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C omment, sachant qu’une route est sans issue, peut-on pour- suivre à vive allure et se précipiter dans le mur? Cette question, si fréquente sur les lèvres de nos contemporains ébaubis par la politique écono- mique du gouvernement, c’est un historien chinois de 2393 qui la pose. Nous sommes au XXIV e siècle, après la période de la Pénombre et le Grand Effondrement, et nous lisons le bel essai de prospective des historiens des sciences Erik M. Conway et Naomi Oreskes, l’Effon- drement de la civilisation occidentale (1). En chercheur scrupuleux, leur historien du futur part d’une problématique précise et se concentre sur une période donnée, la nôtre : «Au moment même où l’urgente nécessité d’une transition énergétique est devenue palpable, la production mondiale de gaz à effet de serre a augmenté. Ce phé- nomène est si difficile à comprendre qu’il invite à examiner de plus près ce que nous savons de ce tournant crucial.» Sous la plume de cet historien fictif, nous som- mes ces humains «qui savaient ce qui se passait et pourquoi», et qui, pourtant, n’ont rien entrepris, vivant une époque troublée, tragique, paradoxale, intéres- sante à étudier pour cette raison même. Etrange sensation que de lire l’histoire de notre présent évaluée et analysée, par la seule pirouette narrative de cet histo- rien fictif: ce que vous lisez est une fiction qui n’en est pas une. Le livre intrigue, dérange, amuse. Après plusieurs ouvrages importants et clas- siques d’histoire des sciences (2), Oreskes et Conway explorent une voie encore peu empruntée mais prometteuse pour les sciences sociales : le spéculatif sérieux, héritier lointain du spoudogeloion de Lucien ou du ludus philosophicus de Platon –un jeu sérieux. On sourit, mais jaune. Voyez plutôt : 1988-2093 : période de la Pénombre. 2005 : loi permettant les forages de gaz de schiste aux Etats-Unis sans la supervision des autorités publiques. 2009 : échec du sommet de Copenhague et déni du consensus scientifique. 2023 : année de l’été perpétuel. 2041: vagues de chaleur sans précédent et émeutes de la faim. 2073-2093: migration massive. Historiciser notre temps, identifier des périodes clés et des dates pivots qui sont celles de notre présent collectif ou de no- tre futur proche, c’est mettre en lumière le caractère décisif de la période que nous traversons. La grande réussite du livre réside dans l’utilisation paradoxale et provocatrice de la neutralité scientifique. Sur un tel sujet, l’objectivité mesurée du discours universitaire fait froid dans le dos. Le ton détaché provoque les émotions à force de les contenir. Tel est l’effet stylistique d’un texte hybride, rencontre entre deux genres : l’histoire et la science-fiction. L’ouvrage s’inscrit ainsi dans un courant des sciences socia- les qui expérimente de nou- veaux moyens d’analyse et de compréhension, tels que la fic- tion, le récit, l’image frappante. Comme les philosophes et savants du XVII e siècle qui imaginèrent de s’éloigner de la Terre pour démontrer fictionnellement son mouvement et transformer notre image du monde, Oreskes et Conway ten- tent de ressaisir notre présent en l’inscri- vant dans un temps long, grâce aux moyens combinés de la fiction et du récit historique. Susciter des images, changer de point de vue, modifier l’image du monde, tel est le rôle et le pouvoir de la fiction, lorsque les outils plus classi- ques, et moins tranchants, ont échoué. Au-delà de l’habileté du procédé, le livre invite à s’interroger sur l’écriture de l’histoire, sur le rôle des sciences sociales, et sur leur association fructueuse, détonante et nécessaire avec les arts et la littérature. Au terme de sa recherche, l’historien de 2393 répond finalement à sa question inaugurale : «Pourquoi, quand il était encore possible de prendre des mesures préventives, l’humanité n’a pas eu la réaction appro- priée ?» Déni et optimisme font partie des nombreux facteurs qui ont convergé vers la tragédie, expliquent les historiens du futur. Mais la cause principale fut la croyance en la doctrine du «fondamenta- lisme de marché: dogme quasi religieux qui plaçait les marchés déréglementés au-dessus de toutes les autres formes d’organisation so- cio-économique humaine. Pendant la Pé- nombre, les fondamentalistes du marché niaient volontiers l’existence des échecs du marché ; ils ont donc joué un rôle crucial dans le déni des changements déjà en cours et un rôle tout aussi crucial dans les catastrophes qui ont suivi». Ceci est une fiction. Tout lien avec des événements actuels est sans doute fortuit. (1) «L’Effondrement de la civilisation occidentale», éditions Les Liens qui Libèrent, 2014. (2) Voir notamment Naomi Oreskes, Erik M. Conway, «les Marchands de doute», éditions Le Pommier, 2012. Frédérique Aït-Touati est chercheure en littérature et en histoire des sciences, elle enseigne à l’université d’Oxford et à Sciences-Po. Cette chronique est assurée en alternance par Cyril Lemieux, Frédérique Aït-Touati, Eric Fassin et Nathalie Heinich. Histoire du