15
Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIX ème siècle XX ème siècle et notre époque arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.1 Seurat, le chromatisme wagnérien¹ Georges Seurat (1859-1891) Cirque 1890-1891 Huile sur toile H. 185 ; L. 152 cm Musée d’Orsay 3 Georges Seurat est considéré comme le chef de file du mouvement néo- impressionniste français. Son approche picturale s’appuie sur l’étude contem- poraine de la perception optique de la couleur et puise dans différents traités scientifiques consacrés aux phénomènes optiques (dont notamment De la loi du contraste simultané des couleurs d’Eu- gène Chevreul) plusieurs principes qui H.Hemme / F.Jouin / D. Pelletier— apm1— inspection académique de l’oise-2012 constituent les bases théoriques de ce qu'il nomme le chromo-luminarisme² : notion de couleurs complémentaires (rouge/vert, orange/bleu, jaune/violet), distinction entre teinte et ton (couleur et valeur), idée du mélange optique s'effectuant non plus sur la palette mais dans la rétine du spectateur, exaltation de la couleur par la juxtaposition des différents tons d'une même teinte ou encore utilisation des lignes dynamiques pour exprimer des sentiments. Il en conçoit une technique caractérisée, à partir de 1886, par l'application régulière et ordonnée de petites tou- ches de peinture sur toute la surface de la toile. Juxtaposés, ces "points" de couleurs pures com- posent des formes, des personnages ou des paysages remettant en cause la perspective tradi- tionnelle et affirmant la surface du tableau comme un univers indépendant de la nature. Ces formes simplifiées par ce traitement prennent des allures géométriques qui scandent la composi- tion dynamisée par un jeu de lignes rythmiques et d’arabesques qui guident l’oeil du spectateur. Proches des milieux anarchistes Seurat et Signac voulaient mettre leur peinture au service d’un idéal s’approchant de l’Age d’or mythique (cf. L’Age d’or de Léo Ferré). La symbiose entre la création artistique et l’analyse scientifique devait leur permettre d’y parvenir. "L'art c'est l'Harmonie. L'Harmonie c'est l'analogie des contraires, l'analogie des semblables, de ton, de teinte, de ligne, considérés par la dominante et sous l'influence d'un éclairage en combi- naisons gaies, calmes ou tristes". Georges Seurat, 1890. 1. Jules Christophe, in La Revue Indépendante, 1891 2. Seurat remplacera ce terme jugé trop complexe par celui de « Divisionnisme » rebaptisé ensuite " Néo- Impressionnisme" par le critique d'art et écrivain Félix Fénéon son ardent défenseur. Signac, l’indéfectible ami, lui préfére- ra l’appellation "Pointillisme". Georges Seurat, La Parade du Cirque, 1888, Huile sur toile, 100 x 150 cm, Metropolitan Museum of Art Paul Signac, Au temps d’anarchie ou Au temps d'harmonie (L’âge d’or n’est pas dans le passé, il est dans l’avenir), 1893, Huile sur toile 300 x 400 cm, Mairie de Montreuil Georges Seurat, Un dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte, 1883, Huile sur toile, 207 x 308 cm, Art Institute of Chicago

3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.1

Seurat, le chromatisme wagnérien¹

Georges Seurat(1859-1891)Cirque1890-1891Huile sur toileH. 185 ; L. 152 cmMusée d’Orsay

3

Georges Seurat est considéré comme lechef de file du mouvement néo-impressionniste français. Son approchepicturale s’appuie sur l’étude contem-poraine de la perception optique de lacouleur et puise dans différents traitésscientifiques consacrés aux phénomènesoptiques (dont notamment De la loi ducontraste simultané des couleurs d’Eu-gène Chevreul) plusieurs principes qui

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

012

constituent les bases théoriques de ce qu'il nomme le chromo-luminarisme² : notion de couleurscomplémentaires (rouge/vert, orange/bleu, jaune/violet), distinction entre teinte et ton (couleuret valeur), idée du mélange optique s'effectuant non plus sur la palette mais dans la rétine duspectateur, exaltation de la couleur par la juxtaposition des différents tons d'une même teinteou encore utilisation des lignes dynamiques pour exprimer des sentiments. Il en conçoit unetechnique caractérisée, à partir de 1886, par l'application régulière et ordonnée de petites tou-ches de peinture sur toute la surface de la toile. Juxtaposés, ces "points" de couleurs pures com-posent des formes, des personnages ou des paysages remettant en cause la perspective tradi-tionnelle et affirmant la surface du tableau comme un univers indépendant de la nature. Cesformes simplifiées par ce traitement prennent des allures géométriques qui scandent la composi-tion dynamisée par un jeu de lignes rythmiques et d’arabesques qui guident l’oeil du spectateur.Proches des milieux anarchistes Seurat et Signac voulaient mettre leur peinture au service d’unidéal s’approchant de l’Age d’or mythique (cf. L’Age d’or de Léo Ferré). La symbiose entre lacréation artistique et l’analyse scientifique devait leur permettre d’y parvenir.

