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I 28 I n° 308 décembre 2016 RÉUSSIR GRANDES CULTURES dossier risques climatiques PHOTOS : J.-C. GUTNER ; OLIVIER BOHN Profiter des outils de la réglementation S ouvent décriés et assez peu uti- lisés, les outils élaborés par les pouvoirs publics ont pour but d’anticiper les pertes liées aux phénomènes météorologiques. Parmi les outils réglementaires mis à la disposition des agriculteurs, il y a l’assurance multirisque climatique. Communément appelée assurance récolte, elle peut indemniser, dans certains cas, les pertes liées aux aléas climatiques. Les contrats couvrent les cultures de ventes contre plusieurs risques dont la grêle, l’inondation ou l’excès d’eau, la sécheresse et la tempête. Ils se déclinent soit par cultures soit à l’exploitation. Deux types de garanties peuvent être souscrits : un contrat dit socle subventionné à 65 % par l’État, avec un seuil de déclenchement et une franchise à 30 % ou un contrat avec des garanties supplémentaires sub- ventionnées entre 0 % et 45 %. « Ces garanties peuvent être des frais de re- semis par exemple ou des rendements moyens et/ou des prix rehaussés ou encore des rachats de franchise et/ou du seuil de déclenchement », explique Olivier Bohn, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture de Moselle. Devant cette offre complexe, quel contrat choisir ? Selon le conseiller, il est important d’analyser le risque qui pèse sur la culture et d’évaluer sa résistance. « Cela peut se mesurer en prenant en compte l’historique des rendements et de leurs impacts sur le chiffre d’affaires », préconise le conseil- ler lorrain, alertant qu’il faut prendre en compte l’impact du changement climatique. Faire des simulations pour estimer ses risques Quant au choix du contrat, pour Oli- vier Bohn, il est important de faire des simulations sur l’ensemble des cultures de ventes afin d’associer la meilleure couverture assurantielle au risque climatique (voir encadré p.29). « On le voit cette année, ceux qui avaient bien arbitré leur contrat ont été plutôt bien indemnisés. Mais ceux qui ont une perte limitée par rapport à leur seuil de déclenchement ou franchise regrettent de ne pas avoir effectué un rachat de franchise », affirme Olivier Bohn. Autre outil, la DPA, dotation pour aléas climatiques. « C’est un placement pour permettre à l’agriculteur d’avoir un « trésor de guerre ». Ce montant profite LA MOITIÉ DU MONTANT DE LA DPA doit depuis deux ans être bloquée au moins six mois avant la clôture de l’exercice. Moins d’hectares assurés en 2016 3 771 Mha assurés (-1,8 % par rapport à 2015) en grandes cultures via l’assurance récolte 5 296,80 Mde capital assuré (+1,6 % par rapport à 2015) 116,40 Mde cotisations subventionnables (+1,5 % par rapport à 2015) EN CHIFFRES Les pouvoirs publics se sont saisis de la question des risques climatiques en créant l’assurance récolte et la déduction pour aléas climatiques. RGC308-DOSS-4-Outils.indd 28 17/11/2016 18:07 RGCA0308_028_BH403867.pdf

2016-12-01 Risques climatiques (Réussir grandes cultures) · 2017. 6. 29. · ses risques Quant au choix du contrat, pour Oli-vier Bohn, il est important de faire des simulations

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Page 1: 2016-12-01 Risques climatiques (Réussir grandes cultures) · 2017. 6. 29. · ses risques Quant au choix du contrat, pour Oli-vier Bohn, il est important de faire des simulations

I 28 I n° 308 décembre 2016 RÉUSSIR GRANDES CULTURES

dossier risques climatiques

PHOTOS : J.-C. GUTNER ; OLIVIER BOHN

Profiter des outils de la réglementation

Souvent décriés et assez peu uti-lisés, les outils élaborés par les pouvoirs publics ont pour but d’anticiper les pertes liées aux phénomènes météorologiques.

