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91 Université PARIS XIII-Nord Université PRES Paris-Sorbone UFR de Droit, Science politique et sociale Master 1 Relations et échanges internationaux Les Enjeux Géopolitiques du conflit syrien Mémoire pour l'obtention du Master 1 de Science politique, spécialité Relations et échanges internationaux Sous la direction du Dr KAMAL BAYRAMZADEH Présenté et soutenu publiquement par Steeve Attakuy Année universitaire 2012-2013 Univ Paris XIII -Nord UFR de Droit, Science Politiques et Sociales 99 avenue JB Clément 9343O Villetaneuse

9343O Villetaneuse - cultures-et-croyances.com©moire-st… · l'Afghanistan par l'armée de l'URSS ; les changements d'équilibre ... comment est née la révolte populaire etc)

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Université PARIS XIII-Nord

Université PRES Paris-Sorbone

UFR de Droit, Science politique et sociale

Master 1 Relations et échanges internationaux

Les Enjeux Géopolitiques du conflit syrien

Mémoire pour l'obtention du Master 1 de Science politique, spécialité

Relations et échanges internationaux

Sous la direction du Dr KAMAL BAYRAMZADEH

Présenté et soutenu publiquement par Steeve Attakuy

Année universitaire 2012-2013 Univ Paris XIII -Nord

UFR de Droit, Science Politiques et Sociales

99 avenue JB Clément

9343O Villetaneuse

91

L'université paris 13 Nord n'entend donner aucune approbation ni

improbation aux opinions émises dans ce mémoire . Ces opinions

doivent être considérées comme propre à leur auteur.

91

Remerciements : L'ensemble du corps enseignant de ce master ,

particulièrement Mr Bayramzadeh , Meme Vanetzel pour sa

disponibilité à toute épreuve .

Ainsi qu'à l'attention de Yacine el Braouni , Nathalie Nkuansambu

pour leur soutien, conseils et encouragements.

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Table des matières

introduction ............................................................................................... 5

I -La Syrie, caractéristiques politiques et socio-économiques du pays

A -Construction et origines d'une société multi confessionnelle

…………………………………………………………………………………………………18

B -Une dictature en proie à des difficultés économiques

…………………………………………………………………………………………………..40

II- Les enjeux géopolitiques régionaux et internationaux du conflit :

hégémonie régionale et redistribution des cartes au moyen-orient

…………………………………………………………………………………………………..50

A -Sur le plans national et au niveau régional

……………………………………………………………………………………………………51

B- Sur le plan international

………………………………………………………………………………………………………

……………………76

Conclusion

………………………………………………………………………………………………………

……………………………………81

Bibliographie……………………………………………………………………………………

……………………………………………………85

Annexes….....................................................................................................

..............................................91

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LES ENJEUX GEOPOLITIQUES DU CONFLIT SYRIEN

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Introduction

60000 morts et 22 mois de combats , tel est le bilan de l'actuelle

guerre « civile » qui déchire depuis bientôt deux ans la Syrie, Ni

Bachar El Hassad , président au pouvoir , ni la rebellion Syrienne

, fractionnée et « infiltrée » par des factions terroristes ne

lâcheront prise ; en effet , il est évident que les protagonistes de

ce conflit , aux enjeux bien plus complexes qu'il n'y paraît, iront

jusqu'au bout du rapport de force . De son côté , la communauté

internationale peine à s'accorder , chacun jouant sur ses

intérêts . On retrouve par exemple la traditionnelle et historique

opposition Etats-unis/Europe occidentale vs Russie, Moscou se

faisant l'un des derniers soutiens au régime Syrien . Sur le

terrain , cette guerre qu'on peut qualifier de guerre asymétrique ,

inachevée , ne fait qu'exacerber les paradigmes d'une société

Syrienne déjà bien ancrés , et l'opposition Chiite vs Sunnite

devient une des composantes inévitables du jeu politique du

moyen-orient , tant la question est stratégique . Ainsi , on peut se

demander dans quelle mesure les conséquences géopolitiques

de ce conflit a des conséquences sur le cadre national et au

delà du cadre national ? Avant d'apporter une ébauche de

réponse à cette question , il est important de définir la

géopolitique puis d'aborder la complexité Syrienne , de l'empire

Ottoman à aujourd'hui .

Le mot géopolitique vient du grec gé qui signifie la terre et de

politique qui fait référence aux manières de gouverner dans un

sens large. A l'origine du terme se trouve le Suédois Rudolf

Kjellen , professeur de politique et de géographie . Il définit la

géopolitique comme étant : « la science de l'Etat en tant

qu'organisme géographique tel qu'il se manifeste dans

l'espace ». . Il s'inspira de la géographie politique , idée du

géographie Allemand Friedrich Ratzel , considéré comme le père

de l'école de pensée géopolitique Allemande . D'après ce penseur

l'état doit pour survivre développer son territoire et donc mener

une politique d'expansion. Toujours d'après Ratzel , un tel état a

besoin d'un espace de vie , qu'il appellera Lebensraum. Plus tard

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les idées de Ratzel seront détournées par des penseurs nazis qui

en tireront la notion d'espace vital et des théories de justification

du régime nazi. Après la seconde guerre mondiale, on note un

recul de la matière , décriée pour avoir servi idéologiquement le

régime nazi. Il ne faut pas oublier que les pionniers que furent

Ratzel et Kjellen élaborèrent leurs théories dans un contexte

politique caractérisé par la montée en puissance des

nationalismes et de l'Etat en tant que structure du politique.

Ainsi Ratzel proposait de ne point dissocier l'Etat de son

territoire, voire de sa population : « L’État est un organisme non

seulement parce qu’il articule la vie du peuple sur l’immuabilité

du sol, mais parce que ce lien se renforce par réciprocité au

point que l’on ne peut plus les penser l’un sans l’autre (…). Les

caractères les plus importants de cet État sont la taille, la

situation et les frontières  ; viennent ensuite le type et la forme

du sol avec sa végétation, son irrigation et enfin les relations

qu’il entretient avec le reste de la surface terrestre et

particulièrement les mers attenantes et les terres inhabitées.  »

(Friedrich Ratzel , Géographie Politique, 1902 , 2ème édition. )

Dans les années 70 on observe un renouveau de la matière avec

par exemple le Français Yves Lacoste , qui crée la revue

Hérodote ; ou l'américain John Baylis. En 1979 , quelques

évènements consacrèrent le retour de la géopolitique au premier

plan , tant le terme fut utilisé pour qualifier les changements liés

à ces évènements : il s'agit par exemple la révolution Iranienne

qui bouta hors du pays les Américains, ou encore l'invasion de

l'Afghanistan par l'armée de l'URSS ; les changements d'équilibre

politique qu'ont ou qu'auraient pu engendrer ces évènements ,

ainsi que les questions territoriales auxquels ils étaient liés ont

favorisé l'emploi de ce terme , notamment dans la presse.

Désormais , pour les chercheurs , il s'agira de penser le monde

sans chercher à le simplifier. Tandis que la plupart des

chercheurs de l'époque assimilèrent encore la géopolitique au

régime nazi , comme instrument de justification de ce denier , la

revue Hérodote joua le rôle important de redéfinir

scientifiquement la géopolitique , en gageant qu'il fallait

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méthodologiquement opposer le point de vue des protagonistes (

d'un conflit par exemple) ; car chaque force politique se battant

pour un territoire instrumentalise l'histoire et ses références , les

croyances idéologiques pour servir sa cause. Yves Lacoste

rappelle également que la géopolitique ne pourrait être séparée

de la géographie et des questions territoriales. Ainsi se forme

progressivement l'école française de géopolitique . Ce

renouveau sera accentué plus tard par la mondialisation qui

plutôt que de faire émerger un monde simplifié révèlera des

relations internationales complexifiées. Aujourd'hui les nouvelles

écoles de pensée géopolitique se décline en deux axes : celui de

l'espace interne ou les différents acteurs présents sur un

territoire peuvent se concurrencer . L'autre axe est celui qui

consiste à analyse le pouvoir et ses nouvelles formes dans un

contexte de mondialisation.

Yves Lacoste définit les enjeux géopolitiques comme étant la «

les rivalités de pouvoirs ou d’influence sur des territoires et les

populations qui y vivent » . Ainsi l'analyse spatiale qui en découle

se décline en 3 niveaux : connaître les relations de pouvoir en

place , les relations d'alliance ou d'hostilité avec les forces

étrangères, et les caractéristiques particulières à chaque nation

. Ce point de vue me semble ici le plus pertinent à appliquer au

conflit Syrien , car la complexité en quelque sorte intrinsèque de

ce conflit implique de prendre en compte les 3 axes précités.

Le conflit Syrien étant toujours d'actualité , on peut aisément se

rendre compte que les recherches sur le sujet ne sont pas des

plus fournies . Néanmoins , il y a quelques ouvrages

incontournables pour appréhender la question et en comprendre

certains enjeux. On peut citer « L'Etat de barbarie » de Michel

Seurrat , paru aux éditions Puf , collection proche orient. Cet

essai explique la structuration de la société Syrienne par Hafez

El Assad et … Autre ouvrage majeur est Le nouveau Moyen-Orient

de Jean-Pierre Filiu paru aux éditions Fayard en 2013 ; l'intérêt

de cet ouvrage réside dans la pertinence de son analyse ; en

effet le propose de Jean-Pierre Filiu aborde la question dans sa

globalité, commençant par un rappel de l'histoire millénaire de la

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Syrie , de l'empire Romain jusqu'à l'indépendance ; l'un des

autres points forts de cet ouvrage est qu'il analyse la structure

et le fonctionnement du régime Assad , son mode de

fonctionnement , ses piliers et surtout apporte des éléments de

réponse à la question du pourquoi ( pourquoi le régime est

caractérisé par une violence quasi aveugle , pourquoi et

comment est née la révolte populaire etc). Se dégage également

de cette lecture une analyse du comportement des différents

acteurs impliqué s dans le conflit , qu'ils soient nationaux ou

internationaux. Cette vue d'ensemble permet dès la première

lecture de comprendre la Syrie non plus d'un point de vue

occidental mais d'un point de vue scientifique et structuré , car

bien que l'auteur soit clairement opposé au régime Assad , il ne

tombe pas dans le piège de la simple critique partisane.

On peut également citer un rapport de l'ICG , INTERNATIONAL

CRISI GROUP , intiulé Reshuffling the cards , Syria's new hand ,

rapport du moyent orient numéro 93. Ce rapport est également

pertinent , du fait de son analyse des réalitéés socio-

économiques en Syrie à partir de 2007 notament. Le contexte de

difficultés économiques ainsi que le fonctionnement de la

société et des institutions du parti Baas mis en lumière dans ce

rapport permet de comprendre le difficile contexte économique

en partie responsable du soulèvement populaire à la base de ce

conflit.

Certaines villes en Syrie comme Alep sont très vieilles , et par

ailleurs la ville se réclame être l'une des plus vieilles du monde.

En effet le pays a une histoire antique très riche et était à lors un

grand lieu de passage , en quelque sorte un carrefour ou

chacune des civilisations qui y passait laissait sa trace , qui

s'ajoutait aux éléments déjà présents. Mais ni Grecs ni Romains

qui occupèrent la Syrie (que les romains nommèrent Provincia

Syria en 64 avant JC) n'arrivèrent à y imposer leurs religions et

le métissage culturel s'accentua. L'empire Ottoman occupe la

Syrie à partir deu XVIème siècle . Avant la domination Ottomane

, la Syrie a été la terre d'accueil de réfugiés de différentes

populations en provenance des empires et des royaumes de la

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région, en fonction des différents pouvoirs en place , qui

n'hésitaient pas à persécuter et poursuivre leurs opposants ou

leurs adversaires dans la lutte pour le pouvoir. Cela ajouté à la

position géographique de la Syrie , en tant que carrefour , et à

ses caractéristiques culturelles peut expliquer son métissage.

L'émergence des empires Français et Britanniques sera

préjudiciable aux intérêts Ottomans car ces deux empires

s'emploieront dès les XVIIè siècle à tout faire pour saboter

l'empire Ottoman et asseoir leur main mise sur la région,

considérée depuis longtemps comme stratégique, notamment

pour les voies maritimes. Peu à peu s'exporte en Syrie les

théories nationalistes nées en occident, mais après la chute de

l'empire Ottoman le pays est placé sous mandat des puissances

européennes, qui procède à la définition des frontières du pays.

Une telle fondation sera pendant longtemps contestée en terme

de légitimité et nourrira pendant longtemps de nombreuses

tensions.

La SYRIE obtient son indépendance en 1941, mais les troupes

françaises et britanniques ne quittent le pays qu'après la guerre,

en 1946. Une grande instabilité politique et une chaude rivalité

avec le voisin israélien marquent les années 50. La Syrie se joint

à l'Égypte, en 1958, au sein d'une nouvelle entité politique, la

République arabe unie (RAU)

En septembre 1963 se réunit le premier congrès régional du Baas

en Syrie avec la participation des branches civile et militaire du

Parti. Ce congrès consacre la montée en force des régionalistes

aux dépens des chefs historiques du parti et des militaires aux

dépens des civils. Le parti se radicalise et son nationalisme est

exacerbé.

Le 12 mars 1971, Hafez el-Assad est élu président de la

République pour 7 ans, au suffrage universel, avec 99,2% des

voix. Le Front progressiste d’union nationale est créé, au sein

duquel se joignent au Baas les mouvements socialistes pour

l'union arabe, et le parti communiste Syrien.

En janvier 1973, une nouvelle Constitution est promulguée.

L’Islam n’y est pas mentionné, ce qui suscite des émeutes à

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Hama, Alep et Homs. Finalement, deux mois plus tard, un

amendement constitutionnel fait de l’Islam la religion du

président de la République, mais pas celle de l'Etyat Syrien. La

Constitution est approuvée par 97,6% des électeurs qui ne se

plient pas aux appels au boycott. La participation a été de 88,9%.

Elle sera par contre très faible au moment des élections

législatives qui vont suivre .

Hafez el-Assad hérita d'un régime dictatorial, établi durant de

longues années d'un pouvoir militaire instable, puis réorganisé

suivant la politique du parti unique du Baas. Non seulement, il ne

rompit pas avec ce régime, mais il en accrut la dimension

répressive, par le biais de la création de divers services de

sécurité. Il s'appliqua ainsi à exercer un contrôle sans faille sur

chaque pan de la société.

Le régime mit également en place un culte de sa personnalité, le

décrivant comme un dirigeant juste, sage et puissant de la Syrie

et du monde arabe en général. À la manière soviétique, ce culte

se traduisit par un vaste système de propagande fait d'affichages

de son effigie, d'érections de sa statue, de discours publics

glorificateurs, . Son fils Bassel successeur désigné, fit, plus tard,

l'objet d'un culte de la personnalité similaire mais son décès en

1994 bouleversa les plans de succession initiaux.

Le régime trouva un soutien essentiel dans la minorité alaouite,

dont Hafez el-Assad plaça des membres à de nombreux postes

clés de l'appareil d'État. Les autres minorités ethniques et

religieuses, les chrétien , druzes , et kurdes soutiennent ce

régime , qui sert deà les protéger contre la majorité sunnite du

pays.

Le régime se caractérisa ainsi par l'emprise qu'il a exercée sur la

vie sociale et politique, interdisant toute opposition et réprimant

avec violence toute contestation. L' écrasement militaire ou tout

simplement le massacre du soulèvement du mouvement

fondamentaliste les Frères musulmans, dans la ville de Hama en

1982 est l'épisode le plus marquant de cette répression. Ce

massacre fut un véritable traumatisme sur le plan national , suivi

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par une loi condamnant à la peine de mort la simple

appartenance aux Frères Musulmans.

Aujourd'hui encore, héritage de cette période et malgré la mort

de Hafez el-Assad, la peur du régime est restée tenace parmi les

Syriens.

Ainsi , on constate la mise en place , ou plutôt le renforcement

d'un appareil étatique répressif et autoritaire en Syrie dès 1971 .

La légitimité d'un tel régime se base sur une organisation

politique et institutionnelle parlementaire , avec un recours

régulier aux référendums ; ainsi , Bachar El Assad , est consacré

président de la république en 2000 par référendum. Il est

important de rappeler que cette guerre dite civile est la

transformation pervertie d'un mouvement social se basant sur de

réelles et légitimes revendications d'une partie de la population

Syrienne. Bachar El Assad à son élection est perçu comme un

réformateur , apporteur d'espoir et de libertés nouvelles.

Certains observateurs employaient alors le terme de « printemps

de Damas ». En février 2011 , le président Syrien met fin à ce

vent de réformes , face à l'augmentation des revendications

sociales. Socialement , la Syrie affiche de sérieux problèmes :

25% de chômage en moyenne, jusqu’à 60% pour les moins de 25

ans sachant que 60% de la population a moins de 20 ans , Un

tiers de la population est en dessous du seuil de pauvreté. EN

2007, le pays subit une hausse des prix de l'ordre de 300%. C'est

dans ce contexte social que débutent les manifestations, version

Syrienne du printemps arabe.

Le régime El Assad choisit de répondre comme à son habitude à

ces manifestations pacifiques par une répression violente, 4

adolescents dans la localité de Deraa sont enlevés pour avoir

taggés sur un mur des propos opposés au régime Assad. Leurs

corps sont retrouvés sans vie et mutilés. Ainsi naît le mouvement

se basant sur ses premiers martyrs. Les promesses de réforme

ne faisant pas reculer les manifestants, le régime poursuit les

répressions violentes , les arrestations et les tortures dans le but

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de militariser un mouvement à l'origine pacifique , dans le but de

justifier sa théorie de « bandes armées » menaçant l'intégrité de

la république Syrienne ; ainsi émerge un conflit armé opposant

l'armée régulière et factions rebelles . Fondé fin août et lancé les

1er

et 2 octobre 2011 à Istanbul, en Turquie, le CNS(Conseil

national syrien) a pour but de coordonner les opposants et mener

des opérations contre le régime de Basar el Asad. Le CNT Lybien

est le premier à reconnaître le CNS (conseil national de

surveillance ) Syrien comme unique représentant du peuple

Syrien. La France lui apporte son soutien le 10 octobre. Après

une relative accalmie, des protestations reprennent le vendredi

14 octobre 2011, avec notamment des manifestations de soutien

aux soldats ralliés à la contestation, et douze personnes sont

tuées par les forces de l'ordre loyalistes. Les combats s'étendent

à certaines grandes villes du pays telles que Homs , Hama, Alep

etc. .. C'est à peu près à ce moment qu'entre en jeu

l'observatoire syrien des droits de l'homme , acteur

controversé ; d'abord parce que les informations véhiculées par

cette organisation sont souvent impossibles à vérifier , mais

aussi parce que certains observateurs le décrient comme étant

un instrument de propagande au service des Frères Musulmans.

Autre protagoniste, cette fois ci militaire , l'ASL , armée Syrienne

libre , composée notamment de soldats déserteurs, est financée

par certains pays du golfe , bien comme le Qatar ou l'Arabie

Saoudite ; cela nous emmène à nous interroger sur le rôle de la

Syrie sur l'échiquier géostratégique moyen-oriental.

Historiquement, l'importance régionale de la Syrie est liée à son

occupation du Liban de 1976, sous l'ère Hafez el Assad , et a sa

relation conflictuelle avec Israel. Le soutien sans faille de la

Syrie à des mouvements tels que l'OLP ou le Hezbollah peut

s’expliquer par une instrumentalisation de la cause

palestinienne ; en effet, tant que l'exercice de la violence dans la

sous région était concentré sur Israel , la Syrie avait les mains

libres pour s'occuper comme elle l'entendait du Liban. La

position de la Syrie vis à vis du Liban est liée au découpage des

frontières par les puissances coloniales, la Syrie considérant e

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Liban comme faisant partie de son territoire. Aussi , la guerre du

Kippour , l'annexion du plateau du Golan par Israel, ont fini par

consacrer la Syrie comme un « représentant » de la cause

panarabique face au grand ennemi Israel. Autre théâtre plus

récent des aspirations de grandeur du jeu géopolitique Syrien ,

l'Irak ; en effet , Bachar al-Assad soutient certaines factions

irakiennes dans leur combat contre les Américains, dans le but

de positionner la Syrie comme acteur influent en Irak. Dans le

même temps, il empêche ainsi la machine de guerre américaine –

déjà empêtrée dans le chaos irakien et en Afghanistan - de s'en

prendre à Damas. Damas a réussi à avoir simultanément un rôle

dans la guerre contre le terrorisme l’amenant à une coopération

étroite avec les services occidentaux en général, et les services

français et américains en particulier. Un tel rôle pourrait sembler

paradoxal pour un état éternel financier de mouvements

terroristes , mais il faut prendre en compte que le régime

baasiste a toujours réprimé d'une main de fer le salafisme et le

terrorisme islamiste suninte , qu'il perçoit à juste titre comme un

ennemi.

Autre point important de l'importance stratégique de la Syrie

dans la sous région, son alliance avec l'Iran. Le 8 décembre

2004, le Washington Post publie un entretien avec le roi Abdallah

II de Jordanie. Le souverain, dont le pays peut être considéré à la

fois comme un ami et un allié des États-Unis, choisit donc un

grand quotidien de ce pays pour se déclarer préoccupé par

l’émergence d’un « croissant chiite ».Ce dernier, allant de l’Iran

au Liban, comprendrait également l'Irak post-Saddam Hussein,

dont les dirigeants sont désormais majoritairement chiites. Selon

le roi de Jordanie, « L’Iran a tout intérêt à voir s’instaurer une

République islamique en Irak et, en conséquence, l’engagement

des Iraniens vise à obtenir un gouvernement qui soit très pro-

iranien ». Les autorités iraniennes financeraient de nombreuses

activités caritatives en Irak pour s’y implanter durablement et

auraient encouragé plus d’un million d’Iraniens à s’installer en

Irak pour les faire voter aux élections générales du 30 janvier

2005. Une telle politique entre dans le cadre de la volonté de

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l'Iran d'exporter le modèle de la révolution islamique à travers le

monde arabe. Le souverain Hachémite déclare donc : « Je suis

sûr qu’il y a beaucoup de monde, beaucoup d’Iraniens là-bas qui

seront utilisés lors du vote pour influencer le résultat [des

élections] ». Ainsi le souverain est persuadé que l'accession des

chiites au pouvoir en Irak contribuerait à la mise en place de ce

fameux croissant chiite comprenant l'Iran la Syrie , le Liban et

l'Irak. Une telle évolution de l'Irak engendrerait des

conséquences dépassant les frontières Irakiennes en venant

bousculer l'équilibre entre les sunnites et les chiites dans la

région en apporterait « de nouveaux problèmes qui ne seraient

pas limités aux frontières de l’Irak ». Cet extrait de l'interview

met en lumière la profondeur stratégique du problème. Tout

d'abord , rappelons que le conflit civil a d'abord muté en conflit

armé opposant le pouvoir détenu par la minorité chiite à une

rebellion majoritairement composée de sunnites. Mais en Syrie ,

l'opposition sunnites vs chiites a été nourrie par le régime Assad

afin de s'octroyer les faveurs des chiites en se posant comme

leur protecteur contre l'ennemi Chiite. Sur un plan extérieur à la

Syrie , rappelons également que, dans un contexte de renouveau

de l'Iran , avec une éventuelle accession pour ce pays au rang de

nation disposant de l'arme nucléaire (véritable source

d'inquiétude pour Israel et les monarchies sunnites de la région) ,

affaiblir la Syrie, son allié principal , reviendrait à affaiblir L'IRAN

, et freiner son ascension , en réduisant sa capacité d'influence

politique, stratégique et militaire. Si officiellement , aucun

discours occidental ne prend le risque d'afficher des positions

aussi radicales , Israel par exemple ne s'en cache aucunement ,

avec notament le plan Ynon ; dans un article de la revue Kivunim

, Oded Ynon , fonctionnaire au ministère Israélien des affaires

étrangères affirme que : « (…)La décomposition du Liban en cinq

provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier,

y compris l’Egypte, la Syrie , l’Irak et toute la péninsule arabe ;

au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la

Syrie et de l’Irak en provinces ethniquement ou religieusement

homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël, à

91

long terme, sur son front est ; à court terme, l’objectif est la

dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en

plusieurs états suivant les communautés ethniques, de telle

sorte que la côte deviendra un Etat allouite chiite ; la région

d’Alep, un Etat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à

son voisin du Nord : les Druzes constitueront leur propre Etat, qui

s’étendra sur notre Golan peut-être, et en tout cas dans le

Haourân et en Jordanie du Nord. Cet Etat garantira la paix et la

sécurité dans la région, à long terme: c’est un objectif qui est

dès à présent à notre portée ». Ainsi , ce conflit Syrien va dans le

sens de la volonté d'Israel de reconfigurer l'équilibre géopolitique

du moyen-orient afin d'assurer sa propre sécurité ; un autre des

enjeux majeurs et pourtant inavoués du conflit Syrien est la

question des ressources énergétiques ; ce point est le plus

important pour les intérêts étrangers , au delà des discours

politiques polissés , destinés aux opinions publiques

internationales.

