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www.contrepoint.info Numéro 5 - Octobre 2007 Réforme des universités : ce qui nous attend vraiment Ne peut être vendu. Ne pas jeter sur la voie publique. FACOSPHÈRE Entretiens : Bruno Julliard VS Jean-Robert Pitte FOCUS En selle pour les bancs de la fac CONSCIENCE LIBRE Quand les stages de- viennent emplois CULTURE Ariane Fornia : être écrivain et étudiant SPORT L’Insep, chercheur d’or

Contrepoint n°05

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Réformes des universités : ce qui nous attend vraiment

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Numéro 5 - Octobre 2007

Réforme des universités :ce qui nous attend vraiment

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Entretiens :Bruno Julliard VSJean-Robert Pitte

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«   O h   l e s   b e a u x   j o u r s . . .   »Contrepoint revient avec son cinquième nu-

méro en pleine rentrée universitaire. L’été a peut-être été court, mais la réforme des universités éclaire maintenant la vie étudiante. Elle fut un thème central de la campagne présidentielle, il appartient en ce mois d’octobre aux étudiants d’en être convaincus, ou non. Et même si tout est calme, Jean-Robert Pitte et Bruno Julliard nous répondent sans détour au sujet de ce texte basé sur un consensus fragile.

La rentrée 2007 est aussi pour Contrepoint synonyme d’élargissements majeurs : l’équipe s’agrandit en doublant ses effectifs et, en parte-nariat avec Radio Campus Paris (93.9 FM), nous disposons maintenant d’une émission en direct, un jeudi sur deux, de 20h à 21h. Nos chroni-queurs sauront réagir à l’actualité conjointement au journal mensuel et aux actualisations quoti-diennes de notre site Internet.

Ainsi en se développant nous espérons saisir la vie étudiante dans la diversité des parcours et des établissements, en tentant de répondre à cette question : qui est le vrai étudiant parisien ? Nous voulons être là où il s’inquiète, là où il se passionne et là où il échoue. Dans ce numéro 5, nous nous faufilons dans les failles de la vie étu-diante : du réseau Vélib’ aux conditions de stages, du rôle joué par les étudiants dans la culture au sentiment d’appartenir à l’Europe, nous voulons parler de ce qui nous concerne tous.

Car si l’université est un grand verre plein de vitamines aux couleurs fluorescentes, Contrepoint doit y être effervescent.

La rentrée, « les beaux jours » ? Évidemment ! Vivez-les sereinement, nous, nous vous infor-mons.

Emmanuel Clerc Rédacteur en chef

É d i t o

OctObre 2007

numéro 5 Dossier spécial

Réforme des universités : un consensus qui ne convainc per-sonne .......................................................................................................................... 4Interview de Jean-Robert Pitte : président de Paris IV ................. 5Interview de Bruno Julliard : président de l’Unef ............................ 7

FocusEn selle pour les bancs de la fac ................................................................ 8Cartes cinéma : ça bouge à la rentrée ! ................................................. 9

conscience libreLe coût du savoir : une escroquerie ? ...................................................10Facebook bientôt indispensable pour les étudiants français ?................................................................................................................. 10Quand les stages deviennent emplois ............................................... 11

cultureInterview d’Ariane Fornia ............................................................................. 12Rentrée musicale : le péril jeune ............................................................. 13

internationalÉtudiants européens : avez-vous le profil ? .......................................14

sportL’Insep, chercheur d’or .................................................................................. 15

R e m e R c i e m e n t sContrepoint remercie tout particulièrement le FSDIE de Paris 1, la Maison des Initiatives Étu-diantes, Radio Campus Paris ainsi qu’Animafac.

Directrice de la publication Julie Deruy, 06 76 47 72 59

Rédacteur en chef Emmanuel Clerc

Ont participé à ce numéro Hélène Barbaza, Florian Bérigaud, Amélie Bonté, Agathe Cavey, Emmanuel Clerc, Jean-Louis Dell’Oro, Julie Dupont, Mélanie Gaussorgues, Nicolas Gosset, Steven Jambot, Marion Kirat, Laetitia Le Moine, Pauline Richaud, Hadrien Santos, Flora Zanichelli

Maquettiste Maxime Raoust

Imprimerie Clerc SAS, 5, rue de la Brasserie 18200 Saint-Amand Montrond

Contrepoint [email protected]

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� Octobre 2007Contrepoint numéro 5

Réforme des universités : un consensus qui ne convainc personneAlors que les étudiants reprennent les cours, la rentrée sociale du monde universitaire s’annonce chargée. Le 1er

août dernier, le Parlement adoptait définitivement le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités des universités. Plus connu sous le terme de réforme des universités, le texte n’a cessé de susciter de vives réactions de la part des différents acteurs du monde estudiantin. Loi s’attaquant à l’égalité entre universités pour certains, « réformette » sans envergure pour d’autres, qu’en est-il réellement ?

Ce n’est que récemment que la Fran-ce a pris conscience des lacunes de son enseignement supérieur. À cet égard, le premier classement inter-

national des meilleures universités établi par l’université Jiao Tong de Shanghai en 2003 a fait figure d’électrochoc. Seu-les deux universités françaises faisaient alors partie des cent meilleures mondia-les. Le cru 2007, malgré un découpage du classement en cinq champs discipli-naires, n’est guère plus indulgent pour l’Hexagone : on ne compte cette année que sept universités parmi les différents top 100. Les critères de classification n’y sont pas étrangers. Ils sanctionnent un enseignement su-périeur français trop éclaté et qui manque de visibilité. Reste que ce palmarès est devenu une référen-ce en matière de comparaison internatio-nale et que la France pointe désormais au rang des mauvais élèves.

L’organisation de l’université en question

C’est pour répondre au décrochage de la France dans « la bataille de l’intelligence » (discours d’Orsay du 1er juin 2007 de Fran-çois Fillon) que le gouvernement a déci-dé d’opérer une refonte du système uni-versitaire français. Les objectifs affichés sont louables : rendre l’université plus at-tractive pour les enseignants chercheurs et les étudiants, lutter contre l’échec en premier cycle (Licence), rendre la recher-che universitaire plus visible au niveau international et améliorer l’insertion pro-fessionnelle des jeunes diplômés. Mais si le projet se voulait ambitieux à l’origine, force est de constater qu’il s’attaque sur-tout aux problèmes de gouvernance des 85 universités françaises. Celles-ci, dont les conseils d’administration pouvaient comprendre 60 membres, étaient jugées

ingouvernables. Désormais, leur CA sera composé de 20 à 30 membres (contre un maximum de 20 dans le projet initial). Ce CA sera composé dans sa majorité de membres élus parmi les enseignants-chercheurs, le personnel de l’université et les représentants étudiants. Mais il sera aussi ouvert à quelques personna-lités extérieures comme des élus locaux et des chefs d’entreprise. Et ce sont les

membres élus de ce CA qui désigneront à la majorité abso-lue le président de l’université pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois, contre un mandat unique de six ans auparavant. Ainsi, le mandat du président s’ali-gnera sur le plan

quadriennal qu’il doit présenter. Le but ? Éviter que le président ne mette en œuvre une politique pour son université qu’il n’a pas choisie, com-me c’était souvent le cas jusqu’ici. Tant la légitimité du président que sa responsa-bilité devant le CA en sortent renforcées. Car cette mesure oblige le président à s’engager sur des objectifs clairs et per-met au CA de le juger sur ses résultats. Sachant que, contrairement à ce qui était prévu à l’origine, la fonction de président d’université restera réservée aux seuls enseignants-chercheurs.

L’autonomie à l’honneur

L’autre grand volet de la réforme concer-ne la maîtrise par les universités de leur budget, autrement dit leur autonomie. Jusqu’à aujourd’hui, c’était l’État qui dé-cidait des créations de postes, des affec-tations et des nouveaux cursus, parfois dans l’ignorance des besoins urgents et des spécificités de chaque université. Dé-sormais, les présidents auront la liberté d’engager des enseignants et de moduler leurs rémunérations. Autre nouveauté, suite page 6

l’université française en chiffres

2 275 000 étudiants français dont 1 420 000 à l’université (soit 62%)Dépense annuelle moyenne par étudiant : 7200 € (moyenne OCDE : 10 655 €)40 % des étudiants abandonnent leurs études en cours de route sans diplôme (moyenne OCDE : 33 %), soit 90 000 étudiants par anUn an après avoir obtenu leur di-plôme, 53 % des diplômés universi-taires à bac + 4 recherchent toujours un emploiPart du PIB consacrée à l’enseigne-ment supérieur : 1,4 %.

