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COMPTE RENDU DE REUNION M~decine et Maladies Infectieuses -- 1990 -- 20 -- 6/7 - 304 ~ 306 5 e CONFERENCE DE CONSENSUS EN REANIMATION ET MEDECINE D'URGENCE * Diagnostic des pneumopathies nosocomiales en r animation 13 Octobre 1989 - Bic~tre Comit~ du Consensus : President : R.J.Kahn (Bruxelles) Ch. Arich (NImes), D. Baron (Nantes), L. Gutmann (Paris), M. Hemmer (Luxembourg), G. Nitenberg (Villejuif), P. Petitprez (Clamart). Comit~ d'Organisation : R.J.Kahn (Bruxelles), B. Regnier (Paris), J. Carlet (Paris). Secretariat : J.B. Vercken (Garches) Bureau : J. Carlet (Paris), P. Loirat (Suresnes), F. Nicolas (Nantes), G. Offenstadt (Paris), P. de Rohan Chabot (Longjumeau), J.C. Rapha~l (Garches), A. Tenaillon (Evry). C'est la relation directe avec rhospitalisation plus qu'un d~lai, classiquement 48-72 h par rapport ~ rad- mission, qui d~finit rinfection nosocomiale. L'inci- dence globale des infections nosocomiales est d'en- viron 5 %, dont 15 ~ 20 % sont des infections res- piratoires basses. Les pneumopathies nosocomiales sont particuli~rement frgquentes en r~animation, essentiellement sous ventilation m~canique qui re- pr~sente un facteur de risque manifeste, induit des contraites diagnostiques spgcifiques et semble asso- cite ~ une mortalitg importante. II est donc fond~ d'gtudier sp~cifiquement les pneumopathies bactg- riennes acquises sous ventilation m~canique, sujet qui a fait robjet ces derni~res ann~es d'un nombre impressionnant de publications aux messages dis- cordants. Une Confgrence de Consensus s'est tenue sur ce th~me au CHU Bic~tre le 13 octobre 1989. Elle n'a envisagg que le diagnostic des pneumopathies nosocomiales bact~riennes, non h~matog~nes, acquises sous ventilation m~canique (PAVM). A rissue de cette journge, ofl les experts ont pr~sent~ leurs travaux cliniques et exp~ri- mentaux, le Comit~ du Consensus avait pour mission de r~pondre ~ cinq questions. Ce texte est le r~sumg du document de r~f~rence qui est paru ainsi que les r~sumgs des communica- tions des experts, dans la Revue "R~animation Solns Intenslfs M~decine d'Urgence", (Expansion Scientifique Fran~aise Editeur) 1990, 6, n ° 2. CONNAIT-ON L'INCIDENCE ACTUELLE ET LA MORBIDITE DES PNEUMOPATHIES NOSOCOMIALES SOUS VENTILATION MECANIQUE ? Les ~l~ments de base impliqu~s dans l'apparition d'une PAVM sont : la grande fr~quence d'inhalation des s~cr~tions oropharyng(~es, la modification de la flore oropharyngge qui est rapidement colonis~e par des bacilles Gram nggatif dont rorigine prin- * Cette conference a ~t~ organis~e avec raide des laboratoires Sp~cia et Pfizer ainsi que l'Institut Beecham, les Laboratoires Lederl~, rlnstitut Henri Beaufour, les Laboratoires Iris (Servier), Roger Bellon, Glaxo, Lilly, Ciba-Geigy. Correspondance : J. Cadet - H6pital St Joseph - F-75674 Paris cedex 14. cipale est endog~ne, et enfin la rupture des barri~- res naturelles de d~fense des voles a~riennes et du poumon. Les pneumopathies bact~riennes acquises sous ventilation m~canique peuvent ~,tre soit pr~coces, soit tardives. Les PAVM pr~coces sur- viennent avant le 4 ~me jour. Les germes respon- sables sont alors soit ceux de la sphere oro- pharyng~e chez les patients pr~alablement sains, soit des bacilles Gram n~gatif chez les patients d~j~ hospitalis~s ou chroniquement malades. Ce groupe repr~sente 50 % des pneumopathies nosocomiales. Les PAVM tardives sont habituellement li~es ~ des 304

5e conference de consensus en reanimation et medecine d'Urgence Diagnostic des pneumopathies nosocomiales en réanimation 13 Octobre 1989 — Bicêtre

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COMPTE RENDU DE REUNION M~decine et Maladies Infectieuses - - 1 9 9 0 - - 20 - - 6 / 7 - 3 0 4 ~ 3 0 6

5 e CONFERENCE DE C O N S E N S U S EN REANIMATION ET MEDECINE D'URGENCE *

Diagnostic des pneumopathies nosocomiales en r animation

1 3 O c t o b r e 1 9 8 9 - B ic~t re

C o m i t ~ d u C o n s e n s u s : President : R.J.Kahn (Bruxelles) Ch. Arich (NImes), D. Baron (Nantes), L. Gutmann (Paris), M. Hemmer (Luxembourg), G. Nitenberg (Villejuif), P. Petitprez (Clamart).

