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1 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint Mémoire de Master 2 de composition soutenu par: François – Xavier Jean Montpellier III courriel: [email protected] ; Jean-Claude Wolff & Makis Solomos, directeurs de 1: Pythagore, détail de l' École d'Athènes de Raphaël, 1509.

1 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de ...€¦ · l'art du contrepoint: Chapitre 3 Une Création personnelle Vent & neige Telou Deved I, II & III Réminiscence Filigrane

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1 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

Repenser Aujourd'huiLe Contrepoint

Mémoire de Master 2 de composition

soutenu par:

François – Xavier Jean

Montpellier III courriel: [email protected] ; Jean-Claude Wolff & Makis Solomos, directeurs de

1: Pythagore, détail de l' Écoled'Athènes de Raphaël, 1509.

2 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

mémoire.

Université Paul Valéry–Montpellier III Département Arts du Spectacle

Musique & Musicologie

Mémoire de Master 2, option composition

soutenu publiquement le 18 juin 2008 par

François – Xavier Jean

en vue de l'obtention du grade de Master 2 de Musicologie

Spécialité : Composition

devant le jury composé de:

Xavier Bisaro, Pierre-Luc Bensoussan,

Gisèle Dumas, Luc Marty, Josiane Mas,

Yves-Marie Pasquet, Alice Rakotofiringa,

Makis Solomos & Jean-Claude Wolff

mes deux directeurs.

3 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

* * * Repenser aujourd'hui le contrepoint

Remerciements

Voici le moment où l'on pend la crémaillère; je lève untoast symbolique à Josiane Mas à qui je dois mes débuts enmusicologie à Paul Valéry, à Bernard Maurin dont je merappelle au conservatoire un cours passionnant sur leséchelles musicales, à Jean Doué qui sut me faire découvrirles arcanes de la composition, à Makis Solomos & Jean ClaudeWolff qui m'accompagnèrent de leur chaleureuxencouragement tout au long de cette année 2008; bien sûrje n'oublie pas l'entraide que j'ai rencontré dans notre petitgroupe formé d'Amandine, Eirini, Ioannis, Emmanuelle,Aurélia, Guillaume, Martine ... j'en oublie sûrement.

Je n'oublie pas non plus l'amitié d'Alain G. un de mesnombreux amis mathématiciens doublé d'un poète etmusicien; ma famille à qui je pense lorsque je dois m'isolerdans l'étude, à ma fille Kateline qui aujourd'hui sur untournage à Saint Tropez sera un jour costumière de théâtre,un des plus beaux métiers du monde. Je dois beaucoup àGaston Bachelard et à son érudition simple et pénétrante, à lasagesse de Pythagore, aux conférences de Gisèle de Meur surFrance Culture et à toutes celles du Collège de France & del'Ecole Normale Supérieure, à Schoenberg & Mallarmé à qui jedois le courage d'oser réinvestir la forteresse presqueimprenable du contrepoint et de l'harmonie en m'inscrivantainsi dans une des plus belles recherches aujourd'hui, larecherche pure.

Enfin, mon dernier verre sera pour la fauvette & le rossignol1qui chantèrent dans une petite forêt provençale les troisnotes de l'accord parfait.

1 Nous écrivons des polyphonies et ne reconnaissons même pas le chant des oiseaux.

4 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Repenser aujourd'hui le contrepoint

Résumé

Le travail présenté dans ce mémoire prolonge les préoccupations d'écriture que je nourris de très longuedate. Plus contrapunctiste qu' harmoniste, je tente ici de réunir les deux écoles et de réconcilier les deuxdisciplines en une seule; je montre dans mon mémoire que seul le point de vue diffère & que l'art qui lespousse est au fond le même. La partie du mémoire consacrée à l'Analyse est intitulée La Science au servicede l' Art. Elle traite précisément des interrogations de notre temps telles que les énonce Gisèle de Meuraussi bien que celles de Pythagore ou de Guillaume de Machaut. Chez les anciens, la notion d'harmonietelle que nous l'entendons aujourd'hui n'existe pas et pourtant tant de chefs-d'oeuvres ont fleuri,produits à l'ombre bienveillante de l' Harmonie des Sphères.

Ne voulant dévoiler sans démontrer, je continuerai mon voyage spirituel au pays de Bach et de sonpalindrome musical, au pays de Raymond Queneau et des Oulipiens, au pays enfin de Gésualdo ou de PaulValéry. Le lecteur pressentira bien vite que le mémoire s'organise lentement mû par la sagesse & laréflexion de l'érudition.

La seconde partie de mon étude cache en réalité un véritable Traité de Contrepoint avec ses réalisations surchant donné. Basé sur l'intervalle et non sur l'accord2, il envisagera les divers angles sous lesquels onpourra désormais aborder l' écriture: celui du Nombre d' Or & des Nombres Premiers; sous l'angle de laMoyenne Harmonique ou des modes & des échelles; sous l'angle enfin du Tetractys. Ce travail a été l'occasionpour l'auteur de montrer qu'un nombre pouvait se transformer facilement en intervalle grâce à l'horloge deTaneïev; il a démontré aussi qu' écrire revenait à superposer un certain nombre d' intervallespréalablement choisis; il a démontré enfin, qu'écrire c'était laisser naître, vivre & mourir une mélodie.

La troisième partie de notre mémoire comportera un corpus d'oeuvres réalisant tout simplement lesquelques règles du traité; cette tierce partie mettra en application ce qui n'était au fond qu'une théorie; laproblématique deviendra réalité, le champ du virtuel celui des possibles & le probable la certitude. Bienentendu les oeuvres s'évaderont volontiers du cadre fixé et comme toute oeuvre d'art exploreront desterrae incognitae.

Les pièces proposées sont réunies en suites musicales puis enregistrées grâce à l'excellent logiciel Finale2008 aux timbres surprenants3. Bien entendu, l'écoute d'une oeuvre réalisée sur des instruments virtuels,même si les samples4 sont d'un réalisme saisissant ne remplacera jamais le fruit d'une éxécution donnée enconcert. Aussi avons-nous souhaité présenter ici une oeuvre enregistrée en 2004 au théâtre deFontblanche5 près de Marseille & rassemblant une série de haïkus musicaux de notre composition6.

La conclusion de notre mémoire foulera d'autres horizons en s'ouvrant par exemple sur la science de lanumérologie7 où le nom d'Arnold Schoenberg viendra graver ses initiales sur la clef de voûte de notreessai.

Repenser aujourd'hui le contrepoint

Mots-clefs

Nombre d' Or, Tetractys, palindrome, Oulipo, αρµονία, symétrie, numérologie, moyenne harmonique,horloge de Taneïev.

2 l'idée est lâchée.3 Grâce à l'échantillonneur Kontakt 2.4 Sample ou échantillon sont synonymes; le premier mot est anglais & le second français.5 Vitrolles.6 Car à l'origine, le haïku n'est pas une forme musicale mais un poème japonais ; nous citerons l'un d'entre eux emprunté à Matsuo

Bashô: Un vieil étang, Une grenouille saute, Le bruit de l'eau ». L'original japonais est :Fu-ru-i-ké-ya, ka-wa-zu-to-bi-ko-mu, mi-zu-no-o-to.; il est formé de respectivement de [5-7-5] pieds, soit en tout 17 pieds appelés mores.

7 Le Pierrot Lunaire d' Arnold Schoenberg ( 1901) est extraordinairement novateur.

5 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

Table des matières

Chapitre 1 Analyse

Sur la Science Au Service de l' Art

1.0. Introduction p.071.1. Colloque de Gisèle de Meur p.091.2. Dialectique ordre/chaos p.091.3. Le palindrome de J.S. Bach p.101.4. Raymond Queneau & l'Oulipo p.101.5. Proportion & cohérence p.111.6. Le nombre à la Renaissance p.111.7. Le nombre chez Paul Valéry p.12

Chapitre 2 Un Traité

Pour Repenser Aujourd'hui le Contrepoint

2.1. Avant propos p.132.2. L' Horloge chromatique de S.Taneïev p.132.3. Le nombre d' Or (exercices) p.142.4. Ernö Lendvaï p.162.5. Les nombres premiers (ex.5) p.172.6. Brigitte van Wymeersch p.192.7. La moyenne harmonique (ex.7 & seq.) p.202.8. Mode défectif de fa (exercice 10) p.222.9. L' αρµονία grecque (grille) p.23

2.10. Une échelle bushman p.24 2.1.1. L' organum Jubilemus (ex 12 & seq.) p.25

2.1.2. Quelques échelles (di-tri-tetratonique) p.27 2.1.3. Le Tétractys (ex 14) p.28

Chapitre 3 Une Création (en annexe)

Vent & neige, Telou Deved I, II & III, p.30

Réminiscence, Filigrane,Tetractys, Vendanges à Carnac & Les moulins à vent

Conclusion Pierre Barbaud et Pierre Boulez p 31Epilogue 1 Pierrot Lunaire d'Arnold Schoenberg p.33Epilogue 2 : Diffusion des savoirs p.36Sources Bibliographie p.37Sources sur la Toile p.38

6 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

PLAN

Chapitre 1

Une Analyse

La Science au service de l'Art

Chapitre 2

Un Traité

Pour repenser aujourd'hui l'art du contrepoint:

Chapitre 3

Une Création personnelle

Vent & neige Telou Deved I, II & III

Réminiscence Filigrane

Tetractys, Vendanges à Carnac Les moulins à vent

7 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

Chapitre 1

La Science Au service de l' Art

1.0. Introduction

Soulever une problématique est un défi dur à relever & pour reprendre les termes duPetit Robert une véritable gageure. Soulever, relever, il y a du poids là-dessous. Le poidspeut-être de redonner vie, d'animer ce qui était perdu ou mort8 dans les archives de lascience & de l'art. C'est aussi l'idée du défi, celui peut-être d'oser penser autrement.Chaque fois que l'on foule tranquillement les chemins de l'art, des intuitions nousarrivent par pleines bouffées; de même qu'un saule nous apprend à rebondir, unbouleau à frissonner & un olivier à porter, de même l'auteur a imaginé une nouvellemanière d'accompagner un chant.

Il a erré dans les époques anciennes ou contemporaines auxquelles il a repris leurunique secret , celui de l'intervalle & par ce simple intervalle que Pythagore associait àla fraction, il a montré qu'on pouvait recréer toute une polyphonie. De l'art des stylespropre à chaque époque, il en a tout oublié, volontairement sauf une &incontournable cause: la mélodie. C'est en effet de l'art de la mélodie et du beau chantque découlera tout notre propos.

L'oiseau, écoutez-le, il s'arrache au silence, entonne sa complainte, module et se taitalors que notre mémoire résonne encore de son chant. Son seul accompagnement estle vent ou le bruit léger de la rivière; il n'a d'autre contrepoint que la nature elle-même.Un bruit toujours en chasse un autre; une rumeur finit toujours par disparaître puispar renaître, ailleurs & autrement. C'est la magie de cette forme innée qui précèdel'harmonie. Tout s'enivre dans l'air, tout se charge de vibrations que nous poète &musicien organisons. Tout naît du hasard pour celui qui sait voir; au fond, onn'invente rien, on ne fait que retrouver de vieux chemins délaissés.

Paul Valéry avait ses petits carnets, Beethoven aussi et Marie Curie sa bicyclette.Chacun trouvait son prétexte pour être autre, pour arpenter autrement le cours de lavie. L'auteur de ce mémoire a imaginé qu' il était possible de composer avec deschiffres & considéré que derrière les Livres I, II, III & IV de Jean Philippe Rameau9 secachait un ordre & une loi supérieure. Il a pressenti que Rameau comme d'autres nedisaient pas tout, et que disant peu, ils cachaient beaucoup.

Dans un esprit proche, Keith Jarrett 10 recherchait lui aussi l'avant scène de lamusique, sa génèse, son cri primal11 & son degré zéro; il se vidait totalement au piano,explique-t-il pour découvrir au fur et à mesure la musique qui lui venait spontanément . Undegré zéro que le groupe Fluxus12 inspiré par John Cage mit a profit lors d'uneperformance à Wiesbaden; nous sommes en 1961 et le groupe Fluxus casse à coup demarteau un piano à queue 13 .

