30 Crise Environnementale Ou Crise Conceptuelle

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    Crise environnementale ou crise

    conceptuelle ?

    FRDRIC COUSTON

    Tout homme se proccupant de la vie de la planteutilise tour tour les mots environnement ou nature quil pensetre synonymes. Or non seulement il nen est rien, mais nous comp-tons montrer que ces deux mots sont dpasss et que leur emploi nuit la cause de ceux qui se disent c o l o g i s t e s et donc la pratiquepolitique.

    La nature telle que nous lenvisageons aujourdhui en Europe natau tournant des 16e et 17e sicles au moment o la science, prenantmodle sur lingnierie et se croisant avec elle se fait plus manipula-t r i ce[1]. Limage dun monde laiss par Dieu comme un deuxime tmoi-gnage de son existence et de sa puissance, dun monde qui donc soff r e

    lire comme la Bible, sefface devant celle dun monde matriel etgrossier sur lequel lhomme peut exercer sa raison, ce qui lui reste desa grandeur divine. Cette image se transforme ce point que lon peutparler dune vritable lacisation du monde que lon dpouille de touteintentionnalit et de toute fin: cest ainsi que Descartes instaure uneprofonde rupture entre lordre de la raison et lordre des choses en reje-tant la finalit comme principe dexplication du monde[2] ; la questionnest plus llucidation du pourquoi, mais celle du comment. partirdu moment o la comprhension de la nature ne passe plus par laconnaissance des volonts divines, la sparation des sciences et descroyances peut soprer ainsi que peut souvrir la possibilit dune ma-trise et dune possession dans la mesure o la connaissance des lois de

    la nature nous permet de les utiliser nos fins. Bien videmment, cettenouvelle conception ne remplace pas compltement la premire et lonvoit partir de l se sparer deux notions dont lune correspond lasurvivance dune nature enchante, providentielle, et lautre inau-gure ce que lon peut dj appeler environnement. Car quest-ce quelenvironnement sinon ce qui ne dpend plus de son ventuel crateur,ce qui entoure lhomme, ce qui nest pas lui et soffre ainsi son entire

    Frdric Couston est agrgde lettres modernes etdocteur en philosophie.

    [1] Pour une analyse plusapprofondie de cettevolution, on se reporteraavec profit aux ouvragessuivants: Pascal Acot,Histoire de l!cologie, PUF,Paris, 1994; Catherine etRaphal Larrre, Du bonusage de la nature, Alto,Aubier, Paris, 1997; RobertDelort et Franois Walter,Histoire de l!environnementeuropen, PUF, Paris,2001.

    [2] Ren Descartes,Mditations mtaphysiques,Garnier-Flammarion, Paris,1979.

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    m a t r i s e? Si mme, comme le concde Descartes, la nature na pas tcre pour lhomme, du moins la science ne sintresse-t-elle qu cequi fait delle un environnement, cest--dire ce qui la rend utile lhomme.

    On peut de loin en loin reprer les progrs que fait cette concep-tion nouvelle de ce que lon nommera n a t u r e jusquau milieu du20e sicle et environnement par la suite. Cest dabord Colbert quifait mettre en coupe rgle les forts domaniales. Cest Montesquieuqui spare le droit et le fait, levant un rempart entre les lois objecti-ves de la nature dont soccupent les sciences et la morale laisse ceuxqui soccupent de guider les actions humaines [3]. Rousseau sen sou-

    viendra quand il fondera le passage de ltat de nature la socitnon seulement sur la ncessit engendre par des modifications de lanature, mais surtout sur un pacte dassociation librement contractfond sur lappropriation de la terre qui, faisant perdre lindividu salibert naturelle, lui confre sa libert de citoyen. Rousseau encoreobjectera plus tard Voltaire lors du terrible sisme de Lisbonne quela tragdie nest pas imputable la nature (et donc Dieu), mais auxhommes qui se sont agglutins et en ont ainsi cr les dangereusesconditions[4].

