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Naissance de l'Europe de l'armement page 1 CIRPES Cahier n° 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter LOCK Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 1

CIRPES

Cahier n° 24

Naissance de l’Europe de l’armement

Jean-Paul Hébert

Avec Yves BELANGER et Peter LOCK

2000

Cahier d'études stratégiques N°27

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"Que l'Europe soit la bienvenue"

Victor Hugo, "Paris", in Politique, Collection Bouquins, page 35.

Nos remerciements à la DAS, à la Maison des sciences de l'homme

et au CIRPES qui, par leur soutien, ont permis cette recherche et cetet

publication.

Cahier d'études stratégiques N°27

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SOMMAIRE :

Introduction :

Chapitre 1 :

Les restructurations majeures de l'industrie d'armement en Europe

en 1999

Chapitre 2 :

Aléas des programmes d'armement en coopération

Chapitre 3 :

L'évolution des relations transatlantiques entre systèmes de

production d'armement

Conclusion :

L'Europe est la prochaine étape… Mais le lancement de cette étape

est provisoirement retardé.

Annexes:

L'industrie des munitions : Vers la mondialisation ? (Yves Bélanger)

Les principaux acteurs de l'industrie des munitions, dynamique et

stratégies (Yves Bélanger)

Rheinmetall : un paradigme de la restructuration du secteur de la

défense en Allemagne (Peter Lock)

Cahier d'études stratégiques N°27

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INTRODUCTION

La formidable accélération des restructurations des industries

d'armement européennes en 1999, scandée notamment par la naissance de

BAe Systems en janvier et de EADS en octobre, permet de considérer que

la constitution d'une Europe de l'armement, longtemps désirée, devient une

réalité. Cette Europe de l'armement est pour l'instant une Europe de

l'industrie d'armement. Le mouvement d'européanisation est, pour un temps

encore, plus industriel que politique. Cette européanisation ne concerne pas

tous les pays de l'Union européenne, mais essentiellement les six pays de la

LoI (Letter of Intent).1 Néanmoins la naissance des groupes numéros 3 et 4

mondiaux de l'aéronautique et de la défense est bien un bouleversement

dans l'organisation des systèmes de production d'armement nationaux,

européens et internationaux. Les autorités américaines ne s'y sont pas

trompées, qui ont infléchi leur tactique en conséquence en ce qui concerne

les alliances transatlantiques, accentuant un discours qui leur est propre sur

les dangers d'une "forteresse Europe" et relançant un certain nombre

d'initiatives pour faire monter les enchères dans la concurrence que se

livrent les deux systèmes de production. C'est l'ensemble de cette évolution

que présente ce cahier d'études stratégiques qui s'inscrit dans la lignée des

livraisons précédentes.2

1 Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Suède.2 Voir Jean-Paul Hébert (dir.), Etats et firmes d'armement en Europe, Cahier d'études stratégiques, N°22,, Paris, 1998.Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries d'armement américaines : modèle ou menace?, Cahier d'études stratégiques, N°23, Paris, 1999.Jean-Paul Hébert, Tribulations économiques de l'armement européen, Cahier d'études stratégiques, N°24, Paris, 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Le premier chapitre, "1999, l'année zéro de l'européanisation de

l'industrie d'armement", analyse les principales restructurations

intervenues, mais aussi celles qui touchent les entreprises de second rang,

ainsi que les projets et alliances en préparation ou prévisibles. Il fait

également le point sur les alliances industrielles dans les zones hors LoI.

Le deuxième chapitre, "Aléas des programmes en coopération", fait

la synthèse de l'évolution en 1999 des programmes en coopération et

analyse la transformation en cours de la coopération, dont les formes les

plus anciennes sont celles qui seront le plus rapidement rendues obsolètes

par l'accélération de l'européanisation.

Le troisième chapitre est consacré à "l'évolution des relations

transatlantiques entre systèmes de production d'armement" et prolonge les

analyses faites antérieurement sur ce point à la lumière des modifications

substantielles de l'année 1999.

On a complété cette analyse d'ensemble par une attention

particulière portée au secteur de l'industrie d'armement terrestre, le moins

en vue dans ce mouvement d'européanisation. Yves Bélanger3 présente une

synthèse de l'évolution et des rapports de force dans l'industrie des

munitions, et Peter Lock4 montre en quoi l'évolution industrielle du groupe

allemand Rheinmetall peut être considérée comme un processus

archétypique dans l'évolution actuelle de l'industrie allemande d'armement.

Il paraît d'autant plus justifié de porter ce regard particulier sur l'industrie

d'armement terrestre que, bien qu'elle ne soit pas à la pointe du mouvement 3 Yves Bélanger est professeur et directeur du Groupe de recherche sur la reconversion industrielle à l'université du Québec à Montréal (UQAM).4 Peter Lock : European Association for Research on Transformation.

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de restructuration, elle constitue un secteur qui pourrait bien se révéler être

un des objets privilégiés des tentatives d'alliances transatlantiques à venir.

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Cahier d'études stratégiques N°27

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1. 1999 : L'ANNÉE ZÉRO DE L'EUROPÉANISATION DE

L'INDUSTRIE D'ARMEMENT

On soulignait en 1998 que les décisions françaises majeures en

matière d'industrie d'armement, qu'ont constitué l'entrée du groupe Alcatel

dans le capital de Thomson avec l'aide du groupe Dassault, apportant

Dassault Electronique au nouvel ensemble, et le rapprochement

d'Aérospatiale et de Matra Hautes Technologies, ouvraient la voie à une

étape nouvelle dans l'européanisation de l'industrie d'armement et que, de

ce point de vue, certains débats entretenus sur la présence de l'Etat français

au capital des entreprises étaient susceptibles d'être assez vite dépassés,

d'autant que les perspectives de fusion entre le groupe britannique British

Aerospace et l'Allemand Dasa n'étaient pas nécessairement aussi

facilement réalisables que certains articles de presse l'annonçaient, ce que

la suite a démontré.

Incontestablement, cette mise en mouvement fondamentale des

entreprises françaises a entraîné une accélération du processus de fusions et

rapprochements qui était observable dans l'industrie européenne

d'armement depuis la fin des années quatre-vingt, avec des rythmes et des

volumes plus chaotiques, et l'année 1999 peut être considérée comme

l'année fondatrice dans ce domaine puisque, en particulier dans l'ensemble

aéronautique-espace-missiles, des rapprochements décisifs se sont opérés.

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Ces restructurations majeures ne doivent pas faire oublier que

d'autres restructurations, de moindre ampleur financière, ont commencé

à se faire au plan européen, spécialement dans les domaines de l'armement

terrestre et naval, et que, dans ces domaines mais aussi dans l'électronique,

des projets se dessinent, appuyés sur les modifications de structures d'un

certain nombre de firmes cherchant à se présenter en position plus

favorables pour des alliances européennes. On soulignera enfin que les

alliances hors Union européenne que commencent à nouer les firmes des

principaux pays européens sont un élément constitutif et sans doute décisif

pour l'avenir de la compétition entre industries américaine et européenne.

1.1 LES RESTRUCTURATIONS MAJEURES DE L'INDUSTRIE

D'ARMEMENT EN EUROPE EN 1999

Certaines de ces fusions procèdent de décisions déjà mises en

oeuvre ou annoncées en 1998 (Thyssen-Krupp, Westland-Agusta), mais

d'autres sont des événements nouveaux (BAe-GEC, EADS) et ceux-ci ne se

limitent pas à ces deux fusions majeures mais concernent également les

activités spatiales et la production de missiles.

1.1.1 LA CONCRÉTISATION DES DÉCISIONS DE 1998

Le rapprochement des deux groupes Thyssen et Krupp devant donner

naissance à un ensemble de 240 milliards de francs de chiffre d'affaires et

de 190 000 personnes 5 a été présenté en début d'année 1998.6 Il est devenu

5 Le Monde, 7 novembre 1997.6 Le Monde, 8/9 février 1998.

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opérationnel juridiquement le 1er mars 1999. 7 On doit noter que cette

opération majeure pour l'industrie allemande a été concrétisée en un délai

très court, au moins à l'échelle de ce qui se produisait jusque-là pour les

regroupements européens plus difficiles à mettre en œuvre que les fusions

de firmes américaines. Si la conjoncture difficile du marché de l'acier a

entraîné des contractions d'effectifs, puisque le groupe démarre avec 172

222 personnes,8 le nouvel ensemble constitue néanmoins le cinquième

groupe industriel allemand et le deuxième sidérurgiste européen après

Usinor. L'implication de Thyssen Krupp AG dans la production

d'armement est surtout significative dans les chantiers navals (Thyssen

Nordseewerke GmbH contrôlé à 100 %, Blohm & Voss contrôlé à 86.6 %,

Lisnave contrôlé à 20 %), mais précisément cette fusion ainsi que les

réorganisations qui vont s'ensuivre, étant donné les difficultés actuelles du

marché de l'acier, devraient conduire à des transformations importantes,

comme on le verra ci-après.

Agusta et Westland étaient également engagés dans un processus de

rapprochement négocié par leurs maisons mères respectives, Finmeccanica

et GKN, la fusion des deux filiales d'hélicoptères formant un groupe qui,

avec 4,5 milliards de francs de chiffre d'affaires, se situerait à la 4e place

mondiale, après Eurocopter, Sikorsky et Bell, mais avant Boeing. les deux

sociétés avaient déjà créé une coentreprise pour l'hélicoptère EH-101.9 Ces

négociations ont également abouti en un temps assez réduit puisque c'est

début mars 1999 que les deux groupes ont finalisé leur accord pour la

création d'une entreprise conjointe qui réunira les personnels d'Agusta (5

200 salariés) et de Westland (4 400 salariés). Outre l'hélicoptère EH-101, la

7 Les Echos, 15/16 janvier 1999.8 Ibidem, les deux tiers venant de Thyssen.9 Les Echos, 16 mars 1998. Le EH-101 a déjà été commandé par la Royal Navy, la Royal Air Force, et les marines de guerre italienne et canadienne.

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nouvelle société intégrera les activités de transmission de puissance de

GKN Westland Aerospace, la participation de GKN dans Atil (coentreprise

avec Boeing pour la formation des personnels britanniques sur l'hélicoptère

Apache), ainsi que la participation d'Agusta (30 %) dans le programme

d'hélicoptère européen NH90.10

Dans les deux cas, on doit noter le phénomène nouveau que

constitue la rapidité de mise en œuvre de ces rapprochements qui sont des

opérations industrielles de grande ampleur. La période des négociations

étirées, voire dilatoires, est terminée. L'urgence de la réorganisation

économique - en conséquence des transformations majeures du système

américain de production d'armement, mais aussi en conséquence du

mouvement beaucoup plus global de fusion des firmes dans l'ensemble de

l'activité économique - comme de la transformation des marchés est

devenue une donnée déterminante des décisions industrielles et ce qui était

amorcé avec les deux fusions que nous venons de rappeler s'est manifesté

encore plus nettement dans le bouleversement du paysage de l'aéronautique

européenne en 1999.

1.1.2 LE PAYSAGE NOUVEAU DE L'AÉRONAUTIQUE

EUROPÉENNE

Deux dates encadrent l'émergence de ce paysage nouveau : 19

janvier et 14 octobre.

C'est le 19 janvier 1999 que British Aerospace et GEC-Marconi

annoncent la reprise par British Aerospace de l'électronique de défense de

GEC-Marconi (filialisée dans Marconi Electronics Systems).11 Cette 10 Les Echos, 19/20 mars 1999. Les autres participations sont celles de la France (32 %), de l'Allemagne (32 %) et des Pays-Bas (6 %). On trouvera également une présentation dans Air & Cosmos, du 26 mars 1999.11 Le Monde, 21 janvier 1999.

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annonce est dans la suite logique de la décision prise quelques semaines

auparavant par GEC de séparer ses activités défense et ses activités

civiles.12 Mais du même coup elle clôt brutalement les négociations

entamées depuis plusieurs mois par British Aerospace avec le groupe

allemand Dasa et dont la conclusion avait été annoncée plusieurs fois

comme imminente par les organes spécialisés. Cette rupture ne sera pas

sans conséquences pour la suite des réorganisations européennes. En l'état,

cette fusion qui, avec un montant de 12,7 milliards de dollars, est la

deuxième plus importante de toutes les fusions du secteur aéronautique-

défense, après la reprise de MacDonnell Douglas par Boeing en 1997 (13,3

milliards de dollars13) crée un groupe de 100 000 salariés employés dans

neuf pays (dont 70 000 en Grande-Bretagne, 16 700 aux Etats-Unis, 6 800

en Suède et 5 400 en Arabie saoudite)14, qui sera le troisième groupe

mondial en matière de construction aéronautique mais le deuxième groupe

en matière de production d'armement (avec un chiffre d'affaires dans ce

domaine plus élevé que celui de Boeing)15 :

(année 1998) Chiffre d'affaires

total en $

Chiffre d'affaires

défense en $

Lockheed Martin 28,07 18,5

British Aerospace +

Marconi

20,57 16,93

Boeing 45,8 13,78

12 Les Echos, 23 décembre 1998.13 La reprise de Martin-Marietta par Lockheed en 1995 ne pesait "que" 9 milliards de dollars, celle de Loral par Lockheed-Martin en 1996 ou la fusion Raytheon-Hughes en 1997 ne représentaient "que" 9,5 milliards de dollars.14 AFP,, 30 novembre 1999.15 Source : Air & Cosmos, 22 janvier 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 12

Northrop Grumman 9,15 8,2

Raytheon 13,7 6,27

Thomson-CSF 6,58 4,18

Aérospatiale-Matra 14,85 4,16

TRW 10,83 3,8

General Dynamics 4,06 3,65

United Technologies 24,51 3,31

Litton industries 4,21 2,92

Dasa 8,54 2,73

La constitution de "New BAe" - rebaptisé BAe Systems en fin

d'année16 - est un phénomène ambivalent : d'une part elle fait naître un

groupe de taille à rivaliser, en ce qui concerne la production militaire, avec

les géants américains : BAe Systems serait ainsi le sixième fournisseur du

Pentagone dans l'électronique de défense17 et le groupe réalise un

cinquième de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis. Mais par ailleurs, le

nouveau groupe est très spécialisé dans la production militaire (plus de 80

% de son chiffre d'affaires), ce qui n'est pas nécessairement la meilleure

manière de faire face aux aléas des cycles de production, particulièrement

marqués dans l'aéronautique. De plus, cette fusion, qui apparaît comme une

démarche "nationale", ne simplifie pas les relations avec les autres groupes

européens, inquiets de la puissance nouvelle de British Aerospace et

froissés - en ce qui concerne Dasa - par la rupture sans précaution des

négociations. De surcroît, les réactions financières à l'opération sont

mitigées, les analystes estimant trop élevé le prix payé par British

Aerospace pour cette opération. Il est notoire que le gouvernement 16 AFP,, 30 novembre 1999.17 GEC avait repris L'Américain Tracor en 1998. D'autres Sources donnent British Aerospace comme quatrième fournisseur global du Pentagone (Les Echos, 12 octobre 1999).

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Naissance de l'Europe de l'armement page 13

britannique n'était pas favorable à ce regroupement national et souhaitait

une solution plus européenne. Il semble même, d'après les informations

publiées, que le président de British Aerospace ne souhaitait pas au départ

une telle issue. Mais les propositions du groupe français Thomson, pourtant

plus complémentaires en termes d'activités, donc plus susceptibles

d'entraîner des réductions de coûts, n'ont pas été retenues. Le groupe

français ne voulait pas aller au-delà de 6 milliards de livres, alors que

British Aerospace est monté à 7,7.

L'inquiétude de voir Marconi passer sous contrôle américain, dans

une période où les groupes d’outre-Atlantique ont clairement manifesté

leur intention de s'implanter, chaque fois que cela sera possible, sur le

vieux continent, a poussé à une décision rapide, comme le souligne John

Weston, directeur général de British Aerospace :

C'est aussi la crainte de voir son principal fournisseur passer

sous tutelle américaine qui a conduit l'avionneur britannique à

accepter la valorisation de Marconi. /../ D'autant plus que nous ne

pouvions pas prendre le risque de voir Marconi, devenu américain,

venir concurrencer les industriels européens sur leur propre

terrain18.

Cette fusion est également une première modification fondamentale

dans les rapports entre firmes américaines et firmes européennes, et va

contribuer au changement de perspective américaine quant aux relations

transatlantiques qu'on observe en fin d'année 1999. En outre, les autorités

américaines ne sont pas démunies de moyens de pression et font attendre

leur autorisation à la fusion, qui, au 1er novembre 1999, n'était toujours pas

donnée, le Département de la justice américain demandant plus de

garanties que ne l'ont fait ses homologues britanniques quant à la "muraille

de Chine" qui doit exister entre les propositions déposées par British 18 Air & Cosmos, 22 janvier 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 14

Aerospace et par GEC sur différents programmes.19 Il est vrai que les

autorités américaines utilisent aussi ce moyen pour influencer la décision

britannique en faveur du missile air-air BVRAAM de Raytheon contre la

proposition du consortium européen Meteor.20 De son côté, British

Aerospace s'estime mieux placé que ses concurrents européens pour entrer

sur le marché américain, l'importance de son opération ayant fait de lui, à

ce moment, le premier groupe européen du secteur

Ce regroupement britannique ne tarde pas à accélérer le mouvement

européen puisque le 11 juin21 DaimlerChrysler Aerospace AG (Dasa) et le

groupe d'aéronautique espagnol Casa annoncent qu'ils ont décidé de

fusionner leurs actifs, ce qui constitue la première création d'une société

transnationale en Europe dans ce secteur, si l'on prend en compte que

Eurocopter est une alliance limitée à une activité précise. La nouvelle

société sera détenue à 86,5 - 89 % par Dasa, les participations dans Airbus

et Eurofighter restant à l'écart, et le chiffre d'affaires devrait s'établir à 9,9

milliards d'euros avec 53 000 salariés.22 La participation dans Casa,

consécutive à la décision du gouvernement espagnol de privatiser le

groupe, était convoitée : tous les groupes européens y avaient, chacun à sa

manière, intérêt : British Aerospace pour conforter sa première place en

Europe, Aérospatiale-Matra pour prendre pied dans le programme

Eurofighter, Dasa pour contrer British Aerospace dont le choix de

reprendre l’activité défense de GEC plutôt que de mener jusqu’au bout

l’alliance en discussion entre les deux groupes est resté une pomme de

discorde, Alenia pour accroître un chiffre d’affaires qui reste fort éloigné

de celui des trois premiers européens. De plus, chacun d’eux voyait là

19 Les Echos, 12 octobre 1999.20 Rejoint ultérieurement par Boeing, Voir la partie sur "les relations transatlantiques".21 Voir AFP, 11 juin 1999.22 Le Figaro, 14 juin 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 15

également une façon d’augmenter sa part dans Airbus (dont Casa détient

4,2 %) ou d’y entrer (dans le cas d’Alenia). Aérospatiale-Matra avait bien

fait une proposition qui aurait consisté à prendre 30 % du capital de Casa

contre une entrée de celui-ci à hauteur de 10 % dans le groupe français, 23

mais ceci n'a pas été suffisant. Ceux qui pensaient que, étant donné ce

qu'est l’importance de leurs activités aéronautiques, BAe-Marconi ou

Aérospatiale-Matra étaient mieux placés que Dasa, ont sans doute sous-

estimé le fait que Dasa est partie intégrante du groupe géant Daimler-

Chrysler (devenu en 1998 le premier groupe industriel mondial24) et que

Daimler-Chrysler avaient des capacités de propositions industrielles qui

étaient loin de se limiter à l’aéronautique, ce qui n'a pas peu pesé dans la

décision espagnole. Ce dernier élément souligne une des caractéristiques

nouvelles de l'industrie d'armement : c'est qu'elle peut de moins en moins

être analysée en termes stricts de production d'armement, mais qu'elle doit

au contraire être prise dans l'ensemble de ses caractéristiques industrielles,

non seulement à cause du développement des activités duales, mais aussi

parce que les groupes spécialisés dans la production militaire sont de moins

en moins fréquents et que, au contraire, c'est de plus en plus souvent à

l'intérieur de conglomérats aux activités diversifiées que se réalise la

production d'armement.

Le 14 octobre à Strasbourg25 l'accord pour la création d'EADS

(Société européenne d'aéronautique de défense et spatiale26) par fusion

d'Aérospatiale-Matra et de DaimlerChrysler Aerospace (Dasa) est signé 23 Correspondance économique, 4 juin 1999.24 Selon le classement du magazine Industry Week du 1er juin 1999. Toutefois, les chiffres de ce magazine ne correspondent pas toujours aux estimations des firmes. Pour 1998, Industry Week crédite DaimlerChrysler de 154,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit 0,5 milliard de dollars de plus que General Motors, qui de son côté situe son chiffre d'affaires 1998 à 161,3 milliards de dollars. [AFP, 1er juin 1999].25 Voir Air & Cosmos, 22 octobre 1999.26 European Aeronautic Defense and Space Company.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 16

avec un protocole qui en souligne l'importance politique (présence du

chancelier allemand et du Premier ministre français). L'accord marque la

fin d'une période troublée des relations franco-allemandes en matière de

coopération d'armement.27 Il fait naître le troisième groupe mondial de

l'aéronautique (20 milliards de dollars de chiffre d'affaires total), derrière

bien sûr Boeing (56 milliards de dollars de chiffre d'affaires) et Lockheed-

Martin (26 milliards de dollars de chiffre d'affaires) mais devant BAe-

Marconi (19 milliards de dollars) et Raytheon-Hughes (18,5 milliards de

dollars). La gamme d'activités de EADS (89 000 employés) est plus variée

que celle de BAe Systems puisqu'elle se répartit ainsi : 41 % dans Airbus, 9

% dans Eurocopter, 14 % dans l'espace, 11 % dans les missiles, 5 % dans

l'électronique de défense, 8 % dans les avions militaires, 4 % dans les

télécommunications, 8 % en productions diverses.28

La structure du nouveau groupe laisse 40 % du capital en Bourse

(Paris, Francfort, Amsterdam) et 60 % pour un holding29 qui sera détenu

conjointement par DaimlerChrysler et par un holding français dans lequel

l'Etat détiendra la moitié des parts. Cette présence de l'Etat dans les

actionnaires est un compromis entre les points de vue français et allemand

puisque ces derniers acceptent la présence d'un investisseur non privé, mais

que l'Etat français accepte de voir sa part dans l'ensemble réduite à 15 % (la

moitié du holding qui détient la moitié d'un autre holding qui contrôle 60 %

du capital).

La place mondiale d'EADS (au premier rang pour les hélicoptères et

les lanceurs spatiaux, au deuxième pour les avions civils, au quatrième

pour les avions de combat) s'adjoint à la création de BAe Systems pour

27 Voir Jean-Paul Hébert, "La coopération franco-allemande en matière d'armement : le passage difficile de la dualité à la pluralité" in Yves Boyer (dir.), Allemagne(s) : certitudes et incertitudes de la politique de sécurité, Ellipses, Paris, 1999, 176 pages, (pages 121-134).28 Revue aérospatiale, décembre 1999.29 Cotée aux Pays-Bas.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 17

modifier radicalement les rapports de force entre industries européenne et

américaine, même si le communiqué du Pentagone s'est prudemment gardé

de manifester quelque inquiétude que ce soit en se bornant au rappel

général d'une position de principe :

Nous restons favorables à une évolution vers un modèle

transatlantique concurrentiel des industries de défense caractérisé

par des liaisons multiples entre industriels30.

Ce processus apparaît enfin comme concentrant en une seule trajectoire

les caractéristiques nouvelles relevées quant aux opérations précédemment

analysées :

- rapidité de la mise en œuvre (impliquant l'acceptation de compromis

importants),

- réalisation d'une alliance transfrontière,

- importance du volume économique de l'opération.

Cette fusion ne couvre pas l'ensemble du champ des productions

aéronautiques puisque le motoriste MTU n'est pas inclus dans le périmètre

et sera remonté au niveau de DaimlerChrysler31.

Surtout, elle laisse de côté l'électronique de défense qui pourrait être

réorganisée à son tour, comme le laissent penser l'intention prêtée à

Aérospatiale-Matra d'entamer des discussions à ce sujet avec Thomson-

CSF 32 ou le fait qu'on évoque la possibilité que Dasa cède son électronique

de défense au groupe français. 33

Dans le sillage de cet accord fondamental, en quelques jours, des

accords importants ont été signés concernant les activités spatiales et la

production de missiles.

30 Voir Air & Cosmos, 22 octobre 1999.31 Voir infra la question des motoristes européens.32 La Lettre de l'expansion, 25 octobre 1999.33 AFP, 22 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 18

Astrium est la société nouvelle dont Aérospatiale-Matra, Dasa et

Marconi Electronics Systems (filiale British Aerospace) ont annoncé la

naissance le 18 octobre. Elle sera contrôlée à 75 % par EADS et à 25 %

par British Aerospace. Il est prévu qu'elle soit rejointe par l'Italien Alenia

Spazio. Sur ce dernier point les négociations n'étaient pas conclues à la fin

de l'année 1999, puisque Finmeccanica (qui contrôle Alenia Spazio) a

annoncé à la fin du mois de novembre qu'il repoussait à l'an 2000 son

entrée dans Astrium, étant en désaccord avec les propositions de ses

partenaires qui ne consentent à lui accorder que 20 % du nouvel ensemble

alors que l'Italien estime sa part à 25 % ;34 toutefois ce retard annoncé paraît

bien faire partie d'une négociation plus globale de Finmeccanica entre les

propositions concurrentes d'alliances de BAe Systems d'une part et d'EADS

d'autre part. Tel quel, l'ensemble représente 8 000 employés et 2,25

milliards d'euros de chiffre d'affaires (14,7 milliards de francs)35. Cette

fusion de Matra-Marconi Space et des activités spatiales de Dasa donne

naissance au quatrième groupe mondial dans le spatial derrière Lockheed-

Martin, Boeing et Hughes. Mais, elle n'inclut pas la division lanceurs

stratégiques et spatiaux d'Aérospatiale.36 Elle devra cependant passer

l'obstacle des autorités européennes puisque la commission de Bruxelles a

lancé en décembre 1999 une enquête approfondie contre Astrium, mettant

en avant sa crainte d'une position dominante sur le marché des satellites

d'observation et scientifiques les systèmes spatiaux et les lanceurs.37

De même, les regroupements déjà existants dans le domaine des

missiles (Alenia Marconi System et Matra BAe Dynamics) ont pris une

dimension encore plus significative puisque, le 20 octobre 1999,

Aérospatiale-Matra, British Aerospace et Finmeccanica ont annoncé la

34 TTU, 29 novembre 1999.35 Le Monde, 20 octobre 1999.36 Air & Cosmos, 22 octobre 1999.37 La Tribune, 7 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 19

fusion de leurs activités dans le secteur.38 Certaines précautions sont prises

pour maintenir des conditions de concurrence : Alenia Marconi System

conserverait en direct son activité "autodirecteurs" (radars intégrés aux

missiles) pour éviter une intégration verticale. En revanche, les activités

missiles d'Aérospatiale restées indépendantes de Matra BAe Dynamics

seront intégrées et LFK, la filiale missiles de Dasa, dont Matra BAe

Dynamics est devenu actionnaire à 30 % en 1998, devrait fusionner à son

tour avec MBD d'ici le printemps 2000. L'ensemble représentera 2.5

milliards d'euros de chiffre d'affaires avec 10 000 employés, au deuxième

rang mondial derrière l'Américain Raytheon (4 milliards d'euros de chiffre

d'affaires), mais devant Lockheed-Martin (2 milliards d'euros de chiffre

d'affaires) ou Boeing (1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires). La société

sera contrôlée par Aérospatiale-Matra (37,5 %), British Aerospace (37,5

%) et Finmeccanica (25 %).39

Finalement, on mesure les avancées considérables de

l'européanisation industrielle de l'armement dans l'année 1999 avec dans

l'aéronautique la naissance d'EADS et de BAe Systems (numéros 3 et 4

mondiaux du secteur), dans le domaine des missiles la société commune

européenne au deuxième rang mondial, et dans les activités spatiales,

Astrium au quatrième rang mondial, en attendant de grossir des activités de

Finmeccanica.

Tous les chantiers de transformation ne sont pas achevés pour autant

puisqu'il reste à régler la question des structures d'Airbus (transformation

du consortium en société anonyme, entrée de Finmeccanica), de

l'éventuelle restructuration d'Arianespace (avec en particulier l'avenir de la

participation du CNES (1er actionnaire 32,45 %), sans parler des situations

38 La Tribune, 21 octobre 1999.39 Le Figaro, 22 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 20

sectorielles dans l'électronique de défense (négociations d'EADS avec

Thomson-CSF pour des rapprochements, éventuelle acquisition par ce

dernier de l'électronique de défense du Britannique Racal) ou chez les

motoristes : la Snecma s'intéresse à la situation de ses concurrents

européens, qu'il s'agisse de Volvo et de Fiat Avio, ou de l'Allemand MTU

qui, sorti du périmètre de Dasa, pourrait être cédé par DaimlerChrysler.40

1.2 AUTRES RESTRUCTURATIONS DE L'INDUSTRIE

EUROPÉENNE DE L'ARMEMENT

Les événements majeurs qui ont bouleversé le paysage européen de

l'armement en 1999 ne doivent pas faire oublier qu'un certain nombre

d'autres transformations sont en cours, qu'il s'agisse de la continuation des

processus de privatisation, particulièrement en Espagne et en Italie mais

aussi en Suède, ou des regroupements et alliances dans les secteurs plus

traditionnels et jusque-là moins mobiles que sont les productions

d'armement terrestres et navales. Dans ces deux secteurs les évolutions

concernent plutôt des firmes européennes, les producteurs français étant

plutôt en retrait. En revanche un certain nombre de restructurations

franco-françaises modifient la situation des équipementiers de manière

notable.

1.2.1 CONTINUATION DU MOUVEMENT DE PRIVATISATION

En Italie, on sait que l'IRI (Istituto per la Ricostruzione Industriale)

qui fut depuis l'époque de Mussolini le bras armé de l'Etat dans l'industrie

devra céder l'une après l'autre les participations qui lui restent pour

40 Ibidem.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 21

s'acheminer vers sa liquidation en juin 2000.41 Conformément à ces projets

de désengagement, le gouvernement prépare, en particulier, pour la fin du

premier semestre 2000 la privatisation du sous-groupe Finmeccanica (qui

comprend entre autres dans le domaine de l'armement Agusta, Alenia

Spazio, Alenia Difesa).42 La part de l'Etat italien descendra entre 30 et 50 %

du capital, mais l'Etat gardera une "golden share" lui donnant un droit de

veto sur certaines décisions fondamentales (fusion, absorption,

changement de statut, etc.). Entre-temps, l'Etat italien aura renforcé le

poids économique de Finmeccanica en lui transférant, par l'intermédiaire

de la société MEI (Microeletronicca Italiana), les parts qu'il détient dans

STMicroelectronics (ex SGS-Thomson), à parité avec les investisseurs

institutionnels français. Pour Finmeccanica, ce changement de statut va

évidemment de pair avec l'ensemble des stratégies d'alliances que le groupe

italien devra affiner dans un futur proche : la fusion de ses activités

d'électronique avec celles de GEC (GEC-Marconi et Alenia Difesa dans

AMS, Alenia Marconi System) est touchée de plein fouet par la reprise de

Marconi par British Aerospace. De plus l'Italien avait également des liens

avec Thomson-CSF. La fusion britannique lui laisse la possibilité de

maintenir ou pas ses actifs dans le nouveau regroupement. Le choix ici

consiste à aller plus loin dans l'alliance britannique ou à reprendre ses actifs

pour tenter de les valoriser de manière plus intéressante dans une alliance -

à définir - avec le groupe français d'électronique, lui-même désireux

d'élargir son périmètre.

En Espagne, la privatisation de l'électronicien de défense Indra (517

millions d'euros de chiffre d'affaires en 1998) se fait par une mise en vente

41 Le Monde, 3 décembre 1999.42 Voir La Tribune, 15 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 22

par le gouvernement des 66 % du capital de l'entreprise qui lui restaient. 43

Mais cette décision ne change pas fondamentalement les rapports de force

industriels : Thomson-CSF avec 10,5 % du capital reste l'actionnaire

industriel de référence, aux côtés de Caja Madrid (10,5 %) et de Banco

Zaragozano (4 %). L'Etat espagnol, qui s'est déjà désengagé de Santa

Barbara (armement terrestre) et a lancé la firme d'aéronautique Casa dans

le jeu des alliances européennes, devra encore dans l'avenir se préoccuper

du statut du constructeur naval Bazan, dernière entité de l'armement

espagnol encore du domaine public.

En Suède, Saab, dont le capital est détenu à 35 % par BAe Systems

et à 20 % par Investor - holding financier du groupe Wallenberg

actionnaire historique du groupe -, a offert en novembre 1999 de racheter

son compatriote Celsius pour 580 millions d'euros. Celsius a déjà apporté

un mois auparavant ses activités sous-marins (Kockums Naval Systems) au

groupe allemand HDW44 et, en septembre, avait signé un accord pour

fusionner ses filiales Aerotech, Metech et Test Systems avec les activités

de défense du Finlandais TietoEnator. Saab, avec un chiffre d'affaires de

957 millions d'euros dont 530 dans la défense, est sensiblement plus petit

que son compatriote qui a réalisé en 1998 un chiffre d'affaires de 1 658

millions d'euros dont 1 103 dans la défense, mais cette restructuration va

renforcer un pôle scandinave qui entend défendre sa place dans le

mouvement d'européanisation en cours.45

En Grande-Bretagne, le gouvernement a décidé de procéder à la

privatisation du contrôle aérien ATCS (National Air Trafic Control

43 Air & Cosmos, 12 mars 1999.44 Voir infra : "Les restructurations réalisées dans l'armement naval européen".45 Air & Cosmos, 19 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 23

Service). Des propositions ont été faites par le groupe GEC, amis aussi par

le groupe français Thomson-CSF. L'opération pourrait se monter à 1

milliard de livres. Mais le délai de décision n'est pas encore déterminé.46

1.2.2 LES RESTRUCTURATIONS RÉALISÉES DANS

L'ARMEMENT TERRESTRE EUROPÉEN

Si les alliances et restructurations dans l'armement terrestre réalisées

en 1999 sont moins décisives que celles du secteur aéronautique, elles n'en

constituent pas moins une première série de mouvements dans un secteur

qui n'a commencé que plus tardivement que d'autres à mettre en œuvre des

alliances et des accords. On remarque que les changements se sont

principalement faits autour des firmes allemande Rheinmetall et

britannique Vickers, alors que le groupe français GIAT Industries est

resté plutôt en retrait.

Rheinmetall Group (27,5 milliards de francs de chiffre d'affaires en

1998 dont un tiers dans l'armement, 33 000 salariés) a procédé à des

opérations importantes : ll est d'abord monté à 51 % dans STN Atlas

Elektronik47 (codétenu à 49 % par British Aerospace) en rachetant les 26 %

de Energie Bade-Wurtemberg qui était le troisième partenaire de rachat en

1997 de cette filiale de Bremer Vulkan. STN Atlas Elektronik a réalisé en

1998 un chiffre d'affaires de 5,4 milliards de francs (dont 70 % dans la

défense) et constitue un des éléments de la recomposition à venir des

équipementiers en Europe.

Mais surtout Rheinmetall s'est lancé à son tour dans les alliances

transfrontières en rachetant au groupe suisse Oerlikon Bührle sa filiale

46 Les Echos, 2 février 1999.47 Air & Cosmos, 5 février 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 24

Oerlikon Contraves48 (systèmes antiaériens, canons, missiles, 2 milliards

de francs de chiffre d'affaires en 1998, 2 100 employés). Le groupe suisse a

en effet entrepris de se recentrer sur ses métiers principaux et cherche à se

désengager des activités dans lesquelles il n'a pas une taille suffisante pour

faire face aux nouvelles conditions des marchés. Il est ainsi vendeur de sa

filiale d'avions légers Pilatus. Pour Rheinmetall, l'acquisition de Oerlikon

Contraves va permettre un élargissement de sa gamme de produits, avec

des matériels bénéficiant d'une bonne renommée.

Cela permet aussi au groupe allemand de se positionner de manière

plus favorable en termes de taille dans la lutte pour les regroupements

européens dans l'armement terrestre qui est en train de se mettre en place,

comme le montre son intention de reprendre des négociations avec British

Aerospace pour l'éventuelle reprise de Royal Ordnance (4 000 salariés).49

Des discussions ont déjà eu lieu entre les deux groupes au début de l'année

1999 afin d'envisager la fusion de Royal Ordnance avec les activités de

munitions de Rheinmetall, comme en avait fait état un porte-parole de

British Aerospace.50 Mais ces pourparlers n'avaient pas atteint le stade de la

décision. Cependant, British Aerospace est toujours désireux de se

désengager de sa filiale d'armement terrestre, en difficultés sérieuses depuis

plusieurs années et John Weston, directeur général de British Aerospace,

avait même déclaré à la fin de l'année 1998 que le groupe envisageait de

fermer sa filiale,51 étant donné la baisse des budgets de défense britannique

et la sévérité de la concurrence des producteurs chinois, sud-africains et

israéliens notamment.52 Rheinmetall conditionne son accord à un

rétablissement financier préalable. Même si l'issue de la négociation n'est

48 Air & Cosmos, 17 septembre 1999.49 Air & Cosmos, 22 octobre 1999.50 Les Echos, 9 février 1999.51 Le Monde, 28 août 1998.52 Les Echos, 9 février 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 25

pas acquise à la fin de l'année 1999, il est clair que cela manifeste, de la

part du groupe allemand, une stratégie globalement européenne et non pas

limitée aux frontières nationales, stratégie qui s'explique par l'importance

de la concurrence dans ce secteur des autres producteurs allemands.

Du côté britannique, les changements, principalement autour de

Vickers, sont également importants.

Les modifications du tissu de l'armement terrestre en Grande-

Bretagne ont commencé à se faire jour en 1998 avec la décision des firmes

Alvis et GKN de fusionner leurs blindés dans un ensemble qui représente

2,8 milliards de francs de chiffre d'affaires.53 Alvis avait d'ailleurs déjà

racheté en 1997 le Suédois Hägglunds. Dans cette situation le groupe

Vickers est dans la tourmente : sa réorganisation à la fin de l'année 1998

s'est déjà traduite par la suppression de 1 136 postes de travail, soit 22 %

de ses effectifs, dont 650 dans le militaire, et le conglomérat a été obligé de

se séparer des automobiles Rolls-Royce.54 Il a également cédé ses activités

dans le matériel médical.55 Mais si ces reventes lui ont procuré les moyens

de faire des acquisitions, encore faut-il que celles-ci soient cohérentes avec

son projet qui est de se concentrer sur la défense, les composants de turbine

et les équipements navals. Or les tentatives précédentes de Vickers en

Grande-Bretagne se sont soldées par des échecs : c'est en vain qu'en 1997

Vickers a fait une proposition de rachat à Alvis.56 De même, il n'a pas pu

finaliser les discussions entamées pour racheter le secteur défense de

GKN.57

Le recentrage des activités de Vickers s'est fait principalement par

53 GKN apporte sa division GKN Defence à Alvis qui émet pour GKN des actions représentant 29,9 % de son capital élargi. La Tribune, 16 septembre 1998.54 Voir infra.55 Les Echos, 12/13 septembre 199856 La Tribune, 15 septembre 1998. 57 Les Echos, 6 novembre 1997.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 26

des alliances et accords hors Union européenne : l'opération la plus

importante est le rachat de Reumech OMC, la division spécialisée du

groupe Reunert, en Afrique du Sud (véhicules militaires et de sécurité). 58

Pour Vickers qui cherche à compenser la baisse de production du char

lourd Challenger (dont le programme britannique se terminera en 2001), il

s'agit d'augmenter sa part de marché dans les blindés légers, d'autant que le

marché sud-africain des armements est reparti à la hausse et que, dans ce

pays, le partenariat, y compris capitalistique, avec des firmes locales est un

moyen efficace d'obtenir des commandes. La même perspective de

développement dans les blindés légers inspire l'accord de coopération signé

avec le suisse Mowag (Motorwagenfabrik AG), lui-même récemment

racheté par L'Américain General Motors, autour de son blindé léger

Piranha IV.59 Vickers a en outre passé un accord avec le fabricant allemand

Krauss-Maffei pour commercialiser un blindé 4x4. Il a enfin cherché à

s'ouvrir des perspectives en Extrême-Orient avec la signature d'un accord

avec Singapore Technologies Automotive pour développer conjointement

la famille Bionix.60

Ces accords remettent en cause ce qui avait paru, au début de l'année

1999, être la constitution d'un lien fort avec le groupe français GIAT

Industries puisque les deux sociétés avaient à ce moment décidé de créer

une société commune pour le développement et la commercialisation de la

future génération de blindés lourds, marché sur lequel elles sont en

concurrence très marquée.61 En fait Paul Buysse, le nouveau directeur

général du groupe britannique, explique que son objectif est de "créer une

plate-forme commune autour de Vickers Defence Systems" .62 Pour

58 La Tribune, 10 septembre 1999.59 Ibidem60 AFP, 9 septembre 1999.61 L'Usine nouvelle, 20 janvier 1999.62 Les Echos, 3/4 septembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 27

expliquer son changement de pas, il met en avant la structure particulière,

selon lui, du capital de GIAT Industries :

Lorsque nous avions commencé à discuter, nous avions

indiqué qu'il serait très difficile de négocier avec une entreprise qui

a un seul actionnaire, le gouvernement français.63

On notera que c'est la présence exclusive de l'Etat comme

actionnaire qui est mise en cause, et non pas sa présence parmi d'autres.

Mais comme la structure du capital de GIAT Industries n'a pas bougé

depuis sa création, l'obstacle demeure.

Enfin, le directeur général indique que Vickers n'a pas l'intention de

céder sa branche défense, sans pour autant fermer la porte à des accords

amiables. C'est que Vickers n'est pas à l'abri d'une éventuelle OPA64 ,

comme on le notait en 1998 au moment où les analystes financiers

évoquaient les intentions du groupe Mayflower à son endroit.65 C'est

d'ailleurs ce qui se produit au troisième trimestre 1999 où le groupe Rolls-

Royce Plc annonce une OPA amicale de 4,9 milliards de francs sur

Vickers. L'objectif de Rolls-Royce - motoriste - est de se développer sur le

marché des moteurs maritimes, où il a déjà des atouts non négligeables

dans le domaine de la propulsion navale, en particulier pour les turbines à

gaz, la combinaison des activités marines des deux groupes permettant

d'étendre la gamme des produits proposés. En effet Vickers, outre ses

activités historiques, s'était agrandi dans ce secteur en rachetant en

novembre 1998 le groupe norvégien d'ingénierie navale Ulstein.66 En

revanche, le secteur d'armement terrestre ne rentre pas dans les projets de

Rolls-Royce dont le président sir Ralph Robins a clairement annoncé son

63 Les Echos, 3/4 septembre 1999.64 Les Echos, 6 novembre 1997.65 La Tribune, 18 septembre 1998.66 AFP, 20 septembre 1999. Vickers n'avait cependant pas repris la partie chantier naval du groupe norvégien. L'opération se montait à 304 millions de livres.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 28

intention de céder les activités chars et blindés légers qui représentent 6 %

de l'activité du groupe fusionné.

Ce dernier événement est loin d'éclaircir l'horizon pour le groupe

français GIAT Industries. On a vu que celui-ci était finalement tenu en

lisière des rapprochements souhaités par Vickers. Les tentatives

précédentes de rapprochement avec Royal Ordnance n'ont pas abouti. Les

résultats financiers du groupe pèsent sur ses capacités de manœuvre et il

paraît en difficulté pour négocier des alliances, surtout que, après la période

de croissance externe tous azimuts des années 1991-1993, il est maintenant

engagé dans un mouvement inverse, dont l'épisode le plus voyant a été la

rétrocession de FN-Herstal à la région wallonne.67 Cette réduction de

périmètre s'est poursuivie en 1999 avec la cession au groupe autrichien

Plansee (composants pour la métallurgie des poudres métalliques, 2,4

milliards de francs de chiffre d'affaires en 1998, 4 000 personnes) de la

majorité du capital de Cime Bocuze (reprise en 1993), (chiffre d'affaires de

80 millions de francs en 1998, 85 personnes).68 De même Euroshelter, le

département shelter de l'établissement de Rennes, a été repris en

coentreprise (50/50) par le groupe anglais Hunting Defence Limited.69 A la

fin de l'année 1999, le groupe public négocie la vente de son département

de robotique mobile (340 personnes, 306 millions de francs de chiffre

d'affaires en 1998) au Français Cybernetix.70

Finalement, dans le secteur de l'armement terrestre (spécialement

des blindés de tous types), ce sont les entreprises allemandes qui mènent le

67 Le Figaro, 24 novembre 1997. L'opération de GIAT Industries avec FN-Herstal se solde par une perte cumulée de 2 milliards de francs (Les Echos, 21/22 novembre 1998).68 Info-DGA, 1er avril 1999.69 Les Echos, 27 septembre 1999.70 AFP, 9 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 29

train de la restructuration avec Krauss-Maffei, repris par son compatriote

Wegman, et avec Rheinmetall qui s'intéresse également à Kuka Henschel.

Les groupes britanniques sont en train de se resserrer, mais sans doute pour

trouver une issue dans une alliance extérieure, et le principal groupe

français semble avoir décollé du peloton des alliances européennes pour le

moment.

1.2.3 LES RESTRUCTURATIONS RÉALISÉES DANS

L'ARMEMENT NAVAL EUROPÉEN

Dans le domaine de l'armement naval, les évolutions principales

touchent surtout le groupe anglo-norvégien Kvaerner mais aussi les

chantiers navals suédois Kockums et allemands HDW.

Le groupe Kvaerner (55 milliards de francs de chiffre d'affaires en

1998, 80 000 salariés) a entrepris une réorganisation importante de ses

activités qui se traduit par un nombre important de cessions. Kvaerner a

d'abord vendu au premier semestre 1999 ses deux principales filiales

françaises d'ingénierie Sofresid (1 650 salariés) et Doris Engineering (250

salariés) à Bouygues Offshore, ces deux entreprises représentant une

activité de 1,6 milliard de francs.71 Il a ensuite cédé sa troisième filiale

française Clecim (740 salariés, 900 millions de francs de chiffre d'affaires)

au groupe autrichien VA Technologies (plus connu sous le nom de sa

filiale Vöst alpine).72 Il a ensuite entamé la liquidation de son activité de

chantiers navals en vendant son chantier naval écossais de Govan (1 200

personnes) à GEC-Marconi qui, après une première proposition, a dû

doubler son offre à 2,25 millions de livres. Govan s'ajoute aux chantiers

71 Les Echos, 23/24 avril 1999.72 Les Echos, 27/28 août 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 30

Barrow et Yarrow déjà détenus par GEC.73 A cette occasion, Kvaerner

déclare vouloir céder ses onze autres chantiers (Norvège, Finlande,

Amérique du Nord, Asie du Sud-Est) ce qui se réalise en partie dans la

même période puisque, en octobre, il cède ses chantiers navals de Leirvik

(chiffre d'affaires de 65 millions de dollars, 300 personnes) en Norvège à

Havyard SA filiale du groupe norvégien Saevik.74 Le groupe Kvaerner est

également en négociations avancées avec les chantiers navals polonais de

Gydnia pour la reprise des chantiers finlandais de Masa.75

Ce retrait de l'activité chantiers navals s'inscrit dans le mouvement

plus général de contraction de ce domaine, en ce qui concerne au moins les

productions de défense.

D'autres firmes ont choisi la voie des rapprochements plutôt que

celle du retrait. C'est le cas du Suédois Kockums (groupe Celsius, 1,5

milliard de francs de chiffre d'affaires en 1998, entièrement militaire). En

effet, d'après les informations publiées,76 Celsius pourrait acquérir pour le

compte de sa filiale Kockums les 49,9 % du chantier Howalddtswerke-

Deutsche Werft AG (HDW) que détient Preussag (qui en avait déjà cédé

50,1 % à Babcock Borsig) et former ainsi le premier groupe sous-marinier

classique mondial. Dans le cadre des rapprochements scandinaves,

Kockums a déjà formé récemment le Viking Industrial Group avec

Danyard Aalborg (Danemark) et Kongsberg Defence and Aerospace

(Norvège) pour développer des sous-marins de nouvelle génération.

Kockums possède aussi 49 % d'Australian Submersible Corporation (ASC)

qui construit 13 sous-marins pour la marine australienne. La réalisation de

cette alliance poserait des problèmes au groupe français DCN qui avait en

73 Info-DGA, 1er octobre 1999.74 Les Echos, 9 octobre 1999.75 La Tribune, 23 août 1999.76 Les Echos, 27 mai 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 31

1998 formé un GIE avec le groupe suédois pour étudier des sous-marins de

nouvelle génération, dans la mesure où la compétition principale dans le

secteur des sous-marins se faisait jusque-là avec les chantiers allemands,

fournisseurs d'environ la moitié du parc de sous-marins classiques

mondiaux. Un rapprochement germano-suédois, alliant la puissance

économique de l'un et la capacité technologique de l'autre, rendrait plus

difficile pour l'avenir la percée espérée sur les marchés d'exportation. Ce

marché est estimé par la Direction des relations internationales de la DGA

à un peu moins de cent sous-marins pour les quinze ans qui viennent. Mais

dans cet ensemble, les chantiers allemands couvrent environ 80 % des

besoins. Les acteurs français craignent particulièrement les conditions de la

privatisation prévue du chantier espagnol Bazan, singulièrement si une

offre allemande devait l'emporter,77 à moins qu'un mouvement de

concentration de grande ampleur, à l'instar de ce qui s'est passé dans

l'aéronautique européenne, ne vienne dépasser "par en haut" les conditions

de cette concurrence. Mais, à la fin de l'année 1999, cette perspective n'est

qu'hypothétique.

En tout état de cause, la situation de la DCN comporte bien un

risque sérieux d'isolement puisque, du côté des deux autres grands

chantiers navals allemands, Thyssen Nordseewerke et Blohm + Voss

(groupe Thyssen-Krupp), il existe aussi des éventualités de rapprochement,

s'il faut en croire Eckhard Rohkamm, président du directoire de Thyssen

Industrie AG, qui a déclaré en début d'année 1999 que les trois grands

chantiers navals allemands (HDW, Thyssen Nordseewerke et Blohm +

Voss) "allaient fusionner". L'ensemble représenterait 5 700 salariés et non

loin de 10 milliards de francs de chiffre d'affaires.78

77 Ouest-France, 27 octobre 1999.78 Les Echos, 25 février 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 32

C'est, entre autres, pour parer à ce risque d'isolement que le groupe

Thomson-CSF, par la voix de son PDG, a rendu publiques des

propositions faites aux autorités politiques pour la constitution de

partenariats entre son groupe et la DCN.79 La réorganisation de la DCN

prévoit une nouvelle baisse des effectifs qui seraient ramenés de 17 500 à

12 500 en 2002. La décroissance en moyenne période est considérable

puisque la DCN employait 29 000 personnes en 1984, 26 900 en 1990, 20

800 en 1996. La réforme prévoit de faire sortir les activités industrielles du

sein de la DGA pour les inclure dans un service à compétence nationale

(SCN). Mais des craintes ont été exprimées, notamment par le rapporteur

de la Commission de la défense nationale et des forces armées à

l'Assemblée nationale80, que ce changement ne soit pas suffisant pour

permettre à la construction navale militaire d'acquérir la souplesse requise

pour passer des alliances industrielles. Jean-Yves Le Drian conclut en effet

son analyse des regroupements européens quant à la position de la DCN :

Le risque est donc réel que la DCN soit exclue des

restructurations industrielles en cours ou à venir. Lorsque son

changement de statut lui permettra de participer à ces

restructurations, il sera trop tard.81

Le rapporteur mentionne en outre un certain nombre de pistes

possibles d'alliances industrielles européennes ou nationales : possibilité

d'une filiale commune avec le chantier espagnol Bazan dans les sous-

marins, alliance avec un motoriste tel Rolls-Royce pour le site d'Indret,

alliance avec Thomson-CSF dans les systèmes de combat pour DCN

79 Le Figaro, 30 octobre 1999.80 Jean-Yves Le Drian, Avis au nom de la Commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2000.. Tome V. Défense. Marine., Assemblée nationale, document N°1864, 14 octobre 1999., 89 pages (spécialement pages 65 à 71).81 Ibidem, page 64.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 33

Ingénierie Centre et Sud…

Les propositions de Thomson-CSF s'inscrivent dans cette logique et

consistent essentiellement à adosser la DCN à Thomson en confiant à

Thomson la maîtrise d'œuvre des systèmes de surface, la DCN devenant

alors le partenaire sous-traitant industriel privilégié du groupe, dans une

configuration qui pourrait s'inspirer des conditions du contrat de vente de

frégates à Taïwan.82 Mais on ne saurait sous-estimer la gravité d'une

situation d'isolement de la DCN dans les recompositions en cours.