futur SOCIÉTÉS Par FRÉDÉRIQUE AÏT-TOUATI U ne idée fait son chemin en philosophie, non sans avoir des consé- quences politiques, c’est celle d’une identité rela- tionnelle. Pourquoi est-elle si importante aujourd’hui à maintenir, comme un fil rouge dans le labyrinthe ? C’est pour une raison simple. C’est parce qu’elle permet de penser l’identité sans tomber dans les dérives de l’identité, qui sont au cœur des débats et des violences d’aujourd’hui. Parler d’identité relationnelle, c’est refu- ser l’idée d’une identité essentialisée, source de quêtes infinies, aussi bien natu- ralistes que nationalistes, et souvent les deux à la fois. On ne dira jamais assez les dégâts d’un débat sur «l’identité natio- nale», c’est-à-dire au fond sur la quête d’une essence de cette identité, indépen- damment de toute relation et de toute his- toire, donc aussi par négation des autres, inévitablement ennemis. Or, l’identité nationale, comme toutes les autres, est relationnelle, c’est-à-dire constituée de manière interne par la relation aux autres (aussi bien amicale qu’inamicale), tout en restant une identité, celle d’un «soi» diffé- rent du «soi» des autres. Parler de rela- tion, c’est parler de termes distincts; parler d’identité relationnelle, ce n’est pas dissoudre l’identité. C’est donc affirmer la positivité des rela- tions, qui créent des identités individuelles et collectives. Mais ce n’est pas tomber dans un angélisme béat. Bien au contraire. Car on est confronté alors à la violence des relations, avec leurs conséquences. Si l’identité dépend des relations, la rup- ture des relations sera aussi la destruction du soi. Les relations humaines sont ambi- valentes, parfois destructrices. C’est pour- quoi il faut marquer des limites, interdire certaines violences, revenir sur l’histoire. Les relations mêmes en dépendent. On a assez entendu de critiques de la «repentance», source de dénis aggra- vant les choses, il est temps de faire l’his- toire des ruptures, pour relancer les rela- tions. Ce sont des actes et non des essences qui font l’identité, il faut les assumer pour se construire, ainsi qu’autrui. L’été mémo- riel que l’on vient de vivre, en marge des violences du moment qui y transpa- raissaient, a-t-il été assez loin ? On a bien vu revenir la violence coloniale et celle des traités dans la commémoration de la guerre. Mais il reste, en Europe, une histoire à écrire, dans les deux sens. Il y a eu des actes (racisme, colonisation, esclavage) qui ont la même racine (relationnelle), il faut les affirmer pour s’af- firmer soi-même y compris comme nation, c’est-à-dire non pas comme nature mais comme histoire, avec un passé et un avenir. D’une manière générale, ces thèmes cruciaux dessinent une alternative politique claire. Il faut s’en saisir. Mais cette affirmation d’une identité rela- tionnelle n’aurait pas de sens si elle n’était qu’un vœu pieux et idéologique. La nou- veauté du moment est qu’elle s’appuie sur des faits scientifiques (y compris biolo- giques) et une grande diversité de posi- tions théoriques. On prendra comme exemple le travail si caricaturé, en France, de Judith Butler. Aussi bien dans son livre récent sur ce qu’il est convenu d’appeler le conflit israélo-palestinien, que dans ses travaux sur le deuil, dans sa reprise par exemple de Levinas, et dans toute son œuvre, il s’agit de penser une identité traversée de l’inté- rieur par une altérité. Elle est bien loin d’être dissoute pour autant, affirmée au contraire, ainsi que ses limites, qui sont celles de la justice et de la violence. Il faut en discuter. Mais bien des travaux contemporains creusent cette constitution de l’identité dans les relations biologiques et psychiques, vitales et morales, politiques et sociales. Ils reviennent à cette dimen- sion relationnelle et critique, destructrice et créatrice, au plus intime et au plus vaste, pour chacun et pour le monde. C’est donc bien là un fil rouge. Dans son livre sur Sartre, dont la première édition date de 1953, Iris Murdoch expliquait l’im- portance de ce dernier (et de son existen- tialisme) dans l’immédiat après-guerre. Il fournissait à une Europe dévastée une boussole simple: l’opposition de «l’en soi», l’essence, les choses, les détermi- nismes, et du «pour-soi», la conscience, la liberté, le sens. C’est une distinction du même ordre dont nous avons besoin aujourd’hui. Elle n’oppose plus un soi tout seul face au monde mais, face à des iden- tités qui s’affrontent en se détruisant, d’autres qui se créent en se reconnaissant, des relations qui en se créant, créent aussi le monde. Frédéric Worms est professeur de philosophie à l’Ecole normale supérieure. Cette chronique est assurée en alternance par Sandra Laugier, Michaël Fœssel, Beatriz Preciado et Frédéric Worms. Parler d’identité relationnelle, c’est refuser l’idée d’une identité essentialisée, source de quêtes infinies, aussi bien naturalistes que nationalistes. Notre identité, ce sont les autres PHILOSOPHIQUES Par FRÉDÉRIC WORMS LIBÉRATION SAMEDI 6 ET DIMANCHE 7 SEPTEMBRE 2014 CHRONIQUES IDÉES 27

