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Fiche 1.10/ LE CONTRÔLE DES INCORPORELS Définition L'expression biens incorporels (Cf. Annexe 1 « les catégories de biens incorporels » ci-après) vise les droits d'utilisation d'actifs industriels: brevets, marques de fabrique, noms commerciaux, dessins et modèles. Ils englobent également la propriété littéraire et artistique, la propriété intellectuelle (savoir-faire, secrets industriels et commerciaux). Sont également concernés les biens incorporels attachés à des activités commerciales. Modalités de rémunération fréquemment rencontrées La facturation de biens incorporels peut prendre 3 formes différentes : la facturation de licences d’exploitation, la facturation de services de R&D ou la rémunération sous jacente des biens incorporels lors de la détermination du prix des biens corporels. La facturation de redevances : l’exploitation du bien incorporel est concédée au sein du groupe en contrepartie du paiement d’une licence. Cette approche pose 2 problématiques : qui peut payer une licence et comment déterminer le montant de cette dernière (Cf Annexe 2 « La valorisation des incorporels » ci-après) ? Le principe veut que seules les entreprises du groupe qui espèrent retirer un bénéfice d’exploitation de l’incorporel peuvent payer une licence ou une redevance. Le paiement d’une redevance (de marque par exemple) suppose que le distributeur ne contribue pas à la valorisation globale de la marque par des campagnes de promotion mondiales (sauf remboursement). Les services de R&D (Cf la fiche sur les accord de répartition de coûts) L’inclusion dans les prix de transfert présente l’avantage de la simplicité en terme de gestion mais elle rend plus opaque la rémunération à la fois des biens incorporels et des biens corporels et donc la justification des prix de transfert Cependant, il convient dans chaque cas d'espèce de s'assurer que ce mode de facturation ne permet pas d'éluder le paiement de retenues à la source sur le versement de redevances (le savoir-faire -activité dite passive- est en général passible d'un impôt à la source dans l'Etat du débiteur). Ecueils à éviter Les groupes internationaux cherchent avant tout à rétribuer le plus avantageusement possible les structures détenant et/ou développant des incorporels au détriment des autres entités du groupe qui se voient attribuer un profit de routine (Cf. « la notion d’entrepreneur principal » présentée dans le Guide des PME ). En matière de contrôle fiscal international, il ne faut donc plus : Croire que les prix de transfert ne concernent que les échanges de biens corporels. Les biens incorporels constituent désormais une problématique prépondérante. Traiter les prix de transfert sur les éléments incorporels de la même façon que les prix de transfert sur les biens corporels. Si ces 2 problématiques peuvent être incluses, elles doivent faire l’objet d’une approche distincte. Ne pas tenir compte de ces éléments incorporels dans la détermination d’une politique de prix de transfert. Problématiques fiscales courantes La cession et la valorisation Un schéma d'optimisation fiscale consiste à expatrier des incorporels pour un prix en général peu élevé vers des pays à basse pression fiscale entraînant la constatation d'une faible plus-value et suivie du paiement de redevances fortes. S'ajoute parfois à ce constat une seconde optimisation qui consiste à localiser les incorporels dans un pays pour lequel la convention fiscale bilatérale ne soumet pas la redevance à la retenue à la source (problématique du « treaty shopping » : technique qui consiste à interposer une

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Fiche 1.10/ LE CONTRÔLE DES INCORPORELS

Définition

L'expression biens incorporels (Cf. Annexe 1 « les catégories de biens incorporels » ci-après) vise les droits d'utilisation d'actifs industriels: brevets, marques de fabrique, noms commerciaux, dessins et modèles. Ils englobent également la propriété littéraire et artistique, la propriété intellectuelle (savoir-faire, secrets industriels et commerciaux). Sont également concernés les biens incorporels attachés à des activités commerciales.

Modalités de rémunération fréquemment rencontrées

La facturation de biens incorporels peut prendre 3 formes différentes : la facturation de licences d’exploitation, la facturation de services de R&D ou la rémunération sous jacente des biens incorporels lors de la détermination du prix des biens corporels.