Pourtant, à la fin de l'année 1999, aucun élément substantiel n'est encore

venu transformer les possibilités de manœuvre de la DCN dans le jeu

européen, puisque les arrêtés publiés ne concernent que la réorganisation

de la DCN en trois branches : constructions neuves (à Cherbourg, Lorient

et Indret), maintien en condition opérationnelle (Toulon, Brest et Papeete)

et systèmes de combat et équipements (Ruelle, Toulon, Saint-Tropez, Brest

et Paris).83

1.2.4 RESTRUCTURATIONS FRANCO-FRANÇAISES CHEZ LES

ÉQUIPEMENTIERS

A côté des grandes opérations de concentrations européennes

analysées ci-dessus, un certain nombre d'opérations de moindre ampleur

ont concerné des équipementiers français dont l'importance n'est pas

négligeable quand il s'agit de firmes comme Intertechnique ou la SFIM.

Intertechnique était depuis un certain temps déjà l'objet périodique

de spéculations boursières et était convoité par des groupes étrangers

comme AlliedSignal, Cobham ou Northrop-Grumman.84 Mais c'est

82 La Tribune, 8 novembre 1999.83 Les Echos, 29/30 octobre 1999.84 Les Echos, 7 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 34

finalement le groupe français Zodiac qui l'emporte et rachète les

participations du groupe Bolloré (32,18 %) et de la famille Dassault (31,25

%) pour environ 3 milliards de francs. Après cette acquisition, Zodiac

pèsera environ 8 milliards de francs de chiffre d'affaires dont 730 millions

de francs pour les équipements aéronautiques militaires et 5,1 milliards de

francs pour les équipements aéronautiques civils, devenant ainsi un des tout

premiers équipementiers européens, à hauteur de groupes comme Parker,

Smiths Industries ou Sextant Avionique mais encore loin de AlliedSignal

ou BF-Goodrich.85

La SFIM, à nouveau en situation économique délicate après le

redressement fragile en 1997 qui avait effacé les résultats lourdement

négatifs de 1996, était potentiellement en recherche de repreneur, comme

l'avaient annoncé ses actionnaires majoritaires Framatome (33,73 %) et

Paribas (33,24 %). Une première offre du groupe Thomson-CSF en juin

1998 avait été refusée. C'est finalement le groupe Sagem 86 qui, pour un

débours de 283 millions de francs jugé modique par les analystes,87 prendra

la majorité de la SFIM. Cette opération permet à la Sagem, qui réalisait

environ 3,5 milliards de francs de chiffre d'affaires dans la défense,

d'approcher les 5 milliards et de conforter ses positions dans l'optique et

l'optronique, les systèmes inertiels et le contrôle de vol, l'avionique et les

systèmes d'essais en vol ainsi que le traitement de l'information. Cette

croissance externe permet au groupe Sagem de conforter sa place dans les

regroupements à venir dans le secteur de l'électronique de défense, après

l'absorption de Dassault Electronique dans Thomson-CSF Detexis en 1998.

85 Les Echos, 3/4 décembre 1999.86 Air & Cosmos, 22 janvier 1999.87 Voir entre autres l'article "Les minoritaires massacrés" dans La Vie française du 22 janvier 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 35

D'autres opérations moins importantes peuvent également être

relevées :

Thomson-CSF a acheté (par l'intermédiaire de la Sodeteg) Sogelerg

Ingénierie à Alcatel et a cédé Aonix (logiciels) à L'Américain Gores

Technology88.

Le groupe français Daher (1,1 milliard de francs de chiffre d'affaires

en 1998, moitié en logistique, moitié en commissions de transports) s'est

créé un pôle d'aéronautique et de défense en reprenant 75 % du capital de

l'équipementier Lhotellier Montrichard (550 millions de francs de chiffre

d'affaires).89

La société Bertin en dépôt de bilan a finalement été reprise par la

société d'investissement à long terme LBO France.90

Aircelle (filiale à 50/50 de Airbus Industrie et de Hispano-Suiza)

s'est allié avec SINT (filiale à 100 % du groupe Hurel-Dubois).91

Mors (126 millions de francs de chiffre d'affaires dans les

équipements aéronautiques, la supervision de réseaux électriques et les

balises de positionnement) fusionne avec Actielec (600 millions de francs

de chiffre d'affaires dans les équipements automobiles, les

télécommunications, la sous-traitance électronique).92

On peut ajouter que la société franco-belge Sabca a vu son capital

se modifier puisque le Néerlandais Stork a passé un accord avec les

liquidateurs de Fokker pour reprendre les 43 % que détenait Fokker dans

Sabca.93

88 Les Echos, 12 janvier 1999.89 Les Echos, 29 avril 1999.90 Les Echos, 1er avril 1999.91 Air & Cosmos, 26 mars 1999.. SINT était auparavant une filiale commune de Hurel-Dubois (51 %) et du groupe Bombardier (49 % par l'intermédiaire de Shorts).92 Air & Cosmos, 10 décembre 1999.93 Air & Cosmos, 9 avril 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 36

1.3 PROJETS, INTENTIONS ET ALLIANCES EN PRÉPARATIONS

Les alliances déjà réalisées sont loin d'avoir encore complètement

fermé le jeu des recompositions des firmes d'armement en Europe. Un

certain nombre de projets ont été déclarés, des négociations sont en cours,

des alliances se préparent. On peut particulièrement relever ces intentions

et aspirations dans les domaines de l'électronique, de l'aérospatial et du

nucléaire.94

1.3.1 LE SECTEUR ÉLECTRONIQUE

Dans l'électronique, c'est le sort futur de la firme britannique Racal

Electronics qui est la question la plus ouvertement posée. Avec un chiffre

d'affaires d'un peu plus de 11 milliards de francs et 13 000 salariés (dont un

tiers dans la défense), l'électronicien d’outre-Manche est dans une position

isolée, après la fusion BAe-GEC. Comme un certain nombre d'autres

firmes du secteur, GEC en Grande-Bretagne ou Siemens en Allemagne,

Racal veut se redéployer dans le secteur des télécommunications et vendre

ses activités d'électronique de défense pour financer ce développement.

L'Américain Raytheon et le Britannique British Aerospace ont fait

connaître leur candidature au rachat, ainsi que le Français Thomson-CSF.95

Toutefois, la part que représente maintenant British Aerospace dans

l'industrie de défense britannique est telle qu'il est peu probable que l'Etat

lui permette cet accroissement supplémentaire. Quant à Raytheon, le

problème principal de son éventuelle prise de contrôle est évidemment

94 Certains des éléments analysés ci-dessus quant aux secteurs des armements terrestre et naval (fusion des chantiers navals allemands, propositions de Thomson-CSF à la DCN, discussions de Rheinmetall avec BAe pour Royal Ordnance, notamment) relèvent de projets plutôt que de réalisations, mais ils sont tellement liés aux décisions déjà prises qu'il a paru plus logique de les présenter dans la même section.95 Air & Cosmos, 18 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 37

celui des liens transatlantiques. Le groupe français n'est donc pas mal placé

comme repreneur éventuel, d'autant que Thomson-CSF a toujours

manifesté un tropisme marqué pour les marchés anglo-saxons, même s'il a

essuyé des déboires sérieux et des refus dans ses alliances ou propositions,

qu'il s'agisse des missiles de LTV jadis ou de GEC naguère. Le groupe

français emploie déjà environ 6 000 salariés outre-Manche et il a une filiale

commune (MBN) avec Racal, dans le domaine des télécommunications

militaires. L'enjeu est d'autant plus important que Thomson est en

compétition avec British Aerospace pour deux contrats majeurs en Grande-

Bretagne : l'équipement de deux porte-avions pour la Royal Navy (8

milliards de livres) et l'équipement du "future strategic tanker aircraft"

(FSTA). Cependant, au deuxième semestre 1999, au moment où des

rumeurs boursières donnaient comme imminente la décision de vente,

faisant ainsi bondir le titre de Racal à la Bourse de Londres, la candidature

du groupe allemand Dasa semblait modifier la position jusque-là jugée

favorable de Thomson.96

Cette concurrence éventuelle illustre la complexité de la relation de

Thomson avec Dasa. Le groupe français a toujours été plus tourné vers ses

homologues britanniques ou américains. Toutefois, en 1994, les deux

groupes avaient mis en commun leurs activités d'armement en créant deux

coentreprises, l'une dans le domaine de la propulsion, Bayern Chemie

(majorité Dasa), l'autre dans l'armement, Thomson-Dasa Armement (TDA,

majorité Thomson). TDA avait une filiale en Allemagne TDW (Thomson-

Dasa Wirksysteme). Mais l'arrêt de la coopération sur les munitions du sol-

air Apache-MAW ainsi que la difficulté pour Dasa de distinguer nettement

les activités de TDW et celles de sa filiale missiles LFK ont conduit le

groupe allemand à se retirer progressivement et à reprendre le contrôle à

96 Les Echos, 24 août 1999.

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100 % de TDW. De plus, Dasa envisage de céder sa part dans TDA.97

En revanche, dans le domaine de la propulsion, Bayern Chemie a

réalisé des performances économiques satisfaisantes et souhaite être partie

prenante du processus de concentration qui s'amorce dans ce secteur. La

propulsion tactique en Europe est essentiellement assurée par trois

groupes : Celerg (coentreprise Aérospatiale-Matra, SNPE), Royal

Ordnance et Bayern Chemie. Mais ces trois entreprises ne couvrent que les

deux tiers du marché européen98 et se heurtent à une sévère concurrence

américaine. Il est donc vraisemblable que dans ce domaine aussi un

regroupement ait lieu, qui devrait être favorisé par la constitution de

EADS.

1.3.2 L'AÉRONAUTIQUE

Dans l'aéronautique, les projets et éventualités sont liés pour une

part à cette constitution d'EADS, mais concernent également les

équipementiers et les avions régionaux.

Le rapprochement d'Aérospatiale-Matra et de Dasa a modifié

l'actionnariat et donc le contrôle de Dassault Aviation, dont le capital

détenu par l'Etat (45,9 %) avait été transféré à Aérospatiale en 1998, avec

signature d'un pacte d'actionnaires.99 Or, le PDG de Dassault Aviation

considère que "le changement d'actionnaires ouvre des possibilités que

nous mettrons en œuvre le moment venu"100, arguant qu'il pourrait exercer

son droit de préemption et ainsi sortir du regroupement qui lui avait été

imposé ou bien mettre fin à la convention d'actionnaires. De plus, dans cet

97 Air & Cosmos, 29 septembre 1999.98 Qui représente un peu plus de 2 milliards de francs.99 Voir Jean-Paul Hébert, Tribulations économiques de l'armement européen, Cahiers d'études stratégiques N°24, Paris, 1999. (chapitre 2).100 Les Echos, 27 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 39

affrontement, se jouent aussi les décisions sur la structure même de

Dassault Aviation dont le PDG souhaite séparer les activités d'avions civils

et les activités d'avions militaires, ce qui n'avait pas pour le moment reçu

l'agrément de Aérospatiale-Matra. Si le groupe Dassault a élargi ses marges

de manœuvre par rapport à la puissance publique avec le succès de sa

gamme d'avions civils Falcon et en obtenant que les rapprochements de

1998 ne concernent pas sa très profitable filiale Dassault Systèmes, il est

cependant peu probable qu'il ait la capacité de s'opposer seul à un

mouvement d'ensemble européen. On doit cependant garder en mémoire

qu'à la fin de l'année 1999, l'actionnariat familial du groupe a été réorganisé

et concentré par la fusion des deux holdings - Dassault Industries et FIMD

(Financière et Immobilière Marcel Dassault) - pour former le nouveau

holding Groupe industriel Marcel Dassault (GIMD) entièrement détenu par

la famille. Les participations (Dassault Aviation, Thomson-CSF, Dassault

Systèmes, notamment) sont donc rassemblées en une seule entité, ce qui

peut leur donner plus de poids dans les négociations à venir.101

L'entrée des groupes français au capital du Brésilien Embraer102 place

également le consortium franco-italien ATR dans une position nouvelle.

Créé en 1984 pour couvrir le domaine des avions régionaux, ATR, lancé

par Aérospatiale et Alenia, avait tenté de s'élargir par une alliance avec

British Aerospace. Mais cette tentative s'est soldée par un échec, constaté

en 1997. La situation d'ATR est aujourd'hui préoccupante avec un carnet de

commandes qui représente moins d'un an d'activité et un rythme actuel de

livraisons de deux avions par mois, alors qu'Embraer en livre six fois plus

et dispose d'un carnet de commandes qui représente près de dix ans

d'activité… Un rapprochement des deux sociétés est à l'ordre du jour et il

101 Le Figaro, 13 novembre 1999.102 Voir ci-après "Les alliances hors Union européenne".

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Naissance de l'Europe de l'armement page 40

ne se fera évidemment pas dans un rapport de force favorable pour ATR.

Les discussions proprement dites ne commenceront qu'après la finalisation

de l'entrée des groupes français au capital d'Embraer, mais la perspective

est tracée, comme l'explique le directeur délégué d'Aérospatiale-Matra,

Jean-François Bigay :

Nous entrerons /…/ dans la négociation contractuelle plus

formelle avec Embraer au sujet des avions régionaux. Quant à la

forme que les choses prendront, elle est encore ouverte, mais cela

pourrait aller jusqu'à fusionner le tout.103

La négociation est rendue complexe par le jeu multivalent d'Alenia,

dont la taille relative en Europe décroît au fur et à mesure que se réalisent

les alliances possibles. Le groupe italien serait par ailleurs en négociation

avec le groupe aéronautique canadien Bombardier pour participer à la

réalisation de l'avion de cent places BRJ-X, concurrent de l'Airbus A318.

Alenia collabore déjà avec Boeing comme constructeur du fuselage du

B717, programme que l'avionneur de Seattle a hérité de McDonnell

Douglas.104

Le sort de Fairchild-Dornier n'est toujours pas stabilisé puisque, à

la fin de l'année 1999, le groupe d'assurances allemand Allianz annonce

mener des négociations pour acquérir une part majoritaire dans le

constructeur germano-américain.105

Du côté des équipementiers, un certain nombre de projets existent

également.

En France, Latécoère, qui a opéré un redressement remarqué après

103 Les Echos, 26 octobre 1999.104 Les Echos, 18/19 juin 1999.105 La Tribune, 29 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 41

ses difficultés des années quatre-vingt, a rendu publiques des propositions

de regroupement des équipementiers aéronautiques, pour la création d'un

pôle européen d'aérostructures. Il a entrepris à ce sujet des discussions avec

Aérospatiale-Matra,106 pour sa filiale Socata (avions légers et

aérostructures). Mais la perspective de Latécoère englobe également des

sociétés comme Hurel-Dubois, Potez, Reims-Aviation, Socea et Indraero,

l'ensemble représentant environ 5 milliards de francs de chiffre d'affaires,

et son PDG déclare :

Nous devons être de plus en plus internationaux et

compétitifs, faire baisser nos prix pour les fournisseurs. La seule

réponse est un regroupement des forces et nous pensons que nous

pouvons jouer un rôle clé dans la formation d'un des pôles

européens d'aérostructures.107

C'est la même contrainte de taille et la volonté de profiter des

synergies procurées par un groupe de taille internationale qui poussent la

société CAC Systèmes (drones et cibles volantes, 32 millions de francs de

chiffre d'affaires en 1998) à négocier un rapprochement avec Aérospatiale-

Matra.108

D'autres alliances éventuelles évoquées en ce qui concerne les

équipementiers seraient fort importantes si elles se réalisaient. Ainsi en est-

il des intentions prêtées par le Sunday Telegraph au groupe britannique

Smiths Industries plc (12 milliards de francs de chiffre d'affaires dont 40 %

dans l'aéronautique et la défense) de racheter Sextant Avionique (valorisé

selon les analystes à 9,9 milliards de francs). 109 Bien qu'à la fin de l'année

1999 ces intentions ne soient pas concrétisées, le simple fait qu'elles soient

106 Les Echos, 6 octobre 1999.107 AFP, 5 octobre 1999.108 Correspondance économique, 4 juin 1999.109 La Tribune, 26 juillet 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 42

mentionnées comme crédibles témoigne de l'ampleur des restructurations et

regroupements en cours dans l'aéronautique européenne.

1.3.3 LE NUCLÉAIRE

Dans la production d'énergie, spécialement nucléaire, le paysage

européen est lui aussi en pleine mutation.110

Les équilibres mondiaux avaient déjà changé avec la politique

nouvelle du groupe américain Westinghouse (devenu CBS) qui avait cédé

ses activités de construction électrique (hors nucléaire) à l'Allemand

Siemens en 1997111 et ses activités nucléaires au Britannique BNFL, associé

à L'Américain Morrison Knudsen.112 Les relations franco-allemandes dans

ce domaine ont été marquées dans ces dernières années par des aléas

sérieux : en 1996, Framatome avait annoncé un projet de fusion avec GEC-

Alsthom qui laissait de côté Siemens, pourtant partenaire de longue date.

Cette opération ne s'était pas réalisée, mais la mauvaise manière faite au

partenaire allemand avait laissé des traces, aggravées par le refus ultérieur

d'EDF d'associer Siemens à un projet de centrales nucléaires en Chine. En

réaction, Siemens avait entrepris des négociations avec le Britannique

BNFL pour un rapprochement.113 Mais finalement, cette tentative avait à son

tour avorté. Du coup, en 1999, le gouvernement britannique a décidé

d'engager la privatisation partielle de BNFL, en mettant en vente jusqu'à 49

110 Les initiatives analysées dans cette section ne concernent pas directement la production du nucléaire militaire. Cependant elles concernent évidemment les structures industrielles de production du nucléaire, dont les connexions - du point de vue capitalistique - sont fortes et, à ce titre, elles doivent nécessairement être prises en compte pour une prospective des conditions de production du nucléaire militaire. C'est bien l'ensemble CEA-Industrie et CEA qui est touché par les restructurations en cours.111 A l'époque Siemens l'avait emporté pour 9 milliards de francs contre l'offre du Franco-britannique GEC-Alsthom. La Tribune, 17 novembre 1997. Voir Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries américaines d'armement : modèle ou menace ?, Cahiers d'études stratégiques N°23, Paris, 1999. (chapitre 6).112 Les Echos, 29 juin 1998.113 Le Monde, 28/29 juin 1998.

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% du capital d'ici 2002, ce qui devrait lui rapporter entre 1 et 2 milliards de

livres.114

C'est donc dans la relation franco-allemande que va se jouer l'avenir

des regroupements dans le nucléaire. Siemens n'est pas désireux de

s'engager au capital, comme le précisait à l'été 1999 son PDG, expliquant

que "Siemens ne prendra pas de participations dans Framatome en

rachetant les actions d'Alcatel".115 Toutefois, on peut considérer que cette

déclaration ne ferme pas la porte à d'autres solutions (coentreprises, etc.).

C'est pourquoi, il est important de ne pas oublier que la partie

française a profondément modifié ses équilibres. Le fait marquant est le

retrait d'Alcatel jusque-là actionnaire de Framatome à hauteur de 44 %.116

Pour mesurer l'ampleur de ce changement on doit rappeler que les relations

entre Alcatel (anciennement Alcatel-Alsthom, anciennement CGE) et

Framatome sont une histoire exceptionnellement mouvementée.

Les relations entre le CEA et Framatome ont été marquées par

nombre d'aléas. En 1975, à la demande des pouvoirs publics, le CEA est

entré à hauteur de 30 % dans le capital de cette filiale de Creusot-Loire. En

1983, cette participation est modifiée : pour 475 millions de francs, le CEA

acquiert 20 % supplémentaires du capital en obtenant en contrepartie que

les 3 milliards de francs de facilités de trésorerie dont Creusot-Loire avait

bénéficié de la part de Framatome, à l'insu du CEA117, soient remboursés en

quatre ans. Mais en 1984, Creusot-Loire est mis en liquidation et le CEA

devient l'unique actionnaire de Framatome. Toutefois, les pouvoirs publics

favorisèrent une diversification de l'actionnariat (et une augmentation de

capital) au motif que le CEA n'avait pas comme objectif prioritaire

114 Les Echos, 15 juillet 1999.115 Les Echos, 26 juillet 1999.116 Air & Cosmos, 27 août 1999.117 Cour des comptes, 1991, page 194.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 44

d'assumer seul la responsabilité industrielle de la construction des centrales

nucléaires. Ce nouveau montage laissait 35 % au CEA (et 10 % à EDF), en

faisant de la CGE (40 %) associée à la société Dumez (12 %) l'opérateur

industriel de Framatome.118

Cette situation va rester équilibrée jusqu'en 1990 où la CGE tente de

prendre, seule, le contrôle de Framatome en rachetant la part du groupe

Dumez. Cette tentative paraît menacer l'avenir industriel de Framatome aux

yeux de ses dirigeants. L'affrontement sera boursier, médiatique et

politique. Il ne sera arbitré qu'en fin d'année : alors que les vues de la CGE

avaient d'abord paru rencontrer celles de hauts responsables de la politique

industrielle, ce rapport se renverse et finalement, la CGE est contrainte de

revendre 7 %119 du capital (passant de 52 à 45 %) au profit d'un holding

public (CEA-Industrie et EDF) détenant 46 % et du Crédit lyonnais qui

entre pour 5 %, soit un bloc de contrôle public de 51 % (5 % sont détenus

par les salariés).120

Cette situation va être remise en cause par la décision de 1993 de

préparer la privatisation de Framatome. Le projet des pouvoirs publics

consiste à garder une minorité de blocage (34 %), répartie entre CEA-

Industrie (24 %) et EDF (10 %). Dans ce cas, Alcatel121 devrait racheter 17

% du capital et monter ainsi à 61 %. Mais la négociation est difficile car

Alcatel ne souhaite pas, pour des raisons financières, aller au-delà de 51

%.122 De plus cette privatisation se heurte à de sérieuses critiques, comme en

118 Dans des conditions d'évaluation que la Cour des comptes critique très précisément en montrant que l'évaluation de Framatome a varié de 2 375 millions (quand il s'est agi que le CEA acquière 20 %) à 1 510 millions (quand il s'agit de recéder 65 % du capital) pour remonter à 3 861 millions, au moment de la privatisation de la CGE....! (Cour des comptes, 1991, p.195).119 Le Monde, 1er novembre 1990.120 Ces transactions se font sur la base d'une estimation non moins "surprenante" que celles mentionnées ci-dessus puisqu'elles aboutissent à une évaluation de Framatome à 7 milliards...121 Nouveau nom du groupe CGE.122 Le Monde, 23/24 janvier 1994.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 45

témoigne le texte collectif publié par un collectif de prix Nobel, hauts

fonctionnaires et spécialistes du nucléaire qui considèrent que cette

décision mettrait " l’industrie nucléaire française en danger ", que " la

perspective de l’alcaltélisation est très inquiétante " et que cette prise de

contrôle par un groupe privé mettrait en danger le modèle français. 123 C'est

finalement un équilibre assurant la majorité aux capitaux publics (35 %

pour CEA-Industrie, 11 % pour EDF, 4 % pour le consortium de réalisation

("héritier" des titres du Crédit lyonnais)) qui prévaudra malgré quelques

autres tentatives.

C'est cet équilibre qui est fondamentalement modifié avec les

décisions de l'été 1999 qui prévoient que Alcatel échange une part de ses

actions dans Framatome (passant de 44 à 14 %) contre une montée dans

Thomson-CSF (passant de 15 à plus de 25 %).124 Dans ce nouveau montage,

c'est la Cogema qui devient l'actionnaire industriel de référence de

Framatome avec 34 % du capital. En même temps qu'il annonçait cette

transformation de l'actionnariat, le ministre de l'Economie et des Finances

s'adressait aux partenaires privés susceptibles de s'agréger au projet d'un

pôle nucléaire européen, citant Siemens comme le "partenaire européen

naturel".125 Ces ouvertures ont provoqué une première réaction positive du

côté allemand puisque KWU (filiale de Siemens) a abandonné au profit de

Framatome les négociations qu'il avait entamées en 1997 avec le

Britannique BNFL.126 Les négociations ont avancé très rapidement puisque

le projet de fusion des activités nucléaires des deux groupes a été présenté

au comité central d'entreprise de Framatome le 21 octobre127 et que

l'annonce du rapprochement des activités nucléaires des deux sociétés a été

123 Le Monde, 16 juin 1994.124 Cf. Les Echos, 30/31 juillet 1999.125 Ibidem.126 Les Echos, 27 septembre 1999.127 Libération, 18 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 46

faite en décembre,128 la société découlant de cette mise en commun étant

alors prévue pour être créée au début du printemps 2000, la réorganisation

du capital de Framatome ayant été achevée entre-temps.129 Siemens

détiendra environ 30 % du nouvel ensemble. Selon les estimations

publiées, l'activité nucléaire de Framatome représente environ 2., milliards

d'euros et celle de Siemens 1,1 milliard d'euros, l'ensemble représentant 13

100 salariés et devenant le premier producteur mondial.130 La position de la

firme n'est cependant pas assurée de manière définitive car, dans ce secteur,

d'autres restructurations devraient suivre : c'est ainsi que General Electric a

créé une société commune avec Hitachi et Toshiba dans la fabrication de

combustible pour les réacteurs à eau bouillante131 et que le Britannique

BNFL a repris pour 485 millions de dollars la branche nucléaire du groupe

helvético-suédois ABB, qui avait auparavant fusionné son activité de

production d'énergie avec Alstom.132

Le succès de cette fusion ainsi que la rapidité avec laquelle elle a été

négociée vont marquer un peu plus les rapports de force dans l'industrie

européenne et spécialement dans l'industrie liée à l'armement. En effet,

c'est bien à une prodigieuse accélération du renforcement des liens franco-

allemands que l'on assiste dans cette année 1999, dans un contexte qui

verra le 15 décembre 1999 la naissance du groupe franco-allemand

Aventis, 1er groupe mondial dans la fabrication du médicament, né de la

fusion de Rhône-Poulenc et de Hoechst. L'intensité de ces relations donne

évidemment au couple franco-allemand un poids déterminant dans les

128 La Tribune, 7 décembre 1999.129 Alcatel descend de 44 à 9 % (ce solde étant lui-même destiné à être cédé), Cogéma va entrer à 34 %, CEA-Industrie descend de 36 à 20 %, l'Etat monte à 20 %. La Tribune, 8 novembre 1999.130 Les Echos, 7 décembre 1999.131 Ibidem.132 Le Monde, 31 décembre 1999.

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montages européens ultérieurs. Pour autant, il laisse entière la question des

armes nucléaires, que l'Allemagne ne fabrique pas, mais que la Grande-

Bretagne fabrique, sans être partie prenante aujourd'hui de ces

regroupements.

1.4 MODIFICATIONS DE STRUCTURES DES FIRMES

PRÉLUDANT À DES ALLIANCES OU À DES

TRANSFORMATIONS D'ACTIVITÉ

Un certain nombre de transformations de structures internes des

firmes ou de modifications de périmètres peuvent être analysées comme

préludant à des opérations de rapprochements ou comme constituant des

réorientations d'activité. C'est le cas pour certaines firmes françaises ou

européennes, particulièrement dans le domaine des motoristes.

En France, on a mentionné plus haut la nouvelle organisation de la

DCN en trois branches. On attend au printemps 2000 les arrêtés

transformant la DCN en SCN (donc hors de la DGA). Il faut souligner

l'importance de l'évolution des effectifs de la DGA sur la longue période :

de 73 000 personnes au milieu des années quatre-vingt, elle subit une

première amputation notable en 1990 quand les établissements du GIAT

deviennent une société nationale. Le mouvement général de contraction des

dépenses de défense pèse sur les effectifs et les 39 263 postes du 1er janvier

1999133 seront, avec la transformation de la DCN, encore réduits d'environ

17 000, soit 22 000, mais qui comprennent environ 10 000 emplois dans les 133 Cf. La DGA en chiffres 1998, 12 pages, slnd.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 48

centres d'essais et 3 400 dans le SMA, lesquelles structures n'ont pas

vocation à rester toujours hors d'une logique et d'un statut économiques. Le

format de la DGA pourrait alors être réduit à ses tâches "étatiques" soit de

l'ordre de 5 à 7 000 personnes. L'évolution est évidemment considérable.

Le groupe SNPE a entrepris un certain nombre de réorganisations :

au début de l'année 1999, neuf mois après s'être allié dans les airbags au

Suédois Autoliv, leader mondial dans ce segment, la SNPE se retire et lui

cède ses 49 %.134 Dans le même esprit de rationalisation des activités, la

SNPE pense céder une partie de sa filiale Nobel Sport (numéro 1 européen

des poudres de chasse et de tir, marques Gévelot, Fob, Tuner, Win) au

Français Basaltes-Cheddite.135 En fin d'année 1999, la SNPE revend à

Lacroix (461 millions de francs de chiffre d'affaires en 1998 dont 55 %

dans la défense, 621 salariés) son secteur "contre-mesures" (fusées et

explosifs utilisés comme leurres) pour un montant non précisé. Les deux

groupes étaient auparavant associés dans Pyrotronics, qui sera rebaptisé

Lacroix. 136 Mais surtout, le groupe public décide en fin d'année de

regrouper les branches espace-défense et chimie sous un directeur unique.

Le "spectre" de la séparation s'éloigne donc. Cependant, les productions de

défense ne représentent plus que 20 % du chiffre d'affaires. En fait, après

l'échec du rapprochement avec Royal Ordnance, la SNPE cherche d'autres

alliances (en particulier avec l'Allemand Rheinmetal ou le Suédois

Bofors).137

RVI avait dans les dernières années vu son chiffre d'affaires

militaire décroître. Mais la production de véhicules militaires redevient une

préoccupation du groupe avec la création d'une "business unit" spécialisée

134 Les Echos, 23 février 1999.135 Le Point, 21 mai 1999.136 En 1997, Lacroix avait déjà racheté son concurrent Ruggieri (200 personnes) en difficultés financières. Les Echos, 29 décembre 1999.137 L'Usine nouvelle, 16 septembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 49

(remotorisation d’AMX 30, remise à neuf de camions GBC).138

Bertrand Faure (ancien actionnaire de Ratier-Figeac), après sa

fusion avec l'équipementier ECIA, va devenir Faurecia, détenue à 52,5 %

par le groupe Peugeot.139

Reims Aviation (avions légers), qui était passé sous contrôle de

L'Américain Cessna, avant d'être repris par le groupe français CFCI, a

doublé son chiffre d'affaires en deux ans (de 147 millions de francs en 1997

à 300 en 1999) et développé ses contrats à l'exportation (petits avions de

surveillance maritime et de contrôle de la pollution pour les marines

grecque, brésilienne et sud-coréenne) et pourrait participer aux

regroupements esquissés pour les firmes d'aérostructures.140

En Europe, on note également quelques réorganisations :

L'Italien Alenia Difesa se rationalise : Officine Galileo prend le

contrôle de la branche spatiale de Fiar (filiale d'Alenia) et regroupe ces

actifs dans Tecnospazio (filiale commune avec Fiat). Tecnospazio

représente 450 personnes et un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros.141

Le groupe britannique Cobham, après avoir racheté les firmes

Rayan et Starec, décide de les unifier avec sa représentation en France,

Chelton France (antennes pour aéronefs) dans un ensemble qui pèsera 80

millions de francs.142

Plus fondamentale bien entendu est l'évolution du conglomérat

allemand Preussag, sidérurgiste devenu le premier groupe voyagiste

allemand. Preussag, actionnaire des chantiers navals HDW dont il a déjà

cédé la majorité, a vendu depuis cinq ans pour environ 37 milliards de

138 Les Echos, 19 octobre 1999.139 Les Echos, 26 avril 1999.140 Les Echos, 26 avril 1999.141 Air & Cosmos, 2 avril 1999.142 Air & Cosmos, 2 juillet 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 50

francs d'actifs dans l'énergie et la sidérurgie, pour procéder à des

acquisitions dans le domaine de l'industrie du tourisme. Cette évolution fait

partie des stratégies des groupes qui, comme Philips ou Siemens en

Europe, ont choisi de sortir de l'armement.143

Chez les motoristes européens, un certain nombre de mouvements

sont également en cours :

La Snecma a entrepris de se transformer en holding (Snecma SA)

avec, dans la branche propulsion, trois sociétés : Snecma Moteurs, Snecma

Services, Techspace Aero. Cette nouvelle organisation pourrait faciliter la

conclusion des alliances que cherche le groupe français avec d'autres

motoristes européens comme Fiat Avio, MTU, Volvo ou Turboméca.144

Dans l'année 1999, la Snecma a d'ailleurs signé plusieurs accords : avec

Rolls-Royce, les deux motoristes ont décidé de créer une coentreprise pour

étudier le moteur militaire de la génération future d'avions de combat, ce

qui prolongera les travaux menés en commun dans le programme AMET,

mais devrait déboucher sur la réalisation d'un démonstrateur

technologique.145 La firme française et l'Allemand MTU ont également

décidé de créer une coentreprise, Ceramic Coating Center, spécialisée dans

l'application de revêtements céramiques sur des pièces de moteur. Pour le

PDG de la Snecma, "ce partenariat permettra de développer des

techniques essentielles pour la réparation des moteurs et la conception des

moteurs du futur".146

Mais le paysage des alliances européennes dans le domaine des

moteurs est encore très fragmenté, comme le montre la dispersion des

143 Le Monde, 11/12 juillet 1999.144 Air & Cosmos, 24 septembre 1999.145 Air & Cosmos, 5 mars 1999.146 Air & Cosmos, 25 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 51

coopérations existantes :

Coopérations entre motoristes européens

Eurojet -

EJ200

Turbo-

Union

RB199

AMET Adour GRTS

Larzac

Rolls-

Royce

X X X X

MTU X X

FIAT X X

ITP X

Snecma X X

Turboméca X X

Volvo147

En outre, la relation entre BMW et Rolls-Royce se modifie : Rolls-

Royce reprend le contrôle à 100 % de la filiale BMW Rolls-Royce

(moteurs BR700 pour avions d'affaires et jets régionaux) mais BMW

monte à 10 % dans le capital de Rolls-Royce. Cependant, BMW n'a pas

l'intention de lancer une offre d'achat (tout investisseur étranger est limité à

15 % dans le capital de Rolls-Royce, la part cumulée étant plafonnée à 49,5

%).148

Ces évolutions, s'ajoutant aux réorganisations de l'industrie italienne

où Fiat fédère maintenant l'essentiel de l'activité dans ce domaine,

constituent la base des regroupements qui devraient logiquement se réaliser

147 D'après Air & Cosmos, 29 octobre 1999.148 Les Echos, 26 octobre 1999.

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dans un délai assez bref dans le secteur des moteurs, d'autant plus que

l'Allemand MTU, sorti de Dasa pour être remonté dans DaimlerChrysler,

devrait être cédé ou fusionné. Le motoriste allemand dispose d'un assez

large choix de possibilités étant donné la variété de ses coopérations et

accords. En effet, MTU coopère avec Pratt & Withney (pour les moteurs

PW4000, PW2000, JT8D, PW300, PW500) mais aussi, dans le cadre du

consortium IAE (pour le moteur V2500), avec Pratt & Withney, Rolls-

Royce, Fiat Avio et le Japonais JAEC. Il est également lié à General

Electric pour le moteur CF6. Il collabore avec Volvo Aero pour des pièces

élémentaires, avec Turboméca et Rolls-Royce pour des turbines

d'hélicoptères MTR390. Enfin, il a créé avec la compagnie chinoise China

Southern une coentreprise pour l'entretien des moteurs V2500. Ce

panorama de liens donne au motoriste allemand une certaine latitude de

négociations pour l'avenir, d'autant qu'entre les principaux acteurs

européens (Snecma et Rolls-Royce notamment) la course à la taille critique

et à la puissance devrait s'accélérer.149

1.5 ALLIANCES INDUSTRIELLES ET ACCORDS DES FIRMES

D'ARMEMENT HORS DES PAYS DE LA LoI

Les alliances industrielles et rapprochements en cours ne concernent

pas que les firmes des pays de la LoI. Au contraire, le champ de ces

accords s'étend, en Europe bien sûr et particulièrement dans les pays de

l'Est européen, mais aussi en Extrême-Orient, voire en Afrique du Sud et

dans certains pays d'Amérique latine.

149 Air & Cosmos, 26 février 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 53

1.5.1 ACCORDS EN EUROPE, HORS LoI, ET DANS LA ZONE

MAGHREB-MOYEN-ORIENT

Dans l'Union européenne, Dasa a conclu une alliance stratégique

avec son homologue grec EAV (groupe Helleniques Industries

Aeronautique). L'accord prévoit de faire participer l'industrie grecque à des

projets de modernisation d'avions militaires, à la maintenance d'avions et

de moteurs, à la finition de pièces détachées et à l'équipement électronique

d'avions civils et militaires ainsi qu'à la production de produits

électroniques et de systèmes de défense. Le PDG de Dasa souligne que "cet

accord est un pas décisif dans l'intégration de l'industrie aéronautique

grecque dans les programmes et les structures européennes" .150

Dans les pays de l'Est européen, hors Union européenne, plusieurs

accords ont également été passés ou sont en voie de l'être :

En Russie d'abord, Eurocopter et la société russe MIL. Kazan,

regroupés au sein d'Euromil, ont signé un contrat de 100 millions de dollars

pour la réalisation d'un démonstrateur de l'hélicoptère bimoteur lourd MI38

(15 tonnes) dont le premier vol est prévu en 2001. Sur la base des études de

marché qui seront réalisées, une seconde phase serait celle de la production

en commun d'un hélicoptère multimissions dont les premières livraisons

démarreraient en 2005.151

Par ailleurs, l'avion de chasse d'entraînement Mig-AT va entrer en

production (pour seize exemplaires dans un premier temps), avec la

coopération de la Snecma pour le moteur Larzac et de Sextant Avionique

pour une partie de l'électronique de bord.152

150 Les Echos, 2 mars 1999.151 Les Echos, 19 août 1999.152 La Tribune, 13 décembre 1999.

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En Roumanie, Thomson-CSF crée une société commune avec la

firme roumaine Aerostar (30/60). Cette coentreprise Aerothom Electronics

produira des matériels électroniques professionnels (militaires et civils)

pour les communications, la radionavigation, l'identification et la détection.

La firme aura en charge aussi bien le développement des produits que leur

fabrication et leur commercialisation.153

Par ailleurs, Eurocopter a présenté en juillet 1999 une offre pour le

rachat des usines d'IAR-Brasov qui produisent des hélicoptères de transport

Puma sous licence et sont convoitées depuis deux ans par L'Américain Bell

Helicopter Textron.154

Ces liens s'inscrivent dans une perspective plus large de

rapprochement des industries roumaines d'armement avec des groupes

français, comme l'expliquait le ministre roumain de la Défense à Paris en

octobre 1999.155

En Pologne, c'est la Snecma qui veut participer à la privatisation du

site aéronautique polonais PZL Rzeszow en y installant des chaînes de

production de moteur et de trains d'atterrissage. La Snecma a déjà des

accords depuis 1994 avec cette usine et lui sous-traite la fabrication de

certaines pièces de moteurs. Une des retombées de cette coopération accrue

pourrait être, pour la Snecma, la possibilité de motoriser les hélicoptères

polonais Sokol.156

Dans la zone Maghreb-Moyen-Orient, on doit souligner la faiblesse

des relations industrielles avec les industries d'armement d’Israël, alors

que les firmes américaines ont continué en 1999 le développement de leurs

153 La Tribune, 16 juin 1999.154 AFP, 6 octobre 1999.155 Ibidem.156 La Tribune, 27 mai 1999.

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liens, déjà importants :

Texas Instruments a racheté l'Israélien Libit Signal (cartes et

modems de téléphonie par Internet, 70 personnes) pour 360 millions de

dollars, après avoir renchéri au-dessus de l'offre de son compatriote et

concurrent Lucent Technologies.157

Fairchild a confié en fin d'année 1999 à IAI (Israël Aircraft

Industries) la responsabilité du fuselage et de l'assemblage final de son

programme 429JET (appareil de 44 sièges).158

Boeing, de son côté, renforce ses liens avec IAI en lui proposant un

partenariat de conversion des 757.159

Du côté français, alors même qu'Israël cherche à exporter son

savoir-faire en matière d'armement, spécialement d'électronique, les seules

relations notables sont le fait que, selon les firmes, l'Aérospatiale-Matra et

IAI auraient collaboré sur des drones et que Thomson-CSF et IAI

travailleraient ensemble dans l'optronique.160

Certains accords de coopération ou de filiale commune dans les

services aéronautiques ont été mis sur pied :

En Jordanie, la DGA et la Sofrantem ont négocié un accord pour la

maintenance des Mirage F-1.161

Au Maroc, la Snecma a créé une filiale, Snecma Morocco Engine

services, conjointement avec Royal Air Maroc et soixante personnes sont

installées dans ce pays à la fin de l'année 1999.162

Mais l'accord le plus important concerne les Emirats arabes unis,

par sa nature, mais aussi parce qu’il met en jeu des relations croisées avec

les Etats-Unis. En effet, à la fin de l'année 1999 le chantier naval

157 Les Echos, 22 juin 1999.158 Les Echos, 1er/2 octobre 1999.159 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.160 Air & Cosmos,, 8 décembre 1999.161 Air & Cosmos, 24 décembre 1999.162 Air & Cosmos, 8 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 56

Constructions mécaniques de Normandie (CMN) a signé des accords de

participations croisées avec l'Américain Newport News Shipbuilding

(NNS) et l'émirati Abu Dhabi Shipbuilding (ADSB), par lesquels CMN

acquiert la moitié de la participation de 40 % de NNS dans ADSB. En

outre, ADSB et CMN entrent dans une filiale de NNS spécialisée dans

l'exportation, et ADSB devient actionnaire de CMN. De plus, l'activité de

l'arsenal public des émirats (MSB, Marine Support Branch) va être

fusionnée dans ADSB. Cet accord est lié aux commandes émiraties de

patrouilleurs, spécialité des CMN, mais innove par le jeu de participations

croisées avec le chantier américain.163

1.5.2 ACCORDS EN EXTRÈME-ORIENT

En Extrême-Orient, les accords concernent aussi bien la Chine et les

pays émergents (Malaisie, Singapour, Corée du Sud) que des pays de

l'OCDE (Japon, Australie).

En Chine, Airbus a signé une série d'accords avec le constructeur

chinois AVIC pour développer la coopération industrielle et ceci pour

compenser l'abandon en 1998 du projet d'avion de cent places sur lequel la

Chine avait placé de sérieux espoirs. AVIC (Aviation Industries of China)

devrait participer en particulier au programme de développement du nouvel

appareil de la gamme d'Airbus, l'A318, et fabriquer des parties d'aile pour

les A320.164

De son côté, la société d'aéronautique grecque EAB et la firme

chinoise SARC (Société chinoise de réparation d'avions) ont fondé un

consortium (45/55) pour la réparation des avions de la République

populaire de Chine, mais aussi avec des visées sur les marchés de

163 Les Echos, 9 décembre 1999.164 AFP, 25 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 57

maintenance Extrême-Orient.165

En Malaisie, c'est l'Italien Alenia Aerospazio qui a signé un accord

de coopération avec Aerospace Industries Malaysia. Le constructeur italien

noue ici sa première relation avec un pays de cette zone. La Malaisie est

intéressée par l'avion de transport militaire C27 J développé par Lockheed-

Martin avec la collaboration d'Alenia, mais aussi par l'appareil régional

ATR42, produit par le consortium ATR dont Alenia est membre, dans sa

version de patrouille. La collaboration avec Aerospace Industries Malaysia

devrait lui permettre de pénétrer plus facilement le marché local.166

A Singapour, Messier-Dowty et Singapore Aerospace

Manufacturing (SAM) ont créé une société commune au troisième

trimestre 1999, dans le domaine des atterrisseurs (petits et moyens) des

avions régionaux et d'affaires. SAM apportera à la coentreprise les moyens

de production d'atterrisseurs qu'il possède et Messier-Dowty apportera le

support et l'assistance nécessaires au transfert de savoir-faire. La

coentreprise devrait réaliser un chiffre d'affaires de 100 millions de francs

en 2000 et prévoit de le tripler d'ici 2004. L'objectif de Messier-Dowty est,

dans un premier temps, d'obtenir des baisses de coûts de production mais, à

plus long terme, le partenariat pourrait être étendu.167

En Corée du Sud, Thomson-CSF et la société Samsung Electronics

Co. ont créé en octobre 1999 une coentreprise (50/50) pour produire des

composants à haute technologie pour le secteur de la défense. Samsung

apportera toutes ses activités en matière de défense à cette coentreprise. De

165 AFP, 20 décembre 1999.166 Les Echos, 31 mai 1999.167 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 58

son côté, le groupe français opérera des transferts de technologie, en

particulier en matière de production de systèmes de télécommunications

appliquées au secteur de la défense (Global Positioning System), de

systèmes de communications par satellites, de systèmes de guidage et de

contrôle de mise à feu.168 Dans cette opération, Thomson-CSF acquiert la

moitié des activités de défense de Samsung Electronics. La société

commune prévoit de faire un chiffre d'affaires de 130 millions d'euros, la

première année.169

En Australie, c'est une opération plus importante que le groupe

français a menée. En effet, Thomson-CSF a été retenu à parité avec le

groupe d'ingénierie Transfield pour la privatisation d'ADI (Australian

Defence Industries). Le premier groupe de défense australien pèse environ

1,9 milliard de francs de chiffre d'affaires avec 2 800 salariés et tient 15 %

du marché australien de la défense. Thomson-CSF avait déjà une

implantation en Australie dans les sonars et le contrôle aérien 170 et peut ainsi

développer ses activités d'équipements navals (modernisation des frégates

australiennes et équipement de six chasseurs de mines en construction).

Face à la proposition concurrente à laquelle participait Marconi, il a sans

doute bénéficié de la crainte des autorités australiennes d'une position de

monopole du groupe anglais, British Aerospace ayant déjà de gros intérêts

en Australie.171 L'opération là encore a été rapidement menée puisque le

transfert du contrôle du groupe public australien au holding

Thomson/Transfield s'est fait dès le mois de décembre 1999.172

168 Les Echos, 29/30 octobre 1999.169 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.170 700 personnes, environ 500 millions de francs de chiffre d'affaires.171 Air & Cosmos, 27 août 1999.172 L'opération est réalisée pour un montant de 217 millions d'euros. Air & Cosmos, 10 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 59

En Australie, une opération de prise de contrôle américaine a

également eu lieu puisque le groupe Boeing a racheté la société

australienne, The Preston Group, spécialisée dans le développement de

logiciels aéronautiques.173

Enfin au Japon, le conglomérat britannique GKN et Toyota

Machine Works (TMW, filiale du numéro 1 de l'automobile japonais

Toyota) vont créer une coentreprise GKN Toyota Driveshafts dans les

composants automobiles (colonnes de direction). GKN détiendra 49 % de

la nouvelle société. Le chiffre d'affaires pourrait être voisin de 200 millions

de francs en 2004, mais l'importance de l'investissement de départ (environ

500 millions de francs) indique que le développement de cette production

devrait être soutenu.174

Par ailleurs, Mitsubishi Heavy Industries (MHI) numéro un japonais

de l'industrie lourde et de la défense, a manifesté sa volonté de devenir l'un

des fournisseurs du programme A3XX, dont le lancement est en

discussion. Le groupe japonais souhaite ainsi rééquilibrer ses relations avec

Boeing, dont il est un fournisseur pour les gros-porteurs de la compagnie

américaine.175

1.5.3 L'AFRIQUE DU SUD ET L'AMÉRIQUE LATINE

En dehors des zones Europe et Extrême-Orient, les accords

industriels passés avec des firmes d'armement sont peu nombreux : pour le

continent africain, ils se résument aux relations avec l'Afrique du Sud, pour

l'Amérique latine, ils ne concernent que le Chili et le Brésil.

173 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.174 Les Echos, 10 février 1999.175 Les Echos, 1er mars 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 60

L'Afrique du Sud a entrepris une réorganisation profonde de son

industrie d'armement qui se traduit par un désengagement capitalistique de

l'Etat et par l'ouverture du capital de plusieurs firmes à des groupes

étrangers. Dès le début de l'année 1999,176 Denel, le principal groupe de

défense sud-africain, est dans la tourmente avec des pertes avoisinant le

demi milliard de francs, en hausse d'un tiers par rapport à l'exercice

précédent. Le conseil d'administration élabore une stratégie radicale pour

réduire les effectifs, se débarrasser des activités non rentables et trouver de

nouveaux investisseurs. Ce plan prévoit une restructuration de grande

ampleur avec l'intégration de Denel Aerospace dans une entité plus vaste

qui comporterait des actionnaires privés internationaux. Dès ce moment,

British Aerospace est cité comme partenaire vraisemblable. Il s'agit aussi

de réaliser la modernisation des divisions de munitions lourdes et légères.

On envisage en outre une possible fusion des branches "information" de

trois groupes paraétatiques. La situation difficile de Denel est mise sur le

compte de la baisse des exportations. Toutefois, le plan d'acquisitions

d'armement de l'Afrique du Sud, où ont été négociées des compensations

fort importantes, pourrait être un facteur de redynamisation de son

industrie. Cette ouverture du capital à British Aerospace va prendre forme

avec les négociations entamées un peu plus tard pour aboutir à la création

d'un nouveau groupe aéronautique réunissant la division aéronautique de

Denel, Advanced Technologies et Aerosud.

Dans ce nouveau groupe, British Aerospace et un "groupe

d'influence" noir africain prendraient une participation dans une transaction

de plusieurs centaines de millions de francs.177 Ce schéma se concrétise

finalement par une prise de participation de British Aerospace de 20 %

dans le capital de Denel Aviation, filiale avionique de Denel, ainsi qu'une

176 Air & Cosmos, 26 mars 1999.177 Air & Cosmos, 30 avril 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 61

prise da participation de 20 % dans Advanced Technologies Engineering,

autre filiale du groupe sud-africain.178 Ces décisions sont liées aux

commandes d'armement sud-africaines (environ 22 milliards de francs)

dont les montants de compensations aideront substantiellement les firmes

locales puisque Denel recevra 7 milliards de francs, sans compter ses

filiales Kentron (1 milliard de francs) ou Advanced Technologies

Engineering (1,5 milliard de francs). En outre Grintek recevra lui aussi 1

milliard de francs, Advanced Defence System 750 millions de francs et

Reunert 150 millions de francs. C'est dire que ce contrat a été efficacement

utilisé par les autorités sud-africaines pour obtenir des contreparties de

nature à faciliter la rénovation de son appareil de production d'armement.

