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11° ANNÉE N° 53. MAI 1919. ______________________________________________________________ ____ BULLETIN DE L'INSTITUT DES PETITS FRÈRES DE MARIE Nos chers Lecteurs, Avec ce numéro commencent le VIII volume du Bulletin et la seconde décade de son existence. Nous ne voudrions pas le laisser partir, sans vous donner quelques explications nécessaires au sujet de la situation où nous ont mis, depuis deux ans surtout, la pénurie du papier et la crise de la main d'œuvre. Pour ers deux causes réunies, nos livraisons qui, au nombre de 6 par an, avaient paru très régulièrement jusque là aux époques déterminées, ont dû se réduire à trois et subir parfois dans leur apparition des retards désagréables que nous avons regrettés autant que vous, mais auxquels malheureusement nous ne pouvions rien. En outre nos gravures, jadis si nettes, si chatoyantes sur leur fond de papier couché, ont dû paraître, plus ou moins brouillées et ternes, sur papier ordinaire, où il est difficile de les bien faire venir. Et vous vous serez peut-être étonnés que, malgré cette double décadence, le prix d'abonnement soit demeuré le même nous voulons dire qu'il n'ait pas diminué; cependant hélas! en tenant compte de la réalité des choses, ce qui aurait droit plutôt de vous paraître extraordinaire, c'est qu'il n'ait pas encore augmenté. Nous devons vous dire d'abord qu'en temps ordinaire, le montant des abonnements n'est jamais arrivé à couvrir les frais, même en comptant pour rien le travail de rédaction, qui pourtant, nous pouvons vous l'assurer, n'est pas une quantité négligeable. Songez donc ce que ce doit être aujourd'hui où le prix de tous les éléments a monté dans des proportions effrayantes? Qu'il vous suffise de savoir, par exemple, que les clichés des gravures, que nous payions avant la guerre à 8 centimes le centimètre carré nous coûtent aujourd'hui 21, et que les enveloppes, qu'on avait autrefois pour 12 francs le mille se vendent aujourd'hui 108 francs. Heureusement que des temps plus normaux, sinon pour le prix des choses, du moins pour la possibilité de trouver ce dont on a besoin, semblent à l'horizon; et s'il plaît à Dieu de nous les donner, nous avons l'espérance que dans un avenir relativement prochain notre chère revue de famille pourra reprendre graduellement son train d'avant guerre et vous arriver régulièrement tous les deux mois.

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11° ANNÉE N° 53. MAI 1919.__________________________________________________________________

BULLETINDE L'INSTITUT

DES PETITS FRÈRES DE MARIE

Nos chers Lecteurs,Avec ce numéro commencent le VIII volume du Bulletin et la seconde décade de son exis-

tence. Nous ne voudrions pas le laisser partir, sans vous donner quelques explications néces-saires au sujet de la situation où nous ont mis, depuis deux ans surtout, la pénurie du papier et la crise de la main d'œuvre.

Pour ers deux causes réunies, nos livraisons qui, au nombre de 6 par an, avaient paru très régulièrement jusque là aux époques déterminées, ont dû se réduire à trois et subir parfois dans leur apparition des retards désagréables que nous avons regrettés autant que vous, mais auxquels malheureusement nous ne pouvions rien.

En outre nos gravures, jadis si nettes, si chatoyantes sur leur fond de papier couché, ont dû paraître, plus ou moins brouillées et ternes, sur papier ordinaire, où il est difficile de les bien faire venir.

Et vous vous serez peut-être étonnés que, malgré cette double décadence, le prix d'abonne-ment soit demeuré le même nous voulons dire qu'il n'ait pas diminué; cependant hélas! en tenant compte de la réalité des choses, ce qui aurait droit plutôt de vous paraître extraordinaire, c'est qu'il n'ait pas encore augmenté.

Nous devons vous dire d'abord qu'en temps ordinaire, le montant des abonnements n'est ja-mais arrivé à couvrir les frais, même en comptant pour rien le travail de rédaction, qui pourtant, nous pouvons vous l'assurer, n'est pas une quantité négligeable. Songez donc ce que ce doit être aujourd'hui où le prix de tous les éléments a monté dans des proportions effrayantes? Qu'il vous suffise de savoir, par exemple, que les clichés des gravures, que nous payions avant la guerre à 8 centimes le centimètre carré nous coûtent aujourd'hui 21, et que les enveloppes, qu'on avait autre-fois pour 12 francs le mille se vendent aujourd'hui 108 francs.