(Source : OCDE)

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les mesures-phares du texte

Procédure de pré-inscription des ly-céens rendue obligatoireCréation de bureaux d’aide à l’inser-tion professionnelle des étudiants dans les universitésPas de sélection à l’entrée à l’univer-sité ni à l’entrée du master Système de frais d’inscription in-changé CA de 20 à 30 membresPoids des représentants étudiants en hausse au CEVU, en baisse au CAPossibilité pour les universités de créer des fondations sans personna-lité moraleL’autonomie, autrement dit la liberté d’engager des enseignants et de mo-duler leurs rémunérations, s’applique à toutes les universités.

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Jean-Robert Pitte : « cette loi a de bons aspects »Jean-Robert Pitte, président de l’université Paris-Sorbonne, a accepté de répondre à nos questions sur son dernier livre Stop à l’arnaque du bac (Oh! Editions) et sur la réforme des universités votée cet été.

Pour-vous,  l’université  est  devenue  la  « voiture balai »  du  bac.  Pouvez  vous  nous  expliquer  en quoi et pour quelles raisons ?

Les formations sélectives, c’est-à-dire les CPGE, les IUT, les BTS, Dauphine, les IEP et certaines écoles d’ingénieur et de com-merce, qui regroupent en France environ 40% des étudiants, font leur « marché » dans les lycées dès la fin de la classe de première ou pendant l’hiver qui précède le baccalauréat. Elles présélectionnent les meilleurs lycéens, ceux qui ont tou-tes les chances d’obtenir le baccalauréat avec une mention bien ou très bien. Et tout le monde trouve ça normal. Pour les autres, qui ont un baccalauréat général, technologique ou professionnel, mais qui n’ont pas trouvé de place dans ces fameuses filières, ils entrent à l’université par défaut. Et dans une filière qui ne cor-respond en général pas nécessairement à leurs goûts, sur laquelle ils ne connaissent pas grand chose et pour laquelle ils n’ont aucune idée des débouchés. Et malheu-reusement, un très grand nombre d’entre eux échouent.

Ceux  qui  réussissent  à  l’université  sont  ils  aussi bons qu’il y a trente ans ?

Oui, ceux qui ont un diplôme universitai-re, une Licence, un Master, un Doctorat, sont aussi bons et même meilleurs qu’il y a 30 ou 50 ans. En tout cas, ils ont des connaissances plus à jour car la science a progressé. Et compte tenu du taux d’échec, il est évident qu’ils sont bons. Le problème c’est que le nombre de diplô-més par rapport au nombre d’entrants à l’université est extraordinairement faible. À Paris IV par exemple, nous avons 72% de taux d’échec en première année, tou-tes disciplines confondues et avec les deux sessions d’examens par rapport au nombre d’inscrits administratifs.

Faut-il selon vous choisir entre orientation et sé-lection ?

Non, les deux sont complémentaires. Et mieux on fera de façon intelligente l’orien-tation, en respectant la personnalité des jeunes, leurs goûts et leurs capacités, moins on aura besoin de les sélectionner. Mais on s’est refusé jusqu’à maintenant à

faire de l’orientation. Résultat, pour 40% des lycéens, on fait de la sélection positi-ve, en prenant les meilleurs pour les met-tre dans des filières dites sélectives. Et nous, les universités, nous pratiquons la sélection par l’échec. C’est la pire, la plus antidémocratique qui existe. On a confondu massification et dé-mocratisation, par défaut d’orientation et par peur d’orienta-tion.

L’orientation  active,  ou pré-inscription  des  ly-céens  en  fac,  est  rendue obligatoire.  Qu’en  pensez vous ?

C’est un des aspects très positifs de la loi. Et dans notre université, je suis vraiment dé-cidé à mettre en œuvre très franchement et de manière très fine cette procédure de pré-inscription et d’orientation. Même si c’est très compliqué à organiser, tout le monde y a intérêt. L’idée c’est d’aider l’étudiant à trouver la meilleure voie pos-sible pour lui.

En tant que président d’université, êtes-vous sa-tisfait par la loi ?

Cette loi a de bons aspects. D’abord, la pré-inscription, qui est la mesure la plus importante. On va enfin pouvoir rencon-trer nos futurs étudiants avant le jour de la rentrée. Ensuite parce que nous avons pour mission, c’est inscrit dans le texte, de davantage les professionnaliser. Et nous avons, tout particulièrement les universi-tés littéraires, un très gros effort à fournir en ce domaine. Enfin, sur le plan budgé-taire, nous avons de plus larges possibi-lités. Cette loi va dans le bon sens mais elle aurait pu aller plus loin. Et je pense qu’on s’apercevra rapidement qu’il faudra la faire aller plus loin.

Comment financer les universités ?

L’essentiel de nos ressources va continuer à venir de l’État. Nous avons une possi-

bilité, pour recueillir des fonds privés, de créer une fondation sans personnalité morale. Mais on sait que les entreprises donneront plus facilement de l’argent à

des universités qui ont de la gestion, du droit, des sciences économiques ou des sciences pures qu’à des universités qui font de l’archéologie ou de la linguistique. On ne parviendra à réduire les inégalités de financement en-tre universités que le jour où on fera par-ticiper les usagers, c’est-à-dire les étu-diants et leur famille, à ce financement. Cela me paraît indis-

pensable pour amé-liorer la qualité des études. Je ne crois pas que l’État puisse faire plus dans l’état ac-tuel des choses. Mais cela ne peut se faire qu’avec les bourses et les prêts nécessai-res à ceux qui n’en ont pas les moyens car il n’est pas question d’introduire une sélection par l’argent.

Vous  plaidez  pour  une  réforme  du  tutorat  et  un meilleur suivi des élèves mais comment faire ?

Il faudrait déjà que les étudiants qui ont besoin du tutorat le suivent. Actuelle-ment l’expérience montre que ceux qui viennent au tutorat sont déjà assez bons et veulent s’améliorer. Et ceux qui en ont le plus besoin n’osent pas parce qu’ils ont peur qu’on voit trop clairement leurs in-suffisances. J’aimerais que, comme dans les grands établissements étrangers tels Cambridge ou Oxford, les étudiants soient bichonnés, suivis personnellement par un vrai tuteur, qui les connaisse par leur nom, qui les réunisse en séminaire plusieurs fois par semaine et les conseille dans leurs lectures au sein de leur établis-sement. En France, on en est très loin.

Propos recueillis par Jean-Louis Dell’Oro

Interview relue par Jean-Robert PitteRetrouvez l’intégralité de cet entretien sur www.contrepoint.info

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� Octobre 2007Contrepoint numéro 5

les délais de recrutement d’enseignants-chercheurs seront réduits. Les universités devaient en effet parfois patienter jus-qu’à 18 mois pour embaucher. En matiè-re de financement, la possibilité pour les universités de créer des fondations sans personnalité morale devrait permettre de recueillir plus facilement des fonds privés en rapprochant les entreprises du monde universitaire. Par ailleurs, pour les universités qui se porteront volontaires, la gestion de leur patrimoine immobilier sera possible. Au vu de l’état des locaux de nombreuses facs, on peut toutefois s’interroger sur la rentabilité d’une telle opération.

Les étudiants : parents pauvres de la réforme ?