2014 Histoire du futur_Libération

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Aït TouatiLibération

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  • Comment, sachantquune route est sansissue, peut-on pour-suivre vive allure et

    se prcipiter dans le mur? Cettequestion, si frquente surles lvres de nos contemporainsbaubis par la politique cono-mique du gouvernement, cestun historien chinois de 2393qui la pose. Nous sommesau XXIVe sicle, aprs la priodede la Pnombre et le Grand Effondrement,et nous lisons le bel essai de prospectivedes historiens des sciences ErikM. Conway et Naomi Oreskes, lEffon-drement de la civilisation occidentale (1).En chercheur scrupuleux, leur historiendu futur part dune problmatique prciseet se concentre sur une priode donne,la ntre : Au moment mme o lurgentencessit dune transition nergtique estdevenue palpable, la production mondialede gaz effet de serre a augment. Ce ph-nomne est si difficile comprendrequil invite examiner de plus prs ce quenous savons de ce tournant crucial. Sousla plume de cet historien fictif, nous som-mes ces humains qui savaient ce qui sepassait et pourquoi, et qui, pourtant,nont rien entrepris, vivant une poquetrouble, tragique, paradoxale, intres-sante tudier pour cette raison mme.Etrange sensation que de lire lhistoire denotre prsent value et analyse, parla seule pirouette narrative de cet histo-rien fictif: ce que vous lisez est une fictionqui nen est pas une.Le livre intrigue, drange, amuse. Aprsplusieurs ouvrages importants et clas-siques dhistoire des sciences (2), Oreskeset Conway explorent une voie encore peuemprunte mais prometteuse pourles sciences sociales: le spculatif srieux,hritier lointain du spoudogeloion deLucien ou du ludus philosophicus de Platon un jeu srieux. On sourit, mais jaune.Voyez plutt :1988-2093 : priode de la Pnombre.2005: loi permettant les forages de gaz deschiste aux Etats-Unis sans la supervisiondes autorits publiques.2009 : chec du sommet de Copenhagueet dni du consensus scientifique.2023 : anne de lt perptuel.2041: vagues de chaleur sans prcdent etmeutes de la faim.2073-2093 : migration massive.Historiciser notre temps, identifier despriodes cls et des dates pivots qui sontcelles de notre prsent collectif ou de no-tre futur proche, cest mettre en lumirele caractre dcisif de la priode que noustraversons. La grande russite du livrerside dans lutilisation paradoxale etprovocatrice de la neutralit scientifique.Sur un tel sujet, lobjectivit mesure du