"L'art c'est l'Harmonie. L'Harmonie c'est l'analogie des contraires, l'analogie des semblables, deton, de teinte, de ligne, considérés par la dominante et sous l'influence d'un éclairage en combi-naisons gaies, calmes ou tristes".

Georges Seurat, 1890.

1. Jules Christophe, in La Revue Indépendante, 18912. Seurat remplacera ce terme jugé trop complexe par celui de « Divisionnisme » rebaptisé ensuite " Néo-Impressionnisme" par le critique d'art et écrivain Félix Fénéon son ardent défenseur. Signac, l’indéfectible ami, lui préfére-ra l’appellation "Pointillisme".

Georges Seurat, La Parade du Cirque,1888, Huile sur toile, 100 x 150 cm,

Metropolitan Museum of Art

Paul Signac, Au temps d’anarchieou Au temps d'harmonie (L’âge

d’or n’est pas dans le passé, il estdans l’avenir), 1893, Huile sur toile300 x 400 cm, Mairie de Montreuil

Georges Seurat, Un dimancheaprès-midi à l'Île de la Grande

Jatte, 1883, Huile sur toile, 207 x 308cm, Art Institute of Chicago

Page 2: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.2

Analyse comparative

Henri de Toulouse- LautrecAu Cirque Fernando : Écuyère

1888Huile sur toile103 x 161 cm

The Art Institute of Chicago

Repères, s’interroger sur :

Personnages (récurrents ou non), attitudes, rôles, tailles, regards… Point de vue Effets liés au cadrage et à l’orientation de la toile Représentation de l’espace, répartition des éléments plastiques (lignes, surfaces colorées) Recherche de réalisme Dynamisme/Statisme

3

Musées du cirque

Liens avec le autres domaines artistiques

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Musée du cirque, Vatan (France) : www.musee-du-cirque.comMusée du cirque "la Gardine" Wasquehal (France) : www.espace-cirque.orgMusée du cirque et de l'illusion, Dampierre-en-Burly (France) : www.museeducirqueetdelillusion.com

Carrousel

Edgar Degas,Une Écuyère au Cirque Fernando

Pastels, 1891, Collection particulière

Jean Dufy

L'ÉcuyèreGouache et encre

195065 x 50 cm

Collection particulière

Karl Gampenrieder

Au Cirque1895Lithographie

Littérature jeunesse : *Le voyage d’Oregon, Rascal, Ecole des LoisirsCinéma : *Le cirque (Charlie Chaplin, 1928), Le cirque de Calder (Carlos Vilardebo, 1962), Le cirquejoyeux (Jiri Trnka, 1951) in Petit à petit le cinéma, l’Eden cinémaArchitecture : *Le cirque d’Amiens (l’un des huit derniers cirques en « dur » de France)Musique : *Éric Satie, Parade, 1916 -1917Peinture : *Georges Seurat, Le cirque, 1890 - *Gustave Doré, Les Saltimbanques, 1874

*Fiches disponibles sur le site de l’Inspection académique de l’Oise

Georges SeuratCirque1890-1891Huile sur toileH. 185 ; L. 152 cmMusée d’Orsay

Page 3: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.3

Georges Seurat, Cirque, 1890-1891Huile sur toile, 185 x 152 cm, Musée d’Orsay

3

Mots clefs,points d’ancragepour l’étudede l’œuvre,genre

Peinture de genre

la gestuelle des personnages,les lignes droites et courbesla « fausse » perspective

le mouvementle rôle des surfaces blanchesLa répartition des couleursl’utilisation des points colorés

« Un seul entre les néo-impressionnistes retient de-

vant ses toiles et apporte quelque émotion : M.Georges Seurat . Celui-ci dessine - il a cette qualitérare dans le groupe artistes dont il fut un des initia-teurs : le dessin. Chez lui, en outre, le procédé s’a-bolit presque ; les taches multicolores parviennentsouvent se fondre en un tout harmonieux et cha-toyant. Voyez le Cirque ; quelle intense sensationde joie lumineuse, quelle ondoyante musique delignes le thème principal étant donné par écuyèrequi brandit sa cravache, debout sur un chevalblanc lancé au galop. Tout concourt à l’effetcherché : la palpitante lumière orangée qui bai-gne le tableau, l’ ordonnance du dessin tout encourbes infléchies et précipitées dans le sens dumotif essentiel. Il y a là un parti pris d’atténuer l’im-pression brutalement directe au profit d’une syn-thèse, tous détails accessoires étant omis. »

Adolphe René, 1891

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les thèmescontemporains (dont le cirque fait partie) sont l’un desenjeux de la bataille, menée à partir de Manet, contre lapeinture académique et l’influence de la société bour-geoise sur la création artistique. Pendant que les repré-sentants de l’Institution perpétuent la hiérarchie des gen-res traditionnels qui veut qu’un grand tableau (dans tousles sens du terme), se fonde sur un sujet historique, my-thologique ou religieux, les peintres modernes font desgares, moulins, bals ou cirques leurs sujets de prédilec-tion. En 1890, le cirque est à la mode. Remportant unsuccès croissant auprès de toutes les classes sociales(l’aristocratie aime à s’y encanailler), il représente, avecle music-hall, la forme du spectacle moderne : celui desvariétés. A la fin du XIXe siècle, cinq cirques permanents(« en dur ») se partagent la clientèle parisienne. Parmieux, Le Cirque Fernando, le plus fréquenté par les artistesde l’époque, servira de décor à l’œuvre de Seurat.