Heureusement que des temps plus normaux, sinon pour le prix des choses, du moins pour la possibilité de trouver ce dont on a besoin, semblent à l'horizon; et s'il plaît à Dieu de nous les don-ner, nous avons l'espérance que dans un avenir relativement prochain notre chère revue de famille pourra reprendre graduellement son train d'avant guerre et vous arriver régulièrement tous les deux mois.

Nous sommes fermement résolus, pour notre compte, de ne rien négliger pour arriver à ce résultat désirable. Aidez-nous, de votre part, des encouragements de votre sympathie comme vous avez toujours fait jusqu'à cette heure, du secours de vos bonnes prières, et de votre collabo-ration, toujours attendue avec reconnaissance, par l'envoi de tout ce qui, dans les œuvres de l'Ins-titut, vous paraît digne d'être signalé au pieux intérêt de nos lecteurs.

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TROIS ANGELUS

L'ANGÉLUS DU MATIN.

Fraiche et claire, l'aube s'irise Dans l'azur transparent du ciel;Les bois ont une odeur exquise,La brise, une saveur de miel.Sous les rameaux blancs dé rosée,L'oiseau prélude à sa chanson Et chaque cime balancéeGémit sous son premier frisson. Les cloches tintent, se répondent, L'airain chante les Angélus;Leurs sons dans un concert se fondent; Tout s'éclaire, l'aube n'est plus... Chantez aussi, chantez, les âmes! Dans la lumière, en haut les cœurs! Bénie entre toutes les femmes, Marie a toutes les douceurs; Marie, elle aussi, c'est l'aurore Riche des promesses du jour. Marie! Oh! c'est bien plus encore, Dans la lumière, c'est l'amour.

L'ANGÉLUS DE MIDI.

Sous le ciel torride,L'horizon blanchit,La plaine se rideEt mon œil franchitL'espace qui vibreEn son flamboiement,D'où mon rêve libreMonte au firmament.Les moissons rutilent,La forêt s'endort,Les routes scintillent,Tout brille et tout dort.De chaudes haleinesTombent des hauteurs ;Les landes sont pleinesDe molles senteurs,Les lointains s'estompentEn traits imprécisEl des reflets trompentMes yeux indécis.Dans un calme immense,S'étend en tout lieuL'austère silenceOh l'on entend Dieu.Mais, voilà que tinteUn son argentin,Chant, prière ou plainte,Au fond du lointain.Un parfum de rose

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S'exhale en mon cœurEt ma lèvre closeEn sent la fraîcheur;Alors à Marie, .Je dis l’ANGELUS,Prière fleurieQu'elle aime le plus.

L'ANGÉLUS DU SOIR.

Dans l'azur profond et sans voiles Des sons montent graves et doux: Le ciel est parsemé d'étoiles ;Emu, je me mets à genoux.Dans l'espace plein de silence La cloche chante et je me sensSous les voûtes d'un temple immense, D'où tombent de divins accents. Ai-je entendu la voix des anges Dans ce chant pur et cadencé? Comme un vaste écho de louanges Soudain, dans mon cœur a passé... Dans un long frémissement d'ailes Et les parfums d'un encensoir, Vers les régions éternelles,Montent les prières du soir.

R. T. de G. (D'après la Revue Mariale)

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RELIGION et VIE SPIRITUELLE

La paix intérieure par la régularité.

De tous les biens dont la jouissance nous est accessible ici-bas, la paix intérieure est sans contredit un des plus précieux, des plus désirables. De là vient sans doute que Notre Seigneur, qui à son apparition dans ce monde l'avait fait annoncer par ses anges comme le premier fruit de son heureux avènement, ne trouve pas de meilleur souhait à faire è ses disciples, chaque fois qu'il leur apparaît après sa résurrection, que cette paix divine : Pax vobis! leur dit-il toujours en guise de sa-lut; que la paix soit avec vous! Et, avant de les quitter pour retourner à son Père c'est encore la paix qu'il leur laisse en manière d'adieu: Je vous laisse nia paix, je vous donne ma paix!