D'autant plus que les liens industriels ne se sont pas limités au

groupe britannique. D'autres accords ont été passés qui voient l'entrée

d'autres firmes européennes dans le capital de firmes sud-africaines.

Le groupe Grintek a ainsi cédé 49 % de sa filiale Avitronics

(équipements de guerre électronique, lance-leurres, détecteurs d'alerte, etc.)

au groupe suédois Celsius. Les deux groupes ont de plus signé un accord

de partage de technologies concernant Avitronics et Celsius Tech

Electronics (filiale correspondante de Celsius) et devraient mettre en

commun leurs réseaux commerciaux dans ce domaine.179

Dasa a également annoncé avoir pris une participation de 33 % au

capital de Reutech Radar Systems, récemment créée dans les systèmes de

défense électronique.180

En Amérique latine, Dassault Aviation a signé un accord de

178 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.179 Air & Cosmos, 21 mai 1999.180 Les Echos, 14 août 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 62

coopération avec la firme d'aéronautique chilienne Enaer pour en faire un

centre de maintenance aéronautique pour les Mirage III, 5, 50 et F1

d'Amérique latine, ce qui représente un parc de 150 appareils. La firme

chilienne produira également des éléments pour les avions Falcon de

Dassault et la firme française propose un élargissement important de ces

perspectives dans le cas où le Chili choisirait de s'équiper de Mirage 2000-

5 dans le cadre du renouvellement de sa flotte d'avions de combat. Enaer,

qui avait déjà concrétisé des accords avec la Snecma, élargit donc sa

position dans ce secteur de production pour la zone.

Au Brésil, la possibilité d'une ouverture du capital de la firme

Embraer était évoquée depuis un certain temps. Cette possibilité s'est

concrétisée à la fin de l'année 1999. Le PDG de la firme nationale a d'abord

confirmé que des négociations étaient en cours avec des industriels

européens pour une ouverture qui représenterait 9 % du capital et 20 % des

droits de vote.181 Mais c'est finalement une ouverture plus importante qui

s'est faite puisque qu'elle se monte à un peu plus de 20 % du capital 182 :

Dassault Aviation, Aérospatiale-Matra et Thomson-CSF prendront chacun

5,76 % du capital, et la Snecma 3 %, ceci pour un montant d'un peu plus

d'1 milliard de francs. L'Etat brésilien conserve 6,8 % du capital et une

action spécifique.183 Les groupes français l'ont emporté face aux

propositions de British Aerospace et Saab. Une des perspectives de cette

présence accrue sur le marché brésilien est le renouvellement de la flotte

d'avions de combat (besoins estimés entre 120 et 150 appareils) à l'horizon

2005. L'affrontement avec les producteurs américains y sera très dur,

comme l'ont déjà été dans le passé les concurrences pour des marchés

d'hélicoptères ou pour la couverture radar de l'Amazonie. La présence

181 La Tribune, 1er octobre 1999.182 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.183 En anglais, golden share.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 63

industrielle directe est conçue comme devant constituer un atout

supplémentaire pour ne pas être évincé et pouvoir apparaître comme un

acteur local, facteur qui peut être décisif.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 64

CONCLUSION : L'EUROPÉANISATION INDUSTRIELLE DE

L'ARMEMENT A FRANCHI UNE ÉTAPE DÉCISIVE

L'année 1999 peut être considérée comme l'année zéro de l'Europe

de l'armement, en ce sens que, du point de vue industriel, des

regroupements majeurs se sont faits qui rendent définitivement caduques

les stratégies industrielles de "champions nationaux" dans le domaine de

l'armement. En ce sens, le regroupement britannique dans "BAe Systems"

n'est sans doute pas une forme achevée d'équilibre industriel, d'autant

moins que, ce faisant, le groupe britannique a choisi la voie d'une grande

spécialisation dans le militaire, qui n'est pas forcément la stratégie la mieux

à même de le mettre à l'abri des cycles d'activités et qui lui donne moins de

mobilité que l'insertion dans un groupe plus diversifié.

Le caractère irréversible du processus qui s'est accéléré en 1999 tient

aussi aux caractéristiques nouvelles que l'on peut repérer dans ces

mouvements :

Tout d'abord, le fait que ces alliances majeures se sont faites dans

des délais brefs, contrastant avec l'étalement dans le temps des négociations

qui était jusque-là l'habitude, sinon la règle. L'accélération des décisions

avait franchi un pas avec la fusion Thyssen-Krupp et le rapprochement

Agusta-Westland, elle a été encore plus forte dans le cas de la reprise de

l'électronique de GEC ou de la création d'EADS. Cette rapidité de réaction

tient aussi au fait que la coordination entre pouvoirs politiques et

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 65

industriels s'est faite sur un mode plus souple, moins dirigiste, où la marge

de manœuvre des négociateurs industriels était plus grande

Ensuite, on doit noter que ces alliances se sont faites sur des

volumes économiques très importants : la reprise de l'électronique de GEC

par BAe est la deuxième opération d'acquisition en termes de montant

financier après la reprise de McDonnell Douglas par Boeing. Mais c'est

aussi la nature de l'alliance qui est un fait nouveau : la fusion Aérospatiale-

Matra/Dasa, c'est la fusion de deux entités industrielles complètes et non

plus simplement le rapprochement de tels ou tels types d'activité.

Ces intégrations horizontales donnent une puissance économique

particulière aux groupes ainsi constitués. Elles posent pour l'avenir des

problèmes de concurrence, mais que des intégrations verticales auraient

également posés dans d'autres conditions. Cependant, on peut estimer que

le paysage ultime qui sortira de ce mouvement de recomposition n'est pas

nécessairement un paysage unipolaire : à côté d'EADS, la puissance de

BAe, en ce qui concerne l'aéronautique, n'est pas négligeable. Si le

rassemblement missilier autour de Aérospatiale-Matra, BAe et

Finmeccanica est très dominant, il n'a pas pour autant rassemblé encore

toutes les activités européennes de production de missiles et l'éventuelle

agrégation de ces activités autour de celles de Thomson pourrait maintenir,

au moins dans certains segments, une concurrence, d’autant que le groupe

français tente de se consolider dans ce secteur puisque, à Noël 1999, il

annonce qu'il va monter à 100 % dans la coentreprise Shorts Missiles

Systems (107 millions d'euros de chiffre d'affaires, 550 personnes, missiles

courte portée) en rachetant les 50 % du groupe canadien Bombardier.

Thomson-CSF va donc faire 4,5 milliards de francs de chiffre d'affaires en

2000 dans ce secteur. Il est d'ailleurs au second rang de l'électronique de

défense en Grande-Bretagne avec 920 millions d'euros de chiffre d'affaires

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 66

et 6 000 salariés.184 Dans le domaine des hélicoptères, il y a maintenant deux

producteurs. Dans le domaine spatial, à côté d'Astrium, les activités

d'Alcatel-Thomson peuvent aussi maintenir une certaine concurrence.

Enfin, ces alliances ont clairement pris une dimension

transnationale, ce qui s'est manifesté d'abord par le rapprochement Dasa-

Casa, puis à une plus grande échelle par la création d'EADS. Cette

caractéristique a maintenant pris un caractère d'irréversibilité qui marquera

les regroupements ultérieurs.

C'est que, si des étapes majeures ont été franchies, les

restructurations restent à faire dans d'autres domaines : cela concerne bien

sûr les changements de structures d'Airbus et d'Arianespace, mais aussi

tout le secteur des motoristes, dont l'avenir sera conditionné par les

politiques des deux prétendants majeurs que sont la Snecma (dont les

modifications de structures sont une mise en position pour affronter les

évolutions à venir) et Rolls-Royce. De manière connexe, le secteur de la

propulsion se prépare à des regroupements. Quant à l'électronique de

défense, les équilibres actuels sont loin d'être stables, qu'il s'agisse des

systémiers ou des équipementiers.

Enfin, on peut noter que les secteurs plus "traditionnels" de

l'armement terrestre et naval ont commencé à se mettre en mouvement, à

l'initiative des firmes allemandes et britanniques dans le premier cas, des

firmes allemandes et suédoises dans le second. Ces mouvements ne sont

que le début de la recomposition probable de ces domaines. Ils ne touchent

pas encore tous les producteurs européens ; pourtant, tant les chantiers

britanniques que le constructeur naval italien Fincantieri ou le chantier

espagnol Bazan seront à terme concernés à leur tour par le mouvement de

concentration. Mais surtout, on doit noter l'absence des groupes français 184 Le Monde, 24/25 décembre 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 67

GIAT Industries et DCN dans ces esquisses de négociations. Si des

transformations décisives et rapides n'intervenaient pas pour le statut et la

possibilité de mobilité de ces deux groupes, on peut craindre qu'ils ne

restent "sur la touche" des rapprochements qu'on pressent et donc qu'ils ne

soient obligés in fine de négocier dans la plus mauvaise situation possible

alors que les alliances principales auraient été faites hors d'eux, ce qui ne

laisserait pas d'être paradoxal, en comparaison de la place que prennent par

ailleurs les groupes français dans les autres restructurations européennes.

L'européanisation prend corps dans ce processus puisque les

alliances et regroupements ne se bornent pas aux trois pays les plus

importants en matière de production d'armement mais incluent également

l'Italie, l'Espagne ou la Suède, notamment. Dans cet ensemble, le couple

franco-allemand reprend une place significative avec la création d'EADS,

mais aussi le rapprochement dans le nucléaire de Framatome et Siemens ou

la création, sur un plan industriel plus large, d'Aventis (fusion de Rhône-

Poulenc et de Hoescht) ou bien encore les projets de la SNCF et de la

Deutsche Bahn de concevoir ensemble un train européen à grande vitesse.185

Et les entreprises françaises ne sont pas mal placées sur le plan européen

puisque les liens d'Aérospatiale-Matra, en particulier, ont permis de ne pas

négliger les alliances avec la Grande-Bretagne (Astrium, missiles).

C'est d'autant plus vrai que ce processus ne concerne pas seulement

les grands systémiers mais qu'il a été accompagné de restructurations chez

les équipementiers.

Dans ce contexte, il est important de ne pas oublier que les

industries productrices d'armement ne peuvent plus aujourd'hui être

analysées d'un strict point de vue de la "production militaire" : les groupes

sont de plus en plus diversifiés, pour la plupart d'entre eux la production de 185 Le Monde, 19/20 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 68

défense ne représente qu'une fraction de chiffres d'affaires et la stratégie

industrielle de ces groupes (voire de ces conglomérats) est globale. De

même que la concurrence qu'ils doivent affronter, en particulier pour

l'accès aux marchés financiers, est une concurrence globale qui les

confronte directement à des groupes totalement "civils". La question de la

taille critique n'est donc pas seulement liée à la compétition spécifique sur

le marché de la production militaire, mais renvoie à une compétition plus

globale où le fait de la production de défense n'est qu'un élément parmi

d'autres des choix stratégiques des dirigeants.

Cette "banalisation" des industries d'armement est une des

manifestations de la mutation radicale en cours dans les systèmes de

production d'armement, spécialement le système français. Elle va de pair

avec la considérable contraction d'effectifs de la DGA et l'inflexion de son

rôle.

Enfin, l'accélération de ce processus d'européanisation a modifié les

conditions d'évolution des relations transatlantiques (voir chapitre 3), et les

formes futures de la compétition entre systèmes de production d'armement

européen et américain commencent à se dessiner aussi avec les alliances

industrielles qui se nouent avec des firmes Extrême-Orient. Ce facteur sera

sans doute pour le début du XXIe siècle l'un des éléments déterminants des

rapports de force parce que la croissance économique dans cette zone est

soutenue (malgré les à-coups), que les besoins en équipements militaires y

sont croissants, que les capacités technologiques existent et que les firmes

de ces zones ont intérêt à obtenir des transferts de technologie.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 69

2. ALÉAS DES PROGRAMMES D'ARMEMENT EN

COOPÉRATION

Quand on analyse la répartition des commandes globales

d'armement passées par la DGA en 1997 et 1998, on constate la part non

négligeable des programmes en coopération. En effet, ont bénéficié de

telles commandes globales en 1997 le missile SCALP EG (pour 4,2

milliards de francs), le missile Apache antipiste (pour 1,6 milliard de

francs), les torpilles MU 90 (pour 2 milliards de francs) et, en 1998, le

développement de missiles PAAMS (pour 1,1 milliard de francs), soit un

total de 8,9 milliards de francs sur un ensemble de 21,6 milliards de

francs.186 Cette proportion de plus de 40 % représente une part

significativement plus importante que la moyenne des crédits affectés

annuellement et indique une évolution notable dans le sens d'un

accroissement des fabrications en coopération par rapport aux fabrications

nationales.

C'est ce mouvement que souligne le directeur du Service de la

recherche et des études amonts (SREA), Daniel Estournet :

En titre V le pourcentage programmé en coopération est de

18 % et cette proportion devrait croître de manière significative

pour passer à 25 % d'ici trois ans. Un accent particulier est mis sur

la coopération avec les pays dont le budget est analogue à celui de

la France (Allemagne, Grande-Bretagne) mais aussi avec l'Italie ou

la Suède.187

186 Note d'information DICOD du 15 janvier 1999.187 GIAT Magazine, 1er juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 70

Le fait vaut d'être souligné car la situation de la coopération pour les

programmes d'armement telle qu'elle apparaît avoir évolué en 1999 est

ambiguë. Certaines évolutions vont dans le sens d'un développement de la

coopération, comme le fait que British Aerospace et Dassault Aviation

pourraient ouvrir leur coopération sur la génération future d'avions de

combat à d'autres Européens comme Dasa ou Saab.188 Mais par ailleurs,

dans le domaine de la recherche, la dispersion reste la situation dominante,

comme le souligne Daniel Estournet dans l'entretien cité plus haut, alors

que certaines situations réclament des rapprochements à réaliser de manière

urgente étant donné les contraintes économiques, comme c'est le cas pour

les centres d'essais. Il y a en France une vingtaine de centres d'essais et

environ cent cinquante centres en Europe.189 C'est dire qu'il y a une évidente

nécessité de rationalisation, qui doit toutefois être menée de façon à

préserver une concurrence suffisante entre les centres pour maintenir leur

capacité d'innovation. Cette rationalisation pourrait, à en croire certaines

propositions, s'appuyer sur un développement de centres privés, mais il

paraît souhaitable que, là aussi, soit préservés un équilibre et une place

adéquats pour les centres publics, de façon à ne pas soumettre totalement

les objectifs de recherche à des contraintes commerciales de court terme.

Ce mouvement ne se développera pas de manière autonome. Il est lié à

l'évolution des restructurations industrielles en Europe, comme le souligne

Micke P. Rouse, directeur de la division militaire de British Aerospace :

La rationalisation des centres d'essais se fera au fur et à

mesure de la consolidation industrielle pour éviter toute duplication

et surcapacité en termes de moyens d'essais.190

188 Le Monde, 17 juin 1999.189 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.190 Ibidem.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 71

Toutefois, il est frappant de constater le décalage entre l'importance

des restructurations industrielles telles qu'elles se sont accélérées en 1999

et le rythme de la construction des organismes de coopération. On attend,

pour l'année 2000, une étape décisive pour l'OCCAR, faisant de lui un

organisme international autonome, doté de son propre budget et

théoriquement capable de s'engager seul avec des industriels sur des

programmes d'armement.191 Cette évolution sera incontestablement

importante. Mais, jusqu'à présent, l'OCCAR n'accueille que des

programmes qui ont été décidés ou lancés en dehors de lui ou avant lui. De

ce point de vue, l'ATF pourrait être un programme fondateur. Mais dans

l'immédiat, des aléas sérieux se constatent dans les coopérations

européennes : si certains programmes, en particulier dans les missiles,

progressent de manière satisfaisante, plusieurs autres se sont heurtés à des

difficultés ou des échecs.

2.1 LES PROGRAMMES EN COOPÉRATION EUROPÉENNE QUI

ONT PROGRESSÉ DE MANIÈRE POSITIVE EN 1999

Les déroulements de programmes qui ont évolué de manière

satisfaisante en 1999 concernent principalement le domaine des missiles

dans son ensemble, plus un certain nombre d'initiatives dans le secteur de

l'aéronautique et de l'espace.

191 Voir Le Monde,du renseignement, 9 septembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 72

2.1.1 LES COOPÉRATIONS EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE

MISSILES EN 1999

Si on fait l'état des coopérations192 dans les programmes de missiles,

on constate l'importance de la gamme qui est couverte avec, en missile de

croisière air-sol, le Scalp EG/Storm Shadow (Royaume-Uni, France,

Italie), en engins sol-air, le Roland et le drone Brevel (France, Allemagne),

en missiles antichar, les Trigat (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-

Bas, Belgique) et Milan et Hot (Royaume-Uni, France, Allemagne), en

missiles surface-air, l'Aster, le Milas, l'Otomat (France, Italie), en système

antimissile, la famille d'engins PAAMS (Royaume-Uni, France, Italie), en

missiles antinavires, le Polyphème (France, Allemagne) et le NSM (France,

Norvège), en missiles air-air, Meteor (Royaume-Uni, Allemagne, Italie,

Espagne, Suède193).

Cette importance des coopérations se retrouve dans l'analyse que

font les responsables de Matra BAe Dynamics, au moment de la création

d'EADS, où, à la légitime question de l'affaiblissement de la concurrence

dans le secteur des missiles, ils répondent en soulignant l'importance de la

concurrence américaine dans ce domaine. Le PDG de MBD, Fabrice

Bréguier, rappelle :

Plus de 50 % du marché européen des missiles est entre les

mains des Américains alors que 0 % du marché des missiles aux

Etats-Unis est entre les mains des Européens.194

Et il insiste sur l'importance des partenariats de MBD en Europe :

avec Saab en Suède, Konsberg en Norvège, BGT en Allemagne.

192 Cf. La Tribune, 21 octobre 1999.193 Avec la participation de la firme franco-britannique Matra-BAe Dynamics.194 Les Echos, 25 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 73

L'évolution des programmes de missiles conforte cette

représentation :

En mai 1999, a été signé entre la France et la Norvège l'accord de

coopération concernant le programme de missiles antinavires (NSM).195

En juin, le programme de missiles antichars Trigat à moyenne

portée (Trigat MP) a vu se lever les incertitudes qui pesaient sur son sort

quand le Royaume-Uni a annoncé sa décision de signer le protocole

intergouvernemental pour la production en série196 qui avait déjà été signé

par la France et l'Allemagne en décembre 1998. Ce programme n'attend

plus que les signatures de la Belgique et des Pays-Bas. Ce programme

comporte 35 000 munitions et 1 600 postes de tir dont la Grande-Bretagne

devrait acquérir 45 %. Les livraisons sont prévues pour s'étaler de 2002 à

2012. Les industriels concernés sont Aérospatiale-Matra Missiles, Matra

BAe Dynamics et LFK. Ce programme était menacé par la concurrence du

missile Gill du constructeur israélien Rafael et risquait surtout de subir le

même sort que celui du Trigat LP, successivement abandonné par la

Grande-Bretagne et la France.

Le même mois, les programmes FSAF (famille de systèmes sol-air

futurs) ont été placés sous la responsabilité de l'OCCAR, devenant ainsi le

septième ensemble géré par l'organisme conjoint. La FSAF est un

assemblage particulièrement important puisque, à partir du missile Aster,

elle décline des versions de système terrestre (SAMP/T) et de systèmes

navals (SAMP/N), ainsi que le système d'armes PAAMS destiné à

l'armement des frégates anti-aériennes franco-italiennes mais aussi des

195 Info-DGA 1er mai 1999.196 Air & Cosmos, 18 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 74

frégates britanniques, malgré leur abandon du programme Horizon.197

Précisément le programme PAAMS a lui aussi, à l'été 1999, franchi

une étape supplémentaire puisque la DGA a notifié au nom des trois

nations198 (France, Italie, Royaume-Uni) le contrat de développement et de

production initiale du système PAAMS (14 milliards de francs) auprès de

EUROPAAMS SAS, maître d'œuvre industriel qui rassemble le GIE

Eurosam (Alenia Marconi Systems, Thomson-CSF et Aérospatiale-Matra)

et la société UKAMS (filiale 100 % de MBD). Le contrat, d'environ 14

milliards de francs, porte sur le développement du système et la fourniture

à chaque client d'un système complet avec les missiles associés. Les

livraisons sont prévues pour commencer en 2005. Si les radars de conduite

de tir ne sont pas unifiés (radars EMPAR pour la France et l'Italie, radars

SAMPSON pour le Royaume-Uni), en revanche les autres composants

principaux (missiles Aster 15 et 30, système de lancement vertical Sylver,

radar de surveillance S1850M) le sont. Dans ce programme il est

particulièrement significatif que, malgré l'échec de la coopération tripartite

sur les bâtiments proprement dits, les trois pays concernés aient pu se

mettre d'accord pour cette réalisation commune.

Enfin en octobre, l'Italie à son tour passe commande du missile air-

sol de croisière Storm Shadow / Scalp EG et décide de participer au

développement et à la production du programme.199 La commande italienne

se situe entre 2 et 3 milliards de francs. La Grande-Bretagne avait déjà

passé commande de 700 missiles en février 1997 pour 5,5 milliards de

francs et la France avait fait de même en décembre 1997, commandant 500

197 TTU, 17 juin 1999.198 Cf. Communiqué de presse du ministère de la défense, 11 août 1999. Voir pour complément Air & Cosmos, 8 septembre 1999.199 Le Monde, 21 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 75

missiles pour 3,8 milliards de francs. Alenia Marconi System devrait

participer avec Matra BAe Dynamics à la construction du missile de

croisière. Cette décision, intervenant après le lancement du programme

PAAMS, établit des liens plus étroits entre l'industrie italienne d'armement

et les autres industriels européens du secteur. A ce titre, elle est

particulièrement importante.

2.1.2 AVANCÉES DES COOPÉRATIONS DANS LE DOMAINE

AÉRONAUTIQUE ET SPATIAL

La décision la plus importante de l'année 1999 dans ce domaine est

incontestablement le fait que la France et l'Allemagne aient signé le contrat

de production de série de l'hélicoptère Tigre (20 milliards de francs) pour

une première tranche de 160 machines (80 UHT, 70 HAP et 10 HAC). La

notification en est faite à Eurocopter, maître d'œuvre de l'appareil avec un

contrat pluriannuel pour des livraisons qui devraient commencer en 2002

pour l'Allemagne et l'année suivante pour la France,200 sans pourtant qu'à ce

moment le contrat du moteur MTR390 soit encore signé.201

Le lancement de ce programme est un événement important d'abord

parce que le programme Tigre est archétypique des programmes de

coopération lancés par une volonté politique : les premières études ont

démarré en 1979 puis ont été freinées avant que le programme ne soit

relancé en 1984. Depuis ce temps des vicissitudes diverses ont affecté son

déroulement, sans compter les révisions pour obtenir des baisses de coûts.

Le programme comporte finalement trois versions de l'appareil et non pas

deux comme prévu au départ. De plus la version antichar (HAC), conçue

dans les années quatre-vingt comme une part très importante du

programme, est maintenant sérieusement revue à la baisse quant à son

200 AFP, 18 juin 1999.201 Air & Cosmos, 25 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 76

volume, et les dates de premières livraisons sont repoussées à 2011.202 Les

retards successifs qui ont affecté ce programme n'ont pas permis dans les

années récentes que le Tigre participe pleinement aux compétitions pour

les équipements d'hélicoptères de pays européens. Cette décision est donc

une avancée importante, tant pour le marché intérieur que pour les marchés

extérieurs.

Au premier trimestre 1999, la France, le Royaume-Uni et

l'Allemagne ont également décidé de réaliser un démonstrateur de radar

aéroporté de nouvelle génération - le radar Amsar (airborn multirole solid

state active array radar) - destiné à équiper leurs avions de combat futurs.

Il s'agit du démarrage de la deuxième phase d'un programme lancé en

1992. Cette deuxième phase est estimée à 1 milliard de francs, après 500

millions de francs pour la phase précédente. Ce radar est réalisé par un GIE

qui associe Thomson-CSF, GEC et Dasa.203

Dans le domaine spatial, Matra Marconi Space, Dornier Satellites

(filiale de Dasa), Alenia et Alcatel Space ont annoncé la constitution d'un

consortium pour l'étude préliminaire du projet de navigation par satellite

Galileo. Ce projet, qui a été lancé en mai 1999 par la Commission

européenne, pourrait permettre d'élaborer une alternative au système GPS,

entièrement contrôlé par le Département américain de la défense. Le

consortium assurera la partie spatiale proprement dite du projet.204 En fin

d'année 1999, l'ESA a signé cinq contrats pour les études de Galileo,

couvrant la phase de définition, soit 80 millions d'euros. Le système

202 Voir Jean-Paul Hébert, Les exportations d'armement. A quel prix ?, la Documentation française, Paris, 1998, (chapitre 5, pages 88-91) pour la synthèse de l'évolution des coûts du programme, de son calendrier et de son volume.203 Les Echos, 12/13 mars 1999.204 Les Echos, 14 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 77

complet comportera 21 satellites pour un coût global (avec segment sol) de

2,7 milliards d'euros.205

En outre, après l'échec de Trimilsatcom, la France et l'Allemagne

ont signé un accord permettant à l'Allemagne de louer une partie des

capacités du futur système français de communications par satellites

Syracuse 3.206

Dans l'aéronautique, l'Allemagne et l'Italie sont sur le point

d'officialiser le lancement du programme d'avions de patrouille maritime

MPA. Quatre concurrents sont en lice : Dassault Aviation (Atlantique3),

Lockheed-Martin (P-3C), Boeing associé à BAe (Nimrod MRA-4) et

Raytheon.207

Enfin, en début d'année 1999, le programme ATF a progressé avec

le dépôt des offres des trois soumissionneurs : Airbus Military Company

(Airbus auquel sont associés Alenia, Flabel (Belgique) et Turkish

Aerospace), Antonov, et Lockheed-Martin associé à son rival américain

Boeing.208 Antonov, ayant noué des accords avec des firmes allemandes,

paraissait à ce moment avoir la faveur du gouvernement allemand, d'autant

plus que sa proposition serait financièrement sensiblement moins lourde

que celle d'AMC. Cependant, la création d'EADS a sans doute

profondément modifié la donne dans ce domaine et il semble bien qu'en fin

d'année, le gouvernement allemand soit en train de modifier son point de

vue. L'avenir du programme ATF est très important pour l'"Europe de

l'armement", étant donné son volume financier évidemment (environ 150

milliards de francs pour 288 appareils), mais aussi parce que cette forme de

205 Air & Cosmos,, 17 décembre 1999.206 La Tribune, 19 décembre 1999.207 Air & Cosmos, 12 novembre 1999.208 La Tribune, 28 janvier 1999.

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"production unique", si elle se réalisait, serait une nouveauté dans le

domaine de la coopération en matière d'armement. Cependant, le contour

exact du programme est loin d'être défini de manière assurée et les

estimations de besoins, en fin d'année 1999, sont descendues de 288

appareils à environ 200. Encore ce dernier chiffre est-il considéré comme

optimiste par les services allemands qui situent la fourchette entre 150 et

170 appareils.209

2.2 DIFFICULTÉS ET ÉCHECS DES PROGRAMMES EN

COOPÉRATION

L'année 1999 a été marquée par des échecs sérieux de la

coopération, touchant des programmes majeurs comme ceux de la frégate

Horizon ou du véhicule de combat blindé d'infanterie. L'arrêt du

programme de lanceur Vega peut aussi être analysé comme un échec et le

programme d'hélicoptère NH90, s'il continue d'exister, a néanmoins subi

des aléas graves.

Le programme de frégates antiaériennes Horizon avait été lancé en

1992 par la France, l'Italie et le Royaume-Uni. Ce programme très

important financièrement (22 bâtiments pour 80 milliards de francs) était

également un choix majeur dans la coopération européenne, dans ce

domaine des constructions navales où, jusque-là, les coopérations avaient

été bien moins nombreuses qu'ailleurs.210 Un accord avait été signé en 1994

et avait été suivi en 1995 de la mise sur pied d'un consortium trinational

Horizon IJVC. Toutefois, assez rapidement des désaccords avaient surgi

209 Air & Cosmos, 3 décembre 1999.210 L'exception la plus notable étant le programme de chasseurs de mines tripartite Eridan (France, Belgique, Pays-Bas) pour 35 bâtiments, mais qui remonte à 1975.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 79

entre les participants et, en 1997, le lancement du programme avait subi

une première série de retards.211 Ensuite, de nouveaux désaccords étaient

apparus quant aux systèmes d'armes entre d'une part UKAMS (GEC-Matra,

British Aerospace et Siemens-Plessey) et d'autre part Eurosam

(Aérospatiale, Thomson-CSF, Alenia).212 Les négociations ultérieures

avaient paru résoudre les difficultés au point que le ministre français de la

Défense pouvait déclarer en octobre 1998 que le programme "était sur la

bonne pente".213 Cette analyse optimiste était encore confortée par les

accords franco-britanniques de Saint-Malo, en décembre 1998. Toutefois,

les réticences britanniques n'avaient pas toutes disparu et la fusion BAe-

Marconi de janvier 1999 a encore modifié les rapports de force dans le

programme au point qu'en février la France et l'Italie avaient dû accepter

que la maîtrise d'œuvre soit donnée à GEC-Marconi plutôt qu'à IJVC

(consortium composé de DCN-International, d'Orrizonte (Fincantieri et

Finmeccanica) et GEC-Marine). Cette concession n'a pas été suffisante et

les Britanniques ont finalement décidé de se retirer du programme. 214

L'argument principal mis en avant par le secrétaire d'Etat britannique à la

Défense, John Spellar, est l'insuffisance de rentabilité.215

Cet échec est cependant relativisé par deux facteurs : le premier est

qu'une coopération continue entre la France et l'Italie pour un programme

cependant nettement réduit en volume : quatre bâtiments au total (deux par

pays) au lieu de dix (quatre pour la France et six pour l'Italie) pour environ

20 milliards de francs. Les industriels concernés sont les mêmes que ceux

du projet initial.216 Le deuxième facteur positif est que, si la coopération

globale tripartite est arrêtée, elle continue cependant en ce qui concerne le

211 Le Monde, 26 mars 1997.212 TTU, 7 juillet 1999.213 AFP, 27 octobre 1998.214 Les Echos, 27 avril 1999.215 Le Monde, 28 avril 1999.216 AFP, 21 octobre 1999.

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système d'armes antiaérien PAAMS, qui représente environ 40 % du coût

total. La perspective franco-italienne apparaît comme progressant

favorablement et le chef d'état-major de la Marine française, l'amiral

Delaunay, peut souligner à l'automne 1999 :

Du fait des efforts accomplis par chaque partie, les

spécifications globales du bâtiment sont presque acquises, en sorte

que le programme devrait être lancé au printemps prochain dans

des conditions satisfaisantes.217

Si, compte tenu de ces éléments, l'échec de la coopération sur le

programme Horizon peut être considéré comme un semi-échec, il n'en va

pas de même quant au programme de véhicule blindé de combat

d'infanterie (VBCI), qui - du point de vue français - est un échec lourd,

dans un secteur - l'armement terrestre - qui n'avait pas besoin d'ajouter cela

à ses difficultés.

Un accord de principe avait été signé en 1996 entre France,

Royaume-Uni et Allemagne pour ce programme.218 Dans cette optique

GIAT Industries avait signé une lettre d'intention en 1997.219 Et, quelques

mois plus tard, la France avait confirmé sa participation au programme.

Deux consortiums présentaient des offres à ce moment : l'un sous la

houlette de Krauss-Maffei (+ Mak (Rheinmetall), Wegman, GKN et GIAT

Industries), l'autre animé par Henschel-Kuka (avec Vickers, Alvis et

Panhard).220 C'est au premier d'entre eux que l'Allemagne, chef de file du

projet, et le Royaume-Uni confient le programme en avril 1998.221 La

France à ce moment réserve sa réponse, craignant que la part qui reviendra

217 Les Echos, 22 octobre 1999.218 Le Monde, 25 juillet 1996.219 Le Monde, 2 avril 1997.220 AFP, 15 octobre 1997.221 Les Echos, 22 avril 1998.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 81

à GIAT Industries ne soit trop faible. C'est que, entre les industriels

concernés, la lutte pour la répartition des responsabilités et des charges de

travail n'a pas cessé. De plus, périodiquement, des divergences sur les

spécifications du matériel sont revenues : plutôt "transport de troupes" pour

les uns, ou véhicule de combat destiné à accompagner les chars Leclerc

pour la France. Ces différences de besoin donnent l'occasion à la France, à

la fin de l'année 1998, de limiter sa commande à 50 exemplaires, en se

réservant la possibilité d'un matériel national correspondant à la version

véhicule de combat.222 Du coup, un appel d'offres particulier à la France est

lancé en 1999 pour un VCI (véhicule de combat d'infanterie) pour lequel

deux offres ont été présentées : l'une associe à GIAT Industries le Suisse

Mowag et l'Anglais Vickers, l'autre regroupe Panhard, RVI et Henschel. Le

programme de VCI porterait sur 500 exemplaires à livrer à partir de 2004

pour 4 milliards de francs.223 Ce processus revient de fait à se retirer de la

coopération tripartite telle qu'elle avait été envisagée initialement, ce

qu'exprime la DGA en disant que "le programme a pris une nouvelle

configuration".224 C'est le même constat que font les milieux

gouvernementaux allemands fin octobre 1999, au moment où les

responsables allemands et britanniques préparent la signature du

mémorandum relatif au projet, en considérant que la France s'est retirée du

programme.225 Celui-ci est lancé avec dans un premier temps 600 véhicules

(300 pour chacun des coopérants), avec la perspective d'être élargi aux

Pays-Bas. La signature officielle par l'Allemagne et la Grande-Bretagne se

fait à Berlin en novembre 1999 avec les industriels allemands Krauss-

Maffei Wegmann GmbH (Munich) et MaK System GmbH (Kiel) et

britannique Alvis Vehicles Ltd (Telford). Le premier contrat pour le

222 Le Monde, 23 décembre 1998.223 Les Echos, 27 mai 1999.224 AFP, 13 octobre 1999.225 AFP, 28 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 82

développement est de 111 millions d'euros. La première phase de

production sera de 600 véhicules pour 770 millions d'euros, le marché

potentiel étant estimé à 4 000 unités.226

Le résultat de ces atermoiements et affrontements est de laisser

GIAT Industries à l'écart d'une coopération financièrement importante.

Certes la compétition entre les principales firmes européennes pour le

partage de la charge de travail était rude. Mais il semble bien que, quand il

est apparu que le groupe français ne serait pas le chef de file du projet,

celui-ci a rapidement cessé d'être véritablement pris en compte dans la

stratégie industrielle du groupe, tentant un repli essentiellement hexagonal

même si quelques firmes sont associées à son plan. La réalisation du

démonstrateur Vextra symbolise assez bien cette tactique du repli, alors

même que le rapporteur de la Commission de la défense de l'Assemblée

nationale, pourtant favorable à ce démonstrateur, est obligé d'en rappeler le

coût élevé :

Votre rapporteur s'était déjà interrogé /../ sur l'intérêt de

concevoir un nouveau véhicule en coopération internationale alors

que GIAT Industries avait développé de son côté le programme

Vextra correspondant aux spécifications de l'armée de terre

française. Le chef d'état-major de l'armée de terre avait, à l'époque,

précisé que le Vextra répondait parfaitement aux besoins de l'armée

française mais qu'il n'avait pas été retenu en raison de son coût.227

226 AFP, 5 novembre 1999.227 Jean-Claude Sandrier, Avis au nom de la Commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2000.. Tome IV. Défense. Forces terrestres., Assemblée nationale, document N°1864, 14 octobre 1999, 76 pages. (page 38).

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Naissance de l'Europe de l'armement page 83

Ce diagnostic d'un acteur qui est loin d'être défavorable aux projets

de GIAT Industries illustre assez bien la situation dans laquelle s'est

enfermé le groupe français : tenter encore une fois de jouer les crédits

nationaux quel que soit le montant, plutôt que d'arriver à réaliser un niveau

de prix acceptable ou d'accepter de jouer les seconds dans une coopération

européenne. La conséquence en est que le programme européen se fera,

mais sans participation française significative et sans que, pour autant

l'avenir de GIAT Industries soit assuré, la gestion des crédits nationaux de

défense se faisant de plus en plus dans une optique de calcul de

"compression des coûts".

L'enjeu du petit lanceur européen VEGA était sans doute moins

important que celui des programmes Horizon et VBCI. Ce lanceur conçu

pour mettre en orbite circulaire polaire des charges jusqu'à une tonne était

un programme principalement porté par l'Italie, prêt à le financer à 55 %.

Une société commune, Végaspazio, avait été créée en avril 1999, par Fiat-

Avio et Aérospatiale (50/50).228 Une première tranche de ce programme

avait été approuvée par l'agence spatiale européenne en 1998 pour 330

millions de francs. Mais le conseil de l'ESA de la fin octobre 1999 n'a pas

confirmé la suite du programme, étant donné la décision française de ne

pas continuer à assurer le financement (30 %). Le reste du financement (15

%) est à la charge de cinq pays (Belgique, Pays-Bas, Espagne, Suède et

Suisse) et l'Italie souhaite continuer le travail entrepris en trouvant d'autres

partenaires. La firme américaine Thiokol a déjà proposé ses capacités en ce

qui concerne le premier étage du lanceur.229 Toutefois, la remise en cause de

ce programme pourrait avoir des conséquences plus importantes, si l'Italie

met à exécution sa menace de ne plus financer certains autres programmes

228 Air & Cosmos, 30 avril 1999.229 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 84

de l'ESA de façon à libérer des fonds pour ses propres recherches.

Les difficultés pour l'hélicoptère de transport NH90 ne sont pas

aussi graves que celles analysées ci-dessus. Néanmoins le déroulement du

programme n'est pas aussi harmonieux que prévu. Pourtant en mai 1998,

les quatre pays participants (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas) s'étaient

engagés à passer commande du tiers des appareils (239 machines, soit 154

en naval et 85 en terrestre) dès le lancement de la phase d'industrialisation

prévue pour la fin de l'année 1998 ou le début de 1999. 230 Mais la signature

du contrat d'industrialisation sera plus tardive qu'il n'avait été prévu à ce

moment. En particulier, l'Allemagne a fait savoir que, si elle envisageait

d'augmenter le nombre des machines qu'elle commanderait (de 67 à 134),

elle souhaitait par ailleurs retarder d'un an les premières livraisons.231 Selon

le ministre de la Défense français, la signature est toujours attendue pour la

fin de l'année 1999 pour un premier lot de 152 appareils. 232 Mais en fin

d'année 1999, un nouveau report renvoie à la mi-2000 la date de signature

du contrat.233 Cependant, les réactualisations successives des commandes

par chacun des pays participants laissent une zone d'incertitude sur les

conditions et la date de mise en route effective de ce programme.

230 Les Echos, 20 mai 1998.231 La Tribune, 31 août 1999.232 AFP, 15 octobre 1999.233 La Tribune, 14 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 85

CONCLUSION : L'ANNÉE 1999 A VU L'ESSOUFFLEMENT DES

GRANDS PROGRAMMES CLASSIQUES DE COOPÉRATION

Le bilan qu'on peut tirer de l'évolution des programmes d'armement

en coopération dans l'année 1999 est un bilan contrasté.

Les programmes de coopération dans le domaine des missiles ont

évolué de manière satisfaisante, qu'il s'agisse du programme de missile

antinavire franco-norvégien NSM, des missiles antichars Trigat moyenne

portée, des programmes FSAF, du programme PAAMS, (notifié au nom

des trois pays coopérants France, Italie, Royaume-Uni pour 14 milliards de

francs) ou du missile de croisière Storm Shadow / Scalp EG (franco-

britannique) rejoint par l'Italie. On remarquera cependant que l'étroitesse

des liens industriels qui rassemblent les industriels engagés dans ces

programmes n'est sans doute pas pour rien dans le fait qu'ils se déroulent

sans difficultés excessives. C'est que les formes institutionnelles des

coopérations ne sont pas indifférentes pour l'efficacité de l'organisation.

Plus ces formes sont intégrées (jusqu'à la mise en commun de la R&D

éventuellement), plus elles apparaissent comme produisant des résultats

économiques appréciables.

Dans le domaine aéronautique, l'événement marquant de l'année

1999 est la signature du contrat de production en série d'hélicoptères Tigre,

pour une première tranche de 160 machines (20 milliards de francs). Après

les atermoiements et modifications de calendrier, négociations sur les prix

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Naissance de l'Europe de l'armement page 86

et les spécifications qui ont marqué ce programme démarré en 1979 et

relancé en 1984, cette décision signifie enfin le début de la réalisation

proprement dite. Elle ouvre la voie à des marchés d'exportation qui jusque-

là s'étaient révélés inatteignables pour l'appareil franco-allemand, étant

donné l'incertitude sur son avenir. En même temps, cette décision (qui n'est

pas accompagnée d'une décision équivalente en ce qui concerne

l'hélicoptère de transport NH90) est aussi une décision volontariste pour

mener à son tour un programme dont la signification politique majeure de

relance de la coopération franco-allemande en matière d'armement au

milieu des années quatre-vingt était prédominante.

Dans le même domaine, l'avancée du programme d'avion de

transport futur, avec le dépôt des offres concurrentes, peut être considérée

avec intérêt. D'une part parce qu'on peut observer une certaine modification

de la position allemande, plus favorable à une éventuelle solution russo-

ukrainienne en début d'année, vers la solution de AMC, compte tenu de la

fusion Aérospatiale-Matra / Dasa annoncée en octobre ; d'autre part, parce

que ce programme, s'il se réalise dans cette configuration, sera une forme

nouvelle de coopération beaucoup plus fondée sur l'initiative des industriels

que dans les programmes passés;

C'est peut-être dans les difficultés des formes anciennes de la

coopération en matière d'armement qu'il faut trouver l'explication de

l'échec de certains grands programmes comme celui de la frégate Horizon.

L'échec n'est pas total puisque la continuation du programme (Royaume-

Uni d'un côté, France et Italie de l'autre) pour les bâtiments s'accompagnera

cependant d'un système d'armes commun pour l'essentiel.

L'échec est sans doute beaucoup plus lourd, au moins en ce qui

concerne le point de vue français, pour le programme de VBCI, puisque le

résultat en est que GIAT Industries se retrouve en position isolée par

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 87

rapport à cet important programme européen et que cet isolement ne sera

compensé ni économiquement ni technologiquement par la réalisation

future d'un VCI uniquement destiné aux forces françaises.

L'arrêt du programme de petit lanceur franco-italien Vega est de

moindre importance et peut sans doute s'expliquer par des considérations

d'analyse coùt-efficacité pour un marché (petites charges) sur l'avenir

duquel les experts ne sont pas d'accord.

Quant à l'hélicoptère NH90, on doit parler plutôt de difficultés que

d'échec, puisque le programme continue. Cependant le retard des pays

coopérants à passer leurs commandes, notamment celui de l'Allemagne, fait

encore peser des incertitudes, pour un programme lui aussi lancé dans les

formes anciennes de la coopération, principalement sous l'impulsion d'une

volonté politique.

Finalement, les difficultés (ou les échecs) les plus sérieuses touchent

les programmes en coopération dont les formes de lancement et

d'organisation sont les plus anciennes. Or, les conditions de la coopération

sont en train de se modifier substantiellement. Historiquement la

coopération a joué un rôle déterminant en habituant les différents pays à

travailler ensemble dans un domaine qui était par excellence un lieu

d'affrontement des souverainetés. De plus, elle a montré que des

programmes en coopération pouvaient être également des réussites

techniques et commerciales. Elle a permis de constituer le socle sur lequel

peut s'édifier aujourd'hui une industrie européenne de l'armement. Mais ce

processus de production commune atteint maintenant ses limites

d'efficacité et la mutation en cours est finalement le passage d'une

production commune à une production unique en matière d'armement, de la

même façon - toutes choses égales par ailleurs - que se réalise le passage à

une monnaie unique. Il n'est évidemment pas indifférent que ces deux

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 88

processus s'enclenchent presque concomitamment, s'agissant de deux

domaines - monnaie et armement - qui constituent deux champs essentiels

de la Souveraineté.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 89

3 L'ÉVOLUTION DES RELATIONS

TRANSATLANTIQUES ENTRE SYSTÈMES DE

PRODUCTION D'ARMEMENT

Les relations entre systèmes américain et européen de production

d'armement sont au cœur des problèmes de souveraineté et d'autonomie

stratégique. Elles ont connu des stades successifs, depuis la tentation

américaine du monopole dans les années 1993-1995, en passant par le

développement des coalitions ad hoc dans la période 1995-1997, jusqu'à la

multiplication de liens renforcés en 1997-1998.234 Elles sont marquées par

l'ampleur de la réorganisation du système américain mais aussi, dans la

période considérée, par le bouleversement accéléré de l'industrie

européenne.

234 Sur ces différents points, Voir les publications antérieures du Cirpes, notamment :Jean-Paul Hébert, "Changements dans le système de production d'armements aux

Etats-Unis et conséquences pour les pays européens" in Alain Joxe (dir.), "Le débat stratégique américain 1994-1995. Révolution dans les affaires militaires?", Cahiers d'études stratégiques, N°18, 4ème trimestre 1995, 170 pages. (pp.129-144).

Jean-Paul Hébert, "Restructuration des industries d'armement aux Etats-Unis et en Europe : alliances antagonistes ou coalitions ad hoc ? " in Alain Joxe et Maurice Ronai (Coord.), "Le débat stratégique américain 1995-96 : nouvelle pratique des alliances", Cahiers d'études stratégiques, N°20, 1997, 160 pages. (pp.135-140).

Jean-Paul Hébert (dir.), Etats et firmes d'armement en Europe, Cahiers d'études stratégiques, N°22, 1998, 144 pages.

Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries américaines d'armement : modèle ou menace ?, Cahiers d'études stratégiques, N°23, Paris, 1999. (chapitre 6).

Jean-Paul Hébert, Tribulations économiques de l'armement européen, Cahiers d'études stratégiques, N°24, 1999, 128 pages.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 90

On examinera d'abord le mouvement des restructurations de

l'industrie américaine d'armement en 1999, mouvement qui, après

l'"accalmie" de 1998, a vu à nouveau se dérouler des opérations majeures.

On présentera ensuite l'évolution des restructurations américano-

européennes, c'est-à-dire aussi bien les opérations européennes aux Etats-

Unis que les opérations américaines en Europe, tant il est vrai que ce

mouvement est bien loin de se faire à sens unique. On analysera ensuite les

autres relations industrielles et commerciales qui se sont établies

pendant l'année 1999 entre les deux ensembles, en soulignant que certaines

d'entre elles sont particulièrement importantes pour l'avenir. On reviendra

enfin sur la vision américaine des relations transatlantiques dans le

domaine de la production d'armement et son évolution au fur et à mesure

des transformations des industries européennes.

3.1 L'ÉCART ENTRE CAPACITÉS MATÉRIELLES AMÉRICAINE

ET EUROPÉENNES

Un certain écho235 a été donné aux analyses de l'IISS sur le

creusement de l'écart militaire entre Etats-Unis et Europe. L'Institut anglais

estime que les budgets de défense "montrent de façon inquiétante que les

moyens des européens sont de plus en plus inférieurs à ceux des

américains". L'IISS souligne encore que les budgets de défense européens

pour 1999 (140 milliards de dollars) sont inférieurs de près de moitié à

celui des Etats-Unis. Il assure aussi que la guerre du Kosovo a montré que

l'écart se creusait et juge peu crédible l'éventualité d'une identité

européenne de défense. Il juge en outre que "les européens ne paraissent

pas avoir de stratégie commune pour contrer le différentiel croissant de

235 Le Monde, 23 octobre 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 91

moyens militaires avec les Etats-Unis" et considère que la faiblesse de

l'Euro renchérit la technologie américaine "au moment où l'Europe en a le

plus besoin" et, favorisant les exportations européennes, dissuade ces pays

d'entreprendre des efforts en matière de budgets de défense.

L'analyse est sévère. Ses axes essentiels ont été repris sous le titre

"L'OPA américaine sur la défense européenne",236 dans un article soulignant

que les 268 milliards de dollars votés pour le budget américain de la

défense comptaient au seul titre des achats d'armement 53 milliards de

dollars, à quoi il faut ajouter 38 milliards de dollars pour les dépenses

d'études et de recherche-développement, soit pour ce dernier poste quatre

fois plus que pour les européens (9 milliards de dollars). Cette analyse

s'inscrit dans la même logique que les propos du général Short - "celui qui

tire l'épée la plus aiguisée, c'est celui-là qui donne les ordres" - . En fait,

c'est bien l'idée d'une "nouvelle course aux armements", telle que formulée

par le Cirpes ces dernières années, qui s'exprime ici. Cependant l'analyse

mérite d'être plus affinée que celle d'une simple OPA, qui ne paraît guère

correspondre à la complexité des relations entre les deux systèmes et on

verra qu'on ne peut pas dire purement et simplement que l'Europe serait un

objet passif soumis aux intentions américaines. D'autant que les chiffres

absolus cités ci-dessus méritent d'être eux-mêmes relativisés : le montant

des dépenses de recherche-développement cité pour 2000 correspond en

fait à une baisse de 30 % en monnaie constante par rapport à 1989 et, dans

la même période, les entreprises américaines ont augmenté leurs propres

budgets de recherche-développement qui est aujourd'hui deux fois

supérieur à celui de l'administration, ce qui fait qu'un certain nombre

d'entreprises américaines (Intel, General Electric, DuPont et IBM

notamment) reconsidèrent l'intérêt de leurs fournitures spécifiques pour le

236 Jacques Isnard. Le Monde, 31 octobre-1er novembre 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 92

Pentagone.237 C'est dire que la puissance américaine n'est pas aussi

indiscutable qu'il y paraît et que les enjeux sont plus complexes que ceux

d'une simple OPA.

3.2 RESTRUCTURATIONS DE L'INDUSTRIE AMÉRICAINE

D'ARMEMENT EN 1999 : UN NIVEAU RECORD POUR LES

ENTREPRISES DU "DEUXIÈME TIERS"

En faisant la synthèse du mouvement de restructuration américain

pour l’année 1998, on pouvait conclure que, pour l'essentiel des entreprises

du premier tiers, ce mouvement était achevé, en ajoutant que, en revanche,

les équipementiers du deuxième tiers allaient sans doute être à leur tour

entraînés dans ce mouvement.238 C'est effectivement ce qu'on observe pour

l'année 1999 : les fusions d'entreprises de défense en Amérique et en

Europe ont battu les records au premier semestre avec un montant de 60

milliards de dollars (contre 49 au premier semestre 1997 et seulement 15

pour l'année 1998, année de transition).239 Parmi les opérations les plus

importantes, on note la fusion AlliedSignal / Honeywell (15,3 milliards de

dollars), le rachat de LucasVarity par le groupe américain TRW pour 6,5

milliards de dollars, le rachat de Gulfstream par General Dynamics pour

5,3 milliards de dollars. Et on peut identifier un certain nombre de cibles

potentielles comme Collins (filiale avionique du groupe Rockwell), Litton

Industries ou Racal Electronics en Europe.