    discours universitaire fait froiddans le dos. Le ton dtachprovoque les motions forcede les contenir. Tel est leffetstylistique dun texte hybride,rencontre entre deux genres :lhistoire et la science-fiction.Louvrage sinscrit ainsi dansun courant des sciences socia-les qui exprimente de nou-veaux moyens danalyse et decomprhension, tels que la fic-

    tion, le rcit, limage frappante. Commeles philosophes et savants du XVIIe siclequi imaginrent de sloigner de la Terrepour dmontrer fictionnellementson mouvement et transformer notreimage du monde, Oreskes et Conway ten-tent de ressaisir notre prsent en linscri-vant dans un temps long, grce auxmoyens combins de la fiction et du rcithistorique. Susciter des images, changerde point de vue, modifier limage dumonde, tel est le rle et le pouvoir dela fiction, lorsque les outils plus classi-ques, et moins tranchants, ont chou.Au-del de lhabilet du procd, le livreinvite sinterroger sur lcriture delhistoire, sur le rle des sciences sociales,et sur leur association fructueuse,dtonante et ncessaire avec les arts et lalittrature.Au terme de sa recherche, lhistorien de2393 rpond finalement sa questioninaugurale: Pourquoi, quand il tait encorepossible de prendre des mesures prventives,lhumanit na pas eu la raction appro-prie? Dni et optimisme font partie desnombreux facteurs qui ont converg versla tragdie, expliquent les historiens dufutur. Mais la cause principale fut lacroyance en la doctrine du fondamenta-lisme de march: dogme quasi religieux quiplaait les marchs drglements au-dessusde toutes les autres formes dorganisation so-cio-conomique humaine. Pendant la P-nombre, les fondamentalistes du marchniaient volontiers lexistence des checs dumarch; ils ont donc jou un rle crucial dansle dni des changements dj en cours et unrle tout aussi crucial dans les catastrophesqui ont suivi. Ceci est une fiction. Toutlien avec des vnements actuels est sansdoute fortuit.

    (1) LEffondrement de la civilisationoccidentale, ditions Les Liens qui Librent,2014.(2) Voir notamment NaomiOreskes,ErikM. Conway, lesMarchands de doute,ditions Le Pommier, 2012.

    FrdriqueAt-Touati est chercheure enlittrature et en histoire des sciences,elle enseigne luniversit dOxford et Sciences-Po.Cette chronique est assure en alternanceparCyril Lemieux, Frdrique At-Touati,Eric Fassin et Nathalie Heinich.

    Histoiredu futur

    SOCITS

    ParFRDRIQUEAT-TOUATI

    Une ide fait son cheminen philosophie, nonsans avoir des cons-quences politiques,

    cest celle dune identit rela-tionnelle. Pourquoi est-ellesi importante aujourdhui maintenir, comme un fil rougedans le labyrinthe ?Cest pour une raison simple.Cest parce quelle permet depenser lidentit sans tomberdans les drives de lidentit, qui sont aucur des dbats et des violencesdaujourdhui.Parler didentit relationnelle, cest refu-ser lide dune identit essentialise,source de qutes infinies, aussi bien natu-ralistes que nationalistes, et souventles deux la fois. On ne dira jamais assezles dgts dun dbat sur lidentit natio-nale, cest--dire au fond sur la qutedune essence de cette identit, indpen-damment de toute relation et de toute his-toire, donc aussi par ngation des autres,invitablement ennemis. Or, lidentitnationale, comme toutes les autres, estrelationnelle, cest--dire constitue demanire interne par la relation aux autres(aussi bien amicale quinamicale), tout enrestant une identit, celle dun soi diff-

