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8e art magazine - n°24

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Art & Culture • Free Magazine • Marseille-Provence

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8e art magazine • mars-avril 20132

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+ 60 : Marseille-Provence 2013 bat son plein et atteint son rythme de croisière. Depuis que les « anges » sont passés, l’off re culturelle est devenue pléthorique. Une aubaine pour les journalistes et les passionnés, mais aussi, parfois, un casse-tête, car le menu ressemble à la carte de certains restaurants chinois : aussi foisonnante qu’énigmatique. Pour guider ses lecteurs et remplir au

mieux sa mission, 8e art s’enrichit de nouvelles rubriques. De nouveaux rendez-vous structurent la première partie du magazine comme autant de mise en bouche ou hors d’œuvres. L’occasion de découvrir de nouveaux lieux, s’attarder sur une œuvre, un objet ou un mur marseillais, lire, écouter, se promener dans la région… Suit l’entrée : un « focus » thématique sur Les Mille et une nuits à la mode de Marseille-Provence 2013, c’est-à-dire mijotées par Macha Makeïeff et Angelin Preljocaj, pour ne citer que les chefs étoilés. Le plat principal – de saison – décline une bonne douzaine de manière de prendre un bon bol d’art. Cette sélection de manifestations artistiques à ciel ouvert souligne une tendance actuelle de l’art à sortir de ses cadres traditionnels et institutionnels. Le phénomène est bien plus qu’une mode et révèle la volonté des artistes d’aller à la rencontre du réel comme du public. Initiés ou labélisés par Marseille-Provence 2013, une foule de projets printaniers invitent au voyage. On va pouvoir parcourir le GR®2013, tracé comme une œuvre d’art ; écouter un opéra minéral sur la sainte-Victoire ou une symphonie éolienne aux Goudes ; goûter les œuvres – et le vin – du Château La Coste, mais aussi les recettes de chefs proposées par les Grandes Carrioles  ; découvrir sous un jour inédit le Panier, la Belle de Mai, les tunnels marseillais et les jardins du Pharo ; explorer la ville ou ses environs en compagnie d’artistes… Pas encore rassasié ? En guise de farandole des desserts, les pages «  Sortir  » proposent un assortiment de concerts, ballets, spectacles et expositions, ainsi qu’une nouvelle rubrique « enfants ». Bon appétit !

J

8e art est une publication bimestrielledes Editions Bagatelle19, avenue de Delphes 13006 Marseille09 81 80 63 79Numéro ISSN : En cours d’attributionDépôt légal : Mars 2013

Directeur général : Nicolas [email protected]

Directeur de la publication : Frédéric [email protected]

Rédactrice en chef : Emmanuelle [email protected]

Direction artistique : Jonathan [email protected]

Logistique, diffusion et partenariats :Romuald [email protected] 91 41 63 79

Webmaster éditorial : Léa [email protected]

Ont collaboré à ce numéro : Joël Assuied, Cécile Cau, Léa Coste, Fred Kahn, Marco Jeanson, Olivier Levallois.

Service commercial : 09 81 80 63 79

Tirage : 20.000 exemplaires

Impression :

ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUISTél. 04 90 68 65 56

La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.

En couverture. Château La CosteTom Shannon, Drop, 2009© Tom Shannon 2012

MARSEILLE-PROVENCEART&CULTURE FREEMAGAZINE

Emmanuelle Gall

24#mars - avril 2013

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24#MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

mars - avril 2013

ACTUS

LE GUIDE

Croquis croquants de Malika Moine

LA BALLADE

La Fondation Blachère fête ses dix ans

L’ALBUM

Raphaël Imbert,

Heavens, Amadeus & The Duke

LE RESTAURANT

Taxi 2, le retour de Fabien Rugi

LA REVUE

Esprit de Babel

LA LIBRAIRIE

La salle des Machines

LE VILLAGE DE

David Walters

L’OEUVRE

Michelangelo Pistoletto

Love Difference, Mar Mediterraneo

L’ENDROIT

La nouvelle Friche,

guide de l’utilisateur

L’ARTISTE

Bernard Pesce,

photographe pour femmes

LE MUR

Lapins malins

L’OBJET

La chaise photographique

08

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LA RENCONTRE

Stéphane Moginot

L’homme (qui) orchestre Watt !

FOCUS

LES MILLE ET UNE NUIT DE MARSEILLE-PROVENCE 2013

Ali Baba, l’Orient rêvé de Macha Makeïeff

Les Nuits féminines d’Angelin Prejlocaj

Murielle Mayette invite l’Orient à la Comédie-

Française

A suivre...

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42

46

50

52

14

42

SOMMAIRE

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L’ÉVÉNEMENTLa région inaugure

ses chefs-d’œuvre

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DOSSIERL’ART PREND L’AIR

GR®2013

La randonnée à l’œuvre

Oiseaux tonnerre

Des profondeurs aux sommets

Pierre Sauvageot

Créations pour grands espaces

Château La Coste

De l’art et du vin

Parcours urbains

Recréer la ville

Quartiers créatifs

Jusque dans les tunnels

JR

La Belle de Mai s’affiche

Bernar Venet

Désordre au Pharo

Les grandes Carrioles

Entre street art et street food

56

58

72

62

75

64

78

68

80

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SCÈNES100

MUSIQUES104

EXPOS

ENFANTS

110

116108

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78 PORTFOLIO

Rencontres du 9e art

GEORGES ET SES « AFFICHES À JOUER »

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Encensée par les journalistes locaux, parfois dénigrée par leurs collègues parisiens, la fête d’ouverture de Marseille-Provence 2013 aura laissé à chacun des quelque 400 000 spectateurs présents une impression et un souvenir diffé-rents. Au gré de leur parcours, des rencontres et hasards − heureux ou malheureux −, les Marseillais ont en tous cas vécu une soirée unique et mémorable. Et ceux qui se trouvaient cours d’Estienne d’Orves, à 19 h ou à 23 h, ne

sont pas près d’oublier le passage des anges des Studios du Cirque. S’il ne fallait garder qu’une image de la soirée du 12 janvier, ce serait sans doute celle de l’apparition dans le ciel marseillais des voltigeurs inondant la place de millions de plumes. Un moment de magie et de poésie à l’adresse de tous, sans exception : minots, ados, anciens, touristes ou intellectuels… Puisse 2013 nous réserver d’autres moments comme celui-là.

DES ANGES SONT PASSÉS… Photo Marco Jeanson

ACTUS LA PHOTO

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ACTUS CINÉMA

Cette année, Les Rencontres du cinéma sud-américain, dont l’invité d’honneur est le cinéaste mexicain Jorge Fons, se déroulent du 15 mars au 30 avril. Pour cette 15e édition, la programmation développe le thème de l’errance et des racines, à travers quarante-six films, courts et longs, de fiction ou documentaires, provenant de onze pays sud-américains. L’occasion d’évoquer les destins de ceux qui, du Vieux au Nouveau Monde, immigrés, émigrés ou autochtones, ont été pris dans les grandes migrations de l’Amérique du Sud. Six cinéastes participent aux différents débats. La soirée du 19 mars est consacrée à l’Argentin Juan Pablo Zamarella, avec une rétrospective et une mas-ter class sur les techniques d’animation (stop motion).

Du 15 au 23 mars, Friche de la Belle de Mai.Et du 24 mars au 30 avril, dans une dizaine de lieux de la région. Renseignements : 04 91 48 78 51. www.cinesud-aspas.org

À LA RENCONTRE DES RÉALISATEURSJusqu’au 13 avril, la nouvelle édition des Écrans voyageurs, pilotés par l’association Cinéma du Sud propose un parcours cinématographique – en sept escales – à la rencontre d’autant de réalisateurs invités et de leurs œuvres. Au programme : des rétrospectives, des leçons de cinéma et des cartes blanches, le tout décodé par quelques critiques de la revue Positif. Après Santiago Mitre à Arles, Laurent Cantet à Martigues et Marco Tullio Giordana à Vitrolles, durant le mois de février, l’itinérance cinéphilique se poursuit. Le week-end du 9 et 10 mars, le cinéma Le Mélies à Port-de-Bouc propose une rétrospective Rabah Ameur Zaïmeche, dont le regard porté tantôt sur notre époque (Wesh Wesh, Dernier maquis), tantôt sur les aventures de hors-la-loi du XVIIIe siècle (Les Chants de Mandrin), traduit la permanence d’un questionnement social et politique. L’escale suivante aura lieu à Marseille. Du 20 au 24 mars, L’Alhambra reçoit Walter Salles, le réalisateur de Carnet de voyage et du récent Sur la route (adaptation du livre mythique de Jack Kerouac). Une rencontre placée sous le signe du mouvement et du voyage. Puis, du 5 au 9 avril, on pourra (re)découvrir, à L’Institut de l’Image d’Aix, l’œuvre du Philippin Brillante Mendoza. Son travail, en estompant de manière troublante la frontière entre fiction et documentaire, interroge le sentiment de réel dans une narration fictionnelle. Enfin, la dernière escale nous conduira à Salon-de-Provence, du jeudi 11 au samedi 13 avril, aux Arcades et au Club, avec l’univers burlesque et chorégraphique du duo formé par Dominique Abel et Fiona Gordon. Derrière l’apparence de l’esthétique acidulée de comédie musicale des années 60, c’est l’indicible des sentiments humains, de l’amour à la mort, que ces héritiers de Tati, Chaplin, Keaton ou d’Étienne Decroux mettent en scène.

www.cinemasdusud.com

DES RACINES ET DES HOMMES

ÉCRANS VOYAGEURS

LES RENCONTRES DU CINÉMA SUD-AMÉRICAIN

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ACTUS MP2013

COLLOQUE DE TANGER, LE RETOUREn 1975, Le Colloque de Tanger réunissait, dans la ville ma-rocaine, des artistes et intellectuels autour de Brion Gysin et de William S. Burroughs : écrivains, poètes et performeurs de la beat génération. Près de quarante ans après cette initia-tive de l’écrivain Gérard-Georges Lemaire, le CIPM (Centre International de Poésie Marseille) organise une nouvelle édition de l’événement, en collaboration avec l’Institut fran-çais et le Salon du livre de Tanger. La manifestation débute à Tanger et se poursuit dans la région. Plusieurs concerts, lectures, performances, expositions, projections, spectacles vivants sont programmés. Une incitation à se (re)plonger dans l’aventure expérimentale et poétique initiée par la gé-nération pour qui penser, créer et voyager participaient d’un même élan vital.

Du 11 au 14 avril, CIPM.Centre de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité, Marseille, 2e. 04 91 91 26 45. www.cipmarseille.com

C’EST QUOI CE SOUK (DES SCIENCES) ?De drôles d’étals itinérants investissent la place publique. On n’y vend rien, mais on y donne  : des théories scientifiques, des expériences amusantes, des démons-trations, de physique, d’astronomie, de chimie, de naturalisme, de biologie. « Si tu ne vas pas à la science, la science viendra à toi », pourrait être la devise de ce Souk des sciences, qui fête ses dix ans cette année en s’inscrivant dans la pro-grammation Marseille-Provence 2013. Initié par l’Espace Science et Culture de l’Université de Provence, le propos est de faire se rencontrer chercheurs et grand publique autrement. Cette année le Souk s’installe dans quatre lieux, avec une thématique chromatique pour cha-cun d’eux : rouge (le 3 avril à Gardanne), vert (le 10 avril à l’Estaque), rose (le 15 mai à Aix) et bleu (le 22 mai à Belsunce).

Renseignements : 04 13 55 10 92. http://maisondessciences.univ-provence.fr

PENDANT CE TEMPS À KOŠICE…Dans l’autre capitale européenne de la culture, le mois de mars est consacré à l’audiovisuel et au cinéma, à l’occasion du 20e anniversaire du Festival Febio Fest (traditionnellement basé à Prague). Au programme : une sélection de fictions et de documentaires slovaques patrimoniaux ou contemporains, ainsi qu’une rétrospective de l’œuvre de Juraj Jakubisko, un scénariste et cinéaste emblématique de la région. Marseille est aussi à l’honneur des écrans slovaques, avec la présentation de quelques-uns des longs métrages du réalisateur Robert Guédiguian, dans le cadre du programme d’échange entre les deux villesEn avril, notre alter ego culturel se tourne vers la bande dessinée et le roman graphique. La Maison Européenne de poésie de Košice présente, à travers plusieurs expositions, une sélection importante de bandes dessinées et romans graphiques franco-belges.

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ACTUS EN BREF

LES MERCREDIS DE MONTÉVIDÉONon, Montévidéo n’est pas fermé. Le lieu dédié aux pratiques d’écritures contempo-raines et aux musiques improvisées lance même un nouveau rendez-vous hebdoma-daire, chaque mercredi soir, « de 19h30 à minuit pile ». Au programme : lectures, concerts, performances, ou projections, proposés, notamment par des artistes en résidence à Montévidéo. Le 13 mars, l’écrivain et performeur Christophe Fiat rencontre le musicien et plasticien Nicolas Fenouillat. Le 27 mars, c’est le GRIM qui programme le 3e volet de sa série Impasse Invaders : l’Américain Lee Noble (ambient psyché) et le trio Powerdose (folk improvi-sée intimiste), formé autour de la pianiste et accordéoniste Annie Lewandowski.

Montévidéo. 3, impasse montévidéo, Marseille, 6e. 04 91 37 97 35. www.montevideo-marseille.com

YES, THEY CAMPDerrière leur slogan au militantisme empreint d’autodérision, «  Yes, we Camp  », on trouve l’un des projets les plus enthousiasmants du off de Marseille-Provence 2013. Imaginez un camping de 150 places qui serait en même temps un espace de rencontre créatif, festif et écologique ouvert à tous. Un camping participatif accueillant toutes les bonnes volontés  : artistes, bricoleurs, militants, écolos, urbanistes, architectes, voisins ou simple curieux. Imaginez encore que ce camping expérimental se trouve à la fois dans la ville, près des falaises et en bord de mer. Une utopie ? C’est pourtant bien le projet que l’équipe de Yes, we camp s’apprête à réaliser le temps d’une saison estivale. Après la présentation à La Friche d’un « prototype festif » en janvier dernier, lors du week-end d’ouverture de Marseille 2013, un appel à propositions a été lancé. Entièrement financé par contributions, le projet entre à présent dans sa phase de réalisation. Du 1er au 22 avril, débutera le chantier collectif sur le port de la Lave à L’Estaque, zone limitrophe à la frontière nord de Marseille, entre ville et nature, site touristique et zone industrielle. Une fois achevé, le camping sera doté d’une scène, d’une buvette-restaurant, de sanitaires écologiques, de résidences d’artistes, d’échoppes, d’un potager mobile, d’espaces de jeux et de travail pour petits et grands. Les projets retenus se grefferont à ces premières infrastructures. Des animations seront programmées  : concerts, ateliers, performances, jeux, et un week-end festif par mois. Pensé sur le modèle du village, le lieu se veut perméable à son environnement proche. Comme le précise Eric Pringels, l’un des initiateurs du projet  : «  Ce camping ouvre un espace et un temps pour expérimenter une nouvelle pratique d’habitation urbaine. Cette expérience est un mélange entre l’architecture contemporaine, les pratiques écologiques et les campements de Roms, sans chercher cependant à être dans un militantisme direct. » They have a dream…

Port de la Lave, l’Estaque, Marseille, 16e. Chantier collectif, du 1er au 24 avril. Ouverture du camping : du 26 avril au 30 septembre.www.yeswecamp.org.

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Stéphane Moginot

L’HOMME (QUI) ORCHESTRE WATT !

Propos recueillis par Olivier Levallois

LA RENCONTRE

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LA RENCONTRE STÉPHANE MOGINOT

l est aujourd’hui le chef de projet «  Mu-sique et Cultures ur-baines  » de Marseille-Provence 2013. Une fonction que Stéphane

Moginot doit à quinze années pas-sées dans l’industrie de la musique, dont une grande partie dans la ré-gion. L’homme, qui se décrit comme un « curieux maladif », est un passi-onné de voyages, de rencontres et de musique. Il raconte avec un enthou-siasme communicatif son projet du moment, Watt  !, qui a débuté avec des résidences d’artistes, il y a plus-ieurs mois, et se conclut, en mars, sur trois jours de concerts durant Babel Med Music. Pourquoi ce nom, Watt ?Watt, au départ, c’est l’unité de puissance électrique des instruments de musique. Mais, ici, ce sont les initiales de la phrase «What about today and tomor-row ?» Qu’en est-il d’aujourd’hui et de demain ?

Comment s’est construite la programmation ?On n’est pas parti d’une page blanche. Il y a eu un appel à projet. Il a fallu faire un tri, par rapport à la qualité artistique, la capacité des opérateurs à por-ter ces projets. Puis, on a dû les agencer dans une programmation cohérente. J’aime travailler avec des contraintes. Je trouve ça plus stimulant que de partir de zéro. Cela m’amène à chercher des choses que, de moi-même, je n’aurais pas eu le temps ou la volonté de chercher.

J’imagine que cette première sélection ne s’est pas faite sans difficulté…Déjà, il faut appréhender le territoire, ses acteurs, ses artistes, ses opérateurs. Sans prétendre tous les connaître, à force de travailler dans la région, j’ai une bonne idée de ce qui s’y trame. Cela m’a permis de savoir assez rapidement si les projets étaient viables, et surtout si on pouvait éventuelle-ment rapprocher certaines personnes pour qu’ils travaillent ensemble. Le ‘‘travailler ensemble’’ c’est quelque chose d’important, qui manque au terri-toire. Ce projet était une opportunité pour favori-ser ces rapprochements.

Sur le papier, Watt ! est protéiforme. Il est inter-national, local, et implique différentes tempora-lités, différents médiums, et une cinquantaine d’artistes. Pouvez-vous traduire cette apparente complexité ?Watt  !, c’est avant tout cinq résidences d’artistes, en Égypte, en Algérie, en Tunisie, et (deux) à Aix, produisant cinq créations. D’une part, il semblait intéressant de mettre en présence des acteurs de la scène des musiques actuelles marseillaises avec la jeunesse du monde arabe, qui a vraiment des choses urgentes à dire. Et, d’autre part, de les faire rencontrer des pionniers de la diaspora arabe, venant de la scène hip-hop américaine qu’ils écoutent tous. Je pense, entre autres, à l’Irakien The Narcisyt et la chanteuse algérienne, Meryem Saci, tous deux installés au Canada, ou encore à Omar Offendum, un Syrien vivant à Los Angeles.

Comment ont été pensés ces rapprochements ?L’idée n’était pas de jouer au grand manitou et d’envoyer des Égyptiens en Tunisie ou des Liba-nais au Maghreb sans raison. C’est une mise en re-lation d’artistes qui ont, selon moi, quelque chose à se dire. Dans la création Sound(Z) of freedom, il y a Kalash l’afro, qui est d’origine tunisienne. On a trouvé intéressant qu’il aille dialoguer avec les rappeurs tunisiens d’Armada Bizerta, qui étaient en première ligne lors de la révolution. Mais on

« LE ‘‘TRAVAILLER ENSEMBLE’’, C’EST QUELQUE CHOSE D’IMPORTANT QUI MANQUE AU TERRITOIRE. »

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n’a pas voulu non plus systématiser et plaquer un schéma d’organisation. Pour la création Kheper/Watt !, on a fait se rencontrer Imhotep d’IAM avec le rappeur Yassin Alsaman, alias The Narcisyst. Ce dernier m’a expliqué qu’il a commencé le rap en écoutant IAM. Là, c’est davantage la diaspora arabe qui rencontre la scène hip-hop marseillaise.

Comment s’est concrètement organisée la greffe entre Watt ! et Babel Med Music ?La coproduction entre Marseille-Provence 2013 et le festival a permis de créer une scène supplémen-taire dédiée aux nouveaux sons de la Méditerranée, pour y présenter quatre groupes. En outre, le fes-tival accueille les cinq créations de Watt ! pendant trois jours, à raison de trois groupes par soirée.

Il y a les résidences, les concerts, mais aussi des films dans ce projet. Pourquoi cette troisième forme artistique ?On a compris que ce projet n’allait pas se gagner uni-quement avec du monde devant une scène. Il peut aussi perdurer à travers des films. Voilà pourquoi on a demandé à la journaliste Hind Meddeb d’Arte de nous suivre, afin de réaliser un making of de cinq films de cinq minutes chacun. L’autre contrepoint filmique du projet est une série de cinq courts-mé-trages musicaux, mis en scène de manière décalée

et poétique par le réalisateur Stéphane Barbato. Produits par Mécènes du Sud et Marseille-Pro-vence 2013, ils ont été réalisés, en qualité cinéma, dans des lieux insolites des entreprises du territoire.

Quels sont vos critères personnels de réussite pour ce projet ?Son existence est déjà une réussite. Avoir pu créer ces échanges fait aussi partie intégrante du succès du projet. J’espère que ça va donner envie à tous ces artistes de continuer à dépasser leurs frontières géographiques et musicales. Par exemple, avant la résidence en Égypte, les musiciens de l’électro chaa-bi et du hip-hop ne travaillaient pas ensemble. De-puis, j’ai appris que Sadat, figure de l’électro Chaabi au Caire, et le rappeur MC Amin viennent de faire un concert commun. Nous, les organisateurs, ne sommes que des chevilles ouvrières, des passeurs.

WATTDu 21 au 23 mars 2013, au Théâtre du Bois de l’Aune (Aix-en-Provence) et pendant Babel Med Music (Marseille).

WWW.dock-des-suds.org mp2013.fr.

TROIS QUESTIONS À

Ahmad CompaoréBatteur et percussionniste marseillais d’origines égyptienne et burkinabé, Ahmad Compaoré est le directeur artistique de Zamalek, la création produite lors de la résidence égyptienne du projet Watt.

Comment avez-vous intégré le projet Watt ?J’ai répondu à l’appel à projet de Marseille-Provence 2013, qui a retenu mon festival «Musique Rebelle». Stéphane Moginot m’a par la suite rencontré, pour me parler de leur désir de travailler autour du hip-hop arabe méditer-ranéen. Découvrant mes origines égyptiennes, il m’a proposé de partir au Caire, pour rencontrer des artistes comme Arabian Knightz ou MC Amin.

Votre domaine musical habituel c’est plutôt l’improvisation. Com-ment s’est passée la rencontre avec les rappeurs égyptiens ?À l’origine, je viens de cette culture hip-hop. Travailler avec des rappeurs c’est donc pour moi un retour aux sources. Le fait d’y revenir aujourd’hui, après d’autres expériences, est intéressant. Depuis plus de dix ans, je vais régulièrement en Égypte. Aussi, cette musique, je la connaissais. Mais dans le hip-hop, ici ou là-bas, l’important c’est de mettre en valeur les textes, de créer un son, un groove servant bien le flow du chanteur. C’est aux musiciens de faire ce chemin vers eux. Le rythme tient une place essentielle. Il donne une forme de revendica-tion, d’engagement militant à cette musique.

Quelle est la particularité du rap égyptien par rapport à d’autres scènes ? Ils ont su utiliser la musique traditionnelle pour se créer une identité pro-pre, sans chercher à copier le son américain. Et il y a aussi un danger, une urgence, un engagement dans le flow des chanteurs. Tu sens qu’ils ont vraiment envie que ça change. Aujourd’hui, ils ont le meilleur esprit pour cette musique.

