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Une chaîne du groupe France Médias Monde 21 CHRONIQUES POUR COMPRENDRE LES ENJEUX DE LA COP 21 par Pierre Radanne et Anne-Cécile Bras En partenariat avec

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Une chaîne du groupe France Médias Monde

21 CHRONIQUES POUR COMPRENDRE LES ENJEUX DE LA COP 21

par Pierre Radanne et Anne-Cécile Bras

En partenariat avec

Photographies © François Porcheron et Istock

Cette chronique a été réalisée avec le soutien de La Compagnie Nationale du Rhône (CNR), 1er producteur d’énergie 100% renouvelable en France. www.cnr.tm.fr

SOMMAIRE

France Médias Monde : mobilisés pour le climat ..................................................................................... P.4

Introduction par Anne-Cécile Bras et Pierre Radanne ............................................................................. P.5

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NOUS IMPLIQUENT TOUS

1. L’impact des changements climatiques sur nos modes de vie ............................................................ P.6

2. Les pays les plus vulnérables aux changements climatiques ............................................................... P.7

3. L’impact de nos choix quotidiens sur les changements climatiques .................................................... P.8

4. Le long chemin de la sensibilisation à l’action ..................................................................................... P.9

5. L’impact de notre alimentation .......................................................................................................... P.10

6. L’adaptation, un enjeu crucial ........................................................................................................... P.11

7. Le calendrier climatique face au calendrier énergétique .................................................................... P.12

8. L’Afrique face au changement climatique .......................................................................................... P.13

9. Les stratégies énergétiques des pays du monde .............................................................................. P.14

10. Les transports ................................................................................................................................ P.15

11. L’eau .............................................................................................................................................. P.16

12. Climat et migrations ........................................................................................................................ P.18

13. Les sols et l’agriculture ................................................................................................................... P.19

14. Le rôle des villes et des territoires ................................................................................................... P.20

LES CLÉS POUR COMPRENDRE LA 21ÈME CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE CLIMAT

15. Ce qui se négocie à Paris ............................................................................................................... P.22

16. Ce qu’il n’y aura pas dans l’accord de Paris ................................................................................... P.23

17. Le rôle du GIEC .............................................................................................................................. P.24

18. Les pays pleins et les pays vides .................................................................................................... P.25

19. Le protocole de Kyoto .................................................................................................................... P.26

20. Les financements ........................................................................................................................... P.28

21. Le résultat des contributions nationales (INDC) ............................................................................... P.30

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RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya offrent une couverture mondiale, en 15 langues et sur tous les supports, des enjeux de la 21ème Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), dont elles sont les partenaires médias officiels. Du 30 novembre au 11 décembre 2015, les trois chaînes délocalisent leurs studios au cœur de la Conférence sur le site de Paris-Le Bourget.

Diffusées depuis Paris à destination de plus de 90 millions d’auditeurs et téléspectateurs hebdomadaires (mesurés) sur les cinq continents, RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya, par nature internationales et engagées pour les grandes causes mondiales, traitent quotidiennement des questions environnementales et liées au climat. Cette attention permanente se traduit également par des émissions dédiées sur toutes les antennes. Des contenus que les internautes retrouvent et peuvent prolonger dans les univers numériques des trois chaînes (sites, applications et réseaux sociaux) qui cumulent plus de 30 millions de visites chaque mois et autant d’abonnements sur Facebook et Twitter.

Sur RFI, « C’est pas du vent », durant une heure tous les samedis et dimanches, propose un tour d’horizon de l’actualité de l’environnement et du développement durable, avec de nombreux entretiens, des reportages et des conseils pratiques qui mettent l’écologie à portée de tous. Tous les samedis, une chronique hebdomadaire « Paris Climat 2015 » signée Pierre Radanne, sensibilise les auditeurs aux enjeux climatiques et à l’actualité des négociations internationales. Des grands reportages (20 minutes) consacrés aux problématiques du climat sont également diffusés régulièrement. Dans leurs chroniques et magazines, les services en langues étrangères de RFI traitent aussi largement de ces problématiques.

France 24 met chaque mois en lumière les initiatives en faveur du développement durable dans le magazine « Elément Terre » (en français, en anglais et en arabe). Depuis septembre 2014, la signature de l’émission est devenue « Objectif Paris Climat 2015 » et consacre ses thématiques au décryptage des enjeux de la Conférence, avec de nombreux reportages de terrain. De plus, la chaîne invite régulièrement des acteurs de la lutte contre le changement climatique dans son émission « L’entretien ». France 24 propose des « Focus » (reportages quotidiens de 4 à 5 minutes), dans les trois langues, qui partent sur le terrain se confronter à la réalité des enjeux et des solutions. De nombreux sujets sont également diffusés sur ces questions en lien avec l’actualité dans les différents journaux de France 24 (144 journaux quotidiens).

Sur Monte Carlo Doualiya, la radio en langue arabe, la chronique quotidienne « Environnement » et le rendez-vous hebdomadaire « Le magazine de l’environnement » proposent un tour du monde des initiatives individuelles et collectives en faveur de la protection de l’environnement, que viennent compléter des thématiques spéciales dans les autres magazines de la rédaction et de nombreux sujets dédiés dans les journaux.

Depuis plus d’un an, le groupe France Médias Monde accompagne également un grand nombre d’événements labellisés COP21 à travers le monde (conférences, colloques...) dont il est partenaire, en lien notamment avec le réseau diplomatique, l’AFD, l’ONU et ses différentes agences, contribuant là encore à l’écho mondial de la Conférence Paris Climat 2015 et de ses enjeux.

PARIS CLIMAT 2015Les chaînes du groupe France Médias Monde mobilisées

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Depuis 6 ans, de la conférence de Copenhague à celle de Paris, RFI informe ses auditeurs de l’importance des bouleversements que sont les changements climatiques, s’attachant à expliquer leurs causes intimement liées aux choix de développement de l’humanité. Mes émissions et reportages illustrent régulièrement les conséquences de ces changements, que je constate sur tous les continents. Mais le rythme de la machine climatique est bien lent comparé à la frénésie de l’information et de nos préoccupations quotidiennes. Voilà pourquoi avec Pierre Radanne nous avons eu envie, dans la perspective de la COP21, de réaliser des chroniques hebdomadaires audio et vidéo pour expliquer le plus simplement possible ces enjeux complexes. Ce petit livre en est une sélection, mise en images par les photos de François Porcheron. Bonne lecture !

Anne-Cécile Bras, Journaliste RFI

Présentatrice de l’émission « C’est pas du vent »

À retrouver sur rfi.fr/emission/est-pas-vent et rfi.fr/emission/chronique-climat-radanne

J’informe les auditeurs de RFI de l’importance des bouleversements que sont les changements climatiques

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La lutte contre le changement climatique, se posant au niveau planétaire, nécessite la participation de tous les pays. Elle est assurément la première question à solidarité universelle de l’histoire humaine.À cela s’ajoute le défi de son appropriation par les citoyens. Au-delà du constat du dérèglement du climat, des impacts et des souffrances subies, il s’agit de comprendre les technologies qui vont changer dans notre vie et les comportements à adopter. Car chacun d’entre nous doit agir.Pour en faciliter l’appropriation par les citoyens, Radio France Internationale s’imposait comme le média qui en soit le vecteur grâce à sa large couverture internationale. Depuis mars, j’ai eu le plaisir de tenir des chroniques présentant cette négociation sur le climat sous ses différents aspects avec Anne-Cécile Bras, responsable de l’émission C’est pas du vent. Elles sont accessibles en version radio et en vidéo sur le site de RFI. En voici l’édition papier.

Pierre Radanne, Expert en énergie et climat

Chacun d’entre nous doit agir

„„

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NOUS IMPLIQUENT TOUS

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AC Bras :

Au-delà du fait que la France accueille la conférence des Nations Unies, très probablement la plus importante de la décennie, comment cette question du climat va-t-elle entrer dans nos vies ?

P. Radanne :

Il faut absolument empêcher dès maintenant un réchauffement du climat équivalent en amplitude à la sortie de l’ère glaciaire, dans ce siècle, c’est-à-dire durant la vie d’un enfant déjà né. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a que 6 degrés qui nous séparent de la précédente ère glaciaire.Pour y parvenir, nos vies vont forcément être transformées. D’abord, il va falloir nous désengager des combustibles fossiles, du charbon, du pétrole et du gaz dont l’usage pour notre chauffage domestique, nos industries et nos véhicules émet du gaz carbonique dans l’atmosphère. Il va falloir aussi protéger nos forêts, transformer notre agriculture et changer nos pratiques alimentaires. Et réaliser tout cela en à peine plus d’une génération.

