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Naissance de l'Europe de l'armement page 1
CIRPES
Cahier n° 24
Naissance de l’Europe de l’armement
Jean-Paul Hébert
Avec Yves BELANGER et Peter LOCK
2000
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 2
"Que l'Europe soit la bienvenue"
Victor Hugo, "Paris", in Politique, Collection Bouquins, page 35.
Nos remerciements à la DAS, à la Maison des sciences de l'homme
et au CIRPES qui, par leur soutien, ont permis cette recherche et cetet
publication.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 3
SOMMAIRE :
Introduction :
Chapitre 1 :
Les restructurations majeures de l'industrie d'armement en Europe
en 1999
Chapitre 2 :
Aléas des programmes d'armement en coopération
Chapitre 3 :
L'évolution des relations transatlantiques entre systèmes de
production d'armement
Conclusion :
L'Europe est la prochaine étape… Mais le lancement de cette étape
est provisoirement retardé.
Annexes:
L'industrie des munitions : Vers la mondialisation ? (Yves Bélanger)
Les principaux acteurs de l'industrie des munitions, dynamique et
stratégies (Yves Bélanger)
Rheinmetall : un paradigme de la restructuration du secteur de la
défense en Allemagne (Peter Lock)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 4
INTRODUCTION
La formidable accélération des restructurations des industries
d'armement européennes en 1999, scandée notamment par la naissance de
BAe Systems en janvier et de EADS en octobre, permet de considérer que
la constitution d'une Europe de l'armement, longtemps désirée, devient une
réalité. Cette Europe de l'armement est pour l'instant une Europe de
l'industrie d'armement. Le mouvement d'européanisation est, pour un temps
encore, plus industriel que politique. Cette européanisation ne concerne pas
tous les pays de l'Union européenne, mais essentiellement les six pays de la
LoI (Letter of Intent).1 Néanmoins la naissance des groupes numéros 3 et 4
mondiaux de l'aéronautique et de la défense est bien un bouleversement
dans l'organisation des systèmes de production d'armement nationaux,
européens et internationaux. Les autorités américaines ne s'y sont pas
trompées, qui ont infléchi leur tactique en conséquence en ce qui concerne
les alliances transatlantiques, accentuant un discours qui leur est propre sur
les dangers d'une "forteresse Europe" et relançant un certain nombre
d'initiatives pour faire monter les enchères dans la concurrence que se
livrent les deux systèmes de production. C'est l'ensemble de cette évolution
que présente ce cahier d'études stratégiques qui s'inscrit dans la lignée des
livraisons précédentes.2
1 Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Suède.2 Voir Jean-Paul Hébert (dir.), Etats et firmes d'armement en Europe, Cahier d'études stratégiques, N°22,, Paris, 1998.Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries d'armement américaines : modèle ou menace?, Cahier d'études stratégiques, N°23, Paris, 1999.Jean-Paul Hébert, Tribulations économiques de l'armement européen, Cahier d'études stratégiques, N°24, Paris, 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 5
Le premier chapitre, "1999, l'année zéro de l'européanisation de
l'industrie d'armement", analyse les principales restructurations
intervenues, mais aussi celles qui touchent les entreprises de second rang,
ainsi que les projets et alliances en préparation ou prévisibles. Il fait
également le point sur les alliances industrielles dans les zones hors LoI.
Le deuxième chapitre, "Aléas des programmes en coopération", fait
la synthèse de l'évolution en 1999 des programmes en coopération et
analyse la transformation en cours de la coopération, dont les formes les
plus anciennes sont celles qui seront le plus rapidement rendues obsolètes
par l'accélération de l'européanisation.
Le troisième chapitre est consacré à "l'évolution des relations
transatlantiques entre systèmes de production d'armement" et prolonge les
analyses faites antérieurement sur ce point à la lumière des modifications
substantielles de l'année 1999.
On a complété cette analyse d'ensemble par une attention
particulière portée au secteur de l'industrie d'armement terrestre, le moins
en vue dans ce mouvement d'européanisation. Yves Bélanger3 présente une
synthèse de l'évolution et des rapports de force dans l'industrie des
munitions, et Peter Lock4 montre en quoi l'évolution industrielle du groupe
allemand Rheinmetall peut être considérée comme un processus
archétypique dans l'évolution actuelle de l'industrie allemande d'armement.
Il paraît d'autant plus justifié de porter ce regard particulier sur l'industrie
d'armement terrestre que, bien qu'elle ne soit pas à la pointe du mouvement 3 Yves Bélanger est professeur et directeur du Groupe de recherche sur la reconversion industrielle à l'université du Québec à Montréal (UQAM).4 Peter Lock : European Association for Research on Transformation.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 6
de restructuration, elle constitue un secteur qui pourrait bien se révéler être
un des objets privilégiés des tentatives d'alliances transatlantiques à venir.
*************************************************
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 7
1. 1999 : L'ANNÉE ZÉRO DE L'EUROPÉANISATION DE
L'INDUSTRIE D'ARMEMENT
On soulignait en 1998 que les décisions françaises majeures en
matière d'industrie d'armement, qu'ont constitué l'entrée du groupe Alcatel
dans le capital de Thomson avec l'aide du groupe Dassault, apportant
Dassault Electronique au nouvel ensemble, et le rapprochement
d'Aérospatiale et de Matra Hautes Technologies, ouvraient la voie à une
étape nouvelle dans l'européanisation de l'industrie d'armement et que, de
ce point de vue, certains débats entretenus sur la présence de l'Etat français
au capital des entreprises étaient susceptibles d'être assez vite dépassés,
d'autant que les perspectives de fusion entre le groupe britannique British
Aerospace et l'Allemand Dasa n'étaient pas nécessairement aussi
facilement réalisables que certains articles de presse l'annonçaient, ce que
la suite a démontré.
Incontestablement, cette mise en mouvement fondamentale des
entreprises françaises a entraîné une accélération du processus de fusions et
rapprochements qui était observable dans l'industrie européenne
d'armement depuis la fin des années quatre-vingt, avec des rythmes et des
volumes plus chaotiques, et l'année 1999 peut être considérée comme
l'année fondatrice dans ce domaine puisque, en particulier dans l'ensemble
aéronautique-espace-missiles, des rapprochements décisifs se sont opérés.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 8
Ces restructurations majeures ne doivent pas faire oublier que
d'autres restructurations, de moindre ampleur financière, ont commencé
à se faire au plan européen, spécialement dans les domaines de l'armement
terrestre et naval, et que, dans ces domaines mais aussi dans l'électronique,
des projets se dessinent, appuyés sur les modifications de structures d'un
certain nombre de firmes cherchant à se présenter en position plus
favorables pour des alliances européennes. On soulignera enfin que les
alliances hors Union européenne que commencent à nouer les firmes des
principaux pays européens sont un élément constitutif et sans doute décisif
pour l'avenir de la compétition entre industries américaine et européenne.
1.1 LES RESTRUCTURATIONS MAJEURES DE L'INDUSTRIE
D'ARMEMENT EN EUROPE EN 1999
Certaines de ces fusions procèdent de décisions déjà mises en
oeuvre ou annoncées en 1998 (Thyssen-Krupp, Westland-Agusta), mais
d'autres sont des événements nouveaux (BAe-GEC, EADS) et ceux-ci ne se
limitent pas à ces deux fusions majeures mais concernent également les
activités spatiales et la production de missiles.
1.1.1 LA CONCRÉTISATION DES DÉCISIONS DE 1998
Le rapprochement des deux groupes Thyssen et Krupp devant donner
naissance à un ensemble de 240 milliards de francs de chiffre d'affaires et
de 190 000 personnes 5 a été présenté en début d'année 1998.6 Il est devenu
5 Le Monde, 7 novembre 1997.6 Le Monde, 8/9 février 1998.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 9
opérationnel juridiquement le 1er mars 1999. 7 On doit noter que cette
opération majeure pour l'industrie allemande a été concrétisée en un délai
très court, au moins à l'échelle de ce qui se produisait jusque-là pour les
regroupements européens plus difficiles à mettre en œuvre que les fusions
de firmes américaines. Si la conjoncture difficile du marché de l'acier a
entraîné des contractions d'effectifs, puisque le groupe démarre avec 172
222 personnes,8 le nouvel ensemble constitue néanmoins le cinquième
groupe industriel allemand et le deuxième sidérurgiste européen après
Usinor. L'implication de Thyssen Krupp AG dans la production
d'armement est surtout significative dans les chantiers navals (Thyssen
Nordseewerke GmbH contrôlé à 100 %, Blohm & Voss contrôlé à 86.6 %,
Lisnave contrôlé à 20 %), mais précisément cette fusion ainsi que les
réorganisations qui vont s'ensuivre, étant donné les difficultés actuelles du
marché de l'acier, devraient conduire à des transformations importantes,
comme on le verra ci-après.
Agusta et Westland étaient également engagés dans un processus de
rapprochement négocié par leurs maisons mères respectives, Finmeccanica
et GKN, la fusion des deux filiales d'hélicoptères formant un groupe qui,
avec 4,5 milliards de francs de chiffre d'affaires, se situerait à la 4e place
mondiale, après Eurocopter, Sikorsky et Bell, mais avant Boeing. les deux
sociétés avaient déjà créé une coentreprise pour l'hélicoptère EH-101.9 Ces
négociations ont également abouti en un temps assez réduit puisque c'est
début mars 1999 que les deux groupes ont finalisé leur accord pour la
création d'une entreprise conjointe qui réunira les personnels d'Agusta (5
200 salariés) et de Westland (4 400 salariés). Outre l'hélicoptère EH-101, la
7 Les Echos, 15/16 janvier 1999.8 Ibidem, les deux tiers venant de Thyssen.9 Les Echos, 16 mars 1998. Le EH-101 a déjà été commandé par la Royal Navy, la Royal Air Force, et les marines de guerre italienne et canadienne.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 10
nouvelle société intégrera les activités de transmission de puissance de
GKN Westland Aerospace, la participation de GKN dans Atil (coentreprise
avec Boeing pour la formation des personnels britanniques sur l'hélicoptère
Apache), ainsi que la participation d'Agusta (30 %) dans le programme
d'hélicoptère européen NH90.10
Dans les deux cas, on doit noter le phénomène nouveau que
constitue la rapidité de mise en œuvre de ces rapprochements qui sont des
opérations industrielles de grande ampleur. La période des négociations
étirées, voire dilatoires, est terminée. L'urgence de la réorganisation
économique - en conséquence des transformations majeures du système
américain de production d'armement, mais aussi en conséquence du
mouvement beaucoup plus global de fusion des firmes dans l'ensemble de
l'activité économique - comme de la transformation des marchés est
devenue une donnée déterminante des décisions industrielles et ce qui était
amorcé avec les deux fusions que nous venons de rappeler s'est manifesté
encore plus nettement dans le bouleversement du paysage de l'aéronautique
européenne en 1999.
1.1.2 LE PAYSAGE NOUVEAU DE L'AÉRONAUTIQUE
EUROPÉENNE
Deux dates encadrent l'émergence de ce paysage nouveau : 19
janvier et 14 octobre.
C'est le 19 janvier 1999 que British Aerospace et GEC-Marconi
annoncent la reprise par British Aerospace de l'électronique de défense de
GEC-Marconi (filialisée dans Marconi Electronics Systems).11 Cette 10 Les Echos, 19/20 mars 1999. Les autres participations sont celles de la France (32 %), de l'Allemagne (32 %) et des Pays-Bas (6 %). On trouvera également une présentation dans Air & Cosmos, du 26 mars 1999.11 Le Monde, 21 janvier 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 11
annonce est dans la suite logique de la décision prise quelques semaines
auparavant par GEC de séparer ses activités défense et ses activités
civiles.12 Mais du même coup elle clôt brutalement les négociations
entamées depuis plusieurs mois par British Aerospace avec le groupe
allemand Dasa et dont la conclusion avait été annoncée plusieurs fois
comme imminente par les organes spécialisés. Cette rupture ne sera pas
sans conséquences pour la suite des réorganisations européennes. En l'état,
cette fusion qui, avec un montant de 12,7 milliards de dollars, est la
deuxième plus importante de toutes les fusions du secteur aéronautique-
défense, après la reprise de MacDonnell Douglas par Boeing en 1997 (13,3
milliards de dollars13) crée un groupe de 100 000 salariés employés dans
neuf pays (dont 70 000 en Grande-Bretagne, 16 700 aux Etats-Unis, 6 800
en Suède et 5 400 en Arabie saoudite)14, qui sera le troisième groupe
mondial en matière de construction aéronautique mais le deuxième groupe
en matière de production d'armement (avec un chiffre d'affaires dans ce
domaine plus élevé que celui de Boeing)15 :
(année 1998) Chiffre d'affaires
total en $
Chiffre d'affaires
défense en $
Lockheed Martin 28,07 18,5
British Aerospace +
Marconi
20,57 16,93
Boeing 45,8 13,78
12 Les Echos, 23 décembre 1998.13 La reprise de Martin-Marietta par Lockheed en 1995 ne pesait "que" 9 milliards de dollars, celle de Loral par Lockheed-Martin en 1996 ou la fusion Raytheon-Hughes en 1997 ne représentaient "que" 9,5 milliards de dollars.14 AFP,, 30 novembre 1999.15 Source : Air & Cosmos, 22 janvier 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 12
Northrop Grumman 9,15 8,2
Raytheon 13,7 6,27
Thomson-CSF 6,58 4,18
Aérospatiale-Matra 14,85 4,16
TRW 10,83 3,8
General Dynamics 4,06 3,65
United Technologies 24,51 3,31
Litton industries 4,21 2,92
Dasa 8,54 2,73
La constitution de "New BAe" - rebaptisé BAe Systems en fin
d'année16 - est un phénomène ambivalent : d'une part elle fait naître un
groupe de taille à rivaliser, en ce qui concerne la production militaire, avec
les géants américains : BAe Systems serait ainsi le sixième fournisseur du
Pentagone dans l'électronique de défense17 et le groupe réalise un
cinquième de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis. Mais par ailleurs, le
nouveau groupe est très spécialisé dans la production militaire (plus de 80
% de son chiffre d'affaires), ce qui n'est pas nécessairement la meilleure
manière de faire face aux aléas des cycles de production, particulièrement
marqués dans l'aéronautique. De plus, cette fusion, qui apparaît comme une
démarche "nationale", ne simplifie pas les relations avec les autres groupes
européens, inquiets de la puissance nouvelle de British Aerospace et
froissés - en ce qui concerne Dasa - par la rupture sans précaution des
négociations. De surcroît, les réactions financières à l'opération sont
mitigées, les analystes estimant trop élevé le prix payé par British
Aerospace pour cette opération. Il est notoire que le gouvernement 16 AFP,, 30 novembre 1999.17 GEC avait repris L'Américain Tracor en 1998. D'autres Sources donnent British Aerospace comme quatrième fournisseur global du Pentagone (Les Echos, 12 octobre 1999).
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 13
britannique n'était pas favorable à ce regroupement national et souhaitait
une solution plus européenne. Il semble même, d'après les informations
publiées, que le président de British Aerospace ne souhaitait pas au départ
une telle issue. Mais les propositions du groupe français Thomson, pourtant
plus complémentaires en termes d'activités, donc plus susceptibles
d'entraîner des réductions de coûts, n'ont pas été retenues. Le groupe
français ne voulait pas aller au-delà de 6 milliards de livres, alors que
British Aerospace est monté à 7,7.
L'inquiétude de voir Marconi passer sous contrôle américain, dans
une période où les groupes d’outre-Atlantique ont clairement manifesté
leur intention de s'implanter, chaque fois que cela sera possible, sur le
vieux continent, a poussé à une décision rapide, comme le souligne John
Weston, directeur général de British Aerospace :
C'est aussi la crainte de voir son principal fournisseur passer
sous tutelle américaine qui a conduit l'avionneur britannique à
accepter la valorisation de Marconi. /../ D'autant plus que nous ne
pouvions pas prendre le risque de voir Marconi, devenu américain,
venir concurrencer les industriels européens sur leur propre
terrain18.
Cette fusion est également une première modification fondamentale
dans les rapports entre firmes américaines et firmes européennes, et va
contribuer au changement de perspective américaine quant aux relations
transatlantiques qu'on observe en fin d'année 1999. En outre, les autorités
américaines ne sont pas démunies de moyens de pression et font attendre
leur autorisation à la fusion, qui, au 1er novembre 1999, n'était toujours pas
donnée, le Département de la justice américain demandant plus de
garanties que ne l'ont fait ses homologues britanniques quant à la "muraille
de Chine" qui doit exister entre les propositions déposées par British 18 Air & Cosmos, 22 janvier 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 14
Aerospace et par GEC sur différents programmes.19 Il est vrai que les
autorités américaines utilisent aussi ce moyen pour influencer la décision
britannique en faveur du missile air-air BVRAAM de Raytheon contre la
proposition du consortium européen Meteor.20 De son côté, British
Aerospace s'estime mieux placé que ses concurrents européens pour entrer
sur le marché américain, l'importance de son opération ayant fait de lui, à
ce moment, le premier groupe européen du secteur
Ce regroupement britannique ne tarde pas à accélérer le mouvement
européen puisque le 11 juin21 DaimlerChrysler Aerospace AG (Dasa) et le
groupe d'aéronautique espagnol Casa annoncent qu'ils ont décidé de
fusionner leurs actifs, ce qui constitue la première création d'une société
transnationale en Europe dans ce secteur, si l'on prend en compte que
Eurocopter est une alliance limitée à une activité précise. La nouvelle
société sera détenue à 86,5 - 89 % par Dasa, les participations dans Airbus
et Eurofighter restant à l'écart, et le chiffre d'affaires devrait s'établir à 9,9
milliards d'euros avec 53 000 salariés.22 La participation dans Casa,
consécutive à la décision du gouvernement espagnol de privatiser le
groupe, était convoitée : tous les groupes européens y avaient, chacun à sa
manière, intérêt : British Aerospace pour conforter sa première place en
Europe, Aérospatiale-Matra pour prendre pied dans le programme
Eurofighter, Dasa pour contrer British Aerospace dont le choix de
reprendre l’activité défense de GEC plutôt que de mener jusqu’au bout
l’alliance en discussion entre les deux groupes est resté une pomme de
discorde, Alenia pour accroître un chiffre d’affaires qui reste fort éloigné
de celui des trois premiers européens. De plus, chacun d’eux voyait là
19 Les Echos, 12 octobre 1999.20 Rejoint ultérieurement par Boeing, Voir la partie sur "les relations transatlantiques".21 Voir AFP, 11 juin 1999.22 Le Figaro, 14 juin 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 15
également une façon d’augmenter sa part dans Airbus (dont Casa détient
4,2 %) ou d’y entrer (dans le cas d’Alenia). Aérospatiale-Matra avait bien
fait une proposition qui aurait consisté à prendre 30 % du capital de Casa
contre une entrée de celui-ci à hauteur de 10 % dans le groupe français, 23
mais ceci n'a pas été suffisant. Ceux qui pensaient que, étant donné ce
qu'est l’importance de leurs activités aéronautiques, BAe-Marconi ou
Aérospatiale-Matra étaient mieux placés que Dasa, ont sans doute sous-
estimé le fait que Dasa est partie intégrante du groupe géant Daimler-
Chrysler (devenu en 1998 le premier groupe industriel mondial24) et que
Daimler-Chrysler avaient des capacités de propositions industrielles qui
étaient loin de se limiter à l’aéronautique, ce qui n'a pas peu pesé dans la
décision espagnole. Ce dernier élément souligne une des caractéristiques
nouvelles de l'industrie d'armement : c'est qu'elle peut de moins en moins
être analysée en termes stricts de production d'armement, mais qu'elle doit
au contraire être prise dans l'ensemble de ses caractéristiques industrielles,
non seulement à cause du développement des activités duales, mais aussi
parce que les groupes spécialisés dans la production militaire sont de moins
en moins fréquents et que, au contraire, c'est de plus en plus souvent à
l'intérieur de conglomérats aux activités diversifiées que se réalise la
production d'armement.
Le 14 octobre à Strasbourg25 l'accord pour la création d'EADS
(Société européenne d'aéronautique de défense et spatiale26) par fusion
d'Aérospatiale-Matra et de DaimlerChrysler Aerospace (Dasa) est signé 23 Correspondance économique, 4 juin 1999.24 Selon le classement du magazine Industry Week du 1er juin 1999. Toutefois, les chiffres de ce magazine ne correspondent pas toujours aux estimations des firmes. Pour 1998, Industry Week crédite DaimlerChrysler de 154,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit 0,5 milliard de dollars de plus que General Motors, qui de son côté situe son chiffre d'affaires 1998 à 161,3 milliards de dollars. [AFP, 1er juin 1999].25 Voir Air & Cosmos, 22 octobre 1999.26 European Aeronautic Defense and Space Company.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 16
avec un protocole qui en souligne l'importance politique (présence du
chancelier allemand et du Premier ministre français). L'accord marque la
fin d'une période troublée des relations franco-allemandes en matière de
coopération d'armement.27 Il fait naître le troisième groupe mondial de
l'aéronautique (20 milliards de dollars de chiffre d'affaires total), derrière
bien sûr Boeing (56 milliards de dollars de chiffre d'affaires) et Lockheed-
Martin (26 milliards de dollars de chiffre d'affaires) mais devant BAe-
Marconi (19 milliards de dollars) et Raytheon-Hughes (18,5 milliards de
dollars). La gamme d'activités de EADS (89 000 employés) est plus variée
que celle de BAe Systems puisqu'elle se répartit ainsi : 41 % dans Airbus, 9
% dans Eurocopter, 14 % dans l'espace, 11 % dans les missiles, 5 % dans
l'électronique de défense, 8 % dans les avions militaires, 4 % dans les
télécommunications, 8 % en productions diverses.28
La structure du nouveau groupe laisse 40 % du capital en Bourse
(Paris, Francfort, Amsterdam) et 60 % pour un holding29 qui sera détenu
conjointement par DaimlerChrysler et par un holding français dans lequel
l'Etat détiendra la moitié des parts. Cette présence de l'Etat dans les
actionnaires est un compromis entre les points de vue français et allemand
puisque ces derniers acceptent la présence d'un investisseur non privé, mais
que l'Etat français accepte de voir sa part dans l'ensemble réduite à 15 % (la
moitié du holding qui détient la moitié d'un autre holding qui contrôle 60 %
du capital).
La place mondiale d'EADS (au premier rang pour les hélicoptères et
les lanceurs spatiaux, au deuxième pour les avions civils, au quatrième
pour les avions de combat) s'adjoint à la création de BAe Systems pour
27 Voir Jean-Paul Hébert, "La coopération franco-allemande en matière d'armement : le passage difficile de la dualité à la pluralité" in Yves Boyer (dir.), Allemagne(s) : certitudes et incertitudes de la politique de sécurité, Ellipses, Paris, 1999, 176 pages, (pages 121-134).28 Revue aérospatiale, décembre 1999.29 Cotée aux Pays-Bas.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 17
modifier radicalement les rapports de force entre industries européenne et
américaine, même si le communiqué du Pentagone s'est prudemment gardé
de manifester quelque inquiétude que ce soit en se bornant au rappel
général d'une position de principe :
Nous restons favorables à une évolution vers un modèle
transatlantique concurrentiel des industries de défense caractérisé
par des liaisons multiples entre industriels30.
Ce processus apparaît enfin comme concentrant en une seule trajectoire
les caractéristiques nouvelles relevées quant aux opérations précédemment
analysées :
- rapidité de la mise en œuvre (impliquant l'acceptation de compromis
importants),
- réalisation d'une alliance transfrontière,
- importance du volume économique de l'opération.
Cette fusion ne couvre pas l'ensemble du champ des productions
aéronautiques puisque le motoriste MTU n'est pas inclus dans le périmètre
et sera remonté au niveau de DaimlerChrysler31.
Surtout, elle laisse de côté l'électronique de défense qui pourrait être
réorganisée à son tour, comme le laissent penser l'intention prêtée à
Aérospatiale-Matra d'entamer des discussions à ce sujet avec Thomson-
CSF 32 ou le fait qu'on évoque la possibilité que Dasa cède son électronique
de défense au groupe français. 33
Dans le sillage de cet accord fondamental, en quelques jours, des
accords importants ont été signés concernant les activités spatiales et la
production de missiles.
30 Voir Air & Cosmos, 22 octobre 1999.31 Voir infra la question des motoristes européens.32 La Lettre de l'expansion, 25 octobre 1999.33 AFP, 22 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 18
Astrium est la société nouvelle dont Aérospatiale-Matra, Dasa et
Marconi Electronics Systems (filiale British Aerospace) ont annoncé la
naissance le 18 octobre. Elle sera contrôlée à 75 % par EADS et à 25 %
par British Aerospace. Il est prévu qu'elle soit rejointe par l'Italien Alenia
Spazio. Sur ce dernier point les négociations n'étaient pas conclues à la fin
de l'année 1999, puisque Finmeccanica (qui contrôle Alenia Spazio) a
annoncé à la fin du mois de novembre qu'il repoussait à l'an 2000 son
entrée dans Astrium, étant en désaccord avec les propositions de ses
partenaires qui ne consentent à lui accorder que 20 % du nouvel ensemble
alors que l'Italien estime sa part à 25 % ;34 toutefois ce retard annoncé paraît
bien faire partie d'une négociation plus globale de Finmeccanica entre les
propositions concurrentes d'alliances de BAe Systems d'une part et d'EADS
d'autre part. Tel quel, l'ensemble représente 8 000 employés et 2,25
milliards d'euros de chiffre d'affaires (14,7 milliards de francs)35. Cette
fusion de Matra-Marconi Space et des activités spatiales de Dasa donne
naissance au quatrième groupe mondial dans le spatial derrière Lockheed-
Martin, Boeing et Hughes. Mais, elle n'inclut pas la division lanceurs
stratégiques et spatiaux d'Aérospatiale.36 Elle devra cependant passer
l'obstacle des autorités européennes puisque la commission de Bruxelles a
lancé en décembre 1999 une enquête approfondie contre Astrium, mettant
en avant sa crainte d'une position dominante sur le marché des satellites
d'observation et scientifiques les systèmes spatiaux et les lanceurs.37
De même, les regroupements déjà existants dans le domaine des
missiles (Alenia Marconi System et Matra BAe Dynamics) ont pris une
dimension encore plus significative puisque, le 20 octobre 1999,
Aérospatiale-Matra, British Aerospace et Finmeccanica ont annoncé la
34 TTU, 29 novembre 1999.35 Le Monde, 20 octobre 1999.36 Air & Cosmos, 22 octobre 1999.37 La Tribune, 7 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 19
fusion de leurs activités dans le secteur.38 Certaines précautions sont prises
pour maintenir des conditions de concurrence : Alenia Marconi System
conserverait en direct son activité "autodirecteurs" (radars intégrés aux
missiles) pour éviter une intégration verticale. En revanche, les activités
missiles d'Aérospatiale restées indépendantes de Matra BAe Dynamics
seront intégrées et LFK, la filiale missiles de Dasa, dont Matra BAe
Dynamics est devenu actionnaire à 30 % en 1998, devrait fusionner à son
tour avec MBD d'ici le printemps 2000. L'ensemble représentera 2.5
milliards d'euros de chiffre d'affaires avec 10 000 employés, au deuxième
rang mondial derrière l'Américain Raytheon (4 milliards d'euros de chiffre
d'affaires), mais devant Lockheed-Martin (2 milliards d'euros de chiffre
d'affaires) ou Boeing (1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires). La société
sera contrôlée par Aérospatiale-Matra (37,5 %), British Aerospace (37,5
%) et Finmeccanica (25 %).39
Finalement, on mesure les avancées considérables de
l'européanisation industrielle de l'armement dans l'année 1999 avec dans
l'aéronautique la naissance d'EADS et de BAe Systems (numéros 3 et 4
mondiaux du secteur), dans le domaine des missiles la société commune
européenne au deuxième rang mondial, et dans les activités spatiales,
Astrium au quatrième rang mondial, en attendant de grossir des activités de
Finmeccanica.
Tous les chantiers de transformation ne sont pas achevés pour autant
puisqu'il reste à régler la question des structures d'Airbus (transformation
du consortium en société anonyme, entrée de Finmeccanica), de
l'éventuelle restructuration d'Arianespace (avec en particulier l'avenir de la
participation du CNES (1er actionnaire 32,45 %), sans parler des situations
38 La Tribune, 21 octobre 1999.39 Le Figaro, 22 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 20
sectorielles dans l'électronique de défense (négociations d'EADS avec
Thomson-CSF pour des rapprochements, éventuelle acquisition par ce
dernier de l'électronique de défense du Britannique Racal) ou chez les
motoristes : la Snecma s'intéresse à la situation de ses concurrents
européens, qu'il s'agisse de Volvo et de Fiat Avio, ou de l'Allemand MTU
qui, sorti du périmètre de Dasa, pourrait être cédé par DaimlerChrysler.40
1.2 AUTRES RESTRUCTURATIONS DE L'INDUSTRIE
EUROPÉENNE DE L'ARMEMENT
Les événements majeurs qui ont bouleversé le paysage européen de
l'armement en 1999 ne doivent pas faire oublier qu'un certain nombre
d'autres transformations sont en cours, qu'il s'agisse de la continuation des
processus de privatisation, particulièrement en Espagne et en Italie mais
aussi en Suède, ou des regroupements et alliances dans les secteurs plus
traditionnels et jusque-là moins mobiles que sont les productions
d'armement terrestres et navales. Dans ces deux secteurs les évolutions
concernent plutôt des firmes européennes, les producteurs français étant
plutôt en retrait. En revanche un certain nombre de restructurations
franco-françaises modifient la situation des équipementiers de manière
notable.
1.2.1 CONTINUATION DU MOUVEMENT DE PRIVATISATION
En Italie, on sait que l'IRI (Istituto per la Ricostruzione Industriale)
qui fut depuis l'époque de Mussolini le bras armé de l'Etat dans l'industrie
devra céder l'une après l'autre les participations qui lui restent pour
40 Ibidem.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 21
s'acheminer vers sa liquidation en juin 2000.41 Conformément à ces projets
de désengagement, le gouvernement prépare, en particulier, pour la fin du
premier semestre 2000 la privatisation du sous-groupe Finmeccanica (qui
comprend entre autres dans le domaine de l'armement Agusta, Alenia
Spazio, Alenia Difesa).42 La part de l'Etat italien descendra entre 30 et 50 %
du capital, mais l'Etat gardera une "golden share" lui donnant un droit de
veto sur certaines décisions fondamentales (fusion, absorption,
changement de statut, etc.). Entre-temps, l'Etat italien aura renforcé le
poids économique de Finmeccanica en lui transférant, par l'intermédiaire
de la société MEI (Microeletronicca Italiana), les parts qu'il détient dans
STMicroelectronics (ex SGS-Thomson), à parité avec les investisseurs
institutionnels français. Pour Finmeccanica, ce changement de statut va
évidemment de pair avec l'ensemble des stratégies d'alliances que le groupe
italien devra affiner dans un futur proche : la fusion de ses activités
d'électronique avec celles de GEC (GEC-Marconi et Alenia Difesa dans
AMS, Alenia Marconi System) est touchée de plein fouet par la reprise de
Marconi par British Aerospace. De plus l'Italien avait également des liens
avec Thomson-CSF. La fusion britannique lui laisse la possibilité de
maintenir ou pas ses actifs dans le nouveau regroupement. Le choix ici
consiste à aller plus loin dans l'alliance britannique ou à reprendre ses actifs
pour tenter de les valoriser de manière plus intéressante dans une alliance -
à définir - avec le groupe français d'électronique, lui-même désireux
d'élargir son périmètre.
En Espagne, la privatisation de l'électronicien de défense Indra (517
millions d'euros de chiffre d'affaires en 1998) se fait par une mise en vente
41 Le Monde, 3 décembre 1999.42 Voir La Tribune, 15 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 22
par le gouvernement des 66 % du capital de l'entreprise qui lui restaient. 43
Mais cette décision ne change pas fondamentalement les rapports de force
industriels : Thomson-CSF avec 10,5 % du capital reste l'actionnaire
industriel de référence, aux côtés de Caja Madrid (10,5 %) et de Banco
Zaragozano (4 %). L'Etat espagnol, qui s'est déjà désengagé de Santa
Barbara (armement terrestre) et a lancé la firme d'aéronautique Casa dans
le jeu des alliances européennes, devra encore dans l'avenir se préoccuper
du statut du constructeur naval Bazan, dernière entité de l'armement
espagnol encore du domaine public.
En Suède, Saab, dont le capital est détenu à 35 % par BAe Systems
et à 20 % par Investor - holding financier du groupe Wallenberg
actionnaire historique du groupe -, a offert en novembre 1999 de racheter
son compatriote Celsius pour 580 millions d'euros. Celsius a déjà apporté
un mois auparavant ses activités sous-marins (Kockums Naval Systems) au
groupe allemand HDW44 et, en septembre, avait signé un accord pour
fusionner ses filiales Aerotech, Metech et Test Systems avec les activités
de défense du Finlandais TietoEnator. Saab, avec un chiffre d'affaires de
957 millions d'euros dont 530 dans la défense, est sensiblement plus petit
que son compatriote qui a réalisé en 1998 un chiffre d'affaires de 1 658
millions d'euros dont 1 103 dans la défense, mais cette restructuration va
renforcer un pôle scandinave qui entend défendre sa place dans le
mouvement d'européanisation en cours.45
En Grande-Bretagne, le gouvernement a décidé de procéder à la
privatisation du contrôle aérien ATCS (National Air Trafic Control
43 Air & Cosmos, 12 mars 1999.44 Voir infra : "Les restructurations réalisées dans l'armement naval européen".45 Air & Cosmos, 19 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 23
Service). Des propositions ont été faites par le groupe GEC, amis aussi par
le groupe français Thomson-CSF. L'opération pourrait se monter à 1
milliard de livres. Mais le délai de décision n'est pas encore déterminé.46
1.2.2 LES RESTRUCTURATIONS RÉALISÉES DANS
L'ARMEMENT TERRESTRE EUROPÉEN
Si les alliances et restructurations dans l'armement terrestre réalisées
en 1999 sont moins décisives que celles du secteur aéronautique, elles n'en
constituent pas moins une première série de mouvements dans un secteur
qui n'a commencé que plus tardivement que d'autres à mettre en œuvre des
alliances et des accords. On remarque que les changements se sont
principalement faits autour des firmes allemande Rheinmetall et
britannique Vickers, alors que le groupe français GIAT Industries est
resté plutôt en retrait.
Rheinmetall Group (27,5 milliards de francs de chiffre d'affaires en
1998 dont un tiers dans l'armement, 33 000 salariés) a procédé à des
opérations importantes : ll est d'abord monté à 51 % dans STN Atlas
Elektronik47 (codétenu à 49 % par British Aerospace) en rachetant les 26 %
de Energie Bade-Wurtemberg qui était le troisième partenaire de rachat en
1997 de cette filiale de Bremer Vulkan. STN Atlas Elektronik a réalisé en
1998 un chiffre d'affaires de 5,4 milliards de francs (dont 70 % dans la
défense) et constitue un des éléments de la recomposition à venir des
équipementiers en Europe.
Mais surtout Rheinmetall s'est lancé à son tour dans les alliances
transfrontières en rachetant au groupe suisse Oerlikon Bührle sa filiale
46 Les Echos, 2 février 1999.47 Air & Cosmos, 5 février 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 24
Oerlikon Contraves48 (systèmes antiaériens, canons, missiles, 2 milliards
de francs de chiffre d'affaires en 1998, 2 100 employés). Le groupe suisse a
en effet entrepris de se recentrer sur ses métiers principaux et cherche à se
désengager des activités dans lesquelles il n'a pas une taille suffisante pour
faire face aux nouvelles conditions des marchés. Il est ainsi vendeur de sa
filiale d'avions légers Pilatus. Pour Rheinmetall, l'acquisition de Oerlikon
Contraves va permettre un élargissement de sa gamme de produits, avec
des matériels bénéficiant d'une bonne renommée.
Cela permet aussi au groupe allemand de se positionner de manière
plus favorable en termes de taille dans la lutte pour les regroupements
européens dans l'armement terrestre qui est en train de se mettre en place,
comme le montre son intention de reprendre des négociations avec British
Aerospace pour l'éventuelle reprise de Royal Ordnance (4 000 salariés).49
Des discussions ont déjà eu lieu entre les deux groupes au début de l'année
1999 afin d'envisager la fusion de Royal Ordnance avec les activités de
munitions de Rheinmetall, comme en avait fait état un porte-parole de
British Aerospace.50 Mais ces pourparlers n'avaient pas atteint le stade de la
décision. Cependant, British Aerospace est toujours désireux de se
désengager de sa filiale d'armement terrestre, en difficultés sérieuses depuis
plusieurs années et John Weston, directeur général de British Aerospace,
avait même déclaré à la fin de l'année 1998 que le groupe envisageait de
fermer sa filiale,51 étant donné la baisse des budgets de défense britannique
et la sévérité de la concurrence des producteurs chinois, sud-africains et
israéliens notamment.52 Rheinmetall conditionne son accord à un
rétablissement financier préalable. Même si l'issue de la négociation n'est
48 Air & Cosmos, 17 septembre 1999.49 Air & Cosmos, 22 octobre 1999.50 Les Echos, 9 février 1999.51 Le Monde, 28 août 1998.52 Les Echos, 9 février 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 25
pas acquise à la fin de l'année 1999, il est clair que cela manifeste, de la
part du groupe allemand, une stratégie globalement européenne et non pas
limitée aux frontières nationales, stratégie qui s'explique par l'importance
de la concurrence dans ce secteur des autres producteurs allemands.
Du côté britannique, les changements, principalement autour de
Vickers, sont également importants.
Les modifications du tissu de l'armement terrestre en Grande-
Bretagne ont commencé à se faire jour en 1998 avec la décision des firmes
Alvis et GKN de fusionner leurs blindés dans un ensemble qui représente
2,8 milliards de francs de chiffre d'affaires.53 Alvis avait d'ailleurs déjà
racheté en 1997 le Suédois Hägglunds. Dans cette situation le groupe
Vickers est dans la tourmente : sa réorganisation à la fin de l'année 1998
s'est déjà traduite par la suppression de 1 136 postes de travail, soit 22 %
de ses effectifs, dont 650 dans le militaire, et le conglomérat a été obligé de
se séparer des automobiles Rolls-Royce.54 Il a également cédé ses activités
dans le matériel médical.55 Mais si ces reventes lui ont procuré les moyens
de faire des acquisitions, encore faut-il que celles-ci soient cohérentes avec
son projet qui est de se concentrer sur la défense, les composants de turbine
et les équipements navals. Or les tentatives précédentes de Vickers en
Grande-Bretagne se sont soldées par des échecs : c'est en vain qu'en 1997
Vickers a fait une proposition de rachat à Alvis.56 De même, il n'a pas pu
finaliser les discussions entamées pour racheter le secteur défense de
GKN.57
Le recentrage des activités de Vickers s'est fait principalement par
53 GKN apporte sa division GKN Defence à Alvis qui émet pour GKN des actions représentant 29,9 % de son capital élargi. La Tribune, 16 septembre 1998.54 Voir infra.55 Les Echos, 12/13 septembre 199856 La Tribune, 15 septembre 1998. 57 Les Echos, 6 novembre 1997.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 26
des alliances et accords hors Union européenne : l'opération la plus
importante est le rachat de Reumech OMC, la division spécialisée du
groupe Reunert, en Afrique du Sud (véhicules militaires et de sécurité). 58
Pour Vickers qui cherche à compenser la baisse de production du char
lourd Challenger (dont le programme britannique se terminera en 2001), il
s'agit d'augmenter sa part de marché dans les blindés légers, d'autant que le
marché sud-africain des armements est reparti à la hausse et que, dans ce
pays, le partenariat, y compris capitalistique, avec des firmes locales est un
moyen efficace d'obtenir des commandes. La même perspective de
développement dans les blindés légers inspire l'accord de coopération signé
avec le suisse Mowag (Motorwagenfabrik AG), lui-même récemment
racheté par L'Américain General Motors, autour de son blindé léger
Piranha IV.59 Vickers a en outre passé un accord avec le fabricant allemand
Krauss-Maffei pour commercialiser un blindé 4x4. Il a enfin cherché à
s'ouvrir des perspectives en Extrême-Orient avec la signature d'un accord
avec Singapore Technologies Automotive pour développer conjointement
la famille Bionix.60
Ces accords remettent en cause ce qui avait paru, au début de l'année
1999, être la constitution d'un lien fort avec le groupe français GIAT
Industries puisque les deux sociétés avaient à ce moment décidé de créer
une société commune pour le développement et la commercialisation de la
future génération de blindés lourds, marché sur lequel elles sont en
concurrence très marquée.61 En fait Paul Buysse, le nouveau directeur
général du groupe britannique, explique que son objectif est de "créer une
plate-forme commune autour de Vickers Defence Systems" .62 Pour
58 La Tribune, 10 septembre 1999.59 Ibidem60 AFP, 9 septembre 1999.61 L'Usine nouvelle, 20 janvier 1999.62 Les Echos, 3/4 septembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 27
expliquer son changement de pas, il met en avant la structure particulière,
selon lui, du capital de GIAT Industries :
Lorsque nous avions commencé à discuter, nous avions
indiqué qu'il serait très difficile de négocier avec une entreprise qui
a un seul actionnaire, le gouvernement français.63
On notera que c'est la présence exclusive de l'Etat comme
actionnaire qui est mise en cause, et non pas sa présence parmi d'autres.
Mais comme la structure du capital de GIAT Industries n'a pas bougé
depuis sa création, l'obstacle demeure.
Enfin, le directeur général indique que Vickers n'a pas l'intention de
céder sa branche défense, sans pour autant fermer la porte à des accords
amiables. C'est que Vickers n'est pas à l'abri d'une éventuelle OPA64 ,
comme on le notait en 1998 au moment où les analystes financiers
évoquaient les intentions du groupe Mayflower à son endroit.65 C'est
d'ailleurs ce qui se produit au troisième trimestre 1999 où le groupe Rolls-
Royce Plc annonce une OPA amicale de 4,9 milliards de francs sur
Vickers. L'objectif de Rolls-Royce - motoriste - est de se développer sur le
marché des moteurs maritimes, où il a déjà des atouts non négligeables
dans le domaine de la propulsion navale, en particulier pour les turbines à
gaz, la combinaison des activités marines des deux groupes permettant
d'étendre la gamme des produits proposés. En effet Vickers, outre ses
activités historiques, s'était agrandi dans ce secteur en rachetant en
novembre 1998 le groupe norvégien d'ingénierie navale Ulstein.66 En
revanche, le secteur d'armement terrestre ne rentre pas dans les projets de
Rolls-Royce dont le président sir Ralph Robins a clairement annoncé son
63 Les Echos, 3/4 septembre 1999.64 Les Echos, 6 novembre 1997.65 La Tribune, 18 septembre 1998.66 AFP, 20 septembre 1999. Vickers n'avait cependant pas repris la partie chantier naval du groupe norvégien. L'opération se montait à 304 millions de livres.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 28
intention de céder les activités chars et blindés légers qui représentent 6 %
de l'activité du groupe fusionné.
Ce dernier événement est loin d'éclaircir l'horizon pour le groupe
français GIAT Industries. On a vu que celui-ci était finalement tenu en
lisière des rapprochements souhaités par Vickers. Les tentatives
précédentes de rapprochement avec Royal Ordnance n'ont pas abouti. Les
résultats financiers du groupe pèsent sur ses capacités de manœuvre et il
paraît en difficulté pour négocier des alliances, surtout que, après la période
de croissance externe tous azimuts des années 1991-1993, il est maintenant
engagé dans un mouvement inverse, dont l'épisode le plus voyant a été la
rétrocession de FN-Herstal à la région wallonne.67 Cette réduction de
périmètre s'est poursuivie en 1999 avec la cession au groupe autrichien
Plansee (composants pour la métallurgie des poudres métalliques, 2,4
milliards de francs de chiffre d'affaires en 1998, 4 000 personnes) de la
majorité du capital de Cime Bocuze (reprise en 1993), (chiffre d'affaires de
80 millions de francs en 1998, 85 personnes).68 De même Euroshelter, le
département shelter de l'établissement de Rennes, a été repris en
coentreprise (50/50) par le groupe anglais Hunting Defence Limited.69 A la
fin de l'année 1999, le groupe public négocie la vente de son département
de robotique mobile (340 personnes, 306 millions de francs de chiffre
d'affaires en 1998) au Français Cybernetix.70
Finalement, dans le secteur de l'armement terrestre (spécialement
des blindés de tous types), ce sont les entreprises allemandes qui mènent le
67 Le Figaro, 24 novembre 1997. L'opération de GIAT Industries avec FN-Herstal se solde par une perte cumulée de 2 milliards de francs (Les Echos, 21/22 novembre 1998).68 Info-DGA, 1er avril 1999.69 Les Echos, 27 septembre 1999.70 AFP, 9 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 29
train de la restructuration avec Krauss-Maffei, repris par son compatriote
Wegman, et avec Rheinmetall qui s'intéresse également à Kuka Henschel.
Les groupes britanniques sont en train de se resserrer, mais sans doute pour
trouver une issue dans une alliance extérieure, et le principal groupe
français semble avoir décollé du peloton des alliances européennes pour le
moment.
1.2.3 LES RESTRUCTURATIONS RÉALISÉES DANS
L'ARMEMENT NAVAL EUROPÉEN
Dans le domaine de l'armement naval, les évolutions principales
touchent surtout le groupe anglo-norvégien Kvaerner mais aussi les
chantiers navals suédois Kockums et allemands HDW.
Le groupe Kvaerner (55 milliards de francs de chiffre d'affaires en
1998, 80 000 salariés) a entrepris une réorganisation importante de ses
activités qui se traduit par un nombre important de cessions. Kvaerner a
d'abord vendu au premier semestre 1999 ses deux principales filiales
françaises d'ingénierie Sofresid (1 650 salariés) et Doris Engineering (250
salariés) à Bouygues Offshore, ces deux entreprises représentant une
activité de 1,6 milliard de francs.71 Il a ensuite cédé sa troisième filiale
française Clecim (740 salariés, 900 millions de francs de chiffre d'affaires)
au groupe autrichien VA Technologies (plus connu sous le nom de sa
filiale Vöst alpine).72 Il a ensuite entamé la liquidation de son activité de
chantiers navals en vendant son chantier naval écossais de Govan (1 200
personnes) à GEC-Marconi qui, après une première proposition, a dû
doubler son offre à 2,25 millions de livres. Govan s'ajoute aux chantiers
71 Les Echos, 23/24 avril 1999.72 Les Echos, 27/28 août 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 30
Barrow et Yarrow déjà détenus par GEC.73 A cette occasion, Kvaerner
déclare vouloir céder ses onze autres chantiers (Norvège, Finlande,
Amérique du Nord, Asie du Sud-Est) ce qui se réalise en partie dans la
même période puisque, en octobre, il cède ses chantiers navals de Leirvik
(chiffre d'affaires de 65 millions de dollars, 300 personnes) en Norvège à
Havyard SA filiale du groupe norvégien Saevik.74 Le groupe Kvaerner est
également en négociations avancées avec les chantiers navals polonais de
Gydnia pour la reprise des chantiers finlandais de Masa.75
Ce retrait de l'activité chantiers navals s'inscrit dans le mouvement
plus général de contraction de ce domaine, en ce qui concerne au moins les
productions de défense.
D'autres firmes ont choisi la voie des rapprochements plutôt que
celle du retrait. C'est le cas du Suédois Kockums (groupe Celsius, 1,5
milliard de francs de chiffre d'affaires en 1998, entièrement militaire). En
effet, d'après les informations publiées,76 Celsius pourrait acquérir pour le
compte de sa filiale Kockums les 49,9 % du chantier Howalddtswerke-
Deutsche Werft AG (HDW) que détient Preussag (qui en avait déjà cédé
50,1 % à Babcock Borsig) et former ainsi le premier groupe sous-marinier
classique mondial. Dans le cadre des rapprochements scandinaves,
Kockums a déjà formé récemment le Viking Industrial Group avec
Danyard Aalborg (Danemark) et Kongsberg Defence and Aerospace
(Norvège) pour développer des sous-marins de nouvelle génération.
Kockums possède aussi 49 % d'Australian Submersible Corporation (ASC)
qui construit 13 sous-marins pour la marine australienne. La réalisation de
cette alliance poserait des problèmes au groupe français DCN qui avait en
73 Info-DGA, 1er octobre 1999.74 Les Echos, 9 octobre 1999.75 La Tribune, 23 août 1999.76 Les Echos, 27 mai 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 31
1998 formé un GIE avec le groupe suédois pour étudier des sous-marins de
nouvelle génération, dans la mesure où la compétition principale dans le
secteur des sous-marins se faisait jusque-là avec les chantiers allemands,
fournisseurs d'environ la moitié du parc de sous-marins classiques
mondiaux. Un rapprochement germano-suédois, alliant la puissance
économique de l'un et la capacité technologique de l'autre, rendrait plus
difficile pour l'avenir la percée espérée sur les marchés d'exportation. Ce
marché est estimé par la Direction des relations internationales de la DGA
à un peu moins de cent sous-marins pour les quinze ans qui viennent. Mais
dans cet ensemble, les chantiers allemands couvrent environ 80 % des
besoins. Les acteurs français craignent particulièrement les conditions de la
privatisation prévue du chantier espagnol Bazan, singulièrement si une
offre allemande devait l'emporter,77 à moins qu'un mouvement de
concentration de grande ampleur, à l'instar de ce qui s'est passé dans
l'aéronautique européenne, ne vienne dépasser "par en haut" les conditions
de cette concurrence. Mais, à la fin de l'année 1999, cette perspective n'est
qu'hypothétique.
