneet la dernire des plantes. Du Cancer au Capri-corne, les signes ou constellations s'chelonnentdans l'ordre suivant : le Lion, sjour ou mansiondu Soleil, la Vierge de Mercure, la Balancede V-nus, le Scorpion de Mars, le Sagittaire de Jupiter,le Capricornede Saturne. DuCapricorneau Cancer,dans l'ordre inverse, leVerseau devient la mansionde Saturne, les Poissons de Jupiter, le Blier deMars, le Taureau deVnus, les Gmeaux de Mer-cure, le Cancer, comme nous l'avons dit, de laLune. Quant Mithra, il sige entre les deux qui-noxes. Il porte le glaivedu Blier, signe de Mars,et il est port par le Taureau, signe de Vnus. Onremarquera queceplanisphre, qui date de l'poqueromaine, suppose l'exaltation du Soleil dans lesigne du Blier. Les Chaldens disposaient le leurd'aprs l'exaltation du Soleil dans le Taureau, date,pour eux, commepour les Persans, du commence-ment de la cration. Or le Soleil met 2163 annes rtrograder d'un signe zodiacal l'autre ; il taitentr dans le Blier2262ans avant l're chrtienne.Donc, l'poque de Porphyre et de Macrobe, leurplanisphre n'tait plus exact, puisque le Soleiltait entr dans le signe des Poissons; d'o l'onpeut conclure que les mithriastes se servaient d'unplanisphre djconsacrparune tradition trs loin-taine. Ils continuaient en faire usage, malgrsa dsutude, cause de l'importance qu'avaient

  • 42 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    prise dans leur thologie le Blier et le Taureau.L'me, essence divine, pure de toute contagion

    matrielle, descend ou tombe d'elle-mme ici-bas,par l'apptence des corps, par un dsir latent devolupt et par le poids seul de sa pense terrestre,enivre d'un miel, qui lui verse l'oubli de lalumire ternelle. Mais ce n'est pas d'un coup etbrusquement, que de son incorporabilit parfaite,elle arrive revtir un corps de boue prissable. Lachute est gradue. Celse la figurait par une chelleou escalier, qu'il compare lui-mme celui deJacob, avec sept points d'arrt, o s'ouvrent autantde portes ; au sommet s'en ouvre une huitime, quiest celle du ciel. Ces portes sont celles des plantes ; mesure que l'me descend de l'une l'autre, elleperd de sa puret premire et ressent des altrationssuccessives de sa perfection. Elle se gonfle et sesature de la substance sidrale, chaque sphre larevt d'un ther moins pur, d'une enveloppe deplus en plus sensible ; elle prouve autant de mortsqu'elle traverse de mondes, jusqu' ce qu'enfin dechute en chute, elle parvienne celui qu'on appelle le monde de la vie . En mme temps, chaqueplante la dote des facults ncessaires son nouveltre : Saturne lui donne le raisonnement et lecalcul, Jupiter l'nergie active, Mars l'ardeur pas-sionne, le Soleil l'imagination et le sentiment,Vnus le dsir, Mercure l'hermneutique, c'est--dire la facult de s'exprimer, la Terre enfin celle decrotre et de grandir, car la dernire des qualitsdivines est la premire des ntres .

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.43Dans l'anabase, l'me suit une route inverse; et

    de plante en plante, elle s'allge de la substanceprte par chacune d'elles; elle se dpouille suc-cessivement de tous les lments d'emprunt de sacorporalit, jusqu' devenir l'me pure qu'elle taitdans sa conditionpremire, spirituelle et semblableaux dieux.Ces symboles astronomiques, cette septuple

    vture et le dpouillement successif qui lui corres-pond, nous ramnent directement aux rites et auxusagesde la Chalde.L, sous l'influence de la religion qui domine

