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22 u www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Samedi 6 et Dimanche 7 Juin 2015 Slavoj Zizek «Je reste communiste, car tout le monde peut être socialiste, même Bill Gates» Alors que paraît son essai «Moins que rien», l’extravagant philosophe slovène éreinte la gauche morale, légitime la blague raciste, tout en faisant de Malcolm X son héros. jusqu’au bout : réhabiliter l’Etat ! Je crois que, pour faire face à nos pro- blèmes, on aura de plus en plus be- soin de grande formation sociale. On dit que l’Etat perd du pouvoir, mais ce n’est pas vrai. Le capita- lisme d’aujourd’hui dépend de plus en plus des régulations de l’Etat. Quand Hegel dit que l’Etat, c’est l’existence visible de Dieu, c’est peut-être vrai! Le problème de la gau- che, c’est qu’elle rêve à distance au lieu de se réapproprier l’Etat.» Alain Finkielkraut, mon ami ? «Je suis ami avec lui parce que j’aime les conservateurs, mais pas les réactionnaires. Marx dit que les conservateurs pessimistes c’est par- fois mieux que les libéraux, parce que les premiers admettent les anta- gonismes. Le problème avec Fin- kielkraut, c’est qu’il croit qu’on peut se défendre au nom de quelque identité, alors que je suis plus pessi- miste.» Suis-je obligé d’aimer mon voisin? «On a cru que le capitalisme nous permettrait de dissoudre les identi- tés partielles… Pour l’heure, il y a une forme de capitalisme où la glo- balisation du marché peut coexister idéalement avec une très forte iden- tité ethnique, raciste… Lacan avait prédit déjà que le marché commun allait nous pousser vers des formes de racisme. La limite de l’universalisme, c’est ce qu’on appelle les modes de vie. Ce qui m’intéresse, c’est le racisme qui se reproduit dans les petites choses du quotidien. J’ai des amis qui sont de gauche, antiracistes, mais quand un type asiatique ou noir s’appro- che, il y a un certain malaise. Ils sont embêtés par certains petits dé- tails: “Je n’aime pas cette cuisi- ne-là“, “cette façon de s’ha- biller”, etc. L’universalisme, pour moi, ce n’est pas l’idée d’une valeur de l’universel régnant partout qu’indiquent les ouvrages publiés par l’Unesco : la culture mondiale, la vision béate d’un patrimoine culturel universel… Je déteste tout ça. Je crois que la seule universalité, c’est l’universalité de la lutte sociale et politique, le front commun qui permet une identification, une soli- darité authentique. Je n’aime pas les libéraux de gauche, les multicul- turalistes qui disent: «On doit com- prendre l’autre.» Non, je ne veux pas comprendre l’autre, je m’en fous. Mon idéal, ce n’est pas de vivre dans un immeuble où il y a une famille viet, une autre latino, une autre noire. Bien sûr, j’y vivrais bien, mais, comme l’a dit Peter Sloterdijk, on a besoin d’un “code de discré- tion”. C’est ça l’antiracisme authen- tique: une “ignorance”, une discrétion très polie, un respect. Je veux vivre dans une ville avec toutes les cultures, mais je pense qu’elles doivent garder une distance, et que ce n’est pas une mauvaise chose.» Le local, le global et Malcolm X «Je suis un eurocentriste, je ne crois absolument pas à cette idée que les tradi- tions, les cultures locales, les identités partielles peuvent être une résis- tance contre le capita- lisme global. Malcolm X est une des figures héroï- ques pour moi parce qu’il a fait une chose géniale avec ce X qui, naturellement, veut dire : on n’a pas de nom de famille, nous avons été arrachés à notre identité… Mais son génie a consisté à dire : on ne doit pas redécouvrir nos racines, ce X nous donne une chance unique d’inventer un mode de vie plus authentiquement uni- versaliste que l’Occident lui-même. C’est la thèse fondamentale de Marx.» Ecologie, biogénétique, apartheid… Contradictions contemporaines ? «Juste quelques exemples de notre temps. L’écologie, c’est une néces- sité, on va être obligé d’inventer un mode d’action collective qui n’est pas contrôlé par la machine. Aujourd’hui, le problème n’est plus le nucléaire, mais la biogénétique, cette possibilité du contrôle du cer- veau d’autrui par des champs ma- gnétiques. On peut déjà connecter le cerveau aux machines. On le voit pour certaines prothèses ou fau- teuils roulants, on pense à avancer et la machine nous fait avancer. Moi, ce qui me fait peur, c’est que si on peut le faire dans cette direction, on peut le faire dans l’autre: de la machine à notre cerveau. Il y a déjà des expériences sur les rats, et on arrive à les téléguider. Si on par- vient à le faire sur les humains, quelle sera mon expérience : aurais-je l’impression qu’on a pris le contrôle de moi ou penserais-je encore que je suis libre ? On s’approche de nouveau d’une so- ciété d’apartheid. Le mur de Berlin est tombé, mais il y a des petits murs partout. Il n’y aura pas de Grande Guerre, mais une “guerre civile froide”, implicite. Il y a des gens qui sont inclus et d’autres exclus, hors des murs, et cela devient encore plus violent que la différence de classe de Marx. Dans son idée, mal- gré la différence entre propriétaire et prolétaire, il y a quand même, au niveau politique, une égalité for- melle. Je crois que ça, c’est en train de disparaître. Les tensions, les an- tagonismes se créent au sein d’une même communauté politique, y E crire un livre de 960 pages et l’intituler Moins que rien, voilà bien le genre de la fan- tasque pop-star de la philosophie, Slavoj Zizek. On pensait faire une interview à l’occasion de la sortie de son livre chez Fayard, loupé ! Le di- recteur de recherche à la Birkbeck School of Law fait les questions et les réponses, passe du coq à l’âne, parle de Marx et surtout de Hegel, de son communisme et de bien d’autres choses. Bribes. Le progrès, Hegel et la modernité «Si on veut rester de gauche aujourd’hui, on doit absolument re- jeter cette métaphore du progrès historique. Il y a peut-être une ten- dance de l’histoire, mais elle porte plutôt vers une catastrophe. J’aime beaucoup cette phrase de Walter Benjamin : “Aujourd’hui, notre tâ- che n’est pas de progresser dans le temps du progrès mais plutôt de ti- rer la sonnette d’alarme.” C’est ça ! Hegel dit que la philosophie ne peut pas prescrire ou analyser le futur. C’est seulement dans le temps passé que la philosophie peut conceptua- liser. Il n’a pas été un crétin com- plet. Il formule une utopie possible de ce qui peut se former après la Ré- volution française. Mais il est plus que ça, il est en fait extrêmement ouvert. C’est pourquoi je crois qu’on doit retourner de Marx à Hegel, pré- cisément dans la perspective de no- tre situation aujourd’hui. Hegel est beaucoup plus matérialiste, au sens d’ouvert à la contingence. Son pro- blème, c’est précisément de savoir comment rester fidèle à la Révolu- tion française sans répéter la Ter- reur. En ce sens, c’est un beckettien: “Try again, fail again, fail better” («essaie encore, échoue encore, échoue mieux»). Il ne s’agit pas de savoir comment préparer la Révolu- tion – on a déjà essayé, ça a été un échec ! Notre problème est exacte- ment celui de Hegel: comment, après le stalinisme, rester fidèle au projet d’émancipation, comment ne pas devenir un libéral cynique ou un conservateur.» Moi, communiste ? «De façon naïve et bête, on pourrait simplement dire : “OK, le commu- nisme, c’est fini.” Mais je reste com- muniste, un communiste négatif très modeste. Je demeure marxiste dans quel sens? On ne doit jamais oublier la relation de Marx au ca- pitalisme, qui a été très ambiguë, parce que le ca- pitalisme, quand même, exerçait comme une fas- cination sur lui: c’est le système le plus dynami- que, c’est presque un mi- racle ! Je suis entière- ment d’accord avec ça et cela me crée des difficultés politiques. Je dis bien communiste et pas so- cialiste, car tout le monde peut être socialiste, Bill Gates peut être socia- liste. Socialiste, ça veut dire oui, mon Dieu, il y a des gens qui souf- frent, il faut les aider, il faut être so- lidaire, il faut de l’humanitaire, bla- blabla… Mais ce n’est pas le problème. Le problème est celui de la résistance contre le capitalisme global. Ce qui spécifie le commu- nisme, c’est l’universalité.» La gauche et la «censure de nos rêves» «J’aime cette formule de Badiou qui dit qu’on doit commencer avec la censure de nos rêves. C’est quand on quitte notre monde pour en ima- giner un autre qu’on reste prison- nier. Ça peut faire hurler un homme de gauche, mais je suis pour aller MATT CARR. GETTY IMAGES. AFP «Pourquoi ne pas faire un jeu stalinien : si tu peux prouver que tu fumes beaucoup, tu aides l’Etat avec des taxes, peut-être même vas-tu mourir plus tôt et régler le problème de la retraite ! Tu peux avoir une médaille pour la stabilisation financière.» Recueilli par ROBERT MAGGIORI et ANASTASIA VÉCRIN Dessin KILLOFFER INTERVIEW