La facturation de redevances : l’exploitation du bien incorporel est concédée au sein du groupe en contrepartie du paiement d’une licence. Cette approche pose 2 problématiques : qui peut payer une licence et comment déterminer le montant de cette dernière (Cf Annexe 2 « La valorisation des incorporels » ci-après) ?

Le principe veut que seules les entreprises du groupe qui espèrent retirer un bénéfice d’exploitation de l’incorporel peuvent payer une licence ou une redevance. Le paiement d’une redevance (de marque par exemple) suppose que le distributeur ne contribue pas à la valorisation globale de la marque par des campagnes de promotion mondiales (sauf remboursement).

Les services de R&D (Cf la fiche sur les accord de répartition de coûts)

L’inclusion dans les prix de transfert présente l’avantage de la simplicité en terme de gestion mais elle rend plus opaque la rémunération à la fois des biens incorporels et des biens corporels et donc la justification des prix de transfert

Cependant, il convient dans chaque cas d'espèce de s'assurer que ce mode de facturation ne permet pas d'éluder le paiement de retenues à la source sur le versement de redevances (le savoir-faire -activité dite passive- est en général passible d'un impôt à la source dans l'Etat du débiteur).

Ecueils à éviter

Les groupes internationaux cherchent avant tout à rétribuer le plus avantageusement possible les structures détenant et/ou développant des incorporels au détriment des autres entités du groupe qui se voient attribuer un profit de routine (Cf. « la notion d’entrepreneur principal » présentée dans le Guide des PME).

En matière de contrôle fiscal international, il ne faut donc plus :

• Croire que les prix de transfert ne concernent que les échanges de biens corporels. Les biens incorporels constituent désormais une problématique prépondérante.

• Traiter les prix de transfert sur les éléments incorporels de la même façon que les prix de transfert sur les biens corporels. Si ces 2 problématiques peuvent être incluses, elles doivent faire l’objet d’une approche distincte.

• Ne pas tenir compte de ces éléments incorporels dans la détermination d’une politique de prix de transfert.

Problématiques fiscales courantes

La cession et la valorisation

Un schéma d'optimisation fiscale consiste à expatrier des incorporels pour un prix en général peu élevé vers des pays à basse pression fiscale entraînant la constatation d'une faible plus-value et suivie du paiement de redevances fortes.

S'ajoute parfois à ce constat une seconde optimisation qui consiste à localiser les incorporels dans un pays pour lequel la convention fiscale bilatérale ne soumet pas la redevance à la retenue à la source (problématique du « treaty shopping » : technique qui consiste à interposer une

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structure dans un pays en vue de bénéficier des avantages d’une convention fiscale.

Dans cette hypothèse, il conviendra de veiller à la correcte valorisation de l’incorporel et le cas échéant d’identifier le bénéficiaire effectif des redevances en vue de rétablir la retenue à la source lorsque le droit conventionnel permet de rechercher le bénéficiaire effectif (Cf. l’arrêt du CE 13/10/1999 : Diebold Courtage (CE 13/10/1999 : Diebold Courtage, RJF 12/99 n° 1492).

Le paiement d'une redevance excessive

Toute rémunération de prestations de services intragroupes doit traduire un prix normal de marché dans des conditions de pleine concurrence. Ainsi, une redevance n’est déductible que si elle n’est pas excessive, et l’adéquation de son montant doit, certes, ressortir de l’analyse de son mode de calcul, mais également de l’analyse économique de la contrepartie. Le service vérificateur doit évaluer l’influence du niveau de redevance sur l’évolution du chiffre d'affaires et des résultats de la société vérifiée (CAA Bordeaux 15/02/00 n°97-237 Periplast, RJF 05/2000 n°607). Pour cela, il pourra être utile d’observer la pratique des entreprises concurrentes, en recherchant des comparables (CAA Paris 12/07/94 n°9 2-1392 Sté Pharmatique Industrie, RJF 02/95 n°227) et en se référant aux usages du secteu r.