En tout état de cause, la situation de la DCN comporte bien un
risque sérieux d'isolement puisque, du côté des deux autres grands
chantiers navals allemands, Thyssen Nordseewerke et Blohm + Voss
(groupe Thyssen-Krupp), il existe aussi des éventualités de rapprochement,
s'il faut en croire Eckhard Rohkamm, président du directoire de Thyssen
Industrie AG, qui a déclaré en début d'année 1999 que les trois grands
chantiers navals allemands (HDW, Thyssen Nordseewerke et Blohm +
Voss) "allaient fusionner". L'ensemble représenterait 5 700 salariés et non
loin de 10 milliards de francs de chiffre d'affaires.78
77 Ouest-France, 27 octobre 1999.78 Les Echos, 25 février 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 32
C'est, entre autres, pour parer à ce risque d'isolement que le groupe
Thomson-CSF, par la voix de son PDG, a rendu publiques des
propositions faites aux autorités politiques pour la constitution de
partenariats entre son groupe et la DCN.79 La réorganisation de la DCN
prévoit une nouvelle baisse des effectifs qui seraient ramenés de 17 500 à
12 500 en 2002. La décroissance en moyenne période est considérable
puisque la DCN employait 29 000 personnes en 1984, 26 900 en 1990, 20
800 en 1996. La réforme prévoit de faire sortir les activités industrielles du
sein de la DGA pour les inclure dans un service à compétence nationale
(SCN). Mais des craintes ont été exprimées, notamment par le rapporteur
de la Commission de la défense nationale et des forces armées à
l'Assemblée nationale80, que ce changement ne soit pas suffisant pour
permettre à la construction navale militaire d'acquérir la souplesse requise
pour passer des alliances industrielles. Jean-Yves Le Drian conclut en effet
son analyse des regroupements européens quant à la position de la DCN :
Le risque est donc réel que la DCN soit exclue des
restructurations industrielles en cours ou à venir. Lorsque son
changement de statut lui permettra de participer à ces
restructurations, il sera trop tard.81
Le rapporteur mentionne en outre un certain nombre de pistes
possibles d'alliances industrielles européennes ou nationales : possibilité
d'une filiale commune avec le chantier espagnol Bazan dans les sous-
marins, alliance avec un motoriste tel Rolls-Royce pour le site d'Indret,
alliance avec Thomson-CSF dans les systèmes de combat pour DCN
79 Le Figaro, 30 octobre 1999.80 Jean-Yves Le Drian, Avis au nom de la Commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2000.. Tome V. Défense. Marine., Assemblée nationale, document N°1864, 14 octobre 1999., 89 pages (spécialement pages 65 à 71).81 Ibidem, page 64.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 33
Ingénierie Centre et Sud…
Les propositions de Thomson-CSF s'inscrivent dans cette logique et
consistent essentiellement à adosser la DCN à Thomson en confiant à
Thomson la maîtrise d'œuvre des systèmes de surface, la DCN devenant
alors le partenaire sous-traitant industriel privilégié du groupe, dans une
configuration qui pourrait s'inspirer des conditions du contrat de vente de
frégates à Taïwan.82 Mais on ne saurait sous-estimer la gravité d'une
situation d'isolement de la DCN dans les recompositions en cours.
Pourtant, à la fin de l'année 1999, aucun élément substantiel n'est encore
venu transformer les possibilités de manœuvre de la DCN dans le jeu
européen, puisque les arrêtés publiés ne concernent que la réorganisation
de la DCN en trois branches : constructions neuves (à Cherbourg, Lorient
et Indret), maintien en condition opérationnelle (Toulon, Brest et Papeete)
et systèmes de combat et équipements (Ruelle, Toulon, Saint-Tropez, Brest
et Paris).83
1.2.4 RESTRUCTURATIONS FRANCO-FRANÇAISES CHEZ LES
ÉQUIPEMENTIERS
A côté des grandes opérations de concentrations européennes
analysées ci-dessus, un certain nombre d'opérations de moindre ampleur
ont concerné des équipementiers français dont l'importance n'est pas
négligeable quand il s'agit de firmes comme Intertechnique ou la SFIM.
Intertechnique était depuis un certain temps déjà l'objet périodique
de spéculations boursières et était convoité par des groupes étrangers
comme AlliedSignal, Cobham ou Northrop-Grumman.84 Mais c'est
82 La Tribune, 8 novembre 1999.83 Les Echos, 29/30 octobre 1999.84 Les Echos, 7 juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 34
finalement le groupe français Zodiac qui l'emporte et rachète les
participations du groupe Bolloré (32,18 %) et de la famille Dassault (31,25
%) pour environ 3 milliards de francs. Après cette acquisition, Zodiac
pèsera environ 8 milliards de francs de chiffre d'affaires dont 730 millions
de francs pour les équipements aéronautiques militaires et 5,1 milliards de
francs pour les équipements aéronautiques civils, devenant ainsi un des tout
premiers équipementiers européens, à hauteur de groupes comme Parker,
Smiths Industries ou Sextant Avionique mais encore loin de AlliedSignal
ou BF-Goodrich.85
La SFIM, à nouveau en situation économique délicate après le
redressement fragile en 1997 qui avait effacé les résultats lourdement
négatifs de 1996, était potentiellement en recherche de repreneur, comme
l'avaient annoncé ses actionnaires majoritaires Framatome (33,73 %) et
Paribas (33,24 %). Une première offre du groupe Thomson-CSF en juin
1998 avait été refusée. C'est finalement le groupe Sagem 86 qui, pour un
débours de 283 millions de francs jugé modique par les analystes,87 prendra
la majorité de la SFIM. Cette opération permet à la Sagem, qui réalisait
environ 3,5 milliards de francs de chiffre d'affaires dans la défense,
d'approcher les 5 milliards et de conforter ses positions dans l'optique et
l'optronique, les systèmes inertiels et le contrôle de vol, l'avionique et les
systèmes d'essais en vol ainsi que le traitement de l'information. Cette
croissance externe permet au groupe Sagem de conforter sa place dans les
regroupements à venir dans le secteur de l'électronique de défense, après
l'absorption de Dassault Electronique dans Thomson-CSF Detexis en 1998.
85 Les Echos, 3/4 décembre 1999.86 Air & Cosmos, 22 janvier 1999.87 Voir entre autres l'article "Les minoritaires massacrés" dans La Vie française du 22 janvier 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 35
D'autres opérations moins importantes peuvent également être
relevées :
Thomson-CSF a acheté (par l'intermédiaire de la Sodeteg) Sogelerg
Ingénierie à Alcatel et a cédé Aonix (logiciels) à L'Américain Gores
Technology88.
Le groupe français Daher (1,1 milliard de francs de chiffre d'affaires
en 1998, moitié en logistique, moitié en commissions de transports) s'est
créé un pôle d'aéronautique et de défense en reprenant 75 % du capital de
l'équipementier Lhotellier Montrichard (550 millions de francs de chiffre
d'affaires).89
La société Bertin en dépôt de bilan a finalement été reprise par la
société d'investissement à long terme LBO France.90
Aircelle (filiale à 50/50 de Airbus Industrie et de Hispano-Suiza)
s'est allié avec SINT (filiale à 100 % du groupe Hurel-Dubois).91
Mors (126 millions de francs de chiffre d'affaires dans les
équipements aéronautiques, la supervision de réseaux électriques et les
balises de positionnement) fusionne avec Actielec (600 millions de francs
de chiffre d'affaires dans les équipements automobiles, les
télécommunications, la sous-traitance électronique).92
On peut ajouter que la société franco-belge Sabca a vu son capital
se modifier puisque le Néerlandais Stork a passé un accord avec les
liquidateurs de Fokker pour reprendre les 43 % que détenait Fokker dans
Sabca.93
88 Les Echos, 12 janvier 1999.89 Les Echos, 29 avril 1999.90 Les Echos, 1er avril 1999.91 Air & Cosmos, 26 mars 1999.. SINT était auparavant une filiale commune de Hurel-Dubois (51 %) et du groupe Bombardier (49 % par l'intermédiaire de Shorts).92 Air & Cosmos, 10 décembre 1999.93 Air & Cosmos, 9 avril 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 36
1.3 PROJETS, INTENTIONS ET ALLIANCES EN PRÉPARATIONS
Les alliances déjà réalisées sont loin d'avoir encore complètement
fermé le jeu des recompositions des firmes d'armement en Europe. Un
certain nombre de projets ont été déclarés, des négociations sont en cours,
des alliances se préparent. On peut particulièrement relever ces intentions
et aspirations dans les domaines de l'électronique, de l'aérospatial et du
nucléaire.94
1.3.1 LE SECTEUR ÉLECTRONIQUE
Dans l'électronique, c'est le sort futur de la firme britannique Racal
Electronics qui est la question la plus ouvertement posée. Avec un chiffre
d'affaires d'un peu plus de 11 milliards de francs et 13 000 salariés (dont un
tiers dans la défense), l'électronicien d’outre-Manche est dans une position
isolée, après la fusion BAe-GEC. Comme un certain nombre d'autres
firmes du secteur, GEC en Grande-Bretagne ou Siemens en Allemagne,
Racal veut se redéployer dans le secteur des télécommunications et vendre
ses activités d'électronique de défense pour financer ce développement.
L'Américain Raytheon et le Britannique British Aerospace ont fait
connaître leur candidature au rachat, ainsi que le Français Thomson-CSF.95
Toutefois, la part que représente maintenant British Aerospace dans
l'industrie de défense britannique est telle qu'il est peu probable que l'Etat
lui permette cet accroissement supplémentaire. Quant à Raytheon, le
problème principal de son éventuelle prise de contrôle est évidemment
94 Certains des éléments analysés ci-dessus quant aux secteurs des armements terrestre et naval (fusion des chantiers navals allemands, propositions de Thomson-CSF à la DCN, discussions de Rheinmetall avec BAe pour Royal Ordnance, notamment) relèvent de projets plutôt que de réalisations, mais ils sont tellement liés aux décisions déjà prises qu'il a paru plus logique de les présenter dans la même section.95 Air & Cosmos, 18 juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 37
celui des liens transatlantiques. Le groupe français n'est donc pas mal placé
comme repreneur éventuel, d'autant que Thomson-CSF a toujours
manifesté un tropisme marqué pour les marchés anglo-saxons, même s'il a
essuyé des déboires sérieux et des refus dans ses alliances ou propositions,
qu'il s'agisse des missiles de LTV jadis ou de GEC naguère. Le groupe
français emploie déjà environ 6 000 salariés outre-Manche et il a une filiale
commune (MBN) avec Racal, dans le domaine des télécommunications
militaires. L'enjeu est d'autant plus important que Thomson est en
compétition avec British Aerospace pour deux contrats majeurs en Grande-
Bretagne : l'équipement de deux porte-avions pour la Royal Navy (8
milliards de livres) et l'équipement du "future strategic tanker aircraft"
(FSTA). Cependant, au deuxième semestre 1999, au moment où des
rumeurs boursières donnaient comme imminente la décision de vente,
faisant ainsi bondir le titre de Racal à la Bourse de Londres, la candidature
du groupe allemand Dasa semblait modifier la position jusque-là jugée
favorable de Thomson.96
Cette concurrence éventuelle illustre la complexité de la relation de
Thomson avec Dasa. Le groupe français a toujours été plus tourné vers ses
homologues britanniques ou américains. Toutefois, en 1994, les deux
groupes avaient mis en commun leurs activités d'armement en créant deux
coentreprises, l'une dans le domaine de la propulsion, Bayern Chemie
(majorité Dasa), l'autre dans l'armement, Thomson-Dasa Armement (TDA,
majorité Thomson). TDA avait une filiale en Allemagne TDW (Thomson-
Dasa Wirksysteme). Mais l'arrêt de la coopération sur les munitions du sol-
air Apache-MAW ainsi que la difficulté pour Dasa de distinguer nettement
les activités de TDW et celles de sa filiale missiles LFK ont conduit le
groupe allemand à se retirer progressivement et à reprendre le contrôle à
96 Les Echos, 24 août 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 38
100 % de TDW. De plus, Dasa envisage de céder sa part dans TDA.97
En revanche, dans le domaine de la propulsion, Bayern Chemie a
réalisé des performances économiques satisfaisantes et souhaite être partie
prenante du processus de concentration qui s'amorce dans ce secteur. La
propulsion tactique en Europe est essentiellement assurée par trois
groupes : Celerg (coentreprise Aérospatiale-Matra, SNPE), Royal
Ordnance et Bayern Chemie. Mais ces trois entreprises ne couvrent que les
deux tiers du marché européen98 et se heurtent à une sévère concurrence
américaine. Il est donc vraisemblable que dans ce domaine aussi un
regroupement ait lieu, qui devrait être favorisé par la constitution de
EADS.
1.3.2 L'AÉRONAUTIQUE
Dans l'aéronautique, les projets et éventualités sont liés pour une
part à cette constitution d'EADS, mais concernent également les
équipementiers et les avions régionaux.
Le rapprochement d'Aérospatiale-Matra et de Dasa a modifié
l'actionnariat et donc le contrôle de Dassault Aviation, dont le capital
détenu par l'Etat (45,9 %) avait été transféré à Aérospatiale en 1998, avec
signature d'un pacte d'actionnaires.99 Or, le PDG de Dassault Aviation
considère que "le changement d'actionnaires ouvre des possibilités que
nous mettrons en œuvre le moment venu"100, arguant qu'il pourrait exercer
son droit de préemption et ainsi sortir du regroupement qui lui avait été
imposé ou bien mettre fin à la convention d'actionnaires. De plus, dans cet
97 Air & Cosmos, 29 septembre 1999.98 Qui représente un peu plus de 2 milliards de francs.99 Voir Jean-Paul Hébert, Tribulations économiques de l'armement européen, Cahiers d'études stratégiques N°24, Paris, 1999. (chapitre 2).100 Les Echos, 27 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 39
affrontement, se jouent aussi les décisions sur la structure même de
Dassault Aviation dont le PDG souhaite séparer les activités d'avions civils
et les activités d'avions militaires, ce qui n'avait pas pour le moment reçu
l'agrément de Aérospatiale-Matra. Si le groupe Dassault a élargi ses marges
de manœuvre par rapport à la puissance publique avec le succès de sa
gamme d'avions civils Falcon et en obtenant que les rapprochements de
1998 ne concernent pas sa très profitable filiale Dassault Systèmes, il est
cependant peu probable qu'il ait la capacité de s'opposer seul à un
mouvement d'ensemble européen. On doit cependant garder en mémoire
qu'à la fin de l'année 1999, l'actionnariat familial du groupe a été réorganisé
et concentré par la fusion des deux holdings - Dassault Industries et FIMD
(Financière et Immobilière Marcel Dassault) - pour former le nouveau
holding Groupe industriel Marcel Dassault (GIMD) entièrement détenu par
la famille. Les participations (Dassault Aviation, Thomson-CSF, Dassault
Systèmes, notamment) sont donc rassemblées en une seule entité, ce qui
peut leur donner plus de poids dans les négociations à venir.101
L'entrée des groupes français au capital du Brésilien Embraer102 place
également le consortium franco-italien ATR dans une position nouvelle.
Créé en 1984 pour couvrir le domaine des avions régionaux, ATR, lancé
par Aérospatiale et Alenia, avait tenté de s'élargir par une alliance avec
British Aerospace. Mais cette tentative s'est soldée par un échec, constaté
en 1997. La situation d'ATR est aujourd'hui préoccupante avec un carnet de
commandes qui représente moins d'un an d'activité et un rythme actuel de
livraisons de deux avions par mois, alors qu'Embraer en livre six fois plus
et dispose d'un carnet de commandes qui représente près de dix ans
d'activité… Un rapprochement des deux sociétés est à l'ordre du jour et il
101 Le Figaro, 13 novembre 1999.102 Voir ci-après "Les alliances hors Union européenne".
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 40
ne se fera évidemment pas dans un rapport de force favorable pour ATR.
Les discussions proprement dites ne commenceront qu'après la finalisation
de l'entrée des groupes français au capital d'Embraer, mais la perspective
est tracée, comme l'explique le directeur délégué d'Aérospatiale-Matra,
Jean-François Bigay :
Nous entrerons /…/ dans la négociation contractuelle plus
formelle avec Embraer au sujet des avions régionaux. Quant à la
forme que les choses prendront, elle est encore ouverte, mais cela
pourrait aller jusqu'à fusionner le tout.103
La négociation est rendue complexe par le jeu multivalent d'Alenia,
dont la taille relative en Europe décroît au fur et à mesure que se réalisent
les alliances possibles. Le groupe italien serait par ailleurs en négociation
avec le groupe aéronautique canadien Bombardier pour participer à la
réalisation de l'avion de cent places BRJ-X, concurrent de l'Airbus A318.
Alenia collabore déjà avec Boeing comme constructeur du fuselage du
B717, programme que l'avionneur de Seattle a hérité de McDonnell
Douglas.104
Le sort de Fairchild-Dornier n'est toujours pas stabilisé puisque, à
la fin de l'année 1999, le groupe d'assurances allemand Allianz annonce
mener des négociations pour acquérir une part majoritaire dans le
constructeur germano-américain.105
Du côté des équipementiers, un certain nombre de projets existent
également.
En France, Latécoère, qui a opéré un redressement remarqué après
103 Les Echos, 26 octobre 1999.104 Les Echos, 18/19 juin 1999.105 La Tribune, 29 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 41
ses difficultés des années quatre-vingt, a rendu publiques des propositions
de regroupement des équipementiers aéronautiques, pour la création d'un
pôle européen d'aérostructures. Il a entrepris à ce sujet des discussions avec
Aérospatiale-Matra,106 pour sa filiale Socata (avions légers et
aérostructures). Mais la perspective de Latécoère englobe également des
sociétés comme Hurel-Dubois, Potez, Reims-Aviation, Socea et Indraero,
l'ensemble représentant environ 5 milliards de francs de chiffre d'affaires,
et son PDG déclare :
Nous devons être de plus en plus internationaux et
compétitifs, faire baisser nos prix pour les fournisseurs. La seule
réponse est un regroupement des forces et nous pensons que nous
pouvons jouer un rôle clé dans la formation d'un des pôles
européens d'aérostructures.107
C'est la même contrainte de taille et la volonté de profiter des
synergies procurées par un groupe de taille internationale qui poussent la
société CAC Systèmes (drones et cibles volantes, 32 millions de francs de
chiffre d'affaires en 1998) à négocier un rapprochement avec Aérospatiale-
Matra.108
D'autres alliances éventuelles évoquées en ce qui concerne les
équipementiers seraient fort importantes si elles se réalisaient. Ainsi en est-
il des intentions prêtées par le Sunday Telegraph au groupe britannique
Smiths Industries plc (12 milliards de francs de chiffre d'affaires dont 40 %
dans l'aéronautique et la défense) de racheter Sextant Avionique (valorisé
selon les analystes à 9,9 milliards de francs). 109 Bien qu'à la fin de l'année
1999 ces intentions ne soient pas concrétisées, le simple fait qu'elles soient
106 Les Echos, 6 octobre 1999.107 AFP, 5 octobre 1999.108 Correspondance économique, 4 juin 1999.109 La Tribune, 26 juillet 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 42
mentionnées comme crédibles témoigne de l'ampleur des restructurations et
regroupements en cours dans l'aéronautique européenne.
1.3.3 LE NUCLÉAIRE
Dans la production d'énergie, spécialement nucléaire, le paysage
européen est lui aussi en pleine mutation.110
Les équilibres mondiaux avaient déjà changé avec la politique
nouvelle du groupe américain Westinghouse (devenu CBS) qui avait cédé
ses activités de construction électrique (hors nucléaire) à l'Allemand
Siemens en 1997111 et ses activités nucléaires au Britannique BNFL, associé
à L'Américain Morrison Knudsen.112 Les relations franco-allemandes dans
ce domaine ont été marquées dans ces dernières années par des aléas
sérieux : en 1996, Framatome avait annoncé un projet de fusion avec GEC-
Alsthom qui laissait de côté Siemens, pourtant partenaire de longue date.
Cette opération ne s'était pas réalisée, mais la mauvaise manière faite au
partenaire allemand avait laissé des traces, aggravées par le refus ultérieur
d'EDF d'associer Siemens à un projet de centrales nucléaires en Chine. En
réaction, Siemens avait entrepris des négociations avec le Britannique
BNFL pour un rapprochement.113 Mais finalement, cette tentative avait à son
tour avorté. Du coup, en 1999, le gouvernement britannique a décidé
d'engager la privatisation partielle de BNFL, en mettant en vente jusqu'à 49
110 Les initiatives analysées dans cette section ne concernent pas directement la production du nucléaire militaire. Cependant elles concernent évidemment les structures industrielles de production du nucléaire, dont les connexions - du point de vue capitalistique - sont fortes et, à ce titre, elles doivent nécessairement être prises en compte pour une prospective des conditions de production du nucléaire militaire. C'est bien l'ensemble CEA-Industrie et CEA qui est touché par les restructurations en cours.111 A l'époque Siemens l'avait emporté pour 9 milliards de francs contre l'offre du Franco-britannique GEC-Alsthom. La Tribune, 17 novembre 1997. Voir Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries américaines d'armement : modèle ou menace ?, Cahiers d'études stratégiques N°23, Paris, 1999. (chapitre 6).112 Les Echos, 29 juin 1998.113 Le Monde, 28/29 juin 1998.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 43
% du capital d'ici 2002, ce qui devrait lui rapporter entre 1 et 2 milliards de
livres.114
C'est donc dans la relation franco-allemande que va se jouer l'avenir
des regroupements dans le nucléaire. Siemens n'est pas désireux de
s'engager au capital, comme le précisait à l'été 1999 son PDG, expliquant
que "Siemens ne prendra pas de participations dans Framatome en
rachetant les actions d'Alcatel".115 Toutefois, on peut considérer que cette
déclaration ne ferme pas la porte à d'autres solutions (coentreprises, etc.).
C'est pourquoi, il est important de ne pas oublier que la partie
française a profondément modifié ses équilibres. Le fait marquant est le
retrait d'Alcatel jusque-là actionnaire de Framatome à hauteur de 44 %.116
Pour mesurer l'ampleur de ce changement on doit rappeler que les relations
entre Alcatel (anciennement Alcatel-Alsthom, anciennement CGE) et
Framatome sont une histoire exceptionnellement mouvementée.
Les relations entre le CEA et Framatome ont été marquées par
nombre d'aléas. En 1975, à la demande des pouvoirs publics, le CEA est
entré à hauteur de 30 % dans le capital de cette filiale de Creusot-Loire. En
1983, cette participation est modifiée : pour 475 millions de francs, le CEA
acquiert 20 % supplémentaires du capital en obtenant en contrepartie que
les 3 milliards de francs de facilités de trésorerie dont Creusot-Loire avait
bénéficié de la part de Framatome, à l'insu du CEA117, soient remboursés en
quatre ans. Mais en 1984, Creusot-Loire est mis en liquidation et le CEA
devient l'unique actionnaire de Framatome. Toutefois, les pouvoirs publics
favorisèrent une diversification de l'actionnariat (et une augmentation de
capital) au motif que le CEA n'avait pas comme objectif prioritaire
114 Les Echos, 15 juillet 1999.115 Les Echos, 26 juillet 1999.116 Air & Cosmos, 27 août 1999.117 Cour des comptes, 1991, page 194.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 44
d'assumer seul la responsabilité industrielle de la construction des centrales
nucléaires. Ce nouveau montage laissait 35 % au CEA (et 10 % à EDF), en
faisant de la CGE (40 %) associée à la société Dumez (12 %) l'opérateur
industriel de Framatome.118
Cette situation va rester équilibrée jusqu'en 1990 où la CGE tente de
prendre, seule, le contrôle de Framatome en rachetant la part du groupe
Dumez. Cette tentative paraît menacer l'avenir industriel de Framatome aux
yeux de ses dirigeants. L'affrontement sera boursier, médiatique et
politique. Il ne sera arbitré qu'en fin d'année : alors que les vues de la CGE
avaient d'abord paru rencontrer celles de hauts responsables de la politique
industrielle, ce rapport se renverse et finalement, la CGE est contrainte de
revendre 7 %119 du capital (passant de 52 à 45 %) au profit d'un holding
public (CEA-Industrie et EDF) détenant 46 % et du Crédit lyonnais qui
entre pour 5 %, soit un bloc de contrôle public de 51 % (5 % sont détenus
par les salariés).120
Cette situation va être remise en cause par la décision de 1993 de
préparer la privatisation de Framatome. Le projet des pouvoirs publics
consiste à garder une minorité de blocage (34 %), répartie entre CEA-
Industrie (24 %) et EDF (10 %). Dans ce cas, Alcatel121 devrait racheter 17
% du capital et monter ainsi à 61 %. Mais la négociation est difficile car
Alcatel ne souhaite pas, pour des raisons financières, aller au-delà de 51
%.122 De plus cette privatisation se heurte à de sérieuses critiques, comme en
118 Dans des conditions d'évaluation que la Cour des comptes critique très précisément en montrant que l'évaluation de Framatome a varié de 2 375 millions (quand il s'est agi que le CEA acquière 20 %) à 1 510 millions (quand il s'agit de recéder 65 % du capital) pour remonter à 3 861 millions, au moment de la privatisation de la CGE....! (Cour des comptes, 1991, p.195).119 Le Monde, 1er novembre 1990.120 Ces transactions se font sur la base d'une estimation non moins "surprenante" que celles mentionnées ci-dessus puisqu'elles aboutissent à une évaluation de Framatome à 7 milliards...121 Nouveau nom du groupe CGE.122 Le Monde, 23/24 janvier 1994.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 45
témoigne le texte collectif publié par un collectif de prix Nobel, hauts
fonctionnaires et spécialistes du nucléaire qui considèrent que cette
décision mettrait " l’industrie nucléaire française en danger ", que " la
perspective de l’alcaltélisation est très inquiétante " et que cette prise de
contrôle par un groupe privé mettrait en danger le modèle français. 123 C'est
finalement un équilibre assurant la majorité aux capitaux publics (35 %
pour CEA-Industrie, 11 % pour EDF, 4 % pour le consortium de réalisation
("héritier" des titres du Crédit lyonnais)) qui prévaudra malgré quelques
autres tentatives.
C'est cet équilibre qui est fondamentalement modifié avec les
décisions de l'été 1999 qui prévoient que Alcatel échange une part de ses
actions dans Framatome (passant de 44 à 14 %) contre une montée dans
Thomson-CSF (passant de 15 à plus de 25 %).124 Dans ce nouveau montage,
c'est la Cogema qui devient l'actionnaire industriel de référence de
Framatome avec 34 % du capital. En même temps qu'il annonçait cette
transformation de l'actionnariat, le ministre de l'Economie et des Finances
s'adressait aux partenaires privés susceptibles de s'agréger au projet d'un
pôle nucléaire européen, citant Siemens comme le "partenaire européen
naturel".125 Ces ouvertures ont provoqué une première réaction positive du
côté allemand puisque KWU (filiale de Siemens) a abandonné au profit de
Framatome les négociations qu'il avait entamées en 1997 avec le
Britannique BNFL.126 Les négociations ont avancé très rapidement puisque
le projet de fusion des activités nucléaires des deux groupes a été présenté
au comité central d'entreprise de Framatome le 21 octobre127 et que
l'annonce du rapprochement des activités nucléaires des deux sociétés a été
123 Le Monde, 16 juin 1994.124 Cf. Les Echos, 30/31 juillet 1999.125 Ibidem.126 Les Echos, 27 septembre 1999.127 Libération, 18 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 46
faite en décembre,128 la société découlant de cette mise en commun étant
alors prévue pour être créée au début du printemps 2000, la réorganisation
du capital de Framatome ayant été achevée entre-temps.129 Siemens
détiendra environ 30 % du nouvel ensemble. Selon les estimations
publiées, l'activité nucléaire de Framatome représente environ 2., milliards
d'euros et celle de Siemens 1,1 milliard d'euros, l'ensemble représentant 13
100 salariés et devenant le premier producteur mondial.130 La position de la
firme n'est cependant pas assurée de manière définitive car, dans ce secteur,
d'autres restructurations devraient suivre : c'est ainsi que General Electric a
créé une société commune avec Hitachi et Toshiba dans la fabrication de
combustible pour les réacteurs à eau bouillante131 et que le Britannique
BNFL a repris pour 485 millions de dollars la branche nucléaire du groupe
helvético-suédois ABB, qui avait auparavant fusionné son activité de
production d'énergie avec Alstom.132
Le succès de cette fusion ainsi que la rapidité avec laquelle elle a été
négociée vont marquer un peu plus les rapports de force dans l'industrie
européenne et spécialement dans l'industrie liée à l'armement. En effet,
c'est bien à une prodigieuse accélération du renforcement des liens franco-
allemands que l'on assiste dans cette année 1999, dans un contexte qui
verra le 15 décembre 1999 la naissance du groupe franco-allemand
Aventis, 1er groupe mondial dans la fabrication du médicament, né de la
fusion de Rhône-Poulenc et de Hoechst. L'intensité de ces relations donne
évidemment au couple franco-allemand un poids déterminant dans les
128 La Tribune, 7 décembre 1999.129 Alcatel descend de 44 à 9 % (ce solde étant lui-même destiné à être cédé), Cogéma va entrer à 34 %, CEA-Industrie descend de 36 à 20 %, l'Etat monte à 20 %. La Tribune, 8 novembre 1999.130 Les Echos, 7 décembre 1999.131 Ibidem.132 Le Monde, 31 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 47
montages européens ultérieurs. Pour autant, il laisse entière la question des
armes nucléaires, que l'Allemagne ne fabrique pas, mais que la Grande-
Bretagne fabrique, sans être partie prenante aujourd'hui de ces
regroupements.
1.4 MODIFICATIONS DE STRUCTURES DES FIRMES
PRÉLUDANT À DES ALLIANCES OU À DES
TRANSFORMATIONS D'ACTIVITÉ
Un certain nombre de transformations de structures internes des
firmes ou de modifications de périmètres peuvent être analysées comme
préludant à des opérations de rapprochements ou comme constituant des
réorientations d'activité. C'est le cas pour certaines firmes françaises ou
européennes, particulièrement dans le domaine des motoristes.
En France, on a mentionné plus haut la nouvelle organisation de la
DCN en trois branches. On attend au printemps 2000 les arrêtés
transformant la DCN en SCN (donc hors de la DGA). Il faut souligner
l'importance de l'évolution des effectifs de la DGA sur la longue période :
de 73 000 personnes au milieu des années quatre-vingt, elle subit une
première amputation notable en 1990 quand les établissements du GIAT
deviennent une société nationale. Le mouvement général de contraction des
dépenses de défense pèse sur les effectifs et les 39 263 postes du 1er janvier
1999133 seront, avec la transformation de la DCN, encore réduits d'environ
17 000, soit 22 000, mais qui comprennent environ 10 000 emplois dans les 133 Cf. La DGA en chiffres 1998, 12 pages, slnd.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 48
centres d'essais et 3 400 dans le SMA, lesquelles structures n'ont pas
vocation à rester toujours hors d'une logique et d'un statut économiques. Le
format de la DGA pourrait alors être réduit à ses tâches "étatiques" soit de
l'ordre de 5 à 7 000 personnes. L'évolution est évidemment considérable.
Le groupe SNPE a entrepris un certain nombre de réorganisations :
au début de l'année 1999, neuf mois après s'être allié dans les airbags au
Suédois Autoliv, leader mondial dans ce segment, la SNPE se retire et lui
cède ses 49 %.134 Dans le même esprit de rationalisation des activités, la
SNPE pense céder une partie de sa filiale Nobel Sport (numéro 1 européen
des poudres de chasse et de tir, marques Gévelot, Fob, Tuner, Win) au
Français Basaltes-Cheddite.135 En fin d'année 1999, la SNPE revend à
Lacroix (461 millions de francs de chiffre d'affaires en 1998 dont 55 %
dans la défense, 621 salariés) son secteur "contre-mesures" (fusées et
explosifs utilisés comme leurres) pour un montant non précisé. Les deux
groupes étaient auparavant associés dans Pyrotronics, qui sera rebaptisé
Lacroix. 136 Mais surtout, le groupe public décide en fin d'année de
regrouper les branches espace-défense et chimie sous un directeur unique.
Le "spectre" de la séparation s'éloigne donc. Cependant, les productions de
défense ne représentent plus que 20 % du chiffre d'affaires. En fait, après
l'échec du rapprochement avec Royal Ordnance, la SNPE cherche d'autres
alliances (en particulier avec l'Allemand Rheinmetal ou le Suédois
Bofors).137
RVI avait dans les dernières années vu son chiffre d'affaires
militaire décroître. Mais la production de véhicules militaires redevient une
préoccupation du groupe avec la création d'une "business unit" spécialisée
134 Les Echos, 23 février 1999.135 Le Point, 21 mai 1999.136 En 1997, Lacroix avait déjà racheté son concurrent Ruggieri (200 personnes) en difficultés financières. Les Echos, 29 décembre 1999.137 L'Usine nouvelle, 16 septembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 49
(remotorisation d’AMX 30, remise à neuf de camions GBC).138
Bertrand Faure (ancien actionnaire de Ratier-Figeac), après sa
fusion avec l'équipementier ECIA, va devenir Faurecia, détenue à 52,5 %
par le groupe Peugeot.139
Reims Aviation (avions légers), qui était passé sous contrôle de
L'Américain Cessna, avant d'être repris par le groupe français CFCI, a
doublé son chiffre d'affaires en deux ans (de 147 millions de francs en 1997
à 300 en 1999) et développé ses contrats à l'exportation (petits avions de
surveillance maritime et de contrôle de la pollution pour les marines
grecque, brésilienne et sud-coréenne) et pourrait participer aux
regroupements esquissés pour les firmes d'aérostructures.140
En Europe, on note également quelques réorganisations :
L'Italien Alenia Difesa se rationalise : Officine Galileo prend le
contrôle de la branche spatiale de Fiar (filiale d'Alenia) et regroupe ces
actifs dans Tecnospazio (filiale commune avec Fiat). Tecnospazio
représente 450 personnes et un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros.141
Le groupe britannique Cobham, après avoir racheté les firmes
Rayan et Starec, décide de les unifier avec sa représentation en France,
Chelton France (antennes pour aéronefs) dans un ensemble qui pèsera 80
millions de francs.142
Plus fondamentale bien entendu est l'évolution du conglomérat
allemand Preussag, sidérurgiste devenu le premier groupe voyagiste
allemand. Preussag, actionnaire des chantiers navals HDW dont il a déjà
cédé la majorité, a vendu depuis cinq ans pour environ 37 milliards de
138 Les Echos, 19 octobre 1999.139 Les Echos, 26 avril 1999.140 Les Echos, 26 avril 1999.141 Air & Cosmos, 2 avril 1999.142 Air & Cosmos, 2 juillet 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 50
francs d'actifs dans l'énergie et la sidérurgie, pour procéder à des
acquisitions dans le domaine de l'industrie du tourisme. Cette évolution fait
partie des stratégies des groupes qui, comme Philips ou Siemens en
Europe, ont choisi de sortir de l'armement.143
Chez les motoristes européens, un certain nombre de mouvements
sont également en cours :
La Snecma a entrepris de se transformer en holding (Snecma SA)
avec, dans la branche propulsion, trois sociétés : Snecma Moteurs, Snecma
Services, Techspace Aero. Cette nouvelle organisation pourrait faciliter la
conclusion des alliances que cherche le groupe français avec d'autres
motoristes européens comme Fiat Avio, MTU, Volvo ou Turboméca.144
Dans l'année 1999, la Snecma a d'ailleurs signé plusieurs accords : avec
Rolls-Royce, les deux motoristes ont décidé de créer une coentreprise pour
étudier le moteur militaire de la génération future d'avions de combat, ce
qui prolongera les travaux menés en commun dans le programme AMET,
mais devrait déboucher sur la réalisation d'un démonstrateur
technologique.145 La firme française et l'Allemand MTU ont également
décidé de créer une coentreprise, Ceramic Coating Center, spécialisée dans
l'application de revêtements céramiques sur des pièces de moteur. Pour le
PDG de la Snecma, "ce partenariat permettra de développer des
techniques essentielles pour la réparation des moteurs et la conception des
moteurs du futur".146
Mais le paysage des alliances européennes dans le domaine des
moteurs est encore très fragmenté, comme le montre la dispersion des
143 Le Monde, 11/12 juillet 1999.144 Air & Cosmos, 24 septembre 1999.145 Air & Cosmos, 5 mars 1999.146 Air & Cosmos, 25 juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 51
coopérations existantes :
Coopérations entre motoristes européens
Eurojet -
EJ200
Turbo-
Union
RB199
AMET Adour GRTS
Larzac
Rolls-
Royce
X X X X
MTU X X
FIAT X X
ITP X
Snecma X X
Turboméca X X
Volvo147
En outre, la relation entre BMW et Rolls-Royce se modifie : Rolls-
Royce reprend le contrôle à 100 % de la filiale BMW Rolls-Royce
(moteurs BR700 pour avions d'affaires et jets régionaux) mais BMW
monte à 10 % dans le capital de Rolls-Royce. Cependant, BMW n'a pas
l'intention de lancer une offre d'achat (tout investisseur étranger est limité à
15 % dans le capital de Rolls-Royce, la part cumulée étant plafonnée à 49,5
%).148
Ces évolutions, s'ajoutant aux réorganisations de l'industrie italienne
où Fiat fédère maintenant l'essentiel de l'activité dans ce domaine,
constituent la base des regroupements qui devraient logiquement se réaliser
147 D'après Air & Cosmos, 29 octobre 1999.148 Les Echos, 26 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 52
dans un délai assez bref dans le secteur des moteurs, d'autant plus que
l'Allemand MTU, sorti de Dasa pour être remonté dans DaimlerChrysler,
devrait être cédé ou fusionné. Le motoriste allemand dispose d'un assez
large choix de possibilités étant donné la variété de ses coopérations et
accords. En effet, MTU coopère avec Pratt & Withney (pour les moteurs
PW4000, PW2000, JT8D, PW300, PW500) mais aussi, dans le cadre du
consortium IAE (pour le moteur V2500), avec Pratt & Withney, Rolls-
Royce, Fiat Avio et le Japonais JAEC. Il est également lié à General
Electric pour le moteur CF6. Il collabore avec Volvo Aero pour des pièces
élémentaires, avec Turboméca et Rolls-Royce pour des turbines
d'hélicoptères MTR390. Enfin, il a créé avec la compagnie chinoise China
Southern une coentreprise pour l'entretien des moteurs V2500. Ce
panorama de liens donne au motoriste allemand une certaine latitude de
négociations pour l'avenir, d'autant qu'entre les principaux acteurs
européens (Snecma et Rolls-Royce notamment) la course à la taille critique
et à la puissance devrait s'accélérer.149
1.5 ALLIANCES INDUSTRIELLES ET ACCORDS DES FIRMES
D'ARMEMENT HORS DES PAYS DE LA LoI
Les alliances industrielles et rapprochements en cours ne concernent
pas que les firmes des pays de la LoI. Au contraire, le champ de ces
accords s'étend, en Europe bien sûr et particulièrement dans les pays de
l'Est européen, mais aussi en Extrême-Orient, voire en Afrique du Sud et
dans certains pays d'Amérique latine.
149 Air & Cosmos, 26 février 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 53
1.5.1 ACCORDS EN EUROPE, HORS LoI, ET DANS LA ZONE
MAGHREB-MOYEN-ORIENT
Dans l'Union européenne, Dasa a conclu une alliance stratégique
avec son homologue grec EAV (groupe Helleniques Industries
Aeronautique). L'accord prévoit de faire participer l'industrie grecque à des
projets de modernisation d'avions militaires, à la maintenance d'avions et
de moteurs, à la finition de pièces détachées et à l'équipement électronique
d'avions civils et militaires ainsi qu'à la production de produits
électroniques et de systèmes de défense. Le PDG de Dasa souligne que "cet
accord est un pas décisif dans l'intégration de l'industrie aéronautique
grecque dans les programmes et les structures européennes" .150
Dans les pays de l'Est européen, hors Union européenne, plusieurs
accords ont également été passés ou sont en voie de l'être :
En Russie d'abord, Eurocopter et la société russe MIL. Kazan,
regroupés au sein d'Euromil, ont signé un contrat de 100 millions de dollars
pour la réalisation d'un démonstrateur de l'hélicoptère bimoteur lourd MI38
(15 tonnes) dont le premier vol est prévu en 2001. Sur la base des études de
marché qui seront réalisées, une seconde phase serait celle de la production
en commun d'un hélicoptère multimissions dont les premières livraisons
démarreraient en 2005.151
Par ailleurs, l'avion de chasse d'entraînement Mig-AT va entrer en
production (pour seize exemplaires dans un premier temps), avec la
coopération de la Snecma pour le moteur Larzac et de Sextant Avionique
pour une partie de l'électronique de bord.152
150 Les Echos, 2 mars 1999.151 Les Echos, 19 août 1999.152 La Tribune, 13 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 54
En Roumanie, Thomson-CSF crée une société commune avec la
firme roumaine Aerostar (30/60). Cette coentreprise Aerothom Electronics
produira des matériels électroniques professionnels (militaires et civils)
pour les communications, la radionavigation, l'identification et la détection.
La firme aura en charge aussi bien le développement des produits que leur
fabrication et leur commercialisation.153
Par ailleurs, Eurocopter a présenté en juillet 1999 une offre pour le
rachat des usines d'IAR-Brasov qui produisent des hélicoptères de transport
Puma sous licence et sont convoitées depuis deux ans par L'Américain Bell
Helicopter Textron.154
Ces liens s'inscrivent dans une perspective plus large de
rapprochement des industries roumaines d'armement avec des groupes
français, comme l'expliquait le ministre roumain de la Défense à Paris en
octobre 1999.155
En Pologne, c'est la Snecma qui veut participer à la privatisation du
site aéronautique polonais PZL Rzeszow en y installant des chaînes de
production de moteur et de trains d'atterrissage. La Snecma a déjà des
accords depuis 1994 avec cette usine et lui sous-traite la fabrication de
certaines pièces de moteurs. Une des retombées de cette coopération accrue
pourrait être, pour la Snecma, la possibilité de motoriser les hélicoptères
polonais Sokol.156
Dans la zone Maghreb-Moyen-Orient, on doit souligner la faiblesse
des relations industrielles avec les industries d'armement d’Israël, alors
que les firmes américaines ont continué en 1999 le développement de leurs
153 La Tribune, 16 juin 1999.154 AFP, 6 octobre 1999.155 Ibidem.156 La Tribune, 27 mai 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 55
liens, déjà importants :
Texas Instruments a racheté l'Israélien Libit Signal (cartes et
modems de téléphonie par Internet, 70 personnes) pour 360 millions de
dollars, après avoir renchéri au-dessus de l'offre de son compatriote et
concurrent Lucent Technologies.157
Fairchild a confié en fin d'année 1999 à IAI (Israël Aircraft
Industries) la responsabilité du fuselage et de l'assemblage final de son
programme 429JET (appareil de 44 sièges).158
Boeing, de son côté, renforce ses liens avec IAI en lui proposant un
partenariat de conversion des 757.159
Du côté français, alors même qu'Israël cherche à exporter son
savoir-faire en matière d'armement, spécialement d'électronique, les seules
relations notables sont le fait que, selon les firmes, l'Aérospatiale-Matra et
IAI auraient collaboré sur des drones et que Thomson-CSF et IAI
travailleraient ensemble dans l'optronique.160
Certains accords de coopération ou de filiale commune dans les
services aéronautiques ont été mis sur pied :
En Jordanie, la DGA et la Sofrantem ont négocié un accord pour la
maintenance des Mirage F-1.161
Au Maroc, la Snecma a créé une filiale, Snecma Morocco Engine
services, conjointement avec Royal Air Maroc et soixante personnes sont
installées dans ce pays à la fin de l'année 1999.162
Mais l'accord le plus important concerne les Emirats arabes unis,
par sa nature, mais aussi parce qu’il met en jeu des relations croisées avec
les Etats-Unis. En effet, à la fin de l'année 1999 le chantier naval
157 Les Echos, 22 juin 1999.158 Les Echos, 1er/2 octobre 1999.159 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.160 Air & Cosmos,, 8 décembre 1999.161 Air & Cosmos, 24 décembre 1999.162 Air & Cosmos, 8 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 56
Constructions mécaniques de Normandie (CMN) a signé des accords de
participations croisées avec l'Américain Newport News Shipbuilding
(NNS) et l'émirati Abu Dhabi Shipbuilding (ADSB), par lesquels CMN
acquiert la moitié de la participation de 40 % de NNS dans ADSB. En
outre, ADSB et CMN entrent dans une filiale de NNS spécialisée dans
l'exportation, et ADSB devient actionnaire de CMN. De plus, l'activité de
l'arsenal public des émirats (MSB, Marine Support Branch) va être
fusionnée dans ADSB. Cet accord est lié aux commandes émiraties de
patrouilleurs, spécialité des CMN, mais innove par le jeu de participations
croisées avec le chantier américain.163
1.5.2 ACCORDS EN EXTRÈME-ORIENT
En Extrême-Orient, les accords concernent aussi bien la Chine et les
pays émergents (Malaisie, Singapour, Corée du Sud) que des pays de
l'OCDE (Japon, Australie).
En Chine, Airbus a signé une série d'accords avec le constructeur
chinois AVIC pour développer la coopération industrielle et ceci pour
compenser l'abandon en 1998 du projet d'avion de cent places sur lequel la
Chine avait placé de sérieux espoirs. AVIC (Aviation Industries of China)
devrait participer en particulier au programme de développement du nouvel
appareil de la gamme d'Airbus, l'A318, et fabriquer des parties d'aile pour
les A320.164
De son côté, la société d'aéronautique grecque EAB et la firme
chinoise SARC (Société chinoise de réparation d'avions) ont fondé un
consortium (45/55) pour la réparation des avions de la République
populaire de Chine, mais aussi avec des visées sur les marchés de
163 Les Echos, 9 décembre 1999.164 AFP, 25 juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 57
maintenance Extrême-Orient.165
En Malaisie, c'est l'Italien Alenia Aerospazio qui a signé un accord
de coopération avec Aerospace Industries Malaysia. Le constructeur italien
noue ici sa première relation avec un pays de cette zone. La Malaisie est
intéressée par l'avion de transport militaire C27 J développé par Lockheed-
Martin avec la collaboration d'Alenia, mais aussi par l'appareil régional
ATR42, produit par le consortium ATR dont Alenia est membre, dans sa
version de patrouille. La collaboration avec Aerospace Industries Malaysia
devrait lui permettre de pénétrer plus facilement le marché local.166
A Singapour, Messier-Dowty et Singapore Aerospace
Manufacturing (SAM) ont créé une société commune au troisième
trimestre 1999, dans le domaine des atterrisseurs (petits et moyens) des
avions régionaux et d'affaires. SAM apportera à la coentreprise les moyens
de production d'atterrisseurs qu'il possède et Messier-Dowty apportera le
support et l'assistance nécessaires au transfert de savoir-faire. La
coentreprise devrait réaliser un chiffre d'affaires de 100 millions de francs
en 2000 et prévoit de le tripler d'ici 2004. L'objectif de Messier-Dowty est,
dans un premier temps, d'obtenir des baisses de coûts de production mais, à
plus long terme, le partenariat pourrait être étendu.167
En Corée du Sud, Thomson-CSF et la société Samsung Electronics
Co. ont créé en octobre 1999 une coentreprise (50/50) pour produire des
composants à haute technologie pour le secteur de la défense. Samsung
apportera toutes ses activités en matière de défense à cette coentreprise. De
165 AFP, 20 décembre 1999.166 Les Echos, 31 mai 1999.167 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 58
son côté, le groupe français opérera des transferts de technologie, en
particulier en matière de production de systèmes de télécommunications
appliquées au secteur de la défense (Global Positioning System), de
systèmes de communications par satellites, de systèmes de guidage et de
contrôle de mise à feu.168 Dans cette opération, Thomson-CSF acquiert la
moitié des activités de défense de Samsung Electronics. La société
commune prévoit de faire un chiffre d'affaires de 130 millions d'euros, la
première année.169
En Australie, c'est une opération plus importante que le groupe
français a menée. En effet, Thomson-CSF a été retenu à parité avec le
groupe d'ingénierie Transfield pour la privatisation d'ADI (Australian
Defence Industries). Le premier groupe de défense australien pèse environ
1,9 milliard de francs de chiffre d'affaires avec 2 800 salariés et tient 15 %
du marché australien de la défense. Thomson-CSF avait déjà une
implantation en Australie dans les sonars et le contrôle aérien 170 et peut ainsi
développer ses activités d'équipements navals (modernisation des frégates
australiennes et équipement de six chasseurs de mines en construction).
Face à la proposition concurrente à laquelle participait Marconi, il a sans
doute bénéficié de la crainte des autorités australiennes d'une position de
monopole du groupe anglais, British Aerospace ayant déjà de gros intérêts
en Australie.171 L'opération là encore a été rapidement menée puisque le
transfert du contrôle du groupe public australien au holding
Thomson/Transfield s'est fait dès le mois de décembre 1999.172
168 Les Echos, 29/30 octobre 1999.169 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.170 700 personnes, environ 500 millions de francs de chiffre d'affaires.171 Air & Cosmos, 27 août 1999.172 L'opération est réalisée pour un montant de 217 millions d'euros. Air & Cosmos, 10 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 59
En Australie, une opération de prise de contrôle américaine a
également eu lieu puisque le groupe Boeing a racheté la société
australienne, The Preston Group, spécialisée dans le développement de
logiciels aéronautiques.173
Enfin au Japon, le conglomérat britannique GKN et Toyota
Machine Works (TMW, filiale du numéro 1 de l'automobile japonais
Toyota) vont créer une coentreprise GKN Toyota Driveshafts dans les
composants automobiles (colonnes de direction). GKN détiendra 49 % de
la nouvelle société. Le chiffre d'affaires pourrait être voisin de 200 millions
de francs en 2004, mais l'importance de l'investissement de départ (environ
500 millions de francs) indique que le développement de cette production
devrait être soutenu.174
Par ailleurs, Mitsubishi Heavy Industries (MHI) numéro un japonais
de l'industrie lourde et de la défense, a manifesté sa volonté de devenir l'un
des fournisseurs du programme A3XX, dont le lancement est en
discussion. Le groupe japonais souhaite ainsi rééquilibrer ses relations avec
Boeing, dont il est un fournisseur pour les gros-porteurs de la compagnie
américaine.175
1.5.3 L'AFRIQUE DU SUD ET L'AMÉRIQUE LATINE
En dehors des zones Europe et Extrême-Orient, les accords
industriels passés avec des firmes d'armement sont peu nombreux : pour le
continent africain, ils se résument aux relations avec l'Afrique du Sud, pour
l'Amérique latine, ils ne concernent que le Chili et le Brésil.
173 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.174 Les Echos, 10 février 1999.175 Les Echos, 1er mars 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 60
L'Afrique du Sud a entrepris une réorganisation profonde de son
industrie d'armement qui se traduit par un désengagement capitalistique de
l'Etat et par l'ouverture du capital de plusieurs firmes à des groupes
étrangers. Dès le début de l'année 1999,176 Denel, le principal groupe de
défense sud-africain, est dans la tourmente avec des pertes avoisinant le
demi milliard de francs, en hausse d'un tiers par rapport à l'exercice
précédent. Le conseil d'administration élabore une stratégie radicale pour
réduire les effectifs, se débarrasser des activités non rentables et trouver de
nouveaux investisseurs. Ce plan prévoit une restructuration de grande
ampleur avec l'intégration de Denel Aerospace dans une entité plus vaste
qui comporterait des actionnaires privés internationaux. Dès ce moment,
British Aerospace est cité comme partenaire vraisemblable. Il s'agit aussi
de réaliser la modernisation des divisions de munitions lourdes et légères.
On envisage en outre une possible fusion des branches "information" de
trois groupes paraétatiques. La situation difficile de Denel est mise sur le
compte de la baisse des exportations. Toutefois, le plan d'acquisitions
d'armement de l'Afrique du Sud, où ont été négociées des compensations
fort importantes, pourrait être un facteur de redynamisation de son
industrie. Cette ouverture du capital à British Aerospace va prendre forme
avec les négociations entamées un peu plus tard pour aboutir à la création
d'un nouveau groupe aéronautique réunissant la division aéronautique de
Denel, Advanced Technologies et Aerosud.