Le cirque Medrano (ex-cirque Fernando)en 1898

Quelques éléments d’analyse

Page 4: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.4

Le Cirque Fernando

3

Fernando, pseudonyme utilisé par Ferdi-nand Baert, écuyer d’origine belge, dé-cide, en 1875, de remplacer son chapi-teau installé à l’angle du boulevard Ro-chechouart et de la rue des Martyrs, àParis, par un bâtiment en dur de 2000places. La salle a une hauteur de 21 mè-tres et comprend un amphithéâtre, trèsen pente, divisé en plans de trois caté-gories. Ce cirque, toujours à l’affût denouveaux numéros, est un tremplin pourles jeunes talents. Gustave Fratellini ou leclown Medrano ont débuté à Fernando.Sa situation dans Paris, près de Pigalle etde Montmartre, draine une nombreuseclientèle attirée par la qualité de ses nu-méros équestres et clownesques.

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Edgar DegasMiss Lala au cirque Fernando

1879, Huile sur toile117 x 77 cm

Quelques éléments d’analyse

Le cirque offre aux artistes peintres des motifs nouveaux. Ce sera, pour certains, l’occasion de re-nouveler les scènes de genre, pour d’autres un prétexte à des recherches plastiques : nouvellestouches, points de vues surprenants, cadrages « japonisants » ou pour Seurat, mise en pratique desa théorie de l’harmonie colorée. Renoir, Degas et Toulouse-Lautrec, notamment, fréquentent leCirque Fernando et travaillent à le représenter.

Pierre-Auguste RenoirAu Cirque Fernando1879, Huile sur toile

130 x 98 cm

Les modèles de cette toile sont les filles(acrobates) de Fernando qui tiennent dansleurs bras des oranges. Les numéros les plusréussis provoquaient à cette époque une« pluie d’oranges » jetées par le public en-thousiaste.

Le point de vue étonnant choisi par l’artistepour représenter Miss Lala s’oppose à l’es-pace classique. Degas a utilisé le dessin dela charpente métallique et l’alignementdes fenestrons pour accentuer des lignesde fuite qui rompent avec la perspectivetraditionnelle.

Coupe transversale du CirqueFernando par l’architecte Gustave

Gridaine, 1874

Page 5: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.5

Croquetons

3

Seurat effectue, pour chacune de ses grandes peintures, un tra-vail préparatoire de croquis et d’esquisses qu’il nomme ses cro-quetons. Pour Cirque, nous sont parvenus six dessins d’études aucrayon et une étude peinte. Ils nous indiquent les choix et repen-tirs de l’artiste :Modification de la jambe droite de l’écuyère qui, repliée dans laversion définitive, passe d’une posture en déséquilibre à une atti-tude de danseuse maîtrisant la pesanteur ; Pied droit du régisseurdevenu visible, donnant à son attitude plus de dynamisme et d’é-légance ; Ajout d’un troisième clown s’apprêtant à réceptionnerson camarade sautant d’un tabouret (visible uniquement sur ledessin) ; Bras droit de clown (en bas à gauche de la peinture pré-paratoire), évoquant soit un repentir, soit la présence d’undeuxième personnage au premier plan, qui disparaît totalementdans la version finale ; valeur inversée de la chambrière…L’analyse comparative de ces croquetons avec l’œuvre finalepermettra aux élèves de comprendre l’œuvre comme l’aboutis-sement d’une réflexion intellectuelle et ainsi de mieux percevoirson véritable sujet. Dans l’étude peinte apparaissent clairementce qui questionne l’artiste : le rapport des contrastes de lignes (lefond composé de lignes quadrillées statiques mettant en valeurles lignes courbes dynamiques), le clair-obscur modelant l’es-pace (l’ombre bleue qui deviendra rideau) ainsi que la réparti-tion des surfaces de couleurs complémentaires (bleu et orange)aussi bien à la surface de la toile que sur le cadre de l’œuvre…L’harmonie tant recherchée est déclinée, ici, dans un tourbillonde lignes et de teintes, révélateur de la richesse de la pensée ar-tistique de l’artiste.