Le 21 mars, 19h30, Théâtre du Bois de l’Aune, 1 bis, place Victor Schoelcher, Aix-en-Provence. 04 42 93 85 43. Entrée libre. (réservation conseillée). Le 23 mars, 19h, Docks des Suds, 12, rue Urbain V, Marseille, 2e, 04 91 99 00 00. 15 €.www.musiquerebelle.com

LA RENCONTRE STÉPHANE MOGINOT

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L’OEUVRE LOVE DIFFERENCE, MAR MEDITERRANEO

l’heure où Marseille-Provence 2013 célèbre la Mé-diterranée, dans tous ses états, une œuvre « mar-seillaise » mérite d’être (re)découverte. C’est Love

Difference, Mar Mediterraneo de l’artiste italien Miche-langelo Pistoletto, acquise en 2007 par le Fonds National d’Art contemporain et conservée au [mac]. L’installation se compose d’une table de huit mètres de long, découpée dans un miroir reproduisant les contours de la Méditerranée, de trois tapis de prière et de vingt-deux sièges disparates. Au-tant de chaises, fauteuils, poufs que de pays bordant la mer, mais aussi, que de cultures et d’identités aux rapports sou-vent conflictuels. Dans la salle du musée, rares sont les visi-teurs qui osent activer l’œuvre en s’y attablant. Elle est pour-tant, dans l’esprit de son créateur, une installation à vivre : il faut choisir son siège et faire face à son propre reflet dans le miroir et/ou à ses éventuels commensaux pour en ressentir la portée. Conçue en 2003, pour la Biennale de Venise, la Tavolo del mediterraneo a souvent voyagé et reçu une foule d’artistes et d’intellectuels concernés par le rapprochement

des peuples méditerranéens. À bientôt quatre-vingt ans, le fondateur de l’Arte Povera entend plus que jamais œuvrer pour une société plus tolérante, comme l’indique son slo-gan et mouvement «  pour une politique interméditerra-néenne »  : Love difference. Cette utopie pragmatique, née à la très active fondation Cittadellarte, créée par Pistoletto à Biella, sa ville natale, trouve une juste incarnation dans Love Difference, Mar Mediterraneo. Habile métaphore de cette mer, déjà décrite par Gabriel Audisio en 1935, comme « un continent, non pas un lac intérieur, mais une espèce de continent liquide aux contours solidifiés ».

Michelangelo Pistoletto

LA MÉDITERRANÉE A SA TABLE

[MAC]69, avenue de Haïfa , Marseille 8e.04 91 25 01 07

WWW.mac.marseille.fr

Texte : Emmanuelle Gall • Photo : Vincent Ecochard

À

Michelangelo Pistoletto, Love Difference, Mar Mediterraneo, 2003-2005, miroir, bois, métal, osier, cuir et laine, 800 x 380 cm, Fonds National d’Art Contemporain.

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FRICHE, GUIDE DE L’UTILISATEUR

Par Marco Jeanson

LA CARTONNERIE

ENTRÉE

ENTRÉE

LE STUDIO

LES GRANDES TABLES

SKATE PARK

LA SALLE SEITA

LE PETIT THÉÂTRE

LES ALGECOS

Grâce au « turbo MP 2013 », la Friche est en passe de devenir l’un des principaux pôles culturels de Marseille, programmant 500 événements par an, générant 500 emplois sur une surface

de 45 000 m². Après vingt années de travaux, confiés aux architectes marseillais Mathieu Poitevin et Pascal Reynaud, le site devrait prendre une apparence définitive en 2014.

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41 rue Jobin

12 rue François Simon

CABARET ALÉATOIRE

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L’ENDROIT LA FRICHE LA BELLE DE MAI

LA VILLA DES AUTEURSUne résidence dédiée à la littérature. Elle abrite, à l’étage, un appartement pour les auteurs et leurs invités et, au rez-de-chaussée, la maison d’édition indépendante Le Bec en l’air et l’association Des Auteurs Aux Lecteurs.

LA CRÈCHEConstruite en pierre et en bois, cette crèche associative est ouverte à tous. Depuis le 2 avril 2012, elle accueille 50 enfants.

TOUR-PANORAMAPièce de résistance de la nouvelle Friche, la Tour est un ancien bâtiment industriel du XIXe siècle réhabilité en 4 plateaux d’exposition de 750 m2. Au rez-de-chaussée, ont été installé un espace d’accueil et une librairie-boutique. Depuis le dernier étage, on accède au Panorama, parallélépipède de plastique blanc trônant au sommet de la Friche, lieu d’exposition le plus haut de plafond de Marseille. Entre les deux et s’étalant vers le nord, un toit-terrasse de 7500 m2, qui deviendra à terme une place publique.

L’AIRE DE JEUXEn projet. L’aire de jeux sera un « vrai-faux » train stationné sur une des trois voies encore présentes à la Friche. Deux châssis de wagons de marchandises pour le bonheur des minots.LES MAGASINS

Bâtiment de 7500 m2 réhabilité en bureaux et ateliers pour les artistes et producteurs résidents – une cinquantaine de « frichistes ». Trois espaces accueillent des visiteurs : L’Atelier du Dernier Cri (qui propose un vernissage tous les 13 du mois), Le Petirama (petite salle d’exposition) et Le Transistor (cybercafé dédié aux arts numériques).

LES NOUVEAUX THÉÂTRESIl s’agit de deux salles exclusivement dédiées au théâtre, l’une de 400 places, l’autre de 150. Le chantier, estimé à 4 M d’euros n’a pas encore commencé, mais le public devrait pouvoir en profiter dès le mois d’octobre.

L’INSTITUT MÉDITERRANÉEN DES MÉTIERS DU SPECTACLE L’IMMS, dédié à la formation professionnelle dans le domaine du spectacle vivant (comédiens, techniciens), sera situé entre la salle Seita et la Villa 2013. La livraison du bâtiment est prévue pour mars 2015.

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LA VILLA 2013Située à l’entrée côté rue François Simon, elle doit son nom au fait qu’elle a hébergé l’équipe de la candidature de Marseille à la Capitale européenne de la culture (installée, depuis l’attribution, à la Maison Diamantée). À terme, elle recevra en résidence des artistes de toutes disciplines.

FRICHE DE LA BELLE DE MAI

41, Rue Jobin, 13003 Marseille. 04 95 04 95 04

WWW.lafriche.org

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Racontez-moi votre histoire…  » En 2008, lorsqu’il a passé cette annonce à l’adresse des femmes marseillaises, dans la presse gratuite locale, Bernard

Pesce était loin d’imaginer l’ampleur que prendrait cette aventure. Il était en revanche très déterminé dans son désir d’inverser les traditionnels rôles du photographe et du modèle, de donner à chacune de ces femmes la possibilité d’imaginer sa propre image. Après avoir photographié pendant trente ans les mannequins et les stars pour la presse, il avait envie de rencontrer les femmes autrement, de leur laisser la main. Pour ce faire, il a établi un protocole en trois actes et longuement rencontré ses modèles avant de fixer leur image. Sur les quelque cinq cents femmes rencontrées, quarante sont allées au bout du voyage, en posant à leur guise, devant le même rideau noir. Qu’ont-elles fait de cette liberté ? Le résultat est à l’image de leur diversité. Issues du bassin méditerranéen, du brassage des cultures, ces femmes dévoilent tantôt leur parcours, parfois douloureux, tantôt leurs fantasmes. Si certains de ces portraits peuvent apparaître choquants ou provocateurs, c’est à la mesure des outrages subis et de la violence des secrets longtemps gardés. Dépositaire de ces intimités, Bernard Pesce charge la photographie d’une fonction introspective et/ou cathartique. Au photographe comme à ses modèles, la rencontre aura permis de mieux se connaître. Et, avec cette série, Bernard Pesce affirme autant son humanité que la qualité de son art.

L’ARTISTE BERNARD PESCE

« Personne ne me reconnaît, je suis dans le vide ». Issue d’une famille de Harkis ayant fui l’Algérie, Marie-Louise a découvert la France sous les traits d’un camp militaire. Très sûre de son message, elle a soigné les moindres détails de son apparence : le foulard de sa mère sur la tête, des écharpes rouge et bleu sur un t-shirt blanc. Elle a également fabriqué elle-même la pancarte qu’elle tient à la main et y a inscrit son prénom – si éloquent.

BERNARD PESCEJusqu’au 6 avril, Loges de la Bastide Saint-Joseph, Mairie des 13e et 14e arrondissements, 72, Rue Paul-Coxe, Marseille, 14e. Entrée libre.

WWW.planetemergences.org

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Bernard Pesce, Marie-Louise, 2013, 90 x 135 cm.

PHOTOGRAPHE POUR FEMMESInstallé à Marseille depuis quinze ans, le photographe rend hommage aux femmes de la Méditerranée, en leur donnant la parole… et une image. Texte : Emmanuelle Gall • Portrait : Irène de Rosen

Bernard Pesce« À bientôt soixante ans, je découvre les femmes.

Ce sont elles qui font le vrai travail et sauveront

le monde. »

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L’OBJET LA CHAISE PHOTOGRAPHIQUE

l y a eu les chaises à bascule, les chaises musicales, les chaises électriques… Voici venu le temps de la chaise photographique. Gloire à Philippe Ivanez,

quarante-sept ans, photographe mais aussi cuisinier, desi-gner, graphiste, vidéaste... Le Français d’origine espagnole, né en Algérie, s’est associé avec une Italo-Berbère née à Lyon, Nadia Lagati, pour fonder l’association les Jnoun (pluriel de jinn, esprit, créature surnaturelle). Leur «  fac-tory » a de multiples activités et, la plupart du temps, fait de l’événementiel culinaire pour la Ville, le Conseil géné-ral, le Conseil régional, le festival Mimi ou encore le bar du théâtre des Salins. Et quand il ne fait ni vidéo, ni cuisine, ni design, le tandem part un peu partout dans le monde pour rapporter des photos. Et des objets. Et des films. Et des idées de recettes… L’idée de la chaise photographique lui est venue un jour, dans la rue, en trouvant des chaises. Phi-lippe Ivanez cherchait alors un moyen de relier la cuisine des Jnoun au design. C’était il y a six ans. Il fait imprimer ses photos en tirage numérique autocollant avec plastification anti-rayure, antitache et anti-UV. Puis, il les colle sur du

mobilier de cuisine en résine mélamine, type Formica des années 50, un support idéal parce que très lisse. « Une heure et demie de boulot par chaise, dit-il, je démonte et nettoie tout, y compris les crottes de nez. » La suite ? Il y a trois ans, Pierre Hivernat (ancien journaliste aux Inrockuptibles et directeur artistique à La Villette) monte sa galerie, Le Ma-gasin de Jouets à Arles, et lui achète un lot de chaises. « Son réseau m’a fait exploser, reconnaît Philippe Ivanez.  De là, j’ai inondé les restos branchés de Marseille : la pizzeria L’Eau à la bouche, Le Rowing Club, Le Café des Epices. » Jusqu’au bar du cinéma Les Variétés, qu’il vient de reprendre et de rebaptiser La Jetée, en hommage à Chris Marker. Philippe Ivanez a déjà vendu plus de mille chaises. On commence à les trouver sur un site marchand, au prix de 120€. Et elles s’exportent en Suisse, au Japon…

LA CHAISE PHOTOGRAPHIQUE

WWW.lesjnounfactory.over-blog.com

Texte : Marco Jeanson • Photos : Jnoun Factory

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Les restaurateurs locaux se les arrachent et les Japonais en demandent. Entre récup et objets photographiques, les chaises créées à Marseille par les Jnoun, alias Philippe Ivanez et Nadi Lagati, sont déjà cultes.

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LE MUR LAPINS MALINS

ANGLE DE LA CANEBIÈRE ET DE LA RUE DES RÉCOLLETTES, LE 7 FÉVRIER 2013Photo : Marco Jeanson

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n langage culinaire provençal, les croquants sont de délicieux petits gâteaux secs aux amandes, va-riation des biscotti que les Italiens aiment à trem-

per dans leur champagne. Malika Moine, elle, en a fait des croquis. Gourmande, férue de cuisine, formée à la sculp-ture, la peinture et la création de bijoux, Malika s’est forgé, seule, le palais comme le coup de pinceau. Elle a appris à dessiner en dessinant, comme on apprend à manger en mangeant, de tout. Un jour où elle avait oublié son appareil photo, elle s’est mise à témoigner avec son crayon et ne l’a plus lâché. Pour Croquis croquants, elle a réalisé un véritable reportage dessiné, visitant les salles et les terrasses de cin-quante-deux restaurants, partant à la découverte de leurs chefs, discutant avec les clients ou les fournisseurs. Comme son premier ouvrage, Tournée générale, 51 bars de Marseille, ce nouvel opus présente, toujours à l’aquarelle, des lieux tantôt connus, tantôt hors des sentiers battus. Et propose, en bonus, des recettes : « En échange de son regard, ils ont donné leurs recettes », explique la préface. On y découvre les fleurs de courgettes farcies à la brousse d’Une Table au sud, les encornets farcis de La Boîte à Sardines ou encore le cas-

soulet de morue des Foulards rouges. Ses « 52 restaurants pour 52 semaines » – qui, chez elle, comptent 5 jeudis – vont du bistrot au gastro, de l’adresse de quartier à la référence locale  : « Restos chics étoilés tout comme cantines du midi pas chères. J’avais envie que ça soit un mélange ». À l’image de Marseille, faite de figures et de portraits hétéroclites, ses choix sont divers, guidés par la qualité de la cuisine, mais aussi nourris des atmosphères qu’elle a ressenties. Ainsi, ce coup de cœur pour Loury, rue Fortia : « Un gars extraordi-naire qui m’a donné confiance pour me lancer. On se régale à sa table  ». Non contente d’observer, échanger, manger, dessiner, l’illustratrice a également publié l’ouvrage dans sa propre maison d’édition, Le Village des facteurs d’images, et demandé aux Petits Papiers d’en réaliser des exemplaires uniques, reliés à la main.

LE GUIDE CROQUIS CROQUANTS

CROQUIS CROQUANTS, 52 restaurants de Marseille et une semaine des 5 jeudis, Éditions Le Village des facteurs d’images. 20€ et 33€ (exemplaire unique).

COUPS DE FEUET COUPS DE PINCEAU

Les « croquis croquants » – et craquants – de Malika Moine accompagnent sa sélection de cinquante-deux restaurants marseillais et autant de recettes, livrées par leurs chefs. Un guide en forme de carnet de voyage, qui s’adresse

aux gourmands et/ou esthètes.Texte : Cécile Cau • Image : Malika Moine

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L’ALBUM RAPHAËL IMBERT

e 12 janvier, au Silo, Raphaël Imbert et sa compa-gnie Nine Spirit inauguraient 2013 en fanfare, avec les jeunes cuivres du collège de Port-de-Bouc. Le

temps d’une «  Grande Clameur gospel  » emmenée par la chanteuse Marion Rampal, lançant la foule dans un spiri-tual de rue digne d’un épisode de la série Treme. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, puisque depuis trois ans, Raphaël Imbert fréquente assidûment La Nouvelle-Orléans pour un projet mêlant nouvelles technologies, improvisation, tradi-tions roots et esprit rebelle du sud (de la France comme des États-Unis). « Le jazz est le geste musical qui permet de jouer avec qui on veut, quand on veut ». Raphael Imbert a trouvé son slogan et, armé de son saxophone, ne cesse de le mettre en pratique, quitte à parfois forcer un peu la main et asso-cier des sons a priori pas faits pour s’entendre. En 2008, il avait ouvert la voie avec un album intitulé Bach-Coltrane. Il récidive avec Amadeus & The Duke. Faire swinguer le Cantor de Leipzig, Jacques Loussier s’y était déjà collé avec son trio Play Bach. Cinquante ans plus tard, Raphaël Imbert

lui associait John Coltrane, qu’il soupçonnait de partager le même mysticisme musical. Aujourd’hui, il se tourne vers Wolfang Amadeus Mozart et Duke Elligton. « La musique n’est pas affaire de style, dit Raphaël Imbert, mais d’état d’esprit, et tout me prouve que ces deux génies avaient le même esprit, un sérieux sens du ludique, de la forme, du spirituel, qu’il soit espiègle ou profond, très souvent les deux à la fois. » Le rapprochement repose aussi, à ses yeux, sur des arguments très concrets. « Faciles » et virtuoses, foison-nantes et légères, les œuvres de Mozart et d’Ellington sont à la fois populaires et savantes. D’où cet album, Heavens, au contenu aussi lumineux que son titre, «  parce que, dit Raphaël Imbert, Mozart et Ellington ont illuminé le monde et continueront de le faire pour toujours. »

LES CIEUX DE RAPHAËL IMBERT

RAPHAËL IMBERT PROJECT Heavens -Amadeus and The DukeJazzVillage, février 2013.

Par Marco Jeanson

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Cinq ans après Bach-Coltrane, le dernier album du saxophoniste marseillais croise les univers lumineux et espiègles de Mozart et Duke Ellington.

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e «  journal à parution aléatoire gratuit  », au for-mat atypique, compte de plus en plus de lecteurs fidèles, qui savent où le trouver (à L’Alcazar, aux

Bancs publics ou dans deux cents autres lieux de la région) et attendent chaque nouvelle livraison avec impatience. Depuis peu, ils ont entre les mains un numéro consa-cré aux quartiers sud, aussi riche et captivant que les six précédents. Portée par l’association Les Bancs publics et réalisée par des contributeurs bénévoles encadrés par un comité de rédaction, la revue fait se rencontrer, à travers une même thématique, des représentations du réel à la fois savantes et populaires. Questionnant des sujets aussi divers que la culture scientifique, les pratiques artistiques des enfants ou les projets participatifs…, elle poursuit une réflexion plus générale sur ce qui fonde la relation complexe entre l’homme, la culture et son environnement. Dans ce dernier numéro, Esprit de Babel rappelle que si l’actualité marseillaise est souvent circonscrite aux quartiers nord et à leurs faits divers, la ville a aussi un sud. Qu’en est-il de ces quartiers moins médiatiques ? Quelle identité pour ce secteur si discret  ? D’ailleurs, quelles sont ses frontières  ? Où débute et où se termine ce territoire géographique, so-cial et culturel ? Pour répondre à ces interrogations, Esprit de Babel recueille et entremêle les paroles d’individus qui

réfléchissent ou vivent ces quartiers. D’un article à l’autre, des passerelles se tendent entre les mots. Ceux des spécia-listes (chercheurs, urbanistes, architectes…) et ceux, plus subjectifs, d’habitants (artistes, responsables de structures, usagers). La cartographie urbaniste dialogue avec une car-tographie émotionnelle. Et la carte qui, on le sait, n’est pas le territoire, se confond pourtant bientôt avec celui-ci. On découvre que Marseille recèle des réalités urbaines et hu-maines, plus discrètes, mais bien plus riches et plus équi-voques que celles mises en lumière par sa seule actualité. Les images participent aussi de ces échanges, dans une maquette où le graphisme joue son rôle de plus value artis-tique. « Ce n’est pas parce qu’on donne la parole à ceux qui l’ont peu qu’on doit faire un truc moche », revendique Benoît Paqueteau, le maquettiste et webmaster de la revue.

LA REVUE ESPRIT DE BABEL

Esprit de Babel est distribué gratuitement dans plus de 200 lieux à Marseille et Aix-en-Provence.Les Bancs Publics, 3, rue bonhomme, Marseille, 3e. 04 91 64 60 00.

WWW.esprit2babel.net

L’ESPRIT DE BABEL RÉVÈLE MARSEILLE

Depuis 2009, la revue Esprit de Babel trace un sillon original dans le paysage culturel et médiatique local. Son dernier numéro explore les quartiers sud

de Marseille, avec un œil sociologique, anthropologique et artistique inédit. Par Olivier Levallois

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a Salle des machines : un même nom pour deux nouvelles librai-

ries inaugurées en janvier à Marseille. L’une – perma-nente – se trouve à La Friche de la Belle de Mai et l’autre – temporaire – au J1, le temps de l’année capitale. Confi-guration unique en France, le projet a été fondé par trois libraires indépendants (His-toire de l’œil, Maupetit-Actes Sud et L’Odeur du temps) partageant, dans une même société, leurs compétences respectives et les risques – non négligeables – du défi. Pour les définir, Nadia Champesne, la directrice d’Histoire de l’œil, parle volontiers de librairies «  contextuelles  », en relations étroites avec les programma-tions des lieux culturels qui les abritent. À La Belle de Mai, de la lit-térature au roman graphique, de la photo à la peinture, en passant par le street art et la cuisine, on se consacre essentiel-lement à l’art. Une place honorable est réservée aux éditeurs, créateurs et artistes locaux, dont certains sont aussi loca-taires et voisins du bâtiment. Reflet de l’activité d’exposition de La Friche, l’ambition, à terme, est de « s’affirmer comme une librairie de quartier, dans un environnement qui, à ce jour, en était dépourvu  », précise Damaris Benz, l’une des libraires. Autre architecture, autre configuration, au J1, juste avant l’entrée de la salle d’exposition. Ici, on s’adresse davan-tage à un public familial et « de passage », autrement dit tou-ristique. Les nombreux ouvrages sur la citée phocéenne et la Provence, ainsi que les produits (savons, sachets d’herbes, gâ-teaux, cartes postales…), labélisés Marseille-Provence 2013, invitent le voyageur à approfondir ses connaissances géogra-

phiques, historiques, culturelles, culinaires ou même linguis-tiques de la région. L’exposition actuelle, Méditerranées, des grandes citées d’hier aux hommes d’aujourd’hui, trouve ici un écho à travers un choix d’ouvrages littéraires, pédagogiques ou graphiques consacrés au bassin méditerranéen.

LA LIBRAIRIE LA SALLE DES MACHINES

AU J1boulevard du Littoral, Marseille, 2e. 04 91 91 57 26

À LA FRICHE DE LA BELLE DE MAI41 rue Jobin, Marseille, 3e.04 95 04 95 80

TROIS LIBRAIRES, DEUX ESPACES, UN NOM

Dans une ville où, chaque année depuis dix ans, une librairie ferme ses portes, voici une double inauguration de bon augure.

Texte : Olivier Levallois • Photos : Marco Jeanson

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Deux albums, Awa en 2005, Home en 2009, et des prestations scéniques mémorables ont bâti la réputation de David Walters. L’originalité de son univers, mêlant beats électroniques et folk acoustique afro-caribéenne, lui a permis d’assurer, entre autres, les premières parties de David Bowie, Tracy Chapman, Lenny Kravitz, ou encore Arthur H. C’est justement avec ce dernier que le songwriter se produit sur scène à Marseille, la ville où il a écrit son premier album. « J’ai énormément de respect pour Marseille. Elle a toujours été une terre d’accueil, depuis des siècles. C’est une ville qui m’a adopté et m’a permis de m’épanouir artistiquement. » Le Marseille de David Walters est musical, festif, branché et tourné vers l’avenir.

DAVIDWALTERS

« C’est un des lieux essentiels de la culture indépendante et al-ternative de Marseille. Et sa récente rénovation devrait lui donner une place encore plus importante dans les années à venir. » Ouverte en 1992, La Friche accueille une soixantaine de struc-tures artistiques et culturelles multidisciplinaires. Parmi elles, Radio Grenouille où David Walters a officié comme DJ, dans sa première vie musicale.

> 41, Rue Jobin, Marseille, 3e.

LA FRICHE DE LA BELLE DE MAI

Par Olivier Levallois

LE VILLAGE DE

« Je suis attiré par les gens qui veulent que les choses avancent. J’aime les lieux qui amènent un nouveau visage à Marseille, qui donnent à la ville un nouveau dynamisme. J’y ai fait un concert, j’adore ce lieu ! » Hôtel, bar, restaurant, lieu de concerts avec sa mini-scène, on y va, le soir, pour sa déco (signée Philippe Starck) et son ambiance festive. Ouvert depuis l’automne 2011, le Mama Shelter fait partie de ces « nouveaux lieux » fréquentés par David Walters.

> 64, rue de la Loubière, Marseille, 6e.

LE MAMA SHELTER

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LE VILLAGE DE DAVID WALTERS

« J’ai un discours positif sur Marseille. Ça ne veut pas dire que je suis d’accord avec tout. On peut toujours se plaindre c’est sûr, ou bien voir ce que cette ville offre comme opportunités. Les apéros du bateau, c’est ma plus belle découverte en matière de sortie. »Concept de soirée initié à l’été 2011, ces « apéros » se déroulent sur L’Ilienne, un bateau qui fait un trajet aller-retour de trois heures entre le Vieux-Port et les îles du Frioul. Deux cents personnes sont ainsi embarquées chaque dimanche soir, de 19h à 22h30 (du 26 mai au 1er septembre), pour des concerts ou des mix de DJ en live. On danse sur le pont, un cocktail à la main, pen-dant que le soleil se couche sur la rade de Marseille. Au vu du succès, réservation indispensable.

www.borderliner.fr

« C’est un lieu important de la vie culturelle marseil-laise, mais aussi pour moi, en tant que musicien. J’aime jouer dans cette salle : elle offre une réelle proximité avec le public. »C’est LA salle de spectacle historique des musiques ac-tuelles, au cœur du centre-ville. Le chanteur, qui s’y est produit plusieurs fois dans le passé, y fait son retour, le 20 mars, aux côtés d’Arthur H.

> 39, Cours Julien, Marseille, 6e.

LES APÉROS DU BATEAU

L’ESPACE JULIEN

CONCERT DAVID WALTERS ET ARTHUR H

le 20 mars, 19h30, Espace Julien,

39, cours Julien, Marseille, 6e, 17-23 €.