Un distributeur détenant un droit exclusif de distribuer un produit peut accepter de verser des redevances plus élevées que la normale pour l'utilisation d'une marque de commerce de grande valeur, si cela lui permet de réaliser des bénéfices supérieurs à ceux auxquels il pourrait s'attendre pour la distribution d'un bien similaire sans cette marque.

L'examen d'une redevance ne doit pas s’effectuer sa ns une analyse de la rentabilité opérationnelle globale (après paiement de la redeva nce).

L'assiette sur laquelle est calculée la redevance m érite aussi un examen.

En cas de calcul sur la base du chiffre d'affaires, il faut veiller à ce que ce dernier soit correctement déterminé (problématique rencontrée notamment dans la grande distribution avec les « marges arrières » où l’on constate que les rabais, remises ou ristournes ne sont pas déduits du chiffre d’affaires mais impactent la coopération commerciale comptabilisée en charges).

La non-facturation de redevances (société titulaire d'un droit mis à la disposition gratuite des entreprises liées)

Il est indispensable d’identifier les actifs dont est propriétaire l’entreprise vérifiée. Il appartient à l’administration de démontrer que la société française a consenti un avantage aux sociétés liées étrangères (CE 07/11/2005 n°266436 Cap Gemini, RJf 01/2006 n°17).

Quelques réflexes et recommandations

Les conditions des transactions entre entreprises liées ne doivent pas différer de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes.

Considérer un taux de redevance anormalement élevé sans une mise en perspective de la profitabilité dégagée après paiement de cette redevance : les redevances mises a la charge du licencié sont en général fixées selon le chiffre d'affaires ou la production, et exceptionnellement en fonction des profits réalisés par le licencié. Si les conditions évoluent, la rémunération peut être modifiée, par exemple si le propriétaire augmente ses dépenses de protection de la marque.

L’identification de l’entrepreneur ou du co-entrepreneur est prépondérante : de l’identification de l’entrepreneur ou du co-entrepreneur, découlera la ou les méthodes de détermination des prix de transfert et donc la répartition de la base taxable au sein des groupes. L’identification de l’entrepreneur permettra de déterminer quelle partie a le droit de capter tout ou partie des bénéfices liés aux immatériels en question.

Ne pas oublier les éventuels impacts en matière de retenue à la source (les conventions récentes reprennent souvent la définition du modèle de l’OCDE (Article 12 § 2). La frontière est malaisée entre la redevance rémunérant un transfert de savoir-faire et la rémunération d’une prestation de service. Or, le traitement fiscal diverge :

• pour les redevances : imposition par voie de retenue à la source dans la plupart des cas (sous réserve du droit conventionnel) ;

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• pour les prestations de services : imposition dans l’Etat de résidence de l’entreprise prestataire et exonération dans l’Etat d’exercice de la prestation.

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Annexe 1 : les catégories de biens incorporels Les biens incorporels manufacturiers (brevets, savoir-faire, logiciels informatiques...). Ces biens sont le résultat d'activités risquées et supposent des coûts élevés de recherche-développement. L'entreprise qui les a mis au point entend récupérer les frais qu'elle a engagés à ce titre et réaliser un revenu en vendant les produits ou en concluant des contrats de prestations de services ou des contrats de licence.

Les biens incorporels de commercialisation . Il s’agit des marques de fabrique ou de commerce et des noms commerciaux liés à l'exploitation commerciale des produits et des services, des réseaux de distribution, de la clientèle, des graphismes à valeur promotionnelle prononcée.

La valeur desdits biens dépend de nombreux éléments : notoriété de la dénomination, efficacité du contrôle de qualité, importance de la recherche-développement, disponibilité des biens et services en question, importance des dépenses de promotion et leur succès.

Annexe 2 : la valorisation des incorporelsPour apprécier leur valeur, il convient de s'attacher aux fonctions assurées par les entreprises (tout comme pour les marchandises). Elle est indépendante d'une inscription au bilan. La prévention des risques liés à l'environnement ou à la responsabilité des produits est susceptible d'accroître la valeur.

Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour déterminer la valeur de l’incorporel et sa valeur d’usage.