    Cest encore, au 19e sicle, la dcouverte du vaccin qui fait pren-dre conscience lhumanit de la possibilit quelle a dchapper cequelle croyait tre une fatalit. Au travers de tous ces lments, la

    notion denvironnement, cest--dire dune nature indpendante de lamorale humaine et dont lhomme pense pouvoir sassurer une certainematrise est en germe, et avec elle, celle dun progrs li la libra-tion de lhomme des lois de la nature.

    Cest surtout cette ide de progrs qui va modifier profondmentla perception de la nature partir du 19e sicle. Des hommes commeAugustin Cournot et Joseph Fourier, se fondant sur les principes dela thermodynamique, alertent leurs contemporains sur les limites duneindustrialisation fonde sur lutilisation dune nergie fossile commele charbon et sur le rchauffement plantaire quelle ne manquerapas dengendrer. Par ailleurs, paralllement la rvolution industrielle,lessor du naturalisme fait natre le sentiment nouveau de la fragilit

    de la nature. Cest ainsi quaux tats-Unis de la fin du 19e sicle, mesure que se renforce linfluence de lhomme sur la nature, lidedune nature vierge protger simpose: deux figures mergent ainsi,celle dune nature dompte, et celle dune nature sanctuarise. Dunct, lactivit de mlange homme-nature saccrot (exploitation, indus-trialisation), entranant son lot de pollutions nouvelles. De lautre, etsymtriquement, sous la pousse des hyginistes et des naturalistes,

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    [3] Montesquieu, L!espritdes lois, Flammarion, Paris,1979.

    [4] Jean-JacquesRousseau, Lettre sur laProvidence, 1756.

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    saccrot une activit de purification des deux termes [5]. Sans que celasoit encore dit, se dessine un e n v i ro n n e m e n t autour des hommes, etune nature que lon essaie de garder immacule. Mme si la purifi-c a t i o n est plus difficile en Europe, on sy est efforc depuis les annes1960 dy crer des lieux o lespace prserv est limage dune his-toire que lon ralentit ou que lon fige, et qui constituent, en quelquesorte, un antidote au progrs. On voit par l que lamlioration de len-vironnement du citoyen passe par celle de son entourage immdiat,vou au progrs, et par le maintien dun espace de ressourcement ditnaturel, vou reprsenter des valeurs prtendues ancestrales quelon oublie par ailleurs.

    Le 20e

    sicle va mettre la touche finale au concept quelle va enfinnommer en y introduisant peu peu, sous linfluence dhistorienscomme Le Roy Ladurie, ou de la science nouvelle nomme cologie,lide des relations double sens quun systme (individu, groupe-ment, socit) entretient avec son milieu. Il faudra attendre le dbutdes annes 1970 pour que lenvironnement devienne une vritablevaleur sociale[6].

    L m e rgence progressive de la notion denvironnement neff a c edonc pas les caractristiques de la proccupation pr-moderne de lanature. Elle sajoute elle, la concurrence ou sy combine, ouvrantdautres champs de perception. Elle permet en contraste une redfi-nition constante de lide de nature qui apparat de plus en plus comme

    une valeur refuge. La notion denvironnement nest plus fonde surune ide abstraite de la nature (nature enchante, providentielle, super-stition), mais sur une ralit concrte: celle de limmanence des loisphysiques laquelle sajoute celle des dgradations catastrophiquesdes conditions de vie des hommes. Cest pourquoi elle est lie, commeon la vu, de diffrentes manires lide de crise. Elle lui est consub-stantielle et ne peut apparatre sans elle : lide denvironnement nepeut tre nomme dans la culture moderne fonde sur la sparation delobjet et du sujet qu cause de lintrusion des lments naturels ouartificiels dans la sphre sociale (catastrophe), ou de la prise de cons-cience de la rupture des liens de bonne entente qui existaient dansnos campagnes entre nature et culture (pollutions, pouvant leur tour

    engendrer des catastrophes). Cette causalit fait que nous lions cons-ciemment ou non la notion denvironnement celle de pollution ou decatastrophe, faisant que le mot lui-mme devient porteur dune condam-nation implicite de lactivit humaine et de culpabilit. Mais para-doxalement, tout attache lide de crise, la notion denvironnementnest pas comprhensible si on la dtache de lide de progrs: len-vironnement, cest avant tout, et contrairement la nature, lespace li

    [5] Nous reprenons ici levocabulaire qu!utilise BrunoLatour dans son analyse dela modernit. Bruno Latour,Nous n!avons jamais t

    modernes, La dcouverte,Paris, 1991.

