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INTRODUCTION LE BUT. — LES MOYENS. — L’INTÉRÊT Je nie propose de rechercher quelles sont les formes les plus anciennes de notre versification et comment elles se sont déve- loppées en France et hors de France. Les premiers attestés de nos mètres poétiques, l octosyllabe, le décasyllabe, l’alexandrin et quelques autres, se présentent dès 1 abord sous une forme nettement arrêtée, qui témoigne d un long emploi antérieur. Sans doute, elle a encore évolué quelque peu à partir de l’instant où elle apparaît dans nos vieux manus- crits. A plus forte raison lui a-t-il fallu un temps assez consi- dérable pour s’ébaucher et se dégager des premiers essais, avant que les clercs aient jugé la « langue rustique », ou « vulgaire », (ligne de figurer sur leurs parchemins à côté de la langue savante, le latin. Il a existé en France pendant cette première période, il y a même lleuri vers la fin 1 une poésie orale, primitive, — chantée, naturellement, — qui s’est en partie conservée ou continuée sur les lèvres du « peuple », tandis qu’elle s’épanouissait dans la poésie « littéraire » en formes plus différenciées, plus riches2. C’est ainsi que se maintiennent également dans le peuple, en s’altérant plus ou moins, des façons de parler abandonnées par les « classes supérieures ». Il arrive aussi que des modèles français de vers, de style, de langage, de manières 011 de vêtement, une fois disparus ou trans- formés chez nous, se perpétuent et se développent dans nos colonies, comme chez les Normands d’Angleterre, ou même en pays complètement étranger. Ainsi, notre peinture gothique n’a ÎS . B. — On trouvera à la lin du volume les notes qui répondent aux appels en chiffres.

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  • �INTRODUCTION

    LE BUT. — LES MOYENS. — L’INTÉRÊT

    Je nie propose de rechercher quelles sont les formes les plusanciennes de notre versification et comment elles se sont déve-loppées en France et hors de France.

    Les premiers attestés de nos mètres poétiques, l�octosyllabe,le décasyllabe, l’alexandrin et quelques autres, se présententdès 1 abord sous une forme nettement arrêtée, qui témoigne d�unlong emploi antérieur. Sans doute, elle a encore évolué quelquepeu à partir de l’instant où elle apparaît dans nos vieux manus-crits. A plus forte raison lui a-t-il fallu un temps assez consi-dérable pour s’ébaucher et se dégager des premiers essais, avantque les clercs aient jugé la « langue rustique », ou « vulgaire »,(ligne de figurer sur leurs parchemins à côté de la langue savante,le latin.

    Il a existé en France pendant cette première période, il y amême lleuri vers la fin 1 une poésie orale, primitive, — chantée,naturellement, — qui s’est en partie conservée ou continuée surles lèvres du « peuple », tandis qu’elle s’épanouissait dans lapoésie « littéraire » en formes plus différenciées, plus riches2.C’est ainsi que se maintiennent également dans le peuple, ens’altérant plus ou moins, des façons de parler abandonnées parles « classes supérieures ».

    Il arrive aussi que des modèles français de vers, de style, delangage, de manières 011 de vêtement, une fois disparus ou trans-formés chez nous, se perpétuent et se développent dans noscolonies, comme chez les Normands d’Angleterre, ou même enpays complètement étranger. Ainsi, notre peinture gothique n’a

    ÎS�. B. — On trouvera à la lin du volume les notes qui répondent aux appelsen chiffres.

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    INTRODUCTION

    guère laissé de traces en France, mais nous pouvons l’étudierdans les imitations qu’en onl gardées les églises de Suède \ C’estprécisément dans l’adaptation de nos vers en d’autres langues quenous trouvons l’exemple sans doute le plus clair, le plus topique,le plus frappant : alors que notre décasyllabe allait s�effaçant dansnotre littérature, il prenait un essor merveilleux dans l’épopée etle drame de l’Angleterre, comme heroic rhyme et blank verse,pour passer de là dans le drame et l’épopée de l’Allemagne, dela Hollande, du Danemark, de la Suède et de la Norvège. Le mêmephénomène s’est produit, avec moins d’éclat, pour d’autres mètresde notre poésie orale ou écrite, « populaire » ou « savante ».

    Certaines de ses formes ont également passé dans la poésielatine du moyen âge, par exemple dans les « proses » de l’Eglise *.On peut le constater dans les séquences et autres rhythmi duLimousin ou d’Aquitaine (ix� et x° siècles), ainsi que dans lespoèmes d’Abélard (1079-1142), d’Adam de Saint-Victor (vers 1150)et de leurs disciples \ Abélard n’avait-W pas Iui-meme, toutcomme saint Bernard (1090-1153), composé dans sa jeunesse deschansons d’amour en langue vulgaire "? Directe ou indirecte, enfin,l’imitation apparaît manifestement dans les rhythmi qui sont cons-truits en accentuant à la française, c’est-à-dire sur la dernièresyllabe, le mot qui termine le vers ou l’hémistiche 7.

    Comme il y a eu influence réciproque entre les deux poésies,la latine et la française, il faut naturellement se garder, ici sur-tout, de conclusions hasardées8.

    Notre chanson populaire a conservé au moins les plus impor-tants de nos mètres primitifs. Nous les retrouvons dans les textesanciens sous une forme identique ou évoluée. Ils se reconnaissentdans les imitations ou adaptations étrangères. Ils transparaissentdans certaines innovations apportées en France aux rhythmi latins.Cette quadruple documentation suffit largement pour les définiret les étudier. J’esquisserai au fur et à mesure l’histoire de leursvariations jusqu’aux temps modernes.

    Sans doute, il faudrait plusieurs vies d’homme pour examinerà tous les points de vue ce que nous possédons de vieilles poésieset de chansons populaires, texte et musique, non seulement enfrançais du nord et du midi, mais encore dans plusieurs autreslangues européennes, sans oublier le latin du moyen âge. Heureu-sement, les formes principales de nos vers primitifs se dégagentnettement d’une lecture beaucoup moins étendue. Enfin, si nousen sommes réduits en bien des cas à des hypothèses plausiblesou même à de simples conjectures, que je donnerai toujourscomme telles, il y a au moins pour l’essentiel des faits bienattestés et des inductions très sûres.

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    Müis à quoi bon ces recherches? Quel intérêt peuvent-elles bienprésenter? Voilà une question que ne poseront certainement niles linguistes, ni les philologues, ni les folkloristes, ni les philo-sophes étudiant la psychologie des peuples. Parmi nos littérateurs,au contraire, et parmi nos historiens de la littérature, il en estqui accordent peu d�attention à l’origine et à l’évolution des mètrespoétiques en France. Ils ont tort. II n’jr a peut-être pas de paysen Europe où les poètes aient autant travaillé la technique du verssans presque jamais s’inspirer de modèles étrangers : ne vaut-ilpas la peine de regarder de près sur quelle matière traditionnelles’est exercé leur art, comment ils l’ont reçue, maniée et peut-êtretransformée? J’entends bien : on croit plus digne de s’en tenirau fond, à la «pensée»; on juge futile de s’arrêter aux détailsmatériels de la forme. Mais est-ce qu�elle n’importe pas essentielle-ment en poésie? Est-ce qu’elle ne contribue pas à l’expression dessentiments? Et il ne suffit point de le constater et de chercher àl’expliquer dans chaque cas particulier. On risque de se fourvoyeren se laissant guider par de simples impressions. Les formesde notre poésie s’expliquent bien souvent par leur origine, parleur emploi dans la danse en chœur, par leur accommodation aurythme du chant, etc. Elles se sont conservées en cessant de servirà leurs fins primitives. On se trompe en leur attribuant des causes,des raisons d’être purement esthétiques. Qu’on n’ait aucunecrainte : leur beauté n�en ressortira que mieux, — comme le faiten pareil cas celle du « bois apparent » et des colonnes, — quandon apercevra leur utilité première dans l’architecture du vers, dela strophe, du poème. Pour la bien faire voir et comprendre,mieux vaut procéder dans mon exposé en sens inverse de cetteénumération, c’est-à-dire commencer par l’ensemble et entrer deplus en plus avant dans le détail. De là l’ordre que j’ai adopté :les poèmes, les strophes, les vers, ou mètres proprement dits

    Je traite aussi dans le t. I r des questions étrangères en appa-rence à mon sujet proprement dit, mais importantes pour l�histoirede notre versification. C’est ainsi que je consacre un certain nombrede pages aux divers aspects que présente la matière poétique, lefond lui-même, dans nos chansons de forme primitive. Il y a,d’autre part, des questions que je donne provisoirement commerésolues, en remettant au t. II ou au t. III une démonstrationdétaillée. Toutes les parties de mon livre s’éclairent, s’enchaînent,se complètent.

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    INTRODUCTION

    REMARQUES GÉNÉRALESA. — Citations

    Dans l’utilisation des matériaux que j’ai recueillis, matériaux devaleur très diverse, il eût certainement été plus correct de reproduirele texte manuscrit ou imprimé avec une exactitude absolue : en conser-vant, par exemple les graphies inconséquentes, les lapsus manifestes,les bévues inévitables des copistes et des « collecteurs » de chansons,les abréviations variables, le manque de ponctuation ou les ponctuationsarbitraires, l’absence de division en vers et même en strophes, etc. Jem’en suis tenu le plus possible à cette méthode. Voici dans quellescirconstances et sous quelles formes je m’en écarte :

    1° Je développe les abréviations.

    2° Sauf lorsqu’il s’agit d’un vers qui prête à discussion, je normalisela graphie hétéroclite et presque illisible du Saint Léger et de la Passion,mais je cite en note le texte du manuscrit sans y rien changer 10.

    J’ajoute parfois des signes diacritiques : accents, tréma, etc.

    Dans nos vieux textes, comme on sait, il n’y a pas d’accents. Dansceux qui sont antérieurs au xv� siècle, je* mets au besoin un accent aigusur e en syllabe finale, e ouvert comme e fermé, soit pour indiquer quece n’est pas un « e féminin », soit pour distinguer certaines monosyllabesde leurs homographes : chanté, chantés; mes = mais (cf. mes, adj. poss.).Dans les textes plus récents, j’emploie, suivant la prononciation, l’accentaigu ou l’accent grave.

    Conformément à l’usage, je mets un tréma sur Ve féminin quand ilne s’élide pas avant une voyelle; un point au-dessous, quand il ne seprononce pas avant une consonne ou une pause.

    Quand il n’y a pas de ponctuation dans le texte, j’v ajoute cellequ’exigent nos habitudes actuelles.

    3° Je me permets rarement d’introduire une correction, la plus admis-sible, dans les passages évidemment corrompus. J’en avertis, d’ailleurs,et j’en donne les raisons. Je mets entre parenthèses ce qu’il faut retran-cher; entre crochets, ce qu’il faut ajouter, — parfois aussi une expli-cation que j’intercale dans le texte.

    4° Dans l’impossibilité d’aligner toutes les versions de certaineschansons populaires, j’ai quelquefois cité les « restitutions » qui con-sistent en un choix de variantes (v., dans la Bibliographie, Doncieux,Danmarks Folkeviser, DF).

    5U Pour la musique du moyen âge, qui est peu abordable au grandnombre, je renvoie en général aux transcriptions de MM. Jean Beck,Friedrich Gennrich et Hans Spanke Je cite en pareil cas le texte aussid’après eux, en général du moins. V., du reste, la bibliographie. Parolesou mélodie, je me suis autant que possible reporté au manuscrit, àune photographie ou à une édition diplomatique.

    6U Afin de mettre en évidence les rapports des mètres poétiques entreeux ou avec la musique, je donne maintes fois aux vers cités une dispo-

  • sition typographique en désaccord avec l’usage. Il n’y a de légitime,

  • INTRODUCTION

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    naturellement, que celle choisie par le poète ou adoptée par la tradition:je l’indique par des tirets ou autrement, et l’on n’aura aucune peine àla reconnaître, à la rétablir.