Concernant les étudiants, une nouvelle mission est confiée à l’université : celle de leur intégration dans le monde du travail. Pour ce faire, chaque université devra disposer d’un bureau d’aide à l’insertion professionnelle. On ne sait rien pour l’ins-tant de son fonctionnement mais l’initia-tive a le mérite d’exister. Pour améliorer l’orientation des jeunes, les universités publieront des statistiques sur les taux de réussite aux examens et sur les dé-bouchés des formations. Dans le même temps, la procédure de pré-inscription (ou orientation active) des lycéens en fac, mise en place l’année dernière par Fran-çois Goulard, est rendue obligatoire. La position des élus étudiants sera quant à

elle affermie dans le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) : un conseil consultatif en matière de pédagogie et qui influe sur les modalités d’examen, le contenu des cours et les questions relati-ves à la vie étudiante. Ce dernier s’occupe également de la professionnalisation, des stages et du tutorat. En revanche, le poids des élus étudiants est revu à la baisse au niveau du CA. Enfin, les univer-sités pourront créer et fermer des filières de formation en fonction de l’évolution des besoins et le texte prévoit le maintien du caractère national des diplômes.

Un consensus fragile

Les universités disposent d’un délai d’un an pour mettre en œuvre les nouvelles dispositions quant à leur gouvernance. Pour les nouvelles compétences en ma-tière de budget et de ressources humai-nes, le délai est de cinq années. Mais même si le texte constitue pour la minis-tre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, « le socle de

la réforme de l’enseignement supérieur », il évite soigneusement les sujets qui fâ-chent. Les critiques provenant de l’aile droite estiment que le texte ne va pas assez loin. La question de l’augmentation des droits d’inscription n’est pas abordée. Pas de réflexion non plus sur une refon-dation du système de bourses qui irait de pair. La sélection des étudiants à l’univer-sité n’est pas non plus à l’ordre du jour. En dehors de ces tabous habituels, d’autres problèmes de fond attendront. On pense ainsi à la dispersion de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu’aux relations entre l’université et les organis-mes (comme les IUT par exemple) qui en dépendent. Pour les syndicats, et mal-gré la promesse d’un effort budgétaire conséquent sur les cinq prochaines an-nées, la loi tend à renforcer la concurren-ce entre universités. Selon la formule de Bruno Julliard, président de l’UNEF, la loi ne doit pas être « un cache-sexe pour créer une université à deux vitesses ». L’autono-mie inciterait alors ces établissements à se battre pour attirer les meilleurs en-seignants. Et les étudiants dans tout ça ? Eh bien le texte ne s’intéresse que peu à l’amélioration de leurs conditions de vie. La rentrée sociale s’annonce tendue.

Jean-Louis Dell’Oro

suite de la page 4

Fête de la science Du 8 au 14 octobreExpositions, ateliers, conférences gratuits, notamment à Paris 7 Diderotwww.fetedelascience.fr

Festival Temps d’imagesDu 12 au 21 octobreSpectacles, films, installations, nuit curieuse à la Ferme du buisson, à Noisiel (77)www.tempsdimages.org

Festival Les InrocksDu 8 au 14 NovembreAu programme: Editors, The Gossip, Devendra Banhart, Bloc Party, Justice, Cold War Kids…

Ateliers gratuits à Paris XI et Paris XIIIInscriptions jusqu’au 19 octobre

Paris IVEcriture poétique Ecriture romanesqueEchecsPratique théâtrale (sur dossier)Sorbonne sonore (appren-tissage de la lecture à hau-te voix, enregistrements sur CD et lectures dans le cadre de manifestations artistiques et culturelles)

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Paris XIIIArts plastiquesRéalisation de courts métragesDanse et création choré-graphiquePercussions africainesPhotographieJazz à la fac

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AgendA / Écho des fAcs

( )« Les critiques 

provenant de l’aile droite estiment 

que le texte ne va pas assez loin. »

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�www.Contrepoint.info

Bruno Julliard : « une concertation chaotique »Rencontre avec Bruno Julliard, président de l’UNEF et auteur en 2007 de Génération CPE (Éditions Privé). Il revient sur la concertation autour du projet de loi de réforme des universités et sur les points faibles du texte définitif.

Comment  s’est  passée  pour  les  syndicats  étu-diants la concertation autour du projet de loi de réforme des universités ?

Elle a été chaotique. Nous sommes entrés dans les discussions avec beaucoup d’appréhension parce que le contenu du programme de Nicolas Sarkozy était pour nous source de beaucoup d’in-quiétudes. On craignait la hausse des frais d’inscription, la sélection à l’uni-versité et plus globalement la volonté de soumettre notre modèle universi-taire français au modèle anglo-saxon compétitif et assez élitiste. À l’origine, nous et l’ensemble des syndicats d’étu-diants et de personnels, demandions que la négociation soit reportée pour qu’un texte soit voté à la fin de l’année 2007.

Si  la  concertation  a  été  « chaotique »,  est-ce  par manque  de  temps  ou  à  cause  d’un  problème  de méthode ?

Il y avait des deux en réalité. Le gouver-nement pensait pouvoir aller vite car il jugeait que le contenu faisait consensus. En fait, il y avait des divergences impor-tantes entre les différentes organisations. Ensuite, la méthode était inacceptable. Au bout de trois semaines de concer-tation, le gouvernement est arrivé avec un projet déjà ficelé et qui n’était abso-lument pas le fruit des débats. On s’était donc fait balader pendant trois semaines. On a haussé le ton. Le gouvernement a alors sans doute craint que la situation s’envenime et de véritables négociations se sont ouvertes. Sur la sélection à l’en-trée du Master et le caractère optionnel de l’autonomie, nous avons réussi à faire reculer le gouvernement.

Vous  disiez  avoir  peur  d’une  université  à  deux vitesses. N’est-ce pas déjà le cas ? Et à l’heure de la  mondialisation,  n’est-ce  pas  un  point  de  vue beaucoup trop franco-français ?

Ce n’est pas parce qu’il existe effective-ment aujourd’hui des inégalités entre universités qu’on doit mettre en place un dispositif pour accroître ces inégalités. Le rôle d’un service public, c’est justement de lutter contre ces inégalités. On peut tout à fait conjuguer la nécessité de l’ex-

cellence avec la mission de démocratisa-tion et de massification de l’université. De plus, ce n’est pas vrai que nous sommes complètement à la remorque des autres

pays en terme de concurrence. C’est l’or-ganisation de la recherche et la lisibilité de nos diplômes qui nous pénalisent.

Que pensez vous du texte définitif ?

Il est uniquement centré sur les problè-mes de gouvernance et essentiellement sur le poids du président d’université au sein du CA. Ce qui frappe, c’est le carac-tère très incomplet de cette loi. On n’y parle pas de la vie étudiante, de com-ment améliorer la réussite en Licence, de comment améliorer la mobilité nationale et internationale des étudiants, ni de la lisibilité de nos diplômes. Ce qui est très insuffisant comme réforme de l’univer-sité.

Quels sont les gros points faibles du texte ?

D’un point de vue démocratique, le poids des étudiants et des personnels est large-ment revu à la baisse. L’un des autres gros problèmes, c’est le recours à des contrats précaires pour l’emploi des personnels, enseignants ou non enseignants. Par ailleurs, on peut craindre que l’accroisse-ment de l’autonomie des universités se traduise par un désengagement politi-que et financier de l’Etat. Tout dépendra de la manière dont le gouvernement va appliquer cette loi.

Le  gouvernement  a  promis  d’augmenter  le  bud-get de l’enseignement supérieur de 50% sur cinq ans. Trouvez-vous cela suffisant ?

Ça dépend. Il faut que ce soit de l’ar-

gent qui aille directement dans les cais-ses de l’université ou les organismes de recherche. Or, ce qui risque d’arriver, c’est qu’une bonne partie de ce milliard

d’euros supplémentaire par an, ce soit des déductions fiscales aux entreprises qui financeraient les universités. Et là, ça revient à organiser, sans concerta-tion et sans régulation, le financement privé des universités.

En  quoi  est-ce  déterminant  que  le  poste  de président reste réservé à un enseignant cher-cheur ?

Parce que l’université n’a pas une fi-nalité de rentabilité. Ou alors, la seule

rentabilité qu’on puisse concevoir, c’est le taux de diplômés qui sortent chaque année de l’université. Le service public ne doit pas avoir d’objectifs de rentabi-lité financière. Il faut donc que l’on ait à sa tête non pas un dirigeant d’entreprise mais un universitaire qui connaisse les formations, les exigences scientifiques et le monde de l’université.