2015 Libération

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  • 22 u www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe Libration Samedi 6 et Dimanche 7 Juin 2015

    SlavojZizekJe reste communiste, cartout le monde peut tresocialiste, mme Bill GatesAlors que parat son essai Moins que rien,lextravagant philosophe slovne reinte la gauchemorale, lgitime la blague raciste, tout en faisantdeMalcolmX sonhros.

    jusquau bout: rhabiliter lEtat! Jecrois que, pour faire face nos pro-blmes, on aura de plus en plus be-soin de grande formation sociale.On dit que lEtat perd du pouvoir,mais ce nest pas vrai. Le capita-lisme daujourdhui dpend de plusen plus des rgulations de lEtat.Quand Hegel dit que lEtat, cest

    lexistence visible deDieu, cest peut-tre vrai!Le problme de la gau-che, cest quelle rve distance au lieu de serapproprier lEtat.

    Alain Finkielkraut,mon ami ?Je suis ami avec luiparce que jaime lesconservateurs, mais pas

    les ractionnaires. Marx dit que lesconservateurs pessimistes cest par-fois mieux que les libraux, parceque les premiers admettent les anta-gonismes. Le problme avec Fin-kielkraut, cest quil croit quon peutse dfendre au nom de quelqueidentit, alors que je suis plus pessi-miste.

    Suis-je obligdaimer mon voisin ?On a cru que le capitalisme nouspermettrait de dissoudre les identi-ts partielles Pour lheure, il y aune forme de capitalisme o la glo-balisation du march peut coexisteridalement avec une trs forte iden-tit ethnique, raciste Lacan avaitprdit dj que le march communallait nous pousser vers des formesde racisme.La limite de luniversalisme, cest cequon appelle les modes de vie. Cequi mintresse, cest le racisme quise reproduit dans les petites chosesdu quotidien. Jai des amis qui sontde gauche, antiracistes, mais quandun type asiatique ou noir sappro-che, il y a un certain malaise. Ilssont embts par certains petits d-tails : Je naime pas cette cuisi-ne-l, cette faon de sha-biller, etc. Luniversalisme, pourmoi, ce nest pas lide dune valeurde luniversel rgnant partoutquindiquent les ouvrages publispar lUnesco: la culture mondiale,la vision bate dun patrimoine

    culturel universel Je dteste touta. Je crois que la seule universalit,cest luniversalit de la lutte socialeet politique, le front commun quipermet une identification, une soli-darit authentique. Je naime pasles libraux de gauche, les multicul-turalistes qui disent: On doit com-prendre lautre. Non, je ne veux pascomprendre lautre, je men fous.Mon idal, ce nest pas de vivre dansun immeuble o il y a une familleviet, une autre latino, une autrenoire. Bien sr, jy vivrais bien,mais, comme la dit Peter Sloterdijk,on a besoin dun code de discr-tion. Cest a lantiracisme authen-tique : une ignorance,une discrtion trs polie,un respect. Je veux vivredans une ville avec toutesles cultures, mais je pensequelles doivent garderune distance, et que cenest pas une mauvaisechose.

