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Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la direction générale du Trésor et de la Politique économique et ne reflète pas nécessairement la position du ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi. n° 41 Juillet 2008 Le rôle des facteurs financiers dans la haus- se des prix des matières agricoles Depuis 2006, la hausse des cours mondiaux des produits de base agricoles s'est vivement accélérée, après avoir été assez modérée et stable au cours des quinze années précédentes. En se diffusant le long de la chaine de production des pro- duits alimentaires, la hausse des prix des matières premières agricoles accroît l'inflation mondiale. Déterminer les modalités d'une réponse appropriée à cette crise nécessite d'en connaître les facteurs d'origine. La demande de matières premières agricoles s'est accrue du fait du développe- ment économique des pays émergents, et dans une certaine mesure, de la fabri- cation des biocarburants (pour certains produits de base tels le maïs). Cette demande de produits agricoles est par ailleurs assez peu élastique aux prix. L'offre de matières premières agricoles n'a pas immédiatement suivi la demande, du fait d'accidents climatiques pour les récoltes de 2006 et 2007, d'une augmentation des coûts de production agricoles et des délais de réaction de l'offre à une augmentation des prix. Au total, l'évolution des facteurs d'offre et de demande contribue clairement à la progression des prix des matières agri- coles. Les investisseurs financiers interviennent de manière de plus en plus importante sur les marchés à terme de matières premières agricoles et on peut se demander si ces interventions sont de nature à alimenter la hausse des prix agricoles. D’un point de vue théorique, l’existence de marchés à terme, même très actifs, ne suffit pas à modifier durablement les prix au comptant et d’autant moins que les coûts de stockage sont importants (comme c’est le cas pour les céréales). Les données disponibles suggèrent que l’effet des investissements financiers sur les marchés à terme de produits agricoles sur les prix au comptant est faible comparé à l’impact des facteurs traditionnels d’offre et de demande de produits agricoles. Riz : Riz blanc thaïlandais, 100 % - 2e qualité, f.o.b. Bangkok Graines de soja : E.-U., No. 2 jaune, c.a.f Rotterdam Blé : E.-U. N.2 , Hard Red Winter, prot. normale, golfe des E.-U., f.o.b Maïs : EU. No. 2 jaune, golfe des E-U. Sources : FAO, International grain council (blé), USDA (maïs), Jackson Son & co (riz), Oil world (soja). Prix de matières premières agricoles 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 janv-06 mai-06 sept-06 janv-07 mai-07 sept-07 janv-08 mai-08 Maïs Graines de soja Riz Blé Dollars par tonne

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    la responsabilit dela direction gnrale

    du Trsor et de laPolitique conomique

    et ne reflte pasncessairement

    la positiondu ministre

    de lconomie,de lIndustrie

    et de lEmploi.

    n 41Juillet 2008

    Le rle des facteurs financiers dans la haus-se des prix des matires agricoles Depuis 2006, la hausse des cours mondiaux des produits de base agricoles s'est

    vivement acclre, aprs avoir t assez modre et stable au cours des quinzeannes prcdentes. En se diffusant le long de la chaine de production des pro-duits alimentaires, la hausse des prix des matires premires agricoles accrotl'inflation mondiale. Dterminer les modalits d'une rponse approprie cettecrise ncessite d'en connatre les facteurs d'origine.

    La demande de matires premires agricoles s'est accrue du fait du dveloppe-ment conomique des pays mergents, et dans une certaine mesure, de la fabri-cation des biocarburants (pour certains produits de base tels le mas). Cettedemande de produits agricoles est par ailleurs assez peu lastique aux prix.

    L'offre de matires premires agricoles n'a pas immdiatement suivi lademande, du fait d'accidents climatiques pour les rcoltes de 2006 et 2007,d'une augmentation des cots de production agricoles et des dlais de ractionde l'offre une augmentation des prix. Au total, l'volution des facteurs d'offreet de demande contribue clairement la progression des prix des matires agri-coles.

    Les investisseurs financiers interviennent de manire de plus en plus importantesur les marchs terme de matires premires agricoles et on peut se demandersi ces interventions sont de nature alimenter la hausse des prix agricoles.