AC Bras :

Oui mais soyons clairs, personne n’a envie spontanément de s’engager dans de telles transformations qui s’ajoutent aux difficultés économiques et sociales actuelles ? P. Radanne :

C’est vrai mais nous n’avons pas le choix, puisque l’humanité a changé le climat, elle va devoir corriger les effets de ses actions.Au-delà des choix technologiques, les incidences politiques de ces transformations seront considérables, car il n’y a pas d’autre planète habitable dans le coin. L’humanité doit assurer au mieux la gestion de sa planète dans l’intérêt de tous. Le climat de la planète est un ensemble unique. Le climat dans chaque pays dépend de ce que feront tous les autres. La question du climat s’avère donc être la première question à solidarité obligatoire entre tous les pays de la longue histoire humaine. C’est un changement politique considérable. Par exemple, cette année, des pays de richesse très inégale, parfois en conflit, vont devoir parvenir à s’accorder sur une gestion commune du climat de la planète. Cela rend urgent un renforcement considérable de l’organisation des Nations-Unies.

AC Bras :

Quelles seront les conséquences pour un pays comme le France ?

P. Radanne :

L’ensemble du monde doit diviser ses émissions de gaz à effet de serre par deux pour éviter un réchauffement de plus de 2 degrés de la température moyenne de notre planète. C’est la limite fixée par les scientifiques au-delà de laquelle on ne saura plus faire face aux besoins alimentaires de toute l’humanité. Pour la France, cet objectif l’oblige à diviser ses émissions de gaz à effet de serre par quatre d’ici 2050. Pour y parvenir, en plus des changements d’énergie et de technologies, il faudra améliorer nos modes de vie et nos comportements. On ne peut donc pas gagner cette bataille contre le changement climatique sans l’engagement de chaque personne. Cette année, l’ensemble de notre pays a l’occasion de réaliser cette prise en charge. En clair, un bond démocratique est indispensable. Et cela c’est une bonne nouvelle !

1. L’IMPACT DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR NOS MODES DE VIE

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NOUS IMPLIQUENT TOUS

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AC Bras :

Quels sont les pays les plus vulnérables au changement climatique ?

P. Radanne :

Les pays tropicaux sont ceux qui sont les plus touchés par le changement climatique, particulièrement les îles du Pacifique et de l’océan indien. Par exemple, le typhon Haiyan qui a frappé les Philippines en novembre 2013 a été l’un des plus terribles de l’histoire. Il est alors tombé près de 3 m d’eau dans les zones les plus touchées avec des vents de 300 km/h. Rien ne peut résister à cela. Le bilan a été de 8 000 morts et de 29 000 blessés. Les pays africains sont aussi très impactés par les sécheresses, les inondations, les tempêtes ou la hausse du niveau de la mer Et plus un pays est pauvre, plus ses infrastructures sont fragiles, moins la population est informée des risques et moins elle a les moyens de se protéger. Le bilan humain se trouve aussi alourdi par le fait que les services sanitaires sont débordés. Et puis, une fois la catastrophe passée, moins le pays dispose des capacités de reconstruction, plus il tardera à se relever. Une aide internationale est apportée par des États et des ONG mais elle intervient souvent bien tard.

AC Bras :

Est-ce que ces pays arrivent à se faire entendre dans les négociations internationales sur le climat ?

P. Radanne :

Oui, ils sont très actifs. Les pays les plus vulnérables du Pacifique et de l’océan indien se sont rassemblés dans un groupe pour les négociations appelé AOSIS. Le Groupe Afrique parle aussi d’une seule voix. Ces deux groupes sont fortement mobilisés pour obtenir un accord international ambitieux et rapide. Les pays de l’AOSIS souhaitent par exemple que la limite du réchauffement global soit abaissée à 1,5 degrés au lieu de 2 degrés car pour eux cela signifie déjà une disparition de leurs terres. Quant au Groupe Afrique, il rappelle en permanence l’importance du financement et des transferts de technologie pour s’adapter aux conséquences des changements climatiques et avoir une croissance à faible émission de carbone.

2. LES PAYS LES PLUS VULNÉRABLES AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NOUS IMPLIQUENT TOUS

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AC Bras :

La réussite de la lutte contre le changement climatique va dépendre de l’adhésion des citoyens mais cela semble difficile à faire comprendre ?

P. Radanne :

Oui pourtant c’est essentiel. Cette question se pose à deux niveaux : d’abord par le mandat politique confié aux élus et surtout, concrètement, par les actes de chacun d’entre nous car la moitié des émissions de gaz à effet de serre, en France, provient des consommations directes des familles. Pour bien comprendre le raisonnement qui suit, il faut raisonner en termes d’empreinte, c’est-à-dire partir de la consommation finale des familles, puis prendre en compte toutes les activités en amont nécessaires : l’agriculture, l’industrie, les transports et les services divers.

AC Bras :

Quelles sont nos consommations quotidiennes qui ont le plus d’impact ?

P. Radanne :

Ce sont celles qui assurent les besoins fondamentaux : l’alimentation et le logement représentent, à eux seuls, presque la moitié des émissions de gaz à effet de serre d’une famille. Cela résulte surtout du chauffage et de l’allongement des circuits d’approvisionnement alimentaire. Mais ces besoins ne sont plus guère en accroissement. On ne mangera pas plus chacun dans le futur et même si la taille des logements tend à augmenter, cela a une influence modérée. Par contre, les émissions liées à ces besoins vont être réduites dans le futur en isolant les logements, en utilisant davantage les énergies renouvelables, en développant les circuits courts d’approvisionnement et en valorisant les déchets organiques.

AC Bras :

D’où vient l’autre moitié des émissions de gaz à de serre d’une famille ?

P. Radanne :

Il y a les produits de consommation courante, les déplacements pour se rendre au travail, l’utilisation de services collectifs publics ou privés, les consommations liées à l’hygiène et à la santé. Ils représentent chacun entre 5 et 10% des émissions. Leur croissance est assez modérée. Les émissions liées aux loisirs, elles, augmentent plus vite, surtout du fait du développement du tourisme vers des destinations lointaines par avion. Il va désormais falloir privilégier le tourisme de long séjour. Les consommations liées à l’électronique de loisirs, au téléphone et à internet ont la croissance la plus vive et c’est là une tendance qui va se poursuivre dans le futur. Même si les nouvelles technologies de communication ont, pour l’usager, un contenu en matière faible, les réseaux qui les alimentent sont en réalité très consommateurs en électricité. C’est le domaine dans lequel existe le plus d’incertitudes quant aux changements futurs. Avec évidemment l’apparition de nouveaux appareils électroniques dans les décennies qui viennent.

AC Bras :

Comment peut-on faire pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre quotidiennes ?

P. Radanne :

La réussite de la lutte contre le changement climatique nécessite trois progrès fondamentaux de la part des citoyens :

1- D’abord, que chacun puisse connaître les quantités d’émissions dues à ses choix d’achat, son mode de vie et ses comportements quotidiens. C’est essentiel pour être avant tout attentif aux activités les plus émettrices.

2- Ensuite, rechercher un usage plus efficace de l’énergie et la valorisation des énergies renouvelables. Les multiples assistances électroniques qui se développent vite actuellement vont venir en soutien des comportements individuels et permettre d’importantes économies d’énergie.

3- Enfin, identifier les tendances d’évolution à long terme selon son mode de vie. Il est tout à fait essentiel que chacun ait des garanties quant à son mode de vie dans le futur. Réduire les émissions ne signifie absolument pas, une régression de la qualité de vie. On le voit, réussir la lutte contre le changement climatique passe par une avancée de culture individuelle.

3. L’IMPACT DE NOS CHOIX QUOTIDIENS SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NOUS IMPLIQUENT TOUS

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4. LE LONG CHEMIN DE LA SENSIBILISATION À L’ACTION

AC Bras :

La sensibilisation des opinions publiques au changement climatique progresse dans tous les pays mais cela se traduit encore peu par des actes concrets au quotidien. Comment cela s’explique-t-il ?

P. Radanne :

C’est un phénomène que les psychologues expliquent bien. Le changement climatique angoisse. Or l’angoisse conduit plus souvent au repli sur soi qu’à l’action.

AC Bras :

Vous considérez que pour que chacun passe à l’action, il y a des progrès à faire dans 8 directions. Lesquelles ?

P. Radanne :

1- Impliquer tous les acteurs : l’État, les entreprises, les communes et les citoyens. Il faut bien constater que cette étape n’est pas franchie. Nous sommes entourés de messages contradictoires, notamment publicitaires.

2- Engager un effort de formation sur le changement climatique, ses causes, ses impacts et son rythme d’évolution, pour tous, et à tous les âges. C’est un point essentiel. Les personnes de plus de plus de 50 ans ont achevé leur parcours scolaire sans aucun enseignement sur le changement climatique.