" Ma joie était grande de retrouver, dans un coin de Montmartre,un si admirable exemplaire d'une race que je supposais finie, larace des peintres théoriciens, réunissant la pratique à l'idée et l'in-consciente fantaisie à l'effort réfléchi. Oui, je sentais très claire-ment en Seurat un parent des Léonard, des Dürer et des Poussin. "

Teodor de Wyzewa, Les Grands peintres de la France, 1891

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Georges Seurat, Étude pour Cirque,Crayon et aquarelle sur papier,

1890, 30 x 35 cm

Quelques éléments d’analyse

Georges Seurat, Dessin préparatoirepour Cirque, Crayon Conté, 1890

18 x 19 cm

Georges Seurat, Étude pour Cirque,Huile, 1891 55 X 46 cm

Georges Seurat, Étude pour Cirque,Crayon sur papier, 1890, 15 x 31 cm

Page 6: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.6

Les éléments constitutifs de l’oeuvre

3

L’écuyère

" Autour d’une piste, un cheval galope, dégagé de tout frein, sous lapleine liberté de sa musculature. Une ballerine danse ou tente deséquilibres sur ce plancher mouvant. La rapidité de la rotation inclinela belle et la bête vers le centre. "

Georges Lecomte, Le Salon des Indépendants, 28 mars1891.

Seurat choisit de représenter, comme motif principal de l’œuvre, lenuméro d’écuyère qui constitue, à cette époque, l’attraction princi-pale du cirque. Ici, point de « Haute école », exercice très prisé del’aristocratie, mais un numéro de « travail debout » plébiscité par laclientèle populaire. Le travail debout est rare et périlleux : le chevalest monté à nu*, sans selle, ni bride. Il apparaît vers 1870 sous le nomde « voltige à l’américaine » et est, en 1890, une spécialité del’écuyère Jany O’Brien. Il consistait à effectuer des acrobaties et dessauts par-dessus un long ruban (ou bannière) ou à travers un cerceau

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Quelques éléments d’analyse

C’est à travers le choix du nu-méro de cirque le plus prisé parla classe ouvrière, que Seuratnous permet de comprendre àqui il adresse cette oeuvre

tout en conservant un équilibre sans cesse remis en question par la course du cheval et la pente dela piste. Dans une tenue jaune de ballerine, très répandue à l’époque, l’écuyère, semblant danser,transcende le numéro et ses difficultés pour lui donner une valeur universelle.

Le cheval

Le cheval blanc est l’un des emblèmes du cirque, modèle de prédilection des affichistes dont lesreprésentations graphiques le rapproche très souvent d’un Pégase profane. Seurat le représentedans un mouvement impossible. Depuis les photographies réalisées par Eadweard Muybridge etEtienne-Jules Marey, montrant la décomposition de la course d’un cheval, les artistes informés que,pendant le galop, les membres de l’animal étaient repliés sous le corps et non en extension, ne lereprésentent plus « ventre à terre ». Seurat choisit, malgré tout, de commettre cette « erreur » de re-présentation. Son animal est évoqué de trois-quarts dans une position légèrement inclinée vers l’a-vant pour traduire la vitesse, mais cette « pose » du galop romantique respecte le fait qu’au cirque,le cheval tourne dans le sens inverse de celui des aiguilles d’une montre. C’est donc dans un cadreobéissant à des contraintes réelles que Seurat nous donne l’image d’un cheval idéalisé, dont l’ex-tension des membres antérieurs et postérieurs s’associe aux bandes curvilignes qui semblent, ainsi,conduire sa course gracieuse et joyeuse. Lui aussi danse en quelque sorte. Le dynamisme de cettearabesque est renforcé par l’inscription de la robe blanche du cheval dans l’harmonie rouge etblanche de la banquette et du cirque tout entier. Les recherches plastiques de Seurat ne se plientpas aux contraintes d’un réalisme forcené. Cette toile, n’est pas une banale scène de genre, maisun véritable manifeste esthétique.

* la plupart des écuyères employait le « panneau », selle large et plate fixée sur le dos du cheval, quifournissait une large assise. (Cf. Les œuvres de Degas et de Toulouse-Lautrec page 2)

Eadweard MuybridgePhotographies

1878

Etienne-Jules MareyChronophotograhie1881

Page 7: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.7

Les éléments constitutifs de l’oeuvre

3

Le régisseur

Louis Fernando, le fils du fondateur du lieu, est à l’époque le proprié-taire et le régisseur du Cirque qui porte le nom de sa famille. Il estresponsable, de par sa fonction, du bon enchaînement des attrac-tions et dirige, de la chambrière, les numéros équestres.Le Monsieur Loyal du Cirque Franconi laissera un nom générique àcette fonction particulière.Corps de face et tête de profil, il est complètement intégré à l’es-pace scénique grâce à la ligne blanche de sa ceinture qui coïncideavec le bord de la piste. La courbe de son bras droit rappelle celledu rideau jaune tenu par le clown, témoins de l’harmonie des ana-logies tant désirée par l’artiste.