Constatons que, l'équilibre géopolitique mondial , basé sur

l'hégémonie américaine post guerre froide s'effrite décennie

après décennie . Ainsi on constate un renouveau de la Russie ,

une inexhorable montée en puissance des BRICS , de la Turquie,

de petits pays tels que le Quatar , de l'Inde, etc …, chacun de

ces pays se battant pour défendre ses intérêts à l'échelle

mondiale , y compris en Syrie.En effet riche en ressources

naturelles , la Syrie pourrait constituer une belle prise

stratégique pour qui parviendrait à y mettre la main, par exemple

, la production de pétrole en Syrie en 2000 était de 25,4 millions

de tonnes, avec des réserves de 350 millions de tonnes dans le

Nord Est du pays. En gaz , le pays dispose de , 6 300 millions de

mètres cubes en 1999, avec des réserves de 241 000 millions de

m cubes. Ainsi , la Russie dans son renouveau a conclu

d'importants accords gaziniers avec la Syrie , y dispose d'un port

militaire , d'une importance stratégique clé , pour la Russie ,

dans la sous région. Celà explique la position Russe face au

conflit. Tout d'abord , la Russie a accordé un soutien sans faille

au régime El Hassad , avant d'en diminuer l'intensité , bien que

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faiblement ; ainsi, les diplomates Russes apellent désormais à la

création d'un gouvernement national , comprenant toutes les

forces vives en Syrie , c'est à dire y compris la rebellion, mais

sans aucune forme d'ingérence étrangère . Le tout en maintenant

le véto protecteur de la Syrie au conseil de sécurité de l'ONU . La

Chine , également partenaire économique important de la Russie,

notament sur le plan gazinier , partage les intérêts de la Russie

,e t se calque sur sa position au conseil de sécurité de l'ONU en

espérant en retour la même position . De plus , il faut rappeler

que la Chine , capitalisme sans démocratie, voit toujours d'un

mauvais œil les vents de libertés et de contestation populaire.

Un autre acteur important est la Turquie , qui sert de base

arrière au CNS ; cela peut s'expliquer en partie par le fait que la

Turquie dans son renouveau souhaite rétablir son influence

stratégique dans la sous région, ce qui passe évidemment par

l'affaiblissement de ses grands adversaires régionaux tels que la

Syrie , et par ricochet l'Iran. A cela peuvent s'ajouter les tensions

Syriennes et Turques à propos du Sankjat d'Alexandrie, ainsi que

les tensions liées à la question Kurde et à Saleh Mohammed

Muslim, président du PYD. Quant aux monarchies sunites du

golfes , elles perçoivent comme l'a si bien décrit le souverain de

Jordanie le croissant chiite comme une menace. Rappelons enfin

qu'à moyen ou long terme , après l'épuisement des ressources

pétrolières du globe, le gaz sera la principale ressource

énergétique ; on voit donc que le conflit en Syrie pourrait avoir

des répercussions sur tout le jeu géo politique mondial dans les

années à venir. Enfin , n'occultons pas la question sécuritaire du

problème , avec la question des armes chimiques de l'armée

régulière, qui pourraient tomber aux mains de mouvements

terroristes. Bachar EL Assad a bien compris que l'entrée en jeu

de mouvements terroristes est un véritable salut pour lui, et s'en

sert avec talent, en évoquant dans son discours de janvier 2013 ,

un plan de sortie de crise , passant par la voix des urnes ,

rappelant ainsi qu'il est le seul protagoniste du conflit ayant la

légitimité des urnes, et donc le seul vrai démocrate ; ce qui lui

permet de prendre à contre pied ses opposants , maintenant liés

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à des terroristes : « Beaucoup sont tombés dans le piège tendu

pour faire croire que le conflit est à situer entre le pouvoir et

l’opposition, autrement dit une lutte pour un fauteuil, un poste,

ou un pouvoir ! C’est pourquoi, ils se sont tenus à distance et ont

opté pour le silence et la neutralité. Par conséquent, aujourd’hui,

il est du devoir de chacun d’entre nous de rediriger les regards

vers la véritable boussole de la patrie… Car le conflit, Mesdames

et Messieurs, est entre la patrie et ses ennemis, entre le peuple

et des criminels assassins, entre le citoyen et ceux qui volent

son pain, son eau, ses sources de chaleur… et le privent de la

sécurité dont il était si fier, pour répandre la peur et la panique

dans les esprits. »

I -La Syrie , caractéristiques politiques et socio-économiques du

pays

91

A-Construction et origines d'une société multi confessionnelle

Bien que la Syrie telle qu'on la connaît aujourd'hui est construite

historiquement après la fin de l'empire Ottoman, elle a une

histoire antique riche et indéniable. Rappelons que la Syrie

n'existe en tant que Syrie qu'à partir du mandat français sur ce

territoire appelé traditionnellement par les arabes Bilad el Cham

, comprenant la Syrie le Liban la Jordanie et la Palestine. Ainsi ,

la Syrie antique avait pour capitale Antioche sur l'Oronte , une

ville située aux environs de la frontière entre la Syrie et la

Turquie. Cette capitale grandit lentement mais surement mais

devint une mégapole au fil des siècles. Damas ne devint que plus

tard la capitale de a Syrie , une fois le pays entré dans l'ère

moderne. Du point de vue chronologique , l'histoire de Damas est

restée pendant longtemps difficile à établir scientifiquement , et

ce pour plusieurs raisons. Les études des différents chercheurs

étaient parfois contradictoires, ou bien souvent pas assez

fournies en éléments matériels pouvant attester de leurs

théories , tandis que l'histoire d'autres grandes villes antiques

telles que Palmyre était établie. Contrairement à Alep , il est

établi scientifiquement que Damas de son nom primitif Dimasqh

ne fait pas partie des plus vieilles villes de la région. Damas a été

fondée non loin des rives du Barada , et selon certains

archéologues a vu le jour aux environs du quatrième siècle avatn

JC. Un autre point de vue archéologique est que le

développement de Damas a été conditionné par l'apparition des

Araméens dans la région , au deuxième millénaire. Après avoir

été Araméenne , la ville fut Hélénistique , puis Romaine. Ainsi en

64 avant notre ère les Romains conquirent le royaume de Syrie et

le transformèrent en province Romaine. Voyons comment se sont

succédées à partir de cette époque diverses emprises sur la

Syrie et comment elles ont façonné le pays.

91

1-Une société complexe

Après les romains , les Byzantins étendirent leur influence en

Syrie. En 636 , les troupes du Calife de la Mecque prirent le

contrôle de la Syrie. Elle fut fragmentée en quatre provinces :

Damas , Homs , la Palestine et la Jordanie. En 656 éclate dans la

région une guerre civile opposant Ali , gendre du prophète

Mahomet à Moawiya gouverneur de la Syrie alors appelée pays

de Cham. Cet affrontement est causé par l'assassinat du calife

Osman , souverain des Omeyyades . Ali sera assassiné et ses

partisans deviendront les chiites , tandis que ceux de Moawiyya ,

invocateurs de la “sunna” , la tradition , deviendront les sunnites

.1

Plus tard l'Arabe devint la langue officielle remplaçant ainsi le

Grec. La construction de la Mosquée des Omeyyades par le

calife Al-Walid, aujourd'hui classée au patrimoine mondial de

l'Unesco contribuera à ancrer l'Islam dans la durée . En 750 c'est

la fin de la dynastie Omeyyades en Syrie et le pouvoir est

déplacé à Bagdad. De ce fait la Syrie passera de centre politique

à centre culturel et deviendra cosmopolite , on observera la

présence de minorités. Les Omeyyades chiites avaient

développé leur vision de l'Islam , leurs successeurs Abbasides

sunnites auront du mal à convaincre les musulmans Syriens de

se convertir à la leur. La chrétienneté n'est plus majoritaire en

Syrie et est fractionnée en différentes églises. Les musulmans

également ont leur lot de divisions qu'ils soient chiites ou

1

Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , p 26

91

sunnites. Autre minorité présente en Syrie , celle des druzes. Le

terme vient de Mohamed Darazi. Son nom en est l'origine. Il

vouait un culte au tyrannique calife Hakim , règnant sur le Caire

jusqu'en 1021. Persécutés , les Druzes gagnèrent la Syrie pour

s'y réfugier. Autre minorité qui beaucoup plus tard , dans l'ère

contemporaine , jouera un rôle déterminant en Syrie , celle des

Alouites. Elle est au départ fondée par Ibn Nosair ; ils étaient

d'ailleurs appelée Nosairis. Il vénérait l'Imam Assan El askar

descendant d'AlI , mais ce dernier était encore plus important à

leurs yeux. Les membres de la tribu se marièrent au sein même

de cette tribu , et aucun individu venu de l'extérieur ne pouvait y

être intégré. Les élites de la tribu prônent une grande piété ,

ainsi qu'une foi ostentatoire. Cette de volonté de grande piété

combinée à la pression de la majorité sunnite constitue le ciment

de la tribu.

Par la suite la Syrie sera sous domination des croisés , puis

des Mongoles. Malgré les conflits avec les croisés , les

populations chrétiennes de Syrie , dont la présence est

antérieure à celle des dynasties musulmanes n'ont souffert

d'aucune représaille. Elles s'ancrèrent à Alep par exemple ;

quant aux druzes , alaouites et ismaéliens , ils élurent domicile

dans les chaines montagnières. Le califat oriental est rétabli.

Après cette période guerrière , le pays revient à un calme relatif;

au cours de cette période des tensions naissent au sein de la

majorité sunite dont certains membres se radicalisent. Ainsi , Ibn

Taimiya, théologien sunite jette l'anathème à la fois à l'encontre

des autres branches de l'Islam qu'il juge trop modérés et à

l'encontre des “ infidèles” . Il s'acharnera particulièrement

contre les alaouites. Ainsi , ces derniers se rebellent en 1317 . La

cruauté de la répression du pouvoir , centralisé au Caire , est

sans appel : “ Le commandant en chef survint avec son armée.

91

On poursuivit les nosairis (alaouites) et on en tua environ vingt

mille. Les survivants se retranchèrent dans les montagnes et ils

s'engagèrent auprès du commandant en chef à verser un dinar

par tête pour obtenir la vie sauve. Mais la nouvelle de ces

affrontements était parvenu par pigeons voyageurs au roi Nasser

, qui répondit de les passer par le fil de l'épée. “²

En 1400 , les Mongoles dirigés par Tamerlan s'emparèrent de la

Syrie , et en 1453 , les Ottomans mirent fin à l'empire Byzantin

en prenant Constantinople. L'empire Ottoman n'aura cesse de

s'étendre et la Syrie passe sous son contrôle . Damas devient un

centre administratif important et Alep un grand point de

commerce. AU XVIème siècle, en territoire Syrien , le pouvoir

Ottoman dut faire fâce à une certaine instabilité , ponctuée de

révoltes des chefs locaux , relativement durables. De celà

profitèrent les puissances européennes comme la France ,

l'Angleterre ou encore la Hollande. On constate de plus en plus

une opposition entre les populations arabes locales et le pouvoir

turc. Mohamed Ali , règnant sur l'Egypte a des vues sur la Syrie

que son fils Ibrahim Pacha concquiert en 1832. L'empire Ottoman

est à lors soutenu par la Russie , tandis que la France et

l'Anglettere qui s'appliquent depuis un moment à sapper son

autorité dans la région , soutiennent l'Egypte. A la suite de

négociations avec toutes les parties , y compris France et

Angleterre , Ibrahim Pacha est nommé gouverneur de Syrie et

siège à Damas. On constate ainsi que l'avenir de la Syrie est

déterminé par des puissances étrangères. Cet évènement est

notable car historiquement c'est la première fois que le sort de la

Syrie est ainsi arbitré. L'empire Ottoman est donc sujet à

rebellions et ingérences étrangères. Se crée un jeu diplomatique

² Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , p 35

91

ou chaque grande puissance mise sur une minorité pour servir

ses intérêts . En 1940 , l'accord de Londres restaure l'autorité de

l'empire Ottoman sur la Syrie. La Grande-Bretagne se range du

côté de l'empire Ottoman , soutenu uniquement à ce moment par

toutes les puissances européennes à l'exception de la France.

Mohamed Ali refuse en premier lieu mais finit par céder suite à la

pression britannique. L'empire Ottoman reste sujet à des

troubles internes notament en Syrie , ou les révoltes sont

récompensées par une répression sans merci. L'Allemagne

entend rentrer dans le jeu et soutient clairement l'empire

Ottoman. L'une des meilleures illustrations de ce soutien est la

participation allemande à la construction du chemin de fer du

Hedjaz , ligne de train reliant la Syrie à Médine. Dans le même

temps ,la diaspora syrienne s'éprend de nationalisme et propage

ses idées à travers un réseau d'intellectuel. Ce processus est

nourri par la politique répressive de l'empire Ottoman envers

toute véléité indépendantiste. Cette répression achève d'indigner

les populations locales , de toutes confessions , contre le pouvoir

Turc. En 1916 , la grande révolte initiée par le chérif de la

mecque Hussein Ibn Ali trouve facilement ses partisans en Syrie.

Entre temps la première guerre mondiale a fait rage et a finit

d'affaiblir l'empire Ottoman. Les troupes de la Mecque et ses

alliés chassent l'empire Ottoman hors de Syrie ; la population

locale s'en réjouit , mais très vite les puissances européennes ,

la France et l'Angleterre , entendent prendre le contrôle de la

Syrie. Ainsi la Syrie se dirige de la tutelle Ottomane vers une

tutelle européenne.

Rappellons que sous l'empire Ottoman , très fortement

préoccupés par ses voisins européens et leurs incessantes

ingérences , la Syrie était constitué de centres administratifs

principaux , se basant sur les élites locales. Le découpage

91

territorial de la Syrie telle que nous la connaissons actuellement

est la conséquence directe de la lutte hégémonique entre la

France et la Grande-Bretagne dans la région. Aux raisons

économiques et politiques se mêlent également des points de

vue idéologiques , les idéologies impérialistes s'étant répandues

en Europe suite au développement du nationalisme. A celà

s'ajoute par exemple les engagements historiques de la France

qui fut traditionnellement la puissance protectrice des chrétiens

au Levant. Cela contribue au développement de l'influence

intellectuelle de la France dans la région. Certaines élites

françaises ont des vues claires sur la Syrie , tandis qu'en Grande-

Bretagne l'un des intérêts majeurs est la protection des voies

maritimes , comme le canal de Suez par exemple. Les accords

Sykes-Picot de mai 1916 , sont signés par la France , la Grande-

Bretagne et la Russie ; elles sont le leiu des revendications des

lobbys coloniaux qui avaient déjà leurs points de vue sur al

question des partages territoriaux . L'un des problèmes

concernait la Palestine , les Britanniques souhaitant y établir

leur domination afin de protéger le canal de Suez. La Palestine en

deviendra une zone neutre , à défaut d'un accord entre la France

et la Grande-Bretagne. Sont établis deux blocs , l'un administré

par la France et l'autre par la Grande-Bretagne. Damas et Alep

sont sous influence française ; néanmoins , les britannqiues

parviennent à installer Faysal de la dynastie des Hachémites en

tant que roi de Syrie. Il sera défait par l'armée Française en

1919. La France reprend alors le contrôle mais manque

cruellement de moyens , au point de ne pouvoir créer un pouvoir

centralisé. Ainsi sont créés des états basés sur les différences

confessionnelles et géographiques : l'état Alaouite , l'état d'Alep ,

celmui de Dams , et le Djebel Druze. A ce pointd e vue est opposé

celui d'une Syrie arabe et unitaire , défendue par Faysal soutenu

91

par les britanniques. Il est important de nuancer ce processus

de la politique du “ diviser pour mieux régner” largement

appliquée à l'époque et dans la région par la France et la Grande

Bretagne. Il faut ici prendre en compte plusieurs autres facteurs

; tout d'abord , les différents groupes religieux sont satisfaits de

cette configuration et ne souhaitent en rien la changer ; les

populations locales ne se préoccupent pas de telles questions et

la création de ces états s'est appuyée sur la collaboration de la

France avec les élites des différents groupes confessionnels.

Ainsi on observe que ce processus de création de ces différents

états a été décidé de l'extérieur avec la coopération de certaines

élites. Beaucoup d'historiens n'hésitent pas à la qualifier

d'”artificielle”.

Suite aux promesses d'état arabe faites par les britanniques à

Hussein , le sultan de la mecque , son fils Faysal souhaite

instaurer en “Syrie naturelle” , c'est à dire l'actuelle Syrie , plus

la Palestine et le Liban , un état arabe unitaire et indépendant.

Ainsi sont établies des institutions étatiques , telles q' un

gouvernement , une assemblée majoritairement nationaliste.

Mais les britanniques , soutiens de Fayçal , engagés au près des

Français par les accord Sykes-Picot ne peuvent l'appuyer plus

longtemps , préférant se concentrer sur la Palestine. La

déclaration de Balfour de 1917 finit d'achever les aspirations de

l'émir Faysal. En 1920 , le parlement proclame l'indépendance de

la Syrie , Faysal accepte d'abdiquer devant la France mais est

désavoué par l'assemblée. Les troupes françaises affrontent et

91

battent les troupes arabes , composées de soldats réguliers et

de soldats volontaires, velus de Palestine et d'Irak ; Faysal se

réfugie en Grande-Bretagne. Cet épisode de république arabe

syrienne est désigné comme l'acte de naissance du nationalisme

arabe en Syrie1

. Comme dit précédemment , la France crée

quatre états : celui d'Alep , celui de Damas , celui des alaouites ,

et celui des druzes. Le mandat ainsi exercé par la France va

paradoxalement servir le nationalisme syrien car les élites

syriennes n'auront désormais pour objectif que de défaire

l'occupant. L'héritage arabe sur le quel se base ce nationalisme

est idéalisé et va fédérer la population et les différentes

mouvances politiques. En 1925 éclate un soulèvement Syrien ,

dans lequel l'état druze , dirigé par le clan Attrache va jouer un

rôle déterminant. Fort de son mandat sur la Syrie , la France

baisse de plus de moitié le nombre de ses soldats présents dans

le pays. En janvier 1925 , les états de Damas et d'Alep sont

unifiés , et l'état alaouite recouvre son idépendance2

; les

dirigeants locaux de la région druze destituent le mandaté

français en charge de la région , et sont arrêtés et déportés en

conséquence. C'est la révolte locale , menée par la famille

Attrache , elle s'allie aux nationalistes du Parti du peule dirigé

par Abderramane Chahbandar , réclamant l'indépendance et

l'égalité de traitement pour toutes les religions. La révolte gagne

Damas , bombardée en retour. S'installe ensuite le cercle vicieux

répression-résistance-escalade des violences. Des élections

truquées sont organisées par les français dans l'état des

alaouites , et en 1926 c'est la grande contre offensive de l'armée

française qui l'emporte sur la rebellion. Suite à tout cela , le désir

nationaliste de l'opinion populaire s'installe dans la durée. Les

1 L'exception syrienne , entre modernisation et résistance , Caroline Donati , Broché , 2009

2 Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , 2013

91

nationalistes changent de stratégie et s'unissent en créant le

Bloc National , dont le but est de dialoguer , négocier avec la

France afin d'obtenir l'indépendance de la Syrie. En 1936 , avec

l'arrivée au pouvoir du Front Populaire en France, est signé un

traité franco-syrien : une alliance entre les deux pays est

entendue pour une durée de 25 ans , la France promettant de se

retirer progressivement au bout de cinq ans. En 1936 sont

organisées des élections logiquement remportées par le bloc

national. Mais rien est encore fait , car un changement de

couleur politique en France viendra freiner ce laborieux

processus. Le gouvernement de Léon Blum est mis en minorité

au Sénat et est battu , et l'assemblée ne ratifie pas le traité1

.

Abderramane Chahbandar est assassiné en 1940. L'avènement

de la deuxième guerre mondiale change la donne . En 1943 , le

bloc nationaliste dirigé par Chukri Al Quwatli remporte à nouveau

les élections , mais doit renoncer à leurs vues sur le Liban si ils

veulent avoir l'indépendance. Les prérogatives administratives

reviennent donc à la Syrie , mais cette indépendance est relative

puisque sur le plan militaire , les troupes françaises gardent le

contrôle de la situation. La situation devient tendue et les

défections sont légion au sein des troupes spéciales dont les

membres sont syriens. Damas est bombardée , et la situation

portée par la Syrie devant l'assemblée générale de la jeune

organisation des nations unies. Le soutien des pays arabes et de

la Grande-Bretagne pousse à la France à se retirer de Damas, le

17 avril 1946. Ainsi le mouvement nationalise a gain de cause

mais perd en contre partie Alexandrette , cédée à la Turquie par

la France en 1939 , et la Liban , jusqu'à lors faisant partie

intégrante de la Syrie. Hafez et Bachar El Assad feront plus tard

de la présence militaire de la Syrie au Liban l'un des piliers de

1 Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , 2013 , p55

91

légitimité de leur régime , en ce basant sur ce découpage

territorial imposé par une puissance étrangère. Le jeune état

indépendance sera sujet à une grande instabilité.

