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5-aminosalicylés et cancer colorectal : rôle préventif au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ?

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Page 1: 5-aminosalicylés et cancer colorectal : rôle préventif au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ?

5-aminosalicylés et cancer colorectal :rôle préventif au cours des maladies inflammatoires

chroniques de l’intestin ?

Pierre DESREUMAUX, Olivier ROMANO

Service des Maladies de l’Appareil Digestif et de la Nutrition, Equipe INSERM-Université 0114, CHU Lille.

L a rectocolite hémorragique (RCH) mais également lamaladie de Crohn (MC) colique comportent un risqueaugmenté de cancer colorectal (CCR). On estime

qu’environ 2 % des cancers colo-rectaux survenant dans lapopulation générale sont associés aux maladies inflammatoireschroniques intestinales (MICI) et inversement, que la prévalenceglobale du cancer colorectal est égale à 3-4 % au cours des MICIà localisation colique. Plus précisément, les malades atteints deMICI ont par rapport à la population générale un risque 5 foissupérieur de développer un CCR. Ce risque de CCR estnotamment modulé par la durée d’évolution de la maladie etl’étendue de l’atteinte colique. Ainsi, dans la RCH, le risque decancer est d’environ 2 % après 10 ans d’évolution, 10 % après20 ans d’évolution et environ 20 % après 30 ans d’évolution.Plusieurs stratégies sont utilisées pour tenter de limiter le risque desurvenue de CCR au cours des MICI. Les recommandationsactuelles sont de proposer au patient une surveillance parcoloscopie qui doit débuter après 8 à 10 ans d’évolution en casde pancolite et après 10 à 15 ans d’évolution en cas d’atteintelimitée du côlon gauche. Grâce à la réalisation de biopsiessystématiques étagées, cette coloscopie a pour objectif dedétecter d’éventuelles lésions précancéreuses, les DALM (Dyspla-sies Associées à des Lésions ou à des Masses) ou un cancer à unstade précoce.

Certaines études suggèrent également l’intérêt d’un traite-ment par 5-aminosalicylé (5-ASA) au long cours dans laprévention de la survenue de CCR chez des malades atteints deMICI. La première étude réalisée par Eaden et al. a recensé chezdes malades atteints de RCH avec CCR et sans CCR (102 sujetspar groupe) les traitements pris 5 et 10 ans avant la survenue ducancer. Il a été mis en évidence que la prise régulière de 5-ASAdiminuait de 75 % le risque de CCR et de 90 % lorsque laposologie était supérieure ou égale à 1,2 g/j [1]. En cas de priseintermittente du traitement, le risque diminue alors seulement de50 %. Dans ce travail, 2 autres facteurs diminuant le risque deCCR ont été identifiés : un suivi comportant plus de deuxconsultations par an et une surveillance endoscopique régulière.La seconde étude rétrospective réalisée par l’équipe de Chicagoa comparé 26 malades présentant une RCH compliquée dedysplasie (n = 18) ou de cancer colorectal (n = 8) à 96 maladestémoins atteints de RCH appariés sur l’âge, le sexe, la duréed’évolution et la localisation de la maladie [2]. Là encore, letraitement par 5-ASA à une posologie supérieure ou égale à

1,2 g par jour diminue de 3,4 fois le risque de dysplasie ou deCCR (p = 0,024).

Récemment, une étude rétrospective publiée dans l’AmericanJournal of Gastroenterology semble remettre en question l’effica-cité du 5-ASA dans la prévention de la survenue de CCR au coursdes MICI [3]. Cette étude réalisée par Bernstein et al. au Canadaà l’Université du Manitoba a évalué l’influence du 5-ASAadministré 2 ans avant la survenue d’un CCR au cours des MICI.Vint-cinq malades présentant un CCR compliquant une MC(n = 14) ou une RCH (n = 11) ont été appariés à 348 témoinsselon les mêmes critères que l’étude précédente. Aucun bénéficede l’utilisation du 5-ASA dans la prévention du cancer colorectaln’était mis en évidence dans cette étude.

Plusieurs biais peuvent expliquer l’absence d’effet préventifdu 5-ASA dans cette étude. Le premier est le manque depuissance de l’étude avec seulement 25 cas de CCR chez desmalades atteints de MICI. Le second est la durée limitée à 2 ans dela prise de 5-ASA avant le diagnostic de cancer alors que l’onévalue la durée nécessaire pour la constitution d’un cancer à 5ans. La troisième est l’absence de prise en considération desdysplasies légères et sévères qui sont des marqueurs précoces quiévoluent ou coexistent souvent avec un CCR au cours des MICI.L’interprétation de cette étude est donc difficile. L’analyse del’ensemble des données de la littérature sur ce sujet suggère quele 5-ASA a probablement la capacité de prévenir la survenue deCCR au cours des MICI en intervenant à un stade précoce duprocessus néoplasique. D’autres études in vitro et ex vivo sontnécessaires pour mettre en évidence les mécanismes impliquésdans le contrôle de la prolifération et différenciation des cellulesépithéliales par le 5-ASA.

REFERENCES

1. Eaden J, Abrams K, Ekbom A, Jackson E, Mayberry J. Colorectalcancer prevention in ulcerative colitis : a case-control study. AlimentPharmacol Ther 2000;14:145-53.

2. Rubin DT, Djordjevic A, Huo D, Yadron N, Hanauer SB. Use of 5 ASAis associated with decreased risk of dysplasia and colon cancer inulcerative colitis (abstract). Gastroenterology 2003;124:279.

3. Bernstein CN, Blanchard JF, Metge C, Yogendran M. Does the use of5-aminosalicylates in inflammatory bowel disease prevent the develop-ment of colorectal cancer ? Am J Gastroenterol 2003;98:2784-8.

© Masson, Paris, 2004. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:509

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