Le  texte  ne  change  rien  en  ce  qui  concerne  les frais d’inscription. Si à l’avenir une hausse de ses droits  d’inscription  s’accompagne  d’une  refonte du  système  de  bourses  (que  l’on  peut  imaginer plus importantes et plus ouvertes), vous y oppo-serez vous ?

Sur la réforme du système de bourses, c’est une réflexion qu’il faut avoir. Nous y sommes très favorables. Le montant des bourses n’est pas suffisant et seul un étu-diant sur trois est boursier sur critères so-ciaux. Critères qu’il faut aussi revoir car ils ne reposent que sur les revenus des pa-rents. Par ailleurs, nous considérons que l’université est un service public. Comme la nation a besoin de jeunes diplômés qui sont formés, il est donc normal que ce soit elle qui paie les études des jeunes. Dans les autres pays, la hausse des frais d’inscription s’est traduite par la diminu-tion du taux d’une classe d’âge qui accè-de à l’université. Cela reproduit donc les inégalités.

Propos recueillis par Jean-Louis Dell’Oro

Interview relue par Bruno Julliard Retrouvez l’intégralité de cet entretien sur www.contrepoint.info

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� Octobre 2007Contrepoint numéro 5

En selle pour les bancs de la fac ?Le Vélib’, ce système de location de vélos en libre service, a connu depuis son lancement le 15 juillet dernier un succès considérable et grandissant. Il a su transformer sensiblement les modes de déplacement dans Paris. Mais les étudiants se l’approprieront-ils sur le chemin de la fac à la rentrée ?

Les chiffres sont là pour prouver l’engouement suscité par le Vélib’ : plus de 200 000

déplacements par jour, des stations tous les 300 mètres (soit 4,4 fois plus que de stations de métro), un total de 20 600 vélos et 1451 stations prévus pour la fin de l’année 2007. Toutefois, les nombreux d y s f o n c t i o n n e m e n t s auxquels le Vélib’ a fait face (cautions débitées, argent prélevé sans libérer de vélo, etc.) pourraient remettre en cause la durabilité de son succès : effet de mode dû à l’été, ou bien réelle alternative aux bus, métro et voiture ? S’il est vrai que Paris n’a jamais vu autant de vélos dans ses rues, le Vélib’ n’a pas pour autant vocation à satisfaire tous les déplacements des étudiants. La Mairie de Paris et le constructeur JC-Decaux auront beau vanter ses mérites partout, le Vélib’ n’est pas destiné à tout le monde. Il est principalement un relais à l’utilisation des transports publics, pour des trajets courts, de proximité : pas vraiment pour les étudiants, donc. Lequel d’entre nous aurait en effet le courage de traverser tout Paris en vélo pour rejoindre sa fac ? Rares sont ceux qui ont la chance d’habiter tout près de leur université ; et 45 minutes de vélo, voire plus, pour arriver en cours trempé de sueur, on a connu mieux…

Motivés, toujours ?

De plus, une difficulté supplémentaire s’ajoute à l’effort physique en lui-même : trouver une borne vide pour y déposer son vélo ou inversement, trouver un vélo libre pour rentrer chez soi. Bien que plus nombreuses aux abords des universités, il y a fort à parier que les bornes de Vé-lib’ seront probablement toutes saturées le matin et complètement vides le soir. Ces problèmes de mauvaise rotation de vélos, déjà rencontrés durant l’été, en

soirée. Ce phénomène a pris une ampleur telle que les autorités envisagent de faire de plus en plus de contrôles nocturnes de cyclistes, qui sont parfois de véritables dangers publics quand ils zigzaguent dans les rues ou bien prennent ces der-nières en sens inverse. En conclusion, la liberté pour les jeunes en vélo, d’accord, mais plutôt pendant le temps libre, et sans le poids des livres et des cahiers sur le dos…

décourageront probablement plus d’un. Peu d’étudiants jugeront nécessaire de se battre le matin pour garer son vélo et arriver en retard au seul cours de la jour-née… A titre d’exemple, il y a 9 stations autour de la Sorbonne, soit environ 180 vélos, pour un peu plus de 27 000 étu-diants. Il faut également savoir que les stations ne sont pas toujours forcément à proximité de l’entrée des facs : certaines sont classées monuments historiques, comme la Sorbonne ou le Panthéon, et les bornes n’ont pas pu être construites trop près de façon à ne pas dénaturer le paysage.

Vélib’ by night

Reste que le Vélib’ sera toujours autant prisé par les jeunes noctambules, quand les derniers bus et métros sont déjà loin et que le taxi est trop cher pour les bour-ses estudiantines. La Mairie de Paris a re-censé entre 3000 et 5000 déplacements en Vélib’ chaque nuit, de 22 heures à 6 heures du matin ; la majorité d’entre eux étant fait par des étudiants rentrant de

Agathe Cavey

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Cartes cinéma : ça bouge à la rentrée !La fameuse sortie pop-corn sera prochainement mise à mal. La rentrée annonce un avenir incertain pour la carte UGC illimité et Le Pass Gaumont/Pathé/Mk2. Amateurs du grand écran, l’heure est au chamboulement général !

Le  pass  perd  des  points…  pour  les  pari-siens.

Cela fait quelques semaines que les abonnés du Pass Gaumont ont reçu un courrier pour le moins évo-cateur, celui de l’annonce du retrait des cinémas Mk2 en illimité. Ces 11 salles parisiennes réputées pour la qualité des séances proposées (no-tamment les films et le confort des salles) ne feront plus partie de l’offre à partir du mois de novembre. Une annonce que Gaumont et Pathé tentent de pallier en proposant à leurs clients une multitude d’offres en tout genre : place à 5 € pour un accompagnateur, Avant première etc. Le Pass Gaumont va même jus-qu’à prolonger l’abonnement of-fert - depuis le fameux courrier - au magazine ciné « Première », réservé à ses anciens clients.Afin de compenser le retrait des Mk2, Le Pass s’étend dans la France entière, une nouvelle qui devrait ravir la pro-vince mais qui mérite réflexion, Gaumont et Pathé ne comptabili-sant à ce jour qu’un nombre limité de salles (de une à trois par grandes villes). Malgré tout, l’accès à certains cinémas indépendants reste compris, mieux vaut donc étudier la liste disponible sur le site Internet de chacun avant de se décider.

A noter que pour les anciens abonnés,

cette rentrée. Tout d’abord, UGC augmente ses prix ! Jusqu’alors très prisée pour ses 18 € men-suels, la carte UGC illimité s’aligne sur son concurrent et passe à 19,80 € par mois.Mais UGC compte attirer de nouveaux abonnés par d’autres moyens, et non des moindres : le groupe propose un accès illimité avec sa carte… aux Mk2 ! Mais at-tention, cette offre sera effective jusqu’au 14 mars 2009, cette association ne pou-vant être acceptée sur une trop longue période par le CNC (Centre National de la Cinématogra-phie). Ce dernier s’est récemment exprimé sur ce partenariat : « Le poids représenté par cette alliance justifie une surveillance particulière de son impact sur le marché parisien de l’exploitation et de la distribu-tion. »

UGC ne s’arrête pas là et mise sur une ci-ble toute particulière : les couples. Une nouvelle carte voit venir le jour : la UGC il-limité 2, qui permettra de profiter du ciné illimité à deux, pour 35 € par mois.

Les associations d’exploitation des cinémas indépendants (dont l’AFCAE, le BLOC, la SACD*) s’insurgent à présent

contre UGC, désigné à l’heure actuelle comme détenteur du

monopole parisien. Une conférence de presse leur a permis de lancer un ap-

pel aux pouvoirs publics, au CNC et au Ministère de la Culture.Une affaire qui risque de faire du bruit dans les mois à venir : futurs clients, soyez avisés.

le préavis de résiliation du Pass a exceptionnellement été réduit à 1 mois, le tarif quant à lui ne chan-ge pas. Les frais de dossier seront offerts jusqu’au 31 octobre 2007 pour toute nouvelle souscription, la décision mériterait d’être prise rapidement.