Tout d'abord , la politique mise en place par le bloc national ne fit

pas l'unanimité ; certaines opinions syriennes , partisanes d'un

nationalisme plus exacerbé reprochent au bloc nationaliste

d'avoir été trop tendre dans leurs positions et d'être allé

beaucoup trop loin dans les concessions faites à la France. Ainsi

la perte d'Alexandrette au profit de la Turquie et celle du Liban

est reprochée au bloc national , tout comme son manque de

soutien probant à la Palestine. Emerge une jeunesse plus

radicale que ses aînés , dont l'un des personnages les plus

importants est Zaki Al Arsouzi , qualifié de “précurseur

spirituel”1

du parti Baath. Après des études à la Sorbonne , il

retourne en Syrie, dans sa région natale , Alexandrette , ou il

mène la résistance face à la Turquie , avant qu'Alexandrette ne

soit cédée à cette dernière ^par la France. Il sera exilé mais ces

militants formeront le noyau dur du parti Baath initial. Michel

Aflaq et Salah Bitar , eux aussi ayant étudié en France, et ayant

fait résistance à Alexandrette, font quant à eux partie des

fondateurs du parti Baath . Le jeune Hafez El Assad qui rejoindra

le parti se dira inspiré par les idées de Zaki Al Arsouzi. Autre

force politique en présence , le parti communiste Syien , faisant

allégeance à l'URSS . A cela s'ajoute le ressentiment populaire

des populations locales , qui s'indignent contre le découpage

1 Pensée et idéologie arabes. Figures courants et thèmes au Xxè siècle , Ali Aouattah , L'Harmattan

, septembre 2001, p74

91

territorial du pays , jugé illégitime. Seront bientôt de leur avis

bon nombre de pays voisins tels que l'Irak, chacun ayant ses

propres intérêts à faire valoir. S'ajoute à ce contexte compliqué

une révolte des druzes , les leaders du clan Attrache réclamant

l'autonomie. Ce clan est soutenu par la Transjordanie. A lui sera

opposé le clan Druze des Asali , allié lui au président Syrien

Quwatly. L'instailité ne fera que croître en Syrie, freinée

seulement par l'accession au pouvoir d'Afez El Assad.

En 1948 , les armées arabes entrent en guerre en réponse à la

création d'Israel. Les soldats syriens en reviendront peu glorieux

et un an plus tard leur chef , le colonel Hosni Zaim organise un

coup d'état et s'empare du pouvoir , le président Quwatli s'exhile.

En août de la même année le colonel putchiste est exécutépar

Sami al Hinnawi , lui même colonel , qui sera à son tour renversé

par Adib Chichakli , et assassiné en exhil. Le nouveau chef

d'état instaure une dictature basée sur un pouvoir central , dont

l'un des premiers objectifs sera , afin d'exercer pleinement son

pouvoir , de lutter contre la fragmentation de la société en

différents groupes religieux. Et pour ce faire , il va se servir des

institutions . Au parlement par exemple , les groupes

confessionnels perdent peu à peu leur nombre de siège et sont

réduits. Les leaders religieux sont interdits d'apparition publique,

et est instaurée une arabisation systématique de toutes les

institutions et dans tout domaine de la vie publique1

. Enfin ,

l'Islam est constitutionellement nommée “religion du che d'état”

en 1953. Les populations minoritaires entrent en révolte.. Il est

important de rappeler et de comprendre que ces groupes

minoritaires n'ont pas voulu ce bloc façonné par la puissance

coloniale et se trouvaient pleinement satisfaits d'être organiser

1 L'exception syrienne , entre modernisation et résistance , Caroline Donati , Broché , 2009

91

en états indépendants ( état des alaouites , état druze par

exemple). Les principales villes se soulèvent et le dictateur

s'exhile en Arabie saoudite. Le pouvoir revient aux mains de la

société civile et les le président Quwalti rentre d'exhil et

retrouve l'intégralité de ses fonctions. La crise de l'indépendance

est terminée et peu à peu le pays comme la région entrent dans

l'ère de la guerre froide. En 1956, c'est l'épisode de la République

Arabe Unie. La Syrie étant fragilisée sur un plan interne par les

tensions survenues après son indépendance , elle ne peut

s'imposer au niveau régional , ou elle doit faire face à ses voisins

rivaux comme l'Irak et aux tensions avec Israel . Sur un plan

purement politique , le parti Baath voit le parti communiste

grignoter peu à peu plus de terrain . De plus la société reste

fragmentée en groupes confessionnels et ethniques , le niveau

d'éducation est éparse et le sentiment populaire n'a toujours pas

digéré le caractére artificiel de la construction étatique. Pendant

ce temps l'Egypte Nassérienne s'impose dans la région auréolée

de son statut de défenseur de la causse arabe. Salah Bitar,

devenu ministre des affaires étrangères propose l'unification des

deux pays. La République Arabe Unie est proclamée le 1er février

1958. L'Egypte , province du sud y est prépondérante et ses

intérêts passent avant ceux de la Syrie , province du nord. Le

siège du gouvernement est au Caire , chaque province a son

conseil exécutif. Toujours en 1958, Nasser décide de la refonte

totale du champ politique Syrien en proclamant la dissolution de

tous les partis politiques syriens pour les regrouper en une Union

nationale. Cela provoque l'ire de la branche militaire du Baath .

Parrallèlement Nasser , président de la RAU décide de la

nationalisation du secteur privé en 1961 , ce qui provoque le

mécontentement des milieux d'affaires syriens. Le coup d'état

militaire du 28 septembre 1961 met fin à la brève expérience du

91

Royaume Arabe Uni. Tous ces évènements sont d'abord sur deux

points; tout d'abord , on peut y voir dans une certaine mesure du

panarabisme , car ses plus virulents défenseurs , de Michel Aflaq

à Nasser en passant par les élites du parti Baath ont échoué à le

faire grandir , chacun y allant de ses intérêts propres. Le

deuxième point est l'avènement au pouvoir de la branche

militaire du parti Baath , dont fait partie un certain Hafez El

Assad. Cette branche militaire doit son existence à la création de

l'académie militaire syrienne par la France. Cette académie fut le

moyen d'ascension sociale pour les minorités , alaouites

notamment.

Rapellons que lors du mandat Français , l'armée Syrienne

regroupait environ cinq mille hommes , et la majeure partie de

ses activités étaient de type policières. Outre les raisons

d'ascencion sociale , leurs traditions poussaient également

certaines minoritès à s'orienter vers l'armée. Les dictateurs Zaim

et Chichakli avaient par exemple servi sous cette armée. Les

officiers provenaient de familles de notables locaux. En 1949

était créée la revue Djoundi , qui avait pour but de diffuser

l'idéologie baasiste au sein de l'armée. Mais cette armée était à

l'image de la société syrienne; elle était traversée par l’ensemble

des courants politiques et idéologiques à lors en vogue en Syrie.

A l'époque comme encore aujourd'hui , le danger que représente

Israel est instrumentalisé soi par les politiques , soit par l'armée

lors de ses différents coups d'état pour réveiller le sentiment

d'unité nationale.

En 1963 , Hafez El Assad en compagnie de ces camarades

Baasistes tels que Jeddid ou Salim Hatoum réalisent un coup

d'état. Le parti prend le pouvoir et se dote d'une garde nationale

chargée d'endiguer à l'échelle nationale toute aspiration de

91

contestation. On voit là les prémisses de l'appareil répressif du

Baas. Un an plus tard Hafez el Assad est promu au grade de

général. A partir de ce moment , même s'ils tiennent un discours

pronant le panarabisme , les dirigeants du partie Baas recentrent

la Syrie sur elle même , l'expérience avec l'Egypte ayant échoué ,

et les baassistes irakiens étant en débâcle. Le parti lance alors

une vague de nationalisation basée sur une politique socialiste

qui ne fait pas l'unanimité. Naissent des protestations à Homs

qui s'étendent à Hama et Alep , la réponse du Baas est une

violente répression , incluant le bombardement. Ainsi une fois de

plus on voit que la nouvelle élite du Baas au pouvoir a dès le

départ opté pour la répression comme réponse à toute

contestation. A forces d'intrigues internes au parti Baas , ou les

rivalités entre les ténors du parti et la jeune élite éclatent au

grand jour. Michel Aflak fondateur du parti est incarcéré et

certains cadres préfèrent l'exhil. Salah Jedid devient ainsi en

1966 le nouveau ténor du régime , et nomme Hafez El Assad

ministre de la défense. Mais les conflits internes au Baas ne

s'arrêtent pas là et débouchent sur la décision par Jedid et

Assad d'épurer l'armée , notamment contre les druzes, suite à la

tentative de Putsch orchestrée par Salim Hatoum qui s'exhilera

d'abord en Jordanie , avant de rentrer pour lutter contre Israel ;

l'armée en ressort bien évidemment affaiblie. . Dans le même

temps , l'idéologie anti-impérialiste du Baas au pouvoir

exacerbent les tensions avec le voisin Israel , bien décidé à faire

payer à la Syrie les attentats pro palestiniens fomentés sur son

territoire ; l'Egypte Nassérienne et la Syrie signent un pacte de

défense commune , entraînant pour les deux pays l'obligation

d'intervenir en cas d'agression contre l'un d'entre eux. Le 5 juin ,

l'armée israélienne détruit l'aviation égyptienne avant de

s'attaquer le lendemain à l'aviation syrienne. La Jordanie ayant

91

envoyé son aviation , qui sera également détruite, au secours de

l'Egypte , se verra attaquée territorialement et Israel prendra le

contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem Est , ainsi que du

Sinai Egyptien et du Golan syrien , bien qu'en ayant hésité à

cause des relations entre l'URSS et la Syrie. Deux points sont ici

importants, tout d'abord on voit l'ancienneté des relations

particulières entre l'URSS et la Syrie, qui au fil du temps

perdurera , même après la chute du mur de Berlin. Autre point

important , cette annexion du Golan par Israel deviendra l'un des

piliers de justification du régime des Assad , que le père et le fils

sauront habilement instrumentaliser pour alimenter le sentiment

d'unité nationale face à la menace extérieur que représente

Israel pour la Syrie. Hafez El Assad va d'ailleurs à partir de ce

moment discréditer savamment tous les cadres du parti qui

pourraient faire obstacle à son ascension , en commençant par

Salah Jedid , à qui il fait porter l'entière responsabilité de la

débâcle. La lutte est déclarée entre les deux hommes , et dans

l'ombre Rifaat le frère d'Hafez El Assad se charge d'éliminer les

partisans loyaux à Jedid. En 1970 Assad lance l'offensive en

incarcérant Jedid et le président Atassi, son frère Rifat et son

allié Mustapha Tlass se chargeant des partisans de Jedi jusqu'au

sein de l'armée. Auparavant Assad s'était chargé de villipender

Jedid devant tout l'appareil du parti Baas , lors du congrès tenu

par le parti quelque jours plus tôt. Ainsi accède au pouvoir Hafez

El Assad , prenant la tête d'une Syrie désormais totalement

assujettie au Baas , lui même assujettie à Assad. Le paradoxe du

parti Baas est à la fois structurel et à la fois héritage du mandat.

En effet , si l'appareil politique est représentatif de la population

syrienne dans son ensemble , comportant ainsi de nombreux

cadres sunnites , le comité militaire , détenant de fait tout le

pouvoir coercitif est lui majoritairement dominé par les minorités

91

de l'Islam , notamment alaouites. Ainsi après une histoire

marquée par des discriminations et une hostilité de certaines

mouvances extrémistes sunites , la minorité alaouite

concentrera en ses mains le pouvoir. Hafez va également

instrumentaliser ce dernier point pour souder autour de lui la

minorité alaouite dont il n'est au départ qu'un membre comme

les autres. Les clivages ethniques et/ou religieux existaient bel

et bien au temps des abassides ou des omeyades mais ont été

renforcés er instrumentalisés ou ont servi de prétexte pour tel ou

tel calife pour servir ses intérêts; Le même schéma se reproduit.

Si ces clivages ont été exacerbés lors du massacre de Hama en

1982 , c'est parce qu'ils ont été instrumentalisés aussi bien par

les Frères Musulmans qui tentèrent de se positionner comme els

représantants d'une cause sunnite qui serait opposée au pouvoir

alaouite , que par le système des Assad. Par ailleurs ce

massacre laisse une trace indélébile dans la mémoire collective

syrienne et surtout envoit un message fort aux éventuels

opposants , le régime est prêt à aller jusqu'au bout dans sa

logique répressive. Ce traumatisme engendrera une profonde

crainte du régime chez les syriens. Ce régime base sa survie sur

un jeu politique régional complexe le rendant indispensable à

l'équilibre de la région , notament en se positionnant en terme de

représentation comme un rempart à Israel et en pesant de tout

son poids sur l'équilibre bien souvent fragile du Liban. C'est ce

que Jean-Pierre Filiu apelle le système Assad , basé sur une

confusion totale , maximale , entre le régime et l'Etat , et se

reposant sur un jeu politique régional centré sur l'observation

permanente d'un statu-quo pacifique avec Israel sur la ligne du

Golan , une “vassalisation” du Liban, plus tard l'alliance avec le

Liban et le Hezbollah, l'instrumentalisation de la question

Palestinienne , une coopération sans faille avec l'URSS qui plus

91

tard se poursuivra avec la Russie ( à cela on peut ajouter

l'instrumentalisation du PKK pour tenir à distance le voisin

Turque allié d'Israel comme on le verra , ou le encore le

financement de l'Arabie Saoudite puis du Qatar en échange de la

protection des intérêts des sunnite et au nom de la solidarité

entre arabes). Ce système complexe servira à préserver ce

régime obsédé par sa propre survie de toute tentative

d'ingérence étrangère.

En effet , partout dans la région ou éclateront troubles et

instabilités , le “ système Assad” s'emploiera à avoir un rôle

stratégique , des cartes à jouer afin de les négocier à son

avantage. Ainsi le régime devient peu à peu indispensable au

moyen-orient , se basant sur des évènements extérieurs pour se

justifier et mieux exister intérieurement . Hafez El Assad va alors

concentrer tous les pouvoirs. Il va nommer les membres de

l'assemblée nationale et va être le seul candidat aux élections

présidentielles dont il se sert pour mieux se légitimer. Le parti

Baas gonfle en nombre de militants, la raison du parti prime

désormais sur celle de l'état , que Max Weber définit comme

étant : “une entreprise qui revendique avec succès le monopole

de la violence physique légitime” , en Syrie désormais c'est

Hafez el Assad qui détient et revendique avec succès ce

monopole , qu'il saura préserver. Son système complexe de

politique étrangère est basé sur plusieurs piliers ; comme dit

précédemment , la question de l'annexion du Golan est

instrumentalisé pour servir les intérêts du régime, Hafez el Assad

ayant toujours préféré que les choses restent en l'état plutôt

qu'elles ne changent. En fait le respect de la paix contre Israel a

deux contreparties : “ la garantie américaine du système lui

91

même”1

, et de l'autre côté le soutien au Hezbollah , afin de se

présenter continuellement comme un défenseur de la cause

arabe contre l'ennemi juré Israel. Dans les années 90 Hafez va

travailler activement à consolider le pilier de garantie américaine

, notamment en se rendant incontournable sur le conflit israélo

palestinien. Pour ce faire , il va renforcer ses liens notamment

avec le Hamas qui n'est autre que le versant palestinien des

frères musulmans. Le paradoxe est frappant puisue l'appareil

répressif de l'état s'est attelé en 1982 à détruire la ville de Hama

suite à l'insurrection lancée par les Frères Musulmans syriens ,

et qu'en Syrie même une loi condamne de mort la simple

appartenance à ce groupe. Ainsi , on voit toujours comme fil

conducteur , au cours de toutes ces années que le régime Assad

s'adapte avec habileté aux aléas du temps , faisant et défaisant

des alliances avec les ennemis d'hier , pourvus qu'ils lui

permettent de se consolider. Cela se verra encore à la toute fin

de la décennie 92 , lorsqu'entre un jeun l'héritier par accident

Hafez el Assad , choisi pour succéder à son père après le décès

accidentel de son frère aîné. La minorité kurde sera elle aussi à

son tour utilisée comme outil stratégique pour servir les intérêts

du régime.

2- Vers un retour en force des clivages ethniques et leur

instrumentalisation

Si sur le plan extérieur le régime se plaisait à s'ingérer dans

touts les points de tension de la région , intérieurement il se

voulait clientéliste , et alliait la répression à des mécanismes de

cooptation, par le biais de redistributions , notamment de la

rente pétrolière , de subventions également ; ainsi avait-on le

choix entre une rebellion entrainant à coup sur une sanglante

1 Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , 2013 , p95

91

répression , et s'attirer les faveurs du régime en s'en faisant

soutien. Cela a permis au régime de se tisser un important

réseau de soutiens , dans toutes les communautés. On voit

encore une fois que le fameux clivage sunnite/chiite n'existe

finalement que lorsqu'il est instrumentalisé , puisque la

bourgeoisie sunnite , celle de Damas par exemple n'hésitera pas

à soutenir le régime des Assad. Ce clientélisme a été observé par

exemple lors de la réforme agraire de 1970 , où se voyaient

expropriés de leurs terre les familles opposées au régime , et ce

même au sein du cercle alaouite. En bénéficie surtout la classe

moyenne des petits propriétaires , acquise au régime. 1

Ainsi ,

par ce système s'adaptant en permanence et basé sur une

manipulation savante des tensions régionales et une politique

intérieure de répression/cooptation , le système Assad garantit

sa survie.

Bachar El Assad appelé à succéder à son père suite au décès de

son frère Bassel ira encore plus loin dans cette logique comme

l'illustre son attitude, en 199face au PKK que veut détruire la

Turquie, à lors alliée d'Israel. Traditionnellement allié avec le

PKK qui dispose d'infrastructures en Syrie , et ou s'y trouve le

chef , Abdullah Ocalan , dont la Turquie réclame l'extradition.

Alors que dans sa logique de cooptation Hafez El Assad avait mis

fin à l apolitique d'arabisation des Kurdes décidée par ses

prédécesseurs , il va se laisser convaincre par son fils Bachar ,

afin d'éciter un conflit avec la Turquie , de livrer Oçalan . Oçalan

qui sera arrêté au Kenya après être pssé par la Russie (de mêche

1 Hafez El Assad et le parti Baath en Syrie, 1996 , l'Harmattan

91

avec les Assad). Bachar El Assad en sort grandi , en tant

qu'héritier de son père. On voit encore une fois que c'est le

régime qui se sert des minorités ethniques pour se protéger , et

non l'inverse. Ainsi , en 2011 quand éclate le conflit , le régime

s'attèlera une fois de plus à manipuler les clivages ethnico

religieux. En effet , afin d'éviter de se mettre à dois la population

kurde et d'ouvrir un autre front face aux kurdes du PYD (versant

syrien du PKK) , Bachar El Assade décide d'accorder la carte

d'identité à 6000 kurdes et son armée se désengage des régions

kurdes du nord. Cette stratégie fonctionne relativement car le

PYD se charge d'occuper l'espace délaissé par les troupes du

régime, qu'il soutient et qu'il remplace dans cet espace, mais

une partie des kurdes rejoint la rebellion , accusant le PYD de

traîtrise.

Si on sait que le régime s'est toujours attelé à répondre

violement aux aspirations politiques de certaines branches de

l'Islam , on observe que le fait religieux est mis en avant dans le

conflit. Ainsi, des slogans anti chrétiens et anti alaouites sont

scandés. Les rebelles accusent les troupes pro Assad d'être à la

source de ces slogans via leurs services de renseignement , et

vice versa , chacun se renvoyant la responsabilité de propos

graves. Sur le terrain , au sein des minorités , la peur de

représailles de l'un ou l'autre des deux camps est palpable , les

minorités fuyant les zones de conflit pour se réfugier dans leurs

fiefs. Rappelons qu'Hafez el Assad a fait reposer son pouvoir sur

son groupe d'origine , la contrepartie en étant un favoritisme .

Ainsi dans leur fief côtier , 80% des alaouites actifs travaillent

dans le secteur public , et ont un meilleur accès à l'emploi que

les autres communautés. On observe donc cune discrimination

volontaire exercée par l'appareil étatique , ce qui crée un certain

ressentiment au sein de la majorité sunnite. Trappelons toutefois

91

que la politique du système Assad même envers le cerle alaouite

reste clientéliste et ne favorise pas l'essor économique de cette

minorité (sauf pour une élite très proche du pouvoir). Mais

Bachar El Assad le damascène ayant d'autres priorités que son

père, il s'efforcera à se rapprocher de la bourgeoisie sunnite.

« Bachar el-Assad est né à Damas, il a fréquenté les enfants de la

bourgeoisie damascène , et s’est efforcé depuis son arrivée au

pouvoir d’intégrer la bourgeoisie sunnite dans son cénacle. Il a

pris comme postulat que les Alaouites sont obligés de le soutenir

s’ils veulent conserver les privilèges acquis depuis des

décennies, voire éviter la vengeance du régime sunnite, qui lui

succéderait. Il est donc plus important d’intégrer les élites

économiques au pouvoir, en partageant avec elles les bénéfices

de la libéralisation économique » 1

.

Notons que lorsqu' éclate le conflit , les dignitaires religieux de

toutes confessions ayant profité des largesses du régime lui

restent loyaux. D'autres groupes comme les Frères Musulmans ,

ennemis traditionnels du régime , lui sont opposés et se

réjouissent des évènements. Le régime joue la carte de la

surenchère communautaire en espérant solidifier autour de lui un

noyau de minorités. Seraient victime d'un complot ourdi depuis

l'étranger la minorité alaouite au pouvoir , les autres minorités

étant également en danger face à la majorité sunnite. Les

sunnites de leur côté n'ont rien oublié du massacre de Ham bien

que divisés , car l'élite et les notables sunnites ayant bénéficié

des largesses du régime n'ont aucun intérêt à le voir tomber.

Comme on l'a vu précédemment la cooptation et le clientélisme

opéré minutieusement par Hafez El Assad a fragilisé l'ensemble

des communautés , y compris la communauté sunnite en 2

1 Les alalouites et la crise politique en Syrie, article de Fabrice Balanche , Les Clés du moyen-orient ,

2012

91

parties : des notables et dignitaires religieux favorables au

régime ou très modérés dans leur opposition , et en face les

tenants d'un islamisme sunnite plus radical , totalement opposés

au régime.

Quant aux chrétiens , on remarque que la majorité de la

communauté chrétienne est neutre et a pris ses distances avec

le régime Assad , ce qui peut s'expliquer par la longue

instrumentalisation dont ils font l'objet. Si la communauté

chrétienne , établie en Syrie depuis très longtemps a toujours

bien vécu et a autant participé à la construction du pays que les

autres confessions , la tendance est à l'inquiétude par peur de

représailles de la part de l'un ou l'autre camp. Officiellement , le

régime Assad se donne le rôle de rassembleur et protecteur des

minorités contre les « terroristes et les bandes armées venues

de l'étranger qui attaquent la Syrie » , et de l'autre côté le

discours des rebelles tend à rassurer toutes les minorités.

Rappelons que le conflit n'a au départ rien de confessionnel, et

que le régime de Bachar el Assad a tout fait pour qu'il le

devienne. Rappelons également que, contrairement aux idées

bien répandues , le pouvoir en Syrie n'est pas aux mains des

alaouites dans la majorité de leur groupe, mais aux mains d'une

élite alaouite à laquelle est soumis le groupe alaouite lui même.

Cette élite dirigeante est elle même comme nous le verrons ,

bien que soudée derrière son leader Bachar el Assad , parcourue

d'avis différents , allant des positions les plus radicales , proches

de la vision d'Hafez el Assad , à des positions en apparence plus

modérées , proches de la réthorique de Bachar el Assad , à tort

accusé de manque de fermeté.