3- Aider chacun à comprendre le poids en émissions de ses principaux actes quotidiens : une famille française de 4 personnes émet en moyenne 20 tonnes de gaz à effet de serre par an. Elles se répartissent comme suit : 1/4 pour le chauffage, 1/4 pour les déplacements en voiture, 1/4 pour l’alimentation.

4- Acquérir une connaissance générale des solutions accessibles : des changements d’énergie, des technologies plus efficaces, une meilleure organisation des territoires, des alternatives de transport ainsi que des modes de vie et des comportements mieux adaptés. Il s’agit moins de connaître finement les technologies que de comprendre la direction générale. Progresser sur ces quatre niveaux aidera chacun à avoir une vision de la transition qu’il aura à vivre dans les décennies à venir. Ces étapes sont essentielles pour aider les enfants à imaginer leur avenir. L’essentiel n’est-il pas de savoir parler, en des termes simples, avec son enfant de sa vie future dans un monde en profonde transformation ?

5- S’appuyer sur des réalisations exemplaires comme des bâtiments bien isolés, des véhicules peu émetteurs, des énergies renouvelables tirées des ressources locales. Ces applications accréditent la faisabilité concrète de réduction des émissions.

6- S’inscrire dans un calendrier collectif de mise en œuvre. C’est l’une des raisons de l’importance des négociations internationales, des engagements européens, des plans nationaux et surtout locaux qui créent des dynamiques.

7- Appréhender les bénéfices qu’apporteront les actions : des créations d’emplois, une amélioration de l’environnement, de la santé, une baisse des dépenses des familles et pour l’économie du pays, une diminution des importations d’hydrocarbures. La lutte contre le changement climatique nous pousse à un usage plus efficace des ressources, ce qui est une excellente chose pour l’économie.

8- Garantir une équité de répartition des efforts de transformation entre les entreprises, les collectivités publiques et les citoyens, en tenant compte de leurs moyens et de leurs revenus. Sinon, il y a blocage des décisions politiques. En bref, pour mobiliser la population dans l’action, le principe est simple : je fais, si tu fais, si nous faisons tous.

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NOUS IMPLIQUENT TOUS

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AC Bras :

Quel est l’impact de ce que nous mangeons sur les changements climatiques ?

P. Radanne :

Il est important puisque ¼ des émissions de gaz à effet de serre d’une famille française provient de son alimentation. En 40 ans, notre alimentation s’est diversifiée, moins de féculents, plus de viande… Nos pratiques alimentaires aussi ont beaucoup changé avec deux évolutions marquantes :

1- moins de cuisine faite à la maison, et plus de plats préparés

2- une alimentation, qui tient de moins en moins compte des saisons, avec l’importation massive de produits frais venant des pays méditerranéens, ou même, de l’autre hémisphère.

Nos sociétés, plus urbaines, ont aussi largement perdu la connaissance des réalités agricoles et de leur cycle de production.En conséquence, la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre pour notre alimentation a doublé en un demi-siècle, alors que chacun ne mange pas davantage.C’est là une tendance générale dans le monde, particulièrement nette dans la classe moyenne des pays émergents.

AC Bras :

Ces évolutions ont eu pour effet d’allonger considérablement les chaines d’approvisionnement ?

P. Radanne :

Énormément ! Les différents composants d’un yaourt aux fruits parcourent en moyenne 9 000 km. D’où beaucoup de transport, une difficile gestion de la chaîne du froid, une standardisation des produits, qui d’ailleurs, s’est faite au détriment du goût. La prise en compte du changement climatique doit conduire à de nouveaux changements.

AC Bras :

Par exemple ?

P. Radanne :

1- D’abord, réduire le gaspillage alimentaire évalué à près d’un tiers de ce qui est produit.

2- Privilégier les circuits courts d’approvisionnement pour s’assurer de la qualité des produits, pour soutenir l’agriculture paysanne et pour renouer avec une approche plus sensible de la nourriture. Il y a un signe évident de cette évolution : le succès des émissions de télévision sur la cuisine.

3- Modérer notre consommation de viande rouge. L’élevage contribue significativement au réchauffement climatique car la digestion des ruminants libère du méthane, un puissant gaz à effet de serre. Ce phénomène ne concerne pas les volailles. Il faut aussi retenir qu’il faut 7 calories végétales pour produire une calorie animale.

4- Il va falloir également valoriser la matière organique de nos déchets alimentaires et la restituer à l’agriculture car le sol constitue un patrimoine précieux à conserver.

AC Bras :

Les effets sont d’autant plus importants si l’on raisonne à l’échelle de la population mondiale ?

P. Radanne :

Oui, ces évolutions sont d’autant plus importantes qu’il sera difficile d’alimenter une humanité qui va passer de 7 milliards d’habitants, aujourd’hui, à près de 10 milliards en 2050. Chacun ne pourra pas avoir le même régime alimentaire que les américains. D’autant que le réchauffement climatique diminue déjà les ressources en eau pour l’irrigation et fait chuter les rendements agricoles dans les pays chauds. À cela s’ajoute la réduction des terres cultivables du fait de l’étalement des villes, de l’emprise des multiples infrastructures de transport et de l’extension des déserts.Réduire les émissions de gaz à effet de serre de notre nourriture, va donc dans le sens d’assurer une alimentation de qualité pour toute la population mondiale.

5. L’IMPACT DE NOTRE ALIMENTATION

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AC Bras :

Le climat de la planète s’est déjà réchauffé de presque 1 degré en moyenne, les conséquences commencent donc à se faire sentir, comment pouvons-nous nous adapter ?

P. Radanne :

Il faut avancer sur deux fronts en même temps : réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter à leurs conséquences. Cette notion d’adaptation est large et recouvre différentes situations :

1- Il y a des processus peu visibles, lents mais inexorables : la perte de pluviométrie, la hausse du niveau de la mer. On peut s’y préparer en améliorant, par exemple, les pratiques agricoles avec des variétés de plantes plus résistantes à la sécheresse. Nous pouvons aussi adopter des normes d’urbanisme en interdisant la construction en zones inondables.

2- Il y a aussi des processus brutaux : les tempêtes, les canicules, les inondations. Dans ces cas, l’adaptation consiste face à cela à prévoir des dispositifs d’alerte, d’information des populations, de mobilisation des services publics et d’organisation des secours.

AC Bras :

Quelles sont les actions à engager ?

P. Radanne :

L’adaptation recouvre différentes dimensions :La prévention d’abord. Il s’agit de réduire la vulnérabilité des activités et des territoires. On parle aussi d’avancer vers une société plus résiliente. Bien sûr, on doit modifier les politiques publiques et changer de technologies. Par exemple, avec des logements isolés par l’extérieur pour résister aux canicules. Des systèmes d’irrigation, en goutte à goutte pour les plantes, réduisant les consommations d’eau. On remplace des combustibles fossiles par des énergies renouvelables pour la production de chaleur ou d’électricité. Ensuite, il y a tout ce qui est du ressort d’une plus grande solidarité et cohésion de la société. La formation, la rapidité de réaction sont cruciales pour réduire les souffrances humaines. L’adaptation a donc une forte dimension sociale.

AC Bras :

Et cela concerne tous les pays ?

P. Radanne :

Bien sûr, surtout les pays en développement. Ils sont plus exposés aux catastrophes climatiques. Les infrastructures y sont plus faibles. Les services de secours et de santé y sont moins bien équipés. Plus un pays est pauvre, plus les catastrophes font des victimes, plus les besoins d’adaptation sont importants.Les pays en développement ont demandé que la moitié des financements internationaux pour le climat soit consacrée à l’adaptation.Les situations sont aussi différentes selon les pays.Les pays menacés par la désertification, comme ceux du Sahel, donneront la priorité à renforcer leurs ressources en eau, à améliorer leurs pratiques agricoles pour résister aux sécheresses. Pour d’autres pays, il faudra surtout se protéger des tempêtes et des inondations. Comme le Bangladesh.Les petites îles du Pacifique et de l’Océan Indien ont comme priorité de se protéger de la montée des eaux.Tous les pays élaborent maintenant des plans nationaux d’adaptation.

AC Bras :

Comment le sujet est-il abordé dans les négociations internationales ?

P. Radanne :

L’adaptation est l’un des points épineux des négociations internationales. À priori, il y a accord sur la priorité à la prévention mais il faut aussi soutenir les pays, après catastrophe, pour une reconstruction de qualité pour réduire leur vulnérabilité. Là, deux questions essentielles se posent :Comment décider collectivement des priorités de soutien aux pays ?Comment mobiliser les financements à la hauteur des besoins ?Plusieurs centaines de milliards de dollars dans le futur seront nécessairesUne autre question monte maintenant : comment couvrir les dommages et les préjudices subis par les pays les plus victimes ? Les assurances sont l’un des secteurs économiques les plus concernés par le dérèglement climatique car les coûts ne cessent de croître.