UGC  prend  sa  revanche,  mais  ris-que de boire la tasse

Comme on pouvait s’y at-tendre, après les abonnés du Pass Gaumont, c’est au tour des détenteurs de la carte UGC illimité de faire les frais de

Le Pass UGC illimité

prix 19,80 € / mois 19,80 € / mois

frais de dossier 30 € ( offerts jusqu’au 31/10/07) 30,49 €

engagement 12 mois 12 mois

perte ou vol 20 € 15,24 €

cinémas Gaumont, Pathé, cinémas indépendants UGC, cinémas indépendants

avantages important choix de films la carte illimité 2

inconvénients fin de l’offre Mk2 manque de confort dans les salles

Hélène Barbaza

* AFCAE : Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai BLOC : Bureau de Liaison des Organisations du Cinéma SCACD : Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques

D.R.

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10 Octobre 2007Contrepoint numéro 5

Le coût du savoir : une escroquerie ?À la rentrée, les frais d’inscription sont la préoccupation première des étudiants. Bourses, emprunts à taux zéro, et aides multiples vont être l’apanage d’au moins 100 000 étudiants vivant sous le seuil de pauvreté voire de près des 30 % des 2,3 millions d’étudiants sur le sol français. Or, si ces aides sont relativement faciles à obtenir, ces dépenses semblent malgré tout de plus en plus lourdes. Impression ou réalité ?

La hausse inexorable des coûts d’inscription

Le 8 février 2007, à deux mois et demi de la présidentielle, Dominique de Villepin brisait un tabou en plai-dant pour l’augmenta-tion des droits d’inscrip-tion à l’université, allant jusqu’à proposer qu’ils soient calculés en fonc-tion des revenus de l’étu-diant et de sa famille.

Le 24 mai 2007, le premier ministre, François Fillon - après négociation avec l’UNEF - écartait deux points de son pro-jet de loi sur l’autonomie des universités. Le premier concernait la sélection à l’en-trée, le second, la hausse des frais d’ins-cription. Pourtant, l’arrêté du 29 juin 2007 établit le prix de la licence à 165 € et ce-lui du master à 215 €. L’arrêté du 5 août 2003 disposait que la Licence coûte 141 € et le Master 168 €. Cela représente donc une augmentation de 71 € sur quatre ans pour l’ensemble licence/master. Claude Noditi, gérant de la base de don-nées de l’Enseignement supérieur de Phosphore (Bayard Presse) depuis une douzaine d’années, témoigne : « Le coût

d’une même formation va en général en augmentant d’une année sur l’autre. Cela peut aller de quelques euros ou dizaines

d’euros dans le public, à plusieurs centaines d’euros dans le privé. Rarissimes sont les formations dont j’ai vu l’ « écolage » baisser d’une année sur l’autre. »

Les étudiants, premiers à pâtir de cette évolution

L’UNEF, dans sa publi-cation du Panier de l’étudiant 2007, dé-montre le hiatus entre l’augmentation des dépenses estudiantines de + 3,7 % (source : Ministère de l’enseignement supérieur) plus rapide que la hausse des aides accordées (+ 2,2 %). La FAGE, quant à elle, publie son indicateur du coût de la rentrée pour les étudiants en affirmant que celui-ci coûtera 3,36 % de plus qu’en 2006. Malgré différents chiffres, les syndi-cats étudiants parlent d’une voix sur ce sujet : la tendance à la baisse du pouvoir d’achat des étudiants s’aggrave d’année en année.

On peut discuter tant la méthode avec la-quelle sont obtenus ces chiffres que le fait

qu’ils constituent le fond de commerce de ces différents syndicats. Néanmoins, la généralisation des augmentations du prix au savoir est patente tout autant que la baisse du niveau de vie est visible. Et si la revalorisation des bourses de 2,5 % décidée par Valérie Pécresse au mois de juillet a permis de freiner la dégradation des conditions de vie des étudiants bour-siers, elle est loin de permettre l’inversion de la tendance. Selon l’UNEF, la bourse de 2007 sera équivalente à celle de 2003 mais toujours en dessous du niveau de 2001 et 2002. Rappelons que 2001 cor-respond à la fin du plan social étudiant. Ce dernier avait été mis en place en 1997 par le gouvernement Jospin pour répon-dre à la crise étudiante. Il consistait à aug-menter de plus de 20 % le nombre d’étu-diants bénéficiant des aides. À plus long terme, la conséquence perni-cieuse serait celle d’une aggravation de la reproduction sociale telle que la dé-nonçait Pierre Bourdieu. Si l’université est moins accessible par le mérite que par la capacité pécuniaire, c’est le modèle mé-ritocratique inhérent aux principes de la république qui prendra du plomb dans l’aile.

Facebook, bientôt indispensable pour les étudiants français ?Furieusement tendance et hautement addictif, ce « réseau de sociabilité » fait la Une en cette rentrée universitaire.

Alors que les blogs semblent déjà bien implantés parmi les étudiants, que les podcasts rencontrent cha-que jour de nouveaux convaincus,

que les wiki se développent mais que les flux RSS restent encore un mystère pour beaucoup d’entre nous, les réseaux de sociabilité (moi + mes amis) reprennent de la vigueur. On connaissait déjà tous le géant MySpace, mais depuis plusieurs mois un nouveau venu semble convertir même les plus réticents : Facebook. La recette du succès ? Une plate-forme sim-ple, facile à manipuler : l’internaute ouvre un compte grâce à son adresse e-mail, puis part à la recherche de ses “amis”, en

entrant leur noms ou adresses e-mail. La plateforme d’échanges permet ainsi de retrouver ses amis perdus de vue, d’entre-tenir ses réseaux, ou de partager photos et vidéos. Elle compte aujourd’hui plus de 50 millions de membres. En France, le site compte chaque jour plusieurs milliers de nouveaux utilisateurs. Créé à la base pour les étudiants d’Harvard, Facebook s’est progressivement ouvert jusqu’à être ac-cessible à tous fin 2006. Plus fort encore, en mai 2007 ses créateurs ont ouvert leur plateforme aux développeurs : n’importe qui peut maintenant « proposer » son application à tous les utilisateurs de Face-book : effet viral garanti. Il est également

possible de créer des « événements », pratique pour les soirées entre amis, les concerts ou salons en tous genres. Cha-cun peut également lancer des groupes sur des sujets plus ou moins sérieux. Cer-tains “groups” se transforment en vérita-bles listes de pétition : grâce à Facebook, des étudiants victimes d’une arnaque ont fait plier la puissante banque anglaise HSBC. Face à l’engouement des inter-nautes pour Facebook, les annonceurs se montrent intéressés. Et l’absence actuelle de version française de Facebook n’em-pêche pas certaines sociétés françaises de trouver l’ouverture... intéressante.

Nicolas Gosset et Steven Jambot

Hadrien Santos

D.R.

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11www.Contrepoint.info

Quand les stages deviennent emploisÀ l’heure de la rentrée, nombreux sont les étudiants qui recherchent des stages pour étayer leur parcours universi-taire. Et il semblerait que cela ne soit pas si difficile que cela tant les offres se sont multipliées ces dernières années. Au risque parfois de confondre stage et emploi…

Il y a quelques mois, sur un site réfé-rencé d’offres d’emploi, on pouvait trouver une annonce de stage pour travailler pour une presse spécialisée

dans le secteur de l’hôtellerie. L’étudiant était réquisitionné pour 39 heures de tra-vail par semaine pour une rémunération avoisinant les 400 €.

En cette époque difficile où il est plus que recommandé de se construire un CV, cet-te offre peut sembler alléchante. Et pour-tant, elle a de quoi choquer. On a suffi-samment entendu parler des 35 heures pour savoir qu’il n’est pas légal d’imposer 39 heures hebdomadaires sans rémuné-ration adéquate et sous la dénomination de stage.

« J’ai travaillé dans une entreprise de rela-tions presse pendant 3 mois. Le vendredi, seuls les stagiaires venaient à l’agence, pas les salariés », raconte Marine, étudiante en école d’attaché de presse.

Des offres de stage de plus en plus fréquentes

Selon le Conseil économique et social, le nombre de stagiaires en France est de 800 000 ce qui représente 4 % de la population active. Actuellement, on ob-serve un nombre croissant d’offres de stages sur des sites d’offres d’emploi. Or, juridiquement, emploi et stage n’ont pas la même définition.