    7° Quand il y a dans un vers une coupe fixe, ou césure, je laisse1111 blanc entre les hémistiches.

    11 va sans dire, enfin, que mes arguments, mes conclusions ne sefondent que sur les textes bien et dûment attestés.

    B. — Français

    Ce n’est pas seulement au français commun, — académique, officiel,

    — que j’applique le nom de français, mais à toutes les formes du gallo-roman qui se parlent ou se sont parlées en France : en France d’oc(languedocien, gascon, auvergnat, limousin, provençal), aussi bien qu’enFrance d’oui (francien, normand, picard, champenois, bourguignon,lorrain, wallon, angevin, poitevin, saintongeais, etc.).

    C. — Abréviations, signes, etc.

    Inutile d’expliquer les abréviations usuelles. Mus. = avec musique.Ch. = chanson(s); f. = feuillet(s), recto ou verso; ms. = manuscrit(s).Avant un nombre en chifi�res, v. = (un ou plusieurs) vers; avant unedate, vers (= environ) est écrit en entier. Après l’indication d�un vers,d’une ligne ou d’une page, s. = et suivant(s), et suivante(s).

    Dans les cas pareils aux précédents, — et suivant(s), etc., — il y alieu de lire avec ou sans la partie du mot entre parenthèses.

    Quand je nomme de suite des notes de musique appartenant à deuxoctaves, l’octave supérieure (toujours à partir de do) est signalée parun indice: sol sol sol do1 («Allons, enfants...).

    Les autres signes seront expliqués en temps et lieu.

    Noté = (air, rythme ou mètre) indiqué en notation musicale; (vers,refrain, poème) avec notation musicale.

    Les renvois tels que p. 20, n° 20, etc., se rapportent à l’ouvrageindiqué dans la même phrase, d’ordinaire en abrégé, quelquefois parle nom de l’auteur (v. Bibliographie). Quand il n’y en a pas d’indiqué,c’est de mon livre qu’il s’agit.

    D. — Notes

    Les appels en chiffres renvoient aux notes, assez abondantes, quej’ai reléguées à la fin de chaque volume : elles contiennent des réfé-rences, des explications complémentaires, des réponses aux objectionset aux questions que pourra provoquer le texte, quelques discussions, etc.

    Les appels en astérisques renvoient aux notes très rares que j’ai misesau bas des pages pour donner le sens d’un mot archaïque ou quelqueéclaircissement du même genre.

  • INTRODUCTION

    BIBLIOGRAPHIE

    des tomes I et II

    Les ouvrages sont classés par ordre alphabétique d’après les abré-viations dont je me sers dans mon livre. Je me contente, en principe,de signaler ceux que j’ai cités plusieurs fois dans le texte ou dans lesnotes. Cette « bibliographie » n’en est donc pas une au sens propre dumot : elle est bien loin d’épuiser le sujet, bien loin même de comprendretoutes mes sources, tous les imprimés et tous les manuscrits que j’aidépouillés ou au moins consultés. Elle contient, d’autre part, quelquesexplications sur certaines œuvres assez peu connues. J’ai cru parfoisplus pratique de renvoyer à de bons livres de vulgarisation : ils sontplus accessibles au grand nombre que les gros ouvrages d’érudition etîle haute science.

    C�est pour moi un agréable devoir que de remercier cordialementmes collègues MM. Dédier et Jeanroy des renseignements précieux qu’ilsm’ont donnés avec tant de complaisance, — et il ne s’agit pas seulementde bibliographie.

    Adam = Le Mystère d’Adam, éd. Karl Grass, Das Adamsspiel, Hallea. S., 1891.

    Adam le Bossu, appelé aussi Adam d’Arras et Adam de laHal(l)e.

    V. Jeu de la Feuillée, Robin et Marion et Rondel Adam.

    Adler = (îuido Ailler, Handbuch der Musikgeschichte, Francfort-sur-le-Main, 1924 (p. 65-105, par Peter Wagner; p. 127-250, par FriedrichLudwig).

    Alexis = Vie de saint Alexis (xr siècle), par Thetbald, de Yernon,

    chanoine à Houen. Citée d’après Fœrster-Koschwitz, col. 102 s. (ms. L

    Ancona = Alessandro d�Ancona, La poesia popolare italiana, 2* éd.,Livourne.

    Arwidsson = A. I. Arwidsson, Svenska fornsànger, 3 vol., Stockholm,1834-42.

    Attaignant = Vingt et neuf chansons, Paris, 1530.

    Audigier, publ. par Barbazan et Méon (Recueil de fabliaux et contes,Paris, 1808, t. IV, p. 217-“233).

    Ballard, Brunettes = Bruneltes recueillies par Ballard, Paris, I (1703),II (1704), III (1711). — Avec musique.

    Ballard, Bondes = Les Rondes, Chansons à danser, recueillies parBallard, Paris, I et II, 1724. — Avec musique.

    Bamberg — Bamberg, Staatsbibliothek, Ms. Ed. IV-6. Motets duxni* siècle, etc., avec musique en notation proportionnelle. Le texte est

  • INTRODUCTION

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    parfois emprunté, sans modification du rythme, à des chansons popu-laires françaises. — Publ. par Pierre Aubry : Cent motets du xm* siècle(I, Reproduction phototypique; II, Transcription en notation moderne;III, Etudes et Commentaires), Paris, 1UU8.

    Rartsch = Romances et Pastourelles françaises des xir et xm* siècles,publ. par Karl Rartsch, Leipzig, 1870.

    Rartsch, Chrest. fr. = Karl Rartsch, Chrestomathie de l’ancien fran-çais, 4� éd., Heideberg, 1880.

    Rartsch, Chrest. prov. = Karl Rartsch, Chrestomathie provençale,3* éd., Elberfeld, 1875.

    Haijenx = Le manuscrit de Baveux. Texte et musique d’un recueilde chansons du xv* siècle, publ. par Théodore Gérold, Strasbourg, 1921.

    — Contient, au milieu d’autres, quelques chansons « populaires ».

    Reaurepaire = E. de Reaurepaire, Etude sur la Poésie populaire enNormandie, spécialement dans l’Avranchin, Paris, 1856.

    Reck = Dr. J.-R. Reck, Die Melodien der Troubadours, Strasbourg,1908. — Travail très important, dont je me suis largement servi.

    Beck, Chansonniers = Les Chansons des Troubadours et des Trou-vères, publ. par Jean Beck, Paris, 1927 : t. I", Fac-similé du ms. Congé];t. II, Transcription [id.]. — V. Introd., note 11.

    Reck, Mus. = Jean Reck, La Musique des Troubadours, Paris.

    Recker = Ph. Aug. Recker, l�ber den Ursprung der romanischenVersmasse. Strasbourg, 1890.

    Bédier, Légendes = Joseph Bédier, Les Légendes épiques. Paris,1908 s.

    Bédier, lien. 1896 = Joseph Bédier, Revue des Deux-Mondes, 1896.

    Bédier, Rev. 1906 = J.-B., Rev. des Deux-Mondes, 1906 (t. 31), p. 398 s.

    Bédier-Aubry = Les Chansons de Croisade, publ. par Joseph Rédieret Pierre Aubry, Paris, 1909. — Avec la musique.

    Rédier-Hazard = Histoire de la Littérature française, publ. sous la

    direction de Joseph Rédier et Paul Hazard, Paris.

    Rodel = Jean Bodel, Le Jeu de saint Nicolas, éd. Alfred Jeanroy,Paris, 1925.

    Boèce (x* siècle), cité d’après Bartsch, Chrest. prov.

    Böhme (Franz M.), Altdeutsches Liederbuch, Leipzig, 1877.

    Böhme (Franz M.), Geschichte des Tanzes in Deutschland, 2 vol.,

  • Leipzig, 1880.

    Braune, Leseb. - Wilhelm Braune, Althochdeutsches Lesebuch,5� éd., Halle 1902.

    Bujeaud = Jérôme Bujeaud, Chants et Chansons populaires des pro-vinces de l’Ouest, 2 vol., Niort, 1895.

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    INTRODUCTION

    Cangê = Bibl. Nat., ins. fr., n° 84G (PbB de Raynaud, O de Schwan).fin du xni° siècle. — Chansons avec musique, notation en général pro-portionnelle.

    Carm. Iiiir. = Carmina Burana: chansons et autres poèmes en latin,en allemand et en français, qui ont été composés aux xn" et xiii* siècles,en majorité par des clercs vagants. — Ed. Schmeller, Stuttgart, 1847.

    Carm. Fær. = Svend Grundtvig et Jórgen Bloch, Corpus CarminumFæroensium, 15 vol. ms. in-4°, Bibl. rov. de Copenhague.

    Champtleury-Weckerlin = Chansons populaires des provinces deFrance, Paris, 1860.

    Châtelaine de Saint-Gilles = O. Sclniltz-Gora, Zwei altfranzosischeDichtungen, 2* éd., Halle a. S., 1911.

    Chauvenci = Jacques Bretel, Lc(s) Tournoi(s) de Chauvenci (1285),publ. par Delmotte, Valenciennes, 1853, et par Hecq, Mons, 181)8, 1901.

    Child = J.-F. Child, The En^lish and Scottish popular Ballads, 10 vol.Boston, 1882-97.

    Cléomadcs, par Adenet le Roi (vers 1280), éd. A. van Hasselt, Bru-xelles, 1865.

    Coinci. éd. Poquet = Gautier de Coinci, Les Miracles de la Vierge,publ. par l’Abbé Poquet, Paris, 1857.

    Colin Muset = Les Chansons de Colin Muset, publ. par J. Bédier etJ. Beck, Paris, 1912.

    Conon = Les Chansons de Conon de Bétluine, publ. par Axel Wal-lenskold, Paris, 1921.

    Coussemaker, .4. H. = E. de Coussemaker, L’Art harmonique aux xii*et xiir siècles, Paris, 1865.

    Coussemaker, Script. = Scriptores de música medii aevi novamseriem... edidit E. de Coussemaker, t. I-IV, Paris, 1864-76.

    Uanmarks Folkeviser i Udvalg, publ. par Svend Grundtvig, Copen-liague, 1882. — Le but de l’auteur est de « restituer » les vieilles Fol-keviser danoises en n’omettant rien de ce que contiennent les différentesversions. Cf. DF.

    Decombe = Lucien Decombe, Chansons populaires recueillies dansle département d’Ille-et-Vilaine, Paris, 1884.

    l)F = Danske Folkeviser i Udvalg, publ. par Axel Olrik et IdaFalbe-Hansen, Copenhague, I, 1922 (5* édition), II, 1909. — Cette « resti-tution » n’admet pour chaque Folkevise que les détails communs a laplupart au moins des versions 12.

    Laub a également essayé de « restituer » les mélodies «le quelquesFolkeviser en se fondant sur les formes conservées dans le peuple : il y a

  • réussi autant sans doute qu’il est possible (Danske Folkeviser med garnieMelodier, Copenhague, 1899-1904).

    DgF = Dan marks garnie Folkeviser: t. 1-5, publ. par Svend Grundvig(1853-90); t. 6-8, « Ridderviser », publ. Axel Olrik; continué par C.rüner-Nielsen. — Cette collection monumentale contient toutes les versions

  • INTRODUCTION

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    connues de Folkeviser, les unes reproduites d’après des publicationsanciennes ou de vieux manuscrits, les autres recueillies de nos jourssur les lèvres du peuple. — Complément : JF.

    DL — 1*. Hansen, Illustreret dansk Litteraturhistorie, I. Bind, vedCarl S. Petersen, Copenhague.

    Doncieux = Georges Doncieux, Le Romancéro populaire de laFrance, Paris MDCCCCIV. — « Texte critique » de quarante-cinq chan-sons : cette restitution consiste en un choix de variantes, dont la prove-nance est toujours indiquée. Cf. Danmarks Folkeviser et UF.

    Doncieux-Tiersot = « Index musical » ajouté par J. Tiersot auRomancero de Doncieux. — Tiersot ne cherche pas à « restituer » lamélodie primitive par la méthode critique: il se contente de citer la

    meilleure version, la plus typique.