C o m i t ~ d ' O r g a n i s a t i o n : R.J.Kahn (Bruxelles), B. Regnier (Paris), J. Carlet (Paris).

S e c r e t a r i a t : J.B. Vercken (Garches)

B u r e a u : J. Carlet (Paris), P. Loirat (Suresnes), F. Nicolas (Nantes), G. Offenstadt (Paris), P. de Rohan Chabot (Longjumeau), J.C. Rapha~l (Garches), A. Tenaillon (Evry).

C'est la relation directe avec rhospitalisation plus qu'un d~lai, classiquement 48-72 h par rapport ~ rad- mission, qui d~finit rinfection nosocomiale. L'inci- dence globale des infections nosocomiales est d'en- viron 5 %, dont 15 ~ 20 % sont des infections res- piratoires basses. Les pneumopathies nosocomiales sont particuli~rement frgquentes en r~animation, essentiellement sous ventilation m~canique qui re- pr~sente un facteur de risque manifeste, induit des contraites diagnostiques spgcifiques et semble asso- cite ~ une mortalitg importante. II est donc fond~ d'gtudier sp~cifiquement les pneumopathies bactg- riennes acquises sous ventilation m~canique, sujet qui a fait robjet ces derni~res ann~es d'un nombre impressionnant de publications aux messages dis-

cordants. Une Confgrence de Consensus s'est tenue sur ce th~me au CHU Bic~tre le 13 octobre 1989. Elle n'a envisagg que le diagnostic des pneumopathies nosocomiales bact~riennes, non h~matog~nes, acquises sous ventilation m~canique (PAVM). A rissue de cette journge, ofl les experts ont pr~sent~ leurs travaux cliniques et exp~ri- mentaux, le Comit~ du Consensus avait pour mission de r~pondre ~ cinq questions.

Ce texte est le r~sumg du document de r~f~rence qui est paru ainsi que les r~sumgs des communica- tions des experts, dans la Revue "R~animation Solns Intenslfs M~decine d'Urgence", (Expansion Scientifique Fran~aise Editeur) 1990, 6, n ° 2.

CONNAIT-ON L'INCIDENCE ACTUELLE ET LA MORBIDITE DES PNEUMOPATHIES NOSOCOMIALES SOUS VENTILATION MECANIQUE ?

Les ~l~ments de base impliqu~s dans l'apparition d'une PAVM sont : la grande fr~quence d'inhalation des s~cr~tions oropharyng(~es, la modification de la flore oropharyngge qui est rapidement colonis~e par des bacilles Gram nggatif dont rorigine prin-

* Cette conference a ~t~ organis~e avec raide des laboratoires Sp~cia et Pfizer ainsi que l'Institut Beecham, les Laboratoires Lederl~, rlnstitut Henri Beaufour, les Laboratoires Iris (Servier), Roger Bellon, Glaxo, Lilly, Ciba-Geigy. Correspondance : J. Cadet - H6pital St Joseph - F-75674 Paris cedex 14 .

cipale est endog~ne, et enfin la rupture des barri~- res naturelles de d~fense des voles a~riennes et du poumon. Les pneumopathies bact~riennes acquises sous ventilation m~canique peuvent ~,tre soit pr~coces, soit tardives. Les PAVM pr~coces sur- viennent avant le 4 ~me jour. Les germes respon- sables sont alors soit ceux de la sphere oro- pharyng~e chez les patients pr~alablement sains, soit des bacilles Gram n~gatif chez les patients d~j~ hospitalis~s ou chroniquement malades. Ce groupe repr~sente 50 % des pneumopathies nosocomiales. Les PAVM tardives sont habituellement li~es ~ des

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baciUes Gram n~gatif. L'incidence de ces pneumo- pathies bact~riennes acquises sous ventilation m~- canique est tr~s variable, de 3,5 ~ 84 % dans la litt~rature, avec une moyenne de 30 %. La morta-

lit~ varie de 12 ~ 61%. Cette large ~chelle est li~e d'une part ~ la diversit& des patients ~tudi~s, d'autre part ~ la variabilit~ des crit~res diagnostiques et bact~riologiques utilis~s.

EXISTE-T4L DES SIGNES CLINIQUES, RADIOLOGIQUES OU BIOLOGIQUES NECESSAIRES POUR EVOQUER LE DIAGNOSTIC DE PNEUMOPATHIE NOSOCOMIALE SOUS VENTILATION MECANIQUE ?

