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DEBAT NATIONAL SUR LAVENIR DE L’ÉCOLE www.debatnational.education.fr LES SUJETS PROSPECTIFS 1 Domaine – Définir les missions de l’École Fiche n°01 Sujet Quelles sont les valeurs de l’École Républicaine et comment faire en sorte que la société les reconnaisse ? Mots clés associés au sujet : citoyenneté ; laïcité ; service public ; égalité des chances ; mixité ; savoir 1. Définition du sujet L’École appartient à tous et doit par conséquent fonder son action sur des valeurs communes, incontestables et non négociables, qu’il faut pouvoir distinguer des convictions privées, propres aux personnes ou aux communautés particulières. L’École de la République s’est construite autour de quelques valeurs – l’autorité et l’universalité des savoirs, considérés comme facteurs de l’émancipation des individus, le respect des lois morales et républicaines, conditions de la vie en commun, mais aussi l’identité nationale ainsi que la neutralité idéologique et la gratuité du service public d’éducation. Ces valeurs paraissent aujourd’hui parfois insuffisamment reconnues par une société qui valorise davantage qu’autrefois la liberté et la diversité des formes d’expression ou de conduite, la recherche des plaisirs et du bien-être ainsi que la quête d’identité et de réussite des individus. Par-delà l’accord général sur les grandes valeurs nationales (émancipation des individus, égalité des citoyens, solidarité) les débats sur l’École font apparaître que celle-ci se trouve, face aux effets déstabilisateurs de cette évolution de la société globale, partagée entre la tentation de la « sanctuarisation » et celle de « l’ouverture sur la vie ». Une des missions essentielles de l’École est de transmettre les savoirs : mais faut-il valoriser l’instruction (l’élévation du niveau de culture générale) ou plutôt la préparation à la vie professionnelle (l’élévation du niveau de qualification des futurs salariés) - ou bien comment pondérer ces deux dimensions si l’on considère qu’elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre ? La liberté de l’individu est une valeur fondamentale de l’École républicaine (qui valorise par là même l’autonomie, la créativité et l’épanouissement individuels) : mais cette liberté ne constitue-t-elle pas en matière d’éducation à la fois un but, un moyen et un obstacle ? Comment faut-il pondérer autorité de l’institution et liberté individuelle à l’École ? La laïcité de l’École conditionne sa mission d’intégration et d’accueil de tous les enfants : mais la recherche de neutralité et de tolérance implique-t-elle une plus grande

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Domaine – Définir les missions de l’École Fiche

n°01 Sujet – Quelles sont les valeurs de l’École Républicaine et comment faire en sorte que la société les reconnaisse ? Mots clés associés au sujet : citoyenneté ; laïcité ; service public ; égalité des chances ; mixité ; savoir

1. Définition du sujet

L’École appartient à tous et doit par conséquent fonder son action sur des valeurs communes, incontestables et non négociables, qu’il faut pouvoir distinguer des convictions privées, propres aux personnes ou aux communautés particulières. L’École de la République s’est construite autour de quelques valeurs – l’autorité et l’universalité des savoirs, considérés comme facteurs de l’émancipation des individus, le respect des lois morales et républicaines, conditions de la vie en commun, mais aussi l’identité nationale ainsi que la neutralité idéologique et la gratuité du service public d’éducation. Ces valeurs paraissent aujourd’hui parfois insuffisamment reconnues par une société qui valorise davantage qu’autrefois la liberté et la diversité des formes d’expression ou de conduite, la recherche des plaisirs et du bien-être ainsi que la quête d’identité et de réussite des individus. Par-delà l’accord général sur les grandes valeurs nationales (émancipation des individus, égalité des citoyens, solidarité) les débats sur l’École font apparaître que celle-ci se trouve, face aux effets déstabilisateurs de cette évolution de la société globale, partagée entre la tentation de la « sanctuarisation » et celle de « l’ouverture sur la vie ». Une des missions essentielles de l’École est de transmettre les savoirs : mais faut-il valoriser l’instruction (l’élévation du niveau de culture générale) ou plutôt la préparation à la vie professionnelle (l’élévation du niveau de qualification des futurs salariés) - ou bien comment pondérer ces deux dimensions si l’on considère qu’elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre ? La liberté de l’individu est une valeur fondamentale de l’École républicaine (qui valorise par là même l’autonomie, la créativité et l’épanouissement individuels) : mais cette liberté ne constitue-t-elle pas en matière d’éducation à la fois un but, un moyen et un obstacle ? Comment faut-il pondérer autorité de l’institution et liberté individuelle à l’École ? La laïcité de l’École conditionne sa mission d’intégration et d’accueil de tous les enfants : mais la recherche de neutralité et de tolérance implique-t-elle une plus grande

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reconnaissance des expressions de la diversité culturelle, politique et religieuse ou bien exige-t-elle plutôt leur relativisation, voire jusqu’à l’effacement des marques d’appartenance communautaire au sein des classes et des établissements scolaires ? L’École peut-elle être le creuset de la Nation tout en favorisant la construction européenne et l’expression des identités régionales ? L’École, chacun en convient, doit contribuer à rendre la société plus juste : mais doit-elle pour cela valoriser le mérite individuel au regard des critères de la réussite scolaire - dans le but de remplacer les inégalités de naissance par une hiérarchie fondée sur la reconnaissance des talents – ou bien faut-il au contraire relativiser les différences de niveau scolaire afin de mieux garantir la mixité sociale et l’intégration de tous ? Toutes ces incertitudes et ces conflits de priorités ou d’interprétation témoignent de la nécessité du débat collectif sur les valeurs de l’École : la clarification des idéaux doit ainsi permettre à chacun de se représenter le plus précisément possible, dans les années à venir, les limites qui séparent le tolérable de l’inacceptable.

2. État des lieux Les débats contemporains sur l’École font état de divergences qui apparaissent quant à l’interprétation qu’il faut donner de ses valeurs ; face aux évolutions de la société, certains demandent à l’École un effort d’adaptation, alors que d’autres exigent d’elle au contraire qu’elle entre en résistance : • Le développement de l’économie de marché dans le cadre de la mondialisation

conduit à renforcer la demande de formation adressée à l’École et à exiger d’elle qu’elle devienne plus efficace. On peut considérer cet effort d’adaptation comme nécessaire du point de vue même des idéaux démocratiques : de l’efficacité des formations dispensées par l’École dépend notamment l’intégration de tous les individus dans l’économie – condition de leur autonomie et de leur progrès dans la vie sociale. L’utilité des formations et des diplômes devrait de ce point de vue constituer l’un des soucis majeurs de l’institution scolaire. Cette volonté d’ajuster l’École aux exigences de l’économie contemporaine est parfois interprétée par certains comme une « dérive libérale » qui trahit l’idéal scolaire : à travers la dénonciation de la « marchandisation de l’éducation » sont revendiquées non seulement « l’exception éducative » contre la tentation de transformer les services éducatifs en biens marchands, mais aussi l’indépendance de l’instruction par rapport à la formation professionnelle (défense de la « gratuité » de l’enseignement, contre le principe d’utilité), l’unité du service public d’éducation nationale contre les tentatives d’introduire le principe de concurrence dans le système éducatif, et enfin l’indépendance de l’enseignant, dans son rapport au savoir et à la pédagogie, contre le principe d’une gestion managériale du personnel éducatif.

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• L’essor de la consommation et de la communication de masse a contribué à l’installation d’une culture du divertissement, qui valorise le plaisir et la séduction immédiats et qui est considérée par beaucoup comme responsable de la crise des savoirs scolaires. Le débat s’est focalisé sur le rôle de la télévision : loin d’être un instrument neutre de communication, celle-ci diffuserait une culture de l’image et de l’émotion incompatible avec les exigences de la culture centrée sur l’écrit (concentration, distance critique, temps de la réflexion). Pour les uns, la prééminence de la valeur de la culture scolaire justifie que l’on réaffirme l’autorité des savoirs dans leur pureté et que l’on fasse de l’École un sanctuaire dans lequel la culture médiatique n’entre pas ; pour d’autres au contraire, la culture scolaire se heurte à un concurrent bien plus puissant que ne l’étaient ou ne le sont les cultures traditionnelles : face à la séduction exercée par la culture de masse sur les jeunes esprits, la résistance paraît vaine et la collaboration préférable, y compris pour faciliter l’apprentissage des savoirs scolaires eux-mêmes et l’accès à la culture scolaire. Entre ces positions extrêmes, le problème, pour la plupart des enseignants, est de faire valoir la supériorité de la culture scolaire en évitant les deux écueils de l’austérité et de la démagogie.

• Le nouveau modèle familial, plus individualiste, distend le lien d’autorité entre les parents et les enfants. La famille n’est plus autant « la cellule de base » de la société qu’elle pouvait l’être autrefois et tend à devenir une association d’individus libres et égaux. Dans un tel cadre, l’éducation des enfants change de sens : le but n’est plus (ou n’est plus seulement) de conduire l’enfant à se soumettre aux lois de la communauté en intériorisant un modèle d’obéissance, mais de respecter au plus tôt son autonomie et de favoriser son épanouissement. L’École doit-elle s’aligner sur ce modèle pédagogique ? La loi d’orientation de 1989 allait dans ce sens, en plaçant « l’élève au centre du système ». A tort ou à raison, ce mot d’ordre a été interprété par beaucoup comme l’expression d’une volonté de modernisation démocratique de l’École visant à prendre davantage en compte l’élève tel qu’il est, en tant qu’individu, c’est-à-dire en tant que porteur d’une culture, de désirs et de goûts qui lui sont propres. Nombre d’acteurs de l’École considèrent cependant, au nom des valeurs spécifiques de l’École, que cette orientation est contestable : il convient selon eux de placer au centre de l’École non pas l’élève tel qu’il est, mais les savoirs, dont l’objectivité et l’universalité s’imposent à tous de façon normative. Cette question a constitué l’un des axes du débat intellectuel sur l’École au cours de la dernière décennie.

• Les incertitudes relatives à l’identité nationale – du fait tout à la fois de l’immigration massive, de la renaissance des identités régionales, et de l’intégration européenne –rejaillissent inévitablement sur l’École. Celle-ci est unanimement considérée, en France, comme « le creuset de la Nation » : c’est à l’École, à travers la transmission d’une culture commune dont l’apprentissage de la langue française constitue le socle, que l’on demande de réaliser l’intégration des immigrés, alors qu’aux Etats-Unis par exemple ce rôle est plutôt dévolu au marché du travail. Dans le même temps plus personne ou presque n’envisage la culture nationale comme pouvaient la concevoir les républicains de la fin du XIXème siècle, avant les deux guerres mondiales, la décolonisation et la construction européenne. Se pose en conséquence le problème des

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valeurs qui doivent guider aujourd’hui le rapport de l’École à la diversité culturelle : faut-il, contre le nationalisme du passé et au nom de l’équivalence en valeur de toutes les cultures, faire une place plus grande à cette diversité au sein de l’École, ou bien celle-ci doit-elle inviter les individus à relativiser leurs attaches particulières, de manière à transmettre une culture homogène qui favorise l’intégration ?

• Une alternative analogue se déduit de la volonté de promouvoir la valeur de laïcité. Dans sa rivalité avec l’enseignement catholique, l’École républicaine justifiait la supériorité de la laïcité par sa vertu émancipatrice – fondée sur le partage entre le particulier et l’universel – pour la conscience individuelle. Il convient à cet égard de citer quelques lignes de la célèbre lettre aux instituteurs de Jules Ferry du 17 novembre 1883 : « L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Église, l’instruction morale à l’école. Le législateur n’a donc pas entendu faire une œuvre purement négative. Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l’école de l’Église, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous ». Le principe d’une neutralité distante de l’État vis-à-vis des religions est aujourd’hui accepté par tous, mais des divergences apparaissent quant aux implications concrètes qu’il faut en tirer : quelles limites faut-il imposer à l’expression des identités culturelles particulières pour laisser place à l’enseignement de l’universel ? Certains considèrent que l’École, pour permettre à l’individu de découvrir de nouveaux horizons au-delà de sa communauté d’appartenance, doit constituer un sanctuaire et interdire ce qui est permis dehors (par exemple le port d’insignes religieux) ; d’autres vont à l’inverse jusqu’à contester la prétention à l’universalité des savoirs et des droits et revendiquent la différence des droits ainsi que l’inscription de la diversité des cultures dans les programmes. Comment concevoir une laïcité moderne, qui reconnaisse les droits culturels tout en résistant à l’emprise des communautarismes ?

• L’interprétation de la valeur d’égalité est devenu un problème de l’École. L’idéal méritocratique de l’égalité des chances est sinon contesté, du moins relativisé. L’égalité d’offre éducative garantie par l’École démocratique laisse clairement transparaître que l’égalité des chances n’annule pas les hiérarchies scolaires et sociales. Pour beaucoup la mixité sociale, l’intégration de tous, la lutte contre la fracture scolaire et la garantie d’un savoir minimal apparaissent comme constituant des objectifs plus importants. De plus le principe de l’égalité de dignité conduit l’École à se soucier davantage de garantir aux « vaincus » de la compétition scolaire - sur la base d’une prise de conscience des effets de stigmatisation que produit celle-ci - des conditions de scolarisation plus épanouissantes. L’égalité entre garçons et filles donne aussi matière à des conflits d’interprétation, soit que l’on substitue l’idéal de la parité (dans les différentes filières) à celui de la mixité, soit que l’on remette ce dernier en cause en pointant ses effets pervers (faiblesse du travail des garçons, filles victimes du machisme ou freinées dans leur progression).

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3. Questions possibles

• Comment l’École de la République peut-elle intégrer la diversité des expressions

culturelles et religieuses, tout en résistant à l’emprise des communautarismes ? • Jusqu’où peut-on accepter les expressions de la mode et de la culture « jeune »

dans l’enceinte scolaire ? • Dans quelle mesure peut-on, par l’éducation aux médias, contribuer à former

l’esprit critique ? • Comment concilier autorité de l’institution et liberté individuelle à l’École ? • Est-il légitime, ou au contraire inacceptable, que l’École, dans le but de préserver

l’ordre et la paix scolaires, affecte des élèves dans certains établissements en fonction de leur appartenance religieuse ou ethnique ?

• Une plus grande prise en compte de l’utilité des formations et des diplômes est-elle légitime ?

• La pédagogie doit-elle et peut-elle, mieux qu’elle ne le fait aujourd’hui, mettre la culture audiovisuelle au service de la culture scolaire ?

• L’École doit-elle défendre à tout prix la mixité ou bien faut-il, pour protéger ou au nom de l’efficacité du travail éducatif, consentir à séparer filles et garçons dans leur scolarisation ?

• Comment l’École peut-elle concilier la nécessité de donner à tous une culture de base et assurer la promotion par le mérite ?

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Domaine – Définir les missions de l’École Fiche n°02

Sujet – Quelles doivent être les missions de l’École, à l'heure de l’Europe et pour les décennies à venir ? Mots clés associés au sujet : instruire ; éduquer ; préparer à la vie active ; citoyenneté ; contenu des programmes ; égalité

1. Définition du sujet L’État éducateur réalise aujourd’hui ce qui n’était qu’un rêve pour les républicains des siècles précédents : il assure, directement ou indirectement, la scolarisation de tous les enfants, de l’âge de deux ou trois ans jusqu’à l’âge de vingt ans en moyenne. A ce formidable investissement de la Nation pour sa jeunesse correspond une demande sociale d’éducation, elle aussi sans précédent : dans une société en mouvement, le métier et la position sociale ne sont plus hérités mais dépendent étroitement de la trajectoire scolaire et de la capacité de formation. Assurée de la place qu’elle occupe au sein de la communauté et dans la vie des familles, l’École devrait l’être également de son rôle. Il n’en est pourtant rien, comme le suggère déjà la pluralité des termes que l’on utilise pour désigner ses missions : instruire, éduquer, former. Instruire : mais comment définir « ce que nul n’est censé ignorer » quand les savoirs s’accumulent et se transforment indéfiniment, que l’avenir est imprévisible et le passé contesté ? Importe-t-il du reste encore de transmettre des savoirs, d’imposer des contenus, ou faut-il au plus tôt familiariser les enfants avec l’esprit critique et l’aptitude à innover ? Éduquer : mais l’éducation morale, dont la nécessité pourtant se fait sentir, peut-elle être aujourd’hui – dans une société qui, devenue plus démocratique, s’éloigne des traditions autoritaires et met en son principe la relativité des valeurs – ce qu’elle était du temps de Jules Ferry ? Former : mais est-il possible d’anticiper les besoins futurs d’une économie en constante évolution ? Et ne faut-il pas, s’agissant de la préparation à l’insertion professionnelle, s’appuyer davantage sur les entreprises et répartir autrement la tâche entre formation initiale et formation continue ? La fonction de transmission à tous des savoirs, des règles de comportement et des savoir faire est en outre devenue d’autant plus délicate à mettre en œuvre aujourd’hui que l’on demande à l’École de contribuer à « l’épanouissement de l’individu ». Ces incertitudes se sont traduites au cours des dernières années par l’impossibilité de choisir et par conséquent par l’accumulation des missions dont l’École se trouvait investie. Il est du

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reste plus simple de faire observer que l’on demande trop à l’École que d’indiquer avec précision et conviction comment hiérarchiser les missions dont elle a la charge . Il faut pourtant que le débat ait lieu dans la mesure où la multiplicité des activités que l’École doit mettre en œuvre ont un coût et finissent par rejaillir sur l’efficacité de l’acquisition des « fondamentaux » ( ce que l’École seule peut transmettre).

2. État des lieux

L’efficacité de l’École dans l’accomplissement de ses missions dépend de la capacité à bien les définir. Pour cela des choix, une hiérarchisation, voire quelques sacrifices sont sans doute nécessaires. La réflexion doit porter sur la manière de pondérer la place de chacune des grandes missions (instruire, éduquer, former) ainsi que sur le sens qu’il convient de leur donner.

Instruire ou former ? Rares sont aujourd’hui les métiers qui peuvent encore se transmettre d’une génération à l’autre : l’avenir professionnel de chacun – dans le cadre d’une « économie de la connaissance » où il n’est plus possible de trouver un emploi sans niveau de qualification -dépend étroitement de la formation qu’il aura reçue à l’École. Faut-il pour autant considérer que la préparation à la vie professionnelle est la première mission de l’École ? Et peut-on du reste identifier clairement les besoins de formation requis par l’économie du futur ? L’École doit-elle privilégier la transmission d’une culture générale nécessaire à l’éducation de l’homme et aux progrès de la démocratie ou bien doit-elle faire de la formation et de l’insertion professionnelles des jeunes ses priorités ? Comment, et à quelles conditions peut-elle coordonner ces deux ambitions ? De même, le socle culturel que tous les élèves doivent maîtriser en fin de scolarité obligatoire doit-il être conçu à partir de l’idéal de l’intégration nationale, voire européenne, ou bien en fonction des besoins de l’économie ? Ces différents objectifs se recoupent-ils nécessairement ? Faut-il rénover la formation générale et la définition de la culture de base en fonction des qualifications requises par le monde du travail ? Par ailleurs, le monde économique attend-il de l’École qu’elle dispense des formations générales et transversales susceptibles d’accroître la capacité d’adaptation aux imprévisibles contextes de travail de l’avenir ou bien souhaite-t-il voir l’Éducation Nationale multiplier les formations spécialisées en cherchant la plus grande adéquation possible aux métiers existants ? Faut-il concevoir un partage des rôles entre l’École et l’Entreprise, l’École prenant en charge la formation générale et laissant les entreprises parfaire la professionnalisation en fonction de leurs besoins – dans le cadre de l’alternance, ou de la formation continue, ou même en leur confiant la responsabilité de toute la formation professionnelle ? Ou faut-il au contraire aller plus loin qu’actuellement dans le sens de la scolarisation de la formation professionnelle ?

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Instruire ou éduquer ? Dans un discours prononcé en 1894 Léon Bourgeois (qui fut ministre de l’Instruction publique et président de la ligue de l’enseignement) déclare que l’adolescent doit être préparé « non pas seulement à son métier mais à la vie » et « qu’il ait, vienne l’âge d’homme, acquis non seulement les connaissances, mais encore et surtout les forces qui lui seront nécessaires pour remplir le triple devoir et porter la triple dignité du chef de famille, du soldat et du citoyen ». La citation témoigne du fait que pour les pères fondateurs de l’École républicaine, l’éducation morale et la formation du citoyen font partie des missions de l’École (et en constituent même la mission capitale), ce qu’atteste du reste la lecture des programmes de l’époque. Mais sur deux points essentiels, notre situation historique est si différente qu’elle explique les incertitudes contemporaines : D’une part, le déclin des institutions qui accompagnent l’École dans sa fonction d’encadrement de la jeunesse (l’Église, les mouvements de jeunes et bien entendu la famille) laisse en quelque sorte celle-ci en première ligne sur le terrain de l’éducation. La famille en particulier n’est plus tout à fait « la cellule de base » de la société qu’elle était autrefois et tend à devenir une association d’individus libres et égaux ; les parents sont en outre concurrencés dans leur mission éducative à la fois par les médias et par le « groupe de pairs » : suffit-il aujourd’hui de les rappeler à leur devoir d’exercice de l’autorité parentale ou bien faut-il admettre que l’École doit assumer davantage de responsabilités dans sa mission éducative ? On peut aussi se demander si la stricte délimitation des rôles est conforme à l’idéal de justice : les carences éducatives constituent en effet pour un enfant un sérieux handicap, susceptible d’hypothéquer ses chances de réussir sa carrière scolaire ; le déficit culturel peut se combler, mais les conduites asociales ou à risque mettent à mal les conditions élémentaires de la progression des élèves – la présence, l’attention et le travail. L’École peut-elle demeurer indifférente à l’inégalité devant l’éducation parentale ? D’autre part « la préparation à la vie » ne peut plus avoir le même sens qu’en un temps où l’identité de l’individu était nettement définie par la place et le rôle au sein de la famille ainsi que par l’appartenance à la Nation et les devoirs envers elle. L’émancipation de l’individu est devenue un but en soi et les missions que l’on assigne aujourd’hui à l’École en matière de préparation à la vie en découlent : éducation à la sexualité, à la santé, prévention des conduites à risque et de l’insécurité routière, etc. Ces missions relèvent-t-elles légitimement de l’éducation nationale ou bien faut-il recentrer l’École sur l’instruction, en considérant que sa fonction première – qu’aucune autre institution ne peut remplir à sa place – est de dispenser un enseignement de qualité? Que faut-il enseigner ?

La multiplication des missions dans l’ordre de la transmission des savoirs se traduit par l’empilement des enseignements et des connaissances dont on juge qu’elles sont indispensables au développement de l’homme et du citoyen. Le nombre des disciplines et le

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poids des programmes augmente, ce qui rend fort incertaine leur maîtrise finale par les élèves. Là encore la demande sociale et politique oscille : on exige d’une part que l’École demeure, au moins durant le temps de la scolarisation obligatoire, centrée sur les fondamentaux – l’apprentissage de la lecture et de l’écriture au primaire, par exemple -, de l’autre on présente comme absolument nécessaire l’enseignement d’une langue vivante dès le primaire, voire d’une langue régionale, la promotion du multilinguisme, celle de la culture technologique et professionnelle, de l’enseignement des arts, de l’histoire des religions et de l’histoire européenne, de l’éducation civique, juridique et sociale, etc. Une telle démultiplication conduit à s’interroger sur le sens du socle culturel dont l’acquisition doit être garantie à tous : faut-il approfondir quelques disciplines fondamentales ou bien donner aux élèves la possibilité de découvrir une grande diversité de matières tout en favorisant le travail interdisciplinaire ? Faut-il en outre enseigner tout ce qui paraît devoir l’être à tous les âges de la vie de l’élève ou bien faut-il distinguer davantage les missions de l’école élémentaire, du collège et du lycée ? Conserver et transmettre l’héritage ou préparer le monde de demain ? L’alternative peut sans doute être surmontée, mais il importe de s’interroger sur la bonne manière d’articuler l’ouverture sur le passé et l’ouverture sur l’avenir dans la définition des programmes et de la pédagogie scolaires. L’avenir a pour lui l’évidence : la France – dans le cadre de l’intégration européenne – n’a pas d’autre choix que de relever le défi de la compétition économique internationale en renforçant la compétitivité de son système éducatif. Dans un monde en mutation accélérée - économique, scientifique, technologique et culturelle – il est difficile de prévoir quels savoirs et compétences nos enfants devront maîtriser pour pouvoir s’adapter et réussir leur vie. Nous pouvons penser que l’École doit, dans ce contexte, promouvoir l’aptitude au changement : capacité de se mettre en question, d’innover, de coopérer avec les autres, de continuer à se former une fois entré dans la vie active. Mais l’École peut-elle mener à bien cette mission sans prendre pour horizon le passé ? N’a-t-elle pas prioritairement pour fonction de conserver et de transmettre la culture – par définition héritée du passé – et les connaissances scientifiques déjà constituées ? L’acquisition des aptitudes à la création et à l’innovation exige-t-elle que l’École modifie son rapport à la culture et au savoir ? Apprend-on à apprendre et à créer en cherchant et en créant dès le plus jeune âge ou bien faut-il nécessairement passer par une phase d’inculcation et de réception de l’héritage ? Dans les économies développées, deux moteurs de croissance prennent une place prépondérante et croissante : les services d’une part, et d’autre part et surtout l’innovation scientifique et technologique – créatrice d’emplois, d’entreprises et d’activités à forte valeur ajoutée. Suffit-il, pour préparer les élèves à l’avenir, de leur fournir les quelques rudiments d’anglais nécessaires pour transmettre et recevoir des informations partout dans le monde ainsi qu’une pratique plus assidue des technologies existantes ? Ou bien faut-il considérer que l’apprentissage d’une communication authentique suppose l’immersion dans une culture et que l’apprentissage de la créativité scientifique et technologique suppose l’effort d’approfondissement des disciplines scientifiques enseignées à l’École ? De la même façon on peut se demander si l’aptitude à comprendre le monde et ses problèmes ainsi que les capacités

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de réflexion et d’argumentation que l’on attend du citoyen moderne peuvent s’acquérir plus aisément par une pratique précoce du débat démocratique où si l’appropriation préalable d’une culture historique n’est pas requise. Éduquer à la citoyenneté Tout le monde s’accorde pour reconnaître que l’éducation à la citoyenneté fait partie des missions de l’École. Mais le contenu qu’il faut lui donner et les modalités qu’elle doit revêtir ne vont plus de soi. Faut-il cultiver l’autonomie et l’esprit critique du futur citoyen ou bien lui inculquer quelques convictions, relatives aux droits de l’Homme ou par exemple au devoir de mémoire, à l’antiracisme ou au développement durable ? Cette éducation se confond-elle avec l’instruction destinée à éclairer le futur citoyen, et qui, par la transmission d’un socle culturel commun, construit l’intégration et l’unité nationale ou bien doit-elle revêtir la forme de l’incitation et de la promotion de l’engagement des jeunes, notamment dans le cadre de la « démocratie lycéenne » ? La définition de la citoyenneté n’est plus comme au temps de la IIIème République indissociable de l’identité nationale : l’ouverture sur l’Europe et sur le monde, l’avènement d’une société « multiculturelle », l’individualisme des droits de l’Homme et l’approfondissement de la conscience humanitaire ont affaibli le sentiment d’appartenir à la communauté nationale : l’éducation civique doit-elle accompagner cette évolution, en privilégiant l’enseignement des droits de l’individu par rapport à celui de ses devoirs vis-à-vis de la communauté ou bien s’efforcer de pallier ses effets pervers éventuels ? La valeur de laïcité doit-elle être interprétée dans le sens de la neutralité tolérante et conduire à valoriser l’expression des identités culturelles ou bien faut-il au contraire fonder sur elle l’exigence d’élargir l’horizon des individus en privilégiant l’inscription dans la communauté nationale et l’ouverture sur l’universalité des savoirs ou de la civilisation ? Il faut enfin s’interroger sur la manière d’organiser « le parcours civique » des élèves tout au long de la scolarité : faut-il tenir davantage compte de l’âge des enfants dans la conception de l’éducation civique ? Faut-il par exemple initier les enfants au débat dès le primaire ou privilégier à cet âge l’intériorisation des règles et l’apprentissage de la maîtrise de soi ? Accompagner la construction européenne Le futur citoyen, c’est aussi désormais le futur citoyen européen : dans quelle mesure l’éducation nationale doit-elle contribuer à favoriser l’intégration européenne de la France et des Français ? La question se pose au moins à trois niveaux : celui de la définition des programmes, celui de l’ouverture des écoles sur l’extérieur, celui enfin de la formation du futur Européen. L’enseignement des langues vivantes doit-il être renforcé, et si oui comment ? Faut-il privilégier l’enseignement de l’anglais, qui pourrait devenir une langue d’usage susceptible de permettre à tous les Français de s’ouvrir davantage sur l’extérieur ou bien faut-il favoriser, à travers l’enseignement, l’expression de la diversité des langues européennes ? Faut-il promouvoir un enseignement de l’Histoire européenne à côté

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de l’enseignement de l’histoire nationale ou bien qui intègre celui-ci ? Par ailleurs l’École peut en multipliant les voyages et séjours linguistiques contribuer à développer, chez tous les élèves français, l’ouverture sur l’Europe. Il convient en outre de s’habituer à penser que chacun des quinze systèmes éducatifs de l’Union contribue à former le futur citoyen Européen. Cela entraîne deux conséquences : la nécessité, en premier lieu, pour chacun des systèmes nationaux de faire siens les objectifs communs définis par les ministres de l’éducation au niveau européen ; celle en second lieu pour chaque système éducatif d’intégrer l’exigence d’être évalué par les autres, sur la base de critères de comparaison communs. Il importe donc de s’interroger sur la manière dont ces nouvelles exigences peuvent rejaillir sur les missions et objectifs propres de notre École. Contribuer à réduire les inégalités sociales L’École est une institution qui a pour horizon l’avenir : il est tentant de lui demander de pallier les carences de la société contemporaine et d’exiger d’elle qu’elle prépare l’avènement d’une société plus juste. Faut-il demander à l’École de contribuer à réduire les inégalités sociales dans la société ou bien plus modestement d’essayer d’être juste dans son propre fonctionnement ? Même dans ce dernier cas les choses ne sont pas simples : Faut-il que l’École se donne prioritairement pour ambition de réaliser l’intégration de tous en luttant contre l’échec scolaire des élèves en grande difficulté – en vue d’assurer à tous une sorte de socle culturel – ou bien doit-elle d’abord garantir l’égalité des chances d’accéder aux élites – et promouvoir au mérite les meilleurs parmi les plus défavorisés au départ de manière à jouer son rôle d’« ascenseur social » ? Lui faut-il expliciter les règles de la compétition scolaire ou bien dissimuler à tous ses effets afin de garantir l’égalité de sollicitude entre tous les élèves et toutes les filières ? Doit-elle enfin, sur le plan des méthodes, promouvoir l’égalité de traitement de tous les individus ou bien « donner plus à ceux qui ont moins » ?