Rien d'étonnant, par conséquent, que, selon la remarque du pieux auteur de l'Imitation, tout le monde désire la paix, puisque c'est un trésor qui dépasse en valeur toutes les richesses et tous les honneurs d'ici-bas; mais ce qui a droit d'étonner beaucoup, c'est que tant de gens se mettent si peu en peine de faire ce qui, selon le même auteur, est capable de nous la donner véritablement, c'est à dire d'acquérir l'humilité de cœur, la patience dans les épreuves, et de chercher à connaître la volonté de Dieu afin d'y conformer leur conduite.

Il est vrai que les gens du monde sont souvent en cela plus ou moins excusables, parce qu’il ne leur est pas toujours facile de savoir exactement ce que Dieu veut d'eux et par suite comment ils doivent agir pour s'y rendre fidèles; mais c'est une excuse que les religieux ne sauraient vala-blement alléguer, puisque leur règle est à tout moment l'exacte expression de la volonté de Dieu sur eux, et que, pour trouver. la véritable paix avec Dieu, avec eux mêmes et avec le prochain ils n'ont qu'à y être constamment fidèles.

C'est ce que Bourdaloue expliqua un jour très lumineusement à une communauté religieuse de son temps, dans une ‘’exhortation" dont nous sommes sûrs qu'on sera content de trouver ici l'analyse de quelques passages.

☼ 1° La fidélité aux règles est la condition de la paix avec Dieu. Que sont, en effet, ces règles

qui nous sont prescrites en religion? une simple production de la sagesse des hommes ? Non, car du moment que ces hommes, pour les établir, ont été suscités de Dieu, qui en vue de cette mis-sion les a remplis de son esprit et investis d'une autorité légitime, ce n'est pas d'eux en réalité qu'elles émanent, mais de Dieu même dont ils n'ont été, en nous les donnant, que les interprètes et les ministres.

Elles sont donc à notre égard une volonté spéciale de Dieu, volonté que saint Paul appelle de bon plaisir et de perfection pour la distinguer d'une autre volonté plus absolue et qui nous im-pose une obligation plus rigoureuse ; volonté par laquelle Dieu nous sanctifie en nous marquant les voies où il veut que nous marchions ; volonté que Dieu n'a pas formée pour le commun des hommes, mais singulièrement pour nous et que nous devons par conséquent envisager comme une grâce de choix ; volonté enfin dont nous nous sommes fait un mérite d'être dépendants et dont nous avons préféré la bienheureuse servitude à tous les avantages de la liberté du siècle.

Il s'ensuit qu'en nous attachant, par un esprit de soumission et de ferveur, à les observer nous nous unissons à Dieu de la manière la plus excellente qui soit possible sur la terre à de faibles créatures comme nous. Par là, en effet, nous conformons les moindres actions de notre vie à cette volonté parfaite qui est en Dieu, parce que nous nous faisons à chaque moment une loi de ce qui lui plaît, qu'à chaque moment nous rectifions nos sentiments et nos désirs par cette loi, que nous agissons en toutes choses selon son cœur et que nous ne disposons pas autrement que se-lon son gré de notre temps et de nos personnes.

Or, c'est précisément en cela que consiste la paix que nous sommes capables d'entretenir avec lui et dont nous jouissons tranquillement tant que nous nous tenons ainsi dans le devoir et dans une constante régularité.

Mais, par un effet contraire, quand nous désobéissons à notre règle, nous nous séparons en quelque sorte de Dieu, nous nous affranchissons de cette sujétion tout aimable qui nous attache à lui; nous ne voulons plus que ce soit sa loi qui nous gouverne, nous prétendons n'obéir qu'à noire amour propre. Par notre conduite sinon par nos paroles, nous semblons lui dire: Seigneur, cette volonté, sous laquelle vous voulez que je me captive, est trop gênante pour moi, elle contredit mes inclinations en trop de rencontres : je préfère renoncer aux biens inestimables qu'elle pourrait me