    Douce = Oxford, Bibliothèque bodléienne, ms. Douce 308 (O deRaynaud, 1 de Schwan). — Premier quart du xiv siècle. — Pièces ano-nymes, sans musique. La musique se trouve plus d’une fois dans Bamberget Montp.

    Faral = Edmond Faral, Les Jongleurs en France au Moyen Age,Paris, 1910.

    Fleurv = Jean Fleurv, Littérature orale de la Basse Normandie,

    Paris, 1883.

    Foerster-Koschwitz = W. Foerster et E. Koschwitz, AltfranzösischesÜbungsbuch, 4� éd. revue par Wendelin Foerster, Leipzig, 1911. — Re-production exacte des plus anciens textes français.

    Fornkv. = Sv. Grundtvig et J. SigurÔsson, Îslenzk fornkvæôi.

    Copenhague, 1854-58.

    Gace Brûlé, Chansons, éd. Gédéon Huet, Paris, 1902.

    Gagnon, Chansons populaires du Canada, Québec, 1865, 1880, 1894.

    Gennrich = Friedrich Gennrich, Rondeaux, Virelais und Balladenaus dem Ende des XII., dem XIII. und dem ersten Drittel des XI\.Jahrhundert mit den überlieferten Melodien. T. Ir, Texte, Dresden, 1921.T. II, Materialien, Literaturnachweise, Refrainverzeichnis, Göttingen,1927. — Recueil des plus utiles par sa riche documentation, ses nom-breuses références et la science aussi étendue que sûre de l’auteur (bienqu’on puisse quelquefois conserver quelque doute sur l’exactitude desrestitutions, texte ou musique). — V. Introd. note 11.

    Gennrich, Musikio. = Friedrich Gennrich, Musikwissenschaft undromanische Philologie, Halle, 1918.

    Gennrich, Rotrouenge = Friedrich Gennrich, Die altfranzösische

  • Rotrouenge, Halle, 1925.

    Gennrich, Vortrag = Friedrich Gennrich, Der musikalische Vortragder altfranzösischen Chanson de geste, Halle, 1923.

    Gerbert, Script. = Scriptores ecclesiastici de musica sacra potissi-mum, 3 vol., 1784.

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    INTRODUCTION

    Gérold = Théodore Gérold, Chansons populaires des xv* et \vr siè-cles, avec leurs mélodies, Strasbourg (s. d.).

    Gérold XVII" = Théodore Gérold, L’Art du chant en France auxvii* siècle, Strasbourg, 1021.

    GnF = Sophus Bugge, Garnie norske Folkeviser, Kristiania. 1858.

    Gröbers Gr. = G. Gröber, Grundriss der romanischen Philologie,Strasbourg, 1889 s.

    Grouchy = Jean de Grouchy (en latin Johannes de Grocheo), findu xni* siècle. Son traité de musique, à l’usage des laïcs et des clercs,a été publié par M. Johannes Wolf dans S.I.M., t. l,r. Renseignementsprécieux sur la chanson profane en langue vulgaire.

    Grüner-Nielsen = Vore æïdste Folkedanse, Copenhague, 1 i)l7.

    Guillaume de Dole, ou Roman de la Rose, par Jean Renart, originairedu Nord de l’Ile-de-France, ou, plus exactement peut-être, du Soissonnais.Publ. par J. Servois, Paris MDCCCXC1I1. — C’esl M. Rédier qui a décou-vert le nom de l’auteur. Servois se fonde sur différents indices pourfaire remonter la composition du poème à 1200 environ. MM. Fouletet Ch.-Y. Langlois (La vie en France au Moyen Age, t. Ier, 2* éd., Paris,

    11)20, p. 75) estiment qu’il y a plutôt lieu de ne pas aller au delà de 1210ou même 1212. A cause d’autres poèmes, entre autres ceux qui ont imitéGuillaume de I)ôle ou les « romances », il peut sembler préférable des’en tenir à la date indiquée par Servois1-.

    Guillaume IX = Les Chansons de Guillaume IX, duc d’Aquitaine,

    publ. par A. Jeanroy, 2* éd., Paris, 1927.

    Haskins III = Haskins, The Life of the médiéval Students as illus-trated bv their Letters (American historical Review, t. III, 1898, p. 203 s.).

    Haskins X = Haskins, The University of Paris in the Sermons ofthe 13. Century (Ib., t. X, 1904, p. 1 s.).

    Haupt = Moritz Haupt, Französische Volkslieder (publ. par A. 4 o-bler), Leipzig, 1877.

    Hauréau = Hauréau, Notices et Extraits de quelques manuscrits

    latins de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1890-93.

    Havet = Louis Havet, Cours élémentaire de métrique grecque et

    latine, 3� éd., Paris, 1893.

    Hilaire = Hilarii versus et Ludi, publ. par J.-J. Champollion-Figeac,Paris, MDCCCXXXVIH.

    Indy-Tiersot = V. d’Indy et J. Tiersot, Chansons populaires

  • du

    Vivarais et du Vercors, Paris, 1912.

    Jeanroy = Alfred Jeanroy, Les Origines de la Poésie lyrique en

    France au Moyen Age, 3* éd., Paris, 1925.

    Jeanroy. Iiev. = Revue des Deux-Mondes, 1" février 1903, p. GG9-74.

    Jeanroy-Lângfors = Chansons satiriques et bachiques du xm* siècle,publ. par A. Jeanroy et A. Làngfors, Paris, 1921.

  • INTRODUCTION

    11

    Jeu de la Fouillée [ou Jeu Adam], par Adam le Bossu, vers 1262,éd. Ernest Langlois, Paris. 1911. — Coussemaker, Les Œuvres complètesd’Adam de la Halle. — Gennrich II, p. 89.

    JF = Evald I�ang Kristensen, Jydske Folkeviser og Toner, Copen-hague, 1871. — Chansons recueillies en Jutland.

    JFm — Du même, Jyske Folkeminder.

    K = (Paris, Bibliothèque de 1’) Arsenal, ras. 5198 (Pa de Raynaud).Chansons avec musique en notation carrée. — Publ. par A. Jeanroyet P. Aubry : Le chansonnier de l’Arsenal, reproduction phototypiqueet transcription, Paris 1911 s. (ont paru 7 livraisons).

    Ker, Dan. Ball., I, V = W. P. Ker, On the Danish Ballads, dansThe Scottish Historical Review, Vol. 1, 1904, p. 357-378, et vol V, 1908,]). 385-401, Glasgow.

    Ker, Hist. Ball. = \V. P. Ker, On the History of the Ballads, 1100-1500,dans Proceedings of the British Academy, IV, p. 179-204, Londres,1909-1910.

    Koschwitz, Mon. = Eduard Koschwitz, Les plus anciens monumentsde la langue française, G" éd., Leipzig, 1902.

    Lais et Descorts, publ. par Jeanroy, Brandin et Aubry, Paris, 1901.

    — Avec la musique.

    Lancelot du Lac (le Livre de), IIP partie, publ. par H. OskarSommer, Washington, 1912.

    Lanson = Gustave Lanson, Histoire de la Littérature française,13� éd., Paris, 1916.

    Laub, v. DF.

    Leach = H. G. Leach, Angevin Britain and Scandinavia, Cambridge(Harvard University Press), 1921.

    Lecoy = Lecoy de la Marche, La Chaire française au Moyen Age,2* éd., Paris, 1886. •

    Legrand (Emile), Chansons populaires recueillies en 1876 à Fon-

    tenay-le-Marmion, près de Caen, Romania, X, 1891, p. 364 s.

    Liederhort (Deutscher), publ. par Erk et Bohme, 3 vol. Leipzig,

    1893-1894.

    Liest0l, Norske Trollv.= Knut Liest0l, Xorske Trollvisor og norr0nesogor, Kristiania, 1915.

    Liest0l, Sammanhengen millom dei engelske og dei norderlendskcfolkevisorne, dans Syn og Segn, 1909, p. 106-121.

  • Ludwig (Friedrich), Repertorium organorum... T. I, Halle, 1910.

    M = Bibl. Nat. ms. fr. 844 (v. Boi).

    Mangeant = Le Recueil des plus belles chansons de dances de cetemps. A Caen, chez Jacques Mangeant, 1615. — 55 chansons, dont41 branles (37 doubles, 3 simples, 1 de Bretagne). — Chansons en

    grande partie populaires. — Sainte Geneviève, Bés. Vm 1185, deuxièmepièce.

  • 12 INTRODUCTION

    Mangeant I = Recueil îles plus beaux airs... à Caen, chez JacquesMangeant, 1(510. — Bibl. Sainte-Gencviève, Bés. Vm 1185, premièrepièce.

    Mangeant III = Recueil des plus belles chansons des comédiensfrançais. A Caen, chez Jacques Mangeant, 1615. — Bibl. Sainte-Gene-viève, Rés. Vm 1185, troisième pièce.

    Martinen (Ph.), Les Strophes, Paris, 1911.

    Méraugis, roman d’aventure, par Raoul de Houdan, éd. Michelant.

    Meyer = Wilhelm Meyer, Gesammelte Abhandlungen zur mittel-alterlichen Rhythmik, Breslau, 1905.

    MF = Des Minnesangs Frühling, éd. F. Vogt, Leipzig, 1911.

    Milâ y Fontanals, Romancerillo catalan, 1882.

    Monaci = Facsimili di documenti per la storia delle lingue edelle letterature romanze, publ. par Ernesto Monaci, Rome, 1910.

    Monaci, S. Agnese = Il Mistero provenzale di S. Agnese, facsimile,Rome, 1880.

    Montp. = Montpellier, Bibl. universitaire (de l’Ecole de Médecine),ms. H. 196. — Motets du xm� siècle (notation au moins en partieproportionnelle), dont 50 publ. par Coussemaker, .4. H. (v. Fr. Ludwigdans S.I.M., 1903). — Deux parties : une ancienne, f. 1-269; une plusrécente, f. 270-249, où le triplum se libère de la rythmique modale. —Texte souvent emprunté à chansons profanes dont le rythme n’est pasmodifié. — Plusieurs motets communs avec Bamberg.

    Motets = G. Raynaud, Recueil de Motets français des xn" etmii* siècles, Paris, 1883.

    Ms. = Manuscrit. — V. Hamberg, Douce. K, M, Mont p., ¿V, Xoailles,f). Roi, Saint-Germain, T, U, X. — Cf. A. Jeanroy, Bibliographie som-maire des Chansonniers français du Moyen Age, Paris, 1918.

    X = Bibl. Nat., ms. fr. 845 (Pb11 de Raynaud), Chansons avecmusique en notation carrée.

    Nef = Charles Nef, Histoire de la Musique, trad. par Mme Rockseth,Paris, 1925.

    Nigra = Costantino Nigra, Canti popolari dcl Piemonte, Turin, 1888.

    Xoailles = Bibl. Nat., ms. fr. 12.615 (Pb11 de Raynaud, T deSchwan), chansons avec musique en notation carrée (quelquefois pro-portionnelle).

    Xorske folkeviser fra middelalderen, publ. par Knut Liestpl etMoltke Moe, 2r éd., Kristania, 1919.

    Xorske folkevisor, publ. par Knut Liest0l et Moltke Moe, Oslo,t. I*r, 1920, et t. II, 1922. Paru depuis, t. III.

  • O = Bibl. Nat., ms. fr. 846 (v. Cangé).

  • INTRODUCTION

    13

    Orches. = Orchésographie (1589), par Thoinot Arbeau (anagramme

  • Robin et Marion (le Jeu de), par Adam le Bossu, éd. Ernest Langlois,Paris, 1924. Pour la musique, V. Coussemaker, Œuvres d’Adam dela Halle (reproduction et transcription), et Gennrich I, p. 71-73, II, p. 85-89 (transcription plus exacte).