    toutes lesmanifestationsde lavie, les nombres trois,douze,mais surtout le nombre sept, rgnent ensou-verains. Sept est le chiffre sacr. Le temple, qui estl'image ralise par l'homme de l'ordre cosmique,est la haute tour sept tages, en recul l'un surl'autre, relis par de larges rampes d'escaliers ext-rieurs, o se droule l'aise la pompe des proces-sions. Au sommet se dresse le sanctuaire du dieu,Anou, Nbo ou Mardouck, splendide dicule querevtent des bois prcieux et des lamelles d'ivoireou d'or. Chacun de ces tages est consacr uneplante et peint de la couleur qui lui est propre; il-- est sademeure et elle y possdeune chapelleparticu-lire. C'est exactement l'chelle mithriaque (xXi^a;)dcrite par Celse. Et comme la terre et les uvresde l'homme doivent reproduire les dispositions del'ordre cleste, les villes sont bties avec sept en-ceintes de couleurs diffrentes, avec, au centre, lepalais du roi, image vivante de la divinit. Telle,

  • 44 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    l'Ecbatane que dpeint Hrodote. Les crmoniesreligieuses obissent au mme rythme. On connatle pome d'Istar, veuve du fils de la Vie , des-cendant pour le sauver dans le pays immuable dela mort . Ce pays, l'Aralou, est divis en septcercles, sur le modle des sphres clestes. Ellefranchit les sept enceintes; chacune, le serviteurd'Allat, la desse des ombres, la dpouille d'un deses vtements, depuis la tiare jusqu'au voile de sapudeur, pour qu'elle paraisse nue, devant la sombredivinit. Au retour, dans le mme ordre, ses vte-ments lui sont rendus. Dans une autre tablette de lacollection ninivite, le chant sacr dcrit la fte dela purification d'une desse chtonienne (1). Ellemonte les longues rampes des escaliers de la ziggu-rt. A chacune des sept portes, un prtre la faitentrer, qui la dpouille d'une partie de son costume,jusqu' ce qu'elle pntre nue dans le sanctuairesuprieur, qui est l'empyre. L d'autres dessess'empressent autour d'elle, la purifient par des lus-trations et des exorcismes; puis, leur office termin,elles la laissent redescendre et complter d'tage entage l'ajustement qu'elle a quitt. C'est du souvenirde ces crmonies symboliques que s'est videm-ment inspir le dogme mithriaque. Renversezl'ordrede la crmonie que nous venons de rappeler, ap-pliquez l'me la double volution accomplie parla desse, vous avezl'exacte description de lacatabascet de Yanabase des mystres. Tout l'appareil ext-

    (1)Tabletteno162.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITIIRA.45

    rieur, oledogmeestin dus,s'estfidlementconserv.Nousne signalerons qu'en passant la fortune de

    ces symboles et la trace qu'ils ont laisse dans lesspculations des philosophes grecs et latins. Bienavant Cicron et avant Porphyre, dont la doctrinepropre est toute pntre d'ides mithriaques,Platon lui-mme en a subi l'influence, travers latradition de Pythagore, et par les Pythagoriciensqui sont les interlocuteurs du Timeet de la Rpu-blique. Son imagination, plus orientale qu'hell-nique, se plat emprunter aux cosmogonies an-tiques, les mythes dont il enveloppeses doctrinessur l'origine et la fin des mes. A cet gard, lemythe d'Er l'Armnien nous parat significatif. Onse souvient du fuseau de la destine, qui est l'axedu monde, et de ce peson, form de huit sphresembotes, aux couleurs diffrentes, qui sont lesplantes; sur le rebord de chacune chante unesirne, et l'union de ces notes diffrentes donnel'accord parfait, symbole de l'harmonie universelle.Proclus, dans son Commentaire,a relev les innom-brables discussions souleves avant lui par cetexte. L'analogie avec les doctrines chaldennes etpersanesavait, avant nous, frapp les anciens. Pourl'picurien Colots, Er l'Armnien n'est autre queZoroastrelui-mme; pourKroniosil en est le discipleet l'lve (i). Plus saisissant encore est le rle attri-bu par Platon aux astres dans la formation desmes des hommes. manations directes de l'me

    (1)Proclus: Comment,auXelivredelaRpublique,p.GO.d.Schll.

