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Evidence Based Medicine Recommandations officielles Avis des experts Décembre 2007 Prise en charge pratique des patients sous rituximab 1 En l’absence de données suffisantes, le rituximab est contr e-indiqué pendant la gr ossesse et une contraception efficace est donc r equise lors de l’instauration du traitement. Toutefois, les rares cas publiés et l’analyse des caractéristiques du produit autorisent à émettr e un avis d’experts. Études animales (1) Il n’y a pas d’études sur le pouvoir carcinogène ou mutagène du rituximab, ni d’études sur la fer tilité chez l’animal mâle ou femelle. Les études de toxicité effectuées chez le singe cynomolgus (jusqu’à 100 entre le 20 ème et le 50 ème jour de gestation), seule espèce animale chez qui des études de tératologie ont été réalisées, n’ont pas révélé d’embr yo-toxicité in utero ; la descendance de femelles exposées au rituximab présentait une déplétion en lymphocytes B, dose-dépendante, pendant la période post-natale avec un retour à la normale dans les 6 mois suivant la naissance. Propriétés pharmacologiques (1, 2) Les études de pharmacocinétique ont montré que le rituximab n’était plus détectable dans le sang périphérique 48 semaines après l’exposition chez l’homme. Après deux perfusions intraveineuses de 1000mg à 14 jours d’inter valle, la demi-vie moyenne était de 20,8 jours (8,58 à 35,9 jours). Après l’administration intraveineuse de doses de 500 et 1000mg à deux reprises, à deux semaines d’inter valle, les demi-vies moyennes étaient respectivement de 17,9 jours (12,3 à 31,3) et 19,7 jours (12,3 à 34,6). Cas publiés dans la littérature Chez l’humain, aucune étude clinique n’a mesuré les taux de lymphocytes B chez le nouveau-né après exposition maternelle au rituximab ; comme les immunoglobulines (Ig) G passent la barrre placentaire, le rituximab devrait théoriquement provoquer une déplétion lymphocytaire B chez le fœtus. À ce jour , 6 grossesses exposées au rituximab ont été rappor tées dans la littérature, dont 2 au premier trimestre de grossesse et aucune au cour s de la polyar thrite rhumatoïde (4 lymphomes, 1 anémie hémolytique auto-i mmune, 1 purpura thrombotique thrombocytopénique) (3-8). Une patiente a reçu 4 injections de rituximab pour un lymphome non-hodgkinien jusqu’à la 5 ème semaine d’aménorrhée (SA) (date de conception estimée entre les 1 ère et 2 ème perfusions). Naissance à 40 SA d’un enfant en bonne santé (suivi à 18 mois) qui a eu une baisse transitoire des polynucléaires et des lymphocytes B, avec des Ig normales (3). Données disponibles Conduite à tenir en cas de gr ossesse

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En l’absence de données suffisantes, le rituximab est contre-indiqué pendant la grossesse et une contraception efficace est donc requise lors de l’instauration du traitement. Toutefois, les rares cas publiés et l’analyse des caractéristiques du produitautorisent à émettre un avis d’experts. Données disponibles Recommandations officielles Avis des experts Prise en charge pratique des patients sous rituximab Evidence Based Medicine Décembre 2007 1

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Evidence Based Medicine Recommandations officielles Avis des experts

Décembre 2007

Prise en charge pratique des patients sous rituximab 1

En l’absence de données suffisantes, le rituximab est contre-indiqué pendant lagrossesse et une contraception efficace est donc requise lors de l’instauration dutraitement. Toutefois, les rares cas publiés et l’analyse des caractéristiques duproduit autorisent à émettre un avis d’experts.

● Études animales (1) Il n’y a pas d’études sur le pouvoir carcinogène ou mutagène du rituximab, ni d’étudessur la fertilité chez l’animal mâle ou femelle. Les études de toxicité effectuées chez lesinge cynomolgus (jusqu’à 100 entre le 20ème et le 50ème jour de gestation), seuleespèce animale chez qui des études de tératologie ont été réalisées, n’ont pas révéléd’embryo-toxicité in utero ; la descendance de femelles exposées au rituximab présentaitune déplétion en lymphocytes B, dose-dépendante, pendant la période post-nataleavec un retour à la normale dans les 6 mois suivant la naissance.