Lorsque le poumon est ant~rieurement sain, l'~l~ment d~terminant du diagnostic est rapparition, et la persistance au moins 24 h, d'un nouvel infiltrat parenchymateux sur une radiographie de thorax de bonne qualitY. Cet infiltrat peut s 'accompagner d'une temperature ~lev~e ou d'une hypothermie, d'une leucocytose augment&e ou diminu~e, de s~cr~tions trach&ales purulentes, d'alt~ration des ~changes gazeux. Tous ces signes sont tr~s sensibles mais peu sp~cifiques. Lorsque le poumon est ant~rieurement pathologique (SDRA, contu-

sion...), les modifications radiologiques peuvent ~.tre difficiles ~ interpreter. C'est clans ces cas, malgr~ sa r~alisation difficile sous ventilation m~canique, que la tomodensitom~trie pourrait apporter une aide, mais cet examen demande & ~tre valid~. M~.me Iorsque le tableau clinique et radiologique est au complet, le diagnostic de pneumopathie bact~rienne acquise sous ventilation m~canique requiert une confir- mation bact~riologique, car 50 ~ 70 % des malades suspects cliniquement n'ont pas de pneumopathie infectieuse d~montr~e.

QUELLE EST LA PLACE RESPECTIVE, LA FAISABIUTE, LA REPRODUCTIBIUTE, LES RISQUES ET LE COUT DES DIFFERENTES INVESTIGATIONS A VISEE BACTERIOLOGIQUE ACTUELLEMENT DISPONIBLES ?

De nombreuses techniques de pr~l~vement ~ vis~e diagnostique ont ~t~ propos~es. Elles peuvent se subdiviser en :

1) m~thodes pro tegees distales dirig~es par fibroscopie avec cultures quantitatives (brosse t~l~scopique protegee, pr~l~vement distal protege) ; 2) m~thodes protegees distales non dirig~es avec cultures quantitatives (brosse t~l~scopique protegee introduite par sonde de Metras, pr~l~vement distal prot~g~ & raveugle) ; 3) m~thodes semi-prot&g~es distales non dirig~es sans culture quantitative (lavage alv~olaire par catheter ~ ballonnet) ; 4) m~thodes non prot&g~es distales dirig&es par fibroscopie avec culture quantitative (lavage b ronchiolo-alv&olaire) ; 5) m~thodes non protegees, non distales avec ou sans culture quantitative (aspiration trach~ale).

A la lumi&re des donn~es physiopathologiques et exp~rimentales concernant les PAVM, le pr~l~- vement ideal doit, pour distinguer colonisation et infection, comporter au minimum les caract~- ristiques suivantes : ~tre protege, distal, au mieux dirig~, permettre des cultures quantitatives avec un seuil diagnostique valid~ et un examen direct. De tels imp~ratifs imposent une r~alisation technique rigoureuse. Parmi les techniques d~velopp~es pour r~pondre ~ ces crit&res (brosse t~l~scopique prot&- g~e, pr~l~vement distal protege) seule la brosse t~l&scopique, avec un seuil de 103 bact~ries par ml, dispose d'une experience clinique suffisamment con- vaincante. L'inconv~nient en est rabsence d'exa-

men direct. A l'inverse, le lavage bronchiolo-alv~o- laire sous fibroscopie, apr&s cytocentrifugation du produit de lavage et compte ~ rexamen direct des cellules contenant des bact~ries, permet une r~ponse rapide. Le seuil de 5 % de cellules infect~es par des bact~ries est celui qui parait actuellement le plus performant. Par contre, la culture quantitative du liquide de lavage ne peut ~.tre utilis~e car nettement moins sp&cifique. Le pr~l&vement distal prot~g~ gagne en sensibilitY, ce qui peut ~tre consid~r~ comme un objectif prioritaire, mais n'est pas encore suffisamment valid~. L'aspiration ira- ch~ale non protegee est un examen tr~s sensible mais peu sp~cifique et ne peut ~tre utilis~e pour un diagnostic de pr~somption. Par contre, n~gative, elle permet d'exclure totalement le diagnostic de PAVM. Ces techniques n'ont ~t~ valid~es que chez les patients immunocomp~tents, sans traitement antibiotique, ou sous antibiotiques prescrits pour une autre infection et non r~cemment modifies. La reproductibilit~ et les cof~ts de ces techniques sont mal estim~s. Si les risques du brossage distal prot~g~ (pneumothorax, h~moptysie) apparaissent faibles (< 1%), ceux potentiellement li~s au lavage bronchiolo-alv~olaire (d~gradation de rh~matose, ensemencement alv~olaire...) restent ~ ~valuer en terme de risque/b~n~fice. En pratique courante, il est probable que la rentabilit& diagnostique de ces techniques est moindre que celle rapport~e au cours des ~tudes de validation.