  • 46 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    sidrale, elles reoivent des corps clestes, iden-tifis des dieux (divinis animata mentibus, tra-duira Cicron), les lments sensibles qui les appe-santiront vers la terre, de sorte qu'elles participentpar leur intermdiaire l'me universelle et laraison divine. Quant au Soleil, le plus clatant de cesluminaires clestes, la source de toute vie etde toutechaleur, il est pour Platon, le filsdu Dieu suprme,celui que lePre a engendr semblables lui-mme~(vTyaovyvvr^svvaXoyovauTw),dieu sensible, quicre les choses visibles et leur communique l'treet la vie. Paroles inquitantes, dangereuse collu-sion d'images et d'ides! Toute la Gnose se prendraplus tard leur mirage.

    J'en viens la manifestation la plus connue,mais pourtant la plus mystrieuse du culte deMithra, celle que les monuments ont rendue la plusfamilire nos yeux, le sacrifice du Taureau.Dans toutes les religions antiques, ariennes ou

    smitiques, le Taureau reprsente le dieu solaire quidchane l'orage. C'est lui qui, de ses traits d'or, f-conde les vaches, c'est--dire les nues, qui fait des-cendre sur les terres dessches les pluies bienfai-santes, et qui, au fort de la tempte, remplit l'air deses mugissements. Il est le dieu de la gnration etde la fcondit ; en mme temps qu'il est le signede l'quinoxe de printemps, qui marque le rveil dela vie dans la nature. L'Indra vdique est le Taureau

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMlTHRA.47divin, commeaussi Mardoukou Anou de Babyloneet l'Horus d'gypte. Osiris a pour incarnation sen-sible le buf Apis. Chezles Grecs, Zeus se trans-forme en taureau pour enlever Europe ou sduirePasipha. Le Bacchus des mystres est figur sousla formed'un taureau ou le front arm de cornes,d'o son surnom de fiouyvq(1). Les femmesd'le,pendantles ftesdu printemps, chantaient unhymneclbre: Accours,divinBacchus,escortdesGrces,port sur tes pieds de buf: accours, divin taureau,taureau bienfaisant! Mithra, comme toutes cesdivinits,estaussile taureau, lemledu troupeaudont parle l'hymne persan, l'auteur des choses etle matre de la gnration , comme s'exprimePorphyre (2).Danslesmystres dela fin de l'empire, le sacrificedu taureau emprunte ses significations multiples, la fois aux deux traditions persane et chaldenne.Il est d'abord le taureau astronomique et repr-sente l'exaltation du Soleil dans cette constellation, l'quinoxe du printemps. Voil pourquoi un des

    plus anciens des types mithriaques montre Mithradebout sur le taureau, comme dans le monumentde la villa Altieri, et comme sont souvent figursles dieux solaires sur les cnes et cylindres baby-loniens (3); car alors, comme dit Macrobe, letaureau porte le soleil . Il est le Dieu jeune et

    (1)Plutarque: DeIsideetOsir.,35,et Qust.Grc.,cap.36.l') I orphyre:DeantroNymp.,ch.xxiv.(3)VoirAtlasLajard: pl. 30,nos1, 7; pl. 54,nos7, 10;Pl.54B.,n1.

  • 48 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    triomphant qui ouvre l'anne de ses cornesd'or (1) et qui va renouveler la terre en lui ren-dant sa parure fltrie par l'hiver. Asa droite et sagauche se tiennent deux jeunes hommes, les dado-phores; l'un porte son flambeau lev, l'autre satorche abaisse vers le sol; ils reprsentent la foisle Jour et la Nuit, le gnie du Matin et le gnie duSoir, le Printemps et l'Hiver, la Vie et la Mort.Entre les pattes du taureau se glisse un scorpion,qui pince et ronge les parties gnitales de la bte;c'est le signe de l'quinoxe d'automne, qui tarit lafcondit de l'anne et puise sa force productrice.En d'autres compositions, c'est le Lion, symbole del't brlant qui gorge le Taureau, c'est--dire l'tqui dvore le printemps. Pour accentuer la signifi-cation astronomique de l'ensemble, dans la plupartdes monuments, se dveloppe au-dessus du Mithratauroctone, la srie des signes zodiacaux.Mais ce taureau est en mme temps le taureau

