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15egrade

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Le Chevalier d’Orient 15e degré du REAA

1 – Éléments d’histoire du grade La plupart des chercheurs pensent que ce grade est apparu en 1740. Une lettre signée de

Boulard à la Loge Écossaise de Bordeaux, les Élus Parfaits, datée du 16 mai 1750, et confiée à Morin précise :

« …je m’attends même que vous recevrez mes observations très volontiers, surtout lorsque vous verrez que j’y joins un nouveau degré très intéressant et très instructif, qui est la suite toute naturelle de l’ancienne maîtrise perfectionnée par Salomon et les successeurs des ses élus parfaits, dans le goût que nous l’avons. Je veux dire le degré de Chevalier de l’orient ; j’ai été admis et reçu par de très dignes frères qui m’ont donné tous pouvoirs, indépendamment de ceux que le degré donne par lui même comme vous verrez… »

C’est la confirmation que le grade était établi à cette date. Accordons les dates de 1747-1748 à la rédaction pratiquement certaine des rituels.

Remarquons que l’on disait au début Chevalier de l’Orient, puis ce fut Chevalier d’Orient. Le degré reprend un thème ébauché par le discours de Ramsay, mais il serait fort imprudent

de faire assurer la paternité du degré à ce personnage si caractéristique de cette époque. Deux versions du fameux discours sont connues : Les croisés sont : « à l’exemple des Israélites, lorsqu’ils élèveront le second Temple.

Pendant qu’ils manoient la truelle & le mortier d’une main, ils portoient de l’autre l’épée & le bouclier. »1.

Dans la version dite d’Épernay, qui aurait été prononcée la première, il est possible de lire : « …le grand Cyrus, qui était initié dans tous nos mystères, constitua Zorobabel, grand

Maître de la loge de Jérusalem et lui ordonna de jeter les fondements du second temple » et aussi : « Cette union se fit en Imitation des Israélites lorsqu’ils rebâtirent le second temple ;

pendant que les uns maniaient. La truelle & le compas, les autres les défendaient avec l’épée & le bouclier. »2

Quelle que soit la réalité du rôle de Ramsay dans l’apparition de ce degré (qui constituera

plus tard le 3e Ordre Français et le 15e degré du Rite Écossais Ancien Accepté), il est le plus anciennement attesté des grades chevaleresques. Dans un document intitulé « Statuts de la loge Ecossaise », certifié par de Valois, le 2 avril 1748, il est dit :

Article 9 …les Loges Ecossoises ne seront regulières si tous les frères qui en sont membres n’ont été

convoqués, et les différents qui naîtront entre eux, lorsqu’ils en apelleront, seront jugés definitivement par la grande Loge des Chevaliers de L’orient, et a deffaut de cette loge par une Loge Ecossoise

.

1 Imaginaire chevaleresque et Franc-Maçonnerie ; Pierre Mollier ; Renaissance Traditionnelle ; 1994 ; p 211 2 - p 212

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Article 11 Tout Excellent maître grand Ecossois qui voudra parvenir a l’Eminent et Souverain grade

de chev.de l’orient aura grand-soin de sacquiter des devoirs que luy prescrira un chevalier dudit ordre. »3.

Il faut ajouter pour l’histoire que le nom de ce grade fut mêlé à la période assez trouble ayant

précédé la formation du Grand Orient de France ; c’était l’époque pendant laquelle la Grande Loge (datée du 11 décembre 1743), s’opposait aux Maîtres inamovibles. Le Conseil des Chevaliers d’Orient (1757) s’opposa vivement au Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident (1758). Le premier était composé de bourgeois, le second de nobles. Les protagonistes de ces luttes d’influence ont des noms connus : Pény, Lacorne, Pirlet, Chaillon de Jonville.

Le Conseil des Empereurs évolua en Souverain Conseil des Chevaliers d’Orient, et après

d’autres métamorphoses et ajouts, signa la Patente de Morin en 1761. Comme nous le verrons plus loin, le grade de Chevalier d’Orient ouvre un nouveau cycle de

degrés, la Maçonnerie renouvelée. Il resta quelques années au sommet de l’Écossisme (on ne peut pas encore parler de rite). Dans les années 1760, il fut dépassé par d’autres créations, vivant en cela le sort de bien des grades.