Il est impossible d'occulter le principal mouvement terroriste -

91

identifié comme tel par l'administration Obama- sur place , le

Jabat AL Nosra. Comme nous le verrons, les questions socio-

économiques ont plus à voir avec ce conflit , qui à la base était

un soulèvement populaire pacifiste , que le régime a transformé

en rebellion armée à force de répression et de massacres. Ce

soulèvement populaire était à la base motivée par une aspiration

populaire à une meilleure situation socio économique, galvanisée

par un contexte de « printemps arabe » . Car en effet la Syrie est

depuis quelques années en proie à certaines difficultés

économiques , tandis que paradoxalement , dans le même temps,

une élite proche du pouvoir n'arrête pas de s'enrichir.

B-Une dictature en proie à des difficultés économiques

Bachar El Assad accède au pouvoir en étant élu comme

secrétaire général du parti Baas , et le 10 juillet l'élection

présidentielle le donne gagnant à 97% des voix. Souffle alors sur

la Syrie un vent d'espoirs, Bachar étant présenté comme un

réformateur , du fait de son enfance damascène , de son séjour à

Londres ou il étudia et surtout de son jeune âge , et de son

mariage avec une sunnite. Tout cela en opposition avec son père

au style tout à fait différent. En effet , entre le père et le fils les

contrastes sont nombreux . L'un a été façonné par l'idéologie

baasiste et a vécu l'indépendance, la grande époque du

panarabisme et a connu et vécu la guerre à plusieurs reprises.

L'autre est jeune, à vécu à l'étranger et a un style moins austère.

Bien conscient de l'engouement qu'il génère et de la popularité

que peut lui attribuer son rôle de réformateur , Bachar El Assad

décide de libérer des espaces d'expression au sein de la société.

On parle désormais de «printemps de Damas. « Les expressions

91

«Printemps de Damas et printemps de la Syrie désignent un

certain nombre de phénomènes sociopolitiques qui ont surgi

après la mort du président Hafez el Assadétablissant une sorte

de parallélisme avec le Printemps de Prague , de Varsovie et de

Beijing. Le Printemps syrien a su développer le rôle des

intellectuels et se multiplier les bulles d'opinion, la naissance ou

la renaissance de noyaux de la société civile, ainsi que la tenue

un peu partout de cercles et de forums de discussions. Ces

phénomènes n'ont pas surgi du néant et la société syrienne.1

»

1-La dictature de Bachar El Asad

Dans les dernières années sous Hafez El Assad , les différents

scandales de corruption avaient déjà fait naître du point de vue

de l'opinion des aspirations réformatrices. Dans les faits , les

intellectuels , sentant que le régime tel qu' Haffez el Assad le

1 Chronique d'un printemps , Naji Tayyara, Confluences méditerranée, numéro 44 , hiver 2002-2003

91

gérait était à bout de forces , n'ont pas attendu l'avènement d'un

sauveur réformateur pour exprimer leurs idées ; ainsi , Tayeb

Tizzini et Antoun Maqsidi pour ne citer qu'eux , ont appelé à des

réformes ou tout au moins à constater ce qui n'était qu'un secret

de polichinelle , l'éternel silence du peuple , au sens large du

terme , face à un régime centré uniquement sur sa propre survie.

L'innovation de Bachar El Assad a consisté à libérer pour ces

intellectuels un espace d'expression et à desserrer l'étau

répressif bien présent en Syrie. Bachar el Assad se prête au jeu

et se forment des forums , des salons et groupes de discussion.

En ressortent des lettres , des déclarations , réclamant la

suppression de l'état d'urgence , en place depuis les années 60 ,

la libération de prisonniers politiques. Mais le fameux printemps

de Damas est de courte durée car Bachar El Assad va très vite

verrouiller tous les espaces , l'appareil répressif reprenant sa

marche. Les intellectuels sont de nouveau arrêtés, les forums

sont interdits et l'atmosphère de peur est rétablie. Ainsi , rien

n'a réellement changé sur le terrain et Bachar el Assad s'inscrit

dans la lignée de son père.

Ainsi , comme le disait Michel Seurrat, on observe toujours un

« degré zéro du politique » , une absence de vie politique , toute

la sphère politique étant contrôlée et orchestrée par le parti . En

matière de politique régionnale , il perpétue le fameux

« système Assad » , en y apportant quelque modifications , afin

de l'adapter à la réalité de son temps. Ainsi , alors qu'Hafez el

Assad a su habilement manipuler les populations kurdes et le

PKK /PYD , le fils Bachar n'a pas hésité à sacrifier cette carte

pour la remplacer par une autre , la coopération et l'entente avec

91

la Turquie. Différents accords importants sont signés et l'ennemi

d'hier devient l'allié d'aujourd'hui. A cela Bachar El Assad ajoute

à son arc le financement de larabie saoudite puis du Qatar.

Bachar El Assad sur le plan intérieur lance une politique

économique de couleur libérale , calquée selon lui sur le modèle

chinois qu'il admire tant. En 2007 , soutenu par l'élite

économique ayant bénéficié de ces nouvelles orientations

économiques , Bachar El Assad est réélu à 97% des voix. Le

services de sécurité occupent de plus en plus de place dans la

société : « Le parrainage d'une des polices politiques devient

crucial dans tout projet proffessionnel , immobilier ou

universitaire. 1

» A cela s'ajoute un culte de la personnalité , déjà

mis en place du vivant d'Hafez el Assad , quand Bachar fut choisi

comme héritier. Car c'est bien d'une succession héréditaire qu'il

s'agit , comme si la Syrie était elle aussi une monarchie.

Le libéralisme économique décidé par Bachar El Assad accentue

le clientélisme d'état ainsi que les inégalités sociales , et au fil

du temps la politique de cooptation élaborée par Hafez el Assad

s'amenuise. La majorité de la richesse est détenue par une élite

proche pu pouvoir , et la corruption fait des ravages au sein de

l'administration. L'exemple le plus frappant en est Rami

Makhlouf, cousin germain du président , et homme d'affaires le

plus important de Syrie ,dont la fortune s'élève à environ 3

milliards de dollars. Ainsi on observe que ce régime est d'une

part aux mains d'une élite économique proche du régime , et de

l'autre côté une société en proie à des difficultés économiques ,

accentuées par une démographie galopante.

1 Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , 2013 , p107

91

2-Démographie galopante et difficultés économiques

Michel Seurrat postulait déjà que l'appareil étatique syrien sous

Hafez El Assad s'employait à créer des classes sociales , comme

pat exemple de nouvelles classes bourgeoises , dont l'existence

dépend entièrement de l'état et donc du régime. Ces classes

sociales ont perduré dans les années 90 car elles

correspondaient à la politique de cooptation du régime. Dans les

années 2000 , la politique de cooptation et de redistribution du

régime s'essoufle , ce qui entraîne progressivement une rupture

du pacte social , sans le quel toute l'appareil de propagande du

régime devient obsolète. Pour l'organisation non

gouvernementale Human Rights Watch , la décennie Bachar , ses

dix premières années au pouvoir est une « décennie perdue » en

matière de respects de droits de l'homme. Le même parallèle

peut être fait sur un plan économique. Si une classe d'affaires

comme dit précédemment proche du pouvoir s'enrichit , la

majorité des syriens s'appauvrit de façon irréversible. , comme

l'explique Raphael Volney : « Les loyers augmentent, l’inflation

grimpe – 15,40% en 2008, elle est depuis rééquilibrée – et,

phénomène inédit, des enfants mendient dans les ville »1

.

Bachar el Assad parlait de réformer l'administration , de lutter

contre la corruption qui gangraine le pays , ainsi que les trafics

illégaux en direction de l'Irak et du Liban. Ces trafics , ainsi que

les subventions Iraniennes , Saoudiennes puis Qataries

contribuaient à dissimuler le déficit extérieur. L'épuisement des

ressources pétrolières entraîne donc une baisse des revenus qui

y sont liés , ce qui met à mal le pacte social basé sur la

distribution de ces revenus. La corruption est partout présente

dans l'administration. La précarité du secteur agricole et

1 Bachar el Assad , du printemps de Damas à celui de la répression , Raphael Volney ,

www.lesclesdumoyenorient.com , 04/05/2011

91

l'obsolescence du secteur industriel public rendent encore plus

délicate la situation économique. Ainsi, avec des revenus

décroissants , le régime peine à maintenir sa politique de

cooptation , et les privilèges habituellement généreux ,

accordés aux soutiens du régime se font de plus en plus rares.

D'après l'International Crisis Group , le caractère autoritaire du

régime a contribué à rendre quasiment impossible les réformes

voulues , par exemple en matière de lutte contre la corruption :

«Les réserves en devises étrangères de la Syrie ne devraient pas

servir de prétexte pour différer la réforme mais plutôt à créer un

matelas de secours, afin de protéger la population en prévision

des temps difficiles qui accompagneront inévitablement la

restructuration. Cependant, pour être efficace, une réforme

économique doit avoir pour corollaire une libéralisation politique.

Il sera extrêmement difficile d’interrompre le cycle de la

corruption et de l’inefficacité sans répondre davantage de ses

actes, une transparence accrue et des médias plus libres. Et

dans un contexte de moindres richesses économiques à

distribuer, il est d’autant plus important de parvenir à un

consensus plus solide sur le plan intérieur à travers une

participation publique plus active1

».

Ainsi peu à peu la légitimité d'un régime qui intérieurement se

basait sur la répression et un réseau de partisans achetés -c'est

bien le cas- à coups d'avantages et de faveurs financières

s'effrite, et l'espace ainsi libéré est à même d'être occupé par

des mouvances islamistes.

Pour un économiste Syrien , une des solutions aurait consisté à

mieux répartir les subventions au pétrole et progressivement

construire des raffineries. L'exploitation du gaz quant à elle ,

1 International Crisis Group , Rapport Moyen-Orient N°24 11 févr. 2004

91

longtemps évoquée n'a jamais réellement vu le jour dans un pays

gangrainé par la corruption et l'apuavrissement général. La base

populaire de soutien du régime est constituée traditionellement

de paysans, de la classe moyenne , de l'administration et ses

employés , et des notables et dignitaires envers qui le régime

était généreux.

Même les membres de l'appareil sécuritaire du régime ont été

frappé par cette crise économique , eux pour qui le pétrole jouait

un rôle vital , pour les transports , la cuisine par exemple. Ainsi

ils ont été contraints de faire avec l'augmentation des prix , tout

en empêchant le désordre civil et en maintenant leur propre

niveau de vie. Bien qu'il n'y avait pas de révolte à proprement

parler , le mécontentement populaire était manifeste , jusque

dans les dernières années précédant le conflit. Au climat

sécuritaire pesant s'ajoutait la volonté d'une partie de l'élite

économique de tout faire pour empêcher la libéralisation de

l'économie , ses intérêts y étant diamétralement opposés. Ce qui

est aisément compréhensible dans un pays ou l'immobilisme est

érigé en dogme depuis plus de trente ans. De plus le système de

subventions généralisées mis en place pour endiguer les effets

de la crise bénéficiait surtout aux industriels dont les entreprises

allaient bien et qui donc n'en avaient pas besoin , ainsi qu'aux

officiers corrompus.

A cette déliquescence de l'économie s'ajoute un accroissement

démographique certain, la population ayant presque été

multipliée par 4 de 1960 à 2000. Le taux de fertilité est supérieur

91

en comparaison avec les autres états de la région , et la baisse

de mortalité est notable. Cela s'explique en partie que la Syrie

est stable de 1960 à la fin des années 2000 et n'a pas connu de

grande guerre entre temps. Le résultat en est le rajeunissement

de la polulation. On observe que la population traditionnellement

paysanne dans sa majorité à rejoint les villes, 55% de la

population en Syrie vit dans les villes dans les années 2000.

Cette jeunesse est frappée de plein fouet par la crise

économique. 37% des chômeurs a entre 20 et 25 ans. Selon le

programme des nations unies pour le développement, la Syrie est

classée 116è sur 187 au classement des pays par indice de

développement humain. Ainsi sont réunies les conditions

propices à un soulèvement populaire .

Le mécontentement croissant lié au délitement de l'économie

touchant même les fonctionnaires et les partisans du régime , à

la rupture du pacte social et à l' affaiblissement de la politique

de cooptation (sur lesquels s'appuyaient le régime) , le tout

conjugué à une plus grande virulence de l'appareil répressif en

réponse au printemps de damas, et à une atmosphère de

« printemps arabe » créeront les conditions propices à un

soulèvement populaire. L'étincelle revendicative partira de la

ville de Deraa suite au massacre d'adolescents ayant taggé sur

les murs de la ville des slogans hostiles au régime.

Ainsi , la menace pour le système Assad viendra de l'intérieur ,

du fait même de son premier outil de réponse à la contestation :

la répression. Ce point est tout à fait significatif car il montre

que la partition extérieure a été très bien orchestrée . De la

possession d'armes chimiques (le stock le plus important du

moyen-orient) à une ingérence dans des affaires régionales , en

passant par la manipulation de tel ou tel conflit ou clivage

91

ethnique , le système Assad a toujours oeuvré pour préserver sa

propre sécurité , effrayé qu'il était dans ses années de

conception , marquées par de grandes rivalités régionales , par

exemple avec l'Irak de l'époque , et traumatisé par les

différentes humiliations militaires infligées par Israel. Avec

l'épuisement des mécanismes de cooptation , ce système si bien

orchestré a fini par montrer ses limites. Néanmoins , au bout de

deux ans la situation reste immobile , et rappelons le encore une

fois , ce régime est féru d'immobilisme. Alors que la tendance est

à l'organisation de discussions internationales pour régler le

problème , et que le sort du pays risque une fois de plus tranché

par des puissances étrangères , on observe que les différents

acteurs , internes ou externes , ont chacun leurs raisons d'agir.

En effet ce réflexe d'auto protection qu'a toujours eu le régime

en se plaçant stratégiquement sur la scène internationale a

donné à ce conflit une dimension internationale , bien loin du

soulèvement populaire et pacifique initial que craignait un

régime si répressif , qui a par ailleurs réussi réussi à le

transformer en conflit armé. Désormais , les enjeux dépassent le

cadre de la Syrie.

91

II- Les enjeux géopolitiques régionaux et internationaux du

conflit : hégémonie régionale et redistribution des cartes au

moyen-orient

Avec ce conflit , au niveau régionnal , et même sur le plan

international on remarque que deux camps s'opposent , les

détracteurs du régime et ceux qui lui sont favorables. Cette

vision simpliste mais bien répandue occulte le fait que chacun

agit selon ses intérêts et chaque pays à sa logique de

représentation , ses intérêts et sa mécanique de prise de

décision propres, influant sur son positionnement. Encore une

fois , le régime syrien a su se rendre incontournable dans la

91

région , ce qui explique en partie la mollesse de la communauté

internationale sur le sujet . Régionalement on observe une lutte

hégémonique , certains voyant d'un bon œil un éventuel

changement de régime en Syrie , tandis que d'autres y sont

totalement opposés. A travers ces différents aspects

hégémoniques , sans occulter la délicate situation du Liban ,

nous verrons comment la politique extérieure du régime a su

structurer depuis Hafez El Assad un éventail d'armes

stratégiques le protégeant aujourd'hui encore d'une ingérence

étrangère directe , alors que sur le plan interne, les enjeux , niés

par le régime et réduits à son unique survie se révèlent un peu

plus complexes.

A -Sur les plans national et régional

Si en Tunisie et en Egypte les soulèvements populaires ont

débouché sur l'abandon du pouvoir par les présidents dictateurs ,

en Syrie le schéma est tout autre. Le régime des Assad s'est

attelé depuis plus de trente ans à élaborer une négation de la

société civile syrienne en vampirisant le champ politique national

, en se faisant des alliés par cooptation et en réprimant

sévèrement les plus contestataires de la timide opposition qu'il a

eu à affronter , hormis Hama en 1982 et le bien bref épisode du

fameux « printemps de Damas ». Ainsi , en plus de trente longues

années , le seul discours politique autorisé en Syrie a consisté à

faire l'éloge des Assad et du parti Baas , l'appareil répressif

envoyant ses « mukhabarat » , les agents de renseignements

syrien traquer les opposants à l'intérieur et à l'extérieur d la

Syrie . Néanmoins , malgré tous ses efforts , Bachar el Assad n'a

ni la légitimité , ni l'aura de son père , le fameux « Lion de

Damas » comme était surnommé Hafez el Assad.

De plus , la jeunesse syrienne , massive , n'a pas connu l'époque

91

de l'indépendance , les dictatures et guerre qui s'en suivirent , et

surtout n'a pas connu le fameux traumatisme de Hama. Elle n'a

pas non plus profité de la redistribution de la rente pétrolière

sous l'ère Hafez El Assad et est frappée par le chômage. Cette

jeunesse n'ayant découvert internet que dans les années 2000 a

suivi avec grand intérêt les révolutions en Egypte en Tunisie.

Paradoxalement , les troubles partent de la localité sunnite de

Deraa qui n'a rien de contestataire et est plutôt acquise au

régime. Les adolescents ayant été capturés par les services de

sécurité ont été torturés et la rumeur court que certain d'entre

eux ont été exécutés , ce qui provoqua l'ire de la population

locale.

Le monde arabe est secoué par un vent de protestations au

Bahrein , ou en Jordanie par exemple. Dans le même temps , la

diaspora syrienne opposée au régimenlance des appels à la

révolution et les prisonniers politiques entament une grève de la

faim : « des prisonniers politiques entament une grève de la faim

pour la reconnaissance de leurs droits de détenus d'opinion. Le

14 mars , un groupe de jeunes de Deir Ezzor diffuse sur Internet

un appel vibrant à manifester le lendemain1

». Encouragés par

des personnalités telles que Suher el Atasi , fille du défunt Jamal

Atassi , opposant au père de Bachar el Assad , petit à petit les

manifestations s'emplifient et gagnent d'autre villes. Le

caractère religieux entre ici encore en ligne de compte car les

sortir de mosquée deviennent les moments favoris des

manifestants , étant donnés que les lieux de culte sont lmes

seuls jusque là épargnés par la logique répressive du régime.

Mais la donne change vite étant donné que le mouvement

contestataire prend de l'ampleur. Les réseaux sociaux servent

1 Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , 2013 , p107

91

aux contestataires à diffuser leurs idées , tout comme la

migration à l'intérieur du pays. Ainsi la protestation gagne peu à

peu le reste du pays , et la réponse du régime est toujours la

même , la répression. Dès le 29 mars 2011 , des contres

manifestations sont organisées en faveur du régime et Bachar el

Assad parle déjà de complots étrangers. On observe une fois

encore l'une des lignes directrices du régime des Assad : le déni

de la réalité humaine et sociale de la population, et la

manipulation des évènements sans le but unique de se perpétuer.

Car dans le même temps , afin de contenir une éventuelle

menace kurde , Bachar el Assad leur tend les bras en leur

accordant notament , comme vu plus haut , la nationalité aux

kurdes rendus apatrides par l'arabisation forcée des années 60.

La contestation gagne l'ensemble du pays et au fur à mesure

qu'lle croit , la répression s'accentue , comme si l'une des

pratiques nourrissait l'autre.

Sur le plan confessionnel , les minorités sont neutres et restent

dans l'attente , qu'elles soient druzes ou ismaéliennes par

exemple . Lorsqu'une partie des alaouites se joint à la

contestation , elle est sévèrement punie , car considérée comme

traitre. Ainsi la contestation est dans sa majorité sunite. Le

discours officiel du régime parle de « bandes armées venues de

l'étranger » , le régime s'évertuant à répéter ce discours à qui

veut bien l'entendre.

La protestation ne cesse de croître face à la répression et se

généralise à l'ensemble du pays. Il est ordonné aux forces du

régime de tirer sur une foule pacifique et sans armes et ceux

refusant d'obéir aux ordres sont exécutés. Tandis que la

propagande officielle tend à réduire le mouvement contestataire

91

à une opposition ethnico-religieuse opposant la majorité sunnite

aux minorités -que le régime promet de défendre- , les

manifestants eux entonnent des slogans unificateurs et se

présentent comme étant syriens avant d'être sunnites ou

alaouites par exemple.

1- Sur le plan national : structuration du conflit : une

dictature du déni

Tandis que l'opposition rappelons le toujours pacifique se

structure , la répression perdure. Sont créés des comités de

coordinations locaux , CCL qui donnent aux protestations une

ligne directrice clairement pacifique à suivre.

Le régime lance des forces armées majoritairement alaouites

pour réprimer les manifestations ; sont organisées des rafles ,

notament à Deraa , berceau de la contestation ; l'écart est

flagrant entre une répression de plus en plus violente et un

pacifisme de plus en plus prononcé des manifestants qui peu à

peu se trouve des martyrs.

Le nombre de morts se multiplie mais le pacifisme demeure la

règle. Les blindés et les hélicoptères font contratses avec les

rameaux d'oliviers brandis par les manifestants et certaines ONG

comme Human Right Watch n'hésitent pas à parler de crimes

contre l'humanité.

Un tel comportement répressif ou il est ordonné de tirer sur des

cortèges pacifiques a à la fois un caractère surprenant et paraît

également s'inscrire dans l'éternelle logique répressive du parti

Baas. Les enjeux sécuritaires sont bien trop grands pour un

régime dictatorial depuis 1970. Bachar el Assad va pourtant

étrangement toucher aux principaux piliers du système externe

élaboré par son père. Ce qui accentue uen fois de plus la thèse

91

selon laquelle le soulèvement a été rendue possible par

l'essouflement des piliers internes du régime que sont la

cooptation et la redistribution des richesses , affaiblis par de

sérieuses difficultés économiques.

En effet , le 5 juin 2001 , des manifestant anti israéliens

franchissent la ligne digne de cessez-le-feu du Golan , ce qui

cause 23 morts : « Bachar el Assad a voulu cyniquement

démontrer sa capacité de nuisance, espérant susciter , au moins

par défaut , un concensus international en faveur de la

préservation de son régime , ne serait-ce qu'au nom de la

sécurité régionale. Mais ce faisant il a sapé la base même de

l'architecture de garantie du système Assad , léguée par son

père , qui avait scellé depuis 1974 l'intangibilité de la ligne de

cessez le feu avec Israel. La responsabilité du régime ne fait

aucun doute dans ces provocations , à l'heure où la moindre

manifestation en Syrie peut virer au bain de sang 1

».

La contestation rend responsable Bachar el Assad de toutes ces

effusions de sang , et le régime finit de perdre sa légitimité. La

paysannerie rurale hier acquise au régime ne le soutient plus.

Hormis la violence de la répression , cela s'explique une fois

encore par le déliquescence des mécanismes de cooptation et

de redistribution ; il faut également prendre en compte que le

régime d'Hafez El Assad avait façonée à sa guise le système

agricole syrien afin de s'attirer le soutien justement d'une

société majoritairement rurale , qui avec le temps s'est

transformée en une société majoritairement urbaine. Les

paysans alaouites eux restent fidèles au pouvoir.

1 Le nouveau Moyen-orient , Jean-Pierre Filiu, Fayard , 2013 , p133

91

Il est frappant de remarquer l'intelligence , la prudence et la

clairvoyance dont font preuve les CCL , refusant de tomber dans

les pièges de la discorde et des clivages confessionnels que lui

tendent le régime. On observe ainsi que l'opposition au régime

quasi inexistante depuis le massacre de Hama en 1982 ( et

rapellons le, le printemps de Damas). Si certains de ses cadres

étaient jusque là passés dans la clandestinité , on constate là

une sorte de renaissance de cette opposition syrienne que la

réthorique propagantiste du régime Assad a toujours dénié.