Au regard du Code du travail, on parle d’emploi lorsqu’une personne s’en-gage à mettre son activité à la disposition d’une autre sous la subordination de la-quelle elle se place moyen-nant rémunération.La charte des stages étu-diants en entreprise préci-se dans son introduction : « […] les stages ont une finalité pédago-gique ce qui signifie qu’il ne peut y avoir de stage hors parcours pédagogique. En aucun cas, un stage ne peut être considéré comme un emploi ».

Difficile de démêler le vrai du faux quand on voit des offres de stage s’étalant sur une durée de 6 mois donc compatibles avec un nombre de cours restreint. Autre surprise : l’exigence en matière de qualifica-tions. Les compétences des can-didats à l’offre de stage sont les mêmes que celles exigées pour de véritables chercheurs d’emplois avec de plus en plus souvent un diplôme minimum de 2/3 ans re-quis. Avec la réforme LMD, seule la Licence dispose d’une vraie subs-tance.

Une  rémunération  aléatoire  et  pas  enca-drée juridiquement

Face au niveau demandé et aux compétences attribuées, les in-demnités se révèlent parfois déri-soires alors que la distinction prin-cipale entre emploi et stage réside dans le versement d’une rétribu-tion. Les stagiaires sont souvent engagés à moindre coût. « J’ai été engagée pendant six mois pour effec-tuer le travail d’assistante de production. Je travaillais pas moins de 40 heures par se-maine. A mon départ, une autre stagiaire a pris le relais » raconte Lucie, étudiante en cinéma.

La seule disposition existante en matière de rémunération est un décret de 1978, modi-fié en 1986. Ce décret exonère de charges sociales les entre-prises offrant des rétributions inférieures à 30 % du SMIC (soit 379 € ).

La quasi-absence de texte en la matière laisse la part belle aux dérives, ce que le collectif Génération Précaire ne cesse

de dénoncer depuis septembre 2005. En 2006, il a demandé l’inscription du sta-giaire dans le code du travail, d’une ré-munération minimale et progressive.

Fin mai 2007 sur RMC, le ministre du

travail Xavier Bertrand déclarait : « Il va y avoir un statut pour les stagiaires afin d’évi-ter qu’ils fassent le boulot d’un salarié, mais sans couverture ni rémunération ».

Certains secteurs comme les médias, la communication ou encore l’édition res-tent les bêtes noires en matière d’abus. Jean-Philippe Bedu, directeur de la stra-tégie chez Thalès relativise la situation : « Lors d’un stage, il y a un minimum de rè-gles à respecter pour le stagiaire. Au final, chacun est gagnant. Il faut reconnaître que les abus existent dans certains secteurs. Je pense notamment aux PME. »

Il ajoute : « Mais il ne faut pas oublier qu’un stage peut déboucher sur un em-ploi. Aujourd’hui, avec le coût du travail, certaines entreprises préfèrent avoir un stagiaire qu’un jeune salarié. Mais un sta-giaire doit aussi être encadré, il ne peut avoir autant de responsabilités qu’un salarié ». Un système où tout le monde y gagne pourvu que chacun joue la carte de l’intégrité.

Flora Zanichelli

D.R.

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Ariane Fornia : « J’essaie de séparer ma vie d’étudiante et ma vie d’auteur »À 18 ans, étudiante en khâgne, elle publie son 3ème livre jetant un dernier regard sur les vertiges de l’adolescence.

Quelle rentrée appréhendais-tu le plus, la rentrée universitaire ou la rentrée littéraire ? 

La rentrée littéraire est plus importante pour moi, mais la rentrée universitaire re-présente plus de stress effectif ; ce n’est pas à cause de la rentrée littéraire que je vais arrêter de dormir... Et pourtant, elle me soucie plus qu’avant. À la sortie de mes premiers livres, j’étais complètement insouciante. Maintenant, sortir un livre m’angoisse beaucoup.

Beaucoup  d’écrivains  sont  dépassés  par  l’aspect marketing  et  la  médiatisation  de  leur  ouvrage; toi, en tant que jeune auteur, réalises-tu cela ?

Bien sûr, on ne peut plus écrire comme au XIXe siècle, publier à compte d’auteur et vivre d’un succès d’estime. Si on a vrai-ment décidé d’écrire, il faut vivre média-tiquement. Et évidemment, on n’est pas des businessmen non plus, mais une fois que le livre est écrit, il faut s’occuper de le promouvoir. Moi, je suis assez à l’aise devant les médias : il y a des auteurs que la télé terrorise, moi j’ai commencé très jeune ! Mais, je fais encore des erreurs, et souvent l’image de moi diffusée ne cor-respond pas à la réalité : je passe parfois pour une intellectuelle présomptueuse mais je ne fais qu’écrire des livres...

C’est toujours l’auteur qui a le dernier mot même s’il est jeune. L’éditeur, lui, est pré-sent et le conseille jus-qu’à la publication. Un bon éditeur est là tout au long de la vie de l’auteur et je ne pense pas qu’être vieux em-pêche un auteur de faire des er-reurs. Il y a, cer-tes, une mode du jeunisme et les médias aiment les jeu-nes. Mais je pense que les gens qui sont là où ils sont le méritent un peu quand même...

On dit souvent que les écrivains sont schizophrè-nes ... tu l’es aussi ?

Oui, je suis complètement schizophrè-ne ! Je suis différente si j’ai un ami ou un journaliste en face de moi. Je ne crie pas sur tous les toits que je publie des livres, mais en parle volontiers si on me pose des questions. Et j’ai même appris, assez tard dans l’année, que dans ma classe d’hypokhâgne, nous étions trois à être publiés !

Propos recueillis par Emmanuel Clerc

Le statut d’étudiant te donne-t-il une possibilité de donner ton avis ? 

Non, au contraire. On dit que je suis trop jeune pour avoir un avis sur les choses, et les jeunes, lorsqu’ils me parlent de ce que j’ai écrit, sont les critiques les plus durs car ils croient beaucoup à ce qu’ils pensent et aiment le défendre. Les adul-tes discutent sur un ton plus bienveillant. Moi, quand j’adopte une position parti-culière, au sujet de l’Europe par exemple, beaucoup de gens viennent me voir pour en débattre.

Tu écris « nous vieillirons, nous accepterons d’être des maillons de la société en costume standardi-sé » : est-ce que tu prends les études comme une transition, un passage obligé ?

Exactement. C’est s’acquitter de ses obli-gations, de ses parents, de l’establish-ment, pour faire ce que l’on veut ensuite. Pour moi c’est une contrainte, le cursus contraignant que j’ai choisi m’empêche d’écrire. J’attends la fin de ma khâgne pour commencer le roman que j’ai en tête depuis plus d’un an. Épuisé, on ne pas écrire convenablement.

Comment  travaillent  les  maisons  d’édition  avec les jeunes auteurs comme toi ? Ne les publient-ils pas justement parce qu’ils sont jeunes ?

Radio blood money est le dernier album du Peu-ple de l’herbe. Depuis sa formation en 1997, le groupe lyonnais n’a ces-

sé de détonner dans le paysage musi-cal français. Aux confins du triphop, du dub et du hip hop, Radio blood money surprend par son style décalé et diffi-cilement définissable. On dénote une belle mise en bouche avec l’hypnoti-que Yep !. Le reste se boit comme du petit lait. La date de péremption reste une fois de plus indéterminée. Radio Blood Money, Pias.

Mathieu Terence nous livre ici un très beau ro-man d’anticipation pour mieux lever un voile sur la déshumanisation ac-tuelle. Avec élégance, l’écriture glacée de ce

jeune auteur explore les sentiments humains - au premier rang d’entre eux, le désir de liberté - en nous plongeant dans un univers carcéral invivable. Si c’est par l’amour et l’art que ses person-nages s’évaderont, c’est bien la victoire de la littérature sur le reste du monde que l’auteur enclenche dans cet excel-lent livre.

cinéma : à viF, neil JorDan

Erica Bain, chroniqueuse radio est victime d’une agression laissant son fiancé pour mort. Sur-montant tant bien que mal cette douloureuse épreuve, Erica dévelop-

pe peu à peu un redoutable esprit de vengeance. Une personnalité s’empare dès lors de la jeune femme, celui d’une justicière dont le jugement est per-turbé. Un film sombre et violent porté par une Jodie Foster impeccable, mais la fable sur le bien et le mal nous laisse dubitatifs… On attendait une fin plus incisive.

cD : raDio blooD money, le peuple De l’herbe

livre : technosmose, mathieu terence

Dernière morsure (Robert Laffont, 2007)

H.B. F.Z. E.C.