237 Wall Street Journal, cité par le site de l'ambassade de France à Washington : www.France.science.org, le 22 octobre 1999.238 Voir Cahiers d'études stratégiques, N°23, (op.cité) : chapitre 1.239 Voir la lettre en ligne Defense Mergers & Acquisitions, citée par La Tribune,, 8 juillet 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 93

3.2.1 ETAT GÉNÉRAL DU MOUVEMENT DE FUSIONS DANS

L'ÉCONOMIE MONDIALE

Cependant, on ne doit pas oublier que le mouvement de

concentration-fusion est bien loin de se limiter aux entreprises d'armement

et que, au contraire, c'est un mouvement d'ensemble de l'économie, aussi

bien pour les firmes industrielles que pour les firmes de services.

De ce point de vue, les fusions et acquisitions dans le secteur de la

défense représentent un montant qui n'est pas négligeable :

FUSIONS-ACQUISITIONS DANS LA DÉFENSE ET L'AÉRONAUTIQUE

DEPUIS 1994240

Acquéreur Acquis Année Montant (en

milliards de

dollars)

Boeing McDonnell Douglas 1997 13,3

British Aerospace GEC-Marconi 1999 12,7

GM Hughes

Defense Business

Raytheon 1997 9,5

Lockheed-Martin Loral 1995 9,5

Lockheed Martin Marietta 1995 9

Northrop Grumman Westinghouse

Electronic Systems

1996 3,6

Boeing Rockwell Aerospace

and Defense

1996 3

Raytheon Texas Instruments 1997 2,95240 Source : "Defense Science Board", cité par Le Monde, 21 janvier 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 94

Defense and

Business

E-Systems Raytheon 1995 2,3

Northrop Grumman 1994 2,1

Loral IBM Federal

Systems

1994 1,57

GEC Marconi Tracor 1998 1,4

Mais, en comparaison des montants que représentent les fusions ou

acquisitions dans le secteur civil, ces montants apparaissent comme

relativement modérés. En se limitant aux opérations réalisées aux Etats-

Unis, pour l'année 1998, on constate que la plus importante fusion de

défense (le rachat d'Honeywell par AlliedSignal pour plus de 15 milliards

de dollars) ne rentrerait pas dans le classement des dix premières et que le

seul rapprochement entre les pétroliers Exxon et Mobil (plus de 77

milliards de dollars) représente plus que l'ensemble des fusions mondiales

dans le domaine de la défense du premier semestre 1999 (60 milliards de

dollars).

LES 10 PLUS GROSSES OPÉRATIONS DE FUSIONS-ACQUISITIONS

AMÉRICAINES (TOUS SECTEURS CONFONDUS) EN 1998241

Acquéreur cible Montant (en

milliards de

dollars)

Secteur

Exxon Mobil 77,213 Pétrole

241 Source : Houlihan Lokey's Mergenstat, cité par Les échos, 6 janvier 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 95

SBC

Communications

Ameritech 61,388 Communications

Bell Atlantic GTE 52,845 Communications

British Petroleum Amoco 48,066 Pétrole

Nationsbank BankAmerica 43,158 Banque

ATT Tele-

Communications

37,017 Médias

Travelers Citicorp 36,031 Banque

Norwest Wells Fargo 31,660 Banque

Daimler-Benz Chrysler 31,155 Automobile

Bershire

Hathaway

General Re 20,947 Assurance

La différence d'échelle entre les firmes d'armement et les autres est

évidente. Accessoirement, on constate aussi que si la fusion Daimler-

Benz / Chrysler est "géante" du point de vue européen, elle est loin de se

placer aux premiers rangs du point de vue des Etats-Unis. Le phénomène

cependant se développe très rapidement et, en fin d'année 1999, l'OPA

hostile du Britannique Vodafone sur Mannesmann pour 100 milliards

d'euros marque l'entrée dans un nouvel ordre de grandeur, d'autant que le

PDG de Mannesmann souhaite que l'offre soit relevée à 124 milliards

d'euros …!242 C'est une formidable accélération des fusions et acquisitions

que l'on constate dans l'année 1999 :

242 La Tribune, 25 novembre 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 96

PRINCIPALES OPÉRATIONS DE FUSIONS-ACQUISITIONS MONDIALES

RÉALISÉES OU LANCÉES. JANVIER-AOÙT 1999 243

Pays acquéreur Cible Nature de

l'opération

Secteur Montant

(en

milliards

de dollars)

USA/USA ATT Mediaone OPA

hostile

Télécomm

unications

62,5

GB/USA Vodafone Airtouch Rachat Télécomm

unications

60,3

It/It Olivetti Telecom

Italia

OPA

hostile

Télécomm

unications

57,9

F/F TotalFina Elf

Aquitaine

surenchère Pétrole 53,3

F/F Elf

Aquitaine

TotalFina Contre

OPE

Pétrole 51,1

F/F TotalFina Elf

Aquitaine

OPE

hostile

Pétrole 48,1

F/F BNP Société

générale -

Paribas

Contre

OPE

Finances 37,7

USA/USA Qwest US West OPE

amicale

Télécomm

unications

35

GB/USA BP Amoco Arco OPE

amicale

Pétrole 27,2

243 Source : "Thomson Financial Securities Data", cité par Le Monde, 29/30 août 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 97

USA/USA Lucent Ascend Rachat Télécomm

unications

21,4

F/F Société

générale

Paribas OPE

amicale

Finances 18,2

USA/USA Fleet

Financial

Bank of

Boston

OPE

amicale

Finances 15,9

USA/USA AlliedSign

al

Honeywell OPE

amicale

Electroniq

ue

15,6

All/GB Deutsche

Telekom

One2one Rachat Télécomm

unications

13,6

F/Arg Repsol YPF OPE

amicale

Pétrole 13,5

USA/GB NTL Cable &

Wireless

Cable

Rachat Télécomm

unications

13

GB/GB British

Aerospace

Marconi

Electronics

Rachat Défense 12,8

Berm/USA Global

Crossing

Frontier

Corp

Rachat Télécomm

unications

12,6

USA/USA Dow

Chemical

Union

Carbide

OPE

amicale

Chimie 11,7

Esp/Esp Banco de

Santander

Banco

Central

Hispano

OPE

amicale

Finances 11,3

F - Air liquide BOC OPA Gaz 11,1

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 98

USA/GB - Air

Products

amicale industriels

GB/GB Lloyds

TSB

Scottish

Widows

Rachat Finances 11,1

It/It Intesa Comit OPE

amicale

Finances 9,6

Can/F-Ch Alcan Péchiney -

Algroup

OPE

amicale

Aluminiu

m

9,2

GB/Ch BAT Rothmans

Int

Rachat Tabac 8,7

Su/Su Volvo Scania Rachat Poids

lourds

7,4

USA/USA At Home Excide OPE Internet 6,5

F/USA Vivendi US Filter Rachat Eau 6,2

USA/Su Ford Volvo Rachat Automobil

e

6,2

USA/USA Alcoa Reynolds OPE Aluminiu

m

5,6

F/Jap Renault Nissan Participati

on

Automobil

e

5

On voit le développement du phénomène. On constate également la

part croissante que prend le secteur des télécommunications dans cet

ensemble, ce qui va de pair avec la stratégie d'un certain nombre de

groupes de l'armement cherchant soit à s'étendre dans ce domaine, soit à s'y

recentrer en abandonnant leurs activités de défense.

Le secteur de l'armement apparaît donc comme marqué non

seulement par ses contraintes propres (baisse ou stagnation des budgets,

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 99

transformation des relations stratégiques, privatisations, diversifications)

mais aussi par une contrainte plus globale. Car, si les entreprises de

l'"économie civile" ne rentrent pas directement en concurrence sur les

marchés des produits militaires, la concurrence existe néanmoins pour les

produits civils de groupes de plus en plus diversifiés. Elle existe également

quand il s'agit de lever des fonds sur les marchés financiers. Dans ce cas la

puissance respective des groupes et leurs performances économiques

rentrent directement en concurrence et il serait illusoire pour les groupes

d'armement de vouloir se penser en dehors de ce marché globalisé.

3.2.2 LES FUSIONS PRINCIPALES DE FIRMES DE DÉFENSE

AMÉRICAINES EN 1999

Les principales opérations ont concerné l'électronique et les

équipementiers. On observe aussi le "retour" de General Dynamics même

si ses propositions sur les chantiers navals n'ont pas reçu l'agrément de

l'administration américaine qui reste très prudente pour ce secteur.

En février, United Technologies (UTC) a racheté l'équipementier

Sundstrand (génératrices et groupes auxiliaires de puissance, 6 000

salariés, 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1998) pour 4,3

milliards de dollars et le fusionnera avec sa division Hamilton Standard (8

200 salariés, 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires en 1998). 244 UTC

cherche un développement dans ce secteur. On sait qu'il a précédemment

pris le contrôle de l'équipementier français Ratier-Figeac, également

convoité par AlliedSignal, qui était aussi sur les rangs pour la reprise de

Sundstrand.

244 Air & Cosmos, 26 février 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 100

En mai, Northrop Grumman a acquis Ryan Aeronautical

(fabricant de drones, de leurres et de systèmes de ciblage, 300 salariés, 100

millions de dollars de chiffre d'affaires en 1998) pour 880 millions de

francs (135 millions de dollars).245 Le groupe aéronautique US, dont

l'éventuelle fusion avec Lockheed-Martin avait été bloquée par le

Pentagone l'an dernier, est ouvertement à la recherche d'alliances et d'autres

d'acquisitions.

En juin, AlliedSignal et Honeywell ont annoncé leur fusion.246 Le

nouveau groupe, qui prendra le nom d'Honeywell, fera 25 milliards de

dollars de chiffre d'affaires dont 10 dans l'aéronautique. Les dirigeants

prévoient une réduction de coûts de 500 millions de dollars par an et 4 500

suppressions de postes. Ce secteur est en restructuration rapide puisque l'an

passé L'Américain BFGoodrich a repris son compatriote Coltec,247 Rockwell

Collins a repris Avicom et le Français Snecma a pris le contrôle total de la

filiale commune Messier-Dowty.

En août, Lockheed-Martin a annoncé sa fusion avec Comsat,

société américaine de communications par satellites, pour 2,7 milliards de

dollars.248 Comsat sera rattaché à Lockheed-Martin Global

Telecommunications, une filiale récemment créée pour développer des

technologies de réseaux et fournir des accès aux satellites.

General Dynamics n'est pas resté inactif dans ce secteur puisque le

groupe a racheté les activités de télécommunications et de défense de GTE

pour 1 milliard de dollars payés cash.249 General Dynamics conforte ainsi

son groupe "Technologie et systèmes d'information" créé l'an dernier après

le rachat de Ceridant Computing Devices International et de certaines

245 La Tribune, 28 mai 1999.246 Air & Cosmos, 11 juin 1999.247 Air & Cosmos, 27 novembre 1998.248 La Tribune, 24 août 1999.249 Air & Cosmos, 9 juillet 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 101

unités du groupe Lucent. Cette année 1999 marque un certain retour

offensif de General Dynamics, après plusieurs années de coupes claires

dans les activités : General Dynamics qui au début des années quatre-vingt

était le deuxième groupe recevant des crédits du Pentagone (6,3 milliards

de dollars en 1990, 7,9 en 1991) a en effet procédé à une succession de

cessions d'activités, en cédant tour à tour Cessna Aircraft à Textron en

1992, sa division missiles à Hughes la même année, sa division d’avions de

combat à Lockheed en 1993, et son activité spatiale à Martin Marietta en

1994. Du point de vue défense, le groupe s’est concentré sur son activité

d’armement terrestre (chars Abrams, véhicules de combat Bradley) et

surtout sur la construction navale (destroyer DDG-51, sous-marins

nucléaires), ayant racheté en 1995 Bath Iron Works à Fulcrum II Limited.

Ce recentrage sur les activités principales lui a permis de rester un des

premiers fournisseurs de matériel de défense du Pentagone (3 milliards de

dollars en 1997 au quatrième rang après Lockheed-Martin, Boeing et

Northrop Grumman). Ces marchés particulièrement profitables ont permis

à General Dynamics d'opérer ce retour qui l'a vu en mai 1999 racheter le

constructeur d'avions d'affaires Gulfstream Aerospace (2,4 milliards de

dollars de chiffre d'affaires en 1998) pour 5,3 milliards de dollars. 250 Cette

acquisition va permettre à General Dynamics d'augmenter de moitié son

chiffre d'affaires.251

En début d'année 1999, General Dynamics avait pourtant subi un

échec sérieux quand le Pentagone avait bloqué son OPA (1,4 milliard de

dollars) sur les chantiers navals Newport News Shipbuilding, par refus

d'une position monopolistique puisque General Dynamics aurait contrôlé la

totalité des chantiers fabriquant des sous-marins nucléaires et quatre des six

250 Air & Cosmos, 21 mai 1999.251 Le prix final de la transaction est donné en septembre 1999 comme étant descendu à 4,8 milliards de dollars (Air & Cosmos, 3 septembre 1999).

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Naissance de l'Europe de l'armement page 102

chantiers navals militaires.252 Le sort de Newport News Shipbuilding n'est

pas réglé pour autant : le chantier est en discussion avec les chantiers

navals d'Avondale pour fusionner par échanges de titres.253 Mais il a été

l'objet d'une deuxième OPA, cette fois-ci lancée par Litton Industries (1,2

milliard de dollars, plus 600 millions de dollars de reprises de dettes) qui à

son tour a été bloquée par le Pentagone, parce qu'elle ne laisserait que deux

chantiers navals militaires.254

L'avenir des chantiers navals américains, qui ont en charge la

construction des sous-marins nucléaires et des porte-avions, apparaît

comme le plus difficile à faire évoluer dans le contexte d'ensemble.

3.2.3 PLANS SOCIAUX ET RECTIFICATIONS DE PÉRIMÈTRE

La consolidation de l'industrie américaine d'armement est bien loin

de n'avoir produit que des effets de croissance. Au contraire, un certain

nombre de plans sociaux ou de difficultés économiques touchent les plus

grosses entreprises du secteur, comme le constatait une vue d'ensemble au

dernier trimestre 1999 : Boeing a une cote boursière toujours médiocre et

ses efforts d'intégration de McDonnell Douglas sont loin d'avoir produit

tous les fruits escomptés. Pour Lockheed Martin, le tableau est encore plus

sombre ; après la série noire des ratés de lanceurs de satellites, le groupe a

été obligé d'avouer ses défaillances en matière de contrôle de qualité. De

plus, il subit les turbulences qui accompagnent le programme d'avion F22.

Raytheon est en difficulté et a dû provisionner pour pertes 450 millions de

dollars et se livrer à une autocritique de sa boulimie d'achats. Jusqu'à

Hughes Electronics qui vient d'annoncer un manque de débouchés pour ses

satellites et des problèmes de production.255 Si on regarde plus en détail la

252 Les Echos, 16/17 avril 1999.253 Les Echos, 10 mai 1999.254 Les Echos, 1er juin 1999.255 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 103

situation des firmes, on constate que les difficultés sont sérieuses :

Boeing a annoncé en août 1999 qu'il allait supprimer 7 000 emplois

dans son usine de Shanghai : c'est la conséquence de l'abandon de la

production des MD80 et MD90 - hérités de McDonnell Douglas - qui au

total aura coûté 8 200 emplois.256 La compagnie a également décidé en

octobre 1999 de vendre ses activités de transmissions (rachetées en 1995 à

Litton Industries) au spécialiste canadien Derlan Industries.257 Elle s'est

aussi en fin d'année séparée de MDTSC (McDonnell Douglas Technical

Services), sa filiale spécialisée dans les technologies de l'information,

services techniques et élaboration de contrats.258 Boeing s'était déjà engagé

dans une sévère réduction d'emplois qui sur les cinq premiers mois de 1999

s'était traduite par 14 000 suppressions de postes, les effectifs globaux

passant de 231 000 à 217 000. Ce plan prévoyait encore 17 000

suppressions supplémentaires d'ici la fin de l'année 1999 (pour atteindre

200 000 personnes) et 10 000 de plus en 2000. En fait, dès le mois de mai,

la direction ajoutait à ces prévisions encore 5 700 à 6 100 suppressions d'ici

le milieu de 2001.259 La contraction d'ensemble est particulièrement sévère.

Lockheed-Martin annonce en août que son plan de restructuration

(LM21) va donner de meilleurs résultats que prévu et que les économies

réalisées, au lieu de 520 millions de dollars, devraient atteindre 952

millions de dollars en 1999.260 Mais, en octobre, le groupe envisage de se

séparer d'ici neuf mois de huit divisions (9 000 emplois) dont Sanders

(électronicien), Fairchild Systems, etc., représentant 1,73 Milliard de

dollars d'activités.261

256 Les Echos, 8 août 1999.257 Air & Cosmos, 29 octobre 1999.258 Air & Cosmos, 7 décembre 1999.259 Ces dernières suppressions sont liées à l'échec du F15 en Grèce face au F16 de Lockheed-Martin et toucheront essentiellement le site de Saint-Louis. Air & Cosmos, 21 mai 1999.260 La Tribune, 24 août 1999.261 Air & Cosmos, 1er octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 104

UTC, qui contrôle entre autres le motoriste Pratt & Whitney ainsi

que l'hélicoptériste Sikorsky, provisionne 1,15 milliard de dollars pour les

restructurations annoncées chez Pratt & Whitney et qui devraient se

traduire par un millier d'emplois supprimés.262 Il prévoit également 2 100

suppressions d'emplois chez Sikorsky (dont les effectifs devraient

descendre de 9 100 à 7 000 d'ici à la fin de l'année 2000). 263 Le conglomérat

aurait entamé des discussions pour la reprise de Sikorsky avec Boeing, qui

vient par ailleurs de se séparer de ses activités d'hélicoptères légers (plutôt

civils).264

Raytheon a subi le mardi 12 octobre un sérieux revers puisqu'il a

perdu en une journée la moitié de sa valeur en Bourse. La sanction des

marchés venait après la deuxième annonce, en un mois, que les profits du

groupe seraient inférieurs aux prévisions. Raytheon, dont il était pourtant

admis qu'il avait mieux que d'autres réussi l'intégration des différentes

acquisitions de ces dernières années, subit ici le contrecoup de ces

difficultés. Son PDG, Daniel Burnham a dû admettre : "Nous avons voulu

en faire trop et trop vite".265 Raytheon a repris Remco SA en 1990, STC plc

Navigation Systems en 1991, TRW-LSI Products en 1992, Corporate Jets

en 1993, E-Systems en 1994, Texas Instruments en 1997 et, la même

année, Hughes Defense, qui avait lui-même repris la division missiles de

General Dynamics en 1992 et Magnavox en 1994. Raytheon a décidé de

provisionner 668 millions de dollars pour un plan de restructuration qui

devrait coûter 2 400 suppressions d'emplois et la fermeture d'une dizaine

d'usines. Le groupe avait pourtant déjà procédé, dans les six premiers mois

de l'année 1999, à 11 300 suppressions d'emplois sur 115 000 personnes

(sur 15 400 prévues pour l'année).

262 Les Echos, 23 septembre 1999.263 Air & Cosmos, 27 août 1999.264 Air & Cosmos, 26 février 1999.265 La Tribune, 14 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 105

AlliedSignal se débarrasse, en mai 1999, de sa branche matériaux

de friction qui représente 5 600 personnes dans le monde dont 800

suppressions en France (758 à Condé-sur-Noireau, pour l'ex-usine Valeo

reprise en 1990).266 De plus, à l'occasion de sa fusion avec Honeywell, il

ajoute une estimation de 4 500 suppressions d'emplois dans les dix-huit

mois qui suivront la fusion.267

De son côté, TRW qui vient de racheter l'équipementier britannique

LucasVarity a décidé de mettre en vente quatre filiales de composants

automobiles pour un montant espéré de 1,2 à 1,5 milliards de dollar.268

Parmi les rectifications de périmètre moins importantes on peut

noter les opérations suivantes.

Rockwell Collins va reprendre la totalité des parts que détient

encore Kaiser dans leur filiale commune Flight Dynamics (équipements

aéronautiques, 250 personnes).269

Northrop Grumman a racheté la division "Systèmes d'information"

(surveillance et reconnaissance aérienne, communications militaires par

satellites) de California Microwave pour 93 millions de dollars.270

Precision Casparts Corporation (PCC) s'est porté acquéreur du

forgeron américain Wyman-Gordon pour 825 millions de dollars.271

AlliedSignal a racheté son compatriote Tristar - équipementier

spécialisé dans les fixations aéronautiques - pour 300 millions de francs.272

266 Les Echos, 20 mai 1999.267 Le Monde, 18 septembre 1999.268 Les Echos, 18 mai 1999.269 Air & Cosmos, 12 février 1999.270 Air & Cosmos, 30 avril 1999.271 Air & Cosmos, 21 mai 1999.272 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 106

3.3 RESTRUCTURATIONS TRANSATLANTIQUES

Les liens et les opérations entre firmes américaines et firmes

européennes sont loin d'être à sens unique. On analysait cette relation dans

l'évolution de l'année 1998 en insistant sur le passage des "liens discrets"

de la période 1996-1997 aux "liens renforcés" en 1998 :

Les firmes américaines, ayant épuisé leurs possibilités de

croissance externe sur le marché nord-américain, ont tendance à se

tourner plus nettement vers le vieux continent. Les firmes

européennes, parce qu'elles sont en passe d'atteindre des volumes

plus substantiels et qu'un certain nombre de programmes (Airbus,

Arianespace pour ne citer que les plus voyants) ont fait la

démonstration que leur rapport de force avec les firmes US n'était

pas forcément voué à l'échec, envisagent sur un mode nouveau leurs

rapports avec leurs concurrentes d’outre-Atlantique. Tout ceci

aboutit dans l'année 1998 à la constitution de liens plus forts et plus

significatifs que les accords "discrets" de la période 1996-1997.

Bien entendu, dans ce mouvement, la question de l'autonomie

stratégique des firmes européennes reste posée.273

C'est bien à la continuation de ce mouvement qu'on a assisté en 1999

avec d'une part un certain nombre d'opérations américaines en Europe et

d'autre part des opérations européennes aux Etats-Unis dont plusieurs sont

significatives.

273 Voir Cahiers d'études stratégiques, N°23, (op. cité), chapitre 6, page 95.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 107

3.3.1 OPÉRATIONS AMÉRICAINES D'ACQUISITIONS DE

FIRMES DE DÉFENSE EUROPÉENNES

AlliedSignal, dont les objectifs de croissance externe en Europe ont

été clairement réaffirmés à plusieurs reprises, a regroupé dans une même

entité (Environmental Control Systems Europe, ECS-Europe) ses activités

européennes : l'équipementier français Secan devenu filiale à 100 % en

1997 et le Britannique NGL (Normalair-Garrett Ltd) racheté en partie à

GKN en juin 1998.274 Les 48 % de Normalair-Garrett que détenait encore

GKN sont cédés à AlliedSignal Holdings en fin d'année 1999 pour 117

millions d'euros, le groupe britannique avait auparavant déjà vendu à

l'Américain 100 % de Hermetic Aircraft International Corp.275 Le groupe

américain a de plus renforcé son activité dans les matériaux électroniques

en rachetant la division correspondante du groupe britannique Johnson

Matthey pour 655 millions de dollars.

Sous réserve des accords administratifs, LucasVarity, lui-même

racheté par l'Américain TRW, va racheter la SAMM (fabricant de

servocommandes pour Airbus et hélicoptères, 373 millions de francs de

chiffre d'affaires en 1998, 500 personnes), une des filiales "défense" du

groupe Peugeot.276

Northrop Grumman a racheté pour 35 millions de dollars la firme

norvégienne Navia Aviation spécialisée dans les systèmes d'atterrissage

aux instruments et les équipements de contrôle aérien. Le groupe américain

précise qu'il entend poursuivre une politique d'acquisitions internationales

dans les secteurs apparentés au contrôle aérien.277

274 Air & Cosmos, 29 janvier 1999.275 AFP, 23 décembre 1999.. AlliedSignal Holdings est une filiale de Honeywell, nouveau nom du groupe après la fusion-absorption d'Honeywell par AlliedSignal.276 L'autre étant Panhard & Levassor, lui-même parfois donné comme étant sur le point d'être cédé également.277 Air & Cosmos, 19 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 108

Le Bronze Industriel (LBI, 315 millions de francs de chiffre

d'affaires en 1998) est repris par le holding Fontech, créé pour l'occasion

par la société de capital-investissement Argos Soditic France, agissant

comme conseil des fonds Euroknights III et Bancboston capital.278

Dans le secteur des fixations aéronautiques, Fairchild Fasteners

(filiale de Fairchild Corp.), après avoir racheté les Français Mecaero et

Simmonds, a élargit son activité en reprenant son compatriote Kaynar

Technologies Inc. pour 267 millions de dollars.279

Esterline (maison mère américaine de Auxitrol) rachète deux

sociétés britanniques, Muirhead Vactric et Norcroft Dynamics, qui seront

fondues en une seule. Avec Auxitrol, l'ensemble fera 650 millions de francs

de chiffre d'affaires en employant 850 personnes.280

Cordant Technologies (ex-Thiokol) a repris en 1995 Howmet

(leader mondial de la fonderie de précision) au groupe Péchiney,

conjointement avec Carlyle. Il a depuis racheté les parts de Carlyle.

Cordant souhaite que cette acquisition lui permette de renforcer ses

fournitures à Airbus.281

Le groupe américain Amsco-Pittsburgh, par l'intermédiaire de sa

filiale Union Electric Steel, a racheté au conglomérat Kvaerner trois filiales

britanniques d'équipements métalliques (Davy Roll Company, Turner

Chilled Rolls et Kvaerner Formet) pour 150 millions de francs. Les trois

filiales représentent 525 personnes et 60 millions de dollars de chiffre

d'affaires.282

Le groupe italien Finmeccanica a vendu sa filiale Ansaldo Sistemi

Industriali (ASI, systèmes automatiques et composants pour l'industrie) à

278 Les Echos, 30 avril 1999.279 Air & Cosmos, 8 janvier 1999.280 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.281 Les Echos, 21/22 mai 1999.282 Les Echos, 4 août 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 109

l'Américain HVE (High Voltage Engineering Corporation) qui contrôle

Robicon. La transaction est estimée à 340 millions de francs. 283

Dans le cadre de la simplification de ses activités et de ses relations

avec Alcatel, le groupe français Thomson a réalisé des opérations croisées

de recentrage et a vendu sa filiale Aonix (spécialisée dans les logiciels) au

groupe américain Gores Technologies.284

De même, Alcatel a cédé au groupe américain Tellabs les actifs

européens de transmission de l'ex société DSC Communications (acquise

l'an dernier) pour 110 millions de dollars. Cette cession vise à éliminer

certain doublons dans l'activité de transmission synchrone et optiques, et ne

signifie pas du tout un retrait du marché américain, qui est au contraire un

des objectifs d'Alcatel qui réalise déjà 20 % de son chiffre d'affaires outre-

Atlantique. Le conglomérat français cherche à mettre sur pied des accords

avec les opérateurs locaux (les "baby bells") et s'est rapproché de Motorola,

partenaire habituel de DSC. La perspective américaine d'Alcatel est

clairement revendiquée par son directeur financier qui explique :

C'est là que les choses se passent. Et qu'Alcatel réalise ses

meilleures marges. Si tout Alcatel avait les mêmes marges, nous

n'aurions pas connu l'épisode de septembre dernier.285

Dans les services périphériques à l'aéronautique, le groupe Ogden

Corporation (25 000 personnes, 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires)

a acquis la société Transair (200 personnes), spécialiste des services

aéroportuaires au Bourget.286

Le groupe néerlandais Akzo Nobel a revendu les activités de

peintures et joints aéronautiques de l'Anglais Courtaulds qu'il avait

283 Les Echos, 11 octobre 1999.284 Les Echos, 12 janvier 1999.285 Les Echos, 27 mai 1999.. En septembre 1998, le cours boursier d'Alcatel avait subi une chute très brutale (- 38 %) à l'annonce que les prévisions de résultat net devaient être revues à la baisse.286 Air & Cosmos, 3 septembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 110

acquises en 1998 à l'Américain PPG pour 512 millions de dollars.287

Le contrôle de l'équipementier français Brigantine Aircraft s'est

encore modifié dans les structures puisque ATP a fusionné en septembre

1999 avec une filiale de The Veritas Capital Fund (pour 135 millions de

dollars). ATP avait repris, entre autres sociétés, Alcore Inc. qui avait repris

en 1998 Brigantine Aircraft.288

Enfin, dans les décisions qui préparent d'éventuelles opérations de

recomposition, on peut noter que le groupe finlando-américain Cummins

Warstsila, après avoir filialisé sa branche militaire terrestre (site de

Surgères fabricant du moteur V8X, moteur du char Leclerc),289 annonce sa

séparation, le motoriste américain Cummins Engine Company et le

Finlandais Wartsila NSD reprenant leur liberté dans la filiale commune

qu'ils avaient créée en 1995 (sites de Mulhouse et Surgères). Ce choix

intervient après de lourdes pertes financières (600 millions de francs en

1997 pour un chiffre d'affaires de 4,5 milliards de francs).290

3.3.2 OPÉRATIONS EUROPÉENNES AUX ETATS-UNIS

Des opérations importantes ont eu lieu aux Etats-Unis, menées par

les groupes français Alcatel et britannique Marconi (ex-GEC). Celles-ci

sont consécutives aux changements intervenus dans les systèmes

industriels d'armement de ces deux pays et correspondent à des stratégies

de déploiement dans le domaine des télécommunications (réseaux de

données pour entreprises, réseaux privés, centraux téléphoniques,

commutateurs, sécurisation des transmissions, routeurs, équipements de

connectique, etc.). Etant donné l'importance des transactions et

rapprochements en cours dans ce secteur en Europe et dans le reste du

287 Les Echos, 3 juin 1999.288 Air & Cosmos, 10 septembre 1999.289 La Tribune, 9 septembre 1999.290 La Tribune, 27 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 111

monde, la place qui sera prise par les entreprises européennes sur le marché

américain est bien sûr un élément important pour leur développement.

Les autres opérations concernent quelques prises de contrôle dans

l'aéronautique et un plus grand nombre d'opérations de faible ampleur

concernant des PMI-PME.

Alcatel, qui réalisait en 1998 16 % de son chiffre d'affaires en

Amérique du Nord et y employait 11 % de ses effectifs,291 a une stratégie

qui combine l'orientation géographique vers les Etats-Unis et l'orientation

industrielle vers un redéploiement dans les télécommunications.292

Le groupe français avait déjà noué des alliances significatives, dans

le domaine spatial, avec l'Américain Loral, en constituant un partenariat

stratégique autour de leurs réseaux satellitaires multimédias Skybridge et

Cyberstar, avec mise en commun des moyens, chacun participant à la

réalisation des satellites de l'autre,293 accord qui avait été ouvert peu après au

groupe japonais Toshiba, pour les techniques de multimédia.294 Cette

alliance s'était étendue quand, en 1998, Loral Space and Communications a

décidé de rejoindre Alcatel pour le programme Europe Star de télévision et

télécommunications par satellites.295

Mais c'est dans le domaine des télécommunications que l'orientation

nouvelle d'Alcatel est manifeste. En 1998, le groupe a réalisé deux

acquisitions importantes. D'abord, fort de la trésorerie procurée par la vente

de la moitié du capital de GEC-Alsthom, par une OPE amicale de 26

milliards de francs Alcatel a racheté l'équipementier de

télécommunications américain DSC Communications Corporation (10

291 Brochure "Alcatel. Panorama 1998", Paris, 1999, 32 pages, (page 4).292 Ibidem, "Message du président", page 6.293 Air & Cosmos, 20 juin 1997.294 Air & Cosmos, 17 octobre 1998.295 Les Echos, 23 février 1998.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 112

milliards de francs de chiffre d'affaires, 6 000 salariés), spécialiste des

transmissions à haut débit, des réseaux intelligents et des systèmes d'accès

rapides.296 Ensuite, en fin d'année, le groupe français a finalisé l’achat de

l'Américain Packet Engines (gestion de réseaux, commutateurs de routage,

très gros commutateurs Ethernet pour les réseaux informatiques locaux)

pour 1,8 milliard de francs. Dans le même temps a été signé avec le groupe

japonais Mitsubishi un accord dans le domaine des fils émaillés par lequel

Alcatel prend 10 % de la filiale ODDJ (Optec Dai-Ichi Denko Co. Ltd) et

Mitsubishi prend une participation équivalente dans les ex-filiales

américaines d’ODDJ rachetées par Alcatel en octobre 1998.297

Cette stratégie s'est poursuivie en 1999, d'abord avec l'acquisition,

pour 10 milliards de francs, de la société Xylan (spécialiste des réseaux de

données d'entreprises, un peu moins de 2 milliards de francs de chiffre

d'affaires en 1998).298 Puis avec celle d'Assured Access (spécialiste des

solutions d'accès Internet), complétée dans son domaine par l'acquisition,

pour 1 milliard de francs, d'Internet Devices (70 personnes), spécialisée

dans les solutions IP pour réseaux privés virtuels et la sécurisation des

données.299 Cette firme rejoint la division Internet d'Alcatel aux côtés des

autres sociétés récemment acquises : Xylan, Packet Engines, Assured

Access. Toutefois, les objectifs de croissance externe d'Alcatel aux Etats-

Unis ne s'arrêtent pas là et on prête au groupe français des visées sur

d'autres sociétés du secteur comme Ciena (transmissions optiques, 508

millions de dollars de chiffre d'affaires) et Cabletron (routeurs pour la

communication de données).300 Cabletron est déjà un fournisseur d'Alcatel

pour la technologie ADSL, qui permet d'accélérer l'accès à Internet et pour

296 Les Echos, 5/6 juin 1998.297 Les Echos, 27/28 novembre 1998.298 Les Echos, 3 mars 1999.299 Les Echos 18 juin 1999.300 Les Echos, 28 septembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 113

laquelle Alcatel est leader mondial.

La position du groupe français aux Etats-Unis s'est donc

considérablement renforcée, même si certaines de ces acquisitions ont dû

être payées au prix fort. Cependant, il n'est pas le seul acteur européen à

intervenir ainsi dans l'espace outre-Atlantique.

Le Britannique Marconi (ex-GEC) mène également de son côté une

stratégie d'implantation aux Etats-Unis et dans le domaine des

télécommunications qui est parallèle à celle d'Alcatel et vraisemblablement

concurrente à défaut d'être convergente.

Marconi (ex-GEC) a accompli en 1998-1999 une mutation

fondamentale de sa stratégie industrielle. Alors que le groupe s'était

développé dans une diversification marquée, une première transformation

intervient avec une perspective de recentrage sur la défense, concrétisée par

le retrait (concomitant à celui d'Alcatel) de la moitié du capital de leur

filiale commune GEC-Alsthom, ce qui procure au groupe d'appréciables

moyens de trésorerie. A ce moment GEC, rachète l'Américain Tracor

(électronique de défense, 7,6 milliards de francs de chiffre d'affaires en

1997, 10 700 salariés) pour 8,5 milliards de francs.301 Toutefois, cette

orientation va être à son tour modifiée, car les tentatives plus ambitieuses

de GEC de reprises d'actifs de Northrop Grumman ou de Lockheed-Martin,

au moment où leur fusion possible était débattue, ont tourné court. Aussi

est-ce finalement vers un abandon de l'activité de défense que se dirige le

groupe en revendant son électronique de défense à British Aerospace.

Mais cette cession est l'occasion d'investissements importants dans

le secteur des télécommunications. GEC n'était pas absent de ce secteur et

avait déjà renforcé son activité dans ce domaine en 1998, en rachetant

(pour 7 milliards de francs) à Siemens les 40 % de leur filiale commune 301 Air & Cosmos, 24 avril 1998.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 114

dans les transmissions GEC-Plessey Telecommunications (GPT, 10

milliards de francs de chiffre d'affaires en 1997, 10 000 salariés) et pour en

prendre le contrôle total et fusionner GPT avec sa filiale Marconi SpA pour

former Marconi Communications.302 En 1999, Marconi (ex-GEC) s'efforce

de développer son implantation sur le marché des Etats-Unis. En mars, il

rachète l'équipementier américain Reltec (groupe KKR, Kolhberg Kravis

Roberts, 6 500 salariés, 1,07 milliard de dollars de chiffre d'affaires ) pour

2,1 milliards de dollars, une valorisation élevée, mais qui permet au groupe

de se renforcer sur le segment des systèmes d'accès et de transmissions. 303

En avril, il reprend pour 4,5 milliards de dollars Fore Systems304 qui est une

firme leader dans le monde pour le marché des équipements de connexion

à haut débit utilisés pour les réseaux centraux des grandes entreprises et par

les fournisseurs d'accès. Là encore, la valorisation de Fore Systems est très

élevée, mais Marconi (ex-GEC) considère que c'est le prix à payer pour se

faire une place sur un marché déjà très occupé par les grandes firmes

américaines Lucent Technologies (35 milliards de dollars de chiffre

d'affaires en 1998) et Nortel (20 milliards de dollars de chiffre d'affaires en

1998) ou même par le groupe français Alcatel. Marconi (ex-GEC)

complète encore ses capacités en reprenant au mois d'août la firme

israélienne RDC Communications (spécialiste des réseaux sans fil).305 Le

groupe britannique reprend également pour 985 millions de francs la

division Réseaux publics du groupe allemand Bosch.306 Le président de

Marconi Communications, Sandro Gualano, ne dissimule pas son objectif :

"Nous allons rapidement devenir le numéro deux ou trois mondial des 302 Les Echos, 25 juin 1998. Cette filiale était issue de la mémorable OPA mouvementée de GEC et Siemens sur le Britannique Plessey en 1987, qui peut être considérée comme l'un des événements qui marquent le début de tout le mouvement de restructuration industrielle de l'armement européen. 303 Les Echos, 2 mars 1999.304 Les Echos, 27 avril 1999.305 Le Monde, 13 octobre 1999.306 Les Echos, 26/27 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 115

télécommunications".307 La compétition est européenne, bien sûr, mais elle

ne se limite pas au vieux continent, elle est aussi transatlantique. On ne

peut pas exclure que l'importance financière des enjeux amène même les

deux groupes européens concernés, Marconi (ex-GEC) et Alcatel, à des

rapprochements, qui s'inscriraient naturellement dans le mouvement global

de fusions-concentrations qu'on observe dans l'ensemble de l'industrie.

Les opérations constatées dans le secteur aéronautique sont de bien

moindre envergure que les mouvements du secteur des

télécommunications, mais on peut relever quelques cessions américaines

d'activités.

En début d'année, Boeing a annoncé la vente au Néerlandais RDM

(800 personnes) de ses chaînes d'hélicoptères MD 500, MD 600 et MD

Explorer (hélicoptères civils légers hérités de McDonnell Douglas).308

En avril, Dowty Aerospace (branche aéronautique du groupe

britannique TI) a pris le contrôle de l'Américain TRI-Manufacturing

(fabricant de parties chaudes de réacteurs, filiale de GE Aircraft Engines)

pour 300 millions de francs.309

En septembre, Sextant Avionique est monté à 100 % dans sa filiale

commune Sextant Inflight Systems (activités de multimédia de bord) avec

B/E Aerospace (créée il y a un an) pour environ 93 à 125 millions de

dollars.310

Enfin, on a également pu observer quelques opérations de rachats

d'activités d'ampleur plus limitée ou touchant des PMI-PME américaines

ou implantées en Amérique du Nord :

307 Ibidem.308 Air & Cosmos, 22 janvier 1999.309 Air & Cosmos, 22 avril 1999.310 Air & Cosmos, 10 septembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 116

Dans les activités de chimie, la SNPE a pris le contrôle de la société

Multiple Peptide Systems (MPS) (30 millions de francs de chiffre

d'affaires, 30 salariés)311 et le groupe allemand SGL Carbon, qui avait déjà

repris les producteurs de fibres de carbone RK Carbon en Grande-Bretagne

et Hitco aux Etats-Unis, a acheté 50 % du capital de Aldila Materials

Technology Corp. (filiale de Aldila).312

En milieu d'année, Turboméca a repris la division Maintenance et

réparations de moteurs de Keystone Helicopters (21 personnes),313 et

Thomson-CSF a racheté l'activité Optronique d'AlliedSignal Aerospace

Canada (qui deviendra Thomson-CSF Optronique Canada) pour 78

millions de francs.314

Le Britannique Smiths Industries (composants industriels) a, en fin

d'année 1999, acquis la division Aéronautique de son compatriote Invensys

(division basée aux Etats-Unis, avec 850 personnes et un chiffre d'affaires

de 120 millions de dollars). 315

Dassault Systèmes a racheté pour 10 millions de dollars la firme

canadienne Safework spécialisée dans la réalisation de logiciels de

modélisation humaine.316

Enfin, par l'acquisition de la société américaine d'équipement

Aerotec, le groupe Labinal devient fournisseur de câblage pour les F16 de

Lockheed-Martin et les appareils du groupe canadien Bombardier.317 Le

groupe français mène depuis longtemps une stratégie de consolidation de

sa première place mondiale des câbleurs indépendants de l'aéronautique par

des opérations de croissance externe des deux côtés de l'Atlantique : c'est

311 Air & Cosmos, 7 janvier 1999.312 Air & Cosmos, 9 juillet 1999.313 Air & Cosmos, 11 juin 1999.314 Air & Cosmos, 9 juillet 1999.315 AFP,, 16 décembre 1999.316 Les Echos, 14 décembre 1999.317 Les Echos, 29 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 117

ainsi que, en 1995-1996 il a racheté Erca et Caso (deux bureaux d'études

aujourd'hui fusionnés dans Comecad) et qu'antérieurement il avait racheté à

l'Américain TRW les connecteurs Cinch (fournisseur de Boeing).318

Les acquisitions américaines en 1999 restent limitées à des

équipementiers et sont en nombre plutôt plus réduit que dans la période

1997-1998. En retour, les acquisitions européennes sont très typées, avec

d'un côté un certain nombre d'opérations de moyenne et faible envergure, et

de l'autre des opérations significatives dans les domaines des

télécommunications au sens large, menées essentiellement par Alcatel et

Marconi (ex-GEC). Toutefois, l'évolution des relations entre les deux

systèmes de production d'armement ne peut se limiter à une analyse des

opérations en capital. Les autres relations industrielles et commerciales

dessinent un paysage de liens plus étroits qu'il n'y paraît au seul examen

des prises de contrôle.

3.4 LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS INDUSTRIELLES

ET COMMERCIALES ENTRE INDUSTRIES EUROPÉENNE ET

AMÉRICAINE D'ARMEMENT EN 1999

Plusieurs accords de coopération et autres accords majeurs ont été

signés en 1999 entre firmes américaines et firmes européennes,

spécialement dans le domaine de l'aéronautique, et leur importance

constitue un saut qualitatif dans l'étroitesse des relations entre firmes des

deux rives de l'Atlantique.. Ce mouvement de fond s'est accompagné de la

constitution de plusieurs coentreprises et d'un certain nombre d'accords de 318 Air & Cosmos, 5 novembre 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 118

sous-traitance et accords de coopération particuliers.

3.4.1 ACCORDS MAJEURS ENTRE FIRMES EUROPÉENNES ET

AMÉRICAINES

Ces accords concernent l'aéronautique, avec des acteurs aussi

significatifs que Lockheed-Martin, voire Northrop Grumman du côté

américain, et Aérospatiale-Matra et Airbus, mais aussi les

télécommunications essentiellement autour de Thomson-CSF et Raytheon,

et les missiles avec le rapprochement de Boeing du consortium Meteor.

Les alliances aéronautiques se sont nouées autour d'Airbus et de

Aérospatiale-Matra.

Airbus et Raytheon ont signé en avril 1999 un accord pour

développer un avion ravitailleur dérivé de l'A310 pour un marché estimé à

une centaine d'appareils dans les dix années à venir (hors Etats-Unis). Cet

accord prolonge un autre accord conclu il y a deux ans pour développer un

avion radar de type Awacs à partir de la plate-forme de l'A310. Cet

appareil pourrait être retenu par les forces armées turques et australiennes

auxquelles il est proposé.319 Il est également proposé au Japon pour un

contrat de quatre appareils (dont deux options).320

Des négociations ont également lieu entre Airbus et Lockheed-

Martin pour développer un avion ravitailleur plus important à partir de la

plate-forme de l'A330. Cette version pourrait être proposée à l'USAF.

Ces négociations avec Lockheed-Martin pourraient aller jusqu'à

s'étendre au projet d'avion de transport militaire A400M que présente

Airbus pour le contrat européen ATF, pour réaliser une version

"ravitailleur" de l'A400M.

319 La Tribune, 17 juin 1999.320 Air & Cosmos, 10 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 119

D'autres négociations ont été engagées entre Airbus et Northrop

Grumman, pour la mise au point d'un avion de surveillance militaire. 321 Et,

en fin d'année 1999, Northrop Grumman, après avoir renoncé à son offre

de Boeing 707 Joint Stars dans le programme de surveillance radar de

l'OTAN, fait une nouvelle proposition à partir d'un Airbus A321.322

Aérospatiale-Matra a de son côté signé un accord de coopération

avec Lockheed-Martin pour présenter un appareil dans la compétition

britannique pour des avions de ravitaillement. Le paradoxe apparent de cet

accord est que cette alliance Lockheed-Martin / Aérospatiale-Matra vient

en concurrence avec le projet Raytheon / Airbus. Aérospatiale-Matra

explique son choix en soulignant que Raytheon exige d'être maître d'œuvre

du programme alors que Lockheed-Martin accepterait un partage

équilibré.323

Ces relations renforcées entre Lockheed-Martin et

Aérospatiale-Matra ont également pris une dimension internationale avec

leur annonce le 16 juin d'une candidature commune pour entrer au capital

de Korean Aircraft Industries (compagnie nouvellement créée par fusion

des activités aéronautiques de Samsung, Hyundai et Daewoo), susceptible

d'ouvrir son capital jusqu'à 50 %. D'autres candidatures existent

(européennes comme celles de British Aerospace ou Dasa, ou américaine

comme celle de Boeing).324

Cette candidature commune est particulièrement importante car elle

concerne le marché d'Extrême-Orient dont on peut penser qu'il va être dans

la décennie à venir un des lieux d'affrontement indirect entre firmes

européennes et firmes américaines pour la conquête de la taille critique. De

plus, les alliances européennes viennent ici servir au jeu américain de

321 Les Echos, 17 juin 1999.322 Air & Cosmos, 12 novembre 1999.323 Air & Cosmos, 25 juin 1999.324 Le Monde, 18 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 120

concurrence entre Boeing et Lockheed-Martin, ce dernier ne cachant pas

l'intérêt qu'il voit à nouer des liens les plus forts possible avec Airbus pour

se renforcer dans le domaine des avions civils, secteur où son rival

américain est beaucoup plus développé que lui. De son côté, Aérospatiale-

Matra a clairement annoncé son intention de "forger des liens

transatlantiques dans le domaine aéronautique".325

Dans le domaine des télécommunications, c'est essentiellement

autour de Thomson-CSF que se nouent les alliances, avec Raytheon seul ou

dans un cadre plus large. Thomson-CSF joue un rôle particulièrement

important du point de vue français, puisque, parmi la centaine d'accords

d'échanges existant entre la France et les Etats-Unis sur des programmes et

technologies spécifiques, le groupe déclare 17 programmes en coopération

avec Raytheon et douze avec Lockheed-Martin.326

Thomson-CSF et Raytheon ont, en juillet 1999, remporté ensemble

un contrat OTAN de 3 milliards de francs pour la première phase, d'une

durée de six ans, d'un système de défense aérienne offrant une

interopérabilité complète aux pays membres de l'alliance. Ce contrat

attribué à ACSI (Air Command Systems International, coentreprise 50/50)

permettra la mise en place d'un nouveau système (ACCS LOC1) qui

remplacera le système NADGE mis en place en 1966 (et auquel

participaient déjà Hughes (aujourd'hui absorbé par Raytheon) et Thomson-

CSF). La collaboration entre les deux groupes est ancienne puisqu'ils

325 Ibidem.326 Air & Cosmos, 10 décembre 1999. On notera cependant que, pour les coopérations étatiques, il n'existe que deux programmes où la France et les Etats-Unis soient engagés conjointement : MIDS (terminaux de données tactiques, liaison 16) (avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne) et les roquettes guidées G-MLRS (avec l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne).

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Naissance de l'Europe de l'armement page 121

avaient déjà créé ensemble en 1981 l'ACCSCO (devenue ACSI). 327 Les

deux groupes ont déjà remporté ensemble un premier contrat au Portugal

en 1995 et un autre en Suisse en 1998. Thomson-CSF envisage de faire

évoluer cette coopération avec le groupe américain, dans le sens d'un

renforcement, tout en visant aussi les marchés asiatiques (Australie

comprise).328 Il semble même que Thomson-CSF et Raytheon soient sur le

point de créer une filiale commune, en mariant leurs activités dans le

domaine du contrôle aérien militaire et des radars.329 On doit noter que cette

"victoire" de l'alliance Thomson-CSF / Raytheon est aussi la "défaite" du

consortium concurrent mené par Boeing et Westinghouse, auquel

participaient TRW et les Européens Racal, Sel et Alcatel. Les alliances de

Thomson-CSF et Raytheon ne s’arrêtent pas là puisque les deux groupes

ont présenté conjointement une offre pour les contrats d'études des porte-

avions de la Royal Navy qui a été retenue par le gouvernement britannique,

ainsi que celle présentée par BAe et Marconi Electronics Systems (avant

leur fusion).330

Par ailleurs, Thomson-CSF est aussi partie prenante d'une autre

alliance puisqu'une nouvelle société, Tac One, dont le siège à Paris, a été

créée en août 1999 par BAe, Dasa, ITT Industries-Aerospace-

Communications, Marconi Communications et Thomson-CSF pour

postuler à un contrat Otan qui a pour objet de définir de nouvelles normes

des systèmes de communications militaires pour après 2005.331

Enfin, dans l'affrontement interaméricain par alliances européennes

interposées, il faut noter l'association de Boeing au consortium européen

327 Correspondance économique, 23 juillet 1999.328 Le Monde, 30 juillet 1999.329 C'est la filiale Thomson Airsys qui est concernée, le contrôle civil étant placé dans ATM, la coentreprise avec Siemens. La Tribune, 23 novembre 1999.330 Air & Cosmos, 26 novembre 1999.331 Les Echos, 3 août 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 122

qui propose le missile air-air à longue portée Meteor pour équiper

l'Eurofighter et associe British Aerospace, Matra-BAe-Dynamics,

Finmeccanica, Saab, LFK et Casa contre la proposition de Raytheon qui

propose son missile AMRAAM, ouvertement soutenu par les autorités

américaines auprès du gouvernement britannique. La présence de Boeing

vient compliquer le jeu et éviter que la concurrence ne prenne un aspect de

rivalité entre industries européenne et américaine, ce que les Américains

redoutent par-dessus tout, comme en témoigne leur obstination à tenter

d'exorciser le spectre des "deux forteresses". La présence de Boeing dans

cette alliance modifie la nature de la compétition comme le fait remarquer

- avec understatement - le vice-président anglais de Matra BAe Dynamics :

La signature de cet accord fournit l'occasion d'approfondir la

coopération transatlantique dans le domaine des missiles dans le

sens souhaité par le président Clinton dans une lettre récemment

adressée à Tony Blair.332

Si la tentative de Boeing de rattraper une partie de son retard dans

l'établissement de liens avec les industries européennes est évidente, la

perspective européenne vise aussi le marché américain comme l'explique

sans fard le président de MBD :

Ce partenariat est strictement limité au programme Meteor.