    rent du soi des autres. Parler de rela-tion, cest parler de termes distincts ;parler didentit relationnelle, ce nest pasdissoudre lidentit.Cest donc affirmer la positivit des rela-tions, qui crent des identits individuelleset collectives. Mais ce nest pas tomberdans un anglisme bat. Bien au contraire.Car on est confront alors la violence desrelations, avec leurs consquences.Si lidentit dpend des relations, la rup-ture des relations sera aussi la destructiondu soi. Les relations humaines sont ambi-valentes, parfois destructrices. Cest pour-quoi il faut marquer des limites, interdirecertaines violences, revenir sur lhistoire.Les relations mmes en dpendent.On a assez entendu de critiques dela repentance, source de dnis aggra-vant les choses, il est temps de faire lhis-toire des ruptures, pour relancer les rela-tions. Ce sont des actes et non des essencesqui font lidentit, il faut les assumer pourse construire, ainsi quautrui. Lt mmo-riel que lon vient de vivre, en marge desviolences du moment qui y transpa-raissaient, a-t-il t assez loin ? On a bienvu revenir la violence coloniale et celledes traits dans la commmoration de

    la guerre. Mais il reste,en Europe, une histoire crire, dans les deux sens.Il y a eu des actes (racisme,colonisation, esclavage) qui ontla mme racine (relationnelle),il faut les affirmer pour saf-firmer soi-mme y compriscomme nation, cest--direnon pas comme nature maiscomme histoire, avec un passet un avenir. Dune manire

    gnrale, ces thmes cruciaux dessinentune alternative politique claire. Il faut sensaisir.Mais cette affirmation dune identit rela-tionnelle naurait pas de sens si elle ntaitquun vu pieux et idologique. La nou-veaut du moment est quelle sappuie surdes faits scientifiques (y compris biolo-giques) et une grande diversit de posi-tions thoriques.On prendra comme exemple le travailsi caricatur, en France, de Judith Butler.Aussi bien dans son livre rcent surce quil est convenu dappeler le conflitisralo-palestinien, que dans ses travauxsur le deuil, dans sa reprise par exemple deLevinas, et dans toute son uvre, il sagitde penser une identit traverse de lint-rieur par une altrit. Elle est bien loin

    dtre dissoute pour autant,affirme au contraire, ainsique ses limites, qui sont cellesde la justice et de la violence.Il faut en discuter. Mais biendes travaux contemporainscreusent cette constitution de

    lidentit dans les relations biologiques etpsychiques, vitales et morales, politiqueset sociales. Ils reviennent cette dimen-sion relationnelle et critique, destructriceet cratrice, au plus intime et au plusvaste, pour chacun et pour le monde.Cest donc bien l un fil rouge. Dans sonlivre sur Sartre, dont la premire ditiondate de 1953, Iris Murdoch expliquait lim-portance de ce dernier (et de son existen-tialisme) dans limmdiat aprs-guerre.Il fournissait une Europe dvasteune boussole simple: lopposition de lensoi, lessence, les choses, les dtermi-nismes, et du pour-soi, la conscience,la libert, le sens. Cest une distinction dumme ordre dont nous avons besoinaujourdhui. Elle noppose plus un soi toutseul face au monde mais, face des iden-tits qui saffrontent en se dtruisant,dautres qui se crent en se reconnaissant,des relations qui en se crant, crent aussile monde.

    FrdricWorms est professeur de philosophie lEcole normale suprieure.Cette chronique est assure en alternancepar Sandra Laugier, Michal Fssel,Beatriz Preciado et FrdricWorms.

    Parler didentit relationnelle,cest refuser lide dune identitessentialise, source de qutes infinies,aussi biennaturalistes quenationalistes.

    Notre identit,ce sont les autres

    PHILOSOPHIQUES

    ParFRDRICWORMS

    LIBRATION SAMEDI 6 ETDIMANCHE 7 SEPTEMBRE 2014 CHRONIQUES IDES 27