Dans ce nouveau groupe, British Aerospace et un "groupe
d'influence" noir africain prendraient une participation dans une transaction
de plusieurs centaines de millions de francs.177 Ce schéma se concrétise
finalement par une prise de participation de British Aerospace de 20 %
dans le capital de Denel Aviation, filiale avionique de Denel, ainsi qu'une
176 Air & Cosmos, 26 mars 1999.177 Air & Cosmos, 30 avril 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 61
prise da participation de 20 % dans Advanced Technologies Engineering,
autre filiale du groupe sud-africain.178 Ces décisions sont liées aux
commandes d'armement sud-africaines (environ 22 milliards de francs)
dont les montants de compensations aideront substantiellement les firmes
locales puisque Denel recevra 7 milliards de francs, sans compter ses
filiales Kentron (1 milliard de francs) ou Advanced Technologies
Engineering (1,5 milliard de francs). En outre Grintek recevra lui aussi 1
milliard de francs, Advanced Defence System 750 millions de francs et
Reunert 150 millions de francs. C'est dire que ce contrat a été efficacement
utilisé par les autorités sud-africaines pour obtenir des contreparties de
nature à faciliter la rénovation de son appareil de production d'armement.
D'autant plus que les liens industriels ne se sont pas limités au
groupe britannique. D'autres accords ont été passés qui voient l'entrée
d'autres firmes européennes dans le capital de firmes sud-africaines.
Le groupe Grintek a ainsi cédé 49 % de sa filiale Avitronics
(équipements de guerre électronique, lance-leurres, détecteurs d'alerte, etc.)
au groupe suédois Celsius. Les deux groupes ont de plus signé un accord
de partage de technologies concernant Avitronics et Celsius Tech
Electronics (filiale correspondante de Celsius) et devraient mettre en
commun leurs réseaux commerciaux dans ce domaine.179
Dasa a également annoncé avoir pris une participation de 33 % au
capital de Reutech Radar Systems, récemment créée dans les systèmes de
défense électronique.180
En Amérique latine, Dassault Aviation a signé un accord de
178 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.179 Air & Cosmos, 21 mai 1999.180 Les Echos, 14 août 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 62
coopération avec la firme d'aéronautique chilienne Enaer pour en faire un
centre de maintenance aéronautique pour les Mirage III, 5, 50 et F1
d'Amérique latine, ce qui représente un parc de 150 appareils. La firme
chilienne produira également des éléments pour les avions Falcon de
Dassault et la firme française propose un élargissement important de ces
perspectives dans le cas où le Chili choisirait de s'équiper de Mirage 2000-
5 dans le cadre du renouvellement de sa flotte d'avions de combat. Enaer,
qui avait déjà concrétisé des accords avec la Snecma, élargit donc sa
position dans ce secteur de production pour la zone.
Au Brésil, la possibilité d'une ouverture du capital de la firme
Embraer était évoquée depuis un certain temps. Cette possibilité s'est
concrétisée à la fin de l'année 1999. Le PDG de la firme nationale a d'abord
confirmé que des négociations étaient en cours avec des industriels
européens pour une ouverture qui représenterait 9 % du capital et 20 % des
droits de vote.181 Mais c'est finalement une ouverture plus importante qui
s'est faite puisque qu'elle se monte à un peu plus de 20 % du capital 182 :
Dassault Aviation, Aérospatiale-Matra et Thomson-CSF prendront chacun
5,76 % du capital, et la Snecma 3 %, ceci pour un montant d'un peu plus
d'1 milliard de francs. L'Etat brésilien conserve 6,8 % du capital et une
action spécifique.183 Les groupes français l'ont emporté face aux
propositions de British Aerospace et Saab. Une des perspectives de cette
présence accrue sur le marché brésilien est le renouvellement de la flotte
d'avions de combat (besoins estimés entre 120 et 150 appareils) à l'horizon
2005. L'affrontement avec les producteurs américains y sera très dur,
comme l'ont déjà été dans le passé les concurrences pour des marchés
d'hélicoptères ou pour la couverture radar de l'Amazonie. La présence
181 La Tribune, 1er octobre 1999.182 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.183 En anglais, golden share.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 63
industrielle directe est conçue comme devant constituer un atout
supplémentaire pour ne pas être évincé et pouvoir apparaître comme un
acteur local, facteur qui peut être décisif.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 64
CONCLUSION : L'EUROPÉANISATION INDUSTRIELLE DE
L'ARMEMENT A FRANCHI UNE ÉTAPE DÉCISIVE
L'année 1999 peut être considérée comme l'année zéro de l'Europe
de l'armement, en ce sens que, du point de vue industriel, des
regroupements majeurs se sont faits qui rendent définitivement caduques
les stratégies industrielles de "champions nationaux" dans le domaine de
l'armement. En ce sens, le regroupement britannique dans "BAe Systems"
n'est sans doute pas une forme achevée d'équilibre industriel, d'autant
moins que, ce faisant, le groupe britannique a choisi la voie d'une grande
spécialisation dans le militaire, qui n'est pas forcément la stratégie la mieux
à même de le mettre à l'abri des cycles d'activités et qui lui donne moins de
mobilité que l'insertion dans un groupe plus diversifié.
Le caractère irréversible du processus qui s'est accéléré en 1999 tient
aussi aux caractéristiques nouvelles que l'on peut repérer dans ces
mouvements :
Tout d'abord, le fait que ces alliances majeures se sont faites dans
des délais brefs, contrastant avec l'étalement dans le temps des négociations
qui était jusque-là l'habitude, sinon la règle. L'accélération des décisions
avait franchi un pas avec la fusion Thyssen-Krupp et le rapprochement
Agusta-Westland, elle a été encore plus forte dans le cas de la reprise de
l'électronique de GEC ou de la création d'EADS. Cette rapidité de réaction
tient aussi au fait que la coordination entre pouvoirs politiques et
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 65
industriels s'est faite sur un mode plus souple, moins dirigiste, où la marge
de manœuvre des négociateurs industriels était plus grande
Ensuite, on doit noter que ces alliances se sont faites sur des
volumes économiques très importants : la reprise de l'électronique de GEC
par BAe est la deuxième opération d'acquisition en termes de montant
financier après la reprise de McDonnell Douglas par Boeing. Mais c'est
aussi la nature de l'alliance qui est un fait nouveau : la fusion Aérospatiale-
Matra/Dasa, c'est la fusion de deux entités industrielles complètes et non
plus simplement le rapprochement de tels ou tels types d'activité.
Ces intégrations horizontales donnent une puissance économique
particulière aux groupes ainsi constitués. Elles posent pour l'avenir des
problèmes de concurrence, mais que des intégrations verticales auraient
également posés dans d'autres conditions. Cependant, on peut estimer que
le paysage ultime qui sortira de ce mouvement de recomposition n'est pas
nécessairement un paysage unipolaire : à côté d'EADS, la puissance de
BAe, en ce qui concerne l'aéronautique, n'est pas négligeable. Si le
rassemblement missilier autour de Aérospatiale-Matra, BAe et
Finmeccanica est très dominant, il n'a pas pour autant rassemblé encore
toutes les activités européennes de production de missiles et l'éventuelle
agrégation de ces activités autour de celles de Thomson pourrait maintenir,
au moins dans certains segments, une concurrence, d’autant que le groupe
français tente de se consolider dans ce secteur puisque, à Noël 1999, il
annonce qu'il va monter à 100 % dans la coentreprise Shorts Missiles
Systems (107 millions d'euros de chiffre d'affaires, 550 personnes, missiles
courte portée) en rachetant les 50 % du groupe canadien Bombardier.
Thomson-CSF va donc faire 4,5 milliards de francs de chiffre d'affaires en
2000 dans ce secteur. Il est d'ailleurs au second rang de l'électronique de
défense en Grande-Bretagne avec 920 millions d'euros de chiffre d'affaires
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 66
et 6 000 salariés.184 Dans le domaine des hélicoptères, il y a maintenant deux
producteurs. Dans le domaine spatial, à côté d'Astrium, les activités
d'Alcatel-Thomson peuvent aussi maintenir une certaine concurrence.
Enfin, ces alliances ont clairement pris une dimension
transnationale, ce qui s'est manifesté d'abord par le rapprochement Dasa-
Casa, puis à une plus grande échelle par la création d'EADS. Cette
caractéristique a maintenant pris un caractère d'irréversibilité qui marquera
les regroupements ultérieurs.
C'est que, si des étapes majeures ont été franchies, les
restructurations restent à faire dans d'autres domaines : cela concerne bien
sûr les changements de structures d'Airbus et d'Arianespace, mais aussi
tout le secteur des motoristes, dont l'avenir sera conditionné par les
politiques des deux prétendants majeurs que sont la Snecma (dont les
modifications de structures sont une mise en position pour affronter les
évolutions à venir) et Rolls-Royce. De manière connexe, le secteur de la
propulsion se prépare à des regroupements. Quant à l'électronique de
défense, les équilibres actuels sont loin d'être stables, qu'il s'agisse des
systémiers ou des équipementiers.
Enfin, on peut noter que les secteurs plus "traditionnels" de
l'armement terrestre et naval ont commencé à se mettre en mouvement, à
l'initiative des firmes allemandes et britanniques dans le premier cas, des
firmes allemandes et suédoises dans le second. Ces mouvements ne sont
que le début de la recomposition probable de ces domaines. Ils ne touchent
pas encore tous les producteurs européens ; pourtant, tant les chantiers
britanniques que le constructeur naval italien Fincantieri ou le chantier
espagnol Bazan seront à terme concernés à leur tour par le mouvement de
concentration. Mais surtout, on doit noter l'absence des groupes français 184 Le Monde, 24/25 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 67
GIAT Industries et DCN dans ces esquisses de négociations. Si des
transformations décisives et rapides n'intervenaient pas pour le statut et la
possibilité de mobilité de ces deux groupes, on peut craindre qu'ils ne
restent "sur la touche" des rapprochements qu'on pressent et donc qu'ils ne
soient obligés in fine de négocier dans la plus mauvaise situation possible
alors que les alliances principales auraient été faites hors d'eux, ce qui ne
laisserait pas d'être paradoxal, en comparaison de la place que prennent par
ailleurs les groupes français dans les autres restructurations européennes.
L'européanisation prend corps dans ce processus puisque les
alliances et regroupements ne se bornent pas aux trois pays les plus
importants en matière de production d'armement mais incluent également
l'Italie, l'Espagne ou la Suède, notamment. Dans cet ensemble, le couple
franco-allemand reprend une place significative avec la création d'EADS,
mais aussi le rapprochement dans le nucléaire de Framatome et Siemens ou
la création, sur un plan industriel plus large, d'Aventis (fusion de Rhône-
Poulenc et de Hoescht) ou bien encore les projets de la SNCF et de la
Deutsche Bahn de concevoir ensemble un train européen à grande vitesse.185
Et les entreprises françaises ne sont pas mal placées sur le plan européen
puisque les liens d'Aérospatiale-Matra, en particulier, ont permis de ne pas
négliger les alliances avec la Grande-Bretagne (Astrium, missiles).
C'est d'autant plus vrai que ce processus ne concerne pas seulement
les grands systémiers mais qu'il a été accompagné de restructurations chez
les équipementiers.
Dans ce contexte, il est important de ne pas oublier que les
industries productrices d'armement ne peuvent plus aujourd'hui être
analysées d'un strict point de vue de la "production militaire" : les groupes
sont de plus en plus diversifiés, pour la plupart d'entre eux la production de 185 Le Monde, 19/20 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 68
défense ne représente qu'une fraction de chiffres d'affaires et la stratégie
industrielle de ces groupes (voire de ces conglomérats) est globale. De
même que la concurrence qu'ils doivent affronter, en particulier pour
l'accès aux marchés financiers, est une concurrence globale qui les
confronte directement à des groupes totalement "civils". La question de la
taille critique n'est donc pas seulement liée à la compétition spécifique sur
le marché de la production militaire, mais renvoie à une compétition plus
globale où le fait de la production de défense n'est qu'un élément parmi
d'autres des choix stratégiques des dirigeants.
Cette "banalisation" des industries d'armement est une des
manifestations de la mutation radicale en cours dans les systèmes de
production d'armement, spécialement le système français. Elle va de pair
avec la considérable contraction d'effectifs de la DGA et l'inflexion de son
rôle.
Enfin, l'accélération de ce processus d'européanisation a modifié les
conditions d'évolution des relations transatlantiques (voir chapitre 3), et les
formes futures de la compétition entre systèmes de production d'armement
européen et américain commencent à se dessiner aussi avec les alliances
industrielles qui se nouent avec des firmes Extrême-Orient. Ce facteur sera
sans doute pour le début du XXIe siècle l'un des éléments déterminants des
rapports de force parce que la croissance économique dans cette zone est
soutenue (malgré les à-coups), que les besoins en équipements militaires y
sont croissants, que les capacités technologiques existent et que les firmes
de ces zones ont intérêt à obtenir des transferts de technologie.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 69
2. ALÉAS DES PROGRAMMES D'ARMEMENT EN
COOPÉRATION
Quand on analyse la répartition des commandes globales
d'armement passées par la DGA en 1997 et 1998, on constate la part non
négligeable des programmes en coopération. En effet, ont bénéficié de
telles commandes globales en 1997 le missile SCALP EG (pour 4,2
milliards de francs), le missile Apache antipiste (pour 1,6 milliard de
francs), les torpilles MU 90 (pour 2 milliards de francs) et, en 1998, le
développement de missiles PAAMS (pour 1,1 milliard de francs), soit un
total de 8,9 milliards de francs sur un ensemble de 21,6 milliards de
francs.186 Cette proportion de plus de 40 % représente une part
significativement plus importante que la moyenne des crédits affectés
annuellement et indique une évolution notable dans le sens d'un
accroissement des fabrications en coopération par rapport aux fabrications
nationales.
C'est ce mouvement que souligne le directeur du Service de la
recherche et des études amonts (SREA), Daniel Estournet :
En titre V le pourcentage programmé en coopération est de
18 % et cette proportion devrait croître de manière significative
pour passer à 25 % d'ici trois ans. Un accent particulier est mis sur
la coopération avec les pays dont le budget est analogue à celui de
la France (Allemagne, Grande-Bretagne) mais aussi avec l'Italie ou
la Suède.187
186 Note d'information DICOD du 15 janvier 1999.187 GIAT Magazine, 1er juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 70
Le fait vaut d'être souligné car la situation de la coopération pour les
programmes d'armement telle qu'elle apparaît avoir évolué en 1999 est
ambiguë. Certaines évolutions vont dans le sens d'un développement de la
coopération, comme le fait que British Aerospace et Dassault Aviation
pourraient ouvrir leur coopération sur la génération future d'avions de
combat à d'autres Européens comme Dasa ou Saab.188 Mais par ailleurs,
dans le domaine de la recherche, la dispersion reste la situation dominante,
comme le souligne Daniel Estournet dans l'entretien cité plus haut, alors
que certaines situations réclament des rapprochements à réaliser de manière
urgente étant donné les contraintes économiques, comme c'est le cas pour
les centres d'essais. Il y a en France une vingtaine de centres d'essais et
environ cent cinquante centres en Europe.189 C'est dire qu'il y a une évidente
nécessité de rationalisation, qui doit toutefois être menée de façon à
préserver une concurrence suffisante entre les centres pour maintenir leur
capacité d'innovation. Cette rationalisation pourrait, à en croire certaines
propositions, s'appuyer sur un développement de centres privés, mais il
paraît souhaitable que, là aussi, soit préservés un équilibre et une place
adéquats pour les centres publics, de façon à ne pas soumettre totalement
les objectifs de recherche à des contraintes commerciales de court terme.
Ce mouvement ne se développera pas de manière autonome. Il est lié à
l'évolution des restructurations industrielles en Europe, comme le souligne
Micke P. Rouse, directeur de la division militaire de British Aerospace :
La rationalisation des centres d'essais se fera au fur et à
mesure de la consolidation industrielle pour éviter toute duplication
et surcapacité en termes de moyens d'essais.190
188 Le Monde, 17 juin 1999.189 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.190 Ibidem.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 71
Toutefois, il est frappant de constater le décalage entre l'importance
des restructurations industrielles telles qu'elles se sont accélérées en 1999
et le rythme de la construction des organismes de coopération. On attend,
pour l'année 2000, une étape décisive pour l'OCCAR, faisant de lui un
organisme international autonome, doté de son propre budget et
théoriquement capable de s'engager seul avec des industriels sur des
programmes d'armement.191 Cette évolution sera incontestablement
importante. Mais, jusqu'à présent, l'OCCAR n'accueille que des
programmes qui ont été décidés ou lancés en dehors de lui ou avant lui. De
ce point de vue, l'ATF pourrait être un programme fondateur. Mais dans
l'immédiat, des aléas sérieux se constatent dans les coopérations
européennes : si certains programmes, en particulier dans les missiles,
progressent de manière satisfaisante, plusieurs autres se sont heurtés à des
difficultés ou des échecs.
2.1 LES PROGRAMMES EN COOPÉRATION EUROPÉENNE QUI
ONT PROGRESSÉ DE MANIÈRE POSITIVE EN 1999
Les déroulements de programmes qui ont évolué de manière
satisfaisante en 1999 concernent principalement le domaine des missiles
dans son ensemble, plus un certain nombre d'initiatives dans le secteur de
l'aéronautique et de l'espace.
191 Voir Le Monde,du renseignement, 9 septembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 72
2.1.1 LES COOPÉRATIONS EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE
MISSILES EN 1999
Si on fait l'état des coopérations192 dans les programmes de missiles,
on constate l'importance de la gamme qui est couverte avec, en missile de
croisière air-sol, le Scalp EG/Storm Shadow (Royaume-Uni, France,
Italie), en engins sol-air, le Roland et le drone Brevel (France, Allemagne),
en missiles antichar, les Trigat (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-
Bas, Belgique) et Milan et Hot (Royaume-Uni, France, Allemagne), en
missiles surface-air, l'Aster, le Milas, l'Otomat (France, Italie), en système
antimissile, la famille d'engins PAAMS (Royaume-Uni, France, Italie), en
missiles antinavires, le Polyphème (France, Allemagne) et le NSM (France,
Norvège), en missiles air-air, Meteor (Royaume-Uni, Allemagne, Italie,
Espagne, Suède193).
Cette importance des coopérations se retrouve dans l'analyse que
font les responsables de Matra BAe Dynamics, au moment de la création
d'EADS, où, à la légitime question de l'affaiblissement de la concurrence
dans le secteur des missiles, ils répondent en soulignant l'importance de la
concurrence américaine dans ce domaine. Le PDG de MBD, Fabrice
Bréguier, rappelle :
Plus de 50 % du marché européen des missiles est entre les
mains des Américains alors que 0 % du marché des missiles aux
Etats-Unis est entre les mains des Européens.194
Et il insiste sur l'importance des partenariats de MBD en Europe :
avec Saab en Suède, Konsberg en Norvège, BGT en Allemagne.
192 Cf. La Tribune, 21 octobre 1999.193 Avec la participation de la firme franco-britannique Matra-BAe Dynamics.194 Les Echos, 25 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 73
L'évolution des programmes de missiles conforte cette
représentation :
En mai 1999, a été signé entre la France et la Norvège l'accord de
coopération concernant le programme de missiles antinavires (NSM).195
En juin, le programme de missiles antichars Trigat à moyenne
portée (Trigat MP) a vu se lever les incertitudes qui pesaient sur son sort
quand le Royaume-Uni a annoncé sa décision de signer le protocole
intergouvernemental pour la production en série196 qui avait déjà été signé
par la France et l'Allemagne en décembre 1998. Ce programme n'attend
plus que les signatures de la Belgique et des Pays-Bas. Ce programme
comporte 35 000 munitions et 1 600 postes de tir dont la Grande-Bretagne
devrait acquérir 45 %. Les livraisons sont prévues pour s'étaler de 2002 à
2012. Les industriels concernés sont Aérospatiale-Matra Missiles, Matra
BAe Dynamics et LFK. Ce programme était menacé par la concurrence du
missile Gill du constructeur israélien Rafael et risquait surtout de subir le
même sort que celui du Trigat LP, successivement abandonné par la
Grande-Bretagne et la France.
Le même mois, les programmes FSAF (famille de systèmes sol-air
futurs) ont été placés sous la responsabilité de l'OCCAR, devenant ainsi le
septième ensemble géré par l'organisme conjoint. La FSAF est un
assemblage particulièrement important puisque, à partir du missile Aster,
elle décline des versions de système terrestre (SAMP/T) et de systèmes
navals (SAMP/N), ainsi que le système d'armes PAAMS destiné à
l'armement des frégates anti-aériennes franco-italiennes mais aussi des
195 Info-DGA 1er mai 1999.196 Air & Cosmos, 18 juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 74
frégates britanniques, malgré leur abandon du programme Horizon.197
Précisément le programme PAAMS a lui aussi, à l'été 1999, franchi
une étape supplémentaire puisque la DGA a notifié au nom des trois
nations198 (France, Italie, Royaume-Uni) le contrat de développement et de
production initiale du système PAAMS (14 milliards de francs) auprès de
EUROPAAMS SAS, maître d'œuvre industriel qui rassemble le GIE
Eurosam (Alenia Marconi Systems, Thomson-CSF et Aérospatiale-Matra)
et la société UKAMS (filiale 100 % de MBD). Le contrat, d'environ 14
milliards de francs, porte sur le développement du système et la fourniture
à chaque client d'un système complet avec les missiles associés. Les
livraisons sont prévues pour commencer en 2005. Si les radars de conduite
de tir ne sont pas unifiés (radars EMPAR pour la France et l'Italie, radars
SAMPSON pour le Royaume-Uni), en revanche les autres composants
principaux (missiles Aster 15 et 30, système de lancement vertical Sylver,
radar de surveillance S1850M) le sont. Dans ce programme il est
particulièrement significatif que, malgré l'échec de la coopération tripartite
sur les bâtiments proprement dits, les trois pays concernés aient pu se
mettre d'accord pour cette réalisation commune.
Enfin en octobre, l'Italie à son tour passe commande du missile air-
sol de croisière Storm Shadow / Scalp EG et décide de participer au
développement et à la production du programme.199 La commande italienne
se situe entre 2 et 3 milliards de francs. La Grande-Bretagne avait déjà
passé commande de 700 missiles en février 1997 pour 5,5 milliards de
francs et la France avait fait de même en décembre 1997, commandant 500
197 TTU, 17 juin 1999.198 Cf. Communiqué de presse du ministère de la défense, 11 août 1999. Voir pour complément Air & Cosmos, 8 septembre 1999.199 Le Monde, 21 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 75
missiles pour 3,8 milliards de francs. Alenia Marconi System devrait
participer avec Matra BAe Dynamics à la construction du missile de
croisière. Cette décision, intervenant après le lancement du programme
PAAMS, établit des liens plus étroits entre l'industrie italienne d'armement
et les autres industriels européens du secteur. A ce titre, elle est
particulièrement importante.
2.1.2 AVANCÉES DES COOPÉRATIONS DANS LE DOMAINE
AÉRONAUTIQUE ET SPATIAL
La décision la plus importante de l'année 1999 dans ce domaine est
incontestablement le fait que la France et l'Allemagne aient signé le contrat
de production de série de l'hélicoptère Tigre (20 milliards de francs) pour
une première tranche de 160 machines (80 UHT, 70 HAP et 10 HAC). La
notification en est faite à Eurocopter, maître d'œuvre de l'appareil avec un
contrat pluriannuel pour des livraisons qui devraient commencer en 2002
pour l'Allemagne et l'année suivante pour la France,200 sans pourtant qu'à ce
moment le contrat du moteur MTR390 soit encore signé.201
Le lancement de ce programme est un événement important d'abord
parce que le programme Tigre est archétypique des programmes de
coopération lancés par une volonté politique : les premières études ont
démarré en 1979 puis ont été freinées avant que le programme ne soit
relancé en 1984. Depuis ce temps des vicissitudes diverses ont affecté son
déroulement, sans compter les révisions pour obtenir des baisses de coûts.
Le programme comporte finalement trois versions de l'appareil et non pas
deux comme prévu au départ. De plus la version antichar (HAC), conçue
dans les années quatre-vingt comme une part très importante du
programme, est maintenant sérieusement revue à la baisse quant à son
200 AFP, 18 juin 1999.201 Air & Cosmos, 25 juin 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 76
volume, et les dates de premières livraisons sont repoussées à 2011.202 Les
retards successifs qui ont affecté ce programme n'ont pas permis dans les
années récentes que le Tigre participe pleinement aux compétitions pour
les équipements d'hélicoptères de pays européens. Cette décision est donc
une avancée importante, tant pour le marché intérieur que pour les marchés
extérieurs.
Au premier trimestre 1999, la France, le Royaume-Uni et
l'Allemagne ont également décidé de réaliser un démonstrateur de radar
aéroporté de nouvelle génération - le radar Amsar (airborn multirole solid
state active array radar) - destiné à équiper leurs avions de combat futurs.
Il s'agit du démarrage de la deuxième phase d'un programme lancé en
1992. Cette deuxième phase est estimée à 1 milliard de francs, après 500
millions de francs pour la phase précédente. Ce radar est réalisé par un GIE
qui associe Thomson-CSF, GEC et Dasa.203
Dans le domaine spatial, Matra Marconi Space, Dornier Satellites
(filiale de Dasa), Alenia et Alcatel Space ont annoncé la constitution d'un
consortium pour l'étude préliminaire du projet de navigation par satellite
Galileo. Ce projet, qui a été lancé en mai 1999 par la Commission
européenne, pourrait permettre d'élaborer une alternative au système GPS,
entièrement contrôlé par le Département américain de la défense. Le
consortium assurera la partie spatiale proprement dite du projet.204 En fin
d'année 1999, l'ESA a signé cinq contrats pour les études de Galileo,
couvrant la phase de définition, soit 80 millions d'euros. Le système
202 Voir Jean-Paul Hébert, Les exportations d'armement. A quel prix ?, la Documentation française, Paris, 1998, (chapitre 5, pages 88-91) pour la synthèse de l'évolution des coûts du programme, de son calendrier et de son volume.203 Les Echos, 12/13 mars 1999.204 Les Echos, 14 octobre 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 77
complet comportera 21 satellites pour un coût global (avec segment sol) de
2,7 milliards d'euros.205
En outre, après l'échec de Trimilsatcom, la France et l'Allemagne
ont signé un accord permettant à l'Allemagne de louer une partie des
capacités du futur système français de communications par satellites
Syracuse 3.206
Dans l'aéronautique, l'Allemagne et l'Italie sont sur le point
d'officialiser le lancement du programme d'avions de patrouille maritime
MPA. Quatre concurrents sont en lice : Dassault Aviation (Atlantique3),
Lockheed-Martin (P-3C), Boeing associé à BAe (Nimrod MRA-4) et
Raytheon.207
Enfin, en début d'année 1999, le programme ATF a progressé avec
le dépôt des offres des trois soumissionneurs : Airbus Military Company
(Airbus auquel sont associés Alenia, Flabel (Belgique) et Turkish
Aerospace), Antonov, et Lockheed-Martin associé à son rival américain
Boeing.208 Antonov, ayant noué des accords avec des firmes allemandes,
paraissait à ce moment avoir la faveur du gouvernement allemand, d'autant
plus que sa proposition serait financièrement sensiblement moins lourde
que celle d'AMC. Cependant, la création d'EADS a sans doute
profondément modifié la donne dans ce domaine et il semble bien qu'en fin
d'année, le gouvernement allemand soit en train de modifier son point de
vue. L'avenir du programme ATF est très important pour l'"Europe de
l'armement", étant donné son volume financier évidemment (environ 150
milliards de francs pour 288 appareils), mais aussi parce que cette forme de
205 Air & Cosmos,, 17 décembre 1999.206 La Tribune, 19 décembre 1999.207 Air & Cosmos, 12 novembre 1999.208 La Tribune, 28 janvier 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 78
"production unique", si elle se réalisait, serait une nouveauté dans le
domaine de la coopération en matière d'armement. Cependant, le contour
exact du programme est loin d'être défini de manière assurée et les
estimations de besoins, en fin d'année 1999, sont descendues de 288
appareils à environ 200. Encore ce dernier chiffre est-il considéré comme
optimiste par les services allemands qui situent la fourchette entre 150 et
170 appareils.209
2.2 DIFFICULTÉS ET ÉCHECS DES PROGRAMMES EN
COOPÉRATION
L'année 1999 a été marquée par des échecs sérieux de la
coopération, touchant des programmes majeurs comme ceux de la frégate
Horizon ou du véhicule de combat blindé d'infanterie. L'arrêt du
programme de lanceur Vega peut aussi être analysé comme un échec et le
programme d'hélicoptère NH90, s'il continue d'exister, a néanmoins subi
des aléas graves.
Le programme de frégates antiaériennes Horizon avait été lancé en
1992 par la France, l'Italie et le Royaume-Uni. Ce programme très
important financièrement (22 bâtiments pour 80 milliards de francs) était
également un choix majeur dans la coopération européenne, dans ce
domaine des constructions navales où, jusque-là, les coopérations avaient
été bien moins nombreuses qu'ailleurs.210 Un accord avait été signé en 1994
et avait été suivi en 1995 de la mise sur pied d'un consortium trinational
Horizon IJVC. Toutefois, assez rapidement des désaccords avaient surgi
209 Air & Cosmos, 3 décembre 1999.210 L'exception la plus notable étant le programme de chasseurs de mines tripartite Eridan (France, Belgique, Pays-Bas) pour 35 bâtiments, mais qui remonte à 1975.
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entre les participants et, en 1997, le lancement du programme avait subi
une première série de retards.211 Ensuite, de nouveaux désaccords étaient
apparus quant aux systèmes d'armes entre d'une part UKAMS (GEC-Matra,
British Aerospace et Siemens-Plessey) et d'autre part Eurosam
(Aérospatiale, Thomson-CSF, Alenia).212 Les négociations ultérieures
avaient paru résoudre les difficultés au point que le ministre français de la
Défense pouvait déclarer en octobre 1998 que le programme "était sur la
bonne pente".213 Cette analyse optimiste était encore confortée par les
accords franco-britanniques de Saint-Malo, en décembre 1998. Toutefois,
les réticences britanniques n'avaient pas toutes disparu et la fusion BAe-
Marconi de janvier 1999 a encore modifié les rapports de force dans le
programme au point qu'en février la France et l'Italie avaient dû accepter
que la maîtrise d'œuvre soit donnée à GEC-Marconi plutôt qu'à IJVC
(consortium composé de DCN-International, d'Orrizonte (Fincantieri et
Finmeccanica) et GEC-Marine). Cette concession n'a pas été suffisante et
les Britanniques ont finalement décidé de se retirer du programme. 214
L'argument principal mis en avant par le secrétaire d'Etat britannique à la
Défense, John Spellar, est l'insuffisance de rentabilité.215
Cet échec est cependant relativisé par deux facteurs : le premier est
qu'une coopération continue entre la France et l'Italie pour un programme
cependant nettement réduit en volume : quatre bâtiments au total (deux par
pays) au lieu de dix (quatre pour la France et six pour l'Italie) pour environ
20 milliards de francs. Les industriels concernés sont les mêmes que ceux
du projet initial.216 Le deuxième facteur positif est que, si la coopération
globale tripartite est arrêtée, elle continue cependant en ce qui concerne le
211 Le Monde, 26 mars 1997.212 TTU, 7 juillet 1999.213 AFP, 27 octobre 1998.214 Les Echos, 27 avril 1999.215 Le Monde, 28 avril 1999.216 AFP, 21 octobre 1999.
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système d'armes antiaérien PAAMS, qui représente environ 40 % du coût
total. La perspective franco-italienne apparaît comme progressant
favorablement et le chef d'état-major de la Marine française, l'amiral
Delaunay, peut souligner à l'automne 1999 :
Du fait des efforts accomplis par chaque partie, les
spécifications globales du bâtiment sont presque acquises, en sorte
que le programme devrait être lancé au printemps prochain dans
des conditions satisfaisantes.217
Si, compte tenu de ces éléments, l'échec de la coopération sur le
programme Horizon peut être considéré comme un semi-échec, il n'en va
pas de même quant au programme de véhicule blindé de combat
d'infanterie (VBCI), qui - du point de vue français - est un échec lourd,
dans un secteur - l'armement terrestre - qui n'avait pas besoin d'ajouter cela
à ses difficultés.
Un accord de principe avait été signé en 1996 entre France,
Royaume-Uni et Allemagne pour ce programme.218 Dans cette optique
GIAT Industries avait signé une lettre d'intention en 1997.219 Et, quelques
mois plus tard, la France avait confirmé sa participation au programme.
Deux consortiums présentaient des offres à ce moment : l'un sous la
houlette de Krauss-Maffei (+ Mak (Rheinmetall), Wegman, GKN et GIAT
Industries), l'autre animé par Henschel-Kuka (avec Vickers, Alvis et
Panhard).220 C'est au premier d'entre eux que l'Allemagne, chef de file du
projet, et le Royaume-Uni confient le programme en avril 1998.221 La
France à ce moment réserve sa réponse, craignant que la part qui reviendra
217 Les Echos, 22 octobre 1999.218 Le Monde, 25 juillet 1996.219 Le Monde, 2 avril 1997.220 AFP, 15 octobre 1997.221 Les Echos, 22 avril 1998.
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à GIAT Industries ne soit trop faible. C'est que, entre les industriels
concernés, la lutte pour la répartition des responsabilités et des charges de
travail n'a pas cessé. De plus, périodiquement, des divergences sur les
spécifications du matériel sont revenues : plutôt "transport de troupes" pour
les uns, ou véhicule de combat destiné à accompagner les chars Leclerc
pour la France. Ces différences de besoin donnent l'occasion à la France, à
la fin de l'année 1998, de limiter sa commande à 50 exemplaires, en se
réservant la possibilité d'un matériel national correspondant à la version
véhicule de combat.222 Du coup, un appel d'offres particulier à la France est
lancé en 1999 pour un VCI (véhicule de combat d'infanterie) pour lequel
deux offres ont été présentées : l'une associe à GIAT Industries le Suisse
Mowag et l'Anglais Vickers, l'autre regroupe Panhard, RVI et Henschel. Le
programme de VCI porterait sur 500 exemplaires à livrer à partir de 2004
pour 4 milliards de francs.223 Ce processus revient de fait à se retirer de la
coopération tripartite telle qu'elle avait été envisagée initialement, ce
qu'exprime la DGA en disant que "le programme a pris une nouvelle
configuration".224 C'est le même constat que font les milieux
gouvernementaux allemands fin octobre 1999, au moment où les
responsables allemands et britanniques préparent la signature du
mémorandum relatif au projet, en considérant que la France s'est retirée du
programme.225 Celui-ci est lancé avec dans un premier temps 600 véhicules
(300 pour chacun des coopérants), avec la perspective d'être élargi aux
Pays-Bas. La signature officielle par l'Allemagne et la Grande-Bretagne se
fait à Berlin en novembre 1999 avec les industriels allemands Krauss-
Maffei Wegmann GmbH (Munich) et MaK System GmbH (Kiel) et
britannique Alvis Vehicles Ltd (Telford). Le premier contrat pour le
222 Le Monde, 23 décembre 1998.223 Les Echos, 27 mai 1999.224 AFP, 13 octobre 1999.225 AFP, 28 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 82
développement est de 111 millions d'euros. La première phase de
production sera de 600 véhicules pour 770 millions d'euros, le marché
potentiel étant estimé à 4 000 unités.226
Le résultat de ces atermoiements et affrontements est de laisser
GIAT Industries à l'écart d'une coopération financièrement importante.
Certes la compétition entre les principales firmes européennes pour le
partage de la charge de travail était rude. Mais il semble bien que, quand il
est apparu que le groupe français ne serait pas le chef de file du projet,
celui-ci a rapidement cessé d'être véritablement pris en compte dans la
stratégie industrielle du groupe, tentant un repli essentiellement hexagonal
même si quelques firmes sont associées à son plan. La réalisation du
démonstrateur Vextra symbolise assez bien cette tactique du repli, alors
même que le rapporteur de la Commission de la défense de l'Assemblée
nationale, pourtant favorable à ce démonstrateur, est obligé d'en rappeler le
coût élevé :
Votre rapporteur s'était déjà interrogé /../ sur l'intérêt de
concevoir un nouveau véhicule en coopération internationale alors
que GIAT Industries avait développé de son côté le programme
Vextra correspondant aux spécifications de l'armée de terre
française. Le chef d'état-major de l'armée de terre avait, à l'époque,
précisé que le Vextra répondait parfaitement aux besoins de l'armée
française mais qu'il n'avait pas été retenu en raison de son coût.227
226 AFP, 5 novembre 1999.227 Jean-Claude Sandrier, Avis au nom de la Commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2000.. Tome IV. Défense. Forces terrestres., Assemblée nationale, document N°1864, 14 octobre 1999, 76 pages. (page 38).
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 83
Ce diagnostic d'un acteur qui est loin d'être défavorable aux projets
de GIAT Industries illustre assez bien la situation dans laquelle s'est
enfermé le groupe français : tenter encore une fois de jouer les crédits
nationaux quel que soit le montant, plutôt que d'arriver à réaliser un niveau
de prix acceptable ou d'accepter de jouer les seconds dans une coopération
européenne. La conséquence en est que le programme européen se fera,
mais sans participation française significative et sans que, pour autant
l'avenir de GIAT Industries soit assuré, la gestion des crédits nationaux de
défense se faisant de plus en plus dans une optique de calcul de
"compression des coûts".
L'enjeu du petit lanceur européen VEGA était sans doute moins
important que celui des programmes Horizon et VBCI. Ce lanceur conçu
pour mettre en orbite circulaire polaire des charges jusqu'à une tonne était
un programme principalement porté par l'Italie, prêt à le financer à 55 %.
Une société commune, Végaspazio, avait été créée en avril 1999, par Fiat-
Avio et Aérospatiale (50/50).228 Une première tranche de ce programme
avait été approuvée par l'agence spatiale européenne en 1998 pour 330
millions de francs. Mais le conseil de l'ESA de la fin octobre 1999 n'a pas
confirmé la suite du programme, étant donné la décision française de ne
pas continuer à assurer le financement (30 %). Le reste du financement (15
%) est à la charge de cinq pays (Belgique, Pays-Bas, Espagne, Suède et
Suisse) et l'Italie souhaite continuer le travail entrepris en trouvant d'autres
partenaires. La firme américaine Thiokol a déjà proposé ses capacités en ce
qui concerne le premier étage du lanceur.229 Toutefois, la remise en cause de
ce programme pourrait avoir des conséquences plus importantes, si l'Italie
met à exécution sa menace de ne plus financer certains autres programmes
228 Air & Cosmos, 30 avril 1999.229 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 84
de l'ESA de façon à libérer des fonds pour ses propres recherches.
Les difficultés pour l'hélicoptère de transport NH90 ne sont pas
aussi graves que celles analysées ci-dessus. Néanmoins le déroulement du
programme n'est pas aussi harmonieux que prévu. Pourtant en mai 1998,
les quatre pays participants (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas) s'étaient
engagés à passer commande du tiers des appareils (239 machines, soit 154
en naval et 85 en terrestre) dès le lancement de la phase d'industrialisation
prévue pour la fin de l'année 1998 ou le début de 1999. 230 Mais la signature
du contrat d'industrialisation sera plus tardive qu'il n'avait été prévu à ce
moment. En particulier, l'Allemagne a fait savoir que, si elle envisageait
d'augmenter le nombre des machines qu'elle commanderait (de 67 à 134),
elle souhaitait par ailleurs retarder d'un an les premières livraisons.231 Selon
le ministre de la Défense français, la signature est toujours attendue pour la
fin de l'année 1999 pour un premier lot de 152 appareils. 232 Mais en fin
d'année 1999, un nouveau report renvoie à la mi-2000 la date de signature
du contrat.233 Cependant, les réactualisations successives des commandes
par chacun des pays participants laissent une zone d'incertitude sur les
conditions et la date de mise en route effective de ce programme.
230 Les Echos, 20 mai 1998.231 La Tribune, 31 août 1999.232 AFP, 15 octobre 1999.233 La Tribune, 14 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 85
CONCLUSION : L'ANNÉE 1999 A VU L'ESSOUFFLEMENT DES
GRANDS PROGRAMMES CLASSIQUES DE COOPÉRATION
Le bilan qu'on peut tirer de l'évolution des programmes d'armement
en coopération dans l'année 1999 est un bilan contrasté.
Les programmes de coopération dans le domaine des missiles ont
évolué de manière satisfaisante, qu'il s'agisse du programme de missile
antinavire franco-norvégien NSM, des missiles antichars Trigat moyenne
portée, des programmes FSAF, du programme PAAMS, (notifié au nom
des trois pays coopérants France, Italie, Royaume-Uni pour 14 milliards de
francs) ou du missile de croisière Storm Shadow / Scalp EG (franco-
britannique) rejoint par l'Italie. On remarquera cependant que l'étroitesse
des liens industriels qui rassemblent les industriels engagés dans ces
programmes n'est sans doute pas pour rien dans le fait qu'ils se déroulent
sans difficultés excessives. C'est que les formes institutionnelles des
coopérations ne sont pas indifférentes pour l'efficacité de l'organisation.
Plus ces formes sont intégrées (jusqu'à la mise en commun de la R&D
éventuellement), plus elles apparaissent comme produisant des résultats
économiques appréciables.
Dans le domaine aéronautique, l'événement marquant de l'année
1999 est la signature du contrat de production en série d'hélicoptères Tigre,
pour une première tranche de 160 machines (20 milliards de francs). Après
les atermoiements et modifications de calendrier, négociations sur les prix
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 86
et les spécifications qui ont marqué ce programme démarré en 1979 et
relancé en 1984, cette décision signifie enfin le début de la réalisation
proprement dite. Elle ouvre la voie à des marchés d'exportation qui jusque-
là s'étaient révélés inatteignables pour l'appareil franco-allemand, étant
donné l'incertitude sur son avenir. En même temps, cette décision (qui n'est
pas accompagnée d'une décision équivalente en ce qui concerne
l'hélicoptère de transport NH90) est aussi une décision volontariste pour
mener à son tour un programme dont la signification politique majeure de
relance de la coopération franco-allemande en matière d'armement au
milieu des années quatre-vingt était prédominante.
Dans le même domaine, l'avancée du programme d'avion de
transport futur, avec le dépôt des offres concurrentes, peut être considérée
avec intérêt. D'une part parce qu'on peut observer une certaine modification
de la position allemande, plus favorable à une éventuelle solution russo-
ukrainienne en début d'année, vers la solution de AMC, compte tenu de la
fusion Aérospatiale-Matra / Dasa annoncée en octobre ; d'autre part, parce
que ce programme, s'il se réalise dans cette configuration, sera une forme
nouvelle de coopération beaucoup plus fondée sur l'initiative des industriels
que dans les programmes passés;
C'est peut-être dans les difficultés des formes anciennes de la
coopération en matière d'armement qu'il faut trouver l'explication de
l'échec de certains grands programmes comme celui de la frégate Horizon.
L'échec n'est pas total puisque la continuation du programme (Royaume-
Uni d'un côté, France et Italie de l'autre) pour les bâtiments s'accompagnera
cependant d'un système d'armes commun pour l'essentiel.
L'échec est sans doute beaucoup plus lourd, au moins en ce qui
concerne le point de vue français, pour le programme de VBCI, puisque le
résultat en est que GIAT Industries se retrouve en position isolée par
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 87
rapport à cet important programme européen et que cet isolement ne sera
compensé ni économiquement ni technologiquement par la réalisation
future d'un VCI uniquement destiné aux forces françaises.
L'arrêt du programme de petit lanceur franco-italien Vega est de
moindre importance et peut sans doute s'expliquer par des considérations
d'analyse coùt-efficacité pour un marché (petites charges) sur l'avenir
duquel les experts ne sont pas d'accord.
Quant à l'hélicoptère NH90, on doit parler plutôt de difficultés que
d'échec, puisque le programme continue. Cependant le retard des pays
coopérants à passer leurs commandes, notamment celui de l'Allemagne, fait
encore peser des incertitudes, pour un programme lui aussi lancé dans les
formes anciennes de la coopération, principalement sous l'impulsion d'une
volonté politique.
Finalement, les difficultés (ou les échecs) les plus sérieuses touchent
les programmes en coopération dont les formes de lancement et
d'organisation sont les plus anciennes. Or, les conditions de la coopération
sont en train de se modifier substantiellement. Historiquement la
coopération a joué un rôle déterminant en habituant les différents pays à
travailler ensemble dans un domaine qui était par excellence un lieu
d'affrontement des souverainetés. De plus, elle a montré que des
programmes en coopération pouvaient être également des réussites
techniques et commerciales. Elle a permis de constituer le socle sur lequel
peut s'édifier aujourd'hui une industrie européenne de l'armement. Mais ce
processus de production commune atteint maintenant ses limites
d'efficacité et la mutation en cours est finalement le passage d'une
production commune à une production unique en matière d'armement, de la
même façon - toutes choses égales par ailleurs - que se réalise le passage à
une monnaie unique. Il n'est évidemment pas indifférent que ces deux
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 88
processus s'enclenchent presque concomitamment, s'agissant de deux
domaines - monnaie et armement - qui constituent deux champs essentiels
de la Souveraineté.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 89
3 L'ÉVOLUTION DES RELATIONS
TRANSATLANTIQUES ENTRE SYSTÈMES DE
PRODUCTION D'ARMEMENT
Les relations entre systèmes américain et européen de production
d'armement sont au cœur des problèmes de souveraineté et d'autonomie
stratégique. Elles ont connu des stades successifs, depuis la tentation
américaine du monopole dans les années 1993-1995, en passant par le
développement des coalitions ad hoc dans la période 1995-1997, jusqu'à la
multiplication de liens renforcés en 1997-1998.234 Elles sont marquées par
l'ampleur de la réorganisation du système américain mais aussi, dans la
période considérée, par le bouleversement accéléré de l'industrie
européenne.
234 Sur ces différents points, Voir les publications antérieures du Cirpes, notamment :Jean-Paul Hébert, "Changements dans le système de production d'armements aux
Etats-Unis et conséquences pour les pays européens" in Alain Joxe (dir.), "Le débat stratégique américain 1994-1995. Révolution dans les affaires militaires?", Cahiers d'études stratégiques, N°18, 4ème trimestre 1995, 170 pages. (pp.129-144).
Jean-Paul Hébert, "Restructuration des industries d'armement aux Etats-Unis et en Europe : alliances antagonistes ou coalitions ad hoc ? " in Alain Joxe et Maurice Ronai (Coord.), "Le débat stratégique américain 1995-96 : nouvelle pratique des alliances", Cahiers d'études stratégiques, N°20, 1997, 160 pages. (pp.135-140).
Jean-Paul Hébert (dir.), Etats et firmes d'armement en Europe, Cahiers d'études stratégiques, N°22, 1998, 144 pages.
Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries américaines d'armement : modèle ou menace ?, Cahiers d'études stratégiques, N°23, Paris, 1999. (chapitre 6).
Jean-Paul Hébert, Tribulations économiques de l'armement européen, Cahiers d'études stratégiques, N°24, 1999, 128 pages.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 90
On examinera d'abord le mouvement des restructurations de
l'industrie américaine d'armement en 1999, mouvement qui, après
l'"accalmie" de 1998, a vu à nouveau se dérouler des opérations majeures.
On présentera ensuite l'évolution des restructurations américano-
européennes, c'est-à-dire aussi bien les opérations européennes aux Etats-
Unis que les opérations américaines en Europe, tant il est vrai que ce
mouvement est bien loin de se faire à sens unique. On analysera ensuite les
autres relations industrielles et commerciales qui se sont établies
pendant l'année 1999 entre les deux ensembles, en soulignant que certaines
d'entre elles sont particulièrement importantes pour l'avenir. On reviendra
enfin sur la vision américaine des relations transatlantiques dans le
domaine de la production d'armement et son évolution au fur et à mesure
des transformations des industries européennes.
3.1 L'ÉCART ENTRE CAPACITÉS MATÉRIELLES AMÉRICAINE
ET EUROPÉENNES
Un certain écho235 a été donné aux analyses de l'IISS sur le
creusement de l'écart militaire entre Etats-Unis et Europe. L'Institut anglais
estime que les budgets de défense "montrent de façon inquiétante que les
moyens des européens sont de plus en plus inférieurs à ceux des
américains". L'IISS souligne encore que les budgets de défense européens
pour 1999 (140 milliards de dollars) sont inférieurs de près de moitié à
celui des Etats-Unis. Il assure aussi que la guerre du Kosovo a montré que
l'écart se creusait et juge peu crédible l'éventualité d'une identité
européenne de défense. Il juge en outre que "les européens ne paraissent
pas avoir de stratégie commune pour contrer le différentiel croissant de
235 Le Monde, 23 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 91
moyens militaires avec les Etats-Unis" et considère que la faiblesse de
l'Euro renchérit la technologie américaine "au moment où l'Europe en a le
plus besoin" et, favorisant les exportations européennes, dissuade ces pays
d'entreprendre des efforts en matière de budgets de défense.
L'analyse est sévère. Ses axes essentiels ont été repris sous le titre
"L'OPA américaine sur la défense européenne",236 dans un article soulignant
que les 268 milliards de dollars votés pour le budget américain de la
défense comptaient au seul titre des achats d'armement 53 milliards de
dollars, à quoi il faut ajouter 38 milliards de dollars pour les dépenses
d'études et de recherche-développement, soit pour ce dernier poste quatre
fois plus que pour les européens (9 milliards de dollars). Cette analyse
s'inscrit dans la même logique que les propos du général Short - "celui qui
tire l'épée la plus aiguisée, c'est celui-là qui donne les ordres" - . En fait,
c'est bien l'idée d'une "nouvelle course aux armements", telle que formulée
par le Cirpes ces dernières années, qui s'exprime ici. Cependant l'analyse
mérite d'être plus affinée que celle d'une simple OPA, qui ne paraît guère
correspondre à la complexité des relations entre les deux systèmes et on
verra qu'on ne peut pas dire purement et simplement que l'Europe serait un
objet passif soumis aux intentions américaines. D'autant que les chiffres
absolus cités ci-dessus méritent d'être eux-mêmes relativisés : le montant
des dépenses de recherche-développement cité pour 2000 correspond en
fait à une baisse de 30 % en monnaie constante par rapport à 1989 et, dans
la même période, les entreprises américaines ont augmenté leurs propres
budgets de recherche-développement qui est aujourd'hui deux fois
supérieur à celui de l'administration, ce qui fait qu'un certain nombre
d'entreprises américaines (Intel, General Electric, DuPont et IBM
notamment) reconsidèrent l'intérêt de leurs fournitures spécifiques pour le
236 Jacques Isnard. Le Monde, 31 octobre-1er novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 92
Pentagone.237 C'est dire que la puissance américaine n'est pas aussi
indiscutable qu'il y paraît et que les enjeux sont plus complexes que ceux
d'une simple OPA.