Une excellente coordination entre les cliniciens et le laboratoire est un pr~-requis important ~ leur utilisation.

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QUELS SONT LES CRITERES DIAGNOSTIQUES DE CERTITUDE ET DE PRESOMPTION D'UNE PNEUMOPATHIE NOSOCOMIALE SURVENANT SOUS VENTILATION MECANIQUE EN 1989 ?

Le diagnostic de PAVM doit 0Are ~voqu6 devant toute anomalie radiologique nouvelle ou route modi- fication d'une image pr~existante, et ce d'autant que s'y associe un syndrome infectieux. La sp~cificit~ de ce syndrome radioclinique reste cependant m& diocre, inf~rieure /~ 50 %, rendant la confirmation bact~riologique indispensable. En dehors des cas assez rares ou un isolement bact~rien est possible partir de la ponction d'une pleur~sie homolat~rale ou d'un abc~s pulmonaire, le diagnostic de certitude de PAVM repose sur les donn~es histologiques et bact~riologiques du poumon atteint. Celui-ci est exceptionnellement accessible en pratique clinique, en raison des risques de la biopsie pulmonaire chez les patients ventil~s. Le diagnostic de pr~somption le plus fiable semble ~tre assure, en 1989, par le couplage d'une culture quantitative par brossage distal, protege, dirig~ sous fibroscopie, et de l'exa- men cytobact&riologique direct clu lavage bronchio- Io-alv~olaire apr~s cytocentrifugation. La brosse t~l~scopique prot&g&e, utilisi~e seule, ignore 10 %, voire plus des PAVM authentiques, mais repr~sente actuellement un excellent compromis lorsque l'6tat du patient ou les conditions techniques locales ne permettent pas de r6aliser un lavage bronchiolo- alv~olaire dans de bonnes conditions. Les autres m&thodes, qu'elles soient non dirig&es ou non quan- titatives, ne peuvent pas actuellement ~tre recom- mand~es. Un examen direct de l'aspiration trach~ale n~gatif (voire la culture en dehors d'un contexte d'urgence) permet cependant en pratique, d'~liminer le diagnostic de PAVM. L'ensemble de ces recom- mandations est en d~faut, ou insuffisamment valid~, en cas d'institution ou de modification r~cente d'.une antibioth~rapie, en particulier dirig~e contre les ba- cilles Gram n6gatif.

L'arbre de d~cision ci-joint peut 0.tre propos&, du moins chez les patients sans traitement anti- biotique.

FIGURE 1

Schema d~cisionnel diagnostique et th~rapeutique en cas de suspicion de PAVM chez le malade non

soumis 8 une antibioth~rapie (ATB) r~cente ou r~cemment modifi&e (48-72 h).

] ANOn! L~IESRX

1 CULTURE (BTP)

ET EXAMEN DIRECT (LBA)

EXAMEN DIRECT*

CULTURE* CULTURE -

l "~ ' LA pA~VM NE

ADAPTATION ATB [ I SELON ANTIBIOGRAMME I

BTP = Brosse t616scopique prot6g6e LBA = Lavage bronchlolo-alv6olaire

EXAMEN DIRECT -

ATB EMPIRIQUE ATB - 0

CULTURE - CULTURE ~

1:

? ADAPTATION ATB ]

SELON ANTIBIOG RAMME

T24 h

T48 h

CHEZ QUELS MALADES ET SUR QUELLES BASES FAUT-IL ENTREPRENDRE UNE ANTIBIOTHERAPIE EMPIRIQUE ?

Devant une pneumonie apparaissant sous venti- lation m~canique, les ~l~ments d~cisionnels d'une antibioth~rapie empirique sont :

(1) ceux qui t~moignent de la gravit6 de l'~tat in- fectieux et /ou de la pneumopathie bact~rienne : d& t~rioration des (~changes gazeux et de l'~tat h~mo- dynamique, extension rapide de rimage radiologique, signes biologiques de d~faillance visc~rale aigu~,

(2) ceux qui sont li~s ~ un contexte ~pid~mique parti- culler (ex : Legionella, Serratia, Acinetobacter...).

Le choix de l'antibioth~rapie empirique se fonde sur les r~sultats de l'examen direct, les esp~ces bact~- riennes qui pr~dominent dans le service et leurs ca- ract~res de r6sistance, l'origine du patient, la nature de l'antibioth~rapie pr~alable. Cette antibioth~rapie empirique doit ~tre r~ajust~e sur les r~sultats bact~- riologiques d~s que possible.

Directrice de la Publication : C. GALLULA - D6p6t 16gal 2 ~me trimestre 1990 - CPPP 51460 - Imprimerie du Maine Libre - Le Mans

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