    Le local, le globalet Malcolm XJe suis un eurocentriste,je ne crois absolument pas cette ide que les tradi-tions, les cultures locales,les identits partiellespeuvent tre une rsis-tance contre le capita-lisme global. Malcolm Xest une des figures hro-ques pour moi parce quila fait une chose gnialeavec ce X qui, naturellement, veutdire: on na pas de nom de famille,nous avons t arrachs notreidentit Mais son gnie a consist dire: on ne doit pas redcouvrirnos racines, ce X nous donne unechance unique dinventer un modede vie plus authentiquement uni-versaliste que lOccident lui-mme.Cest la thse fondamentale deMarx.

    Ecologie, biogntique,apartheid Contradictionscontemporaines ?Juste quelques exemples de notretemps. Lcologie, cest une nces-sit, on va tre oblig dinventer unmode daction collective qui nestpas contrl par la machine.

    Aujourdhui, le problme nest plusle nuclaire, mais la biogntique,cette possibilit du contrle du cer-veau dautrui par des champs ma-gntiques. On peut dj connecterle cerveau aux machines. On le voitpour certaines prothses ou fau-teuils roulants, on pense avanceret la machine nous fait avancer.Moi, ce qui me fait peur, cest que sion peut le faire dans cette direction,on peut le faire dans lautre: de lamachine notre cerveau. Il y a djdes expriences sur les rats, et onarrive les tlguider. Si on par-vient le faire sur les humains,quelle sera mon exprience :

    aurais-je limpression quon a prisle contrle de moi ou penserais-jeencore que je suis libre?On sapproche de nouveau dune so-cit dapartheid. Le mur de Berlinest tomb, mais il y a des petits murspartout. Il ny aura pas de GrandeGuerre, mais une guerre civilefroide, implicite. Il y a des gens quisont inclus et dautres exclus, horsdes murs, et cela devient encoreplus violent que la diffrence declasse de Marx. Dans son ide, mal-gr la diffrence entre propritaireet proltaire, il y a quand mme, auniveau politique, une galit for-melle. Je crois que a, cest en trainde disparatre. Les tensions, les an-tagonismes se crent au sein dunemme communaut politique, y

    E crire un livre de 960 pages etlintituler Moins que rien,voil bien le genre de la fan-tasque pop-star de la philosophie,Slavoj Zizek. On pensait faire uneinterview loccasion de la sortie deson livre chez Fayard, loup! Le di-recteur de recherche la BirkbeckSchool of Law fait les questions etles rponses, passe du coq lne,parle de Marx et surtout de Hegel,de son communisme et de biendautres choses. Bribes.

    Le progrs, Hegelet la modernitSi on veut rester de gaucheaujourdhui, on doit absolument re-jeter cette mtaphore du progrshistorique. Il y a peut-tre une ten-dance de lhistoire, mais elle porteplutt vers une catastrophe. Jaimebeaucoup cette phrase de WalterBenjamin: Aujourdhui, notre t-che nest pas de progresser dans letemps du progrs mais plutt de ti-rer la sonnette dalarme. Cest a!Hegel dit que la philosophie ne peutpas prescrire ou analyser le futur.Cest seulement dans le temps passque la philosophie peut conceptua-liser. Il na pas t un crtin com-plet. Il formule une utopie possiblede ce qui peut se former aprs la R-volution franaise. Mais il est plusque a, il est en fait extrmementouvert. Cest pourquoi je crois quondoit retourner de Marx Hegel, pr-cisment dans la perspective de no-tre situation aujourdhui. Hegel estbeaucoup plus matrialiste, au sensdouvert la contingence. Son pro-blme, cest prcisment de savoircomment rester fidle la Rvolu-tion franaise sans rpter la Ter-reur. En ce sens, cest un beckettien:Try again, fail again, fail better(essaie encore, choue encore,choue mieux). Il ne sagit pas desavoir comment prparer la Rvolu-tion on a dj essay, a a t unchec!Notre problme est exacte-ment celui de Hegel: comment,aprs le stalinisme, rester fidle au

    projet dmancipation, comment nepas devenir un libral cynique ouun conservateur.