C'est toutefois un accord de grande portée. MBD propose au

gouvernement américain une coopération transatlantique

impliquant deux leaders dans leurs métiers, dans le but d'entrer sur

le marché américain avec un produit aux performances inégalées.

Qu'un grand industriel comme Boeing s'intéresse au missile Meteor,

considère qu'il peut aussi intéresser ses clients à l'export, ainsi que

le Pentagone, est une grande première. Nous nous inscrivons dans

l'ouverture qu'affirment rechercher les gouvernements américain et 332 Le Figaro, 21 août 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 123

européens. Il va falloir tester cette volonté.333

3.4.2 CRÉATION DE COENTREPRISES, ACCORDS DE SOUS-

TRAITANCE ET AUTRES LIENS COMMERCIAUX

L'année 1999 a vu se créer un certain nombre de coentreprises entre

firmes américaines et européennes, dans le secteur des moteurs

aéronautiques ou à l'initiative de Lockheed-Martin.

Snecma Services et l'Américain Praxair Surface Technologies ont

ainsi créé une coentreprise de réparation aéronautique dont le démarrage

effectif est prévu en 2000-2001 avec une soixantaine de postes.334

De même, le motoriste allemand MTU a investi 100 millions de

dollars dans une coentreprise (Vericor Power Systems) avec le groupe

AlliedSignal pour les turbines à gaz pour l'industrie et les moteurs de

marine.335

Lockheed-Martin Vought Systems et Dasa ont créé une coentreprise,

basée en Allemagne, pour le développement des missiles Patriot Advanced

Capability-3 (PAC-3) achetés par l'Allemagne.336

Le même Lockheed-Martin Vought Systems et la société allemande

Diehl ont créé une coentreprise (Euro Rocket System) pour les MLRS des

clients européens.337

Lockheed-Martin, Telespazio et TRW ont formé une société

commune pour la réalisation d'un réseau satellitaire de transmission de

données à large bande, "Astrolink", le premier satellite devant être lancé en

2002 avec un coût total du projet de 3., milliards de dollars.338

333 Les Echos, 25 octobre 1999.334 Air & Cosmos, 8 janvier 1999.335 Les Echos, 2 juin 1999.336 Les Echos, 13 février 1999.337 Armada, 1er avril 1999.338 Les Echos, 7/8 mai 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 124

Des accords de sous-traitance ou des commandes de fournisseurs

ont aussi contribué à développer les relations transatlantiques :

Sofradir (filiale commune de Thomson-CSF et du groupe Sagem) a

été retenue pour fournir à l'US Army des détecteurs infrarouges de

deuxième génération. Le contrat est évalué à 21 millions de francs qui

pourraient ultérieurement monter à 75.339

Boeing a confié à Ages (filiale américaine de Volvo Aero)

l'exclusivité de la distribution de pièces détachées pour les avions anciens

sortis de son catalogue, pour cinq ans.340

La division Systèmes aéronautiques du groupe Labinal a été choisie

par Boeing comme fournisseur de câblage aéronautique pour les avions

717 (fournisseur exclusif) et 767 (plus de 50 % des besoins).341

Pix Tech, société montpelliéraine, a obtenu un contrat de la

DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) pour les écrans du

nouveau système d'informations tactiques du char M1A2 Abrams. Le

volume financier du contrat est de 4.7 millions de dollars sur cinq ans.342

Le Suédois Volvo Aero a signé un contrat de 35 millions d'euros

pour la fourniture d'enveloppes de turbines à General Electric.343

Alenia Aerospazio a remporté deux contrats pour un montant de 65

millions d'euros auprès de Boeing, pour la transformation d'avions pour le

compte de Federal Express.344

Marconi (ex GEC) a signé un contrat de 1 milliard de dollars sur

trois ans pour la fourniture de fibres optiques pour services à large bande

339 Air & Cosmos, 26 février 1999.340 Air & Cosmos, 30 avril 1999.341 Les Echos, 29 juin 1999.342 TTU, 16 septembre 1999.343 AFP, 20 décembre 1999.344 Les Echos, 25 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 125

avec l'Américain Bell south.345

Parfois, ces relations de fournisseurs peuvent avoir des retombées

négatives. Ainsi en est-il pour GFI Industries : la réduction drastique des

commandes de fixation par Boeing, pour diminuer ses stocks, a obligé le

groupe à réduire temporairement l'activité (et les effectifs) de sa filiale Hi-

Shear acquise en 1996.346

Ces relations peuvent aussi être des commandes européennes aux

groupes américains :

Ainsi, quand le constructeur américano-allemand Fairchild

Aerospace (ex-Fairchild-Dornier) annonce le lancement d'une nouvelle

famille d'avions, ceci n'est possible que grâce à une commande massive de

Lufthansa, qui a par ailleurs obtenu que les avions soient construits en

Allemagne.347

De même, Lockheed-Martin associé à BAe et British Telecom a

signé un contrat avec le ministère britannique de la Défense pour la

fourniture du futur système de télécommunications militaires destiné à

l'armée britannique (études préliminaires de Skynet 5, vingt mois, 49

millions de dollars).348

D'autres partenariats, porteurs d'avenir, ont également été conclus

en 1999.

EDF a signé en mars 1999 un accord de partenariat important pour

commercialiser les microturbines d'AlliedSignal en Europe.349

345 La Tribune, 17 décembre 1999.346 Les Echos, 22 septembre 1999.347 Les Echos, 3 juin 1999.348 Les Echos, 15 juin 1999.349 Les Echos, 9 mars 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 126

Le groupe britannique GKN a conclu un accord avec l'Américain

Dana Corp pour des systèmes de transmissions automobiles de pointe.350

Snecma et Lockheed-Martin se sont engagés dans la voie de

relations plus étroites pour les systèmes électroniques de régulation

numérique des moteurs (FADEC). Cet accord élargit la coopération qui

existait déjà entre les deux groupes.351

Techspace Aero (filiale du groupe Snecma) a signé avec

AlliedSignal un accord de partenariat à risques partagés portant sur la

totalité de la gamme des moteurs AS900.352

Ces coopérations américaines ne se limitent évidemment pas au

continent européen. C'est ainsi que le gouvernement japonais a été amené à

approuver un projet de coopération avec les Etats-Unis dans le domaine de

la défense antimissiles balistiques (2,5 à 3 milliards de francs sur cinq à six

ans).353

Enfin, dans les alliances d'ensemble qui touchent à l'aéronautique, il

faut signaler l'évolution continue du transport aérien vers la concentration,

dont l'accord entre Delta Airlines et Air-France est une étape

supplémentaire alors que trois autres grands réseaux se sont constitués :

Star Alliance (qui réunit United Airlines, Lufthansa, et a passé des accords

avec Thaï Airways et en prépare d'autres avec Singapore Airlines),

Oneworld (qui unit American Airlines et British Airways, et qui détient 25

% de l'Australien Qantas) et Wing Alliance (autour de Northwest,

Continental et KLM, et qui a des accords avec Air China).354

350 Les Echos, 30 mars 1999.351 Air & Cosmos, 25 juin 1999.352 Ibidem.353 Les Echos, 18 août 1999.354 AFP, 22 juin 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 127

3.5 L'ÉVOLUTION DE LA VISION AMÉRICAINE DES

RELATIONS TRANSATLANTIQUES EN MATIÈRE DE

PRODUCTION D'ARMEMENT : DE LA CÈNE AU "DÎNER DE

TÊTES"

Les relations transatlantiques en matière de coopération pour les

fabrications d'armement sont marquées par des difficultés fondamentales :

différences de taille des marchés intérieurs et des entreprises, volonté

d'hégémonie, souci de préserver la Souveraineté, protection du secret et des

technologies de pointe, maintien de l'avance en R&D, etc.

La déclaration d'intention, signée en novembre 1998355 par les

directeurs nationaux d'armement américain, français, allemand et

britannique, traduit à la fois une volonté de progresser dans le domaine de

la coopération et l'ampleur et la nature des difficultés. Parmi les principes

retenus dans cette déclaration, il y a la volonté de coopérer le plus en amont

possible, de façon à harmoniser plus facilement les spécificités techniques

et permettre un accord plus facile sur les caractéristiques opérationnelles

des matériels. La nécessité d'obtenir un bon rapport coùt-efficacité est

rappelée, ce qui n'est guère surprenant. La déclaration aborde aussi la

question difficile de la transparence de l'information qui devrait être de

règle tant pour l'avancement des travaux que pour "toute activité nationale

parallèle", ce qui vise évidemment la pratique des "black programs"

américains. La déclaration insiste également sur la nécessité de "réduire au

minimum les contraintes relatives aux échanges d'information" et le fait de

"protéger la sécurité d'approvisionnement des participants". En outre , elle

fait clairement mention du principe d'un "partage équitable", ce qui

355 Voir présentation dans Info-DGA, mars 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 128

s'applique aussi bien à la possibilité pour les industries des différents pays

coopérants de participer à la réalisation des programmes, et non pas d'être

simplement sous-traitants de firmes américaines, qu'à la maîtrise des

technologies déterminantes.

L'ensemble des principes de cette charte donne une image très

irénique des relations de coopération. Cependant, le seul fait qu'il ait fallu

les inscrire dans une convention indique bien qu'ils n'étaient pas

nécessairement respectés jusque-là. La déclaration commune permettra-t-

elle qu'il en soit autrement dans l'avenir ? Seule l'évolution des relations

dans les coopérations peut en apporter la démonstration. Et cette évolution

est elle-même fonction des rapports de force économiques qui

s'instaureront entre industries d'armement européenne et américaine. De ce

point de vue, les fusions de l'année 1999 constituent une modification

fondamentale qui va peser sur l'attitude de l'administration et des

entreprises américaines dans l'avenir.

L'établissement de liens renforcés entre entreprises américaines et

européennes est une perspective qui s'est très clairement affirmée depuis

1998, où tour à tour les responsables de Boeing et de Lockheed-Martin

avaient fait assaut d'offres de coopération et de déclarations d'intentions

pour souligner que leur horizon était loin d'être seulement américain, mais

que l'Europe était leur "prochaine étape". A Bruxelles, en février 1998, Ron

Woodard, numéro 2 de Boeing, expliquait :

Nous voulons nous étendre en Europe par le biais de la sous-

traitance. Nous étudions des joint-ventures et espérons proposer

plus de travail aux motoristes européens.356

En écho, Vance Coffman, le PDG de Lockheed-Martin, expliquait

pourquoi il est favorable à des rapprochements de part et d'autre de 356 Les Echos, 11 février 1998.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 129

l'Atlantique pour éviter un face-à-face dangereux : "la compétition des deux

forteresses pourrait nuire à la sécurité des deux continents"357 Il ne sous-

estimait pas les difficultés de ces rapprochements :

Ce ne sera pas évident : d'une part la fusion des firmes de

défense européenne va se heurter au fait que plusieurs sont toujours

publiques. D'autre part, du côté américain, les mentalités devront

changer pour accepter une certaine dépendance vis-à-vis de

l'Europe.358

Non sans ajouter qu'il trouvait même plus difficile l'établissement de

ces rapprochements que les relations avec les anciens pays du pacte de

Varsovie :

Pour une compagnie américaine, il est plus facile de conclure

une affaire avec nos anciens adversaires à Moscou qu'avec nos

partenaires en Europe.359

Néanmoins, ces difficultés ne l'empêchaient pas d'insister sur la

nécessité de développer des coopérations industrielles :

La coopération transatlantique a été une activité à dominante

politique mais en grande partie elle n'a pas atteint ses buts. C'est

maintenant au tour des industriels de définir de nouvelles formes de

partenariat, en explorant toutes les formes de joint-ventures, de

participations croisées au capital et d'alliances stratégiques par

secteurs spécifiques.360.

Et la même perspective était aussi défendue par Paul Hoeper, sous-

secrétaire adjoint à la Défense, chargé des programmes internationaux :

Il nous faut trouver de nouveaux moyens constructifs pour

357 Air & Cosmos, 13 février 1998.358 Ibidem.359 Air & Cosmos, 19 juin 1998.360 Ibidem.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 130

travailler en partenariat avec nos alliés internationaux.361

C'est la même orientation qui s'est retrouvée pendant une première

partie de l'année 1999 à travers les déclarations d'industriels d'une part et de

responsables de l'administration américaine d'autre part.

Les industriels ont insisté sur le fait que la concurrence entre firmes

américaines et européennes ne pouvait pas être lue comme une simple

concurrence nationale et que, étant donné les liens de sous-traitances, de

commandes, de fournisseurs qui existent entre donneurs d'ordres

américains et entreprises européennes, l'activité des firmes américaines

était un facteur favorable à l'emploi et aux économies européennes. Ce

discours a, en particulier, été développé par Richard James, président de

Boeing Europe, invité par l'AJPAE :

Boeing travaille avec plus de cinq cents fournisseurs dans 21

pays européens. Au cours des cinq prochaines années, le

Commercial Airplane Group compte dépenser plus de 80 milliards

de francs, ce qui permettra de créer 80 000 emplois. En France,

Boeing a dépensé 7 milliards de francs avec ses fournisseurs. A

l'inverse de notre concurrent362, le 737 est uniquement motorisé par

des CFM56 qui procurent 11 000 emplois en France. Au cours des

cinq dernières années, ce programme a procuré 15 milliards de

francs de revenus à la Snecma et il lui en procurera plus de 50 au

cours des huit prochaines années.363

Cette argumentation sur les interconnexions entre systèmes de

production d'armement tend à battre en brèche la représentation des "deux

361 Ibidem.362 Il s'agit d'Airbus.363 Air & Cosmos, 26 mars 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 131

forteresses". Toutefois, il faut remarquer que ce vocabulaire est

spécifiquement américain et ne se retrouve pas dans l'analyse des

responsables européens. En revanche, les membres de l'administration

américaine l'emploient fréquemment pour en dénoncer les effets néfastes

supposés. Cette crainte de la formalisation d'un affrontement entre les deux

grands systèmes de production d'armement est particulièrement présente

dans les analyses de Jacques Gansler, actuel responsable du Département

acquisition, qui a développé depuis plusieurs années une vision très

différente des relations transatlantiques :

This early 21st century "transatlantic defense industrial

capability model" would then have essentially two major economic

blocks - one in North america (made up of Canada and the United

States) and one in Europe (made up of interested European NATO

members), in almost all critical defense capability areas (again

nothing that, perhaps, a very few strategic items could be

demonstrated to have overriding economies-of-scale benefits for

sole sources). Each of the blocks would assure that there was at

least one "local" potential industrial supplier (hopefully doing both

civil and military work) for all of the essential critical technologies

required for their future military weapon systems. This supplier

might not, however, be currently producing this particular type of

equipment, and they might not currently even be involved in a

program within their economic block - perhaps supplying it to the

other block.

Overall, the model assure that, in both North America and in

Europe, there would be at least one international (transatlantic)

industrial team working in each critical defense capability area.

Each of the two (or more) teams in a given military mission area

would likely have industrial members from others nations (perhaps

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 132

at the subsystem level), and the majority of the suppliers would be

commercial enterprises. The team would also have a weapon system

design capability that would be defense-unique. The two teams

(again, one in Europe and one in the U.S.) would usually not be

working on the same product, but, for example, the North-American-

led team might be producing the current system upgrade while a

European-led team might be developping a new-generation

prototype - in the same military capability (mission) area. Differents

teams would, of course, be formed for each new program

competition (taking advantage of the "best in class" offered in each

area - from Europe and North America). In this way, there would be

two forms of competition continuously underway. First, for the

establishment of the team membership (with competition open to all

participating nations) and second between the teams for new-

generation systems. /../

It is important to emphasize that it is in the US government's interest

as well the particular interest of the department of Defense, to have

a strong and technologically advanced european defense industry.364

C'est cette vision d'une coopération "équitable" entre les deux rives

de l'Atlantique qui inspire les prises de position de Jacques Gansler dans

l'année 1999, lesquelles constituent une inflexion sensible des vues de

l'administration américaine. En juillet, dans un entretien au Wall Street

Journal, il affirme que le ministère veut "changer sa politique" en matière

de fusion d'entreprises et ne s'opposerait pas à des acquisitions de grands

groupes américains par des Européens. Et de préciser que des accords avec

des entreprises et gouvernements européens pourraient intervenir d'ici à 364 Jacques S. GANSLER, The Changing Face of Arms Production and Cooperation : Technological Trends, Octobre 1996, tapuscrit, ESAN, SWP, Ebenhausen, 2 octobre 1996.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 133

quelques mois.365 Ces déclarations sont appuyées par le secrétaire d'Etat à la

défense William Cohen qui déclare "Les fusions entre les entreprises de

défense américaines et européennes sont non seulement inévitables mais

aussi souhaitables".366 Et Jacques Gansler évoque la possible acquisition par

des "alliés de confiance" de certaines divisions de Northrop Grumman ou

de General Dynamics.367

Ces déclarations sont analysées par les médias anglo-saxons comme

le lancement d'une nouvelle étape dans les relations transatlantiques, ce que

le Wall Street Journal résume ainsi :

Les encouragements de M. Gansler ont déclenché une

nouvelle vague de manœuvres industrielles visant à faire des

grandes fusions transatlantiques une réalité dans les mois ou les

années à venir. Des responsables des industries de défense, y

compris de Boeing, Lockheed-Martin, British Aerospace PLC et

Aérospatiale-Matra, ont reconnu avoir accéléré ces derniers mois

des transactions de faible importance mais qui démontrent la

faisabilité de fusions plus larges.368

Et de citer à l'appui de ceci le fait que le conseil d'administration de

Daimler-Chrysler vient de voter le rachat de 12 % des parts de l'entreprise

qui construit la navette spatiale Spacelab (12 millions de dollars). Phil

Condit, président de Boeing, pense qu'il y a de fortes chances pour que des

alliances transatlantiques se produisent à "plus ou moins court terme" mais

qu'il faut trouver le moyen de "construire un mur de béton" autour de

certaines technologies qui ne peuvent faire l'objet de communications entre

puissances étrangères.369

365 La Tribune, 8 juillet 1999.366 Le Monde, 24 juillet 1999.367 Ibidem.368 Wall Street Journal, 19 juillet 1999.369 Ibidem.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 134

Ce dernier point évoque des problèmes de sécurité qui sont

constamment mis en avant lorsqu'il est question de coopération militaire

transatlantique et qui montrent que les différents acteurs américains ne sont

pas tous sur la même ligne à ce sujet. Si l'administration américaine est très

soucieuse de ce sujet, les industriels, pressés par la nécessité de réaliser des

alliances avant leurs concurrents, n'ont pas forcément la même

préoccupation et, par exemple, le PDG de Northrop Grumman, Ken Kresa,

"estime que les questions de sécurité évoquée par Washington ne

constituent pas en réalité de réels obstacles aux fusions transatlantiques".370

C'est en gardant à l'esprit la complexité de ces appréciations qu'il

faut analyser la réunion du 25 octobre 1999, où le DoD a invité une

cinquantaine d'industriels américains et européens pour discuter de la

possibilité d'alliances transatlantiques dans la défense.371 Cette réunion avait

été présentée comme une répétition de la "Cène" (The Last Supper) où le

secrétaire d'Etat à la Défense de l'époque, William Perry, avait convié les

industriels de la défense américains pour lancer ce qui allait être le

formidable mouvement de concentration des années quatre-vingt-dix. Et on

pouvait s'attendre à ce qu'il en sorte des décisions et des annonces radicales

quant aux restructurations transatlantiques.

Cependant, dans l'intervalle, avaient été annoncées les

restructurations européennes : création d'EADS, lancement d'Astrium,

création du grand missilier européen. Ces décisions, en particulier la

création d'EADS, ont été accueillies sèchement par le Pentagone qui s'est

borné dans un communiqué général à rappeler une position de principe :

Nous restons favorables à une évolution vers un modèle

transatlantique concurrentiel des industries de défense caractérisé

370 Les Echos, 12 octobre 1999.371 La Tribune, 8 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 135

par des liaisons multiples entre industriels.372

Du coup, cette réunion a comporté des éléments contradictoires.

D'une part John Hamre, le secrétaire adjoint à la Défense, a fait un certain

nombre de propositions, dans le cadre de la doctrine américaine de

"stratégie de globalisation", pour assouplir les conditions de coopération et

de participation d'industriels européens, à des groupes industriels

américains (règles sur les investissements étrangers, sur la représentation

aux conseils d'administration notamment).373 Mais, d'autre part, il n'est rien

sorti de concret quant à des alliances industrielles. Et même les éventualités

évoquées quelque temps auparavant (cessions d'actifs de Northrop

Grumman ou de Lockheed-Martin) n'ont pas été concrétisées. En fait, le

Pentagone estime qu'il serait "prématuré" de s'attendre à des fusions

transatlantiques importantes dans le domaine de la défense et le point de

vue de John Hamre est que, avant qu'aucune "méga-fusion" ait lieu, les

sociétés européennes doivent digérer les restructurations qu'elles viennent

d'effectuer.374 En fait, l'impression qui prévaut est celle d'un certain gel des

évolutions, en attendant que le système américain se soit adapté à la

nouvelle donne européenne.

En ce sens, cette "Cène" ressemble plutôt au "Dîner de têtes" de

Jacques Prévert, où la réunion de gens importants finit par produire tout

autre chose que ce qu'elle était censée engendrer…

Le carrefour franco-européen de l'industrie de défense qui s'est tenu

début décembre 1999 à Toulouse a confirmé ces inflexions du point de vue

américain, ainsi que les divergences d'appréciations transatlantiques. Les

problèmes de confidentialité et de sécurité ont de nouveau été mis en avant

372 Air & Cosmos, 22 octobre 1999.373 Le Monde, 27 octobre 1999.374 Wall Street Journal, 27 octobre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 136

par les participants américains pour insister sur la difficulté des

coopérations transatlantiques et surtout pour renvoyer à plus tard une

évolution de l'équilibre de ces relations. James Bodner, responsable des

questions d'exportations au Département de la défense a critiqué ce qui lui

paraît être un "certain laxisme" de la France sur les questions

d'exportations. De son côté, le sous-secrétaire d'Etat aux Acquisitions,

Jacques Gansler, a insisté sur les préalables à toute coopération, c'est-à-dire

"les questions de contrôle de la destination finale et de traitement de la

confidentialité". Il reconnaît cependant que son pays a fort à faire pour

modifier son attitude envers ses partenaires, notamment en matière

d'ouverture de son marché, de clarification de son contrôle sur les

exportations ou de partage du renseignement, et il a affirmé que le

Pentagone cherche à présent un niveau satisfaisant de compétition qui ne

peut s'obtenir, dit-il, qu'en multipliant les alliances transatlantiques. D'où le

feu vert donné par l'administration américaine au rachat de Tracor par

GEC-Marconi ou l'autorisation donnée à Thomson Training Simulation de

former directement les pilotes de l'USAF sur ses simulateurs.375

C'est une analyse convergente que développait, à l'orée de cette rencontre

de Toulouse, Félix Rohatyn, ambassadeur des Etats-Unis en France :

Une des difficultés tient aux transferts de technologie. Le

Pentagone examine avec le Département d'Etat les moyens de

simplifier les procédures pour permettre aux sociétés européennes

d'accéder plus facilement au marché américain. Nous allons profiter

de ce carrefour pour décomplexer les entreprises françaises, leur

expliquer comment elles peuvent s'adresser aux PME américaines

pour participer aux appels d'offres et quelles sont les procédures

pour recevoir les autorisations relatives à la sécurité. /../ Le

principal obstacle tient aux questions de sécurité que posent les 375 Air & Cosmos,, 10 décembre 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 137

transferts de technologies que les Etats-Unis et la France partagent

en matière de nucléaire, de balistique, etc…/../ Certains Américains,

c'est exact, redoutent l'émergence d'une forteresse Europe. C'est une

raison de plus pour créer des alliances.376

Cette "forteresse Europe", qui n'existe que dans les textes américains

et dont on ne trouve pas trace dans les déclarations des responsables

européens, est une représentation utilisée comme celle d'une menace

mythique qui justifie des rapprochements transatlantiques. Mais du point

de vue américain, ces rapprochements ne peuvent se faire que dans un

rapport de force favorable aux entreprises des Etats-Unis, ce qui est le cœur

du problème, comme le soulignait le délégué général pour l'armement,

Jean-Yves Helmer, lors de la rencontre de Toulouse : "Il est vain

d'imaginer des mégafusions tant qu'il n'existera pas de véritable marché

transatlantique".377

Ce qu'en d'autres termes le président de Dasa, Manfred Bischoff

avait peu de temps auparavant rappelé lors du neuvième congrès bancaire

européen à Francfort :

Des fusions avec des entreprises américaines qui peuvent

réussir dans un autre secteur, comme le prouve l'exemple de

Daimler-Chrysler, ne sont pas pour le moment d'actualité dans

l'aéronautique et l'espace. Il manque en effet la condition la plus

importante : à savoir le marché de la défense transatlantique.378

Si la naissance d'un tel marché est appelée de tous les vœux des

responsables des deux côtés de l'Atlantique, il est clair qu'il existe des

désaccords de fond sur les caractéristiques de ce "marché transatlantique".

376 Les Echos, 6 décembre 1999.377 Air & Cosmos, 10 décembre 1999.378 AFP, 19 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 138

CONCLUSION : L'EUROPE EST LA PROCHAINE ÉTAPE…

MAIS LE LANCEMENT DE CETTE ÉTAPE EST

PROVISOIREMENT RETARDÉ

"L'Europe est la prochaine étape", disait Norman Augustine à l'été

1997, analysant les perspectives de développement de l'industrie

américaine d'armement.379 Cette perspective demeure, mais dans des

conditions qui ont notablement changé avec les données de l'année 1999.

La relation entre les systèmes européens et américain de production

d'armement s'avère plus complexe que celle d'une simple forme d'OPA

américaine éventuelle, comme ont cru pouvoir la caractériser certains

observateurs. En réalité, le rapport de force est loin d'être aussi défavorable

aux industries européennes que ce que certains discours répètent. Les

succès d'Airbus et d'Arianespace, les recompositions de l'année 1999 qui

ont fait émerger deux groupes généralistes européens de taille à rivaliser

avec leurs concurrents outre-Atlantique, les regroupements qui ont

immédiatement suivi dans les domaines de l'espace et des missiles : tous

ces facteurs font que les relations transatlantiques ne peuvent être réduites à

de simples relations de domination et que, si la volonté d'hégémonie

américaine demeure, elle est forcée de passer par des formes de

négociations et de compromis industriels qui ne sont pas tous acceptables

pour l'administration américaine.

L'évolution de l'industrie américaine d'armement s'est poursuivie en

1999, après une pause en 1998. Ce mouvement a été volontairement limité 379 Les Echos, 19 juin 1997.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 139

par l'administration américaine en ce qui concerne les maîtres d'œuvre

(blocage du rapprochement Lockheed-Martin / Northrop Grumman ou du

rachat des chantiers navals Newport News Shipbuilding), en revanche il

s'est développé pour les équipementiers (rachat d'Honeywell par

AlliedSignal, de Sundstrand par UTC, de Comsat par Lockheed-Martin,

des télécommunications de GTE par General Dynamics et de Gulfstream

Aerospace par le même). On doit cependant souligner que ce mouvement

de fusions-acquisitions est loin d'être spécifique au secteur de l'armement et

que, au contraire, il est dominant dans l'ensemble des secteurs industriels et

de services, avec des montants beaucoup plus conséquents financièrement

que les opérations réalisées dans le domaine de l'armement. Cela renforce

l'observation faite précédemment à propos des firmes européennes que les

firmes produisant de l'armement ne peuvent plus se penser en dehors d'un

marché globalisé, ce qui implique en particulier pour l'analyse d'englober

non plus seulement les firmes ayant des marchés de défense identifiés,

mais aussi les firmes ayant des activités connexes ou concurrentes des

productions civiles principales des groupes produisant de l'armement. C'est

à un considérable élargissement de perspective que l'on est contraint pour

l'avenir, si l'on veut pouvoir discerner précisément les rapports de force et

les lignes de développement des firmes d'armement.

La rapidité et la précocité de la restructuration de l'industrie

américaine d'armement par rapport à celle des industries européennes ne

doivent pas faire oublier que cette restructuration ne va pas sans problème

et que la constitution de groupes géants efficaces n'est pas nécessairement

assurée de la réussite. En témoignent les difficultés des principaux groupes

américains dans l'année 1999 pour gérer, ou digérer, leur croissance : pour

Boeing, l'année se solde par la suppression de 31 000 emplois. Il y en a eu

2 000 chez Lockheed-Martin et 3 000 chez United Technologies. Le

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groupe Raytheon cumule pour l'année 13 700 suppressions d'emplois et

AlliedSignal, après en avoir supprimé 5 600, prévoit d'en supprimer encore

4 500 après sa fusion avec Honeywell. Les performances boursières des

principaux groupes sont mauvaises ou médiocres. Et le diagnostic, en

forme d'autocritique, du PDG de Raytheon ("nous avons voulu en faire

trop, et trop vite") pourrait s'appliquer à d'autres qu'à son propre groupe.

Certes, le bilan global de l'industrie aéronautique et spatiale

américaine, en termes de chiffre d'affaires, est bon, même si la période

1998-2000 est moins favorable :

RESULTATS DE L'INDUSTRIE AEROSPATIALE AMERICAINE (en milliards de dollars)

Année Total des

ventes

Avions Missiles Espace Services

Total

avions

Avions

civils

Avions

militaires

1995 107,8 55 23,9 31 7,4 27,4 17,9

1996 116,8 60,3 26,8 33,4 8 29 19,5

1997 131,6 70,8 37,4 33,4 8 30,8 21,9

1998 148,5 83,9 49,8 34 7,6 32,3 24,7

1999e 155,3 90,3 54,4 35,8 8 31,1 25,9

2000e 149,4 83,2 45,7 37,5 8,7 32,6 24,9

Source AIA.380

Cependant, de sérieuses critiques se font entendre sur l'organisation

de la gestion des firmes géantes et de leur production. Les analystes

s'inquiètent également du poids de l'énorme endettement lié aux

acquisitions.

La structure du capital des firmes, ainsi que l'attention prioritaire

portée à la "valeur pour l'actionnaire" ne sont pas non plus sans poser de

380 Air & Cosmos, 24 décembre 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 141

problèmes, dont s'est inquiété, en fin d'année 1999, le sous-secrétaire d'Etat

à la Défense, John Hamre, critiquant l'attitude de Wall Street et des fonds

de pension :"Je suis alarmé et franchement choqué que les propriétaires de

certaines sociétés d'investissements aient une conscience aussi étroite de

l'importance de la défense pour notre pays".381

Par ailleurs, Jacques Gansler admet que le Pentagone devra

intervenir pour maintenir des conditions saines de concurrence parmi les

industriels de premier rang, tout en veillant à maintenir en bonne santé le

tissu industriel des sous-traitants. En pratique, les perdants des grands

contrats de défense pourraient se voir attribuer en compensation des

budgets supplémentaires de R&D pour leur permettre de rester dans la

course aux futurs armements.382

Ces difficultés ne doivent pas être perdues de vue au moment où les

firmes européennes se sont engagées sur la voie de fusions importantes.

Ces opérations américaines n'ont pas empêché les groupes outre-

Atlantique de continuer leurs acquisitions de firmes européennes de

volume limité. Les prises de contrôle les plus importantes sont celle de

LucasVarity (lui-même sur le point de prendre le contrôle de la société

française SAMM) par TRW et celle du groupe suisse Mowag par General

Motors. Les autres opérations sont moins significatives financièrement

mais continuent à alimenter un courant persistant ces dernières années.

En sens inverse, les deux groupes français Alcatel et britannique

Marconi (ex-GEC) ont procédé à des acquisitions importantes (environ 31

milliards de francs pour l'un et 43 milliards de francs pour l'autre) dans le

domaine des télécommunications, qui apparaît comme un des secteurs de

compétition privilégiés pour l'avenir.

381 Le Figaro, 15 novembre 1999.382 Air & Cosmos, 24 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 142

C'est surtout dans le développement des accords de sous-traitance,

coopérations, créations de coentreprises que s'est perpétué le mouvement

que nous avions précédemment caractérisé comme le passage des "liens

discrets" aux "liens renforcés", formulation qu'on retrouve presque

identique dans l'appréciation du Pentagone après les principales fusions

européennes : "Nous restons favorables à une évolution vers un modèle

transatlantique concurrentiel des industries de défense caractérisé par des

liaisons multiples entre industriels." 383

Le phénomène est d'autant moins contestable que plusieurs

opérations de coopérations entre firmes européennes et américaines ont

franchi pendant l'année 1999 un seuil important, qu'il s'agisse des relations

entre Aérospatiale-Matra et Lockheed-Martin, entre Airbus et Raytheon,

entre Thomson-CSF et Raytheon, ou du ralliement de Boeing au

consortium Meteor.

En revanche, l'accélération des fusions capitalistiques proprement

dites que certains attendaient, à l'occasion en particulier de l'invitation à

Washington du 25 octobre, non seulement ne s'est pas produite, mais les

ouvertures qui avaient été faites dans les mois précédents semblent bien

avoir été provisoirement gelées. C'est dans l'importance des

restructurations européennes réalisées dans la période que se trouve

l'explication de ce changement de tactique. La perspective d'avoir à

négocier avec des groupes de taille équivalente a conduit l'administration

américaine à remettre à plus tard de telles évolutions, en attendant de faire

un bilan plus précis de ce mouvement d'européanisation.

Sur ce point, les appréciations des représentants de l'administration

américaine et des groupes industriels ont paru diverger dans certains cas,

mais il est douteux que de telles divergences puissent s'aggraver. On doit 383 Voir Air & Cosmos, 22 octobre 1999.. C'est nous qui soulignons "liaisons multiples"

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Naissance de l'Europe de l'armement page 143

au contraire s'attendre à des initiatives convergentes de l'une et des autres

pour tenter d'infléchir à leur profit le rapport de force entre systèmes de

production d'armement américain et européen.

Les groupes américains, ou tout au moins les principaux d'entre eux

et les plus exposés à une "concurrence" européenne, auront la tentation de

reprendre les "moyens obliques" de concurrence qu'ils ont parfois utilisés

dans le passé. Cela peut recouvrir des arguments "juridiques" (question des

avances remboursables et plus globalement des "aides" étatiques,

législation anti-corruption, mise en avant des risques de dissémination de

technologies sensibles, etc), comme le montrent les déclarations de Dick

James, président de Boeing Europe, à la fin de l'année 1999, estimant que

Airbus devrait "se passer d'aides publiques, comme le fait Boeing".384 Cela

peut être aussi la gamme des pressions politiques exercées par les

responsables de l'administration américaine, comme c'est le cas pour

l'éventuelle commande par la compagnie israélienne El Al de trois Airbus385,

à propos de laquelle Madeleine Albrigt n'hésite pas à déclarer aux

responsables israéliens : "Si El Al compagnie publique préfère Airbus,

adressez-vous la prochaine fois que vous aurez besoin d'une aide aux

Français ou aux Anglais".386 Une insistance du même ordre s'exerce sur la

Belgique pour qu'elle entre dans le programme JSF, rejoignant ainsi les

trois autres pays du consortium F-16 (Pays-Bas, Danemark, Norvège) qui

ont déjà acquitté leurs droits d'entrée.387 Cela peut être encore la puissance

des divers lobbies américains dont BAe Systems redoute que, si le missile

Amraam de Raytheon était adopté plutôt que le Meteor européen, cela ne

donne un jour la possibilité à ces groupes américains de bloquer

384 La Tribune, 17 décembre 1999.385 Ce qui est évidemment loin d'être un montant économiquement significatif…386 La Tribune, 21 décembre 1999.387 10 millions de dollars pour participer à la première phase du programme. Air & Cosmos, 17 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 144

d'éventuelles exportations de l'Eurofighter.388

Cela passera aussi par un redéploiement à l'exportation, comme on

le constate en fin d'année 1999 avec la décision de Washington d'assouplir

sa position sur les livraisons de missiles AIM-120 Amraam pour Taiwan et

le Chili, face à la concurrence du Mica de Matra-BAe-Dynamics, et le feu

vert donné à la fourniture à Taiwan des logiciels permettant aux F-16A/B

de tirer des Amraam.389 Cette volonté de ne perdre aucun marché à

l'exportation se manifeste encore dans les négociations poussées de

Lockheed-Martin avec l'Italie pour vendre six C-130J supplémentaires,

s'ajoutant aux dix-huit exemplaires déjà commandés par ce pays.390

Cela se manifestera également par une souplesse et une agilité

accrues des industriels américains : l'hélicoptériste Bell (groupe Textron)

envisage déjà de transférer deux lignes de production à Taiwan pour

réduire ses coûts de production.391 Mais il n'est pas déraisonnable de penser

que les groupes américains puissent aussi avoir des stratégies de

contournement de ce qu'ils appellent la "forteresse Europe". Cet ensemble

est essentiellement constitué dans l'aéronautique, le spatial et l'électronique.

En revanche, les secteurs classiques (naval et terrestre) n'ont pas encore

atteint le même niveau de restructuration. Il se pourrait que ce soit sur ces

secteurs d'abord qu'aient lieu des offensives capitalistiques américaines. La

prise de contrôle du Suisse Mowag par General Motors pourrait très bien

n'être qu'un premier pas dans ce sens

388 Air & Cosmos, 17 décembre 1999.389 Air & Cosmos, 17 décembre 1999.. Face également aux livraisons de missiles russes AA-10 Alamo dans la zone asiatique.390 Cet équipement en avions de transport pesant évidemment sur le sort futur de l'ATF. Lockheed-Martin est de surcroît particulièrement intéressé à trouver des commandes supplémentaires pour assurer son plan de charge, à l'heure actuelle insuffisant et que ses propositions financières au Pentagone (rabais de 20 %) n'ont pas, en décembre 1999., suffit à rétablir (Air & Cosmos, 17 décembre 1999).391 La Tribune, 8 novembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 145

Pour autant, on aurait tort de considérer que les restructurations

européennes ont créé une situation définitive. Plusieurs questions n'ont pas

encore reçu de réponse, qu'il s'agisse du périmètre d'EADS, des choix à

venir de BAe Systems ou de la convergence des stratégies des firmes

européennes :

Le périmètre exact d'EADS n'est pas encore déterminé de manière

définitive à la fin de l'année 1999. Si le groupe espagnol Casa a finalement

rejoint l'alliance, avec une participation de 6,25 % au capital, 392 malgré les

tentatives de BAe Systems de réaliser une contre-alliance,393 en revanche la

position de l'Italien Finmeccanica n'est pas encore connue. L'Italien est

approché par les deux groupes européens : BAe Systems cherche à rompre

son isolement et fait savoir qu'il explore avec Finmeccanica la "possibilité

de faire plus dans l'aéronautique, l'espace et l'avionique",394 dans la

perspective d'un rapprochement global avec Alenia.395 Mais, de son côté,

EADS propose à Finmeccanica de fusionner les activités d'avions de

combat du futur groupe avec celles de l'Italien dans une coentreprise 50/50,

en apportant à celle-ci, pour équilibrer l'accord, une partie des activités

d'Alenia Difesa, notamment son avionique.396 L'avionneur italien est la

dernière entreprise européenne dont les liens ne soient pas encore

déterminés. Il semble bien que son intérêt principal soit de passer alliance

avec EADS dont les propositions sont attrayantes, mais il faudra attendre la

première partie de l'année 2000 pour connaître son choix.

La stratégie de BAe Systems paraît hésiter encore entre l'espace

européen et les éventualités transatlantiques : à la fin de l'année 1999, selon

le Sunday Times, BAe Systems serait prêt à étudier un rapprochement avec

392 Le Revenu français, 10 décembre 1999..393 Les Echos, 19/20 novembre 1999..394 La Tribune, 3 décembre 1999.395 Les Echos, 3/4 décembre 1999.396 Les Echos, 29 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 146

la branche Défense de Boeing pour reprendre un leadership européen. BAe

qualifie de spéculation l'idée d'une fusion mais n'exclut pas un

renforcement de ses liens avec l'Américain "Nous avons déjà de nombreux

accords de collaboration avec Boeing, qu'il s'agisse des avions militaires

Nimrod, ou de l'aéronautique civile où nous leur fournissons des ailes

d'avions, ou encore des missiles (avec le programme Meteor). Mais ce n'est

pas notre seul partenaire américain et nous avons d'autres accords avec

Lockheed-Martin" dit la direction de BAe.397 La plupart des experts estiment

cependant que Boeing a supplanté Lockheed-Martin comme partenaire

favori de BAe Systems et tous les projets prêtés à BAe tournent autour de

la firme de Seattle. Un éventuel accord américano-britannique modifierait

évidemment substantiellement la position de la firme quant à l'Europe de

l'armement. Mais cette éventualité est loin d'apparaître comme la plus

favorable à la firme britannique.

Les stratégies des firmes européennes ne sont pas non plus

nécessairement convergentes, comme en témoigne le fait que Alcatel,

majoritaire dans la constellation Skybridge, ait choisi l'Américain Boeing

pour le lancement des 40 premiers satellites du projet, plutôt que

Arianespace, concluant également un accord capitalistique avec Boeing

pour que la firme américaine entre au capital de Skybridge.398 Plus

globalement, si EADS et BAe Systems ont, pour le moment, une stratégie

essentiellement européenne, il n'en est pas de même de Thomson-CSF,

dont la position est bien sûr touchée par ces regroupements et qui

développe une stratégie qu'il nomme "multidomestique", en s'implantant

par croissance externe dans un certain nombre de pays clients (Afrique du

Sud, Australie, Corée du Sud, Grande-Bretagne).399 Le groupe français, dans

397 Les Echos, 14 décembre 1999.398 Les Echos, 10/11 décembre 1999.399 TTU, 14 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 147

le capital duquel Alcatel est monté à 25,3 % en fin d'année par cession de

parts de l'Etat,400 cherche ainsi à se développer dans un cadre qui dépasse

sensiblement l'espace européen.

Bien entendu, il reste également à "réussir" les fusions, ce qui passe

à la fois par la gestion économique pour une efficacité accrue et par la

gestion du capital humain et des cultures d'entreprise à homogénéiser.

Finalement, si, du point de vue américain, l'Europe demeure la

prochaine étape, le départ de cette étape est provisoirement retardé, en

attendant que les instances américaines aient une évaluation plus claire du

nouveau rapport de force qu'a créé le mouvement d'européanisation

industrielle de l'armement de 1999. En revanche, du point de vue européen,

une étape décisive a été franchie en 1999 quant à la constitution d'une

industrie européenne de défense. Même si ces transformations

fondamentales font apparaître des difficultés de nature nouvelle pour que

les objectifs économiques soient atteints, elles n'en doivent pas moins être

considérées comme l'acte de naissance d'un territoire européen unifié de

l'industrie d'armement, préludant - cela sera nécessaire - à un espace

européen unifié de défense, stratégiquement autonome.

400 Correspondance économique, 20 décembre 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 148

ANNEXES : L'ARMEMENT TERRESTRE

L’INDUSTRIE DES MUNITIONS : VERS LA MONDIALISATION ?

Par Yves Bélanger

Professeur et directeur du Groupe de recherche sur la reconversion

industrielle

Université du Québec à Montréal

De toutes les industries à vocation militaire, les experts en

conviendraient sans hésitation, la fabrication de munitions est sans doute la

plus méconnue. Cette situation est redevable à l’espace somme toute

modeste qu’elle occupe et à l’impression, partagée par plusieurs, que les

technologies qui y sont exploitées sont peu avant-gardistes. Pourtant,

comme nous allons maintenant le voir, le cheminement de cette industrie

est un puissant révélateur des transformations fondamentales qui ont

marqué la trajectoire de l’industrie de défense depuis la fin de la guerre

froide.

Au fil des treize dernières années, le Groupe de recherche sur la

reconversion industrielle (GRRI) a produit cinq études du genre (1987,

1989, 1993, 1997,1999).401 Étant donné que l’information peut parfois être

difficile à colliger dans ce domaine d’activité peu connu, les travaux se

sont essentiellement appuyés sur le recours aux banques de données

401 Le présent texte est tiré d'une étude plus vaste consacrée au suivi du marché mondial des munitions pour le compte de différents intervenants du marché canadien.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 149

spécialisées et à des programmes d’entrevues dont l’importance a varié

dans le temps. L’enquête de 1999 a mené à la rédaction de vingt-cinq

profils d’entreprises.

LE CONTEXTE

Depuis 1987, l’industrie mondiale des munitions a vu sa production

diminuer de plus de 60 %. Aux Etats-Unis, la chute s’est établie à 78 %402.

Dans plusieurs pays, le niveau actuel des ventes est inférieur à celui de

1980 et le processus de décroissance se poursuit. En questionnant la

pertinence de maintenir des niveaux de préparation élevés et en favorisant

la professionnalisation des armées, la fin de la guerre froide a provoqué

plusieurs changements structurels dans cette industrie qui s’était

confortablement installée sous le bouclier protectionniste des États-nations.

Des changements technologiques majeurs, comme l’avènement des

projectiles guidés, ont accéléré le processus de transformation.

Un vaste processus de rationalisation s’est amorcé au début des années

quatre-vingt-dix et il se poursuit encore aujourd’hui403. Bien qu’on ne

connaisse pas avec exactitude le décompte final, plusieurs dizaines de

milliers d’emplois ont été éliminés et une quinzaine d’entreprises (sur 130

recensées) ont disparu.

La stratégie développée par les gouvernements et les entreprises

pour faire face à la situation n’a pas été uniforme, mais on peut tout de

même identifier trois tendances lourdes au sein de la communauté

internationale : l’émergence de champions nationaux, la privatisation des

usines et la décroissance sur la capacité de production.402 Tiré de Forecast International, Ordnance and Munitions Forecast, Newton (Connecticut), 1999.403 Pour une description du phénomène aux États-Unis, Voir Yves Bélanger et al., « Le gouvernement américain face aux mutations de la production de défense; le cas de l’industrie des munitions », in Jean-Paul Hébert et Laurence Nardon, Concentration des industries d’armement américaines : modèle ou menace?, Cahier d’Études Stratégiques no 23, Paris, 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 150

La mise en place de champions nationaux

Le mouvement de rationalisation s’est traduit, dans de nombreux

pays, par une réorganisation orientée vers l’objectif de faire émerger des

« champions » nationaux. Avant les années quatre-vingt, peu de pays, du

moins en Occident, ne disposaient que d’un seul fabricant national. La

France avec la création du GIAT, et le Canada, avec celle de SNCTEC, ont

lancé le mouvement de regroupement. L’Angleterre, la Suisse, la Suède et

les pays scandinaves ont emboîté le pas.

Parmi les pays de l’OTAN, deux seulement sont encore le siège

d’une véritable compétition intérieure. Il s’agit de l’Allemagne et des États-

Unis. Dans chacun de ces deux pays cohabitent deux grands assembleurs.

En Allemagne, Rheinmetall et Diehl demeurent des entités distinctes, mais

les deux firmes collaborent sur plusieurs programmes. Ces deux entreprises

font face à une situation qui se distingue de celle qu’on peut observer

ailleurs, dans la mesure où il s’agit, dans les deux cas, de complexes

industriels qui ne sont pas spécialisés en défense. Les rumeurs de fusion

refont néanmoins régulièrement surface, mais Diehl, une entreprise

familiale, continue de revendiquer son indépendance.

Aux États-Unis, une tentative de fusion entre Olin et Alliant, refusée

en 1992, a empêché, en principe, la naissance d’un champion national. Le

gouvernement américain, dont le marché intérieur est le plus vaste de la

planète (un tiers du marché mondial), a refusé de se rendre dépendant

d’une seule source d’approvisionnement. L’industrie américaine s’est

néanmoins rationalisée de façon importante puisqu’en dix ans le nombre

des entreprises majeures est passé de 11 à 2404.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que le système américain 404 Idem.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 151

accorde déjà plusieurs marchés en source unique et que sa politique de

double source, là où elle s’applique, mène à un partage des contrats. Le

gagnant reçoit 60 % des commandes et le perdant 40 %. L’enjeu de la

concurrence est donc limité. En matière de production de composants et

d’assemblage des rondes, il faut par ailleurs rappeler que les deux

organisations s’appuient sur les mêmes GOCOs. Les deux grands

fabricants américains sont enfin associés dans différents domaines, dont

celui des charges modulaires. Il convient de s’interroger sur le caractère

véritable de la concurrence entre Alliant et Primex, des organisations qui

donnent de plus en plus souvent l’impression que leurs deux têtes sont,

dans les faits, rattachées à un seul et même corps. Depuis qu’Alliant est

parvenue à s’imposer dans les programmes « technologiques »405, Primex se

comporte de plus en plus comme un fabricant de second niveau, voire en

sous-traitant406.

Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation où le contrôle de

l’industrie s’est resserré autour d’une poignée de fabricants disposant de

solides assises nationales. En permettant cela, les gouvernements ont

changé de façon irréversible le cadre de la concurrence non seulement sur

leurs marchés nationaux, mais également sur le marché international.

La privatisationIl y a seulement vingt ans, la question ne se posait même pas.

L’industrie des munitions était sous le contrôle direct des gouvernements.

Même aux États-Unis, qui est pourtant le paradis de l’entreprise privée,

l’essentiel du travail de R-D et d’assemblage était mené sous propriété

gouvernementale via les Government Own Government Operated

405 Marudian, Vago, « Alliant’s Focus on Core Business » Defense Daily, septembre 1998.406 Voir Defense Science Board, Report of the Task Force on Vertical Integration and Suppliers, Office of Secretary Defense, 1997.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 152

(GOGOs) et les Government Own Company Operated (GOCOs). Dans

certains segments de marché, comme celui des armements nucléaires ou

des munitions d’artillerie, la présence du secteur privé était symbolique.

Bien qu’on puisse identifier des petites usines de munitions privées

créées antérieurement, ce sont l’Angleterre et le Canada qui, pendant les

années quatre-vingt, ont remis en question le dogme du contrôle de l’État

en privatisant leurs grands munitionnaires. Même s’il reste encore

beaucoup d’organisations industrielles sous possession gouvernementale, le

modèle d’une industrie gérée et contrôlée par le secteur privé se généralise.

Au cours de la dernière décennie, le secteur privé a notamment

progressé en Finlande, au Brésil, en Suisse, en Italie, en Australie, en

Russie et en Roumanie. Des privatisations sont en cours à d’autres endroits

incluant l’Espagne, la Turquie et l’Afrique du Sud. Parmi les grands

fabricants internationaux, il ne reste plus guère que le GIAT en France et

les usines chinoises qui soient encore sous administration gouvernementale

et il est plausible que, dès que sa situation financière se sera améliorée, le

GIAT sera placé par le gouvernement français sur la liste des entreprises à

privatiser.

Le passage de l’industrie dans le giron du secteur privé contribue à

la création d’un environnement favorable à une libéralisation plus poussée

des marchés. Le cas canadien illustre bien le phénomène. À l’époque où

l’industrie était sous gouverne étatique, la logique politique faisait souvent

obstacle aux transactions internationales. Le grand fabricant de l’époque,

les Arsenaux canadiens (entreprise devenue SNCTEC), réalisait plus de 95

% de son chiffre d’affaires sur le marché intérieur. Après la privatisation, le

gouvernement s’est donné un code de contrôle des licences d’exportations

en principe plus rigoureux et plus restrictif. Mais ce code n’est appliqué

que de façon partielle et suivant une logique que même les fonctionnaires

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 153

ont de la difficulté à comprendre. En conséquence, la société SNCTEC

exporte aujourd’hui quatre fois plus de munitions qu’en 1992.