3.2 RESTRUCTURATIONS DE L'INDUSTRIE AMÉRICAINE
D'ARMEMENT EN 1999 : UN NIVEAU RECORD POUR LES
ENTREPRISES DU "DEUXIÈME TIERS"
En faisant la synthèse du mouvement de restructuration américain
pour l’année 1998, on pouvait conclure que, pour l'essentiel des entreprises
du premier tiers, ce mouvement était achevé, en ajoutant que, en revanche,
les équipementiers du deuxième tiers allaient sans doute être à leur tour
entraînés dans ce mouvement.238 C'est effectivement ce qu'on observe pour
l'année 1999 : les fusions d'entreprises de défense en Amérique et en
Europe ont battu les records au premier semestre avec un montant de 60
milliards de dollars (contre 49 au premier semestre 1997 et seulement 15
pour l'année 1998, année de transition).239 Parmi les opérations les plus
importantes, on note la fusion AlliedSignal / Honeywell (15,3 milliards de
dollars), le rachat de LucasVarity par le groupe américain TRW pour 6,5
milliards de dollars, le rachat de Gulfstream par General Dynamics pour
5,3 milliards de dollars. Et on peut identifier un certain nombre de cibles
potentielles comme Collins (filiale avionique du groupe Rockwell), Litton
Industries ou Racal Electronics en Europe.
237 Wall Street Journal, cité par le site de l'ambassade de France à Washington : www.France.science.org, le 22 octobre 1999.238 Voir Cahiers d'études stratégiques, N°23, (op.cité) : chapitre 1.239 Voir la lettre en ligne Defense Mergers & Acquisitions, citée par La Tribune,, 8 juillet 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 93
3.2.1 ETAT GÉNÉRAL DU MOUVEMENT DE FUSIONS DANS
L'ÉCONOMIE MONDIALE
Cependant, on ne doit pas oublier que le mouvement de
concentration-fusion est bien loin de se limiter aux entreprises d'armement
et que, au contraire, c'est un mouvement d'ensemble de l'économie, aussi
bien pour les firmes industrielles que pour les firmes de services.
De ce point de vue, les fusions et acquisitions dans le secteur de la
défense représentent un montant qui n'est pas négligeable :
FUSIONS-ACQUISITIONS DANS LA DÉFENSE ET L'AÉRONAUTIQUE
DEPUIS 1994240
Acquéreur Acquis Année Montant (en
milliards de
dollars)
Boeing McDonnell Douglas 1997 13,3
British Aerospace GEC-Marconi 1999 12,7
GM Hughes
Defense Business
Raytheon 1997 9,5
Lockheed-Martin Loral 1995 9,5
Lockheed Martin Marietta 1995 9
Northrop Grumman Westinghouse
Electronic Systems
1996 3,6
Boeing Rockwell Aerospace
and Defense
1996 3
Raytheon Texas Instruments 1997 2,95240 Source : "Defense Science Board", cité par Le Monde, 21 janvier 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 94
Defense and
Business
E-Systems Raytheon 1995 2,3
Northrop Grumman 1994 2,1
Loral IBM Federal
Systems
1994 1,57
GEC Marconi Tracor 1998 1,4
Mais, en comparaison des montants que représentent les fusions ou
acquisitions dans le secteur civil, ces montants apparaissent comme
relativement modérés. En se limitant aux opérations réalisées aux Etats-
Unis, pour l'année 1998, on constate que la plus importante fusion de
défense (le rachat d'Honeywell par AlliedSignal pour plus de 15 milliards
de dollars) ne rentrerait pas dans le classement des dix premières et que le
seul rapprochement entre les pétroliers Exxon et Mobil (plus de 77
milliards de dollars) représente plus que l'ensemble des fusions mondiales
dans le domaine de la défense du premier semestre 1999 (60 milliards de
dollars).
LES 10 PLUS GROSSES OPÉRATIONS DE FUSIONS-ACQUISITIONS
AMÉRICAINES (TOUS SECTEURS CONFONDUS) EN 1998241
Acquéreur cible Montant (en
milliards de
dollars)
Secteur
Exxon Mobil 77,213 Pétrole
241 Source : Houlihan Lokey's Mergenstat, cité par Les échos, 6 janvier 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 95
SBC
Communications
Ameritech 61,388 Communications
Bell Atlantic GTE 52,845 Communications
British Petroleum Amoco 48,066 Pétrole
Nationsbank BankAmerica 43,158 Banque
ATT Tele-
Communications
37,017 Médias
Travelers Citicorp 36,031 Banque
Norwest Wells Fargo 31,660 Banque
Daimler-Benz Chrysler 31,155 Automobile
Bershire
Hathaway
General Re 20,947 Assurance
La différence d'échelle entre les firmes d'armement et les autres est
évidente. Accessoirement, on constate aussi que si la fusion Daimler-
Benz / Chrysler est "géante" du point de vue européen, elle est loin de se
placer aux premiers rangs du point de vue des Etats-Unis. Le phénomène
cependant se développe très rapidement et, en fin d'année 1999, l'OPA
hostile du Britannique Vodafone sur Mannesmann pour 100 milliards
d'euros marque l'entrée dans un nouvel ordre de grandeur, d'autant que le
PDG de Mannesmann souhaite que l'offre soit relevée à 124 milliards
d'euros …!242 C'est une formidable accélération des fusions et acquisitions
que l'on constate dans l'année 1999 :
242 La Tribune, 25 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 96
PRINCIPALES OPÉRATIONS DE FUSIONS-ACQUISITIONS MONDIALES
RÉALISÉES OU LANCÉES. JANVIER-AOÙT 1999 243
Pays acquéreur Cible Nature de
l'opération
Secteur Montant
(en
milliards
de dollars)
USA/USA ATT Mediaone OPA
hostile
Télécomm
unications
62,5
GB/USA Vodafone Airtouch Rachat Télécomm
unications
60,3
It/It Olivetti Telecom
Italia
OPA
hostile
Télécomm
unications
57,9
F/F TotalFina Elf
Aquitaine
surenchère Pétrole 53,3
F/F Elf
Aquitaine
TotalFina Contre
OPE
Pétrole 51,1
F/F TotalFina Elf
Aquitaine
OPE
hostile
Pétrole 48,1
F/F BNP Société
générale -
Paribas
Contre
OPE
Finances 37,7
USA/USA Qwest US West OPE
amicale
Télécomm
unications
35
GB/USA BP Amoco Arco OPE
amicale
Pétrole 27,2
243 Source : "Thomson Financial Securities Data", cité par Le Monde, 29/30 août 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 97
USA/USA Lucent Ascend Rachat Télécomm
unications
21,4
F/F Société
générale
Paribas OPE
amicale
Finances 18,2
USA/USA Fleet
Financial
Bank of
Boston
OPE
amicale
Finances 15,9
USA/USA AlliedSign
al
Honeywell OPE
amicale
Electroniq
ue
15,6
All/GB Deutsche
Telekom
One2one Rachat Télécomm
unications
13,6
F/Arg Repsol YPF OPE
amicale
Pétrole 13,5
USA/GB NTL Cable &
Wireless
Cable
Rachat Télécomm
unications
13
GB/GB British
Aerospace
Marconi
Electronics
Rachat Défense 12,8
Berm/USA Global
Crossing
Frontier
Corp
Rachat Télécomm
unications
12,6
USA/USA Dow
Chemical
Union
Carbide
OPE
amicale
Chimie 11,7
Esp/Esp Banco de
Santander
Banco
Central
Hispano
OPE
amicale
Finances 11,3
F - Air liquide BOC OPA Gaz 11,1
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 98
USA/GB - Air
Products
amicale industriels
GB/GB Lloyds
TSB
Scottish
Widows
Rachat Finances 11,1
It/It Intesa Comit OPE
amicale
Finances 9,6
Can/F-Ch Alcan Péchiney -
Algroup
OPE
amicale
Aluminiu
m
9,2
GB/Ch BAT Rothmans
Int
Rachat Tabac 8,7
Su/Su Volvo Scania Rachat Poids
lourds
7,4
USA/USA At Home Excide OPE Internet 6,5
F/USA Vivendi US Filter Rachat Eau 6,2
USA/Su Ford Volvo Rachat Automobil
e
6,2
USA/USA Alcoa Reynolds OPE Aluminiu
m
5,6
F/Jap Renault Nissan Participati
on
Automobil
e
5
On voit le développement du phénomène. On constate également la
part croissante que prend le secteur des télécommunications dans cet
ensemble, ce qui va de pair avec la stratégie d'un certain nombre de
groupes de l'armement cherchant soit à s'étendre dans ce domaine, soit à s'y
recentrer en abandonnant leurs activités de défense.
Le secteur de l'armement apparaît donc comme marqué non
seulement par ses contraintes propres (baisse ou stagnation des budgets,
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 99
transformation des relations stratégiques, privatisations, diversifications)
mais aussi par une contrainte plus globale. Car, si les entreprises de
l'"économie civile" ne rentrent pas directement en concurrence sur les
marchés des produits militaires, la concurrence existe néanmoins pour les
produits civils de groupes de plus en plus diversifiés. Elle existe également
quand il s'agit de lever des fonds sur les marchés financiers. Dans ce cas la
puissance respective des groupes et leurs performances économiques
rentrent directement en concurrence et il serait illusoire pour les groupes
d'armement de vouloir se penser en dehors de ce marché globalisé.
3.2.2 LES FUSIONS PRINCIPALES DE FIRMES DE DÉFENSE
AMÉRICAINES EN 1999
Les principales opérations ont concerné l'électronique et les
équipementiers. On observe aussi le "retour" de General Dynamics même
si ses propositions sur les chantiers navals n'ont pas reçu l'agrément de
l'administration américaine qui reste très prudente pour ce secteur.
En février, United Technologies (UTC) a racheté l'équipementier
Sundstrand (génératrices et groupes auxiliaires de puissance, 6 000
salariés, 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1998) pour 4,3
milliards de dollars et le fusionnera avec sa division Hamilton Standard (8
200 salariés, 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires en 1998). 244 UTC
cherche un développement dans ce secteur. On sait qu'il a précédemment
pris le contrôle de l'équipementier français Ratier-Figeac, également
convoité par AlliedSignal, qui était aussi sur les rangs pour la reprise de
Sundstrand.
244 Air & Cosmos, 26 février 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 100
En mai, Northrop Grumman a acquis Ryan Aeronautical
(fabricant de drones, de leurres et de systèmes de ciblage, 300 salariés, 100
millions de dollars de chiffre d'affaires en 1998) pour 880 millions de
francs (135 millions de dollars).245 Le groupe aéronautique US, dont
l'éventuelle fusion avec Lockheed-Martin avait été bloquée par le
Pentagone l'an dernier, est ouvertement à la recherche d'alliances et d'autres
d'acquisitions.
En juin, AlliedSignal et Honeywell ont annoncé leur fusion.246 Le
nouveau groupe, qui prendra le nom d'Honeywell, fera 25 milliards de
dollars de chiffre d'affaires dont 10 dans l'aéronautique. Les dirigeants
prévoient une réduction de coûts de 500 millions de dollars par an et 4 500
suppressions de postes. Ce secteur est en restructuration rapide puisque l'an
passé L'Américain BFGoodrich a repris son compatriote Coltec,247 Rockwell
Collins a repris Avicom et le Français Snecma a pris le contrôle total de la
filiale commune Messier-Dowty.
En août, Lockheed-Martin a annoncé sa fusion avec Comsat,
société américaine de communications par satellites, pour 2,7 milliards de
dollars.248 Comsat sera rattaché à Lockheed-Martin Global
Telecommunications, une filiale récemment créée pour développer des
technologies de réseaux et fournir des accès aux satellites.
General Dynamics n'est pas resté inactif dans ce secteur puisque le
groupe a racheté les activités de télécommunications et de défense de GTE
pour 1 milliard de dollars payés cash.249 General Dynamics conforte ainsi
son groupe "Technologie et systèmes d'information" créé l'an dernier après
le rachat de Ceridant Computing Devices International et de certaines
245 La Tribune, 28 mai 1999.246 Air & Cosmos, 11 juin 1999.247 Air & Cosmos, 27 novembre 1998.248 La Tribune, 24 août 1999.249 Air & Cosmos, 9 juillet 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 101
unités du groupe Lucent. Cette année 1999 marque un certain retour
offensif de General Dynamics, après plusieurs années de coupes claires
dans les activités : General Dynamics qui au début des années quatre-vingt
était le deuxième groupe recevant des crédits du Pentagone (6,3 milliards
de dollars en 1990, 7,9 en 1991) a en effet procédé à une succession de
cessions d'activités, en cédant tour à tour Cessna Aircraft à Textron en
1992, sa division missiles à Hughes la même année, sa division d’avions de
combat à Lockheed en 1993, et son activité spatiale à Martin Marietta en
1994. Du point de vue défense, le groupe s’est concentré sur son activité
d’armement terrestre (chars Abrams, véhicules de combat Bradley) et
surtout sur la construction navale (destroyer DDG-51, sous-marins
nucléaires), ayant racheté en 1995 Bath Iron Works à Fulcrum II Limited.
Ce recentrage sur les activités principales lui a permis de rester un des
premiers fournisseurs de matériel de défense du Pentagone (3 milliards de
dollars en 1997 au quatrième rang après Lockheed-Martin, Boeing et
Northrop Grumman). Ces marchés particulièrement profitables ont permis
à General Dynamics d'opérer ce retour qui l'a vu en mai 1999 racheter le
constructeur d'avions d'affaires Gulfstream Aerospace (2,4 milliards de
dollars de chiffre d'affaires en 1998) pour 5,3 milliards de dollars. 250 Cette
acquisition va permettre à General Dynamics d'augmenter de moitié son
chiffre d'affaires.251
En début d'année 1999, General Dynamics avait pourtant subi un
échec sérieux quand le Pentagone avait bloqué son OPA (1,4 milliard de
dollars) sur les chantiers navals Newport News Shipbuilding, par refus
d'une position monopolistique puisque General Dynamics aurait contrôlé la
totalité des chantiers fabriquant des sous-marins nucléaires et quatre des six
250 Air & Cosmos, 21 mai 1999.251 Le prix final de la transaction est donné en septembre 1999 comme étant descendu à 4,8 milliards de dollars (Air & Cosmos, 3 septembre 1999).
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 102
chantiers navals militaires.252 Le sort de Newport News Shipbuilding n'est
pas réglé pour autant : le chantier est en discussion avec les chantiers
navals d'Avondale pour fusionner par échanges de titres.253 Mais il a été
l'objet d'une deuxième OPA, cette fois-ci lancée par Litton Industries (1,2
milliard de dollars, plus 600 millions de dollars de reprises de dettes) qui à
son tour a été bloquée par le Pentagone, parce qu'elle ne laisserait que deux
chantiers navals militaires.254
L'avenir des chantiers navals américains, qui ont en charge la
construction des sous-marins nucléaires et des porte-avions, apparaît
comme le plus difficile à faire évoluer dans le contexte d'ensemble.
3.2.3 PLANS SOCIAUX ET RECTIFICATIONS DE PÉRIMÈTRE
La consolidation de l'industrie américaine d'armement est bien loin
de n'avoir produit que des effets de croissance. Au contraire, un certain
nombre de plans sociaux ou de difficultés économiques touchent les plus
grosses entreprises du secteur, comme le constatait une vue d'ensemble au
dernier trimestre 1999 : Boeing a une cote boursière toujours médiocre et
ses efforts d'intégration de McDonnell Douglas sont loin d'avoir produit
tous les fruits escomptés. Pour Lockheed Martin, le tableau est encore plus
sombre ; après la série noire des ratés de lanceurs de satellites, le groupe a
été obligé d'avouer ses défaillances en matière de contrôle de qualité. De
plus, il subit les turbulences qui accompagnent le programme d'avion F22.
Raytheon est en difficulté et a dû provisionner pour pertes 450 millions de
dollars et se livrer à une autocritique de sa boulimie d'achats. Jusqu'à
Hughes Electronics qui vient d'annoncer un manque de débouchés pour ses
satellites et des problèmes de production.255 Si on regarde plus en détail la
252 Les Echos, 16/17 avril 1999.253 Les Echos, 10 mai 1999.254 Les Echos, 1er juin 1999.255 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 103
situation des firmes, on constate que les difficultés sont sérieuses :
Boeing a annoncé en août 1999 qu'il allait supprimer 7 000 emplois
dans son usine de Shanghai : c'est la conséquence de l'abandon de la
production des MD80 et MD90 - hérités de McDonnell Douglas - qui au
total aura coûté 8 200 emplois.256 La compagnie a également décidé en
octobre 1999 de vendre ses activités de transmissions (rachetées en 1995 à
Litton Industries) au spécialiste canadien Derlan Industries.257 Elle s'est
aussi en fin d'année séparée de MDTSC (McDonnell Douglas Technical
Services), sa filiale spécialisée dans les technologies de l'information,
services techniques et élaboration de contrats.258 Boeing s'était déjà engagé
dans une sévère réduction d'emplois qui sur les cinq premiers mois de 1999
s'était traduite par 14 000 suppressions de postes, les effectifs globaux
passant de 231 000 à 217 000. Ce plan prévoyait encore 17 000
suppressions supplémentaires d'ici la fin de l'année 1999 (pour atteindre
200 000 personnes) et 10 000 de plus en 2000. En fait, dès le mois de mai,
la direction ajoutait à ces prévisions encore 5 700 à 6 100 suppressions d'ici
le milieu de 2001.259 La contraction d'ensemble est particulièrement sévère.
Lockheed-Martin annonce en août que son plan de restructuration
(LM21) va donner de meilleurs résultats que prévu et que les économies
réalisées, au lieu de 520 millions de dollars, devraient atteindre 952
millions de dollars en 1999.260 Mais, en octobre, le groupe envisage de se
séparer d'ici neuf mois de huit divisions (9 000 emplois) dont Sanders
(électronicien), Fairchild Systems, etc., représentant 1,73 Milliard de
dollars d'activités.261
256 Les Echos, 8 août 1999.257 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.258 Air & Cosmos, 7 décembre 1999.259 Ces dernières suppressions sont liées à l'échec du F15 en Grèce face au F16 de Lockheed-Martin et toucheront essentiellement le site de Saint-Louis. Air & Cosmos, 21 mai 1999.260 La Tribune, 24 août 1999.261 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 104
UTC, qui contrôle entre autres le motoriste Pratt & Whitney ainsi
que l'hélicoptériste Sikorsky, provisionne 1,15 milliard de dollars pour les
restructurations annoncées chez Pratt & Whitney et qui devraient se
traduire par un millier d'emplois supprimés.262 Il prévoit également 2 100
suppressions d'emplois chez Sikorsky (dont les effectifs devraient
descendre de 9 100 à 7 000 d'ici à la fin de l'année 2000). 263 Le conglomérat
aurait entamé des discussions pour la reprise de Sikorsky avec Boeing, qui
vient par ailleurs de se séparer de ses activités d'hélicoptères légers (plutôt
civils).264
Raytheon a subi le mardi 12 octobre un sérieux revers puisqu'il a
perdu en une journée la moitié de sa valeur en Bourse. La sanction des
marchés venait après la deuxième annonce, en un mois, que les profits du
groupe seraient inférieurs aux prévisions. Raytheon, dont il était pourtant
admis qu'il avait mieux que d'autres réussi l'intégration des différentes
acquisitions de ces dernières années, subit ici le contrecoup de ces
difficultés. Son PDG, Daniel Burnham a dû admettre : "Nous avons voulu
en faire trop et trop vite".265 Raytheon a repris Remco SA en 1990, STC plc
Navigation Systems en 1991, TRW-LSI Products en 1992, Corporate Jets
en 1993, E-Systems en 1994, Texas Instruments en 1997 et, la même
année, Hughes Defense, qui avait lui-même repris la division missiles de
General Dynamics en 1992 et Magnavox en 1994. Raytheon a décidé de
provisionner 668 millions de dollars pour un plan de restructuration qui
devrait coûter 2 400 suppressions d'emplois et la fermeture d'une dizaine
d'usines. Le groupe avait pourtant déjà procédé, dans les six premiers mois
de l'année 1999, à 11 300 suppressions d'emplois sur 115 000 personnes
(sur 15 400 prévues pour l'année).
262 Les Echos, 23 septembre 1999.263 Air & Cosmos, 27 août 1999.264 Air & Cosmos, 26 février 1999.265 La Tribune, 14 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 105
AlliedSignal se débarrasse, en mai 1999, de sa branche matériaux
de friction qui représente 5 600 personnes dans le monde dont 800
suppressions en France (758 à Condé-sur-Noireau, pour l'ex-usine Valeo
reprise en 1990).266 De plus, à l'occasion de sa fusion avec Honeywell, il
ajoute une estimation de 4 500 suppressions d'emplois dans les dix-huit
mois qui suivront la fusion.267
De son côté, TRW qui vient de racheter l'équipementier britannique
LucasVarity a décidé de mettre en vente quatre filiales de composants
automobiles pour un montant espéré de 1,2 à 1,5 milliards de dollar.268
Parmi les rectifications de périmètre moins importantes on peut
noter les opérations suivantes.
Rockwell Collins va reprendre la totalité des parts que détient
encore Kaiser dans leur filiale commune Flight Dynamics (équipements
aéronautiques, 250 personnes).269
Northrop Grumman a racheté la division "Systèmes d'information"
(surveillance et reconnaissance aérienne, communications militaires par
satellites) de California Microwave pour 93 millions de dollars.270
Precision Casparts Corporation (PCC) s'est porté acquéreur du
forgeron américain Wyman-Gordon pour 825 millions de dollars.271
AlliedSignal a racheté son compatriote Tristar - équipementier
spécialisé dans les fixations aéronautiques - pour 300 millions de francs.272
266 Les Echos, 20 mai 1999.267 Le Monde, 18 septembre 1999.268 Les Echos, 18 mai 1999.269 Air & Cosmos, 12 février 1999.270 Air & Cosmos, 30 avril 1999.271 Air & Cosmos, 21 mai 1999.272 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 106
3.3 RESTRUCTURATIONS TRANSATLANTIQUES
Les liens et les opérations entre firmes américaines et firmes
européennes sont loin d'être à sens unique. On analysait cette relation dans
l'évolution de l'année 1998 en insistant sur le passage des "liens discrets"
de la période 1996-1997 aux "liens renforcés" en 1998 :
Les firmes américaines, ayant épuisé leurs possibilités de
croissance externe sur le marché nord-américain, ont tendance à se
tourner plus nettement vers le vieux continent. Les firmes
européennes, parce qu'elles sont en passe d'atteindre des volumes
plus substantiels et qu'un certain nombre de programmes (Airbus,
Arianespace pour ne citer que les plus voyants) ont fait la
démonstration que leur rapport de force avec les firmes US n'était
pas forcément voué à l'échec, envisagent sur un mode nouveau leurs
rapports avec leurs concurrentes d’outre-Atlantique. Tout ceci
aboutit dans l'année 1998 à la constitution de liens plus forts et plus
significatifs que les accords "discrets" de la période 1996-1997.
Bien entendu, dans ce mouvement, la question de l'autonomie
stratégique des firmes européennes reste posée.273
C'est bien à la continuation de ce mouvement qu'on a assisté en 1999
avec d'une part un certain nombre d'opérations américaines en Europe et
d'autre part des opérations européennes aux Etats-Unis dont plusieurs sont
significatives.
273 Voir Cahiers d'études stratégiques, N°23, (op. cité), chapitre 6, page 95.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 107
3.3.1 OPÉRATIONS AMÉRICAINES D'ACQUISITIONS DE
FIRMES DE DÉFENSE EUROPÉENNES
AlliedSignal, dont les objectifs de croissance externe en Europe ont
été clairement réaffirmés à plusieurs reprises, a regroupé dans une même
entité (Environmental Control Systems Europe, ECS-Europe) ses activités
européennes : l'équipementier français Secan devenu filiale à 100 % en
1997 et le Britannique NGL (Normalair-Garrett Ltd) racheté en partie à
GKN en juin 1998.274 Les 48 % de Normalair-Garrett que détenait encore
GKN sont cédés à AlliedSignal Holdings en fin d'année 1999 pour 117
millions d'euros, le groupe britannique avait auparavant déjà vendu à
l'Américain 100 % de Hermetic Aircraft International Corp.275 Le groupe
américain a de plus renforcé son activité dans les matériaux électroniques
en rachetant la division correspondante du groupe britannique Johnson
Matthey pour 655 millions de dollars.
Sous réserve des accords administratifs, LucasVarity, lui-même
racheté par l'Américain TRW, va racheter la SAMM (fabricant de
servocommandes pour Airbus et hélicoptères, 373 millions de francs de
chiffre d'affaires en 1998, 500 personnes), une des filiales "défense" du
groupe Peugeot.276
Northrop Grumman a racheté pour 35 millions de dollars la firme
norvégienne Navia Aviation spécialisée dans les systèmes d'atterrissage
aux instruments et les équipements de contrôle aérien. Le groupe américain
précise qu'il entend poursuivre une politique d'acquisitions internationales
dans les secteurs apparentés au contrôle aérien.277
274 Air & Cosmos, 29 janvier 1999.275 AFP, 23 décembre 1999.. AlliedSignal Holdings est une filiale de Honeywell, nouveau nom du groupe après la fusion-absorption d'Honeywell par AlliedSignal.276 L'autre étant Panhard & Levassor, lui-même parfois donné comme étant sur le point d'être cédé également.277 Air & Cosmos, 19 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 108
Le Bronze Industriel (LBI, 315 millions de francs de chiffre
d'affaires en 1998) est repris par le holding Fontech, créé pour l'occasion
par la société de capital-investissement Argos Soditic France, agissant
comme conseil des fonds Euroknights III et Bancboston capital.278
Dans le secteur des fixations aéronautiques, Fairchild Fasteners
(filiale de Fairchild Corp.), après avoir racheté les Français Mecaero et
Simmonds, a élargit son activité en reprenant son compatriote Kaynar
Technologies Inc. pour 267 millions de dollars.279
Esterline (maison mère américaine de Auxitrol) rachète deux
sociétés britanniques, Muirhead Vactric et Norcroft Dynamics, qui seront
fondues en une seule. Avec Auxitrol, l'ensemble fera 650 millions de francs
de chiffre d'affaires en employant 850 personnes.280
Cordant Technologies (ex-Thiokol) a repris en 1995 Howmet
(leader mondial de la fonderie de précision) au groupe Péchiney,
conjointement avec Carlyle. Il a depuis racheté les parts de Carlyle.
Cordant souhaite que cette acquisition lui permette de renforcer ses
fournitures à Airbus.281
Le groupe américain Amsco-Pittsburgh, par l'intermédiaire de sa
filiale Union Electric Steel, a racheté au conglomérat Kvaerner trois filiales
britanniques d'équipements métalliques (Davy Roll Company, Turner
Chilled Rolls et Kvaerner Formet) pour 150 millions de francs. Les trois
filiales représentent 525 personnes et 60 millions de dollars de chiffre
d'affaires.282
Le groupe italien Finmeccanica a vendu sa filiale Ansaldo Sistemi
Industriali (ASI, systèmes automatiques et composants pour l'industrie) à
278 Les Echos, 30 avril 1999.279 Air & Cosmos, 8 janvier 1999.280 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.281 Les Echos, 21/22 mai 1999.282 Les Echos, 4 août 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 109
l'Américain HVE (High Voltage Engineering Corporation) qui contrôle
Robicon. La transaction est estimée à 340 millions de francs. 283
Dans le cadre de la simplification de ses activités et de ses relations
avec Alcatel, le groupe français Thomson a réalisé des opérations croisées
de recentrage et a vendu sa filiale Aonix (spécialisée dans les logiciels) au
groupe américain Gores Technologies.284
De même, Alcatel a cédé au groupe américain Tellabs les actifs
européens de transmission de l'ex société DSC Communications (acquise
l'an dernier) pour 110 millions de dollars. Cette cession vise à éliminer
certain doublons dans l'activité de transmission synchrone et optiques, et ne
signifie pas du tout un retrait du marché américain, qui est au contraire un
des objectifs d'Alcatel qui réalise déjà 20 % de son chiffre d'affaires outre-
Atlantique. Le conglomérat français cherche à mettre sur pied des accords
avec les opérateurs locaux (les "baby bells") et s'est rapproché de Motorola,
partenaire habituel de DSC. La perspective américaine d'Alcatel est
clairement revendiquée par son directeur financier qui explique :
C'est là que les choses se passent. Et qu'Alcatel réalise ses
meilleures marges. Si tout Alcatel avait les mêmes marges, nous
n'aurions pas connu l'épisode de septembre dernier.285
Dans les services périphériques à l'aéronautique, le groupe Ogden
Corporation (25 000 personnes, 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires)
a acquis la société Transair (200 personnes), spécialiste des services
aéroportuaires au Bourget.286
Le groupe néerlandais Akzo Nobel a revendu les activités de
peintures et joints aéronautiques de l'Anglais Courtaulds qu'il avait
283 Les Echos, 11 octobre 1999.284 Les Echos, 12 janvier 1999.285 Les Echos, 27 mai 1999.. En septembre 1998, le cours boursier d'Alcatel avait subi une chute très brutale (- 38 %) à l'annonce que les prévisions de résultat net devaient être revues à la baisse.286 Air & Cosmos, 3 septembre 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 110
acquises en 1998 à l'Américain PPG pour 512 millions de dollars.287
Le contrôle de l'équipementier français Brigantine Aircraft s'est
encore modifié dans les structures puisque ATP a fusionné en septembre
1999 avec une filiale de The Veritas Capital Fund (pour 135 millions de
dollars). ATP avait repris, entre autres sociétés, Alcore Inc. qui avait repris
en 1998 Brigantine Aircraft.288
Enfin, dans les décisions qui préparent d'éventuelles opérations de
recomposition, on peut noter que le groupe finlando-américain Cummins
Warstsila, après avoir filialisé sa branche militaire terrestre (site de
Surgères fabricant du moteur V8X, moteur du char Leclerc),289 annonce sa
séparation, le motoriste américain Cummins Engine Company et le
Finlandais Wartsila NSD reprenant leur liberté dans la filiale commune
qu'ils avaient créée en 1995 (sites de Mulhouse et Surgères). Ce choix
intervient après de lourdes pertes financières (600 millions de francs en
1997 pour un chiffre d'affaires de 4,5 milliards de francs).290
3.3.2 OPÉRATIONS EUROPÉENNES AUX ETATS-UNIS
Des opérations importantes ont eu lieu aux Etats-Unis, menées par
les groupes français Alcatel et britannique Marconi (ex-GEC). Celles-ci
sont consécutives aux changements intervenus dans les systèmes
industriels d'armement de ces deux pays et correspondent à des stratégies
de déploiement dans le domaine des télécommunications (réseaux de
données pour entreprises, réseaux privés, centraux téléphoniques,
commutateurs, sécurisation des transmissions, routeurs, équipements de
connectique, etc.). Etant donné l'importance des transactions et
rapprochements en cours dans ce secteur en Europe et dans le reste du
287 Les Echos, 3 juin 1999.288 Air & Cosmos, 10 septembre 1999.289 La Tribune, 9 septembre 1999.290 La Tribune, 27 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 111
monde, la place qui sera prise par les entreprises européennes sur le marché
américain est bien sûr un élément important pour leur développement.
Les autres opérations concernent quelques prises de contrôle dans
l'aéronautique et un plus grand nombre d'opérations de faible ampleur
concernant des PMI-PME.
Alcatel, qui réalisait en 1998 16 % de son chiffre d'affaires en
Amérique du Nord et y employait 11 % de ses effectifs,291 a une stratégie
qui combine l'orientation géographique vers les Etats-Unis et l'orientation
industrielle vers un redéploiement dans les télécommunications.292
Le groupe français avait déjà noué des alliances significatives, dans
le domaine spatial, avec l'Américain Loral, en constituant un partenariat
stratégique autour de leurs réseaux satellitaires multimédias Skybridge et
Cyberstar, avec mise en commun des moyens, chacun participant à la
réalisation des satellites de l'autre,293 accord qui avait été ouvert peu après au
groupe japonais Toshiba, pour les techniques de multimédia.294 Cette
alliance s'était étendue quand, en 1998, Loral Space and Communications a
décidé de rejoindre Alcatel pour le programme Europe Star de télévision et
télécommunications par satellites.295
Mais c'est dans le domaine des télécommunications que l'orientation
nouvelle d'Alcatel est manifeste. En 1998, le groupe a réalisé deux
acquisitions importantes. D'abord, fort de la trésorerie procurée par la vente
de la moitié du capital de GEC-Alsthom, par une OPE amicale de 26
milliards de francs Alcatel a racheté l'équipementier de
télécommunications américain DSC Communications Corporation (10
291 Brochure "Alcatel. Panorama 1998", Paris, 1999, 32 pages, (page 4).292 Ibidem, "Message du président", page 6.293 Air & Cosmos, 20 juin 1997.294 Air & Cosmos, 17 octobre 1998.295 Les Echos, 23 février 1998.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 112
milliards de francs de chiffre d'affaires, 6 000 salariés), spécialiste des
transmissions à haut débit, des réseaux intelligents et des systèmes d'accès
rapides.296 Ensuite, en fin d'année, le groupe français a finalisé l’achat de
l'Américain Packet Engines (gestion de réseaux, commutateurs de routage,
très gros commutateurs Ethernet pour les réseaux informatiques locaux)
pour 1,8 milliard de francs. Dans le même temps a été signé avec le groupe
japonais Mitsubishi un accord dans le domaine des fils émaillés par lequel
Alcatel prend 10 % de la filiale ODDJ (Optec Dai-Ichi Denko Co. Ltd) et
Mitsubishi prend une participation équivalente dans les ex-filiales
américaines d’ODDJ rachetées par Alcatel en octobre 1998.297
Cette stratégie s'est poursuivie en 1999, d'abord avec l'acquisition,
pour 10 milliards de francs, de la société Xylan (spécialiste des réseaux de
données d'entreprises, un peu moins de 2 milliards de francs de chiffre
d'affaires en 1998).298 Puis avec celle d'Assured Access (spécialiste des
solutions d'accès Internet), complétée dans son domaine par l'acquisition,
pour 1 milliard de francs, d'Internet Devices (70 personnes), spécialisée
dans les solutions IP pour réseaux privés virtuels et la sécurisation des
données.299 Cette firme rejoint la division Internet d'Alcatel aux côtés des
autres sociétés récemment acquises : Xylan, Packet Engines, Assured
Access. Toutefois, les objectifs de croissance externe d'Alcatel aux Etats-
Unis ne s'arrêtent pas là et on prête au groupe français des visées sur
d'autres sociétés du secteur comme Ciena (transmissions optiques, 508
millions de dollars de chiffre d'affaires) et Cabletron (routeurs pour la
communication de données).300 Cabletron est déjà un fournisseur d'Alcatel
pour la technologie ADSL, qui permet d'accélérer l'accès à Internet et pour
296 Les Echos, 5/6 juin 1998.297 Les Echos, 27/28 novembre 1998.298 Les Echos, 3 mars 1999.299 Les Echos 18 juin 1999.300 Les Echos, 28 septembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 113
laquelle Alcatel est leader mondial.
La position du groupe français aux Etats-Unis s'est donc
considérablement renforcée, même si certaines de ces acquisitions ont dû
être payées au prix fort. Cependant, il n'est pas le seul acteur européen à
intervenir ainsi dans l'espace outre-Atlantique.
Le Britannique Marconi (ex-GEC) mène également de son côté une
stratégie d'implantation aux Etats-Unis et dans le domaine des
télécommunications qui est parallèle à celle d'Alcatel et vraisemblablement
concurrente à défaut d'être convergente.
Marconi (ex-GEC) a accompli en 1998-1999 une mutation
fondamentale de sa stratégie industrielle. Alors que le groupe s'était
développé dans une diversification marquée, une première transformation
intervient avec une perspective de recentrage sur la défense, concrétisée par
le retrait (concomitant à celui d'Alcatel) de la moitié du capital de leur
filiale commune GEC-Alsthom, ce qui procure au groupe d'appréciables
moyens de trésorerie. A ce moment GEC, rachète l'Américain Tracor
(électronique de défense, 7,6 milliards de francs de chiffre d'affaires en
1997, 10 700 salariés) pour 8,5 milliards de francs.301 Toutefois, cette
orientation va être à son tour modifiée, car les tentatives plus ambitieuses
de GEC de reprises d'actifs de Northrop Grumman ou de Lockheed-Martin,
au moment où leur fusion possible était débattue, ont tourné court. Aussi
est-ce finalement vers un abandon de l'activité de défense que se dirige le
groupe en revendant son électronique de défense à British Aerospace.
Mais cette cession est l'occasion d'investissements importants dans
le secteur des télécommunications. GEC n'était pas absent de ce secteur et
avait déjà renforcé son activité dans ce domaine en 1998, en rachetant
(pour 7 milliards de francs) à Siemens les 40 % de leur filiale commune 301 Air & Cosmos, 24 avril 1998.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 114
dans les transmissions GEC-Plessey Telecommunications (GPT, 10
milliards de francs de chiffre d'affaires en 1997, 10 000 salariés) et pour en
prendre le contrôle total et fusionner GPT avec sa filiale Marconi SpA pour
former Marconi Communications.302 En 1999, Marconi (ex-GEC) s'efforce
de développer son implantation sur le marché des Etats-Unis. En mars, il
rachète l'équipementier américain Reltec (groupe KKR, Kolhberg Kravis
Roberts, 6 500 salariés, 1,07 milliard de dollars de chiffre d'affaires ) pour
2,1 milliards de dollars, une valorisation élevée, mais qui permet au groupe
de se renforcer sur le segment des systèmes d'accès et de transmissions. 303
En avril, il reprend pour 4,5 milliards de dollars Fore Systems304 qui est une
firme leader dans le monde pour le marché des équipements de connexion
à haut débit utilisés pour les réseaux centraux des grandes entreprises et par
les fournisseurs d'accès. Là encore, la valorisation de Fore Systems est très
élevée, mais Marconi (ex-GEC) considère que c'est le prix à payer pour se
faire une place sur un marché déjà très occupé par les grandes firmes
américaines Lucent Technologies (35 milliards de dollars de chiffre
d'affaires en 1998) et Nortel (20 milliards de dollars de chiffre d'affaires en
1998) ou même par le groupe français Alcatel. Marconi (ex-GEC)
complète encore ses capacités en reprenant au mois d'août la firme
israélienne RDC Communications (spécialiste des réseaux sans fil).305 Le
groupe britannique reprend également pour 985 millions de francs la
division Réseaux publics du groupe allemand Bosch.306 Le président de
Marconi Communications, Sandro Gualano, ne dissimule pas son objectif :
"Nous allons rapidement devenir le numéro deux ou trois mondial des 302 Les Echos, 25 juin 1998. Cette filiale était issue de la mémorable OPA mouvementée de GEC et Siemens sur le Britannique Plessey en 1987, qui peut être considérée comme l'un des événements qui marquent le début de tout le mouvement de restructuration industrielle de l'armement européen. 303 Les Echos, 2 mars 1999.304 Les Echos, 27 avril 1999.305 Le Monde, 13 octobre 1999.306 Les Echos, 26/27 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 115
télécommunications".307 La compétition est européenne, bien sûr, mais elle
ne se limite pas au vieux continent, elle est aussi transatlantique. On ne
peut pas exclure que l'importance financière des enjeux amène même les
deux groupes européens concernés, Marconi (ex-GEC) et Alcatel, à des
rapprochements, qui s'inscriraient naturellement dans le mouvement global
de fusions-concentrations qu'on observe dans l'ensemble de l'industrie.
Les opérations constatées dans le secteur aéronautique sont de bien
moindre envergure que les mouvements du secteur des
télécommunications, mais on peut relever quelques cessions américaines
d'activités.
En début d'année, Boeing a annoncé la vente au Néerlandais RDM
(800 personnes) de ses chaînes d'hélicoptères MD 500, MD 600 et MD
Explorer (hélicoptères civils légers hérités de McDonnell Douglas).308
En avril, Dowty Aerospace (branche aéronautique du groupe
britannique TI) a pris le contrôle de l'Américain TRI-Manufacturing
(fabricant de parties chaudes de réacteurs, filiale de GE Aircraft Engines)
pour 300 millions de francs.309
En septembre, Sextant Avionique est monté à 100 % dans sa filiale
commune Sextant Inflight Systems (activités de multimédia de bord) avec
B/E Aerospace (créée il y a un an) pour environ 93 à 125 millions de
dollars.310
Enfin, on a également pu observer quelques opérations de rachats
d'activités d'ampleur plus limitée ou touchant des PMI-PME américaines
ou implantées en Amérique du Nord :
307 Ibidem.308 Air & Cosmos, 22 janvier 1999.309 Air & Cosmos, 22 avril 1999.310 Air & Cosmos, 10 septembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 116
Dans les activités de chimie, la SNPE a pris le contrôle de la société
Multiple Peptide Systems (MPS) (30 millions de francs de chiffre
d'affaires, 30 salariés)311 et le groupe allemand SGL Carbon, qui avait déjà
repris les producteurs de fibres de carbone RK Carbon en Grande-Bretagne
et Hitco aux Etats-Unis, a acheté 50 % du capital de Aldila Materials
Technology Corp. (filiale de Aldila).312
En milieu d'année, Turboméca a repris la division Maintenance et
réparations de moteurs de Keystone Helicopters (21 personnes),313 et
Thomson-CSF a racheté l'activité Optronique d'AlliedSignal Aerospace
Canada (qui deviendra Thomson-CSF Optronique Canada) pour 78
millions de francs.314
Le Britannique Smiths Industries (composants industriels) a, en fin
d'année 1999, acquis la division Aéronautique de son compatriote Invensys
(division basée aux Etats-Unis, avec 850 personnes et un chiffre d'affaires
de 120 millions de dollars). 315
Dassault Systèmes a racheté pour 10 millions de dollars la firme
canadienne Safework spécialisée dans la réalisation de logiciels de
modélisation humaine.316
Enfin, par l'acquisition de la société américaine d'équipement
Aerotec, le groupe Labinal devient fournisseur de câblage pour les F16 de
Lockheed-Martin et les appareils du groupe canadien Bombardier.317 Le
groupe français mène depuis longtemps une stratégie de consolidation de
sa première place mondiale des câbleurs indépendants de l'aéronautique par
des opérations de croissance externe des deux côtés de l'Atlantique : c'est
311 Air & Cosmos, 7 janvier 1999.312 Air & Cosmos, 9 juillet 1999.313 Air & Cosmos, 11 juin 1999.314 Air & Cosmos, 9 juillet 1999.315 AFP,, 16 décembre 1999.316 Les Echos, 14 décembre 1999.317 Les Echos, 29 juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 117
ainsi que, en 1995-1996 il a racheté Erca et Caso (deux bureaux d'études
aujourd'hui fusionnés dans Comecad) et qu'antérieurement il avait racheté à
l'Américain TRW les connecteurs Cinch (fournisseur de Boeing).318
Les acquisitions américaines en 1999 restent limitées à des
équipementiers et sont en nombre plutôt plus réduit que dans la période
1997-1998. En retour, les acquisitions européennes sont très typées, avec
d'un côté un certain nombre d'opérations de moyenne et faible envergure, et
de l'autre des opérations significatives dans les domaines des
télécommunications au sens large, menées essentiellement par Alcatel et
Marconi (ex-GEC). Toutefois, l'évolution des relations entre les deux
systèmes de production d'armement ne peut se limiter à une analyse des
opérations en capital. Les autres relations industrielles et commerciales
dessinent un paysage de liens plus étroits qu'il n'y paraît au seul examen
des prises de contrôle.
3.4 LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS INDUSTRIELLES
ET COMMERCIALES ENTRE INDUSTRIES EUROPÉENNE ET
AMÉRICAINE D'ARMEMENT EN 1999
Plusieurs accords de coopération et autres accords majeurs ont été
signés en 1999 entre firmes américaines et firmes européennes,
spécialement dans le domaine de l'aéronautique, et leur importance
constitue un saut qualitatif dans l'étroitesse des relations entre firmes des
deux rives de l'Atlantique.. Ce mouvement de fond s'est accompagné de la
constitution de plusieurs coentreprises et d'un certain nombre d'accords de 318 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 118
sous-traitance et accords de coopération particuliers.
3.4.1 ACCORDS MAJEURS ENTRE FIRMES EUROPÉENNES ET
AMÉRICAINES
Ces accords concernent l'aéronautique, avec des acteurs aussi
significatifs que Lockheed-Martin, voire Northrop Grumman du côté
américain, et Aérospatiale-Matra et Airbus, mais aussi les
télécommunications essentiellement autour de Thomson-CSF et Raytheon,
et les missiles avec le rapprochement de Boeing du consortium Meteor.
Les alliances aéronautiques se sont nouées autour d'Airbus et de
Aérospatiale-Matra.
Airbus et Raytheon ont signé en avril 1999 un accord pour
développer un avion ravitailleur dérivé de l'A310 pour un marché estimé à
une centaine d'appareils dans les dix années à venir (hors Etats-Unis). Cet
accord prolonge un autre accord conclu il y a deux ans pour développer un
avion radar de type Awacs à partir de la plate-forme de l'A310. Cet
appareil pourrait être retenu par les forces armées turques et australiennes
auxquelles il est proposé.319 Il est également proposé au Japon pour un
contrat de quatre appareils (dont deux options).320
Des négociations ont également lieu entre Airbus et Lockheed-
Martin pour développer un avion ravitailleur plus important à partir de la
plate-forme de l'A330. Cette version pourrait être proposée à l'USAF.
Ces négociations avec Lockheed-Martin pourraient aller jusqu'à
s'étendre au projet d'avion de transport militaire A400M que présente
Airbus pour le contrat européen ATF, pour réaliser une version
"ravitailleur" de l'A400M.
319 La Tribune, 17 juin 1999.320 Air & Cosmos, 10 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 119
D'autres négociations ont été engagées entre Airbus et Northrop
Grumman, pour la mise au point d'un avion de surveillance militaire. 321 Et,
en fin d'année 1999, Northrop Grumman, après avoir renoncé à son offre
de Boeing 707 Joint Stars dans le programme de surveillance radar de
l'OTAN, fait une nouvelle proposition à partir d'un Airbus A321.322
Aérospatiale-Matra a de son côté signé un accord de coopération
avec Lockheed-Martin pour présenter un appareil dans la compétition
britannique pour des avions de ravitaillement. Le paradoxe apparent de cet
accord est que cette alliance Lockheed-Martin / Aérospatiale-Matra vient
en concurrence avec le projet Raytheon / Airbus. Aérospatiale-Matra
explique son choix en soulignant que Raytheon exige d'être maître d'œuvre
du programme alors que Lockheed-Martin accepterait un partage
équilibré.323
Ces relations renforcées entre Lockheed-Martin et
Aérospatiale-Matra ont également pris une dimension internationale avec
leur annonce le 16 juin d'une candidature commune pour entrer au capital
de Korean Aircraft Industries (compagnie nouvellement créée par fusion
des activités aéronautiques de Samsung, Hyundai et Daewoo), susceptible
d'ouvrir son capital jusqu'à 50 %. D'autres candidatures existent
(européennes comme celles de British Aerospace ou Dasa, ou américaine
comme celle de Boeing).324
Cette candidature commune est particulièrement importante car elle
concerne le marché d'Extrême-Orient dont on peut penser qu'il va être dans
la décennie à venir un des lieux d'affrontement indirect entre firmes
européennes et firmes américaines pour la conquête de la taille critique. De
plus, les alliances européennes viennent ici servir au jeu américain de
321 Les Echos, 17 juin 1999.322 Air & Cosmos, 12 novembre 1999.323 Air & Cosmos, 25 juin 1999.324 Le Monde, 18 juin 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 120
concurrence entre Boeing et Lockheed-Martin, ce dernier ne cachant pas
l'intérêt qu'il voit à nouer des liens les plus forts possible avec Airbus pour
se renforcer dans le domaine des avions civils, secteur où son rival
américain est beaucoup plus développé que lui. De son côté, Aérospatiale-
Matra a clairement annoncé son intention de "forger des liens
transatlantiques dans le domaine aéronautique".325
Dans le domaine des télécommunications, c'est essentiellement
autour de Thomson-CSF que se nouent les alliances, avec Raytheon seul ou
dans un cadre plus large. Thomson-CSF joue un rôle particulièrement
important du point de vue français, puisque, parmi la centaine d'accords
d'échanges existant entre la France et les Etats-Unis sur des programmes et
technologies spécifiques, le groupe déclare 17 programmes en coopération
avec Raytheon et douze avec Lockheed-Martin.326
Thomson-CSF et Raytheon ont, en juillet 1999, remporté ensemble
un contrat OTAN de 3 milliards de francs pour la première phase, d'une
durée de six ans, d'un système de défense aérienne offrant une
interopérabilité complète aux pays membres de l'alliance. Ce contrat
attribué à ACSI (Air Command Systems International, coentreprise 50/50)
permettra la mise en place d'un nouveau système (ACCS LOC1) qui
remplacera le système NADGE mis en place en 1966 (et auquel
participaient déjà Hughes (aujourd'hui absorbé par Raytheon) et Thomson-
CSF). La collaboration entre les deux groupes est ancienne puisqu'ils
325 Ibidem.326 Air & Cosmos, 10 décembre 1999. On notera cependant que, pour les coopérations étatiques, il n'existe que deux programmes où la France et les Etats-Unis soient engagés conjointement : MIDS (terminaux de données tactiques, liaison 16) (avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne) et les roquettes guidées G-MLRS (avec l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne).
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 121
avaient déjà créé ensemble en 1981 l'ACCSCO (devenue ACSI). 327 Les
deux groupes ont déjà remporté ensemble un premier contrat au Portugal
en 1995 et un autre en Suisse en 1998. Thomson-CSF envisage de faire
évoluer cette coopération avec le groupe américain, dans le sens d'un
renforcement, tout en visant aussi les marchés asiatiques (Australie
comprise).328 Il semble même que Thomson-CSF et Raytheon soient sur le
point de créer une filiale commune, en mariant leurs activités dans le
domaine du contrôle aérien militaire et des radars.329 On doit noter que cette
"victoire" de l'alliance Thomson-CSF / Raytheon est aussi la "défaite" du
consortium concurrent mené par Boeing et Westinghouse, auquel
participaient TRW et les Européens Racal, Sel et Alcatel. Les alliances de
Thomson-CSF et Raytheon ne s’arrêtent pas là puisque les deux groupes
ont présenté conjointement une offre pour les contrats d'études des porte-
avions de la Royal Navy qui a été retenue par le gouvernement britannique,
ainsi que celle présentée par BAe et Marconi Electronics Systems (avant
leur fusion).330
Par ailleurs, Thomson-CSF est aussi partie prenante d'une autre
alliance puisqu'une nouvelle société, Tac One, dont le siège à Paris, a été
créée en août 1999 par BAe, Dasa, ITT Industries-Aerospace-
Communications, Marconi Communications et Thomson-CSF pour
postuler à un contrat Otan qui a pour objet de définir de nouvelles normes
des systèmes de communications militaires pour après 2005.331
Enfin, dans l'affrontement interaméricain par alliances européennes
interposées, il faut noter l'association de Boeing au consortium européen
327 Correspondance économique, 23 juillet 1999.328 Le Monde, 30 juillet 1999.329 C'est la filiale Thomson Airsys qui est concernée, le contrôle civil étant placé dans ATM, la coentreprise avec Siemens. La Tribune, 23 novembre 1999.330 Air & Cosmos, 26 novembre 1999.331 Les Echos, 3 août 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 122
qui propose le missile air-air à longue portée Meteor pour équiper
l'Eurofighter et associe British Aerospace, Matra-BAe-Dynamics,
Finmeccanica, Saab, LFK et Casa contre la proposition de Raytheon qui
propose son missile AMRAAM, ouvertement soutenu par les autorités
américaines auprès du gouvernement britannique. La présence de Boeing
vient compliquer le jeu et éviter que la concurrence ne prenne un aspect de
rivalité entre industries européenne et américaine, ce que les Américains
redoutent par-dessus tout, comme en témoigne leur obstination à tenter
d'exorciser le spectre des "deux forteresses". La présence de Boeing dans
cette alliance modifie la nature de la compétition comme le fait remarquer
- avec understatement - le vice-président anglais de Matra BAe Dynamics :
La signature de cet accord fournit l'occasion d'approfondir la
coopération transatlantique dans le domaine des missiles dans le
sens souhaité par le président Clinton dans une lettre récemment
adressée à Tony Blair.332
Si la tentative de Boeing de rattraper une partie de son retard dans
l'établissement de liens avec les industries européennes est évidente, la
perspective européenne vise aussi le marché américain comme l'explique
sans fard le président de MBD :
Ce partenariat est strictement limité au programme Meteor.