  • 1-1

    INTRODUCTION

    Hoi = Bibi. Nat. ms. tr. 8-44 (Pb3 de Raynaud, M de Schwan).Chansons avec musique en notation carrée (parfois proportionnelle).

    Roland (Chanson de). Citée d’après le ms. d’Oxford, tel que lereproduit M. J. Bédier.

    Rolland = E. Rolland, Recueil de Chansons populaires, t. 1-6, Paris,1883-1890. — V. Livre 111, note 19.

    Roman de la Violette ou de Gérard de Nevers (1225), par Gibertde Montreuil.

    Roman du Châtelain de Couci (vers 1280), par Jacques Bretel(d’après Ch. V. Langlois), éd. Crapelet.

    Rondel Adam (li), publiés par Coussemaker, avec reproduction ettranscription de la musique, dans Œuvres d�Adam de la Halle, et parGennrich, avec une meilleure transcription, I, p. 54-71 (cf. II, 73-85).

    Sainte loi = La Chanson de Sainte Foi d’Agen, publ. par AntoineThomas, Paris, 1925.

    Sainte Foij = La Chanson de Sainte Fov, t. II, par P. Alfaric et

    E. Hoepfner, Paris, 1926.

    Saint-Germain = Bibi. Nat., ms. fr. 20.050 (Pb12 de Raynaud, IT deSchwan), xin siècle, avec additions du xiV. Chansons des xir etxiii* siècles, avec musique en neumes messins. — Reproduction photo-typique, publ. par P. Meyer et G. Raynaud, Paris, 1892.

    Saran. Fr. V. = Der Rhythmus des französischen Verses, Halle

    a. S., 1904.

    Schipper (I)r. J.), Englische Metrik, Bonn. t. I, 1882.

    Sehola Cantorum, Chansons de France, Paris (Rouart), 1907-1913.

    S.I.M. = Sammelbände der internationalem Musikgesellschaft.

    Spanke = Hans Spanke, Eine altfranzösische Liedersammlung, Halle.1925. — La musique est citée d’après le ms. K (Arsenal, 5.198), dontla notation n’est pas proportionnelle. Exception : ch. XIX. d’après Saint.Germain (neumes messins).

    Spenz = Friedrich Spenz, Die syntaktische Behandlung des acht-silbischen Verses in der Passion Christi und im Leodegar-Liede,Marburg, 1887.

    süponsus = Le Mystère de l’Epoux (xr siècle). V. Monaci, pl. 39.

    Steenstrup = Johannes C. H. R. Steenstrup, Vore Folkeviser fraMiddelalderen, Copenhague, 1891.

    Steffen = Richard Steffen, Enslrofig nordisk Folklyrik, Stockholm,

  • 1898.

    Steffen II = Richard Steffen, Svenska lätar, ... I, Stockholm, 1898.

    Suehier et Birch-Hirschfeld, Geschichte der französischen Litteratur,Leipzig et Vienne, 1900.

  • INTRODUCTION li>

    Svenaka folkvisor, publ. par E. G. Geijer et A. A. Afzelins, 3 vol.,

    Stockholm, 1814-1817; nouv. éd., augmentée, par H. Bergström et

    L. Höijer, ib., 1880.

    SvL = H. Schück et K. Marburg, Illustrerad Svensk Litteratur-historia, t. I (Schück), Stockholm, 2* éd., 1911, — 3* éd., 192G.

    7’ = Bibi. Nat., ins. fr. 12.015 (v. AToailles).

    Tabourot, v. Orchés.

    !

    Tarbé (R.), Romancero de Champagne, 5 vol., Reims, 1863-64.

    Tardi (D.), Fortunat, Paris, 1927.

    Tardi (D.), Virgile de Toulouse (les Epitomae de), Paris, 1928.

    Thibaut (IV), roi de Navarre, Chansons, publ. par P. Tarbé, Reims,1851.

    Thuren = IIjalmar Thuren, Folkesangen paa Fær0erne, Copen-hague, 1908.

    Thuren et Grüner-Nielsen, Fær0iske Melodier til danske Kæmpeviser,Copenhague, 1923.

    Tiersot = Tiersot (Julien), Histoire de la Chanson populaire enFrance, Paris, 1889.

    Tiersot, Alpes. Tiersot (Julien), Chansons populaires recueillies dansles Alpes Françaises, Grenoble, 1903.

    Tobler (Adolf), Le Vers français, trad. Breul et Sudre, Paris, 1885,

    — Vom französischen Versbau, 4" éd. Leipzig, 1903.

    U = Bibi. Nat., ins. fr. 20.050 (v. Saint-Germain).

    Uhland (L.), Alle hoch- und niederdeutsche Volkslieder, Stuttgart etTübingen, 2 vol., 1844-46 (2° éd., en un vol., 1881).

    Vénus la déesse d�amour, éd. W. Foerster, Bonn, 1882.

    Verrier MA — Paul Verrier, Essai sur les Principes de la Métriqueanglaise, 3 vol., Paris, 1909.

    Vising (Johan), Franska spraket i England, dans Göteborgs HögskolasArsskrift: 1 = t. VI, 1900; II = t. VII, 1901; 111= t. VIII, 1902.

    Wagner = Peter Wagner, Einführung in die gregorianschen Melo-dien, Leipzig, 1911-1912 (I®, II-�).

    Weck cri in (J.-B.), La Chanson populaire, Paris, 1886.

  • Winterfeld = Paul von Winterfeld, Rhythmen- und Sequenzstudien,ZfdA, t. 45, p. 132 s.

    Wolf. Geschichte = Johannes Wolf, Geschichte der Mensurainotationvon 1250-1460, I, Leipzig, 1904.

  • 16

    INTRODUCTION

    Wolf, Lais = Ferdinand Wolf, Über die Lais, Sequenzen und Lei-che, Heidelberg, 18-11.

    Wright = Specimens of Lyric Poetry, éd. by Thomas Wright,Londres, 1841.

    Wright (Thomas). Political Songs of England from the Reign ofJohn... London, 183i).

    X = Ribl. Nat., ms. fr. n. a. 1.050 (Pb17 de Raynaud). Chansons avecmusique en notation carrée.

    Yver, Le Printemps d�Yver, 1582, réédité par Paul L. Jacob dansVieux conteurs français..., Paris, 1841.

  • PREMIÈRE PARTIE

    LE POÈME

    LIVRE PREMIERLES ORIGINES. POÉSIE, CHANT ET DANSE

    CHAPITRE PREMIERLa formation de nos mètres primitifs

    La poésie ancienne en langue nationale n’est pas représentéeen France par des textes aussi vieux ni aussi abondants à l’ori-gine qu�en Angleterre, en Scandinavie et en Allemagne. Cela secomprend. Dans les pays germaniques, le latin s’opposait bienaussi comme « langue savante » à la « langue du peuple » (thiu-disk, etc.). Mais c’étaient là, en outre, deux langues essentielle-ment différentes : quand on voulait écrire dans l’idiome maternel,national, on se servait du franconien, de l’alémanique, du bava-rois, du saxon occidental, de l’anglien, du norrois; et dans plu-sieurs de ces dialectes, sans parler de brèves inscriptions runiques,il s’était conservé oralement des poèmes plus ou moins longs,que recueillirent en partie les clercs.

    Chez nous, au contraire, le latin n’était que la forme correcte,la forme écrite de « notre vulgaire >. Au début les différencesn’étaient guère plus grandes qu’entre la « langue écrite » et la« langue parlée » dans la France ou l’Angleterre de nos jours.C’est donc en latin seulement qu’écrivaient ceux qui savaientécrire. Il est facile de s’imaginer combien il leur eût sembléhorrible et ridicule, même à une époque avancée, d’orthographiertiede au lieu de tepidum, tcpidi, tcpido, tepide, tepidn, tepidae,ou bien de remplacer eqtius par cheval, crurcs par jambes, pourne rien dire de termes plus rustiques encore, tels que teste

    P. Vekrier. — Le Vers français. — 1.

    2

  • 18

    LE VERS FRANÇAIS

    (littéralement « pot de terre ») au lieu de caput : voit-on Lamar-tine, Hugo ou Leconte de Lisle écrivant aplé au lieu de appeler,appelez, appelai, appelé, appelés, appelée, appelées, — faisantrimer pu « pas » avec frwR « froid », — et employant dans leursvers, au lieu du vocabulaire classique, les mots et expressions d’ar-got qui gagnent de plus en plus de terrain parmi nous, commeépatant, moche, gosse, (un sale) type, (un chic) bouquin, etc.?

    11 s’est écoulé des siècles, en France, avant qu’on se permîtd’écrire le « latin », — la lingua romana, — comme on le parlaitgénéralement dans la conversation, dans la vie de tous les jours.Quand on l’osa enfin, ce fut d’abord notre poésie en langue vul-gaire qui en profita surtout, presque uniquement plutôt, pourdes raisons faciles à concevoir : elle s’adressait à tout le monde,aux femmes comme aux hommes. Les gens d’église se mettaientaussi à la cultiver publiquement, tant par goût personnel, peut-oncroire, que dans le pieux dessein de contre-balancer ou même desupplanter par des chants religieux les chansons profanes, d’uncaractère en général peu édifiant : ce sont leurs œuvres qui appa-raissent les premières dans nos textes.

    Avant d’affleurer dans la littérature reconnue, écrite, cettepoésie en langue vulgaire s’était développée sous forme orale.Elle existait depuis bien longtemps. Pour en trouver la source,la première source au moins de sa versification, il faut remonterjusque par delà les grandes invasions.

    D’un bout à l’autre de l’Empire romain, la prononciationclassique du latin avait commencé de bonne heure à s’altérer surles lèvres du peuple, surtout dans les provinces, comme la Gaule,où s’était parlée une autre langue. La plupart de ces modi-fications ne manquèrent pas de s�imposer aussi plus ou moinsvite dans les milieux instruits. A partir du ni� siècle, sinon plustôt, l’accent change partout de nature : désormais, la syllabeaccentuée ne se distingue pas surtout par plus d’acuité, maispar plus de force, « plus sonat », comme s’expriment les gram-mairiens l. Il en résulta peu à peu un bouleversement quasicomplet de la quantité : les voyelles longues s’abrègent bientôten syllabe inaccentuée2; plus tard, les voyelles brèves s’al-longent quand elles terminent une syllabe accentuée. Ainsi,scolds « écoles » se transforme en scolds 3.

    Les poètes lettrés n’en continuaient pas moins, avec une cor-rection relative, à écrire des vers « mesurés », des metra, d’aprèsles « règles » prosodiques et métriques de la défunte quantité

  • LIVRE PREMIER

    19

    classique, qu’ils étudiaient déjà, tout comme nous, dans desmanuels et dans les œuvres de leurs devanciers *.

    Les poctae vulgares, au contraire, qui se servaient plus oumoins de la langue faubourienne ou campagnarde, les poètes dupeuple ignoraient pour la plupart toutes ces « règles » artificielles,ou en train de le devenir, — contraires même bientôt à laprononciation courante. Ils composaient bien leurs chansons surles rythmes anciens, ceux des airs mis en vogue par le théâtre,mais uniquement d’après l’oreille, sans se préoccuper en appa-rence de rien d’autre que du nombre des syllabesc. En réalité,au moins à la fin du vers et de l’hémistiche, ils tenaient compteaussi de l’accent. Pour mieux marquer cette fin et l’orner, ilsrecouraient de plus en plus à la rime. Le peuple romain l’avaitconservée de la poésie latine primitive, où elle est attestée dansle peu qui nous en reste, — charmes, par exemple, et autresformules magiques ou religieuses, — tandis que les poètes lettrésla lui abandonnaient comme vulgaire. C’est pour complaire à cegoût de la plèbe, sans aucun doute, que Plaute, plébéien lui-même,en a usé plus d’une fois et même abusé °.