L’avènement de l'entreprise privée dans la fabrication de munitions

contribue incontestablement à l’émergence de conditions favorables à la

mondialisation de l’industrie.

La diminution de la capacité productive

La première vague de rationalisation à laquelle nous avons assisté

entre 1989 et 1993 a surtout visé des économies dans les frais de gestion et

a peu affecté la capacité productive des usines. La baisse des commandes a

fait en sorte que l’industrie s’est vite trouvée en situation de surcapacité de

production. Depuis cinq ans, les gestionnaires tentent d’adapter leurs

installations à la nouvelle configuration du marché. Les fermetures

d’usines et de lignes de production se multiplient un peu partout en Europe

et aux États-Unis, améliorant d’autant la rentabilité des unités restantes,

mais forçant également des choix sur le plan national407.

On croit généralement que seuls les petits pays ne sont plus en

mesure d’assurer une pleine correspondance entre leurs besoins en

munitions et la capacité de production de leur industrie. Rien n’est moins

faux. Il y a deux ans, le service responsable de l’armée de terre des États-

Unis accordait à une entreprise étrangère un important contrat pour

l’assemblage de mortiers dont la technologie date d’une quinzaine d’année

et que maîtrisaient parfaitement les entreprises américaines à l’époque. Cet

événement a permis de prendre conscience de conséquences involontaires

d’une rationalisation où les entreprises ont donné priorité aux produits à

fort volume ou offrant des perspectives technologiques prometteuses.

407 Dowdy, J. « Winners and Losers in the Arms Industry Downturn », Foreign Policy, 1997.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 154

La croissance du marché d’exportation de munitions n’est pas un

phénomène unidimensionnel, mais on ne peut qu’être frappé par le

parcours suivi au fil des cinq dernières années. Présentement, les ventes

internationales se chiffrent à près de 3 milliards de dollars (US), ce qui

correspond en gros à la moitié de la valeur totale de la production. Si la

tendance se maintient, cette proportion va s’accroître dans les années à

venir.

Comme en témoigne le cas que nous venons de mentionner, il existe

un lien entre la progression du marché international et les démarches de

rationalisation menées au niveau national. Dans les pays où la priorité a été

donnée aux produits plus technologiques408, diverses productions moins en

pointe ont été délaissées et il faut s’alimenter chez les producteurs qui ont

préservé ce savoir-faire. Dans les pays où l’effort militaire est limité et où

les budgets en R-D sont modestes, la capacité de prendre pied dans des

productions plus avancées sur le plan technologique est réduite, ce qui

force à un repli sur l’importation. L’effet combiné de ces phénomènes crée

un environnement favorable à l’ouverture des marchés.

Évolution des exportations de munitions au niveau mondial,

1987-1999, (en dollars constants de 1997)409

408 Brooks H. et Guile, B.R., Technology and Global Industry, National Academy Press, 1997.409 A partir de Jane's, Forecast International et Military Balance. E = estimé.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 155

VERS LA MONDIALISATION ?

Il y a des parallèles à établir entre ce que vit actuellement le secteur

des munitions et les phénomènes qu’on associe généralement à la

mondialisation. Pour des raisons de politique et de sécurité, il est cependant

improbable que le domaine des munitions, comme celui de l’armement en

général, évolue vers une mondialisation aussi poussée que dans le secteur

commercial. Toutefois, dans la zone économique formée par les pays

occidentaux, nous assistons depuis quelques années à des mouvements qui

permettent d’entrevoir un niveau d’intégration des marchés et des

productions encore inédit. Mais d’importants obstacles demeurent,

notamment sur le front de la coopération transatlantique410.

Pour l’instant, certains pays européens semblent privilégier une

410 Lire Markusen Ann, « The Rise of World Weapon », Foreign Policy, printemps 1999.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 156

intégration de leurs propres forces dans la perspective, notamment, de

donner corps à des organisations industrielles aptes à concurrencer les

Américains sur la scène internationale. Des pôles de plus en plus influents

émergent. Parmi ceux-ci, il convient de souligner l’ascendant de la firme

allemande Rheinmetall dont le rayonnement s’est sensiblement accru

depuis l’achat de la société Oerlikon et la prise en charge de l’industrie

suisse. Il faut aussi compter avec Nammo, une nouvelle entreprise à

laquelle participent les Norvégiens, les Suédois et les Finlandais. Au

moment où ces lignes sont écrites, la France, l’Allemagne et le Royaume-

Uni cherchent une voie susceptible de mener à la constitution d’un grand

munitionnaire de classe mondiale.

En effet, différents projets impliquant des alliances dans les

munitions et la fabrication de propulsifs entre la France et l’Allemagne,

entre le Royaume-Uni et l’Allemagne ainsi qu’entre le Royaume-Uni et la

France ont été discutés sur la place publique au cours des deux dernières

années. Ces projets se heurtent à des problèmes d’ordre plus politique

qu’industriel, et il est probable qu’on attendra de voir qui aura en main les

contrats les plus porteurs sur le plan technologique avant de conclure des

ententes définitives.

Dans l’éventualité que nous assistions à une intégration de

l’industrie européenne, la question est de savoir ce que deviendraient les

fabriques de munitions moins stratégiques. À notre avis, la plupart des

entreprises de niche pourraient être peu affectées dans la mesure où leur

marché est très spécialisé et repose dans de nombreux cas sur les achats des

pays africains, moyen-orientaux et latino-américains. En ce qui concerne

les entreprises qui continuent de remplir un rôle de fournisseur général au

niveau de leur marché national, les cas de figure vont varier. Là où le

processus de construction d’une industrie nationale se poursuit (Grèce,

Turquie, etc.), l’impact sera limité. En revanche, dans les pays où l’autarcie

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Naissance de l'Europe de l'armement page 157

nationale n’est plus une priorité, il faut s’attendre à des changements

fondamentaux qui pourraient aller jusqu’à l’intégration à des groupes

internationaux411.

Dans un contexte de cheminement vers la mondialisation, plusieurs

pays pourraient juger moins pertinent de maintenir une industrie nationale

condamnée par la faiblesse de ses budgets en R-D ou l’étroitesse de son

marché. Cette analyse s’applique certainement au Canada qui, mis à part le

court intermède du gouvernement Mulroney, a peu investi dans son

industrie de défense nationale au cours des quatre dernières décennies.

Quels sont les acteurs les plus susceptibles de tirer avantage de la situation ?

Présentement, trois catégories d’entreprises peuvent être identifiées

au sein de l’industrie de défense mondiale.

Le premier groupe est formé des acteurs détenant des atouts

technologiques ou commerciaux manifestes. Ils constituent actuellement

les principaux candidats à l’internationalisation. Les firmes en cause ont

pour caractéristique commune d’être toutes engagées dans le

développement de la nouvelle génération de munitions intelligentes. Elles

disposent par ailleurs de solides entrées dans les marchés d’Asie, du

Moyen-Orient et d’Amérique latine.

Groupe 1

Les candidats à l’internationalisation : estimation des ventes de

munitions en 1999, (en millions de dollars (US))412

411 National Research Council, Visionary Manufacturing Challenges for 2020, National Academy Press, 1998.412 Source : entrevues et rapports annuels.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 158

Le deuxième groupe est formé de firmes dont le profil demeure

national. Moins outillées au plan de la R-D, elles alimentent les armées

pour des produits requis par des systèmes d’armes en exploitation sur leur

territoire. Elles sont toutes actives au plan des exportations, mais doivent,

pour y performer, s’y démarquer par le caractère compétitif de leurs prix.

Le défi de ces entreprises est de puiser dans l’environnement international

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 159

des revenus aptes à assurer leur viabilité en légitimant leur existence auprès

de leurs autorités nationales.

Groupe 2

Quelques acteurs nationaux : estimation des ventes de munitions en

1999, (413en millions de dollars (US))

413 Source : entrevues et rapports annuels.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 160

Le troisième groupe, où sont rassemblées les entreprises de niche,

forme une constellation assez hétéroclite de compagnies. Celles-ci ont pour

point commun de ne pas être liées à des obligations contractuelles de

fournisseur général et d’avoir su développer des expertises parfois uniques

dans des produits de spécialité.

Groupe 3

Quelques fabricants de niche : estimation des ventes de munitions en

1999, (en millions de dollars (US))414

414 Source : entrevues et rapports annuels.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 161

Source : Entrevues et rapports annuels

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Naissance de l'Europe de l'armement page 162

Les principaux produits des fabricants de niche415

ENTREPRISE PRINCIPAUX PRODUITS

DIEHL (Allemagne) Moyen calibre

Mortiers et projectiles d’artillerie

technologiquement avancés

Dynamit Nobel (Allemagne) Petit calibre

Explosifs

Composants de roquettes

Munitions d’entraînement

Mecar (Belgique) Munitions pour chars

Mortiers

Aerojet (USA) SADARM

Composants électroniques

General Dynamics Div.

Ordnance (USA)

En réorganisation vers le soutien technique

American Ordnance Gestion de GOCOs

Lockheed-Martin (USA) Mortiers de 120 mm

Charges explosives

Leurres

OTOBreda (div. Finnmeccanica) 76 mm

TDA (France) Mortiers

Systèmes de propulsion

415 Source : entrevues et rapports annuels.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 163

AAI (USA) 20 mm et 40 mm

Pièces de gros calibre

Hunting Defence (Royaume-

Uni)

Mortiers

Têtes de missiles

Armement nucléaire

FUSH (Afrique du Sud) Fusées

Day & Zimmerman (USA) Gestion

Démilitarisation

DSE-Balimoy (USA) Fusées

SACO (Finlande) 40 mm

Miltec (USA) Fusées

CIC (USA) Remise à neuf

Pièces en métal

Valentec (USA) Projectiles de moyen calibre

Douilles de mortiers

Propellex (USA) Rondes de pratique

Présentement, en ce qui a trait à la réorganisation de l’industrie

mondiale, la balle est dans le camp du premier groupe. C’est lui qui dicte le

rythme et les modalités de la réorganisation de l’industrie. C’est donc sur

lui que nous allons bientôt nous concentrer. Mais avant d’en brosser le

portrait, analysons le cheminement qui a été celui des munitionnaires dans

le dossier de la diversification, un sujet qui a été d’actualité tout au long de

la dernière décennie et qui n’est pas sans lien avec le positionnement des

entreprises sur la scène internationale.

La diversification

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Naissance de l'Europe de l'armement page 164

L’analyse des stratégies adoptées par les entreprises de munitions en

vue de faire face à la décroissance du marché mène à des observations

desquelles se dégage un modèle qui a évolué dans le temps. Lorsque se

sont manifestées les premières pertes de marché, au début des années

quatre-vingt-dix, la très grande majorité des firmes a adopté une attitude

plutôt attentiste. Comme une proportion encore importante des contrats

implique des attributions "sole source 416", des ententes "cost-plus417" et des

"cost by fee 418", qui visent à maintenir des niveaux de capacité de

production préétablis, l’industrie avait en main différents instruments pour

s’assurer que la décroissance des commandes allait se traduire par une

hausse des prix à l’unité et ne pas trop mettre en péril la viabilité des

organisations.

Suite à l’élection de Bill Clinton à la présidence américaine, il est

devenu clair que le mouvement de rationalisation allait s’accentuer. S’est

alors amorcée une nouvelle période logée à l’enseigne de la réduction des

effectifs. Les gouvernements ont, à différents endroits, accepté de financer

directement des programmes de réduction de l’emploi (mises à la retraite

anticipée, départs volontaires, etc.) pour que la rationalisation se traduise

bien par une productivité accrue.

La préoccupation des employeurs face à l’emploi et l’intérêt face à

la diversification ont gagné un peu de popularité lorsqu’il est devenu

évident que pratiquement toutes les entreprises étaient condamnées à

devenir des PME dans un marché appelé à diviser par cinq le volume de

ses commandes. L’inquiétude a gagné un cran lorsqu’on a pris conscience

416 En Source unique.417 Un système de paiement des coûts réels auquel est ajouté une marge bénéficiaire négociée.418 Un système qui permet aux entreprises de recevoir des fonds destinés au maintien de capacités de production qui pourraient être requises en situation de conflit.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 165

de l’affaiblissement de métiers stratégiques provoqué par le départ de

certains employés. Elle s’est accentuée quand il est devenu évident qu’il

serait difficile, dans un contexte de ressources réduites, de mettre en œuvre

des stratégies gagnantes au plan des exportations.

C’est dans ce contexte, vers 1995-1996, que l’intérêt pour la

diversification, qui était jusqu’alors demeurée une revendication syndicale,

est apparu parmi les avenues susceptibles d’aider à la survie et d’amener de

l’eau au moulin du financement des travaux en R-D. Progressivement, les

aides publiques consenties aux technologies à double application, au

soutien à l’emploi et au développement de marchés commerciaux ont pris

le pas sur les aides gouvernementales plus traditionnelles.

On peut identifier trois modèles de diversification exploités par les

usines de munitions au cours des dernières années.

Le modèle allemand est le plus populaire. Le but de l’opération est

d’intégrer les activités de défense dans des conglomérats dont la vocation

est principalement commerciale. Cette conception de la diversification ne

change rien à la mission des usines proprement dites, elle place l’emphase

sur les entreprises dans l’optique de leur accorder un appui financier

approprié. Ce modèle n’a pas été exploité uniquement en Allemagne, il a

également été mis à l’essai dans d’autres pays européens et même dans

certaines organisations américaines.

Le modèle allemand a pour avantage principal de permettre la

constitution de groupes qui, étant engagés dans une foule d’activités qui

n'ont rien à voir avec le domaine militaire (comme le secteur pétrolier,

celui de l’automobile, la vente de téléviseurs, etc.), risquent moins de

souffrir des fluctuations et de l’incertitude provoquées par le marché de

défense. L’objectif est essentiellement financier. L’analyse des dossiers

d’entreprises montre qu’il n’y a pas d’objectif clair en termes de répartition

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Naissance de l'Europe de l'armement page 166

des activités. Dans la majorité des conglomérats, la proportion des ventes

associées à la défense ne dépasse pas 30 % à 40 %, parfois elle est encore

plus marginale (5-6 %).

Le modèle américain est le second en importance. Il repose

également sur une diversification de portefeuille (placements, filiales, etc.)

mais se distingue du modèle allemand dans la mesure où il garde pour cible

première de desservir le marché militaire. La plupart des groupes associés à

ce modèle se définissent d’ailleurs d’abord comme des entreprises de

défense et certaines, comme Alliant, minimisent à dessein le rôle de leurs

activités commerciales.

Les compagnies qui ont choisi cette voie cherchent à préserver une

masse critique suffisante en défense pour continuer d’y être considérées

comme des firmes majeures. Leur diversification est, dans la majorité des

cas, en lien avec l’expertise militaire (aérospatiale, systèmes de propulsion,

munitions commerciales, composants électroniques dérivés du savoir-faire

militaire, etc.) mais ne s'effectue pas forcément dans les usines dédiées à la

production de défense. Ici également, la voie adoptée privilégie la création

de filiales commerciales. Plusieurs entreprises que nous avons étudiées ont

cherché à se diversifier à l’intérieur même du marché de défense. Nos

enquêtes indiquent que l’objectif visé par les firmes qui choisissent le

modèle américain est en général de ramener à 50 % la proportion des

ventes militaires de l’entreprise.

Nous avons identifié le troisième modèle au Québec parce que c’est

encore au Québec qu’on s’est montré le plus ouvert au principe de la

diversification des usines proprement dites. Cette approche a obtenu

différents succès dans l’aéronautique et le transport roulant (Bombardier,

Héroux), dans la construction navale (Alstom, Davie), dans les propulsifs

(Expro) et également dans l’assemblage de munitions (SNCTEC). Mais

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Naissance de l'Europe de l'armement page 167

l’approche est loin d’être exclusive aux firmes québécoises. Plusieurs

firmes françaises, suisses, suédoises et américaines ont procédé à des choix

de même nature.

Les modèles en diversification et leur application dans le domaine des

munitions419

Modèle

américain

Modèle allemand Modèle

québécois

Action X

ADI (Thomson CSF) X

Aerojet X

Alliant X

Allied Research

Corp.

X

Bofors X

Bulova X X

Celsius X

Chamberlain X

CIC X

Denel X

Diehl X

DSE-Balimoy X

Duchossois (SACO) X

Dynamit Nobel X

EXPAL X

419 Source : entrevues (1987-1999.).

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Naissance de l'Europe de l'armement page 168

Fabrique fédérale

suisse

X

Finmeccanica X

FUSH X

GD X X

Gencorp X

GIAT X X

Groupe Lapua X

INDEP X

Manson & Hanger

(DZ)

X X

MKEK X

NAMMO (Lapua) X

NICO Pyro X

Olin X

Pacific Scientific

Energetic

X

Patria X

Primex X X

Raufoss X

RH X

Royal Ordnance X

Safety Components X

SM

SNCTEC X

SNPE X X

Talley X

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Naissance de l'Europe de l'armement page 169

TDA (Thomson-CSF

et Dasa)

X

Thomson X

L’analyse des efforts de diversification recensés dans le domaine des

munitions indique que la formule de la diversification d’usine est plus

attrayante dans les établissements engagés dans les assemblages de

composants mécaniques ou électroniques (fusées, etc.), dans les ateliers de

fabrication de pièces métalliques et dans les poudrières. Elle n’est

cependant pas impraticable dans les usines d’assemblage de munitions

comme en témoignent par exemple les plans de diversification développés

dans plusieurs GOCOs américains, à la Fabrique fédérale suisse et chez

SNCTEC. Jusqu’à maintenant, le nombre des entreprises qui se sont

engagées dans cette voie demeure limité et les projets de diversification

mis en oeuvre sont souvent peu nombreux.

La diversification sous toutes ses formes a eu de nombreux impacts

sur les fabricants de munitions. Une étude de l'Américain Michael Oden

sur différentes dimensions de l’impact des compressions budgétaires note

une première conséquence : les variations dans l’emploi ont été nettement

plus prononcées (-30 %) dans les groupes qui ont repoussé la

diversification que dans ceux qui s’y sont engagés (-13 %)420. Plusieurs

dossiers font état d’un impact positif sur l’emploi. Chez Expro, une

poudrière en activité au Québec, le niveau de dépendance face au marché

militaire qui atteignait 80 % il y a dix ans s’établit à 55 % actuellement.

Au fil des années quatre-vingt-dix, le nombre d’employés est passé de 700

420Oden, Michael, « Defense Mega-Mergers and Alternative Strategies », in Gerald I. Susman et Sean O’Keefe, The Defense Industry in the Post-Cold War Era, New York, Pergamon, 1998.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 170

en début de cycle à 250 pendant la période la plus difficile (1995-1998). La

récolte des fruits de la diversification a permis d’améliorer la situation.

Aujourd’hui 550 personnes sont au travail. Chez SNCTEC, un assembleur

de munitions, le succès d’une balle de pratique pour corps policiers

employée notamment par la gendarmerie française fait en sorte que 11 %

des 700 emplois de l’entreprise sont directement reliés aux activités de

diversification. Les projections actuelles permettent d’anticiper une

progression spectaculaire de cette proportion dans les années à venir.

La diversification a également familiarisé plusieurs organisations

avec les pratiques en vigueur dans le domaine commercial. Chez

Chamberlain, un fabricant de pièces métalliques de précision, après trois

années consacrées à l’étude de projet et à la réforme de l’organisation, la

diversification est devenue le maître mot du plan stratégique de

l’entreprise. On y produit présentement des systèmes de sécurité et des

composants métalliques de précision utilisés dans les équipements de

forage. Alors qu’elle n’en possédait pratiquement pas, l’entreprise a dû se

doter d’un important service du marketing.

Plusieurs groupes ont renoncé à leur structure hiérarchique trop

lourde calquée sur l’institution militaire. Ils ont dégraissé leur

administration et adopté une nouvelle philosophie de gestion par résultats

qui a permis aux filiales une plus grande liberté d’action. Notre plus

récente enquête (1999) auprès des fabricants de munitions a notamment

mis en lumière la philosophie de gestion de Rheinmetall. Comme les

sociétés de portefeuille, les divisions du groupe rendent des comptes à la

direction sur la base d’indicateurs de performance. Le même genre

d’approche est exploité par la firme israélienne IMI.

Les munitionnaires figuraient certainement parmi les fabricants

militaires les plus choyés par les gouvernements. Il est matériellement

impossible de dresser la liste exhaustive des aides publiques auxquelles les

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 171

entreprises ont eu droit, mais on sait que ce soutien touchait toutes les

dimensions de leur quotidien. L’État finançait intégralement la R-D,

allouait des subventions à l’entretien des bâtiments, déboursait pour

préserver une capacité de gestion apte à répondre aux normes militaires,

acceptait de payer les munitions de son fabricant à un prix plus élevé, etc.

Ces pratiques s’estompent. Dans le cadre de sa privatisation, la société sud-

africaine Denel a dû recentrer ses pratiques sur les normes imposées par le

marché international et l’entreprise est maintenant perçue comme un féroce

compétiteur par les fabricants occidentaux. Il serait exagéré d’affirmer que

le phénomène de la dérive des coûts, si souvent dénoncé par les détracteurs

de l’industrie de défense,421 n’existe plus, mais il faut reconnaître que le

cadre à l’intérieur duquel évolue l’industrie aujourd’hui est radicalement

différent.

Enfin, les entreprises ont, en général, bien assimilé les erreurs du

passé et celles qui pensent diversification ou reconversion le font en visant

des produits proches de leur savoir-faire de base au lieu de se lancer dans

des domaines où elles n'ont aucune compétence.

Il reste que la mise en œuvre d’un projet de diversification n’est pas

pour autant chose facile. Elle interpelle toutes les dimensions d’une

organisation incluant plusieurs éléments consignés dans les conventions

collectives. Mais ce n’est pas là que se situe l’obstacle. Les principales

épreuves demeurent rattachées à la culture de l’entreprise, à sa capacité de

reconnaître ses limites, de faire appel à l’aide requise pour les surmonter et

à la volonté des personnes impliquées dans le processus, notamment les

gestionnaires. L’incapacité de se diversifier découle de l’absence de

volonté de durer dans le temps. Il a fallu accorder un délai de presque dix

ans avant que Rheinmetall obtienne du succès dans l’industrie automobile. 421 Voir à ce propos les écrits de Seymour Melman.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 172

La SNPE a mis autant de temps à percer la chimie fine. Il ne fait aucun

doute que la difficulté des gestionnaires à concevoir des actions de long

terme et à faire preuve de la patience requise fait partie du problème de

plusieurs entreprises, parmi lesquelles figurent le GIAT422, Royal Ordnance

et Primex.

CONCLUSION

La description des changements survenus au cours des années

quatre-vingt-dix dans ce bassin industriel hors du commun que constitue le

secteur des munitions permet de constater à quel point la fin de la guerre

froide a débouché sur une profonde remise en question des logiques qui

régissaient l’industrie de défense depuis des décennies. Le modèle

traditionnel du fournisseur national sous propriété gouvernementale est en

voie de disparition. Le système du métier fondé sur la spécialisation sans

partage ne peut plus prétendre à l’universalité. L’univers des munitions

s’ouvre à de nouvelles technologies et au commerce. Il est en pleine

mutation.

En début de texte, nous nous interrogions sur la possible

mondialisation de cette industrie qui incarnait, il n’y a pas si longtemps

encore, la capacité et l’autonomie des armées nationales. Il faut reconnaître

que les phénomènes que nous venons de décrire poussent les

gouvernements vers une logique d’ouverture et d’interdépendance. Il n’est

pas acquis que l’industrie va nécessairement se mondialiser, mais il est

maintenant certain qu’aucun pays, incluant les États-Unis, ne pourra

422 Ce que souligne la députée Martine Lignère-Cassou dans un rapport intitulé Réussir la diversification des industries de défense : un enjeu économique et territorial, Assemblée nationale, Les Documents d’informations, no 911, 1998.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 173

reconduire les comportements autarciques du passé. Les logiques

nationales s’articulent de plus en plus autour de principes qui encouragent

l’industrie à conclure des ententes internationales et à prendre pied sur les

marchés d’exportation. La roue de la globalisation s’est mise en

mouvement et elle évoluera au rythme que lui dictera l’agenda politique.

En soi, la dynamique industrielle n’est plus un obstacle.

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LES PRINCIPAUX ACTEURS DE L’INDUSTRIE DES

MUNITIONS, DYNAMIQUE ET STRATÉGIES

Par Yves Bélanger

Professeur et directeur du Groupe de recherche sur la reconversion

industrielle

Université du Québec à Montréal

ALLIANT

Alliant est née en 1990 lorsque Honeywell est arrivée à la

conclusion que l’argent facile n’allait plus être accessible dans un marché

de défense confronté à la décroissance. En l’absence d’acheteurs, la vente

de l’entreprise a été conclue avec les cadres et Alliant s’est adressée au

marché boursier pour financer ses opérations. Le nombre de ses employés

est passé de 7 200 en 1990 à 5 400 aujourd’hui. En 1990, elle totalisait des

ventes de 1,3 milliard de dollars (US) contre 1,1 milliard de dollars en

1999.

Alliant est aujourd’hui le leader mondial du secteur des munitions.

L’entreprise est en position de force dans les programmes de munitions 120

mm pour chars et de munitions pour canons (surtout 20 mm et 30 mm). En

moins de deux ans, le groupe a reconstitué son carnet de commandes qui

totalise aujourd’hui 2,5 milliards de dollars (US), soit l’équivalent de vingt-

sixmois de travail. L'intérêt de ce carnet ne tient pas uniquement dans les

volumes, il est également lié au type de produits que les filiales du groupe

seront amenées à fabriquer. Les forces d’Alliant en R-D lui ont permis de

se placer en position très avantageuse dans les technologies du XXIe siècle.

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Le groupe occupe une position enviable dans le domaine des munitions

intelligentes.

Pour conquérir ses positions actuelles, Alliant a misé sur les six

axes suivants :

1. Demeurer fidèle au marché de la défense. Les deux divisions militaires

d’Alliant sont à l’origine de 64 % des ventes et une part modeste de

leurs activités est destinée à des applications civiles (moins de 10 %

constitué surtout des propulsifs commerciaux de New River

Energetics). Sa division spatiale (36 % des ventes) alimente un marché

à double application (civile et militaire) en lui fournissant

principalement des propulsifs de fusées et des pièces en composites.

Présentement, 70 % des ventes sont réalisées auprès de gouvernements

et le 30 % restant dépend essentiellement de deux clients, soit Boeing et

Raytheon. Face au ministère de la Défense, Alliant cherche à élargir son

portefeuille de programmes.

2. Acheter des compétiteurs. Au fil des dernières années, Alliant a fait

l’acquisition de Kilgore (moyen calibre), des divisions Défense de

Hercules (propulsifs) et de Accudyne (fusées), de la division Fusées de

Motorola et de Martin Electronics. Ces transactions ont mené à une

capacité intégrée qui n’a pas d’équivalent aux États-Unis.

3. Procéder à une rationalisation interne. Si on prend en compte l'ensemble

des emplois que comptaient Alliant et les entreprises acquises, on

constate que les abolitions de postes ont totalisé environ 60 % des

emplois au cours des douze dernières années. Alliant a fermé quelques

usines dont celles de Kenvill (propulsifs) et Ferrulmatic (pièces en

métal) pour reconcentrer sa production dans les unités les plus

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Naissance de l'Europe de l'armement page 176

productives.

4. Développer des partenariats. Après avoir tenté sa chance comme

intégrateur, Alliant est arrivée à la conclusion qu’elle ne faisait pas le

poids devant les grands de la défense aux États-Unis (Lockeed-Martin,

Boeing, Raytheon et Northrop). Alliant mise maintenant sur les

partenariats. Le groupe s’est impliqué dans plusieurs programmes en

collaboration avec des firmes américaines (principalement Boeing,

Raytheon et Textron) et également avec des fabricants étrangers

incluant Matra-BAe, Rheinmetall, Dynamit Nobel, Mauser, etc.).

5. Arracher les grosses parts de marché dans les produits à gros volume.

Au cours de la dernière année, Alliant a porté un dur coup au cœur de

Primex, son principal compétiteur, en gagnant deux importants contrats

de munitions de 120 mm pour chars. L’un d’eux, très stratégique, donne

à Alliant le leadership du programme de la ronde M829E3 (127

millions de dollars) qui doit remplacer la M829A2, la vache à lait de

l’industrie. La E3 est avant-gardiste et place Alliant en bonne position

dans les dards en uranium. Avec sa technologie télescopique (25 mm

jusqu’à bientôt 35 mm), le groupe s'est placé en très bonne position

dans les munitions pour canon du futur devant alimenter la nouvelle

génération d’hélicoptères et de chasseurs.

6. Prendre le leadership dans les munitions intelligentes et les armes du

futur. Au moins six programmes de fusées et trois de munitions majeurs

sont consacrés à la mise au point de la future génération de rondes

intelligentes de moyen et gros calibre. Parmi les principaux

programmes, il faut mentionner le SADARM, le STAFF et le TERM

qui sont tous trois consacrés au développement de munitions ou sous-

Cahier d'études stratégiques N°27

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munitions autoguidées. La division Armement a également obtenu le

programme Objective Individual Combat Weapon (OICW) qui met au

point l’arme du fantassin du futur avec un équipement modulaire 5.56

mm et 20 mm. Alliant est également impliquée dans le projet

Boeing/Mauser/Rheinmetall de canon 35/50 (munitions télescopiques

de 35 mm et « supershot » de 50 mm).

Même si Alliant est le principal fabricant du monde, le groupe demeure

essentiellement ancré au marché américain et ne peut pas, pour l’instant du

moins, prétendre au statut de firme transnationale. Les entrevues réalisées

avec des gestionnaires de l'entreprise montrent toutefois qu’on veut

corriger ce point faible en multipliant notamment les partenariats avec

l’Europe.

BOFORS

Bofors, une filiale du groupe Celsius, a intégré une portion de sa

production de munitions conventionnelles dans le groupe Nammo (voir

plus loin). Récemment, elle a également signé une entente avec Patria de

Finlande en vue de former une entreprise regroupée dans les propulsifs. La

nouvelle compagnie se nomme Nexplo. À la suite de ces transactions, une

importante ronde de mises à pied a été effectuée en septembre 1999.

Le cheminement de Bofors a été un peu complexe. En 1991, voulant

se donner un champion national en défense, le gouvernement suédois

forçait sa fusion avec FFV en vue de créer Sweedish Ordnance. À

l’époque, Bofors venait tout juste d'intégrer les activités de la firme Dyno.

En se constituant, ce champion en défense s'est détaché de la

multinationale Nobel. Puis Celsius a intégré Sweedish Ordnance à son

organisation, s'est rebaptisé Bofors en 1992 pour bien marquer son virage

vers le marché militaire.

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Naissance de l'Europe de l'armement page 178

Bofors a toujours été un acteur européen majeur dans les munitions

d’artillerie. Sa production couvre une large gamme de produits dans le 105

mm et le 155 mm, notamment dans les systèmes dits « Full Bore Base

Bleed » qui accroissent la portée des projectiles. Le « joyau »

technologique de Bofors demeure toutefois ses munitions intelligentes 155

mm BONUS développées en partenariat avec le GIAT. Cette ronde, tout

comme la SADARM, comporte deux sous-munitions à guidage autonome.

Les premières commandes fermes ont été obtenues en 1999. Bofors a

également développé une alliance stratégique avec Rheinmetall visant la

mise au point d’une nouvelle ronde cargo dotée de petits projectiles

(bomblets) autoguidés. La nouvelle génération de munitions

« technologiques » Bofors compte également la Trajectory Correctable

Munition (TCM), la Low-Cost Course Correction Munition (LC3M) et le

mortier de 120 mm STRIX. Sur le front des munitions pour chars, la

compagnie développe actuellement une ronde guidée antiblindage.

La grande popularité de ses canons antiaériens a amené Bofors à

garder le contrôle de sa ligne de munitions de moyen calibre et à ne pas la

céder à Nammo. La gamme de ses produits 40 mm à 57 mm est exportée

partout dans le monde et bien implantée sur le marché américain. Bofors a

développé pour ces produits une fusée baptisée 3P (Pre-Fragmented

Programmable Proximity Fuze). Il s’agit de la source principale d’activité

pour les 600 employés de l’entreprise.

Depuis 1996, Bofors éprouve des difficultés. Le gouvernement

suédois s’est engagé dans un processus de rationalisation budgétaire qui

affecte sa capacité d'achat en équipements militaires et Bofors doit

encaisser une diminution sensible de sa performance sur les marchés

d’exportation. Ces problèmes ont amené l’entreprise à explorer certaines

avenues de diversification, dont les systèmes de sécurité et les amorces

pour sacs gonflables.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 179

Pour sa part, la maison mère Celsius est une organisation diversifiée

dans l’aviation commerciale, les explosifs commerciaux, l’informatique,

les matériaux, etc. Celsius vise manifestement à se transformer en un

holding aux assises très diversifiées. Quatre des treize divisions ont

actuellement une mission commerciale. Le groupe demeure cependant

dépendant de la défense à 65 %. C’est toutefois la bonne performance dans

les équipements commerciaux qui permet à Celsius d’enregistrer, depuis

cinq ans, des hausses continues de ses ventes (+40 % depuis 1994).

Les gestionnaires de Celsius reconnaissent, en entrevue, que leur

principal problème est lié à l'incertitude qui continue de planer au-dessus

du marché de la défense nationale. Ils veulent se donner, par la voie de

partenariats, une dimension internationale (un travail déjà commencé avec

Nexplo et Nammo), et améliorer leur performance sur le marché des

exportations.

DENEL

Cette entreprise sud-africaine est née en 1992 suite à la séparation

des activités de gestion gouvernementale et des activités de production

d'armement au sein de la société d’État Armscor. Denel a pris charge des

divisions de production qui sont au nombre de dix-huit. Celles-ci évoluent

dans l’aviation, les missiles, les blindés, les canons et les munitions. Le

groupe comprend en outre huit filiales centrées sur des activités

commerciales incluant les équipements informatiques et l’immobilier.

Denel est en voie de privatisation.

La société est confrontée à des enjeux majeurs. Le gouvernement a

engagé le processus de sa privatisation dans un contexte de fortes

réductions des dépenses militaires nationales. Le budget d’acquisition a été

divisé par cinq depuis 1989 et de nouvelles compressions de 20 % sont

annoncées pour les années à venir. En matière de grands programmes, le

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 180

gouvernement sud-africain renonce à son approche centrée sur la

fabrication à domicile pour lui préférer une stratégie orientée vers l’achat

de systèmes étrangers et la négociation d’accords de contrepartie (Offset).

Cela l’a notamment conduit à se rapprocher du Royaume-Uni et de British

Aerospace en s'engageant à lui acheter hélicoptères et chasseurs. En

contrepartie, Denel a obtenu le programme des charges modulaires en

Angleterre, un contrat de 200 millions de dollars (US). British Aerospace a

en outre signé une entente visant la restructuration de l’industrie

aérospatiale sud-africaine.

L’impact de la décroissance des dépenses militaires sur l’emploi en

Afrique du Sud a été dévastateur. Le nombre des emplois est passé de 140

000 à 50 000 et le quart des emplois qui restent dépend directement de

Denel.

La stratégie de Denel est de se donner des têtes de pont dans la

défense, d’accroître ses exportations et de se diversifier sur le plan

corporatif. En matière de défense, il apparaît évident que le marché des

munitions et des propulsifs est une des cibles du groupe. Au niveau des

exportations, la performance de l’entreprise s’est améliorée jusqu’en 1996

(22 %), mais semble piétiner depuis.

La filiale Sonchem (propulsifs) est particulièrement dynamique au

plan des exportations (56 % des ventes). Elle vient de signer une entente

avec Alliant pour développer aux États-Unis des additifs requis dans les

propulsifs (nitroguanadine notamment). La filiale responsable de

l’assemblage de munitions de moyen et gros calibre, Naschem, a pour sa

part conclu d’importants contrats à l’exportation au fil des deux dernières

années, notamment avec les Émirats arabes unis et l’Inde.

Denel annonçait en octobre dernier son intention de s'implanter aux

États-Unis dans les composants d’artillerie et les systèmes de détection de

mines. Il s’agit pour elle d’un retour en force après avoir été bannie en

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 181

1998 pour non respect d’un embargo. La compagnie a développé plusieurs

alliances stratégiques, dont une avec la firme roumaine Arsenalul Armatei.

Il semble que son intention soit de bâtir des partenariats susceptibles de lui

donner une plus grande capacité de concurrence sur les prix.

Les ventes en armement se situaient à 420 millions de dollars (US)

en 1997. Au sein des divisions militaires, les ventes commerciales

représentaient 7 % du chiffre d’affaires en 1993, cette proportion se situe

actuellement à 23 %. Les gestionnaires de Denel misent sur les applications

civiles du savoir-faire militaire. Le groupe veut réduire d’un 20 %

additionnel sa dépendance face au marché de la défense d’ici cinq ans. Il

pense notamment à des applications civiles de technologies militaires dans

les produits de sécurité (fusées éclairantes, etc.) et les récipients (canettes,

etc.).

GIAT INDUSTRIES

Le GIAT figure parmi les problèmes industriels de défense du

gouvernement français. En créant cette entreprise suite au regroupement de

dix usines, la France voulait se donner un champion national et un leader

européen. Sous un certain angle, l'objectif a été atteint puisque le GIAT

figure parmi les plus importants fabricants de plates-formes terrestres

(producteur du char Leclerc notamment) au monde et représente, à lui seul,

15 % de cette industrie en Europe. L'entreprise a réalisé des ventes de 1,3

milliard de dollars (US) en 1998 redevable pour 60 % à ses exportations.

Ildemeure en outre un important fournisseur général doté d'une

gamme de produits variée, notamment dans le moyen et le gros calibre.

Certains de ses programmes concernent des munitions évoluées sur le plan

technologique, comme le programme BONUS développé en collaboration

avec la société Bofors. GIAT jouit également d'une expertise certaine dans

les munitions télescopées et dans les munitions de moyen calibre pré-

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 182

programmables. Il est également associé au pôle technologique RTG-

Euromunition (avec Diehl), dont la mission est de développer des rondes

intelligentes. GIAT a d'autres partenaires dans des programmes conjoints

(dont un véhicule 8 x 8, quelques tourelles, un projet de canon de 140 mm

en collaboration avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, et un système

antichar avec Dynamit Nobel, Hunting et Honeywell).

Là s'arrête l'histoire à succès. Les baisses de marché ont amené le

GIAT à battre des records de déficits. Le budget français en missiles et

munitions s'établissait à près de 4 milliards de FF en 1992. Il a chuté à

moins de 1,5 milliard de FF en 1997 et arrive avec peine à se maintenir

depuis. Environ 40 % de ce budget est affecté aux munitions proprement

dites. Les projets d'achats en munitions ont été ajustés à la hausse en 1998

(à 800 millions de FF), mais cela demeure nettement insuffisant pour une

organisation comme GIAT. Sa dette accumulée atteint maintenant 20

milliards de FF que le gouvernement français essaie de gérer en

recapitalisant régulièrement un groupe contraint à la rationalisation. Les

employés font les frais de cette situation. Pas moins de 18 000 personnes

travaillaient pour le groupe en 1992, au terme du programme de

rationalisation annoncé en juin 1998, il en restera moins de 7 000.

Profitant de la débandade totale de l'industrie de défense belge, le

GIAT a, il y a quelques années, pris le contrôle de la poudrière PRB et de

la fabrique d'armes de main FN-Hertsal. Par l'entremise de FN, le GIAT

entrait notamment dans les canons Delcour, dans les sociétés américaines

Browning et USRAC, et acquérait des parts de Beretta. Encouragé par cette

transaction qui en faisait le premier armurier européen en importance, le

GIAT multipliait les accords de coopération dans les blindés et les

munitions (avec Rheinmetall, Royal Ordnance, Krauss Maffei, Vickers,

Hunting, Bofors, GKN et Oerlikon). L'opération donnait aussi au GIAT le

contrôle de la société québécoise Belcan. Dans la même poussée, GIAT

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 183

parvenait à conclure un accord avec Alliant pour la mise au point d'une

technologie de canons et munitions de 40 mm pour les véhicules de

transport de troupes. Tout semblait indiquer que le GIAT allait figurer

parmi les acteurs mondiaux de l'industrie.

L'expérience belge s'est terminée dans la déroute. Les ententes dans

les blindés ont presque toutes été remises en question après la perte

d'importants contrats au Moyen-Orient, et la percée américaine a pris du

plomb dans l'aile lorsque Alliant est arrivée à la conclusion que la

technologie du canon proposé par GIAT allait mener à un équipement trop

lourd. La société américaine l'abandonnera pour rallier le camp des

promoteurs de la technologie 35/50 (canon de 35 mm adapté à l'utilisation

de " supershot " de 50 mm).

La poussée vers l'internationalisation du groupe s'est interrompue. Si

la France ne crée pas un contexte favorable à une association majeure

impliquant le GIAT, l'entreprise est probablement condamnée à une

marginalisation progressive dans le marché des munitions. Pour l'instant, il

semble que la notion de partage de la propriété et celle de la réduction de

l'éventail des produits en production soient difficiles à surmonter. Selon les

entrevues menées auprès des gestionnaires de Royal Ordnance, l'échec du

projet de fusion franco-britannique en 1998 est en grande partie redevable à

ces questions. Nos interlocuteurs ont également évoqué la situation

financière dégradée du groupe français.

Pour l'instant, la productivité du groupe s'améliore à peu près au

rythme des mises à pied. Les ventes à l'exportation ont augmenté depuis

1996 (+ 44 % à 800 millions de dollars (US) en 1998). La direction du

groupe affirme qu'elle retrouvera une situation profitable en 2002, soit

lorsqu'elle aura mené à terme l'actuel programme d'abolitions de postes.

GIAT a aussi raté à moitié sa diversification. En 1992, le groupe se

lançait dans une foule de projets qui couvraient plusieurs secteurs, dont les

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Naissance de l'Europe de l'armement page 184

munitions commerciales, le domaine spatial, les articles ménagers et les

véhicules et pièces de véhicules commerciaux. Les résultats ont

manifestement été décevants car les projets de la direction sont de rebâtir

l'organisation autour du métier de base, soit l'intégration de systèmes en se

centrant sur les blindés et les canons. Ceci étant, on repère ici et là, dans les

usines et quelques filiales, des produits de diversification rentables. Les

usines de pièces métalliques, notamment, ont beaucoup travaillé à se

constituer une clientèle commerciale. C'est le cas dans la filiale CIME

Bocuse423. Récemment, une nouvelle filiale a été créée avec Hunting dans le

but d'investir dans la fabrication d'abris techniques et d'hôpitaux mobiles.

Ces produits viseraient à la fois des marchés civils et militaires. Il est donc

un peu difficile de savoir avec précision où va le GIAT sur le terrain de la

diversification.

NAMMO (RAUFOSS)

En octobre 1998, les pays scandinaves ont officiellement procédé à

une importante rationalisation commune de leur industrie des petit et

moyen calibres qui a donné naissance à Nammo. Le nouveau groupe est

spécialisé en défense, mais il émane de trois organisations industrielles très

diversifiées dans le commercial, soit Raufoss (Norvège), Patria (Finlande)

et Celsius, le consortium propriétaire de Bofors (Suède). Raufoss domine la

nouvelle compagnie avec 45 % des actions.

Nammo chapeaute cinq divisions engagées dans la fabrication de

munitions, de propulsifs et dans la démilitarisation. Le groupe vient de se

doter d’une filiale aux États-Unis (Nammo Inc.). Il compte actuellement 1

500 employés et dispose d’un chiffre d’affaires de 240 millions de dollars

(US). La direction a récemment déclaré que son objectif était de réduire sa

423 Dont la majorité des parts a été revendue au groupe autrichien Plansee en début d'année 1999. Info-DGA, 1er avril 1999.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 185

main-d’œuvre du tiers. La moitié des employés sont localisés en Norvège

et 500 travaillent en Suède.

Bien que les performances varient d’une division à l’autre, Nammo

est essentiellement tourné vers l’exportation avec des ventes à l’étranger

représentant 70 % du chiffre d’affaires. Les seules activités de

diversification connues du groupe concernent la démilitarisation pour

laquelle il a notamment acquis la firme allemande Buck et les propulsifs

dédiés au commerce et aux corps policiers de la branche finlandaise connue

sous le nom de Vithavuori.

Contrairement à ses partenaires, dans le domaine des munitions,

Raufoss a mis tous ses œufs dans le groupe Nammo. Ce groupe appartient

toujours en majorité au gouvernement norvégien (50,3 %) et opère dans

une gamme variée de secteurs incluant les pièces de véhicules, la

distribution d'eau et de gaz, les produits en composites, et les pièces

formées à partir de poudres métalliques. Il a des filiales en Suède, en

Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Angleterre et en République

tchèque. Raufoss emploie 3 800 personnes. La part des activités de Nammo

représente 40 % du chiffre d’affaires de Raufoss.

PRIMEX

Primex a vu le jour en 1996 lorsque le groupe Olin a décidé de se

départir de sa division Défense. À l’époque, la firme transnationale Olin

venait d’encaisser une très mauvaise année dans les munitions et faisait

l’analyse qu’il lui serait difficile d’atteindre ses objectifs de rendement

dans un marché en déclin. Olin avait pourtant misé sur l’élargissement de

ses assises dans les munitions en achetant General Defense en 1988, un

acteur majeur dans les munitions de gros calibre, notamment celles qui sont

destinées aux chars, et en acquérant la production de moyen calibre

d’Aerojet en 1994.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 186

Avec le recul du temps, les dirigeants d’Olin avouent que la décision

de se défaire de leur division Défense a été difficile à prendre, surtout parce

qu’elle impliquait de renoncer au produit qui avait été à l’origine de la

compagnie, soit le propulsif (poudre noire et ball powder). Olin a décidé de

sortir de la chimie générale et n’a cessé, depuis 1996, de vendre des

filiales. Pour l’instant, la compagnie est centrée sur les produits du cuivre,

les chlorines, la soude caustique et les munitions de chasse. La division

Winchester aurait bien voulu conserver la gestion du GOCO de Lake City,

mais elle l’a récemment perdu aux mains d’Alliant.

À l’origine, l’organisation industrielle qui est à la base du groupe

Primex évoluait dans les propulsifs et le petit calibre (resté à Olin). Elle

s’est enracinée dans le moyen calibre pendant la guerre du Viêtnam et a

finalement établi une tête de pont dans les munitions de gros calibre

quelques mois avant l’effondrement du mur de Berlin. Le pari de Primex a

toujours été de produire des munitions à un coût inférieur à celui d’Alliant,

en évitant de « s’encombrer » (le mot est d’un gestionnaire qui nous

accordait une entrevue en 1996) d’un gros service de R-D, pour se

concentrer sur l’assemblage de munitions donnant accès à des volumes

importants.

La force de travail des 3 000 employés du groupe a donc

principalement été concentrée sur les munitions de 120 mm, de 20 mm et

de 30 mm. Ces trois marchés subissent de fortes pressions depuis quelques

années. Le 120 mm pour char entre en phase de modernisation sur le

marché intérieur américain et, ayant perdu le contrat principal, Primex

devra miser sur le maintien de la politique d’approvisionnement sur double

source pour rester un joueur clé du marché. Le 20 mm et le 30 mm sont

appelés à être remplacés par de nouveaux produits.

La direction de l’entreprise dit voir son avenir dans les têtes de

missiles, les fusées et les composites. Les chiffres sont ici très révélateurs.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 187

En 1990, la division Défense de Olin vendait pour 757 millions de dollars

(US) de munitions. Les résultats financiers de 1998 faisaient état de ventes

de munitions d’à peine 300 millions de dollars (US).

Primex tente de se repositionner. Elle achetait en juillet 1999 la

firme Versatron qui devrait lui apporter un certain savoir-faire dans les

systèmes de précision pour munitions. L’acquisition de CMS, une division

de Daimler-Chrysler, va renforcer la position du groupe dans les pièces

métalliques de précision et les composantes de systèmes d’armes. Cette

nouvelle filiale doit, en principe, ajouter 100 millions de dollars (US) au

bilan de 2000. Mentionnons également que le groupe a développé un

programme en collaboration avec Boeing et Rheinmetall pour les

munitions du chasseur Joint Strike Fighter (27 mm). En août 1999, il

annonçait son entrée dans la course pour un programme s'adressant aux

blindés légers. Parmi les actions dignes de mention, il faut également

rappeler que Primex a obtenu en 1995 le programme du Objective Crew

Served Weapon (OCSW) qui doit concevoir une mitrailleuse du futur

moins lourde et plus létale. Le programme doit atteindre la fin de sa phase

de développement en 2004.

Le président de Primex mise aussi plus ouvertement sur les

exportations et a obtenu des résultats intéressants, comme en témoigne

l’obtention d'un contrat de 371 millions de dollars (US) pour des rondes de

120 mm à destination de l’Arabie saoudite et du Koweït au début de 1999.

Ce contrat couvre la période 1999-2004. Une alliance commerciale avec la

firme israélienne IMI (pour créer Global Ordnance) a pour objectif

d’élargir la clientèle dans le 120 mm.

Les usines du groupe, notamment celles qui ont une assise dans la

fabrication de pièces métalliques (une des forces de l’organisation Primex),

de matériaux composites et de propulsifs, misent de plus en plus sur la

diversification. Dans les pièces métalliques, la stratégie est de percer dans

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 188

la fabrication de grosses composantes en alliages métal-fibres destinées

notamment aux missiles. Dans les propulsifs, on vise le marché des

générateurs de gaz (pour sacs gonflables), en développement suite à une

alliance stratégique avec la firme Simula, et les produits de remplacement

de gaz à effet de serre. En 1998, les ventes commerciales se sont accrues de

11 %.

Avec des ventes totales en 1998 de 595 millions de dollars (US)

dont 300 millions de dollars (US) de munitions, Primex demeure un joueur

important de l’industrie et un compétiteur redoutable sur plusieurs marchés

d’exportation. Mais l’optimisme quant à sa capacité de devenir un acteur

de premier plan au niveau international n'est plus de mise. Primex entre en

mode de survie et seule une acquisition majeure pourrait lui permettre de

retrouver sa vitalité d’il y a trois-quatre ans. Au rythme où vont les choses,

on ne peut pas exclure que le gouvernement américain finisse, malgré le

refus de 1992, par autoriser une prise de contrôle par Alliant. Tout

dépendra du niveau d’ouverture des marchés occidentaux auquel on

parviendra dans les années à venir.

RHEINMETALL

Cette firme, fondée en 1889, s’est trouvée pendant des décennies au

cœur même du marché de la guerre froide, alors que se trouvait concentrée

sur son territoire national une portion importante de l'arsenal des deux

grands blocs. La fin de ce conflit virtuel a eu l’effet d’un cataclysme.

Rheinmetall s’est conformée à la politique de son gouvernement et

s’est attelée à la tâche d’intégrer ses activités de défense dans un vaste

complexe centré sur le marché commercial. Les ventes en défense ne

représentaient plus, en 1998, que 34 % du chiffre d’affaires du groupe. Le

portefeuille de Rheinmetall repose maintenant principalement sur les

pièces automobiles (37 %), la machinerie (13 %) et les composants

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 189

électroniques (16 %).