    [6] C!est cette volutionplus rcente qu!tudieparticulirement JeanJacob dans son Histoire del!cologie politique.Comment la gauche a

    redcouvert la nature, AlbinMichel, Paris, 1999.

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    au progrs, et le progrs est la fois ce qui dfait (catastrophes, dgra-dations), et ce qui refait (rparation, meilleure gestion des ressour-ces) ou cre (hybridation). La notion denvironnement est donc unsous-produit de la modernit. Elle est le fruit de sa rationalit, elle natdans la zone impense que cre la sparation moderne de la nature etde la culture.

    Cest sans doute pourquoi, le plus souvent, on trouvera le termedenvironnement sous la plume des scientifiques et des conomisteset celui de nature sous celle des philosophes. On assiste ainsi ceque Bruno Latour appelle une entreprise de purification visant spa-rer la sphre sociale de la sphre naturelle, et lavnement de la notion

    denvironnement apparat comme le paroxysme de la modernit dfi-nie par la sparation croissante de la rationalisation et de la sub -j e c t i v a t i on[7]. Lenvironnement sert le projet de rationalisation thoriqueet pratique de la modernit, qui lui-mme est quilibr par un champde plus en plus grand laiss la subjectivation de la nature, si bien quecelle-ci reconquiert une pseudo-indpendance qui peut faire penser la possibilit aberrante, si on la prend au pied de la lettre, de lier contratavec elle, comme le propose Michel Serres [8]. Bien videmment, dansla logique, survaluer une telle nature quivaut par contrecoup arrai-sonner des parties de plus en plus grandes de la biosphre, considrescomme environnement, cest--dire lieu de rationalisation. Cela semble

    confirm dans la pratique par la dshomognisation du territoire quivoit certaines de ses parties dsinvesties et dautres surinvesties.En mme temps qumerge progressivement la notion denviron-

    nement, la nature tend se dfinir comme tout ce dont lhomme estexclu et ce quelle reprsentait jusque-l est peu peu dconstruit parle dsenchantement, la rationalisation et lappropriation. L e n v i r o n-nement, cest la nature transformable et transforme, le royaume delartificialit; la nature devient alors dabord une source deffroi puisune valeur refuge, dans laquelle spanouissent le rejet de la socit etla nostalgie des visions traditionnelles ou dans laquelle sont projetsles rves dpanouissement personnel des aventuriers des temps moder-nes. Le concept denvironnement a donc le mrite, en se chargeant des

    basses uvres de la modernit, de permettre la notion traditionnellede la nature de revivre et dtre de nouveau ressentie comme un rser-voir immatriel et imaginaire de valeurs. Alors que lon transformelenvironnement loisir, ne dit-on pas lors des catastrophes que lanature reprend ses droits ou mme se venge? Quest-ce dire sinonquil existe une nature humanise souvent par la force, et une naturepremire qui rsiste lentreprise de rationalisation?

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    [7] Alain Touraine, Critiquede la modernit, Fayard,Paris, 1992, p. 106.

    [8] Michel Serres, LeContrat naturel, FranoiseBourin, Paris, 1989.

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    Ce nouveau partage de sens entre nature et environnement appelledeux remarques. Tout dabord, ce qui est appel nature nest pas for-cment n a t u r e l au sens premier du terme. De nombreux acteursprivs ou institutionnels jouent sur lambigut du mot: le parc orni-thologique du Marquenterre, par exemple, se prsente comme pr-servant la paix et la splendeur de la nature [] au cur de la seulefentre encore vierge du littoral du nord de la France[9] alors que lelittoral ny est maintenu quau prix de coteux artifices ; la Camarg u e ,qui ne tient que grce ses digues, est classe parc n a t u r e l ; on agalement coutume de considrer comme sauvages les paysages denos montagnes pourtant faonns ou influencs jusquaux sommets