8 Rien ne se trouve au-delà de la réalité. 9 RAMEAU J. Ph. Traité de l' Harmonie, Méridiens Klincksieck.

10 Pianiste de jazz, in http://www.cpourdireplus.info/article-6878446.html11 La thérapie primale est une psychothérapie inventée en 1967 par Arthur Janov, explicitée dans son livre Le cri primal (1970) où l'auteur donne de l'importance au "cri" que pousse

le patient & explore avec lui cette faille.12 Entre 1961 & 1978. Artistes: George Brecht, John Cage, Robert Filliou; Dick Higgins, George Maciunas, Nam June Paik, Wolf Vostell & La Monte Young. 13 « Maciunas organise un récital au cours du quel il utilise des marteaux pour jouer du piano jusqu'à celui-ci soit cassé, ce qui met en évidence le degré de résistance des marteaux!

Sorte de version ludique de la philosophie à coup de marteau, revue et corrigée selon le concept cagien du piano préparé.

8 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Quittons les Arts Plastiques14, rebelles à plus d'un titre et tournons-nous vers notrepropre écriture construite sur un système numérique élaboré. L'auteur puisantdiverses séries numériques dans la nature, se mit à imaginer un système decomposition particulier. Il emprunta la Série du Nombre d' Or15, celle des NombresPremiers ou du Tétractys des pythagoriciens ou encore celle des dix sefirot de laKabbale. L'auteur à recherché dans la nature et dans le passé toutes les relationsqui embrassent ce qui nous entoure comme animées par une sorte de penséeorganisée & supérieure.

Pour nous, se saisir du poids et du symbole des nombres, c'est se saisir d'un outilmagique et irrationnel; c'est recombiner la physique vibratoire des sons & plongerau coeur de l'élémentaire16; c'est retrouver la fameuse botte de Nevers 17 18 qui seulesait réunir toutes les mélodies en une seule & rend ainsi possibles millecontrechants.

Les mélodies vont pouvoir s'épanouir, sans qu'il soit question de chercher latonalité ou un quelconque chemin harmonique. Basées sur le nombre elleschantent librement seulement guidées par cette petite combinatoire duodécimale19.Le passage du nombre à l'intervalle a en effet été possible grâce à Taneiev qui danssa fameuse horloge permis de transformer chacun des nombres en intervalle.Notre Traité de Contrepoint prend l'aspect d'un genre unique et pourtant avant lui,en 1901, Arnold Schoenberg20 utilisait déjà une curieuse horloge à 9 chiffres21.

14 GAUVILLE Hervé, L'Art depuis 1945, Hazan.15 Série de Fibonnacci.16 La doctrine physique du présocratique Empédocle d'Agrigente à qui l'on doit le principe des quatre éléments composant toute chose sur terre: l'eau, le feu, la terre et l'air.17 In http://www.synec-doc.be/escrime/dico/dico_escrime-B.html, consulté en avril 2008.18 Coup particulier où le Duc de Nevers toucha son adversaire au front après une succession de parades de tierce et de prime. [ARAB] 19 En base 12.20 Pierrot lunaire de Schoenberg a été créé à Berlin en 1902. 21 Évoqué dans l'épilogue.

2: "Piano Piece", Fluxus,Wiesbaden 1962.

9 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

1.1. colloque de Gisèle de Meur

Un des colloques qui s'est tenu en juin dernier à l' Université Libre de Bruxelles22 avait poursujet: 23 Espace, temps et mathématiques dans l'art 24; il fut mené par la mathématicienne,géomètre et photographe belge Gisèle de Meur; son point de vue était clair25: on peutapproprier de façon potentielle26 la science mathématique à toute science humaine27 aussibien qu'à l'art28. En voici prélevé quelques éléments marquant pour notre science musicale.

1.2. Dialectique ordre/chaos

« La transformation d'une chose, explique Gisèle de Meur, crée la forme et la symétrie; cettesymétrie désigne tout à la fois la transformation et ce qui reste invariant malgré cettetransformation [...] la symétrie met en évidence l'ordre des choses, leur régularité, leurpermanence dans un monde et elle permet de les simplifier, de les classer, de percevoirleurs analogies. Elle offre un outil qui permet de se dégager de la singularité, del'accidentel et de rendre [...] tangibles les lois communes; les concepts de forme et detransformation sont ainsi intimement liés à l'idée de symétrie et au concept d'invariant » .

,Gisèle de Meur met l'accent sur la dialectique ordre/chaos chère à Henri Poincaré. « Toutsavant, explique Poincaré, doit ordonner; on fait la science avec les faits comme une maisonavec des pierres mais une accumulation de faits n'est pas plus une science qu'un tas de pierren'est une maison29 . L'architecture construit des maisons, des villes, des jardins; elle met del'ordre dans la matière et remplace les tas de pierre par des structures en pierre . Le désert depierre donne une première approximation de l'absence de structure et donc du chaos ».

Entre ordre & chaos, Maria Manuela Toscano30 31 mentionne l'inquiétude comme autre moteurde la forme; elle a noté ce caractère instable & particulier dans le maniérisme musical dudernier Gésualdo qui ainsi va inventer de nouvelles figures esthétiques.

22 émission de France Culture du mercredi 19 mars 2008 . 23 http://www.ulb.ac.be/homepage.html, consulté en avril 2008.24 les 05 à 08 juin 2007. 25 « Mes recherches ont successivement porté sur la géométrie discrète, l'anthropologie mathématique des structures de parenté, les systèmes électoraux, des études comparativesvisant à cerner les condition de la solidité des démocraties, l'étude des inégalités de genre et des stéréotypes sexistes, la méthodologie comparative et les apports potentiels de lapensée mathématique en sciences humaines. Mes enseignements touchent aux fondements des mathématiques, au B,A, BA de l'utilisation de l'informatique, à l'épistémologie et enparticulier la naissance et l'évolution de la méthode scientifique, les modèles mathématiques en sciences sociales et politiques et les apports ... dans la méthode comparative.26 Penser à l' Oulipo: Ouvroir de Littérature Potentielle.27 Par opposition aux sciences naturelles28 Depuis l'an 2000, Gisèle de Meur réalise une exposition annuelle consacrée à la rencontre de la géométrie, l'art et l'anthropologie avec ses étudiants de sciences.29 (1854-1912). Mathématicien, physicien & philosophe français, Jules Henri Poincaré fut sans doute le dernier savant à dominer l'ensemble des mathématiques de son époque et à

faire progresser leurs diverses branches. Sa production scientifique est énorme et ses idées novatrices sont encore largement étudiées et développées de nos jours. Elles sont,entre autres, à l'origine des théories modernes du chaos. Il a également marqué son temps par ses écrits philosophiques, réflexions sur la Science et la recherche enMathématiques, lus et traduits dans le monde entier. http://www.les-mathematiques.net/histoire/histoire_poin.php3

30 TOSCANO Maria Manuela, Chemins vers une esthétique de l'inquiétude dans la musique de Gésualdo, in International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, Vol. 30, No. 1, (Jun.,1999), pp. 27-53 , publié par la « Croatian Musicological Society ».

31 « En les ouvrant aux contingences qui déstabilisent leur équilibre et affectent leur plénitude: c'est ainsi que la contorsion, le disjoint, le fragmenté et tout un langage oscillant etambigu pénètrent le nouveau discours artistique, projetant ainsi dans l'art le sens de mortalité qui leur est latent ».

10 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

1.3. Le palindrome de J.S. Bach.

Dans sa conférence à l'U.L.B., Gisèle de Meur nous parle du palindrome32 de l'Offrande Musicale de Jean SébastienBach ; il présente un axe de symétrie vertical ; la partition pourrait en fait s'écrire sur une seule portée enconvenant que le second instrument la joue à rebrousse poil, en lisant de gauche à droite et de bas en haut; c'est enfait un palindrome musical. Les prouesses de virtuosité de Bach témoignent de son goût prononcé pour l'harmoniede type symétrique. Il en produira bien d'autres souvent plus complexe que ce canon du crabe33.

On trouve également une symétrie en miroir dans le ballet d'Adolphe Adam Gisèle34,des symétries de rotation & symétries centrales dans les quadriges ou les menuets ;dans la gigue dont le schéma présente 32 temps du thème principal35 le dernier estreproduit ensuite par translation. Le concept de symétrie glisse progressivement versun concept de symétrie plus large 36qui continue à être un puissant outil dereconnaissance des objets, de structuration des connaissance et de conceptualisation .

1.4. Raymond Queneau & l'Oulipo

L'Oulipo 37, continue Gisèle de Meur, fondé par Raymond Queneau se donnait pour but d'explorer les potentialitésde la langue et de la littérature, y compris par le jeu & par le jeu formel ... L'Oulipo, c'est l' anti- hasard38

explique le mathématicien Claude Berge; sur le modèle de Bourbaki39, une histoire de canular, les oulipiensconstruisent des objets littéraires sous contrainte; ils inventent des structures et des formes susceptibles de conduireà des formes originales.

Dans cette recherche, l'importation de méthodes mathématiques joue un rôle important. Comme les mathématiciens,les oulipiens utilisent l'imposition de contraintes formelles à leur création et comme eux ils constatent queparadoxalement, ces contraintes, loin de bloquer la production, excitent au contraire l'imagination et la rendent plusproductive et plus originale . Le jeu sur les contraintes, explique G.D.M40 est très ancien, aussi ancien que les règlesdes trois unités41 (lieu, temps & action) , que l'usage des rimes, que l'emploie de structures au coeur des phrase, quel'usage de sonnets ou d'alexandrins, que ce soit a d'ailleurs au théâtre ou dans la poésie; tous ces usages ne sontrien d'autre que des impositions de forme.

Et nous même n'avons nous pas jonglé avec ces figures étonnantes d' analogie, d'antimétabole, d'ekphrasis, d'enallage,d'euphémisme ou d'hyperbole, d'ironie ou de litote; n'avons nous pas glissé dans nos proses les fameuses métalepses42,métaphores, métonymies ou oxymores; avons-nous ignoré la personnification et même la tautologie ? Toutes cescontraintes & impositions de forme dont aurait su parler Gisèle D.M.

Dans son colloque à l'ULB, Gisèle de Meur nous présente les Exercices de Raymond Queneau où l'auteur43 raconte99 fois & de manière différente l'histoire qui suit: « Un voyageur attend le bus; il remarque un jeune homme aulong cou qui porte un chapeau bizarre entouré d'un galon tressé; le jeune homme se dispute avec un passager quilui reproche de lui marcher sur les pieds chaque fois que quelqu'un monte ou descend, puis il va s'asseoir sur unsiège inoccupé. Un quart d'heure plus tard, le voyageur revoit le jeune homme devant la gare Saint Lazare; ildiscute avec un ami à propos d'un bouton de par-dessus ». La virtuosité des Oulipiens ressemble à certainsmusiciens renchérit G.D.M.

32 1765; gr. palindromos « qui court en sens inverse » possédant ainsi un axe de symétrie binaire. Le Petit Robert.33 Le crabe marche sur le côté.34 Gisèle, Ballet en deux actes (1841) - Livret de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges d’après Heinrich Heine, Musique Adolphe Adam , repris en 1910 aux

« Ballets Russes » par Serge de Diaghilev.35 32 temps du thème principal formé de 4+4 rotations, de retournement cad de symétries centrales (4 à l'endroit, 4 à l'envers), de rotations, de petits bonds etc.36 Toutes les isométries sont considérées à présent comme des espèces de symétrie au même titre que les anciennes symétries miroir et centrales.37 Ouvroir de Littérature Potentielle.38 Expression de Claude Berge, in http://www.les-mathematiques.net/p/p/b/node2.php3, consulté en avril 2008.39 Le nom de famille Bourbaki était le nom emprunté par Raoul Husson en 1923 lors d'un canular, alors qu'il était élève en troisième année de l'École normale supérieure. Il s'était

donné l'apparence d'un mathématicien barbu du nom du professeur Holmgren pour donner une fausse conférence, volontairement incompréhensible et avec des raisonnementssubtilement faux[1]. L'objectif aurait été la démonstration d'un prétendu « théorème de Bourbaki ». Cette histoire amusa tellement le groupe, que le nom « Bourbaki » fut choisi.