Cette réthorique du déni se perpétue , puisque la répression

sanglante est la seule et unique réponse envoyée à une société

civile qui se révolte pacifiquement. Il s'agirait selon les discours

officiels de forces armées venues de l'étranger , complotant

contre les minorités , surtout contre la minorité alaouite , ou

encore d'un complot de la France et de la Grande-Bretagne qui

tenteraient de ramener à l'ordre du jour le faîte de leur puissance

, l'époque des accord Sykes_Picot. Mais ce déni ,analysé sous un

autre angle paraît moins manichéen et surtout très réfléchi.

En effet, si Bachar El Assad a perdu avec l'ampleur de sa

répression un pilier stratégique qu'il a lui même bâti , l'alliance

avec la Turquie , l déni de la contestation populaire pacifiste lui

permettra de créer un contexte expliquant en partie la longévité

de la situation et l'attitude relativement passive de la

communauté internationa,e , qu'on a tout récemment vue plus

empressée de défendre le respect des droits de l'homme. Bachar

el Assad va donc se basser sur ce déni , pour d'une part justifier

sa répression , et d'autre part jeter le discrédit sur la

91

contestation , et aussi et surtout se présenter comme étant le

seul interlocuteur crédible pour la communauté internationale.

Si la violence de la répression contribue également à transformer

cette contestation pacifiste en rebellion armée , Bachar el Assad

tient là la clé qui lui a sans doute permi de maintenir son régime

en place jusqu'à présent. Car désormais , l'appareil militaire peut

, toujours en déniant toute aspiration de changement , déployer

toute sa force de feu. Autre élément futur qui viendra justifier

toute la posture réthorique du régime Assad , l'apparition du

groupe terroriste Jabat Al Nosra , que les Etats-Unis d'Amérique

eux même qualifieront de groupe terrorise affilié à Al Qaeda.

L'ASL démentira avoir des liens avec ce groupe , mais la réalité

militaire du conflit ne permet pas à l'ASL de refuser de l'aide.

Louay al Mokdad , un des cadres de l'ASL dira « il n'y a aucune

relation entre l'ASL et Jahat al-Nosra mais la réalité du terrain

impose parfois une coopération ».

Ainsi, cela permet à Bachar El Assad de réaffirmer ses thèses

de complots terroristes venus d l'étranger , et cela rend

également problématique la livraison d'armements aux rebelles

par les puissances occidentales , qui craignet d'alimenter

militairement des mouvances islamistes se battant aux côtés

des rebelles.

Si en Tunisie et en Egypte par exemple , les institutions

militaires ont joué un rôle décisif ayant permit d'éviter ou de

limiter les effusions de sang , en Syrie , le schéma est tout autre.

Car de cette même armée hier fidèle au général Hafez el Assad

que viendra le noyau dur de l'ASL , armée syrienne de libération ,

force militaire d'opposition. Preuve en est une fois de plus que

Bachar el Assad n'est pas son père , n'en a ni le charisme ni le

91

leadership , ni son expérience en matière de complots et de

coups d'état , ni son talent pour étouffer dans l'oeuf toute

tentative de révolte.

Au cours du ramadan 2011 , la répression sanglante continue , ce

qui heurte une grande partie de l'opinion publique dans lez

monde arabe . Ainsi le Qatar et l'Arabie saoudite rompent leurs

relations diplomatiques avec le Syrie.

Revenons sur l'ASL , armée syrienne de libération , crée suite aux

défections ( causées surtout par les ordres de tirer à balles

réelles sur une population non armée. )

Elle est créée par le colonel Riyad Al Assad , ayant fait défection

de l'armée régulière. Pour l'ASL , il s'agit initialement de protéger

les populations civiles des exactions perpétrées par la

répression. Il est composé de militaires déserteurs et de civils.

Le conflit étant en cours , il est difficile de trouver des

informations exactes et vérifiables quant au nombre exact de

soldats dont dispose l'ASL et son armement. Il y va de même

pour ces soutiens et financement , mais il est établi que la

Turquie , l'Arabie saoudite ou le Qatar. Comme vu précédemment

, le discours officiel de l'ASL nie avoir une relation significative

avec les groupes terroristes sur place, mais la situation reste

floue tant les discours des uns et des autres semble

contradictoire. Cette contradiction sera caractéristique du bloc

disparate que constitue l'opposition.

Le CNS par exemple , conseil national syrien , créé à Istanbul

début octobre 2011sera sujet à de nombreuses influences et de

nombreuses tension : « Cependant, l’opposition politique dite

« de l’intérieur », comme celle du « Comité national de

coordination pour le changement démocratique » (CNCD) présidé

91

par Hassan Abdel-Azim mais largement incarné par Haytham

Manna , fondé le 26 juin 2011 en rassemblant des Nationalistes

arabes et Nasséristes, et proche de ligne russe par son refus de

la contestation « militarisée » , et ou celle du « Forum

démocratique syrien » fondé par l’opposant historique, le

chrétien Michel Kilo, le 15 avril 2012 au Caire, ont choisi de ne

pas intégrer cette structure, leur paraissant embolisée par les

« Frères musulmans ». Une critique qui n’est pas nécessairement

dénuée de tout fondement, compte tenu de la démission, à

dessein spectaculaire, de Moaz al Khatib , le 24 mars 2013, au

motif officiel qu’il voulait « pouvoir œuvrer avec une liberté »

qu’il estimait ne pas avoir. En réalité, Moaz al-Khatib entendait

protester contre la mainmise de certains acteurs extérieurs sur

le CNS en fustigeant « la tentative de certains pays de contrôler

l’opposition syrienne » - le Qatar pour ne pas le nommer -, qui

serait parvenu à imposer le 19 mars 2013 un Premier ministre,

Ghasan Hitto issu des « Frères musulmans ». Un succès qatari

qui n’aurait d’ailleurs pas été spécialement apprécié l’Arabie

saoudite qui, après la réunion d’Istanbul (18-19 mars 2013), a

laissé entendre qu’elle était « mécontente du choix de Hitto »,

allant jusqu’à pousser l’Armée syrienne libre (l’ASL) - pourtant

plus « nationaliste » qu’« islamiste » - « à rejeter ce choix » .

L’ALS avait d’ailleurs annoncé son refus de reconnaître sa

nomination controversée. Pour Haytham Manna, avec cette

démission, « les masques sont tombés » . Des contacts avaient

de fait été noués depuis plusieurs semaines entre le CNCD et

Moaz al-Khatib afin de créer un front politique élargi de

l’opposition, susceptible de regrouper toutes les factions

91

résolument opposées à la mainmise des « Frères musulmans1

»

Cette fragmentation de l'opposition n'a contribué qu'à la

fragiliser et à a pérenniser le statut d'unique observateur

plausible dont bénéficiait jusque là Bachar el Assad , avant que

la communauté internationale reconnaisse dans sa majorité le

CNS comme interlocuteur direct. Le problème est que le CNS est

jusqu'à présent divisé , à l'image de la rebellion paralysée par

l'apparition des mouvements terroristes dont certains sont

financés par certaines puissances du golfes qui verraient d'un

bon œil un changement de régime en Syrie.

LE CNS s'était par ailleurs déjà mis à penser l'après Assad en

prônant un régime de type parlementaire et démocratique. Mais

c'est de lui que proviendra la question des islamistes. Il sera

accusé aussi bien par le régime Assad que par des observateurs

extérieurs d'être le pivot des Frères Musulmans. La victoire du

mouvement islamiste dans les scrutins en Tunisie et en Egypte

sert à alimenter la thèse d'une Syrie aux mains des islamistes si

d'aventure le régime tombait.

Enfin le mouvement islamiste est accusé d'oeuvrer pour le Qatar

et l'Arabie saoudite , qui -il est établi- le finance généreusement.

Autre point important que vont se plaire à manipuler les médias

du régime Assad , les frères musulmans représentent une

mouvance radicale du sunisme ; hors le sunisme radical a

historiquement été opposé aux minorités de type alaouite

1 : Qui constitue l'opposition syrienne ? David Rigoulet-Roze, www.lescmesdumoyenorient,com ,

26/04/2013

91

qu'elles ont condamné de mort à travers diverses fatwas2

.

Ainsi , ces extrêmismes permettent à Bachar el Assad de mieux

se présenter en défenseur des minorités, et de jeter le doute sur

la véracité des discours d'union nationale tenus par le CNS .

Enfin , plusieurs observateurs dont l'ONU dénoncent des

exactions commises également de la part de l'ASL , comme

l'illustre cet extrait de la conférence de presse de l'ONU sur la

situation des droits de l'homme en Syrie :

« Le Président de la Commission a rappelé qu’il avait présenté

son dernier rapport le 17 septembre. Le 12 octobre, il a fait un

exposé à huis clos au Conseil de sécurité.

Les forces gouvernementales syriennes commettent des crimes

de guerre: meurtres, détentions arbitraires, exécutions

sommaires, tortures, violences sexuelles et violation des droits

des enfants. Les civils sont victimes d’attaques indiscriminées

dans des quartiers résidentiels.

Les groupes armés et l’Armée syrienne libre (ASL), a poursuivi

M. Pinheiro, sont également responsables d’abus, quoiqu’à une

moindre échelle. L’ASL a adopté un « code de conduite », mais

ses effets ne se font pas encore sentir.

La Commission d’enquête est aussi très préoccupée par la

présence de « quelques centaines de militants étrangers,

islamistes radicaux ou djihadistes ». Le problème est qu’ils ne

se battent pas pour la démocratie et la liberté. « Ils ont leur

propre agenda » et risquent de radicaliser certains membres de

2 Récemment encore le cheikh jordanien Yasser Al Ajlouni déclarant soutenir l'ASL prononce une fatwa

autorisant le viol des femmes alaouites en Syrie

91

l’opposition. La « tension sectaire » s’est également beaucoup

aggravée, a constaté M. Pinheiro »1

Ainsi , rien n'est aussi simple qu'il y paraît en Syrie ; au niveau

national , d'un point de vue global ,on voit que la situation est

très complexe , entre une rebellion fragmentée , composée

majoritairement d'une population sunnite , poussée à prendre les

armes par l'implacable machine répressive du régime Assad , et

parasitée par des mouvances islamistes et terroristes et un

régime désavoué par une partie de sa population, n'hésitant pas

à faire appel aux milices chabiha -qu'on pourrait paradoxalement

et ironiquement appeler bandes armées- et à ses soutiens

extérieurs, enfermés dans sa logique répressive et dans sa

réthorique de déni de la société civile. L'immobilisme de la

communauté internationale ne sert qu'à l'enlisement du conflit ,

les puissances régionnales , à savoir l'Arabie saoudite , le

Turquie et l'Iran se livrant en toile de fond une bataille

hégémonique.

Le régime Assad , fanatique de l'immobilisme, rodé à l'art de

manipuler la sphère internationale pour servir ses intérêts

internes , en particulier sa survie, n'a aucun mal à se maintenir à

flots dans une telle situation , bénéficiant du soutien de la Russie

et de l'Iran notament . Ainsi , si l'armée dite régulière est minée

par des défections , on sait que le Hezbollah reconnaît avoir

envoyé des combattants se battre aux côtés des forces pro

syriennes ; de l'autre côté on peut observer que e Quatar

soutient et finance les Frères Musulmans, l'Arabie saoudite elle

1 : Conférence de presse de la commission d'enquête internationale

indépendante sur la Syrie et sur l'évolution des droits de l'homme dans le pays

91

ayant désavoué publiquement les Frères Musulmans finance le

mouvement par des circuits privés tout en ayant recours à

d'autre mouvements salafistes. On ne peut également occulter la

question du Liban , si chère à la Syrie des Assad , ni la Russie , ni

les puissances occidentales , ni l'Onu , ni les pays émergents.

En fait , la Syrie des Assad qui a pendant plus de trente ans

manipulé à son avantage l'espace régionnal et international , est

devnue elle même l'espace où s'affrontent les principaux acteurs

internationaux. Il serait par contre réducteur de réduire un tel

contexte à une simple lutte pour l'hégémonie ou pour des

intérêts politico économiques , chaque acteur ayant une logique ,

des normes et des processus de représentation lui étant propres,

et influant sur sa gestion du conflit. Désormais sur le terrain tous

les groupes sont fragilisés et se battent pour leur survie.

2-Sur le plan régional , le moyen-orient entre menaces

d'instabilité et aspirations hégémoniques

La Syrie a elle instrumentalisé la situation politique du moyen-

orient , une situation interne donc pour mieux exister sur le plan

interne. Pour ce faire sa politique étrangère s'est basée sur deux

points clés : la main mise sur le Liban, dont la séparation du

Bilad el Cham a été vécue comme une blessure par la société de

l'époque , et le Golan , dont l'annexion -autre blessure historique-

n'est toujours pas digérée aujourd'hui.

Hafez el Assad puis son fils à sa succession ont noué des liens

étroits avec le Hezbollah libanais , bien que pas exclusifs comme

nous le verrons , puis aussi et surtout avec l'Iran son principal

allié stratégique.

Rappelons que dans le système Assad , chaque décision n'a pour

but qque de renforcer le régime, et que comme le démontre dans

91

ses recherches l'International Crisis Group , chaque décision est

murie , prise dans une logique d'avancée « étae par étape ».

Trois temps vont caractériser la relation entre le Hezbollah et la

Syrie : celui de la tension d'abord , jusqu'aux années 90 , celui de

l'adaptation , puis de nos jours celui de l'entente et du soutien ,

comme l'explique Sabrina Mervin

Ainsi voyons qu'au départ la relation entre la Syrie et les milices

libanaises sont simples , la Syrie se montrant bienveillante dans

le cadre de la lutte contre le grand ennemi Israel. Hafez el Assad

va se présenter comme un grand soutien du front de résistance

à Israel ( en fait soutenir le Hezbollah lui permet à l'époque de

faire la guerre de façon indirecte à Israel , tout en maintenant

gelées les hostilités sur le front du Golan , et de s'imposer

comme acteur au Liban , et enfin éviter l'émergence d'un

éventuel régime hostile à Damas au Liban).

Mais à l'époque Damas et Téhéran ne sont pas encore alliés et la

politique syrienne vis à vis des milices libanaises se complexifie.

Afin de réduire l'influence de Téhéran au Liban ( on voit là encore

que le proche orient est un éternel théâtre de lutte

hégémonique) guerre des camps » de 1985 à 1988 entre le

groupe Amal , soutenu par la Syrie et les organisations

palestiniennes : « la tension atteint son comble le 24 février

1987quand éclate le premier affrontement sanglantentre le

régime syrien et le Hezbollah , un épisode encore peu élucidé1

».

S'en suivra la « bataille de Fathallah » qui annonce la rupture

entre le Hezbollah et le régime d'Hafez el Assad , le tout

accentué par la rivalité de plus en plus prononcée entre le Syrie

et l'Iran.

1 Le Hezbollah , état des lieux , Sabrina Mervin , Acte sud , 2008

91

Sur le terrain , au Liban , lutter contre les troupes israéliennes

accapare la majeure partie des forces de ces milices déjà

affaiblies par leur division. Ainsi , Amal et le Hezbollah perdent

du terrain . Un accord sera trouvé mais rapidement violé. Le

Hezbollah prend alors la décision d'attaquer Amal au sud du

pays. En 1990 , sous l'influence des deux parrains , la Syrie et

l'Iran , les dirigeants d'Amal et du Hezbollah finissent par trouver

un accord . On voit encore une fois que la Syrie n'hésite pas à

faire et défaire les alliances en fonction de ses intérêts.

Les accords de Taef , ayant pour but la fin de la guerre civile

libanaise viendront consacrer le Hezbollah , en prononçant le

désarmement de toutes les milices sauf de cette dernière.

Rapellons qu'Hafez El Assad se sert également du Liban comme

d'une carte stratégique à monnayer avec les Etats Unis

d'Amérique et ainsi indirectement avec Israel.

Damas dans les années 90 se retournera vers le Hezbollah qui

en contrepartie devra coopérer avec Amal. Ce qui parachève

l'entente entre les deux groupes , surtout à cause de

concordance d'intérêts électoraux. En 2000 , le Hezbollah

change de statut et devient quasiment héros national : « la

libération du Liban sud permet au Hezbollah d'accéder au rang

de résistance nationale ». Dans un contexte de pressions

internationales sur fond de lutte contre le terrorisme , le

Hezbollah se rapproche du régime Syrien. Mais le problème est

que le Hezbollah fonde sa légitimité sur son caractère

démocratique, et sur une base populaire , et voit son image

ternie par la répression sanglante du régime de Bachar el Assad

dont les premières victimes sont la population syrienne.

Cela pose para ailleurs la question du Liban, pendant longtemps

91

pièce maîtresse de l'architecture de politique extérieure des

Assad.

Si les deux pays n'engagent des relations diplomatiques

officielles qu'en 2008, leur relation complexe elle , ne date pas

d'hier.

En effet, dès l'indépendance les questions frontalières ont posé

problème. En effet le tracé des frontières reste flouy et provoque

de nombreuses tensions. Enfin ,s i le communautarisme est une

réalité sociétale et politique au Liban , au Syrie la logique

baasiste l'instrumentalise et le traite avec déni .

Il ne faut pas oublier que la relation entre les deux pays a

également toujours été fonction de la chronique instabilité

régionnale que la Syrie a toujours su manipuler à son avantage.

A prendre en compte également , l'influence des différents

acteurs internationaux , qui par exemple poussèrent la Syrie à

se retirer du Liban. Dans les dernières années du conflit on

observe un certain rapprochement de ces deux états comme

l'illustre Fabrice Balanche : « a Syrie et le Liban normalisent

leurs relations politiques et connaissent une intégration

croissante sur le plan économique. Mais ils n’échappent pas à

une dissolution de l’identité nationale conséquente à la

mondialisation économique et à un renforcement des identités

primaires. La mondialisation touche différemment les multiples

groupes sociaux et communautaires. En Syrie, elle profite

davantage via le golfe Arabe à la communauté sunnite qu’aux

alaouites (11), liés à une rente étatique qui s’amenuise. Par

ailleurs, les alaouites et les autres minorités (druze, ismaélienne

et chrétienne), piliers du régime des Assad, se sont affaiblis en

raison de leur transition démographique accélérée, ce qui n’est

91

pas le cas des sunnites. En effet, si les alaouites représentaient

entre 10 et 15 % de la population syrienne en 1980, ils ne sont

plus que 5 à 10 % aujourd’hui. Au Liban, ce sont également les

sunnites qui profitent le plus des liens avec les pays du Golfe.

Les autres communautés ont donc tendance naturellement à se

rapprocher pour contrer cette hégémonie.

L’alliance entre les chrétiens de Michel Aoun et les chiites du

Hezbollah et de Amal n’est donc pas totalement contre nature.

Certes, il s’agit d’un rapprochement stratégique électoraliste,

ces partis partageant une même conception de l’État face à la

République des marchands, mais c’est aussi l’alliance des

confessions minoritaires au sein du Proche-Orient face au poids

économique et politique grandissant des musulmans sunnites. La

radicalisation sunnite au Liban et en Syrie provoque un

rapprochement entre minoritaires qui transcende la frontière

syro-libanaise et contribue à expliquer les alliances entre

ennemis d’hier. Le slogan d’Hafez al-Assad à l’égard de la Syrie et

du Liban dans les années 1990, « un même peuple, deux États »,

n’était peut-être pas si dénué de fondements1

»

Si les services syriens ont nourri et entretenu la porosité de la

frontière syro-libanaise , déjà bien entamé par des discordes

liées à des questions territoriales, aujourd'hui une partie des

combattants étrangers rejoignant la Syrie transite par le Liban.

Hormis la question de la vassalisation du Liban voulue par le

système Assad , il ya d'autres facteurs en jeus . En effet , les

facteurs économiques et sociaux prennent toute leur ampleur

1 Syrie Liban des relations complexex , Fabrice Balanche , Moyen-orient numéro 3 , octobre 2009

91

dans la relation entre les deux pays. Par exemple , un

affaiblissement de l'économie syrienne a des répercussions sur

l'économie libanaise et vice versa. Et rappelons que si la Syrie

maintient ses troupes au Liban jusqu'en 2005 , c'est aussi pour

des raisons économiques.

Rappelons que malgré le retrait des troupes syriennes du Liban ,

les services syriens y demeurèrent très actifs.

Se pose donc pour le Liban la question de la souveraineté de ses

frontières . Par ailleurs la Syrie n'a pas que des ennemis au

Liban ; elle a eu le temps en 30 années de présence de s'y faire

de bons et loyaux amis , et il faut nuancer la tendance

médiatique à diviser le champ politique libanais en pros syrien et

anti syrien.

A cela s'ajoute d'autres problèmes complexes comme la gestion

des réfugiés syriens . La classe politique libanaise est attentiste

et observe avec grand intérêt la situation en Syrie.

Le Liban en semble paralysé , d'ailleurs suite aux affrontements

à Beyrouth entre sunnites partsans de la rebellion , et allaouites

partisans de Bachar el Assad , le gouvernement libanais a

démissioné , sur le plan économique aussi , et d'autant plus

dans les régions frontalières . On y observe d'ailleurs souvent

des violences entre communautés alaouites et sunnites qui

conjugués au fait que le Liban soit devenu une base arrière du

conflit ne fait qu'accroître le risque de propagation du conflit.

Rami Makhlouf , cousin germain de Bachar el Assad disait

récemment qu'une instabilité en Syrie engendrerait une

instabilité régionale.

En attendant , le régime peut compter sur le soutien sans faille

de son principal allié dans la région , l'Iran .

91

L'Iran est allié stratégique de la Syrie depuis la fin des années 70

, et leur relation , qui nécessiterait à elle seule une étude entière

est bien plus complexe que la vision simpliste du fameux

« croissant chiite ». Si l'Iran et la Syrie sont alliés , c'est

beaucoup plus pour une convergence d'intérêts ( par exemple

affaiblir à l'époque l'Irak de Saddam Hussein ) que pour une

proximité religieuse.

Le terme arc chiite a été formulé en 2004 par le roi Abdallah de

Jordanie. Dans un entretien au Washington Post , le roi allié des

états-unis évoque ce arc chiite qui comprendrait donc

principalement l'Iran , la Syrie et l'Irak post Hussein. Cette

alliance constituerait un danger pour l'équilibre géopolitique de

la région ou les monarchies du golfe sont elles par exemple ,

sunnites. Le terme rapidement se répend dans les médias et est

très utilisé.

Mais rappelons quen Syrie le régime Baas se veut laique et

surtout n'agit pas par idéologie religieuse , mais plutôt par

intérêt politique , contrairement au régime théologique iranien.

Par ailleurs , la convergence des intérêts syriens et iraniens

s'expliquent également par le fait qu'ils ont un ennemi commun ,

Israel ; les états-unis d'Amérqiue deviendront également un autre

ennemi commun , lorsque Bachar el Assad fera le choix de se

tourner vers l'Est plutôt que vers l'Ouest1

, lui qui avait porté un

bref instant des espoirs do'uverture politique de la Syrie vers

l'occident.

Les régimes iraniens et syrien parlent plutôt « d'axe de

résistance à Israel2

» , l'Iran ayant créé le Hezbollah qui

1 International Crisis Group , Rapport Moyen-Orient N°24 11 févr. 2004

2 Kamal BAYRAMZADEH. «Cahier n°27 - La lutte pour l’hégémonie régionale dans

91

bénéficiait avant la rebellion en Syrie des largesses et du soutien

logistique du régime Baasiste. Ainsi , le Hezbollah constituait

depuis sa création dans les années 80, le fer de lance de cette

résistance iranienne à Israel.