    par les hommes tout comme les tasuniens ont fond le mythe de lawilderness sur la ngation de loccupation indienne de leur territoire.La nature peut donc tre un artifice, mais dont on a perdu lide de lo-rigine humaine. cet gard, la nature est ce dont on ignore ou ne veutpas savoir lhistoire. Lexpression histoire naturelle elle-mme nedoit pas nous tromper: au dpart, elle dsigne une description et uneclassification des tres de la nature, adoptant le sens aristotlicien dumot h i s t o r i a rassemblement de documents. Le darwinisme, la thermo-dynamique et le dveloppement rcent de lastrophysique parviennent peine bousculer cette conception, car mme si lon voit aujourdhuidans la nature le rsultat dune succession dvnements, on saccorde penser que la conscience manque cette chronologie pour en faire

    une histoire. Tout est en place dans la pense moderne pour prserverla nature en la privant, au moins en apparence, de toute spcificithumaine. Pourtant, en mme temps que la modernit revivifie ainsi,comme par compensation, lide de nature, elle lui dnie ce qui la dfi-nissait avant elle comme pur donn en permettant de la dfinir commeune construction sociale. Lhomme moderne, malgr quil en ait et endpit des efforts quil fait pour se le cacher, ne peut pas ne pas treconscient de linexistence dune certaine nature laquelle les prmo-dernes pouvaient croire mais qui est aujourdhui nie aussi bien parlcologie que par lethnologie. Le temps est venu o lon sait quilnest pas de pure objectivit et que limage scientifique de la nature,tout autant que le concept denvironnement ou lide traditionaliste de

    la nature sont des constructions lies un lieu et une poque.Ensuite, il est fort parier quune sparation aussi tranche des

    sphres humaine et naturelle a plus pour fin de protger lhomme quede protger la prtendue nature. Il ne sagit de rien de moins que demettre labri lintgrit dun homme considr comme seul sujet dontla volont peut simposer lensemble de ltre. Le mot environne-m e n t traduit alors merveille la conception dun homme plac au

    [9] www.marcanterra.fr,2005.

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    centre dun univers qui lenvironne, soit lanthropocentrisme Biensr la science actuelle, lastrophysique comme la neurobiologie, batchaque jour un peu plus en brche cette reprsentation, mais la moder-nit ne laisse pas ainsi saper ses fondements et oppose une forte rsis-tance, ou tout le moins une forte inertie. Cest ainsi que dans ltatactuel des choses, il est impossible de penser srieusement un droit delenvironnement qui ne soit pas en parfaite contradiction avec notrelecture positive des droits de lhomme [10].

    On ne peut pas clore cet article sans concder que le mot e n v i-ronnement est encore en pleine volution smantique et quil est deplus en plus utilis par les scientifiques, dont les systmistes et les co-

    logues, en un sens qui dpasse largement lacception courante. Il sagitalors de distinguer arbitrairement un systme et dtudier ses relations double sens avec son milieu. Lenvironnement en ce sens nest doncplus seulement ce qui environne le systme, mais ce qui interagit avecl ui [ 11 ]. Cest justement pourquoi, pour les cologues, ce que tout unchacun nomme environnement na plus lieu dtre : aucun cosystmene peut plus se dfinir dans labsence de lhomme, soit que lon consi-dre son influence immdiate sur cet cosystme, soit que lobserva-tion elle-mme modifie un tant soit peu la qualit de ce dernier, lescientifique ne pouvant plus se sentir totalement extrieur son objetdtude, et ne pouvant plus faire abstraction de sa subjectivit (ou tout le moins des limites de sa connaissance et de larbitraire de ses

    dcoupages). On doit en conclure que la notion denvironnement nedevrait plus tre utilise dans le discours politique, conomique ou phi-losophique[12]. On pourrait dailleurs, pour lui dnier tout fondement,employer le mme type dargumentation dont usaient les picurienspour conjurer la crainte de la mort, mais en linversant: si je puis enp a r l e r, disaient-ils de leur mort, cest quelle nexiste pas pour moi,mais sitt quelle existe, alors, je ne peux plus en parler. Inverse-ment, on peut dire que lenvironnement constitue un problme si je nemen occupe pas ; ds lors que je le prends en compte, il nexiste plus.En effet, si lon est daccord pour dire que lenvironnement dsignelextriorit dun systme, avec laquelle celui-ci entre en contact poury puiser de lnergie et y rejeter de lentropie, alors cet environnement,