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DvD : cashback, sean ellis

Rentrée musicale : le péril jeuneÀ l’heure où la médiatisation de la rentrée culturelle fait rage, Contrepoint a cherché à savoir quel enjeu représente les étudiants en tant que consommateurs au sein de l’industrie musicale. Rencontre avec Sébastien Pernice, pro-ducteur musical chez BG Productions et fondateur de « Cyco Rec ».

Mass média, tu n’auras pas ma peau

Plus personne ne s’étonne de voir en septembre les nouveaux albums d’artis-tes recouvrir les murs du métro. Les étu-diants répondent-ils à cette médiatisa-tion de masse ? Selon Sébastien Pernice, « la rentrée culturelle ne vise pas particu-lièrement les étudiants car ils cherchent en permanence l’information. Ils sont pointus et exigeants dans leurs choix ». Actifs tou-te l’année, les jeunes sont constamment à l’affût des derniers opus. Un simple bouche à oreille suffit à faire connaître un artiste, on comprend donc qu’ils res-tent étanches à ce harcèlement publici-taire automnal. Ajoutés à cela leurs petits budgets, l’offre pléthorique d’Internet devient leur naturelle première source de recherche.

Au niveau marketing, la ligne de condui-te des maisons de production envers les étudiants n’est donc pas véritablement changée car, « en tant que consomma-teurs, les étudiants sont la cible la moins gourmande en marketing pur : on ne peut leur faire avaler n’importe quoi ».

En règle générale, une maison de pro-duction n’investit pas beaucoup d’argent dans ce groupe en termes de vente de

système de mondialisation.

Au penchant français pour les chansons tricolores (2/3 des chansons émises à la radio sont des productions françaises), l’étudiant indomptable préférera les mu-siques venues de l’étranger. Une maison de production doit savoir réagir face aux nouveaux courants affectionnés par les étudiants : avec le retour actuel à un rock’n’roll aux allures grungy, les produc-teurs ont trouvé un nouvel élan musi-cal qui fait vendre. Car lorsqu’un artiste lui plaît, l’étudiant est prêt à dépenser : concert, T-shirt, etc. Les festivals repré-sentent également un marché avec de très bons profits et continuent d’attirer les jeunes.

Les étudiants consommateurs repré-sentent donc une cible à part entière. « Porteurs et initiateurs des nouvelles gé-nérations et courants, les maisons de pro-duction se tournent vers eux pour savoir ce qui fera fureur». Même s’il demeure diffi-cile à cerner et à comprendre, le pouvoir des étudiants en matière de musique est donc indéniable. Jeunes et cons ? Pas tant que ça.

Marion Kirat

disques. L’acquisition d’un album, as-sociée à un « coup de cœur », reste trop sporadique pour que ces dernières déci-dent de miser dessus.

Jeunes et cons ? 

Rebelle, l’estudiantin refuse en majorité tout ce qui a trait à une médiatisation « de masse ». Téléréalité et artistes aux images trop lisses ne font que très rarement re-cette chez les étudiants. Ces derniers re-cherchent une musique avec une « sen-sibilité plus énergisante, comme l’électro, ou le métal, particulièrement associée à la quête d’évasion des jeunes ». Un incon-ditionnel idéalisme pousse également les jeunes à se poser des questions sur le monde qui les entoure. Ils se tourneront donc vers des textes plus engagés com-me ceux de Manu Chao, qui dénoncent le

Au bout d’une petite rue pavée se cache le Reini-tas, un café théâtre plein de charme. Si la pro-grammation variée et l’accueil chaleureux lais-se présager le meilleur,

la pièce n’est pas à la hauteur. C’est sur un ton creux et saccadé que le comédien se débat maladroitement avec les textes d’Apollinaire. La mise en scène est inexistante et la musique en décalage total avec la pièce. La voix est vide de toute sensualité et ces textes sublimes s’en trouvent vulgarisés.

Théâtre Popul’air du Reinitas36, rue Henri Chevreau 75020 Paris

Cashback « paie en effet comptant ». Loin des sentiers battus et fort de son premier succès en tant que court métrage, le film de l’anglais Sean

Ellis est un inclassable. Ovni ou plutôt étoile dans un paysage cinématogra-phique souvent obscurci par les clichés et la balourdise, ces 94 minutes de pel-licules recèlent autant de beauté et de poésie qu’une sculpture de Rodin ou une photographie d’Herb Ritts. L’édi-tion supervisée par le réalisateur est dans les bacs !

théâtre : l’erotique, apollinaire expo : summer oF love à montreuil

Pour les 40 ans du Sum-mer of love, la ville de Montreuil propose de se replonger dans cette époque expérimen-tale. Il y en a pour tous les goûts : expositions, conférences et concerts

racontent ces années mythiques. Les murs de la bibliothèque municipale se parent d’affiches psychédéliques tandis que de nombreux spécialistes, comme Philippe Thieyre, « érudit rock » du magazine Rock’n’folk reviennent sur ce mouvement.

www.montreuil.fr/bibliothèqueJ.D. L.L F.Z.

D.R.

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1� Octobre 2007Contrepoint numéro 5

Étudiants européens : avez-vous le profil ?Jeune étudiant français cherche à découvrir le monde, pourquoi ne pas commencer par l’Europe ? Bien qu’au coeur du système et dans une certaine mesure, moteurs de la dynamique européenne, les jeunes diplômés ont des dif-ficultés à s’intégrer dans le système de leur propre pays. Sous le feu des projecteurs depuis plusieurs mois dans ce contexte de changement politique, l’Europe apporte-t-elle réellement satisfactions et bénéfices pour les étu-diants ? Revendiquent-ils leur appartenance à l’Europe pour autant ?

L’idée de projet d’échange entre les cultures est soumise à réflexion dès 1971. Enfin adoptée en 1987, vous connaissez tous Erasmus qui

a d’ailleurs fêté son 20ème anniversaire cette année. La plupart des étudiants cherchent à partir au moins six mois pour se perfectionner en langues mais également dans l’optique de se familiari-ser à de nombreux débouchés qui peu-vent faire naître une vocation et surtout apporter un bonus sur le CV. Intégré en 1995 au programme Socrate, Erasmus a pour but de « promouvoir et renforcer la qualité de la dimension européenne de l’en-seignement supérieur ».

Lors de la création de ces structures, les dirigeants avaient-ils prévu la «fuite» des étudiants français à l’étranger ? Avaient-ils songé que la France ne serait plus aussi attractive pour ses jeunes ? Toutes ces ré-flexions réapparaissent aujourd’hui alors que les chiffres des « migrants » explo-sent : en 2004 plus de 21 000 étudiants français ont profité d’Erasmus, ce qui place notre pays au premier rang de ses confrères européens participant au pro-gramme. Bilan : la mobilité des français est grande et la coopération multilatérale voulue entre établissements fonction-ne. Tellement bien d’ailleurs que beau-coup ne reviennent pas ou juste le temps de changer de valise !

Question de mobilité

Constatons celle des étudiants anglais : l’île reçoit plus de 17 000 étudiants étrangers lorsque seulement 7130 anglais partent à l’aventure chaque année. Pourquoi sont-ils si peu à traverser la Manche ? Remarquons en premier lieu que leurs universités sont plus adaptées et mieux organisées que leurs consoeurs

françaises. D’où une envie limitée de quitter le cocon british ! Jusque là cham-pionne des destinations choisies par les disciples d’Erasme, le Royaume-Uni perd peu à peu son titre pour des séjours plus ensoleillés vers l’Espagne ou plus festifs vers l’Allemagne.

