L’apogée de la Renaissance Raphaël : l’idéal classique

Doué d’un talent extraordinaire-men t p récoce , Raphaë l compléte sa formation auprès du

prestigieux Pérugin, auteur de fresques dans la chapelle Sixtine de Rome, dont le style plaisant et gracieux le marque profondément. Lors de cet apprentissage, il acquiert une culture figurative, attentive tant aux problè-mes de la représentation de l’espace qu’à la dialectique des sentiments, des lumières et des physionomies. En 1504, à une vingtaine d’années, Raphaël s’installe à Florence pour se confronter à l’art le plus avancé de son temps, incarné par les œuvres de Léonard et de Michel-Ange. Sa capacité à synthétiser les leçons des deux maîtres lui vaut un succès particulièrement rapide. La série de chefs-d’œuvre, des Madones pour la plupart, peinte durant cette période florentine, laisse déjà apparaître, ce qui caractérisera toute sa peinture : l’harmo-nie, l’équilibre et la grâce. Mais c’est à Rome, où il séjournera à partir de 1509, que Raphaël alliera, lors de la réalisation des fresques des appartements du pape Jules II, l’idéal classique à une volonté de réalisme em-preint de beauté enchanteresse. Il élaborera, alors, un vaste répertoire de types humains, de postures, de mouvements, d’arrangements spatiaux, d’effets lumineux, d’harmonies colorées et de dispositifs narratifs que des générations d’artistes tenteront, en vain, d’imiter ou de dépasser.

La Belle Jardinière est considérée comme la plus belle des grandes Madones florentines de Raphaël, cha-cune présentant une variation sur le thème des trois figures, la Vierge, l’Enfant et le petit saint Jean, vues en pied dans un paysage (voir pages 2 et 4). L’harmonie de sa composition aux trois figures inscrites dans la forme parfaite du triangle apparaît comme une synthèse des différentes dispositions visibles dans les toiles précédentes de Raphaël ainsi que dans ses études préparatoires. Mais cette mise au point patiente des di-vers éléments du trio sacré n’est pas uniquement stylistique : elle est au service de l’expression et de l’idée. Raphaël obtient ici, la cohésion parfaite des trois figures, image de leur intime communion que révèle l’é-change des regards. La figure contemplative de la Vierge, d’un ovale parfait, couronne cette composition. L’Enfant s’efforce de saisir, sur les genoux de sa Mère, le livre où est annoncé la Passion, tout en la regardant intensément. La Vierge, quant à elle, ne peut s’empêcher de le retenir contre elle dans un élan de tendresse, mais sans le contraindre. Le petit saint Jean s’apprête à se relever pour remettre à Jésus la croix du sacrifice qu’il porte sur l’épaule. Un paisible paysage, aux rythmes symétriques, accentue cette impression d’équilibre et de paix. Dans cette nature qui semble faire silence, le temps parait suspendu. Les nuages ponctuent un ciel à la lumière égale et paraissent s’écarter pour encadrer le groupe et faire découvrir au spectateur, tel des rideaux qui s’ouvrent, cet ultime moment de bonheur avant la Révélation.

Mots clefs, points d’ancrage pour l’étude de l’oeuvre

Peinture Religieuse Composition en triangle Regards Palette chromatique

3 Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // la peinture > fiche n°14.1 3

Représentation des corps (torsion, expression, gestuelle...) Symbolique des objets

H.Hemme-F.Jouin-D.Pelletier— apm1— Inspection académique de l’Oise-2010

Œuvres à rapprocher de

Léonard de Vinci La Vierge aux rochers, vers 1483 Bois transféré sur toile, 199 x122 cm Musée du Louvre Michel-Ange Tondo Doni, vers 1505 Bois, diamètre 120 cm Galleria degli Uffizi, Florence

Raffaello SANZIO ou SANTI, dit RAPHAËL 1483 - Urbino ; 1520 - Rome La Vierge à l'Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste dit La Belle Jardinière 1507-1508 Huile sur panneau de bois 122 x 80 cm. Musée du Louvre, Paris

"Le peintre dont le génie a embelli le monde"

La vie de Raphaël, Vasari, 1568.

Analyse comparative

A voir dans l’Oise et en Picardie

Des repères , s’interroger sur . La disposition des personnages . La représentation des paysages (perspective atmosphérique, teintes, place de la ligne d’horizon…) . Les gestes, postures et regards . La composition (similitudes et différences)

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // la peinture > fiche n°14.2 3

Les œuvres de Raphaël du Musée Condé, Chantilly.