3. Questions possibles

• Comment l’École peut-elle concilier éducation et instruction ? • Comment l’École peut-elle à la fois transmettre une culture générale et préparer

à la vie active dans un monde incertain ? • L’École peut-elle contribuer éclairer les choix des Français sur l’Europe ? • Quelles doivent être les missions respectives de l’école maternelle, de l’école

élémentaire, du collège et du lycée ? comment assurer la continuité ? • Quelle hiérarchie établir entre les missions de l’École ? • Quels sont les rôles respectifs de l’École, des familles dans l’éducation des enfants ?

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• Quelle place l’École doit-elle donner à l’éducation à la santé ainsi qu’à la prévention des conduites à risque ?

• L’École doit-elle – et si oui comment – mieux préparer à l’entrée dans la vie professionnelle ?

• L’École doit-elle – et si oui comment – développer davantage les aptitudes à la création et à l’innovation ?

• Comment l’École doit-elle contribuer à la formation du futur citoyen ? • Comment l’École peut-elle concilier la nécessité de donner à tous une culture de base

et assurer la promotion par le mérite ? • La maîtrise de l’anglais doit-elle être une compétence obligatoire ?

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Domaine – Définir les missions de l’École Fiche

n°03 Sujet – Vers quel type d’égalité l’École doit-elle tendre ? Mots clés associés au sujet : égalité des chances ; diversification ; sectorisation ; sélection ; discrimination positive

1. Définition du sujet L’École est parfois soupçonnée de refléter ou de reproduire les inégalités qui émanent de la société. Le sexe, la situation socio-économique, territoriale ou familiale de l’enfant, son origine ethnique ou culturelle, peuvent faire obstacle à son intégration et à sa réussite, à l’École d’abord, puis dans la société. L’École de la République a pourtant pour vocation d’être une École de l’égalité : elle doit constituer pour chacun un recours, lui permettant d’échapper à un destin social écrit d’avance. L’École cependant ne peut pas tout : elle n’est pas en mesure de faire réussir tous les élèves ni de produire une égalité parfaite. A tout le moins peut-on exiger d’elle qu’elle parvienne à corriger les inégalités de départ et que son fonctionnement ne contribue pas à les creuser. Il importe cependant de s’interroger d’abord sur le type d’égalité que l’École doit avoir pour ambition d’atteindre. On peut en effet distinguer deux principes de justice qui, sans être incompatibles, ont toutefois des implications pratiques différentes. Le premier principe est celui de l’égalité des chances et fonde le modèle méritocratique de l’élitisme républicain. Sa mise en œuvre suppose l’égalité d’offre scolaire (la scolarisation de tous les enfants) et la promotion des meilleurs élèves afin de remplacer les inégalités de naissance par la hiérarchie des talents. L’École est juste, selon ce principe, lorsqu’elle permet à des enfants issus de milieux défavorisés de prendre, comme on dit, « l’ascenseur social », en accédant aux filières les plus sélectives. L’égalité des chances présuppose cependant l’acceptation de la compétition scolaire et la reconnaissance de critères purement scolaires de la réussite au regard desquels tous les élèves ne sont pas égaux : si les inégalités sociales n’existaient pas, l’École produirait par elle-même l’inégalité en classant les élèves en fonction de leur réussite. Lorsque l’égalité des chances est garantie, l’échec et la hiérarchie fondée sur l’inégalité des talents sont d’autant plus cruels que l’individu peut se considérer comme responsable de son échec et que l’inégalité de résultats paraît juste et méritée. C’est pourquoi un second principe de justice doit être avancé pour juger du caractère juste ou injuste du fonctionnement de l’École : le principe de l’égale dignité de tous, qui doit compenser l’inégalité des performances scolaires. Il faut de ce point de vue s’interroger sur ce que l’École doit faire vis-à-vis des « vaincus » de la compétition scolaire : comment l’École

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traite-t-elle et doit-elle traiter les élèves les plus faibles ? N’y a-t-il pas une manière de noter et d’évaluer humiliante pour ces élèves ? Ne faudrait-il pas introduire des critères autres que ceux de la tradition scolaire pour définir et valoriser de nouvelles formes de réussite ? Peut-on se résigner à « l’orientation négative », qui décide de l’avenir des élèves à partir de leur échec selon les critères scolaires ? Sur le principe de l’égale dignité de tous reposent non seulement l’exigence de diversification des voies de réussite, mais aussi celle de l’intégration. L’École a d’abord pour mission de lutter contre l’échec scolaire afin de prévenir la précarité sociale : elle doit garantir à tous l’obtention d’une qualification ou d’un diplôme utile, qui permet d’accéder à l’emploi dans le monde du travail. L’intégration au sein de « la société de la connaissance » et de la communauté démocratique exige plus généralement la maîtrise par tous d’un socle de connaissances, de compétences et de règles de comportement de base dont l’École doit assurer la transmission. Au regard de ces deux principes de justice on peut donc considérer que la compétition scolaire, qui débouche inévitablement sur une forme d’inégalité, est acceptable à la double condition que l’École puisse accroître les chances de chacun – quelle que soit sa situation de départ – d’atteindre les filières sélectives et qu’elle parvienne à doter le plus faible parmi les élèves du bagage nécessaire et suffisant pour s’intégrer économiquement et socialement. On peut si l’on veut nommer « équité » cette ambition de justice qui renonce à viser l’improbable égalité parfaite des résultats. Le débat peut porter non seulement sur la conception de l’égalité et sur la manière de concilier les deux principes de justice (égalité des chances, égalité de dignité), mais aussi sur la méthode requise pour réaliser l’ambition d’une École juste. Deux méthodes peuvent s’opposer ou s’articuler : l’égalité ou à l’inverse la différenciation de traitement des individus ou des groupes. On peut en effet considérer qu’il est juste, de manière à éviter les ruptures d’égalité, d’établir des conditions de scolarisation identiques pour tous (laïcité et mixité, sectorisation, caractère national et centralisé du service public d’éducation) ; mais la « discrimination positive », un traitement différencié des individus ou des groupes (bourses, éducation prioritaire, groupes de besoin) peut cependant paraître nécessaire afin de compenser ce qu’on a pu identifier comme des désavantages.

2. État des lieux L’École doit garantir l’égalité des chances d’accéder aux savoirs et aux positions sociales les plus élevés. L’origine sociale, d’évidence, pèse lourd dans le niveau des études. Les enfants d’ouvriers sont deux fois plus nombreux que les enfants de cadres en sixième ; en terminale générale, ils sont déjà deux fois moins nombreux, et cinq fois moins dans les grandes écoles d’ingénieurs et de commerce. L’inégalité d’accès aux enseignements les plus sélectifs peut concerner également les filles. La lutte contre l’inégalité des chances vise à neutraliser autant qu’il est possible les privilèges de naissance et les préjugés, de sorte que la sélection des élites dont la société a besoin se fonde uniquement sur la valorisation des mérites et des talents individuels.

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En continuité avec l’esprit des grands réformateurs républicains du passé, d’importantes réformes de structures ont conduit à la démocratisation de l’accès aux études secondaires, puis supérieures. Les deux axes en sont l’allongement de la durée moyenne des études – la scolarité obligatoire ayant été portée à 16 ans – et l’école unique, tous les enfants d’une même classe d’âge étant destinés, depuis la loi Haby de 1975 à suivre le même parcours scolaire jusqu’au brevet des collèges. Ces réformes ont permis – tout au moins en apparence – de mettre un terme à la ségrégation entre les classes sociales, qui était auparavant inscrite dans la structure même du système éducatif. Cette égalisation des conditions est complétée par la fin de la ségrégation sexuelle, du fait de l’instauration de la mixité dans les années 1970. Les transformations de la société changent sans cesse les données que l’École doit prendre en compte. L’inégalité entre filles et garçons tend par exemple à s’inverser au détriment des garçons. L’évolution de la famille contemporaine crée un nouveau type d’inégalités qui ont, d’après certaines enquêtes, un impact sur la scolarité. A l’âge de 18 ans, les trois quarts des enfants ont leur père et leur mère qui vivent ensemble, mais pour la proportion grandissante d’enfants vivant une situation de séparation des parents, la probabilité de connaître des difficultés scolaires s’accroît : ainsi par exemple les chances pour les enfants de parents séparés, quelles que soient les catégories sociales, d’atteindre le niveau bac+3 sont divisées par deux ou par trois. L’origine socioculturelle demeure toutefois la principale source de l’inégalité à l’École. Aux inégalités socio-économiques, accentuées par l’émergence d’un chômage structurel durable, il faut désormais ajouter la ségrégation ethnique. La concentration d’enfants issus de l’immigration (qui peut aller parfois jusqu’à une proportion de 80 %) transforme certains établissements en « ghettos » culturels, qui ne sont que le reflet des quartiers où ils sont implantés. Les inégalités socio-économiques et territoriales tendent ainsi à se cumuler, et se creusent encore davantage du fait des stratégies par lesquelles les familles s’efforcent de contourner la sectorisation. L’École s’efforce de corriger ces inégalités dont elle n’est pas la cause par la mise en œuvre de politiques et des pratiques dont il importe de mesurer l’efficacité : • Promouvoir la mixité sociale par la sectorisation et les classes hétérogènes apparaît comme nécessaire si l’on veut éviter que ne se creusent les inégalités résultant des « ghettos » socio-économiques et culturels. La sectorisation, mise en place à partir de 1963, se caractérise par un découpage du territoire français en un certain nombre de zones de recrutement pour chaque établissement secondaire ; l’élève dépend d’une zone de rattachement selon son lieu de domiciliation et n’a donc pas le choix de son établissement. Depuis 1984, on a tenté de l’assouplir afin de faire une place à la liberté de choix des familles et de ne pas laisser ce privilège aux plus favorisées ; les politiques oscillent entre cette exigence d’égalité dans la liberté et le souci d’éviter par la contrainte de laisser se creuser les différences entre établissements. La pratique des classes de niveaux hétérogènes se fonde sur le constat que les élèves défavorisés sont « tirés vers le haut » par les meilleurs élèves, sans pour autant nuire réellement à la progression de ces derniers. Le risque souvent dénoncé de « nivellement par le bas » ne peut probablement être pallié que dans la mesure où l’hétérogénéité n’est pas excessive.

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• La mise en œuvre d’une politique territoriale de discrimination positive avec en particulier la création en juillet 1981 par le ministre Alain Savary des zones d’éducation prioritaires (ZEP) a donné une orientation nouvelle à la politique éducative. Cette politique fut consolidée en 1990 puis en 1997, avec notamment une augmentation du nombre de ZEP – porté de 355 à 708 (rentrée 2002). L’évaluation de la politique des ZEP est nécessaire, en raison de son originalité d’abord – il s’agit de la première expérience de discrimination positive appliquée à des groupes sociaux considérés comme tels -, mais aussi de son coût – on estime qu’un élève de ZEP coûte en moyenne 10 à 15 % de plus à l’Etat qu’un élève ordinaire. Elle est toutefois très difficile : est-il possible de mesurer tous les résultats obtenus ? L’approche qualitative est ici requise, dans la mesure où elle fait apparaître des facteurs d’efficacité : stabilité et solidarité des maîtres, qualité de la relation avec les élèves et leurs familles, priorité donnée à la transmission des savoirs scolaires de base. Le risque existe de créer une École à part, qui réduise – consciemment ou non – le niveau d’exigence afin de s’adapter aux élèves : en ce cas l’égalité des chances pour les individus d’accéder à l’élite scolaire pâtirait de la discrimination positive envers le groupe social. L’École française ne développe pas cette pratique américaine – le « busing » – qui consiste à « sortir » un élève que l’on veut promouvoir de son établissement, considéré comme un environnement défavorable, afin de le placer dans un établissement jugé plus « performant ». • Parmi les facteurs qui conditionnent la réussite scolaire des élèves, les plus déterminants sont sans doute la pédagogie du maître et la politique de l’établissement – un climat ordonné par exemple, avec une discipline minimale, rend possible le progrès des élèves. En dépit des efforts qui ont été mis en œuvre en ce sens ces dernières années, les élèves défavorisés ne sont pas toujours devant les enseignants et dans les établissements qui seraient les plus adaptés à leurs besoins. On peut à cet égard considérer qu’ils sont loin de bénéficier des conditions susceptibles de compenser leur handicap socioculturel. • L’orientation fait partie des facteurs qu’une politique éducative soucieuse de justice doit prendre en compte. Que les élèves soient orientés en fonction de leurs résultats scolaires est juste en soi. Le milieu social d’origine, le fait d’être une fille ou un garçon influencent aussi, certes de façon seconde, l’orientation d’un élève, et par conséquent la suite de ses études : à niveau égal, les orientations et les études ne sont donc pas nécessairement égales. • La formation continue, après l’interruption des études, n’est malheureusement pas suffisamment développée et valorisée. Elle constitue pourtant un levier important de la réalisation de l’idéal de justice. D’une part, elle devrait permettre de ne pas abandonner à leur sort ceux qui ont connu l’échec scolaire durant leur jeunesse et qui, sortis du système éducatif sans diplôme ou sans qualification – ils sont environ 100 000 chaque année – sont en situation de grande précarité sociale. Elle pourrait en outre conduire à élargir l’égalité des chances en évitant que la place et le destin social de chacun soient fixés au moment de l’obtention du diplôme de fin de formation initiale, à l’âge où l’individu prend réellement conscience de sa liberté et de sa position dans la société.

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• L’aide matérielle et financière à la scolarité accordée aux élèves du second degré et à leurs familles permet de répondre soit à des situations durables de précarité (les bourses, notamment les bourses au mérite), soit à des situations de difficultés ponctuelles (les fonds sociaux, créés entre 1991 et 1997). Ces dispositifs sont complétés par l’allocation de rentrée scolaire et par l’intervention des collectivités territoriales ; certaines régions ont par exemple pris l’initiative (en voie de généralisation) de fournir gratuitement (en totalité ou en partie) les manuels scolaires des lycéens.

3. Questions possibles

• Par quels dispositifs l’École peut-elle concilier la promotion par le mérite et la nécessité de donner à tous une culture de base : classes hétérogènes, classes par niveau, groupes d’aide et de soutien, autres ?

• De quelles manières mettre en œuvre concrètement la volonté de « donner plus à ceux qui ont moins » ?

• Faut-il laisser les parents choisir l’établissement scolaire de leurs enfants ? • L’égalité devant le droit à l’éducation implique-t-elle l’identité des méthodes et des

moyens (qualitatifs et quantitatifs) ou exige-t-elle au contraire leur diversité ? • Faut-il considérer la sectorisation comme juste tant qu’elle garantit la mixité sociale,

ou bien, au contraire, comme injuste, dans la mesure où elle renforce le risque de « ghetto » et creuse les inégalités entre établissements ?

• Faut-il, pour promouvoir l’ascension sociale, permettre aux meilleurs élèves des établissements des périphéries, de poursuivre leurs études dans les grands établissements des centres villes, ou bien faut-il au contraire les maintenir dans leurs établissements pour éviter que ne se creusent davantage les inégalités territoriales ?

• Quel degré d’hétérogénéité dans les classes peut permettre de garantir à la fois l’égalité et l’efficacité ?

• Une autonomie accrue des établissements serait-elle une source d’inégalités ou, au contraire pourrait-elle contribuer à les réduire ?

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n° 04 Sujet – Faut-il partager autrement l’éducation entre jeunesse et âge adulte et impliquer davantage le monde du travail ? Mots clés associés au sujet : formation initiale – formation différée ; éducation par le travail ; formation tout au long de la vie ; artisanat, entreprises et administrations ; validation des acquis de l’expérience

1. Définition du sujet

Dans un monde en constante mutation, où chacun sera amené à changer d’emploi plusieurs fois dans sa vie, où l’entrée dans la vie active et sa sortie posent de délicats problèmes de transition, la formation ne peut être réservée à la première période de la vie. L’idée d’une formation tout au long de la vie s’accorde avec la conception moderne et républicaine de l’éducation, qui fonde celle-ci sur le refus de fixer des limites au pouvoir qu’a l’homme de se perfectionner. Bien entendu la problématique de la « formation » renvoie davantage à l’idée d’une acquisition utilitaire de compétences qu’au projet personnel de développement culturel, mais ces deux dimensions éducatives ne sont pas nécessairement exclusives l’une de l’autre et peuvent même se renforcer mutuellement. La formation continuée au delà de la formation initiale n’a pas encore acquis un crédit suffisant dans notre pays. Il va de soi pour tous, à juste raison, que la carrière sociale d’un individu est largement conditionnée par le diplôme qui ponctue sa formation initiale. Raison pour laquelle la politique éducative a privilégié jusqu’à présent l’allongement de la période de formation initiale comme moyen de parvenir à élever le niveau de culture et de qualification du plus grand nombre. Plusieurs raisons plaident cependant en faveur d’un nouveau partage entre formation initiale et formation continue – nouveau partage qui supposerait une réelle promotion de cette dernière :

• D’abord, compte tenu de l’inégalité des chances existante d’accéder aux meilleures écoles et aux diplômes qu’elles délivrent, l’idéal de justice commande de tout mettre en œuvre pour que les destins sociaux ne soient pas fixés dès l’arrivée à l’âge d’homme, au moment où l’individu prend réellement conscience de sa liberté et de sa position dans la société.

• L’idéal de justice commande également de ne pas abandonner à leur sort ceux qui ont

connu l’échec scolaire durant leur jeunesse et qui, sortis du système éducatif sans

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diplôme ou sans qualification – ils sont environ 100 000 chaque année – sont en situation de grande précarité sociale.

• Une sortie plus précoce du système éducatif en cas de difficulté scolaire, à la condition

qu’une véritable formation ultérieure puisse prendre le relais après un passage dans le monde du travail, peut au final être préférable pour l’individu concerné. Il importe peut-être davantage d’obtenir un niveau de qualification peu élevé, mais suffisant pour espérer tirer profit d’une formation ultérieure, que d’accumuler du retard scolaire et de prolonger le temps passé dans des études générales incertaines. A cet égard, il pourrait sembler plus souhaitable de garantir un ou deux ans de formation différée plutôt que d’allonger la durée de la scolarité obligatoire en formation initiale.

2. État des lieux La scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans en droit, mais 80% des jeunes d’une tranche d’âge sont encore scolarisés à 18 ans, 50% à 20 ans. Repousser l’âge de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans au moins ne constituerait donc pas une mesure irréaliste. On peut toutefois se demander si cela est souhaitable. Pour la Nation, l’intérêt d’allonger la durée de la scolarité est de conduire davantage de jeunes vers des niveaux de qualification qui devraient théoriquement favoriser leur intégration sur le marché du travail et leur capacité d’adaptation ultérieure. Pour la plupart des jeunes, sans projet précis et redoutant de se laisser enfermer trop tôt dans un mode de vie contraignant, cela répond au désir de différer le moment du choix et à l’espoir de s’ouvrir un avenir professionnel meilleur grâce aux diplômes. L’analyse critique des conséquences de la seconde explosion scolaire, dans les années 90, fait toutefois apparaître quelques effets pervers de l’allongement de la durée moyenne des études : le développement de l’orientation négative discrédite la voie professionnelle aux yeux d’élèves qui saisissent l’opportunité offerte de s’engager dans la voie générale sans toujours disposer du niveau suffisant pour y réussir ; les diplômes, tout en protégeant bien du chômage, ne conduisent pas toujours à des emplois stables ou valorisés, ce qui induit des déceptions, notamment dans les familles populaires, lorsque l’on réalise qu’un investissement scolaire coûteux ne s’accompagne pas en retour de la réussite sociale espérée. La loi d’orientation de 1989, en fixant pour horizon l’objectif de 100% d’une classe d’âge au niveau minimum du CAP, dont 80% au niveau du baccalauréat, impulsait et accompagnait tout à la fois le mouvement d’allongement de la durée de la formation initiale. Il s’agissait alors de combler le retard français en la matière avec en arrière-fond l’idée selon laquelle la nouvelle économie du savoir ne permettrait plus aux entreprises d’embaucher au-dessous du niveau du Bac. En réalité les enquêtes prospectives conduites depuis donnent plutôt lieu de penser que si le niveau global de qualification de l’emploi devrait continuer de croître, cela n’exclut pas des créations importantes d’emplois peu qualifiés. Il est même possible, à cet égard, que l’objectif des 80% se révèle contre-productif, dans la mesure où il conduit à dévaloriser le niveau BEP – CAP qui devrait pouvoir suffire à réussir, y compris dans le futur, une première insertion dans la vie active. En effet, à niveau de diplôme donné, la qualification

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des emplois occupés lors de l’insertion a tendance à glisser vers le bas. Ainsi, entre 1991 et 1998, la part des emplois d’ouvriers ou d’employés non qualifiés est passée de 28% à 40% pour les jeunes en phase d’insertion (les cinq années qui suivent la fin de formation) et titulaires d’un CAP ou d’un BEP, et de 10% à 30% pour les bacheliers. Alors que le taux d’obtention du bac semble s’être stabilisé autour de 62% d’une classe d’âge, l’attention se focalise aujourd’hui sur les jeunes sortant du système éducatif sans aucune qualification et qui se trouvent par là même condamnés – ce qui sera toujours vrai dans les prochaines décennies – à ne pas pouvoir s’insérer dans notre économie (et notre société) ; il importe de réfléchir aux différents dispositifs susceptibles de les conduire à sortir de cette exclusion quasi inéluctable. Parmi les hypothèses que l’on peut soumettre au débat, celle d’un nouveau partage entre la formation initiale et la formation continue mérite d’être examinée. On peut en effet se demander par exemple s’il ne faudrait pas renforcer le brevet comme diplôme de fin d’études obligatoires plutôt que de transférer ce rôle au Bac, et envisager en revanche d’instaurer un véritable droit à une formation différée. Il y a là matière à un choix déterminant pour l’avenir de l’École : faut-il poursuivre la tendance à l’allongement de la durée de la formation initiale ou bien faut-il définir un nouvel équilibre entre formation initiale et formation permanente en conférant à celle-ci une véritable crédibilité ? Auquel cas la nécessaire augmentation de la formation des personnes (comme citoyens et comme salariés) devrait se réaliser surtout par le biais de la formation tout au long de la vie. Le déficit de crédit qui affecte la formation continue telle qu’elle est aujourd’hui conçue – même si elle est très répandue, plus que dans beaucoup de pays européens, puisque environ 25% des salariés suivent au moins une formation dans l’année – tient à plusieurs causes :

• Le dispositif actuel de la formation professionnelle continue est marqué par une complexité liée à la multitude des acteurs impliqués (différents prescripteurs, publics et prestataires).

• La formation reçue n’a pas la même valeur en embauche, en salaire et en carrière

lorsqu’elle est reçue en formation initiale et en formation continue.

• La formation continue ne fait pas encore l’objet d’un véritable droit à une formation longue qui serait assorti de la garantie du retour dans l’entreprise. La formation-adaptation, qui se règle sur le temps économique (un horizon de quelques semaines à quelques mois) dicté par l’évolution des marchés et des technologies, prime sur la formation-qualification, qui requiert des mois et des années afin de laisser à l’adulte le temps d’acquérir une véritable nouvelle qualification – dispositif qui serait plus favorable aux adultes les plus en difficulté.

• La formation continue ne débouche que rarement sur des diplômes, ce qui devrait

pourtant être exigé si l’on souhaite qu’elle puisse constituer une alternative réelle à la formation initiale. La validation des acquis de l’expérience (VAE) constitue à cet égard une évolution culturelle sans précédent. Reconnaître que l’activité

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Faut-il partager autrement l’éducation entre jeunesse et âge adulte et impliquer davantage le monde du travail ?

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professionnelle et sociale est génératrice de compétences reconnues dans les référentiels des diplômes nationaux est très novateur dans la société française. La VAE valorise les acquis individuels et peut réduire de façon significative la durée de la formation complémentaire pour l’obtention d’une certification.

Promouvoir la formation tout au long de la vie apparaît comme le moyen de donner aux individus de nouvelles chances, soit de s’insérer, soit de progresser socialement. La formation continue « deuxième chance » reste cependant un mythe, ce qui induit vis-à-vis du système éducatif une forte demande sociale de formation et de qualification des jeunes en formation initiale. En 2000, la durée moyenne de formation continue était de 14 heures – soit l’équivalent de deux jours – pour 6 millions de stagiaires salariés, soit le quart de la population active occupée. L’espérance de formation du salarié, calculée dans ces conditions, est de vingt jours sur l’ensemble de sa carrière. On constate de surcroît une forte inégalité des taux d’accès à la formation entre les catégories socioprofessionnelles : les mieux formés en formation initiale sont plus nombreux à bénéficier d’une formation complémentaire.