    persan. Il est le Taureau primordial cr uniquepar Ormuzd , ou plutt, comme le fait entendre leterme zend, le premier des tres vivants, la pre-mire manire organise et anime. Sitt cr,l'esprit du mal porte sur lui le besoin, la souffranceet la maladie. Sous ses coups rpts, le taureaus'amaigrit, dprit et meurt. De chacun de sesmembres sourdent les diverses espces de graineset de plantes salutaires, de sa semence les animauxutiles l'homme. Ce qu'il en reste est port dans la

    (1)CandidusauratisaperitquumcornibusannumTaurus(Virg.,Georg.,I, v.217).

  • ESSAISUR.LECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.49

    GASQUET.Mithra. 5

    sphrede la lune et purifi par la lumire de l'astre.L'me du taureau s'chappe son tour; elle se

    dresse devant le Crateur, et d'une voix aussi forteque celle de dix mille hommes et qui rsume laplainte de toute la cration, voue la misre et la mort, elle lui crie: A qui as-tu confil'empiredes cratures que le mal ravage la terre et que lesplantes sont sans eau? O est l'homme dont tuavais dit : je le crrai pour prononcer la parole se-courable? Ormuzdemporta l'meplus haut que leciel des plantes et des toiles fixes, et, pour la con-soler, lui montra le ferour de Zoroastre,en disant: Je le donnerai au monde pour lui apprendre se prserver du mal. Plus tard et la findes temps, de la semence de Zoroastre, portecomme celle du taureau dans la lune, natraaoshyo, le Sauveur, qui consommera la ruined'Ahriman, et par la vertu d'un second sacrificedutaureau, donnera aux hommes l'immortalit toutjamais (1).Or le taureau mithriaque est bienle taureau de la

    lgende. De sa queue sortent des pis de bl; sespieds se droule le serpent, qui est Ahriman, lemeurtrier de l'tre primordial. Il se dresse pourboire le sang jailli du couteau sacrificateur, c'est--dire pour saisir l'me qui s'chappe; mais un chienl'en carte, le chien, l'animal sacr par excellence, qui YAvestaconsacre un farc/ard tout entier,qu'Ormuzdconsidre presque l'gal de l'hommeet

    (1)Bundehesch,10,8.VoirJ. Darmesteter:OrmuzdetAhriman,2epartie,chap.v.

  • BO ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.dont il estime la vie presque au mme prix (1); lechien qu'encore aujourd'hui les Parsis approchentde la couche des mourants, pour qu'il dispute l'mequi va s'envoler l'esprit du mal; car un regard duchien met en fuite les de/vas.Au figur, le Taureau de la lgende persane re-

    prsente donc la crature, l'tre engag dans lesliens de la matire, en proie au mal physique etmoral, le principe humide et terrestre, comme l'ex-plique Aristote, oppos au principe ign et cleste,reprsent par le Lion, en un mot la bte humaine.On enseignait que l'me ne peut tre purifie etsauve que par l'immolation absolue et volontaire del'tre de chair et de pch qui est en nous. C'estainsi que le sacrifice du Taureau assure le salut;c'est cette immolation que Mithra, par son exem-ple, convie ses fidles.Mais ce sacrifice est de plus un sacrifice de r-

    demption, car les anciens recherchaient ces sym-boles sens multiples, qui permettaient de graduerl'initiation, suivant l'instruction et la saintet dumyste. L'animal charg des pchs de l'hommeet offert en holocauste rachte le pcheur et satis-fait la divinit. Cette conception est la fois unedes plus anciennes et des plus gnrales de l'hu-mait. Elle suppose celle d'un Dieu vindicatif etjaloux dont il est ncessaire de dsarmer la colreet de se concilier la faveur par l'offrande des pr-mices les plus prcieuses ; c'est l l'origine des ho-(1)Vendidad,fargardXIII; Celuiqui le tue donnelamortsonme,6,U.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITORA.SI