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Quelques éléments d’analyse

Seurat ne recherche pas la ressemblance dans ce portrait, a contrario de ceux réalisés parToulouse-Lautrec, comme semble le confirmer les descriptions de l’époque : « (…) Fernando, dontle gilet blanc classique débordait sous son frac et dont le pied mignon disparaissait dans l’ampleurd’un pantalon à pattes d’éléphant, présentait comme faciès, deux bajoues barrées par unemoustache d’ébène et dans l’œil, un battement un peu gouape. » *.Ce petit homme replet gagne en raffinement chez Seurat. Le message est clair : par l’élégancede sa posture et de sa tenue, renforcée par celle du personnel de la « barrière » formant l’arrière-plan, l’artiste appelle de ses voeux l’émergence d’une aristocratie aux origines populaires, précur-seur d’une société nouvelle.

Henri de Toulouse-Lautrec Portrait de louisFernando, directeur de cirque, Crayon,

Henri de Toulouse- LautrecAu Cirque Fernando : Écuyère

(détail) 1888

* Gabriel Astruc, in Le pavillon des fantômes.

La chambrière est un long fouet utilisé depuis le centre de la pistepar le régisseur pour réguler l’allure et le pas des chevaux. Sa lon-gueur d’environ 6m50, est à l’origine du diamètre universel de lapiste depuis le XVIIIème siècle (13 mètres). Seurat l’utilise pour dé-limiter une zone d’ombre n’ayant aucune raison physique d’exis-ter. Elle permet de créer un plan qui rencontre la surface lumi-neuse prolongeant la jambe du régisseur en un angle aigu. Ainsi,Seurat crée une perspective modelée par une juxtaposition deplans. Picasso admira beaucoup ce procédé.

Page 8: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.8

Les éléments constitutifs de l’oeuvre

3

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Quelques éléments d’analyse

Le clown du premier plan, ouvre un rideau et découvre lenuméro pour les spectateurs du tableau. Le rideau est unélément très souvent utilisé dans l’art pictural européen. Sareprésentation est directement issue de la coutume des artistesgrecs antiques qui présentaient leurs œuvres recouvertes d’untissu, ôté uniquement au moment de l’exposition. Seurat inscritainsi la modernité de ses théories dans l’histoire de la peinture. Ilnous confirme, également, que le sujet de cette œuvre n’estpas la traduction d’une scène de genre éphémère, mais bienune mise en scène « théâtrale » de sensations à laquelle il nousconvie.

Les clowns

Les attractions clownesques sont, avec les numéroséquestres, les composantes incontournables d’un spec-tacle de cirque digne de ce nom. Ces deux numérossont d’ailleurs très souvent représentés et associés sur lesaffiches de l’époque.Mais si Seurat reprend dans Cirque, de nombreux élé-ments iconographiques issus des influences contempo-raines (Jules Chéret et Hokusai notamment) ce n’estque pour mieux les mettre au service de ses aspirations.

Jules ChéretHippodrome(Au pont de l'Alma)1879Lithographie

Henri de Toulouse-LautrecLe clown Medrano, 1880

Le clown Medrano, Marionnetteen bois, vers 1890, 33 cm

J. Faverot, Le clown Medranoin Courrier français, 1887

Là encore, cette harmonie, tant souhaitée, ne se coupe pas de la réalité sociale. Ce personnageest, en effet, facilement identifiable par les contemporains de Seurat. Il s’agit du Clown Medrano,engagé au cirque Fernando quelques années plus tôt (il en deviendra ensuite propriétaire) et célè-bre par ces entrées clownesques et son numéro de cochon savant. Ce clown, véritable icônepopulaire, dont chaque apparition faisait « monter une formidable clameur des places à vingtsous »*, symbolise les joies simples du peuple.

* Gabriel Astruc, in Le pavillon des fantômes.

Page 9: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.9

Les éléments constitutifs de l’oeuvre

3

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Quelques éléments d’analyse

Les clowns (suite)

Le deuxième clown, suspendu la tête en bas, dans un instantané saisissantrappelant une photo de mouvement décomposé réalisé par Muybridge,sautait préalablement d’un tabouret (voir le dessin préparatoire de la page5) imitant en cela le numéro classique du clown acrobate. Ceci procédaitd’un réalisme qui disparaît dans la version finale. Elle le présente, en effet,dans une position techniquement impossible, mais qui plastiquement, témoi-gne de la modernité de l’artiste.Le mouvement du corps, semblable à un arc de cercle remplace le cer-ceau, qui, tenu d’habitude par le clown, devait être traversé par l’écuyèrelors de son numéro de voltige. Le cercle complet symbolisant ce cerceauest d’ailleurs facilement perceptible (voir illustration ci-contre). Seurat trans-forme cet objet inerte et statique en une ligne dynamique forte. Le formegénérale du personnage est, elle, directement issue d’une double in-fluence. Celle de Jules Chéret, tout d’abord, dont Seurat collectionne etaccroche les affiches dans son atelier. Le peintre admire les choix de repré-sentation des personnages de l’affichiste, souvent proches de la caricature,dont les courbes expriment le mouvement avec force. Celle ensuite des es-tampes d’Hokusai et tout particulièrement de ses « mangas » présentant desscènes de la vie quotidienne croquées de façon éblouissante. (Cf. Fiche n°