6. L’ADAPTATION, UN ENJEU CRUCIAL

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AC Bras :

Quel est le calendrier de cette lutte contre le changement climatique ?

P. Radanne :

Il repose sur des bases scientifiques. Le temps de séjour du gaz carbonique dans l’atmosphère étant en moyenne supérieur à un siècle, tout temps perdu pour agir, débouchera sur une accumulation de CO2 qui sera très longue à résorber. 195 pays de la planète sont parvenus à un accord unanime pour réduire de 40 à 70% leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Mais cette déclaration ne suffit pas pour savoir s’il est possible d’y parvenir. Cela dépend surtout des choix de production et de consommation d’énergie qui sont à l’origine des 2/3 de ces émissions.

AC Bras :

Alors, comment se présente le calendrier énergétique dans les décennies qui viennent ?

P. Radanne :

C’est une donnée essentielle car ce calendrier définit quelle est notre marge de manœuvre.Plusieurs cas sont à distinguer.

1- Les pays industrialisés ont profondément renouvelé leurs centrales électriques, en réponse à la multiplication par dix des prix du pétrole dans les années 70. Les uns privilégiant le nucléaire, les autres le charbon ou le gaz. Quels qu’aient été les choix de l’époque, ces centrales s’approchent maintenant de leur fin de vie. Toutes seront à remplacer, dans les trois décennies qui viennent.

2- Les pays émergents sont eux dans une phase de croissance rapide, ils doivent construire très vite de nouveaux moyens de production.

3- Les pays en développement vont, eux aussi, investir dans des technologies qui leur donneront de l’énergie.

AC Bras :

Leurs choix dépendront sûrement de la vitesse d’émergence des différentes énergies renouvelables ?

P. Radanne :

Oui mais pas seulement du point de vue de la maturité des techniques, plutôt du fait du rythme de leurs progrès de rentabilité économique. C’est acquis, pour l’hydraulique, pour l’éolien terrestre, la valorisation des déchets, la géothermie, mais pas encore pour l’éolien en mer et pour le photovoltaïque. La valorisation de la biomasse doit être, elle, conditionnée à la protection du couvert végétal et forestier. Il serait contre-productif de mettre des sols à nus ou d’accroître la déforestation pour produire de l’énergie. Cette rentabilité peut être aussi accrue par un contexte d’augmentation générale des prix des hydrocarbures qui vont devenir de plus en plus difficiles d’accès.

AC Bras :

Mais cela dépend aussi de l’évolution de la consommation d’énergie ?

P. Radanne :

Absolument. Côté consommation d’énergie, tant la construction de logements, économes en énergie, bien isolés, que la réhabilitation de bâtiments existants et le désengagement, partout, des transports de leur dépendance pétrolière…Tout cela prendra du temps ! Mais les capacités de progrès dans l’efficacité de l’utilisation de l’énergie sont importantes partout dans le monde. C’est le sens de la volonté d’avancer vers une transition énergétique.De tout cela résulte un constat : les calendriers du climat et de l’énergie, se superposent bien. Evidemment qu’une taxation du carbone faciliterait ces évolutions. L’essentiel est que les objectifs climat et énergie à l’horizon de 2050 sont atteignables mais à la condition que les choix faits par les uns et les autres, soient les meilleurs possibles dès maintenant.

7. LE CALENDRIER CLIMATIQUE FACE AU CALENDRIER ÉNERGÉTIQUE

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES NOUS IMPLIQUENT TOUS

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AC Bras :

Comment les pays africains ont-ils réagi dans les négociations internationales face au changement climatique ?

P. Radanne :

La prise en compte des changements climatiques par les pays africains est passée par plusieurs phases. Le premier pas a été franchi lors de la conférence de Rio en 1992. Les pays africains ont donné leur accord à la reconnaissance du changement climatique à travers la Convention de Rio mais avec beaucoup de réserves parce que pour eux, la priorité c’est le développement. Ils sont donc favorables à un accès à un développement durable pour tous les pays. Une priorité qui a été renforcée en octobre dernier avec l’adoption par les Nations Unies des 17 Objectifs de Développement Durable qui portent sur la réduction de la pauvreté, l’accès à l’éducation notamment pour les filles, l’accès à l’eau, à la santé… Mais puisque pour eux, le changement climatique a été causé par les pays développés, c’était donc à eux seuls de réduire leurs émissions. C’est sur cette base qu’a été adopté le Protocole de Kyoto en 1997.

AC Bras :

Comment les pays africains ont-ils évolué ensuite dans leur approche ?

P.Radanne :

Beaucoup de pays en développement ont ensuite pris conscience qu’ils étaient les principales victimes du changement climatique : c’est le cas des pays du Maghreb, du Sahel, des îles et littoraux aux côtes basses.La conséquence a été de demander des compensations financières pour leur adaptation aux changements climatiques. Mais la prise en compte de l’adaptation avec le soutien de financements internationaux est toujours très loin de la hauteur des besoins. Puis à partir des années 2 000, la nécessité de réduire les causes du changement climatique a progressé. Cela a concerné la réduction de la déforestation, notamment dans le Bassin du Congo, la réalisation d’investissements dans le cadre du Mécanisme de Développement Propre soutenus par des entreprises internationales.Avec deux autres priorités : la réduction de la consommation de bois de feu pour la cuisson dans les pays du Sahel et l’amélioration des pratiques agricoles pour contrer le déficit en eau.

AC Bras :

Un autre virage s’est opéré à partir de la conférence de Copenhague de 2009 ?

P. Radanne :

Oui du fait de la nécessité de contenir le réchauffement à moins de 2°, pour répondre aux besoins en eau et en alimentation, les pays africains cherchent à progresser, dorénavant, sur une nouvelle voie de développement fondée sur un usage efficace de l’énergie et la valorisation des ressources en énergies renouvelables très importantes du continent.Mais cela ne sera possible qu’à la condition d’un fort soutien financier et technologique de la part des pays développés. D’où l’importance de la mise en place du Fonds Vert pour le Climat et le renforcement de l’aide des banques de développement.Cela s’étend maintenant à de nouveaux secteurs : la qualité de construction, les services urbains, les transports collectifs et le développement des énergies renouvelables.

AC Bras :

Quelle sera leur place dans les négociations de la conférence de Paris ?

P. Radanne :

La position des pays africains, qui compteront pour près du quart de la population mondiale en 2050 sera déterminante lors de la conférence de Paris. A la condition que les pays s’entendent pour peser ensemble. Preuve de leur bonne disposition, ils sont nombreux à avoir rendu leur contribution nationale c’est-à-dire des stratégies de développement pour les 15 ans qui viennent.

8. L’AFRIQUE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

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AC Bras :

Quel bilan peut-on faire d’un quart de siècle de lutte contre le changement climatique ?

P. Radanne :

L’analyse de ce qu’ont fait les pays est éclairante.Pour la production tout d’abord, les efforts ont consisté à réduire les émissions de la production d’électricité en remplaçant le pétrole et le charbon par du gaz naturel, moins émetteur. C’est net aux États-Unis et au Royaume-UnisMais avec des reculs parfois du fait des bas prix du charbon. Aujourd’hui, 81% de l’énergie dans le monde provient toujours du pétrole, du charbon et du gaz. La part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité continue de baisser malgré les commandes chinoises et indiennes.

AC Bras :

Et pour la consommation, quelles ont été les priorités ?

P. Radanne :

Avec la hausse du prix des hydrocarbures à partir de 2005, les efforts d’économie d’énergie ont été relancés. A la fois pour la qualité de construction des logements et des bâtiments tertiaires, la consommation d’énergie des voitures neuves, le recyclage des déchets et des matières premières et surtout l’amélioration des procédés de l’industrie lourde.L’application majeure reste la mise en place du système européen de quotas auquel sont soumises des branches industrielles et de grandes installations énergétiques. Mais cette initiative n’a pas été suivie par les autres pays développés et se heurte à une concurrence mondiale croissante.En pratique, les pays ont concentré leurs efforts vers les grands secteurs et ont contourné jusqu’à présent une mobilisation plus large des petites entreprises, des collectivités locales et surtout des ménages.Certains secteurs constituent des points durs où il s’avère difficile d’agir : la réduction de la part des déplacements en voiture et leur désengagement du pétrole en faveur de l’électricité ou du gaz, les émissions de méthane par l’agriculture et surtout la maîtrise de la croissance toujours forte des transports aériens et maritimes.

AC Bras :

Et la demande énergétique mondiale va continuer d’augmenter ?

P. Radanne :

Oui mais les engagements des différents pays face au changement climatique ont progressivement modifié la perception des énergies renouvelables. La part des énergies renouvelables représente aujourd’hui 15% de l’ensemble des énergies et 20% de l’électricité mondiale.Mais la tendance est nette :En Europe, les deux tiers des nouvelles productions d’électricité viennent des renouvelables.La Chine concentre un quart des investissements.Selon le GIEC, 77% de l’approvisionnement énergétique mondial pourrait provenir des renouvelables en 2050.A terme elles pourraient assurer la totalité des besoins africains ou sud-américains.