C'est toutefois un accord de grande portée. MBD propose au
gouvernement américain une coopération transatlantique
impliquant deux leaders dans leurs métiers, dans le but d'entrer sur
le marché américain avec un produit aux performances inégalées.
Qu'un grand industriel comme Boeing s'intéresse au missile Meteor,
considère qu'il peut aussi intéresser ses clients à l'export, ainsi que
le Pentagone, est une grande première. Nous nous inscrivons dans
l'ouverture qu'affirment rechercher les gouvernements américain et 332 Le Figaro, 21 août 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 123
européens. Il va falloir tester cette volonté.333
3.4.2 CRÉATION DE COENTREPRISES, ACCORDS DE SOUS-
TRAITANCE ET AUTRES LIENS COMMERCIAUX
L'année 1999 a vu se créer un certain nombre de coentreprises entre
firmes américaines et européennes, dans le secteur des moteurs
aéronautiques ou à l'initiative de Lockheed-Martin.
Snecma Services et l'Américain Praxair Surface Technologies ont
ainsi créé une coentreprise de réparation aéronautique dont le démarrage
effectif est prévu en 2000-2001 avec une soixantaine de postes.334
De même, le motoriste allemand MTU a investi 100 millions de
dollars dans une coentreprise (Vericor Power Systems) avec le groupe
AlliedSignal pour les turbines à gaz pour l'industrie et les moteurs de
marine.335
Lockheed-Martin Vought Systems et Dasa ont créé une coentreprise,
basée en Allemagne, pour le développement des missiles Patriot Advanced
Capability-3 (PAC-3) achetés par l'Allemagne.336
Le même Lockheed-Martin Vought Systems et la société allemande
Diehl ont créé une coentreprise (Euro Rocket System) pour les MLRS des
clients européens.337
Lockheed-Martin, Telespazio et TRW ont formé une société
commune pour la réalisation d'un réseau satellitaire de transmission de
données à large bande, "Astrolink", le premier satellite devant être lancé en
2002 avec un coût total du projet de 3., milliards de dollars.338
333 Les Echos, 25 octobre 1999.334 Air & Cosmos, 8 janvier 1999.335 Les Echos, 2 juin 1999.336 Les Echos, 13 février 1999.337 Armada, 1er avril 1999.338 Les Echos, 7/8 mai 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 124
Des accords de sous-traitance ou des commandes de fournisseurs
ont aussi contribué à développer les relations transatlantiques :
Sofradir (filiale commune de Thomson-CSF et du groupe Sagem) a
été retenue pour fournir à l'US Army des détecteurs infrarouges de
deuxième génération. Le contrat est évalué à 21 millions de francs qui
pourraient ultérieurement monter à 75.339
Boeing a confié à Ages (filiale américaine de Volvo Aero)
l'exclusivité de la distribution de pièces détachées pour les avions anciens
sortis de son catalogue, pour cinq ans.340
La division Systèmes aéronautiques du groupe Labinal a été choisie
par Boeing comme fournisseur de câblage aéronautique pour les avions
717 (fournisseur exclusif) et 767 (plus de 50 % des besoins).341
Pix Tech, société montpelliéraine, a obtenu un contrat de la
DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) pour les écrans du
nouveau système d'informations tactiques du char M1A2 Abrams. Le
volume financier du contrat est de 4.7 millions de dollars sur cinq ans.342
Le Suédois Volvo Aero a signé un contrat de 35 millions d'euros
pour la fourniture d'enveloppes de turbines à General Electric.343
Alenia Aerospazio a remporté deux contrats pour un montant de 65
millions d'euros auprès de Boeing, pour la transformation d'avions pour le
compte de Federal Express.344
Marconi (ex GEC) a signé un contrat de 1 milliard de dollars sur
trois ans pour la fourniture de fibres optiques pour services à large bande
339 Air & Cosmos, 26 février 1999.340 Air & Cosmos, 30 avril 1999.341 Les Echos, 29 juin 1999.342 TTU, 16 septembre 1999.343 AFP, 20 décembre 1999.344 Les Echos, 25 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 125
avec l'Américain Bell south.345
Parfois, ces relations de fournisseurs peuvent avoir des retombées
négatives. Ainsi en est-il pour GFI Industries : la réduction drastique des
commandes de fixation par Boeing, pour diminuer ses stocks, a obligé le
groupe à réduire temporairement l'activité (et les effectifs) de sa filiale Hi-
Shear acquise en 1996.346
Ces relations peuvent aussi être des commandes européennes aux
groupes américains :
Ainsi, quand le constructeur américano-allemand Fairchild
Aerospace (ex-Fairchild-Dornier) annonce le lancement d'une nouvelle
famille d'avions, ceci n'est possible que grâce à une commande massive de
Lufthansa, qui a par ailleurs obtenu que les avions soient construits en
Allemagne.347
De même, Lockheed-Martin associé à BAe et British Telecom a
signé un contrat avec le ministère britannique de la Défense pour la
fourniture du futur système de télécommunications militaires destiné à
l'armée britannique (études préliminaires de Skynet 5, vingt mois, 49
millions de dollars).348
D'autres partenariats, porteurs d'avenir, ont également été conclus
en 1999.
EDF a signé en mars 1999 un accord de partenariat important pour
commercialiser les microturbines d'AlliedSignal en Europe.349
345 La Tribune, 17 décembre 1999.346 Les Echos, 22 septembre 1999.347 Les Echos, 3 juin 1999.348 Les Echos, 15 juin 1999.349 Les Echos, 9 mars 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 126
Le groupe britannique GKN a conclu un accord avec l'Américain
Dana Corp pour des systèmes de transmissions automobiles de pointe.350
Snecma et Lockheed-Martin se sont engagés dans la voie de
relations plus étroites pour les systèmes électroniques de régulation
numérique des moteurs (FADEC). Cet accord élargit la coopération qui
existait déjà entre les deux groupes.351
Techspace Aero (filiale du groupe Snecma) a signé avec
AlliedSignal un accord de partenariat à risques partagés portant sur la
totalité de la gamme des moteurs AS900.352
Ces coopérations américaines ne se limitent évidemment pas au
continent européen. C'est ainsi que le gouvernement japonais a été amené à
approuver un projet de coopération avec les Etats-Unis dans le domaine de
la défense antimissiles balistiques (2,5 à 3 milliards de francs sur cinq à six
ans).353
Enfin, dans les alliances d'ensemble qui touchent à l'aéronautique, il
faut signaler l'évolution continue du transport aérien vers la concentration,
dont l'accord entre Delta Airlines et Air-France est une étape
supplémentaire alors que trois autres grands réseaux se sont constitués :
Star Alliance (qui réunit United Airlines, Lufthansa, et a passé des accords
avec Thaï Airways et en prépare d'autres avec Singapore Airlines),
Oneworld (qui unit American Airlines et British Airways, et qui détient 25
% de l'Australien Qantas) et Wing Alliance (autour de Northwest,
Continental et KLM, et qui a des accords avec Air China).354
350 Les Echos, 30 mars 1999.351 Air & Cosmos, 25 juin 1999.352 Ibidem.353 Les Echos, 18 août 1999.354 AFP, 22 juin 1999.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 127
3.5 L'ÉVOLUTION DE LA VISION AMÉRICAINE DES
RELATIONS TRANSATLANTIQUES EN MATIÈRE DE
PRODUCTION D'ARMEMENT : DE LA CÈNE AU "DÎNER DE
TÊTES"
Les relations transatlantiques en matière de coopération pour les
fabrications d'armement sont marquées par des difficultés fondamentales :
différences de taille des marchés intérieurs et des entreprises, volonté
d'hégémonie, souci de préserver la Souveraineté, protection du secret et des
technologies de pointe, maintien de l'avance en R&D, etc.
La déclaration d'intention, signée en novembre 1998355 par les
directeurs nationaux d'armement américain, français, allemand et
britannique, traduit à la fois une volonté de progresser dans le domaine de
la coopération et l'ampleur et la nature des difficultés. Parmi les principes
retenus dans cette déclaration, il y a la volonté de coopérer le plus en amont
possible, de façon à harmoniser plus facilement les spécificités techniques
et permettre un accord plus facile sur les caractéristiques opérationnelles
des matériels. La nécessité d'obtenir un bon rapport coùt-efficacité est
rappelée, ce qui n'est guère surprenant. La déclaration aborde aussi la
question difficile de la transparence de l'information qui devrait être de
règle tant pour l'avancement des travaux que pour "toute activité nationale
parallèle", ce qui vise évidemment la pratique des "black programs"
américains. La déclaration insiste également sur la nécessité de "réduire au
minimum les contraintes relatives aux échanges d'information" et le fait de
"protéger la sécurité d'approvisionnement des participants". En outre , elle
fait clairement mention du principe d'un "partage équitable", ce qui
355 Voir présentation dans Info-DGA, mars 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 128
s'applique aussi bien à la possibilité pour les industries des différents pays
coopérants de participer à la réalisation des programmes, et non pas d'être
simplement sous-traitants de firmes américaines, qu'à la maîtrise des
technologies déterminantes.
L'ensemble des principes de cette charte donne une image très
irénique des relations de coopération. Cependant, le seul fait qu'il ait fallu
les inscrire dans une convention indique bien qu'ils n'étaient pas
nécessairement respectés jusque-là. La déclaration commune permettra-t-
elle qu'il en soit autrement dans l'avenir ? Seule l'évolution des relations
dans les coopérations peut en apporter la démonstration. Et cette évolution
est elle-même fonction des rapports de force économiques qui
s'instaureront entre industries d'armement européenne et américaine. De ce
point de vue, les fusions de l'année 1999 constituent une modification
fondamentale qui va peser sur l'attitude de l'administration et des
entreprises américaines dans l'avenir.
L'établissement de liens renforcés entre entreprises américaines et
européennes est une perspective qui s'est très clairement affirmée depuis
1998, où tour à tour les responsables de Boeing et de Lockheed-Martin
avaient fait assaut d'offres de coopération et de déclarations d'intentions
pour souligner que leur horizon était loin d'être seulement américain, mais
que l'Europe était leur "prochaine étape". A Bruxelles, en février 1998, Ron
Woodard, numéro 2 de Boeing, expliquait :
Nous voulons nous étendre en Europe par le biais de la sous-
traitance. Nous étudions des joint-ventures et espérons proposer
plus de travail aux motoristes européens.356
En écho, Vance Coffman, le PDG de Lockheed-Martin, expliquait
pourquoi il est favorable à des rapprochements de part et d'autre de 356 Les Echos, 11 février 1998.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 129
l'Atlantique pour éviter un face-à-face dangereux : "la compétition des deux
forteresses pourrait nuire à la sécurité des deux continents"357 Il ne sous-
estimait pas les difficultés de ces rapprochements :
Ce ne sera pas évident : d'une part la fusion des firmes de
défense européenne va se heurter au fait que plusieurs sont toujours
publiques. D'autre part, du côté américain, les mentalités devront
changer pour accepter une certaine dépendance vis-à-vis de
l'Europe.358
Non sans ajouter qu'il trouvait même plus difficile l'établissement de
ces rapprochements que les relations avec les anciens pays du pacte de
Varsovie :
Pour une compagnie américaine, il est plus facile de conclure
une affaire avec nos anciens adversaires à Moscou qu'avec nos
partenaires en Europe.359
Néanmoins, ces difficultés ne l'empêchaient pas d'insister sur la
nécessité de développer des coopérations industrielles :
La coopération transatlantique a été une activité à dominante
politique mais en grande partie elle n'a pas atteint ses buts. C'est
maintenant au tour des industriels de définir de nouvelles formes de
partenariat, en explorant toutes les formes de joint-ventures, de
participations croisées au capital et d'alliances stratégiques par
secteurs spécifiques.360.
Et la même perspective était aussi défendue par Paul Hoeper, sous-
secrétaire adjoint à la Défense, chargé des programmes internationaux :
Il nous faut trouver de nouveaux moyens constructifs pour
357 Air & Cosmos, 13 février 1998.358 Ibidem.359 Air & Cosmos, 19 juin 1998.360 Ibidem.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 130
travailler en partenariat avec nos alliés internationaux.361
C'est la même orientation qui s'est retrouvée pendant une première
partie de l'année 1999 à travers les déclarations d'industriels d'une part et de
responsables de l'administration américaine d'autre part.
Les industriels ont insisté sur le fait que la concurrence entre firmes
américaines et européennes ne pouvait pas être lue comme une simple
concurrence nationale et que, étant donné les liens de sous-traitances, de
commandes, de fournisseurs qui existent entre donneurs d'ordres
américains et entreprises européennes, l'activité des firmes américaines
était un facteur favorable à l'emploi et aux économies européennes. Ce
discours a, en particulier, été développé par Richard James, président de
Boeing Europe, invité par l'AJPAE :
Boeing travaille avec plus de cinq cents fournisseurs dans 21
pays européens. Au cours des cinq prochaines années, le
Commercial Airplane Group compte dépenser plus de 80 milliards
de francs, ce qui permettra de créer 80 000 emplois. En France,
Boeing a dépensé 7 milliards de francs avec ses fournisseurs. A
l'inverse de notre concurrent362, le 737 est uniquement motorisé par
des CFM56 qui procurent 11 000 emplois en France. Au cours des
cinq dernières années, ce programme a procuré 15 milliards de
francs de revenus à la Snecma et il lui en procurera plus de 50 au
cours des huit prochaines années.363
Cette argumentation sur les interconnexions entre systèmes de
production d'armement tend à battre en brèche la représentation des "deux
361 Ibidem.362 Il s'agit d'Airbus.363 Air & Cosmos, 26 mars 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 131
forteresses". Toutefois, il faut remarquer que ce vocabulaire est
spécifiquement américain et ne se retrouve pas dans l'analyse des
responsables européens. En revanche, les membres de l'administration
américaine l'emploient fréquemment pour en dénoncer les effets néfastes
supposés. Cette crainte de la formalisation d'un affrontement entre les deux
grands systèmes de production d'armement est particulièrement présente
dans les analyses de Jacques Gansler, actuel responsable du Département
acquisition, qui a développé depuis plusieurs années une vision très
différente des relations transatlantiques :
This early 21st century "transatlantic defense industrial
capability model" would then have essentially two major economic
blocks - one in North america (made up of Canada and the United
States) and one in Europe (made up of interested European NATO
members), in almost all critical defense capability areas (again
nothing that, perhaps, a very few strategic items could be
demonstrated to have overriding economies-of-scale benefits for
sole sources). Each of the blocks would assure that there was at
least one "local" potential industrial supplier (hopefully doing both
civil and military work) for all of the essential critical technologies
required for their future military weapon systems. This supplier
might not, however, be currently producing this particular type of
equipment, and they might not currently even be involved in a
program within their economic block - perhaps supplying it to the
other block.
Overall, the model assure that, in both North America and in
Europe, there would be at least one international (transatlantic)
industrial team working in each critical defense capability area.
Each of the two (or more) teams in a given military mission area
would likely have industrial members from others nations (perhaps
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 132
at the subsystem level), and the majority of the suppliers would be
commercial enterprises. The team would also have a weapon system
design capability that would be defense-unique. The two teams
(again, one in Europe and one in the U.S.) would usually not be
working on the same product, but, for example, the North-American-
led team might be producing the current system upgrade while a
European-led team might be developping a new-generation
prototype - in the same military capability (mission) area. Differents
teams would, of course, be formed for each new program
competition (taking advantage of the "best in class" offered in each
area - from Europe and North America). In this way, there would be
two forms of competition continuously underway. First, for the
establishment of the team membership (with competition open to all
participating nations) and second between the teams for new-
generation systems. /../
It is important to emphasize that it is in the US government's interest
as well the particular interest of the department of Defense, to have
a strong and technologically advanced european defense industry.364
C'est cette vision d'une coopération "équitable" entre les deux rives
de l'Atlantique qui inspire les prises de position de Jacques Gansler dans
l'année 1999, lesquelles constituent une inflexion sensible des vues de
l'administration américaine. En juillet, dans un entretien au Wall Street
Journal, il affirme que le ministère veut "changer sa politique" en matière
de fusion d'entreprises et ne s'opposerait pas à des acquisitions de grands
groupes américains par des Européens. Et de préciser que des accords avec
des entreprises et gouvernements européens pourraient intervenir d'ici à 364 Jacques S. GANSLER, The Changing Face of Arms Production and Cooperation : Technological Trends, Octobre 1996, tapuscrit, ESAN, SWP, Ebenhausen, 2 octobre 1996.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 133
quelques mois.365 Ces déclarations sont appuyées par le secrétaire d'Etat à la
défense William Cohen qui déclare "Les fusions entre les entreprises de
défense américaines et européennes sont non seulement inévitables mais
aussi souhaitables".366 Et Jacques Gansler évoque la possible acquisition par
des "alliés de confiance" de certaines divisions de Northrop Grumman ou
de General Dynamics.367
Ces déclarations sont analysées par les médias anglo-saxons comme
le lancement d'une nouvelle étape dans les relations transatlantiques, ce que
le Wall Street Journal résume ainsi :
Les encouragements de M. Gansler ont déclenché une
nouvelle vague de manœuvres industrielles visant à faire des
grandes fusions transatlantiques une réalité dans les mois ou les
années à venir. Des responsables des industries de défense, y
compris de Boeing, Lockheed-Martin, British Aerospace PLC et
Aérospatiale-Matra, ont reconnu avoir accéléré ces derniers mois
des transactions de faible importance mais qui démontrent la
faisabilité de fusions plus larges.368
Et de citer à l'appui de ceci le fait que le conseil d'administration de
Daimler-Chrysler vient de voter le rachat de 12 % des parts de l'entreprise
qui construit la navette spatiale Spacelab (12 millions de dollars). Phil
Condit, président de Boeing, pense qu'il y a de fortes chances pour que des
alliances transatlantiques se produisent à "plus ou moins court terme" mais
qu'il faut trouver le moyen de "construire un mur de béton" autour de
certaines technologies qui ne peuvent faire l'objet de communications entre
puissances étrangères.369
365 La Tribune, 8 juillet 1999.366 Le Monde, 24 juillet 1999.367 Ibidem.368 Wall Street Journal, 19 juillet 1999.369 Ibidem.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 134
Ce dernier point évoque des problèmes de sécurité qui sont
constamment mis en avant lorsqu'il est question de coopération militaire
transatlantique et qui montrent que les différents acteurs américains ne sont
pas tous sur la même ligne à ce sujet. Si l'administration américaine est très
soucieuse de ce sujet, les industriels, pressés par la nécessité de réaliser des
alliances avant leurs concurrents, n'ont pas forcément la même
préoccupation et, par exemple, le PDG de Northrop Grumman, Ken Kresa,
"estime que les questions de sécurité évoquée par Washington ne
constituent pas en réalité de réels obstacles aux fusions transatlantiques".370
C'est en gardant à l'esprit la complexité de ces appréciations qu'il
faut analyser la réunion du 25 octobre 1999, où le DoD a invité une
cinquantaine d'industriels américains et européens pour discuter de la
possibilité d'alliances transatlantiques dans la défense.371 Cette réunion avait
été présentée comme une répétition de la "Cène" (The Last Supper) où le
secrétaire d'Etat à la Défense de l'époque, William Perry, avait convié les
industriels de la défense américains pour lancer ce qui allait être le
formidable mouvement de concentration des années quatre-vingt-dix. Et on
pouvait s'attendre à ce qu'il en sorte des décisions et des annonces radicales
quant aux restructurations transatlantiques.
Cependant, dans l'intervalle, avaient été annoncées les
restructurations européennes : création d'EADS, lancement d'Astrium,
création du grand missilier européen. Ces décisions, en particulier la
création d'EADS, ont été accueillies sèchement par le Pentagone qui s'est
borné dans un communiqué général à rappeler une position de principe :
Nous restons favorables à une évolution vers un modèle
transatlantique concurrentiel des industries de défense caractérisé
370 Les Echos, 12 octobre 1999.371 La Tribune, 8 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 135
par des liaisons multiples entre industriels.372
Du coup, cette réunion a comporté des éléments contradictoires.
D'une part John Hamre, le secrétaire adjoint à la Défense, a fait un certain
nombre de propositions, dans le cadre de la doctrine américaine de
"stratégie de globalisation", pour assouplir les conditions de coopération et
de participation d'industriels européens, à des groupes industriels
américains (règles sur les investissements étrangers, sur la représentation
aux conseils d'administration notamment).373 Mais, d'autre part, il n'est rien
sorti de concret quant à des alliances industrielles. Et même les éventualités
évoquées quelque temps auparavant (cessions d'actifs de Northrop
Grumman ou de Lockheed-Martin) n'ont pas été concrétisées. En fait, le
Pentagone estime qu'il serait "prématuré" de s'attendre à des fusions
transatlantiques importantes dans le domaine de la défense et le point de
vue de John Hamre est que, avant qu'aucune "méga-fusion" ait lieu, les
sociétés européennes doivent digérer les restructurations qu'elles viennent
d'effectuer.374 En fait, l'impression qui prévaut est celle d'un certain gel des
évolutions, en attendant que le système américain se soit adapté à la
nouvelle donne européenne.
En ce sens, cette "Cène" ressemble plutôt au "Dîner de têtes" de
Jacques Prévert, où la réunion de gens importants finit par produire tout
autre chose que ce qu'elle était censée engendrer…
Le carrefour franco-européen de l'industrie de défense qui s'est tenu
début décembre 1999 à Toulouse a confirmé ces inflexions du point de vue
américain, ainsi que les divergences d'appréciations transatlantiques. Les
problèmes de confidentialité et de sécurité ont de nouveau été mis en avant
372 Air & Cosmos, 22 octobre 1999.373 Le Monde, 27 octobre 1999.374 Wall Street Journal, 27 octobre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 136
par les participants américains pour insister sur la difficulté des
coopérations transatlantiques et surtout pour renvoyer à plus tard une
évolution de l'équilibre de ces relations. James Bodner, responsable des
questions d'exportations au Département de la défense a critiqué ce qui lui
paraît être un "certain laxisme" de la France sur les questions
d'exportations. De son côté, le sous-secrétaire d'Etat aux Acquisitions,
Jacques Gansler, a insisté sur les préalables à toute coopération, c'est-à-dire
"les questions de contrôle de la destination finale et de traitement de la
confidentialité". Il reconnaît cependant que son pays a fort à faire pour
modifier son attitude envers ses partenaires, notamment en matière
d'ouverture de son marché, de clarification de son contrôle sur les
exportations ou de partage du renseignement, et il a affirmé que le
Pentagone cherche à présent un niveau satisfaisant de compétition qui ne
peut s'obtenir, dit-il, qu'en multipliant les alliances transatlantiques. D'où le
feu vert donné par l'administration américaine au rachat de Tracor par
GEC-Marconi ou l'autorisation donnée à Thomson Training Simulation de
former directement les pilotes de l'USAF sur ses simulateurs.375
C'est une analyse convergente que développait, à l'orée de cette rencontre
de Toulouse, Félix Rohatyn, ambassadeur des Etats-Unis en France :
Une des difficultés tient aux transferts de technologie. Le
Pentagone examine avec le Département d'Etat les moyens de
simplifier les procédures pour permettre aux sociétés européennes
d'accéder plus facilement au marché américain. Nous allons profiter
de ce carrefour pour décomplexer les entreprises françaises, leur
expliquer comment elles peuvent s'adresser aux PME américaines
pour participer aux appels d'offres et quelles sont les procédures
pour recevoir les autorisations relatives à la sécurité. /../ Le
principal obstacle tient aux questions de sécurité que posent les 375 Air & Cosmos,, 10 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 137
transferts de technologies que les Etats-Unis et la France partagent
en matière de nucléaire, de balistique, etc…/../ Certains Américains,
c'est exact, redoutent l'émergence d'une forteresse Europe. C'est une
raison de plus pour créer des alliances.376
Cette "forteresse Europe", qui n'existe que dans les textes américains
et dont on ne trouve pas trace dans les déclarations des responsables
européens, est une représentation utilisée comme celle d'une menace
mythique qui justifie des rapprochements transatlantiques. Mais du point
de vue américain, ces rapprochements ne peuvent se faire que dans un
rapport de force favorable aux entreprises des Etats-Unis, ce qui est le cœur
du problème, comme le soulignait le délégué général pour l'armement,
Jean-Yves Helmer, lors de la rencontre de Toulouse : "Il est vain
d'imaginer des mégafusions tant qu'il n'existera pas de véritable marché
transatlantique".377
Ce qu'en d'autres termes le président de Dasa, Manfred Bischoff
avait peu de temps auparavant rappelé lors du neuvième congrès bancaire
européen à Francfort :
Des fusions avec des entreprises américaines qui peuvent
réussir dans un autre secteur, comme le prouve l'exemple de
Daimler-Chrysler, ne sont pas pour le moment d'actualité dans
l'aéronautique et l'espace. Il manque en effet la condition la plus
importante : à savoir le marché de la défense transatlantique.378
Si la naissance d'un tel marché est appelée de tous les vœux des
responsables des deux côtés de l'Atlantique, il est clair qu'il existe des
désaccords de fond sur les caractéristiques de ce "marché transatlantique".
376 Les Echos, 6 décembre 1999.377 Air & Cosmos, 10 décembre 1999.378 AFP, 19 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 138
CONCLUSION : L'EUROPE EST LA PROCHAINE ÉTAPE…
MAIS LE LANCEMENT DE CETTE ÉTAPE EST
PROVISOIREMENT RETARDÉ
"L'Europe est la prochaine étape", disait Norman Augustine à l'été
1997, analysant les perspectives de développement de l'industrie
américaine d'armement.379 Cette perspective demeure, mais dans des
conditions qui ont notablement changé avec les données de l'année 1999.
La relation entre les systèmes européens et américain de production
d'armement s'avère plus complexe que celle d'une simple forme d'OPA
américaine éventuelle, comme ont cru pouvoir la caractériser certains
observateurs. En réalité, le rapport de force est loin d'être aussi défavorable
aux industries européennes que ce que certains discours répètent. Les
succès d'Airbus et d'Arianespace, les recompositions de l'année 1999 qui
ont fait émerger deux groupes généralistes européens de taille à rivaliser
avec leurs concurrents outre-Atlantique, les regroupements qui ont
immédiatement suivi dans les domaines de l'espace et des missiles : tous
ces facteurs font que les relations transatlantiques ne peuvent être réduites à
de simples relations de domination et que, si la volonté d'hégémonie
américaine demeure, elle est forcée de passer par des formes de
négociations et de compromis industriels qui ne sont pas tous acceptables
pour l'administration américaine.
L'évolution de l'industrie américaine d'armement s'est poursuivie en
1999, après une pause en 1998. Ce mouvement a été volontairement limité 379 Les Echos, 19 juin 1997.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 139
par l'administration américaine en ce qui concerne les maîtres d'œuvre
(blocage du rapprochement Lockheed-Martin / Northrop Grumman ou du
rachat des chantiers navals Newport News Shipbuilding), en revanche il
s'est développé pour les équipementiers (rachat d'Honeywell par
AlliedSignal, de Sundstrand par UTC, de Comsat par Lockheed-Martin,
des télécommunications de GTE par General Dynamics et de Gulfstream
Aerospace par le même). On doit cependant souligner que ce mouvement
de fusions-acquisitions est loin d'être spécifique au secteur de l'armement et
que, au contraire, il est dominant dans l'ensemble des secteurs industriels et
de services, avec des montants beaucoup plus conséquents financièrement
que les opérations réalisées dans le domaine de l'armement. Cela renforce
l'observation faite précédemment à propos des firmes européennes que les
firmes produisant de l'armement ne peuvent plus se penser en dehors d'un
marché globalisé, ce qui implique en particulier pour l'analyse d'englober
non plus seulement les firmes ayant des marchés de défense identifiés,
mais aussi les firmes ayant des activités connexes ou concurrentes des
productions civiles principales des groupes produisant de l'armement. C'est
à un considérable élargissement de perspective que l'on est contraint pour
l'avenir, si l'on veut pouvoir discerner précisément les rapports de force et
les lignes de développement des firmes d'armement.
La rapidité et la précocité de la restructuration de l'industrie
américaine d'armement par rapport à celle des industries européennes ne
doivent pas faire oublier que cette restructuration ne va pas sans problème
et que la constitution de groupes géants efficaces n'est pas nécessairement
assurée de la réussite. En témoignent les difficultés des principaux groupes
américains dans l'année 1999 pour gérer, ou digérer, leur croissance : pour
Boeing, l'année se solde par la suppression de 31 000 emplois. Il y en a eu
2 000 chez Lockheed-Martin et 3 000 chez United Technologies. Le
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 140
groupe Raytheon cumule pour l'année 13 700 suppressions d'emplois et
AlliedSignal, après en avoir supprimé 5 600, prévoit d'en supprimer encore
4 500 après sa fusion avec Honeywell. Les performances boursières des
principaux groupes sont mauvaises ou médiocres. Et le diagnostic, en
forme d'autocritique, du PDG de Raytheon ("nous avons voulu en faire
trop, et trop vite") pourrait s'appliquer à d'autres qu'à son propre groupe.
Certes, le bilan global de l'industrie aéronautique et spatiale
américaine, en termes de chiffre d'affaires, est bon, même si la période
1998-2000 est moins favorable :
RESULTATS DE L'INDUSTRIE AEROSPATIALE AMERICAINE (en milliards de dollars)
Année Total des
ventes
Avions Missiles Espace Services
Total
avions
Avions
civils
Avions
militaires
1995 107,8 55 23,9 31 7,4 27,4 17,9
1996 116,8 60,3 26,8 33,4 8 29 19,5
1997 131,6 70,8 37,4 33,4 8 30,8 21,9
1998 148,5 83,9 49,8 34 7,6 32,3 24,7
1999e 155,3 90,3 54,4 35,8 8 31,1 25,9
2000e 149,4 83,2 45,7 37,5 8,7 32,6 24,9
Source AIA.380
Cependant, de sérieuses critiques se font entendre sur l'organisation
de la gestion des firmes géantes et de leur production. Les analystes
s'inquiètent également du poids de l'énorme endettement lié aux
acquisitions.
La structure du capital des firmes, ainsi que l'attention prioritaire
portée à la "valeur pour l'actionnaire" ne sont pas non plus sans poser de
380 Air & Cosmos, 24 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 141
problèmes, dont s'est inquiété, en fin d'année 1999, le sous-secrétaire d'Etat
à la Défense, John Hamre, critiquant l'attitude de Wall Street et des fonds
de pension :"Je suis alarmé et franchement choqué que les propriétaires de
certaines sociétés d'investissements aient une conscience aussi étroite de
l'importance de la défense pour notre pays".381
Par ailleurs, Jacques Gansler admet que le Pentagone devra
intervenir pour maintenir des conditions saines de concurrence parmi les
industriels de premier rang, tout en veillant à maintenir en bonne santé le
tissu industriel des sous-traitants. En pratique, les perdants des grands
contrats de défense pourraient se voir attribuer en compensation des
budgets supplémentaires de R&D pour leur permettre de rester dans la
course aux futurs armements.382
Ces difficultés ne doivent pas être perdues de vue au moment où les
firmes européennes se sont engagées sur la voie de fusions importantes.
Ces opérations américaines n'ont pas empêché les groupes outre-
Atlantique de continuer leurs acquisitions de firmes européennes de
volume limité. Les prises de contrôle les plus importantes sont celle de
LucasVarity (lui-même sur le point de prendre le contrôle de la société
française SAMM) par TRW et celle du groupe suisse Mowag par General
Motors. Les autres opérations sont moins significatives financièrement
mais continuent à alimenter un courant persistant ces dernières années.
En sens inverse, les deux groupes français Alcatel et britannique
Marconi (ex-GEC) ont procédé à des acquisitions importantes (environ 31
milliards de francs pour l'un et 43 milliards de francs pour l'autre) dans le
domaine des télécommunications, qui apparaît comme un des secteurs de
compétition privilégiés pour l'avenir.
381 Le Figaro, 15 novembre 1999.382 Air & Cosmos, 24 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 142
C'est surtout dans le développement des accords de sous-traitance,
coopérations, créations de coentreprises que s'est perpétué le mouvement
que nous avions précédemment caractérisé comme le passage des "liens
discrets" aux "liens renforcés", formulation qu'on retrouve presque
identique dans l'appréciation du Pentagone après les principales fusions
européennes : "Nous restons favorables à une évolution vers un modèle
transatlantique concurrentiel des industries de défense caractérisé par des
liaisons multiples entre industriels." 383
Le phénomène est d'autant moins contestable que plusieurs
opérations de coopérations entre firmes européennes et américaines ont
franchi pendant l'année 1999 un seuil important, qu'il s'agisse des relations
entre Aérospatiale-Matra et Lockheed-Martin, entre Airbus et Raytheon,
entre Thomson-CSF et Raytheon, ou du ralliement de Boeing au
consortium Meteor.
En revanche, l'accélération des fusions capitalistiques proprement
dites que certains attendaient, à l'occasion en particulier de l'invitation à
Washington du 25 octobre, non seulement ne s'est pas produite, mais les
ouvertures qui avaient été faites dans les mois précédents semblent bien
avoir été provisoirement gelées. C'est dans l'importance des
restructurations européennes réalisées dans la période que se trouve
l'explication de ce changement de tactique. La perspective d'avoir à
négocier avec des groupes de taille équivalente a conduit l'administration
américaine à remettre à plus tard de telles évolutions, en attendant de faire
un bilan plus précis de ce mouvement d'européanisation.
Sur ce point, les appréciations des représentants de l'administration
américaine et des groupes industriels ont paru diverger dans certains cas,
mais il est douteux que de telles divergences puissent s'aggraver. On doit 383 Voir Air & Cosmos, 22 octobre 1999.. C'est nous qui soulignons "liaisons multiples"
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 143
au contraire s'attendre à des initiatives convergentes de l'une et des autres
pour tenter d'infléchir à leur profit le rapport de force entre systèmes de
production d'armement américain et européen.
Les groupes américains, ou tout au moins les principaux d'entre eux
et les plus exposés à une "concurrence" européenne, auront la tentation de
reprendre les "moyens obliques" de concurrence qu'ils ont parfois utilisés
dans le passé. Cela peut recouvrir des arguments "juridiques" (question des
avances remboursables et plus globalement des "aides" étatiques,
législation anti-corruption, mise en avant des risques de dissémination de
technologies sensibles, etc), comme le montrent les déclarations de Dick
James, président de Boeing Europe, à la fin de l'année 1999, estimant que
Airbus devrait "se passer d'aides publiques, comme le fait Boeing".384 Cela
peut être aussi la gamme des pressions politiques exercées par les
responsables de l'administration américaine, comme c'est le cas pour
l'éventuelle commande par la compagnie israélienne El Al de trois Airbus385,
à propos de laquelle Madeleine Albrigt n'hésite pas à déclarer aux
responsables israéliens : "Si El Al compagnie publique préfère Airbus,
adressez-vous la prochaine fois que vous aurez besoin d'une aide aux
Français ou aux Anglais".386 Une insistance du même ordre s'exerce sur la
Belgique pour qu'elle entre dans le programme JSF, rejoignant ainsi les
trois autres pays du consortium F-16 (Pays-Bas, Danemark, Norvège) qui
ont déjà acquitté leurs droits d'entrée.387 Cela peut être encore la puissance
des divers lobbies américains dont BAe Systems redoute que, si le missile
Amraam de Raytheon était adopté plutôt que le Meteor européen, cela ne
donne un jour la possibilité à ces groupes américains de bloquer
384 La Tribune, 17 décembre 1999.385 Ce qui est évidemment loin d'être un montant économiquement significatif…386 La Tribune, 21 décembre 1999.387 10 millions de dollars pour participer à la première phase du programme. Air & Cosmos, 17 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 144
d'éventuelles exportations de l'Eurofighter.388
Cela passera aussi par un redéploiement à l'exportation, comme on
le constate en fin d'année 1999 avec la décision de Washington d'assouplir
sa position sur les livraisons de missiles AIM-120 Amraam pour Taiwan et
le Chili, face à la concurrence du Mica de Matra-BAe-Dynamics, et le feu
vert donné à la fourniture à Taiwan des logiciels permettant aux F-16A/B
de tirer des Amraam.389 Cette volonté de ne perdre aucun marché à
l'exportation se manifeste encore dans les négociations poussées de
Lockheed-Martin avec l'Italie pour vendre six C-130J supplémentaires,
s'ajoutant aux dix-huit exemplaires déjà commandés par ce pays.390
Cela se manifestera également par une souplesse et une agilité
accrues des industriels américains : l'hélicoptériste Bell (groupe Textron)
envisage déjà de transférer deux lignes de production à Taiwan pour
réduire ses coûts de production.391 Mais il n'est pas déraisonnable de penser
que les groupes américains puissent aussi avoir des stratégies de
contournement de ce qu'ils appellent la "forteresse Europe". Cet ensemble
est essentiellement constitué dans l'aéronautique, le spatial et l'électronique.
En revanche, les secteurs classiques (naval et terrestre) n'ont pas encore
atteint le même niveau de restructuration. Il se pourrait que ce soit sur ces
secteurs d'abord qu'aient lieu des offensives capitalistiques américaines. La
prise de contrôle du Suisse Mowag par General Motors pourrait très bien
n'être qu'un premier pas dans ce sens
388 Air & Cosmos, 17 décembre 1999.389 Air & Cosmos, 17 décembre 1999.. Face également aux livraisons de missiles russes AA-10 Alamo dans la zone asiatique.390 Cet équipement en avions de transport pesant évidemment sur le sort futur de l'ATF. Lockheed-Martin est de surcroît particulièrement intéressé à trouver des commandes supplémentaires pour assurer son plan de charge, à l'heure actuelle insuffisant et que ses propositions financières au Pentagone (rabais de 20 %) n'ont pas, en décembre 1999., suffit à rétablir (Air & Cosmos, 17 décembre 1999).391 La Tribune, 8 novembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 145
Pour autant, on aurait tort de considérer que les restructurations
européennes ont créé une situation définitive. Plusieurs questions n'ont pas
encore reçu de réponse, qu'il s'agisse du périmètre d'EADS, des choix à
venir de BAe Systems ou de la convergence des stratégies des firmes
européennes :
Le périmètre exact d'EADS n'est pas encore déterminé de manière
définitive à la fin de l'année 1999. Si le groupe espagnol Casa a finalement
rejoint l'alliance, avec une participation de 6,25 % au capital, 392 malgré les
tentatives de BAe Systems de réaliser une contre-alliance,393 en revanche la
position de l'Italien Finmeccanica n'est pas encore connue. L'Italien est
approché par les deux groupes européens : BAe Systems cherche à rompre
son isolement et fait savoir qu'il explore avec Finmeccanica la "possibilité
de faire plus dans l'aéronautique, l'espace et l'avionique",394 dans la
perspective d'un rapprochement global avec Alenia.395 Mais, de son côté,
EADS propose à Finmeccanica de fusionner les activités d'avions de
combat du futur groupe avec celles de l'Italien dans une coentreprise 50/50,
en apportant à celle-ci, pour équilibrer l'accord, une partie des activités
d'Alenia Difesa, notamment son avionique.396 L'avionneur italien est la
dernière entreprise européenne dont les liens ne soient pas encore
déterminés. Il semble bien que son intérêt principal soit de passer alliance
avec EADS dont les propositions sont attrayantes, mais il faudra attendre la
première partie de l'année 2000 pour connaître son choix.
La stratégie de BAe Systems paraît hésiter encore entre l'espace
européen et les éventualités transatlantiques : à la fin de l'année 1999, selon
le Sunday Times, BAe Systems serait prêt à étudier un rapprochement avec
392 Le Revenu français, 10 décembre 1999..393 Les Echos, 19/20 novembre 1999..394 La Tribune, 3 décembre 1999.395 Les Echos, 3/4 décembre 1999.396 Les Echos, 29 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 146
la branche Défense de Boeing pour reprendre un leadership européen. BAe
qualifie de spéculation l'idée d'une fusion mais n'exclut pas un
renforcement de ses liens avec l'Américain "Nous avons déjà de nombreux
accords de collaboration avec Boeing, qu'il s'agisse des avions militaires
Nimrod, ou de l'aéronautique civile où nous leur fournissons des ailes
d'avions, ou encore des missiles (avec le programme Meteor). Mais ce n'est
pas notre seul partenaire américain et nous avons d'autres accords avec
Lockheed-Martin" dit la direction de BAe.397 La plupart des experts estiment
cependant que Boeing a supplanté Lockheed-Martin comme partenaire
favori de BAe Systems et tous les projets prêtés à BAe tournent autour de
la firme de Seattle. Un éventuel accord américano-britannique modifierait
évidemment substantiellement la position de la firme quant à l'Europe de
l'armement. Mais cette éventualité est loin d'apparaître comme la plus
favorable à la firme britannique.
Les stratégies des firmes européennes ne sont pas non plus
nécessairement convergentes, comme en témoigne le fait que Alcatel,
majoritaire dans la constellation Skybridge, ait choisi l'Américain Boeing
pour le lancement des 40 premiers satellites du projet, plutôt que
Arianespace, concluant également un accord capitalistique avec Boeing
pour que la firme américaine entre au capital de Skybridge.398 Plus
globalement, si EADS et BAe Systems ont, pour le moment, une stratégie
essentiellement européenne, il n'en est pas de même de Thomson-CSF,
dont la position est bien sûr touchée par ces regroupements et qui
développe une stratégie qu'il nomme "multidomestique", en s'implantant
par croissance externe dans un certain nombre de pays clients (Afrique du
Sud, Australie, Corée du Sud, Grande-Bretagne).399 Le groupe français, dans
397 Les Echos, 14 décembre 1999.398 Les Echos, 10/11 décembre 1999.399 TTU, 14 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 147
le capital duquel Alcatel est monté à 25,3 % en fin d'année par cession de
parts de l'Etat,400 cherche ainsi à se développer dans un cadre qui dépasse
sensiblement l'espace européen.
Bien entendu, il reste également à "réussir" les fusions, ce qui passe
à la fois par la gestion économique pour une efficacité accrue et par la
gestion du capital humain et des cultures d'entreprise à homogénéiser.
Finalement, si, du point de vue américain, l'Europe demeure la
prochaine étape, le départ de cette étape est provisoirement retardé, en
attendant que les instances américaines aient une évaluation plus claire du
nouveau rapport de force qu'a créé le mouvement d'européanisation
industrielle de l'armement de 1999. En revanche, du point de vue européen,
une étape décisive a été franchie en 1999 quant à la constitution d'une
industrie européenne de défense. Même si ces transformations
fondamentales font apparaître des difficultés de nature nouvelle pour que
les objectifs économiques soient atteints, elles n'en doivent pas moins être
considérées comme l'acte de naissance d'un territoire européen unifié de
l'industrie d'armement, préludant - cela sera nécessaire - à un espace
européen unifié de défense, stratégiquement autonome.
400 Correspondance économique, 20 décembre 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 148
ANNEXES : L'ARMEMENT TERRESTRE
L’INDUSTRIE DES MUNITIONS : VERS LA MONDIALISATION ?
Par Yves Bélanger
Professeur et directeur du Groupe de recherche sur la reconversion
industrielle
Université du Québec à Montréal
De toutes les industries à vocation militaire, les experts en
conviendraient sans hésitation, la fabrication de munitions est sans doute la
plus méconnue. Cette situation est redevable à l’espace somme toute
modeste qu’elle occupe et à l’impression, partagée par plusieurs, que les
technologies qui y sont exploitées sont peu avant-gardistes. Pourtant,
comme nous allons maintenant le voir, le cheminement de cette industrie
est un puissant révélateur des transformations fondamentales qui ont
marqué la trajectoire de l’industrie de défense depuis la fin de la guerre
froide.
Au fil des treize dernières années, le Groupe de recherche sur la
reconversion industrielle (GRRI) a produit cinq études du genre (1987,
1989, 1993, 1997,1999).401 Étant donné que l’information peut parfois être
difficile à colliger dans ce domaine d’activité peu connu, les travaux se
sont essentiellement appuyés sur le recours aux banques de données
401 Le présent texte est tiré d'une étude plus vaste consacrée au suivi du marché mondial des munitions pour le compte de différents intervenants du marché canadien.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 149
spécialisées et à des programmes d’entrevues dont l’importance a varié
dans le temps. L’enquête de 1999 a mené à la rédaction de vingt-cinq
profils d’entreprises.
LE CONTEXTE
Depuis 1987, l’industrie mondiale des munitions a vu sa production
diminuer de plus de 60 %. Aux Etats-Unis, la chute s’est établie à 78 %402.
Dans plusieurs pays, le niveau actuel des ventes est inférieur à celui de
1980 et le processus de décroissance se poursuit. En questionnant la
pertinence de maintenir des niveaux de préparation élevés et en favorisant
la professionnalisation des armées, la fin de la guerre froide a provoqué
plusieurs changements structurels dans cette industrie qui s’était
confortablement installée sous le bouclier protectionniste des États-nations.
Des changements technologiques majeurs, comme l’avènement des
projectiles guidés, ont accéléré le processus de transformation.
Un vaste processus de rationalisation s’est amorcé au début des années
quatre-vingt-dix et il se poursuit encore aujourd’hui403. Bien qu’on ne
connaisse pas avec exactitude le décompte final, plusieurs dizaines de
milliers d’emplois ont été éliminés et une quinzaine d’entreprises (sur 130
recensées) ont disparu.
La stratégie développée par les gouvernements et les entreprises
pour faire face à la situation n’a pas été uniforme, mais on peut tout de
même identifier trois tendances lourdes au sein de la communauté
internationale : l’émergence de champions nationaux, la privatisation des
usines et la décroissance sur la capacité de production.402 Tiré de Forecast International, Ordnance and Munitions Forecast, Newton (Connecticut), 1999.403 Pour une description du phénomène aux États-Unis, Voir Yves Bélanger et al., « Le gouvernement américain face aux mutations de la production de défense; le cas de l’industrie des munitions », in Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries d’armement américaines : modèle ou menace?, Cahier d’Études Stratégiques no 23, Paris, 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 150
La mise en place de champions nationaux
Le mouvement de rationalisation s’est traduit, dans de nombreux
pays, par une réorganisation orientée vers l’objectif de faire émerger des
« champions » nationaux. Avant les années quatre-vingt, peu de pays, du
moins en Occident, ne disposaient que d’un seul fabricant national. La
France avec la création du GIAT, et le Canada, avec celle de SNCTEC, ont
lancé le mouvement de regroupement. L’Angleterre, la Suisse, la Suède et
les pays scandinaves ont emboîté le pas.
Parmi les pays de l’OTAN, deux seulement sont encore le siège
d’une véritable compétition intérieure. Il s’agit de l’Allemagne et des États-
Unis. Dans chacun de ces deux pays cohabitent deux grands assembleurs.
En Allemagne, Rheinmetall et Diehl demeurent des entités distinctes, mais
les deux firmes collaborent sur plusieurs programmes. Ces deux entreprises
font face à une situation qui se distingue de celle qu’on peut observer
ailleurs, dans la mesure où il s’agit, dans les deux cas, de complexes
industriels qui ne sont pas spécialisés en défense. Les rumeurs de fusion
refont néanmoins régulièrement surface, mais Diehl, une entreprise
familiale, continue de revendiquer son indépendance.
Aux États-Unis, une tentative de fusion entre Olin et Alliant, refusée
en 1992, a empêché, en principe, la naissance d’un champion national. Le
gouvernement américain, dont le marché intérieur est le plus vaste de la
planète (un tiers du marché mondial), a refusé de se rendre dépendant
d’une seule source d’approvisionnement. L’industrie américaine s’est
néanmoins rationalisée de façon importante puisqu’en dix ans le nombre
des entreprises majeures est passé de 11 à 2404.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que le système américain 404 Idem.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 151
accorde déjà plusieurs marchés en source unique et que sa politique de
double source, là où elle s’applique, mène à un partage des contrats. Le
gagnant reçoit 60 % des commandes et le perdant 40 %. L’enjeu de la
concurrence est donc limité. En matière de production de composants et
d’assemblage des rondes, il faut par ailleurs rappeler que les deux
organisations s’appuient sur les mêmes GOCOs. Les deux grands
fabricants américains sont enfin associés dans différents domaines, dont
celui des charges modulaires. Il convient de s’interroger sur le caractère
véritable de la concurrence entre Alliant et Primex, des organisations qui
donnent de plus en plus souvent l’impression que leurs deux têtes sont,
dans les faits, rattachées à un seul et même corps. Depuis qu’Alliant est
parvenue à s’imposer dans les programmes « technologiques »405, Primex se
comporte de plus en plus comme un fabricant de second niveau, voire en
sous-traitant406.
Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation où le contrôle de
l’industrie s’est resserré autour d’une poignée de fabricants disposant de
solides assises nationales. En permettant cela, les gouvernements ont
changé de façon irréversible le cadre de la concurrence non seulement sur
leurs marchés nationaux, mais également sur le marché international.
La privatisationIl y a seulement vingt ans, la question ne se posait même pas.
L’industrie des munitions était sous le contrôle direct des gouvernements.
Même aux États-Unis, qui est pourtant le paradis de l’entreprise privée,
l’essentiel du travail de R-D et d’assemblage était mené sous propriété
gouvernementale via les Government Own Government Operated
405 Marudian, Vago, « Alliant’s Focus on Core Business » Defense Daily, septembre 1998.406 Voir Defense Science Board, Report of the Task Force on Vertical Integration and Suppliers, Office of Secretary Defense, 1997.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 152
(GOGOs) et les Government Own Company Operated (GOCOs). Dans
certains segments de marché, comme celui des armements nucléaires ou
des munitions d’artillerie, la présence du secteur privé était symbolique.
Bien qu’on puisse identifier des petites usines de munitions privées
créées antérieurement, ce sont l’Angleterre et le Canada qui, pendant les
années quatre-vingt, ont remis en question le dogme du contrôle de l’État
en privatisant leurs grands munitionnaires. Même s’il reste encore
beaucoup d’organisations industrielles sous possession gouvernementale, le
modèle d’une industrie gérée et contrôlée par le secteur privé se généralise.