    locaustes sanglants de Babylone, de Tyr et deCarthage, des prostitutions sacres et des dvoue-ments hroques, comme ceux des Dcius Rome.De cette ide, l'on passa celleplus humaine de lasubstitution, qui par une sorte de supercheriesacre,permet de charger de l'expiation personnelleou collective, une victime volontaire ou choisie,qui peut tre l'animal du troupeau. Ce point devue apparat, en Isral, dans le sacrifice d'Isaac,dont un blier prend la place sous le couteaud'Abraham, dans les prescriptions du Lvitique,dans le clbre passaged'Isae sur l'agneau symbo-lique (1). Aussi dans les sanctuaires de l'antiquit,les lustrations et les aspersions sanglantes taientla ressource suprme de la cathartique pour l'ex-piation des crimes. Le sang lavait la faute. Lesmystres de Samothrace avaient la spcialit de cespurifications pour le meurtre.Elles firent la vogue immense du taurobole dansles derniers sicles de l'empire Romain. Le pote

    Prudence a dcrit cette crmonie dans toute sasauvage horreur. Ce baptme sanglant se recevait

    (1)Lvitique: ch.xvi: Aaronprendradeuxboucsparmileschvrespourlespchset un blierenholocauste.Quantal'autrebouc,il l'gorgerapourlespchsdu peupledevantleSeigneur,et il apporteradesonsangductintrieurduvoile,et il rpandralesangsurlabasedel'auteldusacrificeetil ferauneexpiationsaintepourles souilluresdesfilsd'Isral,pourleursinjusticeset pour tous leurspchs. VoirIsaie,ch.XLIII.Arapprocher, plusieurssiclesd'intervalle,lesversdeLu-cainsurlamortdeCaton,Phars.,II,v.312:

    Ilicredimatsanguispopulos,haccaedeluaturQuidquidRomanijneruerunlpenderemores.

  • 52 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMTHRA.dans une fosse claire-voie, peine recouverte dequelques lattes ou poutrelles. Le pnitent y prenaitplace, ou le prtre, quand le sacrifice tait donnpour la communaut des fidles. De la plaie del'animal gorg, la pluie rouge tombait, souillant lemalheureux, qui tendait vers la rose sanglante sonfront, ses yeux, sa bouche, toute sa personne (1). Onsortait de l renouvel pour l'ternit, in icternumrenatus ; quelques textes disent, pour vingt ansseulement; l'expiration de cette priode, un secondtaurobole semblait ncessaire pour abolir les nou-velles tares contractes par l'me pcheresse. Desvilles, des provinces s'associaient pour faire les fraisde ce sacrifice, qui supposait ainsi une sorte de so-lidarit dans le pch commun. On pouvait encoreen rapporter le mrite et en appliquer le bnfice des personnes dsignes et absentes. Nous poss-dons des inscriptions, o le taurobole est offert l'intention des empereurs rgnants.On a prtendu, bien tort selon nous, faire du

    taurobole et du criobole le privilge exclusif duculte de Cyble. L'image mme du sacrifice mi-thriaque proteste, avec la clart de l'vidence, contrecette interprtation troite. Cetteimage est ancienne,puisque dj Stace dcrit Mithra dans l'attitude con-sacre par les monuments du IVCsicle (2) ;

    (1)Prudence: Prisleph.,X,v. 1012et sqq.(2)Stace: Thbade,v.719.