27, disponible sur le site de l’Inspection académique de l’Oise)

Jules Chéret,Affiche de cirque

(sans typographie)Lithographie, 1883

HokusaiAcrobatieslors d'un banquet,extrait de la MangaVol VIII, 1819

Le troisième clown, situé derrière le régisseur est un Auguste. Ce personnagetriomphe depuis une dizaine d’années dans les cirques parisiens, caricaturantla bêtise humaine, sous son nez rouge et dans sa tenue de soirée trop large(habit à basques, gilet blanc, gants et chaussures trop longues). Il entravetrès souvent le travail de la piste et parodie le régisseur lors de ses interven-tions. Au cirque Fernando, l’Auguste se nomme Mazzoli. Seurat le croque defaçon ressemblante dans une attitude qui singe, avec facétie, la gestuelledu régisseur (Cf. le parallélisme des jambes).

Page 10: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.10

Les éléments constitutifs de l’oeuvre

3

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Quelques éléments d’analyse

Le décor

L’organisation de la salle correspond à celle du Cirque Fernando : les gradins sont divisés en cinqrangs de première classe, trois rangs de deuxième classe, mais ne montre qu’un seul des six rangs detroisième classe que comprenait le cirque.

Au premier rang, en bas à gauche, à l’intérieur du cercle que créent les mouve-ments du clown et de l’écuyère, Seurat a installé son ami, le peintre Charles An-grand, véritable témoin de « l’intérieur » de l’effet produit par cette révolutionpicturale. Une traversée du miroir, en fait.Les personnages présents sur les gradins rendent fidèlement compte, par leurstenues (vêtements et postures), des divisions sociales. Aux fourrures des premiersrangs répondent les casquettes des ouvriers du troisième. Point de symbole, ici,mais plutôt une volonté de vraisemblance qui tranche avec la liberté de repré-sentation choisie pour le numéro et ses acteurs. Deux mondes se côtoient : ladure réalité sociale, renforcée par un jeu de lignes verticales (l’attitude hiérati-que des spectateurs, les montants du montoir)) et horizontales (les gradins, le mi-roir) dont la rigidité du quadrillage s’oppose aux courbes de la piste et aux ara-besques des circassiens qui symbolisent la joie et l’harmonie du monde nouveauà venir.

La porte d’entrée des artistes (le montoir) est visible à la droite du public. Saprésence renforce la crédibilité du message de Seurat : d’autres numérossuivront, la transformation du monde est en mouvement. L’orchestre sur-montant ce passage témoigne également de l’écart à la réalité voulu parl’artiste. Point de trombones, de cymbales ou de grosses caisses mais desviolons symboles de l’harmonie qui existe entre l’homme et l’univers et de laperfection (cf. l’esthétique des proportions de l’instrument).Le miroir situé sous les musiciens renvoie, de façon étonnante (impossiblemême, si l’on se place du coté d’un spectateur de la toile), une image tron-quée de la piste, confirmant que la volonté de Seurat n’est pas de respec-ter les lois de la perspective traditionnelle. Sa composition ne se fonde passur une convergence du regard vers un point de fuite unique. Chaque motifest traité selon un point de vue différent. La courbe de l’arène présente unespace circulaire qui se heurte à la représentation plane des gradins. Eux-mêmes butent sur le montoir qui semble singulièrement manquer de profon-deur. Le miroir crée donc un espace supplémentaire dans un rôle opposé àcelui qu’il tient dans la peinture classique. Seurat utilise, pour disposer les dif-férents plans entre eux, le « rapporteur esthétique » inventé par Charles Hen-ry. Cet appareil permettait de déterminer l’harmonie d’un angle et ainsi detracer des lignes colorées stimulant les sensations du spectateur : « la vertud’une mathématique parfaite et inconsciente » ! (Félix Fénéon, Une esthéti-que scientifique, 1889.) (voir le rôle de la chambrière, page 7).

Page 11: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Bibliographie, DVD

Filiations et repères historiques

1880

La Commune de Paris

1881

Lois Jules Ferry surl’enseignement laïque,obligatoire et gratuit

1870

La Marseillaisedevient hymne

national

1889

Constitution de laIIe Internationale

1890

Le 1er mai devient une jour-née de manifestation inter-

nationale

Les recherches sur la vibra-tion des couleurs d’EugèneDelacroix influencent cel-les de Seurat

1830

De la loi du contrastesimultané des couleursde Michel Eugène Che-vreul

1839 1904 1920

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.11

Les éléments constitutifs de l’oeuvre

3

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Quelques éléments d’analyse

Le cadre

La recherche d’une harmonie totale conduit Seurat à se questionner sur l’impor-tance du cadre entourant la toile :« Ainsi la question des confins d’une peinture : comment faire d’un tableau uneharmonie complète, comment l’isoler du reste des choses sans discordance brus-que ? (…) Le cadre doit être dans l’harmonie opposée à celle des tons, des teinteset des lignes du tableau.»