    Dun point de vue thorique, lexistence de marchs terme, mme trs actifs,ne suffit pas modifier durablement les prix au comptant et dautant moins queles cots de stockage sont importants (comme cest le cas pour les crales).

    Les donnes disponibles suggrent queleffet des investissements financierssur les marchs terme de produitsagricoles sur les prix au comptant estfaible compar limpact des facteurstraditionnels doffre et de demande deproduits agricoles.

    Riz : Riz blanc thalandais, 100 % - 2e qualit, f.o.b. BangkokGraines de soja : E.-U., No. 2 jaune, c.a.f RotterdamBl : E.-U. N.2 , Hard Red Winter, prot. normale, golfe des E.-U.,f.o.bMas : EU. No. 2 jaune, golfe des E-U.

    Sources : FAO, International grain council (bl), USDA (mas),Jackson Son & co (riz), Oil world (soja).

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    Depuis 2006, la hausse des cours mondiaux des produitsde base agricoles s'est vivement acclre, aprs avoir tassez modre et stable au cours des quinze annesprcdentes. Notamment, le prix du bl a progress deprs d'un tiers entre janvier 2006 et juin 20071, puis apresque doubl entre juillet 2007 et mars 2008, avantd'amorcer une phase de repli en avril 2008. Le cours dumas a galement augment au cours des derniers mois de2006, puis nouveau de manire continue partir dumois de septembre 2007. Sur la priode plus rcente, ils'est tass mais moins fortement que le prix du bl. Lecours des graines de soja a augment progressivementdepuis la fin de l'anne 2006. Le prix du riz s'est accruplus brutalement et plus tard, partir de fin 2007.

    Graphique 1 : prix de matires premires agricoles

    Riz : Riz blanc thalandais, 100 % - 2e qualit, f.o.b. BangkokGraines de soja : E.-U., No. 2 jaune, c.a.f RotterdamBl : E.-U. N.2 , Hard Red Winter, prot. normale, golfe des E.-U., f.o.bMas : EU. No. 2 jaune, golfe des E-USources : FAO, International grain council (bl), USDA (mas), Jackson Son & co (riz),

    Oil world (soja).

    En se diffusant le long de la chaine de production desproduits alimentaires, la hausse des prix des matirespremires agricoles accrot l'inflation mondiale, dont ellea reprsent prs de la moiti en 2007 contre en 2006.L'impact sur les prix la consommation a t plus marqudans les pays en dveloppement d'Asie (prs des 2/3 del'inflation d'ensemble en 2007) et d'Afrique () que dansles pays avancs (environ 1/5)2. En France, la hausse desprix alimentaires n'a reprsent que 1/5 de l'inflationd'ensemble en 2007. Cependant, la hausse des prixalimentaires a atteint 5,5% sur un an en juin 2008, aprs3,1% en dcembre 2007 et seulement 1,3% en juin 2007.Cette acclration est particulirement dfavorable auxmnages revenus modestes dans la mesure o l'alimen-tation pse plus lourd dans leur budget consommation3.

    C'est dans ce contexte que les ministres des finances duG8 runis Osaka les 13 et 14 juin 2008 se sont inquitsdes consquences du renchrissement des produitsalimentaires sur les populations les plus fragiles. Cepen-dant, dterminer les modalits d'une rponse approprie cette crise ncessite d'en connatre les facteurs. Reflte-t-elle un changement des variables fondamentales quiaffectent l'offre et la demande de matires agricoles ?S'agit-il plutt d'une bulle spculative traduisant unemanipulation des prix agricoles par des investisseurs enqute de profits immdiats ? Nous analysons ici l'influencerespective de ces diffrents facteurs.

    1. La demande de matires premires agricoles tend progresser alors que des contraintes psent surles cultures

    La demande de matires premires agricoles tend excder l'offre disponible sous l'effet :

    d'une hausse de leur utilisation lie au dveloppementconomique des pays mergents et la fabrication desbiocarburants (pour certains produits de base tels lemas) et accentue par la relative inlasticit - prix dela demande en crales et par les effets de substitutionentre produits de base ;

    d'une production contrainte par des accidents clima-tiques et dont les cots progressent fortement.