Ainsi , depuis le début de la révolte , l'Iran a présenté un soutien

sans faille à son voisin Syrien . On constate que l'attitude de

l'Iran joue aussi d'une lutté hégémonique pour la sous région :

« ’Iran a des convergences d’intérêts avec la Chine et la Russie.

A l’instar de ces deux puissances émergentes, le régime iranien

veut contrer l’influence des puissances occidentales dans la

région. Selon le gouvernement iranien, l’Occident a pour objectif

d’affaiblir « l’axe de la résistance » afin de protéger Israël »1

.

Par ailleurs cette lutte hégémonique s'illustre bien par le fait que

dans un sens , l'Iran accuse l'Arabie Saoudite d'êtr eun agent à la

solde des Etats-Unis d'Amérique , tandis que la Turquie accuse

l'Iran de soutenir un régime qui bafoue les droits de l'homme.

Cette lutte hégémonique s'inscrit pleinement dans le cadre

régionnal ou l'Iran , la Turquie et l'Arabie Saoudite sont les

principales puissances régionales. Chacune de ces puissances

essaie d'agrandir son espace hégémonique en réduisant celui de

l'autre. Ainsi l'Iran soutient la Syrie pour maintenir son statut

hégémonique régional. Toutefois , il faut noter qu'en Iran-comme

au sein du Hezbollah- les massacres infligés par le régime de

Damas aux populations civiles ont suscité des interrogations

internes quant à la viabilité du soutien à ce régime. Néanmoins ,

les relations internationales : le cas du conflit syrien». Cahiers de Sciences politiques de'ULg , http://popups.ulg.ac.be/csp/document.php?id=712

1 Kamal BAYRAMZADEH. «Cahier n°27 - La lutte pour l’hégémonie régionale dans

les relations internationales : le cas du conflit syrien». Cahiers de Sciences politiques de l'ULg , http://popups.ulg.ac.be/csp/document.php?id=712

91

la politique de l'Iran et du Hezbollah qui s'enlisent dans le conflit

en même temps que la Syrie n'a pas changé.

Dans le cadre de cette lutte hégémonique dans la région ,

analysons la position des autres acteurs indirects du conflit , que

sont principalement la Turquie , l'Arabie Saoudite et le Qatar.

Quant on analyse la récente diplomatie du Qatar , il est

intéressant de remarquer que ce petit pays de par sa taille

géographique , mène depuis le début des printemps arabes une

politique étrangère de plus en plus interventionniste. Certains

analystes affriment que l'idée mère est de se renforcer

extérieurement afin de parer aux faiblesses géographiques et

démographiques du pays. Si la diplomatie qatari était basé jusq'à

la fin des années 2000 par une influenence financière et une

sorte de mécennat sportif , 2011 marque une rupture , un réveil

diplomatique du Qatar au niveau régional. Ce n'est pas le fruit du

hasard , le moment est opportun , car suite aux printemps arabes

, le modne arabe est en pleine mutation , les bannis d'hier tels

que les Frères Musulmans se retrouvent au pouvoir dans des

pays aussi importants que l'Egypte. Le Qatar y voit sans doute là

un moment opportun à tirer son épingle du jeu.

Certaines raisons stratégiques expliquent également le

positionnement du Qatar : «

D’autres raisons profondes sont aussi à l’œuvre dans cet

engagement de l’émirat. Il s’agit notamment de la géographie du

pays, tant sur le plan physique qu’humain, qui rend le Qatar

particulièrement vulnérable. Le Qatar est en effet une péninsule

aride d’environ 160 kilomètres de long pour 50 à 80 kilomètres de

large. Tout comme son voisin le Bahreïn, sa faible superficie

contraste grandement avec la taille de deux pays proches, l’Iran

91

et l’Arabie Saoudite, qui tous deux lui font craindre pour sa

sécurité. Ainsi, l’aridité [autant que la présence de ses puissants

voisins font que le Qatar se sent vulnérable. Et c’est notamment

en raison de sa faiblesse géographique et démographique que

l’émirat conduit une diplomatie volontaire lui permettant de se

rendre indispensable auprès de grands partenaires occidentaux –

dont la France et les Etats-Unis – et de sanctuariser son territoire

(en particulier grâce à la base américaine d’Al-Udeid)1

»

Ainsi on voit qu'il est erroné d'assimiler l'Arabie Saoudite au

Qatar , l'un des pays par définition n'étant pas l'autre , et chacun

étant motivé par ses intérêts propres , même si ceux si se

rejoignent sur certains points.

Cette rupture se caractérise par la prise de position pour les

soulèvements populaires . Ainsi , le Qatar qui récemment encore

soutenait financièrement le régime des Assad soutient

désormais les Frères Musulmans clairement opposés au régime

des Assad. (Ces derniers reçoivent un financement généreux du

Qatar). Indirectement , le Qatar mène une intense campagne de

propagande contre la Syrie , notament au sein de la Ligue Arabe ,

et surtout par le biais d'Al Jazeera qui occupe une place de choix

dans le monde médiatique arabe. Il y a un contraste évident

entre un pouvoir Qatari autoritaire qui pratique avec zèle une

politique d'ingérence ou d'influence dans la région, et sa passion

pour les soulèvements populaires aspirant à plus de libertés. La

position du Qatar sur le conflit syrien s'explique donc comme on

l'a vu pour des raisons stratégiques.

Rappelons enfin qu'il serait réducteur et erroné d'analyser la

nouvelle orientation de la politique étrangère Qatari uniquement

1 Mehdi Lazar , octobre 2012 , diploweb.com

91

sous le prisme du réflexe communautariste sunite face au danger

que représenterait le fameux arc chiite.

L'attitude de l'Arabie Saoudite vis à vis de ce conflit vient

également tordre le cou à cette thèse communautariste. Mais

revoyons un bref historique des relations diplomatiques entre le

Royaume d'Arabie Saoudite et la République arabe syrienne.

Quand Hafez El Assad arrive au pouvoir dans les années 70 , il

cherche des alliés régionnaux pour mieux se prémunir d'Israel.

Dans le même temps le royaume saoudien se méfie de l'Iran et se

rapproche de la Syrie. Si des divergences éclatent au moment de

la guerre froide , les relations diplomatiques perdurent entre les

deux pays et l'Arabie saoudite verse à la Syrie une aide d'environ

500 millions de dollars chaque année. Malgré l'Alliance de la

Syrie avec l'Iran , les relations entre l'Arabie saoudite et la Syrie

ne sont pas rompues. Mais elles le seront en 2005 suite à

l'assassinat de Rafiq Hariri , réputé proche de l'Arabie saoudite ,

et la Syrie étant soupçonée d'être derrière cet assassinat.

Rappelons ici que l'Arabie Saoudite , principale puissance sunite

de la région a toujours observé la région d'un œil pro-sunnite , ce

qui explique en partie son hostilité vis à vis de l'Iran.

En 2009 , leurs relations reprennent et les deux pays se

rapprochent à nouveau avant de se suspendre à nouveau au

début du conflit syrien. Cela s'explique par des raisons

principalement stratégiques et hégémoniques. L'Arabie Saoudite

tout d'abord est un allié traditionnel des Etats-Unis d'Amérique

auquel al Syrie s'est opposée. L'Arabie Saoudite souhaite

également réduire l'influence régionale de l'Iran dans la région ,

en l'affaiblissement , par le biais de l'avènement d'un éventuel

pouvoir sunite en Syrie qui résulterait du renversement de

91

Bachar el Assad. Ainsi , l'Arabie Saoudite soutient dans le conflit

les mouvances islamistes sunnites.

Rappelons rapidement que l'Arabie Saoudite , elle même

dictature sans respect des libertés s'est sentie menacée par le

début du printemps arabe et a réagi conformément à son réflexe

de toujours qui consiste à distribuer sa richesse financière ,

mais cette fois ci ce fut au niveau interne. Cette thèse est

accréditée par la violence de la répression menée tambours

battant par l'Arabie Saoudite au Bahrein voisin , en proie

également à des revendications populaires. On voit que

régionalement il ya une convergence d'intérêts entre l'Arabie

Sdaoudite , le Qatar et la Turquie .

En effet , la Turquie souhaite le départ de Bachar el Assad et

soutient ouvertement la rebellion. Comme dans le cas du Qatar ,

la politique étrangère de la Turquie a récemment changé , à la

différence qu'elle est conséquente à l'arrivée à la tête de la

diplomatie Turque d'Ahmed Davutoglu. En effet , la Turquie alliée

traditionnelle s'est récemment recentrée sur le monde arabe et

le moyen orient en adoptant une politique dynamique. Avant le

début des contestation en Syrie , la Turquie et la Syrie s'éteint

rapprochés et avaient noué d'importants accord économiques.

On l'avait vu , Bachar El Assadétait lui même l'instigateur de ce

rapprochement , en livrant Abdullah Ocalan, leader du PKK à la

Turquie , via la Russie. Et ce malgré la réticence de la vieille

garde du parti Baas opposée à l'époque à un tel projet.

Ainsi la Turquie va rompre avec sa fameuse doctrine du « zéro

problème avec le voisinage »

La Turquie face à l'ampleur de la répression , après une prudente

période d'observation , prend ses distances avec Damas et

91

exhorte le régime de Dams à arrêter les exactions contre les

populations civiles. Pour des raisons une fois encore

stratégiques , la Turquie va durcir le ton vis à vis du régime et

chercher à étendre son influence dans la région : « La politique

actuelle de la Turquie en Syrie s’inscrit dans le cadre cette

nouvelle stratégie de renforcement de son poids politique dans

les relations internationales. La Turquie soutient activement les

opposants syriens et se prépare pour la période post-Assad.

Cette politique est en convergence avec la position d’une partie

de la communauté internationale dont les Etats-Unis, l’Europe et

certains pays arabes, et s’oppose à la politique de la Russie, de

la Chine et de l’Iran. Dans sa rivalité régionale avec l’Iran, la

Turquie veut prendre la place du régime iranien en Syrie en

contribuant au renversement du régime syrien. C’est pourquoi

nous pensons que la politique de la Turquie à l’égard du conflit

syrien s’inscrit dans une volonté hégémonique réalisée au moyen

d’une puissance douce (Soft power) turque1

». Rappelons qu'enfin

la fin du combat armé kurde proclamée par Abdullah Ocalan

dépossède Bachar el Assad de la carte du PYD , le versant syrien

du PKK kurde.

Enfin , l’attitude de l’état d’Israel reste floue , et paradoxalement

peu évoqué dans le traitement médiatique du conflit , étant

donné l’importance d’Israel dans la région. Il est établi que la

politique régionale d’Israel est basé sur une logique militaire de

survivance et de puissance militaire ( cette attitude peut être

analysé sous l’angle de la théorie du réalisme dans les relations

internationales). Les raids israéliens sur Damas dans des zones

1 Kamal BAYRAMZADEH. «Cahier n°27 - La lutte pour l’hégémonie régionale dans

les relations internationales : le cas du conflit syrien». Cahiers de Sciences politiques de l'ULg , http://popups.ulg.ac.be/csp/document.php?id=712

91

contrôlées par m’establishment miltaire des Assad est emputé à

Israel par bon nombre d’acteurs internationaux , y compris par la

ligue arabe , qui on le sait , soutient le départ de Bachar el

Assad. Certains analystes y voient là un risque d’escalade avec

une possible résurgence de la traditionnelle opposition entre

Israel et les états arabes. Enfin , rappelons que stratégiquement

la chute du régime Assad est dans l’intérêt d’Israel car cela

affaiblirait l’Iran , ennemi déclaré d’Israel , et concurrent régional

dans la course à l’hégémonie.

Aujourd'hui le conflit n'en finit pas et la Syrie devient le champ de

bataille ou s'affrontent les aspirations hégémoniques des

puissances régionales. Gilles Kepel , professeur à l'institut

d'études politiques de Paris n'hésitera pas à dire que « ce qu’il se

passe en Syrie n’est plus un conflit syrien, c’est un conflit

régional et international, un peu comme c’était le cas pour la

guerre du Liban autrefois. Les Syriens sont les acteurs, et les

salafistes syriens sont en grande partie les pions des

pétromonarchies.

L’armée de Bachar al-Assad aujourd’hui ne tient que parce qu’elle a le

soutien de l’Iran, de son armement et de l’armement soviétique. »

B- Sur le plan international

L'immobilisme dont a fait preuve la communauté internationale

et ce pour plusieurs raisons , a fait le jeu de Bachar el Assad et a

desservi l'opposition. Rappelons que si la tendance générale est

à l'organisation d'une conférence sur la Syrie , la situation n'en

demeure pas pour autant moins complexe

1-Les puissances occidentales et l'O.N.U

91

Les puissances occidentales sont clairement opposées à Bachar

el Assad et on le sait , souhaitent clairement son départ , mais

aucun pays ne semble tenté par une aventure militaire en Syrie ,

au risque de s'attirer les foudres de la Russie et de la Chine , qui

se sont déjà sentis lésés par la gestion occidentale du dossier

lybien. De plus la division caractéristique de l'opposition syrienne

et son infiltration par divers groupes islamistes , salafistes ou

autre. Mais là encore , les intérêts stratégiques priment : « Les

divergences entre les grandes puissances s’inscrivent dans le

cadre des enjeux stratégiques qui portent sur les intérêts

géopolitiques et sécuritaires. L’Union européenne et les Etats-

Unis sont favorables aux renversements du régime actuel, car

l’existence des régimes dictatoriaux mais indépendants comme

le régime syrien et le régime iranien est en contradiction avec la

stratégie régionale des Etats-Unis qui veulent l’instauration d’un

nouvel ordre dans cette région. Les Etats-Unis et l’Europe

soutiennent activement les opposants syriens reconnus

officiellement en particulier par la France qui apporte son aide

politique, logistique et financière à la Coalition Nationale

Syrienne1

». Ainsi il y a convergence d'intérêts entre les

puissances occidentales. Le dossier est porté par la ligue arabe

après l'incapacité de celle ci à le résoudre. Un projet de

résolution est discuté au sein du conseil de sécurité mais la

Russie s'oppose strictement à toute sanction contre le régime et

la Chine , légèrement plus modérée refuse que le renversement

de Bachar el Assad soit la condition en amont du processus. Tout

ceci sert les intérêts de Bachar el Assad qui se voit là protégé de

toute ingérence étrangère. On voit là les limites de l'Onu qui ,

1 Kamal BAYRAMZADEH. «Cahier n°27 - La lutte pour l’hégémonie régionale dans

les relations internationales : le cas du conflit syrien». Cahiers de Sciences politiques de l'ULg , http://popups.ulg.ac.be/csp/document.php?id=712

91

comme en 2004 lors de la guerre en Irak s'avère impuissante. La

ligue arabe-nous reviendrons sur son rôle- propose à l'assemblée

générale de l'ONU ; Koffi Anan , ancien secrétaire général est

alors mandaté par la ligue arabe et par l'ONU ; cependant

rappelons que peu d'état , hormis la Lybie reconnaissent le CNS

comme interlocuteur légitime ,la majorité des états hésitant à

rompre ou nom les relations diplomatique avec le régime Assad.

Bachar el Assad décide de ne pas faciliter la tâche à Koffi Anan

et à sa délégation. Il finit par le recevoir , mais rejette en bloc

toute proposition de la ligue arabe qui a elle également rejeté ,

sous l'impulsion du Qatar , la e régime Assad. Les observateurs

se baladent dans le pays mais dans le fond rien ne change , car si

les discours occidentaux se veulent axés sur la défense des

droits de l'homme , on l'a vu , la réalité et la complexité

stratégique du cas Syrien contraste avec la facileté avec laquelle

l'ONU pense pouvoir régler la question. Même la Misnus créée

par la résolution 2043 échoue à garantir un cessez le feu.

L'Union européenne quant à elle instaure puis lève embargo sur

embargo mais le problème est que face à l'inconstance de la

communauté internationale , à la division de l'opposition ,

l'impuissance de l'ONU , et le soutien sans faille de la Russie au

régime Syrien , la communauté internationale peine à trouver une

solution concrète a cet épineux problème. Comme on l'a vu , le

régime Assad a su se protéger de l'extérieur depuis des

décennies , et le pays devient un champs d'affrontement de

stratégies et d'intérêts diverses.

2- Les pays émergents

Revenons brièvement sur le rôle de la Ligue Arabe , à la tête de

laquelle se trouve le Koweit. Si elle s'est employée dans un

91

premier temps à envoyer sur place ses propres observateurs ,

son propre plan de sortie de crise , letout ayant bien entendu

échoué , on peut se demander quelle en était la pertinence. Car

le Qatar , en excluant les représentant du régime Assad de la

ligue arabe , en soutenant ouvertement les Frères musulmanset

en s'opposant ouvertement au système Assad se place vis à vis

de celui ci comme un groupe de l'étranger soutenant les

« terroristes ». Si Bachar el Assad , bien plus habile et aguerri

que les dirigeants Qatari dans la manipulation de l'étranger feint

de se plier au jeu , qui reprendra de plus belle avec le cortège

onusien, en réalité la répression sur le terrain ne baisse aucune

ment d'intensité , et l'ONU finiera même par reconnaître que la

rebellion syrienne est également responsables d'exactions e

faillit à son devoir de protéger les populations.

Ceci dit , penchons nous maintenant sur le cas des pays dit

émergents. La Russie , principal soutien international du régime

a une position bien tranchée sur le sujet. En effet elle soutient de

façon inconditionnelle le régime Assad et le protège de toute

résolution de l'ONU , en compagnie de la Chine , sans oublier le

soutien militaire qu'elle lui accorde. Cela s'explique par plusieurs

raisons . L'URSS était déjà alliée à la Syrie d'Hafez El Assad , et

cette alliance tant économique que militaire a perduré avec la

Russie , après la chute de l'URSS . IL s'agit donc ici d'une

alliance historique , vieille de plus de 30 ans , ayant installé des

institutions , des habitudes entre les acteurs de cette relation.

D'un point de vue plus pragmatique , plus stratégique , la vision

de la Russie , qui aspire à développer son hégémonie dans la

région , est opposée à celle des américains et des européens ,

qui eux aussi veulent remodeler la région à leur guise.

Rappelons également que la base navale de Tartous constitue la

91

principale base navale de la Russie dans la région , ce qui lui

accorde une importance stratégique de premier plan. En outre, la

doctrine russe perçoit la Turquie et ses missiles patriot comme

une menace , dont elle peut éventuellement se prémunir via la

base de Tartous.

Il y a également des raisons économiques en jeu , dont

d'importants accords gazeux et pétrolifères entre la Russie et la

Syrie , et par ailleurs n'oublions pas que la Syrie est l'un des

principaux acheteurs d'armes à la Russie , et que ni la Chine ni la

Russie , ne voient d'un bon œil les soulèvements à vocation

démocratique. Rappelons également que la doctrine stratégique

de la Russie est opposée à l'affaiblissement de l'Iran qui

résulterait d'un changement de régime en Syrie, l'Iran et la

Russie entretenant des relations au beau fixe. Enfin , la Russie ,

historiquement opposée à la Turquie ne souhaite pas voir son

influence grandir en Syrie au détriement de la sienne.

La Chine quand à elle ne souhaite pas voir croître l'influence

américaine au moyen-orient pour des réisons économiques et

stratégiques : « La Chine est une puissance émergente qui est en

compétition avec les Etats-Unis sur le plan économique, et nous

assistons au renforcement de sa position mondiale, notamment

en Afrique1

». Ainsi dans un contexte de concurrence

économique , l'accès aux ressources telles que le gaz et le

pétrole sont capitales , la Syrie étant au cœur d'un moyen-orient

plein de ces ressources. De plus comme dit précédemment , la

1 Kamal BAYRAMZADEH. «Cahier n°27 - La lutte pour l’hégémonie régionale dans

les relations internationales : le cas du conflit syrien». Cahiers de Sciences politiques de l'ULg , http://popups.ulg.ac.be/csp/document.php?id=712

91

Chine et la Russie , échaudées par l'expérience lybienne se

montrent peu réceptives à l'idée d'une résolution onusienne

contre la Syrie : « Les Chinois et les Russes ont tiré la leçon de

la Libye. Ils considèrent que l’intervention militaire a outrepassé

les objectifs fixés par la résolution de l’ONU qui consistait à

protéger les civiles ».

Ainsi , on voit que la situation interne déjà complexe , ou se joue

l'avenir de la Syrie est influencée par une compétition

hégémonique régionale et une lutte stratégique internationale ,

venant complexifier plus encore le problème.

Rapellons enfin que le rôle des ONG et des associations

humanitaires , même s'il est par définition limité par le conflit en

cours, s'il n'est pas politiquement déterminant de manière

directe sur le conflit , est fondamental en matière d'assistance

aux réfugiés ; sans quoi le bilan humanitaire n'en serait que plus

catastrophique.

En conclusion , on a vu à travers cette recherche la

transformation artificielle , lente et douloureuse du Bliad el Cham

en une Syrie façonée par la France mandataire de l'époque.

L'indépendance difficilement obtenue devient effective en 1946

et est suivie d'inombrables coups d'état/complots/putsch dont

pâtit une population que l'Histoire n'a décidément pas choisi

d'épargner. L'arrivée d'Hafez El Assad au pouvoir en 1970 suite à

l'élimination minutieuse de tous ces ennemis potentiels donne

naissance à la concentration d'une pouvoir entre les mins d'une

micro caste alaouite , elle même au sein du groupe alaouite ,

91

soumis comme l'ensemble du pays à la tutelle du Lion de Damas.

Réputé pour sa ruse Hafez el Assad élaborera un système de

piliers sur lesquels s'appuiera son régime , en se basant sur deux

axes , l'axe intérieur et l'axe extérieur. Sur le plan intérieur , le

couple répression et cooptation permet d'acheter des partisans

au régime et de châtier sévèrement ceux qui daignent s'y

opposer , comme l'illustre le massacre de Hama en 1982. Sur le

plan extérieur, il fera de la Syrie un élément central de la région ,

en se basant sur sa main mise sur la Syrie , grâce entre autres à

une présence militaire et à sa coopération et son

instrumentalisation de milices chiites telles qu'Amal et le

Hezbollah. A cela s'ajoute le cessez-le-feu avec Israel sur le front

du Golan, le soutien accordé au PKK, l'alliance avec la Russie et

l'Iran , et le soutien financier de l'Arabie Saoudite et plus tard du

Qatar.

Cette architecture sera perpétuée par Bachar el Assad , héritier

par accident de ce régime autoritaire. Néanmoins , ce système

de piliers , modifié par Bachar el Assad plus d'une fois , et

surtout atteint par l'épuisement des ressources-pétrolières par

exemple- destinées au pacte social basé sur la cooptation et la

redistribution des richesses. Ainsi ,alors que sunnites , alaouites

, ismaéliens , druzes et kurdes cohabitaient de façon stable dans

cet espace dictatorial , émérge une jeunesse différente de ses

aînés et surtpout lasse des difficultés économiques tandis que

s'enrichit de plus en plus l'élite économique proche du pouvoir.

Le conflit à la base pacifiste sera perverti par une répression

implacable et des ingérences étrangères via des mouvements

isamistes.