3. Questions possibles • Est-il préférable d’allonger la durée de la scolarité obligatoire ou bien de favoriser

la reprise des études après leur interruption ? • Faut-il donner plus d’importance à l’expérience professionnelle pour l’obtention des

diplômes ? • Faut-il – et si oui comment – accroître le rôle de l’entreprise dans la socialisation et

l’éducation des jeunes ? • Faut-il donner à tous les mêmes droits d’accès à la formation continue ou bien faut-il

donner davantage de droits à ceux dont la formation initiale est insuffisante ? • Y a-t-il des domaines de connaissances et de compétences pour lesquels on peut

considérer qu’un apprentissage après une expérience professionnelle serait plus efficace que pendant la formation initiale ?

• Faut-il développer l’apprentissage et les autres formations en alternance, ce qui supposerait une implication beaucoup plus forte des employeurs privés et publics ?

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Domaine – Définir les missions de l’École Fiche n°05

Sujet – Quel socle commun de connaissances, de compétences et de règles de comportement, les élèves doivent-ils prioritairement maîtriser au terme de chaque étape de la scolarité obligatoire ? Mots clés associés au sujet : programmes ; diversité des élèves ; culture commune ; culture scientifique et technologique ; langues étrangères ; évaluation

1. Définition du sujet « L'objectif n'est pas d'embrasser tout ce qu'il est possible de savoir, mais de bien apprendre ce qu'il n'est pas permis d'ignorer » C'est par cette formule cardinale que l'objectif de l'école obligatoire a été défini il y a plus d'un siècle. La définition contemporaine de « ce qu'il n'est pas permis d'ignorer » reste un des enjeux majeur de la scolarité obligatoire de notre temps. Il s'agit d'achever ce qui avait été envisagé par le promoteur du collège unique, le Président Giscard d'Estaing, à savoir selon ses propres termes : « la définition d'un savoir commun, variable avec le temps et exprimant notre civilisation particulière ». Ce savoir commun définit un signe d'appartenance social et un code d'interprétation du monde. La question de la mise à jour des connaissances, des compétences, des règles de comportement de base que tout élève doit avoir acquises à l'issue de la scolarité obligatoire suppose de s'assurer que la palette des savoirs et l'éventail des disciplines définis dans les programmes sont bien adaptés à notre temps et aux prochaines décennies, puisque l’École forme les jeunes pour l’avenir. De nombreux experts constatent l'absence marquante des questions touchant aux relations sociales (économie, droit, sciences politiques, psychologie ou sociologie par exemple). Il en est d'autres pour relever la place marginale de la technologie ou des disciplines artistiques. Une diversification accrue engage avec d'autant plus de détermination à préciser ce qui peut être fondamental dans les apports de chaque discipline retenue. Ce travail de mise à jour ne peut être déconnecté d'une réflexion sur la définition de la scolarité obligatoire de notre temps, qui relève à la fois du primaire et du secondaire, et d’une réflexion simultanée sur la progression des apprentissages entre l’école élémentaire et le collège. L'évaluation régulière des acquis des élèves pourra attester de la maîtrise des fondamentaux et réguler ainsi la fluidité des parcours.

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Quel socle commun de connaissances, de compétences et de règles de comportement, les élèves doivent-ils prioritairement maîtriser au terme de chaque étape de la scolarité obligatoire ?

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Ce sujet impose en outre de s'interroger sur le processus de définition d'un socle de connaissances, de compétences et de règles de comportement. Les experts et les professionnels des enseignements scolaire et supérieur ont vraisemblablement vocation à éclairer le débat en amont et en aval, leur engagement est indispensable pour rendre les décisions prises opératoires. Le sujet relève cependant essentiellement du débat public et démocratique, puis d'un choix politique au sens fort du terme. En tout état de cause, sans bases solides acquises à tous les niveaux de la scolarité obligatoire, la réussite scolaire est hypothéquée, les chances de réussir plus tard dans la vie professionnelle et sa vie d’adulte sont amoindries. Le tissu économique ne peut plus aujourd’hui absorber ni intégrer des jeunes sans aucune qualification et qui manquent de bases indispensables. L’élévation du niveau de qualification constitue un enjeu économique et social majeur pour notre pays : une étude récente du BIPE montre que la France devra former à l’horizon 2010 entre 66 et 75% de bacheliers au lieu de 62% actuellement, et 22% d’étudiants à bac+2, au lieu de 18%. L’atteinte d’un tel objectif suppose que soient d’abord correctement maîtrisées un certain nombre de bases.

2. État des lieux La définition des connaissances, compétences et règles de comportement de base que tous les élèves doivent maîtriser à l'issue de la scolarité obligatoire devrait figurer de manière explicite dans les programmes des différents niveaux d'enseignement et des différentes disciplines. Les évaluations nationales pratiquées à l'entrée de la deuxième année du cours élémentaire et de la classe de sixième mesurent un certain nombre d'acquis et, sous une autre forme, le brevet des collèges valide les acquis des élèves à l'issue du premier cycle du second degré. Les programmes ont été souvent modifiés au cours des vingt dernières années, preuve d'une volonté de mise à jour de la « culture scolaire ». L'introduction de l'étude d'une langue vivante à l'école élémentaire ou celle des sciences économiques et sociales au lycée vont dans le même sens. De nombreux dispositifs pédagogiques nouveaux (itinéraires de découverte, travaux personnels encadrés, par exemple) cherchent, de manière souvent transversale, à faciliter l'acquisition par les élèves de nouvelles compétences telles l'autonomie ou l'usage des techniques documentaires. Le Conseil national des programmes a défini et diffusé récemment dans l’ouvrage « Qu’apprend-on au collège » (2002) le socle commun à partir de pôles disciplinaires qui regroupent chacun plusieurs disciplines particulières : la maîtrise des langages, la culture des humanités, la culture scientifique et technique. La maîtrise des langages vise « l’acquisition de compétences instrumentales dans les langages fondamentaux (français, langue vivante, mathématiques et technologies de l’information et de la communication, arts, éducation physique et sportive), dont tous les élèves auront besoin pour atteindre une réelle autonomie d’expression ». La culture des humanités est renouvelée : « on demande au collégien de connaître les grands repères de l’histoire des hommes et des

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territoires, d’avoir lu quelques grandes œuvres de la littérature française et mondiale, de découvrir des cultures et des civilisations étrangères, d’acquérir de grandes références culturelles et historiques dans le domaine des arts et dans celui des sciences et techniques ». La vocation du pôle culture scientifique et technique est « de rendre plus intelligible la nature et la technique, d’aider les élèves à construire une vision objective du monde et de les familiariser avec les démarches expérimentales et technologiques ». Par ailleurs, ce socle est fondé sur des valeurs partagées telles la laïcité. Il s’agit de la définition de l’école du citoyen qui transmet les valeurs fondamentales de la République. L’acquisition de ce socle s’appuie sur une autorité repensée et fondée sur un contrat et sur une éducation à la responsabilité. La question des savoirs de base fait cependant toujours l'objet d'interrogations récurrentes. De nombreux documents d'accompagnement et injonctions ministérielles, particulièrement à l'occasion de la définition des épreuves des examens, demandent aux enseignants de privilégier ce qui est « essentiel ». Le discours officiel reprend alors le trouble que connaissent les maîtres placés dans une situation de double contrainte : celle des élèves dans ce qui leur est accessible dans un temps imparti et celle des programmes obligatoires. Les résultats des évaluations des élèves confortent ce constat. La distance entre les objectifs affichés et la réalité des savoirs maîtrisés trouve sa source dans l'histoire de la construction progressive du collège unique, dans celle de la sédimentation progressive des disciplines ainsi que dans les modalités d'élaboration des programmes. Quelques éléments d’évaluation doivent être rappelés, car ils peuvent guider dans la priorité des choix à faire, même si la réflexion sur les connaissances, compétences et règles de comportements de base souhaitables ne saurait se fonder uniquement sur ces éléments. De l’ordre de 15% des élèves entrent en sixième sans maîtriser les bases de la lecture, et en calcul, la proportion est un peu supérieure. Ces proportions évoluent peu depuis dix ans, ce qui signifie que la maîtrise de ces deux savoirs fondamentaux a cessé de progresser. A la fin du collège, selon les évaluations qui ont été faites dans les vingt dernières années, les collégiens maîtrisent moins bien que durant les années quatre-vingt les mécanismes de la langue française, mieux l’anglais et moins bien l’allemand, mieux les mathématiques, les sciences biologiques et l’histoire–géographie. Par ailleurs, par rapport à ceux des autres pays, les collégiens français maîtrisent assez bien leur langue maternelle et les mathématiques (même si nous sommes devancés par un certain nombre de pays), mais maîtrisent mal les sciences (physiques et biologiques). D’autre part, en matière de comportement, les collégiens et les lycéens deviennent plus tolérants à l’égard des différences en vieillissant, mais en revanche, leur respect des règles de vie commune se dégrade entre la 6ème, la 3ème et la classe de terminale. Il est probable que sur cet aspect, c’est-à-dire sur la formation du futur adulte connaissant et respectant ses droits et ses devoirs, les résultats de l’École se sont dégradés aux cours des vingt dernières années. Le travail sur la définition des « fondamentaux » de l'école obligatoire n'est qu'amorcé. Quelles connaissances, quelles compétences et quelles règles de conduites voulons-nous pour tous et pour chacun ?

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3. Questions possibles

• Quelles sont les matières fondamentales ? • Quels sont les savoirs qui doivent être acquis à l’issue de l’école primaire

et du collège ? comment s’assurer de leur maîtrise? • Comment définir et faire approuver le contenu du socle commun ? • Comment enseigner le français à l’école et au collège pour que les élèves le

maîtrisent davantage ? • Comment enseigner les sciences et les mathématiques à l’école et au

collège pour que les élèves les maîtrisent davantage ? • Faut-il réaménager l’enseignement des langues vivantes ? • Faut-il introduire un volet de travail manuel et technique dans le socle

commun ? • La maîtrise de l’anglais doit-elle être une compétence obligatoire ? • Comment l’École peut-elle éduquer au respect (respect de soi, d’autrui, des

règles communes à tous) ? • Comment répartir l’enseignement des matières fondamentales entre l’école

primaire et le collège ? • Le brevet des collèges doit-il valider l’acquisition du socle de connaissances et

de compétences ? Son obtention doit-elle conditionner la poursuite des études ?

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Domaine – Définir les missions de l’École Fiche n°06

Sujet – Comment l’École doit-elle s’adapter à la diversité des élèves ? Mots clés associés au sujet : collège unique ; lycée ; orientation ; niveau ; rythmes ; parcours différenciés ; hiérarchie des filières ; diversification des filières d’excellence ; enseignement agricole

1. Définition du sujet

L’École doit concilier deux exigences qui peuvent paraître contradictoires : transmettre à tous une culture de base et diversifier les voies de formation. Cela importe bien entendu à la Nation : l’élévation générale du niveau de culture et de qualification ainsi que la variété des talents et des compétences sont également nécessaires à notre économie. Mais l’École est aussi au service de la personne : elle doit à la fois lui donner les moyens d’échapper à un destin déterminé à l’avance par ses origines tout en lui permettant de trouver une voie de réalisation conforme à ses aspirations ; pour atteindre le premier objectif l’École doit maintenir le plus longtemps possible les élèves dans une voie unique – de manière à ce que tous disposent du niveau de culture suffisant pour garantir l’égalité des chances d’accéder à toutes les positions sociales –, mais pour s’adapter à la diversité des goûts et des formes d’intelligence, il faut qu’elle leur propose une pluralité de parcours et de voies de réussite. La scolarité de tout élève connaît donc deux grandes époques : il y a le temps de l’école unique où il suit un enseignement général, commun à tous, puis le temps de l’orientation où, dans le meilleur des cas, la spécialisation dans laquelle il s’engage correspond à ses goûts et à ses projets. C’est au niveau de l’enseignement secondaire que la transition s’opère : c’est en passant du collège au lycée que l’on quitte la voie unique pour s’engager dans une voie de formation différenciée. L’école élémentaire, le collège et le lycée sont confrontés, à chaque fois de manière spécifique, à la nécessité de marier unité et diversité. A l’école élémentaire la question est de déterminer comment et dans quelle mesure il faut diversifier ou personnaliser les méthodes et les rythmes d’apprentissage de manière à conduire tous les enfants – scolarisés ensemble – à un résultat à peu près identique. Au lycée les élèves sont déjà engagés dans une voie spécifique et le problème est de pallier les inconvénients de la spécialisation, de l’irréversibilité de l’orientation, voire – si toutefois on juge cela souhaitable et possible – de la hiérarchisation des voies et des filières. Le cas du collège est particulier : on peut le considérer comme le prolongement de l’école élémentaire dans la mesure où il lui faut, au sein d’un cadre commun, s’assurer de la maîtrise par tous d’un socle culturel ; scolarisant tous les enfants jusqu’au terme de la scolarité obligatoire, le collège pourrait être considéré à cet égard comme étant à lui-même sa propre fin. Mais il faut faire le constat que le collège ne marque

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pas la fin des études ; la presque totalité des sorties du système éducatif se produisent au-delà du collège (notamment en première année de CAP ou de BEP). Au collège il s’agit donc aussi, et peut-être avant tout, de préparer l’avenir des élèves : leur orientation, leur poursuite d’études et leur insertion professionnelle. Face à ces incertitudes quant à la mission réelle du collège – ou face à cette pluralité de missions – on peut s’interroger sur la nature et sur la place de la diversification qu’il convient d’aménager en son sein.

2. État des lieux La question de la diversification se pose différemment au collège et au lycée : au collège, il s’agit d’instituer des parcours différenciés pour conduire tous les élèves à l’acquisition d’une culture de base en les préparant à l’orientation, tandis qu’au lycée le problème posé est celui de l’équivalence des voies et des filières dans le cadre d’un système qui tend, jusqu’à présent, à les hiérarchiser. Enseignement de la culture commune et diversification des parcours au sein du collège La réforme Berthoin qui porta l’âge de la scolarité obligatoire à 16 ans – décidée en 1959 mais qui entra dans les faits en 1967 seulement – puis surtout la réforme du collège unique, en 1975, qui fit disparaître les filières dans le premier cycle de l’enseignement secondaire et fut prolongée, plus récemment, par la disparition du palier d’orientation à la fin de la cinquième sont à l’origine d’une série de problèmes auxquels l’institution scolaire n’est pas parvenue jusqu’à aujourd’hui à apporter une solution satisfaisante. Prolonger l’enseignement commun à tous les enfants d’une classe d’âge bien au-delà de l’école primaire répondait pourtant à une triple exigence d’unité nationale, d’efficacité économique et de justice sociale : l’élévation du niveau de culture et de qualification des individus correspond à l’exigence d’intégration culturelle et de compétences réflexives et critiques d’une nation démocratique ainsi qu’aux besoins d’une économie moderne fondée sur le savoir ; la mise en place d’une offre éducative large donne à tous les mêmes chances d’accéder à la réussite scolaire, et par suite sociale. Mais cet enseignement commun souhaitable est difficile à mettre en œuvre dans la mesure où il s’agit, au collège, d’accueillir des élèves dont le niveau scolaire s’est déjà fortement différencié après plusieurs années passées à l’école primaire. La tension entre, d’une part, un idéal démocratique et républicain difficilement contestable et d’autre part, des modalités de réalisation incertaines et mal maîtrisées est à l’origine des débats, parfois polémiques, autour du « collège unique ». C’est la cohérence même de « l’enseignement secondaire », et la fonction du collège en son sein, qui sont en cause : l’enseignement au collège doit-il être conçu comme le prolongement de l’école primaire et avoir pour ambition l’acquisition par tous les élèves d’un socle commun de connaissances, de compétences, et de règles de comportement de base ou bien faut-il le considérer comme la phase préparatoire du lycée et des études

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conduisant au baccalauréat ? Les professeurs en collège doivent à la fois considérer que leur enseignement est à lui-même sa propre fin – puisqu’il conduit au terme de la scolarité obligatoire – tout en conservant à l’esprit qu’il leur faut élever les collégiens qui en sont capables au niveau requis pour continuer des études au sein du lycée. Dans la mesure où il leur faut veiller à faire acquérir à tous les élèves les contenus qui sont au programme du collège, leur attention doit avant tout porter sur ceux qui sont en difficulté et qui parfois n’ont pas même réussi leur apprentissage de la lecture et de l’écriture ; mais puisqu’ils ont aussi pour devoir de garantir la transmission des connaissances et des compétences qui devront être acquises pour réussir des études dans le cadre du lycée, notamment général, il leur faut soutenir un rythme de progression que ne peuvent suivre les plus faibles. Non seulement cette double contrainte est source de mauvaise conscience – on ne peut poursuivre l’un des objectifs sans négliger l’autre – mais la présence dans les classes de jeunes adolescents humiliés par leur situation d’échec scolaire, qui perturbent sciemment la sérénité des cours, rend le métier d’enseignant difficile, voire impossible. L’institution a tenté de remédier à ces difficultés au cours de ces dernières années, sans toutefois mettre en cause l’ambition de réunir tous les enfants dans la même école jusqu’au terme de la scolarité obligatoire. La solution de principe consiste à différencier les parcours en fonction des difficultés et des formes d’intelligence des élèves afin de parvenir au but commun, l’acquisition d’une culture de base identique pour tous. Pour cela une variété dispositifs, dont le statut est très divers, et dont l’efficacité reste souvent à évaluer, ont commencé à être mis en place : - Les dispositifs relais : les classes et les ateliers relais permettent un accueil temporaire adapté des collégiens en risque de marginalisation scolaire. Ils ont pour objectif de favoriser la rescolarisation et la resocialisation des élèves. L’internat relais vient compléter le dispositif pour prendre en charge les élèves en situation de pré-délinquance. - Les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) : les élèves (environ 28 000 chaque année) qui, à la fin de l’école élémentaire, connaissent les plus lourdes difficultés, sont scolarisés en SEGPA. L’objectif est de permettre aux élèves en grande difficulté d’atteindre le niveau BEP-CAP, afin de répondre à l’ambition affichée par la loi d’orientation de 1989. - Les itinéraires de découverte (IDD): organisés à raison de deux heures par semaine et faisant intervenir au moins deux enseignants de disciplines différentes sur un même thème, les IDD couvrent quatre domaines : la nature et le corps humain, les arts et les humanités, les langues et les civilisations, la création et les techniques. Sur l’ensemble du cycle 5e – 4e, les élèves réaliseront au total quatre itinéraires de découverte d’environ douze semaines chacun. L’ambition du dispositif est non seulement de promouvoir l’interdisciplinarité mais aussi de permettre aux élèves de découvrir le domaine d’études qui leur convient le mieux. - L’alternance : il s’agit de dispositifs devant permettre, dès l’âge de 14 ans aux élèves qui le souhaitent, d’alterner scolarisation dans le cadre du collège et stages de découverte des métiers en entreprise ou en lycée professionnel. La question de la prise en compte du niveau scolaire au moment de la composition des classes demeure par ailleurs extrêmement sensible. Elle est avivée du fait que l’ambition de faire acquérir à tous un socle de connaissances et de compétences de base conduit nécessairement à mettre en évidence la différence entre ceux qui peinent à atteindre ce niveau

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culturel de base et ceux qui sont capables de dépasser aisément le savoir minimal exigé. En dépit des mots d’ordre et des dénégations, la répartition des élèves par niveaux subsiste de fait sous plusieurs formes : - L’existence d’options réputées exigeantes (l’allemand, le latin et le grec) permet la constitution de classes « d’élite » au sein du collège, tendance qui se prolonge au lycée général par le biais de la hiérarchisation des filières et du dispositif des « sections européennes ». - Les dispositifs en alternance quand ils existent, les classes de quatrième et troisième technologiques auparavant ont vocation à prendre en charge – même s’ils se fondent sur la libre décision des familles – les élèves qui ne parviennent pas à suivre l’enseignement général délivré au collège. - Les « groupes de besoins » – que l’on évite délibérément de nommer « groupes de niveaux » – consistent pourtant bien à regrouper des élèves en fonction de la faiblesse de leur niveau scolaire. La perspective est dans ce cas celle d’une discrimination positive, qui se veut ponctuelle et réversible. Le débat sur le collège oppose ceux qui redoutent l’effet de ségrégation sociale, les inégalités entre élèves et la baisse du niveau moyen qu’engendre la différenciation par niveaux et ceux pour qui l’enseignement ne peut être efficace qu’à la condition de prendre en compte – fût-ce de manière modérée – le niveau scolaire des élèves dans la composition des classes. Il faut donc poser le problème : le collège démocratique doit-il proscrire absolument la constitution de classes ou de « groupes » en prenant pour critère « le niveau » des élèves ou bien faut-il considérer que cette procédure est nécessairement requise par l’exigence d’efficacité scolaire ? Diversité des formes d’excellence ou hiérarchie des voies et des filières ? Alors que les niveaux qui le précèdent dans le système éducatif sont caractérisés par le brassage des élèves et une logique de tronc commun, le lycée quant à lui, à travers le choix de trois voies distinctes (professionnelle, technologique, générale), organise des parcours conduisant à différents types de baccalauréats. La voie professionnelle mène à plus de 200 CAP (certificats d’aptitude professionnelle), 40 BEP (brevets d’études professionnelles) et plus de 60 baccalauréats professionnels. Ces diplômes sont généralement préparés en deux ans (deux ans pour un CAP ou un BEP, deux ans supplémentaires pour un bac) soit en lycée professionnel (LP) soit par l’apprentissage. La voie technologique prépare les élèves à poursuivre des études supérieures technologiques courtes, en deux ans pour l’essentiel (Sections de Techniciens Supérieurs, Instituts Universitaires Techniques, écoles spécialisées). Elle dispense de manière équilibrée des enseignements généraux et des enseignements technologiques et mène à cinq baccalauréats : STI (sciences et technologies industrielles), STT (sciences et technologies tertiaires), SMS (sciences médico-sociales), STL (sciences et techniques de laboratoire) et TMD (techniques de la musique et de la danse). La voie générale enfin, qui comprend trois séries qui mènent en deux ans (classes de première et de terminale) à trois baccalauréats d’enseignement général, lesquels sont pourvus chacun d’une spécificité, explicitée désormais par leur appellation – le bac Littéraire, le bac Economique et Social et le bac Scientifique – et ont en commun de préparer à la poursuite d’études longues.

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41% des jeunes d’une classe d’âge empruntent aujourd’hui la voie professionnelle, qui les prépare à une insertion professionnelle à la sortie du secondaire, tandis que 58% se dirigent vers les voies générale et technologique et sont plus de neuf sur dix à poursuivre des études supérieures. L’évolution du second cycle de l’enseignement secondaire au cours des dernières décennies est marquée par la « massification », que quelques chiffres suffisent à illustrer : l’accès d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat était passé de 10% à la fin des années cinquante à 30% au début des années soixante-dix ; il a ensuite fortement progressé durant la période 1985-1995 avec la création du baccalauréat professionnel puis l’arrivée massive de lycéens dans les séries générales, pour atteindre 69% – chiffre qui depuis demeure stable. Le taux d’obtention du baccalauréat a suivi cette tendance et s’établit aujourd’hui autour de 63% d’une génération. Le baccalauréat est ainsi devenu une énorme machine : 4000 sujets, 4 millions de copies, 130 000 correcteurs pour 630 000 candidats environ. Examen national, premier grade universitaire depuis l’époque napoléonienne, le baccalauréat est devenu – depuis que l’objectif d’amener 80% d’une classe d’âge à ce niveau a été affiché – le pivot du parcours scolaire dans un contexte d’élévation générale du niveau moyen de culture et de qualification, ce qui entraîne pour conséquence la dévalorisation du brevet des collèges, lequel marque pourtant approximativement la fin de la scolarité obligatoire. Le baccalauréat dissimule en outre une autre réalité : celle de la compétition scolaire au sein des lycées généraux et technologiques. Si le bac professionnel est un diplôme d’insertion professionnelle, les bacs généraux et technologiques introduisent à l’enseignement supérieur, lequel comprend, à côté de la voie universitaire ouverte à tous les bacheliers, un certain nombre de filières sélectives ; cette dualité a irrésistiblement pour effet – et ce en dépit de la volonté politique affichée – une organisation strictement hiérarchisée des différentes séries. La série Scientifique est demandée pour la fonction sélective qu’elle représente, et permet aux élèves qui s’y engagent d’atteindre non seulement les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques, mais aussi les STS et IUT, théoriquement réservés aux élèves des séries technologiques, ainsi que, mais dans une moindre mesure, les classes préparatoires aux grandes écoles littéraires. Dans ces conditions les séries technologiques, et même parfois la série littéraire en viennent à être considérées comme des filières de relégation. En dépit de l’ambition affichée, la réforme de 1992, qui visait à établir une véritable « diversité des voies d’excellence » en renforçant au bac le coefficient fort des disciplines spécifiques à chaque filière, n’est pas parvenu à modifier autant que souhaité l’ordre des choses, même si elle allait dans ce sens. L’orientation, du collège en direction des différentes voies du second cycle de l’enseignement secondaire, s’opère en deux temps et pose le problème de l’articulation entre la prise en compte des goûts et des projets des élèves d’une part, de leur niveau d’autre part. L’orientation a lieu pour l’essentiel à la fin de la classe de troisième au collège. Depuis la réforme de 1992,les élèves qui vont au lycée général et technologique sont accueillis dans une classe de seconde dite « de détermination », qui comprend un tronc commun accompagné de plusieurs options dont l’une a valeur de pré-orientation vers une série du cycle terminal ; l’orientation définitive s’opère à la fin de la classe de seconde. L’orientation, dans un cas comme dans l’autre, est avant tout négative : dans la mesure où elle est étroitement dépendante du niveau scolaire des élèves, seuls les meilleurs peuvent

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choisir leur voie. Quatre critiques sont régulièrement adressées à l’encontre de cet état de fait : l’orientation ainsi conçue ne prend pas suffisamment en compte les goûts et les projets des élèves ; elle n’est pas juste en ce sens qu’elle ne se fonde pas uniquement sur des critères de réussite scolaire, mais subit l’influence de l’origine sociale et du sexe des élèves ; elle entrave le processus d’élévation générale du niveau de culture et de qualification ; elle conduit à la dévalorisation des filières considérées comme hiérarchiquement inférieures au regard des critères de l’évaluation scolaire : dévalorisation de la voie professionnelle en premier lieu, des filières technologiques ensuite, dévalorisation en outre au sein de chacune des voies – en fonction de leur hiérarchie interne -de certaines filières par rapport à d’autres. A ces différentes critiques certains répondent que la prise en compte du niveau de l’élève au moment de l’orientation le préserve de l’échec, et du dégoût qui s’ensuit, durant la suite de sa scolarité. Pour pallier les inconvénients de l’orientation sélective ainsi que ceux de la hiérarchisation des voies et des filières, plusieurs remèdes peuvent être ou ont été envisagés : - Accroître la marge de liberté des élèves et des familles dans les procédures d’orientation. - Cette marge de liberté devrait s’accompagner d’une véritable éducation à l’orientation ; il serait souhaitable que les élèves aient davantage au collège la possibilité de découvrir l’offre de formations qui se présente à eux. - Créer des passerelles au sein des voies de formation, telle que, par exemple, la première d’adaptation en fin de BEP, qui permet de rejoindre la voie technologique. - Renforcer chacune des voies de formation en développant la qualité de l’offre. Le bac professionnel, diplôme conçu comme nécessitant un partenariat fort entre école et entreprise, a connu un fort développement et permet aujourd’hui à 11,5% d’une génération d’obtenir le bac. Il a permis de conserver des effectifs en enseignement professionnel dans les lycées professionnels très proches de ceux de 1970 (environ 700 000 élèves). La rénovation des lycées en 1992 avait entrepris de renforcer les disciplines fondamentales dans chacune des filières de la voie générale afin de lutter contre la tendance à la hiérarchisation, sans grand succès.