40 Gisèle de Meur 41 Dans le théâtre classique ce sont les contraintes selon lesquelles une pièce possède une seule action principale (unité d'action), située dans un même lieu (unité de lieu), et durant

un seul jour (unité de temps) : ''Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli'' (Boileau, l'Art poétique, Chant III, 1674). 42 In http://www.fabula.org/atelier.php?Figures, consulté en avril 2008. 43 1903-1976, romancier, poète, dramaturge et mathématicien français. Ses oeuvres principales sont « Chiendent (1933) », & « Zazie dans le métro (1959) ». La B.N.F nous présente

une biographie critique sur son site: http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-quenea.htm.

11 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

1.5. Proportion & cohérence

André Villeneuve

Dans un article publié dans la revue Circuit 44 le compositeur québécois & contemporainAndré Villeneuve45 insiste sur la nécessaire quête d’outils et de savoir-faire pour enrichirson sens des couleurs et des harmonies; il évoque toutes les terres inconnues où peut senourrir notre curiosité, tous les champs vastes que sont la musique, la littérature, lesarts plastiques, le cinéma ou l'architecture. Pour A.Villeneuve,46 l'harmonie ne peut se résumerau seul concept de proportions et de système simpliste d’engrenages, il manquerait le lien47,c'est à dire la cohérences entre Idée et Soi. Tout système bien sûr est fonctionnel et possède sonvocabulaire, sa grammaire et sa syntaxe; comme tout style il est propre à son époque.

L'harmonie est en fait une réconciliation entre l’Homme et le Monde autant que l'histoired'une maçonnerie parfaite. Harmonia nous rappelle A.Villeneuve signifie en latin cheville,joint et en remontant plus en amont le cours de la langue, [are] en racine indo-européennesignifie art ; harmoniser c'est joindre avec art à la façon de Delacroix cherchant la couleurjuste. André Villeneuve nous remémore enfin Rameau puisant l’accord dans la résonancecomme les grecs dans l' accord de la lyre.

Le Nombre à la Renaissance la Nature comme modèle

A la Renaissance des relations48 étaient établies entre les voix supérieures et la voix la plusgrave ce que nous explique Maria Manuela Toscano49 ; l'écriture harmonique n'existait pasencore comme dans le Responsoria de Gésualdo présentée un peu plus loin.50

« Pour les générations de la Renaissance, explique Maria Manuela Toscano51, la conceptionaristotélicienne de la musique complétait sa dimension pythagoricienne et platonicienne,dans la mesure où la projection du contenu de la parole dans la musique devait se réaliserdans les limites déterminées par un contrepoint fondé dans le nombre ». Un peu plus loinelle précise: « Une des grandes références en relation à la poétique qui marque lecontrepoint renaissant, est l'oeuvre du théoricien Zarlino » .

Sa filiation, en grande partie pythagoricienne et platonicienne, se manifeste dans sonaffirmation du nombre comme principe de la musique. Zarlino52 défend que la causeformelle et structuratrice des intervalles qui servent de base au contrepoint, réside dans lesproportions qui leur sont inhérentes et qui ont la Nature comme modèle .

44 Harmonies : déserts fertiles que j’interroge , André Villeneuve, Circuit, vol. 10, n° 1, 1999, p. 63-72.45 Compositeur québécois, né en 1956. Parmi ses œuvres, notons 17 Tracés solitaires d’humanité, pour chœur mixte a capella (1996); 29 Tracés solitaires d’humanité, pour piano

(1997); Voies et Lieux, concerto pour piano et orchestre à cordes (1998-1999); Divisions de la Nuit, pour mezzo-soprano et septuor à cordes (1987). Plusieurs fois boursier duConseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Ses partitions sont disponibles au Centre de musique canadienne.

46 André Villeneuve.47 Qui est la traduction du mot grec αρµονία (harmonia). 48 C.a.d. des intervalles.49 Chemins vers une esthétique de l'inquiétude dans la musique de Gésualdo Author(s): Maria Manuela Toscano Source: International Review of the Aesthetics and Sociology of

Music, Vol. 30, No. 1, (Jun., 1999), pp. 27-53. Published by: Croatian Musicological Society 50 Responsoria de la Feria VI de C. Gésualdo, répons 1, mes.1-18.51 cf. note 38.52 cf. note 43 sur G. Zarlino, 1573, I, 19, fol. 37.

12 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

1.6. Le Nombre chez Paul Valéry

Parlant du Cimetière marin, Paul Valéry53 décrit son intention etson obsession première de concevoir une figure rythmique vide,ou remplie de syllabes vaines. La démarche du poète renverse leprocessus ordinaire et traite la pensée en moyen et non pluscomme fin en soi; pour P. Valéry, la forme exige du fond.L'harmonie générale, les symétries, les contrastes demandentdes significats, qu'il faut trouver54.

Dans un cahier de 1945, nous révèle Michel Sirvent 55, cettepoétique du "texte producteur" est réaffirmée où Paul Valéry« calcule les thèmes devant y figurer, pour satisfaire à desconditions de plénitude; il y met autant d'abstrait que desensible, autant d'observation que de combinatoire. Laplénitude est pour lui lié à l'organicité interne de l'oeuvre ». Letexte explique le poète sera ainsi à la fois idéalité et matérialité.Paul Valéry a établi une passerelle entre un monde poétiquefictif et un monde de pur effet rhétorique. la cause d'abordpuis la conséquence56.

Chapitre 2

53 SIRVENT Michel, Chiffrement, déchiffrement: de Paul Valéry à Jean Ricardou, The French Review, Vol. 66, No. 2, (Dec., 1992), pp. 255-266, publié par: American Association ofTeachers of French, p.255 & suiv.

54 cf. note 42.55 Idem.56 Ibidem, p.257.

Ill. 3: Responsoria de la Feria VI de C. Gésualdo, répons 1, mes.1-18.

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Un Traité Pour repenser aujourd'hui

le contrepoint

2.1 Avant propos

Notre traité d'écriture & donc de contrepoint peut à présent commencer. Il proposera au lecteurune construction note contre note basée sur une série d'intervalles fixés comme la secondemineure et la quarte juste par exemple que nous pourrions résumer par une formule H2m4J où lalettre H indique l'harmonie prise bien sûr dans son sens grec premier57. Nous permettrons ainsiau compositeur qui suivra nos conseils de placer chaque note du contrechant à la distance d'unintervalle donné 58. Notre conception inédite rejoint pour beaucoup celle des grecs anciens, telleAristoxène de Tarente 59 60 et deux siècles avant lui Pythagore qui découvraient que des rapportsmathématiques simples régissaient l'univers & la musique61 .

Le système dit des harmonies d'Aristoxène ne travaillait pas sur le caractère vertical de lamusique, c'est à dire sur la manière de faire sonner ensemble plusieurs notes mais au contrairesur son caractère horizontal. Une fois qu'on avait défini l'accord de la lyre, il suffisait de déciderquelle échelle mélodique on pouvait utiliser. En fait, c'est dans l'harmonie de la lyre que les grecsvenaient puiser toutes leurs mélodies.

Fort de cette lecture des anciens, nous avons décidé de composer nous aussi un système en leurempruntant 62 leur préoccupation de privilégier la mélodie plutôt que l'accord. Notre attitude n'estpas nouvelle car beaucoup de compositeurs actuels inventent leur propre système, leur proprelexique & leur propre syntaxe. C'est dans cette (ré) invention que se situe la liberté et l'originalitéde notre espace contemporain. Si l'on y réfléchit de plus près, le système tonal était lui aussi,bien évidemment, un système. Harmoniser pour les classiques c'était inscrire la mélodie dansune succession d'accords, c'est à dire dans une trame. Composer 63 c'était mettre ensemblece qui sonnait bien à l'oreille. Il est tout à propos de relire les quatorze chapitres du TraitéHistorique d' Analyse de Jacques Chailley 64 pour nous remettre à l'esprit toutes les innovations queconnut l'histoire de la musique65.

2.2 L' Horloge chromatique de Sergei Taneïev

Après avoir élargi notre champ de connaissance par la conception grecque de l'harmonie et avoir écouté lepassionnant colloque de Gisèle de Meur, il nous faut découvrir un personnage intéressant, le compositeuret pédagogue Sergei Ivanovitch Taneiev66. Ce dernier en effet, fit l'étonnante découverte que les 12 demi-tons chromatiques pouvaient s'insérer dans une horloge; son cercle mnémotechnique exprime mieux que

tout autre la façon audio-visuelle de faire chanter les intervalles et donc d'appréhender toutes lesmélodies fussent- elles chromatiques, comme le remarqua si bien Bélà Bartok. Son cercle permet en en effetun contrôle précis et mathématique des hauteurs de sons.

57 & qui signifie le lien, c'est à dire l'intervalle. 58 seconde mineure, de quarte juste ou encore de tierce majeure59 traité d'harmonie60 Aristoxène le Musicien, né à Tarente entre ~ 356 et ~ 352, élève d'Aristote et ami de Dicéarque, a participé aux grands travaux historiques et scientifiques du Lycée sous le

scolarquat de Théophraste, en écrivant - sur la musique, son histoire, son enseignement, ses instruments, ses principes - des ouvrages qui eurent une influence considérable. ;http://www.universalis.fr/encyclopedie/T228852/ARISTOXENE_DE_TARENTE.htm.

61 source de sagesse62 grecs63 gr. « assemblage » 64 Traité Historique d' Analyse de Jacques Chailley, Editions Alphonse Leduc, 175, rue Saint Honoré, 75040 Paris Cédex 01. ISBN 2-85689-037-7.65 Atonale.66 Sergei Ivanovitch Taneiev, Jacob Weinberg, The Musical Quarterly, Vol. 44, No. 1. (Jan., 1958), pp. 19-31.

14 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Il est temps d'exposer notre système personnel. Nous avons parlé de l'harmonie et del'accord, des mathématiciens, des philosophes et des écrivains pour nous placer vis à visd'eux, de leur science et de leur art, de leur méthode et de leur calcul; en fait, nous avonsexploré plusieurs systèmes pour mieux élaborer et défendre le notre. Dans la nature,tout est rythme, tout est vibration, tout est nombre. Pythagore, Pascal, Euler et tantd'autres ont remarqué que l'univers s'organisait en nombres premiers67 , en triplets68 , ennombres d' Or69 ou en séries bi-magiques70 etc..

Une simple observation montre que nos intervalles d'unisson, d'octave, de quinte ou desixte répondent aux fractions bien connues: [1/1 2/1 3/2 5/3 ou 8/5] et utilisentprécisément la fameuse série de Fibonacci71. Scriabine, Bartok, Satie, Bach & tant d'autresutilisaient très vraisemblablement ce nombre pour construire leur échafaudageharmonique. L'étude proposée dans ce second chapitre démontrera qu'il est facile à unmusicien ayant quelques rudiments de solfège72 de composer une petite polyphonie ensuivant seulement quelques conseils simples comme ceux de respecter quelquesintervalles ou de faire chanter généreusement chacune des voix. En suivant la méthodeproposée dans notre traité, le jeune compositeur sera semblable aux contrapunctistes dumoyen-âge qu'étaient Pérotin ou Guillaume de Machaut; l'apprenti compositeur quisuivra les préceptes de notre Livre saura faire évoluer chacune des voix par rapport àl'autre et respectera sans difficulté les distances qu'il se sera lui-même imposées.

2.3 Le Nombre d' Or (exercices)

Prenons à présent une idée musicale très courte: "do si la sol la " et empruntons la sériedu nombre d' Or 73. L'horloge de Taneïev nous permet de remplacer les nombres de lasérie par des intervalles ; ainsi les nombres [1, 2, 3 , 5, 8] deviennent les intervalles de[2de min, 2de maj, 3ce min, 4te juste & 6te min]. Ainsi, chaque note de l'instrument quirépondra observera par rapport au chant un de ces intervalles pris dans leur positionstable ou renversée74. A l'audition, la mélodie semble se mouvoir de l'une à l'autre voix;ce phénomène est dû à la perception prédominante de l' aigu sur le grave, de même quele clair domine sur le sombre; ainsi en veut la dialectique de la nature.