Au cours de la dernière décennie, le secteur privé a notamment
progressé en Finlande, au Brésil, en Suisse, en Italie, en Australie, en
Russie et en Roumanie. Des privatisations sont en cours à d’autres endroits
incluant l’Espagne, la Turquie et l’Afrique du Sud. Parmi les grands
fabricants internationaux, il ne reste plus guère que le GIAT en France et
les usines chinoises qui soient encore sous administration gouvernementale
et il est plausible que, dès que sa situation financière se sera améliorée, le
GIAT sera placé par le gouvernement français sur la liste des entreprises à
privatiser.
Le passage de l’industrie dans le giron du secteur privé contribue à
la création d’un environnement favorable à une libéralisation plus poussée
des marchés. Le cas canadien illustre bien le phénomène. À l’époque où
l’industrie était sous gouverne étatique, la logique politique faisait souvent
obstacle aux transactions internationales. Le grand fabricant de l’époque,
les Arsenaux canadiens (entreprise devenue SNCTEC), réalisait plus de 95
% de son chiffre d’affaires sur le marché intérieur. Après la privatisation, le
gouvernement s’est donné un code de contrôle des licences d’exportations
en principe plus rigoureux et plus restrictif. Mais ce code n’est appliqué
que de façon partielle et suivant une logique que même les fonctionnaires
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 153
ont de la difficulté à comprendre. En conséquence, la société SNCTEC
exporte aujourd’hui quatre fois plus de munitions qu’en 1992.
L’avènement de l'entreprise privée dans la fabrication de munitions
contribue incontestablement à l’émergence de conditions favorables à la
mondialisation de l’industrie.
La diminution de la capacité productive
La première vague de rationalisation à laquelle nous avons assisté
entre 1989 et 1993 a surtout visé des économies dans les frais de gestion et
a peu affecté la capacité productive des usines. La baisse des commandes a
fait en sorte que l’industrie s’est vite trouvée en situation de surcapacité de
production. Depuis cinq ans, les gestionnaires tentent d’adapter leurs
installations à la nouvelle configuration du marché. Les fermetures
d’usines et de lignes de production se multiplient un peu partout en Europe
et aux États-Unis, améliorant d’autant la rentabilité des unités restantes,
mais forçant également des choix sur le plan national407.
On croit généralement que seuls les petits pays ne sont plus en
mesure d’assurer une pleine correspondance entre leurs besoins en
munitions et la capacité de production de leur industrie. Rien n’est moins
faux. Il y a deux ans, le service responsable de l’armée de terre des États-
Unis accordait à une entreprise étrangère un important contrat pour
l’assemblage de mortiers dont la technologie date d’une quinzaine d’année
et que maîtrisaient parfaitement les entreprises américaines à l’époque. Cet
événement a permis de prendre conscience de conséquences involontaires
d’une rationalisation où les entreprises ont donné priorité aux produits à
fort volume ou offrant des perspectives technologiques prometteuses.
407 Dowdy, J. « Winners and Losers in the Arms Industry Downturn », Foreign Policy, 1997.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 154
La croissance du marché d’exportation de munitions n’est pas un
phénomène unidimensionnel, mais on ne peut qu’être frappé par le
parcours suivi au fil des cinq dernières années. Présentement, les ventes
internationales se chiffrent à près de 3 milliards de dollars (US), ce qui
correspond en gros à la moitié de la valeur totale de la production. Si la
tendance se maintient, cette proportion va s’accroître dans les années à
venir.
Comme en témoigne le cas que nous venons de mentionner, il existe
un lien entre la progression du marché international et les démarches de
rationalisation menées au niveau national. Dans les pays où la priorité a été
donnée aux produits plus technologiques408, diverses productions moins en
pointe ont été délaissées et il faut s’alimenter chez les producteurs qui ont
préservé ce savoir-faire. Dans les pays où l’effort militaire est limité et où
les budgets en R-D sont modestes, la capacité de prendre pied dans des
productions plus avancées sur le plan technologique est réduite, ce qui
force à un repli sur l’importation. L’effet combiné de ces phénomènes crée
un environnement favorable à l’ouverture des marchés.
Évolution des exportations de munitions au niveau mondial,
1987-1999, (en dollars constants de 1997)409
408 Brooks H. et Guile, B.R., Technology and Global Industry, National Academy Press, 1997.409 A partir de Jane's, Forecast International et Military Balance. E = estimé.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 155
VERS LA MONDIALISATION ?
Il y a des parallèles à établir entre ce que vit actuellement le secteur
des munitions et les phénomènes qu’on associe généralement à la
mondialisation. Pour des raisons de politique et de sécurité, il est cependant
improbable que le domaine des munitions, comme celui de l’armement en
général, évolue vers une mondialisation aussi poussée que dans le secteur
commercial. Toutefois, dans la zone économique formée par les pays
occidentaux, nous assistons depuis quelques années à des mouvements qui
permettent d’entrevoir un niveau d’intégration des marchés et des
productions encore inédit. Mais d’importants obstacles demeurent,
notamment sur le front de la coopération transatlantique410.
Pour l’instant, certains pays européens semblent privilégier une
410 Lire Markusen Ann, « The Rise of World Weapon », Foreign Policy, printemps 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 156
intégration de leurs propres forces dans la perspective, notamment, de
donner corps à des organisations industrielles aptes à concurrencer les
Américains sur la scène internationale. Des pôles de plus en plus influents
émergent. Parmi ceux-ci, il convient de souligner l’ascendant de la firme
allemande Rheinmetall dont le rayonnement s’est sensiblement accru
depuis l’achat de la société Oerlikon et la prise en charge de l’industrie
suisse. Il faut aussi compter avec Nammo, une nouvelle entreprise à
laquelle participent les Norvégiens, les Suédois et les Finlandais. Au
moment où ces lignes sont écrites, la France, l’Allemagne et le Royaume-
Uni cherchent une voie susceptible de mener à la constitution d’un grand
munitionnaire de classe mondiale.
En effet, différents projets impliquant des alliances dans les
munitions et la fabrication de propulsifs entre la France et l’Allemagne,
entre le Royaume-Uni et l’Allemagne ainsi qu’entre le Royaume-Uni et la
France ont été discutés sur la place publique au cours des deux dernières
années. Ces projets se heurtent à des problèmes d’ordre plus politique
qu’industriel, et il est probable qu’on attendra de voir qui aura en main les
contrats les plus porteurs sur le plan technologique avant de conclure des
ententes définitives.
Dans l’éventualité que nous assistions à une intégration de
l’industrie européenne, la question est de savoir ce que deviendraient les
fabriques de munitions moins stratégiques. À notre avis, la plupart des
entreprises de niche pourraient être peu affectées dans la mesure où leur
marché est très spécialisé et repose dans de nombreux cas sur les achats des
pays africains, moyen-orientaux et latino-américains. En ce qui concerne
les entreprises qui continuent de remplir un rôle de fournisseur général au
niveau de leur marché national, les cas de figure vont varier. Là où le
processus de construction d’une industrie nationale se poursuit (Grèce,
Turquie, etc.), l’impact sera limité. En revanche, dans les pays où l’autarcie
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 157
nationale n’est plus une priorité, il faut s’attendre à des changements
fondamentaux qui pourraient aller jusqu’à l’intégration à des groupes
internationaux411.
Dans un contexte de cheminement vers la mondialisation, plusieurs
pays pourraient juger moins pertinent de maintenir une industrie nationale
condamnée par la faiblesse de ses budgets en R-D ou l’étroitesse de son
marché. Cette analyse s’applique certainement au Canada qui, mis à part le
court intermède du gouvernement Mulroney, a peu investi dans son
industrie de défense nationale au cours des quatre dernières décennies.
Quels sont les acteurs les plus susceptibles de tirer avantage de la situation ?
Présentement, trois catégories d’entreprises peuvent être identifiées
au sein de l’industrie de défense mondiale.
Le premier groupe est formé des acteurs détenant des atouts
technologiques ou commerciaux manifestes. Ils constituent actuellement
les principaux candidats à l’internationalisation. Les firmes en cause ont
pour caractéristique commune d’être toutes engagées dans le
développement de la nouvelle génération de munitions intelligentes. Elles
disposent par ailleurs de solides entrées dans les marchés d’Asie, du
Moyen-Orient et d’Amérique latine.
Groupe 1
Les candidats à l’internationalisation : estimation des ventes de
munitions en 1999, (en millions de dollars (US))412
411 National Research Council, Visionary Manufacturing Challenges for 2020, National Academy Press, 1998.412 Source : entrevues et rapports annuels.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 158
Le deuxième groupe est formé de firmes dont le profil demeure
national. Moins outillées au plan de la R-D, elles alimentent les armées
pour des produits requis par des systèmes d’armes en exploitation sur leur
territoire. Elles sont toutes actives au plan des exportations, mais doivent,
pour y performer, s’y démarquer par le caractère compétitif de leurs prix.
Le défi de ces entreprises est de puiser dans l’environnement international
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 159
des revenus aptes à assurer leur viabilité en légitimant leur existence auprès
de leurs autorités nationales.
Groupe 2
Quelques acteurs nationaux : estimation des ventes de munitions en
1999, (413en millions de dollars (US))
413 Source : entrevues et rapports annuels.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 160
Le troisième groupe, où sont rassemblées les entreprises de niche,
forme une constellation assez hétéroclite de compagnies. Celles-ci ont pour
point commun de ne pas être liées à des obligations contractuelles de
fournisseur général et d’avoir su développer des expertises parfois uniques
dans des produits de spécialité.
Groupe 3
Quelques fabricants de niche : estimation des ventes de munitions en
1999, (en millions de dollars (US))414
414 Source : entrevues et rapports annuels.
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Source : Entrevues et rapports annuels
Cahier d'études stratégiques N°27
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Les principaux produits des fabricants de niche415
ENTREPRISE PRINCIPAUX PRODUITS
DIEHL (Allemagne) Moyen calibre
Mortiers et projectiles d’artillerie
technologiquement avancés
Dynamit Nobel (Allemagne) Petit calibre
Explosifs
Composants de roquettes
Munitions d’entraînement
Mecar (Belgique) Munitions pour chars
Mortiers
Aerojet (USA) SADARM
Composants électroniques
General Dynamics Div.
Ordnance (USA)
En réorganisation vers le soutien technique
American Ordnance Gestion de GOCOs
Lockheed-Martin (USA) Mortiers de 120 mm
Charges explosives
Leurres
OTOBreda (div. Finnmeccanica) 76 mm
TDA (France) Mortiers
Systèmes de propulsion
415 Source : entrevues et rapports annuels.
Cahier d'études stratégiques N°27
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AAI (USA) 20 mm et 40 mm
Pièces de gros calibre
Hunting Defence (Royaume-
Uni)
Mortiers
Têtes de missiles
Armement nucléaire
FUSH (Afrique du Sud) Fusées
Day & Zimmerman (USA) Gestion
Démilitarisation
DSE-Balimoy (USA) Fusées
SACO (Finlande) 40 mm
Miltec (USA) Fusées
CIC (USA) Remise à neuf
Pièces en métal
Valentec (USA) Projectiles de moyen calibre
Douilles de mortiers
Propellex (USA) Rondes de pratique
Présentement, en ce qui a trait à la réorganisation de l’industrie
mondiale, la balle est dans le camp du premier groupe. C’est lui qui dicte le
rythme et les modalités de la réorganisation de l’industrie. C’est donc sur
lui que nous allons bientôt nous concentrer. Mais avant d’en brosser le
portrait, analysons le cheminement qui a été celui des munitionnaires dans
le dossier de la diversification, un sujet qui a été d’actualité tout au long de
la dernière décennie et qui n’est pas sans lien avec le positionnement des
entreprises sur la scène internationale.
La diversification
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 164
L’analyse des stratégies adoptées par les entreprises de munitions en
vue de faire face à la décroissance du marché mène à des observations
desquelles se dégage un modèle qui a évolué dans le temps. Lorsque se
sont manifestées les premières pertes de marché, au début des années
quatre-vingt-dix, la très grande majorité des firmes a adopté une attitude
plutôt attentiste. Comme une proportion encore importante des contrats
implique des attributions "sole source 416", des ententes "cost-plus417" et des
"cost by fee 418", qui visent à maintenir des niveaux de capacité de
production préétablis, l’industrie avait en main différents instruments pour
s’assurer que la décroissance des commandes allait se traduire par une
hausse des prix à l’unité et ne pas trop mettre en péril la viabilité des
organisations.
Suite à l’élection de Bill Clinton à la présidence américaine, il est
devenu clair que le mouvement de rationalisation allait s’accentuer. S’est
alors amorcée une nouvelle période logée à l’enseigne de la réduction des
effectifs. Les gouvernements ont, à différents endroits, accepté de financer
directement des programmes de réduction de l’emploi (mises à la retraite
anticipée, départs volontaires, etc.) pour que la rationalisation se traduise
bien par une productivité accrue.
La préoccupation des employeurs face à l’emploi et l’intérêt face à
la diversification ont gagné un peu de popularité lorsqu’il est devenu
évident que pratiquement toutes les entreprises étaient condamnées à
devenir des PME dans un marché appelé à diviser par cinq le volume de
ses commandes. L’inquiétude a gagné un cran lorsqu’on a pris conscience
416 En Source unique.417 Un système de paiement des coûts réels auquel est ajouté une marge bénéficiaire négociée.418 Un système qui permet aux entreprises de recevoir des fonds destinés au maintien de capacités de production qui pourraient être requises en situation de conflit.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 165
de l’affaiblissement de métiers stratégiques provoqué par le départ de
certains employés. Elle s’est accentuée quand il est devenu évident qu’il
serait difficile, dans un contexte de ressources réduites, de mettre en œuvre
des stratégies gagnantes au plan des exportations.
C’est dans ce contexte, vers 1995-1996, que l’intérêt pour la
diversification, qui était jusqu’alors demeurée une revendication syndicale,
est apparu parmi les avenues susceptibles d’aider à la survie et d’amener de
l’eau au moulin du financement des travaux en R-D. Progressivement, les
aides publiques consenties aux technologies à double application, au
soutien à l’emploi et au développement de marchés commerciaux ont pris
le pas sur les aides gouvernementales plus traditionnelles.
On peut identifier trois modèles de diversification exploités par les
usines de munitions au cours des dernières années.
Le modèle allemand est le plus populaire. Le but de l’opération est
d’intégrer les activités de défense dans des conglomérats dont la vocation
est principalement commerciale. Cette conception de la diversification ne
change rien à la mission des usines proprement dites, elle place l’emphase
sur les entreprises dans l’optique de leur accorder un appui financier
approprié. Ce modèle n’a pas été exploité uniquement en Allemagne, il a
également été mis à l’essai dans d’autres pays européens et même dans
certaines organisations américaines.
Le modèle allemand a pour avantage principal de permettre la
constitution de groupes qui, étant engagés dans une foule d’activités qui
n'ont rien à voir avec le domaine militaire (comme le secteur pétrolier,
celui de l’automobile, la vente de téléviseurs, etc.), risquent moins de
souffrir des fluctuations et de l’incertitude provoquées par le marché de
défense. L’objectif est essentiellement financier. L’analyse des dossiers
d’entreprises montre qu’il n’y a pas d’objectif clair en termes de répartition
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 166
des activités. Dans la majorité des conglomérats, la proportion des ventes
associées à la défense ne dépasse pas 30 % à 40 %, parfois elle est encore
plus marginale (5-6 %).
Le modèle américain est le second en importance. Il repose
également sur une diversification de portefeuille (placements, filiales, etc.)
mais se distingue du modèle allemand dans la mesure où il garde pour cible
première de desservir le marché militaire. La plupart des groupes associés à
ce modèle se définissent d’ailleurs d’abord comme des entreprises de
défense et certaines, comme Alliant, minimisent à dessein le rôle de leurs
activités commerciales.
Les compagnies qui ont choisi cette voie cherchent à préserver une
masse critique suffisante en défense pour continuer d’y être considérées
comme des firmes majeures. Leur diversification est, dans la majorité des
cas, en lien avec l’expertise militaire (aérospatiale, systèmes de propulsion,
munitions commerciales, composants électroniques dérivés du savoir-faire
militaire, etc.) mais ne s'effectue pas forcément dans les usines dédiées à la
production de défense. Ici également, la voie adoptée privilégie la création
de filiales commerciales. Plusieurs entreprises que nous avons étudiées ont
cherché à se diversifier à l’intérieur même du marché de défense. Nos
enquêtes indiquent que l’objectif visé par les firmes qui choisissent le
modèle américain est en général de ramener à 50 % la proportion des
ventes militaires de l’entreprise.
Nous avons identifié le troisième modèle au Québec parce que c’est
encore au Québec qu’on s’est montré le plus ouvert au principe de la
diversification des usines proprement dites. Cette approche a obtenu
différents succès dans l’aéronautique et le transport roulant (Bombardier,
Héroux), dans la construction navale (Alstom, Davie), dans les propulsifs
(Expro) et également dans l’assemblage de munitions (SNCTEC). Mais
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 167
l’approche est loin d’être exclusive aux firmes québécoises. Plusieurs
firmes françaises, suisses, suédoises et américaines ont procédé à des choix
de même nature.
Les modèles en diversification et leur application dans le domaine des
munitions419
Modèle
américain
Modèle allemand Modèle
québécois
Action X
ADI (Thomson CSF) X
Aerojet X
Alliant X
Allied Research
Corp.
X
Bofors X
Bulova X X
Celsius X
Chamberlain X
CIC X
Denel X
Diehl X
DSE-Balimoy X
Duchossois (SACO) X
Dynamit Nobel X
EXPAL X
419 Source : entrevues (1987-1999.).
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 168
Fabrique fédérale
suisse
X
Finmeccanica X
FUSH X
GD X X
Gencorp X
GIAT X X
Groupe Lapua X
INDEP X
Manson & Hanger
(DZ)
X X
MKEK X
NAMMO (Lapua) X
NICO Pyro X
Olin X
Pacific Scientific
Energetic
X
Patria X
Primex X X
Raufoss X
RH X
Royal Ordnance X
Safety Components X
SM
SNCTEC X
SNPE X X
Talley X
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 169
TDA (Thomson-CSF
et Dasa)
X
Thomson X
L’analyse des efforts de diversification recensés dans le domaine des
munitions indique que la formule de la diversification d’usine est plus
attrayante dans les établissements engagés dans les assemblages de
composants mécaniques ou électroniques (fusées, etc.), dans les ateliers de
fabrication de pièces métalliques et dans les poudrières. Elle n’est
cependant pas impraticable dans les usines d’assemblage de munitions
comme en témoignent par exemple les plans de diversification développés
dans plusieurs GOCOs américains, à la Fabrique fédérale suisse et chez
SNCTEC. Jusqu’à maintenant, le nombre des entreprises qui se sont
engagées dans cette voie demeure limité et les projets de diversification
mis en oeuvre sont souvent peu nombreux.
La diversification sous toutes ses formes a eu de nombreux impacts
sur les fabricants de munitions. Une étude de l'Américain Michael Oden
sur différentes dimensions de l’impact des compressions budgétaires note
une première conséquence : les variations dans l’emploi ont été nettement
plus prononcées (-30 %) dans les groupes qui ont repoussé la
diversification que dans ceux qui s’y sont engagés (-13 %)420. Plusieurs
dossiers font état d’un impact positif sur l’emploi. Chez Expro, une
poudrière en activité au Québec, le niveau de dépendance face au marché
militaire qui atteignait 80 % il y a dix ans s’établit à 55 % actuellement.
Au fil des années quatre-vingt-dix, le nombre d’employés est passé de 700
420Oden, Michael, « Defense Mega-Mergers and Alternative Strategies », in Gerald I. Susman et Sean O’Keefe, The Defense Industry in the Post-Cold War Era, New York, Pergamon, 1998.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 170
en début de cycle à 250 pendant la période la plus difficile (1995-1998). La
récolte des fruits de la diversification a permis d’améliorer la situation.
Aujourd’hui 550 personnes sont au travail. Chez SNCTEC, un assembleur
de munitions, le succès d’une balle de pratique pour corps policiers
employée notamment par la gendarmerie française fait en sorte que 11 %
des 700 emplois de l’entreprise sont directement reliés aux activités de
diversification. Les projections actuelles permettent d’anticiper une
progression spectaculaire de cette proportion dans les années à venir.
La diversification a également familiarisé plusieurs organisations
avec les pratiques en vigueur dans le domaine commercial. Chez
Chamberlain, un fabricant de pièces métalliques de précision, après trois
années consacrées à l’étude de projet et à la réforme de l’organisation, la
diversification est devenue le maître mot du plan stratégique de
l’entreprise. On y produit présentement des systèmes de sécurité et des
composants métalliques de précision utilisés dans les équipements de
forage. Alors qu’elle n’en possédait pratiquement pas, l’entreprise a dû se
doter d’un important service du marketing.
Plusieurs groupes ont renoncé à leur structure hiérarchique trop
lourde calquée sur l’institution militaire. Ils ont dégraissé leur
administration et adopté une nouvelle philosophie de gestion par résultats
qui a permis aux filiales une plus grande liberté d’action. Notre plus
récente enquête (1999) auprès des fabricants de munitions a notamment
mis en lumière la philosophie de gestion de Rheinmetall. Comme les
sociétés de portefeuille, les divisions du groupe rendent des comptes à la
direction sur la base d’indicateurs de performance. Le même genre
d’approche est exploité par la firme israélienne IMI.
Les munitionnaires figuraient certainement parmi les fabricants
militaires les plus choyés par les gouvernements. Il est matériellement
impossible de dresser la liste exhaustive des aides publiques auxquelles les
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 171
entreprises ont eu droit, mais on sait que ce soutien touchait toutes les
dimensions de leur quotidien. L’État finançait intégralement la R-D,
allouait des subventions à l’entretien des bâtiments, déboursait pour
préserver une capacité de gestion apte à répondre aux normes militaires,
acceptait de payer les munitions de son fabricant à un prix plus élevé, etc.
Ces pratiques s’estompent. Dans le cadre de sa privatisation, la société sud-
africaine Denel a dû recentrer ses pratiques sur les normes imposées par le
marché international et l’entreprise est maintenant perçue comme un féroce
compétiteur par les fabricants occidentaux. Il serait exagéré d’affirmer que
le phénomène de la dérive des coûts, si souvent dénoncé par les détracteurs
de l’industrie de défense,421 n’existe plus, mais il faut reconnaître que le
cadre à l’intérieur duquel évolue l’industrie aujourd’hui est radicalement
différent.
Enfin, les entreprises ont, en général, bien assimilé les erreurs du
passé et celles qui pensent diversification ou reconversion le font en visant
des produits proches de leur savoir-faire de base au lieu de se lancer dans
des domaines où elles n'ont aucune compétence.
Il reste que la mise en œuvre d’un projet de diversification n’est pas
pour autant chose facile. Elle interpelle toutes les dimensions d’une
organisation incluant plusieurs éléments consignés dans les conventions
collectives. Mais ce n’est pas là que se situe l’obstacle. Les principales
épreuves demeurent rattachées à la culture de l’entreprise, à sa capacité de
reconnaître ses limites, de faire appel à l’aide requise pour les surmonter et
à la volonté des personnes impliquées dans le processus, notamment les
gestionnaires. L’incapacité de se diversifier découle de l’absence de
volonté de durer dans le temps. Il a fallu accorder un délai de presque dix
ans avant que Rheinmetall obtienne du succès dans l’industrie automobile. 421 Voir à ce propos les écrits de Seymour Melman.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 172
La SNPE a mis autant de temps à percer la chimie fine. Il ne fait aucun
doute que la difficulté des gestionnaires à concevoir des actions de long
terme et à faire preuve de la patience requise fait partie du problème de
plusieurs entreprises, parmi lesquelles figurent le GIAT422, Royal Ordnance
et Primex.
CONCLUSION
La description des changements survenus au cours des années
quatre-vingt-dix dans ce bassin industriel hors du commun que constitue le
secteur des munitions permet de constater à quel point la fin de la guerre
froide a débouché sur une profonde remise en question des logiques qui
régissaient l’industrie de défense depuis des décennies. Le modèle
traditionnel du fournisseur national sous propriété gouvernementale est en
voie de disparition. Le système du métier fondé sur la spécialisation sans
partage ne peut plus prétendre à l’universalité. L’univers des munitions
s’ouvre à de nouvelles technologies et au commerce. Il est en pleine
mutation.
En début de texte, nous nous interrogions sur la possible
mondialisation de cette industrie qui incarnait, il n’y a pas si longtemps
encore, la capacité et l’autonomie des armées nationales. Il faut reconnaître
que les phénomènes que nous venons de décrire poussent les
gouvernements vers une logique d’ouverture et d’interdépendance. Il n’est
pas acquis que l’industrie va nécessairement se mondialiser, mais il est
maintenant certain qu’aucun pays, incluant les États-Unis, ne pourra
422 Ce que souligne la députée Martine Lignère-Cassou dans un rapport intitulé Réussir la diversification des industries de défense : un enjeu économique et territorial, Assemblée nationale, Les Documents d’informations, no 911, 1998.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 173
reconduire les comportements autarciques du passé. Les logiques
nationales s’articulent de plus en plus autour de principes qui encouragent
l’industrie à conclure des ententes internationales et à prendre pied sur les
marchés d’exportation. La roue de la globalisation s’est mise en
mouvement et elle évoluera au rythme que lui dictera l’agenda politique.
En soi, la dynamique industrielle n’est plus un obstacle.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 174
LES PRINCIPAUX ACTEURS DE L’INDUSTRIE DES
MUNITIONS, DYNAMIQUE ET STRATÉGIES
Par Yves Bélanger
Professeur et directeur du Groupe de recherche sur la reconversion
industrielle
Université du Québec à Montréal
ALLIANT
Alliant est née en 1990 lorsque Honeywell est arrivée à la
conclusion que l’argent facile n’allait plus être accessible dans un marché
de défense confronté à la décroissance. En l’absence d’acheteurs, la vente
de l’entreprise a été conclue avec les cadres et Alliant s’est adressée au
marché boursier pour financer ses opérations. Le nombre de ses employés
est passé de 7 200 en 1990 à 5 400 aujourd’hui. En 1990, elle totalisait des
ventes de 1,3 milliard de dollars (US) contre 1,1 milliard de dollars en
1999.
Alliant est aujourd’hui le leader mondial du secteur des munitions.
L’entreprise est en position de force dans les programmes de munitions 120
mm pour chars et de munitions pour canons (surtout 20 mm et 30 mm). En
moins de deux ans, le groupe a reconstitué son carnet de commandes qui
totalise aujourd’hui 2,5 milliards de dollars (US), soit l’équivalent de vingt-
sixmois de travail. L'intérêt de ce carnet ne tient pas uniquement dans les
volumes, il est également lié au type de produits que les filiales du groupe
seront amenées à fabriquer. Les forces d’Alliant en R-D lui ont permis de
se placer en position très avantageuse dans les technologies du XXIe siècle.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 175
Le groupe occupe une position enviable dans le domaine des munitions
intelligentes.
Pour conquérir ses positions actuelles, Alliant a misé sur les six
axes suivants :
1. Demeurer fidèle au marché de la défense. Les deux divisions militaires
d’Alliant sont à l’origine de 64 % des ventes et une part modeste de
leurs activités est destinée à des applications civiles (moins de 10 %
constitué surtout des propulsifs commerciaux de New River
Energetics). Sa division spatiale (36 % des ventes) alimente un marché
à double application (civile et militaire) en lui fournissant
principalement des propulsifs de fusées et des pièces en composites.
Présentement, 70 % des ventes sont réalisées auprès de gouvernements
et le 30 % restant dépend essentiellement de deux clients, soit Boeing et
Raytheon. Face au ministère de la Défense, Alliant cherche à élargir son
portefeuille de programmes.
2. Acheter des compétiteurs. Au fil des dernières années, Alliant a fait
l’acquisition de Kilgore (moyen calibre), des divisions Défense de
Hercules (propulsifs) et de Accudyne (fusées), de la division Fusées de
Motorola et de Martin Electronics. Ces transactions ont mené à une
capacité intégrée qui n’a pas d’équivalent aux États-Unis.
3. Procéder à une rationalisation interne. Si on prend en compte l'ensemble
des emplois que comptaient Alliant et les entreprises acquises, on
constate que les abolitions de postes ont totalisé environ 60 % des
emplois au cours des douze dernières années. Alliant a fermé quelques
usines dont celles de Kenvill (propulsifs) et Ferrulmatic (pièces en
métal) pour reconcentrer sa production dans les unités les plus
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 176
productives.
4. Développer des partenariats. Après avoir tenté sa chance comme
intégrateur, Alliant est arrivée à la conclusion qu’elle ne faisait pas le
poids devant les grands de la défense aux États-Unis (Lockeed-Martin,
Boeing, Raytheon et Northrop). Alliant mise maintenant sur les
partenariats. Le groupe s’est impliqué dans plusieurs programmes en
collaboration avec des firmes américaines (principalement Boeing,
Raytheon et Textron) et également avec des fabricants étrangers
incluant Matra-BAe, Rheinmetall, Dynamit Nobel, Mauser, etc.).
5. Arracher les grosses parts de marché dans les produits à gros volume.
Au cours de la dernière année, Alliant a porté un dur coup au cœur de
Primex, son principal compétiteur, en gagnant deux importants contrats
de munitions de 120 mm pour chars. L’un d’eux, très stratégique, donne
à Alliant le leadership du programme de la ronde M829E3 (127
millions de dollars) qui doit remplacer la M829A2, la vache à lait de
l’industrie. La E3 est avant-gardiste et place Alliant en bonne position
dans les dards en uranium. Avec sa technologie télescopique (25 mm
jusqu’à bientôt 35 mm), le groupe s'est placé en très bonne position
dans les munitions pour canon du futur devant alimenter la nouvelle
génération d’hélicoptères et de chasseurs.
6. Prendre le leadership dans les munitions intelligentes et les armes du
futur. Au moins six programmes de fusées et trois de munitions majeurs
sont consacrés à la mise au point de la future génération de rondes
intelligentes de moyen et gros calibre. Parmi les principaux
programmes, il faut mentionner le SADARM, le STAFF et le TERM
qui sont tous trois consacrés au développement de munitions ou sous-
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 177
munitions autoguidées. La division Armement a également obtenu le
programme Objective Individual Combat Weapon (OICW) qui met au
point l’arme du fantassin du futur avec un équipement modulaire 5.56
mm et 20 mm. Alliant est également impliquée dans le projet
Boeing/Mauser/Rheinmetall de canon 35/50 (munitions télescopiques
de 35 mm et « supershot » de 50 mm).
Même si Alliant est le principal fabricant du monde, le groupe demeure
essentiellement ancré au marché américain et ne peut pas, pour l’instant du
moins, prétendre au statut de firme transnationale. Les entrevues réalisées
avec des gestionnaires de l'entreprise montrent toutefois qu’on veut
corriger ce point faible en multipliant notamment les partenariats avec
l’Europe.
BOFORS
Bofors, une filiale du groupe Celsius, a intégré une portion de sa
production de munitions conventionnelles dans le groupe Nammo (voir
plus loin). Récemment, elle a également signé une entente avec Patria de
Finlande en vue de former une entreprise regroupée dans les propulsifs. La
nouvelle compagnie se nomme Nexplo. À la suite de ces transactions, une
importante ronde de mises à pied a été effectuée en septembre 1999.
Le cheminement de Bofors a été un peu complexe. En 1991, voulant
se donner un champion national en défense, le gouvernement suédois
forçait sa fusion avec FFV en vue de créer Sweedish Ordnance. À
l’époque, Bofors venait tout juste d'intégrer les activités de la firme Dyno.
En se constituant, ce champion en défense s'est détaché de la
multinationale Nobel. Puis Celsius a intégré Sweedish Ordnance à son
organisation, s'est rebaptisé Bofors en 1992 pour bien marquer son virage
vers le marché militaire.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 178
Bofors a toujours été un acteur européen majeur dans les munitions
d’artillerie. Sa production couvre une large gamme de produits dans le 105
mm et le 155 mm, notamment dans les systèmes dits « Full Bore Base
Bleed » qui accroissent la portée des projectiles. Le « joyau »
technologique de Bofors demeure toutefois ses munitions intelligentes 155
mm BONUS développées en partenariat avec le GIAT. Cette ronde, tout
comme la SADARM, comporte deux sous-munitions à guidage autonome.
Les premières commandes fermes ont été obtenues en 1999. Bofors a
également développé une alliance stratégique avec Rheinmetall visant la
mise au point d’une nouvelle ronde cargo dotée de petits projectiles
(bomblets) autoguidés. La nouvelle génération de munitions
« technologiques » Bofors compte également la Trajectory Correctable
Munition (TCM), la Low-Cost Course Correction Munition (LC3M) et le
mortier de 120 mm STRIX. Sur le front des munitions pour chars, la
compagnie développe actuellement une ronde guidée antiblindage.
La grande popularité de ses canons antiaériens a amené Bofors à
garder le contrôle de sa ligne de munitions de moyen calibre et à ne pas la
céder à Nammo. La gamme de ses produits 40 mm à 57 mm est exportée
partout dans le monde et bien implantée sur le marché américain. Bofors a
développé pour ces produits une fusée baptisée 3P (Pre-Fragmented
Programmable Proximity Fuze). Il s’agit de la source principale d’activité
pour les 600 employés de l’entreprise.
Depuis 1996, Bofors éprouve des difficultés. Le gouvernement
suédois s’est engagé dans un processus de rationalisation budgétaire qui
affecte sa capacité d'achat en équipements militaires et Bofors doit
encaisser une diminution sensible de sa performance sur les marchés
d’exportation. Ces problèmes ont amené l’entreprise à explorer certaines
avenues de diversification, dont les systèmes de sécurité et les amorces
pour sacs gonflables.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 179
Pour sa part, la maison mère Celsius est une organisation diversifiée
dans l’aviation commerciale, les explosifs commerciaux, l’informatique,
les matériaux, etc. Celsius vise manifestement à se transformer en un
holding aux assises très diversifiées. Quatre des treize divisions ont
actuellement une mission commerciale. Le groupe demeure cependant
dépendant de la défense à 65 %. C’est toutefois la bonne performance dans
les équipements commerciaux qui permet à Celsius d’enregistrer, depuis
cinq ans, des hausses continues de ses ventes (+40 % depuis 1994).
Les gestionnaires de Celsius reconnaissent, en entrevue, que leur
principal problème est lié à l'incertitude qui continue de planer au-dessus
du marché de la défense nationale. Ils veulent se donner, par la voie de
partenariats, une dimension internationale (un travail déjà commencé avec
Nexplo et Nammo), et améliorer leur performance sur le marché des
exportations.
DENEL
Cette entreprise sud-africaine est née en 1992 suite à la séparation
des activités de gestion gouvernementale et des activités de production
d'armement au sein de la société d’État Armscor. Denel a pris charge des
divisions de production qui sont au nombre de dix-huit. Celles-ci évoluent
dans l’aviation, les missiles, les blindés, les canons et les munitions. Le
groupe comprend en outre huit filiales centrées sur des activités
commerciales incluant les équipements informatiques et l’immobilier.
Denel est en voie de privatisation.
La société est confrontée à des enjeux majeurs. Le gouvernement a
engagé le processus de sa privatisation dans un contexte de fortes
réductions des dépenses militaires nationales. Le budget d’acquisition a été
divisé par cinq depuis 1989 et de nouvelles compressions de 20 % sont
annoncées pour les années à venir. En matière de grands programmes, le
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 180
gouvernement sud-africain renonce à son approche centrée sur la
fabrication à domicile pour lui préférer une stratégie orientée vers l’achat
de systèmes étrangers et la négociation d’accords de contrepartie (Offset).
Cela l’a notamment conduit à se rapprocher du Royaume-Uni et de British
Aerospace en s'engageant à lui acheter hélicoptères et chasseurs. En
contrepartie, Denel a obtenu le programme des charges modulaires en
Angleterre, un contrat de 200 millions de dollars (US). British Aerospace a
en outre signé une entente visant la restructuration de l’industrie
aérospatiale sud-africaine.
L’impact de la décroissance des dépenses militaires sur l’emploi en
Afrique du Sud a été dévastateur. Le nombre des emplois est passé de 140
000 à 50 000 et le quart des emplois qui restent dépend directement de
Denel.
La stratégie de Denel est de se donner des têtes de pont dans la
défense, d’accroître ses exportations et de se diversifier sur le plan
corporatif. En matière de défense, il apparaît évident que le marché des
munitions et des propulsifs est une des cibles du groupe. Au niveau des
exportations, la performance de l’entreprise s’est améliorée jusqu’en 1996
(22 %), mais semble piétiner depuis.
La filiale Sonchem (propulsifs) est particulièrement dynamique au
plan des exportations (56 % des ventes). Elle vient de signer une entente
avec Alliant pour développer aux États-Unis des additifs requis dans les
propulsifs (nitroguanadine notamment). La filiale responsable de
l’assemblage de munitions de moyen et gros calibre, Naschem, a pour sa
part conclu d’importants contrats à l’exportation au fil des deux dernières
années, notamment avec les Émirats arabes unis et l’Inde.
Denel annonçait en octobre dernier son intention de s'implanter aux
États-Unis dans les composants d’artillerie et les systèmes de détection de
mines. Il s’agit pour elle d’un retour en force après avoir été bannie en
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 181
1998 pour non respect d’un embargo. La compagnie a développé plusieurs
alliances stratégiques, dont une avec la firme roumaine Arsenalul Armatei.
Il semble que son intention soit de bâtir des partenariats susceptibles de lui
donner une plus grande capacité de concurrence sur les prix.
Les ventes en armement se situaient à 420 millions de dollars (US)
en 1997. Au sein des divisions militaires, les ventes commerciales
représentaient 7 % du chiffre d’affaires en 1993, cette proportion se situe
actuellement à 23 %. Les gestionnaires de Denel misent sur les applications
civiles du savoir-faire militaire. Le groupe veut réduire d’un 20 %
additionnel sa dépendance face au marché de la défense d’ici cinq ans. Il
pense notamment à des applications civiles de technologies militaires dans
les produits de sécurité (fusées éclairantes, etc.) et les récipients (canettes,
etc.).
GIAT INDUSTRIES
Le GIAT figure parmi les problèmes industriels de défense du
gouvernement français. En créant cette entreprise suite au regroupement de
dix usines, la France voulait se donner un champion national et un leader
européen. Sous un certain angle, l'objectif a été atteint puisque le GIAT
figure parmi les plus importants fabricants de plates-formes terrestres
(producteur du char Leclerc notamment) au monde et représente, à lui seul,
15 % de cette industrie en Europe. L'entreprise a réalisé des ventes de 1,3
milliard de dollars (US) en 1998 redevable pour 60 % à ses exportations.
Ildemeure en outre un important fournisseur général doté d'une
gamme de produits variée, notamment dans le moyen et le gros calibre.
Certains de ses programmes concernent des munitions évoluées sur le plan
technologique, comme le programme BONUS développé en collaboration
avec la société Bofors. GIAT jouit également d'une expertise certaine dans
les munitions télescopées et dans les munitions de moyen calibre pré-
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 182
programmables. Il est également associé au pôle technologique RTG-
Euromunition (avec Diehl), dont la mission est de développer des rondes
intelligentes. GIAT a d'autres partenaires dans des programmes conjoints
(dont un véhicule 8 x 8, quelques tourelles, un projet de canon de 140 mm
en collaboration avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, et un système
antichar avec Dynamit Nobel, Hunting et Honeywell).
Là s'arrête l'histoire à succès. Les baisses de marché ont amené le
GIAT à battre des records de déficits. Le budget français en missiles et
munitions s'établissait à près de 4 milliards de FF en 1992. Il a chuté à
moins de 1,5 milliard de FF en 1997 et arrive avec peine à se maintenir
depuis. Environ 40 % de ce budget est affecté aux munitions proprement
dites. Les projets d'achats en munitions ont été ajustés à la hausse en 1998
(à 800 millions de FF), mais cela demeure nettement insuffisant pour une
organisation comme GIAT. Sa dette accumulée atteint maintenant 20
milliards de FF que le gouvernement français essaie de gérer en
recapitalisant régulièrement un groupe contraint à la rationalisation. Les
employés font les frais de cette situation. Pas moins de 18 000 personnes
travaillaient pour le groupe en 1992, au terme du programme de
rationalisation annoncé en juin 1998, il en restera moins de 7 000.
Profitant de la débandade totale de l'industrie de défense belge, le
GIAT a, il y a quelques années, pris le contrôle de la poudrière PRB et de
la fabrique d'armes de main FN-Hertsal. Par l'entremise de FN, le GIAT
entrait notamment dans les canons Delcour, dans les sociétés américaines
Browning et USRAC, et acquérait des parts de Beretta. Encouragé par cette
transaction qui en faisait le premier armurier européen en importance, le
GIAT multipliait les accords de coopération dans les blindés et les
munitions (avec Rheinmetall, Royal Ordnance, Krauss Maffei, Vickers,
Hunting, Bofors, GKN et Oerlikon). L'opération donnait aussi au GIAT le
contrôle de la société québécoise Belcan. Dans la même poussée, GIAT
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 183
parvenait à conclure un accord avec Alliant pour la mise au point d'une
technologie de canons et munitions de 40 mm pour les véhicules de
transport de troupes. Tout semblait indiquer que le GIAT allait figurer
parmi les acteurs mondiaux de l'industrie.
L'expérience belge s'est terminée dans la déroute. Les ententes dans
les blindés ont presque toutes été remises en question après la perte
d'importants contrats au Moyen-Orient, et la percée américaine a pris du
plomb dans l'aile lorsque Alliant est arrivée à la conclusion que la
technologie du canon proposé par GIAT allait mener à un équipement trop
lourd. La société américaine l'abandonnera pour rallier le camp des
promoteurs de la technologie 35/50 (canon de 35 mm adapté à l'utilisation
de " supershot " de 50 mm).
La poussée vers l'internationalisation du groupe s'est interrompue. Si
la France ne crée pas un contexte favorable à une association majeure
impliquant le GIAT, l'entreprise est probablement condamnée à une
marginalisation progressive dans le marché des munitions. Pour l'instant, il
semble que la notion de partage de la propriété et celle de la réduction de
l'éventail des produits en production soient difficiles à surmonter. Selon les
entrevues menées auprès des gestionnaires de Royal Ordnance, l'échec du
projet de fusion franco-britannique en 1998 est en grande partie redevable à
ces questions. Nos interlocuteurs ont également évoqué la situation
financière dégradée du groupe français.
Pour l'instant, la productivité du groupe s'améliore à peu près au
rythme des mises à pied. Les ventes à l'exportation ont augmenté depuis
1996 (+ 44 % à 800 millions de dollars (US) en 1998). La direction du
groupe affirme qu'elle retrouvera une situation profitable en 2002, soit
lorsqu'elle aura mené à terme l'actuel programme d'abolitions de postes.
GIAT a aussi raté à moitié sa diversification. En 1992, le groupe se
lançait dans une foule de projets qui couvraient plusieurs secteurs, dont les
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 184
munitions commerciales, le domaine spatial, les articles ménagers et les
véhicules et pièces de véhicules commerciaux. Les résultats ont
manifestement été décevants car les projets de la direction sont de rebâtir
l'organisation autour du métier de base, soit l'intégration de systèmes en se
centrant sur les blindés et les canons. Ceci étant, on repère ici et là, dans les
usines et quelques filiales, des produits de diversification rentables. Les
usines de pièces métalliques, notamment, ont beaucoup travaillé à se
constituer une clientèle commerciale. C'est le cas dans la filiale CIME
Bocuse423. Récemment, une nouvelle filiale a été créée avec Hunting dans le
but d'investir dans la fabrication d'abris techniques et d'hôpitaux mobiles.
Ces produits viseraient à la fois des marchés civils et militaires. Il est donc
un peu difficile de savoir avec précision où va le GIAT sur le terrain de la
diversification.
NAMMO (RAUFOSS)
En octobre 1998, les pays scandinaves ont officiellement procédé à
une importante rationalisation commune de leur industrie des petit et
moyen calibres qui a donné naissance à Nammo. Le nouveau groupe est
spécialisé en défense, mais il émane de trois organisations industrielles très
diversifiées dans le commercial, soit Raufoss (Norvège), Patria (Finlande)
et Celsius, le consortium propriétaire de Bofors (Suède). Raufoss domine la
nouvelle compagnie avec 45 % des actions.
Nammo chapeaute cinq divisions engagées dans la fabrication de
munitions, de propulsifs et dans la démilitarisation. Le groupe vient de se
doter d’une filiale aux États-Unis (Nammo Inc.). Il compte actuellement 1
500 employés et dispose d’un chiffre d’affaires de 240 millions de dollars
(US). La direction a récemment déclaré que son objectif était de réduire sa
423 Dont la majorité des parts a été revendue au groupe autrichien Plansee en début d'année 1999. Info-DGA, 1er avril 1999.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 185
main-d’œuvre du tiers. La moitié des employés sont localisés en Norvège
et 500 travaillent en Suède.
Bien que les performances varient d’une division à l’autre, Nammo
est essentiellement tourné vers l’exportation avec des ventes à l’étranger
représentant 70 % du chiffre d’affaires. Les seules activités de
diversification connues du groupe concernent la démilitarisation pour
laquelle il a notamment acquis la firme allemande Buck et les propulsifs
dédiés au commerce et aux corps policiers de la branche finlandaise connue
sous le nom de Vithavuori.
Contrairement à ses partenaires, dans le domaine des munitions,
Raufoss a mis tous ses œufs dans le groupe Nammo. Ce groupe appartient
toujours en majorité au gouvernement norvégien (50,3 %) et opère dans
une gamme variée de secteurs incluant les pièces de véhicules, la
distribution d'eau et de gaz, les produits en composites, et les pièces
formées à partir de poudres métalliques. Il a des filiales en Suède, en
Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Angleterre et en République
tchèque. Raufoss emploie 3 800 personnes. La part des activités de Nammo
représente 40 % du chiffre d’affaires de Raufoss.
PRIMEX
Primex a vu le jour en 1996 lorsque le groupe Olin a décidé de se
départir de sa division Défense. À l’époque, la firme transnationale Olin
venait d’encaisser une très mauvaise année dans les munitions et faisait
l’analyse qu’il lui serait difficile d’atteindre ses objectifs de rendement
dans un marché en déclin. Olin avait pourtant misé sur l’élargissement de
ses assises dans les munitions en achetant General Defense en 1988, un
acteur majeur dans les munitions de gros calibre, notamment celles qui sont
destinées aux chars, et en acquérant la production de moyen calibre
d’Aerojet en 1994.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 186
Avec le recul du temps, les dirigeants d’Olin avouent que la décision
de se défaire de leur division Défense a été difficile à prendre, surtout parce
qu’elle impliquait de renoncer au produit qui avait été à l’origine de la
compagnie, soit le propulsif (poudre noire et ball powder). Olin a décidé de
sortir de la chimie générale et n’a cessé, depuis 1996, de vendre des
filiales. Pour l’instant, la compagnie est centrée sur les produits du cuivre,
les chlorines, la soude caustique et les munitions de chasse. La division
Winchester aurait bien voulu conserver la gestion du GOCO de Lake City,
mais elle l’a récemment perdu aux mains d’Alliant.
À l’origine, l’organisation industrielle qui est à la base du groupe
Primex évoluait dans les propulsifs et le petit calibre (resté à Olin). Elle
s’est enracinée dans le moyen calibre pendant la guerre du Viêtnam et a
finalement établi une tête de pont dans les munitions de gros calibre
quelques mois avant l’effondrement du mur de Berlin. Le pari de Primex a
toujours été de produire des munitions à un coût inférieur à celui d’Alliant,
en évitant de « s’encombrer » (le mot est d’un gestionnaire qui nous
accordait une entrevue en 1996) d’un gros service de R-D, pour se
concentrer sur l’assemblage de munitions donnant accès à des volumes
importants.
La force de travail des 3 000 employés du groupe a donc
principalement été concentrée sur les munitions de 120 mm, de 20 mm et
de 30 mm. Ces trois marchés subissent de fortes pressions depuis quelques
années. Le 120 mm pour char entre en phase de modernisation sur le
marché intérieur américain et, ayant perdu le contrat principal, Primex
devra miser sur le maintien de la politique d’approvisionnement sur double
source pour rester un joueur clé du marché. Le 20 mm et le 30 mm sont
appelés à être remplacés par de nouveaux produits.
La direction de l’entreprise dit voir son avenir dans les têtes de
missiles, les fusées et les composites. Les chiffres sont ici très révélateurs.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 187
En 1990, la division Défense de Olin vendait pour 757 millions de dollars
(US) de munitions. Les résultats financiers de 1998 faisaient état de ventes
de munitions d’à peine 300 millions de dollars (US).
Primex tente de se repositionner. Elle achetait en juillet 1999 la
firme Versatron qui devrait lui apporter un certain savoir-faire dans les
systèmes de précision pour munitions. L’acquisition de CMS, une division
de Daimler-Chrysler, va renforcer la position du groupe dans les pièces
métalliques de précision et les composantes de systèmes d’armes. Cette
nouvelle filiale doit, en principe, ajouter 100 millions de dollars (US) au
bilan de 2000. Mentionnons également que le groupe a développé un
programme en collaboration avec Boeing et Rheinmetall pour les
munitions du chasseur Joint Strike Fighter (27 mm). En août 1999, il
annonçait son entrée dans la course pour un programme s'adressant aux
blindés légers. Parmi les actions dignes de mention, il faut également
rappeler que Primex a obtenu en 1995 le programme du Objective Crew
Served Weapon (OCSW) qui doit concevoir une mitrailleuse du futur
moins lourde et plus létale. Le programme doit atteindre la fin de sa phase
de développement en 2004.
Le président de Primex mise aussi plus ouvertement sur les
exportations et a obtenu des résultats intéressants, comme en témoigne
l’obtention d'un contrat de 371 millions de dollars (US) pour des rondes de
120 mm à destination de l’Arabie saoudite et du Koweït au début de 1999.
Ce contrat couvre la période 1999-2004. Une alliance commerciale avec la
firme israélienne IMI (pour créer Global Ordnance) a pour objectif
d’élargir la clientèle dans le 120 mm.
Les usines du groupe, notamment celles qui ont une assise dans la
fabrication de pièces métalliques (une des forces de l’organisation Primex),
de matériaux composites et de propulsifs, misent de plus en plus sur la
diversification. Dans les pièces métalliques, la stratégie est de percer dans
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 188
la fabrication de grosses composantes en alliages métal-fibres destinées
notamment aux missiles. Dans les propulsifs, on vise le marché des
générateurs de gaz (pour sacs gonflables), en développement suite à une
alliance stratégique avec la firme Simula, et les produits de remplacement
de gaz à effet de serre. En 1998, les ventes commerciales se sont accrues de
11 %.