AC Bras :

Quel bilan global peut-on en tirer ?

P. Radanne :

Il existe des différences entre les pays. L’Europe est la plus engagée et les pays pétroliers ceux qui le sont le moins. Mais il faut savoir que l’investissement dans les énergies renouvelables paie sur la durée. Par exemple, si l’on compare la quantité d’énergie nécessaire pour produire une unité de richesse de PIB en Europe à d’autres régions du monde, c’est édifiant. Il faut 40% d’énergie en plus en Amérique du Nord, le double en Chine, au Moyen-Orient et en Afrique et le triple en Russie !Mais le décalage avec le rythme nécessaire pour éviter le réchauffement ne cesse de se creuser car les émissions mondiales continuent d’augmenter chaque année. Il est urgent de mobiliser davantage les acteurs, au plus grand bénéfice de l’emploi.

9. LES STRATÉGIES ÉNERGÉTIQUES DES PAYS DU MONDE

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AC Bras :

Le secteur dont la responsabilité dans le changement climatique ne cesse d’augmenter, c’est celui des transports, pourtant on n’en parle peu ?

P. Radanne :

Oui alors que de tous les secteurs d’activité, c’est en effet celui que le changement climatique va transformer le plus en profondeur. C’est évident car il dépend à 95% du pétrole et il représente 40% des émissions de gaz à effet de serre mondiales.S’il y a plus d’un milliard de voitures dans le monde, leur répartition est encore très inégale : on compte en Europe 600 voitures pour 1 000 habitants, mais 7 fois moins en Chine et 40 fois moins en Afrique sub-saharienne.Le parc automobile mondial augmente de 3% par an, tiré essentiellement par les pays émergents. Une voiture qui pèse en moyenne près d’une tonne, va consommer pendant sa durée d’usage, 6 fois son poids en carburant et va aussi émettre en gaz carbonique 16 fois son poids. Poussons encore la comparaison plus loin avec une comparaison simple qui donne la dimension du sujet : le volume de gaz à effet de serre émit par 5 voitures dans l’atmosphère représente le volume de l’arc de Triomphe de Paris.

AC Bras :

Ces chiffres montrent qu’il y a une contradiction entre le système actuel de transport et l’objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050. Comment y faire face ?

P. Radanne :

En effet, la capacité de se déplacer est essentielle à la liberté individuelle et aux échanges économiques dans une économie maintenant mondialisée. Des mutations très diverses sont donc devant nous : Nos voitures vont changer avec le développement progressif du véhicule électrique dans les zones urbaines, celui du véhicule hybride sur grande distance. L’une des clés sera le progrès du stockage de l’électricité.Il va falloir également diversifier nos choix de mode de transport : le vélo sur très courte distance, les transports collectifs urbains en agglomération et le train de ville à ville. Cette diversité d’offre est essentielle, surtout dans les grandes villes des pays en développement qui souffrent à la fois des embouteillages et de la pollution des véhicules.Au-delà des choix de mode de transport et d’énergie utilisée, la modification la plus profonde vient de la diffusion des applications sur téléphone portable et internet : partout les systèmes de covoiturage et d’auto-partage se diffusent et permettent à chacun de mieux combiner les différents modes et de réserver très vite un véhicule. Puis il y a le cas de l’aérien avec le développement du tourisme à longue distance. Il va falloir privilégier le tourisme de long séjour. Le transport des marchandises croît lui aussi très vite avec la mondialisation de l’économie. Il connaîtra des évolutions tout aussi importantes : les camionnettes vont devenir hybrides et les camions, parcourant de longues distances, auront des moteurs à gaz, plus propres et moins émetteurs de gaz carbonique que les carburants pétroliers. Le transport maritime va aussi voir sa flotte évoluer.Ces changements, déjà engagés, interviendront massivement dans les pays développés et les pays émergents dans les deux décennies qui viennent et s’étendront progressivement aux pays en développement au plus grand bénéfice de leurs populations.

10. LES TRANSPORTS

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AC Bras :

Les objectifs d’accès à l’eau fixés il y a 15 ans dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement ne seront pas atteints, le changement climatique ne va-t-il pas encore aggraver cette situation ?

P. Radanne :

Aujourd’hui encore, un tiers de la population mondiale n’a toujours pas accès à l’eau potable et à l’assainissement. Et c’est une situation que le changement climatique risque effectivement d’aggraver avec comme conséquence des inégalités croissantes d’accès.En effet, les zones du monde qui vont connaître une réduction de la pluviométrie, et donc des ressources en eau, sont celles qui manquent déjà de réseaux d’eau potable et de systèmes d’égouts.Cela concerne notamment les pays du Sahel, du Maghreb, du Moyen-Orient, du nord du continent indien, de l’Asie centrale et de l’Amérique centrale. Souvent la croissance des villes va plus vite que la mise en place des réseaux d’eau et d’assainissement.Leur construction nécessite des investissements qui ne peuvent être, le plus souvent, réalisés qu’avec l’aide internationale.Et ces difficultés vont évidemment avoir un grand impact sanitaire :Deux millions d’habitants, surtout des enfants de moins de cinq ans, meurent chaque année de diarrhée. 50 pays sont actuellement toujours victimes du choléra.Non seulement l’eau y sera moins abondante, mais également plus irrégulière du fait de longues périodes de sécheresse, ce qui aggrave les impacts sanitaires.C’est là un facteur majeur de blocage du développement de nombreux pays.

AC Bras :

Comment faire face à une telle situation ?

P. Radanne :

L’accès à l’eau est une priorité car il relie des enjeux de santé, de développement, de production alimentaire et de réduction de la pauvreté avec, au cœur, le rôle des femmes, car ce sont elles qui souvent, à pied, assurent l’approvisionnement en eau de la famille. Les pays en développement insistent de plus en plus sur la nécessité de mettre en place des politiques d’adaptation au changement climatique avec les financements qui les accompagnent. Le Fonds Vert pour le climat prévoit de consacrer la moitié de l’argent à l’adaptation au changement climatique mais pour l’instant le compte n’y est pas. Il est essentiel que les financements qui seront réunis pour la conférence de Paris soient largement orientés vers les actions indispensables que sont : l’éducation à l’hygiène et aux économies d’eau,l’augmentation du stockage de la ressource,l’amélioration des réseaux d’eau potable dont les taux de fuite sont souvent de 20%, voire de 50 %, dans certains pays,le recyclage de l’eau dans les industries,des procédés d’irrigation en goutte à goutte adaptés aux besoins des plantes avec donc comme principes simples, l’équité et la pérennité.

11. L’EAU

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AC Bras :

Y-a-t-il un lien entre les mouvements migratoires de grande ampleur actuels et le changement climatique ?

P. Radanne :

L’ampleur et la gravité des mouvements migratoires actuels nous plongent tous dans le plus grand trouble.Ces mouvements touchent aussi bien l’Asie, l’Océanie, le Moyen Orient que l’Afrique.Ces migrations sont causées d’abord par des conflits et des foyers de violence, que l’on pensait relégués au passé. Mais cette cause n’est pas la seule. Parmi les 60 millions de réfugiés actuels dans le monde on considère que 26 millions de personnes sont déplacées chaque année à cause des catastrophes naturelles. Qu’il s’agisse de victimes de tempêtes ou d’inondations qui dévastent tout, ou des sécheresses qui jettent des paysans ruinés sur les routes.Bien évidemment, de tels mouvements migratoires ont souvent des causes multiples, à commencer par la pauvreté.

AC Bras :

Comment interpréter les attitudes des pays devant cet afflux ?

P. Radanne :

Ces migrations se font par étapes successives, il s’agit le plus souvent d’abord de chercher un avenir dans les grandes métropoles puis, faute de possibilités, de prendre des risques inouïs comme traverser la Méditerranée dans des embarcations bondées. Cela donne l’exacte mesure du désespoir de ces gens qui tentent le tout pour le tout. Au-delà de l’attractivité des pays développés, dans plusieurs pays on assiste à des réactions de rejet et l’on voit ressurgir des peurs millénaires. Les pays hésitent maintenant entre accueil et rejet. Des États tentent de séparer ceux qui viennent de pays en guerre ou de dictatures qui sont donc demandeurs de droit d’asile, des personnes qualifiées de migrants économiques que les pays s’apprêtent à refouler.Si les attitudes de rejet se généralisent, ce sont toutes les avancées en faveur des droits de l’Homme et des progrès démocratiques qui se trouveraient balayées. Il faut offrir un statut protecteur à ces personnes déplacées.Mais ces migrations, y compris celles provoquées par les catastrophes climatiques ne connaissent guère de possibilités de retour, puisque les causes ne cessent de s’amplifier. Cette époque est paradoxale. D’un côté, on vante la libéralisation des échanges de biens et de services comme stimulant les économies. De l’autre, on multiplie les entraves à la circulation des personnes. Un tel paradoxe n’est pas tenable.Les seules parades viables à ces flux migratoires résident uniquement dans des progrès de développement dans les pays eux-mêmes.