3. Questions possibles

• Quelle diversité de rythmes d’apprentissage et de voies proposer aux élèves ? • Les conditions souvent offertes par l’enseignement agricole (petite taille des

établissements, internat, alternance dès la quatrième, large éventail de formations à l’issue de la troisième) peuvent-elles constituer un modèle, notamment pour les élèves en difficulté ?

• Faut-il lutter contre la hiérarchisation des voies et des filières au lycée ? si oui, comment ?

• Faut-il personnaliser les temps d’acquisition des fondamentaux pour chaque élève ?

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Sur le collège

• Faut-il tenir davantage compte du niveau scolaire des élèves pour composer les classes

ou pour concevoir des rythmes d’apprentissages différents ? • Le collège doit-il préparer au lycée ou a-t-il sa fin en lui-même ? • Faut-il proposer des options au collège permettant la valorisation des talents de

chacun ? • Les Itinéraires de découverte répondent-ils à leur vocation de satisfaire à la diversité

des goûts et des talents ? • Faut-il développer l’alternance au collège (avec l’entreprise et le lycée

professionnel) ?

Sur le lycée

• Est-il possible de développer les passerelles entre les voies et les filières de

formation ? • Est-il possible – et si oui par quels procédés – d’établir une équivalence entre les

différentes séries de la voie générale ou bien faut-il se résigner à voir la série S jouer le rôle de filière d’excellence ?

• Faut-il repenser la voie technologique dans ses relations avec la voie générale et la voie professionnelle ?

• Comment expliquer l’ampleur des redoublements et des réorientations en seconde ? • Faut-il plutôt, pour revaloriser la série Littéraire, refonder les humanités (lettres,

sciences humaines, philosophie, langues anciennes) ou renforcer en son sein l’enseignement des langues vivantes ?

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Domaine – Définir les missions de l’École Fiche n°07

Sujet – Comment améliorer la reconnaissance et l’organisation de la voie professionnelle ? Mots clés associés au sujet : liaison école – monde du travail ; alternance ; apprentissage ; lycée professionnel ; orientation ; enseignement agricole

1. Définition du sujet

On constate en France une hiérarchie « historique » entre savoir et savoir-faire, théorie et pratique, concept et application, et bien entendu entre enseignement général et enseignement professionnel. Elle n’est pas aussi marquée chez certains de nos voisins, et parfois même n’existe pas. Au moment de l’orientation « couperet » de fin de troisième, la hiérarchie entre le lycée général et le lycée professionnel est telle que celui-ci est voué à accueillir des élèves qui sont sélectionnés négativement, en raison de leur incapacité à satisfaire les critères scolaires. On s’oriente vers la voie générale, mais lorsqu’il s’agit d’aller en lycée professionnel on est orienté. Cette orientation concerne davantage les élèves issus de milieux sociaux défavorisés. Ce fonctionnement par exclusion génère de grandes difficultés dans les lycées professionnels (violence, désintérêt, absentéisme…), d’autant qu’un nombre important d’élèves vont y suivre des spécialités de formation qu’ils n’ont pas choisies. De plus, on demande à ces jeunes qui ont des difficultés dans les formations générales de définir très tôt un projet professionnel, alors que ceux qui n’ont pas ces difficultés pourront le définir beaucoup plus tard. Comment revaloriser la voie professionnelle aux yeux de l’opinion, des parents d’élèves, des jeunes, des enseignants eux-mêmes ? Bien que tous les gouvernements aient affirmé la nécessité d’y parvenir, la voie professionnelle demeure largement un choix subi, une orientation par défaut, considérée trop souvent comme une formation au rabais, réservée à ceux qui ne peuvent emprunter la voie du baccalauréat général. L’idée selon laquelle la voie professionnelle pourrait représenter un autre parcours de réussite, susceptible de favoriser l’épanouissement des talents et de conduire à une activité professionnelle gratifiante, est loin d’être partagée. Pourtant les transformations dans les métiers nécessitent des compétences professionnelles supérieures à celles qui étaient demandées auparavant. Beaucoup de métiers sont actuellement exercés par des personnes qui vont partir à la retraite et qui s’étaient formées sur le tas. Pour les remplacer, il est nécessaire

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Comment améliorer la reconnaissance et l’organisation de la voie professionnelle ?

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de donner une formation professionnelle de qualité aux jeunes, en formation initiale ou en formation continue.

2. État des lieux Plus d’un million de jeunes sont dans l’enseignement professionnel de niveau secondaire. Ils sont majoritairement dans les lycées professionnels publics et privés de l’éducation nationale (61%), mais aussi dans les lycées professionnels publics et privés de l’agriculture (7%), ou en apprentissage (32%). La voie professionnelle permet à 11,5% d’une génération d’obtenir le bac. Les élèves sortant de CAP ou de BEP dans les filières industrielles bénéficient de bonnes conditions d’insertion, mais peu de jeunes souhaitent s’orienter dans ces filières et notamment très peu de filles. Certains métiers de l’artisanat et du bâtiment ne parviennent d’ailleurs pas à recruter les jeunes qualifiés dont ils ont besoin. Dans le même temps, les abandons en cours de formation sont particulièrement nombreux en lycée professionnel tant en 2nde professionnelle qu’en 1ère année de Bac pro. Les poursuites d’études après un CAP – BEP restent limitées à 50% des jeunes. L’échec est non négligeable : chaque année de l’ordre de 60 000 jeunes (7% d’une génération) quittent l’enseignement sans qualification. L’absentéisme est très important en lycée professionnel, beaucoup plus qu’en collège ou en lycée général et technologique. Les actes de violence y sont également plus nombreux. Les formations par l’apprentissage ont pourtant réussi à transformer leur image et ont vu leurs effectifs progresser jusqu’en 2001, alors que ceux des lycées professionnels suivaient les évolutions démographiques et connaissent une baisse depuis 1998. Il faut du reste s’interroger sur les raisons de ce succès ainsi que sur l’équilibre à définir entre les deux voies de l’enseignement professionnel. Des travaux récents montrent à la fois les difficultés des lycées professionnels mais aussi quelques pistes pour mieux réussir. Tout d’abord, il est nécessaire d’améliorer les procédures d’affectation dans les spécialités en lycée professionnel, car les abandons sont moins fréquents chez les jeunes pour lesquels le premier vœu d’orientation a été satisfait. Il faut ensuite faciliter la reprise d’études des jeunes qui ont abandonné car la plupart souhaitent reprendre une formation. La méconnaissance des métiers est un facteur important du malaise des jeunes de l’enseignement professionnel. L’orientation des filles souffre en particulier de l’image très négative de certains métiers industriels qui, ayant beaucoup évolué, leur sont maintenant plus facilement accessibles et procurent une bonne insertion. Faire présenter les métiers par des anciens élèves, tisser des relations étroites avec le milieu professionnel proche du lycée professionnel, accueillir le public adulte représentent quelques-uns des moyens susceptibles de favoriser la motivation des jeunes et d’améliorer l’image et le fonctionnement du lycée

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Comment améliorer la reconnaissance et l’organisation de la voie professionnelle ?

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professionnel. Développer l’apprentissage peut permettre de diversifier les filières de formation et les statuts proposés aux jeunes. Les liens entre proviseurs, enseignants et milieu professionnel sont également très importants. On retrouve beaucoup de ces éléments dans les conditions nécessaires pour être labellisé ‘lycée des métiers’.

3. Questions possibles

• Comment permettre aux élèves et aux enseignants du collège de mieux connaître les formations professionnelles ?

• Comment améliorer les formations professionnelles et l’efficacité de la coopération entre l’École et l’entreprise ?

• Faut-il introduire un volet de travail manuel et technique dans le socle commun ? • Pour ne plus assimiler l’enseignement professionnel à une voie de relégation,

l’acquisition plus solide, par tous les élèves, d’un socle commun de bases indispensables est-elle un atout ?

• Faut-il proposer, en options ouvertes à tous, des modules professionnels au collège ? • Le système éducatif doit-il s’engager à affecter les élèves dans la spécialité de leur

choix en favorisant ainsi leur réussite scolaire, même si les possibilités d’insertion professionnelle dans le métier préparé sont aléatoires ?

• Faut-il faire appel à des artisans, des ouvriers, des techniciens pour enseigner en lycée professionnel ?

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Domaine – Faire réussir les élèves Fiche

n°08 Sujet – Comment motiver et faire travailler efficacement les élèves ? Mots clés associés au sujet : pédagogie différenciée ; outils pédagogiques ; interdisciplinarité ; sens des programmes ; taille des classes ; cycles ; redoublement

1. Définition du sujet

Lorsqu’ils évoquent les maux dont ils souffrent à l’École, les élèves se plaignent depuis longtemps de l’ennui, de la lourdeur du travail, du manque de communication avec leurs professeurs, de la passivité obligée. Nombre de professeurs se plaignent quant à eux de l’absence de motivation et de travail des élèves, de leur indiscipline ainsi que de leur manque d’appétence pour la culture scolaire ; non sans quelques bonnes raisons : alors qu’autrefois l’élève montrant un excès de zèle par rapport à la participation « normale » aux activités scolaires était traité de « fayot » par ses camarades, dans certaines classes aujourd’hui on utilise les expressions de « bouffon » ou d’ « intello » (les termes ont un sens équivalent) pour désigner l’élève qui réalise simplement un minimum de travail scolaire et s’intéresse un tant soit peu à la vie du cours. Sur fond d’un tel rejet de la culture scolaire, le problème pédagogique de la motivation et de l’incitation au travail devient un enjeu central de la réflexion sur l’École. Le débat sur les méthodes pédagogiques fait toutefois apparaître une tension importante entre les principes de l’autonomie et de l’épanouissement de l’enfant d’une part, qui conduisent à promouvoir les pédagogies actives et ludiques, et d’autre part la référence à l’autorité des savoirs, mobilisée en vue de rappeler la nécessité de l’effort et de la discipline à l’École. Ces deux conceptions pédagogiques ne manquent pas de bons arguments à faire valoir : les uns considèrent que l’efficacité pédagogique exige de partir de l’élève et de ses goûts, qu’elle suppose un minimum de plaisir d’apprendre, que l’École doit s’adapter à une société affranchie de l’autorité traditionnelle – qui connaît en outre de nombreuses mutations économiques, technologiques et culturelles-, qu’il lui faut pour cela justifier le sens des apprentissages aux yeux des élèves et promouvoir des pratiques pédagogiques nouvelles ; les autres rappellent que les jeunes ne peuvent entrer dans le monde des adultes sans découvrir des savoirs et des règles que l’on ne peut inventer soi-même, que l’on ne peut « apprendre à apprendre » sans avoir été préalablement instruit, que les exercices et les sanctions traditionnels ont fait leurs preuves.

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Comment motiver et faire travailler efficacement les élèves ?

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Cette tension conduit à s’interroger sur la possibilité de s’accorder sur les méthodes pédagogiques destinées à faire travailler et progresser les élèves. Peut-on faire le point sur ces méthodes, sur le travail réellement effectué par les élèves au cours de leur scolarité ainsi que sur sa fécondité ? L’institution doit-elle définir de grandes orientations en matière de pédagogie pour les imposer aux enseignants – à travers d’une part la formation qu’ils reçoivent dans les IUFM et l’action de l’inspection d’autre part ? Faut-il, à l’inverse, compte tenu des divergences existantes, conférer aux établissements et aux enseignants une plus grande autonomie en ce domaine ?

2. État des lieux Depuis longtemps, l’institution et les enseignants tentent de lutter contre l’ennui, la passivité et la lourdeur supposée des programmes. L’ouverture de l’école à travers les classes de découvertes dans le premier degré, les voyages et séjours linguistiques et les visites de musées par exemple, attestent de cette volonté de lutter contre la passivité. Au quotidien, les travaux pratiques, les travaux dirigés, les recherches documentaires conduites dans les centres de documentation et d’information sont autant de moments au cours desquels l’élève est plus actif. Les programmes sont régulièrement adaptés à ces évolutions. Au cours de ces dernières décennies, l’institution a, de plus, invité les enseignants à adapter leurs démarches pédagogiques aux besoins des élèves : sous le générique de « pédagogie différenciée » on cherche à trouver des solutions au problème posé par l’hétérogénéité des classes et à celui des goûts et des talents différents des élèves. A côté de l’individualisation des pratiques au sein même de la classe, de nombreux dispositifs ont été soit expérimentés soit généralisés : - les travaux en groupes restreints ; - les études dirigées, dans les écoles et les collèges ; - la « pédagogie du détour » mise en œuvre dans les parcours diversifiés lancés en classe de cinquième en 1998 et très vite abandonnés ; - les « modules » inscrits dans les horaires des classes de seconde des lycées d’enseignement général et technologique en 1992, puis étendus aux classes de premières et aux lycées professionnels ; - l’aide individualisée en seconde à compter de 1998 ; Ces divers dispositifs visent tous à répondre de manière différenciée aux besoins évalués de groupes d’élèves. Leur efficacité n’a cependant pas été totalement démontrée ; innovants dans leur conception, ils ont rencontré réserve ou hostilité de la part d’enseignants peu préparés à changer leurs méthodes et inquiets de constater la réduction des horaires dédiés à l’enseignement des disciplines stricto-sensu. La volonté de donner plus de sens aux apprentissages se traduit par les tentatives d’amélioration des programmes et la promotion de l’interdisciplinarité et du travail de groupe. A la suite de la loi d’orientation de 1989 a ainsi été créée, en 1992, une instance indépendante de réflexion, le Conseil national des programmes (CNP), qui a depuis impulsé

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la rénovation des programmes de l’école maternelle au lycée, en vue de tempérer leur encyclopédisme et leur élitisme. La volonté de donner du sens en établissant des liens entre les disciplines et celle de favoriser l’acquisition de plus d’autonomie transparaissent dans les itinéraires de découverte en classe de cinquième et de quatrième et les travaux personnels encadrés et projets personnels à caractère professionnel des lycées et lycées professionnels. Encore trop récents pour être évalués, ces dispositifs semblent intéresser et motiver les élèves, même si la question de leur validation n’est que partiellement résolue. La sanction et la valorisation tiennent manifestement une place importante dans les motivations des élèves. Faut-il privilégier la sanction – en considérant que la peur de l’échec, la peur du redoublement par exemple, est en mesure d’inciter les élèves à travailler – ou bien faut-il modifier la nature de l’évaluation dans le sens d’une plus grande valorisation de l’élève, de ses efforts ou de ses progrès ? Les conditions du travail scolaire font l’objet de nombreux débats difficiles à trancher. Deux questions sont particulièrement sensibles : celle d’abord des rythmes scolaires, qui porte sur les emplois du temps, le calendrier des vacances et l’organisation de la semaine de travail (débat relatif à la semaine à quatre jours et au problème de la libération du samedi matin). Celle ensuite de la taille des classes : la lourdeur des effectifs des classes conditionne souvent le confort du travail, ne serait-ce que parce qu’il confine les élèves dans un espace réduit qui accentue la sensation de contrainte. La question de l’efficacité de la réduction de la taille des classes doit cependant être posée : est-il plus opportun d’affecter les moyens à l’allègement de l’ensemble des classes ou bien faut-il davantage les consacrer à la mise en place ciblée de groupes à effectifs réduits (aide individualisée, groupes de soutien, enseignement des langues, etc.) ? L’accès à l’information et aux ressources s’est notablement développé ces dernières années, tous les lycées et collèges et de nombreuses écoles primaires disposent aujourd’hui d’un ou de plusieurs centres de ressources (CDI, salles multimédias). Ces nouveaux espaces de travail, complémentaires de la salle de classe, sont devenus indispensables particulièrement pour la réalisation des IDD, des TPE ou des PPCP ; ils complètent les outils pédagogiques traditionnels que l’on trouve sur le marché : les manuels scolaires (gratuits pour les familles, à l’école, au collège et dans les lycées de certaines régions), les cahiers d’activité, les cassettes audio, les cartes murales et les transparents pour retro-projecteurs. A ces outils s’ajoutent ceux conçus au quotidien par les enseignants et en particulier toutes les photocopies qui sont souvent des montages faits à partir des manuels existants. Les manuels ont une double vocation : ils permettent au professeur de disposer d’un support pour son cours et constituent pour les élèves un outil de référence, voire de soutien ; ils ne sont toutefois pas toujours suffisamment compréhensibles pour le non-spécialiste, de sorte que leur maniement est parfois difficile et peut laisser démunis les parents désireux d’aider leurs enfants ainsi que les élèves qui auraient le plus besoin d’en exploiter les ressources. L’utilisation des outils multimédias – de plus en plus fréquente dans le second degré – induit des transformations importantes dans l’organisation pédagogique. L’évaluation de l’apport pédagogique de ces nouveaux outils, à tous les niveaux du système éducatif, constitue un enjeu majeur dans la mesure où elle conditionne les décisions que l’institution devra prendre en ce domaine, notamment en termes de moyens à investir. Est-il exact – comme certains utilisateurs l’avancent – que l’outil informatique

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change l’approche du travail scolaire, favorisant l’implication la concentration et l’apprentissage des élèves ? Permet-il de mieux prendre en compte la diversité des élèves et des situations d’apprentissage ? Le multimédia, qui facilite le décloisonnement des disciplines, apparaît comme très adapté aux démarches pédagogiques inhérentes aux « nouveaux dispositifs » : travaux personnels de l’élève, itinéraires diversifiés, parcours croisés, etc. Si l’on considère qu’il est souhaitable de généraliser l’usage de ces outils multimédias, il convient de s’interroger sur ce qui peut y faire obstacle (difficultés techniques, en particulier liées à la maintenance, mais surtout insuffisance de leur maîtrise par les enseignants). A titre expérimental, existe déjà l’utilisation d’ordinateurs portables individuels sur lesquels ont été installées des versions électroniques de manuels papier : c’est le cas dans le département des Landes où le conseil général a doté 4000 collégiens d’ordinateurs portables depuis la rentrée 2001. 3. Questions possibles

• Les élèves travaillent-ils trop ou pas assez ? • Comment réaffirmer le sens du travail et de l’effort scolaires ? • Comment développer le désir et le plaisir d’apprendre, de connaître, et de

comprendre ? • A quelles conditions le redoublement peut-il être efficace ? • Comment aider les élèves à assimiler réellement ce qu’ils apprennent à l’école

(tutorat, devoirs à l’École, etc.) ? • Faut-il alléger les programmes pour favoriser une meilleure maîtrise des savoirs

par les élèves ? • Dans quelle mesure, et à quelles conditions, l’hétérogénéité des classes favorise-t-

elle le progrès des élèves ? • Faut-il imposer aux établissements et aux enseignants des choix pédagogiques ou

bien faut-il à l’inverse développer leur autonomie en ce domaine ? • Quelle est la " plus value " pédagogique des outils multimédia dans l'éducation ? • Les Itinéraires de découvertes, les Travaux personnels encadrés, les Projets

pluridisciplinaires à caractère professionnel, et d’une manière générale, la recherche documentaire, permettent-ils aux collégiens et aux lycéens de travailler mieux et davantage ?

• Faut-il recourir davantage à l’aide individualisée, aux groupes de soutien, voire à des rythmes d’apprentissage différenciés pour adapter l’enseignement à la diversité de capacité et de maturité des élèves ?

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Domaine – Faire réussir les élèves Fiche

n°09 Sujet – Quelles doivent être les fonctions et les modalités de l’évaluation des élèves, de la notation et des examens ? Mots clés associés au sujet : orientation ; certification ; notes ; brevet ; CAP ; BEP ; baccalauréat

1. Définition du sujet L’évaluation, omniprésente dans les activités et les représentations de tous les acteurs du système éducatif : élèves, enseignants, parents d’élèves, équipes éducatives, est difficile à définir de manière univoque. En effet, quoi de commun entre les examens conditionnant la délivrance de diplômes, la notation des productions orales et écrites au quotidien, ou les synthèses des grandes étapes de l’année scolaire (bulletins de fin de trimestre) ? On voit néanmoins apparaître dans cette énumération les deux grandes fonctions de l’évaluation : sa fonction formative et sa fonction certificative. L’évaluation formative a pour but de donner aux enseignants et aux équipes éducatives des informations sur les acquis des élèves, afin de mieux gérer les apprentissages dans la classe en les comparant à des référentiels fixant les objectifs. Elle est aussi dite critériée dans la mesure où la maîtrise des apprentissages est en général objectivée par des critères. L’évaluation certificative vise à garantir que l’élève a fait la preuve de l’acquisition de compétences et de connaissances correspondant à un parcours scolaire. Cette certification est en général obtenue à la suite d’un examen et concrétisée par la délivrance d’un diplôme. On pourrait dire que c’est le principal produit de l’Éducation Nationale. Les examens de fin de cycle (brevet et baccalauréat) ont gardé toute leur importance dans les parcours scolaires. Ils marquent la fin des cycles scolaires et le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Les diplômes professionnels signent, quant à eux, l’acquisition d’une qualification professionnelle et permettent le passage vers l’emploi ou des formations plus qualifiées. Numériquement parlant, ces examens représentent une somme d’organisation colossale. Par exemple, on rappelle que le baccalauréat, c’est « 4000 sujets, 4 millions de copies, 54 langues vivantes proposées, 130 000 correcteurs pour 630 000 candidats environ. » (Le système éducatif en France). L’évaluation peut être quantitative, les notes chiffrées, ou qualitative : les appréciations, l’analyse des erreurs. Elle est également normative dans la mesure où elle conduit à classer les élèves les uns par rapport aux autres. Elle est enfin sommative lorsqu’on fait le bilan de l’élève aux moments charnières de l’année scolaire, en particulier au collège et au lycée où les résultats disciplinaires sont transformés dans une appréciation d’ensemble. Une part importante de l’évaluation est la transformation des performances en note chiffrée. Il faut souligner que cette note chiffrée est porteuse de plusieurs sens : maîtrise d’un savoir ou

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d’une compétence, classement entre élèves d’une même classe, reconnaissance d’un progrès de l’élève, etc. L’évaluation, au moyen du diplôme, est la preuve vis-à-vis des tiers, en particulier des employeurs, de la réussite, de la maîtrise dans les disciplines enseignées. Par ailleurs, l’évaluation a d’autres fonctions que de piloter les apprentissages et de certifier les connaissances. Elle est également un instrument de régulation du comportement des élèves en général et de communication avec sa famille. Elle a donc, de ce fait, une fonction de socialisation. Il est commode de conduire la réflexion sur l’évaluation en distinguant ses fonctions : formative (l’évaluation dans la classe) ou certificative (les examens).

2. État des lieux

L’évaluation dans la classe Une évaluation formative La fonction pédagogique de l’évaluation formative pour piloter les apprentissages est unanimement reconnue. De quels outils disposent les enseignants pour la mettre en œuvre ? Le Ministère fournit aujourd’hui de nombreux outils pour une évaluation formative ou diagnostique aux principales étapes du parcours scolaire : CE2, 6ème en particulier. Le matériel construit à l’occasion de ces épreuves a été rassemblé pour fournir une banque d’exercices d’évaluation formative accessible via Internet. Mais ces travaux sont limités par rapport à l’ensemble des cycles et des disciplines. Les échelles de notation, le plus souvent de 0 à 10, de 0 à 20, sont-elles bien adaptées à l’évaluation formative ? Le caractère global de la notation ne facilite certainement pas cette fonction d’information sur la progression. Un chiffre unique reflète à la fois la maîtrise du sujet (objet réel de l’évaluation), les qualités d’expression, de présentation, la motivation de l’élève, voire la discipline. Ce phénomène de globalisation est particulièrement saillant dans les matières qui basent tout ou partie de leurs évaluations sur des dissertations. L’utilisation de notations analytiques est, sans doute, également répandue, plus d’ailleurs dans certaines disciplines comme l’éducation physique, mais on aboutit en général à une note unique par agrégation des différents indicateurs. Certaines décisions importantes comme le doublement ou le parcours accéléré d’un cycle sont des décisions basées sur des évaluations formatives. Mais les décisions d’orientation en fin de collège, en fin de seconde au lycée et, la sélection dans certaines formations post-baccalauréat, sont plutôt des évaluations normatives. En effet, ces décisions d’orientation sont, plus ou moins explicitement, prises en fonction du nombre de places disponibles dans les différentes sections. Il serait peut être utile de mieux préciser les fonctions et les modalités

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de la prise en compte des résultats de l’évaluation dans ces décisions dont les répercussions sur le destin scolaire, professionnel et social des élèves sont énormes. L’évaluation, en particulier lorsqu’elle est négative, a un impact sur la motivation et sur l’image de soi. Or on connaît des cas où les performances de l’élève sont fortement freinées indépendamment de son application : le décalage entre le développement cognitif et les tâches scolaires. Ainsi, récemment, on a souligné les difficultés rencontrées à l’entrée en primaire, par les élèves nés en fin d’année civile. On peut également évoquer le cas des élèves de collège qui maîtrisent insuffisamment la lecture et l’écrit. Ne faudrait-il pas dans ce cas surseoir à l’évaluation ou tout au moins la recadrer ? On peut également s’interroger sur la capacité de l’évaluation à gérer les apprentissages pour les élèves présentant des réussites exceptionnelles dans la discipline. La gestion des « talents » nécessite-t-elle un système de références spécifique ? La notation en question Les biais existant dans la notation sont, sans doute, largement connus des enseignants et des équipes éducatives. Les biais de notation, les disparités entre enseignants, entre disciplines, sont considérées comme un mal nécessaire. Les résultats des recherches sur ces questions conduites dans le cadre de la docimologie ont peut-être eu plutôt pour effet de laisser penser que la « remédiation » était difficile à mettre en œuvre. Alors que l’on sait que différentes procédures, que des actions de formation, de concertation ont des effets importants sur la réduction de ces biais de notation. Il en est de même pour les appréciations. Ainsi la prise en compte des caractéristiques personnelles telles l’origine sociale, le genre, ont un effet sur la notation et sur les appréciations. On peut se demander dans quelle mesure la pratique de l’évaluation et surtout de la notation sont l’objet d’une formation théorique et pratique explicite des enseignants ? Est-ce que dans la majorité des cas, cette formation n’a pas été acquise pour l’essentiel, de manière empirique, au cours des stages ? Les écarts entre les systèmes de notation des enseignants, qu’ils soient réels ou fantasmés, est une des sources de contestation de la part des élèves et des familles. La contestation la plus fréquente est le décalage entre des notations de professeurs différents dans une même discipline. Cette apparente absence de référence objective peut rendre difficile, pour l’élève et sa famille, l’acquisition de repères sur ses compétences et ses acquis. Ne faudrait-il pas, au moins aux moments clés de la scolarité, ouvrir sur un système de références plus large que la classe, que l’établissement, voire que le district ? Il existe également des différences dans les distributions des notes selon les matières. Ainsi pour illustrer par des représentations naïves, la philosophie serait « sévère » et les matières artistiques « laxistes ». Cette inégale utilisation de l’échelle de notation peut avoir des conséquences importantes dans les examens et concours. Ainsi, doit-on interpréter les différences de taux des mentions entre les sections L et S comme une différence de compétence des élèves ou comme le poids de la note de philosophie ? Ce constat conduit à s’interroger sur le bien fondé de mettre en place ou tout au moins de vérifier l’équivalence des échelles de notation entre les disciplines.

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Quelles doivent être les fonctions et les modalités de l’évaluation des élèves, de la notation et des examens ?