    1.1 Hausse de la demande

    Le dveloppement conomique des pays mergents(Brsil, Chine, Inde notamment) gnre la fois uneconsommation accrue de produits agricoles et une modi-

    fication des habitudes alimentaires (augmentation de laconsommation de produits carns qui se rpercute sur laconsommation de crales). Il en rsulte une augmenta-tion de leurs importations de matires premires agri-coles et une diminution de leurs exportations. Ainsi, laChine est devenue importatrice nette de produits agricolesdepuis 2004.

    La demande de certains produits de base est galementtire par la fabrication de biocarburants. Au planmondial, environ 100 millions de tonnes de crales ontt absorbes en 2007 par la production dthanol (dont80 millions aux tats-Unis), alors que le dficit total decrales cumul sur 2006 et 2007 est d peu prs 50millions de tonnes selon le Conseil international descrales (CIC). Ainsi, le dveloppement massif de laproduction de biothanol aux tats-Unis a certainement

    (1) Pour les autres productions, les hausses ont t comprises entre 5 et 10% sur la mme priode.

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    (2) Voir Fonds montaire international (2008), volution et perspectives des marchs des produits de base, Perspectives del'conomie mondiale, appendice 1.2., avril.

    (3) Au vu des pondrations calcules par Guedes (2006), Indices de prix la consommation par catgorie de mnages1996-2006, INSEE, Document de travail F0606, novembre.

  • TRSOR-CO n 41 Juillet 2008 p.3

    contribu la hausse du prix du mas. Dans lUnion euro-penne, les deux tiers de la production de colza ont tabsorbs par la production de biodisel. Cependant, lacontribution des biocarburants la hausse des prix agri-coles est probablement relativiser dans la mesure o lapart de la production de crales destine aux biocarbu-rants est assez faible (environ 6%) voire marginale pourcertains produits comme le bl (moins de 1%), daprsles donnes du CIC.

    Les consquences sur les prix de la hausse de la demandese diffusent d'un march l'autre en raison des effets desubstitution dans la consommation des produits agri-coles. Notamment, le bl et le riz sont assez substituablesau plan de la consommation, car les deux sont destinsprincipalement l'alimentation humaine. Par exemple,entre 2006 et 2007, le prix du bl a augment de 48%contre seulement 7% pour le riz, ce qui a pouss lesconsommateurs de bl se reporter vers le riz : sur lamme priode, la consommation de riz a augment de1,1% alors que la consommation de bl a diminu de0,2%. De mme, le mas et les olagineux destins l'alimentation animale sont assez substituables.

    Les hausses de prix nont pas dimpact fort sur lademande. Ainsi, la demande en crales pour l'alimenta-tion humaine (qui reprsente la majeure partie de lademande de crales) est trs peu lastique par rapportau prix de ces produits. Ceci est moins vrai pour lademande de crales pour l'alimentation animale et pourles autres utilisations (biocarburants, productiond'amidon et d'dulcorants).

    1.2 Offre insuffisante et plus coteuse

    Paralllement, la progression de l'offre ne suffit pas couvrir totalement la demande supplmentaire. Desscheresses en Australie et Ukraine (pays exportateurs),mais aussi en Inde et au Maroc (importateurs nets) sesont traduites dans les rgions concernes par une fortebaisse de la production de bl sur deux annes conscu-tives (2006 et 2007). Les autres productions (mas, sojapar exemple) ont t peu touches par les conditionsclimatiques.

    Les chocs peuvent se propager d'une production l'autredans la mesure o celles-ci sont relativement substitua-bles dans les choix de mise en culture des agricul-teurs. C'est le cas pour le bl, le mas et les olagineuxdans plusieurs rgions. En France, par exemple, lesmarges attendues en 2008 pour la production de bl tantnettement suprieures celles du colza, les surfaces culti-

    ves en bl devraient augmenter de prs de 5% en partieau dtriment des surfaces cultives en colza qui devraientbaisser de plus de 8%4. Ainsi, la hausse des surfaces culti-ves en bl devrait limiter la hausse du prix du bl, maispourrait contribuer augmenter le prix dautres crales.