67 [1, 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17 etc.]68 [3, 4 & 5] ou [ (3 x 3) + (4 x 4) = 5 x 5 ]69 [1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34 etc]70 [3, 19 & 20], [4, 15 & 23], [5, 13 & 24] ou [8, 9 & 25] etc.71 La série de Fibonacci encore appelée nombre d' Or ou Section d' Or (S.O.), évoquée plus haut.72 Une année, guère plus.73 1, 2, 3 , 5, 8 etc.74 A remarquer l'usage libre dans notre système du croisement.

Illustration 4: Horloge chromatique deSergei Taneïev.

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Comme nous venons de le remarquer, le croisement n'est en rien une contrainte; nous allons ajouterune troisième voix que nous dédierons cette fois au basson. Nous avons le choix de le rendreconsonant soit avec la flûte soit avec avec la clarinette; gardons cependant à l'esprit les deux senspossibles de l'intervalle qui sépare le chant & le contrechant 75. Examinons le basson; il consonnechaque fois avec les deux autres voix ( Fl. & Cl.). Aucun intervalle dissonant; c'est à dire aucune 4teAugm. ni 5te dim; c'est à dire aucun intervalle qui n'appartiennent pas au système basé sur la Sectiond' Or.

En fait les 5 intervalles de départ comptent double puisque l'on prend en considération leurrenversement; ainsi, avec la série de Fibonacci, seuls sont exclus du système la 5te diminuée et la 4teAugmentée. Aucune faute ici n'ira enfreindre les règles que nous nous sommes fixées. Seul petitreproche, le saut de septième descendante à la clarinette, effectivement maladroit mais plausible &défendable dans tout exercice. Nous reprendrons notre exemple « do-si-la-sol-la » et créerons dessuperpositions d'intervalle propres à introduire le fameux « diable en musique76 et donc à créer desintervalles fautifs, perturbant la logique de la section d' Or.

Comme précédemment, chacune des voix devient le cantus firmus77 des deux autres voix; mais deux4te Augmentées entre la voix du basson et celle de la flûte vont rendre cette pièce musicale fautiveen ce qu'elle déroge aux règles édictées 78. Nous avons ainsi barré en pointillé ce qui nous sembleincorrect et donc inapte79 à figurer dans notre traité.

75 parfait ou renversé.76 Diabolus in musica, cad le triton.77 Chant ferme, cad chant référent dur lequel on appuie le contrepoint.78 Section d' Or (Fibonacci).79 Un traité se doit bien sûr de respecter les règles qu'il s'impose.

Illustration 5: Nombre d' Or, exercice no 1.

Illustration 6: Nombre d' Or, exercice no 3.

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L'exercice no 3 a été corrigée. Tout triton est maintenant absent. Hormis la qualité musicale et lapermanente faute de goût nécessairement inscrite dans un exercice pédagogique, tout serait parfait. Ala différence des autres exercices, le numéro 4 exprime un climat à la fois modal et tendu; peut êtreserait-il intéressant de rechercher à quel mode il se réfère; pour ma part je pencherais pour le mode demi en ce qui concerne les deux voix de flûte et de basson. Quant à la clarinette, elle vient troubler l'eautranquille du mode dorien80 81 82 et confie à l' oeuvre un caractère résolument polytonal; on semblebaigner en plein Bartók 83, Ives84 , Stravinsky 85, Debussy ou même Darius Milhaud. La voix de la cl.avec l'altération mobile du sol (tantôt bémol ou bécarre) sonne dans le ton de si b avec repos sur laDominante fa. Poursuivant plus encore notre route, nous remarquons que [mi] & [si b] sont à distancede triton l'un de l'autre, ce qui est contraire à la Section d' Or mais que la construction par intervalletelle que nous l'avons mené autorise86, comme si le jour ne pouvait vivre sans la nuit. Une plaintetroublée s'en suit que l'oreille accepte et embrasse.

2.4. Ernö Lendvaï

Il est important de laisser reposer notre activité créatrice et de penser à notre système. Fonctionne-t-ilou non et s'il fonctionne, produit-il une belle architecture sonore. Le système est un systèmechromatique, selon l'expression d' Ernö Lendvaï 87 88, sans que le sentiment de modulation n'y soitprésent; il n'y a pas de résolution non plus ni de préparation comme dans le système tonal; seul unsystème d'axe semble prévaloir89.

n'y a pas de note fondamentale ni d'accord voulu, même si à la fin du processus ce dernier apparaît,point par point, à chaque temps. Notre système est un système d'axe où la note centrale a remplacé lanote fondamentale. En fait, le système chromatique basé sur la S. O. est organique90 car il reprendcomme l'explique E.Lendvaï la structure de l'ananas, du pissenlit, de l'oeillet, de la camomille et mêmede la marguerite; ce système basée sur les valeurs de la série de Fibonacci [1, 2, 3, 5, 8 etc] est doncchromatique. Son contraire, Le système diatonique est son strict opposé, toujours selon E.L. Il est lerésultat non d'une structure vivante mais d'une vibration d'éléments inertes, morts comme l'est lemétal, la corde ou la colonne d'air. Le système diatonique emploie les proportions décrites parPythagore comme 4/3 ou de 3/2 & représentent ainsi la quarte & la quinte.

80 Mode grec.81 Diverses appellations ont cour relativement aux modes; on parle de modes anciens ou diatoniques, de modes grégoriens, d' échelles modales & même de tons ecclésiastiques 82 Appelé faussement mode phrygien (deuterus ) chez les romains.83 Quatorze Bagatelles, op. 6, 1908, & Le mandarin merveilleux de Bélà Bartok,1918.84 Variations sur « Amérique » de Charles Ives. 85 Petrushka,1911 et le Sacre du Printemps, 1913 d'Igor Sravinsky.86 D'ailleurs l'ouvrage d' Ernö Lendvaï explique la parenté qui unit tonique et triton; interchangeables le pôle [mi] ou son antipode [sib]remplissent la même fonction de tonique.87 Introductions aux Formes et Harmonies Bartokiennes, par Ernö Lendvai, Boosey & Hawkes, 1953. 88 ibid. E.Lendvaï, un des élèves de Bartok nous révèle dans ce livre les procédés de compositions de Bélà Bartok. 89 Idem, p.118.90 Idem, p.136.

Illustration 7: Nombre d' Or, exerciceno 4.

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Avant de quitter notre système chromatique ( S. O.) précisons qu' il n'appartient à aucune tonalité ou,ce qui revient au même, il appartient à toutes. L'harmonie tonale rappelons-le est une techniqued'écriture musicale, née dans le courant du XVIe s. époque à laquelle on découvre le sentiment tonal,quittant ainsi la musique purement modale basée sur la mélodie. Au fond, notre traité se rapportebeaucoup plus de cette technique d'écriture qu'est la musique modale; il y fait lui aussi usage ducontrepoint que nous pourrions appeler harmonie d'intervalles.

2.5 Les nombres premiers (ex.5)

Avec la même détermination bâtissons un nouveau système utilisant cette fois la ressource desnombres premiers et examinons les premiers nombres: [1, 2 , 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43,47 ]. Grâce à l'horloge en base 12 de Taneïev nous obtenons les intervalles suivants: 2m, 2M, 3m, 4J, 5J,7M, 2m, 4J, 5J, 7M, 4J, 5J, 2m, 4J, 5J, 7M etc. Une rapide observation nous a permis de remarquer lecaractère cyclique en base 12 des intervalles une fois traduits.

La 2de majeure n'apparaissant qu'une fois, nous pouvons établir la série d'intervalle suivante: 2m & 4Jpuisque la 5te juste et la 7e majeure ne sont que des renversements d'intervalle91. Il ne nous reste plusà présent qu'à faire contre-chanter la clarinette sur les deux intervalles mentionnés. Rappelons-nousce que les grecs appelaient αρµονία 92 93: la réunion de deux modes , c'est à dire de deux tétracordes.

Nous étudierons la voix de la flûte puis relèverons à quelle harmonia elle peut appartenir, c'est à dire àquel mode pris cette fois dans un sens large. Jusqu'à présent, la mélodie était libre; son extrêmechromatisme était dû à l'insuffisance de contrainte; la mélodie visitait toutes les combinaisons detétracorde possibles. L'auteur avait d'ailleurs éprouvé beaucoup de difficultés à inventer un puis deuxcontrechants; ils ne semblaient pas logiques94 & même impropres au discours. Comme si l'absence derègles tuait la création, la rendait impossible. αρµονία & logos sont en fait, et nous le remarquons touten écrivant, étroitement liés. Là réside l'unité et non, d'après nous dans une quelconque superpositionchiffrée. Là est le paradoxe 95 ».

91 De la 4te juste et de la 2de mineure.92 Harmonia, [ αρµονία], grec: « assemblage ».93 [mi – fa - sol b - sol béc.] & [la - si b - si béc. - do] deux tétracordes formeront ainsi l' harmonia/mode suivant [mi-fa-solb-sol bec-sib-si béc-do].94 logos [λόγος], gr. « parole, raison » . Philos. Un des noms de la divinité suprême, chez les stoïciens. Être intermédiaire entre Dieu et le Monde, chez les néo-platoniciens. Par ext.

La Raison humaine incarnée par le langage. Théol. Le Verbe de Dieu.95 Pris lui aussi dans un sens de « contre l'enseignement généralement dispensé et admis.

Illustration 8: Nombre Premier, exercice no 5: mélodie.

18 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Une nouvelle piste vient donc de voir le jour au fil d'une plume d'où a surgi une nouvelleproblématique. Ce que nous considérons aujourd'hui comme un accord par & dans sa verticalitén'est en rien un cause première mais simplement une conséquence. Bien sûr la musique classiqueenfermée dans cet inexorable cheminement de chiffres romains I – IV - V ou VI – IV - V – I estadmirable et a produit les plus beaux chefs d' oeuvres de Bach à Beethoven ou Mozart qui danscette structure faussement appelée harmonie96 ont inscrit les plus belles mélodies. Notre rechercheau point où elle en est me fait penser au carré qu'Archimède veut inscrire dans un cercle et dontje ne peux m'empêcher de reproduire dans une note en bas de page les calculs inscrits sur lepapyrus Rhind97 .

Dans l'exercice No 6, nous allons approfondir plus encore cette intuition; nous n'utiliserons dans lecontrechant proposé que les notes du mode; la cohérence est remarquable. Ici, deux contraintes,c'est à dire deux règles viennent régir nos couches successives: l'une verticale est la consonance98

dont nous ne sommes pas certains qu'elle existait chez les grecs; l'autre horizontale est le modec'est à dire l' αρµονία. La première contrainte est un rapport tandis que la seconde est un mélismec'est à dire une succession de notes dont la pente a été préalablement définie dans les deuxtétracordes. Dans l'un et l'autre cas, le nombre est présent.

96 Le mot harmonie du XVIIIe est vidé du sens qu'il possédait chez Aristote où la tension venait du discours lui même et non d'un nouvel échafaudage.97 Ici, dans le problème n° 48 du Papyrus Rhind, une figure tracée par un scribe représente un cercle inscrit dans un carré; à l’intérieur de la figure on pourrait lire le chiffre

9 représentant à la fois le côté du carré et le diamètre du cercle. Le scribe a calcule la surface du carré(9 x 9 = 81) puis celle du cercle (8 x 8 = 64.) puis en déduit le rapport 8/9entre le côté du carré et le diamètre du cercle .

98 La polyphonie semble être absente de la musique grecque.

Illustration 10: Nombre Premier, exercice no 6

Illustration 9: Nombre Premier, exercice no 5 bis: harmonia / mode.

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2. 2.6 Brigitte van Wymeerschle Tetractys

Le mode utilisé ici est tellement riche qu'une troisième voix pour exister se doitd'être discrète voire quasi absente. Aucune modulation n'a affecté ni contrariél'exercice n°6 tant l'échelle est chaleureuse et tient dans son étau tout l'édifice.S'évader de cette échelle/mode/αρµονία c'était prendre le risque d'appauvrir lediscours, de le dénaturer, de le vider de ce qu'il contient; une phrase, un λόγος doits'épancher, respirer & vivre avant de mourir dans cette chute que l'on nommecadence99.