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procurer que de me réduire à un pareil esclavage ; au lieu de suivre la route qu'elle me trace, je vais par celle où m'invitent mes penchants déréglés ; au lieu de garder le silence qu'elle me pres-crit, je préfère parler ; au lieu d'aller à la prière où elle m'appelle, je préfère aller au travail; au lieu de l'action où elle m'engage, je préfère le repos. Par un juste retour Dieu nous retire ses grâces, ses consolations. Si dans notre amertume, nous osons lui dire comme le Psalmiste : Pourquoi, Seigneur, m'avez-vous abandonné? il nous répond dans le secret de l'âme: Pourquoi, à force de vous émanciper des lois communes vous faites-vous une conduite particulière qui renverse toutes mes vues sur vous? Pourquoi, par le dérèglement de vie dont vous vous faites une habitude tom-bez-vous dans ce malheur de vouloir presque toujours ce que je ne veux pas et de ne vouloir presque jamais ce que je veux? Or, dans cette contrariété qui se trouve entre Dieu et nous, le moyen que la paix existe? .

2° La fidélité à nos règles est la condition de la paix avec nous-mêmes. Comment pourrait-on être bien avec soi-même et jouir de la paix intérieure tandis qu'on entretient au dedans de soi deux ennemis qui se combattent sans cesse et se . livrent les plus rudes assauts ? Or c'est là précisé-ment l'état d'une âme qui ne vit pas selon sa profession et qui veut s'affranchir des observances régulières. Saint Bernard, entraîné malgré lui et pour le bien de l'Eglise dans le torrent des affaires du siècle, disait en gémissant: ‘’Hélas! quelle vie est la mienne ? J'aurais peine à le dire moi-même et à me définir. Je ne suis ni du monde ni de la religion. J'étais appelé de Dieu à la solitude et il n'y a point d'homme plus dissipé que moi. J'ai fait vœu de vivre dans le cloître et ma vie se passe au dehors dans les voyages, dans les cours des princes, dans les assemblées publiques. Mon emploi devrait être de contempler les choses du ciel et je me trouve chargé de toutes les affaires du monde. Je ne suis ni moine ni séculier, mais un misérable composé de l'un et de l'autre, une sorte de chimère, un monstre".

C'était par humilité que le saint abbé de Clairvaux parlait ainsi de lui-même. Mais nous, n'est-ce pas, en toute vérité, le langage qu'à notre confusion nous devrions tenir sur notre compte, lorsque nous négligeons nos règles et que nous en abandonnons la pratique ? Car, qu'est-ce au fond qu'une personne religieuse sans régularité ? N'est-ce pas un fantôme, une chimère ? Elle est du corps de la religion et elle n'en est pas. Elle n'est pas du monde, et elle en est. Elle n'est pas du monde, puisque son état l'en sépare ; et elle en est pourtant puisqu'elle a l'esprit du monde, qui est de vivre sans règle. Elle est du corps de la religion puisqu'elle a les engagements de la religion ; et pourtant elle lui est étrangère, puisqu'elle n'a pas l'esprit de la religion. Elle est tout à la fois de l'un et de l'autre, car elle a quelque chose de l'un et de l'autre ; et elle n'est tout à la fois ni l'un ni l'autre, puisqu'elle ne peut pas être l'un et ne veut pas être l'autre.

Or, dans cette contradiction, il est impossible qu'elle ait la paix, parce que de là doivent naître nécessairement en elle des affections, des désirs, des sentiments tout opposés et que cette diversité de désirs, de sentiments et d'affections ne peut manquer d'exciter dans son cœur une guerre perpétuelle.

Nous savons ce qui faisait gémir saint Paul : Malheureux que je suis, s'écriait ce grand apôtre, qui me délivrera de ce corps de mort où j'ai tous les jours de si violentes luttes à soutenir ? Je sens presque à chaque moment la chair s'élever contre l'esprit et l'esprit contre la chair, de telle sorte qu'ils ne s'accordent jamais et que j'en supporte toute la peine., Eh bien, ne sommes-nous pas clans un état encore plus fâcheux 'quand -deux esprits contrait-es et absolument incompa-tibles se trouvent ensemble au dedans de nous pour nous tourmenter : l'esprit de la règle, que nous avons reçu dès notre enfance spirituelle, c'est-à-dire dès notre entrée dans la maison de Dieu, et l'esprit de liberté, sinon de licence, qui dans la suite a repris sur nous son empire et s'est emparé de notre cœur ; l'esprit de la règle qui nous inspire la soumission. et l'esprit de liberté qui nous porte à l'indépendance ; l'esprit de la règle, qui nous captive et par là nous devient insuppor-table; et l'esprit de liberté qui nous flatte et par là même nous corrompt ?