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Les examens Disparités Il existe des disparités géographiques dans les taux de réussite entre les académies (présentant un écart maximal de 10% en France métropolitaine). Même si ces différences sont faibles, elles ont des conséquences individuelles importantes étant donné le nombre de candidats. On peut faire le même constat en observant les taux de réussite au cours du temps. Ainsi, sur les dix dernières années, on observe, au niveau national, des fluctuations de l’ordre de 3% d’une année à l’autre. Au niveau académique, ces fluctuations sont souvent plus importantes. En général, les disparités géographiques et temporelles sont interprétées en termes de compétence, de niveau des élèves. Mais la question reste largement ouverte, en l’absence d’études méthodologiquement fiables, de savoir dans quelle mesure ces disparités dans les taux de réussite reflètent des différences de compétences des élèves ou des différences de difficulté des épreuves, de sévérité des correcteurs ? Si cette seconde hypothèse était vraie, alors il faudrait corriger ces inégalités en appliquant au niveau national des procédures de péréquation, de modération. De nombreuses procédures sont utilisées pour réduire les biais dans la notation : au niveau de l’élaboration du barème, de sa mise en œuvre, et enfin de l’harmonisation entre correcteurs et jurys. Cependant, elles n’évitent pas les différents problèmes. Ne faudrait-il pas traiter ces questions de manière systématique par le recours à des procédures objectives de péréquation en particulier entre régions et d’une année à l’autre ? Que mesurent ces examens ? Si les images du brevet et du baccalauréat ont gardé tout leur prestige auprès des élèves et des familles, leurs fonctions ne sont peut-être pas à la hauteur de ces images. Ainsi, on s’interroge sur le fait que les bacheliers n’auraient pas les compétences requises pour suivre les enseignements des premiers cycles universitaires. La plupart des établissements recourant à la sélection (CPGE, IUT, STS, écoles, etc.) se basent sur les notes et les appréciations des enseignants au cours des années de lycée et surtout de terminale. Le baccalauréat d’enseignement général apparaît comme un passeport pour l’université. En ce qui concerne le brevet, il ne joue aucun rôle pour le passage au lycée. Par ailleurs, il semble peu reconnu des employeurs. Il est de ce fait considéré comme un diplôme de fin de collège plutôt que comme une certification des compétences enseignées au cours de la scolarité obligatoire. En ce qui concerne les diplômes professionnels, les employeurs soulignent souvent le décalage entre les compétences du diplômé et leur mise en œuvre en situation professionnelle. De manière plus précise, la note 10 autorisant la réussite à l’examen a-t-elle une signification en termes de compétences en général et dans chacune des disciplines ? Par exemple, quelles compétences maîtrise un élève qui a obtenu 10 en anglais en termes de communication orale, de lecture de documents, de production écrite ? Comment ces compétences peuvent-elles être traduites pour un employeur, en particulier, dans le cas des sections professionnelles ? On peut dire qu’il existe un problème de définition, d’explicitation des compétences maîtrisées

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par les diplômés. Cette question renvoie également à l’équivalence entre les diplômes européens. Examiner ou valider des acquis ? On s’est souvent interrogé sur le bien fondé d’introduire une prise en compte des travaux réalisés par les candidats au cours de l’année scolaire dans les notes aux examens : notes de contrôle continu, dossier de travaux personnels. Ce système généralisé dans les établissements d’enseignement supérieur, a été intégré au brevet. Cette intégration du travail annuel a, semble-t-il donné satisfaction aux différents acteurs concernés et ce, malgré les questions laissées ouvertes par l’harmonisation de la notation entre établissements différents. Cette prise en considération des compétences hors d’une situation d’examen apparaît d’autant plus d’actualité que la procédure de validation des acquis d’expérience (VAE) rencontre un grand succès. La VAE permet d’obtenir des diplômes en faisant la preuve par ses activités personnelles et professionnelles actuelles et passées que l’on maîtrise les compétences correspondant au contenu de ces diplômes.

3. Questions possibles

• Comment l’évaluation des élèves peut-elle sanctionner les erreurs sans décourager les réussites ?

• A quoi le brevet doit-il servir ? • Comment rendre plus équitable l’évaluation entre les classes et les établissements? • Est-il souhaitable d’introduire une prise en compte de travaux réalisés en cours

d’année sous forme de contrôle continu dans le baccalauréat ?

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Domaine – Faire réussir les élèves Fiche

n°10 Sujet – Comment organiser et améliorer l’orientation des élèves ? Mots clés associés au sujet : éducation au choix ; passerelles ; connaissance du monde du travail ; goûts ; projets

1. Définition du sujet La conception de l’orientation a changé : elle se fonde désormais sur la prise en compte du projet de l’élève. Celui-ci n’est plus en principe orienté, il s’oriente. La loi de 1989 s’efforce de donner une traduction à ce principe en posant que « le choix de l’orientation est de la responsabilité de la famille ou de l’élève quand celui-ci est majeur. » Cette intention fondamentale implique que les goûts et les projets des élèves soient davantage considérés par l’École qu’ils ne l’ont été dans le passé ; elle implique également pour cela à la fois le renforcement du service d’orientation, de manière à ce que les élèves soient accompagnés dans la construction de leur projet, et une plus grande association des familles à la décision d’orientation. Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’aller plus loin – notamment par le développement de l’éducation au choix – dans la mise en œuvre de cette intention fondamentale, mais celle-ci se heurte à des contraintes d’organisation. La construction par l’élève de son projet d’orientation s’opère en effet dans un cadre imposé par le système éducatif et qui comprend l’organisation de la diversité des voies et des filières, la définition des cartes des formations, des paliers d’orientation, des critères et des procédures d’admission ou d’affectation. La double exigence de prendre en compte à la fois le désir de l’élève et les contraintes de la réalité fait de l’orientation un enjeu majeur du débat sur l’École :

• Pour les élèves et les parents, il y a souvent contradiction entre le discours de l’École sur l’épanouissement de l’élève et le fonctionnement réel de l’orientation.

• L’offre de formations et la demande des élèves et de leurs familles ne correspondent pas toujours aux besoins de l’économie ; il n’y a pas assez de personnes formées pour certains métiers et certaines branches.

• La connaissance des voies de formation et du monde du travail nécessaire aux élèves pour construire leur projet d’orientation demeure insuffisante.

• Le dysfonctionnement de l’orientation (redoublements inutiles, surcharge de certaines classes, problèmes générés par l’échec scolaire) coûte cher à la collectivité.

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Comment organiser et améliorer l’orientation des élèves ?

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2. État des lieux

Depuis la disparition du palier de fin de cinquième, l’orientation se fait en fin de troisième et en fin de seconde. La mise en place du collège unique et l’allongement de la durée de la scolarité ont contribué à mettre un terme à l’orientation précoce, laquelle était considérée à la fois comme une source d’inégalités et comme un obstacle à la prise en compte de la subjectivité de l’élève dans le choix de son orientation. Le projet de l’élève peut désormais théoriquement se construire progressivement tout au long de son parcours au collège avec l’aide des enseignants et des conseillers d’orientation. C’est toutefois le chef d’établissement qui décide de l’orientation, sur proposition du conseil de classe et en fonction des résultats scolaires de l’élève. Cette procédure est-elle suffisamment équilibrée ? Faut-il considérer que l’avis des professeurs ou la demande des familles et des élèves ne sont pas suffisamment pris en compte ? Les possibilités de recours qui sont offertes aux parents donnent-elles satisfaction ? L’Ecole a-t-elle pour devoir, lorsqu’un élève s’oriente vers le lycée professionnel, de faire en sorte que son premier vœu soit toujours satisfait lors de l’affectation ? Doit-elle à l’inverse résister à la demande des élèves et de leur famille quand les « débouchés » de la voie choisie sont manifestement insuffisants (cas, par exemples, des carrières sanitaires et sociales pour les filles ou de la filière mécanique-auto pour les garçons) ? Faut-il absolument se référer aux critères scolaires ou bien pourrait-on envisager d’autres critères, notamment dans les domaines des compétences et de la personnalité des individus ? Telles sont quelques-unes des questions qui peuvent être posées à propos des procédures de l’orientation. Il faut par ailleurs préciser qu’aucune orientation n’est irréversible, non seulement en raison des possibilités de la formation tout au long de la vie, mais aussi du fait de l’existence de passerelles entre les filières : ces passerelles sont-elles en nombre suffisant ? Comment faire pour qu’elles soient davantage connues et empruntées qu’elles ne le sont aujourd’hui ? En fin de troisième, le conseil de classe peut proposer une orientation vers l’enseignement professionnel sous statut scolaire, une seconde générale et technologique ou le redoublement. L’apprentissage (l’alternance sous contrat de travail) n’est pas proposé et son accès ne peut procéder que de la volonté librement exprimée de la famille. L’élève a théoriquement le choix de s’orienter vers les voies du lycée (générale, technologique et professionnelle), vers l’apprentissage ou encore vers l’enseignement agricole ; mais la sélection par le niveau scolaire conduit en fait à ce qu’on appelle « l’orientation négative », qui ne tient que fort peu compte des goûts et des projets des élèves. Les voies et les filières ne sont en effet pas considérées par les familles et par les enseignants comme équivalentes. Et le fait de différer le moment de l’orientation, qui présente l’avantage de permettre à l’élève de mûrir son projet, implique un prolongement des études générales qui accentue la dévalorisation de la voie professionnelle. On peut se demander s’il ne serait pas utile de donner la possibilité aux élèves (ainsi du reste qu’aux enseignants) de découvrir dès le collège la formation technologique ou professionnelle, le monde de l’entreprise et du

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lycée professionnel : faut-il dans cette perspective incliner vers un développement de l’enseignement technologique ou professionnel au sein du tronc commun ou bien vers la mise en place – dans le cadre du collège et sur la base du libre choix des familles – de dispositifs en alternance, notamment pour les élèves en difficultés ? Plus généralement on peut discuter à la fois du moment de l’orientation (trop précoce ou au contraire trop tardif) et de la nécessité ou non de lutter contre la hiérarchisation des filières au lycée afin de rendre réellement possible une orientation positive.

Il importe, dans la même perspective, de développer « l’éducation à l’orientation » tout au long du collège, afin d’éviter « l’effet couperet » en fin de troisième ou en fin de seconde. Le rôle des conseillers d’orientation psychologues est pour ce faire déterminant. On peut toutefois s’interroger : Ne faut-il pas impliquer davantage les enseignants dans le processus de l’orientation et concevoir une nouvelle répartition des rôles entre les membres de l’équipe éducative ? Dans certains pays d’Europe il n’existe pas de conseillers d’orientation et ce sont les enseignants eux-mêmes qui prennent en charge cette fonction. Il va de soi cependant que l’hypothèse d’une plus grande implication des enseignants conduit à poser le problème de la formation et de l’organisation des services. L’éducation à l’orientation est en outre d’autant plus difficile à mettre en œuvre que le monde du travail a connu et continuera de connaître de profondes évolutions dans ses structures, dans ses processus de fabrication et dans les compétences exigées pour occuper un emploi. Malgré des progrès enregistrés dans la participation du monde de l’entreprise à l’information des élèves, ceux-ci ne disposent pas des outils pour comprendre cette évolution et l’intégrer pleinement dans leurs démarches. L’orientation pose le problème de l’articulation entre la prise en compte des goûts et des projets des élèves d’une part, de leur niveau d’autre part. L’École tend parfois à retenir certains élèves qui ont un excellent potentiel ou bien à l’inverse à faire passer trop d’élèves en classe supérieure – conduisant certains élèves à poursuivre dans la voie générale alors qu’ils réussiraient mieux dans une autre voie. Quatre critiques sont régulièrement adressées à l’organisation actuelle de l’orientation en tant qu’elle s’opère trop exclusivement en fonction du niveau scolaire de l’élève: elle n’est pas juste en ce sens qu’elle dépend, à côté des critères scolaires, de l’origine sociale et du sexe des élèves (à niveau égal, orientation inégale) ; elle ne prend pas suffisamment en compte les goûts et les projets des élèves ; elle entrave le processus d’élévation générale du niveau de culture et de qualification ; elle conduit à la dévalorisation des voies et des filières considérées comme hiérarchiquement inférieures au regard des critères de l’évaluation scolaire : dévalorisation de la voie professionnelle en premier lieu, des filières technologiques ensuite, dévalorisation en outre au sein de chacune des voies – en fonction de leur hiérarchie interne – de certaines filières par rapport à d’autres. A ces différentes critiques certains répondent que la prise en compte du niveau de l’élève au moment de l’orientation le préserve de l’échec et du dégoût qui s’ensuit, durant la suite de sa scolarité. Pour pallier les inconvénients de l’orientation sélective, il serait sans doute nécessaire de créer des passerelles – ou de mieux les faire connaître lorsqu’elles existent – et de renforcer chacune des voies de formation en développant la qualité de l’offre – le bac professionnel par exemple permet aujourd’hui à 11,5% d’une génération d’obtenir le bac.

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Comment organiser et améliorer l’orientation des élèves ?

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3. Questions possibles

• Comment prendre en compte, dans l’orientation, à la fois les goûts et les projets des

élèves et leurs capacités ? • Comment développer les passerelles entre les formations ? • Quels sont les rôles respectifs souhaitables des conseillers d’orientation et des

professeurs dans le développement d’une « éducation à l’orientation » ? • Y a-t-il un âge – ou une classe – pour orienter les élèves ? • Devrait-on baser l’orientation sur des critères qui ne soient pas uniquement scolaires ? • Comment passer de l’orientation par l’échec scolaire à une véritable orientation positive ?

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Domaine – Faire réussir les élèves Fiche

n°11 Sujet – Comment préparer et organiser l’entrée dans le supérieur ? Mots clés associés au sujet : information ; orientation ; sélection ; droits d’inscription

1. Définition du sujet

La proportion de jeunes d’une génération entrant dans l’enseignement supérieur (Université, classes de BTS, classes préparatoires aux grandes écoles, etc.) était depuis plusieurs années en progression constante pour atteindre environ 55%. Depuis quelques années, on assiste plutôt à une baisse de ce pourcentage ou du moins à une stabilisation. Ce désenchantement est certainement lié à l’augmentation du taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur et à la dévalorisation relative des diplômes, mais les mauvaises conditions de l’entrée dans l’enseignement supérieur jouent aussi un rôle important. Il convient d’essayer de les cerner, non pour pouvoir encore augmenter le taux d’entrée dans l’enseignement supérieur, mais pour que tous ceux qui y entrent aujourd’hui le fassent dans de meilleures conditions.

2. État des lieux

Mais peut-on parler « d’entrée dans le supérieur » comme d’un concept homogène ? La France se distingue très nettement des autres pays par le rôle important joué par les formations supérieures non universitaires. De fait, à la hiérarchie des séries du secondaire, correspond une hiérarchie des filières d’entrée dans l’enseignement supérieur (même s’il y a eu récemment une petite amélioration) : classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques, économiques ou littéraires, IUT, BTS, et enfin premier cycle universitaire débouchant sur le DEUG. Il convient donc de distinguer plusieurs types d’entrée. Mais si tous ces types d’entrée peuvent être améliorés, le principal problème, tant en termes de résultats pédagogiques, qu’en termes de coût pour la Nation (État, collectivités locales, familles) est l’entrée en université. C’est donc avant tout ce point qui doit être traité, même s’il y a aussi des améliorations à apporter aux filières sélectives. La sélection des étudiants (par dossier, examen ou concours) à l’entrée de l’université, sélection qui existe dans les autres types de formations supérieures et dans un grand nombre de pays étrangers, est-elle une solution ? Le problème est périodiquement débattu. Il convient

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Comment préparer et organiser l’entrée dans le supérieur ?

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d’apporter une réponse à cette question en tenant compte du fait que s’est progressivement instaurée une sélection dans la poursuite des études supérieures au-delà de la maîtrise (mastères, DESS, doctorats). Autrement dit, dans la mesure où il y a déjà une sélection à Bac+5, faut-il opérer une sélection plus en amont ? La réponse dépend de la mission que l’on assigne au premier et au second cycle universitaire.

Le taux de réussite au DEUG (durée théorique des études : 2 ans) est de 45,5% en 2 ans et de 66,6% en 3 ans. Près d’un étudiant sur trois n’obtient donc pas son diplôme de premier cycle dans une durée qu’on peut considérer comme normale. Si on retient une durée de cinq ans, c’est encore un étudiant sur quatre qui n’obtient pas son diplôme. Quelle que soit la discipline, les bacheliers scientifiques réussissent presque tous ; les bacheliers « littéraires » et « économiques » réussissent moins bien (les trois quarts) et surtout, ce qui est grave, seule une minorité (un tiers) de bacheliers « technologiques » réussissent.

Les conditions de l’enseignement universitaire sont, en France, particulièrement déficientes, ce qui explique en partie ce fort taux d’échec. Mais il y a aussi d’autres raisons à cet échec : l’inadéquation entre les savoirs et compétences des bacheliers et ce qui est « exigé » par la filière universitaire qu’ils ont choisie est très grande. Est-ce une mauvaise information des étudiants ? Un mauvais choix de leur part ? La difficulté de se réorienter au cours du premier semestre voire ultérieurement ? Encore plus peut-être que le manque de connaissances, c’est le manque de méthodes de travail qui est le plus souvent reproché aux étudiants.

Même si l’université n’a pas encore aujourd’hui tous les moyens dont elle devrait disposer, une année universitaire coûte très cher (6590 euros par étudiant et par an). Passer deux ou trois ans à l’université sans obtenir un diplôme a donc un coût très élevé que la collectivité nationale, pour l’essentiel, prend en charge. Que peut-on mettre en face de ce coût comme avantages ?

L’Éducation nationale insiste beaucoup sur le projet professionnel que doit avoir le bachelier. On peut cependant se demander, d’une part, si les futurs étudiants sont tous à même de formuler un projet professionnel, et d’autre part, s’il ne faudrait pas, pour un certain nombre d’entre eux, mettre plus l’accent sur l’intérêt des disciplines universitaires que sur un projet strictement professionnel.

Les droits d’inscription ne représentent qu’une faible partie des coûts de fonctionnement, et une plus faible partie encore du coût total. Ces droits, qui varient légèrement selon les universités et le niveau des études, sont, pour un établissement, identiques quels que soient les revenus de leurs parents.

Un problème spécifique mérite d’être signalé ; la France manque de véritables scientifiques. La désaffection des étudiants pour les DEUG scientifiques depuis quelques années – alors même que les effectifs de la série Scientifique du lycée ont continué de croître – constitue à cet égard une source de préoccupation. Les filles notamment, qui sont les plus nombreuses à

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l’université (56%), choisissent rarement les sciences dures (elles n’y représentent qu’un étudiant sur trois). Que faire pour combler le déficit correspondant ?

Enfin, la France, très en retard par rapport à de nombreux autres pays en matière d’éducation tout au long de la vie, devrait, en particulier, faciliter l’entrée dans le supérieur d’adultes actifs ou inactifs.

3. Questions possibles

• Comment faire en sorte que le lycée prépare mieux aux études supérieures ?

• Faut-il garantir à tous les bacheliers technologiques et professionnels l’entrée en BTS ou en IUT ?

• Pour limiter les échecs en DEUG, faut-il introduire une sélection des étudiants (par dossier, examen ou concours) à l’entrée de l’université ?

• Pour accroître les ressources des universités, faudrait-il augmenter nettement les droits d’inscription tout en élargissant le système des bourses ?

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Domaine – Faire réussir les élèves Fiche

n°12 Sujet – Comment les parents et les partenaires extérieurs de l’École peuvent-ils favoriser la réussite scolaire des élèves ? Mots clés associés au sujet : éducation des enfants ; partenariat ; contrats éducatifs locaux ; associations ; périscolaire

1. Définition du sujet L'École ne détient pas le monopole de l'éducation, c'est un lieu commun que de rappeler le rôle essentiel de la sphère familiale et celui des autres acteurs éducatifs qui concourent à la formation des enfants et des adolescents en dehors du temps scolaire. Les médias, les centres de culture et de loisir, les clubs sportifs et de nombreuses associations participent ainsi à une forme de coéducation. L'éducation globale de l'enfant constitue un enjeu majeur pour la réussite et l'insertion de tous, les élèves tireront cependant d'autant mieux parti de leur temps scolaire et de leur temps libre que ceux-ci seront mieux articulés et équilibrés. Articuler l'action de partenaires multiples suppose une connaissance réciproque des objectifs et des contenus de l'action éducative de chacun. L'éducation nationale, en diffusant de plus en plus largement ses programmes et les démarches préconisées, contribue à rendre plus lisibles ses objectifs. C'est ainsi que depuis 2002, les nouveaux programmes de l'école primaire et ceux du collège sont présentés dans trois livres : « Qu'apprend-on à l'école maternelle? » ; « Qu'apprend-on à l'école élémentaire? » ; « Qu'apprend-on au collège? ». De manière réciproque, de très nombreuses institutions culturelles et de loisir ont développé et diffusé des programmes éducatifs précis. Les médias ont, de leur coté, tissé des liens privilégiés avec l' École : la tentative de créer une chaîne télévisée éducative, les accords avec les radios étrangères et la réussite annuelle de la semaine de la presse à l'école en constituent quelques exemples. Au cours des dernières années, l'État a tenté de mobiliser les partenaires et acteurs éducatifs au service d'une éducation globale en accordant une priorité aux plus défavorisés : c'est, à titre d'exemple, le sens de la circulaire interministérielle du 9 juillet 1998 qui précise les modalités de mise en œuvre des contrats éducatifs locaux ; c'est aussi celui de l'élargissement du ministère de l'éducation nationale à la jeunesse qui se traduit en particulier par le développement dans et hors l'école d'une politique de prévention de l'illettrisme. Malgré ces évolutions récentes, les mondes de l'école et hors l'école apparaissent encore très éloignés : les attentes des familles et de l'institution scolaire divergent souvent ; les savoirs scolaires ne sont que partiellement réinvestis ; les apprentissages réalisés hors l'école

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Comment les parents et les partenaires extérieurs de l’École peuvent-ils favoriser la réussite scolaire des élèves ?

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sont rarement validés par l'école ; les valeurs véhiculées par l'école rencontrent peu d'écho ou entrent même en conflit avec celles de l'extérieur.

2. État des lieux Depuis quelques années, les actions ayant pour finalité de favoriser, en dehors de l'école, la réussite scolaire des élèves se multiplient, elles visent, d'une part, à mieux associer les familles, et d'autre part, à coordonner les initiatives locales dans le cadre de la politique de la ville. En prenant acte du poids des inégalités socioéconomiques et territoriales sur la réussite scolaire, l'État, les collectivités territoriales et les associations partenaires ont concentré leurs efforts sur les publics les plus défavorisés et les plus fragiles. - La coopération entre les familles et l'École. La présence des parents dans l'école est reconnue officiellement depuis fort longtemps, mais être parent d'élève n'a sans doute jamais été aussi difficile qu'aujourd'hui. Les méfiances et les complexités d'un système qui peut paraître un maquis aux non-initiés, sont de plus en plus difficilement acceptées et freinent incontestablement le développement d'une action éducative complémentaire. En dehors du temps scolaire, les parents peuvent décider d'aider leurs enfants grâce à des cours particuliers, mais des mesures d'accompagnement à la scolarité se développent dans un cadre partenarial. La charte nationale de l'accompagnement à la scolarité, réactualisée en 2001 et signée par plusieurs ministères et associations ainsi que par la Caisse nationale des allocations familiales, est centrée sur l'aide aux devoirs, mais elle permet aussi d'accompagner les parents dans le suivi de la scolarité des enfants. Ces actions s'articulent souvent localement avec les réseaux d'écoute et d'appui et, pour les familles les plus en détresse, avec les services sociaux et ceux du ministère de la justice. Force est cependant de constater l’absence de relations entre l’École et certaines familles. Une action concertée avec les associations qui agissent dans les quartiers les plus difficiles est encore à construire. - Les retombées éducatives de la politique de la ville. 2 300 000 enfants ont participé aux actions organisées dans le cadre des 2 589 contrats éducatifs locaux (CEL) signés au début de l'année 2003. Ce bilan traduit les résultats les plus manifestes de l'action éducative de la politique de la ville. Pour être validés, les CEL doivent satisfaire aux exigences d'un cahier des charge centré sur la qualité du projet éducatif et sur la cohérence des différentes actions ou projets (y compris les projets des écoles et des établissements). Chaque contrat recherche le meilleur équilibre possible entre le temps scolaire, le temps périscolaire (transport, restauration, études surveillées) et le temps extrascolaire (les soirées, le mercredi, les fins de semaine, les vacances ). Certains CEL se sont emparés de la question des rythmes scolaires. Pour l'année 2000, la circulaire interministérielle invitait à privilégier : l'éducation à l'image, au cinéma et au multimédia ; la musique et le chant choral ; l'architecture ; le cadre bâti et le paysage ; l'éducation à l'environnement ; la culture scientifique ; les pratiques physiques et sportives ; l'éducation à la santé.

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LES SUJETS PROSPECTIFS

Comment les parents et les partenaires extérieurs de l’École peuvent-ils favoriser la réussite scolaire des élèves ?

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Dans les 8 622 communes impliquées, les CEL ont favorisé une approche globale de l'éducation, mais force est de constater de fortes disparités locales et une implication très souvent modeste des établissements du second degré. L'ouverture de l'école aux enfants en dehors du temps consacré aux activités scolaires a été relancée en 2002. Les dispositifs appelés « école ouverte » permettent aux enseignants volontaires et aux partenaires de l'école d'offrir des activités ludiques et éducatives dans les bâtiments scolaires pendant les congés. Ces actions concernent presque exclusivement les établissements des réseaux d'éducation prioritaire. Ces initiatives locales foisonnantes sont révélatrices du besoin d'articuler et de développer des actions éducatrices complémentaires à celle de l'École, mais l'évaluation de leur impact sur la réussite scolaire reste à conduire.

3. Questions possibles

• Comment améliorer la lisibilité de l'École pour mieux partager ses objectifs avec les familles ?

• Quel rôle les associations peuvent-elles jouer ? • Comment les parents peuvent-ils aider leurs enfants à réussir à l’École ? doit-

on les y aider ? • A quelles conditions les médias et les nouvelles technologies peuvent-ils être

éducatifs, dans l’École et hors l’École ? • Faut-il redéfinir l'équilibre entre le temps scolaire, le temps libre et celui consacré à

l'accompagnement scolaire? dans quel sens ?

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Domaine – Faire réussir les élèves Fiche

n°13 Sujet – Comment prendre en charge les élèves en grande difficulté ? Mots clés associés au sujet : dépistage ; troubles et déficiences ; suivi personnalisé ; taille des classes ; hétérogénéité

1. Définition du sujet

La difficulté fait partie intégrante de l’acte d’apprendre et de celui d’enseigner. Le cœur du métier d’enseignant est d’aider au quotidien les élèves à surmonter leurs difficultés. La problématique de la grande difficulté qui conduit à l’échec scolaire est d’une autre nature : elle s’inscrit dans le contexte de la massification de l’École qui a véritablement débuté par l’allongement à 16 ans de la scolarité obligatoire (1959, pour les enfants nés en 1953), elle s’est poursuivie par la construction progressive d’une architecture unique école-collège (1975), couronnée par l’affirmation des objectifs de la loi d’orientation de 1989 : 100% d’une classe d’âge au niveau minimum que représente le CAP et de 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. La capacité d’évolution et l’efficience du système éducatif sont évidentes, elles ne peuvent cependant masquer l’échec d’un nombre d’élèves trop important pour que le phénomène puisse être qualifié de marginal : 60 000 jeunes quittent en ce moment le système éducatif sans qualification1. La corrélation entre l’échec scolaire et l’exclusion économique et sociale est aujourd’hui attestée, et l’objectif d’une école qui doit permettre la réussite de tous et de chacun est en accord avec la légitime demande des familles qui confient leurs enfants au service public d’éducation. La définition et la recherche des origines de l’échec scolaire et de la grande difficulté sont complexes : 1 Contrairement à ce qui se dit ou s’écrit ici ou là, ce sont bien 60 000 (et non 150 000) jeunes qui sortent en ce moment du système éducatif sans qualification, soit environ 8% d’une génération. Il y a trente ans, ils étaient 200 000, soit le quart de la classe d’âge. Pour être complet, on peut ajouter que 94 000 jeunes sortent sans diplôme, mais que ces deux effectifs ne s’additionnent pas (c’est sans doute la source de l’erreur commune) car ils recouvrent en très grande partie les mêmes jeunes. En effet : 13 000 n’ont pas de qualification mais un diplôme (le brevet pour l’essentiel), 47 000 n’ont pas de diplôme mais une qualification (c’est-à-dire qu’ils ont fait la dernière année d’un CAP ou d’un BEP, sans être reçus au diplôme, au lycée professionnel ou par la voie de l’apprentissage), enfin 47 000 n’ont ni qualification ni diplôme. De ces trois effectifs, (13 000, 47 000, 47 000) on tire bien que :

- 60 000 (13 000+47 000) n’ont pas de qualification (diplômés ou non) ; - 94 000 (47 000+47 000) n’ont pas de diplôme (qualifiés ou non).