La détermination du montant de la licence ou de la redevance

Pour déterminer le montant d’une licence ou d’une redevance , quatre approches sont possibles :

L’approche par le marché (utilisation de la CUT)

Selon l’OCDE , pour être comparables, les biens incorporels doivent :

Appartenir à la même catégorie

Se rapporter à des produits ou des procédés similaires dans le même secteur d’activité

Afficher des espérances de profits comparables. Aussi dans certains cas, plutôt que de se référer à des transactions comparables, il est plus facile de comparer un taux de retour sur ces biens incorporels aux taux de retour d’entreprises indépendantes sur des biens incorporels comparables. Mais pour être recevable cette approche demande que soient remplies les trois conditions suivantes :

• les bénéfices anticipés sont de même nature (caractère unique du bien, durée de la protection…)

• les conditions d’exploitations sont similaires (zone géographique, exclusivité…)

• les coûts d’exploitation sont comparables (capital, frais de développement, frais de réseau…)

La valeur de marché d’un incorporel peut être déterminée selon 2 approches :

en examinant les prix constatés sur des incorporels comparables

en analysant la valeur locative de l’incorporel de même nature. La valeur de l’incorporel est estimée en actualisant les redevances attendues. Cette méthode est régulièrement mise en oeuvre lorsqu’il existe des contrats de licence portant sur cet incorporel ou sur un incorporel comparable conclu entre entreprises indépendantes.

La valeur de la marque correspond à la valeur actuelle des redevances prévisionnelles.

L’approche par les coûts de création ou de reconsti tution

Cette méthode consiste à valoriser l’incorporel à partir de son coût historique de création. Elle repose sur le calcul de la valeur de l’investissement incorporel sur la base de son coût de

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développement augmenté d’une marge qui correspond généralement au taux de rendement interne de l’entreprise. La valeur actuelle est alors divisée par le nombre d’années de vie économique du bien incorporel pour parvenir à une redevance ou une licence.

L’approche comparative (Comparable Profit Split)

L’entreprise rémunère ses fonctions de routine (i.e. celles qui n’incluent le recours à aucun bien incorporel). Elle compare dans les faits ses ratios de marge nette ou brute avec ceux d’entreprises « comparables indépendantes » selon la MTMN. A l’issue de cette comparaison, l’excédent de rentabilité est supposé représenter la valeur du retour sur incorporel. Ce retour est alors partagé entre les parties au prix de transfert en utilisant la méthode du profit split selon une clé appropriée (ROCE, ROA, ROTA).

Cette méthode est régulièrement appliquée par les autorités fiscales anglo-saxonnes et mise en oeuvre dans des dossiers d’APP (Residual profit split).

Une variante consiste à déterminer un retour sur coût d’utilisation du capital pour le licencié et le titulaire de l’incorporel. La différence entre les deux donne un intervalle au sein duquel la licence ou la redevance doit se trouver. La détermination du niveau exact de rémunération de l’incorporel passe ensuite par l’application d’une méthode de partage de profits au regard des fonctions et des risques assumés par chacune des parties.

L’approche fondée sur la rentabilité

Cette approche consiste à valoriser l’incorporel à partir des résultats qui lui sont attribuables. La valorisation comprend une estimation des résultats attribuables aux actifs incorporels et une estimation des résultats revenant spécifiquement à la marque ou à l’incorporel visé.

La méthode de rentabilité s'appuie sur l'égalité entre le résultat d'exploitation après impôt obtenu avec les produits de la marque et le rendement des capitaux investis pour exploiter la marque.

Le résultat d'exploitation après impôt sert, en effet, à rémunérer les différents actifs nécessaires à l'exploitation : actifs corporels, besoin en fonds de roulement (BFR) et actifs incorporels.

Résultat attribuable aux actifs incorporels = Résultat d'exploitation après IS - Rémunération des capitaux nécessaires à l'exploitation (Immobilisations incorporelles +immobilisations corporelles + BFR)

Cette relation permet de valoriser les actifs incorporels d'une société puisque l'on a :

Valeur des actifs incorporels = valeur actuelle des résultats prévisionnels attribuables aux actifs incorporels