WWW.espace-julien.com

« MARSEILLE

M’A ADOPTÉ ET

M’A PERMIS DE

M’ÉPANOUIR

ARTISTIQUEMENT. »

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LE CADREFabien Rugi déménage ses loups, ses Marennes et ses cinq cents boîtes de sardines. Pas très loin. La Boîte à sardines traverse le boulevard de la Libération, change de nom, double sa capacité et gagne une baie vitrée. Carrelages, boîtes en fer blanc, plats en inox, banc de poissons… L’ambiance et le concept ne changent pas. « Même déco, même combat », prévient le patron, inventeur du resto-poissonnerie marseillais et du « fishe n’ ships ».

L’ASSIETTEL’idée de la Boîte à sardines est joyeusement basique. Co-quillages et crustacés, poissons grillés, fromage, un peu de vin.... Tous les produits, de l’eau pétillante au sirop en passant par le blanc et la sardine, sont locaux. Mis à part les incontour-nables de l’Atlantique et quelques huîtres Tarbouriech sétoises d’exception (c’est la seule adresse qui en propose à Marseille). « Il n’y a que des poissons de chez nous, revendique Fabien Rugi. Comme ailleurs, l’ardoise du restaurant propose des supions, des pâtes à l’encre et de la baudroie, sauf que chez nous, la daurade, elle a le goût de daurade ! ».

TAXI BAR2, boulevard de la Libération, Marseille, 1er. Ouvert du mardi au samedi, 8h-19h et 11h-15h pour la restauration. Plat du jour : 15 à 22€.

WWW.laboiteasardine.com

TAXI 2, LE RETOUR DE FABIEN RUGI

Fabien Rugi déménage ses loups, ses Marennes et ses cinq cents boîtes de sardines. Pas très loin.

Texte : Cécile Cau • Photos : Marco Jeanson

LE RESTAURANT TAXI BAR

LE CHEFAux fourneaux depuis presque six ans, Céline a

se languit parfois de cuisiner du steak. En même temps, avoir une cuisine ouverte, avec des compli-

ments de clients régalés chaque midi, « ça n’a pas de prix ». Avec elle, ni sauce ni beurre blanc, mais du poisson brut et de l’huile d’olive. Ses cuissons sont saines, sobres et bien timées : une simplicité déconcertante qui ne laisse aucun artifice nuire à la qualité des produits !

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LA FONDATION BLACHÈRE FÊTE SES DIX ANS

st-ce à cause de sa situation, dans une zone artisanale aux portes d’Apt ? Dans la région, la Fondation Blachère n’a pas

encore la reconnaissance qu’elle mérite. Elle ac-cueille pourtant, depuis dix ans, les plus grands artistes du continent africain et peut se targuer d’avoir été l’une des premières fondations d’en-treprise en France (récompensée par la médaille de Grand mécène de la Culture), comme de faire découvrir l’art africain à tous les écoliers du Pays d’Apt… Pour fêter sa décennie, la structure née de la rencontre entre le numéro un de l’illumination urbaine, Jean-Paul Blachère, et le scénographe

Pierre Jaccaud, revient sur son histoire et pro-pose deux rétrospectives, au printemps et à l’au-tomne. L’occasion, pour les novices, de découvrir l’incroyable programmation de cette fondation, et pour les fidèles, de retrouver leurs expositions favorites. Entre les résidences et ateliers d’été à Joucas, les grandes expositions thématiques (Boxe  ! Boxe  !, Animal Anima, Ville…), les prix de la Fondation, en partenariat avec les Rencontres de Bamako ou la Biennale de Dakar, ces rétrospectives vont témoigner d’une vingtaine d’expositions et d’un nombre impressionnant de résidences artistiques. Des résidences qui constituent la pierre angulaire de la fondation : permettant à des artistes africains de venir travailler dans des conditions optimales et s’accompagnant d’une politique de production et d’acquisition des œuvres. Ce double objec-tif – artistique et humaniste – n’est-il pas d’ail-leurs le propre d’une fondation ? Pierre Jaccaud, son directeur artistique, est un utopiste réaliste. L’homme a longtemps travaillé dans les théâtres bruxellois avant de s’installer dans la région et d’y créer un réseau intitulé « Le Moine et l’inter-

Par Emmanuelle Gall

Dix ans après sa création, la Fondation Blachère revient sur son histoire et son action. À une heure et demie de route de Marseille, l’entrepôt reconverti en maison de l’art africain contemporain est une belle invitation au voyage.

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OÙ DORMIR ? Avant d’être une maison d’hôte, Chambre de séjour avec vue est une résidence d’artistes et une galerie. Installée depuis vingt ans à Saignon, Kamila Regent y a restauré une grande maison de vil-lage, pour accueillir des créateurs et présenter leur travail. Écrivains et plasticiens, de renommée in-ternationale (Richard Long, Veit Stratman, Piotr Klemensiewicz…) ou en devenir, se succèdent chez elle à un rythme soutenu, laissant des traces de leur passage sur les murs, dans le salon, la cuisine, les chambres ou le jardin. Chaque an-née, à Pâques, la maîtresse des lieux inaugure la nouvelle saison de sa maison-galerie avec un grand goûter polonais, clin d’œil à ses origines et son enfance. Cette fois, ce sera l’occasion de découvrir notamment les derni-ers travaux de Ghislaine Portalis, inspirés par le XVIIIe siècle et le Marquis de Sade, mais aussi La Grappe (un sarment de vigne sculpté) conçue par Marie Denis pour La Collection de Madame L. Une autre initiative de Kamila Re-gent, qui présente dans un salon dédié, les œuvres commandées à de jeunes artistes dans le cadre de cette collection in progress

dont elle est la conseillère ar-tistique. Le visiteur de passage profite évidemment de ce cadre et de cette passion artistique. Car, Kamila reçoit ses hôtes comme ses artistes, avec intelligence et élégance. Aucun détail, jusque dans la vaisselle savamment dé-pareillée et les serviettes brodées n’est négligé. Les trois chambres et les deux suites sont remarqua-blement meublées et décorées. Et le jardin clos, lui aussi peuplé d’œuvres d’art, est un enchante-ment. Les esthètes et amateurs d’art ne se contentent pas d’y passer une nuit et se réjouissent de pouvoir contribuer à la pour-suite de cette belle aventure.

Chambre de séjour avec vue, demeure d’art et d’hôtes (ouverte de Pâques à l’automne)84400 Saignon en Luberon. 04 90 04 85 01. Tarifs : 90 € la chambre double ou 110 € la suite, petit déjeuner inclus.

www.chambreavecvue.com.

LA BALADE LA FONDATION BLACHÈRE

naute », des « résidences savantes » chez l’habitant. Pour le premier volet de cette rétrospective, il a décidé de transformer le bâtiment en «  entrepôt de la mémoire », où chaque exposition est retracée sous la forme d’un salon, « invitant les spectateurs à revivre fragmentairement les rencontres avec les œuvres ». En outre, il va habiller les murs d’« une fresque composée de textes et d’images, complétant le cheminement historique et ludique  ». Tous les directeurs artistiques ne sont pas scénographes, et tous les scénographes ne sont pas des passionnés d’art africain. Pierre Jaccaud, lui, aime construire et réfléchir : « Dix ans, un âge de raison, c’est aussi le temps de faire le point, d’étudier au plus près les expériences passées et d’imaginer une suite... »

FONDATION BLACHÈREDu 15 mars au 16 juin. 384, avenue des argiles, zone industrielle les Bourguignons, Apt. 04 32 52 06 15. Entrée libre.

WWW.fondationblachere.org.

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ELLE ACCUEILLE, DEPUIS DIX ANS, LES PLUS GRANDS ARTISTES DU CONTINENT AFRICAIN…

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Mille Les

Mille Mille et une nuits

Marseille-Provence2013Marseille-Provencede

Les Milles et une nuits étaient déjà inscrites, en lettres d’or, dans le dossier de candidature de Marseille. Comme un fi l d’Ariane, une thématique

à explorer et renouveler. Le coup de foudre de Macha Makeïeff pour Ali baba et la nouvelle création d’Angelin Preljocaj donnent le

départ d’un voyage en Orient, qui se prolongera jusqu’à la fi n de l’année. Prochaines étapes : la création de Rituel pour une métamorphose, une pièce écrite par le Syrien Saadallah Wannous et mise en scène par le Koweïtien

Sulayman Al-Bassam, puis une rétrospective complète de l’œuvre de Pasolini, une exposition consacrée à l’orientalisme érudit en Provence,

et une version d’Aladin pour marionnettes…

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Ali Baba, l’Orient rêvé de Macha Makeieff

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Arrivée à la tête de La Criée, avec Ali Baba dans ses bagages, Macha Makeïeff est l’une des initiatrices des « Mille et une nuits »

de Marseille-Provence 2013. Adapté et revisité par cette artiste aux multiples talents, le conte entraîne le spectateur dans

un « Orient de fantaisie », inspiré par une enfance marseillaise.

n s’attend à rencontrer une directrice de théâtre dans son bureau. Macha Makeïeff , qui enchaîne sa deuxième saison à La Criée, reçoit dans la « fa-brique » : un atelier installé dans une ancienne

salle de répétition, sous les toits du théâtre. Une pièce de damas à la main, elle réfl échit à sa future destination avec Claudine Crauland, qui l’assiste dans la création des cos-tumes  : jupe, pantalon  ? Margot Clavières et Sylvie Châ-tillon, ses assistantes à la mise en scène et aux accessoires, participent également à la conversation. Le seul homme de la tribu est l’iconographe, Guillaume Cassar, qui entretient avec Macha Makeïeff une «  conversation d’images  ».Ensemble, ils conçoivent les affi ches comme les pro-grammes de La Criée. Celui de la saison  2013 se pré-sente comme un épais livre d’images, à la couverture et au format atypiques. « Je tenais à ce que le premier objet donné au public soit artistique. Ce n’est pas de la com, il s’agit d’informer tout en témoignant de l’humeur de la saison », précise Macha Makeïeff . Directrice de théâtre et metteure en scène, elle est également − faut-il le rappeler ? − la créa-trice des décors et costumes de ses pièces, mais aussi une plasticienne, collectionneuse et «  bricoleuse  » d’images. Après une carrière éclectique, marquée notamment par l’aventure des Deschiens et sa passion pour Jacques Tati, Macha Makeïeff s’off re un voyage en Orient, au pays d’Ali Baba.

Ali et Shéhérazade. Pourquoi Ali Baba plutôt qu’Aladin ou Sinbad ? L’attrait de Macha Makeïeff pour le premier tient à son universalité et sa modernité. « L’histoire de cet homme très pauvre, qui devient très riche, parle à tout le monde. Et la morale, fl uctuante et transgressive, est très actuelle. Voler un voleur, est-ce encore voler ? Récupérer un objet « tombé du camion » ou spéculer, est-ce voler ? » Parce qu’elle entend s’adresser aussi à «  la Shéhérazade des quartiers nord », la metteure en scène a pris soin d’écrire, à partir de ce conte persan du VIIIe siècle, traduit en arabe puis universalisé par la langue française, un véritable scénario. Elle a voulu

partager cette création avec l’historien, poète et essayiste palestinien, Elias Sanbar, le temps d’un «  compagnon-nage passionnant », faisant la part belle à la culture arabe. De même, la distribution du spectacle est volontairement

métissée, avec Atmen Kelif, un ancien des Deschiens dans le rôle d’Ali Baba, les danseurs d’origine iranienne, Sha-hrokh Moshkin-Ghalam et Sahar Dehghan… L’Ali Baba de Macha Makaeïeff s’annonce comme un spectacle total, mêlant théâtre, danse, poésie, cinéma, musique, dans un décor de son invention. Inutile d’essayer d’en savoir plus à ce sujet, l’artiste veut garder la surprise pour les specta-teurs : « En travaillant sur le décor, j’ai voulu rendre compte de la mobilité du destin, avec une scénographie évolutive, où le changement peut faire irruption ». Depuis plus d’un an, l’artiste remplit des cahiers avec des notes, dessins, photos

Texte : Emmanuelle Gall • Photos : Joël Assuied

« Nous sommes tous des Ali et rêvons à notre caverne »

MILLE ET UNE NUITS MACHA MAKEÏEFF

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FOCUS ALI BABA

Macha Makeïeff travaille dans une ancienne salle de répétition, sous les toits de La Criée.

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ou coupures de presse pour préparer le spectacle. On di-rait les carnets de voyage d’un artiste. Macha Makaïeff n’a pourtant pas été cherché l’inspiration très loin : « Je travaille toujours avec ce que je trouve autour de moi, au plus près. »

La caverne de Macha Makeïeff. Et la première muse de Macha Makeïeff , pour créer cet « Orient de fantaisie », c’est Marseille, la ville de son enfance. Le désir de renouer avec la vie et l’inspiration marseillaise a d’ailleurs compté dans sa décision de postuler à la direction de La Criée. La « ville ca-musienne » qu’elle a quittée après ses études au lycée Long-champ, puis au Conservatoire d’art dramatique, lui paraît aujourd’hui « plus pasolinienne et napolitaine ». Elle la redé-couvre, la réapprivoise. « Quand je pense à Ali Baba, je pense aux bruits de Marseille, aux bruits du Monde actuel, uni par un même destin. Mon Orient à moi, c’est Marseille de mon adolescence et de mes premiers émois… La beauté des corps des jeunes Arabes, comme dans L’Été de Camus. Je revois aussi ces vieux messieurs, immobiles, avec leur veste un peu trop longue… » Les personnages exilés, déclassés, qu’elle ap-pelle ses « héros », peuplent depuis toujours les créations de Macha Makeïeff , comme les vêtements usagés et les objets récupérés, glanés au fi l de ses déambulations. Le rapport – quasi religieux − de l’artiste aux objets constitue la pierre angulaire de son esthétique, et ce depuis ses premières créa-tions, dans les années 80. Une « esthétique du fragment », où chaque objet, porteur d’une histoire et développant sa propre capacité d’évocation, participe d’un ensemble cohé-rent, doté d’une unité plastique. Dans l’immense et lumi-neux grenier, cohabitent aujourd’hui, telle une installation, des costumes suspendus, des paires de chaussures alignées, des piles d’étoff es et une rangée de couvre-chefs orienta-listes, vestiges d’un précédent spectacle. Le mélange des

genres est surprenant : entre une blouse fl eurie et une djella-ba, des babouches brodées et une paire de tennis vertes, un keffi eh et une écharpe de soie… Un tapis deviendra un pan-talon, une tunique vaporeuse attend le verdict de l’essayage. Macha Makeïeff n’impose pas, elle propose et consulte ses comédiens. «  Créer les costumes, c’est déjà entrer dans la direction d’acteur. Le comédien aura-t-il envie de se cacher derrière les franges de ce chapeau, sera-t-il à l’aise dans cette robe de chambre ? » À quoi vont ressembler Ali Baba et ses comparses ? La réponse reste volontairement ouverte. Il faut s’attendre à un Ali Baba « d’inspiration métallique » et une tonalité générale située quelque part « entre Le Voleur de Bagdad et Noailles ».

« Je travaille toujours avec ce que je trouve autour de moi, au plus près. »

ALI BABADu 13 au 29 mars, 19h (mardi, mercredi), 20h (jeudi, vendredi, samedi). Théâtre de La Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 9-24 €.

WWW.theatre-lacriee.com.

MILLE ET UNE NUITS MACHA MAKEÏEFF

Dans la « fabrique », le mélange des genres est surprenant.

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LA CRIÉE SE MÉTAMORPHOSE EN CARAVANSÉRAILUne Nuit du conte, des conférences, des lectures, des projections, des ateliers, des expositions, de la gastronomie orientale et même un concours de formules magiques ! Ali Baba ne débarque pas seul à La Criée. Du 13 au 29 mars, le théâtre va à vivre à l’heure des Mille et une nuits, accueillir « tout un peuple de portefaix et de princesses, de djinns et de rois déguisés en marchands… et laisser entrer en caravane les senteurs et les épices par la porte de l’orient et rencontrer Schéhérazade. » Ce n’est certes pas la première fois que Macha Makeieff, dans son désir de « faire résonner dans cette nef des choses nouvelles et magnifiques », transforme sa « maison théâtre » en lieu de vie et de fête. Mais Les Mille et une nuits lui ont inspiré des propositions inédites. La plus folle est peut-être La Nuit du conte, programmée le 23 mars, à 21h. Jusqu’au lendemain matin, le conteur libanais Jihad Darwiche deviendra Shéhérazade et livrera sa version des Mille et une nuits. Les enfants, dès neuf ans, sont les bienvenus. La Criée leur réserve bien d’autres surprises : ses désormais traditionnelles veillées pendant les représentations (le 16 mars à 20 h et le 24 mars à 15h), en compagnie de la plasticienne Susana Monteiro R., et des ateliers pour écouter des contes ou fabriquer un théâtre d’ombres… Autre temps fort : le premier concert marseillais d’un maître marocain de l’oud, Saïd Chraïbi (le 22 mars à 20h), en partenariat avec le festival Mars en Baroque. Trois conférences exploreront « Les mystères du sérail dans les arts français du XVIIIe siècle » (Carole Blumenfeld et Ridha Moumni, le 15 mars à 18h30), « Les représentations de l’immigré ou la figure de “l’Arabe » à l’écran » (Yvan Gastaut, le 21 mars à 18h30) et « La femme et le travesti » ou la question du travestissement au théâtre (Chantal Aubry et Christine Rodès, le 28 mars à 18h30). Des élèves du Conservatoire de Marseille liront les premières pages des Mille et une nuits, dans la traduction d’André Miquel et Jamel Eddine Bencheikh, (le 24 mars à 14h) et des étudiants d’Axe sud exposeront des affiches et des photos retraçant la création d’Ali Baba par Macha Makeïeff. Durant ces trois semaines, le public pourra également voir, dans le hall, une installation d’Olivier Lubeck, Caravane sérail super8, et une programmation cinématographique gratuite.

Programme complet : www.theatre-lacriee.com.

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Les Nuits féminines d’Angelin Preljocaj

Angelin Preljocaj a répondu à l’appel méditerranéen de Marseille-Provence 2013 à sa façon : en plongeant dans Les Mille et une nuits. Ces récits vertigineux

ont excité l’imagination du chorégraphe et le désir d’Orient a pris la forme d’un poème dansé, magnifi ant le pouvoir de la femme.

our rester en vie, Shéhérazade doit maintenir en éveil la curiosité du sultan. Alors, soir après soir, elle invente la suite d’une histoire merveilleuse. Mille et une nuits et aucune identique. Angelin

Preljocaj non plus, ne sait pas à l’avance où son prochain spectacle va le mener. Il a justement choisi ces contes orien-taux parce qu’ils sont labyrinthiques, inépuisables, et que leurs origines mystérieuses autorisent toutes les interpréta-tions possibles. « Les Milles et une nuits ne sont pas locali-sées géographiquement, cette œuvre renvoie à un maillage de traditions qui dépasse le pourtour méditerranéen. Cette mul-tiplicité de cultures aiguise une perception de l’Orient qui me permet d’éviter les clichés ». Le chorégraphe peut ainsi s’ins-crire dans le mouvement méditerranéen de Marseille-Pro-vence 2013, mais avec un véritable acte de création.

Les mots et les gestes. Angelin Preljocaj n’a d’ailleurs pas opté pour une approche narrative. « Mon angle d’attaque est beaucoup plus impressionniste. Je me suis laissé guider par des impressions de lecture. Pour moi, ces contes évoquent la résistance d’une femme à l’oppression des hommes. Avec les mots, Shéhérazade réussit à vaincre la mort. Non seulement la sienne, mais aussi celle de toutes les autres femmes dont le sultan a décidé l’exécution pour se venger de l’infi délité de sa première épouse ». Au récit univoque et écrit d’avance de la dictature, s’oppose celui – beaucoup plus foisonnant – de l’imaginaire. Un combat on ne peut plus actuel. «  Il y a une forme de féminisme dans les Milles et une nuits qui m’apparaît très contemporaine  ». Preuve que le spectacle n’est en rien une adaptation des contes, Preljocaj a choisi un titre très ouvert : Les Nuits. Mais comment renouer avec la puissance originelle de la fi ction ? N’est-ce pas en racontant des histoires que Shéhérazade capte l’attention du sultan ?

Comment restituer ce pouvoir du verbe avec un tout autre langage ? Angelin Preljocaj a déjà su mettre à jour des cor-respondances, inexplicables et pourtant extrêmement por-teuses de sens, entre la littérature et la danse. En 1996, avec L’Anoure, il a confronté les mots de Pascal Quignard à des danseurs qui, comme des anges, semblaient avoir défi niti-vement renoncé à la parole. En 2009, il s’est saisi du Funam-bule de Jean Genet pour composer un solo d’une incroyable fragilité. Et l’année dernière, le directeur du Centre choré-graphique national d’Aix-en-Provence a adapté Ce que j’ap-pelle oubli, un roman de Laurent Mauvignier inspiré par un eff royable fait divers. La mise en scène, tout en sobriété, donnait chair à ce cri d’angoisse. « Chaque fois, je cherche

les relations secrètes entre les mots et les mouvements. Et pour ce faire, j’évite l’illustration. Ici, on n’entendra pas le texte, mais tout ce qui sera donné à voir aura été inspiré par la lecture des Mille et une nuits. »

L’imaginaire oriental. Par ses origines albanaises, Ange-lin Preljocaj n’est d’ailleurs pas totalement « étranger » à ces infl uences orientales. « L’Albanie a été très longtemps sous do-mination ottomane et une grande partie de la population de ce pays est musulmane. Même les catholiques sont imprégnés par

Texte : Fred Kahn

« Pour moi, ces contes évoquent la résistance d’une femme à l’oppression des hommes. »

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Les danseurs du ballet Preljocaj, Fran Sanchez, Patrizia Telleschi et Jean-Charles Jousni, dans Les Nuits.©

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des traditions et des coutumes issues de l’islam. Je me nourris de toutes ces sensations, de toute cette complexité ». L’imagi-naire artistique, quand il se propage à partir d’éléments réels, gagne en cohérence et en crédibilité, il résonne alors encore fortement en nous. Toute la scénographie repose sur ces allers-retours entre l’in-carnation et le fan-tasme de l’Orient. Ainsi, Preljocaj a commandé des costumes au grand couturier d’origine tunisienne Azze-dine Alaïa. « Il est enraciné dans le monde musulman, mais son approche reste très contemporaine  ». Natcha Atlas signe une grande partie de la musique et, elle aussi, compose à la confl uence des cultures orientales et occidentales. Quant aux décors, ils sont réalisés par Constance Guisset, qui adore pro-voquer des mariages poétiques improbables entre les maté-riaux et les univers. À ce principe d’émulation constante ré-pondra, en écho, le mouvement des danseurs du ballet. Le Centre chorégraphique national a les moyens de convoquer sur scène une véritable troupe, et, au-delà de la qualité tech-nique évidente, le nombre fait sens. « Un groupe de gens sur un plateau renvoie immédiatement à la notion de communauté, analyse Angelin Preljocaj. La manière dont les danseurs oc-cupent l’espace, se positionnent les uns par rapport aux autres peut permettre de transmettre une certaine idée de la culture, de la tradition... de la civilisation même. Mais, de la même ma-nière que Shéhérazade est un personnage singulier qui s’oppose au poids écrasant de la tradition, l’enjeu du spectacle consiste

aussi à imposer des individualités ». L’héroïne ne sera donc pas incarnée, mais « éclatée » entre plusieurs interprètes. « Cette fi gure va circuler entre diff érentes danseuses qui, à tour de rôle, vont prendre en charge une facette du personnage ». Quelques semaines avant la création, le chorégraphe avoue

être encore en pleine période de recherche. «  Je dé-couvre les pistes au fur et à mesure de l’avancement du projet. Je ne prédé-termine pas le spec-

tacle. Je préfère m’atteler à un thème, m’immerger dedans et découvrir au fur et à mesure ce que je cherchais inconsciem-ment. Picasso disait  : “Si je sais quel tableau je vais peindre, alors pourquoi le peindre ?” Je dois explorer des pistes nouvelles et ne pas me contenter de mettre en œuvre des formes déjà pré-conçues dans ma tête ».

CRÉATION les 29 et 30 avril, 20h 30. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 10-42 €.