    En outre, les stocks mondiaux de crales ontdiminu de 55% depuis la fin des annes 1990 etsont aujourd'hui des niveaux historiquement bas(voir graphique 2), selon les donnes de l'Organisationdes Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture(FAO Food and Agriculture Organisation of theUnited Nations). La baisse plus rcente de la productionde bl a accentu ce mouvement (52% sur les stocks debl en deux ans). Pour le mas, la baisse des stocksmondiaux a t moins prononce (15% en 2 ans). Lesstocks mondiaux ont ainsi atteint des niveaux particulire-ment bas, en de des 1718% de la consommationconsidrs comme un minimum de sret par la FAO. Lesstocks ne sont ds lors plus gure en mesure dejouer leur rle d'amortisseur, vitant habituellementque le march ne ragisse trop brutalement toute infor-mation relative l'tat des rcoltes ou aux disponibilitsexportables.

    Graphique 2 : variation des stocks entre les campagnes 2005/06

    et 2007/08

    Source : FAO.

    Par ailleurs, le renchrissement des matirespremires non agricoles entrane un accroissement duprix des engrais (potasse, azote, phosphate) et des cots deproduction de l'agriculture. Selon le Centre internationalpour le dveloppement des engrais, les prix des engrais ontprogress de 200% en 2007. La hausse des prix de l'nergiepse galement sur les cots de transport et d'achemine-ment des produits (voir graphique 3). court terme, ceshausses de cots limitent laugmentation de loffre agricole.

    (4) Voir Ministre de lAgriculture et de la Pche (2008), Agreste Conjoncture - Grandes cultures et fourrages, Info rapides n3/10, mai.

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    Graphique 3 : prix du ptrole nominal et rel

    Sources : FMI, Datastream, US Bureau of Labor Statistics (le prix rel est le prix dflatpar l'indice des prix la consommation amricain base 100 = 2007).

    Enfin, la raction d'un certain nombre de gouvernements la hausse des prix agricoles, sous la forme d'une limi-tation voire d'une interdiction totale des exporta-tions, a eu pour effet dans la majorit des cas d'alimenter

    davantage encore cette hausse. Ces restrictions pnalisentles pays importateurs de produits alimentaires. En outre,elles ont un effet ngatif sur la production dans la mesureo les producteurs n'ont plus d'intrt investir. Ainsi, lahausse trs brutale des prix du riz au dbut de 2008 con-cide avec la limitation des exportations de plusieurs paysexportateurs (notamment le Vietnam et l'Inde, respective-ment deuxime et troisime exportateurs mondiaux),dans un march mondial trs troit5.

    Au total, l'volution des facteurs d'offre et de demandecontribue clairement la progression des prix desmatires agricoles. Cependant, l'ampleur des mouve-ments qu'on observe sur les diffrents marchs neparat pas entirement explique par la simpleconfrontation de l'offre et de la demande. C'est ceque suggre par exemple, le rapprochement des taux devariations des prix mondiaux et ceux des stocks de bl surune longue priode.

    2. Les interventions des investisseurs financiers sur les marchs terme alimentent-elles les haussesdes prix agricoles ?

    Les investisseurs financiers interviennent de manire deplus en plus forte sur les marchs terme de matirespremires agricoles. Une part croissante de leurs opra-tions vise parier sur la hausse des prix terme6, ce quifait craindre certains observateurs que ces interventionsnalimentent la progression des prix terme et celle desprix au comptant.

    2.1 Dveloppement des oprations termeadosses aux matires premires agricoles

    Comme sur la plupart des marchs organiss, les marchsde matires premires agricoles comportent un compar-timent au comptant, sur lequel l'change du produits'effectue immdiatement au prix en vigueur, et uncompartiment terme, sur lequel sont changs descontrats terme standardiss (dits aussi futures)prvoyant l'achat ou la vente d'une quantit dtermine duproduit (ou actif sous-jacent) un prix et une dateconvenus l'avance.