Notre mémoire habité de l'aura inédit d' αρµονία a permis de soulever uneproblématique ou chaque étage & chaque couche, chaque strate & sédiment relèved'un même noyau d'un même feu central confiné dans une série de nombres. Il y abien sûr des séries de nombres remarquables dans la nature et autant de sériesinertes & virtuelles élaborées dans notre esprit. L'homme conçoit, crée, expérimentedes trajets des équations et les vérifie; c'est ce que nous faisons à grande enjambée icien s'appuyant sur une série connue tout autant que sur une série inédite.

En fait, lorsqu'on parle de la série de Fibonacci, des Nombres Premiers100, de séries bi-magiques101 , de ProduitsRemarquables, de nombres carrés (Pythagore102 103 ), « Serions-nous capables, interroge Jacques Viret A l'exemple desantiques philosophes pythagoriciens, de nous émerveiller devant cette surprenante correspondance entre lessons et les nombres104 ?« Pythagoriciens et platoniciens, nous explique Brigitte van Wymeersch105 s'accordentpour attribuer aux nombres une densité supérieure à celle que nous leur donnons aujourd'hui. Ils ne sont pas desimples outils de numération, mais sont en eux-mêmes structures. Ainsi, ils distinguent les nombres points, lesnombres-lignes, les nombres-plans et les nombres-solides »

Pour les pythagoriciens, continue-t-elle, « Tout est nombre. Aussi, pour connaître quelque chose, il faut en saisirle nombre, le λόγος. Les pythagoriciens s'attachent dès lors à sonder l'essence de ce dernier, à découvrir sespropriétés arithmétiques et les relations qu'il entretient avec tout ce qui est et devient106 ».

De ce fait, poursuit Brigitte van Wymeersch, « ils développent une intense recherche mathématique axée d'unepart sur l 'essence du nombre,et de l'autre sur les rapports entre les nombres. Certains nombres sont plusremarquables que d'autres, parce qu'ils possèdent des propriétés génératives importantes. Ainsi en est-il dutetractys, la tétrade pythagoricienne qui désigne à la fois un ensemble de quatre choses, la suite des quatrepremiers nombres et un principe organisateur: il renferme en puissance le nombre dix, somme des quatre

99 Cadere, lat: tomber.100 http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/question_actu.php?langue=fr&id_article=4283 l'article édité sur le site de la Cité des Sciences

précise que « Les propriétés étonnantes des nombres premiers [...] on sait aussi, sans l'avoir encore démontré, qu'il existe à l'infini des séries de trois nombres premiers dont celuidu milieu est à égale distance des deux autres [...] plus étonnant encore, les mathématiciens se sont aperçus, sans pouvoir le démontrer, que les intervalles qui séparent lesnombres premiers entre eux répondent eux aussi à des règles précises ».

101 séries bi-magiques (étonnamment tri-magiques) :[15 – 9 – 8 - 2] & [14 – 12 – 5 - 3] et qui permettent et vérifient les opérations suivantes: [15 + 9 + 8 + 2 = 14 + 12 + 5 + 3 = 34 = S1], [152 + 92 + 82 + 22 = 142 + 122 + 52 + 32 = 374 = S2] puis [153 + 93 + 83 + 23 = 143 + 123 + 53 + 33 = 4624 = S3].

102 http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Pythagore . Le site de l' Agora explicite que la série des nombres carrés, 4, 9, 16, 25, etc... est formée par l'addition successive des nombresimpairs à partir de l'unité: 1 + 3; 4 + 5; 9 + 7; 16 + 9, etc.

103 Jeanne Vial, De l'être musical, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1952, p.41 104 Musique, nombres, cosmos: quelques réflexions "pythagoriciennes" Author(s): Jacques Viret Source: International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, Vol. 17, No. 2,

(Dec., 1986), pp.147-161 Published by: Croatian Musicological Society. 105 La philosophie pythagoricienne du nombre et la musique Author(s): Brigitte van Wymeersch Source: Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap,

Vol. 51, (1997), pp. 5-16 Published by: Société Belge de Musicologie 106 Aristote, Métaphysique, A, 5, 985 b, trad. de Tricot, t. 1, p. 41):. Dans les nombres, les pythagoriciens pensaient apercevoir une multitude d'analogies avec tout ce qui est et

devient.

20 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

premiers entiers, et le dix contient l' Un, source de tout nombre et donc de toutes choses.« la musique, poursuitencore Brigitte van Wymeersch vient confirmer les propos des philosophes, puisque tous les intervalles dusystème musical grec sont contenus dans les quatre premiers entiers naturels.

En effet, a partir de la valeur des trois premiers intervalles et de l'unisson, on peut trouver lesrapports qui définissent les différents degrés de l'échelle: le ton ou ύ̟εροχη107 qui est le surplus de laquinte par rapport à la quarte et le leimma écrit λειµµα108 qui est le reste de la quarte lorsqu'on lui ôtedeux tons, c'est à dire le demi-ton. 109 L'étude des propriétés des nombres et des correspondances quiexistent entre ceux-ci et la nature suscitera une littérature abondante. Aristote condamna sans appelcette arithmologie, la jugeant trop peu rigoureuse110 ».

2.7 La moyenne harmonique (ex.7 & seq.)

« Les pythagoriciens, apprenons-nous dans l'ouvrage de Brigitte van Wymeersch, connaissaient plusde dix moyennes mais les plus utilisées étaient la moyenne arithmétique, la moyenne géométrique et lamoyenne harmonique111 112. Ce jeu avec les nombres était primordial chez les grecs. La base de laconnaissance de la nature était pour eux une analogie de rapports. Elle permet, a partir d'unecomposition musicale simple de comprendre les rapports complexes ou difficilement saisissables,comme ceux qui président à l'élaboration du cosmos.

La musique113 est pour les grecs un moyen essentiel pour s'élever114 du concret vers l'abstrait, pouramener l'esprit à la contemplation du beau et ainsi passer du monde sensible à la vérité et à l'essence ;et B.V.W. de poursuivre: Nous nous trouvons donc devant une esthétique de tendance classique danslaquelle la beauté d 'une oeuvre est relative à sa juste proportion.

Cette lecture de l'excellent ouvrage de Brigitte van Wymeersch nous invite dans ce qui deviendral'exercice no 7 à rechercher tout d'abord une structure, une construction intéressant. Nous prendronsainsi une série construite sur la moyenne harmonique [ 4 Y 12 ] ou Y vaut 12 – (12 : 4 ) soit 9. La sérieest donc [ 4, 9 & 12 ] qui traduite en base 12 grâce à l'horloge de Taneïev produit la série d'intervallessuivante [ 3M, 6M & U ]. Cette série se réduit à son tour par le jeu d'équivalence des renversements à[3m & 3M]

107 (2/3 : 3/4 = 8/9), 108 leimma et loipos signifient aussi "ce qui reste", "ce qui est laissé". 109 (3/4 : (8/9) 2 = 243/256)(16).110 « Loin de chercher , écrit Aristote, à régler sur les faits observés leurs raisonnements et leurs explications par les causes, ils contraignent les faits observés à rentrer dans le cadre

de certains raisonnements et de certains avis personnels auxquels ils s'efforcent de faire correspondre leur organisation du monde », Aristote, Du ciel, II, 13, 293 a, trad. de PaulMoraux [Paris, 1965], p. 85).

111 dans la progression arithmétique, on passe d'un terme à l'autre par addition d'un facteur constant comme dans la suite [2, 4, 6]; dans une progression géométrique, on utilise unproduit constant comme dans la suite [2, 4, 8, 16]; dans la progression harmonique le plus grand nombre est supérieur au terme moyen d'une fraction de lui-même comme dansla suite [3, 4, 6] où 6 est supérieur de 4 de 2 et où 2 est la fraction 6/3.

112 Archytas (Fragmente, dans Diels-Kranz, Fragmente..., 47 B 2, trad. de Dumont, Les présocratiques, p.535-6.113 Historiquement, les premières traces d'une construction musicale en octaves et quintes justes remontent à l'antiquité chinoise; son attribution à Pythagore semble remonter au

Moyen-Âge. Pour Pythagore, tous les phénomènes de l'univers sont basés sur les quatre premiers nombres : 1, 2, 3 et 4. En effet, ces quatre nombres simples forment les rapportsdes intervalles d'octave (2/1), de quinte (3/2) et de quarte (4/3). cette proposition ainsi que la suivante (86) relevée sur Wikipedia doit bien sûr faire l'objet de recherchescomplémentaires et documentées. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamme_pythagoricienne

114 L'harmonie des sphères, théorie d'origine pythagoricienne fondée sur l'idée que l'univers est régi par des rapports numériques harmonieux, et que les distances entre les planètesdans la représentation géocentrique de l'univers correspondent à des intervalles musicaux. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamme_pythagoricienne

21 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

Partant de [mi] en alternant 3ce maj & 3ce min, nous obtenons la série suivante: [mi – sol# - si – ré# &fa#] soit comme convenu [3m – 3M – 3m – 3M & 3m]. Les notes réduites dans leur forme conjointedonnent donc la série suivante: [ré# - mi – fa# - sol# - si] qui ressemble au tétracorde dorien de mi115

auquel on aura ajouté une 3ce min. Le résultat est très classique avec un sentiment de Mi majeur;reste que le la#, sorte de sensible laissant prévoir une modulation au ton de la dominante s'effacepour retomber directement sur la tonique, comme si, analysé de façon classique, nous avionl'enchaînement: V-V de V–I (Mi) et non V-V de V–I (Si), ce que l'on était en droit d'attendre.

Essayons à présent selon la même échelle dont l'origine est toujours la même moyenne harmonique[ 4, 9 & 12 ] traduite en intervalle puis en échelle. Le résultat est toujours tonal avec le sentimentd'être dans le ton de mi avec le degré IV altéré (la#). Le fait de n'utiliser que les notes de l'échelle enexcluant toute note altérée autre que celle du mode, en excluant également toute note étrangère créeun climat de tension et d'unité qui laisse renvoyer à l'aspect harmonieux de la musique telle quePythagore le concevait & où chaque chose sur terre était le miroir du cosmos.

Dans l'exercice no 9, nous nous sommes permis d'introduire une note de passages appartenant àl'échelle. L'écriture sur une échelle donnée offre à l'oeuvre musicale un caractère plus serré & plustendu; une piste que nous suivrons à l'avenir.

115 [mi – fa – sol – la].

Illustration 11: moyenne harmonique, exercices 7

Illustration 12: Moyenne Harmonique ex 8

22 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

2.8 mode défectif de fa (exercice 10)

Tournons nous à présent vers les polyphonies présentées par Paul Collaer116; Nous lui avonsemprunté le « Lamento di Venerdi Santo». L' αρµονία117 est [fa]. L'échelle utilisée est défective, c'est àdire privé de la note [mi] , son VIIe degré; l'élément caractéristique de l'échelle est le triton [fa – si]entre les degrés [I – IV]. Pour tout ce qui est rapport des notes entre elles, nous nous référons trèssouvent à l'ouvrage de l'élève de Bélà Bartok: Ernö Lendvaï118. Comme l'indique la partition, nousn'avons pas repris la technique du point d'orgue oscillant sans recouvrement telle que les siciliensbrodent encore aujourd'hui leur polyphonie immuable; nous avons simplement conservé la voix dusoprano remarquable par ses petits appuis 119insistantes à laquelle nous allons rajouter une secondevoix issue de l' αρµονία contenue dans son échelle.

Dans la partition ci dessous, a été rajoutée l'indication suivante [4J, 2M ] expliquant que le mode de fautilisé ici est caractérisé par sa succession de 4tes descendantes suivi d'une 2de majeure: [fa–do–sol–ré–la- si] soit [4J–4J–4J–4J-2M]. Nous résumerons en disant que le mode de fa défectif ici du mi est constituéd'un enchaînement de 4te justes ou de 5te justes120 (ce qui revient au même) suivi d'une 2de majeure &pour utiliser notre nomenclature & notre vocabulaire, l' αρµονία est formé ici de deux intervalles: [4J,2M].