WWW.lestheatres.net

« Picasso disait : si je sais quel tableau je vais peindre, alors pourquoi le peindre ? »

Angelin Preljocaj, photographié par Lucas Marquand-Perrier.

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Muriel Mayette invite l’Orientà la Comédie-Française

Première pièce écrite en arabe à entrer dans le répertoire du Français, Rituel pour une métamorphose sera créé à Marseille le 29 avril.

Muriel Mayette, qui administre l’institution depuis 2006, est à l’origine de cette évolution et n’a pas choisi par hasard ce conte moral oriental.

Pourquoi faire entrer la langue arabe au répertoire de la Comédie-Française ? J’y tenais vraiment. Fondé initialement sur la seule langue française, le répertoire doit aujourd’hui s’enrichir. Nous sommes gardiens – et devons témoigner – des écritures infl uentes du siècle. Le répertoire russe n’est rentré qu’en 1954. Il faut désormais introduire, petit à petit, des textes de langue arabe. Le symbole compte, on a un rôle à jouer dans les lectures diff érentes du monde.

Comment le choix s’est-il porté sur la dernière pièce écrite par Saadallah Wannous avant sa mort en 1997, évoquant les traditions de domination masculine ?Cet auteur est une sorte de révolutionnaire pacifi que, qui ne cherche pas la provocation à tout prix, mais préfère sou-lever des sujets délicats. Il contribue à un grand débat cri-tique de la société en parlant de l’humain, de son rapport à la liberté, à l’amour… Et il soulève la question de la capacité d’une société à étouff er tel ou tel sexe. Hier déjà, Molière parlait dans L’École des femmes de la volonté de façonner l’autre. Rituel pour une métamorphose évoque l’acte d’une femme libre. Mais le comité de lecture a aussi dépassé l’idée politique. Notamment parce que, à la lecture de la pièce, les comédiens ont eu envie de la jouer. Nous tenions à rester dans une forme théâtrale de construction classique, sans multiplier les « exotismes littéraires ».

La Syrie fait la une de l’information depuis plusieurs mois. Avez-vous eu une volonté de coïncider avec l’actua-lité ?Pas du tout, mais c’est un acte politique de coopter un texte en langue arabe. La volonté fondamentale de s’appréhender les uns les autres et de se rencontrer, avec la distance que peut y mettre le poète. On ne cherche pas l’anecdote, les grandes pièces parlent toutes de la même chose : l’amour, la guerre, la mort. Les grandes œuvres sont universelles.

Quelle est la portée de ce texte au regard du contexte in-ternational actuel ? N’importe quel texte change au regard de l’actualité. Les années passant, on ne lit pas L’Avare de la même façon que l’on soit dans une période faste ou contrainte. Cette pièce a plus valeur de vertu que de témoignage. C’est un long discours pédagogique pour nous faire nous rencontrer, un support. Je fais rentrer leur culture dans nos murs et je veux aller leur montrer leur propre œuvre et ce qu’on a pu en faire. Le théâtre, c’est un vrai boulevard.

Un mot sur le choix du metteur en scène, le Koweïtien Sulayman Al-Bassam ?Je souhaitais faire le lien entre les civilisations. Sulayman Al-Bassam parle arabe, français, anglais : il fait un pont sur ce qui nous est étranger du point de vue de la forme et du fond. Et j’espère fortement qu’il puisse emmener ce spec-tacle dans le golfe arabique.

Du coup, la première à Marseille a-t-elle une valeur sym-bolique ?Aller dans l’iode marseillais, c’est symbolique. La capitale culturelle européenne doit se tourner vers – et coopter – tous les artistes du Bassin méditerranéen. Créer un spec-tacle là-bas, ça lui donne le goût du voyage.

Propos recueillis par Cécile Cau • Photo : Christophe Raynaud de Lage

RITUEL POUR UNE MÉTAMORPHOSE Du 29 avril au 7 mai, 20h30, relâche les 1er et 5 mai. Théâtre du Gymnase, 4, rue du Théâtre Français, Marseille, 1er. 08 2013 2013. 8-34 €.

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MILLE ET UNE NUITS MURIEL MAYETTE

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« C’est un acte politique de coopterun texte en langue arabe. »

Muriel Mayette, l’administratrice générale du Français, souhaite enrichir le répertoire de l’institution.

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Pasolini, la force scandaleuse du passéOn lui doit la plus belle adaptation des Mille et une nuits au cinéma, mais pas seulement. Pour rendre un hommage com-plet à cette fi gure emblématique de la Méditerranée, à la fois cinéaste, poète, écrivain et essayiste, quatre structures ont

décidé de s’associer.  Le CIPM, l’association Alphabetville, l’INA Méditerranée et le FID ont concocté, ensemble, un pro-gramme pluridisciplinaire, « entre rétrospective et perspective ». Concrètement, le projet va se décliner en une exposition au CIPM, une programmation cinématographique dans le cadre du FID, et plusieurs rencontres, lectures et publications.

Du 14 mai au 8 juillet. Divers lieux à Marseille.Renseignements : www.mp2013.fr

à suivre...

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Le Goût de l’Orient, collections et collectionneurs de Provence

Ils s’appelaient Fabri de Peiresc, Pitton de Tournefort, Garcin de Tassy, Venture de Paradis, Laurens... Entre le XVIe siècle et 1920, ces érudits ont posé les bases d’un orientalisme savant en Provence. Passionnés par les langues et

les cultures de l’espace méditerranéen, ils ont collecté des manuscrits, objets d’art et tableaux, lors de voyages à la rencontre mondes arabes, turcs, berbères, arméniens, grecs, éthiopiens ou séfarades… Conservées dans les collec-

tions publiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces pièces ont rarement eu l’occasion d’être exposées. Aujourd’hui, la Cité du Livre rend hommage à ces pionniers, en racontant leur histoire.

Du 22 juin au 15 septembre. Cité du livre – bibliothèque Méjanes,8-10, rue des Allumettes, Aix-en-Provence. 04 42 91 98 88. Entrée libre.

www.citedulivre-aix.com.fr.

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Un Beau matin, AladinAu commencement, Dominique Bluzet, le directeur du Jeu de Paume, a eu envie de confi er Les

Mille et une nuits au metteur en scène Charles Tordjman, pas vraiment spécialiste des spectacles pour enfants. Après avoir jeté son dévolu sur Aladin et la lampe merveilleuse, ce dernier a imaginé de transformer sa comédienne fétiche, Agnès Sourdillon, en femme-oiseau conteuse et d’inviter les frères Forman. Avec ces scénographes et marionnettistes de génie, révélés en France par La Volière Dromesko et plus récemment Obludarium, un cabinet de curiosité dans la lignée de Tod Browning

et David Lynch, il faut s’attendre à de belles surprises.

Du 18 au 26 octobre. Théâtre du jeu de Paume,17-21, rue de l’Opéra, Aix-en-Provence, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 6-20 €.

www.lestheatres.net.

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Est-ce la perspective des beaux jours ? En ce printemps 2013, l’art affirme sa volonté de sortir des musées, la littérature des livres et la musique des salles de concert… pour investir la nature ou la ville, les espaces publics ou privés. Le phénomène n’est pas nouveau. Il y a un siècle, les dadaïstes étaient les premiers à couvrir les murs d’affiches, inonder les places de tracts ou se produire dans des halls de gares. Le public contemporain est familier de ces manifestations « hors-les-murs » : les Documentas à Kassel et les Nuits Blanches des capitales européennes lui ont donné le goût de l’art en liberté. C’est au tour de la Provence de donner l’exemple : de l’inauguration du GR® 2013 aux Grandes Carrioles de la Friche, customisées par des artistes, en passant par une foule des parcours urbains ou bucoliques, il va y en avoir pour tous les goûts.

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Dossier réalisé par Emmanuelle Gall, Marco Jeanson, Fred Kahn

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EEn voiture, il ne faut que quelques minutes pour relier la gare d’Aix-TGV à Vitrolles. La relation au territoire reste alors très superficielle. A pied, le trajet dure deux heures. Bien qu’au cœur d’une des plus grandes métropoles d’Europe, nous suivons des pistes en terre, débouchons sur des cor-niches d’où l’on profite d’une vue imprenable sur l’étang de Berre, « la petite mer intérieure ». Le topoguide, édité pour l’occasion, nous invite ensuite à emprunter une ancienne route départementale, «  au bitume crevé de plantes sau-vages  », puis à contourner un terril de boues rouges pour descendre dans des gorges. Nichée sous un ro-cher, nous découvrons alors la naissance de la Cadière, un ruisseau qu’il s’agit de suivre jusqu’à son embou-chure dans l’étang de Bol-mon. Aucun de ces chemins n’est le fruit du hasard, le GR®2013 a été « dessiné » par des artistes marcheurs. Comme une œuvre d’art ? En tout cas, il est l’occasion d’envisager notre environnement périurbain avec un point de vue esthétique. Ce dernier devient alors « plastiquement » fascinant, à l’image de la complexité et de l’ambivalence de la nature humaine.

L’art par le corps.La marche est depuis longtemps identifiée comme une source d’inspiration pour la création artistique. Les flâneries bau-delairiennes, les déambulations surréalistes, ou les dérives situationnistes envisageaient déjà le déplacement comme un facilitateur, ou un déclencheur, pour l’esprit créateur. Mais depuis une quarantaine d’années, la mise en mouve-

ment est considérée en tant que médium artistique à part entière. Ces productions, qualifiées de « cinéplastiques » par Thierry Davila, répondent à des motivations nombreuses : sculpter l’espace avec son corps, répertorier les pratiques et les usages, interpréter les traces et les indices organiques, explorer le « tiers paysage », les délaissés urbains… Quelle que soit la posture, l’enjeu consiste à construire un objet de fiction, sur un mode de partage du sensible. Or, Marseille et sa région comptent de nombreux artistes engagés dans

des processus d’art par-tagé. Baptiste Lanaspeze, le directeur d’une maison d’édition spécialisée dans l’écologie culturelle (Wild-project), a ainsi proposé à l’équipe de Marseille-Pro-vence 2013 un projet un peu fou  : confier à de tels créateurs le soin de tracer

un sentier de grande randonnée à travers le territoire de la capitale européenne de la culture. Nicolas Memain, qui a dessiné le premier le sentier sur une carte, affirme avoir posé son geste « comme un ingénieur propose les plans d’une infrastructure de transport. » L’artiste n’a fait que très prag-matiquement induire des usages moins schizophréniques du territoire. Le caractère arbitraire des frontières adminis-tratives entre les différentes intercommunalités devient fla-grant. Autrement dit, « la métropole d’usage ne se superpose pas à la carte politique ». À l’arrivée, le sentier dessine une double boucle en forme de huit, de 365 kilomètres, dont les extrémités sont Miramas et Aubagne. L’épicentre est situé sur la gare TGV d’Aix-en-Provence (soulignant ainsi un nœud de communication

Le GR®2013, un sentier de grande randonnée tracé par des artistes, propose un cheminement inédit à travers les Bouches-du-Rhône. À la fois projet culturel et artistique, enjeu géostratégique, infrastructure de transport pédestre, il invite

à de nouvelles pratiques de la ville, voire à un nouvel usage du monde.Texte : Fred Kahn

Aucun de ces chemins n’est le fruit du hasard, le GR®2013 a été « dessiné »

par des artistes marcheurs.

GR®2013

La randonnéeà l’œuvre

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L’ART PREND L’AIR GR®2013

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essentiel – mais sous-utilisé – pour le département des Bouches-du-Rhône). Une branche du lasso entoure l’étang de Berre ; l’autre boucle suit les flancs du massif de l’Étoile et du Garlaban. À travers la garrigue ou le long des auto-routes, entre espaces ruraux et citadins, le sentier relie ainsi 39 communes des Bouches-du-Rhône.

Ville sauvage.Vue d’avion, la Métropole semble uniforme : un continuum urbain, plus ou moins « mité » par quelques espaces verts. Le GR®2013 nous fait pénétrer dans un territoire beaucoup plus contrasté, où l’urbanisation, bien que très violente, dia-logue avec une nature omniprésente. Baptiste Lanaspeze considère d’ailleurs que Marseille est l’une des cités les plus sauvages au monde : « Une ville avec un amphithéâtre de col-lines non constructibles ; une ville avec le seul Parc national

périurbain d’Europe ; une ville parsemée de trous, de friches végétales, créés par la désindustrialisation et la baisse de la démographie… ». Or, les artistes adorent s’engouffrer dans les interstices, cherchant à révéler des stratégies à l’œuvre de manière souterraine, des agencements autrement invi-sibles. Ils développent alors une connaissance extrêmement pointue du territoire, de sa topographie et de sa géographie intime. En reprenant la marche en direction de Vitrolles, nous longeons une ligne de crête jusqu’à un calvaire qui offre une plongée panoramique sur la conurbation Vitrolles-Marignane-Saint-Victoret. Nous voici revenus au cœur de l’urbanisation, dans l’axe des pistes de l’aéroport Marseille-Provence et dans le prolongement des serpents autoroutiers qui s’enroulent frénétiquement les uns au-dessus des autres. Le contraste entre le relatif havre de paix que nous venons

Arrivée à Berre-L’Étang, l’une des 39 communes traversées par le GR®2013.

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L’ART PREND L’AIR GR®2013

Le tracé du sentier : une double boucle de 365 kilomètres.

Une balade entre ville et nature.

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de quitter et cet enchevêtrement urbain est saisissant. La co-habitation du naturel et de l’artificiel serait donc possible ? Souhaitable  ? Le GR offre ainsi de multiples agencements apparemment contradictoires. Par exemple, quand après avoir traversé le bois de Boulard (à Cabriès), encore impré-gnés par les senteurs forestières, nous débouchons dans une clairière sur un plateau, d’où notre regard embrasse tout Plan de Campagne, l’une des plus grandes zones commer-ciales d’Europe. Exactement comme une œuvre d’art modi-fie notre manière de percevoir le monde, cet usage inédit du territoire transforme radicalement notre point de vue sur un environnement pourtant extrêmement familier. Loïc Magnant, chef de projet à Marseille-Provence 2013, évoque encore d’autres portions du GR : « de Miramas à Istres... De Miramas à Salon, ou le cheminement qui relie les différents massifs du Garlaban... » Autant de « séquences » d’un tracé périurbain brouillant la frontière entre ce qui procéderait de l’ouvrage de l’homme, donc de l’artifice, et ce qui relè-verait du naturel. Ne nous leurrons pas, cette traversée ne renvoie pas à l’idéal du beau. « Le territoire a été abîmé, il

en a pris plein la gueule, reconnaît Baptiste Lanaspeze. Il n’est pas question de faire l’éloge de notre société, mais de suspendre le jugement pour adopter une posture contempla-tive. Les Bouches-du-Rhône tout entières ressemblent à une œuvre de Land art puisqu’elles ont été profondément modi-fiées, usagées, par l’homme. Et ces interventions humaines dans le paysage sont plastiquement fascinantes ». Ainsi, le GR®2013 nous confronterait à un environnement, non pas beau, mais, sublime, car le beau est harmonie, alors que le sublime peut être difforme et chaotique.

GR®2013 Inauguration du 22 au 24 mars. Fête du plateau de Vitrolles, du 24 au 26 mai. 04 42 77 90 27.

WWW.mp2013.frvitrolles13.fr

INAUGURATION ET ANIMATIONSLe tracé du GR sera révélé, du 22 au 24 mars, par une course de relais, avec de multiples étapes. L’arrivée aura lieu sur le Plateau de l’Arbois. Le collectif d’artistes-marcheurs (Lau-rent Malone, Christine Breton, Hendrik Sturm, Matthias Poisson, Julie de Muer, Dalila Ladjal et Stéphane Brisset du collectif SAFI, Nicolas Me-main, Denis Moreau, Geoffroy Mathieu, Philippe Piron, Baptiste Lanaspeze) guidera de manière « sensible » les randonneurs. La Fédération française de randonnée (FFRandonnée), les associations et les collectivités territoriales traversées proposeront aussi des activités et des animations. Plusieurs temps forts seront également or-ganisés tout au long de l’année par Marseille-Provence 2013 et les communes traversées par le GR. Les 27 et 28 avril, un événement festif et gourmand aura lieu du côté de Salon-de-Provence. Puis, en mai, le plateau de Vitrolles sera investi par de nombreuses propositions artistiques. Des installations qui jouent avec le paysage, des balades décalées, un pique-nique, des rencontres avec de jeunes plasticiens archi-tectes venus de plusieurs pays d’Europe... Au-tant de façons de mettre en mouvement notre imaginaire territorial.

« Les Bouches-du-Rhône ressemblent à une œuvre de Land art puisqu’elles ont

été profondément modifiées, usagées, par l’homme. »

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Non loin du GR®2013, un projet littéraire et musical construit un pont imaginaire entre la Sainte-Victoire et les anciennes mines de Gardanne. De profondis ad summum, l’opéra de Célia Houdart et Sébastien Roux transforme le spectateur en voyageur.

DDans la mythologie amérindienne, les oiseaux-tonnerre (thun-derbirds) tirent leur nom du fracas produit par le battement de leurs ailes, immenses. Sur la Sainte-Victoire et au Puits Yvon Morandat, à Gardanne, Oiseaux / Tonnerre est un diptyque, constitué d’un parcours et d’une installation sonores : « un pe-tit opéra bruissant et minéral, reliant les sommets et les profon-deurs ». Initié par Marseille-Provence 2013, dans le cadre des Ateliers de l’Euroméditerranée, (des résidences d’artistes dans les entreprises et collectivités de la région), ce projet invite à découvrir, sous un jour inédit, les sentiers battus du massif aixois comme les vestiges du Grand ensemble minier de Pro-vence. Il est l’œuvre des deux artistes marcheurs, l’écrivaine Célia Houdart et le compositeur Sébastien Roux, inspirés par la nature et le génie des lieux.

De la mine…On a tendance à l’oublier. Gardanne a longtemps été à la pointe de l’exploitation du charbon en Europe. Jusqu’en 2003, le Puits Yvon Morandat (d’une profondeur de 1109 mètres et d’un diamètre de 10 mètres) battait des records de producti-vité. Cela ne l’a pas empêché de fermer, provoquant la dernière grande lutte de l’histoire minière en France. Racheté par la mairie, le site de quatorze hectares a été transformé en pépi-

nière de jeunes entreprises dédiées aux nouvelles technologies. Quand Sandrina Martins, qui pilote les Ateliers de l’Euromé-diterranée pour Marseille-Provence 2013, a découvert l’his-toire du lieu et sa reconversion, sa décision a été immédiate. Il fallait y créer un atelier, même si les start-up hébergées sur place, souvent précaires, n’ont pas encore la stature de riches mécènes. Au moment où elle pense à contacter Célia Houdart et Sébastien Roux, dont elle a apprécié les parcours sonores à l’occasion du Festival d’Avignon ou d’Evento à Bordeaux, les deux artistes projettent justement d’aller marcher dans la nature et rêvent de la Sainte-Victoire. Le duo s’est rencontré grâce à une passion commune pour le compositeur contem-porain Georges Aperghis et un goût pour la littérature et la musique « en situation », hors-les-murs. Et si l’espace urbain a été leur premier terrain de jeu, ils sont un peu las de la satura-tion sonore des villes et sont en quête d’autres espaces à inves-tir. Heureuse coïncidence – ou signe du destin ? –, la Sainte-Victoire est aussi haute qu’est profond le Puits Yvon Moran-dat. Pour ces amoureux de la géologie, désireux d’explorer les reliefs et le sous-sol, la relation entre la Sainte-Victoire et le puits est d’autant plus évidente qu’ils se regardent : « En faisant des repérages sur la montagne, notre regard était souvent attiré par la centrale électrique de Gardanne, et quand nous nous sommes garés sur le parking de la mine, notre première vision a été la Sainte-Victoire », raconte Célia Houdart. Et, après avoir crapahuté en compagnie des oiseaux, les artistes découvrent que la mine est devenue le rendez-vous des hirondelles. Le tan-dem se met à l’écoute des « bruits » de la Sainte-Victoire et du puits. Ils rencontrent les anciens mineurs, qui leur parlent des craquements, des fracas, jadis entendus dans la mine. Émus par la passion de ces hommes et la puissance évocatoire de ces lieux, intacts malgré leur désaffection, les artistes imaginent une fiction nourrie de toutes les sensations vécues pendant ces mois passés entre nature et histoire, sommets et profondeurs.

À un hymne à la nature. Après deux ans de travail, le résultat est un diptyque reliant la Sainte-Victoire aux anciens vestiaires du Puits Yvon Mo-

Des profondeursaux sommets

Texte : Emmanuelle Gall • Photo : Graziella Antonini

OISEAUX / TONNERRE

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randat. Dans « cet ancien espace de travail, de passage, qui rappelle l’univers étrange d’Enki Bilal », les artistes ont fait entrer la nature. Y sont diffusés, en continu, des sons sem-blant issus des profondeurs de la terre, en interaction avec un dispositif de fumée et de lumière « évoquant le ciel avant l’orage ». Dans les anciennes douches, les voix d’une femme et d’un homme racontent leur descente de la Sainte-Victoire, décrivant comme des caméras subjectives les sensations emmagasinées au fil du parcours. Pour Célia Houdart, cette installation « déplace l’imaginaire des lieux sans les modifier, repousse les murs et perturbe l’espace, mais à travers les seules perceptions ». Une façon de redonner vie à la mine, d’y faire entrer un ailleurs, une poésie nouvelle, tout en respectant son histoire. Sur la Sainte-Victoire également, l’intervention des artistes reste discrète, de l’ordre des seules sensations.

Muni d’un casque et d’une carte, retirés à la Maison de la Sainte-Victoire ou téléchargés sur Internet, le spectateur est invité à une balade de deux heures, dont les temps de pause sont autant de concerts privés. Assis sur un promontoire, dans une grotte, puis une ancienne carrière, le marcheur écoute un opéra conçu comme un dialogue entre les règnes, végétaux, animaux et humains. Célia Houdart a écrit le livret « pour les êtres de la Sainte-Victoire » : le rossignol, le lactaire délicieux, la fauvette, la lune, l’aigle Bonelli… Dans cette fiction animiste, confiée à plusieurs comédiens, cohabitent des chants d’oiseaux retranscrits, un chœur d’animaux et un récit à deux voix, celles d’un homme et d’une femme inter-prétés par Agnès Pontier et Guillaume Rannou. Le tout sur une partition minérale et climatique de Sébastien Roux.

PARCOURS SONOREà partir du 20 mars. Départ Maison de la Sainte Victoire, D 17, Saint Antonin sur Bayon. Gratuit. 04 13 31 94 70.

INSTALLATIONdu 13 avril au 12 mai. Puits Morandat, 1480, avenue d’Arménie, Gardanne. 3-5€.

WWW.mp2013.fr.

Célia Houdart a écrit le livret pour les êtres de la Sainte-Victoire : le rossignol,

le lactaire délicieux, la fauvette, la lune, l’aigle Bonelli…

L’ART PREND L’AIR OISEAUX/TONNERRE

Célia Houdart et Sébastien Roux, en repérage à la Sainte-Victoire et au Puits Yvon Morandat.

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Une part importante de la programmation de Marseille-Provence 2013 se déroule dans l’espace public. Vous n’êtes certainement pas étranger à ce choix ? Lieux publics a en effet été fortement associé à la construction de la capitale européenne de la culture. Je me suis impliqué pour que l’art dans la cité représente un volet struc-turant du projet porté par Marseille-Provence 2013. Je n’ai qu’un seul regret  : nous n’avons pas complète-ment réussi à aborder cette question de façon globale et transversale. Il y aura beau-coup de propositions en es-pace public en 2013, mais, à mon sens, elles ne se croisent pas assez. Nous n’avons pas su casser les murs invisibles qui subsistent entre les disciplines. Les arts de la rue se heurtent toujours à une sorte de plafond de verre, comme si, par leur dimension populaire, ces formes ne pouvaient pas totalement prétendre au statut de création contemporaine. Ce n’est pas du tout mon approche. Les événements que Lieux publics présente en 2013 sont à la fois contemporains et populaires : des esthétiques d’aujourd’hui, mais accessibles au plus grand nombre. Ainsi, aucun bagage particulier ne sera nécessaire pour entrer dans les propositions. Les manifestations seront lisibles avec des rendez-vous dans des lieux facilement identi-fiables et des règles du jeu simples à comprendre.