    Moi, communiste ?De faon nave et bte, on pourraitsimplement dire: OK, le commu-nisme, cest fini. Mais je reste com-muniste, un communiste ngatiftrs modeste. Je demeuremarxiste dans quel sens?On ne doit jamais oublierla relation de Marx au ca-pitalisme, qui a t trsambigu, parce que le ca-pitalisme, quand mme,exerait comme une fas-cination sur lui : cest lesystme le plus dynami-que, cest presque un mi-racle ! Je suis entire-ment daccord avec a et cela mecre des difficults politiques.Je dis bien communiste et pas so-cialiste, car tout le monde peut tresocialiste, Bill Gates peut tre socia-liste. Socialiste, a veut dire oui,mon Dieu, il y a des gens qui souf-frent, il faut les aider, il faut tre so-lidaire, il faut de lhumanitaire, bla-blabla Mais ce nest pas leproblme. Le problme est celui dela rsistance contre le capitalismeglobal. Ce qui spcifie le commu-nisme, cest luniversalit.

    La gauche et la censurede nos rvesJaime cette formule de Badiou quidit quon doit commencer avec lacensure de nos rves. Cest quandon quitte notre monde pour en ima-giner un autre quon reste prison-nier. a peut faire hurler un hommede gauche, mais je suis pour aller

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    Pourquoi ne pas faireun jeu stalinien:si tu peux prouverque tu fumesbeaucoup, tu aideslEtat avec des taxes,peut-tre mme vas-tumourir plus tt etrgler le problmede la retraite! Tu peuxavoir une mdaillepour la stabilisationfinancire.

    Recueilli parROBERTMAGGIORIetANASTASIAVCRINDessinKILLOFFER

    INTERVIEW

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    compris parmi les dfavoriss,comme une guerre des pauvres.

    Le harclement,la cigarette, la blagueJaime beaucoup cette phrase deGilles Deleuze: Il ny a pas seule-ment des rponses errones, il y aaussi des questions errones. On de-vrait y rflchir quand on parle, parexemple, comme aux Etats-Unis, deharclement. Dun ct, il y a desviols, du racisme, mais de lautre, auquotidien, quand lautre sapprochetrop de vous, vous le regardez dans

    les yeux on vous dit que cest duviol visuel ! Ce qui me rend triste,cest cette peur de la proximit delautre. Quand on parle de harcle-ment, la cible vritable, ce sont lespauvres finalement, qui sont tou-jours vulgaires, etc.Je trouve aussi profondment pro-blmatique toute cette campagnesur le tabagisme passif. On est dansunecrisefinancire,pourquoinepasfaire un jeu stalinien du genre: si tupeuxprouverquetufumesaumoinsun paquet de cigarettes par jour, cestformidable, tu aides lEtat avec des

    taxes, peut-tre mme vas-tu mourirplus tt et rgler le problme de la re-traite! Tu peux avoir une mdaillepour la stabilisation financire! Cestune blague, mais la blague, le Witz,a une force. En Yougoslavie, dans lesannes 80, lors de la monte du na-tionalisme, les blagues racistes, a afonctionn comme linstrument leplus fort de la solidarit. Ce ne sontpas des mots desprit contre lesautres mais contre sa propre iden-tit, chaque nation est identifie etsidentifie un trait raciste: les Slo-vnes sont avares; au Montngro,

    ils sont paresseux Au lieu de criti-quer, on sidentifie avec plaisir, onraconte des Witze, et a a fonctionndune faon libratrice. Quand leschoses sont vraiment horribles, latragdie ne marche pas, parce quelleprsuppose une certaine dignit. Parexemple, si on imagine une tragdieAuschwitz,unJuifquiseconfrontede faon hroque un nazi concdedj trop au nazi. La situation a ttellement horrible que a na pas tpossible pour la victime. Tous lesbons films sur lHolocauste ont tdes comdies!

    SLAVOJZIZEKMOINSQUE RIENTraduit delanglais parChristineVivier,d. Fayard,960pp.,32.