    Dans les premiers exemples certains qui nous en soient par-venus, cette versification nouvelle est appliquée au rythme leplus souvent employé dans ces cantica de la tragédie et de lacomédie latines, — de la comédie surtout, — que le peuple deHome et des provinces avait constamment l’occasion d’entendrechanter à la scène et ailleurs 7. C’est une chanson de danse guer-rière pour jeunes garçons et une chanson de marche, Tune etl’autre du ni* siècle, entre 270 et 275 * :

    Mille, mille, mille, mille, mille decollavimus;

    Tous homo mille, mille, mille decollavimus.

    Mille, mille, mille, mille, vivat! mille ôccidit.

    Tantum vini nemo habet quantum fudii sanguinis.

    Vopiscus, Aitrcliamis, c. G.

    Mille Franeos, mille simul Sarmatas occidimus :

    Mille, mille, mille, mille, mille Persas quærimus s.

    lb.

    Les vers de cette espèce, vers syllabiques, mi-accentuels et sou-vent rimes ou assonancés, reçurent le nom de rhythmi, ritmi

    * Il y a sur toute syllabe impaire un accent, — ou tout au moins un accentsecondaire, en général assez faible. Les voyelles en hiatus ne s�élident pas. Lerythme correspond à notre G/8 (c’est celui du tétramétre trochaïque) : on appuiesur les syllabes impaires de chaque vers, alternativement avec plus et moins deforce. —* J�indique la coupe fixe par un blanc (v. p. 5, 7°).

  • LE VERS FRANÇAIS

    (> rime). Les poètes lettrés finirent eux-mèmes par en écrireaussi quelquefoisu : c’était quelque chose de plus facile queles metra, et de plus naturel,

  • LIVRE PREMIER

    21

    chansons à danser qu�on nous signale d’abord en France, àpartir du siècle de Virgilius Maro, le vi". Les actes des concileset les mandements des évêques en parlent pour les réprouver :elles chantaient « l’amour »”.

    Les chansons à danser de cette nature devaient tenir unegrande place, sinon la plus grande, dans les réjouissances queprovoquait le retour du printemps, ces prototypes des futures

  • oo

    LE VERS FRANÇAIS

    péninsulaire, l’héritage d’une littérature savante; ce peut êtrequelque chose de réellement primitif, primitif aussi par le style.Si nos ancêtres, dans la France d’oui au moins, paraissent s’enêtre d’abord tenus à la chanson narrative, c’est qu’ils y étaientaussi portés par leur caractère, leur tempérament : goût de l’ac-tion ? pudeur du sentiment, qui préfère s’exprimer indirectement,sous forme de récit? peut-être l’un et l’autre? Constatons simple-ment le fait.

    Quoi qu’il en soit, c’est dans la danse chantée, avant tout,qu’ont dû se conserver et se développer en pays gallo-roman lesmètres de la poésie en langue vulgaire. Ils y étaient consolidés,maintenus par le rythme du chant et de la danse. C’est là égale-ment que les ont pris les jongleurs, profanes ou religieux, pouren élargir, par exemple, les simples couplets en strophes derotrouenge et en laisses de chansons de geste. Troubadours ettrouvères ont renchéri sur ces perfectionnements et ces différen-ciations, non seulement dans leurs pastiches savants et spécialisésdes chansons à danser, — romances, pastourelles, tensons, débatset le reste, — mais encore dans leurs cansos ou chançons cour-toises J3. On connaît tous ces genres, on les a étudiés. Ils se sontdéveloppés avec la enrôle, — en latin chorca, — ils sont nésdirectement ou indirectement de la carole primitive, dont lesformes ont persisté d’autre part jusqu�à nos jours dans la chansonpopulaire, grâce encore surtout au rythme du chant et de ladanse. Il y a donc lieu, — d’autant que nous ne pouvons guèreremonter plus haut, — de rechercher avant tout comment etsous quelles formes s’est développée la carole.

  • CHAPITRE II

    Histoire de la Carole

    Qu’est-ce que la carole ? Au sens exact, c’est une ronde chantéequi a dû surgir en France au x� siècle, sinon plus tôt, pour serépandre assez rapidement, grâce sans doute en bonne partie auxjongleurs, à travers tout le pays et dans tous les milieux -4.Auparavant, dans les classes supérieures au moins, on aban-donnait aux femmes la danse profane, sinon la danse sacrée,comme indigne d’un homme, surtout d’un « baron » 25. Mainte-nant, au contraire, dames et seigneurs, tout comme vilains etvilaines, carolent ensemble aussi bien que séparément20 : ils seprennent «main à main» et «s’en vont faisant le tor ». Celuiou celle qui mène la ronde, souvent une femme, « chante avant »,et les autres lui « répondent » en répétant dans certains cas telou tel vers, toujours en entonnant en chœur après chaque coupletle refrain, ou responsorium 27.

    Il semble bien qu’à l’origine, et d’ordinaire aussi par la suite,on se soit contenté du chant pour guider les pas28. Plus tard,on eut recours en outre à divers instruments, du moins à l’occa-sion, pour mieux marquer le rythme et donner la mesure : autambourin (ou tambour), tout indiqué pour jouer ce rôle, à latrompe ou au cornet, à la musette, au flageolet ou à la flûte, enfinà la « vielle », ou violon 29.

    Au lieu d’être fermée, comme dans la ronde, la chaîne desdanseurs pouvait rester ouverte : c’était alors une tresche. Lenom est attesté, dans un poème en langue d’oc, dès le troisièmequart du xi* siècle :

    Canczon audi ques bel la ’n tresca *.

    Sainte Foi (vers 1060), v. 14.

    Le nom de carole, qui désigne le chant comme la danse, n’ap-paraît qu’un peu plus tard, au début du xii* siècle, dans les textesconservés. Mais c’est dans deux textes d’un caractère littéraire,religieux, sacré, ce qui prouve bien que le mot avait déjà complè-tement acquis droit de cité dans la langue :

    El nurn del nostre Deu merrums charoles (Livre des Psaumes, Cam-

    * « J’entendis chanson qui est belle en tresche ».

  • �24

    LE VERS FRANÇAIS

    bridge, XIX, 5, éd. Fr. Michel) — el in nomme Dei nostri magniflca-bimus.

    Dunne chantad l�un al loenge ceslui, as charoles: Saul ocist mil. oh*.

    Rois. p. Si. éd. Ler. de Lincy) = et præcinebanl mulieres ludenlesL « dansant »] atque dicentes, etc.

    Nous retrouvons le mot peu après, avec un couplet de carole,mais il est aiTublé en latin, — chorolla, — ainsi que les vers cités.C�est au milieu d’une légende rédigée dans cette langue, entre1124 et 1142, par le moine normand Orderic Vital, grand ama-teur d�aventures merveilleuses, de traditions populaires et depoésie en langue vulgaire 30. Voici le couplet sous sa forme latine(le refrain est en italique) :

    Equilabat Bovo per silvam frondosam,

    Duce bal sibi Mersuinden formosam.

    Quid stamvs? Cur non imus? 31

    Retraduisons ce fragment en français du temps, dans le dialectedu narrateur, et mot à mot :

    Boeve chevalchout par la fores! verte,

    Enmenout od sei Mersendain la bele.

    Qued estions? Pur quei n’alums? 32

    Dans le couplet proprement dit commence une histoired�amour. Puis vient le refrain, où le cha’iir s’exhorte à reprendreavec plus d’entrain la danse ralentie, comme d’ordinaire, pendantle solo du chante-avant 33.

    In peu plus récent, enfin, est ce couplet du même genre, quechante un « valet » à une carole dans le roman de Guillaume deDole (1200) :

    Renaus et s’amie chevauche H pré,

    Tote nuil chevauche jusqu’au jour cler.

    Ja narrai més joie de vos amer31.

    v. 2380-82.

    Histoire d’amour, ici encore, dans le couplet proprement dit;mais expression purement lyrique d’un sentiment dans le refrain.Celui-ci, en outre, rime avec les autres vers; il ne faut pas y voirun caractère plus archaïque.

    Voilà sans doute les deux plus vieux exemples que nous possé-dions de l’ancienne « chanson de carole » : un couplet de deuxgrands vers qui raconte une histoire; un refrain qui contient une

  • exhortation à la danse ou l’expression d’un sentiment. Ces deuxcourts fragments de forme antique ne sont attestés qu’au xif siècle.C’est merveille, d’ailleurs, qu’ait pu se conserver alors quelquechose d’aussi simple, d’aussi « populaire ». Mais nos manuscrits

  • LIVRE PREMIER

    renferment maints poèmes chantés, de date antérieure, où il estimpossible de méconnaître, au moins dans la forme, un pasticheou un développement littéraire, complexe, de la primitive chansonde carole. Citons seulement : nos toutes premières romances

    (avant 1150); les strophes françaises ou latines, mais à refraintoujours français, du Mystère de l’Epoux (lin du xr siècle); l�aube,semhlablement mi-partie de latin et de français, qu’un clerc dux* siècle s’est amusé à intercaler d’une plume légère et line, paroleset musique, au beau milieu de notes de droit en caractères massifs,imposants3�*. Voilà qui remonte assez haut.

    On peut supposer que la carole, — avec la tresche, — s’est for-mée ou au moins ébauchée dans les « maieroles » ou les « rever-dies », ces danses accompagnées de chansons, vieux restes sans doutedu paganisme celtique, par lesquelles le peuple des campagnesfêtait au lrr mai le retour du printemps. C’est là probablementque l’ont empruntée jongleurs et nobles, mais pour la régulariseret l’embellir : s’ils ont conservé dans le langage et la narrationquelque chose de la simplicité paysanne, surtout au début, ilsn’en ont pas-moins affiné, enrichi le fond et la forme, aussi aupoint de vue de la musique et même de la danse. Quoi qu’il ensoit, ronde et chanson gagnèrent bientôt la faveur générale. Envoici une preuve : dès la fin du xr siècle, je viens de le rappeler,l’Eglise adoptait une forme déjà évoluée du couplet de carole,dans le Mystère de l’Epoux, pour le chant, sans doute accom-pagné de danse3G, des Vierges folles et des Vierges sages, aussibien que pour celui de l’ange Gabriel, des Marchands et du Christ;le refrain, un refrain véritable, en décèle déjà à lui seul l’origine« populaire » et orchestique.

    Aux xnq et xnr siècles, surtout peut-être au xif, la carolejouissait d’une vogue étourdissante. On la dansait, on la chantaitpartout, maintes fois à grand bruit, comme les gentilhommesdans l�hôtel de Guillaume de Dole : « Ainz i sont si granz leskaroles — c’on les oit de par tôt le bore » (Guillaume de Dole,v. 2355-6). On la chantait et on la dansait dans toutes les classesde la société. On carolait dans les salles des châteaux et sous destentes, jonchées les unes et les autres de fleurs odorantes, —d’ « amour », par exemple, ou mélilot, — aussi bien que surl’aire des granges; on carolait de préférence en plein air, « sousl’ormel » de la cour ou de la place, « en un pré vert », dans lesclairières des « bois », « sous la ramée », « autour d�un pin »,c sur la rive de mer»; mais on carolait également dans les villes,en particulier au Quartier Latin, sur les « ponts », sur les« places » et par les « rues »37 — un carrefour de Paris en futbaptisé « Carrefour de Notre-Dame de la Carole » 38. On carolaitla nuit, au clair de lune ou torches en main39, aussi bien que le

  • LE VERS FRANÇAIS

    jour à la lumière du soleil. Quant aux. occasions, elles ne man-quaient pas, et l’on n’avait aucune peine à en créer. On carolaitavant tout aux maieroles : « Les puceles, dont i ot tant —

    viennent chantant et font caroles — si granz qu’onques aux maie-roles — ne vëistes greignors » (Méraugis, v. 2880 s.). On carolaitaux « noces », avec ou sans jongleurs, on carolait aux fêtes detoutes sortes, fêtes des saints et autres, aux foires, autour desfeux de la Saint Jean, etc. Et une fois que l’on s’v était mis,on ne s’arrêtait pas de sitôt : à peine un chante-avant avait-ilterminé sa chanson qu�un autre en entonnait une nouvelle, —comme cela se fait encore aujourd’hui dans nos rondes villa-geoises 41. On y passait le jour, on y passait la nuit : « Tant ontchanté que jusqu’as liz — ont fetes durer les caroles » (Guillaume

  • LIVRE PREMIER

    27

    en elîet ni se séparer ni s’arrêter tant que pèse sur eux cettemalédiction4B. lTn saint homme, en passant au cours d’une pro-cession devant une ronde, aperçoit un diable par-dessus l’épaulede chaque danseur40. Une jeune fille qui se reposait sur le perronde la maison paternelle, après avoir balle fort avant dans la nuit,se voit attaquée par une troupe de démons, qui la rouent de coupset la brûlent Pour le courtois prélat Jacques de Vitry (t 1240),l’avant-chanteuse est une vache porte-sonnaille qui mène un trou-peau de danseurs tout droit en enfer47. Les prédicateurs fulmi-naient contre la folie giratoire qui entraînait ainsi tant de mondeà la perdition — et que n’arrêtaient point ces empêcheurs dedanser en rond.