On peut enfin tirer de ces trois populations deux conclusions complémentaires : - ceux qui sont vraiment démunis sont les 47 000 qui n’ont ni diplôme ni qualification ; - ceux qui sont sans diplôme ou sans qualification représentent 107 000 jeunes ( et non pas 160 000, si l’on faisait

une addition erronée des sans diplôme et des sans qualification)

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- un certain nombre d’élèves, identifiés dès l’école primaire, accusent des déficits cognitifs souvent associés à des handicaps d’une autre nature, très souvent liés à leur environnement social, économique et culturel ;

- l’échec scolaire s’installe dans la durée, sans qu’aucune forme de « remédiation » ne semble le conjurer – les évaluations conduites à l’entrée en sixième montrent que 12 à 15% des élèves ne maîtrisent pas les savoirs et compétences de base en lecture et en mathématiques, indispensables à la poursuite d’une scolarité dans le second degré – par ailleurs, les tests de compréhension de l’écrit effectués lors de la journée d’appel à la préparation de la défense montrent, selon la Direction de l’évaluation et de la prospective que « environ 12% des jeunes adultes ont des difficultés réelles de compréhension et la moitié de ceux-ci (6% de l’ensemble de la population de cette année) sont dans une situation qui pourrait déboucher sur l’illettrisme » ;

- L’absentéisme et la violence s’associent fréquemment à la grande difficulté en la confortant.

De tout temps l’École a eu à connaître des élèves qui ne réussissaient pas. Ils ont été tout d’abord mis à l’écart et triés ; puis l’École a admis cette difficulté en tentant des réponses d’inclusion, en faisant sien le pari de l’éducabilité de chacun, sans pourtant y parvenir totalement. Si on refuse de considérer cette situation comme une fatalité, on doit définir de nouvelles voies permettant à l’École de transmettre effectivement à tous les élèves un socle commun de connaissances de compétences et de règles de comportement. Certaines de ces voies pourraient donner au travail (alternance, « collèges hors les murs », etc.), en plus et à côté de la formation, un rôle important dans la réponse à apporter au grand échec scolaire.

2. État des lieux

Pendant longtemps, l’élève en difficulté à l’école est considéré comme un élève qui n’a pas les capacités nécessaires pour réussir. L’enseignant assure parfois des cours du soir et tente de répondre en reprenant les leçons particulières avec certains élèves. Parallèlement, sous la demande pressante des familles et associations, les enfants handicapés ou en grande difficulté (les deux termes sont alors liés) voient les conditions de scolarisation s’améliorer. La loi d’orientation du 10 juillet 1989 définit clairement les objectifs fixés par la nation pour tous les élèves sans distinction. La prise de conscience, au début des années quatre-vingt, de la concentration géographique de difficultés sociales et scolaires a conduit à la création des zones d’éducation prioritaires (ZEP) qui concentrent des moyens spécifiques pour compenser les effets négatifs d’une situation défavorisée. La question de la grande difficulté scolaire se pose cependant partout. Dans le premier degré, la volonté de répondre par la compensation amène l’institution à organiser des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED 1990), composés d’enseignants spécialisés, qui interviennent dans la classe et en dehors, de façon individuelle ou en groupes d’élèves restreints. En dépit de l’importance des moyens mis en œuvre, le bilan de l’action

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des RASED est limité et en deçà des espérances. Les enseignants qui, à partir des évaluations nationales, construisent des parcours personnalisés d’aides et de progrès (1998 et 2000) éprouvent eux aussi de grandes difficultés à répondre de façon efficace aux difficultés de leurs élèves. Les études dirigées sur le temps scolaire ou hors temps scolaire n’ont pas été suffisamment évaluées et l’on connaît mal leur impact sur les résultats des élèves en difficulté. Les études françaises et internationales montrent par ailleurs que, dans l’ensemble, le redoublement ne permet pas de surmonter l’échec scolaire. Dans les collèges, après avoir longtemps privilégié les structures qualifiées de ségrégatives, le ministère prône les dispositifs plus souples et plus perméables. Les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) accueillent des élèves en échec scolaire grave qui souffrent de déficits cognitifs souvent associés à des troubles psychologiques et affectifs. Les autres élèves en grande difficulté scolaire qui manifestent par leur comportement une inadaptation aux modalités d’enseignement qui leur sont proposées, peuvent être accueillis dans des dispositifs spécifiques fondés sur la pédagogie de projet et faisant une place plus ou moins grande à l’alternance entre le collège, le lycée professionnel et l’entreprise. C’est le cas des quatrièmes d’aide et de soutien ou des troisièmes d’insertion. De nombreux autres dispositifs ou programmes de prise en charge ont été expérimentés ou, pour certains, développés :

- les classes et dispositifs relais, pour les jeunes en situation de marginalisation sociale et de pré-délinquance ;

- le programme « Nouvelle Chance » ou les sites innovants « Perdus de vue » pour les jeunes ayant quitté le système sans aucune solution.

Ces dispositifs, en marge de l’organisation pédagogique standard du collège sont d’autant plus efficaces qu’ils mobilisent des personnels impliqués, volontaires et disposant d’une large autonomie d’action et d’initiative. Une des voies de progression est sans doute l’appropriation et l’adaptation larges de l’expertise et des compétences acquises dans la conduite de ces dispositifs particuliers. Les lycées d’enseignement général et technologique n’accueillent pas d’élèves en grande difficulté scolaire ; l’aide individualisée en classe de seconde est seulement destinée à remédier à des lacunes en français et en mathématiques. Le lycée professionnel est dans une tout autre situation. L’histoire chaotique de l’enseignement professionnel en France a transformé certains lycées professionnels en véritables ghettos qui scolarisent des élèves en grande difficulté, orientés par défaut. Certaines réussites sont à ce titre exemplaires et la généralisation de l’aide individualisée, des modules et de la pédagogie du projet favorise ces succès. Mais l’image de ces établissements est profondément ternie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système éducatif : le lycée professionnel peine à être reconnu comme proposant des voies de réussite. En dépit des multiples expériences, innovations et réussites, de trop nombreux élèves ne parviennent pas à acquérir des bases suffisantes pour conquérir leur place dans la société : comment y remédier ?

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Comment prendre en charge les élèves en grande difficulté ?

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3. Questions possibles

• Comment repérer et prévenir la grande difficulté scolaire ? • Faut-il un enseignement spécialisé pour les élèves en grande difficulté ? • Faut-il mettre en place un rythme d’apprentissage adapté aux élèves en

grande difficulté ? • Comment l’École peut-elle efficacement lutter contre l’échec scolaire et

transmettre à tous des bases communes ? • Faut-il reconnaître à l’équipe éducative une plus grande autonomie pour lutter

contre le grand échec scolaire ?

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n°14 Sujet – Comment scolariser les élèves handicapés ou atteints de maladie grave ? Mots clés associés au sujet : intégration–exclusion ; spécialisation des enseignants ; orientation ; éducation–santé

1. Définition du sujet

Le regard que porte la société sur les personnes qui souffrent d’un handicap a évolué au cours des dernières décennies. Comme les autres pays développés, la France s’est fixé comme objectif d’intégrer le plus et le mieux possible les personnes handicapées dans la société en favorisant en particulier leur insertion professionnelle en milieu ordinaire, aussi bien dans les entreprises du secteur privé que dans les services publics, et en développant tous les moyens susceptibles de favoriser leur accès aux lieux et services collectifs. Le Président de la République a fait de cet objectif une priorité de son action. Le système éducatif est concerné par cette évolution. Il a, d’une part, l’obligation constitutionnelle d’assurer l’instruction et l’éducation de tous les jeunes et il contribue, d’autre part, à la socialisation de toute une classe d’âge dans la cadre d’un système de valeurs fondé sur l’égalité, la tolérance et l’acceptation des différences. La mise en œuvre de ces principes généreux et partagés se heurte cependant à des obstacles matériels, médicaux, pédagogiques et quelquefois psychologiques. Dans les dix ou quinze années à venir, à quelles conditions l’éducation nationale peut-elle atteindre l’objectif qui lui est assigné et comment peut-elle surmonter les obstacles rencontrés ?

2. État des lieux Pendant longtemps, la seule réponse apportée par l’École aux difficultés rencontrées par les enfants et les adolescents handicapés a été le placement dans des structures spécialisées et ségrégatives. La loi d’orientation du 30 juin 1975 pose comme principe le maintien des mineurs ou adultes dans un cadre de vie ou de travail ordinaire chaque fois que leurs aptitudes le permettent. La loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 affirme la nécessité de poursuivre dans cette voie.

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La prise en charge des enfants et des adolescents handicapés s'organise aujourd’hui dans le cadre de quatre secteurs: l'adaptation et l'intégration scolaire qui relève directement du ministère de l'éducation ; le secteur médico-éducatif, sous la responsabilité du ministère en charge des affaires sociales ; le secteur socio-éducatif, placé principalement sous la tutelle des ministères des affaires sociales et de la justice ; le secteur sanitaire dont la tutelle est assurée par le ministère en charge de la santé. L'action conjuguée de ces partenaires, à travers notamment le plan « Handiscol » initié en 1999, a permis de réduire sensiblement le nombre de jeunes handicapés sans solution de prise en charge et d'accroître le nombre de ceux accueillis dans les classes ordinaires ou dans des structures ou dispositifs d'intégration ouverts dans les écoles, les collèges et lycées (classes d'intégration dans le premier degré, sections d'enseignement adapté et unités pédagogiques d'intégration dans les collèges et les lycées). Par ailleurs, des passerelles de plus en plus nombreuses permettent aux enfants et adolescents accueillis dans les instituts médico-éducatifs et les structures hospitalières de rester en contact avec la scolarisation ordinaire. Un effort d'harmonisation et de gestion transparente et participative des procédures d'orientation est en cours, notamment dans le cadre des Commissions départementales d’éducation spécialisée. En outre, l'action conjointe du secteur médical et des enseignants a permis l'amélioration des mesures préventives et de dépistage précoce. Le bilan chiffré présenté ci-dessous résulte d’un rapprochement des données des ministères de l’Éducation nationale et des Affaires sociales, il est publié dan une note de la Direction de l’évaluation et de la prospective du mois de février 2003.

Établissements scolaires Établissements médico-sociaux

Établissements sanitaires Niveaux

d’enseignement Intégration individuelle

Intégration collective

Premier degré 27 900 48 200 Collèges 11 300 2 800 Lycées 5 900 Supérieur 7 000

Total 52 100 51 000 87 400 6 700 Ces progrès ne masquent cependant pas quelques interrogations : - un certain nombre de jeunes handicapés restent sans solution ; - le premier degré intègre davantage de jeunes que les autres niveaux d’enseignement ; - la prise en charge du handicap repose encore essentiellement, au sein de l'éducation

nationale, sur les personnels enseignants spécialisés et sur les auxiliaires de vie scolaire ; - des différences de prise en charge persistent quant à la nature de la déficience

(intellectuelle, motrice, métabolique, auditive ou visuelle) ; - l'harmonisation des procédures d'orientation reste partielle : selon le lieu, un enfant atteint

de la même déficience peut se voire proposer des orientations différentes ; - les relations entre les différents partenaires impliqués sont encore parfois empruntes de

méfiance ; - les jeunes et leurs familles sont l'objet de l'attention des institutions, mais ils sont rarement

associés à l'élaboration conjointe d'une solution.

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3 Questions possibles

• Faut-il davantage intégrer les enfants handicapés dans les classes ou développer

l’enseignement spécialisé ? • Comment favoriser l’entrée dans la vie active des jeunes handicapés ? • Comment répartir les rôles et les responsabilités respectifs des acteurs de l'éducation,

de la santé, des services sociaux et des collectivités territoriales ? • Faut-il des enseignants spécialisés ou faut-il former tous les enseignants aux

spécificités de l'enseignement d'élèves handicapés ?

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n°15 Sujet – Comment lutter efficacement contre la violence et les incivilités ? Mots clés associés au sujet : parents ; prévention ; sanctions ; zones sensibles ; relations école–police–justice ; dispositifs relais ; respect ; règles

1. Définition du sujet La transmission des savoirs et l’apprentissage de la vie en commun à l’École sont perturbés, depuis deux décennies, par la montée des incivilités et des comportements violents : les professeurs sont confrontés à des élèves qui manifestent de manière ostentatoire et parfois hostile leur refus du travail et de la culture scolaires ; les injures et les intimidations racistes, les expressions agressives de l’appartenance communautaire se multiplient ; les filles sont victimes de l’agressivité sexiste de certains garçons ; la délinquance se développe dans l’enceinte même des établissements scolaires, sous la forme du racket, du trafic de drogue, parfois même de la violence physique la plus brutale. Apporter une réponse efficace aux incivilités et à la violence scolaires constitue, tout le monde en convient aujourd’hui, l’un des enjeux majeurs de la politique éducative des années à venir. Le débat porte évidemment sur la nature des mesures qui doivent être prises, dont la conception dépend de l’analyse que l’on fait des causes de cette montée des incivilités et de la violence à l’École. Deux types de causes, externes ou internes au système éducatif sont à distinguer : • Pour ce qui est des causes externes, on peut imputer le phénomène ou bien à des

causes socio-économiques – chômage, « ghettoïsation » économique et ethnique, éclatement des familles – ou bien à des facteurs culturels – crise de l’autorité et de la transmission des règles traditionnelles de la civilité, influence de la culture médiatique sur la manière de penser, de sentir et d’agir des enfants et des adolescents. La question se pose de savoir ce que peut l’École lorsqu’elle est ainsi confrontée à un environnement défavorable : comment la volonté politique doit-elle s’orienter ? Suffit-il de « donner plus à ceux qui ont moins » en affectant davantage de moyens aux établissements situés dans des zones considérées comme défavorisées ou « sensibles » ? Est-il pertinent de vouloir résister à la crise de l’autorité et de la transmission, en s’efforçant de renforcer le pouvoir des éducateurs au sein de l’École et de recentrer celle-ci sur les savoirs et les valeurs qu’elle doit transmettre ?

• S’agissant des causes internes au système éducatif lui-même, on peut imputer la montée des violences et des incivilités ou bien à l’incapacité de l’École de s’adapter

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Comment lutter efficacement contre la violence et les incivilités ?

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aux conséquences de la massification – ce qui expliquerait notamment les difficultés du collège – ou bien, au contraire, à une volonté excessive d’adaptation aux « nouveaux publics » qui aurait conduit l’École à renoncer aux exigences républicaines de transmission de la culture scolaire et d’imposition de la morale laïque. Le comportement des enseignants et les pratiques scolaires sont ainsi mises en cause : soit que l’on mette en évidence l’humiliation ressentie par les élèves en raison des exigences de niveau qui les dépassent, des appréciations dévalorisantes et parfois du mépris dont font preuve certains enseignants à leur endroit ; soit à l’inverse que l’on dénonce le renoncement par l’institution à faire régner la discipline scolaire et la démagogie de certains enseignants ou chefs d’établissement. La lutte contre la violence et les incivilités peut à cet égard être organisée autour de deux axes : lorsque la violence est une réaction des « mauvais élèves » à l’échec et à la stigmatisation dont ils sont victimes, on peut recommander une réponse de l’institution qui soit d’abord pédagogique ; mais si l’on estime que l’École est avant tout victime de son propre « laxisme », c’est-à-dire de son incapacité à imposer ses valeurs, il faut en déduire que l’urgence consiste à rétablir un ordre qui rende à nouveau possible l’acte éducatif.

2. État des lieux La mesure du phénomène est en soi un problème. Aujourd’hui sans doute surestimé du fait de la « caisse de résonance » médiatique, il a été longtemps sous-estimé voire nié par l’institution, avant que celle-ci ne réagisse par la mise en place d’une série de plans « anti-violence ». Comment faut-il interpréter l’augmentation des signalements de faits de violence aux autorités académiques – 30% notamment durant les trois années entre 1995 et 1998 où le phénomène a semblé prendre une nouvelle ampleur ? On peut considérer que les faits sont davantage signalés ; en raison d’une attention plus grande portée au problème ; mais on peut aussi, à l’inverse, remarquer – comme dans le cas des insultes racistes et antisémites – que la banalisation de certains comportements a pour conséquence qu’ils ne font même plus l’objet d’un signalement. Le ministère de L’Éducation nationale s’est doté, avec le logiciel SIGNA, opérationnel depuis la rentrée 2001, d’un instrument de mesure relativement fiable des « incidents graves ». Parmi les faits signalés (2002-2003) arrivent en tête les violences physiques sans arme (29%), suivi des insultes et menaces graves (23%) et des vols (11%). Viennent ensuite les dommages aux locaux et aux biens, les intrusions, le racket, la consommation et le trafic de drogues. Par rapport à l’année 2001-2002 les faits signalés sont toutefois en diminution (21 003 violences physiques sans arme contre 22 194 en 2001-2002). L’accroissement des violences verbales – souvent liées au racisme et à l’ethnicisation des conflits entre élèves – a été souligné, ainsi que le développement des violences sexuelles, reflet d’une évolution inquiétante des questions de mixité dans certains quartiers. Les

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auteurs des violences sont surtout des élèves (86%), mais les lycées et lycées professionnels sont parfois visés par des personnes extérieures (12%) ; dans le premier degré, on relève des violences de parents d’élèves à l’encontre des enseignants (elles représentent près du tiers des violences exercées contre les personnels du premier degré). Les victimes sont aussi, en majorité, les élèves (78%), mais on observe une augmentation du nombre des personnels agressés (20%), surtout dans les lycées professionnels. Par-delà les chiffres, plusieurs tendances peuvent être identifiées : la banalisation de la violence quotidienne, des incivilités qui traduisent une dégradation du climat relationnel dans les établissements, notamment entre les enseignants et certains élèves ; le rajeunissement des auteurs de violence, manifeste au collège mais aussi dans le premier degré, désormais davantage concerné ; l’imprévisibilité des événements et des formes de violence, qui participe au climat général d’insécurité ; le développement d’une violence de groupe, souvent fondée sur des bases communautaires ou d’habitat (bandes de quartiers) ; la montée du communautarisme et des cultures identitaires, qui ne sont pas seulement de nature politico-religieuse mais peuvent être liées au lieu d’habitation, à des pratiques vestimentaires et langagières qui s’inscrivent en rupture avec le monde des adultes et la communauté éducative ; l’auto-victimisation de jeunes, qui justifient leur refus des règles par l’expression d’une insatisfaction vis-à-vis de la manière dont l’institution scolaire les considère. Face à la montée des faits de violence et des incivilités, quatre types de réponses ont été mis en œuvre : • L’identification des établissements concernés afin de mettre en place un traitement

différencié et adapté. La catégorie des « établissements sensibles » a été créée en 1992 : elle compte 171 collèges ou lycées (dont 112 en ZEP) ; le classement a pour effet de concentrer des moyens supplémentaires en personnel (par exemple le doublement du nombre des CPE et de professeurs principaux), d’introduire une procédure spéciale d’affectation des enseignants (avec examen local des candidatures) et d’accorder divers avantages (aménagement du service, déroulement de carrière, forte bonification au barème des mutations après quelques années d’exercice, etc.).

• La prévention de la violence conçue en partenariat : des conventions ont notamment été signées par l’Éducation nationale avec les ministères de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense, en vue de mobiliser les services de l’État sur des actions communes.

• La volonté de réconcilier les élèves avec l’École. L’opération « École ouverte » notamment, lancée en 1991, permet – en ouvrant les collèges pendant les vacances scolaires, dans des contextes économiques et sociaux dégradés – de proposer des activités sportives, culturelles, mais aussi de soutien scolaire, et d’améliorer ainsi les relations entre adultes et enfants.

• La volonté de sortir des classes les élèves les plus perturbateurs dans le but de remédier à une scolarisation et une socialisation manquées au moyen des dispositifs relais (classes relais, ateliers relais, internats relais).

De toute évidence, les mesures qui ont été prises demeurent largement impuissantes à endiguer le développement des violences et des incivilités. Il convient de s’interroger à la

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fois sur les modalités de la lutte contre l’échec scolaire, sur la manière de faire évoluer les relations entre les élèves et le personnel éducatif, mais aussi sur les outils permettant de faire respecter les règles de la vie en commun – personnel d’encadrement et sanctions efficaces.

3. Questions possibles

• Comment l’École doit-elle faire face à la difficulté de certains parents à éduquer leurs enfants ?

• Faut-il renforcer l’autorité des enseignants et l’encadrement des élèves ? • Quelles sont les sanctions efficaces ? • De qui a-t-on besoin en priorité pour lutter efficacement contre la violence et les

incivilités (psychologues, assistantes sociales, médiateurs, aides éducateurs, CPE, policiers, etc.) ?

• Comment transmettre aux enfants plus efficacement, dès le primaire, les règles de la vie en commun, et parvenir à développer le respect et la capacité de maîtrise de soi ?

• Quels aménagements dans les relations entre parents et professeurs permettraient-ils de lutter plus efficacement contre les incivilités ?

• Comment mieux associer les élèves à la prévention de la violence et au respect des règles de la vie en commun ?

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n°16 Sujet – Quelles relations établir entre les membres de la communauté éducative – en particulier entre parents et professeurs et entre professeurs et élèves ? Mots clés associés au sujet : éduquer–enseigner ; place des parents à l’école ; autorité ; droits et devoirs ; concertation ; respect

1. Définition du sujet

Les écoles et les établissements scolaires pourraient être considérés comme des communautés cohérentes et organisées d’adultes et d’élèves. C’est le sens du concept de « communauté éducative » tel qu’il est défini dans la loi d’orientation de 1989. La mission des uns, les adultes, est d’instruire, d’éduquer, de former et de préparer l’insertion sociale et professionnelle des élèves dans le cadre d’un partage de rôles et de responsabilités définis par une réglementation et de nombreuses injonctions. Les relations entre adultes, particulièrement entre enseignants et parents devraient être fondées sur la confiance et le respect des compétences de chacun ; celles entre adultes, les enseignants au premier chef, et élèves, devraient s’établir sur le respect mutuel, l’autorité et la confiance. Les adultes sont, d’une part, des professionnels qui méritent d’être reconnus comme tels : les professeurs, les personnels d’encadrement, les ATOSS sont recrutés sur des compétences validées. Les parents, d’autre part, sont les premiers responsables de l’éducation de leurs enfants qu’ils confient dans ce cadre à l’institution scolaire. Lorsque les parents accompagnent l’enfant, sont présents et attentionnés à l’égard de sa scolarité, celui-ci a de meilleures chances de réussir. Certains parents surinvestissent cependant l’institution, d’autres sont absents et laissent leurs enfants livrés à eux mêmes. Les parents reprochent souvent aux enseignants et aux autres professionnels de l’éducation un certain manque de disponibilité, les enseignants manifestent leur agacement quand les parents portent une appréciation sur leurs choix pédagogiques. On ne peut évoquer aujourd’hui les relations entre adultes et élèves sans poser le problème de l’autorité. Sa légitimité repose sur la définition de règles claires et leur acceptation au sein du groupe ainsi que sur la reconnaissance des missions des professionnels de l’École. La rigueur et la qualité de la formation dispensée ne peuvent que mieux légitimer l’autorité. Depuis 1985 une stratification de références de statut inégal, de la loi aux circulaires, définit les droits et les devoirs des élèves ; au cours de la dernière décennie, la notion de droit a semblé s’affirmer plus fortement, ce qui n’a pas manqué de troubler certains acteurs adultes. Par ailleurs, l’instauration d’une certaine forme de démocratie lycéenne ne s’est pas construite depuis 1998 sans ambiguïté.

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Quelles relations établir entre les membres de la communauté éducative – en particulier entre parents et professeurs et entre professeurs et élèves ?

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2. État des lieux Les parents ont, dans l’Ecole, une place définie statutairement, leur représentation, par la voie de l’élection, est assurée aux différents échelons du système éducatif :

- au niveau local dans les conseils d’écoles et dans les collèges et les lycées où ils participent au conseil d’administration et aux conseils de classe ; ils ont aussi une voix consultative au conseil de la vie lycéenne, à la commission d’hygiène et de sécurité et au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté ;

- dans les différents services de l’éducation nationale (conseil supérieur de l’éducation, conseil académique de l’éducation, conseil départemental de l’éducation) et dans les commissions compétentes pour certaines décisions individuelles (commissions d’appel compétentes pour l’orientation, commissions d’affectation des élèves, commissions des bourses, conseil de discipline départemental).

Cette place institutionnellement bien définie se traduit de fait par une participation très inégale :

- dans le second degré, seuls 30 à 33% des parents inscrits votent, alors qu’il sont plus de 50% dans l’enseignement primaire ;

- le dialogue avec les équipes pédagogiques est souvent emprunt de nombreux griefs réciproques (intrusion dans le champ des compétences professionnelles ou manque d’informations sur les familles qui ne sont pas élues par exemple).

Il reste du chemin à faire pour établir des relations de confiance et favoriser ainsi l’équilibre des établissements et la réussite des élèves. Une étude de l’OCDE montre que la France est le pays où les parents disent le moins en matière scolaire. Tous les élèves bénéficient de deux types de droits :

- des droits individuels liés à leur personne (droits à l’éducation, à l’information et à l’expression). Ces droits s’enrichissent en fonction de l’âge, la majorité légale conférant à l’élève majeur la responsabilité des actes administratifs qui le concernent.

- des droits collectifs, variables en fonction de l’âge, que l’institution scolaire leur a octroyés en les codifiant (réunion, publication, association).

Les obligations des élèves sont reprises dans le Code de l’Éducation : « les obligations des élèves consistent dans l’accomplissement des taches inhérentes à leurs études ; elles incluent l’assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements ». Le décret de 1985 évoque également le devoir de tolérance et de respect d’autrui dans sa personnalité et dans ses convictions et celui de n’user d’aucune violence. Une corrélation étroite peut être établie entre les « mouvements lycéens » et la circulaire d’octobre 1998 : « pour une participation accrue des élèves à la vie lycéenne ». A la représentation traditionnelle de deux délégués et deux suppléants par classe s’ajoute, dans l’établissement, une Conférence des délégués qui élit des représentants au Conseil d’administration, à la Commission permanente et au Conseil de discipline, et un Conseil de la

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Quelles relations établir entre les membres de la communauté éducative – en particulier entre parents et professeurs et entre professeurs et élèves ?