AC Bras :

Existe-t-il une réponse viable à long terme ?

P. Radanne :

Voilà ce qui nous ramène à la question des changements climatiques car ce qui est en jeu lors de la conférence de Paris, c’est justement l’avancée de l’humanité toute entière vers une nouvelle voie de développement qui évite les catastrophes climatiques et réponde aux attentes des populations. C’est là, la seule réponse de long terme !

12. CLIMAT ET MIGRATIONS

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AC Bras :

Quel est le lien entre le changement climatique, la désertification et la déforestation ?

P. Radanne :

Longtemps, la négociation climat s’est focalisée sur la production et la consommation d’énergie, qui sont certes à l’origine des 2/3 des émissions de gaz à effet de serre mais on a trop minimisé l’importance à apporter à l’agriculture, à la gestion des sols, des forêts et des déchets.Pourtant, la surface agricole cultivée par habitant dans le monde a été divisée par deux entre 1960 et 2010, passant d’un demi hectare à seulement un quart d’hectare.Depuis 1985, la surface cultivable dans le monde n’augmente plus. La mise en exploitation de nouvelles terres, souvent au détriment de la forêt, est contrebalancée par la progression des déserts.Or la population mondiale va s’accroître et passer de 7 à 9 milliards d’habitants d’ici 2050. Avec un accroissement surtout dans les pays les plus pauvres, sans protection sociale.

AC Bras :

Quelles conséquences cela a-t-il ?

P. Radanne :

La progression des déserts a de multiples causes : la déforestation par l’utilisation du bois de feu par des populations ne disposant pas de l’argent nécessaire pour utiliser d’autres énergies pour la cuisson, la perte des savoirs traditionnels de gestion des sols, un moindre retour au sol des déchets organiques, des méthodes agricoles devenues inadaptées au réchauffement climatique, par exemple avec la pratique de laisser les sols nus après récolte qui, trop exposés au soleil, se dessèchent et perdent leur humus.Le sol est un patrimoine précieux que des dizaines de génération se sont transmis.La déforestation est à la fois provoquée à la fois par la demande mondiale de bois nobles et du défrichage réalisé par les paysans sans terre.

AC Bras :

Quelles en sont les conséquences politiques ?

P. Radanne :

Les populations qui sont les plus victimes du changement climatique sont les agriculteurs pauvres qui, subissent des pertes de récolte de plus en plus graves, année après année. Dès lors sans ressource, y compris pour se nourrir, ils sont acculés à abandonner leurs terres et à venir grossir les populations urbaines, voire à émigrer vers d’autres pays.Or, il ne peut y avoir de stabilité politique et démocratique quand l’agriculture s’effondre.Une grande partie des conflits dans le monde de la zone qui va de Dakar au Sénégal à Islamabad au Pakistan est provoquée par ces déstabilisations des populations. Des progrès sont possibles : le recours à l’agroforesterie pour que l’ombrage des arbres maintienne de l’humidité, le développement de l’irrigation en goutte-à-goutte pour que l’eau réponde le mieux possible aux besoins des plantes.Ce sont là des priorités vers lesquelles doivent s’orienter les financements internationaux pour l’adaptation et l’atténuation des émissions.La lutte contre le réchauffement climatique est indispensable pour enrayer la désertification et la déforestation.

13. LES SOLS ET L’AGRICULTURE

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AC Bras :

Si le changement climatique est un enjeu planétaire qui ignore les frontières nationales, ses solutions ne sont-elles pas avant tout territoriales ?

P. Radanne :

Les émissions de gaz à effet de serre résultent en effet d’une infinité d’actes de production et de consommation de la part de tous les acteurs : les ménages qui se transportent, se chauffent ou se rafraîchissent, qui mangent, utilisent de l’électricité, jettent des déchets… Cela s’applique aussi aux entreprises, aux producteurs d’énergie et aux services publics. Réduire des sources d’émissions aussi dispersées demande une action extrêmement massive, résolue et coordonnée qui couvre toute la société.Dans la mesure où le citoyen est au cœur du sujet, à travers son mode de vie, ses choix d’achat et ses comportements au quotidien, il faut l’associer directement.Pour être efficace, le niveau d’intervention publique doit, à la fois, disposer de suffisamment de moyens d’actions, c’est-à-dire se situer à l’échelle d’une agglomération urbaine ou d’une entité couvrant un territoire rural, et rester en contact direct avec la multitude d’acteurs à impliquer.

AC Bras :

Comment peuvent agir les collectivités locales ?

P. Radanne :

Les politiques des collectivités locales pour lutter contre le changement climatique consistent, d’abord, à aider chacun dans sa prise de conscience. Cela passe par des initiatives d’éducation populaire, de formation et de débat public. Les collectivités locales jouent également un rôle central de réduction des risques climatiques en protégeant les personnes face aux canicules ou aux inondations. Leurs interventions pour aider à l’adaptation au changement climatique dépendent évidemment de conditions spécifiques à chaque territoire. La lutte contre le changement climatique par les collectivités locales porte à la fois : Sur la qualité de construction des logements et des bâtiments, afin qu’ils consomment moins d’énergie, Sur l’organisation des transports en privilégiant les transports doux et les transports collectifs Sur la valorisation des ressources en énergies renouvelables et des déchetsSur les politiques d’urbanisme et d’aménagement du territoire.En bref, ce sont ces services qui sont impliqués et pas seulement ceux de l’environnement. Ce rôle d’impulsion des collectivités locales doit intégrer des acteurs qu’elles touchent souvent assez peu : les petites entreprises et l’ensemble des activités tertiaires. Elles doivent donc assumer un rôle d’animation, de mise en mouvement de tous les acteurs présents sur leur territoire, ce qui dépasse largement leurs attributions habituelles… la réponse au changement climatique débouche donc dans tous les domaines sur un renforcement des politiques territoriales et un bond démocratique.

14. LE RÔLE DES VILLES ET DES TERRITOIRES

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AC Bras :

195 pays sont donc réunis à Paris pour négocier un texte qui leur permettra de s’engager efficacement dans la lutte contre les changements climatiques. Quels sont les points majeurs de la discussion ?

P. Radanne :

Il y en a huit :

1- Le niveau des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre par les pays développés.

2- Celui du soutien à l’adaptation des pays les plus vulnérables, surtout pour leur agriculture et leur accès à l’eau et à leur avancée vers un développement à bas niveau de carbone notamment en valorisant leurs énergies renouvelables.

3- Les formes d’implication de tous les pays, selon leur niveau de développement et leur capacité financière.

4- La capacité de mobilisation de tous les acteurs économiques, et aussi des citoyens, sans lesquels rien de concret ne sera possible.

5- La question clé du niveau des financements, dont ceux du Fonds Vert pour le climat, ceux de l’aide au développement mais aussi la mobilisation des investissements privés et bancaires. La négociation est particulièrement active pour atteindre le niveau de 100 milliards de dollars d’ici 2020, car de cela dépend largement la participation des pays en développement.

6- Un meilleur accès aux technologies, par le soutien, la formation initiale et professionnelle et par l’intégration dans les réseaux internationaux de recherche.

Et enfin, deux questions très difficiles :

7- La conclusion d’un accord à Paris qui intègre la partie du Protocole de Kyoto qui reçoit l’agrément de tous les pays, et qui l’étende, pour faciliter la participation des pays émergents et des pays en développement.

8- Les moyens de nourrir la confiance de tous dans le respect effectif des engagements pris par les pays développés et les plus émetteurs.

AC Bras :

Qu’est-ce qui fera le succès ou l’échec de cette conférence ?

P. Radanne :

Cela va se jouer sur la transparence sur les résultats d’atténuation des émissions effectivement obtenus, sur le financement des pays en développement, puis sur l’utilisation de ces aides ;C’est là un préalable pour avancer vers un droit international solide, avec des clauses de sanction en cas de non-respect de la parole donnée. Moins il y aura de confiance, plus les pays rechigneront à s’engager. En bref, il y a du travail.

15. CE QUI SE NÉGOCIE À PARIS

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AC Bras :

Y-a-t-il des questions essentielles qui ne seront pas abordées lors de la conférence de Paris ?