    .Persaeisubrupibusantri.IndignatasequitorquentemcornuaMithram.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.53

    5.

    elle est antrieure la premire inscription tauro-bolique connue, qui est date de l'an 133. Que letaurobole se rattache aux cultes phrygiens, nuln, en peut douter, lorsque- tant d'inscriptions1 attestent, et surtout aprs la dcouverte dusanctuaire de Cyble au Vatican. Mais il appar-tient avec autant de certitude au culte de Mithra.Quandl'pigraphie n'en ferait pas foi, commentexpliquerait-on les figures du Mithra crioctoneqUI dans certains monuments remplacent cellesdu tauroctone ?Les victimes sont les mmes dansles deux cultes. On peut objecter que, dans lesderniers sicles de l'empire, le syncrtisme desreligions paennes et des cultes orientaux autorisade nombreux emprunts de l'un l'autre ; qu'ence qui concerne Mithra, l'emprunt put s'oprerdans cette Phrygie mme, o le dieu persan avaitvecu en si bonne intelligence avec les divinitslocales. Mais de telles explications dplacent etreculent la difficult sans la rsoudre. En ralitle sacrifice expiatoire et rdempteur de la btecharge de l'opprobre des hommes remonte beau-coup plus haut. Nous l'avons vu pratiqu chezles anciens Hbreux pour tes souillures des filsd Isral, pour leurs injustices et pour tous leursp-chs . Il en tait de mme chez les Chaldens. Letaureau et le blier taient les deuxanimaux embl-matiquesdu soleil nouveau dans les systmes reli-gieux et astronomiques de Babylone;et Claudien,fort insruit des pripties de la lutte engage deson temps entre les cultes rivaux, nous dpeint

  • 54 ESSAISURLE CULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.l'immolation du taureau comme un rite chalden(l).Ce caractre de rdemption s'attachait, pour une

    autre raison encore, l'immolation du taureaumithriaque. Nous savons que ce sacrifice rappelaitcelui du taureau primordial, victime de l'esprit dumal, et, par sa mort, bienfaiteur de l'humanit. Il serapportait certainement aussi au sacrificedesderniersjours, accompli par le sauveur aoshyo, qui devaitprcder le triomphe dfinitif du Bien et la rsur-rection bienheureuse des hommes. A la fin dessicles, dit le Bimdehesch, aoshyo immolera letaureau araok. Avec sa moelle et avec le hmblanc, il prparera un second corps, et on en don-nera un tous les hommes et chacun d'eux seraimmortel tout jamais (2). Cette tradition, con-signe dans le livre parsi, remonte aux origines deVAvesta et s'est conserve jusqu' nos jours. Ilparat trs probable que la scne des monumentsmithriaques y fait une allusion directe, et que letaurobole lui-mme, par lequel les pcheurs ra-chets peuvent renatre de leur vivant, n'est que lafigure et la commmoration du sacrifice final, quidoit procurer la renaissance universelle (3).Les contemporains ont-ils pouss plus loin l'inter-

    prtation du symbole ? Au fort de la concurrence

    (I) ritu que juvencumChaldseostravremagi.(2)Bundehesch,chap.LXXV.VoirDarmesteter: OrmuzdetAhri-ran,2cpartie,ch.v, et tudesIraniennes,t. II.(3)Il esttrsvraisemblablequeMithraaabsorble personnagedeaoshyo,commeil a faitpourlaplupartdesgniesdelamy-

    thologieperse,

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.55soutenue contre le christianisme, ont-ils jamaisinstitu un rapprochement entre le sacrifice dutaureau, et le sacrificechrtien de l'agneau, si sou-vent figur dans les peintures des catacombes?Desmodernes l'ont pens (1). Nous croyons qu'ils ontt dupes d'analogies superficielles.Le point decomparaison, dans les polmiques religieuses duIVesicle, porte sur la vertu rdemptrice du tau-robole, mis en regard de l'oblation commmorepar l'eucharistie. C'est dans ce sens que FimoricusMaternusdit, en parlant du sacrifice mithriaque : Ce sang ne rachte pas, il souille qui le reoit. Pour que la comparaisonft de tout point exacte, ilfaudrait supposer, que lespaens ontvu dansl'imagedu tauroctone, Mithra s'immolant lui-mme et desamain, souslesespces de l'animal emblmatique.Or il n'est trace nulle part d'une interprtation dece genre; pas un texte ne l'autorise. Niles auteurspaens, ni Tertullien, ni Firmicus, si attentif relever les ressemblances, mme les plus vaguesetles plus lointaines, entre les deux religions, n'ontsouponn pareil rapprochement, ni tabli un pa-rallle entre la qualit des deuxvictimes. Cequ'im-mole Mithra, sous la figure du taureau, dans lesacrifice qui ouvre la priode de la cration etdans celui qui la ferme, c'est l'tre matriel etde chair qui obnubile le principe spirituel del'me, ce sont les passions qui altrent et corrom-pent son essencedivine; l'objet du dernier sacrifice,