● Propriétés pharmacologiques (1, 2)Les études de pharmacocinétique ont montré que le rituximab n’était plus détectabledans le sang périphérique 48 semaines après l’exposition chez l’homme. Après deuxperfusions intraveineuses de 1000mg à 14 jours d’intervalle, la demi-vie moyenne étaitde 20,8 jours (8,58 à 35,9 jours). Après l’administration intraveineuse de doses de 500et 1000mg à deux reprises, à deux semaines d’intervalle, les demi-vies moyennes étaientrespectivement de 17,9 jours (12,3 à 31,3) et 19,7 jours (12,3 à 34,6).

● Cas publiés dans la littératureChez l’humain, aucune étude clinique n’a mesuré les taux de lymphocytes B chezle nouveau-né après exposition maternelle au rituximab ; comme les immunoglobulines(Ig) G passent la barrière placentaire, le rituximab devrait théoriquement provoquer unedéplétion lymphocytaire B chez le fœtus. À ce jour, 6 grossesses exposées au rituximab ont été rapportées dans la littérature,dont 2 au premier trimestre de grossesse et aucune au cours de la polyarthriterhumatoïde (4 lymphomes, 1 anémie hémolytique auto-immune, 1 purpura thrombotiquethrombocytopénique) (3-8).

• Une patiente a reçu 4 injections de rituximab pour un lymphome non-hodgkinienjusqu’à la 5ème semaine d’aménorrhée (SA) (date de conception estimée entre les 1ère

et 2ème perfusions). Naissance à 40 SA d’un enfant en bonne santé (suivi à 18 mois)qui a eu une baisse transitoire des polynucléaires et des lymphocytes B, avec des Ignormales (3).

Données disponibles

Conduite à tenir en cas de grossesse

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• Une patiente a reçu 4 injections de rituximab pour une anémie hémolytique auto-immune entre 7 et 10 SA. Naissance à 38 SA (accouchement provoqué) d’un enfanten bonne santé (suivi à 6 mois) qui a eu à J2 une baisse légère et transitoire deslymphocytes B avec normalisation à J4, et une augmentation modérée des polynucléairesà J2 dans un contexte infectieux d’évolution favorable sous antibiotiques. Les Ig étaientnormales (4).

• Une patiente a été traitée pour un lymphome non-hodgkinien par rituximab + CHOP(doxorubicine + vincristine + prednisone) toutes les 4 semaines de 21 à 33 SA.Naissance à 35 SA d’un enfant en bonne santé dont les lymphocytes B étaientnormaux à 4 mois (pas d’information à la naissance) (5).

• Une patiente traitée pour un lymphome non-hodgkinien, a reçu 6 cycles de rituximab +CHOP toutes les 2 semaines de 15 à 25 SA. Naissance à 33 SA d’un enfant en bonnesanté (suivi à 16 mois). Les concentrations plasmatiques de rituximab à la naissanceétaient légèrement plus importantes chez l’enfant que chez la mère. On notait unediminution importante des lymphocytes B périphériques chez l’enfant qui ontcommencé à remonter à 6 semaines et se sont normalisés à 12 semaines. La mèreavait à la naissance une déplétion complète en lymphocytes B, de récupérationprogressive, mais moins rapide que chez l’enfant. Les Ig de l’enfant étaient normales (6).