    Le clergé n’était pourtant pas toujours aussi sévère. En vertude droits féodaux ou coutumiers, certains curés, prieurs ouprieures exigeaient des nouveaux mariés, sous peine d’amende,qu’ils vinssent à jour fixe leur chanter et danser une chanson ouplusieurs, soit à l’issue de la grand’messe et près du cimetière,soit devant ou dans le monastère. En tel endroit, jusqu�à une dateassez rapprochée, la nouvelle mariée devait en particulier « allerune courante d’aller et venir > avec le prieur en personne dans lagrand’salle du prieuré48. En dehors de cette occasion spéciale, ilarrivait plus d’une fois aux prêtres, même aux religieux, de semêler aux rondes profanes, et on enrôlait jusque dans les cou-vents 40. Nous en relevons encore des exemples bien après lemoyen âge : au bal solennel donné par Louis XII dans la ville deMilan, les cardinaux de Saint-Séverin et de Narbonne dansèrentavec seigneurs laïcs et hautes dames.

    Le premier des modernes qui ait écrit un livre détaillé sur ladanse, en 1589, n’est autre qu’un chanoine de Langres, JeanTabourot. Il nous y raconte qu’il a appris le triorij d’un Breton« lequel demeuroit avec moi escollier à Poictiers 50 ». Au moyen âge,à plus forte raison, où la carole entraînait toutes et tous dans sonirrésistible tourbillon, escoliers et jeunes clercs de Paris et d�ail-leurs s’v livraient avec emportement51. Devenus prêtres, ilsconnaissaient encore si bien les chansons de carole qu’on voyaitdes prédicateurs y prendre le texte de leurs sermons : ici, vers1214, la carole, — trijmdium, — « de la bele Aliz »52; là, vers lamême date, un « virelay » semblable à tel des « rondeaux » quenous trouvons dans Guillaume de Dole (1200). Voici ce dernier :

    Sur la rive de la mer,

    — La pucele i veault aler —

    Fontenelle i sordeit cler,

    Viólete ai trouvée.

    — Je doig bien cotijei d’amer,

    Dame maul mariée 53.

  • LE VERS FRANÇAIS

    La poésie religieuse, en latin ou en français, empruntait auxcaroles leurs mélodies, leurs mètres, leurs images, leur style, .l’aidéjà cité les strophes du Mystère de l�Epoux. D’après la caroled’Aélis, ci-dessus nommée, on a écrit au xiu� siècle un Cantus deDomina (Notre-Dame) avec paraphrase en français sur le mêmeair. Les exemples sont très nombreux5*. On voulait évidemmentrépandre ces calques édifiants, grâce à la vogue dont jouissaitl’original profane.

    Les chansons de carole, en effet, avaient fini par inspirer 1111 telengouement, aux xn et xin" siècles, qu’on les chantait aussi à toutpropos hors de la danse : en déambulant par les salles d’unpalais, en allant cueillir le « mai », en se promenant à traverschamps et bois, en chevauchant, etc.55. Jusque vers le troisièmequart du xir, « les dames et les roïnes » les chantaient sous leurforme primitive, ou dans des imitations littéraires, pour accom-pagner les travaux d’aiguille, — en cousant, en brodant, en filant50:de là, sans doute, le nom de « chansons à toile » ou « de toile » 5T.

    Au moment où a été écrit Guillaume de Dole, c’est-à-dire vers1200, danse et chanson avaient évolué, s’étaient compliquées, dumoins dans l’aristocratie, en prenant des formes « que vilains neporroit savoir » (i7>., v. 15), mais qu’il finit cependant par

    apprendre en partie. Elles commencèrent sans doute peu après àperdre [»lus ou moins lentement du terrain. Les nombreux romansqui en ont parlé pendant tout le xnr siècle, à l’exemple deGuillaume de Dole, suffisent néanmoins à montrer qu’elles restaientbien vivantes, grâce peut-être en partie à la réclame que leurfaisaient ces livres. Mais par la suite, la musique instrumentaleempiète peu à peu sur le chant, au moins dans l’aristocratie58.Depuis bien longtemps déjà, ménestrels, trouvères et leurssuccesseurs ne composaient plus que des pastourelles et surtoutdes chançons, pour lesquelles chevaliers et dames délaissaient lesvieilles romances, ou bien des rondeaux, des virelais, des balladesdestinés au chant non accompagné de danse ou même à la simplelecture. Charles d’Orléans a bien écrit des « caroles », mais c’étaientdes poésies qui ne se dansaient ni ne se chantaient.

    Comme danse, la carole n’était pas abandonnée au xvir siècle,mais elle tendait à passer au second plan. En 1519, le Miroir duContentement nomme «des Bretons la drue carole»50: on diraitqu�il s’agit d’une danse purement provinciale. Dans le livre I\ dePantagruel, c’est-à-dire en 1552, Rabelais nous montre, au chap. 52,des jeunes gens masqués qui sortent de leur école pour allerdivertir une noce par leurs « petites caroles et pueriles esbate-mens » : les « petites caroles » étaient-elles déjà en train de devenirdes «rondes enfantines»? Ronsard, vers la même date, s’adressait

  • LIVRE PREMIER

    29

    pourtant en ces termes aux « divines sœurs », aux Muses, dans lesonnet qui sert de préface au Livre des Amours :

    Si lout ravy des saulls de vos cardes...

    Mais « carole », choisi à cause de sa jolie sonorité et de sonarchaïsme, aussi bien que pour la rime, n’a sans doute ici d’autresens que celui de ronde, de danse. D’autres précisent, bien que plustard encore, de manière à nous renseigner exactement sur le sensdu mot. Dans le Printemps d�Yver (1582), nous voyons « uneillustre compagnie de gentilshommes et damoiselles » du temps,sous les murs d’un château du Poitou, danser la « ronde carole »au chant de « branles » : c’étaient, d’après le contexte, des branlesrustiques de leur province, et Yver prend la peine de nous lestraduire en «français». Voilà qui commence à nous éclairer60.

    La carole, la « ronde carole », avait fini par recevoir, sous cenom de branles, toutes sortes de formes plus ou moins variées.Dans son Orchésogmphie, en 1589, Jean Tahourot en décrit unassez grand nombre, mais sans jamais rappeler les termes decarole ou de tresche et sans jamais parler de chant, alors qu’ilcite, au contraire, une chanson à quatre parties, — et avec batte-ments de tambour, — pour accompagner la pavane61. C’est ainsique la « drue carole des Bretons », dont parle le Miroir du Conten-tement n’était sans doute rien d’autre que le branle de Bretagneappelé tri(h)orij par Rabelais et par Tabourot, branle plutôt rareen dehors de sa province natale Les branles, d ailleurs, semblentappartenir à ces danses que le vieux chanoine de Langres, âgé desoixante-neuf ans, regrette de voir négliger pour des « danceslascives et deshontées * c:i. Longtemps auparavant, en elTet, commeon finissait par se « lasser de danser en chapelet »°4, ils avaientcommencé à céder le pas, si j’ose dire, à des danses plus vives etplus complexes, aux danses par couples, qui en dérivaient parfois,comme la gaillarde, la pavane et la gavotte, ou qui venaient del’étranger, comme la sarabande espagnole.

    Dans six livres de Danccries publiés en 1547, 1550, 1555, 1556et 1557, sans paroles d’ailleurs, les branles dominent encore debeaucoup65. Vers la fin du x\T siècle, s’ils n’avaient pas gardé laplace principale, ils étaient d�un usage général en France. On lesdansait et chantait sans doute beaucoup au commencement duxviic : dans Mangeant, Les plus belles chansons de dances de cetemps portent presque toutes le titre de branle, surtout de« branle double » 6a- Un assez grand nombre seulement dans lacollection de Philidor, composée en 1690 à l’aide de traditions quiremontaient, affirme le compilateur, au temps de François I*r.Compan, dans son Dictionnaire de la danse (1787), a un articlesur le branle : « C’est, dit-il, en copiant Furetière, une danse où

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    LE VERS FRANÇAIS

    plusieurs personnes dansent en rond en se tenant par la main et sedonnant un branle continu et concerté avec des pas convenablesselon la différence des airs qu’on joue alors. » Il ne parle pas dechant. Les chansons de Mangeant, paroles et musique, étaientdéjà empruntées pour la plupart à la tradition populaire ou n’enétaient que des pastiches, des imitations. C’est presque uniquementà la même source que Ballard puisait un siècle plus tard sesRondes (I et II, 1724). Dans la haute société, qui pouvait « payerles violons », la vieille ronde carole avait rejeté l’accompagnementde la poésie, comme absorbant une trop grande part d’attention, etmaintenant, réduite à ses seuls moyens, elle se voyait délaisséepour des danses plus jeunes. Non qu’on ne lui rendît les égardsdus à son âge : par une tradition antique et solennelle, on acontinué jusqu’au xviir siècle à commencer tout « bal réglé », à lacour et sans doute ailleurs, par un branle aux instruments. Saint-Simon le rapporte de Louis XIV à la date de 1692 : « Il y eut grandbal réglé chez le roi, c’est-à-dire ouvert par un branle0T. » Dubranle il est resté des expressions qui témoignent de sa vogueancienne : mener, ouvrir, commencer le branle; fou comme unbranle gai; danser un branle de sortie. Est-ce là tout ce qui enreste?

    Si la carole a peu à peu fini par disparaître des bals aristocra-tiques ou mondains, d’abord comme ronde aux chansons, puiscomme ronde aux instruments, le peuple a continué de la danseret de la chanter jusqu’aux dernières années du siècle dernier,jusqu’à nos jours, — qu’il l’appelle d’ailleurs branle ou ronde,comme en Normandie, ou bien rondeau, comme dans la Belgiquede langue française, ou encore rondèu, comme en Gascogne. On ladanse et on la chante, tout de même qu’au moyen âge, non seule-ment « Là-bas dans la grand’prée — dessous quio grous ormiau »°8,mais jusque sur les pelouses du Ranelagh. Et qu’est-ce que nosrondes enfantines, sinon des restes de carole?

    Dès le xii� siècle, au plus tard, notre carole avait passé àl’étranger, la chanson comme la danse, d’abord dans l�aristocratie,et bientôt dans toutes les classes. Ce n’est pas seulement dans lesautres contrées gallo-romanes, — Wallonie, Suisse romande etSuisse roumanche, Piémont, Catalogne (y compris la province deValence), Galice et Portugal, — qui forment bloc à ce point devue, comme à d’autres, avec la France d’oui et d’oc : c’est aussidans le reste de l’Italie et de l’Espagne, dans la Gaule germanisée,en Hollande, en Angleterre, en Scandinavie, en Allemagne09. On alongtemps cru que la Castille n’avait eu que son romance, d’un

  • LIVRE PREMIER

    31

    autre caractère : mais 011 a découvert récemment, — soit surplace, soit dans l�Amérique du Sud, soit chez les descendants desJuifs expulsés en 1492 et réfugiés au Maroc ou en Asie Mineure, —des caroles castillanes du genre français, transmises oralementdepuis des siècles70. Ont-elles simplement pénétré de Catalogneen Castille par infiltration? Ont-elles été introduites par les princesbourguignons et leur cour? Ce sont peut-être également ces derniersqui les ont apportées au Portugal. Pour l’Angleterre, la conquêtenormande sut fit largement à tout expliquer. Rappelons seulementqu’on a beaucoup « carolé », d’après Froissart, aux fêtes donnéespar Edouard III, à Eltham et ailleurs, pour recevoir Jean le Bon71.Quant aux autres pays de langue germanique, nous y reviendronsplus tard.