    L'objet du compartiment terme est de permettre auxparticipants d'acheter ou de vendre en prvision d'unehausse ou d'une baisse des prix au comptant, soit pour secouvrir contre une variation des cours (le vendeur seprotge contre une ventuelle baisse des prix et l'acheteurcontre une ventuelle hausse), soit pour raliser un gainfinancier si les anticipations de prix se ralisent tout enacceptant le risque de perte dans le cas contraire. Les

    intervenants sur les marchs terme sont donc de deuxtypes :

    les oprateurs en couverture ou hedgers, qui cher-chent couvrir le risque de prix en prenant une posi-tion inverse de celle qu'ils ont prise sur le march aucomptant (producteurs, ngociants, utilisateurs) ousur le march des contrats d'change ou swaps (ban-ques) ;

    les investisseurs financiers, qui placent leurs avoirs enachetant des contrats terme de matires premiresagricoles dans le but de diversifier leur portefeuilleafin d'en rduire le risque, de se prmunir contre lerisque d'inflation ou pour raliser un profit en spcu-lant sur l'volution des cours terme.

    Depuis quelques annes, l'intrt des investisseurspour les marchs terme de matires premires(nergie, produits agricoles, mtaux) s'est nette-ment renforc. En tmoigne la progression spectacu-laire des transactions sur ces marchs. Ainsi, le nombrede contrats futures agricoles changs quotidiennementsur le Chicago Board of Trade (CBoT) a plus que tripldepuis 2000. Sur les marchs terme de crales,l'ensemble des positions l'achat et la vente tous inter-venants confondus se sont nettement accrues (voirgraphique 4), singulirement partir de 2004.

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    $ constants (2007)

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    Dernier point :prix courant = 132$ - juin 2008prix constant = 118,5$ - mai 2008

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    (5) Voir notamment l'article As demand for rice climbs, international trade falls, publi dans l'International Herald Tribunedu 28 avril 2008.

    (6) Cette action n'est pas ncessairement dstabilisatrice si elle accroit la liquidit du march et rapproche les prix de leurniveau d'quilibre. De nombreux travaux acadmiques suggrent d'ailleurs qu'en rgle gnrale les transactions sur lesmarchs terme n'accroissent pas la volatilit des marchs au comptant.

  • TRSOR-CO n 41 Juillet 2008 p.5

    Graphique 4 : volution du total des positions sur lescompartiments agricoles du CBoT

    Source : Bloomberg.

    Cet engouement rpond plusieurs raisons.

    Lintroduction des contrats terme de matires premiresdans les portefeuilles permet d'en diversifier les risques7.Certains fonds de pension ou autres investisseurs de longterme (i.e. suivant une stratgie buy and hold comme surles marchs d'actions) sont ainsi amens introduireprogressivement et durablement les contrats terme dematires premires dans leurs portefeuilles, en renouve-lant leur position avant que le contrat n'arrive chanceafin d'viter d'avoir livrer l'actif sous-jacent.

    D'autres investisseurs, davantage proccups par la pers-pective de rendements levs, spculent en fonction del'volution anticipe des cours, se portant acheteurs s'ilss'attendent une hausse des prix ou vendeurs dansl'hypothse inverse. La relative faiblesse des taux d'intrt(voir graphique 5) et la progression spectaculaire du prixdes matires premires au cours des dernires annes ontprobablement aliment ce type de comportement.

    Graphique 5 : relative faiblesse des taux d'intrt long terme

    aux tats-Unis

    * : taux des obligations d'tat 10 ans dflat par le glissement annuel de l'indice des prix la consommation.

    Source : Bloomberg.

    Ainsi, 100 $ investis la fin de 2005 en contrats agricoles terme (indice S&P GSCI agriculture) rapporteraient en

    juin 2008 167 $ (voir graphique 6). Cest infrieur cequils auraient rapport en contrats ptroliers terme(227 $ pour l'indice S&P GSCI ptrole). Mais suprieur ce quaurait rapport un investissement dans les obliga-tions d'tat amricaines 10 ans ou des actions interna-tionales (indice MSCI AC World), dont la performanceaurait t de 111 $ et 115 $ dollars respectivement.