Citons, pour clore ces quelques notions sur l’histoire de ce degré, quelques rituels qui

présentent finalement une remarquable unité, certainement due à la légende ayant servi de base. Quelques détails de rituels seront présentés plus loin : Rituel de la Mère-Loge Écossaise de Marseille, Chevalier de l’Épée surnommé Chevalier

d’Orient. Rituel pratiquement identique, mais issu de Paris. Rituel de la Loge de Mirecourt (Collection Kloss XXX.IV. I.V. Tome II). Un cahier dit Cahier du Rite de Perfection. Un cahier Kloss XXV.65, daté du 15 janvier 1758.4[5] 2 – La légende. Elle est puisée dans les Livres d’Esdras et de Néhémie. Le passage du fleuve ne figure pas

dans la Bible, qui comporte par ailleurs beaucoup de faits non retenus. Les Israélites sont détenus depuis soixante-dix ans à Babylone, conséquence de leur défaite

et de la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor. À la suite d’un songe, Cyrus, roi des Perses, libère les Hébreux à la demande de Zorobabel,

prince hébreu du sang de David, et de Nohémias. Le roi leur permet de retourner à Jérusalem pour reconstruire le Temple et leur restitue tous

les trésors, vases, urnes et ornements pillés par Nabuzardan après la défaite. Non seulement il donne les dimensions du futur Temple, mais il prend aussi un édit

ordonnant à tous ses sujets de laisser passer les Hébreux, sous peine d’une punition terrible. Cyrus confie à son général Satrabuzanes le soin d’armer Zorobabel chevalier après l’avoir

instruit de la science de la guerre ; à charge pour ce dernier de conférer ce « grade » à ceux qu’il en 3 Statuts de la Loge Ecossoise ; BN Mss4 76 : f° 227 à 229 ; édités par Alain Bernheim : Contribution à la connaissance de la première Grande Loge de France, in Travaux Villard de Honnecourt n°17 Annexe X. 4 Consulter Claude Guérillot

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jugera dignes. Ce qu’il fit pour sept mille Hébreux, choisis parmi les quarante deux mille trois cent soixante libérés, sans compter les esclaves.

La marche fut facile au début, jusqu’au fleuve Starbuzanaï (l’Euphrate). Des troupes

ennemies assyriennes, attirées par les trésors transportés, tentèrent de leur barrer le passage sur un pont. Les Hébreux les attaquèrent avec vigueur, les tuant tous. Zorobabel remercia son Dieu et les vainqueurs choisirent pour mot de passe Yaveron Hamain (Liberté de Passer).5[1]

Quelques mois plus tard, les Israélites arrivèrent à Jérusalem et entreprirent la reconstruction

en utilisant les mêmes méthodes de travail que pour le premier Temple : les ouvriers séparés en trois classes, avec des mots de reconnaissance : Juda, Benjamin, les deux noms de leurs tribus, et YM pour Yaveron Hamain ; mots utilisés pour recevoir les salaires, au pied des colonnes et au centre du Temple.

Des Samaritains, tribu non exilée, jaloux de la gloire promise à Zorobabel et à ses hommes,

voulurent empêcher la reconstruction. Ce dernier ordonna que tous les ouvriers soient armés, tenant la truelle d’une main, le glaive de l’autre._

Quatre ans plus tard, le nouveau Temple fut consacré. Les Chevaliers libérés par Cyrus et armés par Zorobabel prirent le titre de Chevaliers

d’Orient. 3 – Le premier grade de Chevalier. Plus important est de savoir comment le Chevalier d’Orient, ancien Chevalier de l’Orient,

est devenu 15e degré du Rite Écossais Ancien Accepté. Il faut alors s’interroger sur une évidence : comment la Franc-Maçonnerie fit apparaître les grades chevaleresques dans l’Écossisme, degrés repris dans tous les rites à qui il a fourni leur substance ?

Le fait est indéniable : l’introduction de la Chevalerie marque une nouvelle orientation dans

la rédaction des rituels de grades, et donne une autre dimension dans la vision jusque là étroite du Maçon chrétien.

L’idée d’une aspiration à se retrouver entre Maçons avertis, de s’isoler des Maçons jugés

« ordinaires » a pu être et a été suggérée. Certains auteurs l’ont fait sans prendre de précautions. Le besoin de resserrer le cercle, de s’isoler entre Frères choisis, le fait qui en découle de

laisser croire que l’on détient un secret, et assurant par là un prestige au groupe, est-ce vraiment une hypothèse à écarter ? Le goût du mystère est évident chez certains hommes. Et un secret bien entretenu et mal compris par ceux qui sont exclus peut être une source de pouvoir, auquel trop de personnes ne peuvent résister.

Mais n’y aurait-il pas une autre façon de voir les choses ? Et si les rédacteurs des rituels

avaient simplement voulu saisir un grand moment de l’Histoire ? On peut accuser, certes, la mentalité de l’époque, mais la nôtre échappe-t-elle à cela ?