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vie lycéenne, consulté sur tous les domaines de la vie scolaire. Au niveau académique, le Conseil académique de la vie lycéenne, présidé par le recteur, constitue une instance de régulation et de dialogue relayée au plan national par le Conseil national de la vie lycéenne. Le bilan que l’on peut dresser de cette forme de « démocratie lycéenne » est en demi-teinte aussi bien quant aux objectifs visés (s’agit-il de faciliter l’expression des usagers et/ou de former de futurs citoyens ?), qu’en matière de mise en pratique. L’expression lycéenne connaît plusieurs vitesses : elle n’est réellement prise en compte que quand les adultes, autour du conseiller principal d’éducation, accompagnent le processus. Les personnels de l’éducation nationale sont soumis aux obligations de tous les fonctionnaires auxquelles s’ajoutent celles liés à leurs statuts particuliers et à leurs missions : les enseignants, par exemple, sont « responsables de l’ensemble des activités scolaires des élèves… Ils apportent une aide au travail personnel des élèves et en assurent le suivi. Ils procèdent à leur évaluation. Ils les conseillent dans le choix de leur projet d’orientation… » (code de l’éducation). La relation aux élèves est capitale et structurante dans le métier d’enseignant et plus largement d’éducateur. Il relève de la responsabilité de l’institution et peut-être plus largement de la responsabilité collective de ne pas laisser les enseignants dans ce face à face singulier et de leur proposer d’autres formes de relations professionnelles.

3. Questions possibles

• Quel doit être le rôle des parents à l’École ? comment favoriser son exercice ? • Quelles règles les enseignants et les élèves doivent-ils respecter dans leurs

relations mutuelles ?

• Comment favoriser la lisibilité du système éducatif par les parents ? • Faut-il et dans quel sens, redéfinir les devoirs et les droits des élèves à l’école, au

collège et au lycée ? Et comment les associer à cette définition ?

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Domaine – Faire réussir les élèves Fiche

n°17 Sujet – Comment améliorer la qualité de la vie des élèves à l’École ? Mots clés associés au sujet : bâtiments scolaires ; rythmes scolaires ; cantine ; hygiène et sécurité ; engagement des élèves ; santé

1. Définition du sujet La notion de qualité de vie des élèves est une notion à fois très concrète et multiforme. Interrogé sur ce thème, un élève évoquerait sans doute une multitude de points hétérogènes qui vont de la gentillesse des enseignants à la qualité de la nourriture de la cantine en passant par l’hygiène dans les toilettes, les loisirs et les périodes de récréation. Les critères étant mal définis, ils n’entrent pas dans la gamme des indicateurs. L’école est rarement jugée sur ce type de critères qui s’effacent devant ceux plus classiques traduisant la réussite ou l’échec des élèves. Pourtant on ne manquera pas d’argumenter sur le fait que la performance scolaire a toutes les chances d’être meilleure si les élèves, les enseignants et les personnels trouvent dans l’École des conditions de travail et de vie agréables et stimulantes.

2. État des lieux On peut distinguer 4 grands domaines se rattachant à la qualité de vie.

• Les rythmes scolaires

L’enseignement en France se caractérise par un nombre de jours de classe assez faible mais par une durée importante de la journée d’école alors que les études scientifiques conseillent plutôt, pour le bien des enfants, la continuité des jours d’école avec des horaires quotidiens peu chargés. Le rythme traditionnel hebdomadaire dans le primaire (70% des écoles) est de 5 jours avec un arrêt des cours le mercredi toute la journée et le samedi après-midi. Dans 25% des écoles on pratique la semaine de 4 jours : pas de travail ni le mercredi ni le samedi, le temps « perdu » étant rattrapé sur les vacances. Les horaires hebdomadaires de cours dans le secondaire sont à la fois lourds (25 heures en collège, 30 heures en enseignement général et 34 heures en enseignement professionnel) et souvent mal répartis. La réalisation des emplois du temps est ici compliquée par la question

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Comment améliorer la qualité de la vie des élèves à l’École ?

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de l’occupation des salles et du stade, les desiderata des enseignants quant à leur emploi du temps personnel et le nombre d’options des élèves. Les tentatives de réduction d’horaires hebdomadaires par l’Éducation nationale sont pour le moment toujours à l’état d’expérimentation.

• Les établissements scolaires (architecture, hygiène et sécurité) L’architecture et l’organisation du cadre de vie jouent un rôle essentiel, mais longtemps négligé, dans le sentiment du « bien-être » ou de malaise de la communauté éducative. Les recherches sur l’architecture scolaire ont fait apparaître l’importance d’une part de maintenir des bâtiments sans dégradation, d’autre part d’aménager l’espace intérieur des établissements: place centrale donnée aux lieux qui accueillent les adultes, importance des parties vitrées pour assurer la transparence et l’ouverture, centres de ressources documentaires et multimédia, lieux de convivialité pour les élèves, lieux de rencontres parents/professeurs et élèves/professeurs. Chaque établissement fait l’objet d’un contrôle qui vérifie l’état des différentes installations, le chef d’établissement étant garant de la sécurité des biens et des personnes. L’observatoire national de la sécurité des établissements scolaires, créé en 1995, relève dans son dernier rapport les progrès à faire dans la prévention des accidents dans les classes de BEP et dans les stages de l’enseignement agricole. Il attire l’attention sur la sous-information des services académiques et des établissements concernant les précautions à prendre pour ceux qui sont situés dans des zones à risque majeur (séisme, inondation, etc). Dans le cas de restructuration d’un établissement scolaire, il n’est pas rare d’associer les élèves à la réflexion : les nouveaux CDI, les salles de lecture, les foyers de lycéens, les équipements interactifs sont autant d’améliorations constatées dont les acteurs de la communauté éducative reconnaissent les bienfaits sur la qualité de vie. De même, l’architecture nouvelle des internats constitue un contexte favorable à l’amélioration de la qualité de la vie des jeunes lycéens. Enfin, la taille des établissements participe de la qualité de la vie. Après avoir construit des collèges et des lycées gigantesques, l’État et les collectivité territoriales privilégient aujourd’hui les établissements à « taille humaine ».

• Les adultes qui peuvent améliorer la qualité de la vie L’existence ou non d’adultes à l’écoute des enfants, et surtout des adolescents, est un élément déterminant dans la qualité de la vie offerte aux élèves. Dans le primaire, il existe des psychologues scolaires au sein des Réseaux d’aide spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) et certains aides éducateurs ont joué un rôle de médiateur entre adultes et jeunes. Dans le second degré, les élèves peuvent se tourner vers le pôle « vie scolaire » : conseillers principaux d’éducation, surveillants, aides éducateurs, assistants d’éducation, qui participent avec les conseillers d’orientation psychologues, rattachés aux CIO, les médecins, les infirmières et les assistantes sociales à la mission d’aide et d’écoute et peuvent coordonner leur action au sein de comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). De manière

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Comment améliorer la qualité de la vie des élèves à l’École ?

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plus informelle, les personnels ouvriers ou administratifs qui côtoient l’enfant quotidiennement sont amenés à jouer un rôle d’écoute et d’aide important. « L’Heure de vie de classe » a été inscrite dans les emplois du temps de certains collèges. Les élèves et leur professeur principal se retrouvent régulièrement pour faire le point sur les questions et les problèmes qui apparaissent tout au long de l’année.

• La restauration scolaire La crise de la vache folle, l’augmentation des allergies alimentaires, le cri d’alarme des médecins sur l’obésité croissante des enfants, ont amené les municipalités dont dépendent les cantines scolaires du premier degré à se pencher sur le problème de la qualité des repas, cuisinés, pour 70% d’entre eux, dans l’école elle-même. Nombre d’élus se sont donc efforcés non seulement d’assurer la sécurité alimentaire mais aussi d’augmenter la qualité de l’approvisionnement et l’équilibre diététique. Pour éviter de répercuter le surcoût sur les familles, les communes ont été amenées à augmenter les subventions. Dans l’enseignement secondaire où le prix des repas est fixé par le conseil d’établissement sans principe de quotient familial, le problème est d’abord celui de la non fréquentation des cantines. L’éducation à la santé, inscrite dans les programmes, et les campagnes de prévention relèvent également de l’amélioration de la qualité de vie.

3. Questions possibles

• Faut-il réaménager les rythmes scolaires ? si oui, comment ? • Faut-il mieux tenir compte des aspirations et de l’expérience des élèves ? • L’École doit-elle mieux prendre en compte les problèmes des adolescents et leur

bien-être ?

• L’engagement des élèves, à l’intérieur et à l’extérieur de l’École, peut-il favoriser la motivation et la réussite des élèves ?

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Domaine – Améliorer le fonctionnement de l’École Fiche

n°18 Sujet – Comment, en matière d’éducation, définir et répartir les rôles et les responsabilités respectifs de l’État et des collectivités territoriales ? Mots clés associés au sujet : décentralisation ; déconcentration ; service public ; gestion des personnels ; répartition des moyens ; expérimentation ; innovation

1. Définition du sujet

L’organisation du système éducatif français a longtemps été caractérisée par la prééminence du pouvoir central confortée par une administration de type pyramidal, donc fortement centralisée. Le gigantisme croissant des structures administratives centrales, dont l’efficacité était mise en cause, la recherche d’une meilleure réactivité des services publics par un rapprochement entre usagers et lieux de décision et l’affirmation d’une politique d’aménagement du territoire ont engendré une double évolution : – la France s’est engagée, à partir de 1982, dans la voie de la décentralisation qui a

transformé, en matière d’éducation, le champ des attributions respectives des administrations publiques de l’État et des collectivités territoriales ;

– l’administration de l’éducation nationale s’est largement déconcentrée au profit des services académiques.

Les services déconcentrés de l’État et les collectivités territoriales sont devenus des partenaires en matière d’éducation. La création des régions en tant que collectivités territoriales, la libération des différentes collectivités de la tutelle de l’État ont précédé et accompagné un vaste transfert de compétences qui porte principalement sur : – la construction, l’entretien et le fonctionnement matériel des collèges (conseils généraux)

et des lycées (conseils régionaux) dans le cadre de programmes prévisionnels d’investissement ;

– la planification : les régions sont responsables de l’élaboration des plans de formation professionnelle des jeunes.

De manière concomitante, les recteurs et les inspecteurs d’académie se sont vus confier la gestion entière des collèges et des lycées, l’ensemble de la carte scolaire, les dotations globalisées de moyens et, depuis 1999, l’essentiel de la gestion des enseignants du second degré. Le niveau académique apparaît comme l’échelon pertinent de la cohérence de l’action éducative de l’État (mise en œuvre des orientations nationales, valorisation des projets académiques par une ébauche de procédure de contractualisation). L’administration centrale assure, de son coté, la définition de règles nationales précises, tant en matière d’action pédagogique et éducative (définition des horaires d’enseignement et

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Comment, en matière d’éducation, définir et répartir les rôles et les responsabilités respectifs de l’État et des collectivités territoriales ?

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des programmes, examens et concours, recrutement et gestion des personnels et répartition des moyens par exemple). Cette administration participe aussi à l’évaluation et à la régulation du système éducatif. La répartition des rôles et des responsabilités entre l’État déconcentré et les collectivités territoriales est-elle satisfaisante ? Cette répartition a-t-elle contribué à améliorer l’efficacité du système éducatif ? 2. État des lieux Le système éducatif a largement bénéficié des retombées positives des lois de décentralisation des années 1980 : – l’action des collectivités territoriales a mis fin à la « paupérisation croissante » du

patrimoine immobilier dans un contexte de massification de l’enseignement ; – les schémas de formation ont permis de mieux orienter l’offre vers les créneaux porteurs et

les débouchés professionnels ; – la mise à disposition de matériels modernes (ateliers, CDI, salles multimédia, espaces de

langues, manuels scolaires dans les collèges…) et les aides diverses (bourses de séjours à l’étranger, subventions des sorties) ont contribué à améliorer le fonctionnement de l’enseignement ;

– des relations contractuelles s’établissent progressivement entre les collectivités et les établissements pour définir des programmes d’actions en accord avec les autorités académiques (achat ou participation à l’achat des manuels et des matériels et outillages dans les lycées et les lycées professionnels, interventions matérielles et financières pour la mise en œuvre des projets d’établissements ou l’accompagnement d’activités innovantes). Ces programmes ne relèvent pas toujours des compétences transférées.

Il reste cependant des zones d’ombre : – le fonctionnement des nouvelles instances de concertation est souvent formel et redondant

(CAEN et CDEN) ; – l’État a continué à établir des textes de référence qui impliquent les collectivités

territoriales sans pour autant les associer ; – la mise en œuvre des lois de décentralisation a généré des disparités liées aux moyens et

aux choix politiques des collectivités territoriales, la décentralisation a cependant contribué à réduire les inégalités entre les établissements, notamment entre les départements d’outre mer et la métropole, grâce en particulier, à l’action régulatrice de l’État ;

– le partage des responsabilités entre l’État déconcentré et les collectivités territoriales suscite soit des réticences quand, par exemple, les collectivités se mêlent de pédagogie par le biais du financement de projets, soit des conflits de compétences (entretien des établissements, modification de la carte des formations par exemple).

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Comment, en matière d’éducation, définir et répartir les rôles et les responsabilités respectifs de l’État et des collectivités territoriales ?

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Par ailleurs, l’organisation du premier degré d’enseignement n’a pas encore pris en compte les changements liés aux transformations de l’organisation de l’espace national et ceux liés au développement de l’intercommunalité. Malgré de notables efforts de mise en réseau, l’école primaire reste profondément dispersée dans des structures fragiles. Les 4750 regroupements pédagogiques intercommunaux favorisent le maintien du service public dans les zones rurales qui se désertifient, mais ils sont loin d’être généralisés et reposent sur un partage de compétences mal défini entre l’État qui considère chaque école du réseau comme administrativement autonome, le syndicat intercommunal qui en assure la gestion partielle et la commune qui conserve une partie de ses prérogatives. La loi du 12 juillet 1999 qui définit les contours de l’intercommunalité a relégué la compétence scolaire au rang de compétence facultative. Le mouvement de transfert est certes amorcé, mais il est lent et géographiquement disparate. Enfin, l’enseignement privé, sous contrat d’association participe depuis la loi Debré (1959) à une mission de service public (l’établissement s’engage à accepter tous les élèves et respecte les objectifs et contenus des programmes nationaux, l’État prend en charge les salaires des professeurs qualifiés et le fonctionnement), la loi reconnaissant le « caractère propre » des établissements privés. Ils sont aussi touchés par le partage de compétences issu des lois de décentralisation et de déconcentration. En 2002, le Gouvernement a décidé de procéder à une nouvelle répartition des rôles et des compétences : – la question de la mise en réseau des écoles primaires et de leur statut est posée ; – dans le second degré, plusieurs pistes sont explorées : elles concernent l’offre de

formations et le transfert des personnels ouvriers et de service ; – d’autres pistes ont été envisagées, comme celle qui consiste à transformer les services

académiques en établissements publics régionaux. Toutes ces pistes jointes à la possibilité d’expérimenter pourraient se traduire par une transformation en profondeur et une variété accrue du paysage éducatif.

3. Questions possibles

• L’efficacité de l’École exige-t-elle plus de décentralisation ? • Quelles compétences l’État doit-il absolument conserver ?

• Comment parvenir à une cohérence de la carte des formations des établissements

publics, privés sous contrat et des centres de formation d’apprentis ? • Faut-il accroître l’autonomie des établissements du second degré ? comment ?

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Domaine – Améliorer le fonctionnement de l’École Fiche

n°19 Sujet – Faut-il donner davantage d’autonomie aux établissements et accompagner celle-ci d’une évaluation ? Mots clés associés au sujet : projet d’établissement ; contrat ; évaluation ; gestion des personnels ; équipe de direction

1. Définition du sujet Aujourd’hui, de plus en plus de questions ne trouvent de solutions qu’au niveau de l’établissement scolaire. Dans le même temps, l’École de la République se doit de respecter le principe d’égalité devant l’éducation. Le projet d'établissement, généralisé et rendu obligatoire par la loi du 10 juillet 1989, traduit la volonté des établissements de prendre en charge leur autonomie pour y développer des initiatives. Donner davantage de responsabilités aux établissements scolaires, échelons autrefois qualifiés avec condescendance d'exécution, est-il un gage de gestion judicieuse et efficace du système éducatif ? La réponse à cette question est d'importance, elle est porteuse de fortes évolutions quant à la nature des relations entre établissements et structures académiques et nationales ou celle que les établissements entretiennent entre eux et avec les autres acteurs du système social (collectivités territoriales, entreprises, familles, autres administrations). Le caractère décentralisé de la République, à présent reconnu par la constitution et la déconcentration de l'administration de l'éducation nationale entraîneront par ailleurs, la définition et la mise en œuvre de politiques éducatives territoriales qui viendront compléter et diversifier la politique nationale. La question de l'accroissement des responsabilités et de l'autonomie des établissements peut-elle recouvrir les mêmes réalités dans un petit collège, une petite école et dans le lycée à classes préparatoires d'une grande métropole? La volonté réaffirmée de maintenir un service public national d'éducation a pour corollaire de repenser l'évaluation de l'établissement devenu plus autonome et d'inventer un dispositif contractuel de régulation.

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Faut-il donner davantage d’autonomie aux établissements et accompagner celle-ci d’une évaluation ?

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2. État des lieux A la confluence des mouvements de décentralisation et de déconcentration, les établissements scolaires du second degré sont transformés par un décret de 1985 en établissements publics locaux d'enseignement (EPLE). Le lycée, le collège et l'école sont d'abord des immeubles relevant des diverses collectivités territoriales et mis à la disposition du service public d'éducation. Cette responsabilité partagée date de la fin du XIXème siècle pour les écoles et des lois de décentralisation des 7 janvier et 22 juillet 1983 pour les établissements du second degré. Les collèges et les lycées sont dirigés par un chef d'établissement, représentant l'État et nommé par lui, et un conseil d'administration élu aux deux tiers par le communauté éducative. La présidence de ce dernier est assurée par le chef d'établissement, également chargé d'exécuter ses délibérations. L'EPLE dispose de marges d’autonomie administrative, éducative et pédagogique qui portent sur les points suivants : organisation des classes et des emplois du temps ; utilisation des dotations ; préparation de l’orientation et de l’insertion des élèves ; ouverture sur l’environnement social, culturel et économique ; choix de sujets d’études spécifiques et d'activités facultatives concourant à l’action éducative laissée par la réglementation à l'initiative de l'EPLE ; élaboration et mise en œuvre du règlement intérieur ; vote d'un budget alimenté essentiellement par une subvention de fonctionnement allouée par la région (lycée) ou le département (collège). Les collèges et les lycées ont largement bénéficié des retombées positives des lois de décentralisation des années 1980 : l'action des collectivités territoriales a transformé le patrimoine immobilier dans un contexte de massification de l'enseignement ; la mise à disposition de matériels modernes et d'aides diverses ont contribué à améliorer le fonctionnement de l'enseignement. Le bilan des deux dernières décennies est cependant nettement plus nuancé quant au fonctionnement autonome des établissements scolaires. L’architecture institutionnelle mise en place bride les initiatives : – le chef d’établissement qui cumule plusieurs rôles (représentant de l’État, exécutif de

l’établissement, président du conseil d’administration) fait généralement prévaloir la ligne hiérarchique de l’État qui le nomme ;

– le conseil d’administration joue rarement le rôle d’organe politique de l’EPLE, il se contente d’assister le chef d’établissement ;

– le contrôle des actes pédagogiques est strictement hiérarchique ; – l’essentiel du budget (dépenses de personnel) échappe à l’établissement ; – les projets d'établissement sont trop souvent théoriques et ne portent pas sur le cœur de

l’enseignement ; par ailleurs, ils intègrent trop rarement de véritables indicateurs permettant une évaluation ;

– les relations avec les services académiques reposent très rarement sur une forme de contractualisation ;

– le fonctionnement vertical (foisonnement de circulaires « descendantes ») et cloisonné (directions du ministère qui véhiculent chacune leurs directives, injonctions pédagogiques par disciplines) du système pèse sur les initiatives locales.

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Faut-il donner davantage d’autonomie aux établissements et accompagner celle-ci d’une évaluation ?

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Pour mieux asseoir l’autonomie pédagogique et éducative de l’établissement, l’institution envisage d’associer plus étroitement les personnels enseignants et d’éducation à l’élaboration et à la mise en œuvre des projets d’établissement en créant au sein de chaque établissement un conseil scientifique et pédagogique. L'école primaire est, quant à elle, restée un service sans personnalité juridique en régie communale. Son directeur, recruté sur une liste d'aptitudes, est sans véritable autorité hiérarchique, alors que ses responsabilités administratives et pédagogiques sont importantes : admission des élèves ; répartition des classes entre enseignants ; modalités d'utilisation des locaux ; organisation des élections des délégués des parents au conseil d'école, convocation et présidence du conseil des maîtres et du conseil d'école ; accueil et surveillance des élèves. Il est, par ailleurs, invité à prendre toutes les initiatives pour assurer la meilleure scolarité des élèves, et représente l'institution auprès de la commune. Des débuts de réponses ont été trouvés : la caisse des écoles de certaines communes donne plus de souplesse à leur financement ; l'institution de regroupements pédagogiques intercommunaux répond au maintien du service public dans certaines zones rurales, mais ces structures souffrent aussi de l'absence d'assise juridique. La question du statut de l'école est donc posée.

3 Questions possibles

• Quelles marges de manœuvre nouvelles faudrait-il donner aux établissements scolaires ?

• Qui doit conduire l’évaluation des établissements ? sur quels critères et de quelle manière ?

• Faut-il un nouveau statut pour l’école primaire ? L’école doit-elle demeurer

communale au risque de disparaître en milieu rural ou faut-il développer les réseaux d’écoles?

• Faut-il développer entre les académies et les établissements des contrats fondés sur des objectifs avec des engagements concernant les moyens et les résultats ?

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Domaine – Améliorer le fonctionnement de l’École Fiche

n°20 Sujet – Comment l’École doit-elle utiliser au mieux les moyens dont elle dispose ? Mots clés associés au sujet : moyens ciblés ; taille des classes ; gestion des ressources humaines ; évaluation et performance du système éducatif

1. Définition du sujet La Nation investit plus que jamais – et chaque année davantage – dans l’éducation de ses enfants. Le budget de l’Éducation nationale progresse plus vite que le budget de l’État ; il a augmenté de 25% depuis dix ans, alors même que les effectifs scolaires ont baissé durant cette période. Si l’on ajoute à la contribution de l’État celles des collectivités territoriales, des ménages et des entreprises, c’est un effort financier de 103,6 milliards d’euros que la France a consacré à l’éducation en 2002, toutes dépenses confondues (y compris la formation continue). Cet accroissement de la dépense d’éducation relève d’une tendance lourde des sociétés modernes, dont la structure de l’emploi s’est considérablement transformée tout au long du XXe siècle, faisant notamment apparaître une augmentation constante de la part des activités liées aux domaines de la santé et de l’éducation. L’augmentation des dépenses de santé témoigne de la valeur que nos sociétés attachent à la vie humaine. La dépense d’éducation répond, quant à elle, à une nécessité inédite : l’avènement de « l’économie de la connaissance », le déclin des instances traditionnelles de socialisation (famille, Église, mouvements de jeunesse) et l’aspiration des individus à une vie plus libre concourent à accroître la demande d’éducation que l’État doit prendre en charge. La santé et l’éducation sont ainsi devenues des préoccupations politiques majeures et il est fort probable que la part du budget de l’État qui leur est consacrée continuera d’augmenter dans les décennies à venir, et ce, quelles que soient les majorités qui se succéderont au pouvoir. L’identification de cette tendance lourde – et de la demande sociale qui la sous-tend – ne doit cependant pas interdire de porter un regard critique sur l’usage qui est fait des moyens dépensés. L’augmentation des moyens n’est pas une fin en soi : la collectivité doit s’assurer que son effort n’est pas vain et que cette augmentation se traduit effectivement par une plus grande qualité de service. Le fait par exemple que l’École ne progresse plus depuis quelques années au regard des objectifs qui avaient été fixés par la loi d’orientation de 1989 devrait – compte tenu de l’augmentation considérable du budget dans le même temps – susciter des interrogations : A quoi les nouveaux moyens investis ont-ils servi ? L’École est-elle en mesure d’évaluer l’efficacité de l’usage qu’elle en fait ? Les difficultés rencontrées par l’École – proportion importante d’élèves entrant en 6e avec des lacunes en français et en

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LES SUJETS PROSPECTIFS

Comment l’École doit-elle utiliser au mieux les moyens dont elle dispose ?

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calcul, stagnation du nombre des sorties annuelles d’élèves sans qualification, montée de la violence et des incivilités – doivent-elles s’expliquer seulement par l’évolution de la société ou bien aussi par l’incapacité de l’École à y répondre en faisant le meilleur usage des moyens dont elle dispose ? Faut-il considérer que la solution aux problèmes de l’École passe exclusivement par un surcroît de moyens ou bien doit-on, avant d’envisager de nouvelles augmentations conséquentes, tenter de mieux évaluer l’efficacité de la dépense ?

2. État des lieux La France accueille, dans ses écoles et universités, près de 15 millions d’élèves ou étudiants, soit un million de plus qu’il y a vingt ans. L’augmentation de la dépense d’éducation résulte pour une large part de l’allongement de la durée moyenne de la scolarisation : d’un côté l’entrée à l’École est plus précoce (développement de la scolarisation en maternelle), de l’autre, l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur s’est démocratisé. La dépense annuelle moyenne par élève ou étudiant – à prix constant – était en 2002 de 6470 euros, contre 3480 euros en 1975. Une telle progression du coût de l’École s’explique principalement par la réduction du nombre d’élèves par classe et par la revalorisation des salaires des enseignants (création, notamment, du corps des professeurs des écoles). Il faudrait qu’elle soit mise en rapport avec l’évolution des performances du système éducatif : on peut en effet se demander si l’amélioration de la performance des élèves a été, durant cette période, proportionnelle à l’augmentation de la dépense que la collectivité leur a consacrée ; il faut surtout s’interroger sur la possibilité d’améliorer le « rendement » de l’École : quels sont, par exemple, les effets pédagogiques que l’on peut attendre des facteurs tels que la taille des classes ou le nombre d’heures d’enseignement dispensées aux élèves ? Peut-on jouer sur ces facteurs – en ciblant les réductions de la taille des classes ou en distribuant différemment le nombre d’heures d’enseignement par discipline – afin d’améliorer les résultats des élèves ? La France dépense-t-elle trop ou trop peu pour l’éducation ? Les ressources de l’éducation ont doublé depuis un quart de siècle (évolution à prix constants), et augmenté plus vite que la richesse nationale – la dépense d’éducation représentait en effet 7% du Produit National Brut en 2002, contre 6,4% en 1975. La France dépense plus que la plupart de ses voisins européens : la part de la dépense d’éducation dans la richesse nationale est inférieure à celle de la Suède et du Danemark, mais nettement supérieure à ce qu’elle est aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni. La comparaison des performances des élèves fait apparaître que si la France se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, elle n’occupe sans doute pas le rang qui devrait être le sien compte tenu de son investissement éducatif.