    Graphique 6 : rendements compars de diffrents placementsfinanciers

    Source : Bloomberg.

    Paralllement, le dveloppement de nouveauxsupports d'investissement a permis un plus grandnombre d'investisseurs (y compris des particuliers)d'acqurir ce type d'exposition sur les marchs terme.Ce sont principalement les ETF (Exchange-TradedFunds), vhicules d'investissement mettant des partscotes en bourse et qui rpliquent la performance d'unindice de cours de matires premires (voir graphi-que 7). Selon le rgulateur des marchs terme dematires premires amricains, la Commodity FuturesTrading Commission (CFTC), les metteurs d'ETF surmatires premires reprsentent aujourd'hui 20 50%des volumes des futures sur matires premires agricolessur les marchs de Chicago, Kansas City ou New York.

    Graphique 7 : nombre d'ETF (Exchange-Traded Funds) de matires

    premires agricoles

    Source : Bloomberg.

    (7) L'inclusion dans un portefeuille d'instruments financiers lis aux matires premires et non corrls aux actifs djdtenus permettrait de rduire le risque du portefeuille. Par exemple, voir Gorton et Rouwenhorst (2005), Facts andfantasies about commodity futures, NBER Working Paper, No. 10595, fvrier.

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    2.2 Quel impact sur les prix agricoles ?

    Prix terme et prix au comptant sont troitementlis8. Le contrat future initialis la date t doit donnerlieu la livraison la date T d'une quantit de matirespremires (sous-jacent) valant S(t) la date t. En thorie,pour tre en mesure de livrer le sous-jacent chance,le vendeur terme emprunte la somme ncessaire l'achat de celui-ci et la rembourse l'chance au tauxd'intrt r(t, T). La dtention physique du sous-jacentinduit un cot de stockage w(t, T) mais aussi un rende-ment c(t, T) (non observable) mesurant un gain li l'opportunit de stocker alors que l'quilibre offre-demande est incertain. Si le march anticipe une offresuffisamment abondante l'chance, ce rendement tendvers zro. En l'absence d'opportunit d'arbitrage, lavaleur du contrat, qui correspond la somme F(t, T) qu'ilreoit pour la vente du sous-jacent, est telle qu'elle couvrele remboursement du principal et des intrts del'emprunt ainsi que les frais de stockage diminus durendement de dtention. Soit, en adoptant la compositionsimple des intrts :

    F (t, T) = S(t)+ S(t)*[r(t, T) + w(t, T) - c(t, T)]

    Ainsi, dans la mesure o cette relation est satisfaite, lesfacteurs qui influencent les cours terme affectent aussile prix au comptant de l'actif sous-jacent, sans que lonpuisse pour autant en dduire que ce sont les prix termequi influencent les prix au comptant.

    En pratique, la livraison de lactif sous-jacent intervientrarement, les livraisons reprsentant moins de 1% duvolume des transactions sur la plupart des marchs9. Eneffet, le but conomique des marchs terme nest paslacquisition de lactif physique, ce qui serait au final assezcoteux. Le dnouement des oprations seffectue le plussouvent par un rglement en numraire.

    Les investisseurs interviennent de manire crois-sante sur les marchs terme en jouant les cours la hausse. La CFTC publie en effet des donnes quipermettent de retracer l'volution des positions actives l'achat (nombre de contrats terme achets mais pasencore revendus) ou la vente (vendus mais pas encorerachets) par catgorie d'intervenants sur les marchs terme de matires premires agricoles10. Ces donnesmontrent que, depuis 2006, les investisseurs (non-commercial traders) maintiennent presque sans discon-tinuer les positions nettes l'achat (ou longues) sur les

    marchs du bl, du mas, du soja et du riz et que ces posi-tions ont nettement progress (voir graphique 8), tradui-sant une monte de la spculation la hausse sur les prix terme.