Il est à noter que nous préférons parler de 4te plutôt que de 5te et ce pour plusieurs raisons. Le cycledes quintes suppose un cycle ascendant au quel nous lui avons préféré le cycle des quartes descendanttout aussi logique; les grecs envisageaient leur gamme sous la forme descendante ; d'autre part dans leTetractys dont nous reparlerons le tout est est contenu dans les quatre premiers nombres; enfin, il estplus raisonnable d'envisager un petit nombre dans la mesure où il est le condensé d'un plus grand

116 Polyphonies de tradition populaire en Europe méditerranéenne, Paul Collaer, Acta Musicologica, Vol. 32, Fasc. 2/3. (Apr. - Sep., 1960), pp. 57.117 (harmonie/mode/échelle) 118 Introduction au Formes et Harmonies Bartokiennes, par Ernö Lendvaï, éd. Boosey & Hawkes, 1953.119 Appogiatures.120 selon le sens que nous donnons à la progression.

Illustration 13: Illustration 13: moyenne harmonique, exercices 9.

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2.9 αρµονία (grille)

Notre traité progresse à grand pas. Qu'avons-nous trouvé en revisitant les ancienset les modernes, Ernö Lendvai, Paul Collaer et Gisèle de Meur; Taneïev &Raymond Queneau; André Villeneuve & Henri Poincaré et surtout Brigitte vanWymeersch qui su nous introduire au monde géométrique de l' Harmonie des Sphères,à cette αρµονία de Pythagore et que dénigrera Aristote mais peu importe: une fenêtreest ouverte et l'analyse musicale peut respirer à nouveau modestement. Pythagorea lu dans la nature la magie du nombre dont nous avons tant besoin. De quel outilpouvons-nous à présent user; dressons ici, et c'est le moment, un tableau de nos

14: sur la mélodie Sicile. Grotte: Lamento di Venerdi Santo et présentée à la note 111, l'auteur de ce mémoire a construit uncontrechant.

24 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

nouvelles acquisitions.

TRAITE d' αρµονία

Écrire une mélodie;en extraire l'échelle

Tétracorde, échelle bi/tri/tetra/penta/hexa ouheptatonique etc.

Indiquer sa construction (succession d'intervalles)

Ex: 4J, 3M, 4J, 4J, 3M

Résumer sa structure: αρµονία L' αρµονία: 3M & 4J

Écrire un contrechantsen respectant l' αρµονία

à distance de « αρµονία »

Traité d' αρµονία conseils pour harmoniser les voix entre elles.

Notre traité s'est peaufiné au fil des lectures. La question que l'on peut seposer est la suivante: notre système portera-t-il les mêmes fruits si l'on utilisen'importe quelle série numérique; y -a-t-il des séries plus harmonieuses que d'autreset en maniant sciemment le paradoxe: une αρµονία a-t-elle la possibilité d'êtreinharmonieuse. On pourrait répondre oui dans la mesure où cette progressionserait présente nulle part lieu de la nature. Il serait intéressant en bonpythagoricien que nous sommes de définir les nombres qui sont cachés dans lanature et ceux qui ne le sont pas.

Mais notre propos n'est pas là et seul importe une construction logique. Ilimporte comme le dit Stéphane Mallarmé que dans le poème, les mots ... sereflètent les uns sur les autres jusqu'à paraître ne plus avoir leur couleur propre, maisn'être que les transitions d'une gamme121.

Nous avons réduit le contrepoint et l'harmonie à une seule opération que nousavons rebaptisé αρµονία; une manière de travailler en archéologue ou en historienpour qui le passé n'existe pas. Par cette αρµονία & la nouvelle combinatoire qui lasous-tend, il nous arrive souvent de retrouver les couleurs de Rameau ou deMozart voire celles d' Arnold Schoenberg. L'usage d'une telle combinatoireaujourd'hui s'il permet de pasticher les grands maîtres est d'un grand intérêt; loind'être superflu, il décentre le phénomène de l'écriture & envisage d'autres pointsd'appui.

2.10 échelle bushman 122 123

Dans son ouvrage sur les bushmen & leur contrepoint 124 M. Nicholas présente l'échelle de ce chantsous forme ramassée: [do–ré–mi–fa–la] ; replaçons-la sous la forme qu'elle aurait dans le cycle des

121 Mallarmé and Andrej Belyj: Mathematics and the Phenomenality of the Literary Object. Author(s): Steven Cassedy. Source: MLN, Vol. 96, No. 5, Comparative Literature, (Dec.,1981), pp. 1068, published by: The Johns Hopkins University Press

122 Bushman Counterpoint Author(s): Nicholas M. England Source: Journal of the International Folk Music Council, Vol. 19, (1967), pp. 58-66 Published by: International Council forTraditional Music

123 L'ethnie bushmen des Hadzas de Tanzanie (ex Tanganika) ne compte plus que 1000 individus. Les Hadzas parlent une langue de la famille Khosian, caractérisée par sesclaquements de langue et ses nombreuses onomatopées. Chaque homme est plus ou moins doué pour jouer de l' amalimba ou du zézé (arc à une corde sur calebasse). Lesmoments de repos, à l'ombre sous un arbre en après-midi, sont souvent ponctués par ces interludes musicaux. La nuit, les ngomas des Hadzas sont des pratiques animistes quivisent à une transe de groupe et à un lien avec le monde des ancêtres.

124 Cf. note 87.

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quintes: [fa–do –(sol )–ré-la-mi] ; défective, c'est à dire privée du sol, l'échelle est pentatonique. Sonαρµονία est [4J- 2M]125; il nous suffit pour inventer un contrechant de se limiter aux notes de l'échelle etd'utiliser ces consonances. J'ai imaginé que ce chant rituel des bushmen sonnerait bien dansl'enregistrement avec deux balafons126.

2.1.1. organum Jubilemus, Exultemus (ex 12 & seq.)

Pour prolonger et même ouvrir notre discours, interrogeons l' EncyclopédieUniversalis et la compréhension qu'elle donne du mot diaphonie sur le plande la science et plus précisément dans le domaine de l'électronique:« Propriété que présente un appareil d'influencer un appareil semblable,

125 En considérant que la 4te est le renversement de la 5te.126 Logiciel Finale 2008 & KontaktPlayer 2.

15:bushmen de Tanzanie

Illustration 16: !Kal 'am 'om « souche d'arbre », ex 11.

26 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

placé dans un voisinage.

Cette influence se fait par rayonnement ... » Olivier Cullin 127 dans sonouvrage sur La polyphonie au XIIe siècle remarque que l'organum Jubilemus,Exultemus possède un schéma facilement mémorisable128. « ses axesmélodiques, explique-t-il, se calquent pour l'essentiel sur ceux de la voixprincipale » et souligne ainsi le concept d'affinité cher à Gui d'Arezzo129 etJean d'Afflighem130. Pour ce dernier, en effet, il était important« d'atteindre l'agrément de la phrase et de la structure comme une doublemélodie de l'esprit et de l'oreille ».

Empruntons ce Jubilemus conservé à la B.N.F. et opérons selon notreméthode en recherchant à partir de la mélodie l'échelle à laquelle cetorganum appartient; le cycle des quintes nous sera très utile car il nousindique de façon développée131 toutes les notes de la gamme diatonique ouchromatique. L'échelle une fois trouvée, nous en extrayons l' αρµονία, c'est àdire les intervalles qui séparent chaque note du mode et que Gui d'Arezzonommait symphoniae 132.

127 La polyphonie au XIIe siècle: entre théorie et pratique . Author(s): Olivier Cullin Source: Revue de musicologie, T. 81e, No. 1er, (1995), pp. 25-36 Published by: Société Française deMusicologie

128 Cf. note 90, page 31.129 Gui d'Arezzo, Micrologus, ed. M.-N. Colette, p. 86.130 Jean d'Afflighem, Ad organum faciendum, ed. Huff.131 Cycle des quintes, schéma 13.132 Cf. note 92.

17: Jubilemus, Exultemus, organum, Paris, B.N.F. Latin 1139 , f.41r.

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La question pour nous est de savoir comment nous allons conduire la voix organale. Pour Jeand'Afflighem 133 cité par Olivier Cullin134, la hiérarchie des intervalles est implicite et se déduit du mouvementmême de la mélodie , pourvu explique-t-il que l'on respecte le mouvement d'arsis et de thesis , c'est à direla pente naturelle qui veut que toute levée se termine par une posée. Ainsi, en reprenant simplementl'organum Jubilemus, Exultemus , nous considérons sa mélodie initiale. Elle chante dans le mode de fa;ce mode est défectif puisque le [ré] et le [mi] pris dans l'ordre des quintes font défaut, rendant dumême coup l'échelle pentatonique.

Ayant analysé les intervalles du mode [fa–do–sol–la–si] nous remarquons une succession de 4te (5terenversée) et de 2de majeure Notre αρµονία , notre symphonia 135 pour reprendre le terme latin deGui d'Arezzo revêtira donc les consonances de [2M-4J]136. La diaphonie suivra donc la mélodie àdistance de ces deux intervalles en prenant grand soin de chanter abondamment. Reste la question descopules137 que nous avons résolu à la manière de Jean d'Afflighem138 en ne contrepointant que la/les notes lesplus importantes du groupe.

Nous pourrions dans un nouvel exercice utiliser l' αρµονία contenue non dans la forme ouverte ducycle contenant la gamme mais dans sa forme resserrée et utiliser alors les autres nombres, les autresrapports qu'il contient. La forme resserrée étant [fa–sol–la–si & do], nous faisons partir le calcul desintervalles cette fois, non plus de note à note par voisinage mais de la première note (tonique) et del'intervalle qu'elle forme

avec les autres degrés. [fa–sol], [fa–la], [fa–si] & [fa-do], soit [2M, 3M,Triton & 4J139]; il est indéniable quece type de contrepoint est beaucoup plus riche et offre beaucoup plus de possibilités; en effet, cesquatre intervalles renversés donneront huit intervalles; quand au rendu sonore l'effet sera particuliercompte tenu du triton. Nous allons donc reprendre l'organum Jubilemus, Exultemus et lui assigneronsle nouvel αρµονία ainsi envisagé.

133 De musica cum tonario, chap. XXIII, Jean d'Afflighem.134 Cf. note 90, p. 35.135 Gui d'Arezzo, Micrologus, éd. M.-N. Colette, p. 86.136 Paradoxe où une 2de maj. Devient consonance, ce qui semble contraire à la doxa.137 C'est à dire des groupements de notes en triolet par exemple.138 « lorsque le chant le nécessite, on fait une copula de n'importe quelle manière. De ce fait, quand il n'y a que quatre notes composées, une seule est considérée comme organale »139 Nous préférons la forme renversée 4J à la forme parfaite 5J.

Illustration 18: Jubilemus, Exultemus, organum,ex 12.

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Les copulae devenues notes de passage ne sont affectées que d'une ou deux αρµονία. Les deuxharmonies précédentes: [2M & 4J] ont fait place aux trois harmonies suivantes: [2M, 3M,4J & 4A].

2.1.2. Quelques échelles

Notre contrepoint semble avoir tracé ses limites comme le géographe souligne ses terrae incognitae. Lecycle des quintes contient en lui l'esprit cadentiel. Les nombres pythagoriciens qui sont en fait desfractions 140 ont exprimé les intervalles fondateurs de 4te et d' 8ve puisque nous incluons chaque fois lerenversement. Harmoniser dépend de l'échelle utilisée.

Celle qui est di-tonique est harmonisé avec les intervalles [4J–U] ; l' échelle tri-tonique avec [2M – 4J];l' échelle tetratonique avec [2M–4J–3m]; l' échelle pentatonique avec [2M–3M–4J–3m]; l' échellehexatonique avec [2m–3m-3M–4J] & enfin l' échelle heptatonique avec [2M–3m-3M–4J]. Bien sûr, toutecette logique est souvent détruite par l'aspect défectif de tel ou tel mode. Il semble intéressant pournous d'harmoniser une mélodie par la structure du mode qui lui a donné naissance.