Lieux publics est donc présent sous de multiples formes tout au long de l’année 2013 ? Tout d’abord, nous continuons Sirène et midi net. Depuis neuf ans, chaque premier mercredi du mois, sur la place de l’Opéra, des artistes jouent avec la sirène d’alerte qui résonne dans la

ville. Et le 4 décembre, nous fêterons la centième de ce rituel artistique et urbain. Lieux publics est également à l’initiative du Détournement de Canebière, l’installation monumentale de Pierre De-lavie, visible depuis le début de l’année sur la façade de la Chambre de Commerce.

Mais l’actualité la plus im-médiate concerne Champ harmonique, un événement qui a vocation à fédérer un public très nombreux ?Nous allons déployer cette symphonie éolienne pour audi-teurs-marcheurs et cinq cents instruments sur les hauteurs des Goudes. Nous attendons 30 à 40 000 personnes dans ce site absolument somptueux, d’où l’on surplombe tout Mar-seille. Ce « projet de paysage » a été peu présenté en France. De toute façon, à chaque fois, le lieu impose une recréation, une totale réécriture de l’ensemble du dispositif. Je dois composer avec le vent tout en invitant les gens à suivre un parcours, lui-même source de narration. Car Champ har-monique est aussi peuplé de personnages. Ils arpentent et

grands espacesLieux publics, la structure dirigée par le compositeur Pierre Sauvageot, a été l’un

des principaux moteurs de la construction de la capitale européenne de la culture.À son initiative, en 2013, de nombreux événements vont s’inscrire dans l’espace urbain.

Comment l’artiste analyse-t-il ce foisonnement et quels sont ses projets ?Propos reccueillis par Fred Kahn • Photos : Vincent Lucas

« Les événements que Lieux publics présente en 2013 sont à la fois contemporains et

populaires : des esthétiques d’aujourd’hui, mais accessibles au plus grand nombre. »

PIERRE SAUVAGEOT

Arts pour

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L’ART PREND L’AIR PIERRE SAUVAGEOT

Pierre Sauvageot, créateur de Champ harmonique et directeur de lieux Publics.

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Champ harmonique à Martigues, en 2010.

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soulignent l’espace musical, organisent des écoutes, posent des images, capturent des histoires et restituent des sons...

Et, à l’automne, vous métamorphoserez la ville…P. S. : Nous allons, en effet, créer un rendez-vous interna-tional en trois volets. Ces Métamorphoses débuteront dans le bas de la Canebière avec Figures Libres, un spectacle de la compagnie KompleXKapharnaüM. La Canebière sera aussi le lieu d’un banquet, conviant plus de mille personnes : une grande tablée, scénographiée, mise en scène et en paroles, sur plus de trois cent mètres. La deuxième manche de ces Métamorphoses nous conduira à la gare Saint-Charles. Pour l’occasion, l’escalier monumental sera à la fois investi par une création chorégraphique partagée et transfigurée par une coloration. Pour ma part, je proposerai à l’intérieur de la gare une version très personnelle du Sacre du Printemps, car complètement réorchestré avec un instrumentarium électroacoustique. Et nous présenterons également toute une série de performances dans le quartier en coproduc-tion avec In Situ, le réseau international que nous pilotons. Enfin, pour le troisième et dernier temps de ces Métamor-phoses, nous avons invité le plasticien Olivier Grossetête qui édifiera, sur la Place Bargemont, une ville éphémère en car-ton avec des participants amateurs. Il me semble essentiel de questionner le rapport à l’urbanisme avec un point de vue utopique et en laissant libre cours à l’imaginaire.

SIRÈNE ET MIDI NET tous les premiers mercredis du mois, à midi, place de l’Opéra, Marseille, 1er.CHAMP HARMONIQUE, du 4 au 28 avril, aux Goudes. MÉTAMORPHOSES, du 20 septembre au 6 octobre, centre-ville. WWW.lieuxpublics.com

L’ART PREND L’AIR PIERRE SAUVAGEOT

« Il me semble essentiel de questionner le rapport à l’urbanisme avec un point de vue utopique et en laissant libre cours à

l’imaginaire. »

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AAu détour de la route du Puy-Sainte-Réparade, le domaine du Château La Coste se dévoile progressivement. Passé le seuil, sobrement signalé par l’architecte Tadao Ando, dont l’esprit zen flotte sur l’ensemble du site, le visiteur est d’abord immergé dans un paysage vallonné, de vignes et d’oliviers. En suivant l’allée qui mène au centre d’art, il découvre peu à peu cet édifice sculptural de béton et de verre, gardé par une Crouching Spider (“Araignée tapie”) de Louise Bourgeois, se mirant dans l’eau d’un bassin conçu pour elle. La déam-bulation dans la librairie, puis le restaurant, offre d’autres spectacles  : Infinity d’Hiroshige Sugimoto, une sculpture d’acier à l’image d’une formule mathématique, et un mobile de Calder qui s’anime les jours de mistral. Reste à choisir sa table, et sa vue, pour déguster un repas préparé à partir de produits frais, arrosé par un vin du domaine. Le ton est donné  : tout, ici, est luxe, calme et volupté, ou plutôt art, nature et culture de la vigne.

La crème de l’art contemporain. Lorsqu’il a acquis le domaine, sa bastide vénitienne de 1682 et ses 125 hectares de vignes, Patrick McKillen aurait pu se contenter de s’y préparer une paisible retraite. Sa passion conjointe pour l’art et le vin lui ont soufflé un autre projet, nettement plus audacieux  : créer un breuvage à la mesure des lieux et inviter les plus grands artistes et architectes du moment à cultiver son jardin. Avec une fortune colossale, acquise dans l’immobilier et l’hôtellerie de luxe, l’homme a les moyens de ses ambitions. Il a aussi, en matière d’art, le goût et l’exigence qui font de cet incroyable work in pro-gress un chef-d’œuvre, unique en son genre. Au fil de deux heures de balade dans une nature cultivée depuis l’époque

Aux esthètes, que « des jeuxet du pain » ne sauraient contenter,

le domaine de Château La Coste propose un voyage exceptionnel. Dix

ans après son acquisitionpar l’homme d’affaires irlandais,

Patrick McKillen, ce Xanadu provençal recèle une collection d’art

contemporain digne des plus grands musées.

Par Emmanuelle Gall

CHÂTEAU LA COSTE

l’art et duvin

De

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romaine – en témoignent les vestiges de sentiers pavés et de murs en pierres sèches –, le visiteur découvre pas moins d’une vingtaine d’installations, sculptures ou construc-tions. D’autant plus exceptionnelles qu’elles ont presque tous été conçues, in situ, par les artistes. Ainsi, le peintre Sean Scully a souhaité réaliser un Mur de lumière, dans l’es-prit de ses toiles abstraites, à partir de blocs de pierre issus de carrières différentes et dont les nuances varient au gré de la lumière. Plus loin, le génie du Land art, Andy Goldsworthy, a creusé son Oak room (« chambre de chêne ») dans une restanque. Dans ce monument souterrain, aux allures de tombeau de Pharaon, l’artiste a conçu le plafond comme un nid inversé, constitué de milliers de branches de chêne de Bourgogne tressées. L’invitation au recueillement et à la spiritualité se poursuit dans la chapelle XVIe siècle, restaurée par Tadao Ando et signalée par une croix en perles de verre de Jean-Michel Othoniel. L’architecte a enveloppé la bâtisse de pierre d’une paroi de verre et de métal et dirigé la lumière à tra-vers quelques interstices. Il faut fermer la lourde porte pour

prendre la mesure de cet éclairage quasi surnaturel. Invité d’honneur du domaine, Tadao Ando est également l’auteur d’un pavillon, baptisé Four cubes to contemplate our envi-ronment (« quatre cubes pour contempler notre environne-ment ») et a semé des bancs (Origami benches, 2011) dans différents points stratégiques du parcours. Comme autant

d’invitations à s’immerger dans le paysage, à prendre le temps d’observer, par exemple, les lames d’acier plantées par Richard Serra… Sur le chemin du retour, il ne faut pas rater l’installa-tion de Liam Gillick, perdue dans les arbres. Constituée

de grilles mobiles, aux couleurs vives, et dont la manipu-lation génère des perspectives chaque fois différentes, elle semble un jeu d’enfant aux résonnances multiples, entre prison et œuvre d’art optique. Autre révélation  : la goutte d’acier (Drop), déposée sous deux chênes centenaires par Tom Shannon. Tournant autour d’un axe, le miroir géant capture et reflète la totalité du paysage environnant. Pour compléter le tableau, il faut également citer les œuvres de Tunga, Fanz West, Michael Stipe, Paul Matisse, Tatsuo

L’ART PREND L’AIR CHÂTEAU LA COSTE

L’esprit zen de l’architecte japonais, Tadao Ando, flotte sur l’ensemble du site.

Jean Michel Othoniel, Croix (2007-2008), vue dans un reflet de la Chapelle de Tadao Ando (2011).

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L’ART PREND L’AIR CHÂTEAU LA COSTE

Le Pavillon de Musique de Frank O Gehry (2008)

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Miyajima, Guggi… auxquelles s’ajoutera bientôt une instal-lation de Sugimoto. La collection d’architectures de Patrick McKillen est à l’avenant. Outre Tadao Ando, quatre autres lauréats du prix Pritzker (Nobel de l’architecture) sont déjà intervenus dans le domaine ou ont reçu une commande. Le pavillon de musique de Franck Gehry, aux formes inspirées par les catapultes de Léonard de Vinci, a été transplanté de la Serpentine Gallery de Londres pour laquelle il avait été dessiné. Il accueille désormais des concerts dans le cadre du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence. On pourra bientôt visiter deux maisons historiques, réalisées par Jean Prou-vé, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, pour accueillir les sinistrés de Lorraine. Également, en projet, un auditorium signé Renzo Piano, un hôtel-spa conçu par l’agence Tangram et un bâtiment agricole confié à Oscar Niemeyer…

L’accord vin et œuvres.Au « village », où sont regroupés les équipements viticoles, Jean Nouvel a réalisé dès 2008, son premier chai de vinifi-cation. L’édifice en aluminium, au toit arrondi pour ruser avec les rayons du soleil, est à la pointe de la technologie. Il se visite à la fois comme une œuvre et un laboratoire, aux exigences techniques multiples. En vin comme en art, Pa-trick McKillen a voulu le meilleur. Dotant le domaine des machines allemandes et italiennes les plus performantes du moment, il en a confié les rênes à l’œnologue et vigneron de Cahors, Matthieu Cosse. Depuis 2006, ce dernier tra-vaille selon les principes de la biodynamique, c’est-à-dire en préservant le terroir et la qualité de ses sols. Héritier d’un Coteaux-d’Aix-en-Provence et de ses quelques cuvées his-toriques (Lisa, Rosée d’une nuit…), il assemble les cépages à la manière d’un artiste. Avec une production annuelle de 750 000 bouteilles, réparties en cinq gammes et trois cou-leurs, toutes labellisées bio, Matthieu Cosse mise à la fois sur la diversité et la qualité. Et les restaurateurs de la région sont de plus en plus nombreux à lui passer commande.

DOMAINE DU CHÂTEAU LA COSTE2750, route de la Cride, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade. 04 42 61 89 98. 6-19 €

www.chateau-la-coste.com

Une vingtaine d’installations, sculptures ou constructions, d’autant plus exceptionnelles qu’elles ont presque tous été conçues, in situ,

par les artistes.

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Recréerla ville

L’expression « parcours urbain » recouvre des propositions artistiques très diverses : depuis les expositions à ciel ouvert d’œuvres monumentales, tel L’Art à l’endroit

à Aix-en-Provence, jusqu’aux performances déambulatoires d’artistes, inspirées par un quartier ou conçues in situ. Le printemps 2013 voit fleurir une foule de parcours

et offre l’occasion de vivre des expériences originales, entre street art, collage et happening.Par Emmanuelle Gall

Didier Petit , Voyons voir, 2011. L’oeil d’Etienne-Jules Marey, papier noir découpé, 225 x 125 cm.La Nuit de l’instant

C’est déjà la quatrième édition de la manifestation propo-sée par Les Ateliers de l’image dans le Panier. Labellisée par Marseille-Provence 2013, elle gagne en amplitude. La « Nuit » commence le vendredi 12 avril à midi, pour accueillir les scolaires, et se prolonge jusqu’au lendemain à 18h. Le temps fort reste la soirée du vendredi, avec des vernissages dans une vingtaine de lieux. Au total, les œuvres de plus de cinquante artistes sont réunies dans le Panier autour d’une probléma-tique commune : comment aborder l’image fixe de manière transversale  ? Autrement dit, ici, la photographie se décline en vidéos, installations, projections, diaporamas, mais aussi peintures ou dessins… Comme lors des précédentes éditions, la Nuit 2013 expose une sélection d’œuvres issue d’un appel à

PARCOURS URBAINS

participation international et des pièces choisies dans la col-lection du FRAC (Fonds Régional d’Art Contemporain) Pro-vence-Alpes-Côte d’Azur. Elle présente, en outre, le résultat de cinq cartes blanches à des structures françaises (Voies OFF, Les Photomnales de Beauvais, Grains de Lumière, CIPM et Supervues) et d’un partenariat avec Košice 2013. Une expo-sition baptisée Dynamika réunit une vingtaine d’artistes slo-vaques et provençaux. L’accrochage, réparti entre La Traverse et La Citerne du Panier, se prolongera jusqu’à la mi-mai.

Les 12 et 13 avril. La Traverse, 28-38, rue Henri Tasso, Marseille, 2e. 04 91 90 46 76. Entrée libre.

www.ateliers-image.fr

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L’ART PREND L’AIR PARCOURS URBAINS

L’Art en vitrinesSachant que la ville est le terrain de jeu privilégié de nombreux artistes contemporains, l’équipe de Marseille-Provence 2013 a eu envie d’initier un partenariat original et de transformer les vitrines des magasins marseillais et aixois en cimaises. Ou plu-tôt en lieu d’expérimentation, car pour Sandrina Martins, qui coordonne l’opération pour MP 2013, « il n’était pas question de se contenter d’installer des œuvres dans les vitrines, il fallait imaginer des projets spécifiques. » Dans les deux villes, de nom-breux commerçants ont répondu présents.

À Aix-en-Provence, où l’opération a lieu pendant les Ren-contres du 9e art (et en partenariat avec la manifestation), le des-sinateur Laurent Lolmède s’est régalé : « Imaginez plutôt, trente commerces (re)vus et dessinés à la sauce Lolmède. Du Mono-prix au garage Peugeot, en passant par le boulanger et les inévi-tables marchands de calissons… Trente portraits de boutiques, avec au final des tirages XXL de dessins plus vrais que nature, qui seront mis en place pendant près d’un mois dans chacune des vitrines du lieu qu’ils représentent. » Lors du parcours, les visiteurs sont invités à retirer une carte postale, dans chaque boutique, pour se constituer une « collection de collectors ».

À Marseille, l’opération est orchestrée par l’Atelier Tchikebe, imprimeur et éditeur d’œuvres d’art réputé pour la qualité et l’originalité de son travail. Gilles Pourtier, qui a déjà réalisé plu-sieurs projets avec la structure, est parti en Martinique, pour photographier la jungle et rapporter à Marseille des paysages inédits. Tirées en très grands formats, ses photos ont été impri-mées en anaglyphe : la bonne vieille méthode, issue de la sté-réoscopie, pour donner l’illusion de la 3D. Une quarantaine de commerçants de l’hyper centre-ville (Canebière, rues de Rome et Saint-Ferréol) ont accepté de voir leur vitrine entièrement recouverte par ces images. Ainsi, équipé de lunettes 3D et d’un plan (à retirer dans les magasins partenaires), le spectateur se retrouvera immergé dans une incroyable jungle urbaine.

Du 2 au 27 avril. Centres-villes d’Aix-en-Provence et Marseille. Renseignements : www.mp2013.fr

Laurent Lolmède, Art en vitrines, 2013.Dessin préparatoire au projet

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En vadrouille avec Radio GrenouilleLa radio marseillaise est, depuis long-temps, réputée pour ses projets hybrides et ses expérimentations tous azimuts. Le

23 mars, elle inaugure un site Internet dédié aux « promenades sonores » qu’elle produit depuis l’année dernière en partenariat avec Marseille-Provence 2013. Il propose (à l’écoute et au té-léchargement gratuit) une vingtaine (et, à terme, une quaran-taine) de créations « conçues pour les paysages entre ville et nature de Marseille-Provence et du GR 2013 ». Des parcours imaginés par des artistes, auteurs ou documentaristes, en ville ou la campagne, autour de lieux aussi divers que la Cité radieuse, Saint-Barnabé ou Les Aygalades, à Marseille, mais aussi d’autres espaces, à Aix, Salon, Istres, Arles… Sur le site, chaque promenade a droit à sa page, avec un plan détaillé, la durée du parcours, diverses informations sur les auteurs et leurs intentions. Des images et vidéos complètent le tout et donnent franchement envie de partir, casque sur les oreilles, en « promenade sonore ».

À partir du 23 mars. www.promenades-sonores.com

OpératourOfficiellement associés au Théâtre du Merlan depuis 2010, les Grenoblois d’Ici-Même aiment Marseille. Ces dix der-nières années, le collectif à géométrie variable, constitué selon les projets de trois à trente personnes, y a multiplié les projets et les collaborations, avec notamment Radio Gre-nouille ou la Gare Franche. Le fruit de leur dernière rési-dence au Merlan, en partenariat avec Marseille-Provence 2013, s’intitule Opératour  et prend la forme d’un carnet de rendez-vous. Pendant le mois d’avril, le spectateur est invité à «  vivre un état exploratoire de la ville  » et à faire son choix parmi plusieurs propositions, allant de «  pro-menades sonores  » à une «  randonnée d’intérieur  » d’une durée de vingt-quatre heures. Les expériences, les formats et les lieux sont extrêmement variés, avec une prédilection pour les «  échangeurs  »  : Marché d’Intérêt National, gare Saint-Charles, siège social d’une entreprise, plateforme in-dustrielle du courrier, centre urbain du Merlan, plateau de théâtre… Prendre rendez-vous avec Ici-Même, c’est accep-ter d’être surpris. Le collectif revendique « une pratique pro-téiforme et transversale, croisant les approches et brouillant les frontières entre les disciplines : jeu d’acteur, création sonore, installation, performance, graphisme, architecture, photographie, écriture, vidéo, sociologie de terrain… » Pour faire connaissance avec ces artistes avant de s’engager, il est encore possible de participer à un atelier Nappemonde. La dernière séance d’exploration collective en prévision d’Opé-ratour aura lieu au Merlan, le 30 mars.

Nappemonde, le 30 mars. 10h-13h.Opératour, du 12 avril au 25 mai. Le Merlan,Avenue Raimu, Marseille, 14e. 04 91 11 19 30. 10-30 €.www.merlan.org

Une Nappemonde, réalisée lors d’un atelier éponyme, au Merlan.

« L’Aire de la Moure », une balade signée Erikm.

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TTrous noirs, non-lieux… Les tunnels n’ont, en général, pas bonne réputation, et font plus souvent la une des faits divers que celle des magazines d’art contemporain. Dans la grande famille des tunnels marseillais, National et Bénédit, parti-culièrement dégradés, apparaissent en outre comme deux checkpoints, symbolisant la fracture nord-sud. Le premier, à tort associé à la Belle de Mai, est situé dans le premier arrondissement et le second, rue Bénédit, est à cheval sur deux quartiers : Saint-Charles et Chutes-Lavie. Il n’est donc a priori pas étonnant que les responsables du programme des Quartiers créatifs, qui consiste à inviter des artistes dans des cités ou des lieux publics en rénovation, aient pen-sé à ces infrastructures.

Des ex-voto contemporains.Le tunnel National a été confié à deux artistes gre-noblois, Philippe Mouillon et Maryvonne Arnaud, spécialisés dans les villes réputées difficiles voire « ébranlées » (Rio de Janeiro, Johannesburg, Alger, Grozny, Sarajevo, Tchernobyl). Il ne manquait plus que Marseille à la liste… « On nous a dit que c’était le quartier le plus pauvre d’Europe, un quartier à part, alors qu’il est en plein centre-ville », dit Maryvonne Arnaud. De leur côté, les deux plasti-ciens ont tout de suite été frappés par l’aspect étrangement graphique de ce tunnel, avec sa disposition inédite de néons

en pointillés transversaux sur la voûte et la coupure en son milieu. Aux heures éblouissantes de l’été, elle laisse percer comme une lumière divine. Le tandem est parti pendant six mois à la rencontre des habitants du quartier, pour récolter oralement leurs désirs et leurs souhaits. Leur projet  : réa-liser une série d’ex-voto sous forme de caissons lumineux à accrocher dans ce tunnel-crypte, en associant la formu-lation d’un vœu au détail d’une partie du corps. Chacun pourra d’ailleurs se reconnaître dans telle main ou tel oeil. « L’idée était d’inverser la perception que les gens ont de ce passage, explique Maryvonne Arnaud. Il est sale, il est irres-pirable, il y a eu quatre-vingts morts lors d’un bombarde-ment pendant la guerre, mais il ne doit pas faire peur. Il fau-

drait même arriver à initier un nouveau réflexe : chaque fois qu’on passerait dans ce tunnel, on ferait un vœu, on penserait à un être cher… » Un grand nombre d’habi-tants ont été sollicités, par l’intermédiaire d’associa-tions et maisons de quar-

tier, de foyers de personnes âgées, du foyer pour femmes Honnorat, de l’école Victor Hugo, de l’espace lecture, ou encore de la boutique de la fondation Abbé Pierre, située rue Loubon. Mais pourquoi des vœux ? « Parce que, pour-suit Maryvonne Arnaud, derrière les souhaits se cachent les craintes… » Comme l’exprime l’un de ces ex-voto : « Je vou-drais que l’humanité sorte du chaos, vite ! Moi, y compris. »

Jusquedans les tunnels

L’ART PREND L’AIR TUNNELS ARTISTIQUES

Deux des quatorze « Quartiers créatifs », initiés par Marseille-Provence 2013 dans des zones en rénovation urbaine, ont élu domicile dans des tunnels. Desservant la Friche de la Belle de Mai, les tunnels National et Bénédit avaient bien besoin

d’un coup de peinture. Ils obtiennent bien plus !Par Marco Jeanson

« L’idée était d’inverser la perception que les gens ont de ce passage. »

QUARTIERS CRÉATIFS

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L’ART PREND L’AIR TUNNELS ARTISTIQUES

Ex-voto réalisés par Maryvonne Arnaud et Philippe Mouillon pour le tunnel National, 2013.

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Si la peur se tapit derrière le désir, l’humour n’est jamais bien loin de la gravité : « Je voudrais une femme, pas comme Madonna, une femme sincère. » La Ciccone n’a qu’à bien se tenir ! Du fait de leur juxtaposition et leur répétition, les 135 vœux sélectionnés laissent une impression douce-amère, teintée de poésie surréaliste. Certaines formulations sont d’une simplicité ou d’une tristesse poignante : « Je voudrais être stable, c’est tout » ou « Je veux, pour mon anniver-saire, aller dans un parc  » ou encore «  Je voudrais ne pas aller en prison quand je serai grand ». D’autres sont volontairement (?) poé-tiques (« Je voudrais retrou-ver l’étoile brillante que j’ai perdue ici » ou « Je veux plus de ponts et moins de murs  »), ouvertes  («  Je voudrais ren-contrer l’homme ou la femme de ma vie »), paradoxales (« Je donnerais ma vie pour voir mes enfants grandir ») ou même magnanimes (« Je voudrais que tous les vœux se réalisent »). À défaut d’exaucer tous les vœux, Maryvonne Arnaud et Philippe Mouillon leur permettent de s’exprimer. Et, désor-mais, pour faire un vœu, on saura où aller !