Ramsay a introduit la Chevalerie dans l’histoire présumée de la Franc-Maçonnerie, mais il

n’a rien inventé. Elle fut une nécessité, pour des causes historiques. Mais elle devint aussi une 5 En réalité, Yveron-Hammaïn, soit « ils passeront les eaux », in Charles M. Kieffer et C. Malâley Kieffer ; Mots de Passe, Mots sacrés, Sigles, Formules et Lettres du Discours Maçonnique ; Suprême Conseil, Grand Collège du Rite Écossais Ancien Accepté – Grand Orient de France ; Aréopage Sources, 2003

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mystique. Enfin, elle a survécu comme un mythe ; les manuels d’histoire des écoles de la République ont longtemps célébré les exploits du Chevalier Bayard.

Les Croisades relèvent du même processus : si l’on oublie l’aspect militaire et les causes en

partie dues à la société médiévale, il reste une vaste épopée lyrique dont le souvenir perdure. La Franc-Maçonnerie n’a pas échappé aux mythes des Ordres militaires d’Orient, ni surtout à celui des contacts plus ou moins secrets entre un Orient raffiné et un Occident brutal.

Les grades chevaleresques se multiplièrent dans tous les rites de la Maçonnerie. Ce n’est pas

innocent ; le mythe est toujours vivant. Il peut être intéressant de remarquer à quelles places ces degrés, que l’on peut aussi appeler

capitulaires, sont inscrits dans la progression écossaise. Le Maître a pour devoir de sauver le chantier d’Hiram de la destruction en comprenant les

raisons du désastre et en modifiant ses méthodes de travail et son attitude. Suivent des degrés consacrés à cette réorganisation du travail et à l’achèvement de l’œuvre. Mais on ne sait pas ce que ce travail représentait. Hiram le savait-il ? De toute façon, il n’a rien dit et ne pourra jamais le dire. L’effort de compréhension de tout ce qui s’est passé exige une méditation personnelle, une descente en soi. Mais cela ne peut s’éterniser, et il faut bien affronter les foules et aller à la rencontre de l’Autre.

Autant le faire avec des garanties, de nouvelles dispositions et une totale lucidité. Le Chevalier d’Orient est l’image de cette nouvelle aventure. En cela, il achève bien l’Ancienne Maîtrise, et inaugure vraiment la Maçonnerie

Renouvelée. 4 – L’apport exceptionnel du Chevalier d’Orient à l’Écossisme. C’est un fait connu que les grands centres de l’Écossisme avaient chacun leur système de

degrés, certainement créés sans la moindre lien entre eux, du moins au début. Par exemple, Bordeaux initiait à un système en dix grades, culminant à l’Élu Parfait. Paris avait choisi à la même époque, c’est-à-dire avant 1750, un Écossisme dont le grade terminal était l’Écossais des 3JJJ (il existait deux autres variantes : l’Écossais Parisien et l’Écossais de Clermont).

Chaque gradation se pratiquait en vase clos, selon sa propre orientation. Les Élus Parfaits de Bordeaux voulaient très rigoureusement sélectionner les Maîtres

écossais à qui serait confié le vrai mot d’Hiram, affirmant que celui que l’on confiait aux Maîtres Maçons n’était qu’un leurre.

Il s’y pratiquait une grande ouverture d’esprit en matière de religion, mais aussi un

particularisme évident, pointilleux et finalement très provincial. L’article 14 du Règlement de la Parfaite Loge d’Écosse de Saint-Marc (Saint-Domingue),

exacte copie de celui de la Mère-Loge bordelaise, précise : Nul Frère. ne sera gêné n’y contrarié sur la religion dans la quelle il est né et qu’il

professera, on les laissera dans leurs opinions particulières ; on les obligera seulement a suivre les

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principes sur lesquels tous les hommes sensés sont d’accord, ces adire, La probité, l’honneur, la modestie, et le Sincérité.

Dans le rituel des Grands Écossais ou Maîtres Élus Parfaits, il est dit au récipiendaire : Une circonstance qui doit nous donner cette flatteuse espérance, c’est la fureur que tout le

monde a d’avoir un Écossisme. Ce grade, quelle que soit la raison qui fait donner ce nom, s’est multiplié comme les grains de sable de la mer, sans compter le nôtre, qui, dans le fond, ne doit pas porter ce nom puisqu’il n’est autre que la perfection de l’Ancienne Maîtrise…

Et à la page suivante : D’ailleurs, il est fait mention à chaque instant du fondateur de la Religion Chrétienne, dont il

n’était assurément pas question du temps de Salomon qu’en figure et en prophétie ; on devrait bien respecter les mystères sacrés d’une religion aussi sainte et ne plus les profaner par des allégories aussi puériles et aussi déplacées.