    si lon ny prend pas garde, va un moment ou un autre poser unproblme pour ce systme, soit parce quil ne pourra plus fournir l-n e rgie ncessaire au bon fonctionnement de ce dernier, soit parce quilva tre satur dentropie et engendrer des consquences nfastes enretour sur le systme, soit encore que les deux phnomnes vont sec o n j u g u e r. Ce qui se passera lextrieur du systme conditionneraalors directement sa survie. De fait, celle-ci ne pourra tre maintenue

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    [10] Je dveloppe ce pointdans L!cologisme est-il unhumanisme?, L!Harmattan,

    Paris, 2005.[11] Un systme se dfinitcomme un ensemblecomplexe d!lments oucomposants directement ou

    indirectement relis dans

    un rseau causal, tel que, un certain moment, au

    moins quelques-uns de ses

    composants sont relisentre eux d!une manire

    stable (Alain Gras,Grandeur et dpendance.Sociologie des macro-

    systmes techniques, PUF,Paris, 1993). Si la notiond!cosystme nat avecl!tude de systmes

    naturellement relativementisols comme les lacs oules les, la fermeture dusystme ne doit pas faireoublier son ouverture : l!tre co-dpendant atoujours double identit caril inclut son environnement

    au plus intime de son

    principe d!identit (EdgarMorin, La Mthode, I,Points, Seuil, Paris, 1977).Par ailleurs, dans le cadrede la thorie de lahirarchie, tout systme estinclus dans un supra-systme. L!environnementdes cosystmes n!est pasla nature, mais labiosphre.

    [12] Le termeenvironnement est

    justement employ lors del!tape rductionniste d!unepense complexe. Il nepeut tre, selon nous,utilis avec pertinence horsde ce contexte.

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    que si lextriorit du systme est prise en compte, cest--dire, dunecertaine manire i n t e r n a l i s e , mot quutilisent dj les conomis-tes. Cela signifie concrtement que lextriorit, pour tre contrle,doit dune certaine manire passer lintrieur du systme, et ne plusexister en tant que telle. Autrement dit, lenvironnement ne peut exis-ter quen tant que problme: un environnement qui ne pose pas pro-blme est, en ralit, un environnement qui nexiste pas par dfinition.Il sensuit que la suppression des problmes denvironnement semblepasser par la suppression de lenvironnement lui-mme.

    En rsum: la nature, dfinie comme tout ce dont lhomme estabsent, nexiste que dans limaginaire culturel des civilisations et ne

    correspond plus aujourdhui rien de rel sur notre plante. Le conceptdenvironnement quant lui semble absolument inappropri pour rsou-dre les problmes occasionns par lhomme sur lensemble et lesparties de la biosphre. Il est tellement flou et mouvant que chacunpeut le comprendre sa guise et si les quiproquos que sa polysmieengendre sont propices aux consensus, ils le sont aussi la prenni-sation de la crise. Cette crise, il ne peut pas la rsoudre puisquil nesten ralit quune manire malhabile de la nommer et quil nat avecelle, cest--dire au moment o les modernes se sont rendus compteque leur manire de sparer le monde des hommes et celui de la naturecrait un espace hybride favorable la prolifration de monstres. Enfin,il est absurde, puisquemprunt la science pour servir un discours

    militant ou pour afficher un souci de la nature il est en soi le problmequil est charg de rsoudre. Quattendons-nous alors pour nous dbar-rasser de ces deux notions aussi obsoltes que nfastes? Dautres notionssont disponibles, mais elles demandent de penser autrement une ralitcomplexe, et surtout de mettre en uvre une rflexion non tant sur cequest la nature, car cela la science mais aussi notre cur nous le disent,mais surtout sur ce quest lhomme, et sur la place que lhumanitoccupe sur notre plante. Garder dans le dbat actuel les mots de n a t u r e et d e n v i r o n n e m e n t , ce nest pas seulement retarder lessolutions qui assureront notre survie mais cest aussi refuser de sin-terroger sur nous-mmes.

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