Des panneaux rigolos. Situé juste à la sortie de la Friche, le tunnel Bénédit n’est pas mieux loti que son grand frère du boulevard National. « C’est un non-lieu, un abysse », dit Frédéric Clavère, l’ar-tiste qui s’est attelé à la lourde tâche d’égayer ce trou noir. Le Réseau ferré de France, à qui appartient le tunnel, lui a alloué les lieux tels quels, sans rénovation prévue. La voirie a toutefois refait les trottoirs. « J’emprunte ce tunnel tous les jours pour accompagner ma fille à l’école, poursuit Frédé-

ric Clavère, c’est un endroit glauque et anxiogène. Je l’ai pris comme une déambulation forcée. » Spécialiste de la collecte d’images de toutes provenances (stickers, hiéroglyphes, images Panini, photographies de films…), l’artiste est éga-lement parti à la chasse aux icônes auprès des habitants et des usagers du quartier. Il a organisé une série d’ateliers à la Friche et dans les écoles, puis créé un site web participatif

(www.1000signes.fr), dédié à l’événement. En partant du principe de la signalé-tique routière, il l’a adapté à sa manière, c’est-à-dire avec une bonne dose d’humour et d’ironie. Aux panneaux, qualifiés de « polices » dans le jargon des fabricants (les ronds, carrés, octogonaux

et rectangulaires), il a ajouté le blason et la bulle de BD qui, elle, restera vierge... Bientôt, 460 panneaux en aluminium recouverts de vernis de carrosserie seront exposés à deux mètres cinquante de hauteur (dans l’espoir d’échapper aux tagueurs). Pour tous les voir, mieux vaut être piétons qu’au-tomobiliste ou motard.

460 panneaux en aluminium, recouverts de vernis de carrosserie, exposés à deux mètres

cinquante de hauteur.

Panneaux en aluminium, recouverts de vernis de carrosserie, réalisés par Frédéric Clavère pour le tunnel Bénédit, 2013.

EX-VOTO ET LE TUNNEL DES MILLE SIGNES inauguration le 30 mars. Tunnel National, boulevard National, Marseille, 1er. www.mp2013.frTunnel Bénédit, rue Bénédit, Marseille, 4e. www.1000signes.fr

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DDeux initiales, une paire de lunettes de soleil et un chapeau. Si JR cultive l’anonymat, ce n’est pas seulement par coquet-terie artistique. Tout a commencé quand il avait quatorze ou quinze ans : il taguait son nom sur les toits et dans les tunnels, de manière systématique, dans le seul but d’appo-ser ses initiales. « J’étais à la fois l’artiste et le message, mon but c’était d’exister au sein de la ville. » Un jour, l’adolescent trouve un appareil photo, mais attend un an avant de s’en servir : « Je n’étais pas très bon en graffiti, mais j’avais en-vie de raconter ces aventures nocturnes sur les voies ferrées. J’ai donc pris des photos et, ensuite, la première idée qui m’est venue à l’esprit, c’est de les coller dans la rue. » À dix-sept ans, JR fait son pre-mier affichage sauvage : des photocopies A4 encadrées à la bombe de peinture. Il écrit  sur le mur  : «  Mon expo à moi, c’est la rue ». Plus tard, le message devient « ex-po2rue », puis « sidewalk gallery » (« galerie du trottoir »), en traversant la Manche. Les formats A4 s’agrandissent en A3 juxtaposés… Toujours en noir et blanc. En 2004, JR rend visite à un ami, Ladj Ly, dans le quartier des Bosquets, à Cli-chy Montfermeil. Il prend des photos et les compères déci-dent de les imprimer sur des lés de papier peint avant de les coller à l’endroit même où elles ont été prises. Un an passe et les émeutes de 2005 éclatent. La première voiture brûlée l’est juste devant l’affiche de Ladj, avec sa caméra braquée comme un revolver. Cette image deviendra emblématique et fera le tour de la France, puis du monde. « Ensuite, ra-

conte JR, on a vu aux informations des mecs cagoulés shoo-tés au téléobjectif, ça faisait peur, on aurait dit des sauvages. Mais moi, je ne les reconnaissais pas, ces gars des Bosquets. » Il est retourné les voir, les a photographié avec un objectif 28 mm, de très près, et a collé leurs portraits grand format dans les rues de Paris, avec leur nom et adresse. Puis, il a fait la même chose de part et d’autre du « mur de sépara-tion » en Cisjordanie, sur les façades de la favela Morro de Providencia à Rio, sur les toits du bidonville de Kibera à Nairobi… Voilà comment on devient à moins de trente ans

le « Cartier-Bresson du XXIe siècle  », représenté par la galerie Emmanuel Perrotin à Paris, Hong Kong et New York.

Collages collectifs à La Friche.Photographe, colleur d’af-

fiches, voyageur, JR se concentre aujourd’hui sur son activité d’imprimeur, avec deux grands projets colossaux et globali-sés qu’il mène de front. Unframed (« Hors-cadre ») et Inside Out (« Dedans dehors »). L’artiste ne prend plus de photos, mais travaille sur des images d’archives et des portraits. Son but : « sortir le monde de son cadre » (Unframed), « le retour-ner » (Inside Out). À Marseille, il est venu à la rencontre des habitants du quartier de la Belle de Mai dans le « cadre » de Unframed. La recherche a commencé par une collecte d’images hétéroclites auprès des vieux, des moins vieux, des jeunes, pour se faire une idée des mémoires collectives et individuelles du quartier. Il y est beaucoup question d’émi-

La Belle de Mai

s’afficheDepuis mai 68, les murs avaient la parole. Avec JR, ils ont désormais aussi

l’image. Célèbre pour ses affichages dans différents points chauds de la planète, l’artiste travaille avec les habitants de la Belle de Mai,

dans le cadre d’un Quartier créatif.Par Marco Jeanson

Voilà comment on devient à moins de trente ans le « Cartier-Bresson du XXIe siècle »…

JR

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L’ART PREND L’AIR JR

Inauguration les 17, 18 et 19 mai. Friche de la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e, 04 95 04 95 95. Entrée libre.

WWW.lafriche.org

gration, bien sûr, mais aussi de luttes politiques, d’histoire industrielle et, chez les jeunes, de préoccupations sans rap-port avec le quartier. Parce que JR est un artiste sollicité aux quatre coins du monde, l’encadrement du projet ne s’est pas fait sans mal. Pourtant, dès que le bonhomme réapparait autour de la place Bernard Cadenat, l’aventure reprend. Contrairement à son homonyme télévisuel, JR est un jeune homme rempli d’empathie, capable, en quelques mots, de donner une bonne dose d’énergie positive à une bande de collégiens turbulents. « Il est ultra accessible et ne se la pète pas », disent des adolescents qui l’ont rencontré. Après avoir sélectionné les images, JR reviendra à Marseille pour l’installation finale (entre le 9 et 19 mai), à laquelle seront associés les jeunes du quartier. Un gigantesque collage est prévu sur la façade du restaurant de la Friche, donc visible

depuis l’arrivée en train, tandis que d’autres collages seront disséminés dans le quartier de la Belle de Mai et feront même l’objet d’un parcours « Proxi-Pousse », ces rickshaws qui fleurissent à Marseille depuis 2009. JR ayant travaillé sur une nouvelle colle plus résistante, les affiches devraient tenir plusieurs années…

Unframed, Man Ray revu par JR, Femme aux cheveux longs, 1929, à Vevey (Suisse), 2010.

Unframed, Robert Capa revu par JR, Troupes américaines durant la bataille de Leipzig, à Vevey (Suisse), 2010.

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MMalgré sa monumentale exposition en 2011 au château de Versailles, Bernar Venet reste moins connu en France qu’à l’étranger. C’est un peu de sa faute. Né dans les Alpes de Haute-Provence, il y a un peu plus de soixante-dix ans et après avoir fréquenté Arman, César et Jacques Villeglé, il est parti s’installer aux États-Unis en 1966. « J’y ai appris le formalisme, dit-il avec une pointe d’accent méridional, la puissance de l’œuvre d’art américaine. » À New York, il s’impose dans les années 70 comme l’un des chefs de file internationaux de l’art conceptuel. Il expose aux côtés des tenants de l’art minimaliste  : Sol LeWitt, Donald Judd, Carl Andre, Dan Flavin, dans les galeries Dwan, Paula Cooper… De plus en plus orienté vers la sculpture monumentale, il manifeste un attachement person-nel persistant pour les formules mathématiques, en se spéciali-sant dans les arcs – penchés, verticaux, effondrés – et la torsion de l’acier Corten. L’acier Corten est un acier auto-patiné à cor-rosion forcée, qui a l’aspect d’un acier rouillé, mais qui ne se dégrade pas, très apprécié dans l’architecture. Ses reflets ocre lui donnent de superbes colorations lorsqu’il est éclairé par le soleil couchant. « Quand j’ai découvert l’espace du Pharo, dit Bernar Venet, l’esplanade sublime qui surplombe le Vieux-Port et une partie de la ville de Marseille, mon choix a été immédiat. J’avais là, à ma disposition, un lieu idéal où le vert de l’immense pelouse rencontrait, telle une ligne d’horizon, le bleu pur d’un

ciel toujours dégagé. Mes sculptures rouges, de toute évidence, devraient pouvoir jouer parfaitement avec les effets d’un soleil toujours présent.  » Désordre est une œuvre monumentale conçue spécialement pour la capitale européenne de la culture, un ensemble de douze groupes d’arcs penchés, immobilisés dans leur chute, chaque groupe étant solidaire et composé de cinq à huit arcs, soudés les uns aux autres et mesurant entre quatre mètres et quatre mètres cinquante de haut. Le tout

pour un poids total compris entre quarante et cinquante tonnes. «  Les arcs tiennent debout, mais s’agencent en quinconce dans un chaos to-tal, explique l’artiste. L’aléa-toire faisant partie de la règle du jeu, l’objectif est de libérer la sculpture des contraintes de

la composition et de critiquer le principe utopique d’un ordre idéal. » Un désordre volontaire pour répondre aux perspec-tives imposantes du Palais du Pharo. D’autres lieux avaient été évoqués : Pastré ? Trop loin. Borély ? Pas assez grandiose… Convoi exceptionnel. La difficulté consiste maintenant à acheminer ces sculptures depuis les différents ateliers où elles ont été construites, dans les Vosges, en Belgique et en Hongrie, à travers les rues de Marseille jusque sur la pelouse qui domine le Vieux-Port. Pierre Garonne, le transporteur qui s’occupe des installations de Bernar Venet depuis vingt ans à travers le monde, est un homme de la région. Cette installation lui tient tout particulièrement à cœur. Il a prévu cinq convois excep-

DésordreBernar Venet, le pape du minimalisme français, a été invité

par Marseille-Provence 2013 à investir les jardins du Palais du Pharo. Début mars, le sculpteur viendra installer Désordre face à la mer.

Par Marco Jeanson

« Les arcs tiennent debout, mais s’agencent en quinconce dans un chaos total. »

BERNAR VENET

au Pharo

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L’ART PREND L’AIR BERNAR VENET

tionnels (cinq mètres de large et vingt mètres de long), deux charriots télescopiques (croisement entre la grue et le chariot élévateur) et trois jours de mise en place pour cinq personnes. «  L’installation se fera en présence de l’artiste, explique-t-il. Entre le schéma et le montage, on risque de s’apercevoir sur place de certaines impossibilités. Il faudra moduler, déplacer des éléments…  » Bernar Venet développe avec ses propres mots : « Ces arcs penchés obéissent au principe d’imprévisibi-lité. Nous avons là un type d’agencement qui ne recherche pas un ordre idéal, mais où l’inorganisation accepte un inattendu maximal. Je ne cherche plus à trouver la méthode la plus rigou-reuse possible pour mettre en place mes œuvres. Étendu à la sculpture, cela induit un type de rapports nouveaux réfutant la notion de composition. » Carcasses de baleines ? Squelettes

de bateaux ?... Dommage que ces arcs gigantesques partent un jour de fin d’été. « Les gens ne sont pas tous convaincus quand on arrive, dit Pierre Garonne. Mais c’est quand on s’en va que ça fait un trou. Aujourd’hui, à Versailles, la place d’Armes semble vide… »

Arcs penchés, installation au Muy (Var).

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Jusqu’au 23 septembre (inauguration le 2 mai).Palais du Pharo, 57, boulevard Charles Livon, Marseille, 7e, 04 91 14 64 95.

WWW.palaisdupharo.marseille.fr

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LLe concept des Grandes Carrioles est né dans le vaste bric-à-brac coloré que constitue l’esprit inventif de Marie-José Ordener, ex-marionnettiste et grande prêtresse culinaire des Grandes Tables (de la Friche, du J1…). La référence aux marionnettes n’est pas le hasard  : à l’arrivée, ces carrioles ont des airs de castelets, ces décors servant de cadre à Polichinelle, Pinocchio et Guignol. Le rapproche-ment ne s’arrête pas là, puisque Marie-José a glissé du théâtre de marionnettes aux pianos des cuisines de manière naturelle, en commençant par faire de « l’événementiel culinaire », soit de la restauration autour des spectacles. « C’est un peu la même énergie, confie-t-elle. Le stress monte d’un coup, il y a deux heures de coup de feu, on se dit qu’on ne va pas y arriver.  » Les chefs avec qui elle a travaillé pour le projet des Grandes Carrioles ont été sen-sibles à ces émotions-là. C’est il y a sept ans, au moment où Marie-José a monté Les Grandes Tables, qu’est né le projet. Elle venait de passer quatre ans en Égypte et de découvrir la magie de la street food – qui n’est une mode que sous nos latitudes. Dans les ruelles de Bangkok, sur la place Jemaa el Fna de Marrakech, au Mercat de la Boqueria à Barcelone, elle est souvent l’unique moyen d’alimentation pour une bonne partie de la population. Chez nous, personne ne se nourrit exclusivement de panisses, de chichis-fregi et de pizzas. Mais

la street food inquiète aussi, c’est la mal-aimée des pouvoirs publics : problèmes éventuels liés « au bruit et à l’odeur », ou au respect des règles d’hygiène et de comptabilité. Et il a fallu ôter de leurs roues pas mal de bâtons, parfois involontaires, pour faire avancer ces Grandes Carrioles. Marie-José confie,

en riant, qu’en Égypte on lui disait que c’est le soleil qui assainit les aliments. Ici, le Service d’Hygiène et de Salubrité publique veille au grain.

Un chef étoilé pour 8 €. Reste que la street food est désormais plus qu’une ten-

dance. En témoigne, outre-Atlantique, l’engouement pour les gourmet food trucks, des camions ambulants aux cartes gastronomiques. «  Depuis près de quinze ans, explique le chef Thierry Marx de l’association Street Food en mouve-ment, de nombreux restaurateurs perdent de l’argent au dé-jeuner. Ils se prennent frontalement le développement phéno-ménal du snacking. La street food, par ses spécificités, est un moyen concret de redonner une place aux chefs qui sont des acteurs naturels et évidents de cette offre culinaire renouve-lée. » Cette cuisine de rue répond à un besoin économique et social. Avec les Grandes Carrioles, on pourra se payer des chefs étoilés (quatre sur les huit carrioles) pour moins de 8 euros ! Et, à terme, les grands ne seront pas les seuls concer-nés : n’importe qui pouvant se lancer, la street food pourrait

Street art et/ou street food

Une « grande carriole » est une roulotte fabriquée par un artiste ou un scénographe et animée par un jeune cuisinier formé par un chef expérimenté. Huit de ces drôles d’engins

s’apprêtent à sillonner le territoire de Marseille-Provence 2013, en proposant des menus uniques à prix raisonnable.

Texte : Marco Jeanson • Photos : Pauline Daniel

La street food n’est une mode que sous nos lattitudes.

LES GRANDES CARRIOLES

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L’ART PREND L’AIR LES GRANDES CARRIOLES

La carriole « Plancha », sur la terrasse des Grandes Tables.

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créer jusqu’à 50  000 emplois dans les prochaines années. Aussi, bien que ce soit un projet officiellement labellisé par Marseille-Provence 2013, on peut regretter le caractère spo-radique des apparitions à venir de ces gargotes ambulantes. La Ville n’a en effet pas souhaité leur donner plus de place que cela, sans doute pour ne pas fâcher les commerçants qui ont pignon sur rue. Et quand on connaît les guerres d’em-placements qui se déroulent dans le petit monde très fermé des camions-pizza, on peut imaginer la suite. Pour l’heure, on pourra les voir – et les tester – le 23 mars à Salon-de-Provence où elles seront toutes réunies pour la première fois. Elles seront ensuite présentes sur un grand nombre de manifestations durant l’année et, pas de panique, on pourra les suivre à la trace avec une application dédiée !

À partir du 23 mars, à Salon de Provence, puis sur les principaux événements de Marseille-Provence 2013.

Renseignements : www.mp2013.fr et www.lesgrandestables.com

À LA CARTE DES GRANDES CARRIOLES Carriole “vapeur” : Pudding Pastaga, gros agnolotti de boeufJean-Pierre Larroche / Cie Les Ateliers du SpectacleChristophe Dufau / chef étoilé – restaurant les Bacchanales (Vence - 06)

Carriole “friture” : Cornet de fraises et vermicelle croustillant, menthe frite, cornet de boulettes de poulet au citron, chou blanc au yaourtChristian Carrignon / Ciel Le Théâtre de CuisineSonia Ezgulian / auteur et chef cuisinière – restaurant Les Sardines Filantes (Lyon - 69)

Carriole “cru” : Spring-roll de concombre et chèvre fraisMartine Camillieri / plasticienne pour WoodmoodArmand Arnal / chef étoilé - restaurant La Chassagnette (Le Sambuc - 13)

Carriole “plancha” : Calamar à la planche, coulis de bouilleJean-Luc Brisson / artiste & paysagisteFabrice Biasolo / chef cuisinier – restaurant Une Auberge en Gascogne (Astaffort - 47)

Carriole “wok” : Cornet d’agneau d’Istres, aux légumes de saison et jus de viandeCatherine Sombsthay et Bart Kootstra / Cie MédianeSébastien Richard / chef cuisinier – restaurant La Table de Sébastien (Istres - 13)

Carriole “mer” : Recette à venirPierre Berthelot / Cie Générik VapeurChristian Ernst / chef cuisinier – restaurant Le Moment (Marseille - 13)

Carriole “friture” : Recette à venirJules Bouchié Vegis / designerJérôme Di Salvo / chef cuisinier et traiteur - JETO (Allauch - 13)

Carriole « bouille-express » : BouillabaisseBenoît Fincker / constructeur et inventeur pour dispositifs scéniquesMarie-José Ordener / marionnettiste et cuisinière – Les Grandes Tables de la Friche (Marseille – 13)

L’ART PREND L’AIR GRANDES CARRIOLES

Les carrioles, « Friture », « Vapeur », « Wok » et « Cru ».

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es Rencontres du 9e art fêtent leurs dix ans. Avec des moyens accrus par un partenariat avec Marseille-Provence 2013, la manifestation gagne en ampli-

tude, mais ne change pas ses habitudes. Elle se concentre toujours sur un « week-end BD » (du 12 au 14 avril à la Cité du Livre d’Aix), autour d’une grande librairie, de divers ateliers, expositions, tables rondes et rencontres avec une cinquantaine d’artistes invités. Parallèlement, du 16 mars au 25 mai, un programme d’expositions dans différents lieux patrimoniaux de la ville est l’occasion de découvrir les œuvres d’auteurs comme Blexbolex, Herr Seele ou encore Jim Avignon. Les Rencontres continuent ainsi d’affirmer cette identité qui fait leur réputation, en valorisant une bande dessinée contemporaine – pas nécessairement grand public – qui explore les terres de l’illustration et du gra-phisme. Les éditions lyonnaises Grains de Sel et leur revue, Georges, s’inscrivent pleinement dans cette philosophie. Parmi la di-versité des publications destinées aux enfants, cette dernière se distingue par ses séduisantes propositions graphiques au style épuré. Si l’on y retrouve les rubriques traditionnelles des magazines pour enfants (histoires courtes, jeux, mini-reportages, ateliers pratiques...), le traitement visuel – déca-lé – fait de chaque numéro publié un véritable livre-objet. D’ailleurs, les numéros ne portent pas de… numéros, mais des noms d’objets («  moustache  », «  ampoule  », «  trom-pette », « valise », « vélo »…), définissant la thématique de chacun d’eux. Pour Les Rencontres du 9e art, l’équipe pré-sente une exposition intitulée Playground  : une vingtaine d’affiches à jouer, conçues par des illustrateurs maison.

GEORGES ET SES

« AFFICHES À JOUER »

LES RENCONTRES DU 9E ART Du 30 mars 27 avril 2013. Cité du Livre, 8-10, rue des allumettes Aix-en-Provence. 04 42 16 11 61. Entrée libre.

WWW.magazinegeorges.combd-aix.com

Par Olivier Levallois

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L’ÉVÈNEMENTSORTIR

Aléas des chantiers et des plannings ministériels obligent, la Région a dû attendre le printemps pour inaugurer ses deux nouveaux équipements culturels. Après le Fonds Régional d’Art Contemporain, le 22 mars, la Villa Méditerranée ouvrira ses portes au public au mois d’avril, avec une programmation éclectique, associant parcours d’expositions et événements.

LA RÉGION INAUGURE SES CHEFS-D’ŒUVRE

P lusieurs fois retardées, les dates d’ouverture du FRAC et de la Villa Méditerranée se précisent. Pascal Neveux, directeur du premier, l’assure  : «  L’inauguration offi cielle de la première expo-

sition, La Fabrique des possibles, aura lieu le vendredi 22 mars, en présence de la Ministre de la Culture et de la com-munication et de notre Président de Région.  » Quant à la Villa Méditerranée, la date du 9 avril, annoncée sur le site Internet, semble très optimiste. Pour mémoire, la réalisa-tion du bâtiment a été attribuée en 2004, sur concours, à l’architecte italien Stefano Boeri. Et le chantier estimé à 70 millions d’euros, entièrement fi nancé par la Région, a dé-buté en 2010. Multipliant les prouesses – un porte-à-faux de 40 mètres sur un bassin artifi ciel de 2000 m2, une agora immergée… – l’édifi ce a l’apparence d’un plongeoir tourné vers le large. « Symbole de la mise en fraternité des peuples méditerranéens », selon le président Michel Vauzelle, l’ins-titution entend devenir une plateforme d’échanges et de ressources, pour les spécialistes de la coopération inter-

nationale comme pour le grand public. À partir du mois d’avril, il pourra y découvrir la Méditerranée dans tous ses états, à travers diff érents «  parcours d’expositions  ». Bap-tisé Plus loin que l’horizon et programmé jusqu’en 2016, le premier d’entre eux explore la thématique de la mobilité – marchande, touristique, clandestine – à travers des pro-jections géantes d’images fi lmées par le documentariste Bruno Ulmer. Un autre réalisateur, Régis Sauder, auteur du très remarqué Nous, Princesse de Clèves en 2010, a planché sur l’avenir de la Méditerranée. Pour 2031 en Méditerranée, nos futurs  !, il a animé des ateliers au Liban, en Turquie,

RÉGIS SAUDER, AUTEUR DU TRÈS REMARQUÉ NOUS, PRINCESSE DE CLÈVES, EN 2010, A PLANCHÉ SUR L’AVENIR DE LA MÉDITERRANÉE

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en Tunisie et à Marseille. Invitant des jeunes à réfl échir sur l’existence même de l’espace méditerranéen, puis à envisa-ger son avenir, il a demandé à l’artiste Benoît Bonnemai-son-Fitte de traduire, en dessins, les représentations de ses interlocuteurs. Le résultat sera projeté dans quatre « boîtes à images  » thématiques  : des installations géantes pour « donner la parole à la jeunesse et écouter ses désirs ». Au fi l des mois, d’autres parcours suivront, complétés par une programmation de débats, projections, spectacles… autour de la Méditerranée.Prospective également, au FRAC, mais envisagée à travers le prisme de la création artistique contemporaine. Le vais-seau futuriste de Kengo Kuma va accueillir La Fabrique des possibles  : une exposition collective autour «  des modèles théoriques et scientifi ques qui ont façonné notre culture contemporaine, aussi bien dans les domaines mathéma-tique, scientifi que que dans celui des sciences humaines.  »

Présentant des travaux historiques, et notamment ceux du marseillais Richard Baquié, comme des œuvres produites cette année à l’occasion de résidences artistiques dans des laboratoires de la région, l’exposition réunit une trentaine d’artistes, dans deux salles de 420 et 260 m2. Une surface et un volume sans commune mesure avec l’ancienne capacité du FRAC qui célèbre pour l’occasion ses trente ans d’exis-tence. E.G.