Seurat, L’Art c’est l’harmonie, 1890.

L’artiste, adopte un cadre bleu foncé, pour créer un contraste entre la clarté de latoile et l’aspect sombre de l’encadrement, tout en respectant la loi des complé-mentaires. Il peint en bleu la lisière de la toile pour mieux la lier au cadre. L’œuvreet le cadre deviennent ainsi indissociables et se répondent l’un l’autre.

Seurat, Anne Distel, Éditions Profil de l’Art - ChêneSignac, Seurat : le Néo-Impressionnisme, Éditions HazanSeurat au Grand Palais, Dossier de l’Art, Mai 1991DVD Palettes - Après L'Impressionnisme - Alain Jaubert, Éditions Montparnasse : Georges PierreSeurat, Un dimanche après-midi à le Grande Jatte.

L’intérêt pour les recherches de Seurat sera relancé par la publication, en 1898, du traité deSignac, D'Eugène Delacroix au néo-impressionnisme. Grâce à cet ouvrage, la plupart des artistesnovateurs du début du XXe siècle vont s'intéresser au néo-impressionnisme, et y puiser une inspira-tion propre.

La composition associantdifférents point de vuesera reprise par les cubis-tes Braque et Picasso

Severini et les futuristes ita-liens, établissent une analo-gie entre la décompositionde la lumière prônée parSeurat et la décompositiondes mouvements telle qu'ilsla pratiquent.

Klee a retenu la techniquedu pointillisme et exploré

ses multiples possibilités. Aucours des années 1920, il

développe les théories dela couleur dans son ensei-

gnement au Bauhaus.

1907

Cirque est donc un manifeste. Seurat le propose, inachevé, aux Salons des Indépendants de1891 avant de mourir quelques jours plus tard. Cette œuvre charnière, dans l’histoire de l’art, té-moigne de sa volonté de s’associer, par des recherches originales, à la modernité en train de sedéfinir. Cette réflexion, guidée par « une philosophie moderne (qui est) absolument sociale, anti-autoritaire et anti-mystique » (Pissaro, 1889), aboutit à la représentation synthétique d’un numérode cirque dans un « aspect définitif qui en perpétue la sensation ». Une image du « Temps d’Har-monie », en somme.

Page 12: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Le dessin : la ligne au service del’intention

Représenter le mouvement

Jouer avec le point de vue duspectateur

Vers la pratique plastique

Kees van Dongen,L'Ecuyère,

Huile1906

Jules Chéret

L'Homme ObusCirque d’HiverLithographie

1876

arts visuels // > fiche n°1.12

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

3

Un numéro extraordinaire

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Les élèves devront représenter un numéro d’écuyer (ère) en jouant avec les limites du possible etde l’équilibre. L’amélioration de la capacité à reproduire les objets choisis (personnage et cheval)est ici visée et s’associe à un questionnement sur la cadrage et le point de vue. Une rechercheportant sur le coté humoristique de la scène représentée ne pourra qu’inciter les élèves à dépas-ser certains stéréotypes.

. Effectuer des recherches documentaires pour constituer, en classe, une petite banque d’ima-ges présentant des écuyères effectuant une acrobatie : photos, affiches, peintures, dessins.

. Analyser, par groupe, dans un premier temps, différentes images issues de cette banque et lis-ter les éléments récurrents les composant : artiste en action montrant un moment périlleux de sonnuméro, posture du cheval, répartition des protagonistes dans l’espace, rapport fond/forme,écart entre le réalisme des photographies et la liberté de représentation repérables sur certainesœuvres dessinées ou peintes (équilibres ou mouvements impossibles, technique d’illustration ouquestionnements plastiques…).

. Travailler en parallèle le dessin de représentation. Il s’agit ici, pour l’élève d’être progressive-ment capable de dessiner un cheval en mouvement, c'est-à-dire d’avoir reconnu quelques for-mes caractérisant l’animal (tête et encolure, attache de la cuisse, finesse de la jambe, forme dela queue…)et de pouvoir les représenter. Une première analyse d’images ou de figurines de che-vaux permettra de décrire, de nommer et de lister ces formes. La pratique du dessin s’appuierasur la référence aux images ou figurines et à la liste affichée (le rôle du maître étant d’inciter l’é-lève à en tenir compte des remarques effectuées pendant l’analyse) et surtout sur un travail régu-lier (série de dessins sur ce sujet) permettant de faire évoluer les productions.

Une question d’équilibre

Les arts forains

Figurine Schleich

Page 13: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

Vers la pratique plastique (suite)

arts visuels // > fiche n°1.13

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

3

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

Les arts forains

Le dessin de la posture de l’écuyer (ère) pourra s’appuyer sur des imagesd’acrobates ou de sportifs en mouvement (recherche documentaire, Inter-net…) ou sur des prises de vues d’élèves mimant la pose choisie (l’image ré-alisée ou choisie peut, bien sûr, être utilisée à l’envers) et demande égale-ment un travail de réalisation de croquis important.Les éléments de décor seront ensuite choisi : vêtements, présence d’uneselle ou non...