P. Radanne :

Oui, et elles sont avant tout d’ordre économique.D’abord, il faudrait fixer un prix aux gaz à effet de serre pour en dissuader l’émission. Plusieurs voies existent pour y parvenir : l’instauration d’une taxe au plan international ou la mise en place généralisée de quotas. Il a été aussi proposé une taxe sur les transactions financières.Mais de nombreux pays s’opposent farouchement à ces options. De même, a été évoquée la suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles par les États et par les institutions financières internationales. Cela permettrait de libérer des centaines de milliards de dollars chaque année. Mais c’est aussi impossible, car ces subventions sont pratiquées par de nombreux pays en développement pour donner accès à l’énergie aux populations les plus pauvres pour répondre à leurs besoins vitaux.

AC Bras :

Pourquoi alors les Nations Unies ne le décident-elles pas ?

P. Radanne :

Ces voies sont impraticables parce que les Nations Unies n’ont aucun pouvoir pour imposer des dispositions fiscales ou des obligations financières aux pays. La seule organisation internationale qui dispose d’un tel pouvoir de contrainte économique sur les États, c’est l’Organisation Mondiale du Commerce, mais elle est indépendante des Nations Unies et tous les pays n’en sont pas membres.Sans un accord généralisé de tous les pays, bien peu d’entre eux osent instaurer une taxation interne qui les pénaliserait dans la concurrence économique internationale.Tout cela a des conséquences politiques. La conclusion d’un accord juridiquement contraignant en droit international attendue à Paris, notamment par les pays les plus vulnérables ou l’Union Européenne, s’avère, en pratique, hors de portée.

AC Bras :

Et en quoi cela est-il dommageable ?

P. Radanne :

Une telle force juridique du droit international ne sera possible que s’il y a une capacité efficace de sanction qui puisse être proportionnée vis-à-vis de pays qui ne tiendraient pas leurs engagements. Un tel pouvoir de sanction ne pourrait donc être que de nature financière. En l’état actuel, un pays qui prendrait des engagements et ne les respecterait jamais, n’encourrait que des remontrances verbales. C’est là une dérive qui peut être vite contagieuse et affaiblir tout accord. Ces questions ne pourront pas être tranchées lors de la conférence de Paris. Elles se reposeront à l’avenir. Mais on est bien obligé de procéder par étapes. Mais plus vite on apprendra à gérer notre planète tous ensemble, mieux ce sera.

16. CE QU’IL N’Y AURA PAS DANS L’ACCORD DE PARIS

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AC Bras :

Quand a été réalisée la compréhension du changement climatique ?

P. Radanne :

Un réchauffement climatique a été soupçonné dès 1824, mais il a fallu un siècle et demi pour le vérifier.En 1985, l’analyse de glaces de l’Antarctique a permis de reconstituer les variations de température terrestre et de composition de l’atmosphère depuis 150 000 ans.Après cette alerte, a été constitué le GIEC, le Groupement Intergouvernemental des Experts du Climat. Il a été constitué conjointement par les Nations Unies et par l’Organisation Météorologique Mondiale.

AC Bras :

Qu’est-ce que le GIEC a affirmé depuis sa création ?

P. Radanne :

Son 1er rapport a pointé la responsabilité humaine du changement climatique.En 1992, très rapidement, tous les pays de la planète ont signé la Convention de Rio, le traité fondateur de la lutte contre le changement climatique.C’était la 1ère fois, que des experts du monde entier, de toutes disciplines, et des représentants des gouvernements constituaient ensemble une autorité scientifique pour éclairer les décideurs politiques, mais aussi les ONG, les responsables économiques et les médias.Depuis, chaque rapport du GIEC approfondit les analyses.D’ici 2100, le réchauffement sera de 2 à 5°, en fonction de ce que fera l’humanité ou pas. C’est autant que l’écart entre le climat d’aujourd’hui et celui de l’ère glaciaire.Le 5ème rapport a précisé les effets du changement climatique sur l’environnement. La diminution de la pluviométrie par exemple entraînera la chute de la production agricole et alimentaire dans les zones tropicales ce qui aura de graves conséquences. Au-delà de 2° de réchauffement, il y aura une telle perte de production alimentaire que l’on s’expose à ne pas pouvoir assurer l’alimentation de toute l’humanité.Les derniers rapports ont approfondi les choix de technologie, de production électrique et de politiques publiques afin d’assurer le développement des pays tout en réussissant une division par deux des émissions de gaz à effet de serre.

AC Bras :

Quel est le fonctionnement du GIEC ?

P. Radanne :

Il est unique. D’abord il élabore des rapports scientifiques. Puis, il sollicite chacun des représentants de pays du monde qui en sont aussi officiellement membres.Il en résulte des conclusions scientifiques, mais aussi négociées avec les représentants des États et donc acceptées – in fine – par eux à l’unanimité. C’est important, parce que cela les engage après.Les travaux du GIEC ont donc une double force : scientifique et politique.

AC Bras :

Pourtant, il y a toujours des polémiques sur la réalité du changement climatique ?

P. Radanne :

À chaque fois, les travaux de GIEC alimentent des questions, donc des recherches pour y répondre, puis inévitablement en découlent de nouvelles questions. Mais, il faut régler un quiproquo essentiel.D’une part, un phénomène peut être réel, même si, pour des raisons diverses, des gens tardent ou ne veulent pas le reconnaître.Soyons clairs, personne n’a envie du réchauffement climatique mais c’est trop facile de se poser en sceptique. Le réchauffement climatique est réel. Il faut y répondre.

17. LE RÔLE DU GIEC

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AC Bras :

Quelles sont les positions des pays développés par rapport au changement climatique ?

P. Radanne :

Les pays développés ont des positions différentes, toujours divergentes depuis 20 ans.Cela tient à 3 facteurs.D’abord, leur politique énergétique. Ceux qui ont des ressources importantes en pétrole, en charbon et en gaz, sont plus contraints par des résistances internes. Ceux qui n’en ont pas, ou plus, veulent réduire leur dépendance. Ils cherchent à mieux utiliser l’énergie et à valoriser leurs ressources renouvelables. La densité de population constitue aussi un facteur important. Moins elle est dense, plus les ressources minérales, agricoles ou en biomasse sont importantes, par personne. Cela influe sur leur conception du développement. Ils ne perçoivent comme pressantes, ni la limitation des ressources, ni la dégradation de l’environnement.À l’inverse, dans les pays denses, l’intérêt général est davantage entendu, au-delà de l’individualisme.Enfin les degrés de vulnérabilité au changement climatique pèsent sur leur orientation.

AC Bras :

Cela débouche sur quelles orientations ?

P. Radanne :

Il y a deux grandes catégories de pays : Les pays vides, les moins densément peuplés : les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Russie.Les pays pleins, sans croissance démographique : l’Union Européenne et le Japon.

AC Bras :

Quelles sont les conséquences de leurs visions pour la Conférence de Paris ?

P. Radanne :

L’Union Européenne est favorable à un accord solide, avec des engagements forts et respectés.Les autres pays industrialisés, s’expriment en faveur d’engagements volontaires ne constituant pas des obligations en droit international… pour le moment.

AC Bras :

Ces catégories sont-elles aussi applicables aux pays émergents ?

P. Radanne :

Ces 2 catégories sont maintenant aussi applicables aux pays émergents :La Chine et l’Inde s’inscrivent dans les pays pleins. Ils sont dépendants en énergie et peinent à répondre aux besoins de leurs populations.L’Afrique du sud et le Brésil s’apparentent plutôt aux États-Unis, par leurs importantes richesses en matières premières.

AC Bras :

Quelle incidence cela aura t-il pour le futur ?

P. Radanne :

C’est difficile à prévoir.2 tendances émergent :Les pays vides disposent d’un avantage actuel, manifeste du fait de leurs ressources naturelles à la valeur croissante.Par contre, les pays pleins, qui deviennent plus économes en ressources, réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils prendront, eux, un avantage économique et politique à long terme. Ils comprennent mieux le futur.N’oubliez pas… Il n’y a pas d’autre planète habitable dans le coin.

18. LES PAYS PLEINS ET LES PAYS VIDES

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AC Bras :

Alors que l’on prépare un nouvel accord international à la Conférence de Paris, rappelez-nous quels ont été les apports du Protocole de Kyoto

P. Radanne :

Après le traité international reconnaissant la gravité du changement climatique (la Convention de Rio de 1992), les actions des pays n’ont pas été à la hauteur. D’où un texte complémentaire : le Protocole de Kyoto, adopté en 1997.Premier point fort du Protocole de Kyoto, la fixation d’engagements quantifiés de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés.Par exemple, pour l’Union Européenne, A partir de 1990, réduire de 8% en 2012 et de 20% en 2020.C’était la première fois dans l’histoire, que des pays s’engageaient dans une sorte de rationnement volontaire, d’une telle ampleur, et portant sur toutes leurs activités.

AC Bras :

Les objectifs fixés à Kyoto ont-ils été effectivement atteints ?