À Paris, l’Écossais des 3JJJ avait une orientation nettement chrétienne, et pour but de faire

renaître Hiram en Adonhiram, c’est-à-dire par le récipiendaire. Quelques passages de l’instruction sont très clairs : D. Que signifient les 3 J.J.J. du bijou ? R. Jakin, Jehova, Jourdain. D. Que signifient ces mots ? R. Force et Sagesse divines. …….. D. Que désigne le cercle des trois triangles ? R. Il marque l’immensité de Dieu, qui n’a point eu de commencement et qui n’aura pas de

fin. D. Quel âge avez-vous en Compagnon ? R. Vingt-sept ans. D. Pourquoi ? R. Pour marquer que je connais trois personnes en Dieu et que chacune des trois possède

les neuf Attributs. S’ajoutait à cela une introduction à la science de la Gématrie, basée sur le nombre 81, en

additionnant les lettres des mots traduisant les attributs de la Divinité. En quelques années, le Chevalier d’Orient, qui fut plaqué sur ces deux systèmes, et

certainement bien d’autres, les rejeta, sinon dans l’oubli, du moins dans les documents historiques. Pourquoi ?

Je pense sincèrement qu’il a fait « exploser » ces suites de degrés qui ne pouvaient plus

progresser (on va communiquer un Mot après d’infinies précautions ; on va faire renaître Hiram après des préparations et retours en arrière sans fin).

Avec le Chevalier d’Orient, il est presque possible d’affirmer que l’épopée commence : on

sort des cryptes, on revient aux sources, ivre d’espoir de réaliser un projet grandiose. Certes, les difficultés commencent. Ce n’est plus un assassinat sordide et lamentable au soir d’une journée de travail, mais de véritables combats : l’échelle a changé, à l’image de l’enjeu.

Les « Anciens », les rédacteurs de rituels pour tout dire, ne se sont pas trompés : une

nouvelle « ère » commençait. S’y retrouvaient le souffle de l’aventure, l’exaltation du départ, la

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Chevalerie, le mythe d’un long et difficile voyage vers une terre promise, la liberté retrouvée mais à défendre, et surtout la libération gagnée par la lutte.

Le succès de ce grade, réservé aux meilleurs Maîtres Écossais, peut se comprendre ; de

même tout ce qu’il souleva dans l’inconscient des Frères. C’était bien le début de la Maçonnerie renouvelée ! 5 – Son symbolisme possible. La Tradition maçonnique ne saurait être figée, encore moins construite une fois pour toutes,

c’est-à-dire pour l’éternité. Si le rituel (sous toutes ses formes) produit la signification en abordant le contenu de la

transmission, la cérémonie dans le Temple décide de son sens, c’est-à-dire les changements de statuts, tous les effets et possibilités nouvelles en découlant.

Se retrouvent ainsi dans cet état de fait les deux aspects fondamentaux de la Transmission

maçonnique, le contenu d’un côté, les opérations et les fonctions de l’autre. Il n’en reste pas moins que l’homme - ici, le Maçon, le Chevalier d’Orient – a toujours

affaire à un discours dans une situation sociale particulière, à un moment donné, dans un lieu précis. Et surtout à une règle posée d’entrée de jeu : « Ici, tout est symbole ! ».

La conclusion à tirer pour le Maçon actuel est évidente : il ne suffit pas de reprendre les

textes de 1748, de les relire et de refaire les gestes de nos prédécesseurs. Les symboles, paroles, péripéties du grade de Chevalier d’Orient doivent être rechargés de

sens. Encore faut-il respecter plusieurs impératifs : respect des formes rituelles, suivre au mieux la vie de l’homme actuel et surtout insérer le grade dans la succession écossaise en appliquant une règle simple : chaque degré rappelle le précédent et annonce le suivant par son questionnement. Elle peut paraître évidente et simpliste, fut-elle suivie par les rédacteurs des rituels et par les constructeurs de rites ? Cette question sort du cadre de cette étude, mais mériterait d’être reposée.

Sur ces bases, il nous appartient de réfléchir à ce que le grade de Chevalier d’Orient peut

apporter et apporte réellement au Maçon poursuivant sa quête au sein du Rite Écossais Ancien Accepté aujourd’hui.

Son histoire répond en partie, le situant à une charnière (début d’un cycle de grades). Mais

c’est insuffisant que d’affirmer sans apporter de preuves, si l’on peut se permettre d’employer de telles notions en matière de symbolisme.