Au fil des mois le conflit a perduré et est devenu le théâtre

d'affrontements stratégiques , s'éloyant de la vocation première

91

de la contestation. Ainsi sont niés dans les faits les aspirations

et les droits du peuple syrien par l'immobilisme de la

communauté internationale tandis que les massacres se

perpétuent et que fleurissent dans le même temps ballets

diplomatiques et discours pronant le respec des droits de

l'homme .

Etant donné l'actualité du sujet , la principale difficulté a été de

trouver des données exactes sur les évènements en cours.

In conclusion, we have seen through this research how artificial,

slow and painful was the transformation of Bilad el Cham in

Syria structured by the colonial power , France.

The hard-won independence becomes effective in 1946 and was

followed by countless coups / plots / putsch which suffers a

population that history has definitely not choose to save. The

arrival of Hafez Assad to power in 1970 after the careful removal

of all these potential enemies gives rise to the concentration of

power in the minutes of a micro caste Alawite itself within the

Alawite group submitted as the whole country to the supervision

91

of the Lion of Damascus.

Renowned for his cunning Hafez el Assad develop a system of

pillars which support his regime based on two axes, the inner

shaft and the outer shaft. On the domestic front, the couple co-

optation and repression can buy the regime supporters and

punish severely those who deign to oppose it, as illustrated by

the massacre of Hama in 1982. On the external side, it will make

Syria a central part of the region, based on its grip on Liban,

partly thanks to a military presence and its cooperation and

exploitation of such Shiite Amal militia and Hezbollah. Added to

this is the cease-fire with Israel on the Golan front, support for

the PKK, the alliance with Russia and Iran, and financial support

of Saudi Arabia and Qatar later .

This architecture will be perpetuated by Bashar Assad, the

accidental heir of this authoritarian regime. However, this

system of pillars, as amended by Bashar Assad more than once,

and mainly affects the depletion of oil resources-for example, the

social pact based on the appointment and the redistribution of

wealth. So while Sunnis, Alawites, Ismailis, Druze and Kurdish

coexisted stably in this dictatorial space emerged a youth

different from their elders and tired surtpout economic

difficulties while enriched by increasingly close economic elite

power. The conflict in the anti-war base will be perverted by an

implacable repression and foreign interference through isamistes

movements.

Over the months the conflict persisted and became the theater of

strategic confrontations éloyant is the primary purpose of the

protest. And in fact are denied the rights and aspirations of the

Syrian people by the inaction of the international community

while the massacres perpetuated and that bloom at the same

time diplomatic ballet and speeches advocating the respective

91

rights of man.

Given the topicality of the subject, the main difficulty was to find

accurate information on current events.

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Courrier international numéro 1168 du 21 au 27 mars 2013

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http://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Can-Firuz-

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http://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Julie-d-

Andurain-La.html

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http://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-facteur-kurde-en-Syrie-

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Annexes :

Discours de Bachar El Assad , janvier 2013

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Syrie : Texte intégral du discours du Président Bachar al-Assad Dimanche 06/01/2013 Maison de l’Opéra de Damas

Mes soeurs et mes frères,

Aujourd’hui, je vous regarde et je vois les visages des fils et filles de ma patrie emprunts de tristesse et de douleur. Je vois les yeux des enfants de la Syrie ne plus briller du rire radieux de l’innocence. Je vois les mains des plus âgés ne plus savoir que se lever vers le ciel pour prier, et implorer pour le salut de leurs enfants, petits enfants et arrières petits enfants.

Nous sommes réunis ici, mais la souffrance a envahi la terre syrienne sans laisser place à la joie dans tous ses coins et recoins. La tranquillité et la sécurité ont disparu de ses rues et ruelles… Nous sommes réunis ici, mais des mères ont perdu leurs fils… les meilleurs des fils ; des familles ont perdu leur soutien ; des enfants sont devenus orphelins ; des frères ont été séparés, les uns tombés en martyrs, d’autres déplacés, et d’autres portés disparus.

Cette souffrance plane sur le pays tel un nuage noir. En tenir compte est noble, mais cela ne suffit pas à compenser la perte d’êtres chers, à ramener la stabilité et la sécurité, à assurer le pain, l’eau, les carburants et les médicaments à tous et à toutes. Mais, de cette matrice de la douleur doit naître l’espoir, et du fin fond de cette souffrance doivent naître les meilleures des solutions ; tout comme le nuage qui cache la lumière du soleil porte en lui la pureté de l’eau de pluie qui fera germer l’espoir et la générosité, une fois qu’il aura plu.

Ces sentiments et émotions réunissant douleur, chagrin, défi, et détermination sont une formidable énergie ! La Syrie ne dépassera son épreuve qu’en convertissant cette énergie en un « mouvement national » général qui sauvera le pays des griffes d’une agression inouïe et sans précédent dans l’Histoire de la région.

Ce « mouvement national » est le seul baume qui puisse apaiser les blessures profondes qui ont touché notre tissu social et ont failli le déchiqueter. Il est seul capable de maintenir la géographie de la Syrie, de la rendre plus forte politiquement et socialement, et de la régénérer culturellement et moralement. Cette responsabilité incombe à chacun des citoyens. Chacun peut offrir sa part selon ses moyens, même s’il les considère faibles ou limités. La patrie est pour tous et nous la défendons tous, chacun comme il peut et selon son propre potentiel. Car, l’idée est défense, la situation est défense, la reconstruction est défense, et la sauvegarde des biens du peuple est défense ! Défense… pour la bonne raison que, devant cette agression de toutes les composantes de la patrie, chaque citoyen réfléchi sait pertinemment que l’attentisme, le négativisme ou l’espoir que quelqu’un d’autre puisse résoudre les problèmes reviendraient à mener le pays vers l’abîme… Ne pas participer à la recherche des solutions, reviendrait à faire reculer le pays non à le sortir de ce qu’il endure.

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Beaucoup sont tombés dans le piège tendu pour faire croire que le conflit est à situer entre le pouvoir et l’opposition, autrement dit une lutte pour un fauteuil, un poste, ou un pouvoir ! C’est pourquoi, ils se sont tenus à distance et ont opté pour le silence et la neutralité. Par conséquent, aujourd’hui, il est du devoir de chacun d’entre nous de rediriger les regards vers la véritable boussole de la patrie… Car le conflit, Mesdames et Messieurs, est entre la patrie et ses ennemis, entre le peuple et des criminels assassins, entre le citoyen et ceux qui volent son pain, son eau, ses sources de chaleur… et le privent de la sécurité dont il était si fier, pour répandre la peur et la panique dans les esprits.

Ils ont tué les civils et les innocents, pour éteindre la lumière et le rayonnement de notre pays… Ils ont assassiné le talent et l’intelligence, pour semer l’ignorance dans nos esprits… Ils ont saccagé les infrastructures construites avec les deniers de notre peuple, pour répandre la souffrance dans nos vies… Ils ont privé les enfants de leur écoles, pour détruite notre avenir et répandre leur idiotie… Ils ont coupé l’électricité, les voies de communication et l’approvisionnement en carburant, pour laisser les personnes âgées et les enfants endurer le froid de l’hiver, et ont ainsi prouvé leur incontestable barbarie… Ils ont volé les silos de grains, de blé, de farine, pour que le citoyen meure de faim et ne puisse plus que rêver de son pain… Est-ce là un conflit pour un poste ou un pouvoir ? Ou bien est-ce une guerre entre la patrie et ses ennemis ? Est-ce une lutte pour le pouvoir ? Ou bien est-ce pure vengeance contre le peuple qui n’a pas accordé à ces terroristes assassins le mot clé pour disloquer la Syrie et partager sa société ? Ils sont les ennemis du peuple, et les ennemis du peuple sont les ennemis de Dieu, et les ennemis de Dieu sont voués au feu de l’Enfer le jour de la Résurrection !

Dans une première étape, ils ont imposé leur prétendue révolution ! Mais le peuple s’est révolté et a refusé de les couver, malgré les flots d’argent déversé, le déchainement des médias, et l’intimidation par des armes encore cachées. Constatant leur échec, ils sont passés à la deuxième étape, et tombant les masques de la révolution dite « pacifique » ils ont brandi leur arsenal qu’il était devenu inutile de dissimuler… Ensuite, ils ont tenté l’occupation de certaines villes qui devaient leur servir pour se déchainer comme des loups furieux sur d’autres villes… Ils ont frappé sauvagement… Mais plus ils frappaient, plus le peuple conscient des enjeux résistait, démontrant son mépris et leur fausseté… C’est là qu’ils ont décidé de leur vengeance, contre tous et sans distinction, en usant du « Terrorisme » partout où ils ont pu s’infiltrer !

Ils parlent de « Révolution », alors qu’ils n’ont rien à voir avec les révolutions, ni de près, ni de loin ! Une révolution a besoin de penseurs. La révolution se construit sur une pensée. Où est donc le penseur ? Qui a rencontré un seul de leurs penseurs ? Les révolutions ont besoin de dirigeants. Qui sait quel est celui qui les dirige ? Les révolutions supposent un savoir et des idées, non de l’ignorance… Les révolutions supposent d’aller de l’avant, non de revenir à des siècles passés… Les révolutions supposent d’éclairer la société toute entière, non de lui couper l’électricité… Habituellement, la révolution est faite par le peuple, non par des individus importés de

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l’étranger pour imposer leur révolution au peuple… Elle est faite pour le peuple, non contre ses intérêts. Alors, de grâce, est-ce une révolution et avons-nous à faire avec des révolutionnaires ? Ou bien ne sont-ils qu’une bande de criminels ?

Ceci pour la façade, alors qu’en arrière plan œuvraient les « Takfiristes » par déflagrations, assassinats de masse, et soutien logistique des bandes armées au premier plan. Il n’empêche qu’à chaque fois que l’armée et le peuple, main dans la main, les ont repoussés, ils ont frôlé la dépression. Du coup, ils se sont sentis obligés de se battre aux premiers rangs et de tenir la barre d’un vaisseau voguant à tout va, par le feu, le sang, et la torture… C’est bien parce que la pensée takfiriste est étrangère à notre pays qu’ils ont dû importer de l’étranger et les individus et leurs idées… Et c’est là que l’équation s’est inversée. D’une part, des takfiristes, des terroristes, al-Qaïda, qui se targuent d’être des « djihadistes » venus de partout dans le monde, pour mener des opérations terroristes sur notre sol. D’autre part, des bandes armées qui, suite à leur échec, ont été transférées à l’arrière plan en tant qu’assistantes dans les opérations d’enlèvements, de pillages, et de sabotages… Des esclaves ou des agents à la solde des ennemis, dans le meilleur des cas. Des espions travaillant contre leurs compatriotes pour le compte de tueurs takfiristes ne parlant que la langue du carnage, et du démembrement des corps de leurs victimes !

Mes frères… c’est ceux-là que nous combattons. Beaucoup ne sont pas Syriens. Ils sont venus, mus par des concepts pervers et une terminologie frelatée. Ils parlent d’un Djihad qui est loin de correspondre à celui de l’Islam… Ce qui est certain est que la plupart de ceux à qui nous avons à faire, aujourd’hui, font partie de ces terroristes prônant l’idéologie d’al-Qaïda… Je pense que la plupart d’entre vous savent de quelle manière l’Occident a soutenu, en Afghanistan, ce type de terroristes financés par de l’argent arabe, depuis trois décennies… Avec le démembrement de l’Union soviétique et son retrait d’Afghanistan, cette organisation de terroristes s’est mise à essaimer et à frapper partout dans le monde arabe… Elle a frappé en pays musulmans puis s’est dirigée vers l’Occident… Ils ont essayé de s’en débarrasser au cours de leur guerre en Afghanistan… Ils ont essayé d’autres manières pour s’en débarrasser après leur invasion de l’Irak… Ce qui n’a pas empêché ce terrorisme organisé de devenir de plus en plus obstiné et migratoire… Mais voilà que « les événements » sont arrivés dans le monde arabe, notamment en Syrie, comme une opportunité pour ces forces - je veux dire les forces occidentales - afin qu’elles puissent transférer le plus grand nombre de ces « désormais indésirables » vers la Syrie et en faire une nouvelle terre du Djihad. C’est ainsi, qu’ils ont pensé pouvoir défaire deux rivaux gênants d’un même coup : le terrorisme et le « nœud problématique » de la Syrie !

Il y a un peu plus d’un mois, une organisation - dont je ne me souviens plus du nom - qui s’occupe des questions de terrorisme, a publié un rapport sur la baisse des actes terroristes dans le Monde, notamment en Asie centrale et orientale… C’est vrai, puisque la plupart des terroristes qui sévissaient dans ces régions et même dans certains pays occidentaux sont venus en Syrie ! L’intrusion de ces terroristes est dangereuse pour la

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sécurité de n’importe quelle société ; ce qui est évident sans pour autant admettre qu’il soit impossible de les défaire quand on en a la volonté et le courage… Mais le plus dangereux est leur intrusion dans les intellects et les milieux sociaux… Une fois que leur mode de pensée a pénétré au sein d’une communauté, elle se transforme en un monstre difforme. Nous devons traiter cette question avec sérieux, indépendamment de la crise politique que traverse la Syrie. En d’autres termes, nous devons dépasser nos divergences car si nous ne traitons pas cette question, nous ne laisserons que du « sang en héritage » pour des générations et des générations... La Syrie que nous connaissons n’existera plus. Son nom et sa géographie ne disparaitront pas nécessairement, c’est plutôt la société syrienne telle que nous l’avons connue qui disparaitra. Ceci dit, il n’est pas exclu que ce mode de pensée fondé sur la « Fitna » détruise la géographie et le sens politique de toute société qu’il a pénétré. C’est là une grande responsabilité qui exige que nous nous unissions pour y faire face.

D’autres dimensions existent dans cette crise qui n’est pas seulement interne, ce qui s’y passe étant désormais clair pour tous ceux qui veulent bien voir… En effet, au niveau régional, il y a ceux qui cherchent sa partition et ceux qui cherchent à l’affaiblir… Certains financent et arment les criminels tandis que d’autres les entrainent et les soutiennent… Des États ennemis qui se sont construits en occupant et en agressant, et dont le comportement ne nous surprend pas outre mesure… Des pays voisins qui ont injustement maltraité la Syrie et son peuple, pour réussir à les dominer… Des États qui se cherchent une place dans l’Histoire sans espérer s’y retrouver… Alors, ils ont choisi de la réécrire avec le sang des innocents du peuple arabe, le peuple syrien en particulier… Mais la Syrie et son peuple sont plus forts et plus solides… Nous leur promettons de ne pas oublier !

Quant au niveau international, ce n’est un secret pour personne que la Syrie a été et restera libre et souveraine, qu’elle refuse la soumission et n’accepte pas la tutelle… C’est ce qui a toujours dérangé certains pays occidentaux… Ils ont donc voulu exploiter les événements internes, pour sortir la Syrie de l’équation politique régionale, en finir avec le « nœud problématique » qu’elle représente, y frapper toute velléité de résistance, et ainsi nous transformer en suivistes comme beaucoup de pays qui nous entourent… Mais la communauté internationale ne se limite pas aux pays occidentaux. De nombreux pays, en particulier la Russie, la Chine, les autres pays du BRICS, et beaucoup d’autres refusent l’ingérence dans les affaires des États et la déstabilisation de notre région, tout en respectant leurs propres intérêts et principes, dont l’autodétermination et la liberté des peuples… Des États qui respectent la souveraineté de la Syrie, son indépendance, et sa liberté de décision… Des États que, réciproquement, nous ne pouvons qu’estimer, respecter, et remercier… Je remercie particulièrement la Russie, la Chine et l’Iran et chacun des pays qui a soutenu l’autodétermination du peuple syrien.

À la lumière de ce qui précède, nous ne pouvons parler de solution sans tenir compte de ces facteurs : le facteur intérieur, le facteur régional, et le Groupe de travail international. Ceci, en sachant que toute action qui ne modifierait pas ces facteurs ne

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pourra aboutir.

Commençons par l’intérieur… Pour certains, le conflit a donc consisté à dire qu’il y avait désaccord entre opposants et partisans… Je ne pense pas qu’il en soit ainsi et ce, depuis le tout début des événements. Dans le monde civilisé, un tel désaccord tourne autour de la question de savoir comment consolider la construction de la patrie, non comment la détruire… comment progresser et se développer, non comment revenir en arrière. La relation entre opposition et gouvernement se déroule en interne. Mais quand des éléments internes en arrivent à faire partie intégrante d’éléments étrangers, le conflit se situe entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’indépendance du pays et sa vassalisation, entre la souveraineté et la colonisation politique… Dès lors, le contexte oblige à la « défense de la patrie » et à « l’union de tous » contre l’agression étrangère munie d’une boîte à outils interne. C’est pourquoi lorsque nous parlons d’opposition externe, nous ne nous basons pas sur le lieu de résidence de tel ou tel, mais sur ce vers quoi il a dirige son cœur et son esprit, avec qui il a accepté de s’associer, sur qui il a parié, et de qui a-t-il accepté le financement. C’est ce que nous entendons par opposition étrangère, qu’elle réside à l’intérieur ou à l’extérieur, puisqu’il est clair que d’autres vivent à l’étranger mais défendent leur patrie.

Oui, mesdames et messieurs, il ne s’agit ni d’un conflit entre opposition et partisans, ni même d’un simple combat entre une armée et des gangs d’assassins. Aujourd’hui, nous sommes en état de guerre dans tous les sens de ce terme. Nous nous défendons contre une agression féroce, un nouveau genre de guerre plus dangereuse et plus meurtrière que les guerres conventionnelles, car elle n’utilise pas ses propres outils pour nous battre, mais nous utilise pour arriver à ses fins…Elle cible la Syrie à travers une poignée de Syriens et de très nombreux étrangers, et c’est malheureusement grâce à la coopération consentie par certains des nôtres qu’elle espère nous pousser à déraciner nos arbres et à démolir nos fondations. Une telle guerre exige de nous de défendre la patrie tout en poursuivant la voie des réformes, même si elles ne peuvent probablement pas changer grand-chose à la réalité de cette guerre. Il n’en demeure pas moins qu’elles pourraient nous fortifier et renforcer notre unité et notre immunité. Certains pensent que cette solution par les réformes serait l’unique solution de nos problèmes. Non… c’est un facteur important, mais pas la seule solution.

En effet, la réforme sans la sécurité est comme la sécurité sans la réforme. L’une ne peut réussir sans le concours de l’autre. C’est ce que nous avons déjà déclaré et que nous continuons à dire… Ceux qui ne cessent de répéter que la Syrie a choisi « la solution sécuritaire » n’entendent ni ne voient ! Nous avons maintes et maintes fois répété : solution politique d’une main, éradication du terrorisme de l’autre main. À ceux qui tentent d’inverser la situation par ce prétexte, nous demandons : lorsqu’une personne résiste à une agression, diriez-vous qu’elle s’est défendue ou bien qu’elle a choisi une solution sécuritaire ? Pourquoi parler de « solution sécuritaire » lorsqu’un État défend le peuple et que le peuple défend la patrie ? N’importe qui, dans ce cas, serait considéré comme ayant opté pour sa légitime défense, non pour une situation sécuritaire ! Nous,

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nous n’avons pas opté pour la guerre. La guerre a été imposée à la Syrie. Par conséquent, lorsque l’État défend le peuple et que nous nous défendons tous, aucune personne raisonnable ne devrait continuer à dire que nous avons fait un choix sécuritaire. La défense de la patrie est un devoir et le seul choix possible. Le fait que nous ayons accepté une « solution politique » n’implique nullement que nous devrions cesser de nous défendre, tout comme il suppose un partenaire qui accepte cette solution et qui est disposé au dialogue.

Nous n’avons jamais refusé la « solution politique ». Nous l’avons adoptée depuis le premier jour sur la base fondamentale du dialogue. Nous avons tendu la main à toute personne porteuse d’un projet politique qui pousserait la Syrie à aller de l’avant. Mais avec qui dialoguer ? Avec les dépositaires de la pensée extrémiste qu’ils n’expriment que par le langage du sang, du meurtre et de la terreur ? Avec des gangs télécommandés de l’étranger ? Avec ceux qui suivent l’étranger et exécutent ses ordres ? L’étranger ordonne de refuser le dialogue national parce que ses dirigeants savent qu’il ferait échouer tous leurs plans échafaudés pour détruire de la Syrie, d’autant plus que certains dirigeants de pays de la région ont bien compris que si la Syrie sortait de « sa crise », leur avenir politique serait sérieusement compromis, maintenant qu’ils se sont noyés et ont noyé leurs peuples dans les mensonges et ont gaspillé leurs richesses pour soutenir le terrorisme, maintenant qu’ils ne peuvent justifier leur politique d’agression et qu’ils se sont compromis dans le crime, le meurtre, et l’effusion du sang des innocents. Et enfin, devons nous dialoguer avec des pantins façonnés par l’Occident pour tenir le rôle qu’il leur a distribué et réciter les textes qu’il leur a dictés ? Si nous devons dialoguer, autant dialoguer avec l’original plutôt qu’avec sa copie, non avec celui qu’il a créé de toutes pièces pour l’exhiber sur les scènes du monde entier. Autant dialoguer avec le maître, plutôt qu’avec l’esclave !

C’est l’Occident, descendant du colonialisme et premier détenteur du sceau des divisions politiques et des rivalités sectaires odieuses, qui a fermé la porte du dialogue, pas nous ! Ceci, parce qu’il a pris l’habitude de donner des ordres et que nous nous sommes habitués à la souveraineté, à l’indépendance, et au libre arbitre. Nous ne changerons pas ! Dès lors, comment pourrait-il dialoguer avec nous ? Et pourquoi le ferait-il ? Par conséquent, celui qui se contente de parler d’une « solution politique » en négligeant ces réalités, soit les ignore, soit est complice et sacrifie sa patrie et ses concitoyens pour nourrir les criminels qui se tiennent derrière eux. Il vend son peuple et le sang de ceux qui sont tombés pour la patrie. C’est ce que nous ne permettrons pas !

Certains parlent d’une solution politique sans parler de l’éradication du terrorisme, et inversement. Ceux-là manquent de précisions, car la solution ne peut être que globale et concerner plusieurs « axes » : le politique, la lutte contre le terrorisme, et le social. Ce troisième axe s’est révélé être d’une grande importance, ne serait-ce qu’en tirant les conclusions des « modèles » observés à Homs et à Deraa, où nous avons vu la situation s’améliorer de façon spectaculaire du fait de cette « solution sociale ». Ainsi, des personnes d’une moralité certaine, armés de leurs seuls sentiments d’appartenance

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nationale et de patriotisme, ont pris l’initiative de servir d’intermédiaire entre l’État, certains insurgés dupés, et même des terroristes. Ils sont arrivés à des résultats tangibles que nous avons tous pu vérifier sur le terrain. Ces citoyens n’étaient affiliés à aucun parti, n’avaient pas de programme politique, mis à part leur sentiment national. Ce genre d’initiative est de la plus haute importance, surtout que n’importe quelle crise dans n’importe quel pays peut s’aggraver… Il faut toujours revenir aux racines sociales. Je salue toutes ces personnes qui ont merveilleusement travaillé pour le salut de la patrie, chacune donnant le meilleur de ce qu’elle peut donner. J’en connais certaines que j’ai rencontrées, et d’autres dont j’ai entendu parler. Il y a des soldats inconnus… Nous les saluons tous, et nous leur disons que nous comptons beaucoup sur leurs initiatives.