    (1)EntreautresDupuis,op.cit.,etE.Havet.

  • 56 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    c'est la libration dfinitive des servitudes cor-porelles (1).

    Les Pres de l'Eglise, mais surtout saint Justinet TertuJlien, ont frquemment signal, dans lesmystres de Mithra, des sacrements, dont le nomau moins serait commun avec ceux des chrtiens.Ces sacrements sont le baptme, la pnitence,l'oblation du pain et de la coupe. Tertullien ajoutequ'ils possdent l'image de la rsurrection. C'esttrancher aisment une grave difficult que de nevoir dans ces ressemblances qu'imitation grossireet qu'impudente contrefaon. Les auteurs chrtienscontemporains eux-mmes s'abstiennent de juge-ments aussi sommaires; ils ne suspectent, ni n'in-criminent les intentions de leurs adversaires; ilsdisent seulement que les dmons, c'est--dire lesfaux dieux, ont suggr mchamment aux hommesde telles analogies, pour troubler l'esprit desfidleset jeter la confusion sur les vrits divines. Ilsaccusent la perversit de l'Esprit du mal et non laperfidie des hommes (2).Nous sommes malheureusement trs mal rensei-

    gns sur la nature de ces ressemblances; et l'in-(1)Lapreuveenestdansle commentairemmedontleBun-deheschaccompagnele rcitdu sacrifice; pendantla dernire

    priodequiprcdela rsurrection,l'hommecessepeu peudesenourrirdelachairdesanimaux,puisdelapulpedesvgtaux,puisdulait,et finitparacquriruncorpsglorieux.(2)Tertullien: Deprscript.,cap.40;Decoron,cap.15;Jus-tin : Dialog.contraTryphcap.66.VoiraussiFirmicusMater-nus: Deerroreprof,relig.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITIIRA.5i

    suffisancedes.textes laisse le champ libre auxhypo-thses. Pour nous reprsenter ce que pouvaient treles sacrements mithriaques, nous sommes rduits rechercher la trace de pratiques analogues dansles textes persans et chaldens et dans les mystresqui se partageaient la dvotion des derniers paens.D'un culte l'autre, en effet,ce ne sont pas tant lescrmoniesqui diffrentque le sens mystique atta-ch par la religion ces pratiques. Les moules etles formes sont anciens et peu varis ; seule laliqueur est nouvelle qui a t verse dans les vieillesoutres. Les sacrements des mystres supposenttoujours une intervention magique. Il est des mots,des rites, des formules qui ont la facult d'agirdirectement sur les dieux et de contraindre leurvolont. Peu importe que l'homme qui en faitusage, n'en connaisse ni le sens ni la raison. Lessymbolesfont d'eux-mmes leur uvre propre, etles Dieux qui ces symboles s'adressent, y recon-naissent d'eux-mmes leurs propres images, sansavoir besoin de nous. C'est pourquoi il faut con-server les formes des prires antiques, n'en riensupprimer, n'y rien ajouter jamais; car elles sonten connexit avec la nature des choses et con-formes aux rvlations divines (1). Ceux quiont le mieux not ces mystrieuses correspon-dances sont les. Chaldens, les gyptiens et lesPerses.On sait que toute l'antiquit a connu et pratiqu(1)Origne: ContraCels.,I, 24;Demysteriis,parsIf, 11,etparsVI,cap.4,5.