    Il apparat galement que la part de ces positions netteslongues dans le total des positions ( l'achat et la vente)tous intervenants confondus n'est pas plus leve que cequ'elle a pu tre dans le pass, sauf pour le riz. Ce constatsuggre que si la spculation la hausse est assezmarque sur le riz, elle est moindre sur le mas et le sojaet ressort moins nettement dans le cas du le bl.

    Graphique 8 : positions nettes longues des investisseurs sur lesmarchs terme agricoles du CBoT

    Source : Bloomberg, calculs des auteurs.

    Cependant, la frontire entre oprateurs de couverture etinvestisseurs est fragile et la catgorie commercialtraders identifie par la CFTC ne regroupe pas que desparticipants des marchs physiques de produits agricoles.Par exemple, lorsqu'un tablissement bancaire acceptede verser un fonds de pension un flux de trsoreriefond sur la hausse d'un indice de matires premires etcouvre le risque encouru en prenant une position ache-teuse sur des marchs terme, l'opration est retracecomme une opration de couverture dans les dclarationsauprs de la CFTC, alors qu'il sagit en fait dun pari de lapart d'un fonds de pension sur l'volution de l'indice,susceptible d'alimenter les anticipations de hausse desprix des matires premires. Si l'indice progresse, labanque versera au fonds de pension une somme quiva-lente la hausse11. Ainsi, depuis 2006, la CFTC s'attache retracer spcifiquement les oprations des intervenantssuiveurs d'indice (index traders), qui oprent sur lesfutures agricoles par l'intermdiaire des ETF (cf. infra).

    (8) Voir Gorton, Hayashi et Rouwenhorst (2007), The fundamentals of Commodity Futures Returns, Yale ICF WorkingPaper No. 07-08, juin.

    (9) Voir OCDE (2008), Impact relatif sur les prix mondiaux des produits des changements structurels court et longterme sur les marchs agricoles, Comit de l'agriculture, mars.

    (10)Dans la terminologie de la CFTC, les oprateurs de couverture sont dnomms commercial traders, et les investisseursnon-commercial traders.

    (11)Voir l'article NYSE Chief Suggests Funds' Role in Prices, publi par le Wall Street Journal le 18 juin 2008.

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  • TRSOR-CO n 41 Juillet 2008 p.7

    Les donnes montrent que les oprateurs suiveursd'indice sont en position nette longue, de manire signifi-cative sur certains marchs (voir graphique 9). La partrelative de leurs engagements apparat assez stable depuis2006, mais il est probable qu'en phase de hausse des prixles index traders aient besoin d'acheter des quantitsmoindres de produits pour une valeur d'indice donne12.

    Graphique 9 : positions nettes longues des ETF sur les marchs terme agricoles du CBoT

    Source : Bloomberg, calculs des auteurs.

    Dans ce contexte, lexistence dun lien stable entre prix terme et prix au comptant constituerait lindice dunpossible impact sur les prix au comptant des positionslongues des investisseurs sur les marchs terme.

    Les donnes reportes sur le graphique 10 montrent quela relation entre prix terme et prix au comptant neststable ni pour le soja, ni pour le bl, ni pour le mas.Depuis 2006 en effet, les prix au comptant scartent deplus en plus des prix des contrats terme. La relationparat mme particulirement instable pour le bl.

    Graphique 10 : cart entre le prix du contrat terme le plusproche et le prix au comptant du bl, du mas et du soja

    Source : Bloomberg.

    L'effet du comportement des intervenants finan-ciers sur la hausse des prix agricoles au comptant,bien que difficile quantifier, parat moinsmarqu que celui des facteurs d'offre et dedemande.

    Des analyses prliminaires de la CFTC suggrent parailleurs que les oprations des investisseurs financierssuivent plutt qu'elles ne prcdent les hausses de prix etne font pas apparatre pas de lien clair entre l'volutiondes positions sur les marchs terme et les variations desprix agricoles13.