Ce qui précède pourrait laisser à penser que nous ne voyons personne avec qui dialoguer. Ce n’est pas vrai ! Malgré tout, nous sommes toujours prêts au dialogue et nous continuerons toujours à tendre la main pour inviter au dialogue… Nous dialoguerons avec ceux qui s’opposent à notre politique, tant qu’ils ne portent pas atteinte aux principes nationaux fondamentaux… Nous dialoguerons avec les partis et les individus, tant qu’ils ne se vendent pas aux forces étrangères… Nous dialoguerons avec ceux qui déposeront les armes, pour que l’authentique sang syrien recoule dans leurs veines… Nous resterons les partenaires vrais et sincères de chaque citoyen patriote honnête, noblement et jalousement attaché à la Syrie, à ses intérêts, à sa sécurité et à son indépendance.

Partant de là et de nos « constantes de principe » ; à savoir, la souveraineté de l’État, l’indépendance de sa décision, les principes et objectifs de la Charte des Nations Unies, le Droit international ; lesquels confirment tous la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale des États, ainsi que la non-ingérence dans leurs affaires internes. Et, étant donné que nous sommes convaincus de la nécessité du dialogue entre les enfants de la Syrie, sous direction syrienne, pour rétablir la sécurité et la stabilité politique ; la « solution politique en Syrie » se fera comme suit :

Première étape

1. Les États concernés, régionaux et internationaux, s’engagent à cesser de financer, armer, et héberger les combattants armés ; parallèlement à l’arrêt des opérations terroristes de ces derniers. Ceci, facilitera le retour des Syriens déplacés vers les lieux de leur résidence d’origine, dans le calme et la sécurité. Ce n’est qu’ensuite que nos forces armées mettront fin à leurs opérations militaires, tout en se réservant le droit de riposter au cas où la sécurité de la patrie, des citoyens, des entreprises publiques et privées, serait menacée de n’importe quelle attaque.

2. Trouver une procédure pour s’assurer que toutes les parties respectent le précédent engagement avec, en particulier, le contrôle des frontières.

3. Le gouvernement en exercice se charge d’initier directement les prises de contact avec toutes les catégories de la société syrienne, les partis, et les organisations pour

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permettre les échanges et préparer à une « Conférence de dialogue national », à laquelle participeront toutes les forces extérieures et intérieures, désireuses de trouver une solution en Syrie.

Deuxième étape

1. Le gouvernement en exercice invite à tenir une conférence de dialogue national et global, pour décider d’une « Charte nationale » qui affirme la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, le rejet de toute ingérence dans ses Affaires, ainsi que le renoncement au terrorisme et à la violence sous toutes ses formes. C’est cette charte qui tracera l’avenir politique de la Syrie et qui dessinera le système constitutionnel et judiciaire, les caractéristiques politiques et économiques, et les projets de lois issus du consensus, concernant les partis, les élections, l’administration locale etc.

2. La charte devra être soumise à référendum national.

3. Elle sera suivie de la formation d’un gouvernement élargi à toutes les composantes de la société syrienne, chargé de la mise en œuvre des dispositions de la « Charte nationale ».

4. Organisation d’un référendum sur la Constitution. Après son adoption, le gouvernement élargi adoptera les lois consensuelles issues de la « Conférence du dialogue national » conformément à la nouvelle constitution, dont celles portant sur loi électorale qui permettra de tenir de nouvelles élections législatives. Ceci dit, tout ce qui concerne la Constitution et les lois pourrait être précédé du conditionnel « si », autrement dit en cas d’accord lors de la « Conférence du dialogue national », une conférence permettra de débattre des nouvelles lois ou de la nouvelle constitution ; le gouvernement travaillant à sa visibilité.

Troisième étape

1. Formation d’un nouveau gouvernement conformément à la Constitution adoptée selon les modalités précédentes.

2. Tenue d’une « Conférence de Réconciliation Nationale », et déclaration d’une amnistie générale pour ceux qui ont été emprisonnés en raison des événements, avec maintien de leurs Droits civils.

3. Travaux préparatoires pour la réhabilitation des infrastructures, la reconstruction, et l’indemnisation des citoyens pour les dommages subis du fait des événements.

Concernant l’amnistie générale, elle se fera en effet avec la conservation des droits civils, car l’État a le droit d’accorder la grâce dans le domaine du Droit public, alors qu’il ne dispose pas de cette possibilité dans le domaine du Droit des personnes… Je pense que lorsque nous serons arrivés à ce stade, il faudra que le pardon soit l’affaire de tous, non seulement par amnistie de l’État. Ce n’est qu’alors que nous parviendrons pratiquement à la « Réconciliation nationale », tout un chacun ayant pardonné à tous !

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Telles sont les principales caractéristiques de la solution politique telle que nous la concevons. Il s’agit de têtes de chapitres qu’il faudra étayer et approfondir. Le gouvernement aura à gérer cette « vision » et à en rédiger les détails, sous forme d’une « initiative » qu’il présentera dans quelques jours. Par la suite, les choses devraient suivre leur cours selon les étapes précédemment mentionnées.

Maintenant, remettons chaque sujet dans son contexte, car nous vivons à l’ère de la falsification et des interprétations erronées. Nous n’avons pas falsifié. Mais étant donné que telle est la tendance générale du moment, tâchons d’éviter les quiproquos :

1. Concernant notre vision de la solution, certains pourraient s’inquiéter en la considérant comme un recul du point de vue sécuritaire. Je vous rassure tous. La lutte contre le terrorisme ne s’arrêtera pas tant qu’il restera un seul terroriste en Syrie. Ce que nous avons commencé, nous continuerons à le faire, et cette initiative n’impliquera aucune complaisance dans notre lutte contre le terrorisme. Au contraire, plus nous progresserons dans notre lutte, plus les chances de succès de notre vision augmenteront.

2. La vision, ou l’initiative - quel que soit le nom qu’on lui donnera - s’adresse à tous ceux qui veulent le dialogue et une solution politique, dans un proche avenir, en Syrie. Elle ne s’adresse pas à ceux qui les refusent. Sachant que, dès aujourd’hui, nous allons entendre beaucoup de commentaires exprimant son rejet de la part de ceux que vous commencez à bien connaître. D’avance, et pour qu’ils ne perdent pas leur temps, nous leur disons : pourquoi refusez-vous quelque chose qui, fondamentalement, ne vous est pas adressé ?

3. Toute initiative qui pourrait venir d’une autre partie, personnalité, ou État devra se fonder sur la « vision syrienne » ; ce qui signifie qu’il n’y a aucune initiative qui puisse remplacer ce que nous préconisons comme solution en Syrie. Plus clairement encore : n’importe quelle autre initiative pourra éventuellement aider les Syriens en ce qu’ils ont eux-mêmes décidé, mais en aucune façon elle ne pourra la remplacer. Maintenant que le gouvernement syrien a exposé ses idées, toute initiative étrangère devra se fonder sur ces mêmes idées à partir du moment où elle pourrait aider à les concrétiser. Il est donc inutile que nous perdions notre temps et celui des autres par des initiatives éloignées de ce contexte.

En même temps, si nous nous demandions comment les initiatives étrangères pourraient-elles nous aider ? Nous dirions que ce serait sur deux axes : l’axe de l’action politique, et l’axe de la lutte contre le terrorisme. Pour le premier, nous n’avons pas besoin d’aide. Nous Syriens, sommes capables d’intégrer une opération politique. En pratique, celui qui voudrait sérieusement, efficacement, et honnêtement aider la Syrie, devrait se concentrer sur les moyens susceptibles d’arrêter le trafic de combattants armés et d’argent à travers ses frontières. Ceci est un message à tous ceux qui travaillent de l’extérieur, pour qu’ils sachent sur quoi réfléchir. Nous ne souhaitons pas qu’on vienne en Syrie pour nous dire comment mener notre opération politique… Un pays millénaire sait gérer ses affaires.

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4. Si nous acceptons des initiatives étrangères, cela ne signifie absolument pas que nous acceptons une interprétation incompatible avec notre vision. Nous n’acceptons aucune interprétation qui ne sert les intérêts syriens. Ce qui m’amène à parler de « l’Initiative de Genève » approuvée mais comportant un article obscur, celui relatif au « gouvernement de transition ». Cet article n’est évidemment pas clair pour la simple raison que lorsque nous parlons de transition, il faudrait savoir répondre à la question : transiter d’où vers où ? Transiter de quoi vers quoi ? Serait-ce par exemple : Transiter d’un pays indépendant vers un pays occupé ? Ou alors, transiter d’un pays doté d’un État vers un pays sans État, où règne le chaos ? Finalement, devrions- nous nous passer de notre pouvoir de décider, pour le confier aux bons soins des étrangers ?

Bien sûr, nos adversaires voudraient voir ces trois dernières transitions réunies. Pour nous, les conditions actuelles font qu’un tel flou nous ferait transiter de la stabilité vers l’instabilité. Toute autre interprétation ne nous concerne pas. Ceci dit, dans les conditions normales, une transition suppose d’aller du moins bien vers le mieux et se fait dans le cadre de la Constitution… C’est ce que nous faisons et en ce qui nous concerne, nos idées sont notre « période transitionnelle » à nous !

5. À chaque fois que nous avons accepté une initiative, nous avons considéré qu’elle respectait la souveraineté et la décision du peuple car, effectivement, toutes celles avec lesquelles nous avons eu à faire contenaient ces deux principes en préambule. Ainsi, les points sur lesquelles s’accorde l’intérieur ou l’extérieur doivent être de la décision du peuple syrien. Même la « Charte nationale » issue de la « Conférence du dialogue national » ne passera pas sans référendum. Il devrait y avoir consultation référendaire pour tous les problèmes, surtout en ces circonstances difficiles. Nous l’avons dit à tous ceux que nous avons rencontrés. Toute idée ou sujet qui nous vient de l’intérieur ou de l’extérieur doit être soumise à référendum, et non seulement approuvée par le président, le gouvernement, le dialogue, ou autres. Cela nous garantirait de n’agir qu’avec l’approbation du peuple et dans l’intérêt de la patrie. Si nous tenons compte de ce principe clair et simple à la fois, alors tous ceux qui vont et viennent en Syrie sauront que la Syrie accepte le conseil et refuse le diktat, accepte l’aide et refuse la tyrannie.

Par conséquent, tout ce que vous avez entendu ou entendrez comme idées, opinions, initiatives et déclarations par des médias ou des responsables, ne nous intéresse pas tant qu’ils continueront à user de leur « terminologie printanière », d’ailleurs comparable à des bulles de savon qui finissent par éclater… Toutes les explications sur n’importe quel sujet qui ne tiennent pas compte de la souveraineté de la Syrie, restent du domaine des chimères. Ils peuvent toujours rêver et déambuler dans leur monde imaginaire, mais ils ne peuvent nous amener à vivre dans leur monde. Nous ne prendrons aucune initiative, nous ne déciderons d’aucune action, qui ne seraient fondées sur la réalité syrienne et la volonté du peuple.

Mes sœurs et mes frères, la patrie est indépassable, la Syrie est indépassable, c’est par l’initiative que nous la fortifions, c’est pour chaque grain de sa terre que nous la

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défendons. Le Syrien respire la tolérance et l’indulgence, mais la dignité nationale coule dans ses veines, si bien que la grande majorité des Syriens se sont dressés contre le terrorisme. Il y a ceux qui ont travaillé à fournir de précieux renseignements aux autorités compétentes, leur permettant de contrecarrer des opérations terroristes prévues contre les citoyens… Il y a ceux qui ont refusé de les accueillir et qui leur ont tenu tête, au risque de leur vie… Il y a ceux qui se sont battus au coude à coude avec nos forces armées pour défendre les villes, les quartiers et les infrastructures. Les exemples sont pléthores… Celui qui me vient à l’esprit s’est passé à l’extrême nord syrien dans le gouvernorat d’Hassaké et à Ras el-Ein plus précisément. Les jeunes de ce petit village l’ont défendu pendant plusieurs jours contre les attaques répétées de terroristes venus par la frontière turque toute proche, avant de finir par les vaincre. Je les salue. D’autres se sont impliqués dans des initiatives de réconciliation au niveau local et national, coupant ainsi la route aux terroristes et empêchant l’escalade des violences par le dialogue et l’esprit de solidarité.

Ces citoyens ont témoigné d’une conscience profonde, à savoir que la sécurité souhaitée ne passe ni pas par la neutralité et l’attentisme, ni par la fuite en avant, ni par la soumission servile devant l’étranger. Lorsque notre patrie va mal, nous tous allons mal. La patrie n’appartient pas seulement à ceux qui l’habitent, mais à ceux qui la défendent. La patrie n’appartient pas à ceux qui ont grandi sous son ombre et profité de ses bienfaits pour disparaitre quand elle appelle. La patrie appartient à tous ceux qui ont répondu à son appel… même à ceux qui ont failli dans de nombreuses circonstances, mais qui se sont ressaisis quand elle a été durement frappée et, quelle que soit leur appartenance, se sont levés avec tous les autres disant : le moment de l’offrande est arrivé. Ils ont alors donné sans compter.

Certains sont tombés sur le champ d’honneur. C’est leur sang qui a démasqué le « faux printemps » et sauvé le peuple des « supercheries » destinées, dès le début des événements, à le frapper du pire. C’est leur sang qui a vaincu ce que l’Occident a faussement qualifié de printemps, mais qui a brûlé de son feu haineux et aveugle tout ce qu’il a pu atteindre par son sectarisme odieux et sa volonté d’une partition détestable. Ce ne fut que le printemps de ceux qui l’ont planifié et ont tenté de l’exécuter. Mais le voilà qui échoue, et que c’est justement le sang de ses martyrs qui a protégé et qui continuera de protéger la patrie et la région. C’est ce sang versé qui préservera l’intégrité de notre territoire, consacrera notre union dans la diversité, purifiera nos sociétés de la traitrise et de la trahison, et empêchera la décadence morale et humaine de notre civilisation pour les siècles et les générations futures. Telle est la plus importante et la plus puissante des victoires de la patrie, laquelle n’oubliera pas ceux qui se sont sacrifiés pour sa victoire. C’est parce que la patrie est un droit qu’elle restituera à chacun ce qui lui revient de droit.

Je rends hommage aux hommes les plus méritants des amis du droit, les hommes de l’Armée arabe syrienne. J’adresse mes salutations à nos courageux officiers et soldats qui par la sueur et le sang donnent sans compter pour la Syrie, priorité de toutes leurs

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priorités. J’adresse mes salutations à nos forces armées qui combattent la plus féroce des guerres, déterminées à éradiquer jusqu’au dernier des terroristes pour rétablir la paix et la sécurité à toute la patrie et à tous ces citoyens. Mais, nos forces armées qui se sont illustrées par leur ténacité, leur cohésion et leur patriotisme ne sont que le reflet de la ténacité et de l’unité de notre peuple ; elles ont veillé pour conserver sa sécurité et sa dignité ; il les a soutenu tout autant. Alors, gloire à chaque soldat tombé pour défendre le sol de la patrie, et gloire à chaque soldat qui reprendra les armes d’un soldat tombé pour accomplir ce qu’il n’a pu terminer.

Et, sincères salutations à chaque citoyen qui, à sa manière et selon ses moyens, a fait son devoir en soutenant nos forces armées. Ceux-là sont la fierté et la dignité de la Syrie. L’Histoire retiendra leurs noms en lettres de lumière et de feu, car ce sont eux qui l’écrivent avec leur sang et leur courage. Ils sont et resteront les équivalents de notre Armée et les Défenseurs de notre patrie, au côté des « Houmatal’dyari ».

Mes sœurs et mes frères… je sais comme vous savez que ce que le pays traverse est difficile et douloureux. Je partage les sentiments d’une majorité du peuple syrien confronté à la perte d’êtres chers, car la haine a touché tout le monde et les cercueils des martyrs innocents ont endeuillé de nombreux foyers, dont le mien, parce que je fais partie de ce peuple et que j’en ferai toujours partie ; les postes étant éphémères, mais la patrie éternelle ! Quant aux larmes des mères affligées par la perte de leurs enfants innocents, elles se verseront pour la paix de leurs âmes immortelles, mais se déverseront en une véritable damnation sur les criminels assassins qui ont volé le sourire de nos enfants, avant de tenter de voler leur avenir dans un pays fort, paisible et stable.

La Syrie restera telle vous l’avez connue et, si Dieu le veut, elle reviendra plus forte qu’elle ne l’a jamais été. Il ne faut donc pas renoncer à nos principes. Ceux qui ont parié sur l’affaiblissement de la Syrie pour qu’elle oublie son Golan et ses territoires occupés sont dans l’illusion. Car le Golan est à nous, et la cause palestinienne est et restera la nôtre ; cette Palestine pour laquelle nous avons donné le meilleur de nous- mêmes… du sang et des martyrs !

Nous continuerons à soutenir la Résistance contre la coalition de ses ennemis. Car, la résistance est « la voie », non les individus. La résistance est état d’esprit et pratique, non concessions et opportunisme. Et le peuple et l’Etat qui, pendant des décennies, ont assumé la lourde charge de leur soutien à la juste cause du peuple palestinien, en dépit de toute sorte de défis, de pressions, de menaces, et du prix élevé payé par chaque citoyen syrien, ne peuvent modifier leur position à l’égard de leurs frères palestiniens, et pour quelles que raisons que ce soient !

Ainsi, la tentative poussant à compromettre les Palestiniens dans les événements syriens n’a qu’un seul but, celui de ne plus orienter la boussole vers le véritable ennemi. Toutes ces tentatives sont vouées à l’échec avant même de commencer. Le Palestinien en Syrie fait son devoir envers sa seconde patrie comme tout Syrien. Et nous, État et peuple syriens, assumons la responsabilité de faire notre devoir à l’égard des Palestiniens,

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comme nous le ferions pour tout Syrien. Je rends hommage à tous les nobles palestiniens qui ont respecté notre pacte, ont pris acte de nos prises de position avec toute la compréhension nécessaire, ont fraternisé avec leurs frères syriens par le sang et le destin sans jamais considérer la Syrie comme un hôtel de loisirs qu’on quitterait au gré des circonstances !

Mes sœurs et mes frères, malgré tout ce qui a été planifié contre la Syrie et tout ce que nous avons subi de la part des proches avant les moins proches, ils ne réussiront pas à modifier ce qui nous habite de fort, de solide et d’inébranlable lorsqu’il s’agit du patriotisme qui coule dans nos veines… lorsqu’il s’agit de la Syrie, plus précieuse que tout le reste. La résistance, dont vous avez fait preuve depuis près de deux années face à tout ce qui nous est arrivé, dit au Monde que la Syrie est réfractaire à l’effondrement, que son peuple est récalcitrant à la soumission et à l’humiliation, et que la résistance et la relève du défi sont ancrées dans le corps syrien. Nous en héritons génération après génération. Nous avons toujours été ainsi et le resterons. Main dans la main, et en dépit de nos blessures, nous emmènerons et marcherons avec la Syrie vers un meilleur et plus bel avenir… Nous emmènerons et marcherons avec la Syrie… Nous irons de l’avant sans nous laisser intimider par leurs armements, ni nous laisser terroriser par leur haine, parce que nous sommes du côté du juste et que Dieu est toujours et à jamais avec la Justice !

Je vous remercie. Dr Bachar al-Assad Président de la République arabe syrienne 06/01/2013

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CONFÉRENCE DE PRESSE DE M. BASHAR JA’AFARI, REPRÉSENTANT PERMANENT

DE LA RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE AUPRÈS DES NATIONS UNIES

La Syrie est déterminée à ce qu’une enquête crédible, impartiale et indépendante soit menée prioritairement sur les incidents et l’utilisation d’armes chimiques, dans la localité de Khan al-Assal, à Alep, le 19 mars dernier, a affirmé, ce matin, son Représentant permanent auprès de l’ONU, M. Bashar Ja’afari, au cours d’une conférence de presse, au Siège de l’Organisation, à New York.

Pour M. Ja’afari, il faut enquêter, en premier lieu, sur les incidents de Khan al-Assal, et ensuite « si le Gouvernement syrien, le Secrétaire général de l’ONU et les membres du Conseil de sécurité estiment que d’autres allégations sont crédibles, la Syrie pourrait examiner la possibilité de demander d’autres enquêtes ».

Lundi matin, au Siège de l’ONU à New York, le Secrétaire général s’est entretenu avec M. Åke Sellström, Chef de la mission d’établissement des faits des Nations Unies sur les allégations concernant l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.

À cette occasion, M. Ban avait prévenu qu’une enquête crédible et approfondie exigerait le plein accès aux sites où les armes chimiques auraient été utilisées. Il avait exhorté les autorités syriennes à faire en sorte que l’enquête se déroule sans retard et sans condition.

Aujourd’hui, le représentant syrien a avoué que son gouvernement avait « un problème de confiance » vis-à-vis de ceux qui lancent des allégations sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, car « ce sont les mêmes pays qui favorisent l’expansion de groupes terroristes, en Syrie, et qui fournissent des armes aux groupes armés ».

« Les informations dont disposeraient la France, le Royaume-Uni ou le Qatar n’ont été transmises ni au Secrétariat, ni aux membres du Conseil de sécurité et encore moins à la Syrie », a fait remarquer le représentant.

« Ces pays demandent une enquête sans mentionner les dates précises ou les lieux exacts des incidents. » Ils ont attendu plusieurs mois avant de faire part de leurs informations, tandis que « la Syrie a demandé l’aide et une enquête rapide de l’ONU à

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peine 18 heures après les crimes commis à Khan al-Assal ».

M. Ja’afari est revenu sur les « très laides manipulations » qui ont eu lieu dans le dossier des armes chimiques en Iraq. « Les enquêtes ont coûté très cher aux Iraquiens et ont monopolisé les ressources des Nations Unies pendant plusieurs années pour qu’après 18 années d’enquête, rien ne soit trouvé et que cette issue tragique soit enfouie dans un dossier spécial et scellé », a-t-il souligné.

Le représentant a dénoncé les campagnes médiatiques et les « mises en scène ». Dans la localité de Saraquib, a accusé M. Ja’afari, des habitants ont été forcés d’ouvrir des sacs en plastique remplis de poudre. Après quoi, plusieurs d’entre eux ont manifesté des symptômes similaires à ceux d’une attaque chimique et ont été transportés vers des hôpitaux en Turquie, « selon un scénario écrit d’avance ».

Dans quelques jours, a prédit le représentant, vous entendrez de nouveaux arguments sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Mais aujourd’hui, le pays attend surtout de l’ONU qu’elle l’aide rapidement à enquêter sur les incidents de Khan al-Assal. « Quarante jours se sont écoulés depuis notre demande et nous attendons toujours une réponse rapide et favorable », a insisté le représentant syrien.

Il a fait état d’un échange de lettres et d’un entretien entre sa délégation et la Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Angela Kane, au début du mois d’avril. La Syrie, a-t-il dit, « avait reçu un engagement clair de la part du Secrétaire général, selon lequel ces faits feraient, en priorité, l’objet d’une enquête ».

M. Ja’afari a affirmé que la Syrie a déjà répondu à des questions techniques sur les incidents de Khan al-Assal et que son gouvernement a fourni les images, les témoignages, les rapports des médecins qui ont traité les victimes ou encore les échantillons sanguins demandés. « Il s’agit, là, d’un signe crédible et sérieux de l’engagement de mon gouvernement à enquêter et à déterminer ce qui s’est produit », a-t-il dit.

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