Les grades antérieurs ont montré la nécessité d’une descente en soi, d’une réflexion toute

personnelle, sur l’émergence, la puissance, la complexité de la pensée, en même temps que sur ses limites. La Maçon remontant du puits n’est plus le même et il doit à présent aborder la vie collective, car il ne servirait à rien de continuer une vie de méditation solitaire. Autrement dit, il faut abandonner le caché (la crypte) pour rencontrer le réel (la ville, le monde). Rappelons-nous la Légende de Nadir… En un mot, il faut aller au-delà du rêve, pour que le projet devienne action, marche en avant.

Le Chevalier d’Orient, par la légende de son grade, revit cette aventure. Il échappe à sa

captivité, comme il est sorti de puits, pour réaliser son projet, la reconstruction du Temple, et ce

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malgré l’opposition, l’incompréhension, l’envie, la jalousie des autres (les Assyriens puis les Samaritains).

Le fait d’être armé chevalier n’est pas accès à l’amour, nous l’avons vu. La marche en avant,

au milieu des difficultés, représente le problème de l’harmonie à conquérir. Pour le moment, il s’agit plutôt de la confusion, les groupes s’affrontent, le fleuve charrie des cadavres. Mais on ne peut perpétuellement vivre dans la méfiance et la vigilance, le travail qui devrait être épanouissement va trop en souffrir. La Concorde doit enfin régner, sous peine de voir le chantier retomber dans les errements du passé.

Le 15e grade n’évoque pas un instant une quelconque solution à cette question revêtant ici la

forme d’un drame humain. La Lumière viendra plus tard, comme si l’on sentait d’autres combats très proches.

Et c’est ainsi que le grade de Chevalier d’Orient (et de l’Épée) annonce celui de Chevalier

Rose-Croix. Ce fait, la possibilité d’espérer une solution possible, justifierait à lui seul l’attention que

l’on peut et doit porter à ce degré. Les Anciens l’avaient placé comme l’inaugurateur d’une Maçonnerie renouvelée. Faisons tout pour creuser cette voie et éclairer le sens de cette démarche en forme d’espoir.

6 – Une pratique éventuelle. Alors, pourquoi le pratiquer ? Comment le faire ? Faut-il même y consacrer temps et

travail ? Peut-on se permettre de l’ignorer ? Faut-il lui faire perdre son statut de degré donné par communication ? Mais n’avons-nous pas promis d’étudier tous les grades ?

Ces questions appellent une seule réponse positive : les Loges de Perfection ont été

réinstallées pour combler l’immense vide séparant le grade de Maître de celui de Rose-Croix, pour les Maçons qui voulaient s’engager dans la voie des Hauts Grades, bien sûr.

Le 4e, Maître Secret, remis le premier en fonction, a considérablement consolidé celui de

Maître. Puis le chantier a été rétabli dans son ordre, les assassins ont été (mal) punis, la construction a été enfin achevée

Mais cela ne suffisait pas, et le Maçon fut obligé de regarder en lui-même. L’étape suivante

fut d’affronter les autres pour rencontre l’Autre, son égal dans tous les cas, son Frère peut-être. La tâche fut rude, image de l’éternel thème de l’épreuve à surmonter, et le Maçon devra

pratiquer toutes les vertus que l’on attribue au Chevalier pour triompher. Triompher, mais de quoi et jusqu’à quand ? Chaque Chapitre est libre d’organiser son travail comme il veut, mais a cependant le devoir

de tout faire pour éclairer le parcours initiatique de chacun. Il faut entreprendre ce qui est possible pour aider chaque Maçon à aller au-delà de la façade

chrétienne du 18e grade. C’est le devoir de chaque Maçon de séculariser à sa mesure les rituels. Et il trouvera pour cela la compréhension de tous et de chacun, ne serait-ce que par les initiatives prises dans diverses Vallées.

7 – En guise de conclusion.

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Certes, il est toujours possible d’aborder le grade de Rose-Croix sans connaître celui de

Chevalier d’Orient. Mais est-ce souhaitable pour bien comprendre le 18e degré, en tirer sa véritable substance afin de poursuivre la route, le cheminement initiatique ?

Telle est la question posée. Tout comme les strictes lectures et mises en scène de rituels anciens ne peuvent suffire, il

faut saisir, assimiler ce qui se passe à chaque instant et en nourrir notre tradition. Ne pas ignorer l’osmose entre l’Ordre et les temps présents pour pouvoir interroger – sinon connaître – le futur.

Finalement, tout nous ramène à la marche à reculons du Compagnon, pénétrant dans

l’obscurité de la Chambre du Milieu, les yeux fixés sur une étoile qui va disparaître mais qui brille encore de mille feux.

Jean-Pierre DONZAC