Avec des ventes totales en 1998 de 595 millions de dollars (US)
dont 300 millions de dollars (US) de munitions, Primex demeure un joueur
important de l’industrie et un compétiteur redoutable sur plusieurs marchés
d’exportation. Mais l’optimisme quant à sa capacité de devenir un acteur
de premier plan au niveau international n'est plus de mise. Primex entre en
mode de survie et seule une acquisition majeure pourrait lui permettre de
retrouver sa vitalité d’il y a trois-quatre ans. Au rythme où vont les choses,
on ne peut pas exclure que le gouvernement américain finisse, malgré le
refus de 1992, par autoriser une prise de contrôle par Alliant. Tout
dépendra du niveau d’ouverture des marchés occidentaux auquel on
parviendra dans les années à venir.
RHEINMETALL
Cette firme, fondée en 1889, s’est trouvée pendant des décennies au
cœur même du marché de la guerre froide, alors que se trouvait concentrée
sur son territoire national une portion importante de l'arsenal des deux
grands blocs. La fin de ce conflit virtuel a eu l’effet d’un cataclysme.
Rheinmetall s’est conformée à la politique de son gouvernement et
s’est attelée à la tâche d’intégrer ses activités de défense dans un vaste
complexe centré sur le marché commercial. Les ventes en défense ne
représentaient plus, en 1998, que 34 % du chiffre d’affaires du groupe. Le
portefeuille de Rheinmetall repose maintenant principalement sur les
pièces automobiles (37 %), la machinerie (13 %) et les composants
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 189
électroniques (16 %).
Cela ne signifie aucunement que Rheinmetall n'a plus d’intérêt pour
la défense. Une suite de transactions, qui l'ont amenée à prendre le contrôle
de WNC Nitrochemie, de KRUPP, de NWM (fermée depuis) et, plus
récemment, de STN Atlas, de Buck Systems et d’Oerlikon Contraves, la
placent dans la courte liste des acteurs autour desquels est en train de se
construire l’Europe de la défense. Le jeu des fusions a évidemment
provoqué une décroissance des emplois et le processus de digestion de
STN Atlas et d’Oerlikon Contraves n'est pas complété. Au début de 1999,
la division Défense comptait 10 300 employés à l’origine d’un chiffre
d’affaires de 1,9 milliard de dollars (US). On peut estimer les ventes de
munitions à près de 300 millions de dollars (US). Les autres revenus
proviennent de l’intégration de plates-formes militaires et de la fabrication
de canons.
L’achat récent d’Oerlikon Contraves donne à Rheinmetall une
dimension internationale que peu de munitionnaires peuvent revendiquer. Il
faut cependant préciser que les ventes d’Oerlikon ont chuté de 41 % au
cours des cinq dernières années et le gouvernement suisse a annoncé de
nouvelles coupes massives dans son budget d’ici 2002 (- 36 % sur le plan
initial). Il reste qu’Oerlikon exporte près de 80 % de sa production et
qu’elle amène dans le groupe Rheinmetall des usines italiennes,
canadiennes, singapouriennes, malaisiennes et allemandes. Le nombre
d’ententes commerciales et de partenariats négociés par Oerlikon est
également impressionnant et couvre la planète entière. Il faut ajouter à cela
les alliances conclues par Rheinmetall aux États-Unis, en France, aux Pays-
Bas, en Israël et en Suède notamment. Rheinmetall-Oerlikon forment
maintenant le premier groupe canons-munitions de dimension
véritablement transnationale.
Outre les firmes mentionnées, le groupe Rheinmetall comprend
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 190
plusieurs entreprises importantes de l’industrie des blindés (dont MAK
Systems) et plusieurs firmes du secteur des propulsifs et de la pyrotechnie
(Nico-Pyrotechnik, Comet Pyrotechnik, TZN, Nitrochemie Ashau, etc.).
Une autre transaction avec des intérêts suisses intègre en outre la
production de propulsifs et charges modulaires des deux pays dans une
nouvelle firme baptisée Nitrochemie.
Au début de l'année 1999, Rheinmetall envisageait l’achat de Royal
Ordnance, mais le gouvernement britannique et la maison mère de Royal
Ordnance, soit British Aerospace, ont suspendu les discussions dans
l’attente d’un plan de restructuration. Dans les milieux bien informés, on
dit que Rheinmetall serait aussi très intéressée au projet de privatisation de
la firme espagnole Santa Barbara.
Les grandes forces de Rheinmetall se situent maintenant dans les
munitions pour chars où la firme constitue une norme internationale,
notamment dans le 120 mm. La compagnie travaille depuis dix ans à la
mise au point d'une nouvelle gamme de munitions pour chars de 140 mm.
Il faut cependant mentionner que les activités d’assemblage de munitions
pour chars n'ont plus rien à voir avec la situation des années quatre-vingt.
À l’époque, Rheinmetall produisait 100 000 rondes par année contre à
peine 10 000 aujourd’hui.
Aucune entreprise européenne n’est actuellement mieux placée que
Rheinmetall dans le marché du moyen calibre, notamment dans les
calibres de 20 mm, 27 mm et dans le développement du système 35/50. Le
groupe est aussi un leader dans le marché des mortiers de 120 mm. Il figure
parmi les plus redoutables compétiteurs dans les charges modulaires et a
effectué des percées importantes dans les munitions intelligentes de 155
mm. Il y travaille notamment à des systèmes de guidage GPS, infrarouge et
laser.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 191
ROYAL ORDNANCE
Royal Ordnance (RO) est sans doute l’acteur industriel qui a été le
plus dévasté par la fin de la guerre froide. Au milieu des années quatre-
vingt, l’entreprise détenait le titre de plus grande fabrique de munitions et
de canons de la planète avec une vingtaine d’usines. La décision du
gouvernement britannique de forcer un regroupement dans British
Aerospace (BAe) en 1987 et d’ouvrir son marché national a eu un effet
désatreux sur Royal Ordnance.
La riposte de l’entreprise s’est structurée autour de trois grands axes :
Se reconcentrer sur la défense : après des tentatives de diversification
menée mollement par la direction, RO a opté pour le recentrage de ses
activités dans son métier de base. Pas moins de 95 % de ses ventes
concernent actuellement des produits de défense.
Regrouper les usines britanniques et s’implanter sur le continent
européen : le groupe a procédé à l’achat de BMarc, de Heckler & Koch
et Muiden Chemie et a conclu des alliances stratégiques avec
Rheinmetall, GIAT, Eurometaal et Oerlikon notamment.
Prendre avant l’heure le leadership du processus de mondialisation :
mentionnons l’achat de Thaï Laser (Thaïlande), des ententes
commerciales nombreuses avec FMC, South American Ordnance,
Imbel, etc. Royal Ordnance est devenu le plus important exportateur
d'Europe, notamment à destination du Moyen-Orient et de l’Asie.
Cette stratégie a mené à des résultats mitigés. De 20 000 au milieu
des années quatre-vingt, l’emploi est tombé à 3 000. En 1992, le groupe
possédait encore douze usines et un catalogue comptant 2 000 produits.
Plusieurs usines ont été fermées ou sont sur le point de l’être. Celles qui
subsistent sont souvent dépendantes de peu de contrats, comme en
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 192
témoignent les difficultés de l’usine de Nottingham dont l’avenir est lié à
ses exportations au Moyen-Orient.
Les baisses de commandes au Royaume-Uni (dont celles de
munitions pour chars qui ont chuté de 60 % en cinq ans), l’absence
d’intérêt de la part du gouvernement de préserver la cohésion de son
industrie de blindés, canons et munitions et la bureaucratie de Royal
Ordnance ont créé une situation précaire. À cela il faut ajouter que la
maison mère, British Aerospace, a choisi de donner à son organisation une
direction qui laisse très peu de place aux secteurs « dinosaures » où évolue
Royal Ordnance. Depuis son alliance avec GEC-Marconi en 1993, BAe est
devenue la deuxième entreprise de défense en importance au niveau
international (après Lockheed-Martin). Ses axes de développement sont
l’aérospatiale et les missiles. Pendant que BAe garnit son carnet de
commandes avec des technologies de pointe, Royal Ordnance poursuit sa
crise.
Pourtant RO n'est pas en reste sur le plan technologique. Elle possède
son propre système de charges modulaires, dispose de technologies de
guidage avancées (GPS, etc.), travaille sur plusieurs programmes avant-
gardistes comme le 140 mm et les canons laser. Le problème n’est pas lié
au savoir-faire, mais à l’obligation qui est faite d’être compétitive dans un
marché ouvert.
En juin 1999 le président de BAe a déclaré que Royal Ordnance
devrait s’ajuster à son marché. Or la direction de RO venait à peine
d'annoncer la fermeture de deux usines et une réduction importante de
production dans deux autres. Elle devait déposer un nouveau plan de
rationalisation en janvier 2000.
La seule bonne nouvelle qu’a reçue Royal Ordnance au cours des
dernières années concerne la gestion du GOCO américain de Holston. En
entrevue, un haut gestionnaire nous a déclaré que la stratégie de la
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 193
compagnie est maintenant centrée sur une consolidation de ses activités en
Europe et aux États-Unis. Royal Ordnance mise également sur les
exportations où elle continue d'arracher des contrats en coupant ses prix.
Mais ce genre de pratique ne peut être viable que lorsqu’une firme jouit de
l'appui de son gouvernement, ce qui n'est pas le cas de Royal Ordnance.
De plus en plus, surtout dans les syndicats de l’entreprise, on
rediscute maintenant de diversification.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 194
RHEINMETALL : UN PARADIGME DE LA
RESTRUCTURATION DU SECTEUR DE LA DÉFENSE
EN ALLEMAGNE
Dr Peter LOCK424
LES TRANSFORMATIONS EN EUROPE
Le mouvement récent de fusions et d'acquisitions dans l'industrie
d'armement européenne peut être d'une certaine manière un processus
touffu comportant à la fois des mouvements réellement stratégiques aussi
bien que des fusions en trompe-l'œil et des acquisitions qui seront plus tard
corrigées, souvent au prix de coûts considérables. Surtout, la logique
industrielle, privilégiant l'intérêt des actionnaires, qui prédomine dans le
reste de l'économie ne parait pas s'appliquer de la même façon dans
l'industrie d'armement. La réduction inévitable des surcapacités dans la
production de défense partout en Europe passe par de longs détours,
beaucoup plus longs que dans les secteurs civils. Elle entraîne de plus en
plus de fusions internationales et d'acquisitions dans l'Union européenne,
cependant que la dimension transatlantique de ce processus de
restructuration est encore marginale, notamment parce que les obstacles à
l'entrée sur le marché américain de fournitures d'armement sont presque
insurmontables pour un compétiteur étranger. BAe-Systems, après
424 Dr Peter Lock, actuellement professeur de sciences politiques à l'université de Kassel, est le secrétaire général de the European Association for Research on Transformation (EART)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 195
l'absorption de GE, va devenir un test quant à l'ouverture du processus
américain d'équipement. En général cependant, le secteur de la défense
suit, de loin, l'évolution des industries civiles en ce qui concerne l'extension
géographique de son internationalisation aussi bien que les pressions
financières pour restructurer et adapter les capacités à des niveaux réalistes.
Même dans les branches militaires où les surcapacités étaient
évidentes dès les années quatre-vingt, les capacités de la production ont été
maintenues et les sociétés en faillite ont été refinancées par de nouveaux
dirigeants, souvent avec de confortables aides fiscales, puisque ce secteur
fonctionne souvent en ignorant les règles habituelles de la concurrence, en
s'appuyant sur l'article 223 du traité de Rome (maintenant article 296 du
traité de Maastricht [Assemblée 1999]). La fabrication de pistolets, fusils et
sous-systèmes pour armes individuelles partout en Europe est un parfait
exemple de l'extraordinaire persistance de capacités excessives. Royal
Ordnance a construit, à la fin de la guerre froide, une installation
entièrement nouvelle, en remplacement du site traditionnel d'Enfield et
GIAT maintient à Versailles-Satory une unité de production qui excède de
loin la demande réelle. FN Herstal et Heckler & Koch, mais aussi Beretta
en Italie ont été amenés à des changements de majorité dans le capital pour
faire face à la faillite. Mais leurs capacités de production ont été
maintenues. FN Herstal a même été sauvé deux fois par les fonds publics.
La première fois, c'est le gouvernement fédéral belge qui a fourni les fonds
et, après la deuxième faillite, c'est le gouvernement régional qui a relancé
la société. Dans le cas d'Heckler & Koch, le français GIAT et le
Britannique Royal Ordnance (groupe British Aerospace) rivalisaient au
début des années quatre-vingt-dix pour prendre le contrôle de la société
lourdement endettée, étant donné son rôle leader en Europe de l'Ouest
comme fabricant d'armes légères sophistiquées. Dans cette période, le
gouvernement allemand a nettement refusé de venir en aide à la société et a
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 196
cessé de financer les recherches et développements en cours sur un fusil
automatique avec munitions sans douille prévu pour devenir une nouvelle
arme standard de l'OTAN [Gander, Hogg 1995, pp.148f.]. Finalement,
British Aerospace l'a emporté et a intégré Heckler & Koch dans sa filiale
Royal Ordnance. Pourtant, il se dit actuellement que BAe Systems veut se
débarrasser rapidement d'Heckler & Koch. Le fabricant Colt américain est,
semble-t-il, intéressé, mais il semble que cela soit plus en fonction du
marché privé où les armes de précision de Heckler & Koch se vendent
comme objets de prestige - comparables seulement au Glock 9 mm - qu'en
fonction des marché publics. En même temps, Heckler & Koch permet à
Colt une entrée sur le marché de l'équipement au moment où le débat en
cours aux Etats-Unis sur la responsabilité perturbe sérieusement le marché
civil (Barrett, 1999). Le cas de Beretta montre un schéma semblable
incluant un nouveau propriétaire américain.
Dans ce contexte, la trajectoire de Rheinmetall comme fabricant
européen majeur d'armement qui le place actuellement comme un des
quelques survivants probables dans une structure oligopolistique, sinon
même monopolistique, de la contraction en cours du secteur militaire
industriel européen, sera discutée dans ce papier. L'histoire des cent dix
années turbulentes de Rheinmetall comme fabricant important d'artillerie et
de munitions suggère l'importance du savoir-faire tacite impliqué dans la
fabrication des pièces d'artillerie sophistiquées et des munitions à hautes
performances. Cela pourrait expliquer la réapparition surprenante de
Rheinmetall comme fabricant majeur internationalement de matériel
militaire après des années de fermeture forcée de la société, liée aux deux
guerres mondiales. Cependant, ce facteur n'est pas suffisant pour expliquer
la force actuelle de Rheinmetall et sa stratégie agressive dans la
restructuration de la base industrielle européenne de défense. Quand
Rheinmetall est revenu dans la production militaire après la Seconde
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 197
Guerre mondiale et a fourni la première génération de matériel pour les
forces armées allemandes en développement, il a bénéficié des périodes de
croissance des années soixante. Mais dès le début des années soixante-dix,
Rheinmetall a systématiquement diversifié son portefeuille d'activités pour
y inclure d'importantes productions civiles. Un objectif important était les
usines automatisées localisées en Allemagne et à l'étranger. Avec cette
stratégie, Rheinmetall a fait descendre la part de sa production militaire en
dessous de 30 % avant même la fin de la guerre froide.
Cependant, malgré ce choix principal de réduction de ses capacités
militaires, Rheinmetall, à partir de 1992, a commencé à poursuivre une
stratégie de survie dans le contexte général de contraction du secteur
militaire européen et d'accumulation de surcapacités. A l'heure actuelle, il
est évident que la perspective de Rheinmetall est de devenir un acteur
réellement international avec une masse critique suffisante pour dominer
une certaine gamme de matériel militaire. Cela se manifeste dans la
politique d'acquisitions sélectives de capacités de fabrications militaires,
dans l'ensemble de l'Union européenne et dans le futur peut-être aux États-
Unis ou plus vraisemblablement au Canada.
L'histoire de Rheinmetall sera analysée de manière un peu plus
détaillée pour montrer que la société présente des traits typiques de ce
qu'on a appelé le "capitalisme rhenan". On montrera que les éléments de
cette culture industrielle particulière et de la structure de la propriété sont
liés à la stratégie que Rheinmetall poursuit dans la période.
RHEINMETALL : UNE HISTOIRE AVEC DES HAUTS ET DES
BAS
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 198
L'ascension de Rheinmetall pour devenir un fabricant majeur
d'artillerie avant la Seconde Guerre mondiale est principalement la réussite
de son fondateur Heinrich Erhardt. C'était un industriel type idéal du
développement industriel allemand tardif de la seconde moitié du XIXe. Il
est né en 1840 en Thuringe où, très tôt, ont été concentrées les industries
manufacturières allemandes. Sa carrière d'ingénieur a commencé par un
travail d'apprenti chez un fabricant renommé de fusils, entreprise que,
quarante années plus tard (1901), il acquerra et intégrera dans sa société en
pleine expansion Rheinische und Metallwaaren Maschinenfabrik. Il passe
ensuite dans une usine de machines-outils. Avec la guerre de 1866 qui a
accéléré l'expansion industrielle de la Prusse, Erhardt se déplace vers la
Rhénanie prussienne qui est rapidement devenue le cœur industriel du
Reich allemand à la suite de la guerre franco-allemande de 1870/1871. sa
première société est fondée en 1878 à Düsseldorf avec une production
d'outils spéciaux et de machines-outils.
Erhardt réussit à continuer son expansion pendant la période de
croissance et d'accélération. En 1889, il gagne un très gros contrat pour
fournir des munitions et fonde “Rheinische und Metallwaaren
Maschinenfabrik” avec le but explicite de remplir ce contrat et de s'établir
comme fournisseur militaire. Ses affaires sont très prospères ; il
révolutionne le processus de production des douilles et lance la fabrication
à grande échelle des munitions. Dès lors, il va de succès en succès dans la
période d'accroissement des achats d'armements en Allemagne dans les
décennies qui précèdent la Première Guerre mondiale. Il diversifie
verticalement ses activités militaires industrielles pour inclure la
fabrication d'aciers spéciaux, de détonateurs, etc. Ses usines dominent les
quartiers industriels en expansion de Düsseldorf. En 1896 Erhardt conçoit
un calibre 7,5 mm innovateur qui est adopté par beaucoup de forces armées
européennes. Les canons de tous calibres deviennent la spécialité de
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 199
Rheinmetall. En 1899 Ehrhardt loue un grand espace dans le Lüneburger
Heide, une région sous-développée entre Hambourg et Hanovre, comme
centre d'essais, qui va devenir un site très utilisé et qui accueille beaucoup
de clients internationaux. Au fur et à mesure du développement de
l'artillerie et des canons pour la marine, il ne cesse d'être agrandi. En 1914,
il s'étend sur plus de 40 kilomètres carrés et comprend des ateliers à grande
échelle de production pour les cartouches de grosse artillerie [Rheinische
Metallwaaren 1914 p.29f.]. Aujourd'hui encore, c'est un des plus grands
centres d'essais en Europe, aussi bien utilisé par Rheinmetall que loué à des
clients étrangers.
L'emplacement est localisé assez près de l'ancienne frontière
germano-allemande de l'après-Seconde Guerre mondiale, pour devenir
éligible à des primes substantielles et à des exemptions d'impôts jusqu'à la
réunification. Cela a incité Rheinmetall à établir en 1986 un parc de
technologie (TZN = Technologiezentrum Niedersachsen) fortement
subventionné (cofinancé par l'état de Basse-Saxe) qui a attiré plusieurs
autres sociétés. Enfin, Rheinmetall a aussi transféré en 1992 ses moyens de
recherche-développement militaire et de production de son emplacement
traditionnel de Düsseldorf à Unterlüß dans le Lüneburger Heide.
Au début de la Première Guerre mondiale, Rheinmetall employait 8
000 personnes. Ce chiffre est monté jusqu'à 48 000 en 1918. Avec la fin de
la guerre, la production militaire s'est arrêtée et 22 000 personnes se sont
trouvées en surnombre. Une recherche acharnée de production non
militaire a alors commencé. Il en est sorti une gamme classique de produits
de reconversion : machinerie agricole, tracteurs, wagons de chemin de fer,
locomotives dans les usines de Düsseldorf, machines à écrire, calculateurs
et parties automobiles en Thuringe. A partir de 1921, la production d'une
quantité limitée d'armes de moyen calibre a été de nouveau autorisée. Mais
la conjonction de l'hyperinflation et de l'occupation française de la
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 200
Rhénanie a fait disparaître les marchés civils des productions de
reconversion. En 1925, la plupart de ces productions ont été arrêtées. Dans
cette période, le gouvernement a acquis la majorité des parts, de façon à
protéger sa production militaire potentielle de la faillite [Rheinmetall 1939;
website Rheinmetall].
A ce moment, la Reichswehr avait déjà commencé à appliquer un
plan secret de réarmement impliquant des coentreprises hors du territoire,
en Union soviétique entre autres. Les officiers de rang élevé de la
Reichswehr, d'active ou retraités, ont été impliqués dans le développement
des exportations d'armes allemandes sur tous les continents, de façon à
maintenir des capacités de production jusqu'à ce que les restrictions du
Traité de Versailles soient levées. Dans une opération, coordonnée par Von
Seeckt après sa retraite, des armes allemandes avec formation et conseil ont
été fournies au parti nationaliste dans la guerre civile chinoise, un peu à la
manière de la célèbre Executive Outcomes d'Afrique du Sud. En termes
d'aujourd'hui, les affaires avec les "rogue states" ont aidé l'industrie
d'armement allemande, y compris Rheinmetall, à être bien préparée pour
l'accroissement à venir de 1933 [Lock 1999 p.12].
L'agitation pendant la crise économique a permis à Rheinmetall en
1933 d'acquérir Borsig le célèbre fabricant de locomotives, turbines etc.,
qui était au bord de la liquidation. Avec l'explosion du réarmement sous le
régime nazi, le conglomérat Rheinmetall-Borsig a prospéré. Le comité des
directeurs a été ensuite dominé par "Reichswerke für Aktiengesellschaft
und Erzbergbau Eisenhütten Hermann Göring", qui lance la transformation
des industries lourdes d'Allemagne et ensuite de l'Europe occupée en
fournisseurs d'armement [Rheinmetall 1939]. En 1939, l'emploi total de
Rheinmetall-Borsig était de 48 000 personnes, il a augmenté jusqu'à 83 000
vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. La gamme de production a été
élargie, des mitrailleuses aux canons les plus lourds. Rheinmetall a
Cahier d'études stratégiques N°27
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développé le MG42, le précurseur de la production de masse à bon marché
grâce aux plus grandes tolérances permises par la technique de l'usinage
plutôt que du forgeage. Cette technologie était une priorité sur la liste de
confiscation de l'US Army en 1945. L'usinage à froid de l'acier est devenu
une norme universelle dans la production d'armes automatiques de petit
calibre.
La fin de la Seconde Guerre mondiale a entraîné l'arrêt de toutes ces
activités. Une partie des machines a été confisquée et enlevée comme
réparations de guerre par l'administration alliée. Ce n'est pas avant 1950
que des activités limitées de production civile ont pu recommencer. À
Düsseldorf, au départ, la production a inclus des machines à écrire, des
amortisseurs, etc., plus quelques-uns des produits directs de la reconversion
liés au savoir-faire militaire, comme les pistolets à percussion utilisés à
cette époque dans l'industrie de la construction. Le gouvernement fédéral a
encore conservé la majorité de contrôle de Rheinmetall-Borsig, mais ce
n'est pas avant 1956 que la société a été véritablement ressuscitée.
LA PRISE DE CONTRÔLE PAR LA FAMILLE RÖCHLING
Avec la création de la Bundeswehr (forces armées) et l'allègement
des restrictions alliées qui a suivi, la fabrication des armes a offert de
nouvelles possibilités. La famille Röchling a acquis la majorité de
Rheinmetall-Borsig du gouvernement fédéral à la mi-1956. A cette
époque, la famille Röchling disposait de 200 millions de DM, une grande
somme pour l'époque, résultant de la vente forcée de leur empire de l'acier
localisé dans la région de la Sarre aux gouvernements français et allemand.
La famille Röchling est une des dynasties industrielles allemandes qui ont
émergé avec le développement de l'acier et du charbon dans la seconde
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moitié du XIXe. Originaires de la Sarre, les Röchling, conjointement avec la
dynastie Stumm, ont été les forces dirigeantes des synergies économiques
entre la Sarre et l'Alsace-Lorraine (charbon et minerai) dans les périodes où
l'Allemagne a contrôlé ces régions françaises, c'est-à-dire entre 1871 et
1918, et entre 1940 et 1944. Après la Première Guerre mondiale jusqu'à
1935 et après la Seconde Guerre mondiale jusqu'en 1955, la Sarre a été
sous mandat français et partiellement intégrée à l'économie française.
Après la Seconde Guerre mondiale, les sociétés Röchling ont été mises
sous séquestre et ont été dirigées par le gouvernement français, pendant
que deux membres aînés de la famille Röchling étaient emprisonnés dans la
zone française d'occupation pour crimes de guerre jusqu'à leur
élargissement rapide en 1951. A l'issue de difficiles phases de négociations
entre Adenauer et Pinay, l'expropriation que la partie française avait
espérée a été repoussée et les gouvernements français et allemand n'ont pris
le contrôle qu'en payant 100 millions de DM chacun au holding de la
famille Röchling qui travaillait “en exil” à Mannheim [Rheinischer Merkur
1955; Deutsche Zeitung 1955].
L'acquisition de Rheinmetall était seulement un premier élément de
la transformation bien ciblée du groupe Röchling de ses entreprises
traditionnelles d'acier et de charbon vers un groupe industriel de pointe
diversifié. Après la Seconde Guerre mondiale, le groupe a poursuivi une
stratégie cohérente d'acquisitions systématiques de sociétés de taille
intermédiaire, dont beaucoup étaient des producteurs dans des niches
innovantes, particulièrement dans les applications émergentes
d'électronique et de matières plastiques industrielles. Le groupe Röchling
est sorti totalement de la production d'acier et a investi le revenu de la
vente forcée de ses actifs dans des secteurs modernes en croissance en
Allemagne, en Suisse, en France, aux États-Unis et plus tard, au fur et à
mesure du développement de l'industrie automobile allemande, en
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Naissance de l'Europe de l'armement page 203
Amérique latine, dans le Sud-Est asiatique, en Europe centrale et en Chine.
(voir infra, le schéma du groupe Röchling, appendice 1).
La stratégie du groupe Röchling à travers l'acquisition de
Rheinmetall-Borsig visait clairement le développement des fournitures
militaires après 1956. C'était donc une étape logique de presque
immédiatement se débarrasser de la partie Borsig du conglomérat, car
celle-ci était principalement localisée à Berlin-Ouest où les règlements
alliés interdisaient toute production de nature militaire aux Allemands. Du
point de vue du gouvernement, la vente de Rheinmetall dans cette période
cruciale s'inscrivait dans la tradition des fournitures militaires en
Allemagne depuis 1871, quand s'est fait le changement décisif du passage
des arsenaux aux sociétés privées. Même pendant les deux guerres
mondiales, ce principe a été maintenu. C'était aussi cohérent dans le
contexte de la doctrine économique dominante et de la philosophie
constitutionnelle de la jeune République fédérale. Les deux stipulaient
explicitement que les fournitures militaires devraient être soumises à des
autorités civiles, conformément à la doctrine économique libérale déclarée.
En conséquence, le secteur privé a été systématiquement sollicité
pour prendre en charge la production d'armement nécessaire pour satisfaire
les besoins de la Bundeswehr récemment créée. Cette convention implicite
entre gouvernement et industrie signifie que, jusqu'aux années quatre-vingt,
la majorité des contrats a été définie d'un commun accord et que ce n'est
que sur des articles standards marginaux que des appels d'offres ouverts ont
eu lieu [Petry, 1999]. Ces contrats ont sans doute permis des marges de
profits moyennes élevées. En revanche, le gouvernement n'a pas apporté de
soutien aux fabricants d'armement en proie à des difficultés financières.
Aucun fabricant d'armement n'a été sauvé par nationalisation, comme cela
est arrivé souvent dans d'autres pays européens jusqu'au début des années
quatre-vingt. Par ailleurs, le gouvernement a utilisé à maintes reprises des
Cahier d'études stratégiques N°27
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grands contrats pour soutenir l'économie dans les régions à hauts taux de
chômage. C'est ainsi que des chantiers sans expérience de la construction
navale ont eu, parmi d'autres, à construire des frégates. De même, la
production de chars a été développée pour intégrer différents fournisseurs,
etc. [Bode, 1978, p.45-69].
Après la relance de sa production militaire, la première production
de masse d'armement de Rheinmetall a été le MG 1 qui n'était, cependant,
qu'une version légèrement modifiée de son célèbre MG 42 (42 car lancé en
1942). De nouvelles versions de canons antiaériens et de canons pour le
char allemand Léopard ont rapidement suivi. La vitesse avec laquelle
Rheinmetall a été capable de fabriquer une grande gamme d'armes pour les
forces terrestres qui égalent et souvent dépassent les niveaux
technologiques internationaux ne peut être expliquée que par une
combinaison de plusieurs facteurs : le savoir-faire et les plans de la
production sophistiquée de 1944/1945 étaient encore disponibles, des
travailleurs qualifiés, avec une expérience particulière, pouvaient être
d'autant plus facilement recrutés que l'économie était encore sous le coup
de l'effondrement postérieur à la guerre de Corée. De plus, le
gouvernement, profitant de ses excédents financiers dans cette période, a
payé des avances consistantes pour des contrats d'achats d'armement.
Donc, quand Rheinmetall est revenu dans la production d'armement, il
disposait de capitaux à bon marché, d'une main-d'œuvre qualifiée, de plans
de matériels économiques et de beaucoup de savoir-faire particulier pour
cette production (ce dernier facteur est d'ailleurs encore aujourd'hui une
barrière efficace à l'entrée dans la production de tubes de grand calibre).
Plusieurs productions étaient apparemment sans égales quant à la qualité
dans ces années-là et ont été exportées dès le début des années soixante
vers d'autres pays européens où elles ont remplacé les matériels américain
et britannique.
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Naissance de l'Europe de l'armement page 205
LA DIVERSIFICATION
Sachant que le gouvernement ne le tirerait pas d'affaire en cas de
besoin, Rheinmetall a commencé dès 1972 à se diversifier et à acquérir des
unités de productions civiles. La première acquisition a été celle d'une
société rhénane traditionnelle à contrôle familial, qui fabriquait des
machines sophistiquées d'emballage. Mais les marchés militaires ont
prospéré et Rheinmetall a développé plusieurs armes innovatrices avec
succès, en particulier les canons lisses de 120 mm pour le Léopard 2 et
ensuite pour d'autres modèles de chars. En 1970, a eu lieu une autre
acquisition de départ pour compléter verticalement les gammes de
production militaire avec la prise de contrôle de Nico Pyrotechnik, un
grand fabricant de munitions traditionnelles. Quelques années plus tard,
l'usine de munitions NVVM De Kruithorn en Hollande passe également
sous le contrôle de Rheinmetall. La logique de ces acquisitions reflète
l'interaction entre les pièces d'artillerie et les munitions de plus en plus
sophistiquées qui exigent une intégration de la recherche-développement
dans ces deux domaines, et c'est aussi une logique commerciale.
A la fin des années soixante-dix, plus des deux tiers du chiffre
d'affaires de Rheinmetall étaient des productions militaires. Une première
tentative pour limiter cette dépendance se situe en 1981 avec l'offre
d'acquisition de WMF, le premier fabricant allemand de coutellerie. Mais
cette acquisition n'a pas reçu l'accord du bureau allemand des cartels, dont
les attendus n'étaient cependant pas entièrement convaincants. WMF a
finalement été vendu en 1985. A la suite de cet échec de diversification,
Rheinmetall a commencé à acheter systématiquement dans la production à
grande échelle d'équipements automobiles et a complété ses activités de
machines d'emballage et de machines-outils avec des acquisitions
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considérables. En quelques années seulement, l'emploi a doublé pour
atteindre 16 000 personnes en 1989, la centième année de l'existence de
Rheinmetall. La part de production militaire est tombée en conséquence.
Cette diversification stratégique a été réalisée par Hans U. Brauner, un
ingénieur devenu PDG en 1984 et qui a gardé cette place jusqu'à 1999,
quand il a quitté le comité directeur du groupe Rheinmetall.
Originellement, il venait de Bosch, un groupe de haute technologie
diversifié, un des principaux fournisseurs allemands d'électronique
automobile, avec dès le départ une perspective globale. Mais il n'y a aucun
doute que ce changement de direction a été décidé par la “famille
Röchling”, sans pour autant faire l'objet d'une aussi grande attention que s'il
s'était agi d'une société anonyme.
Sans discuter les détails de chaque acquisition, il est intéressant
d'observer que toutes les sociétés acquises dans ce processus de
diversification étaient des entreprises traditionnelles sous contrôle familial
fondées bien avant la Première Guerre mondiale. Toutes travaillaient avec
succès dans des niches spécialisées du marché et étaient reconnues
internationalement comme producteurs de premier ordre. Elles
appartenaient souvent à la catégorie des moyennes entreprises, typiques du
secteur allemand de la machine-outil. Elles étaient de parfaits interlocuteurs
pour la culture d'entrepreneur spécifique de Rheinmetall qui continue à ce
jour à être contrôlé (approximativement pour 65 % des parts) par la famille
Röchling élargie. Cette structure de la propriété est atypique dans le monde
de fusions et de concentrations d'aujourd'hui. Du coup, la valeur pour
l'actionnaire n'est pas un effet que la gestion doit nécessairement produire.
Il n'est pas surprenant que l'action Rheinmetall soit relativement peu
performante par rapport à la moyenne des principaux indices et par rapport
aux branches industrielles auxquelles Rheinmetall appartient [Röchling,
1999].
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A la suite de ces acquisitions, Rheinmetall s'est redéfini comme un
groupe diversifié poursuivant une internationalisation de sa production bien
avant la fin de la guerre froide et la contraction des budgets d'acquisitions
militaires qui s'en est suivie partout dans l'OTAN. Mais, depuis 1992,
Rheinmetall a nettement poursuivi une stratégie double. D'un côté, la
diversification dans de nouvelles unités de productions civiles a été
continuée, avec par exemple l'acquisition en 1993 de Mauser Waldeck, un
fabricant de mobilier du bureau. Les domaines existants ont été renforcés à
travers des acquisitions comme celle de Kolbenschmidt AG dans le secteur
automobile. Pourtant, Rheinmetall a aussi continué le mouvement de
reconversion directe de sa base de savoir-faire dans l'électronique militaire
vers les marchés de technologie de sécurité civile. Cette évolution vers de
nouveaux marchés l'a aussi amené à des acquisitions dans ce domaine,
comme celle de Systèmes Heimann en 1993.
Mais d'autre part, Rheinmetall n'a pas cessé de prendre le contrôle
d'unités de fabrications militaires de façon à consolider sa forte position
dans des marchés généralement en déclin. La décision déterminée de ne
pas sortir de la production militaire malgré la décroissance des budgets
d'acquisition et, au contraire, d'arriver à une taille critique avec le but de
dominer certains types de production dans l'ensemble européen a, semble-t-
il, été prise par le holding financier Röchling en 1992. Les premières
acquisitions majeures ont été MAK System à Kiel (véhicules blindés et
chars) en 1990, WNC-Nitrochemie (production de composants pour
munitions) en 1992, Mauser-Werke Oberndorf (canons de moyens calibres,
en particulier pour les avions de combat) racheté à Diehl (un concurrent
dans beaucoup de domaines) en 1995, Atlas Elektronik conjointement avec
BAe (49 %) en 1996. L'intégration de WNC-Nitrochemie qui est basé en
Suisse a montré clairement dès 1992 que la stratégie de Rheinmetall dans
le champ militaire était de se positionner comme un fournisseur
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Naissance de l'Europe de l'armement page 208
international, devant ses concurrents étrangers potentiels comme GIAT,
Royal Ordnance et d'autres.
La branche automobile s'est aussi développée rapidement. En 1997,
Pierburg AG et Kolbenschmidt ont été fusionnés dans Kolbenschmidt
Pierburg AG. Rheinmetall a atteint un chiffre d'affaires de plus de 8
milliards de DM (à peu près 4 milliards de dollars US). L'emploi total du
conglomérat Rheinmetall est monté à 29 000 personnes, dont 10 700
travaillent dans le secteur des équipements automobiles qui contribue à lui
tout seul pour presque 36 % au chiffre d'affaires total. Tous les secteurs
civils se sont développés internationalement pendant les années quatre-
vingt-dix, y compris des filiales notables aux États-Unis. En 1998, le
chiffre d'affaires étranger a dépassé pour la première fois le chiffre
d'affaires réalisé en Allemagne. Environ un tiers a été produit par le secteur
de la technologie de défense, cependant que la part de l'électronique civile
et de l'engineering (Jagenberg AG) comme celle des équipements
automobiles étaient également d'un tiers chacune.
LE DÉVELOPPEMENT DE L'ACTIVITÉ MILITAIRE
La dimension militaire de l'expansion de Rheinmetall dans les
années quatre-vingt-dix l'a aidé à consolider sa place dans les marchés
d'acquisition militaire à travers son objectif d'intégration verticale (de la
production chimique de base à l'électronique appliquée) dans ses domaines
de compétence établie, mais cela a aussi été permis par les synergies
militaires-civiles dans le champ de l'électronique maritime et des appareils
de sécurité civile. Pourtant ces synergies étaient apparemment limitées
puisque les activités militaires et civiles dans le domaine de l'électronique à
Atlas Elektronik sont séparées entre une organisation militaire et une
organisation civile. Dans une étape suivante, Rheinmetall a pris le contrôle
de toutes les activités de défense de Buck Werke GmbH & Co. qui est
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 209
spécialisé dans les munitions sophistiquées, les appareils de protection
électroniques, les grenades fumigènes, etc. Buck Werke lui-même était un
fournisseur militaire "bavarois" typique, mais il gérait pour se diversifier et
finalement sortir de la production militaire. Buck s'est d'abord implanté
dans l'ancienne Allemagne de l'Est en se spécialisant dans le recyclage des
surplus militaires de la NVA. Mais Buck était aussi parmi les firmes de
taille moyenne qui avaient découvert la demande dynamique de l'ancienne
Allemagne de l'Est après la réunification pour développer des marchés
civils. Entre autres, Buck s'est implanté avec succès sur le marché énorme
des fenêtres étanches qui s'est développé après la réunification.
La sélection du consortium gagnant pour la fabrication du VBCI à la
fin 1998 a accéléré le processus de consolidation du secteur militaire
industriel allemand. L'un après l'autre, de grands acteurs ont vendu leurs
filiales d'armement. Thyssen a vendu sa production de chars, Henschel (à
Kassel) à Kuka, elle-même filiale d'IWKA. Kuka et Henschel faisaient
partie du consortium perdant de la compétition susmentionnée. Krauss-
Maffei, lui-même filiale de Mannesmann et producteur entre autres du char
Léopard, fait partie du consortium gagnant, conjointement avec
Rheinmetall et Wegmann en ce qui concerne les participants allemands. Il
n'en a pas moins quitté le marché militaire et vendu 51 % de ses activités à
Wegmann. Rheinmetall, à son tour, a repris le contrôle Kuka et Henschel
(presque 1 000 employés) à IWKA, comme Krauss-Maffei-Mannesmann
ou Thyssen, un des fournisseurs majeurs de l'armée allemands depuis plus
de cent ans. Par suite de cette consolidation, il ne reste que deux
fournisseurs majeurs de matériel militaire, Rheinmetall et Wegmann. Il
peut y avoir un petit doute quant au fait que Diehl ait déjà vendu une partie
de son activité militaire à Rheinmetall, et quelques autres acteurs
marginaux seront amenés à vendre leurs unités militaires ou à sortir
purement et simplement de la fabrication militaire. Diehl est un fabricant
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 210
militaire bavarois dont l'ascension date de l'époque Strauß, comme d'autres
fournisseurs militaires allemands de taille moyenne, et qui s'est diversifié
avec succès dans des niches de marchés civils avant que les marchés
militaires ne s'écroulent.
On doit noter le faible montant du capital qui a été engagé pour
réaliser cette consolidation rapide. Wegmann, qui est une société privée, et
Krauss-Maffei ont formé une coentreprise 51/49 dans laquelle, de façon
inattendue, Krauss-Maffei n’a pas pris la direction industrielle. On
s’interroge pour savoir pourquoi le plus grand partenaire a laissé la
direction au plus petit. L’une des hypothèses est que Mannesmann veuille
sortir de la fabrication d'armement pour des raisons d'image à la fois et
d’anticipation sur le marché. Mais ce peut être aussi parce que les
partenaires ont conclu que la discrétion relative du statut d'une société
privée offre des avantages substantiels dans ce champ politiquement
sensible que sont la production et les exportations militaires.
Dans le cas de la prise de contrôle par Rheinmetall de Kuka-
Henschel (ex-filiale d’IWKA), la branche d’ingénierie de Rheinmetall,
Jagenberg, a été vendue à IWKA. Les observateurs ont analysé cette
transaction comme un troc d'unités de fabrication. Pour Rheinmetall, cette
étape signifie une remise en cause partielle de la politique de
diversification systématique entreprise pendant les années quatre-vingt et
peut être interprétée comme une reconversion partielle, en sens inverse,
vers la production militaire.
Mais la vraie cible entrepreunariale de la consolidation
expansionniste des activités militaires de Rheinmetall a été implicitement
dévoilée dans la seconde moitié de l’année 1999 quand a été rendue
publique l’acquisition par Rheinmetall du fabricant militaire international
suisse Oerlikon Contraves suisse (filiale d’Oerlikon & Bührle). Oerlikon
Contraves est un concurrent majeur dans les marchés internationaux
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Naissance de l'Europe de l'armement page 211
d’artillerie de moyens calibres, les armes antiaériennes et les munitions
sophistiquées. Oerlikon Contraves a des installations de production en
Suisse, en Allemagne, en Italie et au Canada avec un personnel de 2 000
salariés. Pour cette acquisition, le prix payé par Rheinmetall est modeste,
puisque Rheinmetall cède 40 % de Contraves au principal holding militaro-
industriel suisse Ruag..Cette phase va faire de Rheinmetall un fournisseur
privilégié des forces armées suisses. Les analystes ont estimé le prix de
cette transaction entre 120 et 250 millions de DM. A part le fait de
renforcer son rôle dominant dans beaucoup de domaines, on ne sait pas
pour le moment quelles synergies significatives pourraient être exploitées
ni quelle est l’ampleur de la contraction de capacité excédentaire au niveau
européen qui résultera de cette prise de contrôle.
Dans le domaine des munitions spéciales, un autre compétiteur
ancien, le Hollandais Eurometaal, a également été racheté. Au même
moment, la rumeur courait que Rheinmetall était également intéressé à
reprendre à BAe systems le contrôle de Royal Ordnance factories. Mais
c'était avant la surprise de la prise de contrôle de Oerlikon & Bührle.
Actuellement, les observateurs ne croient pas que Rheinmetall maintienne
son intérêt pour Royal Ordnance. Des explications contradictoires ont été
avancées dans la presse. Quelques observateurs ont insisté sur le fait que
Rheinmetall voulait qu’un engagement solide du gouvernement britannique
garantisse l'acquisition de Royal Ordnance, alors que d'autres ont souligné
que Rheinmetall était inquiet d’éventuelles interventions gouvernementales
quant au maintien des capacités de production sur le sol britannique. Plus
globalement, les difficultés de BMW pour le redressement de sa filiale
Rover et le taux de change élevé de la livre britannique découragent les
éventuels acheteurs étrangers de sociétés britanniques.
Fin 1999, Rheinmetall ne s’est pas limité à l’Union européenne. Le
groupe a étendu et considérablement internationalisé son “Groupe de
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Naissance de l'Europe de l'armement page 212
technologie de la défense” (DEfence TEChnology Group, DETEC) avec
une base opérationnelle importante à l'extérieur de l'Union européenne et
même quelques points d'appui sur le continent nord-américain. Le chiffre
d’affaires militaire se situe entre 4 et 5 milliards de DM avec une tendance
clairement orientée à la hausse, une fois que les acquisitions récentes seront
consolidées dans les comptes de Rheinmetall. Le Groupe de technologie de
la défense (DETEC) est convaincu que ses produits et ses technologies
bénéficieront d’une demande forte dans le processus en cours de
préparation des forces armées pour les opérations extérieures et les
missions humanitaires [Rheinmetall Geschäftsbericht, 1999]. Rheinmetall
propose aussi maintenant des technologies de déminage, de déclassement
de matériels militaires et munitions pour la reconversion à grande échelle
des stocks de munitions du temps de la guerre froide stockées pour usages
militaires. Alors que le char Léopard reste dans le domaine de Wegmann,
bien que le canon lisse de 120 mm soit tombé dans le portefeuille de
produits de Rheinmetall, la société met maintenant en œuvre la production
de toutes les autres classes de véhicules blindés. Il est vraisemblable que
Rheinmetall consolidera sa forte position comme fournisseur des forces
terrestres, tout en maintenant son rôle comme fournisseur de niches dans
les composants navals, les armes d’avions de combat et les simulateurs
militaires, essentiellement sur la base des synergies entre ses différents
segments de production.
LE NOUVEAU PAYSAGE ALLEMAND
Dans certains domaines, il reste deux concurrents moins puissants
en Allemagne, Wegmann (char Léopard) et Diehl, producteur principal de
chenilles de chars et de beaucoup de spécialités électroniques militaires et
de munitions. Les conditions sont en place pour que Wegmann et
Rheinmetall contrôlent "coopérativement" le "marché" et conjointement
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 213
essaient d’installer leur gamme de produits en situation prédominante en
Europe. La situation pour Diehl est plus ambiguë. D'un côté Diehl s'est
partiellement renouvelé en un groupe diversifié visant des marchés civils
pour les équipements automobiles et les métaux spéciaux pour la monnaie.
D’un autre côté, malgré son excellence dans quelques niches de
combinaisons de savoir-faire dans les munitions et l'électronique très
spécialisée, Diehl n'arrive pas à la masse critique considérée indispensable
pour survivre comme acteur indépendant dans les marchés nationaux et
internationaux d’acquisitions d’armement. Une partie de sa gamme de
produits rivalise directement avec celle de Rheinmetall. Les deux firmes
ont, par exemple, développé des systèmes de déminage presque identiques
pour les opérations de déminage d’après-conflit, mais aussi des munitions
sophistiquées semblables. La concentration dans ces domaines paraît
inévitable d'une façon ou d'une autre.
L’approvisionnement en matériels terrestres en Allemagne est
maintenant dominé par deux sociétés privées à capital familial, Wegmann
et Diehl, avec des obligations limitées de rapports, et Rheinmetall qui est
une société par actions dont la majorité est contrôlée cependant par la
famille Röchling. Diehl s'est transformé en une fondation qui contrôle un
conglomérat diversifié d’environ 50 petites et moyennes sociétés,
maintenant organisées dans quatre groupes indépendants, à savoir métaux,
technologie de la défense, avionique et systèmes de contrôle et instruments.
Le personnel total était de 12 000 employés à la fin de 1998, dont 1 000 à 2
000 dans la production militaire directe, Diehl étant de plus un fournisseur
militaire de second et troisième rang [Diehl, 1999].
Cette restructuration a été lancée par la famille Diehl en réaction au
déclin des profitables contrats de fournitures d’armements obtenus depuis
plus de quatre décennies des structures qui ne sont pas des structures de
marché et dépendent essentiellement du lobbying politique et d’une
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Naissance de l'Europe de l'armement page 214
politique militaro-industrielle dépassée, prolongeant les décisions
d’équipement du temps de guerre. Le fondateur de la société était déjà un
impitoyable profiteur des fournitures d'armement pendant la Seconde
Guerre mondiale. L'expansion extraordinaire de Diehl après celle-ci a
continué d’être fondée sur les fournitures militaires. Dans l'après-guerre,
Diehl a représenté le prototype de ces sociétés bavaroises dont le succès a
été fondé sur les liaisons politiques intimes avec la CSU sous Franz - Josef
Strauß, un temps influent ministre de la Défense (Lock/Voß 1994 p.346).
Pour réagir à la décroissance des achats d’équipements militaires, Diehl
s'est transformé de société privée à contrôle familial en fondation. La
fondation comme centre nerveux du conglomérat donnera à Diehl la
souplesse pour créer des sociétés par actions et être capable d'attirer des
investisseurs (éventuellement étrangers). Il est maintenant vraisemblable
que Diehl profitera de son rôle historique de producteur sous licence
préféré de la technologie américaine fournie à la Bundeswehr (Sidewinder,
Stinger, etc.) pour s’imposer comme tête de pont des alliances
transatlantiques à travers lesquelles les producteurs américains cherchent à
entrer dans les marchés européens d'acquisitions d’armement. Les liens
existants avec Lockheed (entre autres les productions sous licence) seront
un test de l'évolution à venir des stratégies transatlantiques dans l'industrie
d'armement. Sinon, les sites militaires de Diehl finiront par être absorbés
par Rheinmetall ou devront fermer.
L’avenir de Wegmann-Krauss-Maffei est légèrement plus flou, car
c'est pour l'instant un des principaux acteurs de la production militaire
(chars de bataille), avec une position forte. Dans sa structure actuelle, il
paraît impossible de défendre cette position forte, si une nouvelle
génération de technologie des chars venait à être demandée par les forces
armées. Comme société privée, il n’aurait pas la masse critique ni le capital
suffisant pour lancer une génération entièrement nouvelle de chars. Donc,
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 215
une consolidation, très probablement sous la forme d’une fusion avec
Rheinmetall qui est beaucoup plus développé, deviendrait impérative, dans
le cas - peu probable, il faut le dire - où de nouvelles générations de chars
de bataille auraient encore un avenir militaire. Cependant on doit souligner
que, au début de l’année 2000, les trois principaux fournisseurs allemands
de matériels militaires ne jouent pas tous dans la même catégorie :
Rheinmetall emploie 10 200 personnes dans la production militaire, alors
que Wegmann-Krauss-Maffei n’en a que 1 900 [Rheinmetall 11/1999] et
que pour Diehl l’évaluation est d’environ 2 000 personnes.
UNE STRATÉGIE DANS LE CONTEXTE ALLEMAND
Si on compare la stratégie de Rheinmetall avec celle des sociétés
qui, en Europe, avaient les mêmes fondements, on constate plusieurs
caractéristiques. Après la Seconde Guerre mondiale, la société n'est pas
passée sous le contrôle de l'Etat, ceci s’inscrivant dans une stratégie
gouvernementale claire de ces quarante dernières années de ne pas soutenir
de fournisseurs militaires défaillants. Cependant, cette politique
gouvernementale apparemment dure a été considérablement atténuée par
les procédures réelles de contrats, influencées par les pressions politiques.
Le fait que Diehl, un des fournisseurs survivants, maintienne encore un
bureau de liaison “indépendant” à Bonn [voyez : website www.diehl-
gruppe.de] où le ministère de la Défense continue à opérer, et à Koblenz,
où est installé le BWB, le bureau civil d'acquisition, éclaire ce qu’est la
culture de l'acquisition en Allemagne. De plus, les survivants actuels,
Rheinmetall et Diehl, ont très tôt incorporé stratégiquement le changement
majeur dans le paradigme de la technologie de défense dans leurs
productions, à la fois en se concentrant sur le développement et
l'intégration des composants électroniques, et en développant les synergies
civiles-militaires dans ce domaine.