Filiations et repères historiques

Le Pérugin

Les peintures flamandes de la cour d’Urbino influen-cèrent le jeune Raphaël dans ses recherches illusion-nistes

1450-1523

H.Hemme-F.Jouin-D.Pelletier— apm1— Inspection académique de l’Oise-2010

Raffaello SANTI, dit RAPHAËL La Madone au pré vers 1507 Huile sur panneau de bois 113 x 88 cm Kunsthistorches Museum, Vienne

1452- 1519

Leonardo da Vinci

Maniérisme

1780 - 1867

Renaissance

Michel-Ange

Raphaël, La Madone de Lorette

1509 Huile sur bois 120 x 90 cm

La Vierge et l’Enfant, 1501

Autoportrait 1804

Jean Auguste Dominique Ingres

1475 - 1564

Raphaël, La Madone d'Orléans

1506 Huile sur bois 32 x 24 cm

Raphaël Les Trois Grâces avant 1508 Huile sur bois 178 x176 cm

Raffaello SANTI, dit RAPHAËL Madone au chardonneret

vers 1505 Huile sur panneau de bois

107 x 77 cm. Galleria degli Uffizi, Florence

1515 - 1547 Règne de

François 1er

1519 - 1556 Règne de

Charles Quint

1517 Luther et

la Réforme

1480 Giovanni Bellini et la peinture vénitienne : la couleur prime

sur le trait

Pontormo, Giu-lio Romano, Le Parmesan...

arts visuels // la peinture > fiche n°14.3 3 Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Vers la pratique plastique

Vers une production plastique

Trios Mettre en scène, par groupe de trois, un moment particulier, d’une ac-tivité vécue (scolaire, sportive, jeu de cour...) ou d’une histoire lue ou inventée, choisi comme représentatif d’un moment d’expression de sentiments : l’amitié, la dispute, la victoire, l’entraide, la tricherie, le se-cret… Rédiger un cours texte décrivant l’action et l’accompagner d’une fi-che indiquant le sentiment de chaque personnage à ce moment pré-cis, ainsi que la relation existant entre lui et le groupe. Rechercher les postures et regards adéquats, en s’aidant éventuelle-ment d’un miroir. Essayer de déterminer la place de chacun dans le groupe : hiérarchisation des personnages, lignes crées par les mouve-ments, les regards, position relative de chacun (proche ou éloignée des autres) révélatrice des sentiments ressentis… Organiser la mise en scène, à l’aide de croquis montrant les différentes propositions, le décor, les accessoires, le rôle attribué à la lumière… Réaliser une série de prises de vues. La même activité peut se dérouler en utilisant des verbes comme élé-ments inducteurs : repousser, rechigner, combler, aider, ignorer, coopé-rer, s’opposer…. H

.Hemme-F.Jouin-D.Pelletier— apm1— Inspection académique de l’Oise-2010

Mettre en scène Trio Postures Regards Environnement Expression de sentiments

Soir au Cape Cod Edward Hopper

1939 Huile sur toile 76 x 102 cm

Bibliographie, sites, DVD

Raphaël, Christophe Thoenes, Éditions Taschen Les peintures de Raphaël au Louvre, Sylvie Béguin, Éditions de la Réunion des musées nationaux Raphaël, Paolo Franzese, Éditions Artlys Raphaël, Nicoletta Baldini, Les Classiques de l’Art, Flammarion Éditeur http://en.wikipedia.org/wiki/Raphael_Rooms : Article sur les fresques de Raphaël au Vatican

Entrée d'un débit de boissons Wayne Miller

1947, Photographie

Chicago

Pygmalion et Galatée Etienne-Maurice Falconet

1763 Marbre

83 x 48 x 38 cm

Le voleur surpris Élèves de Cycle 3

3 arts visuels // > fiche n°14.4 3 Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

H.Hemme-F.Jouin-D.Pelletier— apm1— Inspection académique de l’Oise-2010

L’œuvre : quelques points de repères

2

Michel Ange Madone à l'enfant vers 1503-1505 Marbre H 128 cm Cathédrale de Bruges

Raphaël Étude pour la Belle Jardinière Plume, encre brune, stylet, 23 x 16 cm Musée Condé, Chantilly

Raphaël Étude pour La Belle Jardinière Plume, encre brune, pierre noire, stylet, mise au carreau à la sanguine 30 x 21 cm Musée du Louvre