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La dépense d’éducation est-elle bien répartie entre les différents degrés du système éducatif ? Dans tous les pays du monde, un élève coûte d’autant plus qu’il est avancé dans son cursus ; cela tient en particulier à la qualification et au salaire croissants des enseignants du primaire au supérieur. La France, qui ne fait pas exception à la règle, est, parmi les grands pays, celui où l’écart entre le coût de l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire est le plus élevé, et où l’écart entre enseignement secondaire et enseignement supérieur est le plus faible. La France fait ainsi partie, avec le Danemark et la Norvège, des pays européens qui dépensent le plus pour les élèves du secondaire, alors qu’elle se situe dans la moyenne s’agissant des élèves de l’école élémentaire et que seules l’Espagne et la Grèce investissent moins qu’elle dans le supérieur. La dépense par étudiant dans l’enseignement supérieur a crû nettement moins vite que dans l’enseignement scolaire, malgré la hausse de la part du supérieur dans la part de la dépense d’éducation (en raison de la forte progression des effectifs – 392 000 étudiants – entre 1990 et 1995). Des rééquilibrages sont sans doute, à cet égard, nécessaires. Nous savons, par exemple, que d’ici à 2006, les effectifs du premier degré devraient s’accroître de plus de 200 000 élèves, alors que les lycées et collèges connaîtront dans les dix années qui viennent une baisse importante de leurs effectifs, estimée à – 206 000 élèves. Par-delà ces données démographiques, on peut s’interroger de manière plus approfondie sur le bien fondé de l’équilibre actuel en fonction des difficultés rencontrées par notre École. Est-il légitime que la dépense par élève de maternelle (4160 euros) s’accroisse plus vite et tende à s’approcher de la dépense par élève de l’école élémentaire (4490 euros), où se joue pourtant – à travers l’acquisition des fondamentaux – la prévention de l’échec scolaire ? Au sein du secondaire, c’est sans doute le coût du lycéen (9060 euros pour le lycée général et technologique, 9870 euros pour le lycée professionnel) qui est excessif, en raison de la multiplication des options ou des filières de formation à effectifs réduits (notamment au lycée professionnel où les équipements sont en outre coûteux). Or c’est au collège, qui accueille tous les enfants d’une classe d’âge – après quelques années de scolarité durant lesquels l’écart des niveaux s’est déjà creusé – que se manifestent les difficultés les plus aiguës générées par la démocratisation de l’enseignement secondaire : une plus grande diversité des rythmes d’apprentissage est peut-être nécessaire, ce qui pourrait conduire à renchérir le coût du collégien (7110 euros en 2002). Enfin, l’enseignement supérieur pâtit d’un déséquilibre au bénéfice de l’enseignement scolaire, notamment du lycée, alors même que le taux d’échec dans les premiers cycles universitaires constitue un grave problème de notre système éducatif. Est-il par ailleurs légitime que la dépense moyenne par étudiant inscrit à l’université (6850 euros) soit inférieure au coût du collégien tandis que l’étudiant moyen des Classes Préparatoires au Grandes Écoles coûte 13 220 euros à la collectivité ?

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La part du salaire des personnels dans la structure de la dépense d’éducation L’éducation est avant tout une affaire de moyens humains. Depuis les lois de décentralisation, 95% du budget de l’enseignement scolaire est constitué de dépenses de personnels (60% pour le budget du supérieur, où l’État assume encore l’essentiel des dépenses relatives au fonctionnement, à l’équipement et à l’immobilier). En 2003, le ministère de l’Éducation nationale rémunère 1 326 000 personnes, dont un million d’enseignants. Environ 40% des personnels titulaires qui étaient en activité à la rentrée 2001 partiront à la retraite d’ici à 2011. Cette perspective rend possibles des choix relatifs au nombre, à la structure et au traitement des personnels de l’Éducation nationale : faudra-t-il à l’avenir davantage de professeurs ou bien davantage de personnels d’encadrement éducatif ? Est-il souhaitable – en vue de rendre plus attractif le métier, et donc de préserver la qualité de l’enseignement dans l’avenir – de mieux rémunérer les enseignants, quitte à en maintenir ou à en réduire le nombre ? Faut-il au contraire augmenter le nombre des adultes dans les établissements, en limitant au besoin l’effort de revalorisation salariale ? Bien, entendu chacun s’accordera pour considérer que, si la situation économique du pays le permet, il serait préférable de pouvoir surmonter ces alternatives ; mais il importe, lorsque la réalité impose des choix, que ceux-ci puissent être éclairés par la définition d’orientations claires et si possible partagées par l’ensemble de la Nation. Raison pour laquelle ces questions peuvent difficilement être éludées. Faut-il cibler davantage l’usage des moyens ? L’effet le plus sensible de l’augmentation des moyens dans un contexte de baisse globale des effectifs (du fait de l’évolution démographique) est la réduction de la taille des classes Au cours des trente dernières années, l’effectif moyen a ainsi diminué de quatre à cinq élèves dans le premier degré et d’un peu plus de deux élèves dans l’ensemble du second degré. Au sein de l’enseignement secondaire, les enseignants n’ont pas toujours conscience de cette réduction, dans la mesure où il s’agit d’une moyenne : certaines classes demeurent « chargées » tandis que se multiplient les effectifs réduits dans les classes à option ou les groupes de soutien. Il faut ici préciser que, contrairement à ce que l’on croit parfois, la taille d’une classe n’a pas, en soi, d’effet notable sur l’efficacité de l’enseignement qui y est dispensé, car tout dépend du contexte et, en particulier, des élèves eux-mêmes. Le Haut Conseil de l’Évaluation de l’École a, sur cette question, rendu un avis récent et important. Il conclut des études disponibles qu’une réduction uniforme, générale, de la taille des classes telle qu’elle a été pratiquée au cours des dernières décennies est très peu efficace (alors qu’elle est très coûteuse) ; il faut, au contraire, si l’on veut qu’elle soit efficace, qu’une telle politique soit ciblée : « il semble exister un effet, mais faible, sur les progrès des élèves, effet observé presque uniquement dans les petites classes de l’enseignement primaire, qui semble ne se produire que si l’on procède à une forte réduction de la taille des classes, et qui n’est vraiment visible que pour les enfants de familles défavorisées ; cet effet semble durable. » Et le Haut Conseil de conclure : « Cela incite, en tout cas, à n’envisager cette politique de réduction de la taille des classes que de la façon très sélective – et, dans un premier temps,

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expérimentale – qui a été évoquée plus haut, et après s’être posé la question de savoir si les sommes qui y seraient consacrées ne peuvent pas être mieux utilisées autrement. »

Évaluation et autonomie La volonté de cibler l’usage des moyens, par la réduction de la taille des classes ou par une politique de discrimination positive à l’égard des territoires ou des établissements défavorisés se heurte à une limite objective : la difficulté d’évaluer le rapport entre l’accroissement quantitatif des moyens et l’amélioration de l’efficacité pédagogique. Les conditions et les pratiques de l’enseignement importent souvent davantage que les éléments quantitatifs et le surcroît d’investissement n’a bien souvent pour effet que d’améliorer le confort ou la situation financière de l’enseignant. Faut-il davantage recourir à l’expérimentation ? Qui doit procéder à l’évaluation, et de quelle manière ? Faut-il donner aux établissements une plus grande autonomie budgétaire et pédagogique de façon à la fois à mieux ajuster l’usage des moyens aux problèmes posés par le terrain et à faciliter l’évaluation des pratiques et des résultats ?

Quel partage entre formation initiale et formation différée ? La démocratisation de l’accès aux études secondaires et supérieures – c’est-à-dire l’allongement de la durée moyenne des études – constitue la raison principale de l’accroissement continu de la dépense éducative. Cet investissement dans la formation initiale des jeunes manifeste une volonté d’élever le niveau de culture du futur citoyen ainsi que le niveau de qualification du futur travailleur. Il est toutefois permis de s’interroger sur la manière d’utiliser au mieux le temps consacré aux études que la dépense d’éducation permet. On peut en effet observer que la France est à la fois le pays européen, après la Belgique, dans lequel la proportion de jeunes de 15 à 24 ans en formation est la plus élevée, et l’un des pays, pourtant, où l’accès des jeunes à l’emploi est le plus difficile. Il est vrai aussi que le diplôme protège du chômage : mais la démocratisation de l’accès au baccalauréat, par exemple, renforce l’exclusion de ceux qui sortent de l’École sans aucun diplôme – l’absence de diplôme opérant en quelque sorte comme un signal négatif aux yeux des employeurs. On peut donc se demander si un nouveau partage entre formation initiale et formation différée – impliquant davantage le monde du travail dans l’éducation des jeunes – n’est pas nécessaire : faut-il employer les moyens dont dispose l’École pour allonger la durée de formation initiale d’une proportion toujours plus importante de jeunes ou bien faut-il plutôt créer les conditions permettant d’accroître le temps de la formation continue ? Le débat doit se donner pour ambition de déterminer quel est, de ce point de vue, l’usage le plus efficace de l’investissement que la Nation consacre à la formation des jeunes. Il faut d’abord observer que la réussite de la formation continue est conditionnée par une bonne formation initiale ; mais on peut faire valoir par ailleurs que l’échec scolaire est souvent cumulatif, que les redoublements et les sorties sans diplôme coûtent cher à la collectivité : une formation

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permettant d’entrer de manière plus précoce dans la vie active, et de se confronter ainsi plus tôt à la réalité, pourrait peut-être épargner à certains jeunes le découragement et leur donner des raisons – à condition que la possibilité leur en soit offerte – de renouer ensuite avec les études. Coût et avantages du multimédia La révolution informatique a conduit à poser la question de l’équipement et de l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication au sein de l’École. Mettre ces nouveaux outils à la disposition de tous les élèves paraît à la fois nécessaire et juste. Encore faudrait-il résoudre les problèmes posés par la formation des enseignants et par la maintenance ou le renouvellement du matériel. Le coût d’une telle entreprise doit cependant conduire la collectivité à s’interroger sur les avantages qu’on est en droit d’attendre des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement (TICE). La valeur et l’efficacité du support pédagogique que représentent l’informatique et le multimédia justifient-elles que l’on équipe de manière systématique tous les établissements scolaires ou bien faut-il, de manière plus prudente, procéder par expérimentation ?

3. Questions possibles

• Faut-il évaluer l’efficacité de l’utilisation des moyens avant d’envisager de les augmenter ?

• Comment mieux répartir et mieux cibler les moyens dont dispose l’École ? • Qui doit évaluer l'efficacité des établissements scolaires ? • Faut-il publier annuellement ces évaluations, et si oui, à quelle échelle, (établissement,

école, département, région, nation) ? • Faut-il définir un nouvel équilibre dans la répartition des moyens entre lycée et le

collège pour permettre à ce dernier de mieux atteindre ses objectifs ?

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Domaine – Améliorer le fonctionnement de l’École Fiche

n°21 Sujet – Faut-il redéfinir les métiers de l'École ? Mots clés associés au sujet : professeurs ; inspecteurs ; chefs d’établissement ; directeurs d’école primaire ; ATOSS ; équipe éducative

1. Définition du sujet

Le système éducatif français distingue ce qui se vit dans la classe et ce qui se vit en dehors : – le premier est le domaine de l’enseignement proprement dit, assuré par les personnels

enseignants ; – l’autre, dans l’établissement ou les services, est le domaine de la vie scolaire, de

l’environnement matériel, de la logistique ou du pilotage, il est assuré par des personnels spécialisés.

L’ensemble de ces métiers, qui reposent sur de multiples statuts, participe à la réalisation des objectifs assignés à l’École. Le large renouvellement en cours des personnels de l’éducation nationale (en particulier des enseignants) et la redéfinition des missions de l’École dans un contexte de décentralisation, de déconcentration et d’autonomie des établissements, offre l’opportunité de repenser la définition des métiers de l’École. Principale catégorie de personnels de l’éducation nationale, en termes d’effectifs, les enseignants sont au cœur du système. Ils constituent une profession que l’opinion envisage souvent sous l’angle de l’unité alors que la définition statutaire de leurs missions et fonctions est multiple : – sur quelles distinctions établir une nouvelle définition du ou des métier(s) de

l’enseignement ? (l'âge des enfants, de la petite enfance à l'adolescence – le lieu d'exercice, de l'école ou de l'établissement en zone difficile au lycée traditionnel de centre ville – la discipline enseignée – la charge de travail) ;

– sur quels critères recruter les enseignants ? Quel équilibre trouver entre des connaissances disciplinaires et des connaissances transversales ? Quelle place accorder aux « connaissances générales concernant l'homme, l'enfant et la société » ou encore « l'aptitude à gérer des groupes… et à travailler en équipe » ?1

Le « malaise » enseignant, si souvent rappelé, trouvera-t-il une issue dans une nouvelle définition des missions et des critères de recrutement ?

1 Rapport JOXE, 1972

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Faut-il redéfinir les métiers de l'École ?

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Les autres métiers, ceux des personnels qui n’interviennent pas directement dans la classe sont encore souvent perçus et vécus comme parallèles, au mieux complémentaires de celui de l'enseignement. Aussi convient-il de mieux articuler l'action des uns à celle des autres. 2. État des lieux Le panorama statutaire – quelque vingt corps différents, toutes fonctions confondues – dans les premier et second degrés, est complexe sans pour autant refléter la diversité des métiers de l'École. Le métier d 'enseignant Les enseignants sont 363 000 dans le premier degré (319 000 dans le public et 44 000 dans le privé sous contrat) et 531 000 dans le second (respectivement 432 000 et 99 000). Au sein de l’Éducation nationale, les enseignants représentent à peu près sept personnes sur dix. Environ deux sur trois de ces enseignants sont des enseignantes. Ces estimations peuvent impressionner et feraient presque oublier que ces enseignants ne font pas tous le même métier. Il est évident et statutairement reconnu que le professeur des écoles exerce un métier différent de celui du professeur des lycées et collèges ou de celui des lycées professionnels. Ne pourrait-on pousser la distinction plus loin ? Faut-il, par exemple, définir un métier de professeur d'écoles maternelles ou de professeur de collèges ? Dans le premier degré, le corps des professeurs des écoles succède progressivement à celui des instituteurs, la féminisation du métier s’accentue. Les enseignants qui exercent dans les écoles primaires sont aidés par des conseillers pédagogiques, des enseignants spécialisés, membres des réseaux d’aide aux élèves en difficultés et divers spécialistes des activités artistiques et sportives qui complètent la polyvalence des maîtres. Dans le second degré, la mise en extinction progressive de plusieurs corps (adjoints et chargés d’enseignement, professeurs d’enseignement général de collège et premier grade des professeurs de lycées professionnels) aboutit à la répartition suivante : 12% de professeurs agrégés, 61% de professeurs certifiés et 15% de professeurs de lycées professionnels. Cette distinction répond-elle à la définition de métiers différents et aux besoins des établissements et des élèves ? Dans les établissements, les professeurs sont épaulés par les documentalistes, chargés d’animer les centres de documentation et d’information et par les chefs de travaux responsables des enseignements techniques. Les autres métiers de l’éducation Si les enseignants sont seuls responsables de l'enseignement, il partagent l'éducation des élèves avec d'autres personnels spécialisés.

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Le développement de la fonction « vie scolaire » dans les établissements s’est accompagné d’un accroissement des missions des personnels d'éducation ( surveillants, aides éducateurs, assistants d’éducation ). Il est urgent de préciser leur rôle au sein de l'équipe éducative. La place du Conseiller principal d’éducation est, en la matière, déterminante. Il assure, en plus de sa fonction d’éducation, une fonction d’encadrement. Quelle nouvelle synergie construire avec l’équipe de direction ? Les personnels médicaux et sociaux, sont, eux aussi, directement impliqués dans l'action éducatrice. Au sein de chaque établissement un Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté, s'efforce d'inscrire les actions d'éducation et de prévention dans une perspective globale en associant enseignants, éducateurs, personnels spécialisés et en s'ouvrant aux associations et aux autres services publics. Cette recherche d'une meilleure coordination des interventions de chacun devrait être étayée par une réflexion sur les missions des personnels médicaux et sociaux dans l'École telles qu'elles s'exercent en direction des élèves et quelquefois des personnels, enseignants ou non. Il est de même important de préciser et de clarifier le rôle, la fonction et les missions des conseillers d'orientation – psychologues, ainsi que leur place, dans l'établissement et à l’extérieur. Les métiers de l'encadrement Le métier de directeur d'école manque de reconnaissance statutaire et de responsabilités clairement définies. Or l'école primaire aujourd’hui, de plus en plus souvent regroupée en réseaux et impliquée par des partenariats multiples, doit être administrée et pilotée. Le nombre de postes vacants et la persistance d’un mouvement de grève administrative sont deux symptômes d’un malaise profond. Le métier de chef d'établissement a beaucoup évolué avec la transformation des lycées et collèges en établissements publics locaux d’enseignement dotés d’une certaine autonomie et placés sous la double tutelle de l’État et des collectivités territoriales. Le proviseur ou le principal dirige son établissement. Il peut être tenu, au moins en partie, pour responsable de ses réussites ou de ses échecs. Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante : les chefs d'établissement sont écartelés entre l’animation et l’évaluation de l’équipe pédagogique ; la responsabilité de tous les actes administratifs et financiers ; la garantie de la sécurité des personnels et des élèves ; la mise en œuvre des objectifs nationaux et la prise en compte d’une situation territoriale spécifique. Depuis plus de dix ans, nonobstant la revalorisation financière de la fonction, il subsiste des difficultés de recrutement en nombre et qualité. Comment et par qui le chef d'établissement pourrait-il être aidé ? Dans les établissements importants, ou dans le cadre d'un réseau, les chefs d'établissement pourraient, par exemple, être épaulés par un « directeur administratif et financier » déchargeant le principal ou le proviseur de ses fonctions administratives. Les missions des personnels d’inspection territoriale qui interviennent dans le second degré (IA/IPR, IEN pour l’enseignement professionnel et pour l’orientation) sont définies par un décret statutaire commun qui exprime la volonté d’amener ces personnels à travailler ensemble pour renforcer la cohérence des procédures et des modalités d’évaluation du système éducatif et des personnels. Le découpage actuel en deux corps est-il une survivance

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que seul le niveau de recrutement justifie encore ? La multiplicité des missions définies au sein de l’académie par le programme annuel de travail des corps d’inspection et les modalités de recrutement des inspecteurs expliquent le peu d’appétence qu’éprouvent les enseignants chevronnés à postuler pour ces fonctions; elles devraient sans doute être revues. Le vivier de recrutement des inspecteurs des circonscriptions du premier degré est de plus en plus endogène (conseillers pédagogiques, directeurs d’écoles), il ne permet plus de couvrir les besoins. La fonction pédagogique de l’inspecteur de circonscription est aujourd’hui concurrencée par les tâches d’administration et de gestion. A coté de ces fonctions territoriales, les corps d'inspection exercent des missions nationales, notamment pour le recrutement des enseignants ou pour la définition des programmes. Les personnels administratifs, techniques et ouvriers Les personnels non enseignants, qu’ils soient administratifs, techniciens ou ouvriers, contribuent largement à la qualité de la vie dans les établissements, non seulement en raison de leurs métiers propres, mais aussi parce qu’ils sont au contact des élèves et de leur famille. Ils contribuent au fonctionnement des établissements et des services en assurant notamment la qualité de l'accueil, du cadre de vie, de la sécurité, du service de restauration et de l'hébergement. 3. Questions possibles

• Faut-il mieux définir la spécificité du métier d’enseignant en maternelle, école élémentaire, collège et lycée ?

• Faut-il développer les métiers de l’éducation et de la vie scolaire (orientation, surveillance, santé et social, inspection, administratif et ouvrier) et mieux les articuler avec les métiers de l'enseignement ?

• Faut-il renforcer le rôle des directeurs d’école et des chefs d’établissement ? • Quel sens et quelle marge donner aujourd'hui à la liberté pédagogique de l'enseignant? • Faut-il et si oui comment favoriser le travail en équipe des enseignants ?

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n°22 Sujet – Comment former, recruter, évaluer les enseignants et mieux organiser leur carrière ? Mots clés associés au sujet : IUFM ; recrutement ; évaluation ; investissement professionnel ; ancienneté ; mobilité

1. Définition du sujet Les enseignants sont au cœur du système, principale catégorie de personnels de l’Éducation nationale en termes d’effectifs ; ils forment une profession souvent envisagée sous l’angle du monolithisme : « le milieu enseignant ». Or, par-delà les incontestables facteurs d’unité que constituent une formation initiale académique, et pour une très large part disciplinaire et une forte identité professionnelle, la diversité du métier est réelle : – le professeur des écoles exerce incontestablement un métier différent de celui du

professeur des collèges et de celui du professeur des lycées ou des lycées professionnels ;

– le recrutement, la formation professionnelle, la formation continue, les affectations, l’évaluation et la gestion des carrières présentent des variations considérables.

Confrontés à des bouleversements sociaux amplifiés par les difficultés d’une gestion nationale des carrières, peut-être menacés à terme par une certaine pénurie d’effectifs, la question de l’organisation professionnelle et de la carrière des enseignants mérite d’être portée au débat.

2. État des lieux S’interroger sur la formation, le recrutement, l’évaluation et l’organisation de la carrière

des enseignants suppose d’intégrer à la réflexion trois contraintes principales. 1) La contrainte quantitative est cruciale : entre 2002 et 2011, 370 000 enseignants des

premier et second degrés, soit 43% d’entre eux, vont partir en retraite ; cela représente donc 37 000 départs par an .

2) La contrainte de l’évolution du métier est récurrente : « Enseigner autrement » est un

souhait souvent exprimé qui semble se heurter à l’identité professionnelle et aux motivations profondes de beaucoup enseignants. En particulier, aider les élèves à apprendre, assurer une

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fonction éducative et travailler de manière plus collective constituent des demandes institutionnelles qui semblent s’opposer aux motivations des enseignants du second degré pour s’engager dans le métier : goût pour une discipline universitaire et plaisir de transmettre des connaissances dans le cadre d’un statut institutionnel peu contraignant.

3) L’évaluation et la gestion des corps et des carrières, sans cesse remises sur le métier,

doivent davantage aider les enseignants eux-mêmes dans l’exercice d’un métier plus difficile que jadis, intégrer les attentes d’établissements plus autonomes et les besoins d’élèves hétérogènes tant par leurs motivations que leurs origines socioculturelles. Pendant les trois ou quatre années du cursus universitaire conduisant à la licence ou à la maîtrise, les études d’un futur enseignant sont essentiellement disciplinaires. Les quelques licences pluridisciplinaires adaptées à l’enseignement du premier degré et les modules de pré-professionnalisation comportant des stages dans les classes ne peuvent être considérés comme des cursus spécialisés. L’université forme les médecins dès la première année, les enseignants peuvent-ils prétendre à un traitement similaire ? Le système d’accès aux différents corps enseignants est particulièrement complexe, il s’est encore alourdi ces dernières années face au problème posé par la résorption des fonctions précaires. Aujourd’hui, plus du quart des enseignants titulaires n’est pas recruté par la voie des concours externes. Dans le premier degré, le recrutement est académique, alors qu’il est national pour l’enseignement secondaire. L’affectation des nouveaux titulaires est conditionnée par cette dualité : les jeunes professeurs des écoles ont la garantie d’être nommés dans l’académie où ils se sont présentés au concours, alors que pour les professeurs des lycées et collèges, la première affectation dépend des besoins à l’échelle nationale. Dans l’enseignement privé, le concours national constitue une certification, le recrutement est délocalisé à travers les Commissions Académiques de l’Emploi dont relèvent les chefs d’établissement . La définition des épreuves a fait, depuis le début des années 1990, l’objet de nombreuses retouches. La question de l’évaluation des compétences professionnelles potentielles est récurrente, mais force est de constater que dans le second degré notamment, l’institution recrute principalement sur des connaissances académiques fines dans le cadre d’une discipline universitaire. L’écart entre ces connaissances validées et les compétences attendues après une année de formation professionnelle est souvent important et générateur de malaise. Depuis la création des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) en 1991, la formation initiale des enseignants relève de l’enseignement supérieur. Après une première année consacrée à la préparation des concours, la seconde année, organisée en alternance (pratique accompagnée dans le premier degré, responsabilité d’une ou plusieurs classes dans le second degré), est consacrée aux problèmes professionnels classiques. De nombreuses critiques, quelquefois contradictoires, se sont exprimées : formation trop centrée sur la didactique des disciplines dans le second degré, prise en compte insuffisante des réalités des écoles et établissements, faible réactivité quant aux évolutions pédagogiques en cours. Les réaménagements annoncés pour la rentrée 2004 ne semblent pas devoir remettre en cause l’équilibre du dispositif. Si les nouveaux programmes tiennent compte du travail en équipe, de l’interdisciplinarité, des technologies de l’information et de la communication, favorables à une pédagogie

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Comment former, recruter, évaluer les enseignants et mieux organiser leur carrière ?

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différenciée mieux adaptée, ces méthodes et outils sont peu présents en formation initiale, sauf le dernier. Relever le défi de l’innovation conduirait à faire travailler les enseignants sur leur propre démarche en suscitant leurs interrogations, en confrontant leurs expériences, en adaptant les pratiques reconnues comme efficaces à leur situation, etc. C’est lorsque l’enseignant est en plein exercice qu’il a besoin d’aide, d’échange, de partage professionnel. La formation continue doit y contribuer. Actuellement, un tiers des enseignants du premier degré participent chaque année à la formation continue largement organisée sur le temps de travail et dans un cadre souvent départemental. Après avoir connu un développement important au cours des années 80 sous l’impulsion des nouvelles missions académiques (MAFPEN), la formation continue des enseignants du second degré a connu une période de tassement à la fin des années 90. L’absence de reconnaissance des efforts de formation dans la gestion des carrières, la remise en cause de la formation sur le temps de travail et la fin des MAFPEN expliquent ce tassement. Des règles de gestion très précises, définies par l’administration centrale, encadrent la gestion des corps et des carrières de tous les enseignants titulaires. Un barème complexe qui fait la part belle à l’ancienneté, régit de nombreux actes de gestion collective et conditionne ainsi aussi bien les mutations que les promotions ; ce qui revient le plus souvent à laisser aux nouveaux les postes délaissés par les anciens. On estime ainsi que, dans le second degré, 60% des sortants d’IUFM sont nommés sur des postes réputés difficiles. A l’exception récente de certaines zones sensibles, les besoins et profils spécifiques de l’établissement et son projet n’ont aucune influence dans les barèmes de mutation. La déconcentration du mouvement des enseignants du second degré a offert quelques marges de souplesse aux académies sans remettre en cause l’architecture d’ensemble du dispositif. Les enseignants du premier degré sont évalués par l’inspecteur de circonscription et ceux du second degré par les inspecteurs régionaux. Ces évaluations se traduisent par une note encadrée. Dans les collèges et les lycées, les chefs d’établissement participent à l’évaluation, ils proposent aux recteurs une note « administrative » annuelle qui complète la note d’inspection. Si ces notes influent sur le rythme des promotions d’échelon et interviennent dans d’autres actes de gestion, l’évaluation des enseignants souffre de l’absence de critères objectifs, d’une fréquence insuffisante au moins dans le second degré (une inspection tous les trois à huit ans selon les disciplines) et du fait qu’elle a trop peu de conséquences en termes d’aide aux enseignants et de carrière. La réflexion sur une gestion plus qualitative des ressources humaines est engagée depuis le début des années 90. La mise en place dans chaque académie d’une direction des ressources humaines (1995) a permis une meilleure prise en compte des difficultés professionnelles des enseignants. Cette fonction en devenir ne peut cependant pas occulter les nombreux obstacles mentaux et réglementaires qui freinent certaines évolutions pourtant souhaitables : mobilité entre les différents corps, ouverture aux autres fonctions publiques et au monde de l’entreprise, valorisation des réussites professionnelles.

Page 91: 1. Définition du sujet · la supériorité de la culture scolaire en évitant les deux écueils de l’austérité et de la démagogie. • Le nouveau modèle familial, plus individualiste,

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LES SUJETS PROSPECTIFS

Comment former, recruter, évaluer les enseignants et mieux organiser leur carrière ?

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3. Questions possibles

• Faut-il donner davantage de place à la pratique de terrain dans la formation

et le recrutement des enseignants ? • Faut-il prendre en compte les besoins et les profils des établissements dans

l’affectation des enseignants ? • Faut-il tenir davantage compte du mérite des enseignants et des situations

d’échec dans la gestion des carrières ? si oui, comment ? • Sur quels critères recruter les enseignants pour l’école maternelle, l’école

élémentaire, le collège et le lycée ? • Quels devraient être les contenus et quelle pourrait être la durée de la formation

des enseignants ? • Comment partager les responsabilités entre l’université et l’employeur ? • Comment accompagner davantage les enseignants, notamment au début de leur

carrière ? • Faut-il faire de la formation continue une obligation professionnelle pour les

enseignants en exercice ?