    Enfin, la hausse des prix de matires premires est unphnomne gnral qui touche tous les produits (agricul-ture, nergie, mtaux), y compris ceux pour lesquels iln'existe pas de vhicule de placement financier, qui nesont donc pas accessibles aux intervenants financiers surdes marchs terme, ne sont pas substituables d'autresproduits changs sur les marchs terme et pourlesquels on ne peut donc pas suspecter un ventuel effetde spculation. C'est par exemple le cas de certainsmtaux industriels rares (voir graphique 11) qui ne sontngocis sur aucun march organis, ni au comptant ni terme14.

    Graphique 11 : volution du prix de mtaux industriels non ngocis sur des

    marchs terme

    Source : Bloomberg.

    On peut obtenir quelques indications sur le degr despculation financire qui affecterait l'volution desmatires premires qui schangent sur les marchs terme, en comparant la variation des prix au comptant deproduits qui constituent le sous-jacent de contrats futureset de matires premires auxquelles n'est li aucuncontrat future15. A titre d'illustration, l'cart entre lerendement annuel d'un panier qui serait constitu quan-tits gales de bl, de mas, de soja et de riz et celui d'un

    (12)Voir Goldman Sachs (2008), Speculators, Index Investors, and Commodity Prices, Global Investment Research, juin.

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    (13)Voir CFTC (2008), Written Testimony of Jeffrey Harris, Chief Economist Before the Senate Committee on HomelandSecurity and Governmental Affairs, mai.

    (14)Voir aussi Bond (2008), Suffering in the Seventies, Global Speculations, Barclays Capital Research, mai.(15)Voir Mongars et Marchal-Dombrat (2006), Les matires premires : une classe d'actifs part entire ?, Banque de

    France, Revue de la stabilit financire, n9, dcembre.

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    Base 100 = janvier 1992

  • TRSOR-CO n 41 Juillet 2008 p.8

    diteur :

    Ministre de lconomie,de lIndustrie et de lEmploi

    Direction gnrale du Trsor et de la Politique conomique

    139, rue de Bercy75575 Paris CEDEX 12

    Directeur de la Publication :

    Philippe Bouyoux

    Rdacteur en chef :

    Philippe Gudin de Vallerin

    (01 44 87 18 51)

    [email protected]

    Der

    nier

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    mr

    os p

    arus

    Juillet 2008n40. clatement de la bulle sur le march immobilier amricain

    Stphane SORBE

    Juin 2008

    n39. Perspectives dvolution des dpenses de retraite et rle dun fonds de rserve

    Falilou FALL, Nicolas FERRARI

    n38. Quel effet des rformes structurelles dans un tat membre de la zone euro sur le

    reste de la zone ?

    Thibault GUYON, Brengre JUNOD-MESQUI

    Mai 2008

    n37. Effectifs des collectivits territoriales

    Sandy FRERET, Patrick TAILLEPIED

    n36. La situation conomique mondiale au printemps 2008

    Aurlien FORTIN

    panier comprenant du cobalt, du silicone, du tungstne etdu manganse fluctue fortement et est assez faible enmoyenne (voir graphique 12). Dans cet exemple, lapriode rcente (depuis 2007) correspond bien unephase d'acclration, mais ce mouvement ne parat pastraduire une inflexion inhabituelle.

    Graphique 12 : cart de rendement annuel entre des produitsde base agricoles lis des contrats futures et des mtaux non

    ngocis sur des marchs terme

    Source : Bloomberg, calculs des auteurs.

    En conclusion, l'effet de la spculation financire sur lesprix de matires premires, ne semble pas dominerl'impact des facteurs d'offre et de demande. La progres-sion marque que connaissent les matirespremires agricoles depuis l't 2007 parat prin-cipalement tire par l'excs de la demande surl'offre. Celui-ci rpond des causes conjoncturellestelles des accidents climatiques mais aussi des facteursd'ordre structurel refltant notamment le rattrapageconomique des pays mergents qui s'accompagne d'unemodification de leurs habitudes de consommation ou lecaractre limit de la quantit de terres mobilisables pourla production d'aliments.

    William ARRATA, Bertrand CAMACHO,Caterine HAGEGE, Pierre-Emmanuel LECOCQ,

    Ivan ODONNAT-90

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