• Une patiente a été traitée pour un lymphome de Burkitt par 4 perfusions (une parsemaine) de rituximab de 16 à 19 SA, suivies de 4 cycles (toutes les 3 semaines) derituximab + CHOP de 20 à 29 SA (puis 2 cures de CHOP seul jusqu’à 37 SA).Naissance à 41 SA d’un enfant en bonne santé (suivi à 26 mois). Les concentrationsplasmatiques de rituximab à la naissance étaient 3 fois plus importantes chez l’enfantque chez la mère. On notait une déplétion complète en lymphocytes B périphériqueschez l’enfant et la mère, qui sont remontés rapidement chez l’enfant et se sont norma-lisés à 4 mois (7).

• Une patiente a été traitée pour un purpura thrombotique thrombocytopénique parrituximab de 27 à 30 SA. L’enfant, né prématurément à 30 SA, n’avait pas de compli-cations si ce n’est un taux de neutrophiles légèrement diminué, rapidement normaliséen 24 heures (8).

Au total : Les deux enfants exposés au 1er trimestre de la grossesse (3, 4) avaient unebaisse légère et transitoire des lymphocytes B à la naissance sans complication cliniqueimportante. Pour les 2 grossesses exposées au 2ème et/ou 3ème trimestres, les concentrationsplasmatiques de rituximab mesurées chez les enfants à la naissance étaient très élevées(6, 7). Ils avaient une baisse importante des lymphocytes B périphériques, sansconséquence clinique, se normalisant en quelques semaines (3-4 mois post-natal). Chezces 2 patientes, l’accouchement a eu lieu 8 et 12 semaines après l’arrêt du traitement parrituximab.

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● Avant l’initiation d’un traitement par rituximabIl faut s’enquérir d’un désir éventuel de grossesse chez les patientes en périoded’activité génitale lors de la consultation d’initiation d’un traitement par rituximab.Si une grossesse est envisagée dans les mois qui suivent, l’instauration du traitementn’est pas recommandée. Toutefois, il faudra évaluer la sévérité de la maladie, l’indica-tion pouvant être impérative pour l’avenir fonctionnel de la patiente, ce qui inciteraitalors à différer le projet de grossesse (permettant ainsi de stabiliser la maladie et dedébuter une grossesse dans de meilleures conditions, cf. paragraphe “Situations clini-ques - Délai entre la dernière perfusion de rituximab et la conception”).

● Délai entre la dernière perfusion de rituximab et la conceptionChez une patiente traitée par rituximab, un souhait de grossesse impose un délai aprèsla réalisation de la dernière perfusion. Ce souhait impose également l’arrêt du métho-trexate au moins 3 mois avant la conception, si ce traitement est associé au rituximab(cadre actuel de l’autorisation de mise sur le marché).Les recommandations (RCP - résumé caractéristiques produit) pour la durée d’arrêtdu rituximab (et la poursuite d’une contraception efficace) avant la conception sont :« En raison de la présence durable du rituximab chez les patients présentant une déplétionen lymphocytes B, les femmes en âge de procréer devront utiliser des mesurescontraceptives efficaces tout au long du traitement par rituximab et pendant 12 moisaprès son arrêt ».

Les éléments suivants doivent être pris en compte : • Les délais prolongés avant conception proposés par le RCP (12 mois) exposent à des

situations cliniques difficiles (recrudescence de la maladie rhumatismale après uneréponse initiale au traitement), ce d’autant plus que le début effectif de la grossesseest souvent retardé.

• Les rares grossesses, au cours desquelles un traitement par rituximab a été réalisé,semblent avoir un pronostic identique aux grossesses sans rituximab.

• Le méthotrexate dont l’effet tératogène et l’effet abortif ont été montrés, est le plussouvent associé au rituximab et doit être arrêté au moins 3 mois avant la conception.

Schématiquement, 2 situations cliniques peuvent être rencontrées :• Absence de réponse au traitement par rituximab : l’absence de contrôle de la maladie

rhumatismale incite à recourir à une autre thérapeutique imposant, le plus souvent, unreport du projet de grossesse.