  • 58 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.

    le baptme ou les lustrations par l'eau. Les auteursclassiques, comme Virgile et Ovide, les ont maintesfois dcrites. Juvnal se moque de ces baptes, quivont en foule se jeter dans le Tibre. L'Orient ne lesa pas plus ignores que l'Occident. Partout ellestaient le prlude de l'initiation. La premire jour-ne des mystres d'Eleusis leur tait consacre etun prtre spcial y prsidait. Apule nous parle,dans sa description des mystres d'Isis, du bain del'initi (1). Comme celui d'Eleusis, c'tait un bainrituel, destin procurer la puret rituelle, laverle myste des contacts impurs et profanes qu'il avaitsubis, le rgnrer et lui assurer le pardon deses fautes (2).Le baptme mithriaque ne parat pasavoir dpass cette conception. Dans l'Avesta, l'en-fant nouveau-n est lav avec soin; on approche desa bouche le hma terrestre, qui est le symbole etlui donne l'avant-got du breuvage d'immortalit.Il est ainsi purifi et fortifi pour les jours qui luirestent vivre. Les mithriastes pratiquaient dansleurs crmonies les purifications par l'eau, par lefeu et mme par le miel (3). Le miel est le symbolede la mort et s'oppose au fiel qui est le symbole dela vie. Le miel est le produit des abeilles, qui dans

    (1) Stipatummereligioscohorte,deducitadproximasbal-neas et prius suetolavacrotraditum,praefatusdemveniam,purissimocircuinroransabluit.(2)Tertul.:Depraexcript.40,: Sacrisquibusdamper lavacruminitiantur. idquese in regenerationemet impunitatemperju-riorumsuorumagereprsumimt. feDiabolustingit et ipse

    quosdamet expiationemdelictorumde lavacrorepromittit.)VoirPorphyre: Deabstinentia,lib. II 49,50.(3)Porphyre: Deantro,cap.18.

  • ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.59le vocabulaire mystique dsignent les mes. Onajoutait ces crmonies l'onction sur le front etcertains indices portent penser que l'initi rece-vait un nom nouveau, sous lequel il tait connudans les assemblesdesmystes.L'ide sur laquelle repose la Pnitence appartientau fond mme de l'esprit humain. L'aveu volon-

    taire soulage de la faute et allge le remords; maisrien ne peut effacerla tache que le repentir parfait.Celui-ci suppose le sentiment intime de l'indignitdu pcheur en prsence de la puissance et de la.misricorde divine. Le paganisme pratiquaitexceptionnellement la confession. Plutarque lamentionne dans les mystres laconiens. A Samo-thrace, un prtre, le Kos, recevait l'aveu des fautesavant de procder la purification (1). Mais cesont les religions orientales qui ont le plus vive-ment senti l'infirmit de la condition humaine et ladistance infinie qui spare le Crateur de la cra-ture. Dansune lamentation loquentequ'on croiraitdtache des Psaumes, un Chalden exhale ences termes son repentir : Seigneur, mes pchssont nombreux, grands mes mfaits. Le Seigneurdans la colre de son cur m'a frapp; le Dieudans le ressentiment de son cur m'a abandonn.Je m'effraie, et nul ne me tend la main. Je pleure,et personne ne vient moi; je crie haut et personnene ni coute.Je succombe au chagrin, je suis acca-bl et ne ne puis plus lever la tte. Versmon Dieu

    (1)Plutarque: Apophteg.Lacon.Mesychius: Kos.

  • 60 ESSAISURLECULTEETLESMYSTRESDEMITHRA.misricordieux, je me tourne pour l'appeler et jegmis. Seigneur, ne rejette par ton serviteur. S'ilest prcipit dans les eaux imptueuses, tends luila main. Les pchs que j'ai faits, aies-en misri-corde. Les mfaits que j'ai commis, emporte-lesau vent, et mes fautes nom