    Partout la carole a été importée directement de chez nous, —bien qu�il ait pu y avoir ensuite des emprunts à gauche ou àdroite, — et partout sous des formes qui, pour la chanson aumoins, dilTèrent peu ou prou d’un pays à l’autre, mais ont toutesleur point de départ dans les nôtres : comment, nous le verronsdans un autre chapitre.

    Partout aussi, et assez longtemps, elle a joui de la même vogueextraordinaire qu’en France. C’est vrai tout spécialement de laScandinavie — depuis le Danemark, la Suède et la Norvège jus-qu�en Islande et aux Féroé : on peut leur appliquer exactement letableau que je viens de tracer pour notre pays.

    L,a chanson de carole a en outre exercé une action considérablesur plusieurs littératures. Dans celle de l�Angleterre et de l’Ecosse,où elle semble avoir surtout ileuri une fois séparée de la danse,elle tient une place importante, sous le nom de carol et de ballad,et par ses qualités propres, et par son intluence directe ou indirecte,au point de vue du fond ou de la forme, sur nombre de poètes an-ciens ou récents. L’Allemagne n’a pas échappé non plus à la conta-gion: les traces s’en aperçoivent dans sa lyrique du moyen âgecomme dans son volkslicd, et par suite dans les imitations qu’enont faites en particulier ses romantiques, ceux même avant lalettre. Mais, à cet égard aussi, les pays scandinaves offrent un spec-tacle unique: du xnr‘ siècle, 011 avant, jusqu’à la fin du xv* environ,toute leur poésie en langue nationale, sauf pour 1 Islande, s’est ex-primée en chansons de carole, — folkeuiser, folkvisor, dansar, —œuvres surtout de la petite aristocratie. Elles constituent dans leurensemble une des plus riches littératures qui soient, une des plusbelles72. On en a mis beaucoup par écrit au xvi* et au xvii* siècle:beaucoup, enfin, ont pu être recueillies au siècle dernier sur leslèvres du peuple, qui les avait conservées, non sans les estropierplus ou moins, moins cependant qu’on n’aurait pu le craindre. C’esten Danemark surtout qu’a fleuri cette littérature. On y a rassemblé

  • LE VERS FRANÇAIS

    environ six cents folkeuiser, comprenant jusqu’à trois millevariantes. Et la qualité vaut la quantité. Comme centres importants,il faut citer aussi la province norvégienne de Teleinarken et enparticulier les Féroé. Ces iles présentent à ce point de vue unintérêt tout particulier. Par suite du monopole commercial queleur imposait le Danemark, elles sont demeurées jusqu’en 1856complètement isolées du reste du monde : seuls, les navires danoisavaient le droit d’v aborder, et personne, d’ailleurs, ne songeait ày aller. Non seulement, leurs chansons de carole, la plupart trèsanciennes, sont restées pendant tout ce temps leur unique littéra-ture, transmise oralement aux travaux des veillées et pure de touteinfluence étrangère, — malgré l’importation de folkeviser danoises,qui constituent un groupe à part, — mais elles ont continue à sechanter et à se danser jusqu’à nos jours, comme au moyen âge7’.Voilà qui peut nous être précieux, comme terme de comparaisonet même comme pierre de touche, dans notre étude sur la carolede nos ancêtres.

    i

  • CHAPITRE III

    La Ronde Carole

    Comment se dansait chez nous la carole? Les écrits du tempsnous disent expressément que c’était une ronde chantée et nouspouvons ajouter, d’après leurs descriptions, une danse marchée,une danse où l’on « va »74. Une phrase de Jacques de Vitry, dansun sermon, nous apprend qu’on tournait de droite à gauche75.Le chante-avant, qui menait la danse, frappait du pied pour mar-quer le rythme, et il se « débrisait », en partie sans doute à cettemême fin, il « chantoit de mains et de braz » 76. Ainsi que lesautres danseurs, il s’appliquait aussi en temps voulu à « ferir l’unpié encontre l’aultre »77.

    A tous ces points de vue, il en était de même pour la tresche,si ce n’est qu�on formait, au lieu de ronde, une chaîne ouverte;mais, en outre, le chante-avant, qui allait naturellement en tète,tenait dans sa main Libre, par exemple, les gants de sa dame, —comme Robin ceux de Marion dans la pièce d’Adam le Bossu 78 —,et en d’autres cas, sans doute, soit une fleur ou un « chapelet »(guirlande ou couronne de fleurs), soit une coupe, soit une « ser-viette », etc. 70. Les chevaliers devaient aussi danser parfois autourdes dames la danse des épées.

    On aimait se rendre à la carole, au moins en plein air, unecouronne de lleurs sur la tète : « En son chief ot chapel — deroses très novel » (Guillaume de Dole, v. 3416-7). « On carole auxchansons, dit dans un sermon Gautier de Chàteau-Thierrv, deslleurs de rose et de violette en guirlande sur la tète et à la main. »« On danse, constate aussi dans un sermon Guiard de Laon, ondanse avec thyrses et torches80.» Tous ces détails s’étaient con-servés dans les pays Scandinaves, particulièrement en Danemark 81.Nous les retrouverons plus tard en France.

    Mais quels étaient les pas de la carole? Là-dessus, ni lesromans, ni les romances, ni les rondeaux, ni les « ballades », niles pastourelles du moyen âge ne nous donnent la moindre indica-tion. Nous possédons en revanche dans VOrchésographie les rensei-

    P. Verrier. — Le Vers français. — I. 3

  • 34

    LE VERS FRANÇAIS

    gnements les plus précis sur les branles, les rondes de diverseforme auxquelles avait abouti en France la carole. II y en a parsuite 1111 assez grand nombre. Mais Tabourot déclare expressémentqu�ils dérivent tous du « branle double » et du « branle simple »,par lesquels, de son temps, commençait toujours la danse82.

    D’abord donc venait le branle double, dont l’autre nom, « branlecommun »83, atteste la vogue et l’ancienneté. Il comprenait alterna-tivement (I) quatre pas simples, ou deux pas doubles, à gauche, et(II) autant à droite :

    (I) 1. portez le pied gauche à gauche;

    2. rapprochez le pied droit du pied gauche;

    3. portez le pied gauche à gauche;

    4. « joignez » le pied droit au pied gauche;

    (II) 5. portez le pied droit à droite;

    6. rapprochez le pied gauche du pied droit;

    7. portez le pied droit à droite;

    8. « joignez » le pied gauche au pied droit8*.

    C’est évidemment en « joignant » les deux pieds, aux pas 4 et 8,qu’on avait l’occasion de les « ferir l’un encontre l’aultre »,comme il est dit dans Lancelot du Lac1�. Remarquons, d’ailleurs,qu’il s’agit de pas marchés : ceux de la carole (v. p. 33).

    Quatre pas à gauche (I), puis quatre pas à droite (II) : ceux-ciétaient plus petits que ceux-là, « plus restraincts », sinon la ronden’aurait pas tourné, elle se serait réduite à un va-et-vient surplace; ils se remplaçaient même quelquefois par une sorte dequadruple balancé s5.

    l’n siècle après VOrchésographie, en 1G90, le Dictionnaire deFuretière donne à peu près la même description : « Branle, enterme de musique, est un air ou une danse par où on commencetous les bals, où plusieurs personnes dansent en rond, et non pasen avant, en se tenant par la main, et se donnant un branlecontinuel et concerté avec des pas convenables, selon la différencedes airs qu’on joue alors. Les branles consistent en trois pas etun pied-joint qui se font en quatre mesures ou coups d’archet. »Notre académicien dégommé, si j’ose dire, s’embrouille dans sesexplications : il déclare que le branle comprend plusieurs variétés,mais il n’en définit qu’une seule, le branle double. C’est évidem-ment que cet ancêtre des branles était resté de beaucoup le pluscommun et que dans tout « grand bal réglé », d’après saint Simonégalement, comme d’après Tabourot, il figurait par droit d’aînesse

  • LIVRE PREMIER

    35

    avant toutes les autres danses. Par droit d’aînesse : « par respectde l’antiquaille », auraient plutôt dit sans doute les jeunes gensd’alors, s’ils connaissaient cette expression de Rabelais.

    On a remarqué dans l’article de Furetière que ce « branlecontinuel », c’est-à-dire ce va-et-vient, est « concerté avec des pasconvenables, selon la différence des airs qu’on joue alors », car ils’agit d’instruments, de violons. « Sans la vertu rythmique de lamusique, observe Tabourot, la dance seroit obscure et confuse »8C.Jean de Grouchy, dans les dernières années du xm* siècle, s’ex-prime encore plus nettement : « Les temps marqués du rythme,les ictus *, mesurent la musique ainsi que les mouvements, et ilsincitent à se mouvoir avec art suivant les règles de la danse »8r.Dans la carole, par conséquent, le rythme de la chanson devaitcorrespondre au rythme de la danse. Lequel des deux a servi demodèle à l’autre? « Qui fut premier, soif ou beuverie? » discutentdans Gargantua les convives de Grandgousier. Passons aux faits.

    « L’air du branble double », comme l’explique Tabourot, com-porte «deux temps de mesure binaire» U -) pour chacun deshuit pas simples 88. Dans nombre de nos vieux mètres poétiques,la musique présente également huit mesures simples réparties dela même manière en deux grouj>es de quatre. Citons-en quelquesexemples, en signalant par des caractères £ras (penchés) l’endroitdu vers où tombe le « temps marqué » (principal) de la mélodie,c’est-à-dire où il y a dans le chant accroissement d’intensité et oùdans la danse le pied « frappe le sol » ou bien « fiert encontrel’aultre pié » (avec chaque temps marqué commence une mesuresimple) 8U :

    C’est lot la gieus el glaiolo/. — tenez moi. dame, tenez m©/**.

    Chanson de carole (Guillaume de Dôle. v. 320-330). — Mêmemètre poétique et musical (noté): Mangeant, f. 28. «Quand je penseà cet Allemand » (branle double).

    Toi la giei/? sor rive mev — conipaignon, or dou chanter.

    Carole (ibicL, v. 4154-4155). — Même mètre poétique ot musical(noté) : Mangeant, f. 36, « Faut-il avoir tant de mal... » (branledouble).

    ,T amnoins par les dois m’am/e, — s�en vois plus mignotement.

    Refrain passe-partout de carole (Bartscli, II. 27, 03; Cour deParadis, Bibl. Nat., ras. fr. 25532, f. 333, mus.: Motels, I, 140). —Même mètre poétique et musical (noté) : Mangeant f. 1, yuand jevois... » (branle double).

    * Temps marqué, ici us : renforcement périodique du son, qui divise enmesures et donne aux danseurs le signal d�un frappement du pied.

    ** Quand je mets deux petits vers sur une môme ligne, je les sépare l’un del’autre par un tiret.

  • t

    36 le vers français

    Main se leva la bien faite Aol/z,

    Bel se para et plus bel se vesli.

    Première carole d�Aélis (Bibl. Nat., ins. fr. 12G15, f. 50, avecnotation carrée; Bartsch, I, 80 et I, 71).

    J�aim miex un chapelet de flors que mauvais mariage *.

    Carole de balerie (Châtelaine de Saint-Gilles, v. 25). — Mêmemètre poétique et musical (noté) : Mangeant, f. 3, « Durant laguerre... » (branle double).

    Por ce, se je ne vos vo/, ne vos obi/ ge mie.