• Réponse au rituximab et contrôle de la maladie rhumatismale : arrêt du méthotrexateet poursuite d’une contraception efficace au moins 3 mois avant la conception.Compte tenu de sa demi-vie d’élimination, le délai qui pourrait être proposé entrela dernière perfusion de rituximab et la conception est de 6 mois (délai correspondantà 5 demi-vies en prenant une valeur maximale de 36 jours, 5 demi-vies permettantd’éliminer 97% d’un produit en cinétique linéaire). Compte tenu des données rassurantes

Situations cliniques

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observés chez les enfants des patientes traitées par rituximab à un stade précoce dela grossesse, il est raisonnable de penser qu’un traitement administré 6 mois aupara-vant n’aura pas d’effet délétère pour l’enfant.

Pour toutes ces raisons, il semble logique de respecter un délai d’au moins 6 mois aprèsla réalisation de la dernière perfusion de rituximab avant d’autoriser la conception chezla femme. En l’absence de données spécifiques chez l’homme, et notamment d’impact sur laspermatogénèse, un délai identique semble possible à conseiller.

● Grossesse débutée lors d’un traitement par rituximabSi les rares données de la littérature sont rassurantes, la survenue d’une grossessependant le traitement impose, à ce jour :• un arrêt immédiat du traitement par rituximab (et bien sûr du méthotrexate associé, si

cela n’est pas déjà fait)• une surveillance échographique• une déclaration à la pharmacovigilanceSi une grossesse survient chez une femme traitée par rituximab, la décision de poursuivrela grossesse appartient au couple. Les données récentes de la littérature sont rassurantes.Si la surveillance obstétricale ne retrouve pas d’anomalie, la poursuite de la grossessepeut être recommandée.Une information rigoureuse lors de l’instauration du traitement doit permettre d’éviter cessituations.

● Instauration d’un traitement par rituximab lors d’une grossesse La polyarthrite rhumatoïde expose rarement à cette éventualité, la maladie étanthabituellement améliorée au cours de la grossesse.Dans l’état actuel des connaissances, l’instauration d’un traitement par rituximab encours de grossesse n’est pas recommandée.

● AllaitementLe passage du rituximab dans le lait maternel n’est pas connu, mais les IgG maternellespassent dans le lait et du rituximab a été détecté dans le lait maternel chez le singe (1) ;de ce fait, l’allaitement n’est pas recommandé. En pratique, cela ne pose pas de problèmes : en effet, le rituximab étant arrêté 6 moisavant le début de la grossesse (cf. supra), l’allaitement ne sera donc pas interditpuisqu’il intervient 15 mois au minimum (6 mois avant la grossesse et 9 mois degrossesse) après la dernière perfusion de rituximab, le produit étant alors totalementéliminé de l’organisme. En cas de désir d’allaitement, la reprise éventuelle d’un traitement par rituximab ne seraautorisée qu’après arrêt de l’allaitement.En cas de reprise évolutive de la maladie rhumatismale après l’accouchement (situationassez fréquente au cours de la polyarthrite rhumatoïde), la reprise du traitement parrituximab (si les perfusions précédentes ont été réalisées au moins 6 mois auparavant),et donc l’interdiction de l’allaitement, sera discutée au cas par cas.

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1) Résumé Caractéristiques Produit.http://www.emea.europa.eu/humandocs/PDFs/EPAR/Mabthera/H-165-PI-fr.pdf

2) Cartron G, Blasco H, Paintaud G, Watier H, Le Guellec C. Pharmacokinetics of rituximab and its clinical use: thought for the best use?Crit Rev Oncol Hematol 2007;62:43-52.

3) Kimby E, Sverrisdottir A, Elinder G. Safety of rituximab therapy during the first trimester of pregnancy: a case history. Eur J Haematol 2004;72:292-5.

4) Ojeda-Uribe M, Gilliot C, Jung G, Drenou B, Brunot A. Administration of rituximab during the first trimester of pregnancy without consequences for the newborn.J Perinat 2006;26:252-5.

5) Herold M, Schnohr S, Bittrich H. Efficacy and safety of a combined rituximab chemotherapy during pregnancy. J Clin Oncol 2001;19:3439.

Références