Une réflexion portant sur la composition finale devra permettre à l’élève de prendre en comptele lien qui existe entre les points de vues choisis pour représenter l’animal et le personnage et éga-lement leur rapport au cadre (le « couple » occupe-t-il tout l’espace, est-il représenté en planmoyen, en gros plan…) puis de se questionner sur les procédés de mise en couleur (ligne claireaux surfaces colorées de façon uniforme, larges touches de couleurs pures se mêlant sur lafeuille…).

Page 14: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

arts visuels // > fiche n°1.14

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Annexe Les dessins au crayon

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

3

Le dessin a toujours tenu une place particulière dans l'oeuvre deSeurat. De 1880 à 1883 il fait du crayon Conté son médium privilégié,qu’il utilise sur un papier vergé rugueux. La technique du noir etblanc et les nombreuses possibilités qu’elle offre lui permettent alorsde traduire sa théorie du contraste en l'appliquant notamment auclair-obscur. Il étudie les volumes, les jeux de l'éclairage et est ainsiamené à allier, à la force des lignes, la sensibilité des ombres. Hormisquelques oeuvres préparatoires pour certains de ses tableaux, lamajorité de ses dessins sont indépendants et rendent compte de cesnombreuses recherches sur la lumière . On y retrouve l'attachementde l'artiste pour la représentation de la personne humaine dans labanalité de son quotidien. Par leurs motifs aussi bien que par leurstyle allusif et synthétique, ces dessins ne sont pas sans faire écho àl'oeuvre d'artistes tels que Jean-François Millet ou Honoré Daumier.Seurat, qui peut être considéré comme le maître du dessin noir etblanc de son époque, fera de nombreux émules, notamment parmises amis néo-impressionnistes.

Les arts forains

Le Noeud noir, 1882Crayon Conté, 31 x 23 cm

La mère de l'artiste, 1883Crayon Conté, 31 x 24 cm

Étude pour Les Poseuses, 1887Crayon Conté, 29 x 22 cm

Le Glaneur, 1882Crayon Conté, 31 x 23 cmPortrait d'Aman-Jean, 1883

Crayon Conté, 62 x 47 cm

Poseuse de face, 1887Huile sur bois, 25 x 16 cm

Scène de théâtre, 1888Crayon Conté, 31 x 21 cm

" Des dessins à la valeur de simples croquis, mais si étudiés de contraste et de dégradé qu'on pour-rait peindre d'après, sans revoir le modèle. " Georges Seurat, 1883.

Page 15: 3 arts visuels // Les arts forains > fiche n°1.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · lignes le thème principal étant donné par écuyère qui brandit

arts visuels // > fiche n°1.15

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

L’origine des recherches de Seurat concernant les couleurs est la consé-quence de la lecture de l’ouvrage du chimiste Eugène Chevreul : De laloi du contraste simultané des couleurs et de l'assortiment des objets colo-rés paru en 1839. L’auteur précise, sur plus de 500 pages, les relations descouleurs entre elles et les effets qu’elles ont les unes vis-à-vis des autres. Ildéfinit ainsi le contraste simultané :

« Si l’on regarde à la fois deux zones inégalement foncées d’une mêmecouleur, ou deux zones également foncées de couleur différente quisoient juxtaposées, c'est-à-dire contiguës par l’un de leur bord, l’œil aper-cevra, si les zones ne sont pas trop larges, les modifications qui porterontdans le premier cas sur l’intensité de la couleur et dans le second sur lacomposition optique des deux couleurs respectives juxtaposées. Or,comme ces modifications font paraître les zones, regardées en mêmetemps, plus différentes qu’elles ne sont réellement, je leur donne le nomde contraste simultané des couleurs, et j’appelle contraste de ton la mo-dification qui porte sur l’intensité de la couleur, et contraste de couleurscelle qui porte sur la composition optique de chaque couleur juxtapo-sée : voici la manière bien simple de constater le double phénomène ducontraste simultané des couleurs. ».

H.H

em

me

/F

.Jouin

/D

.P

elle

tier—

apm

1—

inspectio

nacadém

ique

de

l’ois

e-2

011

3 Les arts forains

Annexe Le Cercle chromatique de Charles Henry

La couleur propre d’un objet (appelé ton local par Chevreul), n’existepas en soi, mais elle est dépendante de la couleur des objets environ-nants. D’une part, l’œil a tendance à faire appel à la couleur complé-mentaire de celle perçue pour former un équilibre neutre dans notre cer-veau. D’autre part, à partir de deux taches de couleurs différentes, l’œilopère ce que l’on appelle un mélange optique, c’est-à-dire que cesdeux couleurs distinctes sont perçues simultanément comme une combi-naison, une fusion en une nouvelle couleur.Toute l’œuvre de Seurat expérimente ces principes.

Illustrations provenant del’ouvrage de Chevreul