En effet dans certaines universités pari-siennes, la péninsule Ibérique a devancé ses concurrents pour l’année 2007-2008. Parmi les premiers choix des étudiants également, les pays où la vie quotidienne est moins coûteuse : ainsi on assiste à un développement croissant des demandes vers les pays de l’Est. Tout ceci est égale-ment favorisé par le processus de Bolo-gne qui en 1998 a mis en place le système LMD, adopté par presque toutes les uni-versités françaises. La mobilité est donc favorisée, au risque de perdre les particu-larités régionales et d’ouvrir le champ à la concurrence entre les facs.

Une compétition féroce sur le terrain mondial 

Chaque année le classement des cent meilleures universités du monde est pu-blié, ce qui permet à la France mais éga-lement à l’Europe de plier un peu plus sous le poids des critiques. Bien que la première université européenne arrive

en 4ème position, grâce au Royaume-Uni, le nombre de facultés « made in UE » n’est que de 29 tandis que les USA à eux seuls comptabilisent 54 universités. En com-parant les plus pres-tigieuses, c’est-à-dire Harvard, Oxford et l’université de Tokyo, on réalise le retard français mais égale-ment de l’ensemble de ses voisins euro-

péens, sauf l’Angleterre qui tire son épin-gle du jeu, surtout en terme de structures.

Ces trois établissements possèdent de nombreuses bibliothèques, musées et équipements sportifs au sein même du campus mais également des boutiques, laboratoires de recherches et divers ins-tituts. Généralement, plus de 130 natio-nalités s’y côtoient avec une moyenne de 18 000 étudiants. La « number one » possède la plus importante bibliothèque universitaire du monde, des bâtiments classés ainsi qu’une piscine olympique ou encore un stade rappelant la forme du Colisée.

En France, le campus européen Platon, près de Nice, reste une petite structure accueillant une trentaine d’étudiants mais avec cette volonté du développe-ment et du rayonnement de la culture européenne. Le nouveau Président fran-çais a la volonté de créer des « campus de niveau européen dans chaque région », ce qui permettrait peut-être à notre pays de remonter dans le top 100 et donc de valoriser l’Europe. Peut-être nous senti-rions-nous d’avantage européens...

témoignages

Jeanne, étudiante en droit à Rennes, partie un an à Copenhague

« Au Danemark les profs sont très disponibles et proches des étudiants. Petite classe de 20 élèves environ et seulement 11h de cours par semaine ! »

Flora, étudiante à Paris Dauphine, par-tie un an à Rome

« Tor Vergata est un cam-pus européen en devenir puisque récente et tou-jours en construction. Un bâtiment correspond à chaque matière. La plu-part des examens se font

à l’oral et les profs sont plus disponibles. Il n’y a pas de nombre d’années limitées pour obtenir son diplôme, on peut passer son Deug en 5 ans ! »

Amélie Bonté

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1�www.Contrepoint.info

L’Insep, chercheur d’orPour la plupart des étudiants, le mois d’octobre donne le coup d’envoi d’une nouvelle année scolaire. Nouveau dé-part, objectifs renouvelés, bonnes résolutions (parfois) et dans sept mois, l’envie de valider son année sans trop de difficultés. C’est vrai que c’est déjà pas mal. Mais rajouter à cela un entraînement physique en vue de participer aux jeux olympiques de Pékin et là, vous obtiendrez le quotidien des étudiants de l’Insep (Institut National du Sport et de l’Education Physique). Petit tour de piste de notre ruche à champions.

L’Insep, c’est quoi ?

Cela ne vous dit peut-être rien mais l’In-sep, c’est LE centre d’entraînement spor-tif national où les champions de demain peuvent concilier études et sport intensif. Au cœur du bois de Vincennes, sur plus de trente hectares, l’institut constitue un immense cocon où les jeunes pousses cultivent à la fois la tête et les jambes.

Le sport mais pas que

Détectés par leurs clubs, les athlètes qui intègrent l’Insep doivent également posséder un bon dossier scolaire. L’un ne va jamais sans l’autre ici. L’entrée à l’Insep permet souvent d’améliorer son niveau. C’est le cas de Brice, joueur de water-polo, originaire d’Aix-en-Provence : « Avant d’intégrer l’Insep, j’allais dans un lycée normal où j’avais d’avantage d’heu-res de cours. Avec l’entraînement, j’avais des journées qui commençaient à 6h et se finissaient à minuit. Au moins ici, toute la journée est rentabilisée ! Il n’y a jamais de temps mort, ce qui nous permet d’avoir un bon rythme. »

Esprit sain

Baby-foot et farniente n’ont pas leur place ici. Les journées se découpent en alternance : deux heures d’étude et deux d’entraînement, matin et après-midi. « On n’a pas le temps de penser à autre chose, tout est prévu. » Au gré des compétitions et donc des dépla-cements, les cours se rattrapent plus tard ou bien, sys-tème de plus en plus en vogue, sont suivis par In-ternet. Ajoutez à cela des classes à petits ef-fectifs (une quin-zaine d’élèves) et des professeurs volontaires et disponi-bles, vous obtenez logiquement un cli-mat propice à la réussite scolaire. Réus-site scolaire donc projet professionnel

donc, but final : reconversion réussie en fin de carrière sportive.

Peu d’arrêts de jeu

Réussite scolaire et sportive au pro-gramme donc. Rythme soutenu. Mais alors comment profite-t-on des joies de la vie étudiante ? Pour Brice, la réponse est simple : « On a des journées tellement chargées qu’on préfère se coucher tôt car cela ne s’arrête jamais. Même quand il n’y a pas d’échéance sportive dans l’année, le but reste toujours d’intégrer l’équipe de France. Donc les sorties, on en profite sur-tout le week-end quand on est en déplace-ment, c’est-à-dire à peu près une semaine sur deux. On va boire un verre après les matchs. »

Cocooning

Sur les 750 sportifs que compte l’institut, 450 sont internes, soit un peu plus de la moitié. Ils vivent donc ensemble en per-

manence, dans ce cocon géant où tout est mis en œuvre pour leur réussite. « C’est une des choses qui m’a agréablement surpris quand je suis arrivé ici, poursuit Brice, les gens savent tous pourquoi ils sont ici et donc il y a de l’entraide et une bonne ambiance, les

gens disent bonjour, sourient. C’est agréa-ble car pour beaucoup, l’Insep, c’est un peu comme une deuxième famille ! ».

Home sweet home

En revanche, oublié le charme d’un joli loft, ici on dort à deux par chambre, sou-vent entre sportifs d’une même discipli-ne, et les bâtiments bien qu’en cours de rénovation sont pour le moment encore assez vétustes. Mais pour le reste, tous les services possibles sont à portée de main : réfectoire, cafétéria, laverie et surtout, avantage énorme pour ces sportifs : suivi médical ouvert toute la journée, gratuite-ment. « Il y a vraiment tout de ce point de vue ! La salle de kiné par exemple, est im-mense. Il ne manque plus qu’un bloc opé-ratoire ! » rajoute Brice.

Miser sur le bon cheval

Au total, un élève interne coûte environ 700 € par mois à l’Insep. Chaque fédéra-tion paye, selon son niveau, une partie de ces frais. La fédération de natation prend par exemple 80% du prix à sa charge. Ce sont souvent les clubs où sont licenciés les athlètes qui mettent la main à la po-che pour payer la somme restante. Mais tous n’en ont pas les moyens et parfois les frais sont à la charge du sportif. En water-polo, Brice paye par exemple 200 € par mois de scolarité.

Une carrière sportive internationale de-mande des sacrifices et l’Insep semble un des endroits les plus adaptés aux jeunes pour leur permettre d’aller au bout de leurs efforts. Alors si vous pensiez avoir une année chargée, ayez une pensée pour ceux que vous regarderez, au mois d’août prochain, souffrir à Pékin… de-puis votre canapé !

l’Insep en chiffres

750 sportifs

450 internes

30 hectares

24 pôles France

22 médailles aux JO d’Athènes 2004

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ils sont passés par l’Insep

Teddy Riner, David Douillet (judo), Laura Flessel (escrime) , Emilie Le Pennec (gym-nastique), Virginie Dedieu (natation), Sté-phane Diagana, Ladji Doucouré (athlé-tisme)

Mélanie Gaussorgues

D.R.

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