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La Fabrique des possibles, du 23 mars au 26 mai. FRAC,10, boulevard de Dunkerque, Marseille, 2e. 04 91 91 27 55. Entrée libre. www.fracpaca.org

Villa Méditerranée (à partir du 9 avril),Esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 95 09 42 52. 5-7 €. www.villa-mediterranee.org

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SCÈNESSORTIR

O MENSCH !, LE NIETZSCHE DE DUSAPINCofi nancée par une souscription auprès du public en 2011, la création d’O Mensch ! par Pascal Dusapin est originale à plus d’un titre. Ce « petit inventaire non raisonné de quelques passions nietzschéennes  » est né de la rencontre entre le compositeur et le baryton autrichien Georg Nigl, notamment à l’occasion d’un Faustus très remarqué en 2006. «  Georg chantait et jouait un Faust fanatique et forcené, ne cessant jamais de se plaindre ou de vociférer », se souvient le compo-siteur, qui a voulu créer une œuvre sur mesure pour cette voix à la palette incroyable. Depuis longtemps fasciné par Nietzsche, sa philosophie et surtout sa poésie, Pascal Dusapin a composé vingt-sept pièces, dont quatre interludes pour piano seul, évoquant, tour à tour, l’humanité, la nuit, la mort, le désespoir, l’amour, la lune… Sur scène, Georg Nigl évolue, seul, aux côtés de la pianiste Vanessa Wagner, dans une

chorégraphie inspirée par un répertoire de postures puisées dans l’histoire de la photographie. Passionné de photo comme d’architecture, Dusapin a égale-ment soigné l’espace acoustique et la scénographie. Th ierry Coduys a mis au point des eff ets sonores subtils, consistant à «  injecter au sein du public des espaces de réverbération dissemblables », ainsi qu’un dispositif de projection vidéo sur le sol et des voiles transparents. Suffi samment discret pour laisser s’ex-primer pleinement la voix et la personnalité impres-sionnantes de Georg Nigl. C.C.

Le 30 avril, 20h30.Théâtre de La Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 6-12 €. www.theatre-lacriee.com

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Le 19 mars à 19h30, le 20 à 14h30, le 21 à 10h et 14h30, le 22 à 14h30 et 19h30. Le Pavillon Noir, 530, avenue Mozart. Aix en Provence. 08 11 02 01 11. 8-20 €. www.preljocaj.org

Dix ans se sont écoulés depuis que le danseur et chorégraphe Bouba Landrille Tchouda a découvert le conte d’Hoff man et la musique de Tchaïkovski. D’abord dans une adaptation de Maurice Béjart (1998), puis de Jean-Christophe Maillot (1999), et enfi n de Th ierry Malandain (2001). Depuis, l’idée de se confronter au plus mythique des ballets n’a cessé de s’im-poser à lui, de manière tenace. C’est chose faite avec Un casse-noisette, ballet né de son désir « de conserver la puissance fan-

tasmagorique du conte originel tout en lui conférant une

résonance actuelle  ». À partir de l’œuvre de Tchaïkovski, il invente une chorégra-phie pour douze danseurs de sa compa-gnie, Malka (six femmes et six hommes), mêlant les danses urbaines et la musique classique, le récit féérique et l’univers des villes modernes. Une belle histoire d’hier au rythme d’aujourd’hui, avec un prince charmant comme il se doit, une jeune fi lle pas si sage, une forêt inquiétante et des périls traversés avec l’énergie du hip-hop... Du répertoire bien vivant. O.L.

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LES LARMES RENTRÉESMars, le récit d’un jeune Suisse rongé par un cancer, analysant sa maladie comme la conséquence de son éducation bourgeoise, fascine depuis sa parution française, en 1979. D’abord mu par « un très fort désir d’acteur », Laurent de Richemond a opté pour une mise en scène radicale. Dans un décor couvert de carrelages blancs, il incarne le héros, entouré de deux femmes enceintes (Edith Amsellem et Anne Naudon) tour à tour

pleines de compassion puis de révolte. Sous la table, un couple de danseurs nus (Frédéric Pichon et Barbara Sarreau) évolue en silence, « comme un inconscient refoulé et dissimulé aux yeux de celui qui parle ». E.G.

Le 20 mars, 20h30, le 21 mars, 19h. Théâtre Antoine Vitez, 29, avenue Robert Schuman, Aix-en-Provence. 04 42 59 94 37. 4-16 €.www.theatre-vitez.com

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SOLARISSolaris est un roman de science-fic-tion métaphysique qui a notamment inspiré le réalisateur russe Andrei Tarkovsky. Le récit nous entraîne à la limite de ce que l’entendement hu-main peut admettre. François-Michel Pesenti creuse à cet endroit-là. Il est un véritable artiste, peu médiatique, car n’ayant « rien à vendre ». Se con-fronter à ses spectacles « inadéquats et déconcertants » relève d’une prise de risque. Que dit-il de sa lecture de Solaris, à l’intérieur d’une installation plastique créée par les Brésiliens An-gela Detanico et Rafael Lain ? « Ex-pliquer, c’est déjà justifier et justifier, c’est amoindrir la peur que l’on a de faire les choses. Les artistes devraient ouvertement assumer qu’ils n’ont rien à dire, cela les contraindrait – j’aime le verbe contraindre – à faire, comme le disait Beckett, «pire encore». Je veux faire pire encore. » F.K.

Le 19 avril, 20h30 et le 20 avril,19h30. Théâtre des Bernardines,17, boulevard Garibaldi, Marseille, 1er. 04 91 24 30 40. 3 à 12€. www.theatre-bernardines.org

UN CASSE-NOISETTE

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SCÈNESSORTIR

BELLE DU SEIGNEUR (EXTRAITS)Le chef-d’œuvre d’Albert Cohen, publié en 1968, narre la passion de Solal, juif, haut responsable à la Société des Nations et d’Ariane d’Auble, jeune aristocrate protestante et épouse d’Adrien Deume, petit bourgeois à l’âme étriquée. Les pensées des personnages s’y entrecroisent en un réjouissant canevas d’oralité. De cet écheveau originel, les metteurs en scène, Renaud Marie Leblanc et Jean-Claude Fall et la comédienne Roxane Borgna ont tiré

un fil : celui d’Ariane, justement. Tantôt midinette candide, épouse cruelle, amoureuse passionnée et sensuelle, l’héroïne soliloque dans l’intimité de sa salle de bain. Elle délivre ses réflexions les plus intimes : de l’aversion physique pour son mari, à sa passion brûlante et absolue pour Solal. Un bel hommage à l’amour, à la femme, et à la langue lyrique et exaltée d’Albert Cohen. O.L.

Du 12 au 23 mars, 20h30, les 14 et 21 mars, 19h. Théâtre de Lenche,4, place de Lenche, Marseille, 2e. 04 91 91 52 22. 17€. www.theatredelenche.info

THE SUIT / LE COSTUME

LE VOCI DI DENTROEduardo de Filippo était en quelque sorte le Molière du XXe siècle. Ses person-nages populaires, hauts en couleurs, nous parlent immédiatement. Dans Le Voci di dentro, il installe tout ce petit monde dans un immeuble à Naples. Le quotidien des habitants, fait de disputes, de plaintes et de railleries, va exploser à la suite d’une accusation de meurtre... L’adaptation de Toni Servillo offre la quintessence de cette comédie. Il exploite tous les reg-istres de la pièce : le rire et les larmes, le drame et la farce, le grotesque et le sublime. D’ailleurs, cette gouaille napolit-aine (le spectacle est surtitré en français) rappelle franchement la faconde marseil-laise. F.K.

Du 20 au 23 mars, 20h30. Théâtre du Gymnase, 4, rue du Théâtre-Français, Marseille 1er. 08 20 13 20 13. 8-34 €.www.lestheatres.net

En 1999, Peter Brook créait Le Costume aux Bouff es du Nord  : l’adaptation d’une nouvelle écrite dans les années 50 par l’écrivain sud-africain Can Th emba. L’his-toire de cette femme adultère, surprise par son mari et condamnée à cohabiter avec le costume abandonné par l’amant dans sa fuite, a fait le tour du monde. Si, aujourd’hui Peter Brook reprend la pièce dans une version anglaise surtitrée, ce n’est évidemment pas par paresse. À quatre-vingt-sept ans, le metteur en scène préfère

d’ailleurs parler de « suite » que de reprise. Parce que sa nouvelle version, montée avec sa collaboratrice de toujours, Marie-Hé-lène Estienne, et le compositeur Franck Krawczyk, innove à plus d’un titre. Cette « pièce chantée » pour trois comédiens et trois musiciens, où Schubert côtoie My-riam Makeba, est davantage ancrée dans son contexte initial, l’apartheid. Entre vau-deville et conte cruel, dans un décor sim-plifi é à l’extrême, le spectacle gagne encore en intensité. E.G.

Du 19 au 23 mars à 20h30, le 20 à 19h. Théâtre du Jeu de Paume, 17-21, rue de l’Opéra. Aix en Provence. 08 11 02 01 11. 8-34 €. www.lestheatres.net

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Le 2 avril, 20h30, le 3 avril, 19h. Théâtre Antoine Vitez, 29, avenue Robert Schuman, Aix-en-Provence. 04 42 59 94 37. 4-16 €. www.theatre-vitez.com

Un couple dans une cuisine équipée prépare le diner... La pièce de Jean-Charles Massera, mise en scène par Benoit Lambert, débute sur un quotidien banal. Mais le tri de la bibliothèque devient prétexte à jauger notre héritage culturel et idéologique. «  La Révolution Française, on garde  ?  », demande nonchalamment l’homme à sa compagne. «  Et mai 68 ? » Que doit-on conserver ou jeter ? Comme souvent chez Massera, le quotidien cohabite avec le gigantisme intimidant de l’Histoire. Alors que faire ? À l’instar de ce duo : soumettre nos références majeures à notre jugement de non-spécialiste et demander des comptes. L’exercice porté ici avec allant par les comédiens (Martine Schambacher et François Chattot) est jubilatoire… et libérateur. Que faire  de notre aliénation à l’histoire  ? Jouer avec, pour mieux la déjouer.O.L.

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ABD AL MALIK CHANTE CAMUSC’est l’un des événements de Marseille-Provence 2013 au Grand Théâtre de Provence : un dialogue au sommet entre Abd al Malik, slameur soufiste, et Albert Ca-mus, prix Nobel et romancier de l’absurde. Une faille temporelle leur a permis de se rencontrer puisque le Pied-Noir est mort depuis quinze ans quand le petit Parisien d’origine congolaise voit le jour. « Qu’y a-t-il de commun entre Albert Camus et moi-même ? » se demande Abd al Malik. « Il n’y a aucune prétention dans la question que je me pose, mais plutôt une aspiration. Car j’ai toujours vu en Camus un idéal dans la manière d’être artiste, un élan dans la façon d’habiter l’écriture. » Est-ce le fait d’avoir

été élevé par une mère seule ? Une rencon-tre déterminante avec un enseignant ? Le soleil de l’Afrique ? Une enfance difficile ? Abd al Malik a choisi de revenir aux origines de l’œuvre d’Albert Camus, son ouvrage de jeunesse écrit à vingt-deux ans, L’Envers et l’endroit. « La préface qu’il fait à la réédi-tion de ce petit livre vingt ans plus tard, confie Abd al Malik, a toujours été pour moi une sorte de feuille de route. » Camus y écrit ceci : « Je sais que ma source est dans L’Envers et l’endroit, dans ce monde de pauvreté et de lumière où j’ai longtemps vécu… Si j’ai beaucoup marché depuis ce livre, je n’ai pas tellement progressé. » À se replonger dans les pages du jeune Albert, on

se dit qu’il est effectivement difficile d’aller plus loin : « Ce qui compte, c’est d’être vrai et alors tout s’y inscrit, l’humanité et la sim-plicité. Et quand donc suis-je plus vrai que lorsque je suis le monde ? Je suis comblé avant d’avoir désiré. L’éternité est là et moi je l’espérais. Ce n’est plus d’être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d’être conscient. » La balle est désormais dans le camp d’Abd al Malik. M.J.

Du 12 au 16 mars, 20h30, relâche le 14 mars. Grand Théâtre de Provence,380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 11 02 01 11. 8-34 €.www.lestheatres.net.

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DOMINIQUE A A comme Artiste interprète masculin de l’année. Après des années de nominations dans la catégorie « révélations », l’auteur de Vers les lueurs remporte cette année sa première Victoire de la Musique. A comme anniversaire. Après avoir fêté, l’année dernière, ses vingt ans de carrière par des rééditions, un nouvel album, des concerts à guichet fermé et une nouvelle incarnation sous la forme d’un personnage de BD, Dominique A est parti faire une tournée en Espagne. Il rentre au bercail, nous faire profi ter de sa plénitude et ses chansons au cor-deau, dans le cadre du festival Avec Le Temps. Il partagera la soirée à l’Espace Julien avec Us-htiax, lui aussi ex-chanteur inti-miste. M.J.

Le 19 mars, 19h30. Espace Julien. 39, cours Julien, Marseille, 6e. 04 91 24 34 10. 30 €. www.espace-julien.com

RICHARD GALLIANO

Après une grande tournée aux États-Unis et en Europe, puis une annulation à la Fiesta des Suds en automne dernier (en raison de la météo), Wax Tailor revi-ent sur scène avec son quatrième con-cept album sorti en septembre dernier : Dusty Rainbow from the Dark. Une sorte de film audio à l’écriture travaillée comme un scénario. On y retrouve les fameux dialogues scratchés propres à

Wax Tailor et son goût pour les cock-tails d’ambiances : trip hop cinématique, down tempo hypnotique, hip-hop ba-roque, soul jazz bollywoodien. Atmo-sphère, atmosphère… M.J.

Le 14 mars, 21 h. Le Moulin,47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04 91 06 33 94. 23,80-26 €. www.lemoulin.org

Faut-il encore présenter Richard Gal-liano  ? Ce musicien exceptionnel, qui joue depuis l’âge de 4 ans, a fait traver-ser tant de frontières et de styles musi-caux à son accordéon. Parti du jazz, aux côtés de Chet Baker, Michel Petrucciani ou de Martial Solal, il n’a eu de cesse d’explorer d’autres contrées  : la chan-son française (accompagnant Barbara, Greco, Nougaro, Aznavour ou Les Rita Mitsouko) et le tango, avec son ami

Astor Piazzola. Il a en outre off ert, à cet instrument voué à la musique popu-laire, une interprétation de Bach hau-tement inspirée. Aujourd’hui, avec sa relecture des musiques de fi lm de Nino Rota, il nous convie à un retour dans l’Italie de Fellini, pays d’origine de son père Luciano, auquel il doit sa passion pour la musique, l’accordéon et les ren-contres transfrontalières. O.L.

Le 21 mars, 20h30, Grand Théâtre de Provence. 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 10-42 €. www.lestheatres.net

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L’AMUSICIEN D’UZ, NUIT DE L’ANARCHIE

LES MONDES DE RORÉLa proposition n’est pas banale, puisqu’il s’agit d’un « concert (monu)mental de haut-parleur, empruntant à l’univers de l’installation, mais aussi du concert sous casque ». Cette créa-tion des musiciens Jonathan Pontier, Lucien Bertolina et Lionel Kaspar-ian, produite par Radio Grenouille et présentée dans le cadre du festival Les Musiques est l’aboutissement de qua-tre années de travail à la Belle de Mai et Saint-Lazare. Après avoir rencontré 350 habitants de ces quartiers, animé 120 heures d’atelier et enregistré 200 heures de « matière sonore », les ar-tistes ont décidé de composer « un chœur polyphonique et œcuménique d’histoires simples qui, se croisant, écrivent aussi l’Histoire ». E.G.

Le 5 avril, 18h30, 20h30 et 22h30. La Cartonnerie,Friche de la belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. 6 €. www.lafriche.org

HORACE ANDY ET JOHNNY CLARKE Il n’y aura pas beaucoup d’énervés, dans les parages du Moulin, le 23 mars. Le temple du reggae marseillais propose une soirée spéciale roots. La tête d’affi che, Horace Andy, est une légende vivante du reggae jamaïcain. Il a prêté sa voix douce et sucrée aux pionniers du trip-hop neurasthénique de Bristol, Massive Attack. Pour lui faire écho, son compatriote Johnny Clarke et, en première partie, les Banyans toulousains, nourris au biberon jamaïcain depuis leur tendre enfance. M.J.

Le 23 mars, 20h30. Le Moulin,47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04 91 06 33 94. 21,80 €. www.lemoulin.org

Comme dans la célèbre chanson, Ber-nard Lubat a deux amours. Lui, c’est la musique et les mots. « Malpoly-instru-mentiste » comme il aime à se défi nir, le verbe généreux, il fait swinguer les deux avec humour et truculence depuis près de quarante ans. Le créateur du festival d’Uzeste (sa ville natale) et de la compa-gnie Lubat, « compagnie transartistique de divagation », a accompagné quelques

grands noms du jazz et de la chan-son : Stan Getz, Michel Portal, Claude Nougaro… Cette fois il monte seul sur scène, pour un One jazzman show « au-tobiograffi tique ». Durant deux heures, le grand gamin facétieux puise dans ses souvenirs et nous entraîne dans un univers musicalo-anarco-poétique. Il s’amuse et émerveille. Du Lubat quoi ! O.L.

Le 29 mars à 21h. Théâtre Axel Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e. 04 91 02 58 35. 19-26 €. www.toursky.org

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Du 26 mars au 7 avril. Grand théâtre de Provence et Théâtre du Jeu de Paume, Renseignements : 08 20 13 20 13. 8-66 €. www.festivalpaques.com

Pour sa première édition, le Festival de Pâques affiche, tant par sa densité que sa programmation, l’ambition de deve-nir une manifestation majeure pour la musique classique. Il est le fruit de la collaboration entre le violoniste Renaud Capuçon, et Dominique Bluzet, le directeur du Grand Théâtre de Provence. Avec une vingtaine de concerts, réu-nissant des artistes plus que confirmés, comme Radu Lupu, Hélène Grimaud ou Gidon Kremer, des talents en devenir comme Daniil Trifonov et Khatia Buniatishvili, et des or-chestres prestigieux tels le Mariinsky de Saint-Pétersbourg, l’excellence devrait être au rendez-vous. La diversité aussi, puisque les invités d’honneur du festival ne sont autres que Bach, Puccini, Saint-Saëns, Brahms, Beethoven, Bar-tók, Mendelssohn, Liszt, Rachmaninov, Strauss, Schubert, Gounod, Bellini ou encore Poulenc… Concerts, répétitions, masterclasses, un luthier en résidence (Pierre Barthel), une conférence (Alfred Brendel) et des concerts pédagogiques ponctuent également ces deux semaines musicales. O.L.

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ASAF AVIDAN AND BAND C’est l’année Asaf Avidan. Une voix souvent comparée à celle de Janis Joplin ou de Robert Plant et pourtant impossible à confondre. Le leader du groupe de folk-rock israélien Asaf Avidan & the Mo-jos, après trois albums avec ses compères les Mojos, présente, en même temps, un nouveau groupe – de fi lles – et son deuxième al-bum solo, Diff erent Pulses (sorti en janvier). Moins rock, musica-lement plus sophistiqué et aven-tureux, le nouvel Asaf emprunte claviers électroniques et beats à Tamir Muskat de Balkan Beat Box. De nouvelles atmosphères pour enrober sa voix toujours aussi écorchée et inoubliable, à vous donner des frissons. M.J.

Le 18 avril, 20h30. Cabaret Aléatoire, Friche de la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 09. 23€.www.lafriche.org

MUSIQUESSORTIR

ANGÉLIQUE IONATOS & KATERINA FOTINAKI

PUGGY Un guitariste et chanteur anglais, Mat-thew Irons, un bassiste français, Romain Descampe et un batteur suédois, Egil “Ziggy” Franzén. Puggy est donc un groupe belge… Une pop-rock qui, en huit ans et trois albums (le dernier, To Win the world, sort en avril), a eu le temps de s’étoffer sérieusement : premières parties de Incubus, Smashing Pumpkins ou Deep Purple… Les gaillards tutoient aujourd’hui les producteurs Eliot James

(Bloc Party, Two Door Cinema Club) et Mark Plati (David Bowie, Hooverphonic, Robbie Williams…). Un son énorme, des harmonies taillées sur mesure pour un déluge de décibels. Entre Girls in Hawaii et Muse. Admirateurs et admiratrices de ces trois beaux garçons, n’oubliez pas vos bouchons ! M.J.

Le 12 avril, 20h30. Le Moulin, 47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04.91.06.33.94. 25 €. www.lemoulin.org

Aggelikí Ionátou a fui la Grèce des colo-nels à quatorze ans mais n’a cessé d’ha-biter – littéralement – sa langue depuis le début de sa carrière. C’est d’ailleurs cet amour de leur langue maternelle qui les a réunit, elle et Katerina Foti-naki, ainsi que leur passion pour la gui-tare. Le maître (Angélique) et le disciple (Katerina) proposent un récital d’une intensité typiquement “ionatienne”.

Mélange de compositions personnelles et de traditions folkloriques, voire an-tiques, Anatoli donne vie aux mots des grands poètes et paroliers grecs de tous les temps : Sappho, Elytis, Hadjidakis. Assurée, chaude, la voix d’Angélique couve celle, timide mais lumineuse, de Katerina, et des frissons vous remon-tent l’échine. Opa ! M.J.

Le 5 avril, 21 h. Théâtre Toursky,16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e. 04 91 02 58 35. 23-29 €. www.toursky.org

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EXPOSSORTIR

L’INSPIRATION ANTIQUE D’AUGUSTE RODIN Le Discobole le montrait clairement. Rodin aimait l’Antique  ! C’est une évi-dence quand on déambule au milieu de ses marbres. Plus qu’une inspiration, l’art grec était fondateur dans la pratique du sculpteur, mais aussi une source de plaisir : « Chez moi, j’ai des fragments de dieux pour ma jouissance quotidienne. Leur contemplation me procure le bon-heur de ces heures solennelles à partir desquelles désormais l’Antique vous parle toujours », écrivait-il en 1904. Rarement mise en évidence, cette inspiration esthé-tique et expressive de Rodin, est scéno-graphiée au musée départemental Arles Antique pour son exposition phare pen-dant Marseille-Provence 2013, Rodin, la lumière de l’antique. À partir des années

1890, le sculpteur démarre une collec-tion eff rénée  : il fi nira par accumuler quelque 2500 pièces, grecques, romaines et gallo-romaines. À la fois modèles et prototypes, quelques-unes sont expo-sées à Arles dans un jeu de miroir entre les œuvres de Rodin et l’Antiquité. Cent trente-deux Rodin juxtaposés à autant de pièces antiques exceptionnelles qui ont habité la vie et l’esprit du sculpteur. Ces marbres, arrivés dans son atelier parisien parfois sans doigt ou sans main, ont infl uencé l’artiste. « Pour la contem-pler, la voir vivre, je n’ai pas besoin des doigts », écrit-il en créant la sculpture de L’Homme qui marche, « mutilée comme elle est, elle se suffi t malgré tout parce qu’elle est vraie  ». Le parcours met en

lumière ces sources, par simple face à face. Une trentaine de prêteurs privés et publics, dont le British Museum et bien entendu le musée Rodin à Paris (qui coproduit l’exposition et proposera une version synthétique du projet en 2014), ont contribué à cette exposition-événe-ment, déployée sur 800 m2, aux côtés du chaland antique Arles Rhône 3... C.C.

Du 6 avril au 1er septembre. Musée départemental Arles antique,Avenue 1ere division France libre, Presqu’île du cirque romain, Arles. 04 13 31 51 03. 5-8 €. www.arles-antique.cg13.fr

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TISSER DES LIENS

ÉROS ET THANATOSUne galerie marseillaise qui fête ses vingt ans : le phénomène est suf-fisamment rare pour être souligné. N’en déplaise à son fondateur, Jean-François Meyer, également directeur (de publication) de l’excellent Journal Sous Officiel, sa galerie est devenue une institution. Où se sont succédé les figures de la poésie expérimentale marseillaise et une foule de jeunes artistes. Plutôt qu’une rétrospective, Jean-François Meyer a préféré pro-poser, à quarante d’entre eux, un sujet de dissertation philosophique : Éros et Thanatos, Éros ou Thanatos, Éros et/ou Thanatos… Les réponses vont du tableau à l’installation, en passant par la performance. Le 23 mars à 19 h, le (vrai) docteur Jean-François Chermann propose aux volontaires de se prêter à un test neuropsychologique très séri-eux, à la recherche du point G. E.G.