Un texte intéressant & que nous pouvons inscrire à ce stade de notre discours est celui dePaul Collaer

« Depuis longtemps, écrit -il 141, on nous a enseigné que la quinte est l'intervalle qui s'impose de primeabord, par suite de la simplicité de sa relation mathématique avec la tonique ou fondamentale. Lesfaits réels constatés chez les peuples à culture primitive ne permettent nullement de confirmer cetteidée [...] il semble que ce soit l'intervalle de quarte qui se soit imposé le plus tôt dans la musiquevocale [...] Les imitations à la quarte ou à la quinte se font presque toujours sous la mélodieconductrice .

Et P.Collaer continue à propos de la tierce: on le rencontre dans les cultures primitives qui n'ont jamaiseu de contact avec la culture européenne. Il ne reste pas, à ma connaissance, de traces en Europe deparallélismes stricts à tierces majeures. Il s'en conserve par contre avec des tierces mineures, à l'étatisolé. Particulièrement chez les Croates ».

140 L'octave (2/1), la quinte (3/2) et la quarte (4/3) .141 Polyphonies de tradition populaire en Europe méditerranéenne, Paul Collaer, Acta Musicologica, Vol. 32, Fasc. 2/3. (Apr. - Sep., 1960), pp. 57.

Illustration 19: Jubilemus, Exultemus, organum,ex 13.

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2.1.3 Le Tétractys (ex 14)

Nous allons à présent imaginer une manière de composer avec les chiffres contenus dans leTétractys142. Dans la symbolique pythagoricienne, la Tétractys définit le secret occulté encoreaujourd'hui de la décade; en effet, si l'on procède par addition et que l'on choisisse les quatrepremiers nombres entiers, on constate l'égalité suivante: [1+2+3+4 = 10] . Dans l'exercice 14, nousaffecterons à cette série numérique toutes les sommes143 possibles combinant ces quatre chiffres; nousobtenons ainsi [3, 4, 5, 6, 7, 9 &10] . Grâce au cercle de Taneïev, nous pouvons traduire ces nombresen intervalles: [2M, 3m, 3M, 4J & 4A]. Dans un souci extrême d'unité la mélodie ne franchira elle-même que les intervalles proposés.

142 L'école de Pythagore portait le nom même du Tétractys et ses élèves prêtaient serment sur lui.143 Où 3 vient de (1+2), 4 de (1+3), 5 de (2+3), 6 de (1+2+3), 7 de (3+4), 9 de (2+3+4) & 10 de (1+2+3+4).

20 Tétractys de Pythagore

proposé par Robert Fludd au XVIIe s

Illustration 22: Définition du système du Tetractys, rythme & pente mélodique.

21: Cycle des quintes et comma pythagoricien

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De part et d'autre de la partition ci-dessus, nous constatons deux rangées de chiffres;la rangée supérieure est accompagnée de lettres majuscules ou minuscules etreprésente les intervalles tiré du Tetractys Pythagoricien. A partir des quatre nombresdu Tetractys & par diverses sommes effectuées144 nous avons obtenu les nombressuivants déjà mentionnés: [3 - 4 - 5 - 6 – 7 - 9 & 10]. Ces nombres réduits par l'horlogede Taneïev en intervalles on donné comme précédemment indiqué les intervallessuivants: [2de maj, 3ce min & 3ce maj, 4te J & 4te Augm]. Nous avons ensuite utilisél'horloge de Taneïev145 mais cette fois appliquée aux durées; nous avons alors obtenules valeurs suivantes:

(n/cr), bl, (bl/cr),(bl/n) (bl/n/cr), (r/cr) & (r+n).

Le tempo utilisera lui aussi la série des sommes146 des 4 nombres du Tetractys; dansl'exemple présenté ici, les tempi retenus sont:

modéré = 109, lent = 94 & vif = 154

En ce qui concerne enfin, les chiffres des mesures , nous avons opéré de même etobtenu:

3/4, 4/5, 6/4, 4/4 [..] ou encore 7/4147

144 ex. (1+2) ou (1+3), (1+4), (2+4), (4+3), (4+3+2) & (1+2+3+4)145 Où [1=cr, 2=n, 3=n+cr, 4=bl, 5=bl+cr, 6=bl+n, 7=bl+n+cr, 9=r+cr].146 [3 - 4 - 5 - 6 – 7 - 9 & 10].147 Eux aussi tirés de la série des sommes du Tetractys [3-4-5-6–7-9 & 10].

23: Rythme, mélodie & harmonie sont tirés du Tetractys pythagoricien.

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Chapitre 3

Création Personnelle

Vent & neige Telou Deved I, II & III

Réminiscence Filigrane

Tetractys, Vendanges à Carnac

0.1 P Pourquoi tomberd'accord

Les moulins à vent

Pour des raisons de format, letroisième chapitre de notre mémoirequittera ce traitement de texte rédigéen .odt avec OpenOffice148 pour lelogiciel d'écriture musicale Finale deMakeMusic dans sa version 2008 & quiédite au format .MUS. Il ne pourra bienentendu observer la mêmeprésentation et prendra la forme d'unepartition à laquelle aura été ajouté tousles commentaires musicologiquesnécessaires.

148 OpenOffice est une Suite bureautique complète, gratuite et fortement compatible Microsoft Office

32 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Conclusionélargir la problématique grâce à

Pierre Barbaud et l'algorithmePierre Boulez & le paradigme

Le chapitre 3 présenté en annexe a permis de vérifier le rapport entre le nombre etl'intervalle musical . Nous avons rejoint d'une certaine manière Boèce 149 qui voyait dans lejeu des planètes la naissance de notre gamme; cette musique, cette harmonie cosmiquerythmant les quatre éléments & les saisons, nous la retranscrivons ici 150 151.

Cette échelle est heptatonique comme la nôtre. Le but avoué de notre traité n'est-il pas defaire évoluer plusieurs mélodies comme autant de planètes qui chez les anciens152 ne seheurtent jamais. Notre Harmonie des Sphères153 est réglée comme tous les astres par la maininvisible d'une αρµονία 154 tissant des liens indéfectibles entre l'abstrait et le concret, entre levirtuel & le réel.

Qu'avons-nous prouvé au fond que Pierre Barbaud155 156 n'ait trouvé avant nous. La musiquealgorithmique à qui il donna le jour en 1961 ressemble comme une soeur à notrepréoccupation. Nos calculs sont plus simples que ses algorithmes mais ils relèvent de lamême problématique & du même questionnement. Notre travail a rejoint cette autre véritéscientifique nommée prédication par Gaston Bachelard157 158 ; nous avons comme lui essayé delier la pensée à l'expérience.

149 De Institutione Musica, trad. Giovanni Marzi, Rome, Istituto italiano per la storia della Musica, 1990. 150 L'Harmonie des Spheres Selon Boèce, Author(s): Roger Bragard Source: Speculum, Vol. 4, No. 2, (Apr., 1929), pp. 206-213, published by: Medieval Academy of America.151 Nous constatons le différent des deux interprétations, celle de Nicomaque et celle de Boèce.152 Pythagore, Aristote ou Boèce.153 Cf. Th. Reinach, La Musique des Sphères, Revue des Etudes Grecques, XIII (1900), 432 sq. Les astres produisent chacun en se déplaçant, un son qu'ils répartissent sur les

cordes de la lyre. 154 Cette harmonia αρµονία de nombreuses fois citée.155 Compositeur français (1911 – 1990). http://brahms.ircam.fr/index.php?id=250 156 Cf. http://www.olats.org/schoffer/barbaud1.htm. Elève de N. et A. Tcherepnine, Pierre Barbaud a l'idée en 1954 de définir le sériel par des opérations arithmétiques. Il

transforme une suite d'opérations en partition; chez Honeywell Bull il réalise " Factorielle 7", la première oeuvre entièrement réalisée à l' ordinateur(1961); la musiquealgorithmique est née.

157 BACHELARD Gaston, Le Nouvel Esprit Scientifique, P.U.F., p. 15.158 Idem. « annonçant la nouvelle scientifique, en transmettant du même coup une pensée et une expérience ».

24: Harmonie des sphères selon Boèce ou Nicomaque.

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Le fil conducteur entre Pythagore & Bachelard, entre Pierre Barbaud et nous même est lenombre inscrit dans les mathématiques et apparue bien avant l'écriture si l'on se réfère à l'osd'Ishango159. L' astrophysicien Jean Paul Mbelek y releva de multiples opérations 160 baséessouvent sur la symétrie dont parlait Gisèle de Meur au début de notre essai; ce mêmescientifique conçoit pour nous la nécessité d'adapter notre présence au lieu & à ses capacités derégénérescence161. Notre topoï est précisément cela, de fouiller le lieu de la musique et de donnernaissance à d'autres réalités. Prenez quelques notes de musique, faites en une mélodie, ilvous semblera que les notes tombent de la série initiale. Prenez ensuite cette mélodie et àdistance respective inventez-lui son reflet, son double, sa soeur de lait.

Machaut162, règle sa musique sur l'observation de la nature même & écrit Oisillon ont leurchapitre - Tenu de sons et de hoquès ; dans le second vers on découvre les deux états de lamusique que sont la mélodie & le rythme, autrement dit la hauteur & la durée, la vibration etl'ordre. Victor Hugo163 nous rappelle pour qui sait lire entre les lignes que l'accord a toujoursexisté chez le rossignol; quant au rythme, le plus simple serait de revenir à la prosodiegrecque laissant défiler dactyle, spondée & trochée. Andre Hodeir164 évoque en effet la« difficulté de jouer certains rythmes d'apparence séduisante mais qu'aucun cerveauhumain ne peut apprécier dans leur réalité concrète & qu'aucune main ne peut jouer enl'espace de temps voulu par l'auteur ».

« La question de la musique revue & corrigée par la modernité apporte, explique MauriceFaure165 les mêmes sources de bonheur et de tristesse que la musique traditionnelle, autantque la poésie de Mallarmé, la prose de Joyce ou encore la peinture de Klee; elle s'accordeune fois encore aux émotions que l'homme a toujours éprouvées ». Chacun des systèmes estselon la définition de Thomas Kuhn166 un paradigme c'est à dire un modèle générateur. Biensûr notre modèle n'a rien de la complexité des moyens mis en oeuvres dans Dialogue de l'Ombre Double de Pierre Boulez; il suffit de se référer à une des fenêtres ouvertes par lelogiciel Max, pour s'en rendre compte; le schéma qui suit présentera au lecteur desconnecteurs (patch), des déclancheurs (trigger) ainsi que de longs potentiomètresverticaux. Deux langages pour une même réalité: la musique.

159 datant de 20 000 ans d'avant notre ère.160 (10 + 20 + 30 = 60), (9 = 10 -1 , 11 = 10 + 1) & (19 = 20 - 1, 21 = 20 + 1)161 http://tv.jubii.fr/video/iLyROoaftdY9.html162 Sur le répertoire des oiseaux espagnols. Author(s): Daniel Devoto. Source: Revue de musicologie, T. 54e, No. 2e, (1968), pp. 176-205, published by: Société Française de Musicologie.163 Idem, p.180.164 Hommes et problèmes du jazz, d'André Hodeir, est un livre analytique sur le jazz, Éd. Parenthèses, p.109 et sq. violoniste, compositeur, arrangeur,musicologue et écrivainfrançais (Paris, 22 janvier 1921)165 Professeur agrégé d’histoire et de géographie, docteur en droit mais également sénateur, maire de Cahors, député & ministre. 166 Paradigms and Computer Music Author(s): Andrew Gerzso Source: Leonardo Music Journal, Vol. 2, No. 1, (1992), pp. 73-79 Published by: The MIT Press.

Illustration 25: L'Os d'Ishango

34 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Dans le diagramme présenté ici, on aperçoit tous les chemins, toutes les succession d'évènementsréalisés par Boulez à l'ordinateur.

* * *

Epilogue 1Un autre regard Pierrot Lunaire

Une simple lecture curieuse du Pierrot lunaire d'Arnold Schoenberg montre qu'il utilisait lui aussi unsystème numérique très proche du notre. La différence essentielle est qu'au lieu d'utiliser la base 12 del'horloge de Taneïev, il utilisait la base 9 des numérologues où 12 est réduit à 3 (12 = 1 + 2) & 167 . Toutela partition du Pierrot Lunaire168 gravite autour des trois nombres: 3, 7 & 1169 base numérologiste deslettres mises en notes dans Pierrot Lunaire d'Arnold Schoenberg.