Cela ne signifie aucunement que Rheinmetall n'a plus d’intérêt pour

la défense. Une suite de transactions, qui l'ont amenée à prendre le contrôle

de WNC Nitrochemie, de KRUPP, de NWM (fermée depuis) et, plus

récemment, de STN Atlas, de Buck Systems et d’Oerlikon Contraves, la

placent dans la courte liste des acteurs autour desquels est en train de se

construire l’Europe de la défense. Le jeu des fusions a évidemment

provoqué une décroissance des emplois et le processus de digestion de

STN Atlas et d’Oerlikon Contraves n'est pas complété. Au début de 1999,

la division Défense comptait 10 300 employés à l’origine d’un chiffre

d’affaires de 1,9 milliard de dollars (US). On peut estimer les ventes de

munitions à près de 300 millions de dollars (US). Les autres revenus

proviennent de l’intégration de plates-formes militaires et de la fabrication

de canons.

L’achat récent d’Oerlikon Contraves donne à Rheinmetall une

dimension internationale que peu de munitionnaires peuvent revendiquer. Il

faut cependant préciser que les ventes d’Oerlikon ont chuté de 41 % au

cours des cinq dernières années et le gouvernement suisse a annoncé de

nouvelles coupes massives dans son budget d’ici 2002 (- 36 % sur le plan

initial). Il reste qu’Oerlikon exporte près de 80 % de sa production et

qu’elle amène dans le groupe Rheinmetall des usines italiennes,

canadiennes, singapouriennes, malaisiennes et allemandes. Le nombre

d’ententes commerciales et de partenariats négociés par Oerlikon est

également impressionnant et couvre la planète entière. Il faut ajouter à cela

les alliances conclues par Rheinmetall aux États-Unis, en France, aux Pays-

Bas, en Israël et en Suède notamment. Rheinmetall-Oerlikon forment

maintenant le premier groupe canons-munitions de dimension

véritablement transnationale.

Outre les firmes mentionnées, le groupe Rheinmetall comprend

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Naissance de l'Europe de l'armement page 190

plusieurs entreprises importantes de l’industrie des blindés (dont MAK

Systems) et plusieurs firmes du secteur des propulsifs et de la pyrotechnie

(Nico-Pyrotechnik, Comet Pyrotechnik, TZN, Nitrochemie Ashau, etc.).

Une autre transaction avec des intérêts suisses intègre en outre la

production de propulsifs et charges modulaires des deux pays dans une

nouvelle firme baptisée Nitrochemie.

Au début de l'année 1999, Rheinmetall envisageait l’achat de Royal

Ordnance, mais le gouvernement britannique et la maison mère de Royal

Ordnance, soit British Aerospace, ont suspendu les discussions dans

l’attente d’un plan de restructuration. Dans les milieux bien informés, on

dit que Rheinmetall serait aussi très intéressée au projet de privatisation de

la firme espagnole Santa Barbara.

Les grandes forces de Rheinmetall se situent maintenant dans les

munitions pour chars où la firme constitue une norme internationale,

notamment dans le 120 mm. La compagnie travaille depuis dix ans à la

mise au point d'une nouvelle gamme de munitions pour chars de 140 mm.

Il faut cependant mentionner que les activités d’assemblage de munitions

pour chars n'ont plus rien à voir avec la situation des années quatre-vingt.

À l’époque, Rheinmetall produisait 100 000 rondes par année contre à

peine 10 000 aujourd’hui.

Aucune entreprise européenne n’est actuellement mieux placée que

Rheinmetall dans le marché du moyen calibre, notamment dans les

calibres de 20 mm, 27 mm et dans le développement du système 35/50. Le

groupe est aussi un leader dans le marché des mortiers de 120 mm. Il figure

parmi les plus redoutables compétiteurs dans les charges modulaires et a

effectué des percées importantes dans les munitions intelligentes de 155

mm. Il y travaille notamment à des systèmes de guidage GPS, infrarouge et

laser.

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ROYAL ORDNANCE

Royal Ordnance (RO) est sans doute l’acteur industriel qui a été le

plus dévasté par la fin de la guerre froide. Au milieu des années quatre-

vingt, l’entreprise détenait le titre de plus grande fabrique de munitions et

de canons de la planète avec une vingtaine d’usines. La décision du

gouvernement britannique de forcer un regroupement dans British

Aerospace (BAe) en 1987 et d’ouvrir son marché national a eu un effet

désatreux sur Royal Ordnance.

La riposte de l’entreprise s’est structurée autour de trois grands axes :

Se reconcentrer sur la défense : après des tentatives de diversification

menée mollement par la direction, RO a opté pour le recentrage de ses

activités dans son métier de base. Pas moins de 95 % de ses ventes

concernent actuellement des produits de défense.

Regrouper les usines britanniques et s’implanter sur le continent

européen : le groupe a procédé à l’achat de BMarc, de Heckler & Koch

et Muiden Chemie et a conclu des alliances stratégiques avec

Rheinmetall, GIAT, Eurometaal et Oerlikon notamment.

Prendre avant l’heure le leadership du processus de mondialisation :

mentionnons l’achat de Thaï Laser (Thaïlande), des ententes

commerciales nombreuses avec FMC, South American Ordnance,

Imbel, etc. Royal Ordnance est devenu le plus important exportateur

d'Europe, notamment à destination du Moyen-Orient et de l’Asie.

Cette stratégie a mené à des résultats mitigés. De 20 000 au milieu

des années quatre-vingt, l’emploi est tombé à 3 000. En 1992, le groupe

possédait encore douze usines et un catalogue comptant 2 000 produits.

Plusieurs usines ont été fermées ou sont sur le point de l’être. Celles qui

subsistent sont souvent dépendantes de peu de contrats, comme en

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 192

témoignent les difficultés de l’usine de Nottingham dont l’avenir est lié à

ses exportations au Moyen-Orient.

Les baisses de commandes au Royaume-Uni (dont celles de

munitions pour chars qui ont chuté de 60 % en cinq ans), l’absence

d’intérêt de la part du gouvernement de préserver la cohésion de son

industrie de blindés, canons et munitions et la bureaucratie de Royal

Ordnance ont créé une situation précaire. À cela il faut ajouter que la

maison mère, British Aerospace, a choisi de donner à son organisation une

direction qui laisse très peu de place aux secteurs « dinosaures » où évolue

Royal Ordnance. Depuis son alliance avec GEC-Marconi en 1993, BAe est

devenue la deuxième entreprise de défense en importance au niveau

international (après Lockheed-Martin). Ses axes de développement sont

l’aérospatiale et les missiles. Pendant que BAe garnit son carnet de

commandes avec des technologies de pointe, Royal Ordnance poursuit sa

crise.

Pourtant RO n'est pas en reste sur le plan technologique. Elle possède

son propre système de charges modulaires, dispose de technologies de

guidage avancées (GPS, etc.), travaille sur plusieurs programmes avant-

gardistes comme le 140 mm et les canons laser. Le problème n’est pas lié

au savoir-faire, mais à l’obligation qui est faite d’être compétitive dans un

marché ouvert.

En juin 1999 le président de BAe a déclaré que Royal Ordnance

devrait s’ajuster à son marché. Or la direction de RO venait à peine

d'annoncer la fermeture de deux usines et une réduction importante de

production dans deux autres. Elle devait déposer un nouveau plan de

rationalisation en janvier 2000.

La seule bonne nouvelle qu’a reçue Royal Ordnance au cours des

dernières années concerne la gestion du GOCO américain de Holston. En

entrevue, un haut gestionnaire nous a déclaré que la stratégie de la

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 193

compagnie est maintenant centrée sur une consolidation de ses activités en

Europe et aux États-Unis. Royal Ordnance mise également sur les

exportations où elle continue d'arracher des contrats en coupant ses prix.

Mais ce genre de pratique ne peut être viable que lorsqu’une firme jouit de

l'appui de son gouvernement, ce qui n'est pas le cas de Royal Ordnance.

De plus en plus, surtout dans les syndicats de l’entreprise, on

rediscute maintenant de diversification.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 194

RHEINMETALL : UN PARADIGME DE LA

RESTRUCTURATION DU SECTEUR DE LA DÉFENSE

EN ALLEMAGNE

Dr Peter LOCK424

LES TRANSFORMATIONS EN EUROPE

Le mouvement récent de fusions et d'acquisitions dans l'industrie

d'armement européenne peut être d'une certaine manière un processus

touffu comportant à la fois des mouvements réellement stratégiques aussi

bien que des fusions en trompe-l'œil et des acquisitions qui seront plus tard

corrigées, souvent au prix de coûts considérables. Surtout, la logique

industrielle, privilégiant l'intérêt des actionnaires, qui prédomine dans le

reste de l'économie ne parait pas s'appliquer de la même façon dans

l'industrie d'armement. La réduction inévitable des surcapacités dans la

production de défense partout en Europe passe par de longs détours,

beaucoup plus longs que dans les secteurs civils. Elle entraîne de plus en

plus de fusions internationales et d'acquisitions dans l'Union européenne,

cependant que la dimension transatlantique de ce processus de

restructuration est encore marginale, notamment parce que les obstacles à

l'entrée sur le marché américain de fournitures d'armement sont presque

insurmontables pour un compétiteur étranger. BAe-Systems, après

424 Dr Peter Lock, actuellement professeur de sciences politiques à l'université de Kassel, est le secrétaire général de the European Association for Research on Transformation (EART)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 195

l'absorption de GE, va devenir un test quant à l'ouverture du processus

américain d'équipement. En général cependant, le secteur de la défense

suit, de loin, l'évolution des industries civiles en ce qui concerne l'extension

géographique de son internationalisation aussi bien que les pressions

financières pour restructurer et adapter les capacités à des niveaux réalistes.

Même dans les branches militaires où les surcapacités étaient

évidentes dès les années quatre-vingt, les capacités de la production ont été

maintenues et les sociétés en faillite ont été refinancées par de nouveaux

dirigeants, souvent avec de confortables aides fiscales, puisque ce secteur

fonctionne souvent en ignorant les règles habituelles de la concurrence, en

s'appuyant sur l'article 223 du traité de Rome (maintenant article 296 du

traité de Maastricht [Assemblée 1999]). La fabrication de pistolets, fusils et

sous-systèmes pour armes individuelles partout en Europe est un parfait

exemple de l'extraordinaire persistance de capacités excessives. Royal

Ordnance a construit, à la fin de la guerre froide, une installation

entièrement nouvelle, en remplacement du site traditionnel d'Enfield et

GIAT maintient à Versailles-Satory une unité de production qui excède de

loin la demande réelle. FN Herstal et Heckler & Koch, mais aussi Beretta

en Italie ont été amenés à des changements de majorité dans le capital pour

faire face à la faillite. Mais leurs capacités de production ont été

maintenues. FN Herstal a même été sauvé deux fois par les fonds publics.

La première fois, c'est le gouvernement fédéral belge qui a fourni les fonds

et, après la deuxième faillite, c'est le gouvernement régional qui a relancé

la société. Dans le cas d'Heckler & Koch, le français GIAT et le

Britannique Royal Ordnance (groupe British Aerospace) rivalisaient au

début des années quatre-vingt-dix pour prendre le contrôle de la société

lourdement endettée, étant donné son rôle leader en Europe de l'Ouest

comme fabricant d'armes légères sophistiquées. Dans cette période, le

gouvernement allemand a nettement refusé de venir en aide à la société et a

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 196

cessé de financer les recherches et développements en cours sur un fusil

automatique avec munitions sans douille prévu pour devenir une nouvelle

arme standard de l'OTAN [Gander, Hogg 1995, pp.148f.]. Finalement,

British Aerospace l'a emporté et a intégré Heckler & Koch dans sa filiale

Royal Ordnance. Pourtant, il se dit actuellement que BAe Systems veut se

débarrasser rapidement d'Heckler & Koch. Le fabricant Colt américain est,

semble-t-il, intéressé, mais il semble que cela soit plus en fonction du

marché privé où les armes de précision de Heckler & Koch se vendent

comme objets de prestige - comparables seulement au Glock 9 mm - qu'en

fonction des marché publics. En même temps, Heckler & Koch permet à

Colt une entrée sur le marché de l'équipement au moment où le débat en

cours aux Etats-Unis sur la responsabilité perturbe sérieusement le marché

civil (Barrett, 1999). Le cas de Beretta montre un schéma semblable

incluant un nouveau propriétaire américain.

Dans ce contexte, la trajectoire de Rheinmetall comme fabricant

européen majeur d'armement qui le place actuellement comme un des

quelques survivants probables dans une structure oligopolistique, sinon

même monopolistique, de la contraction en cours du secteur militaire

industriel européen, sera discutée dans ce papier. L'histoire des cent dix

années turbulentes de Rheinmetall comme fabricant important d'artillerie et

de munitions suggère l'importance du savoir-faire tacite impliqué dans la

fabrication des pièces d'artillerie sophistiquées et des munitions à hautes

performances. Cela pourrait expliquer la réapparition surprenante de

Rheinmetall comme fabricant majeur internationalement de matériel

militaire après des années de fermeture forcée de la société, liée aux deux

guerres mondiales. Cependant, ce facteur n'est pas suffisant pour expliquer

la force actuelle de Rheinmetall et sa stratégie agressive dans la

restructuration de la base industrielle européenne de défense. Quand

Rheinmetall est revenu dans la production militaire après la Seconde

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 197

Guerre mondiale et a fourni la première génération de matériel pour les

forces armées allemandes en développement, il a bénéficié des périodes de

croissance des années soixante. Mais dès le début des années soixante-dix,

Rheinmetall a systématiquement diversifié son portefeuille d'activités pour

y inclure d'importantes productions civiles. Un objectif important était les

usines automatisées localisées en Allemagne et à l'étranger. Avec cette

stratégie, Rheinmetall a fait descendre la part de sa production militaire en

dessous de 30 % avant même la fin de la guerre froide.

Cependant, malgré ce choix principal de réduction de ses capacités

militaires, Rheinmetall, à partir de 1992, a commencé à poursuivre une

stratégie de survie dans le contexte général de contraction du secteur

militaire européen et d'accumulation de surcapacités. A l'heure actuelle, il

est évident que la perspective de Rheinmetall est de devenir un acteur

réellement international avec une masse critique suffisante pour dominer

une certaine gamme de matériel militaire. Cela se manifeste dans la

politique d'acquisitions sélectives de capacités de fabrications militaires,

dans l'ensemble de l'Union européenne et dans le futur peut-être aux États-

Unis ou plus vraisemblablement au Canada.

L'histoire de Rheinmetall sera analysée de manière un peu plus

détaillée pour montrer que la société présente des traits typiques de ce

qu'on a appelé le "capitalisme rhenan". On montrera que les éléments de

cette culture industrielle particulière et de la structure de la propriété sont

liés à la stratégie que Rheinmetall poursuit dans la période.

RHEINMETALL : UNE HISTOIRE AVEC DES HAUTS ET DES

BAS

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 198

L'ascension de Rheinmetall pour devenir un fabricant majeur

d'artillerie avant la Seconde Guerre mondiale est principalement la réussite

de son fondateur Heinrich Erhardt. C'était un industriel type idéal du

développement industriel allemand tardif de la seconde moitié du XIXe. Il

est né en 1840 en Thuringe où, très tôt, ont été concentrées les industries

manufacturières allemandes. Sa carrière d'ingénieur a commencé par un

travail d'apprenti chez un fabricant renommé de fusils, entreprise que,

quarante années plus tard (1901), il acquerra et intégrera dans sa société en

pleine expansion Rheinische und Metallwaaren Maschinenfabrik. Il passe

ensuite dans une usine de machines-outils. Avec la guerre de 1866 qui a

accéléré l'expansion industrielle de la Prusse, Erhardt se déplace vers la

Rhénanie prussienne qui est rapidement devenue le cœur industriel du

Reich allemand à la suite de la guerre franco-allemande de 1870/1871. sa

première société est fondée en 1878 à Düsseldorf avec une production

d'outils spéciaux et de machines-outils.

Erhardt réussit à continuer son expansion pendant la période de

croissance et d'accélération. En 1889, il gagne un très gros contrat pour

fournir des munitions et fonde “Rheinische und Metallwaaren

Maschinenfabrik” avec le but explicite de remplir ce contrat et de s'établir

comme fournisseur militaire. Ses affaires sont très prospères ; il

révolutionne le processus de production des douilles et lance la fabrication

à grande échelle des munitions. Dès lors, il va de succès en succès dans la

période d'accroissement des achats d'armements en Allemagne dans les

décennies qui précèdent la Première Guerre mondiale. Il diversifie

verticalement ses activités militaires industrielles pour inclure la

fabrication d'aciers spéciaux, de détonateurs, etc. Ses usines dominent les

quartiers industriels en expansion de Düsseldorf. En 1896 Erhardt conçoit

un calibre 7,5 mm innovateur qui est adopté par beaucoup de forces armées

européennes. Les canons de tous calibres deviennent la spécialité de

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 199

Rheinmetall. En 1899 Ehrhardt loue un grand espace dans le Lüneburger

Heide, une région sous-développée entre Hambourg et Hanovre, comme

centre d'essais, qui va devenir un site très utilisé et qui accueille beaucoup

de clients internationaux. Au fur et à mesure du développement de

l'artillerie et des canons pour la marine, il ne cesse d'être agrandi. En 1914,

il s'étend sur plus de 40 kilomètres carrés et comprend des ateliers à grande

échelle de production pour les cartouches de grosse artillerie [Rheinische

Metallwaaren 1914 p.29f.]. Aujourd'hui encore, c'est un des plus grands

centres d'essais en Europe, aussi bien utilisé par Rheinmetall que loué à des

clients étrangers.

L'emplacement est localisé assez près de l'ancienne frontière

germano-allemande de l'après-Seconde Guerre mondiale, pour devenir

éligible à des primes substantielles et à des exemptions d'impôts jusqu'à la

réunification. Cela a incité Rheinmetall à établir en 1986 un parc de

technologie (TZN = Technologiezentrum Niedersachsen) fortement

subventionné (cofinancé par l'état de Basse-Saxe) qui a attiré plusieurs

autres sociétés. Enfin, Rheinmetall a aussi transféré en 1992 ses moyens de

recherche-développement militaire et de production de son emplacement

traditionnel de Düsseldorf à Unterlüß dans le Lüneburger Heide.

Au début de la Première Guerre mondiale, Rheinmetall employait 8

000 personnes. Ce chiffre est monté jusqu'à 48 000 en 1918. Avec la fin de

la guerre, la production militaire s'est arrêtée et 22 000 personnes se sont

trouvées en surnombre. Une recherche acharnée de production non

militaire a alors commencé. Il en est sorti une gamme classique de produits

de reconversion : machinerie agricole, tracteurs, wagons de chemin de fer,

locomotives dans les usines de Düsseldorf, machines à écrire, calculateurs

et parties automobiles en Thuringe. A partir de 1921, la production d'une

quantité limitée d'armes de moyen calibre a été de nouveau autorisée. Mais

la conjonction de l'hyperinflation et de l'occupation française de la

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 200

Rhénanie a fait disparaître les marchés civils des productions de

reconversion. En 1925, la plupart de ces productions ont été arrêtées. Dans

cette période, le gouvernement a acquis la majorité des parts, de façon à

protéger sa production militaire potentielle de la faillite [Rheinmetall 1939;

website Rheinmetall].

A ce moment, la Reichswehr avait déjà commencé à appliquer un

plan secret de réarmement impliquant des coentreprises hors du territoire,

en Union soviétique entre autres. Les officiers de rang élevé de la

Reichswehr, d'active ou retraités, ont été impliqués dans le développement

des exportations d'armes allemandes sur tous les continents, de façon à

maintenir des capacités de production jusqu'à ce que les restrictions du

Traité de Versailles soient levées. Dans une opération, coordonnée par Von

Seeckt après sa retraite, des armes allemandes avec formation et conseil ont

été fournies au parti nationaliste dans la guerre civile chinoise, un peu à la

manière de la célèbre Executive Outcomes d'Afrique du Sud. En termes

d'aujourd'hui, les affaires avec les "rogue states" ont aidé l'industrie

d'armement allemande, y compris Rheinmetall, à être bien préparée pour

l'accroissement à venir de 1933 [Lock 1999 p.12].

L'agitation pendant la crise économique a permis à Rheinmetall en

1933 d'acquérir Borsig le célèbre fabricant de locomotives, turbines etc.,

qui était au bord de la liquidation. Avec l'explosion du réarmement sous le

régime nazi, le conglomérat Rheinmetall-Borsig a prospéré. Le comité des

directeurs a été ensuite dominé par "Reichswerke für Aktiengesellschaft

und Erzbergbau Eisenhütten Hermann Göring", qui lance la transformation

des industries lourdes d'Allemagne et ensuite de l'Europe occupée en

fournisseurs d'armement [Rheinmetall 1939]. En 1939, l'emploi total de

Rheinmetall-Borsig était de 48 000 personnes, il a augmenté jusqu'à 83 000

vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. La gamme de production a été

élargie, des mitrailleuses aux canons les plus lourds. Rheinmetall a

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 201

développé le MG42, le précurseur de la production de masse à bon marché

grâce aux plus grandes tolérances permises par la technique de l'usinage

plutôt que du forgeage. Cette technologie était une priorité sur la liste de

confiscation de l'US Army en 1945. L'usinage à froid de l'acier est devenu

une norme universelle dans la production d'armes automatiques de petit

calibre.

La fin de la Seconde Guerre mondiale a entraîné l'arrêt de toutes ces

activités. Une partie des machines a été confisquée et enlevée comme

réparations de guerre par l'administration alliée. Ce n'est pas avant 1950

que des activités limitées de production civile ont pu recommencer. À

Düsseldorf, au départ, la production a inclus des machines à écrire, des

amortisseurs, etc., plus quelques-uns des produits directs de la reconversion

liés au savoir-faire militaire, comme les pistolets à percussion utilisés à

cette époque dans l'industrie de la construction. Le gouvernement fédéral a

encore conservé la majorité de contrôle de Rheinmetall-Borsig, mais ce

n'est pas avant 1956 que la société a été véritablement ressuscitée.

LA PRISE DE CONTRÔLE PAR LA FAMILLE RÖCHLING

Avec la création de la Bundeswehr (forces armées) et l'allègement

des restrictions alliées qui a suivi, la fabrication des armes a offert de

nouvelles possibilités. La famille Röchling a acquis la majorité de

Rheinmetall-Borsig du gouvernement fédéral à la mi-1956. A cette

époque, la famille Röchling disposait de 200 millions de DM, une grande

somme pour l'époque, résultant de la vente forcée de leur empire de l'acier

localisé dans la région de la Sarre aux gouvernements français et allemand.

La famille Röchling est une des dynasties industrielles allemandes qui ont

émergé avec le développement de l'acier et du charbon dans la seconde

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 202

moitié du XIXe. Originaires de la Sarre, les Röchling, conjointement avec la

dynastie Stumm, ont été les forces dirigeantes des synergies économiques

entre la Sarre et l'Alsace-Lorraine (charbon et minerai) dans les périodes où

l'Allemagne a contrôlé ces régions françaises, c'est-à-dire entre 1871 et

1918, et entre 1940 et 1944. Après la Première Guerre mondiale jusqu'à

1935 et après la Seconde Guerre mondiale jusqu'en 1955, la Sarre a été

sous mandat français et partiellement intégrée à l'économie française.

Après la Seconde Guerre mondiale, les sociétés Röchling ont été mises

sous séquestre et ont été dirigées par le gouvernement français, pendant

que deux membres aînés de la famille Röchling étaient emprisonnés dans la

zone française d'occupation pour crimes de guerre jusqu'à leur

élargissement rapide en 1951. A l'issue de difficiles phases de négociations

entre Adenauer et Pinay, l'expropriation que la partie française avait

espérée a été repoussée et les gouvernements français et allemand n'ont pris

le contrôle qu'en payant 100 millions de DM chacun au holding de la

famille Röchling qui travaillait “en exil” à Mannheim [Rheinischer Merkur

1955; Deutsche Zeitung 1955].

L'acquisition de Rheinmetall était seulement un premier élément de

la transformation bien ciblée du groupe Röchling de ses entreprises

traditionnelles d'acier et de charbon vers un groupe industriel de pointe

diversifié. Après la Seconde Guerre mondiale, le groupe a poursuivi une

stratégie cohérente d'acquisitions systématiques de sociétés de taille

intermédiaire, dont beaucoup étaient des producteurs dans des niches

innovantes, particulièrement dans les applications émergentes

d'électronique et de matières plastiques industrielles. Le groupe Röchling

est sorti totalement de la production d'acier et a investi le revenu de la

vente forcée de ses actifs dans des secteurs modernes en croissance en

Allemagne, en Suisse, en France, aux États-Unis et plus tard, au fur et à

mesure du développement de l'industrie automobile allemande, en

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Naissance de l'Europe de l'armement page 203

Amérique latine, dans le Sud-Est asiatique, en Europe centrale et en Chine.

(voir infra, le schéma du groupe Röchling, appendice 1).

La stratégie du groupe Röchling à travers l'acquisition de

Rheinmetall-Borsig visait clairement le développement des fournitures

militaires après 1956. C'était donc une étape logique de presque

immédiatement se débarrasser de la partie Borsig du conglomérat, car

celle-ci était principalement localisée à Berlin-Ouest où les règlements

alliés interdisaient toute production de nature militaire aux Allemands. Du

point de vue du gouvernement, la vente de Rheinmetall dans cette période

cruciale s'inscrivait dans la tradition des fournitures militaires en

Allemagne depuis 1871, quand s'est fait le changement décisif du passage

des arsenaux aux sociétés privées. Même pendant les deux guerres

mondiales, ce principe a été maintenu. C'était aussi cohérent dans le

contexte de la doctrine économique dominante et de la philosophie

constitutionnelle de la jeune République fédérale. Les deux stipulaient

explicitement que les fournitures militaires devraient être soumises à des

autorités civiles, conformément à la doctrine économique libérale déclarée.

En conséquence, le secteur privé a été systématiquement sollicité

pour prendre en charge la production d'armement nécessaire pour satisfaire

les besoins de la Bundeswehr récemment créée. Cette convention implicite

entre gouvernement et industrie signifie que, jusqu'aux années quatre-vingt,

la majorité des contrats a été définie d'un commun accord et que ce n'est

que sur des articles standards marginaux que des appels d'offres ouverts ont

eu lieu [Petry, 1999]. Ces contrats ont sans doute permis des marges de

profits moyennes élevées. En revanche, le gouvernement n'a pas apporté de

soutien aux fabricants d'armement en proie à des difficultés financières.

Aucun fabricant d'armement n'a été sauvé par nationalisation, comme cela

est arrivé souvent dans d'autres pays européens jusqu'au début des années

quatre-vingt. Par ailleurs, le gouvernement a utilisé à maintes reprises des

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 204

grands contrats pour soutenir l'économie dans les régions à hauts taux de

chômage. C'est ainsi que des chantiers sans expérience de la construction

navale ont eu, parmi d'autres, à construire des frégates. De même, la

production de chars a été développée pour intégrer différents fournisseurs,

etc. [Bode, 1978, p.45-69].

Après la relance de sa production militaire, la première production

de masse d'armement de Rheinmetall a été le MG 1 qui n'était, cependant,

qu'une version légèrement modifiée de son célèbre MG 42 (42 car lancé en

1942). De nouvelles versions de canons antiaériens et de canons pour le

char allemand Léopard ont rapidement suivi. La vitesse avec laquelle

Rheinmetall a été capable de fabriquer une grande gamme d'armes pour les

forces terrestres qui égalent et souvent dépassent les niveaux

technologiques internationaux ne peut être expliquée que par une

combinaison de plusieurs facteurs : le savoir-faire et les plans de la

production sophistiquée de 1944/1945 étaient encore disponibles, des

travailleurs qualifiés, avec une expérience particulière, pouvaient être

d'autant plus facilement recrutés que l'économie était encore sous le coup

de l'effondrement postérieur à la guerre de Corée. De plus, le

gouvernement, profitant de ses excédents financiers dans cette période, a

payé des avances consistantes pour des contrats d'achats d'armement.

Donc, quand Rheinmetall est revenu dans la production d'armement, il

disposait de capitaux à bon marché, d'une main-d'œuvre qualifiée, de plans

de matériels économiques et de beaucoup de savoir-faire particulier pour

cette production (ce dernier facteur est d'ailleurs encore aujourd'hui une

barrière efficace à l'entrée dans la production de tubes de grand calibre).

Plusieurs productions étaient apparemment sans égales quant à la qualité

dans ces années-là et ont été exportées dès le début des années soixante

vers d'autres pays européens où elles ont remplacé les matériels américain

et britannique.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 205

LA DIVERSIFICATION

Sachant que le gouvernement ne le tirerait pas d'affaire en cas de

besoin, Rheinmetall a commencé dès 1972 à se diversifier et à acquérir des

unités de productions civiles. La première acquisition a été celle d'une

société rhénane traditionnelle à contrôle familial, qui fabriquait des

machines sophistiquées d'emballage. Mais les marchés militaires ont

prospéré et Rheinmetall a développé plusieurs armes innovatrices avec

succès, en particulier les canons lisses de 120 mm pour le Léopard 2 et

ensuite pour d'autres modèles de chars. En 1970, a eu lieu une autre

acquisition de départ pour compléter verticalement les gammes de

production militaire avec la prise de contrôle de Nico Pyrotechnik, un

grand fabricant de munitions traditionnelles. Quelques années plus tard,

l'usine de munitions NVVM De Kruithorn en Hollande passe également

sous le contrôle de Rheinmetall. La logique de ces acquisitions reflète

l'interaction entre les pièces d'artillerie et les munitions de plus en plus

sophistiquées qui exigent une intégration de la recherche-développement

dans ces deux domaines, et c'est aussi une logique commerciale.

A la fin des années soixante-dix, plus des deux tiers du chiffre

d'affaires de Rheinmetall étaient des productions militaires. Une première

tentative pour limiter cette dépendance se situe en 1981 avec l'offre

d'acquisition de WMF, le premier fabricant allemand de coutellerie. Mais

cette acquisition n'a pas reçu l'accord du bureau allemand des cartels, dont

les attendus n'étaient cependant pas entièrement convaincants. WMF a

finalement été vendu en 1985. A la suite de cet échec de diversification,

Rheinmetall a commencé à acheter systématiquement dans la production à

grande échelle d'équipements automobiles et a complété ses activités de

machines d'emballage et de machines-outils avec des acquisitions

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 206

considérables. En quelques années seulement, l'emploi a doublé pour

atteindre 16 000 personnes en 1989, la centième année de l'existence de

Rheinmetall. La part de production militaire est tombée en conséquence.

Cette diversification stratégique a été réalisée par Hans U. Brauner, un

ingénieur devenu PDG en 1984 et qui a gardé cette place jusqu'à 1999,

quand il a quitté le comité directeur du groupe Rheinmetall.

Originellement, il venait de Bosch, un groupe de haute technologie

diversifié, un des principaux fournisseurs allemands d'électronique

automobile, avec dès le départ une perspective globale. Mais il n'y a aucun

doute que ce changement de direction a été décidé par la “famille

Röchling”, sans pour autant faire l'objet d'une aussi grande attention que s'il

s'était agi d'une société anonyme.

Sans discuter les détails de chaque acquisition, il est intéressant

d'observer que toutes les sociétés acquises dans ce processus de

diversification étaient des entreprises traditionnelles sous contrôle familial

fondées bien avant la Première Guerre mondiale. Toutes travaillaient avec

succès dans des niches spécialisées du marché et étaient reconnues

internationalement comme producteurs de premier ordre. Elles

appartenaient souvent à la catégorie des moyennes entreprises, typiques du

secteur allemand de la machine-outil. Elles étaient de parfaits interlocuteurs

pour la culture d'entrepreneur spécifique de Rheinmetall qui continue à ce

jour à être contrôlé (approximativement pour 65 % des parts) par la famille

Röchling élargie. Cette structure de la propriété est atypique dans le monde

de fusions et de concentrations d'aujourd'hui. Du coup, la valeur pour

l'actionnaire n'est pas un effet que la gestion doit nécessairement produire.

Il n'est pas surprenant que l'action Rheinmetall soit relativement peu

performante par rapport à la moyenne des principaux indices et par rapport

aux branches industrielles auxquelles Rheinmetall appartient [Röchling,

1999].

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 207

A la suite de ces acquisitions, Rheinmetall s'est redéfini comme un

groupe diversifié poursuivant une internationalisation de sa production bien

avant la fin de la guerre froide et la contraction des budgets d'acquisitions

militaires qui s'en est suivie partout dans l'OTAN. Mais, depuis 1992,

Rheinmetall a nettement poursuivi une stratégie double. D'un côté, la

diversification dans de nouvelles unités de productions civiles a été

continuée, avec par exemple l'acquisition en 1993 de Mauser Waldeck, un

fabricant de mobilier du bureau. Les domaines existants ont été renforcés à

travers des acquisitions comme celle de Kolbenschmidt AG dans le secteur

automobile. Pourtant, Rheinmetall a aussi continué le mouvement de

reconversion directe de sa base de savoir-faire dans l'électronique militaire

vers les marchés de technologie de sécurité civile. Cette évolution vers de

nouveaux marchés l'a aussi amené à des acquisitions dans ce domaine,

comme celle de Systèmes Heimann en 1993.

Mais d'autre part, Rheinmetall n'a pas cessé de prendre le contrôle

d'unités de fabrications militaires de façon à consolider sa forte position

dans des marchés généralement en déclin. La décision déterminée de ne

pas sortir de la production militaire malgré la décroissance des budgets

d'acquisition et, au contraire, d'arriver à une taille critique avec le but de

dominer certains types de production dans l'ensemble européen a, semble-t-

il, été prise par le holding financier Röchling en 1992. Les premières

acquisitions majeures ont été MAK System à Kiel (véhicules blindés et

chars) en 1990, WNC-Nitrochemie (production de composants pour

munitions) en 1992, Mauser-Werke Oberndorf (canons de moyens calibres,

en particulier pour les avions de combat) racheté à Diehl (un concurrent

dans beaucoup de domaines) en 1995, Atlas Elektronik conjointement avec

BAe (49 %) en 1996. L'intégration de WNC-Nitrochemie qui est basé en

Suisse a montré clairement dès 1992 que la stratégie de Rheinmetall dans

le champ militaire était de se positionner comme un fournisseur

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 208

international, devant ses concurrents étrangers potentiels comme GIAT,

Royal Ordnance et d'autres.

La branche automobile s'est aussi développée rapidement. En 1997,

Pierburg AG et Kolbenschmidt ont été fusionnés dans Kolbenschmidt

Pierburg AG. Rheinmetall a atteint un chiffre d'affaires de plus de 8

milliards de DM (à peu près 4 milliards de dollars US). L'emploi total du

conglomérat Rheinmetall est monté à 29 000 personnes, dont 10 700

travaillent dans le secteur des équipements automobiles qui contribue à lui

tout seul pour presque 36 % au chiffre d'affaires total. Tous les secteurs

civils se sont développés internationalement pendant les années quatre-

vingt-dix, y compris des filiales notables aux États-Unis. En 1998, le

chiffre d'affaires étranger a dépassé pour la première fois le chiffre

d'affaires réalisé en Allemagne. Environ un tiers a été produit par le secteur

de la technologie de défense, cependant que la part de l'électronique civile

et de l'engineering (Jagenberg AG) comme celle des équipements

automobiles étaient également d'un tiers chacune.

LE DÉVELOPPEMENT DE L'ACTIVITÉ MILITAIRE

La dimension militaire de l'expansion de Rheinmetall dans les

années quatre-vingt-dix l'a aidé à consolider sa place dans les marchés

d'acquisition militaire à travers son objectif d'intégration verticale (de la

production chimique de base à l'électronique appliquée) dans ses domaines

de compétence établie, mais cela a aussi été permis par les synergies

militaires-civiles dans le champ de l'électronique maritime et des appareils

de sécurité civile. Pourtant ces synergies étaient apparemment limitées

puisque les activités militaires et civiles dans le domaine de l'électronique à

Atlas Elektronik sont séparées entre une organisation militaire et une

organisation civile. Dans une étape suivante, Rheinmetall a pris le contrôle

de toutes les activités de défense de Buck Werke GmbH & Co. qui est

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 209

spécialisé dans les munitions sophistiquées, les appareils de protection

électroniques, les grenades fumigènes, etc. Buck Werke lui-même était un

fournisseur militaire "bavarois" typique, mais il gérait pour se diversifier et

finalement sortir de la production militaire. Buck s'est d'abord implanté

dans l'ancienne Allemagne de l'Est en se spécialisant dans le recyclage des

surplus militaires de la NVA. Mais Buck était aussi parmi les firmes de

taille moyenne qui avaient découvert la demande dynamique de l'ancienne

Allemagne de l'Est après la réunification pour développer des marchés

civils. Entre autres, Buck s'est implanté avec succès sur le marché énorme

des fenêtres étanches qui s'est développé après la réunification.

La sélection du consortium gagnant pour la fabrication du VBCI à la

fin 1998 a accéléré le processus de consolidation du secteur militaire

industriel allemand. L'un après l'autre, de grands acteurs ont vendu leurs

filiales d'armement. Thyssen a vendu sa production de chars, Henschel (à

Kassel) à Kuka, elle-même filiale d'IWKA. Kuka et Henschel faisaient

partie du consortium perdant de la compétition susmentionnée. Krauss-

Maffei, lui-même filiale de Mannesmann et producteur entre autres du char

Léopard, fait partie du consortium gagnant, conjointement avec

Rheinmetall et Wegmann en ce qui concerne les participants allemands. Il

n'en a pas moins quitté le marché militaire et vendu 51 % de ses activités à

Wegmann. Rheinmetall, à son tour, a repris le contrôle Kuka et Henschel

(presque 1 000 employés) à IWKA, comme Krauss-Maffei-Mannesmann

ou Thyssen, un des fournisseurs majeurs de l'armée allemands depuis plus

de cent ans. Par suite de cette consolidation, il ne reste que deux

fournisseurs majeurs de matériel militaire, Rheinmetall et Wegmann. Il

peut y avoir un petit doute quant au fait que Diehl ait déjà vendu une partie

de son activité militaire à Rheinmetall, et quelques autres acteurs

marginaux seront amenés à vendre leurs unités militaires ou à sortir

purement et simplement de la fabrication militaire. Diehl est un fabricant

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 210

militaire bavarois dont l'ascension date de l'époque Strauß, comme d'autres

fournisseurs militaires allemands de taille moyenne, et qui s'est diversifié

avec succès dans des niches de marchés civils avant que les marchés

militaires ne s'écroulent.

On doit noter le faible montant du capital qui a été engagé pour

réaliser cette consolidation rapide. Wegmann, qui est une société privée, et

Krauss-Maffei ont formé une coentreprise 51/49 dans laquelle, de façon

inattendue, Krauss-Maffei n’a pas pris la direction industrielle. On

s’interroge pour savoir pourquoi le plus grand partenaire a laissé la

direction au plus petit. L’une des hypothèses est que Mannesmann veuille

sortir de la fabrication d'armement pour des raisons d'image à la fois et

d’anticipation sur le marché. Mais ce peut être aussi parce que les

partenaires ont conclu que la discrétion relative du statut d'une société

privée offre des avantages substantiels dans ce champ politiquement

sensible que sont la production et les exportations militaires.

Dans le cas de la prise de contrôle par Rheinmetall de Kuka-

Henschel (ex-filiale d’IWKA), la branche d’ingénierie de Rheinmetall,

Jagenberg, a été vendue à IWKA. Les observateurs ont analysé cette

transaction comme un troc d'unités de fabrication. Pour Rheinmetall, cette

étape signifie une remise en cause partielle de la politique de

diversification systématique entreprise pendant les années quatre-vingt et

peut être interprétée comme une reconversion partielle, en sens inverse,

vers la production militaire.

Mais la vraie cible entrepreunariale de la consolidation

expansionniste des activités militaires de Rheinmetall a été implicitement

dévoilée dans la seconde moitié de l’année 1999 quand a été rendue

publique l’acquisition par Rheinmetall du fabricant militaire international

suisse Oerlikon Contraves suisse (filiale d’Oerlikon & Bührle). Oerlikon

Contraves est un concurrent majeur dans les marchés internationaux

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 211

d’artillerie de moyens calibres, les armes antiaériennes et les munitions

sophistiquées. Oerlikon Contraves a des installations de production en

Suisse, en Allemagne, en Italie et au Canada avec un personnel de 2 000

salariés. Pour cette acquisition, le prix payé par Rheinmetall est modeste,

puisque Rheinmetall cède 40 % de Contraves au principal holding militaro-

industriel suisse Ruag..Cette phase va faire de Rheinmetall un fournisseur

privilégié des forces armées suisses. Les analystes ont estimé le prix de

cette transaction entre 120 et 250 millions de DM. A part le fait de

renforcer son rôle dominant dans beaucoup de domaines, on ne sait pas

pour le moment quelles synergies significatives pourraient être exploitées

ni quelle est l’ampleur de la contraction de capacité excédentaire au niveau

européen qui résultera de cette prise de contrôle.

Dans le domaine des munitions spéciales, un autre compétiteur

ancien, le Hollandais Eurometaal, a également été racheté. Au même

moment, la rumeur courait que Rheinmetall était également intéressé à

reprendre à BAe systems le contrôle de Royal Ordnance factories. Mais

c'était avant la surprise de la prise de contrôle de Oerlikon & Bührle.

Actuellement, les observateurs ne croient pas que Rheinmetall maintienne

son intérêt pour Royal Ordnance. Des explications contradictoires ont été

avancées dans la presse. Quelques observateurs ont insisté sur le fait que

Rheinmetall voulait qu’un engagement solide du gouvernement britannique

garantisse l'acquisition de Royal Ordnance, alors que d'autres ont souligné

que Rheinmetall était inquiet d’éventuelles interventions gouvernementales

quant au maintien des capacités de production sur le sol britannique. Plus

globalement, les difficultés de BMW pour le redressement de sa filiale

Rover et le taux de change élevé de la livre britannique découragent les

éventuels acheteurs étrangers de sociétés britanniques.

Fin 1999, Rheinmetall ne s’est pas limité à l’Union européenne. Le

groupe a étendu et considérablement internationalisé son “Groupe de

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 212

technologie de la défense” (DEfence TEChnology Group, DETEC) avec

une base opérationnelle importante à l'extérieur de l'Union européenne et

même quelques points d'appui sur le continent nord-américain. Le chiffre

d’affaires militaire se situe entre 4 et 5 milliards de DM avec une tendance

clairement orientée à la hausse, une fois que les acquisitions récentes seront

consolidées dans les comptes de Rheinmetall. Le Groupe de technologie de

la défense (DETEC) est convaincu que ses produits et ses technologies

bénéficieront d’une demande forte dans le processus en cours de

préparation des forces armées pour les opérations extérieures et les

missions humanitaires [Rheinmetall Geschäftsbericht, 1999]. Rheinmetall

propose aussi maintenant des technologies de déminage, de déclassement

de matériels militaires et munitions pour la reconversion à grande échelle

des stocks de munitions du temps de la guerre froide stockées pour usages

militaires. Alors que le char Léopard reste dans le domaine de Wegmann,

bien que le canon lisse de 120 mm soit tombé dans le portefeuille de

produits de Rheinmetall, la société met maintenant en œuvre la production

de toutes les autres classes de véhicules blindés. Il est vraisemblable que

Rheinmetall consolidera sa forte position comme fournisseur des forces

terrestres, tout en maintenant son rôle comme fournisseur de niches dans

les composants navals, les armes d’avions de combat et les simulateurs

militaires, essentiellement sur la base des synergies entre ses différents

segments de production.

LE NOUVEAU PAYSAGE ALLEMAND

Dans certains domaines, il reste deux concurrents moins puissants

en Allemagne, Wegmann (char Léopard) et Diehl, producteur principal de

chenilles de chars et de beaucoup de spécialités électroniques militaires et

de munitions. Les conditions sont en place pour que Wegmann et

Rheinmetall contrôlent "coopérativement" le "marché" et conjointement

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 213

essaient d’installer leur gamme de produits en situation prédominante en

Europe. La situation pour Diehl est plus ambiguë. D'un côté Diehl s'est

partiellement renouvelé en un groupe diversifié visant des marchés civils

pour les équipements automobiles et les métaux spéciaux pour la monnaie.

D’un autre côté, malgré son excellence dans quelques niches de

combinaisons de savoir-faire dans les munitions et l'électronique très

spécialisée, Diehl n'arrive pas à la masse critique considérée indispensable

pour survivre comme acteur indépendant dans les marchés nationaux et

internationaux d’acquisitions d’armement. Une partie de sa gamme de

produits rivalise directement avec celle de Rheinmetall. Les deux firmes

ont, par exemple, développé des systèmes de déminage presque identiques

pour les opérations de déminage d’après-conflit, mais aussi des munitions

sophistiquées semblables. La concentration dans ces domaines paraît

inévitable d'une façon ou d'une autre.

L’approvisionnement en matériels terrestres en Allemagne est

maintenant dominé par deux sociétés privées à capital familial, Wegmann

et Diehl, avec des obligations limitées de rapports, et Rheinmetall qui est

une société par actions dont la majorité est contrôlée cependant par la

famille Röchling. Diehl s'est transformé en une fondation qui contrôle un

conglomérat diversifié d’environ 50 petites et moyennes sociétés,

maintenant organisées dans quatre groupes indépendants, à savoir métaux,

technologie de la défense, avionique et systèmes de contrôle et instruments.

Le personnel total était de 12 000 employés à la fin de 1998, dont 1 000 à 2

000 dans la production militaire directe, Diehl étant de plus un fournisseur

militaire de second et troisième rang [Diehl, 1999].

Cette restructuration a été lancée par la famille Diehl en réaction au

déclin des profitables contrats de fournitures d’armements obtenus depuis

plus de quatre décennies des structures qui ne sont pas des structures de

marché et dépendent essentiellement du lobbying politique et d’une

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 214

politique militaro-industrielle dépassée, prolongeant les décisions

d’équipement du temps de guerre. Le fondateur de la société était déjà un

impitoyable profiteur des fournitures d'armement pendant la Seconde

Guerre mondiale. L'expansion extraordinaire de Diehl après celle-ci a

continué d’être fondée sur les fournitures militaires. Dans l'après-guerre,

Diehl a représenté le prototype de ces sociétés bavaroises dont le succès a

été fondé sur les liaisons politiques intimes avec la CSU sous Franz - Josef

Strauß, un temps influent ministre de la Défense (Lock/Voß 1994 p.346).

Pour réagir à la décroissance des achats d’équipements militaires, Diehl

s'est transformé de société privée à contrôle familial en fondation. La

fondation comme centre nerveux du conglomérat donnera à Diehl la

souplesse pour créer des sociétés par actions et être capable d'attirer des

investisseurs (éventuellement étrangers). Il est maintenant vraisemblable

que Diehl profitera de son rôle historique de producteur sous licence

préféré de la technologie américaine fournie à la Bundeswehr (Sidewinder,

Stinger, etc.) pour s’imposer comme tête de pont des alliances

transatlantiques à travers lesquelles les producteurs américains cherchent à

entrer dans les marchés européens d'acquisitions d’armement. Les liens

existants avec Lockheed (entre autres les productions sous licence) seront

un test de l'évolution à venir des stratégies transatlantiques dans l'industrie

d'armement. Sinon, les sites militaires de Diehl finiront par être absorbés

par Rheinmetall ou devront fermer.

L’avenir de Wegmann-Krauss-Maffei est légèrement plus flou, car

c'est pour l'instant un des principaux acteurs de la production militaire

(chars de bataille), avec une position forte. Dans sa structure actuelle, il

paraît impossible de défendre cette position forte, si une nouvelle

génération de technologie des chars venait à être demandée par les forces

armées. Comme société privée, il n’aurait pas la masse critique ni le capital

suffisant pour lancer une génération entièrement nouvelle de chars. Donc,

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 215

une consolidation, très probablement sous la forme d’une fusion avec

Rheinmetall qui est beaucoup plus développé, deviendrait impérative, dans

le cas - peu probable, il faut le dire - où de nouvelles générations de chars

de bataille auraient encore un avenir militaire. Cependant on doit souligner

que, au début de l’année 2000, les trois principaux fournisseurs allemands

de matériels militaires ne jouent pas tous dans la même catégorie :

Rheinmetall emploie 10 200 personnes dans la production militaire, alors

que Wegmann-Krauss-Maffei n’en a que 1 900 [Rheinmetall 11/1999] et

que pour Diehl l’évaluation est d’environ 2 000 personnes.

UNE STRATÉGIE DANS LE CONTEXTE ALLEMAND

Si on compare la stratégie de Rheinmetall avec celle des sociétés

qui, en Europe, avaient les mêmes fondements, on constate plusieurs

caractéristiques. Après la Seconde Guerre mondiale, la société n'est pas

passée sous le contrôle de l'Etat, ceci s’inscrivant dans une stratégie

gouvernementale claire de ces quarante dernières années de ne pas soutenir

de fournisseurs militaires défaillants. Cependant, cette politique

gouvernementale apparemment dure a été considérablement atténuée par

les procédures réelles de contrats, influencées par les pressions politiques.

Le fait que Diehl, un des fournisseurs survivants, maintienne encore un

bureau de liaison “indépendant” à Bonn [voyez : website www.diehl-

gruppe.de] où le ministère de la Défense continue à opérer, et à Koblenz,

où est installé le BWB, le bureau civil d'acquisition, éclaire ce qu’est la

culture de l'acquisition en Allemagne. De plus, les survivants actuels,

Rheinmetall et Diehl, ont très tôt incorporé stratégiquement le changement

majeur dans le paradigme de la technologie de défense dans leurs

productions, à la fois en se concentrant sur le développement et

l'intégration des composants électroniques, et en développant les synergies

civiles-militaires dans ce domaine.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 216

Le dernier rapport annuel de Rheinmetall insiste sur ce point : "Dans

le domaine de l'électronique que nous continuons à développer

systématiquement, nous élargissons continuellement notre place grâce à

l’approfondissement des connaissances et aux transferts internes de

savoir-faire et aux projets d'innovation qui touchent aussi bien nos

activités de technologies civiles que militaires." [Rheinmetall 1999, p.12].

Le rapport annuel continue: "Après 20 années de changement structurel,

nous sommes une entreprise aux risques diversifiés, présente dans les

domaines des équipements automobiles, de l’électronique, de la défense et

de l’ingénierie425. Nous ne sommes pas un conglomérat. Nous maintenons

nos racines dans la défense426. Mais nous ne sommes plus un fournisseur

d’armements. Nous tirons 80 % de nos profits des activités civiles427. Nous

devons et nous voulons grandir, parce que “la masse critique” de toutes

nos activités industrielles est irrévocablement en croissance."

[Rheinmetall, 1999, p.12].

La recherche-développement de Rheinmetall est orientée vers les

niveaux internationaux les plus hauts. Au début des années quatre-vingt-

dix, le PDG de Rheinmetall a souligné ce point et a même tourné en

dérision la bureaucratie des services d’acquisition allemands en disant

publiquement qu'elle n’était pas assez exigeante et que les forces armées se

satisfaisaient de spécifications militaires indiscutablement médiocres en

comparaison des niveaux courants de la plupart des systèmes civils. Alors

que beaucoup d'observateurs ont été choqués par cette déclaration, sa

logique anticipait en fait déjà les exigences de Rheinmetall pour réussir à

être le principal acteur international d’un marché européen consolidé qui,

425 Voir l'appendice 2.426 On peut noter que le mot utilisé dans le texte allemand est « defence » par opposition à « Verteidigung ». Cela souligne l’orientation vers l’internationalisation et en même temps minimise la dimension militaire dans le contexte allemand. 427 (ce qui implique que les activités de la défense pour l'instant peu performantes.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 217

comme il l’a pressenti clairement, demandera des solutions bien éloignées

des procédures routinières héritées de la guerre froide qui sont encore en

vigueur actuellement [Germershausen, 1993]. Une interprétation plus

générale de cette déclaration est aussi que le président a mis en lumière le

besoin d’adapter la technologie militaire à une absorption plus rapide de

l'innovation technologique venant du secteur civil de l'économie globale.