Parmi les outils réglementaires mis à la disposition des agriculteurs, il y a l’assurance multirisque climatique. Communément appelée assurance récolte, elle peut indemniser, dans certains cas, les pertes liées aux aléas climatiques. Les contrats couvrent les cultures de ventes contre plusieurs risques dont la grêle, l’inondation ou l’excès d’eau, la sécheresse et la tempête. Ils se déclinent soit par cultures soit à l’exploitation. Deux types de garanties peuvent être souscrits : un contrat dit socle subventionné à 65 % par l’État, avec un seuil de déclenchement et une franchise à 30 % ou un contrat avec des garanties supplémentaires sub-ventionnées entre 0 % et 45 %. « Ces

garanties peuvent être des frais de re-semis par exemple ou des rendements moyens et/ou des prix rehaussés ou encore des rachats de franchise et/ou du seuil de déclenchement », explique Olivier Bohn, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture de Moselle.Devant cette offre complexe, quel contrat choisir ? Selon le conseiller, il est important d’analyser le risque

qui pèse sur la culture et d’évaluer sa résistance. « Cela peut se mesurer en prenant en compte l’historique des rendements et de leurs impacts sur le chiffre d’affaires », préconise le conseil-ler lorrain, alertant qu’il faut prendre en compte l’impact du changement climatique.

Faire des simulations pour estimer ses risquesQuant au choix du contrat, pour Oli-vier Bohn, il est important de faire des simulations sur l’ensemble des cultures de ventes afi n d’associer la meilleure couverture assurantielle au risque climatique (voir encadré p.29). « On le voit cette année, ceux qui avaient bien arbitré leur contrat ont été plutôt bien indemnisés. Mais ceux qui ont une perte limitée par rapport à leur seuil de déclenchement ou franchise regrettent de ne pas avoir effectué un rachat de franchise », affi rme Olivier Bohn.Autre outil, la DPA, dotation pour aléas climatiques. « C’est un placement pour permettre à l’agriculteur d’avoir un « trésor de guerre ». Ce montant profi te

LA MOITIÉ DU MONTANT DE LA DPA doit depuis deux ans être bloquée au moins six mois avant la clôture de l’exercice.

Moins d’hectares assurés en 2016

3 771 Mha assurés (-1,8 % par rapport à 2015) en grandes cultures via l’assurance récolte

5 296,80 M€ de capital assuré (+1,6 % par rapport à 2015)

116,40 M€ de cotisations subventionnables (+1,5 % par rapport à 2015)

EN CHIFFRES

Les pouvoirs publics se sont saisis de la question des risques climatiques en créant l’assurance récolte et la déduction pour aléas climatiques.

RGC308-DOSS-4-Outils.indd 28 17/11/2016 18:07RGCA0308_028_BH403867.pdf

Page 2: 2016-12-01 Risques climatiques (Réussir grandes cultures) · 2017. 6. 29. · ses risques Quant au choix du contrat, pour Oli-vier Bohn, il est important de faire des simulations

RÉUSSIR GRANDES CULTURES n° 308 décembre 2016 I 29 I

dossierrisques climatiques

BOHN

d’une déduction fiscale », explique Olivier Bohn. Déduite du résultat d’exploita-tion, la DPA permet de payer moins d’impôts et de MSA. Depuis deux ans, son montant est plafonné à 27 000 € par an et par associé (dans la limite de quatre). L’encours ne peut dépasser 150 000 € par associé. La moitié de la somme déduite du résultat d’exploita-tion doit être épargnée et bloquée au moins six mois avant la date de clôture de l’exercice. « Sur 20 000 € déduits fiscalement par exemple, 10 000 € doivent être placés sur un livret qui suit les taux d’intérêt du livret A. Toutefois, au moment d’utiliser la DPA, 20 000 € seront réintégrés au résultat comptable », précise le conseiller lorrain.

La reprise de la DPA sous conditionsAprès avoir déduit sa DPA, l’agriculteur dispose de sept ans pour la réintro-duire dans le résultat. Elle peut être utilisée lors du paiement de la prime d’assurance lorsque les biens ont été endommagés (bâtiments, récolte…) ou lorsqu’un incendie, une perte de récolte intervient alors que l’agriculteur n’est pas couvert par son assurance. La DPA peut également être utilisée lors d’aléas économiques. La perte doit alors s’élever à plus de 10 % de la valeur ajoutée par rapport à la moyenne des trois exercices précédents. Dans ce cas, elle doit être insérée dans le résultat un an au plus tard après la survenance de l’aléa. « La DPA sert avant tout à payer les dépenses suite aux dégâts survenus. Mais attention, avant de l’utiliser, il faut bien avoir en tête qu’elle réinjecte du revenu et induit donc le paiement des impôts et charges sociales cette année-là. Il faut donc choisir le moment le plus

Quand le rachat de franchise a du bon

Thomas est agriculteur en Moselle, il cultive 92 ha de blé d’hiver

Pour la récolte 2016, il a assuré la totalité de ses surfaces cultivées en blé. Il s’est basé sur la moyenne olympique quinquennale de 7 t/ha vendues à un prix moyen de 150 €/t.