P. Radanne :

Les pays en transition, la Russie et les pays de l’Europe de l’Est ont vu leurs émissions s’effondrer du fait de la chute du communisme. Par perte d’une grande partie de leur production industrielle. En 2012, leurs émissions avaient baissé de 30% par rapport à 1990.L’Union Européenne dépassera les objectifs fixés, probablement 27% de réduction en 2020.Les autres pays industrialisés ont eu, eux, des émissions en forte hausse : le Japon, la Nouvelle Zélande, la Suisse, le Canada. C’est aussi le cas des États-Unis et de l’Australie qui n’avaient pas signé le Protocole de Kyoto.

AC Bras :

Le Protocole de Kyoto a créé des outils pour permettre aux pays signataires d’atteindre leurs objectifs. Lesquels ?

P. Radanne :

Ce sont les composantes du Protocole de Kyoto qui ont le plus fait débat, c’est ce que l’on a appelé les mécanismes de flexibilité. Malgré d’intenses négociations, l’adoption de mesures communes aux pays s’est avérée impossible. Par exemple des mesures fiscales.Une alternative fut alors proposée par les États-Unis : que des réductions obtenues à partir des obligations puissent être échangées entre pays et entre acteurs économiques, directement sur un marché.Cela part d’une décision politique : fixer des obligations de réduction d’émissions à des échéances précises, et cela pour des pays, des branches industrielles ou à de grandes installations énergétiques.Si les obligations ne sont pas tenues, il y a pénalité. Pour une entreprise qui veut éviter l’amende, il devient préférable d’investir pour réduire ses émissions et respecter le quota, et si cela ne suffit pas, il faut payer une autre entreprise, en se faisant transférer les réductions obtenues.Ce mécanisme s’est traduit par la fixation d’un prix du carbone.Après le refus des États Unis du Protocole de Kyoto, c’est l’Union Européenne qui l’a appliqué.Ce mécanisme hybride, contrainte publique, puis échanges dans un marché, répond à l’attente exprimée en son temps par Montesquieu : que l’on fasse payer le vice et que l’on rémunère la vertu. Emettre des gaz à effet de serre ne doit plus être gratuit.Mais cette innovation majeure a rencontré de grandes difficultés d’application comme des obligations trop faibles pour soutenir un prix suffisant du carbone. Il y a aussi eu des fraudes. Des corrections sont nécessaires.Ce type de mécanisme va s’étendre car il est adapté à un monde qui doit respecter des limites. La méthode consiste à interdire de dépasser un certain volume, puis en ouvrant la possibilité, d’une façon flexible, que les acteurs économiques puissent s’accorder pour trouver des solutions plus rapides ou plus rentables.

19. LE PROTOCOLE DE KYOTO

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AC Bras :

Ces mécanismes ont-ils concernés les pays en développement ?

P. Radanne :

Oui, mais indirectement. Les entreprises des pays développés pouvaient choisir des investissements très performants pour réduire leurs émissions, y compris dans les pays en développement. Dans ce cas, ils pouvaient inclure dans leurs comptes les réductions obtenues pour tenir leurs obligations dans le cadre d’un système de permis négociables. En pratique, celui de l’Union Européenne. C’est ce que l’on appelle le Mécanisme de Développement Propre.

AC Bras :

Dernier point, en quoi consiste la fixation à Kyoto d’accords contraignants en droit international ?

P. Radanne :

Le Protocole de Kyoto a tenté de progresser vers une pénalisation des pays qui manqueraient à leurs engagements. Mais cela n’a pas marché, car les pays en retard sur leurs objectifs ont exigé de diminuer ces engagements.Cette question est essentielle, si les pays ne respectent pas leurs engagements, en toute impunité, il y a alors perte de confiance. Dans ces conditions, tous les pays risquent de tricher. Il faudra tôt ou tard que l’intérêt général de toute l’humanité devienne prioritaire par rapport aux intérêts nationaux.Il faudra des sanctions si les pays ne tiennent pas parole.Maintenant, cela va être à la Conférence de Paris d’écrire la suite. En impliquant cette fois-ci tous les pays.

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AC Bras :

La clé du succès de la conférence de Paris sur le climat ne sera-t-elle pas la capacité de réunir suffisamment de financements pour soutenir les pays en développement dans leur lutte contre le changement climatique ?

P. Radanne :

Oui et les obstacles sont nombreux.La crise économique actuelle assèche les capacités budgétaires des pays développés pour hausser leur niveau d’aide publique.La confusion règne depuis l’annonce faite, il y a 6 ans, à la conférence de Copenhague, de transférer chaque année, dès 2020, 100 milliards de dollars des pays développés vers les pays en développement. Ce flou n’a toujours pas été levé. Les pays développés soulignent que cela comprendra à la fois des investissements privés, des prêts et, pour partie seulement, des dons des États.Les pays en développement, notamment les plus pauvres et les plus vulnérables insistent sur le fait qu’il doit s’agir d’argent public, puisqu’ils ne peuvent guère emprunter et que c’est essentiel pour les aider à s’adapter au changement climatique.

AC Bras :

A-t-on maintenant une vision des demandes des pays et des capacités de financement ?

P. Radanne :

Cette année, les stratégies nationales de lutte contre le changement climatique présentées aux Nations Unies d’ici 2030 ont permis à de nombreux pays en développement d’exprimer leurs attentes. Mais celles-ci ne spécifient pas encore la nature des financements attendus. Pour préparer la conférence de Paris, des efforts sont activement déployés pour réunir ces 100 milliards de dollars pour 2020.En novembre dernier, 10 milliards ont été réunis pour le Fonds Vert pour le Climat créé après Copenhague.Des capacités financières de différentes natures sont actuellement drainées par les institutions internationales, les grandes banques, les compagnies énergétiques et par les États, en aide publique. On avance une mobilisation possible pour la Conférence de Paris d’au moins 80 milliards de dollars.

AC Bras :

Cela a-t-il permis d’instaurer un climat de confiance suffisant ?

P. Radanne :

Il reste à convaincre les pays en développement de la crédibilité de cet apport financier. Trop de promesses par le passé sont restées sans suite. C’est effectivement sur la garantie de cette montée en puissance des financements que se jouera assurément la conclusion, à Paris, d’un accord à la hauteur des enjeux regroupant tous les pays.

20. LES FINANCEMENTS

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AC Bras :

Plus de 170 pays sur 195 ont rendu leur contribution nationale avant la Conférence de Paris, c’est un nouvel exercice demandé par la Convention des Nations Unies sur le climat, de quoi s’agit-il ?

P. Radanne :

Il s’agit pour chaque pays de présenter sa stratégie nationale de lutte contre les changements climatiques d’ici 2030. Ces Contributions témoignent de l’intention de ces pays d’être pleinement partie prenante d’un accord planétaire à la fois pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et pour se protéger de leurs impacts dévastateurs.Mais deux types de pays se sont fait attendre :La grande majorité des pays pétroliers et gaziers : Arabie Saoudite, Venezuela, Iran, Irak, Qatar, Koweït, Émirats Arabes Unis, Nigéria, Angola, Bolivie.Et de petits pays dont des états îles du Pacifique ou des Caraïbes et quelques autres qui rencontrent des difficultés à réaliser de telles prospectives complexes.

AC Bras :

Ces contributions sont-elles convergentes et de qualité homogène ?

P. Radanne :

Elles sont évidemment inégales :Les pays développés, dans l’ensemble, s’en sont tenus à des annonces prudentes de réductions des émissions pour 2030 sans préciser les actions qu’ils engageraient dans les différents secteurs.Certains pays émergents, visiblement hésitants, ont rendu leur contribution au dernier moment comme l’Inde et l’Afrique du sud. Tandis que la Chine et le Brésil ont exprimé une forte volonté de progression à la fois parce qu’ils sont victimes des impacts et qu’ils identifient de réelles capacités d’action.Les contributions des pays en développement sont globalement beaucoup plus précises puisque ceux-ci escomptent obtenir des financements pour réaliser leurs actions.De nombreux pays montrent clairement la voie vers un nouveau mode de développement : l’Ethiopie, le Costa Rica, le Maroc, le Sénégal, les Philippines. Leurs contributions comportent deux parties : ce qu’ils comptent faire sur leurs moyens propres et ce qu’ils feront à condition d’obtenir des dons des pays développés, des investissements des entreprises et des prêts des banques.

AC Bras :

Si l’on fait la somme de ces Contributions est-ce qu’elles seront suffisantes pour stabiliser le climat ?

P. Radanne :

Non, en l’état, ces contributions ne suffiront pas pour contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C. Nous sommes sur une trajectoire aux alentours des 3 degrés. Il faudra donc encore négocier des efforts supplémentaires. Mais l’essentiel est là, on assiste à une mise en mouvement de toute l‘humanité face à une menace commune.

21. LE RÉSULTAT DES CONTRIBUTIONS NATIONALES (INDC)