Présentons au passage la symbolique des nombres évoqués; le 3 évoque l'art, le 7 la spiritualité tandisque le nombre 1 évoque la création. Le 11 représentera le rêve et le 22 la fraternité. Alors que leprocédé du Nombre d' Or est d'avantage reconnaissable dans le découpage et le choix desmodulations d'une oeuvre comme celle de Béla Bartok, le procédé à 9 chiffres des numérologues apourtant permis à A. Schoenberg l'élaboration du Pierrot Lunaire où il utilisera la numérologie170 nonseulement dans les notes des thèmes de l'oeuvre mais aussi dans le rythme, dans la longueur desphrases & dans les sections de l'oeuvre; la numérologie est également présente dans les cadences &dans la répétition des notes, dans la formation des accords et des ornementations comme dans lestranspositions.

167 où 11 & 22 demeurent inchangés168 Pythagoras and Pierrot: An Approach to Schoenberg's Use of Numerology in the Construction of 'Pierrot lunaire' Author(s): Colin C. Sterne Source: Perspectives of New Music,

Vol. 21, No. 1/2, (Autumn, 1982 - Summer, 1983), pp. 506- 534 Published by: Perspectives of New Music 169 Le nombre 2 & 7 exprimant la chance et le bonheur.170 Your Days Are Numbered by Florence Evylinn Campbell, M.A., The Gateway, Ferndale, Pennsylvania, 1931.

26: Le programme Max utilisé dans « Dialogue de l' Ombre Double » par PierreBoulez.

35 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

Notre système mis à jour dans notre traité n'a fait que suivre les traces d'Arnold Schoenberg. Nousparlions de secrets cachés derrière toute oeuvre; raisonner par accord, cadence ou modulations esttout aussi complexe que raisonner par suite numérique ou par par combinaison, par symétrie oubien par opération arithmétique. Donner enfin un sens, une symbolique à toute cette pensée serapeut être la clé de voûte à notre mémoire. Prenons l'exemple de Mallarmé, l'auteur du poème L'Après Midi D'un Faune écrit en 1865 mis en musique par Claude Debussy en 1894 & illustré parEdouard Manet.

Pour Andrej Belyj, l'esprit des mathématiques171 est opérant dans le Livre172 deMallarmé où partout baigne l'esprit de l'algèbre.

« Dans le poème, apprend-on, les mots ... se reflètent les uns sur les autres jusqu'à paraîtrene plus avoir leur couleur propre, mais n'être que les transitions d'une gamme173; tout n'estque fonctions & relations, à la façon d'une composition musicale ».

Mallarmé tenait la musique pour le plus algébrique des arts; décrivant la musique dans un texteintitulé Crise de vers & où il parle de l'ensemble des rapports existant dans le tout 174. Dans unelettre adressée à Villiers de l’Isle-Adam 175 il lui écrit: J'avais, à la faveur d'une grande sensibilité,compris la corrélation intime de la Poésie avec l' Univers.

171 Mallarmé and Andrej Belyj: Mathematics and the Phenomenality of the Literary Object, Author(s): Steven CassedySource: MLN, Vol. 96, No. 5, Comparative Literature, (Dec., 1981), pp. 1066-1083, Published by: The Johns Hopkins University Press172 Que Mallarmé appelle également Grand Oeuvre.173 Cf. note 148, p.1067. December 1866; Mallarmé's emphasis, 174 Idem, p. 1068. (OC, 368).175 24 septembre 1866.

28: frontispice pour l’ Après-Midi d’un faune par EdouardManet (1876)

27: base numérologiste des lettres mises en notes dans "Pierrot Lunaire"d'Arnold Schoenberg.

36 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Dans l'ordonnancement des poèmes de Stéphane Mallarmé,explique Andrej Belyj, on retrouve les nombres: [2, 8, 20 & 24]. Aucoeur de ses poèmes le rythme iambique [U -----]176, subit diversesmutations afin d'inscrire ça & là divers ralentissement comme ledémontre le schéma proposé par Andrej Belyj.

Nous achèverons cet épilogue par la phrase consacrée que l'ondoit à Plaute177 & où l’acteur saluant le public, implore sonindulgence et réclame ses suffrages: Vos valete, et plaudite, cives;c'est à dire: Portez-vous bien. Et vous jeunes gens, si vous approuvezcette loi, vous devez par Hercule, à cause des vieillards, applaudir bienfort.,

176 une brève suivi d'une longue. 177 derniers mots du marchand dans la pièce de Plaute Les Ménechmes.

Illustration 29: en suivant les doubles brèves (U U) indiquées par des points oncomprends mieux les accélérations de rythme chez Mallarmé.

37 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

Epilogue 2Diffusion des Savoirs

De telles recherches n'auraient vu le jour sans la banque de données JSTOR à la quelle toute carted'étudiant donne librement accès; cela nous a permis d'importer des documents au format .pdfdirectement chez nous. La navigation par mot-clés est extrêmement simple & l' Université a mêmeprévu de nombreux dictionnaires en ligne car beaucoup d'extraits d' ouvrages présentés sont enanglais, en allemand voire en italien. La diffusion des savoirs pour nous musiciens-compositeurs-chercheurs ou interprètes est accessible sur quelques sites très érudits & très sérieux comme celui del'Ecole Normale Supérieure178 où sont archivés et donc accessibles à la demande de très nombreusesconférences.

Pour ne donner qu'un exemple, ayant inséré le mot-clé musique une série de six conférences sontalors tombées dans mon escarcelle.

• Comment évaluer musicalement les théories mathématiques de la musique ? • Esquisse d’une étude comparée entre l’avènement de la perspective (en peinture) et de celui du

tempérament égal (en musique) • Gestes et mouvements en mathématiques (et en musique) • L’instrument de musique comme produit et comme facteur d’historicité • Mathématiques, musique et philosophie dans la tradition américaine : la filiation Babbitt/Lewin • Séminaire musique et mathématiques

D'autres conférences tout aussi extraordinaires sont retransmises sur France Culture, de 06:00 à 07:00dans l’émission L’éloge du savoir et qui m'ont permis d'alimenter la première partie de mon mémoire179

; on peut retrouver d'ailleurs ces conférences sur la Toile qui les diffuse180 181par l'entremise deséditions Odile Jacob; cette dernière les a également éditées en livre de poche.

François-Xavier Jean

178 http://www.diffusion.ens.fr/179 émission de France Culture du mercredi 19 mars 2008 .180 Pour retrouver gratuitement toutes les conférences, il suffit de s' inscrire sur la liste de diffusion d'Odile Jacob et de visionner simplement la conférence de son choix.181 www.tous-les-savoirs.com

38 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Sources Bibliographie

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● AREZZO ( d') Gui, ed. M.-N. Colette, p. 86.

● BACHELARD Gaston, Le Nouvel Esprit Scientifique,P.U.F.

● BRAGARD Roger, L'Harmonie des Spheres Selon Boèce, Source: Speculum, Vol. 4, No. 2,(Apr., 1929), Medieval Academy of America.

● CAMPBELL Florence Evylinn,Your Days Are Numbered by M.A., The Gateway, Ferndale,Pennsylvania, 1931.

● CASSEDY Steven, Mallarmé and Andrej Belyj: Mathematics and the Phenomenality of theLiterary Object,, MLN, Vol. 96, No. 5, Comparative Literature, (Dec., 1981), Johns HopkinsUniversity Press.

● CHAILLEY Jacques, Traité Historique d' Analyse, Editions Alphonse Leduc, 175, rue SaintHonoré, 75040 Paris Cédex 01. ISBN 2-85689-037-7.

● COLIN C. STERNE, Pythagoras and Pierrot: An Approach to Schoenberg's Use of Numerologyin the Construction of 'Pierrot lunaire' in Perspectives of New Music, Vol. 21, No. 1/2,(Autumn, 1982 - Summer, 1983), pp. 506- 534 Published by: Perspectives of New Music.

● CULLIN Olivier, La polyphonie au XIIe siècle: entre théorie et pratique, : Revue demusicologie, T. 81e, No. 1er, (1995), pp. 25-36 Published by: Société Française deMusicologie

● DEVOTO Daniel Devoto Sur le répertoire des oiseaux espagnols, Revue de musicologie, T.54e, No. 2e, (1968), pp. 176-205, Société Française de Musicologie.

● GAUVILLE Hervé, L'Art depuis 1945,, Hazan.

● GERZSO Andrew, Paradigms and Computer Music in Leonardo Music Journal, Vol. 2, No.1, (1992)by: The MIT Press.

● LENDVAÏ Ernö,Introductions aux Formes et Harmonies Bartokiennes, Boosey & Hawkes,1953.

● MARZI Giovanni, De Institutione Musica, trad. Rome, Istituto italiano per la storia dellaMusica, 1990.

● REVUE DES ETUDES GRECQUES, La Musique des Sphères, XIII (1900).

● RAMEAU J. Ph, Traité de l' Harmonie, Méridiens Klincksieck.

39 © François-Xavier Jean, étudiant en Master 2 de Recherche: « Arts du Spectacle & Musique », Université Paul Valéry

● SIRVENT Michel,Chiffrement, déchiffrement: de Paul Valéry à Jean Ricardou , RevueFrançaise, Vol.66, No. 2, (Dec., 1992).

● TOSCANO Maria Manuela,Chemins vers une esthétique de l'inquiétude dans la musique deGésualdo, International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, Vol. 30, No. 1,(Jun., 1999

● VAN WYMEERSCH Brigitte, La philosophie pythagoricienne du nombre et la musique,: Revuebelge de Musicologie , Vol. 51, (1997), Société Belge de Musicologie.

● VIAL Jeanne, De l'être musical, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1952.

● VILLENEUVE André, Harmonies : déserts fertiles que j’interroge, Circuit, vol. 10, n° 1, 1999.

● VIRET Jacques , Musique, nombres, cosmos: quelques réflexions pythagoriciennes,:International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, Vol. 17, No. 2, (Dec., 1986),pp.147-161 Published by: Croatian Musicological Society.

● WEINBERG Jacob Weinberg, Sergei Ivanovitch Taneiev, The Musical Quarterly, Vol. 44, No.1. (Jan., 1958).

Sources

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● http://www.ulb.ac.be/homepage.html

l'Université Libre de Bruxelles

● http://www.les-mathematiques.net/p/p/b/node2.php3

Claude Berge: un mathématicien éclectique

● http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-quenea.htm.

Raymond Queneau, sur la B.N.F.

● http://www.fabula.org/atelier.php?Figures

Fabula est une association de chercheurs spécialisés en littérature

● http://www.universalis.fr/encyclopedie/T228852/ARISTOXENE_DE_TARENTE.htm

40 « Repenser Aujourd'hui Le Contrepoint », Mémoire de master 2 de composition soutenu par François–Xavier Jean le 18 juin 2008 à l' Université Paul Valéry deMontpellier.

Universalis Encyclopedia, Aristoxène de Tarente

● http://www.citesciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/question_actu.phplangue=fr&id_article=4283

Site de la Cité des Sciences

● http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Pythagore

documentation sur Pythagore

● http://brahms.ircam.fr/index.php?id=250

Site de l' Ircam

● http://www.olats.org/schoffer/barbaud1.htm.

Site sur Pierre Barbaud

● http://tv.jubii.fr/video/iLyROoaftdY9.html

vidéo de l'astrophysicien Jean-Paul MBelekDocteur ès sciences de l’université Pierre et Marie Curie Paris VI

● http://www.diffusion.ens.fr/

portail de la Diffusion des savoirs de l'Ecole Normale Supérieure

● www.canal-u.education.fr www.tous-les-savoirs.com

portail de la Diffusion des savoirs des éditions Odile Jacob

● www.lemonde.fr/utls.

Plus de 400 conférences de la Cité des sciences à voir et à écouter enligne.

Fecit in Saint Laurent d' Aigouze le mardi 20 mai 2008 par

François-Xavier Jean

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