Jusqu’au 11 mai. Galerie Jean-François Meyer, 43, rue du Fort Notre-Dame, Marseille, 1er. 04 91 33 95 01. Entrée libre. www.marseilleexpos.com

Le Pavillon Vendôme accueille, jusqu’à la fi n de l’année, une exposition en trois volets, en partenariat avec le projet Ulysses du FRAC. Tisser des liens met en lumière la création contemporaine fémi-nine, en présentant quatorze Pénélopes du Bassin méditerranéen. Jusqu’au 16 juin, la première exposition collective, sous-titrée «  Au fi l du temps  », pré-sente les travaux de huit grandes dames de l’art contemporain, installées pour la plupart dans la région. Isa Barbier,

Carolle Bénitah, Pierrette Bloch, Marie Ducaté, Aïcha Hamu, Anne-Marie Pé-cheur et Michèle Sylvander ont répondu présentes à l’invitation de Christel Roy et Caroline Clément (les commissaires) : elles ont travaillé sur le même matériau, le fi l, et ont tenu à créer des pièces in situ. Il est vrai que la folie dédiée par Louis de Mercœur à Lucrèce de Forbin-Sol-liès, constitue un fabuleux terrain de jeu pour les artistes. E.G.

Jusqu’au 16 juin. Pavillon Vendôme, 13, rue de la Molle, Aix-en Provence, 04 42 91 88 75. 3,5 €. www. mairie-aixenprovence.fr

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ÉVACUER (M)En réponse à l’excès de communication ambiant, la Gale-rieofmarseille a choisi de présenter une exposition collective silencieuse, sans cartel ni notice explicative, au titre un brin provocateur. L’accrochage est parfait, ménageant une vraie place à chacun des neuf artistes (d’Yto Barrada à Sarkis) et traçant, dans le même temps, un parcours très cohérent. His-toire de rappeler, entre autres, que la galerie n’a pas attendu 2013 pour s’intéresser à la Méditerranée. E.G.

Jusqu’au 28 avril. Galerieofmarseille, 8, rue du chevalier Roze, Marseille, 2e. 04 91 90 07 98. Entrée libre. www.galerieofmarseille.com

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VISITER LE CHANTIERLes chantiers, comme tout ce qui est éphémère, fascinent les photographes. Avec son projet, Visiter le chantier, Christine Bardy a voulu saisir en pleine action ce processus de changement de la ville, exacerbé par l’approche de Marseille-Provence 2013, tout en en rendant hommage aux femmes et aux hommes qui ont contribué à l’extraordinaire transformation de Marseille. Elle met en scène un parcours de photographies à travers la cité, imprimées sur d’énormes blocs de béton, sortes de stèles à la gloire des ouvriers, ingénieurs, géomètres. L’inauguration est prévue en avril, au fort d’Entrecasteaux (partie supérieure du fort Saint-Nicolas), puis les œuvres seront exposées tout au long de l’année, en différents points de la ville. M.J.

D’avril à décembre. Fort d’Entrecasteaux,1, boulevard Charles Livon, Marseille, 7e. Entrée libre. www.mp2013.fr

DE MAIN EN MAINDe Pierre Puget à Richard Baquié, en passant par les incontournables créateurs du XXe siècle (Germaine Richier, André Masson, César…), la Galerie d’art du Conseil général déroule le fi l historique qui a permis au Midi de devenir un foyer pour la sculpture. L’exposition De main en main suit ainsi les contours d’une géographie artistique dont le sud de la France serait l’épicentre. Ce parcours rend compte d’une continuité, d’un «  état esprit  » vis-à-vis de la sculpture. Un héritage peut-être inconscient, mais qui, pourtant, se transmet d’artiste en artiste. F.K.

Du 5 avril au 9 juin. Galerie d’art du Conseil général des Bouches-du-Rhône, 21 bis, cours Mirabeau, Aix-en-Provence. 04 13 31 50 70. Entrée libre. www.culture-13.fr/galerie-d-art-d-aix-en-provence

Jean-Michel Bruyère pratique l’art en « parfait émeutier » et en bande organi-sée. Avec LFKs, son groupe d’interven-tions, il réalise des performances im-mersives en lien étroit avec un contexte politique et/ou social. Ce collectif en-tremêle ainsi les fi lms, la performance, la littérature, la musique, le théâtre, les arts plastiques... Depuis 2011, LFKs a engagé un cycle de création, VitaNON-nova, autour des notions de ghetto

urbain, d’identité et de violences urbaines. Après Toulouse et Aix-en-Provence, Arles, et plus précisément la Grande Halle des ateliers SNCF, est leur nouveau point de chute. L’instal-lation évoque les mouvements révo-lutionnaires des années 1960 et 1970 aux États-Unis. Les ghettos noirs ont enfanté les Blacks Panthers. Que pro-duiront nos quartiers « ségrégués » ? F.K.

Du 28 mars au 5 mai. Grande Halle, Parc des Ateliers SNCF, avenue Victor Hugo, Arles. Entrée libre. www.mp2013.fr

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Du 25 avril au 9 juin, Friche la Belle de Mai41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 04. www.lafriche.org

Marseille s’apprête à célébrer les cultures underground pendant quarante jours. Concept global, This is (not) music entend faire fusionner musique, arts visuels et sport, pour créer un événement susceptible d’intéresser les amateurs d’art contemporain comme les passionnés de trash car (performance de destruction de véhicules). Le programme s’organise autour d’une grande exposition, intitulée La nouvelle vague, consacrée à ces pratiques sportives individuelles, génératrices d’une esthétique devenue culture pour toute une génération d’artistes (la board culture). Parmi eux, on trouvera des pionniers, tels Robert Longo ou Ari Marcopoulos, compagnon de route de Warhol, des artistes surfeurs (Kevin Ancell) ou skateboardeurs (Julien Beneyton ou Benjamin Chasselon) et des stars de l’art contemporain  (Gilles Barbier, Julien Prévieux…) Si le festival, qui compte également cinquante concerts et une foule d’événements, rencontre le succès, il pourrait s’inscrire durablement dans le paysage culturel local. L.C.

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PICASSO CÉRAMISTE ET LA MÉDITERRANÉE

L’ÎLE DE MONTMAJOUR PAR CHRISTIAN LACROIXEn général, quand Christian Lacroix revient à Arles, son lieu de naissance, c’est pour renouer avec ses amitiés de jeunesse. Au printemps, il réinvestit un terrain de jeu privilégié de son en-fance et de son adolescence : l’abbaye de Montmajour. Il y met en scène une sélection de pièces appartenant aux collections du CIRVA (Centre interna-tional de recherche sur le verre et les arts plastiques), accompagnée d’objets sacerdotaux, de photos, de costumes... Le créateur rend ainsi hommage à cette structure méconnue, comme au maté-riau. « Le verre m’apparaît comme le lien idéal entre le Sacré et le Profane, le Vide et le Plein, l’Ascèse et le Ba-roque… Le verre est lumière. Et à Mont-majour, elle est chez elle. » M.J.

Du 5 mai au 3 novembre. Abbaye de Montmajour, Route de Fontvieille, Arles. 04 90 54 64 17. 4,50-7,50 €.www.montmajour.monuments-nationaux.fr

MARSEILLE VUE PAR 100 PHOTOGRAPHES DU MONDECent photographes. Cent images. Comme un puzzle géant, un rébus dont la résolution fi gure Marseille. Certains de ces photographes n’ont fait qu’y passer, d’autres la connaissent mieux. Au générique : Morten Andersen (Norvège), Lina Pallotta (Italie), Denis Dailleux, Albert Grondahl (Danemark), Arja Hyytiäinen (Finlande), Tom Pope (Angleterre), Ali Taptik (Turquie), entre autres... À l’arrivée, une mosaïque de photos concoctée par Antoine d’Agata, pour composer un por-trait géant et exceptionnel de la ville. M.J.

Du 18 avril au 10 août. Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône, 20, rue Mirès, Marseille, 3e, 04 13 31 83 08. Entrée libre. www.biblio13.fr

Quelle ville pouvait – mieux qu’Au-bagne – accueillir une exposition consacrée au travail de Picasso sur la céramique ? À travers les cent cin-quante œuvres présentées au Centre d’art des Pénitents noirs, le visiteur est invité à découvrir une autre facette de la personnalité de l’artiste, plus in-time. On décèle dans cet ensemble des racines résolument méditerranéennes et populaires, où des pignates (mar-mites) sont érigées en chefs-œuvre

de l’art antique, où des poêlons de-viennent des masques aux motifs my-thologiques, et où les gourdes en terre cuite (gus) se muent en insectes bleus. Organisée dans le cadre du Grand Atelier du Midi, en avant-première des expositions estivales, De Van Gogh à Bonnard  (Palais Longchamp) et De Cézanne à Matisse  (Musée Granet), Picasso céramiste promet d’être l’un des temps forts de l’année capitale. L.C.

Du 27 avril au 13 octobre. Centre d’art des Pénitents noirs,Les aires Saint-Michel, Aubagne. 04 42 18 17 26. 6-8 €. www.mp2013.fr

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HELMOÀ la Fabrique de Fotokino, au J1, on produit des images, des textes, des dessins… Bref, on laisse des traces. Au cours de l’année, plusieurs fabricants d’image proposent des outils pour propager la création graphique. En mars, c’est Helmo (Thomas Couderc et Clément Vauchez) qui prend le relais avec 17576 faces. Les deux artistes ont imaginé plusieurs éléments, des formes simples, abstraites, géomé-triques, plastiques, susceptibles de représenter un visage, ou plutôt 17576 visages. Comme les 26 lettres de l’alphabet, ils ont ainsi crée 26 paires d’yeux, 26 nez et 26 bouches, qu’il s’agit ensuite de combiner. Chaque combinaison, une fois photocopiée, viendra s’ajouter à une galerie de por-traits, jusqu’à recouvrir les murs de l’atelier. L.C.Du 22 mars au 11 avril. La Fabrique de Fotokino, J1 , Atelier du Large, Quai de la Joliette, Marseille, 2e. 04 91 88 25 13. Entrée libre. www.fotokino.org

ENFANTSSORTIR

LA MER… UN TRÉSOR

À l’initiative du tout nouveau tout beau musée Regards de Provence, l’artiste figuratif Patrick Moquet a conçu une immense fresque de 65 m², inspirée du patrimoine archi-tectural, culturel et culinaire de la ville. Composée de huit panneaux, mise en couleur par les enfants des écoles de tous les quartiers, elle s’expose progressivement, à partir de début mars pour finir par se révé-

ler – complète –au mois de juin. Au total, près de 2000 enfants ont été impliqués dans le projet. Ça promet de la couleur ! M.J.

Musée Regards de Provence, Allée Regards de Provence, avenue Vaudoyer, Marseille, 2e. 04 96 17 40 40. www.museeregardsdeprovence.com

D’où viennent les poissons que l’on mange ? Quel est l’instrument préféré des baleines ? Les réponses à ces ques-tions et à bien d’autres se trouvent, en ce moment, dans une quinzaine de bibliothèques du département. La manifestation Bibliothèques en herbe, propose aux enfants de cinq à douze ans de s’immerger dans l’univers marin pour en découvrir toute la richesse. À travers des ateliers expérimentaux

(organisés par Les Petits débrouillards) ou artistiques (animés par la plasti-cienne Pascale Lefebvre), des concerts du contrebassiste Bernard Abeille, diverses animations et projections de fi lms d’animation, des débats et des rencontres… il s’agit de permettre aux jeunes générations de mieux com-prendre notre relation essentielle à la mer, pour mieux la préserver. O.L.

Jusqu’ au 15 avril, dans une quinzaine de bibliothèque du département. Renseignements : Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône 20, rue Mirès. Marseille 3e. 04 13 31 83 08.

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L’ENFANCE DE L’ART

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FESTIVAL DE CERFS-VOLANTS DE MARTIGUES

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BABAYAGA

LE MALADE IMAGINAIREDéjà vu Le Malade imaginaire ? Peut-être pas dans la mise en scène du Badaboum théâtre, qui parvient à faire entrer le Grand Siècle dans un mouchoir de poche et à emballer les enfants à partir de 4 ans. On y savoure la langue de Molière, la musique de Lully et Charpentier, mais aussi les tubes de Serge Lama ou Claude François, Gaston Ouvrard ou Serge Gainsbourg… Sur scène, Laurent Vignaux-Argan, très drôle, est entouré par Jocelyne Monier et Édith Amsellem, qui se partagent tous les autres rôles. En une heure, le trio offre une leçon de théâtre qui vaut tous les devoirs de vacances. En plus, un atelier-goûter propose aux enfants (seulement) de prolonger la séance en s’initiant à la mise en scène. E.G.

Du 9 au 19 avril, 14h30. Badaboum théâtre, 16, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 40 71. 5-8 €. www.badaboum-theatre.com

Mon premier est une sorcière russe uni-jambiste particulièrement méchante (Baba Yaga). Mon deuxième est une illustratrice française, Rébecca Dautre-mer, connue notamment pour son al-bum Princesses oubliées et le fi lm Kéri-ty. Mon troisième est une compagnie de théâtre italien, baptisée TPO, spéciali-sée dans le show interactif pour enfants,

à base de capteurs, de danse et de pro-jections. Et mon tout est un spectacle de cinquante minutes où les enfants sont invités à rejoindre le plateau le temps d’une expérience artistique dynamique et immersive, chacun devenant le héros de ce conte mystérieux. M.J.

Du 3 au 5 avril, 10h, 14h30 et 19h.Théâtre la Criée,30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 96 17 80 00. 6-12 €. www.theatre-lacriee.com

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Coup de chance, la huitième édition du festi-val de cerfs-volants de Martigues se déroule pendant les vacances de printemps, du 15 au 21 avril. Parmi les animations proposées, sont bien sûr prévus des ateliers de fabrica-tion ou d’initiation à la voile de traction, mais aussi des démonstrations réalisées par une vingtaine de cerfs-volistes venus du monde entier, un jardin des vents ou encore des lâch-

ers de bonbons. Avis donc aux amateurs, sachant que cette année, ils auront droit à un festival « sans pieux dans le sol et sans kevlar » ! M.J.

Du 15 au 21 avril, Plage du Verdon.La Couronne, Martigues. 06 85 56 99 01. Entrée libre. www.festivaldecerfvolant.com

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Onze artistes, venus de France et de Turquie, livrent leur vision de la modernité au musée d’art moderne d’Istanbul. Leurs dix-sept œuvres montrent combien les mutations socio-économiques, les médias sociaux et les nouvelles technologies viennent alimenter les relations complexes qui se tissent entre art visuel et modernité.

MODERNITÉ ? PERSPECTIVES DE TURQUIE ET DE FRANCE

LLa modernité n’est ni un concept sociologique, ni un concept politique, ni proprement un concept historique. Ce rêve uni-versel de renouveau est une notion confuse, où les utopies sont confrontées à la vie moderne telle que nous la vivons. Il n’est donc pas étonnant d’entendre Çelenk Bafra, le commis-saire de l’exposition, déclarer qu’ « il a fallu deux ans de tra-vail avec les participants du projet - onze artistes de diff érentes générations mais ayant tous la thématique de la modernité au cœur de leur pratique artistique - pour aboutir à une décision sur le choix des œuvres et de la scénographie. » Pour mettre en valeur la pluralité des points de vue, l’espace de l’Istanbul Modern s’envisage comme une succession de petites galeries, où chaque artiste présente une mini-exposition. Parmi eux se trouve l’artiste turque Ayşe Erkmen, qui a choisi de placer Rame Rame au centre de son espace. Cette barque en métal est élaborée sur le modèle de celles qui ac-costent tous les jours à Istanbul, à la diff érence près que celle-ci ne fl ottera pas : la légèreté du voyage évoquée par l’objet est écrasée par le poids de sa construction. De son côté, Th o-mas Hirschhorn présente Th e One World : un autel en carton sur lequel une foule de bras soutiennent un globe terrestre. L’artiste appelle ainsi de ses vœux une collectivité unie, et, à travers le questionnement du passé et du présent, suggère la possibilité d’un avenir meilleur. Un hommage est également

rendu au réalisateur, écrivain et photographe français Chris Marker, disparu en 2012, avec son installation Zapping Zone (Proposals for an Imaginary Television). Cette œuvre multi-média traduit la prolifération anarchique de l’information à l’ère de la globalisation. En utilisant fi lms, sources sonores, photographies et programmes interactifs, déclinés sur plu-sieurs écrans, l’artiste défi nit une « zone » d’expérience, pro-posant une vision fragmentée de la modernité. L’exposition porte ainsi un regard critique sur la relation entre modernité et arts visuels, idéalisation et réalité. L.C.

www.istanbulmodern.org

À TRAVERS LE QUESTIONNEMENT DU PASSÉ ET DU PRÉSENT, L’ARTISTE SUGGÈRE LA POSSIBILITÉ D’UN AVENIR MEILLEUR

DESTINATION - ISTANBUL

Vol direct au départ de l’Aéroport Marseille Provence

à partir de 79 €

www.airfrance.fr

Ayşe Erkmen, Rame Rame, 2012,Métal, peinture. 93 x 266 cm.

Commande de Istanbul ModernCourtesy de l’artiste

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Thomas Hirschhorn, The One World, 2007Carton, bois, photocopie colorée, les bras en résine, peinture, tissu, polyuréthane mousse, tréteau, impression.310 x 220 x 190 cm.Courtesy de l’artiste et Galerie Chantal Crousel, Paris

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ADRESSESMARSEILLAISES

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RESTAURANT

AU BOUT DU QUAI Encadré de son nouveau décor fl oral, le Bout du quai affi che une inédite terrasse estivale.Moderne, design, et cosy à la fois, elle est à l’image du restaurant et de sa décoration contemporaine.Spécialiste de la pêche, l’équipe du Bout du quai réserve sa plus grande place sur l’ardoise aux pois-sons frais et arrivages alléchants tout en restant dans l’authenticité de nos recettes marseillaises. Simple, goûtu et copieux, le Bout du quai est tout simplement une adresse dans l’air du temps.

1, avenue de Saint-Jean 13002 Marseille04 91 99 53 36 • 06 86 52 16 96

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Infos & Réservation 04 91 52 01 77269 Corniche du Président John F Kennedy 13007 Marseille

HÔTEL RESTAURANT

LE RHULPerché sur un rocher de la Corniche, l’hôtel restaurant Le Rhul est le spécialiste incontesté de la bouillabaisse marseillaise. Les plats gastronomiques sont à déguster en profi tant d’une vue imprenable sur la rade marseillaise et les îles du Frioul. Les chambres trois étoiles de cet établissement accueillent les clients qui désirent prolonger leur séjour.

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LA VILLAL’établissement chic et reconnu logé rue Jean Mermoz s’affi rme comme le lieu de rendez vous pour les habitués du quartier. Restaurant au charme atypique, lieu de quiétude, une vaste terrasse jar-din, ombragée l’été et chauff ée aux jours frisquets. Sa cuisine off re un large choix avec une mention spéciale pour les poissons grillés au feu de bois. Une touche originale pour la présence d’un kiosque à coquillages de l’automne au printemps ainsi qu’une sushi women japonaise à demeure. Une large carte des desserts permet de terminer ce moment agréable par une touche sucrée.

RESTAURANT PIZZERIA DONATELLOSitué Place aux Huiles, à deux pas du Vieux-Port, dans un cadre agréable et une ambiance décontractée, le Dona-tello vous propose de déguster une cuisine simple et savoureuse de type méditerranéen et d’infl uence italienne (Viandes au feu de bois, Linguini alle Vongole, Magret de Canard au Miel…), sans oublier ses fameuses pizzas au feu de bois ! Le tout se passe en terrasse (bâchée ou en plein air) ou à l’intérieur sous un lustre tout en délicatesse en contemplant une fresque monumentale représentant le quartier à l’époque du Canal de la Douane.

Infos & Réservation 04 91 54 06 07 17, Place aux Huiles • 13001 Marseille

Infos & Réservation 04 91 71 21 11 113 Rue Jean Mermoz • 13008 Marseille

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RESTAURANT

ALBERT CAFÉPASSEZ À TABLE DANS UN JARDIN À BOMPARD...

Au déjeuner comme au dîner, venez profi ter du calme du jardin du Newhotel Bompard où oeuvres d’art et végétation méditerranéenne vous dépayseront. Dans une ambiance cosy l’hiver ou aux beaux jours sur la terrasse du jardin, le restaurant Albert Café vous accueille dans une ambiance détendue autour d’une cuisine de saison. Parking privé gratuit - Ouvert tous les jours - déjeuner et dîner

RESTAURANT

L’ENTRECÔTE DU HUITIÈMEAprès vingt ans passés sur le port, L’Entrecôte du huitieme vous accueille tous les jours, à l exception du dimanche soir, pour déguster sa pièce de bœuf et sa fameuse sauce accompagnée de frites maison.

Infos & Réservation 04 91 99 22 22 2 rue des Flots Bleus • 13007 Marseille • [email protected] • www.albertcafe.com

Infos & Réservation 04 91 25 07 06 386 Avenue du Prado • 13008 Marseille

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RESTAURANT

VAPIANOEntre l’ambiance décontractée d’un restaurant de quartier et le cadre soigné d’un lieu où il fait bon dîner, VAPIANO conquiert le terri-toire marseillais à un rapport qualité-prix imbattable. Voici donc un nouveau concept en France, déjà présent en Europe et en Amérique du Nord avec plus de 100 établissements VAPIANO au décor italien à la fois moderne et chaleureux.Venez découvrir la fraîcheur des produits, la préparation sous vos yeux par nos Vapianisti – avec le sourire! - de la composition que vous avez choisie, que ce soit une pizza, une sélection parmi onze types de pâtes fraîches et vingt recettes diff érentes, ou encore votre grande salade garnie. Tout ceci en totale liberté, vous pouvez prendre votre temps, manger rapidement, ou emporter votre repas. Votre carte individuelle VAPIANO consignera ce que vous avez dégusté, que ce soit au bar, ou sur les pôles de restauration Pizzas, Pâtes, et Salades.

Infos & Réservation 04 91 48 83 35 20 Avenue du Prado • 13006 Marseille

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RESTAURANT

CHEZ MICHELOù manger une bouillabaisse vraiment authentique ? Question sensible à Marseille, à laquelle 8e art vous répondra sans aucune hésitation : chez Michel ! Sur la rue des Catalans, en face du cercle des nageurs, ce restaurant, créé en 1946 par Michel Visciano, est de nouveau étoilé en 2013, et renoue avec le prestige passé. Depuis 3 générations, la famille Visciano perpétue ainsi la tradition des bons petits plats à base de poisson. Le secret de cette longévité exceptionnelle ? “Amabilité, savoir recevoir et... poissonfrais !” selon Michelle Visciano elle-même, héritière des secrets de fabrication d’une cuisine qu’on peut, pour une fois, qualifi er sans crainte de vraiment “familiale”.

Infos & Réservation 04 91 52 30 63 6, rue des Catalans • 13007 Marseille

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HÔTEL & RESTAURANT

CHÂTEAU DE LA PIOLINE Cessez de cherchez un lieu diff érent...Venez !Aujourd’hui, la mémoire du passé subsiste dans cette élégante demeure, au sein de l’hôtellerie de luxe et traditionnelle de la ville d’Aix en Provence.

Hôtel 4*, Restaurants, bar et évènementiel

260 rue Guillaume Du Vair 13546 Aix en Provence • 04 42 52 27 27 [email protected] • www.chateaudelapioline.com

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RESTAURANT

L’INSOLITEUN LIEU, UNE EXCEPTION…A découvrir absolument ! Niché au fond d’une allée à 50 m de la préfecture, dans un cadre exceptionnel. Nous vous attendons pour déguster nos pizzas au feu de bois, et découvrir notre cuisine gourmande et colorée. Repas de groupe - Privatisation du restaurant sur demande.

Infos & Réservation 04 91 43 91 51 5 rue d’Italie • 13006 Marseille • Facebook : resto.linsolite

RESTAURANT

LE COMPTOIR MARSEILLAISInstallé sur la Corniche avec vue sur la mer de la terrasse ou de la salle, Le Comptoir Marseillais, vous reçoit pour déguster une cuisine Bourgeoise. Les cartes évoluent au gré des saisons pour vous proposer à midi un déjeuner simple et rapide et le soir un diner plus élaboré, des vins à choisir dans une magnifi que cave en verre. Le dimanche le brunch vient compléter la carte. Et tous les soirs des apéritifs ou digestifs dans notre espace bar. Si vous avez besoin d’un lieu pour vos évènements : www.lecomptoirmarseillais.com

Infos & Réservation 04 91 32 92 54 • www.lecomptoirmarseillais.com5 Promenade Georges Pompidou • 13007 Marseille

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urbanisme / Architecture / Designdécouvrez le nouveau titre de 8e art

Juin2013

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