Suite à la récolte 2016 catastro-phique, Thomas a réalisé un rendement de 4,3 t/ha à un prix payé de 140 €/t en moyenne, soit une perte de 1 060 €/ha.

Le contrat d’assurance qu’il avait souscrit avait un coût de 51 €/ha avec une subvention de 30 €/ha soit une prime nette payée de 21,38 €/ha.

À un seuil de déclenchement et une franchise de 25 %, l’indemnisation commence à partir d’une perte de 265 €/ha (25 % x 7). À un prix de 150 €/t, la récolte s’élève à 645 €/ha (150 x 4,3). La perte remboursable s’élève donc à 150 €/ha (1 060 - 602 - 265). Or le coût

de l’assurance est de 21 €/ha. La perte s’élève donc à 286 €/ha (265+21) soit une indemnisation de 129 €/ha (150-21).

À un seuil de déclenchement et une franchise de 20 %, la prime payée par l’agriculteur s’élève à 67 €/ha. La subvention accordée n’évolue pas (soit 30 €/ha) puisque le rachat de franchise n’est pas subventionné au-delà des 25 %. La prime nette est donc de 37 €/ha. Le seuil de déclenchement est plus bas, à 212 €/ha (20 % x 7). Avec une récolte estimée à 645 €/ha, la perte remboursable est de 203 €/ha (1 060 - 645 - 212). Avec le coût de l’assurance, la perte nette est de 249 €/ha (212 + 37) et l’indemnisation de 166 €/ha.

Pour la récolte 2016, le rachat de franchise, malgré son surcoût (16 €/ha) permet de gagner 37 €/ha d’indemnités.Réalisé avec Olivier Bohn, chambre d’agriculture du 57.

Ceux qui ont bien arbitré leur contrat

d’assurance récolte se retrouveront

plutôt bien indemnisés. »

OLIVIER BOHN, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture de Moselle

opportun », avertit Olivier Bohn. Si la DPA n’est pas introduite dans les sept ans, le montant encouru ajouté de ses intérêts sera réintégré au résultat d’exploitation du septième exercice. Ce montant sera majoré d’une péna-lité qui correspond au taux légal en vigueur l’année de la réintégration (pour 2014, ce taux était de 0,04 %). Si la DPA est injectée sans aléa, une pénalité de 0,4 % par mois est ajoutée. « DPA ou assurance récolte, dans tous les cas, il est nécessaire d’avoir une ou plusieurs stratégies de gestion des risques sur son exploitation », confie Olivier Bohn. Lucie Debuire

L’assurance chiffre d’affaires peut-être dans la PAC 2020

Sorte de Graal de la gestion du risque, l’assurance chiffre d’affaires, qui consiste à croiser prix et volumes, est de toutes les réflexions sur la PAC 2020. « Ils [les assurances récoltes et les fonds de mutualisation sanitaires] devront être complétés par un outil efficace de prise en charge des aléas économiques de type assurance chiffre d’affaires ou outil de stabilisation des revenus », peut-on ainsi lire dans la contribution française à la PAC post-2020 présentée par Stéphane Le Foll aux ministres européens de l’Agriculture fin mai. Ce dossier longtemps regardé d’assez loin par les assureurs semble prendre de la consistance. Groupama a annoncé fin octobre le lancement d’une offre test pour la récolte 2017, proposée dans certains départements sur colza, blé tendre et maïs grain. Et Pacifica poursuit l’opération pilote lancée en 2016(1).

Le dispositif a ses aficionados… Et ses détracteurs. Fin mai, le think tank Momagri a exprimé « sa crainte quant à la place centrale que semble donner le gouvernement français aux assurances chiffre d’affaires ». Pour lui, le risque prix, qui concerne tous les agriculteurs en même temps, n’est pas mutualisable. Certains réassureurs estiment quant à eux que c’est au marché à terme de le gérer. Analyste chez Agritel, Sébastien Poncelet nuance : « parce qu’il mutualise sur les risques volumes et prix en même temps, l’assureur peut ne pas avoir besoin d’acheter 100 % des produits financiers qui permettent de couvrir les prix. Cela peut sans doute lui permettre de proposer un produit globalement moins cher que ce qu’un

agriculteur peut obtenir seul ». À suivre… V. N.

Voir Réussir Grandes Cultures n° 307, p.7.

RGC308-DOSS-4-Outils.indd 29 17/11/2016 18:07RGCA0308_029_BH403867.pdf

21 €/ha.

2.7 T/ha.

(20% x 7,07 x 150) avec une

1,75 T/ha, soit 265 €/ha.

645 -

et l' à

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