En cette fin de siècle, les principaux groupes industriels allemands,

même ceux dont les origines étaient dans la production d’armement, sont

sortis du secteur militaire. Cette liste comprend des noms aussi connus que

Siemens428, Thyssen, Krupp, IWKA, Mannesmann-Krauss-Maffei,

Ruhrstahl etc. Daimler-Chrysler, qui contrôle Dasa, est une exception.

Mais dans le cas de Dasa, il n’est pas faux de dire que l’impulsion

stratégique principale est l’aviation civile et l’espace, et que les contrats

pour les avions militaires ne sont rien d’autre qu’une forme de soutien à

l'industrie aéronautique déjouant les limites que l'Union européenne s'est

imposée à elle-même, dans un accord avec les États-Unis. En Allemagne,

même la construction navale s’est ouverte sur beaucoup de domaines dans

le but d’assurer la survie des chantiers navals dans les marchés civils très

compétitifs et volatils. L’exception notable est Lürssen - encore une

discrète société privée -, qui se spécialise dans les petits bâtiments

militaires pour exportation mais s’est aussi diversifié dans la construction

de yachts de luxe pour les magnats exotiques.

La liaison historique forte entre acier, fabrication de machines et

production d'armement en Allemagne après 1871 a complètement cessé

d’exister. La production d'armement dans le contexte allemand de l’après-

428 La récente prise de contrôle de Mannesmann par Vodaphone a entraîné une conséquence paradoxale puisque, après cette prise de contrôle, Vodaphone s'est débarrassé de ATEC, qui réunissait toutes les activités traditionnelles de Mannesmann, surtout dans les machines-outils, avec entre autres Krauss-Maffei. ATEC ayant été repris par Siemens-Bosch, Siemens se retrouve donc avec une participation minoritaire dans la production du char Leopard…

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 218

Seconde Guerre mondiale n'a jamais acquis plus qu'un statut de niche, pas

très petite parce que l’industrie manufacturière était en général une

composante beaucoup plus importante de l'économie que dans les autres

pays européens. Ce volume correspondant seulement à un statut de niche

dans l’industrie manufacturière allemande, équivalait à une branche déjà

considérable pour les secteurs industriels anglais ou français, beaucoup

plus réduits. Néanmoins, la rhétorique politique quant aux activités de

fabrication d'armement en a fait un élément essentiel, tourné vers l’avenir

du statut de l’Allemagne comme puissance industrielle globale. Les mythes

qui revendiquent pour cette activité le leadership de l’innovation

technologique se sont lentement écroulés pendant ces vingt-cinq dernières

années. Une approche plus réaliste s’est fait jour dans la transformation et

l’expansion de la Fraunhofer Gesellschaft429 en un élément majeur du

système allemand de l'innovation. Il est vrai que la plupart des industriels

de l'acier et des machines-outils, ayant joué un rôle historique dans

l’armement, n’ont pris qu’une part limitée aux fournitures pendant les

quinze premières années, mais beaucoup ont commencé à sortir du secteur

à partir de 1970 simplement en fermant des chaînes de fabrication ou en

liquidant des unités de production. C’est dans ce mouvement général que la

société bavaroise Diehl est devenue le premier producteur de chenilles pour

les véhicules militaires blindés avec une usine située en plein cœur de la

Ruhr, rachetée au groupe Ruhrstahl.430

La saga du lobby militaro-industriel en Allemagne insiste sur le fait

que la politique restrictive d'exportation d'armement aurait gêné le

429 Institution bavaroise de recherche scientifique, la Fraunhofer Gesellschaft reçoit au début de son existence beaucoup de crédits du ministère de la Défense, étant donné l’importance de l’industrie d’armement en Bavière. Dans les années soixante, la tutelle financière de la Fraunhofer Gesellschaft passe à l’Etat fédéral, qui infléchit son activité vers la recherche appliquée en lien avec le secteur privé. La recherche militaire se réduit très fortement et ne représente plus qu’une part marginale.430 Ce fabricant d’acier a été un acteur important de la production d’armement en Allemagne, puis il sort du secteur en cédant ses activités à Diehl.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 219

développement de l'industrie. Pourtant, les industries qui fournissent les

forces terrestres ont acquis une place dominante comme exportatrices dans

les pays européens de l'OTAN dans une large gamme de produits depuis le

char Léopard jusqu'au G-3, et l'industrie navale a dépassé ses rivales

britannique et française dans les marchés internationaux. Comme il n'y a

aucune production autonome d'avions de combat en Allemagne, les

exportations ont été réalisées par les pays partenaires de la coproduction.

Donc, à l'exception431 des marchés généralement considérés comme très

avantageux des pays opposants à Israël qui, pour des raisons politiques,

sont restés hors des limites des exportations allemandes d'armement, il n'y

a qu'un très petit nombre d'occasions lucratives d'exportation qui aient été

manquées par les fabricants allemands d'armement par suite de ces

règlements d'exportation soi-disant restrictifs.

A partir de 1980, potentiellement, tous les industriels ont commencé

à se diversifier dans les marchés civils, principalement en achetant des

unités dans ces productions. Et c'est seulement dans les années quatre-

vingt-dix que des sociétés comme Rheinmetall et Diehl ont commencé à

explorer intensivement les synergies entre leurs savoir-faire militaires et les

applications civiles potentielles. Les domaines les plus évidents étaient

ceux des technologies du contrôle et de l'observation, applicable dans le

marché de la sécurité civile en croissance rapide. Mais ces efforts n'ont

rencontré que des succès modestes.

L'industrie de l'aviation militaire est un cas à part. Elle est restée loin

derrière celle du Royaume-Uni et de la France. A l'heure actuelle, la

compétence technologique propre de Dasa n'est pas complètement au

niveau de celle de ses partenaires britannique et français. La question de la

diversification ne joue pas et pratiquement toutes les productions, civiles et

431 Il existe quelques exceptions non négligeables, comme la livraison de chars Fuchs (chars conçus pour la détection d’armes chimiques) à l’Arabie saoudite.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 220

militaires, sont réalisées en coproduction internationale.

Un trait commun de ces sociétés allemandes restées dans le domaine

du matériel d'armement terrestre est qu'elles sont ou bien des sociétés

privées (Wegmann, Diehl) ou bien des sociétés par actions, mais à contrôle

quasi privé (Rheinmetall). De plus, au moins deux d'entre elles (Diehl et

Rheinmetall) ont un bon niveau dans la diversification vers les marchés

civils, mouvement commencé bien avant la fin de la guerre froide et qui

leur a donné une grande flexibilité pour réagir à la contraction de la

demande militaire. La volonté de survivre et finalement de s'étendre dans le

processus prévisible de consolidation des fabrications d'armement à

l'intérieur de l'Union européenne et au-delà commence à être coûteuse.

Soutenir une telle stratégie pèse négativement sur les résultats courants par

rapport aux moyennes de l'industrie. Les sociétés privées ou quasi privées

ne sont pas, elles, soumises aux insistances des actionnaires qui

généralement veulent des plus-values à court terme. Le fait est que

Rheinmetall peut agir avec horizon de plus long terme que celui des

sociétés par actions normales, presque comme une société privée. Un autre

facteur important peut être la nécessité d'acquérir la masse critique

nécessaire pour ne pas être évincé de l'ensemble des intégrateurs de

systèmes militaires. Là, il semble que Rheinmetall ait clairement pris la

première position, en particulier en ce qui concerne le profil international

déjà réalisé de son activité militaire, comparé à ses rivaux allemands

Wegmann et Diehl.

Plus généralement, pour gagner dans cette lutte pour la vie comme

intégrateur de systèmes militaires dans les marchés européens d'acquisition

dans les dix années à venir, il faudra des ressources financières

extraordinaires et une grande vigueur entrepreneuriale. Il ne sera pas facile

de convaincre les marchés financiers traditionnels de fournir le

renforcement en capital indispensable et ce pour un horizon temporel

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 221

forcément étendu. Il peut exister deux situations alternatives susceptibles

de procurer ces fonds : soit des aides gouvernementales substantielles

apportées de manière déguisée à des “champions nationaux”432, soit un

marché protégé, stable, avec des marges élevées. Toutes les deux sont

fondamentalement des choix politiques. Est-ce que les prochains

gouvernements joueront encore la carte nationale et choieront les

“champions nationaux” comme dans le passé ? Et est-ce que les dictatures

grandes consommatrices d'armements de pays exportateurs de pétrole

continueront à procurer des marchés privilégiés pour certains champions

nationaux ?

On peut aussi prendre en considération des paramètres plus

généraux comme les barrières à l'entrée pour les nouveaux venus quant au

niveau de savoir-faire nécessaire pour maîtriser certains éléments de

production, ou bien au contraire l'évolution en sens inverse qui est que la

technologie de pointe civile va prendre le pas sur la spécificité des savoir-

faire militaires. Même s'il semble que cette dichotomie simplifie à

l'extrême les questions en jeu, une observation prudente de ces sujets aidera

à mettre en évidence la logique des changements profonds et continus du

mode d'acquisition d'armement des pays membres de l'Union européenne.

Dans une perspective allemande, les spécificités du “capitalisme

rhénan” et les traditions de “Mittelstand”433 n'ont cependant pas perdu toute

signification, face à l'attaque massive du capital financier, perçue comme

un paradigme anglo-saxon alternatif souvent présenté comme l'unique

déterminant du destin économique.

432 On sait qu'une part notable de la prospérité du groupe BAe Systems vient du contrat Al Yamamah signé entre la Grande-Bretagne et l'Arabie saoudite et qui assure depuis le milieu des années quatre-vingt 2 à 3 milliards de livres de chiffre d'affaires annuel au groupe britannique, avec des marges considérées généralement comme très substantielles.433 il n’existe pas véritablement de terme en français pour désigner ces entreprises de taille moyenne à capital et contrôle familiaux historiques, qui dominent particulièrement le secteur de la machine-outil en Allemagne.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 222

APPENDICE 1: LE GROUPE RÖCHLING :

Au XIXe siècle, c'est une dynastie de l'acier, se développant

verticalement, installée d'abord dans la Sarre à Völklingen et ayant aussi

des intérêts en Lorraine.

Après 1945 : c'est un groupe organisé autour d'un holding familial,

avec quelques difficultés de redémarrage dans la période de séparation de

la Sarre jusqu'en 1954.

De 1954 à 2000 : évolution fondamentale d'un groupe sidérurgique

allemand vers un holding diversifié de hautes technologies

Le holding familial (183 personnes en 1999*) contrôle deux groupes

Gebr, Röchling Mannheim

(holding familial: 100 % )

Röchling

Industrieverwaltung

GmbH Mannheim

(holding familial: 100 % des actions ordinaires + 50

% des actions préférentielles)

Technologies de la

Communication

Technologies du

Contrôle

Synthetics Bois et métal

Automation Rheinmetall

DETEWE Gossen-Metrawatt

Röchling Haren

Depalor S.A.(F)

Funke + Huster Voir annexe

2Francotyp Camille Bauer (CH)

Sustaplast KG

WKP GmbH.

Fernsig GmbH

Postalia GmbH

Bertram GmbH

MKV-Medilast

CDM Laminates(Canada)

Röchling Services

technologiques

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Naissance de l'Europe de l'armement page 223

Voigt &

Haeffner

Wilh.Lambrecht

GmbH.

Seeber-

Gruppe

Röchling

Kalt-

Walzwerk

KG

BEA AG Röchling Getriebe

Total (1998) :.40 000 salariés ; 11 milliards de DM de chiffre d'affaires dont plus de 50 % à l'étranger

En italique : les sociétés sidérurgiques (déjà contrôlées avant la Seconde Guerre mondiale.).

Note : plusieurs sociétés plus petites, peu connues, ne sont pas incluses dans ce tableau

Source : Röchling, 1999, Röchling-Gruppe, 1998.

APPENDICE 2 : ORGANISATION DU GROUPE

RHEINMETALL

(Röchling Industrial Administration GmbH (65 % actions à droits de vote,

9.2 % des actions sans droits de vote)

Rheinmetall AG

Kolbenschmidt-

Pierburg

(équipements

automobiles)

74 % Rheinmetall

Rheinmetall

Elektronik AG

(électronique;

sécurité civile)

67 % Rheinmetall

33 % Energie Baden-

Würtemberg AG

Rheinmetall

DETEC AG

(technologie

militaire)

100 % Rheinmetall

Jagenberg

(ingénierie)

vendu en 1999 à

IWKA en échange de

Mauser

Systèmes et

dispositifs d'armes et

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 224

de munitions.

Oerlikon-Contraves

(Suisse, Italie).

Ne sont pas inclus

dans les comptes

consolidés :

Mauser (Oberndorf)

Eurometaal (Pays-

Bas).

STN Atlas

Electronik 51 %,

BAe-Systems 49 %

Chiffre d'affaires 1,6

milliard de DM

Effectifs : 4 400

Systèmes navals.

Systèmes pour forces

terrestres et aériennes

Simulation

Electronique navale

Chiffre d'affaires :

3 milliard de DM

Chiffre d'affaires :

1,4 milliard de DM

Chiffre d'affaires :

3,6 milliard de DM

STN Atlas non

compris

Chiffre d'affaires :

1 milliard de DM

Salariés : 12 500 Salariés : 6 000 Salariés : 10 200

STN Atlas non

compris

Salariés : 3 600

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Naissance de l'Europe de l'armement page 225

SOURCES :

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Barrett, Paul M., "Colt’s announces intent to purchase German gun maker Heckler & Koch", in : Wall Street Journal, 9 décembre 1999.

Bode, Hans-Günter, "Rüstung in der Bundesrepublik Deutschland", in : Die Bundeswehr, Eine Gesamtdarstellung, Regensburg, Walhalla U. Praetoria Verlag, 1978.

Brockhaus’ Konversations-Lexikon, 20 volumes, Leipzig, 1908.

Brzoska, Michael, Zusammenhang zwischen zivilen und militärischen Hochtechnologien, Ein Literaturbericht zur sozialwissenschaftlichen Forschung mit besonderer Berücksichtigung der Luftfahrtforschung und Industrie, Bonn, BICC, 1998.

Caspari, Friedhelm, "Statt Wehrtechnik deutliche Zusächse mit zivilen Aufträgen", in: Die Welt, 17 juillet 1999.

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Deutsche Zeitung, "Kesseltreiben gegen die Familie Röchling", 20 avril 1955.

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Diehl-Gruppe website : diehl-gruppe.de.

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Ehrensberger, Wolfgang, "Rüstungskonzern Diehl schließt Standorte", in: Die Welt, 13 septembre 1999.

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Genous, Jörn, "“Rhino” räumt weltweit mit Minen auf", in Kieler Nachrichten, 28 mai 1999.

Germershausen, Raimund, "Die Bedeutung von Forschung und Entwicklung für die deutsche wehrtechnische Industrie", in neuem Rahmen, Vortragsmanuskript (Studiengesellschaft der DWT 7/8. Juin 1993, mimeo.

Helmer, Jean-Yves, "La DGA: évolutions et perspectives", in: Défense Nationale, novembre 1999, pp. 55-67.

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 226

"Krauss-Maffei zieht sich vom traditionellen Rüstungsgeschäft zurück", in: Frankfurter Allgemeine, 27 mai 1999.

"Jagenberg geht an Sachsenring und IWKA", in: Börsenzeitung 26 novembre 1999.

Lock, Peter, Africa, "Military downsizing and the growth in the security industry", in : Jakkie Cilliers, Peggy Mason, Peace, Profit or Plunder, The Privatisation of Security in War-torn African Societies, Halfway House (ISS),1999, pp. 11-36.

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Margiota, Franklin D. (éd.), Brassey’s Encyclopedia of Land Forces and Warfare, Washinton D.C. and London, Brassey’s, 1996.

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Rheinmetall, 50 Jahre Rheinmetall Düsseldorf 1889-1939, Düsseldorf, 1939.

"Rheinmetall übernimmt die Rüstungstechnik von Bührle", in: Frankfurter Allgemeine, 15 septembre 1999.

"Rheinmetall verkauft Jagenberg an Sachsenring", in: Handelsblatt 26 novembre 1999.

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Rheinmetall, Geschäftberichte, 1990 à 1999.

"Röchling-Gruppe, Konzernumsatz steigt auf mehr als 10 Milliarden DM", in: Handelsblatt, 17 juin 1999.

"Röchling profitiert vom Zuwachs bei Rheinmetall", in : Börsenzeitung, 16 juin 1999.

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"Umbau von Krauss-Maffei ist fertig", in : Börsenzeitung, 27 mai 1999.

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Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 227

ANNEXE : RÉSULTATS 1994-1998 DES FIRMES

FRANÇAISES D'ARMEMENT434

434 Jean-Paul Hébert, à partir des rapports annuels des firmes

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 228

NOM Aérospatiale SNI

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

4698,02 4064,14

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

-0,9147 -500,34

Effectif total en fin

d'exercice

Effectif total moyen 24508 23388

Exportations en millions

d'euros

2184,9

Dépenses de R&D en

millions d'euros

1581,2 1415,03

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

1614,44 1354,51

EBE (millions d'euros) 277,762 72,8706

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

729,316 802,034

Nombre d'actions (en

millions)

46,078 46,078 46,078 46,078 46,078

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

-0,0198 -10,859 2,68615 4,69086 3,43163

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 229

NOM Aérospatiale groupe

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

Chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

1939,15 1804,84 1765,82 1798,75

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

7403,38 7504,46 7757,37 8581,81 8379,82

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

-81,56 -219,83 123,789 216,173 158,09

Effectif total en fin

d’exercice

37087 36647

Effectif total moyen 39556 38666 38260

Exportations en millions

d’euros

5095,91 5287,08 5823,55 6433,35 6239,89

Dépenses de R&D en

millions d’euros

815,14 832,67 924,908 1029,95 1276

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

2477,14 2530,65 2553,06 2703,53 2692,71

EBE (millions d’euros) 413,747 469,086 403,99 473,049 541,804

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

875,82 871,551 817,737 1014,85 1131,17

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 230

NOM Alcatel (société-mère)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

801 918 901

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

630 407 4069

Nombre d’actions (en

millions)

146,5 150,6 161,8 163,2 198,7

Cours moyen (en euros) 93,6037 68,907 67,23 105,8 140,5

Gain par action après

amortissement (en euros)

3,72 2,51 1,61 4,3 20,81999

99

Dividende distribué par

action (en euros)

2,28 1,22 1,52 1,76 2

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 231: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 231

NOM Alcatel (groupe)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

1524,49 1615,96

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

25557 24455,3 24712,3 28335,4 21259,2

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

551,865 -3900,1 415,424 711,175 2339,94

Effectif total en fin

d’exercice

196900 191830 190600 189500 118000

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

18503,2 18397,9 19275,5 23085,5 17645,1

Dépenses de R&D en

millions d’euros

2469,83 2525,78 2500 2800

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

406,734 1301,76 958,447

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 232

NOM CEA-Industrie

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

Nombre d’actions (en

millions)

27,985 27,985 27,985 27,985 27,985

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

3,953 2,10532 2,54285 9,31006 2,62822

Dividende distribué par

action (en euros)

2,21051 3,4301 3,75025 4,31431 6,18943

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 233: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 233

NOM CEA-Industrie (consolidé)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

7696,54 7961,04 8078,73 8171,88 7844,87

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

203,215 271,359 250,779 289,348 287,519

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen 42901 44302 43587 42106 50481

Exportations en millions

d’euros

3721,28 2947,91 3263,48 3290 3702,07

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

3735,15 4349,52 4492,67 4376,81

EBE (millions d’euros) 1534,86 2069,34 2241,76 2022,24

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

1496,13 1877,26 2071,02 2187,95

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 234: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 234

NOM Dassault Aviation

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

1125,23 960,429 954,331 1665,66

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

1554,83 1495,68 1526,17 2540,72 2669,23

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

40,0941 43,9053 146,046 152,144 183,854

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen 9381 9299 9233 9092 9082

Exportations en millions

d’euros

579,154 786,942 938,933 2043,43 2182,61

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

84,4568 78,9686 121,197 228,064 270,902

Nombre d’actions (en

millions)

10,126 10,126 10,126 10,126 10,126

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

3,96367 4,26857 14,4827 14,94 18,1414

Dividende distribué par

action (en euros)

1,29582 1,29582 4,80214 5,03082 6,00649

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 235

NOM Dassault Aviation (groupe)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

1134,68 967,746 960,124 1666,12 1694,62

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

1923,3 1767,34 1981,84 3208,59 3441,08

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

65,4006 80,1882 174,859 200,623 205,959

Effectif total en fin

d’exercice

11874 11977 12044 12583 11632

Effectif total moyen 11861 12068 12259 11582

Exportations en millions

d’euros

920,487 1018,66 1323,87 2685,54 2811,77

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

157,785 146,046 205,654 304,898 382,799

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 236

NOM Dassault Electronique

Année du résultat 1994 1995 1996 1997

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

351,852 424,723 457,347

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

418,777 467,561 450,639 488,904

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

14,6351 18,599 18,1414 18,4463

Effectif total en fin

d’exercice

2796 2816 2738 2594

Effectif total moyen 2804 2640

Exportations en millions

d’euros

78,0539 160,071 180,652 249,407

Dépenses de R&D en

millions d’euros

48,0214 45,2774 61,437

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

105,19 70,5839 83,9994 77,1392

Nombre d’actions (en

millions)

4,709 4,709 4,709 5,17

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

3,12063 3,95453 3,86001 3,56883

Dividende distribué par

action (en euros)

0,65553 0,65553 0,97567 1,06714

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 237

NOM Dassault Electronique (groupe)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

418,015 466,189 446,066 487,684

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

620,925 648,518 695,015 749,439

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

9,60429 -3,2014 17,8365 19,8184

Effectif total en fin

d’exercice

4087 3968

Effectif total moyen 4077 4113 4085

Exportations en millions

d’euros

134,308 210,837 307,032 372,281

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

137,661 92,9939 95,1282 117,386

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 238

NOM DCN

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

2286,74 2231,85 2195,27 2012,33 1656,82

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

2332,47 2277,13 2241 2012,33 1708,04

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

8,68959 -7,9273 -28,813

Effectif total en fin

d’exercice

23170 22478 20397 19276 17581

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

256,572 273,189 386,001 382,342 171,048

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 239

NOM Eurocopter holding

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

Effectif total en fin

d'exercice

Effectif total moyen

Exportations en millions

d'euros

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

-0,2744 -0,2287

EBE (millions d'euros) -0,5336 -0,8232

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

Nombre d'actions (en

millions)

37,206 37,206 37,206 37,206 37,206

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

-0,2165 -0,0061

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 240

NOM Eurocopter groupe

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

729,316 749,134 682,514 748,83

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

1402,53 1420,37 1447,35 1555,44 1701,94

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

-44,972 -447,9 -43,6 2,89653 50,4606

Effectif total en fin

d'exercice

10023 10209 9709 9297 9651

Effectif total moyen

Exportations en millions

d'euros

771,392 905,852 918,658

Dépenses de R&D en

millions d'euros

247,12

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

654,616 735,719

EBE (millions d'euros) 111,135 189,342

MBA (millions d'euros) 48,7837 140,863

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

Nombre d'actions (en

millions)

37,206 37,206 37,206

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 241: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 241

NOM Eurocopter (France)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

920,792 921,402 989,851 1041,23 1182,09

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

-47,259 -303,37 -22,867 19,361 40,399

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen 6664 6406 6065 5818 5894

Exportations en millions

d’euros

Dépenses de R&D en

millions d’euros

47,869 41,1612 60,2174 49,241 47,5641

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

364,201 372,433 355,206 432,498 480,824

EBE (millions d’euros) 90,7072 125,923

MBA (millions d’euros) 53,0523 109,458

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

20,4282 -56,406 -6,098 53,0523 109,458

Nombre d’actions (en

millions)

36,078 36,078

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

-1,2775 -8,1987 -0,6174 0,53815 1,12202

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 242

NOM GIAT Industries

Année du résultat 1994 1995 1996 1997

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

782,063 910,121

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

823,225 929,939

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

Effectif total en fin

d'exercice

Effectif total moyen

Exportations en millions

d'euros

452,774

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

EBE (millions d'euros)

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

Nombre d'actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 243

NOM GIAT Industries groupe

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

998,541

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

1265,33 1280,57 1021,41 1100,07

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

-1570,2 -317,09 -434,48 -133,24

Effectif total en fin

d’exercice

11228 11128 10900 10273

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

510,704 659,952

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 244: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 244

NOM Intertechnique

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

37,9598 34,301 32,1667 28,8129

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

94,2135 98,3296 103,056 117,691 132,173

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

1,52449 10,6714 3,20143 8,3847 8,23225

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen 852 848 836 835 829

Exportations en millions

d’euros

36,5878 36,2829 41,3137 49,6984 56,711

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

62,809 65,2482 70,5839 80,798

EBE (millions d’euros) 21,1904 22,2576 26,3737 34,4535

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

22,8674 19,0561 24,3918 30,3374

Nombre d’actions (en

millions)

1,103 1,103 1,103 1,104 1,108

Cours moyen (en euros) 91,4694 77,749 95,2806 171,505 251,541

Gain par action après

amortissement (en euros)

1,33698 9,65002 2,93922 7,55842 7,36939

Dividende distribué par

action (en euros)

0 2,07331 2,28674 3,81123 4,57347

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 245

NOM Intertechnique (consolidé)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

76,6819 75,6147 71,3461

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

205,501 226,082 256,267 289,958 333,254

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

0,48784 3,81123 6,86021 12,0435 14,94

Effectif total en fin

d’exercice

2378 2510 2495 2530 3040

Effectif total moyen 3026

Exportations en millions

d’euros

76,6819 106,105 134,765 169,981

Dépenses de R&D en

millions d’euros

28,8129

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

148,333 167,389 183,854 212,209

EBE (millions d’euros) 42,5333 53,5096 65,7055 81,8651

MBA (millions d’euros) 38,1123

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

39,3318 41,4661 54,2719 62,3516

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 246

NOM Labinal

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

214,038 225,929 259,011 297,428

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

20,5806 24,3918 25,6114 24,0869

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen 2477 2480 2561 2706

Exportations en millions

d’euros

40,2465 39,4843 63,8761 86,7435

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

41,6186 33,9961 39,4843 37,35 13,1106

Nombre d’actions (en

millions)

4,108 4,108 4,108 4,108 4,108

Cours moyen (en euros) 116,776 103,513 117,005 211,294 254,742

Gain par action après

amortissement (en euros)

5,50646 4,99423 5,94246 6,22907 5,92722

Dividende distribué par

action (en euros)

3,27765 3,27765 3,27765 4,11612 4,7

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 247

NOM Labinal (consolidé)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

1579,52 1776,49 1951,5 2343,29

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

23,1723 30,6423 62,9614 73,6329

Effectif total en fin

d'exercice

17491 18844 21913 26206

Effectif total moyen 17420 18852 20793 25559

Exportations en millions

d'euros

891,522 1066,23 1240,78 1403,45

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

EBE (millions d'euros)

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

184,158 131,564 111,288 140,71 160,071

Nombre d'actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

17,9432 4,36004 5,65586 7,47 15,3211

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 248

NOM Lagardère groupe (ex Matra-hachette)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

701,265 747 930,091 1171,27 1320,82

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

8082,54 8015,62 8598,28 10046,8 10692

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

93,7561 96,0429 158,242 210,38 280,049

Effectif total en fin

d'exercice

40326 43622 47172 46230 49961

Effectif total moyen

Exportations en millions

d'euros

4158,66 4082,89 4697,11 5707,39 6254,98

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

EBE (millions d'euros)

MBA (millions d'euros) 424,113 401,856 482 589 526

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

Nombre d'actions (en

millions)

85,763 85,767 97,012 119,455 119,96

Cours moyen (en euros) 20,6965 15,6901 20,77 26,5 32,68

Gain par action après

amortissement (en euros)

1,11 1,14 1,68 1,8 2,38

Dividende distribué par

action (en euros)

0,43 0,46 0,56 0,67 0,78

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 249

NOM Matra Hautes technologies

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

701,265 747 930,091 1171,27 1320,82

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

2586,75 2536,75 2979,16 3156,3 3197,01

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

88,4204 71,0412 95,1282 322,125 343,01

Effectif total en fin

d’exercice

17974 18493 20589 19401 17752

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros) 112,965 103,513 155 239 231

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 250

NOM Messier Bugatti

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

57,9306 63,7237 50,1557 37,5025

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

220,746 223,033 219,527 246,053 278,372

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

3,04898 2,95751 8,81155 12,3484 14,7876

Effectif total en fin

d'exercice

1273 1253 1170 1375 1428

Effectif total moyen 1295 1228 1288 1406

Exportations en millions

d'euros

98,9394 96,0429 109,153 119,825 162,358

Dépenses de R&D en

millions d'euros

11,5861 13,7204 11,7386 22,41 22,41

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

89,0302 92,2317 87,0484 100,159 107,477

EBE (millions d'euros) 28,2031 28,508 25,7639 29,88 33,3863

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

21,8002 36,2829 30,3374 24,2394 34,1486

Nombre d'actions (en

millions)

6,706 6,706 6,706 10,106 10,106

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

0,4604 0,44058 1,31411 1,21349 1,46808

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 251

NOM RVI

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

2516,32 3168,65 2696,21 2876,41 3421,72

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

-19,209 135,07 -125,92 -57,931 128,057

Effectif total en fin

d’exercice

14976 15597 14810 13929 11443

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

-12,806 151,687 0 21,1904 110,526

Nombre d’actions (en

millions)

30,426 30,426 30,426 30,426 30,426

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

-0,6342 4,43932 -4,1375 -1,9041 4,20912

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 252

NOM RVI (groupe)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

150,925 167,694 99,0919 76,2245 106,714

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

4514,17 4957,95 4649,7 5229,15 6173,58

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

52,29 108,544 -120,59 -48,936 130,954

Effectif total en fin

d’exercice

25167 25812 26049 25860 25635

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

2741,19 2977,02 2839,82 3475,53 4123,29

Dépenses de R&D en

millions d’euros

174,707 191,476 181,109 141,168 144,827

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

255,962 32,4716 116,166 316,789

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 253

NOM Sagem SA

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

307,795 330,357 469,391 481,586 343,01

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

1001,13 1262,74 1425,25 1714,14 2742,71

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

39,1794 52,5949 104,123 74,7 118,148

Effectif total en fin

d'exercice

5785 6831 8458 8247 12785

Effectif total moyen 5692 6739 8040 8294 12686

Exportations en millions

d'euros

310,539 462,988 572,751 720,931 1144,43

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

400,026 462,835 520,918 595,923 889,388

EBE (millions d'euros) 155,041 242,089

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

84,1519 96,5002 109,916 121,045 166,779

Nombre d'actions (en

millions)

2,719 2,719 2,991 3,988 4,21

Cours moyen (en euros) 408,411 340,724 465,656 447,057 557,963

Gain par action après

amortissement (en euros)

10,7934 14,504 15,1412 18,7238 28,0704

Dividende distribué par

action (en euros)

3,4301 3,735 3,96367 4,19235 4,57347

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 254: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 254

NOM Sagem (groupe)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

460,244 487,837 540,737 559,335 513,601

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

2087,18 2298,32 2349,09 2554,59 2859,18

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

90,5547 97,7198 60,3698 106,409 121,502

Effectif total en fin

d’exercice

14083 14684 14350 13916 13988

Effectif total moyen 14276 14623 14640 14190 13977

Exportations en millions

d’euros

625,498 769,563 856,916 1016,83 1212,73

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

891,217 916,219 928,11 946,556 962,258

EBE (millions d’euros) 238,735 268,92

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

191,171 171,353 197,574 184,463 200,166

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

29,3464 31,5722

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 255: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 255

NOM Sfim

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

Effectif total en fin

d’exercice

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

2,46967 1,85988

EBE (millions d’euros) 1,21959 0,45735

MBA (millions d’euros) 4,26857 4,57347 6,09796

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

4,26857 4,57347 6,09796 0,85371 -2,7441

Nombre d’actions (en

millions)

0,714 0,738 0,755 0,755 0,755

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

5,04301 5,03692 -51,528 5,11924 -149,55

Dividende distribué par

action (en euros)

4,57347 4,57347 0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 256: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 256

NOM SFIM (groupe)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

151,382 175,316 182,177 128,972 120,435

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

256,572 296,818 285,537 258,096 242,394

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

1,37204 3,81123 -41,466 2,28674 -108,09

Effectif total en fin

d’exercice

2317 2106

Effectif total moyen 2611 2722 2737 2392 2178

Exportations en millions

d’euros

87,2008 102,751 103,056 180,652 91,1645

Dépenses de R&D en

millions d’euros

64,6384 92,9939 85,6763 83,2372

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

141,32 117,081

EBE (millions d’euros) 16,6169 0,59455

MBA (millions d’euros) 12,0435 18,2939 8,0798

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

12,0435 18,9037 7,47 7,01265 -21,19

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 257: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 257

NOM Snecma

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

498,813 365,878

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

1583,49 1320,06 1394,3 2646,97 3306,62

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

-332,19 -189,65 -72,413 167,389 247,272

Effectif total en fin

d'exercice

Effectif total moyen 12479 12010 11379 14241 13839

Exportations en millions

d'euros

1103,12 940,915 1099,16 1741,12 2395,89

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

835,421 437,224 493,935 1040,31 1291,4

EBE (millions d'euros) 199,861 -164,04 -100,46 221,508 455,823

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

286,604 -30,185 -63,419 182,329 400,484

Nombre d'actions (en

millions)

18,006 18,006 18,006 18,006 18,006

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

-18,452 -10,528 -4,0186 9,30091 13,7341

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 258: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 258

NOM Snecma groupe

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

908,596 460,091 713,004 808,437 868,045

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

2884,64 2743,47 2852,17 3514,71 4339,92

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

-347,28 -150,62 -59,455 114,337 248,339

Effectif total en fin

d’exercice

21300

Effectif total moyen 23716 21944 21044 20262 23111

Exportations en millions

d’euros

1554,22 1429,97 1693,56 2412,35 3099,29

Dépenses de R&D en

millions d’euros

940,915 923,993

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

1592,18 1455,74 1532,42 1762,16 1917,96

EBE (millions d’euros) 404,905 305,05 374,262 578,087 658,885

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

454,298 379,751 376,854 491,038 520,461

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 259: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 259

NOM SNPE sa

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

171,81 171,048 153,211 138,576

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

346,974 331,882 291,787 293,769 301,087

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

18,5988 10,6714 4,26857 6,70776 14,3302

Effectif total en fin

d’exercice

2278

Effectif total moyen 3567 2838 2433 2240

Exportations en millions

d’euros

79,4259 79,2735 91,0121 93,1463

Dépenses de R&D en

millions d’euros

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

164,95 153,211 143,455 142,235 139,796

EBE (millions d’euros) 20,7331 19,9708 26,831 26,831 25,9163

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

40,5514 38,4172 28,6604 27,5933 37,5025

Nombre d’actions (en

millions)

1,842 1,842 1,842 1,842 1,842

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

10,0708 5,7641 2,33399 3,6481 7,77185

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0 0 0

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 260: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 260

NOM SNPE groupe

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

242,546 231,875 206,721 207,636 150,467

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

662,086 667,574 700,656 744,561 794,107

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

21,6478 5,64061 5,79306 7,62245 14,0253

Effectif total en fin

d’exercice

5890 5725 5202 5161 5184

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

295,446 269,53 289,501 350,785 394,081

Dépenses de R&D en

millions d’euros

105,952 104,732 95,8904 77,9014 80,0357

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

297,428 302,154 308,557 323,344 327,46

EBE (millions d’euros) 68,4496 69,6692 75,6147 82,9323 80,798

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

66,0104 63,2663 63,1139 63,7237 70,8888

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 261

NOM Thomson-CSF SA

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

2392,23 2392,23

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

-383,41 -383,41

Effectif total en fin

d'exercice

Effectif total moyen 16583 16583

Exportations en millions

d'euros

1076,44 1076,44

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

EBE (millions d'euros)

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

Nombre d'actions (en

millions)7

115,045 116,693 119,543 119,543 144,566

Cours moyen (en euros) 26,3813 19,6583 21,4953 26,1374 30,9837

Gain par action après

amortissement (en euros)

-1,2486 -1,0168 0,94976 2,70597 -1,6038

Dividende distribué par

action (en euros)

0,3049 0,39637 0,42686 0,54882 0,54882

Cahier d'études stratégiques N°27

Page 262: 1999 : l'année zéro de l'européanisation de l'industrie … · Web viewCIRPES Cahier n 24 Naissance de l’Europe de l’armement Jean-Paul Hébert Avec Yves BELANGER et Peter

Naissance de l'Europe de l'armement page 262

NOM Thomson-CSF consolidé

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d’affaires militaire

en millions d’euros

3605,88 3517,46 3538,8 3759,39 3272,32

Chiffre d’affaires total en

millions d’euros

5547,62 5411,48 5529,48 5874,01 6174,79

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d’euros

-146,66 -120,59 113,575 323,497 -231,87

Effectif total en fin

d’exercice

46823 48860 46500 44838 48850

Effectif total moyen

Exportations en millions

d’euros

2997,15 3094,72 3460,59 4176,49 4274,98

Dépenses de R&D en

millions d’euros

1250,08 1234,84 1189,1 1189,1 1524,49

Valeur ajoutée (millions

d’euros)

EBE (millions d’euros)

MBA (millions d’euros)

Capacité d’autofinancement

(millions d’euros)

Nombre d’actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 263

NOM Turboméca

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

55,1865 53,3572

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

306,88 301,849 339,352 333,406 427,924

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

-34,758 -28,965 -35,063 -0,7622 26,831

Effectif total en fin

d'exercice

3745 3517 3410 3184 3461

Effectif total moyen 3786 3585 3235 3390

Exportations en millions

d'euros

182,177 177,756

Dépenses de R&D en

millions d'euros

91,0121 87,2008 74,5476 57,6257 60,9796

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

171,2 156,108 166,017 177,146 224,71

EBE (millions d'euros) -2,1343 -16,312 -4,8784 22,41 54,7292

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

-0,4573 -17,227 -9,4518 5,79306 47,1067

Nombre d'actions (en

millions)

2,082 2,082 2,082 2,271 2,271

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

-16,681 -13,941 -16,847 -0,3537 11,9825

Dividende distribué par

action (en euros)

0 0 0 0 0

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Naissance de l'Europe de l'armement page 264

NOM Turboméca (groupe)

Année du résultat 1994 1995 1996 1997 1998

chiffre d'affaires militaire en

millions d'euros

Chiffre d'affaires total en

millions d'euros

359,627 369,079 405,209 391,794 482,501

Résultat net (pdg : part du

groupe) en millions d'euros

-35,673 -27,288 -34,453 2,13429 29,1178

Effectif total en fin

d'exercice

4403 4197 4092 3888 4183

Effectif total moyen 4185 4152 3927 3913

Exportations en millions

d'euros

205,044 260,383 259,621 326,241

Dépenses de R&D en

millions d'euros

Valeur ajoutée (millions

d'euros)

201,233 192,848 200,318 209,77 258,096

EBE (millions d'euros) 3,50633 -6,098 2,13429 27,7457 60,3698

MBA (millions d'euros)

Capacité d'autofinancement

(millions d'euros)

Nombre d'actions (en

millions)

Cours moyen (en euros)

Gain par action après

amortissement (en euros)

Dividende distribué par

action (en euros)

Cahier d'études stratégiques N°27

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Naissance de l'Europe de l'armement page 265

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Naissance de l'Europe de l'armement page 266

INDEX

A400M,120ACSI,122ADI,59Aérospatiale-Matra,7, 16, 19, 39, 40, 80, 85Agusta,9, 21Airbus,14, 20, 36, 41, 58, 67, 78, 107, 108, 109, 119, 120, 121, 132, 140, 144Alcatel,7, 35, 44, 45, 46, 77, 110, 111, 112, 113, 114, 116, 118, 123, 144, 148Alenia Aerospazio,15, 18, 19, 21, 40, 41, 50, 58, 75, 76, 77, 78, 126, 147Alenia Difesa,21, 50, 148AlliedSignal,34, 93, 95, 98, 100, 101, 106, 108, 117, 125, 127, 141, 142Alvis,25, 82Amraam,146Amsar,77Antonov,78Apache,10, 70Aster,74, 75Astrium,18, 20, 67, 68, 136Astrolink,125ATCS,23ATF,72, 78, 120, 146ATR,40, 58Avondale,103Bayern Chemie,38Bazan,22, 32, 33, 67Bell,9, 55, 96, 126, 146BGT,74BNFL,43, 46Boeing,9, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 41, 56, 60, 61, 66, 78, 94, 102, 103, 104, 105, 116, 118,

119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 130, 132, 135, 142, 144, 145, 148, 149Bofors,50Bremer Vulkan,24Casa,14, 22, 123, 147CBS,43, 94, 122CEA,43, 44, 45, 47CEA-Industrie,43Celerg,39Celsius,22, 31, 63Ceridant,101Coltec,101Comsat,101, 141Cordant,109DaimlerChrysler,14, 16, 17, 20, 53, 96, 135Dasa,7, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 20, 38, 39, 53, 54, 63, 66, 71, 77, 87, 121, 123, 125, 139

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Naissance de l'Europe de l'armement page 267

Dassault Aviation,39, 63, 64, 71Dassault Electronique,35DCN,31, 32, 33, 37, 48, 68Denel,61, 62Diehl,125Dornier,77EADS,8, 16, 17, 18, 20, 39, 65, 66, 67, 68, 73, 79, 136, 147, 149Embraer,40, 41, 63E-Systems,95, 105Eurocopter,9, 14, 54, 55, 76Eurofighter,14, 123, 146F-16,146Fairchild-Dornier,41, 127Fiat,20, 50, 51, 53Fincantieri,67, 80Finmeccanica,9, 18, 19, 20, 21, 66, 80, 110, 123, 147Fokker,36Framatome,35, 43, 44, 45, 46, 68FSAF,74, 86Galileo,50, 78GEC,10, 12, 14, 15, 21, 23, 30, 37, 65, 66, 77, 80, 94, 95, 114, 115, 126, 138General Dynamics,12, 93, 100, 101, 102, 105, 135, 141General Electric,47, 53, 92, 126General Motors,26, 143, 147GIAT Industries,23, 27, 28, 29, 48, 68, 71, 82, 83, 84, 88GKN plc,9, 25, 60, 82, 108, 127Grintek,62, 63GTE,96, 101, 141Gulfstream,93, 102, 141Hägglunds,25Hamilton Standard (groupe UTC),100HDW,23, 30, 31, 32, 51Honeywell,93, 95, 98, 101, 106, 108, 141, 142Horizon,75, 79, 81, 84, 88Hughes Electronics,103Hunting,29Hurel-Dubois,36, 42IAI,56IAR-Brasov,55Indra,22Intertechnique,34Kockums,22, 30, 31Krauss-Maffei-Wegmann,27, 29, 83Krupp,8Kuka Henschel,29Kvaerner,30, 109Labinal,118, 126Latécoère,41Leclerc,82, 111LFK,19, 38, 74, 123

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Naissance de l'Europe de l'armement page 268

Litton,12, 93, 103, 104Lockheed-Martin,11, 16, 18, 19, 58, 78, 94, 101, 102, 104, 114, 118, 119, 120, 121, 122,

124, 127, 130, 137, 141, 142, 144, 146, 148Loral,11, 94, 95, 112LRM,125LucasVarity,93, 106, 108, 143Lucent,56, 98, 101, 115Mannesmann,96Martin Marietta,94, 102Matra,7, 16, 19, 73, 74, 76, 77, 123MBD,19, 73, 75, 124McDonnell Douglas,41, 66, 94, 103, 104, 116Meteor,14, 73, 119, 124, 144, 146, 148Mitsubishi Heavy,60MMS,77Mowag,26, 82, 143, 147MTU,17, 20, 51, 52, 53, 125MU 90,70Newport News Shipbuilding,57, 102, 141NH90,10, 79, 85, 87, 88Normalair-Garrett,108Northrop-Grumman,34, 102, 119, 120, 141NSM,73, 74, 86Oerlikon Contraves,24PAAMS,70, 73, 75, 76, 81, 86Patriot,125Polyphème,73Pratt & Whitney,105Preussag,31, 51Racal,20, 37, 93, 123Rafael,74Raytheon,12, 14, 19, 37, 78, 94, 95, 103, 105, 119, 120, 121, 122, 123, 142, 144, 146Reumech,26Rheinmetall,23, 24, 25, 29, 37, 82Rockwell,93, 94, 101, 106Roland,73Rolls-Royce,26, 28, 33, 51, 52, 53, 67Royal Ordnance (groupe BAe Systems),24, 28, 37, 39, 49RVI,50, 82Ryan,100Saab,22, 64, 71, 74, 123Sagem,35, 125SAMM,108, 143Samsung,59, 121Santa Barbara,22Scalp EG,73, 75, 86Secan,108Sextant Avionique,35, 42, 117Shorts,36, 66Siemens,37, 43, 44, 46, 51, 68, 115, 122

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Naissance de l'Europe de l'armement page 269

Sikorsky (groupe UTC),105Skybridge,112, 149Smiths Industries,35, 42, 117Snecma,20, 51, 52, 53, 55, 57, 63, 64, 67, 101, 124, 127, 132Snpe,39, 49, 117Socata,41Sofradir (groupe Thomson),125STN Atlas Elektronik,24Stork,36Storm Shadow,75, 86Sundstrand,100, 141Syracuse,78TDA,38Techspace (groupe Snecma),51, 127Texas Instruments,56, 105Textron,55, 102, 146Thiokol,85Thomson-csf,7, 12, 13, 18, 20, 22, 23, 32, 33, 35, 37, 38, 40, 46, 55, 56, 59, 64, 66, 75,

77, 80, 97, 110, 117, 119, 121, 122, 123, 125, 138, 144, 149Thomson-Detexis,35Thyssen,8, 9, 32Thyssen-Krupp,8, 32, 65TI,116Tigre,76, 87Tracor,12, 95, 114, 138Trigat,74, 86TRW,12, 93, 106, 108, 118, 123, 125, 143United Technologies,12, 100, 105, 141, 142Valeo,106VBCI,81, 84, 88Vega,79, 88Vickers,23, 25, 26, 27, 28, 82Volvo,20, 51, 52, 53, 99, 125, 126Westland,9Zodiac,34

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Naissance de l'Europe de l'armement page 270

TABLE DES MATIERES

Naissance de l'Europe de l'armement..................................................................................1Introduction.........................................................................................................................41. 1999 : l'année zéro de l'européanisation de................................................................7l'industrie d'armement.........................................................................................................7

1.1 les restructurations majeures de l'industrie d'armement en europe en 1999.............81.1.1 la concrétisation des décisions de 1998..............................................................81.1.2 Le paysage nouveau de l'aéronautique européenne..........................................10

1.2 Autres restructurations de l'industrie européenne de l'armement............................201.2.1 Continuation du mouvement de privatisation...................................................211.2.2 Les restructurations réalisées dans l'armement terrestre européen...................231.2.3 Les restructurations réalisées dans l'armement naval européen.......................291.2.4 Restructurations franco-françaises chez les équipementiers............................34

1.3 Projets, intentions et alliances en préparations........................................................361.3.1 Le secteur électronique.....................................................................................371.3.2 L'aéronautiquE..................................................................................................391.3.3 Le nucléaire......................................................................................................43

1.4 Modifications de structures des firmes préludant à des alliances ou à des transformations d'activité..............................................................................................481.5 Alliances industrielles et accords des firmes...........................................................53d'armement hors des pays de la LoI..............................................................................54

1.5.1 Accords en Europe, hors LoI, et dans la zone maghreb-moyen-orient............541.5.2 Accords en extrème-orient................................................................................571.5.3 L'Afrique du Sud et l'Amérique latine..............................................................61

Conclusion : l'européanisation industrielle de l'armement a franchi une étape décisive.......................................................................................................................................65

2. Aléas des programmes d'armement en..........................................................................70coopération........................................................................................................................70

2.1 Les programmes en coopération européenne qui ont progressé de manière positive en 1999..........................................................................................................................72

2.1.1 Les coopérations européennes en matière de missiles en 1999........................732.1.2 Avancées des coopérations dans le domaine aéronautique et spatial...............76

2.2 Difficultés et échecs des programmes en coopération............................................79Conclusion : l'année 1999 a vu l'essoufflement des grands programmes classiques de coopération....................................................................................................................86

3 L'évolution des relations transatlantiques entre systèmes de production d'armement...903.1 L'écart entre capacités matérielles américaine et européennes...............................913.2 Restructurations de l'industrie américaine d'armement en 1999 : un niveau record pour les entreprises du "deuxième tiers".......................................................................93

3.2.1 Etat général du mouvement de fusions dans l'économie mondiale..................943.2.2 Les fusions principales de firmes de défense américaines en 1999................1003.2.3 Plans sociaux et rectifications de périmètre....................................................103

3.3 Restructurations transatlantiques...........................................................................1073.3.1 Opérations américaines d'acquisitions de firmes de défense européennes.....1083.3.2 Opérations européennes aux Etats-Unis.........................................................111

3.4 Le développement des relations industrielles et commerciales entre industries

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Naissance de l'Europe de l'armement page 271

européenne et américaine d'armement en 1999...........................................................1193.4.1 Accords majeurs entre firmes européennes et américaines............................1193.4.2 création de coentreprises, accords de sous-traitance et autres liens commerciaux............................................................................................................124

3.5 L'évolution de la vision américaine des relations transatlantiques en matière de production d'armement : de la Cène au "dîner de têtes"..............................................128Conclusion : L'Europe est la prochaine étape… Mais le lancement de cette étape est provisoirement retardé.................................................................................................140

ANNEXES : L'ARMEMENT TERRESTRE.................................................................151L’industrie des munitions : vers la mondialisation ?...................................................151

Le contexte...............................................................................................................152La mise en place de champions nationaux...........................................................153La privatisation....................................................................................................154La diminution de la capacité productive..............................................................156

Vers la mondialisation ?..........................................................................................158Quels sont les acteurs les plus susceptibles de tirer avantage de la situation ?....160Les principaux produits des fabricants de niche..................................................166

Conclusion...................................................................................................................176Les principaux acteurs de l’industrie des munitions, dynamique et stratégies...........178

ALLIANT................................................................................................................178BOFORS..................................................................................................................181DENEL....................................................................................................................183GIAT Industries.......................................................................................................185NAMMO (RAUFOSS)............................................................................................188PRIMEX..................................................................................................................189RHEINMETALL.....................................................................................................192ROYAL ORDNANCE............................................................................................195

Rheinmetall : un paradigme de la restructuration du secteur de la défense en Allemagne.........................................................................................................................................198

Les transformations en Europe................................................................................198Rheinmetall : une histoire avec des hauts et des bas...............................................202La prise de contrôle par la famille Röchling...........................................................205La diversification.....................................................................................................209Le développement de l'activité militaire..................................................................212Le nouveau paysage allemand.................................................................................216Une stratégie dans le contexte allemand..................................................................219

appendice 1: le groupe Röchling :..................................................................................226Appendice 2 : Organisation du groupe Rheinmetall.......................................................227Sources :..........................................................................................................................230ANNEXE : Résultats 1994-1998 des firmes françaises d'armement..............................232INDEX............................................................................................................................273TABLE DES MATIERES..............................................................................................277

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Naissance de l'Europe de l'armement page 272

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