En revenant à plusieurs reprises sur le thème iconographique de la Madone à l’Enfant, Raphaël essaie de rivali-ser avec Leonardo et Michel-Ange. Il s'inspire avant tout de la Madone de Bruges de Michel-Ange qu’il put voir avant qu'elle ne quitte Florence pour être envoyée aux Pays-Bas. Dans cette sculpture de marbre, la Vierge apparaît presque frontalement, en majesté, la tête légèrement penchée vers l'Enfant qui se tient en équilibre en s'appuyant entre ses cuisses. Du haut de son socle, le couple, paraissant inaccessible, semble observer à distance les fidèles. Raphaël reprend cette posture, en la modifiant de manière très astucieuse : les jambes de la Vierge sont dispo-sées vers la gauche, soutenant – comme sur le modèle de Michel-Ange – le corps de Jésus qui la regarde ten-drement. En faisant pivoter son torse, la Vierge retient également – mais de la main – le petit prophète, détour-nant son regard sur lui, avec douceur. Cette communion, témoin d’un secret partagé, fait paraître le couple comme étranger à ce qui les entoure. Étranger mais non distant. En effet le petit Saint Jean, situé en léger contrebas, mais en fait à la hauteur des fidèles (si l’on se rapporte à la hauteur d’accrochage initiale) joue le rôle d’intercesseur. Il guide le regard du spectateur vers la Vierge et son Fils et lui permet de partager ce mo-ment intime. Raphaël relie en un seul groupe sculptural les figures de Marie, de l'Enfant et de saint Jean. Il les inscrit dans un module géométrique, de forme triangulaire, dans lequel circulent les regards, qui participe à l’idée « d’élévation ». Ce dispositif incluant trois figures, magistralement reliées entre elles dans une action à la fois cohérente et naturelle, renvoie aux expérimentations de Leonardo.

L’analyse des dessins préparatoires permet de découvrir l’évolution de l’œuvre et les choix de l’artiste. C’est en modifiant, par exemple, la posture de l’Enfant Jésus, que Raphaël réussira, dans l’œuvre finale, à exprimer la maturité de Celui qui connaît et accepte son destin.

Leonardo da Vinci Sainte Anne, la Vierge, l'Enfant Jésus et l'agneau Vers 1509, Bois 169 x 130 cm Musée du Louvre

3 arts visuels // > fiche n°14.5 3 Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

H.Hemme-F.Jouin-D.Pelletier— apm1— Inspection académique de l’Oise-2010

Raphaël et les Madones

La représentation de la Madone a accompagné toutes les phases du court parcours artistique de Raphaël (mort à 37 ans). Simplement accompagnée de son Fils, au sein de la Sainte Famille ou entourée de saints, la Madone reste le thème privilégié de l’artiste dont les différentes représentations, sans stagnations, ni réutilisation de solutions éprouvées, témoignent de sa recherche d’un idéal plastique. Avec les vénitiens, Raphaël fait partie des grands découvreurs du féminin dans la peinture, et c’est la Madone qui l’a confronté en premier avec cette thématique. Dans les dernières années, alors que son répertoire de sujets s’est élargi et que l’amour sensuel y est entré par le truchement de la mythologie païenne (Le Triomphe de Galatée, 1511) ou du por-trait (La Fornarina, 1518), la relation d’amour entre la Mère et son Fils demeurera un thème majeur de sa création. Dans les évangiles, comme dans les écrits apostoliques, la Mère de Jésus ne joue qu’un rôle subordonné et il est difficile de dater les premières images de la Vierge. Dans le cadre du christianisme officiel, Elle apparaît rapidement en majesté (assise sur un trône, habillée luxueusement). Durant le période romane, la représentation de la Vierge trônant et présen-tant l’Enfant se diffuse. A la fois Vierge-Église, incarnant le sagesse mais aussi modèle des vertus d’humilité et de dévo-tion prônées par les moines. A partir de l’époque gothique, son rôle de médiatrice et d’intercesseur ne fait que se déve-lopper, par l’intermédiaire des ordres mendiants qui, dans leurs sermons , insistent sur l’efficacité de son intervention au-près de son Fils en faveur des pêcheurs. Elle est alors quotidiennement invoquée et son image, peinte ou sculptée, est multipliée sous la forme de « belles Madones », mettant l’accent sur sa maternité. A la fin du XVe siècle, en Italie comme ailleurs, les représentations de la Madone vont devenir davantage qu’un sym-bole de l’amour maternel. L’idée de la mort sacrificielle du Christ, de la Passion et du deuil de la mère rendra unique cette relation mère-fils. Raphaël, mieux que tout autre, parviendra dans ses Madones, à montrer, au-delà des affects maternels, l’humilité de la Vierge face à la nature divine de l’Enfant liée au pressentiment de ses souffrances à venir.

Raphaël La Madone à la chaise

1513 Huile sur bois, diamètre 71 cm Galleria Palatina, Florence

Raphaël La Madone du Grand Duc

1504 Huile sur bois, 84 x 55 cm Palazzo Pitti, Florence

Raphaël La Sainte Famille avec le petit saint

Jean-Baptiste 1514

Huile sur bois 154 x 114 cm Kunsthistorisches Museum, Vienne

Raphaël La Vierge avec l'Enfant et le petit saint Jean dite Vierge Garvagh

1510 Huile sur bois, 38 x 32 cm

The National Gallery, Londres

Raphaël La Vierge au poisson(détail)

1513 Huile sur bois 215 x 158 cm Musée du Prado, Madrid

Raphaël Vierge à l'Enfant

dite Petite Vierge Cowper vers 1505

Huile sur bois 59 x 44 cm National Gallery of Art, Washington