Cahier d'études stratégiques N°27
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Le dernier rapport annuel de Rheinmetall insiste sur ce point : "Dans
le domaine de l'électronique que nous continuons à développer
systématiquement, nous élargissons continuellement notre place grâce à
l’approfondissement des connaissances et aux transferts internes de
savoir-faire et aux projets d'innovation qui touchent aussi bien nos
activités de technologies civiles que militaires." [Rheinmetall 1999, p.12].
Le rapport annuel continue: "Après 20 années de changement structurel,
nous sommes une entreprise aux risques diversifiés, présente dans les
domaines des équipements automobiles, de l’électronique, de la défense et
de l’ingénierie425. Nous ne sommes pas un conglomérat. Nous maintenons
nos racines dans la défense426. Mais nous ne sommes plus un fournisseur
d’armements. Nous tirons 80 % de nos profits des activités civiles427. Nous
devons et nous voulons grandir, parce que “la masse critique” de toutes
nos activités industrielles est irrévocablement en croissance."
[Rheinmetall, 1999, p.12].
La recherche-développement de Rheinmetall est orientée vers les
niveaux internationaux les plus hauts. Au début des années quatre-vingt-
dix, le PDG de Rheinmetall a souligné ce point et a même tourné en
dérision la bureaucratie des services d’acquisition allemands en disant
publiquement qu'elle n’était pas assez exigeante et que les forces armées se
satisfaisaient de spécifications militaires indiscutablement médiocres en
comparaison des niveaux courants de la plupart des systèmes civils. Alors
que beaucoup d'observateurs ont été choqués par cette déclaration, sa
logique anticipait en fait déjà les exigences de Rheinmetall pour réussir à
être le principal acteur international d’un marché européen consolidé qui,
425 Voir l'appendice 2.426 On peut noter que le mot utilisé dans le texte allemand est « defence » par opposition à « Verteidigung ». Cela souligne l’orientation vers l’internationalisation et en même temps minimise la dimension militaire dans le contexte allemand. 427 (ce qui implique que les activités de la défense pour l'instant peu performantes.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 217
comme il l’a pressenti clairement, demandera des solutions bien éloignées
des procédures routinières héritées de la guerre froide qui sont encore en
vigueur actuellement [Germershausen, 1993]. Une interprétation plus
générale de cette déclaration est aussi que le président a mis en lumière le
besoin d’adapter la technologie militaire à une absorption plus rapide de
l'innovation technologique venant du secteur civil de l'économie globale.
En cette fin de siècle, les principaux groupes industriels allemands,
même ceux dont les origines étaient dans la production d’armement, sont
sortis du secteur militaire. Cette liste comprend des noms aussi connus que
Siemens428, Thyssen, Krupp, IWKA, Mannesmann-Krauss-Maffei,
Ruhrstahl etc. Daimler-Chrysler, qui contrôle Dasa, est une exception.
Mais dans le cas de Dasa, il n’est pas faux de dire que l’impulsion
stratégique principale est l’aviation civile et l’espace, et que les contrats
pour les avions militaires ne sont rien d’autre qu’une forme de soutien à
l'industrie aéronautique déjouant les limites que l'Union européenne s'est
imposée à elle-même, dans un accord avec les États-Unis. En Allemagne,
même la construction navale s’est ouverte sur beaucoup de domaines dans
le but d’assurer la survie des chantiers navals dans les marchés civils très
compétitifs et volatils. L’exception notable est Lürssen - encore une
discrète société privée -, qui se spécialise dans les petits bâtiments
militaires pour exportation mais s’est aussi diversifié dans la construction
de yachts de luxe pour les magnats exotiques.
La liaison historique forte entre acier, fabrication de machines et
production d'armement en Allemagne après 1871 a complètement cessé
d’exister. La production d'armement dans le contexte allemand de l’après-
428 La récente prise de contrôle de Mannesmann par Vodaphone a entraîné une conséquence paradoxale puisque, après cette prise de contrôle, Vodaphone s'est débarrassé de ATEC, qui réunissait toutes les activités traditionnelles de Mannesmann, surtout dans les machines-outils, avec entre autres Krauss-Maffei. ATEC ayant été repris par Siemens-Bosch, Siemens se retrouve donc avec une participation minoritaire dans la production du char Leopard…
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 218
Seconde Guerre mondiale n'a jamais acquis plus qu'un statut de niche, pas
très petite parce que l’industrie manufacturière était en général une
composante beaucoup plus importante de l'économie que dans les autres
pays européens. Ce volume correspondant seulement à un statut de niche
dans l’industrie manufacturière allemande, équivalait à une branche déjà
considérable pour les secteurs industriels anglais ou français, beaucoup
plus réduits. Néanmoins, la rhétorique politique quant aux activités de
fabrication d'armement en a fait un élément essentiel, tourné vers l’avenir
du statut de l’Allemagne comme puissance industrielle globale. Les mythes
qui revendiquent pour cette activité le leadership de l’innovation
technologique se sont lentement écroulés pendant ces vingt-cinq dernières
années. Une approche plus réaliste s’est fait jour dans la transformation et
l’expansion de la Fraunhofer Gesellschaft429 en un élément majeur du
système allemand de l'innovation. Il est vrai que la plupart des industriels
de l'acier et des machines-outils, ayant joué un rôle historique dans
l’armement, n’ont pris qu’une part limitée aux fournitures pendant les
quinze premières années, mais beaucoup ont commencé à sortir du secteur
à partir de 1970 simplement en fermant des chaînes de fabrication ou en
liquidant des unités de production. C’est dans ce mouvement général que la
société bavaroise Diehl est devenue le premier producteur de chenilles pour
les véhicules militaires blindés avec une usine située en plein cœur de la
Ruhr, rachetée au groupe Ruhrstahl.430
La saga du lobby militaro-industriel en Allemagne insiste sur le fait
que la politique restrictive d'exportation d'armement aurait gêné le
429 Institution bavaroise de recherche scientifique, la Fraunhofer Gesellschaft reçoit au début de son existence beaucoup de crédits du ministère de la Défense, étant donné l’importance de l’industrie d’armement en Bavière. Dans les années soixante, la tutelle financière de la Fraunhofer Gesellschaft passe à l’Etat fédéral, qui infléchit son activité vers la recherche appliquée en lien avec le secteur privé. La recherche militaire se réduit très fortement et ne représente plus qu’une part marginale.430 Ce fabricant d’acier a été un acteur important de la production d’armement en Allemagne, puis il sort du secteur en cédant ses activités à Diehl.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 219
développement de l'industrie. Pourtant, les industries qui fournissent les
forces terrestres ont acquis une place dominante comme exportatrices dans
les pays européens de l'OTAN dans une large gamme de produits depuis le
char Léopard jusqu'au G-3, et l'industrie navale a dépassé ses rivales
britannique et française dans les marchés internationaux. Comme il n'y a
aucune production autonome d'avions de combat en Allemagne, les
exportations ont été réalisées par les pays partenaires de la coproduction.
Donc, à l'exception431 des marchés généralement considérés comme très
avantageux des pays opposants à Israël qui, pour des raisons politiques,
sont restés hors des limites des exportations allemandes d'armement, il n'y
a qu'un très petit nombre d'occasions lucratives d'exportation qui aient été
manquées par les fabricants allemands d'armement par suite de ces
règlements d'exportation soi-disant restrictifs.
A partir de 1980, potentiellement, tous les industriels ont commencé
à se diversifier dans les marchés civils, principalement en achetant des
unités dans ces productions. Et c'est seulement dans les années quatre-
vingt-dix que des sociétés comme Rheinmetall et Diehl ont commencé à
explorer intensivement les synergies entre leurs savoir-faire militaires et les
applications civiles potentielles. Les domaines les plus évidents étaient
ceux des technologies du contrôle et de l'observation, applicable dans le
marché de la sécurité civile en croissance rapide. Mais ces efforts n'ont
rencontré que des succès modestes.
L'industrie de l'aviation militaire est un cas à part. Elle est restée loin
derrière celle du Royaume-Uni et de la France. A l'heure actuelle, la
compétence technologique propre de Dasa n'est pas complètement au
niveau de celle de ses partenaires britannique et français. La question de la
diversification ne joue pas et pratiquement toutes les productions, civiles et
431 Il existe quelques exceptions non négligeables, comme la livraison de chars Fuchs (chars conçus pour la détection d’armes chimiques) à l’Arabie saoudite.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 220
militaires, sont réalisées en coproduction internationale.
Un trait commun de ces sociétés allemandes restées dans le domaine
du matériel d'armement terrestre est qu'elles sont ou bien des sociétés
privées (Wegmann, Diehl) ou bien des sociétés par actions, mais à contrôle
quasi privé (Rheinmetall). De plus, au moins deux d'entre elles (Diehl et
Rheinmetall) ont un bon niveau dans la diversification vers les marchés
civils, mouvement commencé bien avant la fin de la guerre froide et qui
leur a donné une grande flexibilité pour réagir à la contraction de la
demande militaire. La volonté de survivre et finalement de s'étendre dans le
processus prévisible de consolidation des fabrications d'armement à
l'intérieur de l'Union européenne et au-delà commence à être coûteuse.
Soutenir une telle stratégie pèse négativement sur les résultats courants par
rapport aux moyennes de l'industrie. Les sociétés privées ou quasi privées
ne sont pas, elles, soumises aux insistances des actionnaires qui
généralement veulent des plus-values à court terme. Le fait est que
Rheinmetall peut agir avec horizon de plus long terme que celui des
sociétés par actions normales, presque comme une société privée. Un autre
facteur important peut être la nécessité d'acquérir la masse critique
nécessaire pour ne pas être évincé de l'ensemble des intégrateurs de
systèmes militaires. Là, il semble que Rheinmetall ait clairement pris la
première position, en particulier en ce qui concerne le profil international
déjà réalisé de son activité militaire, comparé à ses rivaux allemands
Wegmann et Diehl.
Plus généralement, pour gagner dans cette lutte pour la vie comme
intégrateur de systèmes militaires dans les marchés européens d'acquisition
dans les dix années à venir, il faudra des ressources financières
extraordinaires et une grande vigueur entrepreneuriale. Il ne sera pas facile
de convaincre les marchés financiers traditionnels de fournir le
renforcement en capital indispensable et ce pour un horizon temporel
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 221
forcément étendu. Il peut exister deux situations alternatives susceptibles
de procurer ces fonds : soit des aides gouvernementales substantielles
apportées de manière déguisée à des “champions nationaux”432, soit un
marché protégé, stable, avec des marges élevées. Toutes les deux sont
fondamentalement des choix politiques. Est-ce que les prochains
gouvernements joueront encore la carte nationale et choieront les
“champions nationaux” comme dans le passé ? Et est-ce que les dictatures
grandes consommatrices d'armements de pays exportateurs de pétrole
continueront à procurer des marchés privilégiés pour certains champions
nationaux ?
On peut aussi prendre en considération des paramètres plus
généraux comme les barrières à l'entrée pour les nouveaux venus quant au
niveau de savoir-faire nécessaire pour maîtriser certains éléments de
production, ou bien au contraire l'évolution en sens inverse qui est que la
technologie de pointe civile va prendre le pas sur la spécificité des savoir-
faire militaires. Même s'il semble que cette dichotomie simplifie à
l'extrême les questions en jeu, une observation prudente de ces sujets aidera
à mettre en évidence la logique des changements profonds et continus du
mode d'acquisition d'armement des pays membres de l'Union européenne.
Dans une perspective allemande, les spécificités du “capitalisme
rhénan” et les traditions de “Mittelstand”433 n'ont cependant pas perdu toute
signification, face à l'attaque massive du capital financier, perçue comme
un paradigme anglo-saxon alternatif souvent présenté comme l'unique
déterminant du destin économique.
432 On sait qu'une part notable de la prospérité du groupe BAe Systems vient du contrat Al Yamamah signé entre la Grande-Bretagne et l'Arabie saoudite et qui assure depuis le milieu des années quatre-vingt 2 à 3 milliards de livres de chiffre d'affaires annuel au groupe britannique, avec des marges considérées généralement comme très substantielles.433 il n’existe pas véritablement de terme en français pour désigner ces entreprises de taille moyenne à capital et contrôle familiaux historiques, qui dominent particulièrement le secteur de la machine-outil en Allemagne.
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 222
APPENDICE 1: LE GROUPE RÖCHLING :
Au XIXe siècle, c'est une dynastie de l'acier, se développant
verticalement, installée d'abord dans la Sarre à Völklingen et ayant aussi
des intérêts en Lorraine.
Après 1945 : c'est un groupe organisé autour d'un holding familial,
avec quelques difficultés de redémarrage dans la période de séparation de
la Sarre jusqu'en 1954.
De 1954 à 2000 : évolution fondamentale d'un groupe sidérurgique
allemand vers un holding diversifié de hautes technologies
Le holding familial (183 personnes en 1999*) contrôle deux groupes
Gebr, Röchling Mannheim
(holding familial: 100 % )
Röchling
Industrieverwaltung
GmbH Mannheim
(holding familial: 100 % des actions ordinaires + 50
% des actions préférentielles)
Technologies de la
Communication
Technologies du
Contrôle
Synthetics Bois et métal
Automation Rheinmetall
DETEWE Gossen-Metrawatt
Röchling Haren
Depalor S.A.(F)
Funke + Huster Voir annexe
2Francotyp Camille Bauer (CH)
Sustaplast KG
WKP GmbH.
Fernsig GmbH
Postalia GmbH
Bertram GmbH
MKV-Medilast
CDM Laminates(Canada)
Röchling Services
technologiques
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 223
Voigt &
Haeffner
Wilh.Lambrecht
GmbH.
Seeber-
Gruppe
Röchling
Kalt-
Walzwerk
KG
BEA AG Röchling Getriebe
Total (1998) :.40 000 salariés ; 11 milliards de DM de chiffre d'affaires dont plus de 50 % à l'étranger
En italique : les sociétés sidérurgiques (déjà contrôlées avant la Seconde Guerre mondiale.).
Note : plusieurs sociétés plus petites, peu connues, ne sont pas incluses dans ce tableau
Source : Röchling, 1999, Röchling-Gruppe, 1998.
APPENDICE 2 : ORGANISATION DU GROUPE
RHEINMETALL
(Röchling Industrial Administration GmbH (65 % actions à droits de vote,
9.2 % des actions sans droits de vote)
Rheinmetall AG
Kolbenschmidt-
Pierburg
(équipements
automobiles)
74 % Rheinmetall
Rheinmetall
Elektronik AG
(électronique;
sécurité civile)
67 % Rheinmetall
33 % Energie Baden-
Würtemberg AG
Rheinmetall
DETEC AG
(technologie
militaire)
100 % Rheinmetall
Jagenberg
(ingénierie)
vendu en 1999 à
IWKA en échange de
Mauser
Systèmes et
dispositifs d'armes et
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 224
de munitions.
Oerlikon-Contraves
(Suisse, Italie).
Ne sont pas inclus
dans les comptes
consolidés :
Mauser (Oberndorf)
Eurometaal (Pays-
Bas).
STN Atlas
Electronik 51 %,
BAe-Systems 49 %
Chiffre d'affaires 1,6
milliard de DM
Effectifs : 4 400
Systèmes navals.
Systèmes pour forces
terrestres et aériennes
Simulation
Electronique navale
Chiffre d'affaires :
3 milliard de DM
Chiffre d'affaires :
1,4 milliard de DM
Chiffre d'affaires :
3,6 milliard de DM
STN Atlas non
compris
Chiffre d'affaires :
1 milliard de DM
Salariés : 12 500 Salariés : 6 000 Salariés : 10 200
STN Atlas non
compris
Salariés : 3 600
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 225
SOURCES :
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Brockhaus’ Konversations-Lexikon, 20 volumes, Leipzig, 1908.
Brzoska, Michael, Zusammenhang zwischen zivilen und militärischen Hochtechnologien, Ein Literaturbericht zur sozialwissenschaftlichen Forschung mit besonderer Berücksichtigung der Luftfahrtforschung und Industrie, Bonn, BICC, 1998.
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"Disziplin, Fleiß, Pünktlichkeit, Rheinmetall-Vorstandchef Hans U. Brauner über sein Verhältnis zu internationalen Fundsmanagern, Mitarbeitern und dem Großaktionär Röchling", in : Wirtschaftswoche, n°40, 30 septembre 1999.
Ehrensberger, Wolfgang, "Rüstungskonzern Diehl schließt Standorte", in: Die Welt, 13 septembre 1999.
Gander, J. Terry, Hogg, Ian V. (eds.), Jane’s Infantry Weapons 1995/96, Coulsdon, Surrey, 1995.
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Germershausen, Raimund, "Die Bedeutung von Forschung und Entwicklung für die deutsche wehrtechnische Industrie", in neuem Rahmen, Vortragsmanuskript (Studiengesellschaft der DWT 7/8. Juin 1993, mimeo.
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Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 226
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Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 227
ANNEXE : RÉSULTATS 1994-1998 DES FIRMES
FRANÇAISES D'ARMEMENT434
434 Jean-Paul Hébert, à partir des rapports annuels des firmes
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Naissance de l'Europe de l'armement page 228
NOM Aérospatiale SNI
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
4698,02 4064,14
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
-0,9147 -500,34
Effectif total en fin
d'exercice
Effectif total moyen 24508 23388
Exportations en millions
d'euros
2184,9
Dépenses de R&D en
millions d'euros
1581,2 1415,03
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
1614,44 1354,51
EBE (millions d'euros) 277,762 72,8706
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
729,316 802,034
Nombre d'actions (en
millions)
46,078 46,078 46,078 46,078 46,078
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
-0,0198 -10,859 2,68615 4,69086 3,43163
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 229
NOM Aérospatiale groupe
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
Chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
1939,15 1804,84 1765,82 1798,75
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
7403,38 7504,46 7757,37 8581,81 8379,82
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
-81,56 -219,83 123,789 216,173 158,09
Effectif total en fin
d’exercice
37087 36647
Effectif total moyen 39556 38666 38260
Exportations en millions
d’euros
5095,91 5287,08 5823,55 6433,35 6239,89
Dépenses de R&D en
millions d’euros
815,14 832,67 924,908 1029,95 1276
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
2477,14 2530,65 2553,06 2703,53 2692,71
EBE (millions d’euros) 413,747 469,086 403,99 473,049 541,804
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
875,82 871,551 817,737 1014,85 1131,17
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 230
NOM Alcatel (société-mère)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
801 918 901
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
630 407 4069
Nombre d’actions (en
millions)
146,5 150,6 161,8 163,2 198,7
Cours moyen (en euros) 93,6037 68,907 67,23 105,8 140,5
Gain par action après
amortissement (en euros)
3,72 2,51 1,61 4,3 20,81999
99
Dividende distribué par
action (en euros)
2,28 1,22 1,52 1,76 2
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 231
NOM Alcatel (groupe)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
1524,49 1615,96
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
25557 24455,3 24712,3 28335,4 21259,2
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
551,865 -3900,1 415,424 711,175 2339,94
Effectif total en fin
d’exercice
196900 191830 190600 189500 118000
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
18503,2 18397,9 19275,5 23085,5 17645,1
Dépenses de R&D en
millions d’euros
2469,83 2525,78 2500 2800
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
406,734 1301,76 958,447
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 232
NOM CEA-Industrie
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
Nombre d’actions (en
millions)
27,985 27,985 27,985 27,985 27,985
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
3,953 2,10532 2,54285 9,31006 2,62822
Dividende distribué par
action (en euros)
2,21051 3,4301 3,75025 4,31431 6,18943
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 233
NOM CEA-Industrie (consolidé)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
7696,54 7961,04 8078,73 8171,88 7844,87
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
203,215 271,359 250,779 289,348 287,519
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen 42901 44302 43587 42106 50481
Exportations en millions
d’euros
3721,28 2947,91 3263,48 3290 3702,07
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
3735,15 4349,52 4492,67 4376,81
EBE (millions d’euros) 1534,86 2069,34 2241,76 2022,24
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
1496,13 1877,26 2071,02 2187,95
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 234
NOM Dassault Aviation
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
1125,23 960,429 954,331 1665,66
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
1554,83 1495,68 1526,17 2540,72 2669,23
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
40,0941 43,9053 146,046 152,144 183,854
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen 9381 9299 9233 9092 9082
Exportations en millions
d’euros
579,154 786,942 938,933 2043,43 2182,61
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
84,4568 78,9686 121,197 228,064 270,902
Nombre d’actions (en
millions)
10,126 10,126 10,126 10,126 10,126
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
3,96367 4,26857 14,4827 14,94 18,1414
Dividende distribué par
action (en euros)
1,29582 1,29582 4,80214 5,03082 6,00649
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 235
NOM Dassault Aviation (groupe)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
1134,68 967,746 960,124 1666,12 1694,62
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
1923,3 1767,34 1981,84 3208,59 3441,08
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
65,4006 80,1882 174,859 200,623 205,959
Effectif total en fin
d’exercice
11874 11977 12044 12583 11632
Effectif total moyen 11861 12068 12259 11582
Exportations en millions
d’euros
920,487 1018,66 1323,87 2685,54 2811,77
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
157,785 146,046 205,654 304,898 382,799
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 236
NOM Dassault Electronique
Année du résultat 1994 1995 1996 1997
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
351,852 424,723 457,347
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
418,777 467,561 450,639 488,904
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
14,6351 18,599 18,1414 18,4463
Effectif total en fin
d’exercice
2796 2816 2738 2594
Effectif total moyen 2804 2640
Exportations en millions
d’euros
78,0539 160,071 180,652 249,407
Dépenses de R&D en
millions d’euros
48,0214 45,2774 61,437
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
105,19 70,5839 83,9994 77,1392
Nombre d’actions (en
millions)
4,709 4,709 4,709 5,17
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
3,12063 3,95453 3,86001 3,56883
Dividende distribué par
action (en euros)
0,65553 0,65553 0,97567 1,06714
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 237
NOM Dassault Electronique (groupe)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
418,015 466,189 446,066 487,684
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
620,925 648,518 695,015 749,439
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
9,60429 -3,2014 17,8365 19,8184
Effectif total en fin
d’exercice
4087 3968
Effectif total moyen 4077 4113 4085
Exportations en millions
d’euros
134,308 210,837 307,032 372,281
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
137,661 92,9939 95,1282 117,386
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 238
NOM DCN
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
2286,74 2231,85 2195,27 2012,33 1656,82
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
2332,47 2277,13 2241 2012,33 1708,04
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
8,68959 -7,9273 -28,813
Effectif total en fin
d’exercice
23170 22478 20397 19276 17581
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
256,572 273,189 386,001 382,342 171,048
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 239
NOM Eurocopter holding
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
Effectif total en fin
d'exercice
Effectif total moyen
Exportations en millions
d'euros
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
-0,2744 -0,2287
EBE (millions d'euros) -0,5336 -0,8232
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
Nombre d'actions (en
millions)
37,206 37,206 37,206 37,206 37,206
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
-0,2165 -0,0061
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 240
NOM Eurocopter groupe
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
729,316 749,134 682,514 748,83
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
1402,53 1420,37 1447,35 1555,44 1701,94
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
-44,972 -447,9 -43,6 2,89653 50,4606
Effectif total en fin
d'exercice
10023 10209 9709 9297 9651
Effectif total moyen
Exportations en millions
d'euros
771,392 905,852 918,658
Dépenses de R&D en
millions d'euros
247,12
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
654,616 735,719
EBE (millions d'euros) 111,135 189,342
MBA (millions d'euros) 48,7837 140,863
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
Nombre d'actions (en
millions)
37,206 37,206 37,206
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 241
NOM Eurocopter (France)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
920,792 921,402 989,851 1041,23 1182,09
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
-47,259 -303,37 -22,867 19,361 40,399
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen 6664 6406 6065 5818 5894
Exportations en millions
d’euros
Dépenses de R&D en
millions d’euros
47,869 41,1612 60,2174 49,241 47,5641
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
364,201 372,433 355,206 432,498 480,824
EBE (millions d’euros) 90,7072 125,923
MBA (millions d’euros) 53,0523 109,458
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
20,4282 -56,406 -6,098 53,0523 109,458
Nombre d’actions (en
millions)
36,078 36,078
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
-1,2775 -8,1987 -0,6174 0,53815 1,12202
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 242
NOM GIAT Industries
Année du résultat 1994 1995 1996 1997
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
782,063 910,121
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
823,225 929,939
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
Effectif total en fin
d'exercice
Effectif total moyen
Exportations en millions
d'euros
452,774
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
EBE (millions d'euros)
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
Nombre d'actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 243
NOM GIAT Industries groupe
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
998,541
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
1265,33 1280,57 1021,41 1100,07
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
-1570,2 -317,09 -434,48 -133,24
Effectif total en fin
d’exercice
11228 11128 10900 10273
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
510,704 659,952
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 244
NOM Intertechnique
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
37,9598 34,301 32,1667 28,8129
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
94,2135 98,3296 103,056 117,691 132,173
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
1,52449 10,6714 3,20143 8,3847 8,23225
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen 852 848 836 835 829
Exportations en millions
d’euros
36,5878 36,2829 41,3137 49,6984 56,711
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
62,809 65,2482 70,5839 80,798
EBE (millions d’euros) 21,1904 22,2576 26,3737 34,4535
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
22,8674 19,0561 24,3918 30,3374
Nombre d’actions (en
millions)
1,103 1,103 1,103 1,104 1,108
Cours moyen (en euros) 91,4694 77,749 95,2806 171,505 251,541
Gain par action après
amortissement (en euros)
1,33698 9,65002 2,93922 7,55842 7,36939
Dividende distribué par
action (en euros)
0 2,07331 2,28674 3,81123 4,57347
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 245
NOM Intertechnique (consolidé)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
76,6819 75,6147 71,3461
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
205,501 226,082 256,267 289,958 333,254
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
0,48784 3,81123 6,86021 12,0435 14,94
Effectif total en fin
d’exercice
2378 2510 2495 2530 3040
Effectif total moyen 3026
Exportations en millions
d’euros
76,6819 106,105 134,765 169,981
Dépenses de R&D en
millions d’euros
28,8129
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
148,333 167,389 183,854 212,209
EBE (millions d’euros) 42,5333 53,5096 65,7055 81,8651
MBA (millions d’euros) 38,1123
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
39,3318 41,4661 54,2719 62,3516
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 246
NOM Labinal
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
214,038 225,929 259,011 297,428
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
20,5806 24,3918 25,6114 24,0869
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen 2477 2480 2561 2706
Exportations en millions
d’euros
40,2465 39,4843 63,8761 86,7435
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
41,6186 33,9961 39,4843 37,35 13,1106
Nombre d’actions (en
millions)
4,108 4,108 4,108 4,108 4,108
Cours moyen (en euros) 116,776 103,513 117,005 211,294 254,742
Gain par action après
amortissement (en euros)
5,50646 4,99423 5,94246 6,22907 5,92722
Dividende distribué par
action (en euros)
3,27765 3,27765 3,27765 4,11612 4,7
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 247
NOM Labinal (consolidé)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
1579,52 1776,49 1951,5 2343,29
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
23,1723 30,6423 62,9614 73,6329
Effectif total en fin
d'exercice
17491 18844 21913 26206
Effectif total moyen 17420 18852 20793 25559
Exportations en millions
d'euros
891,522 1066,23 1240,78 1403,45
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
EBE (millions d'euros)
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
184,158 131,564 111,288 140,71 160,071
Nombre d'actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
17,9432 4,36004 5,65586 7,47 15,3211
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 248
NOM Lagardère groupe (ex Matra-hachette)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
701,265 747 930,091 1171,27 1320,82
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
8082,54 8015,62 8598,28 10046,8 10692
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
93,7561 96,0429 158,242 210,38 280,049
Effectif total en fin
d'exercice
40326 43622 47172 46230 49961
Effectif total moyen
Exportations en millions
d'euros
4158,66 4082,89 4697,11 5707,39 6254,98
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
EBE (millions d'euros)
MBA (millions d'euros) 424,113 401,856 482 589 526
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
Nombre d'actions (en
millions)
85,763 85,767 97,012 119,455 119,96
Cours moyen (en euros) 20,6965 15,6901 20,77 26,5 32,68
Gain par action après
amortissement (en euros)
1,11 1,14 1,68 1,8 2,38
Dividende distribué par
action (en euros)
0,43 0,46 0,56 0,67 0,78
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 249
NOM Matra Hautes technologies
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
701,265 747 930,091 1171,27 1320,82
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
2586,75 2536,75 2979,16 3156,3 3197,01
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
88,4204 71,0412 95,1282 322,125 343,01
Effectif total en fin
d’exercice
17974 18493 20589 19401 17752
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros) 112,965 103,513 155 239 231
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 250
NOM Messier Bugatti
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
57,9306 63,7237 50,1557 37,5025
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
220,746 223,033 219,527 246,053 278,372
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
3,04898 2,95751 8,81155 12,3484 14,7876
Effectif total en fin
d'exercice
1273 1253 1170 1375 1428
Effectif total moyen 1295 1228 1288 1406
Exportations en millions
d'euros
98,9394 96,0429 109,153 119,825 162,358
Dépenses de R&D en
millions d'euros
11,5861 13,7204 11,7386 22,41 22,41
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
89,0302 92,2317 87,0484 100,159 107,477
EBE (millions d'euros) 28,2031 28,508 25,7639 29,88 33,3863
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
21,8002 36,2829 30,3374 24,2394 34,1486
Nombre d'actions (en
millions)
6,706 6,706 6,706 10,106 10,106
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
0,4604 0,44058 1,31411 1,21349 1,46808
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 251
NOM RVI
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
2516,32 3168,65 2696,21 2876,41 3421,72
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
-19,209 135,07 -125,92 -57,931 128,057
Effectif total en fin
d’exercice
14976 15597 14810 13929 11443
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
-12,806 151,687 0 21,1904 110,526
Nombre d’actions (en
millions)
30,426 30,426 30,426 30,426 30,426
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
-0,6342 4,43932 -4,1375 -1,9041 4,20912
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 252
NOM RVI (groupe)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
150,925 167,694 99,0919 76,2245 106,714
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
4514,17 4957,95 4649,7 5229,15 6173,58
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
52,29 108,544 -120,59 -48,936 130,954
Effectif total en fin
d’exercice
25167 25812 26049 25860 25635
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
2741,19 2977,02 2839,82 3475,53 4123,29
Dépenses de R&D en
millions d’euros
174,707 191,476 181,109 141,168 144,827
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
255,962 32,4716 116,166 316,789
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 253
NOM Sagem SA
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
307,795 330,357 469,391 481,586 343,01
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
1001,13 1262,74 1425,25 1714,14 2742,71
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
39,1794 52,5949 104,123 74,7 118,148
Effectif total en fin
d'exercice
5785 6831 8458 8247 12785
Effectif total moyen 5692 6739 8040 8294 12686
Exportations en millions
d'euros
310,539 462,988 572,751 720,931 1144,43
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
400,026 462,835 520,918 595,923 889,388
EBE (millions d'euros) 155,041 242,089
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
84,1519 96,5002 109,916 121,045 166,779
Nombre d'actions (en
millions)
2,719 2,719 2,991 3,988 4,21
Cours moyen (en euros) 408,411 340,724 465,656 447,057 557,963
Gain par action après
amortissement (en euros)
10,7934 14,504 15,1412 18,7238 28,0704
Dividende distribué par
action (en euros)
3,4301 3,735 3,96367 4,19235 4,57347
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 254
NOM Sagem (groupe)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
460,244 487,837 540,737 559,335 513,601
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
2087,18 2298,32 2349,09 2554,59 2859,18
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
90,5547 97,7198 60,3698 106,409 121,502
Effectif total en fin
d’exercice
14083 14684 14350 13916 13988
Effectif total moyen 14276 14623 14640 14190 13977
Exportations en millions
d’euros
625,498 769,563 856,916 1016,83 1212,73
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
891,217 916,219 928,11 946,556 962,258
EBE (millions d’euros) 238,735 268,92
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
191,171 171,353 197,574 184,463 200,166
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
29,3464 31,5722
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 255
NOM Sfim
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
Effectif total en fin
d’exercice
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
2,46967 1,85988
EBE (millions d’euros) 1,21959 0,45735
MBA (millions d’euros) 4,26857 4,57347 6,09796
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
4,26857 4,57347 6,09796 0,85371 -2,7441
Nombre d’actions (en
millions)
0,714 0,738 0,755 0,755 0,755
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
5,04301 5,03692 -51,528 5,11924 -149,55
Dividende distribué par
action (en euros)
4,57347 4,57347 0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 256
NOM SFIM (groupe)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
151,382 175,316 182,177 128,972 120,435
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
256,572 296,818 285,537 258,096 242,394
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
1,37204 3,81123 -41,466 2,28674 -108,09
Effectif total en fin
d’exercice
2317 2106
Effectif total moyen 2611 2722 2737 2392 2178
Exportations en millions
d’euros
87,2008 102,751 103,056 180,652 91,1645
Dépenses de R&D en
millions d’euros
64,6384 92,9939 85,6763 83,2372
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
141,32 117,081
EBE (millions d’euros) 16,6169 0,59455
MBA (millions d’euros) 12,0435 18,2939 8,0798
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
12,0435 18,9037 7,47 7,01265 -21,19
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 257
NOM Snecma
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
498,813 365,878
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
1583,49 1320,06 1394,3 2646,97 3306,62
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
-332,19 -189,65 -72,413 167,389 247,272
Effectif total en fin
d'exercice
Effectif total moyen 12479 12010 11379 14241 13839
Exportations en millions
d'euros
1103,12 940,915 1099,16 1741,12 2395,89
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
835,421 437,224 493,935 1040,31 1291,4
EBE (millions d'euros) 199,861 -164,04 -100,46 221,508 455,823
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
286,604 -30,185 -63,419 182,329 400,484
Nombre d'actions (en
millions)
18,006 18,006 18,006 18,006 18,006
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
-18,452 -10,528 -4,0186 9,30091 13,7341
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 258
NOM Snecma groupe
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
908,596 460,091 713,004 808,437 868,045
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
2884,64 2743,47 2852,17 3514,71 4339,92
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
-347,28 -150,62 -59,455 114,337 248,339
Effectif total en fin
d’exercice
21300
Effectif total moyen 23716 21944 21044 20262 23111
Exportations en millions
d’euros
1554,22 1429,97 1693,56 2412,35 3099,29
Dépenses de R&D en
millions d’euros
940,915 923,993
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
1592,18 1455,74 1532,42 1762,16 1917,96
EBE (millions d’euros) 404,905 305,05 374,262 578,087 658,885
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
454,298 379,751 376,854 491,038 520,461
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 259
NOM SNPE sa
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
171,81 171,048 153,211 138,576
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
346,974 331,882 291,787 293,769 301,087
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
18,5988 10,6714 4,26857 6,70776 14,3302
Effectif total en fin
d’exercice
2278
Effectif total moyen 3567 2838 2433 2240
Exportations en millions
d’euros
79,4259 79,2735 91,0121 93,1463
Dépenses de R&D en
millions d’euros
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
164,95 153,211 143,455 142,235 139,796
EBE (millions d’euros) 20,7331 19,9708 26,831 26,831 25,9163
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
40,5514 38,4172 28,6604 27,5933 37,5025
Nombre d’actions (en
millions)
1,842 1,842 1,842 1,842 1,842
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
10,0708 5,7641 2,33399 3,6481 7,77185
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0 0 0
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 260
NOM SNPE groupe
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
242,546 231,875 206,721 207,636 150,467
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
662,086 667,574 700,656 744,561 794,107
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
21,6478 5,64061 5,79306 7,62245 14,0253
Effectif total en fin
d’exercice
5890 5725 5202 5161 5184
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
295,446 269,53 289,501 350,785 394,081
Dépenses de R&D en
millions d’euros
105,952 104,732 95,8904 77,9014 80,0357
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
297,428 302,154 308,557 323,344 327,46
EBE (millions d’euros) 68,4496 69,6692 75,6147 82,9323 80,798
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
66,0104 63,2663 63,1139 63,7237 70,8888
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 261
NOM Thomson-CSF SA
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
2392,23 2392,23
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
-383,41 -383,41
Effectif total en fin
d'exercice
Effectif total moyen 16583 16583
Exportations en millions
d'euros
1076,44 1076,44
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
EBE (millions d'euros)
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
Nombre d'actions (en
millions)7
115,045 116,693 119,543 119,543 144,566
Cours moyen (en euros) 26,3813 19,6583 21,4953 26,1374 30,9837
Gain par action après
amortissement (en euros)
-1,2486 -1,0168 0,94976 2,70597 -1,6038
Dividende distribué par
action (en euros)
0,3049 0,39637 0,42686 0,54882 0,54882
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 262
NOM Thomson-CSF consolidé
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d’affaires militaire
en millions d’euros
3605,88 3517,46 3538,8 3759,39 3272,32
Chiffre d’affaires total en
millions d’euros
5547,62 5411,48 5529,48 5874,01 6174,79
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d’euros
-146,66 -120,59 113,575 323,497 -231,87
Effectif total en fin
d’exercice
46823 48860 46500 44838 48850
Effectif total moyen
Exportations en millions
d’euros
2997,15 3094,72 3460,59 4176,49 4274,98
Dépenses de R&D en
millions d’euros
1250,08 1234,84 1189,1 1189,1 1524,49
Valeur ajoutée (millions
d’euros)
EBE (millions d’euros)
MBA (millions d’euros)
Capacité d’autofinancement
(millions d’euros)
Nombre d’actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 263
NOM Turboméca
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
55,1865 53,3572
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
306,88 301,849 339,352 333,406 427,924
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
-34,758 -28,965 -35,063 -0,7622 26,831
Effectif total en fin
d'exercice
3745 3517 3410 3184 3461
Effectif total moyen 3786 3585 3235 3390
Exportations en millions
d'euros
182,177 177,756
Dépenses de R&D en
millions d'euros
91,0121 87,2008 74,5476 57,6257 60,9796
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
171,2 156,108 166,017 177,146 224,71
EBE (millions d'euros) -2,1343 -16,312 -4,8784 22,41 54,7292
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
-0,4573 -17,227 -9,4518 5,79306 47,1067
Nombre d'actions (en
millions)
2,082 2,082 2,082 2,271 2,271
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
-16,681 -13,941 -16,847 -0,3537 11,9825
Dividende distribué par
action (en euros)
0 0 0 0 0
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Naissance de l'Europe de l'armement page 264
NOM Turboméca (groupe)
Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998
chiffre d'affaires militaire en
millions d'euros
Chiffre d'affaires total en
millions d'euros
359,627 369,079 405,209 391,794 482,501
Résultat net (pdg : part du
groupe) en millions d'euros
-35,673 -27,288 -34,453 2,13429 29,1178
Effectif total en fin
d'exercice
4403 4197 4092 3888 4183
Effectif total moyen 4185 4152 3927 3913
Exportations en millions
d'euros
205,044 260,383 259,621 326,241
Dépenses de R&D en
millions d'euros
Valeur ajoutée (millions
d'euros)
201,233 192,848 200,318 209,77 258,096
EBE (millions d'euros) 3,50633 -6,098 2,13429 27,7457 60,3698
MBA (millions d'euros)
Capacité d'autofinancement
(millions d'euros)
Nombre d'actions (en
millions)
Cours moyen (en euros)
Gain par action après
amortissement (en euros)
Dividende distribué par
action (en euros)
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Naissance de l'Europe de l'armement page 265
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 266
INDEX
A400M,120ACSI,122ADI,59Aérospatiale-Matra,7, 16, 19, 39, 40, 80, 85Agusta,9, 21Airbus,14, 20, 36, 41, 58, 67, 78, 107, 108, 109, 119, 120, 121, 132, 140, 144Alcatel,7, 35, 44, 45, 46, 77, 110, 111, 112, 113, 114, 116, 118, 123, 144, 148Alenia Aerospazio,15, 18, 19, 21, 40, 41, 50, 58, 75, 76, 77, 78, 126, 147Alenia Difesa,21, 50, 148AlliedSignal,34, 93, 95, 98, 100, 101, 106, 108, 117, 125, 127, 141, 142Alvis,25, 82Amraam,146Amsar,77Antonov,78Apache,10, 70Aster,74, 75Astrium,18, 20, 67, 68, 136Astrolink,125ATCS,23ATF,72, 78, 120, 146ATR,40, 58Avondale,103Bayern Chemie,38Bazan,22, 32, 33, 67Bell,9, 55, 96, 126, 146BGT,74BNFL,43, 46Boeing,9, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 41, 56, 60, 61, 66, 78, 94, 102, 103, 104, 105, 116, 118,
119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 130, 132, 135, 142, 144, 145, 148, 149Bofors,50Bremer Vulkan,24Casa,14, 22, 123, 147CBS,43, 94, 122CEA,43, 44, 45, 47CEA-Industrie,43Celerg,39Celsius,22, 31, 63Ceridant,101Coltec,101Comsat,101, 141Cordant,109DaimlerChrysler,14, 16, 17, 20, 53, 96, 135Dasa,7, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 20, 38, 39, 53, 54, 63, 66, 71, 77, 87, 121, 123, 125, 139
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Naissance de l'Europe de l'armement page 267
Dassault Aviation,39, 63, 64, 71Dassault Electronique,35DCN,31, 32, 33, 37, 48, 68Denel,61, 62Diehl,125Dornier,77EADS,8, 16, 17, 18, 20, 39, 65, 66, 67, 68, 73, 79, 136, 147, 149Embraer,40, 41, 63E-Systems,95, 105Eurocopter,9, 14, 54, 55, 76Eurofighter,14, 123, 146F-16,146Fairchild-Dornier,41, 127Fiat,20, 50, 51, 53Fincantieri,67, 80Finmeccanica,9, 18, 19, 20, 21, 66, 80, 110, 123, 147Fokker,36Framatome,35, 43, 44, 45, 46, 68FSAF,74, 86Galileo,50, 78GEC,10, 12, 14, 15, 21, 23, 30, 37, 65, 66, 77, 80, 94, 95, 114, 115, 126, 138General Dynamics,12, 93, 100, 101, 102, 105, 135, 141General Electric,47, 53, 92, 126General Motors,26, 143, 147GIAT Industries,23, 27, 28, 29, 48, 68, 71, 82, 83, 84, 88GKN plc,9, 25, 60, 82, 108, 127Grintek,62, 63GTE,96, 101, 141Gulfstream,93, 102, 141Hägglunds,25Hamilton Standard (groupe UTC),100HDW,23, 30, 31, 32, 51Honeywell,93, 95, 98, 101, 106, 108, 141, 142Horizon,75, 79, 81, 84, 88Hughes Electronics,103Hunting,29Hurel-Dubois,36, 42IAI,56IAR-Brasov,55Indra,22Intertechnique,34Kockums,22, 30, 31Krauss-Maffei-Wegmann,27, 29, 83Krupp,8Kuka Henschel,29Kvaerner,30, 109Labinal,118, 126Latécoère,41Leclerc,82, 111LFK,19, 38, 74, 123
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Naissance de l'Europe de l'armement page 268
Litton,12, 93, 103, 104Lockheed-Martin,11, 16, 18, 19, 58, 78, 94, 101, 102, 104, 114, 118, 119, 120, 121, 122,
124, 127, 130, 137, 141, 142, 144, 146, 148Loral,11, 94, 95, 112LRM,125LucasVarity,93, 106, 108, 143Lucent,56, 98, 101, 115Mannesmann,96Martin Marietta,94, 102Matra,7, 16, 19, 73, 74, 76, 77, 123MBD,19, 73, 75, 124McDonnell Douglas,41, 66, 94, 103, 104, 116Meteor,14, 73, 119, 124, 144, 146, 148Mitsubishi Heavy,60MMS,77Mowag,26, 82, 143, 147MTU,17, 20, 51, 52, 53, 125MU 90,70Newport News Shipbuilding,57, 102, 141NH90,10, 79, 85, 87, 88Normalair-Garrett,108Northrop-Grumman,34, 102, 119, 120, 141NSM,73, 74, 86Oerlikon Contraves,24PAAMS,70, 73, 75, 76, 81, 86Patriot,125Polyphème,73Pratt & Whitney,105Preussag,31, 51Racal,20, 37, 93, 123Rafael,74Raytheon,12, 14, 19, 37, 78, 94, 95, 103, 105, 119, 120, 121, 122, 123, 142, 144, 146Reumech,26Rheinmetall,23, 24, 25, 29, 37, 82Rockwell,93, 94, 101, 106Roland,73Rolls-Royce,26, 28, 33, 51, 52, 53, 67Royal Ordnance (groupe BAe Systems),24, 28, 37, 39, 49RVI,50, 82Ryan,100Saab,22, 64, 71, 74, 123Sagem,35, 125SAMM,108, 143Samsung,59, 121Santa Barbara,22Scalp EG,73, 75, 86Secan,108Sextant Avionique,35, 42, 117Shorts,36, 66Siemens,37, 43, 44, 46, 51, 68, 115, 122
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Naissance de l'Europe de l'armement page 269
Sikorsky (groupe UTC),105Skybridge,112, 149Smiths Industries,35, 42, 117Snecma,20, 51, 52, 53, 55, 57, 63, 64, 67, 101, 124, 127, 132Snpe,39, 49, 117Socata,41Sofradir (groupe Thomson),125STN Atlas Elektronik,24Stork,36Storm Shadow,75, 86Sundstrand,100, 141Syracuse,78TDA,38Techspace (groupe Snecma),51, 127Texas Instruments,56, 105Textron,55, 102, 146Thiokol,85Thomson-csf,7, 12, 13, 18, 20, 22, 23, 32, 33, 35, 37, 38, 40, 46, 55, 56, 59, 64, 66, 75,
77, 80, 97, 110, 117, 119, 121, 122, 123, 125, 138, 144, 149Thomson-Detexis,35Thyssen,8, 9, 32Thyssen-Krupp,8, 32, 65TI,116Tigre,76, 87Tracor,12, 95, 114, 138Trigat,74, 86TRW,12, 93, 106, 108, 118, 123, 125, 143United Technologies,12, 100, 105, 141, 142Valeo,106VBCI,81, 84, 88Vega,79, 88Vickers,23, 25, 26, 27, 28, 82Volvo,20, 51, 52, 53, 99, 125, 126Westland,9Zodiac,34
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 270
TABLE DES MATIERES
Naissance de l'Europe de l'armement..................................................................................1Introduction.........................................................................................................................41. 1999 : l'année zéro de l'européanisation de................................................................7l'industrie d'armement.........................................................................................................7
1.1 les restructurations majeures de l'industrie d'armement en europe en 1999.............81.1.1 la concrétisation des décisions de 1998..............................................................81.1.2 Le paysage nouveau de l'aéronautique européenne..........................................10
1.2 Autres restructurations de l'industrie européenne de l'armement............................201.2.1 Continuation du mouvement de privatisation...................................................211.2.2 Les restructurations réalisées dans l'armement terrestre européen...................231.2.3 Les restructurations réalisées dans l'armement naval européen.......................291.2.4 Restructurations franco-françaises chez les équipementiers............................34
1.3 Projets, intentions et alliances en préparations........................................................361.3.1 Le secteur électronique.....................................................................................371.3.2 L'aéronautiquE..................................................................................................391.3.3 Le nucléaire......................................................................................................43
1.4 Modifications de structures des firmes préludant à des alliances ou à des transformations d'activité..............................................................................................481.5 Alliances industrielles et accords des firmes...........................................................53d'armement hors des pays de la LoI..............................................................................54
1.5.1 Accords en Europe, hors LoI, et dans la zone maghreb-moyen-orient............541.5.2 Accords en extrème-orient................................................................................571.5.3 L'Afrique du Sud et l'Amérique latine..............................................................61
Conclusion : l'européanisation industrielle de l'armement a franchi une étape décisive.......................................................................................................................................65
2. Aléas des programmes d'armement en..........................................................................70coopération........................................................................................................................70
2.1 Les programmes en coopération européenne qui ont progressé de manière positive en 1999..........................................................................................................................72
2.1.1 Les coopérations européennes en matière de missiles en 1999........................732.1.2 Avancées des coopérations dans le domaine aéronautique et spatial...............76
2.2 Difficultés et échecs des programmes en coopération............................................79Conclusion : l'année 1999 a vu l'essoufflement des grands programmes classiques de coopération....................................................................................................................86
3 L'évolution des relations transatlantiques entre systèmes de production d'armement...903.1 L'écart entre capacités matérielles américaine et européennes...............................913.2 Restructurations de l'industrie américaine d'armement en 1999 : un niveau record pour les entreprises du "deuxième tiers".......................................................................93
3.2.1 Etat général du mouvement de fusions dans l'économie mondiale..................943.2.2 Les fusions principales de firmes de défense américaines en 1999................1003.2.3 Plans sociaux et rectifications de périmètre....................................................103
3.3 Restructurations transatlantiques...........................................................................1073.3.1 Opérations américaines d'acquisitions de firmes de défense européennes.....1083.3.2 Opérations européennes aux Etats-Unis.........................................................111
3.4 Le développement des relations industrielles et commerciales entre industries
Cahier d'études stratégiques N°27
Naissance de l'Europe de l'armement page 271
européenne et américaine d'armement en 1999...........................................................1193.4.1 Accords majeurs entre firmes européennes et américaines............................1193.4.2 création de coentreprises, accords de sous-traitance et autres liens commerciaux............................................................................................................124
3.5 L'évolution de la vision américaine des relations transatlantiques en matière de production d'armement : de la Cène au "dîner de têtes"..............................................128Conclusion : L'Europe est la prochaine étape… Mais le lancement de cette étape est provisoirement retardé.................................................................................................140
ANNEXES : L'ARMEMENT TERRESTRE.................................................................151L’industrie des munitions : vers la mondialisation ?...................................................151
Le contexte...............................................................................................................152La mise en place de champions nationaux...........................................................153La privatisation....................................................................................................154La diminution de la capacité productive..............................................................156
Vers la mondialisation ?..........................................................................................158Quels sont les acteurs les plus susceptibles de tirer avantage de la situation ?....160Les principaux produits des fabricants de niche..................................................166
Conclusion...................................................................................................................176Les principaux acteurs de l’industrie des munitions, dynamique et stratégies...........178
ALLIANT................................................................................................................178BOFORS..................................................................................................................181DENEL....................................................................................................................183GIAT Industries.......................................................................................................185NAMMO (RAUFOSS)............................................................................................188PRIMEX..................................................................................................................189RHEINMETALL.....................................................................................................192ROYAL ORDNANCE............................................................................................195
Rheinmetall : un paradigme de la restructuration du secteur de la défense en Allemagne.........................................................................................................................................198
Les transformations en Europe................................................................................198Rheinmetall : une histoire avec des hauts et des bas...............................................202La prise de contrôle par la famille Röchling...........................................................205La diversification.....................................................................................................209Le développement de l'activité militaire..................................................................212Le nouveau paysage allemand.................................................................................216Une stratégie dans le contexte allemand..................................................................219
appendice 1: le groupe Röchling :..................................................................................226Appendice 2 : Organisation du groupe Rheinmetall.......................................................227Sources :..........................................................................................................................230ANNEXE : Résultats 1994-1998 des firmes françaises d'armement..............................232INDEX............................................................................................................................273TABLE DES MATIERES..............................................................................................277
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