    Refrain passe-partout de carole (Bartsch, I, 38, 53-55; Spanke,p. 37. — Même mètre poétique et musical (noté) : Mangeant, f. 35,«Il estoit trois mercerots... » (branle double).

    ,1e ne serai sans amour en toute ma vieRefrain passe-partout de carole (lien, le Noni\, p. 22G, noté,v. Beck, p. 115; Châtelaine de Saint-Gilles, v. 08-09).

    Ne \os repentez mie de loiaument amer (II)**.

    Refrain passe-partout de carole (Guillaume de Dôle, v. 2364-2305; Bartsch, I. 7 t. v. 33, etc.). — Même mètre poétique et musical(noté): Mangeant, f. 34, «Cueillons la violette — là-bas dans cevallon» (branle double); Orchés., f. 32 v°, «Belle qui liens ma vie

    — captive dans les yeux» (pavane, même rythme que le branledouble); nombre de rondes populaires plus ou moins anciennes,telles que « Au jardin de mon père les lauriers sont fleuris », etc..90.

    A côté de ces mètres et de plusieurs autres, qui se divisentnormalement en deux membres de quatre mesures simples, il enest qui se prêtent aussi aux pas du branle double, mais avec unerythmisation un peu plus complexe, quoique très chantante et trèsdansante :

    Tendez luit nos mains a la llor d�eslé !

  • correspond à deux pas simples ”.

    t

  • LIVRE PREMIER

    37

    à en tenir compte ici : binaire -) dans l’air du branle double,d’après la notation et les explications de VOrehesoyraphie, lamesure est ternaire dans sept des trente-sept chansons

    que Mangeant publiait pour cette danse vingt-six ans plus tard.Ce qui n’est là qu’une exception d’un cinquième, a pu être la règleà certaines époques : il ressort de maints exemples que le genredu rythme varie, dans les chansons comme dans les danses, d’untemps et d’un pays à l’autre91. Il va sans dire que cette remarques’applique aussi au branle simple.

    Le branle simple venait dans les bals, suivant Tabourot, aprèsle branle double. Il comprend alternativement quatre pas simplesà gauche et deux à droite : autrement dit, les quatre premiers dubranle double et les deux derniers, 7 et 8 92. Il a donc sur celui-ciun avantage appréciable : comme on ne fait que deux pas à droite,contre quatre à gauche, on n’a point à se préoccuper de les fairepliis petits, et la ronde n’en tourne pas moins plus vite. C’est plusagréable et plus animé. Il se peut donc qu’à certaines époques ilait eu plus de vogue93. L’apparition soudaine et fréquente decertains mètres s’expliquerait peut-être ainsi. « L’air du branlesimple » comporte aussi deux temps de « mesure binaire » simple(± _), et par conséquent un temps marqué, pour chacun dessix pas. Dans les mètres poétiques dont je viens de parler, tousattestés dès le xne siècle, les temps marqués correspondent à cessix pas aussi bien par leur nombre que par leur répartition (4 -}- 2):

    Mignotement la voi venir, — cele que j�a/rn.

    Refrain passe-partout de carole (Guillaume de Dole. v. 314-5 . —Même mèlre poétique et musical (noté): «Fins cuer no se doitrepentir do bien amer» (Salut d’Amour, refrain, v. Gennrich, Ron-deaux, n° 331); «Jamais amours n’oublierai...» (Ren. le Xouv.,p. 194, Beck, p. 119); etc.

    Ne sui pas les mon anu�. — ce poise mi.

    Refrain passe-partout de carole, noté {Ren. le Xouv., v. G926,Beck, p. 115 el 11G). — Même mètre poétique et musical (noté):Mangeant, f. 41, «Mon père m’a marié’ à un bossu» (branlesimple).

    Trois seiors sor rivo mer — chaulent cler.

    Vers de carole, noté (Bartsch, I, 20; Beck, p. 172 .

    Souspris sui d’amouretes, souspris, souspris.

    Rcn. le Xouv., v. 2692, noté (Beck, p. 119).

  • 38

    LE VERS FRANÇAIS

    loto nuit chevauche jusqu�au jour cler.

    Chanson île enrôle. (Guillaume de Dole, v. 2381).

    Audigier d/sl llaiinherge, bouse vous dI.

    Vers d�Audigier (xir siècle), noté. — Même mètre poétique etmusical (noté) : 1" avec addition de deux syllabes et de doux-

    mesures, nombre de rondes populaires anciennes, telles que « A la

    claire fontaine, m�en allant promener) » sous sa forme la plusrépandue; 2° sans déplacement du temps marqué au commencementdes deux hémistiches, «< Il nous faut des tondeurs dans nos maisons»

    (Ballard, Rondes. î. I, p. 2(5, v. Rolland, 1. I, p. 311)04.

    * *

    f

    Dans les enrôles qui nous restent du moyen âge, enrôles aristo-cratiques pour la plupart ou du moins artistiques, savantes, lesmètres précédents et nutres de rythme nnnlogue ne se trouventpas souvent employés seuls. La raison ? Ecoutons Tabourot :« De tous les branles cy-dessus, comme d’une source, sont derivezcertains branles composez et entremeslez de doubles, desimples», etc.85. Dans benucoup des branles publiés au xvr siècle,le branle simple alterne ou se combine de manière plus complexeavec le double : c’est ce qui ressort nettement de la musique.Voici quelques exemples d’après le Troisième livre de danceriesveu par Claude Gervnise (1556, Paris, chez la veuve Attaingnnnt :les branles I et VI se composent chacun d’un double (4 + 4 pns)et d’un simple (4 —|— 2) ; le brnnle II, d’un simple et d�un doubleinterrompu par un simple (4 + 2, 4 + 4 + 2); le brnnle III,d’un double et de deux simples (4 + 4, 4 + 2, 4 + 2); etc.C’est nu dernier (III) que correspondent exactement pnr leurrythme de nombreux rondenux de enrôle. Il suffirn d’en citer un(ie refrain est en italique, le temps mnrqué est indiqué par un chan-gement de caractère) :

    [double] Main se leva bele Aëliz,

    — Mignotement la roi venir —

    [simple] Biau se para, miex se vesti...

    Desoz le raim.

    [simple] — Mignoterncnt la roi venirCelé que j’aim 9rt.

    Carole (Guillaitme de Dole, v. 310-15).

  • Il y a déjà chez Guillaume IX d’Aquitaine (1087-1 127), parexemple dnns In chnnson IV, des strophes qui présentent lesmêmes mètres dnns le même ordre. Qu’en fnut-il conclure ?

  • LIVHE PREMIER

    39

    De tous les branles, — le double, le simple et ceux qui endérivent, — le plus simple est peut-être le branle du Poitou : ilse danse « en allant tousjours à main gauche »97. Il comporte deuxligures, ou séries de « mouvements » : « pied en l’air droict;

    pied en l’air gaulche, pied en l’air droict, pied en l’air gaulche >,mêmes mouvements et « souspir ». L’air en comprend deuxmembres de trois mesures ternaires (- w), c’est-à-dire de troistemps marqués. L’air du « branle de Bretagne » également, teldu moins qu’il est noté par Mangeant (f. 5), si ce n’est que lesmesures sont binaires. Ce rythme se retrouve dans plusieurs denos vieux mètres poétiques :

    Son très dous regars m’a mon cuer emblé.

    Refrain de rondeau, noté (Gennrieh, n° 44). — Même métro poé-tique et musical (noté): Mangeant, f. 5, «Pour estre amoureux —Je fus langoureux » (branle de Bretagne).

    Vous n�alés * m/e tout ensi coin je las.

    Refrain de carole, noté [Rcnarl le .Xouv., v. 2576. cf. v. 2546

    et v. Bock, p. 119 s. — Même mètre poétique et musical (noté) :« Au pont do Nantes un bal est assigné», ronde (Rolland, n° CXLIII.texte de musique de a); dans d�autres versions, «Nantes» estremplacé par « Nord », qui forme alors deux mesures, à moins quela seconde ne soit reportée sur « un ».

    Malgré la césure, d’ailleurs, les vers cités dans ce paragraphe

    peuvent aussi se chanter au branle simple : mais, par suite dela différence de division, 3 -(- 3 dans les vers et 4 -f 2 dans le

    branle, la première figure de la danse enjambe sur le second

    membre du mètre poétique et musical. Ce chevauchement estattesté dans deux branles simples de Mangeant. Au refrain seule-ment dans l’un (f. 41) :

    Tu ne la voiras plus, polit | bossu tortu.

    Dans l’autre (f. 37), il a lieu également au refrain, mais enoutre chaque vers du couplet proprement dit s�étend sans césure

    poétique ni musicale sur les deux figures du branle :

    Valel qui aime | par amour.

    N’aimez pas fille d�un seignour.

    Il est vrai que ce sont là deux « branles de village >, — branlesde vilains98. Mais dans le refrain suivant, refrain du xiiT siècle,

    Ts.

  • * « Allez », c�est-à-dirc dansez.

  • 40

    LE VERS FRANÇAIS

    la coupe du premier vers ne s’accorde pas non plus avec le branlesimple, qui semble exigé par celle du second :

    Amours ne se donne. mais | ele se vent :

    Il n�est nus qui soit a — més | s’il n’a arpent.

    H>‘n. lo youv. noté (Heck, p. 115).- Ms. Douce, bail. 18 (Gennrich,

    n° 107).

    11 devait se produire des chevauchements analogues dans uncertain nombre de refrains, par suite de leur longueur quelconque,à moins que la danse ne repartît à gauche avec plus d’entrain —Qttid stamus ? Cur non imus ? — sans se préoccuper de riend�autre que d�aller en mesure. On avait alors tout simplement,dans ce dernier cas, un branle mixte réglé par le rythme du chant.

    De nos jours, d’ailleurs, là où l’on danse encore en Francela vieille ronde, — campagnards de certaines provinces et enfantsde partout, — on se contente en général de tourner en rond,

    « tousjours à main gaulche », et à raison d’un pas simple ordinairepar temps marqué.

    * *

    Mais l’antique et vivace carole a conservé en maints endroitsl’une ou l’autre de ses formes variées, les plus vieilles au moins,celle du branle double ou du branle simple : en Normandie, parexemple, et en Bretagne.

    A la fin du siècle dernier, en 1896, un Suédois du nom d’An-holm était descendu à l’auberge de Vaucottes, petit village depécheurs dans une valleuse du pays de Caux. Un jour, il futattiré à la fenêtre par un bruit soudain de chant et de pas.« Des gens de la contrée avaient formé une ronde autour du grandarbre qui se dressait devant l’auberge au milieu d’une pelouseL’un d’eux chantait seul chaque vers, que les autres reprenaienten chœur. La danse allait sans arrêt pendant toutes les strophes :trois pas légers, alternativement à droite et à gauche, accompagnésd’un balancement rythmé des bras, — d’avant en arrière et d’ar-rière en avant, — le tout avec une merveilleuse précision. » C’estque dans le pays on a l’habitude : « Il arrive en janvier, au retourdes Terre-Neuvas, que plus de cent caroleurs tournent gaîmentautour du grand arbre. » Voici l’une des chansons que l’on chan-tait, et que l’habile chante-avant, au grand ébaudissement de latroupe, enrichissait de strophes nouvelles, dit M. Anholm, au gréde l�inspiration (les temps marqués du chant et de la danse, queje signale comme ci-dessus, coïncident presque tous avec unesyllabe accentuée) :

  • LIVRE PREMIER

    41

    Mon père veut rne marier,

    — Trop tourtes sont les iiuits d�été! —

    A un vieillard veut m’y donner...

    Au fond d�un bois, au pied d’un houx.

    — Les umts d�été .sont trop courtesPour les tjens qui font l’amour". —

    Qu�est-ce que cette chanson à danser du xixc siècle, sans doutei.�ussi du xx�? Un rondeau de carole, tout pareil à celui du xm*que j’ai cité plus haut. La correspondance se retrouve même dansle dernier vers du chante-avant, qui rime ou assone avec le seconddu refrain. Il n’a rien à voir, malgr