C'est bien alors que nous pouvons nous écrier avec un tout autre sujet que le Docteur des nations: " Jusques à quand, Seigneur, serai-je clans le trouble et en de si cruelles agitations? Je ne suis plus d'accord avec moi-même ; je suis combattu par mes propres sentiments ; je condamne ce que j'aime, j'aime ce que je condamne... et tant que je demeure ainsi partagé, com-ment pourrais-je m'établir dans une situation tranquille et avoir la paix?’‘

3° L'observance régulière est la condition de la paix avec le prochain. Le prochain, dans la vie religieuse, ce sont toutes les personnes avec qui nous sommes en rapport, mais particulière-ment nos frères qui vivent avec nous sous le même habit, et nos supérieurs, que Dieu a revêtus de son autorité pour nous conduire; or, sans une fidélité parfaite et une sainte soumission aux règles,

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on ne peut espérer avec fondement de conserver la-paix avec les uns ni avec les autres et il doit arriver presque nécessairement que si la règle est négligée la paix et l'union. seront altérées.

Et tout d'abord n'y a-t-il pas une sorte de contradiction, d'incompatibilité morale, entre violer la règle et être en paix avec les supérieurs? Car enfin qu'est-ce qu'un supérieur dans une commu-nauté religieuse? C'est le protecteur et le tuteur de la règle, qui par une obligation propre et spé-ciale doit la soutenir, la défendre et au besoin la venger. Il doit la soutenir, la. défendre, et contre qui? Contre ceux qui voudraient l'attaquer et la transgresser. Il doit la venger, et de quoi? De ces transgressions et des transgresseurs. C'est pour cela que Dieu l'a établi. Si donc je ne la garde pas, et surtout si je m'obstine à ne pas la garder, il est obligé par devoir de s'élever contre moi, il doit s'opposer à l'injuste possession où je voudrais m'établir de l'enfreindre impunément. Il doit nie déclarer une sorte de guerre, il doit, m'avertir, me reprendre, user au besoin d'une salutaire correc-tion. C'est à quoi l'engage indispensablement son ministère, et s'il manquait là-dessus de fermeté, il serait encore plus coupable que moi, parce qu'il nuirait plus à la règle par sa molle condescen-dance que je ne puis lui nuire par ma désobéissance.

En m'écartant de la règle, je mets donc comme nécessairement la division entre. lui et moi. S'il me souffre dans mon. irrégularité et qu'il la tolère, le voilà prévaricateur ; s'il agit et . qu'il veuille me réduire, le voilà mon adversaire et ma partie ; et, comme il doit toujours préférer la règle, qui est l'ordre de Dieu, à toutes mes volontés et à tous mes caprices, il se trouve obligé en mille occa-sions de me contrarier, de me traverser, au-risque de m'indisposer contre lui et de me voir moins attaché à sa personne. C'est ce que saint Bernard- témoigne d'avoir éprouvé lui-même dans le gouvernement de ses religieux et ce qui lui faisait déplorer la condition des supérieurs..

Evidemment ce n'est pas ce que demanderait la justice: elle voudrait bien plutôt que l'exacti-tude et la fermeté des supérieurs à maintenir la règle dans toute sa vigueur leur fût. un titre à notre reconnaissance et à notre plus grande affection ; mais les passions et la faiblesse humaine sont là, et trop souvent elles nous font prendre les choses à contresens: au lieu d'approuver et d'aimer cette fermeté, cette exactitude à nous reprendre et à. nous corriger, comme un moyen de sanctification pour. nous, nous traitons le zèle dont elle procède de caprice, de prévention, d'im-prudence, d'excès. De là des plaintes, de fausses idées, de malignes interprétations, causes de dépit, d'animosité et peut-être de coupables rancunes. Autrefois nous agissions simplement avec ce supérieur, nous lui marquions de la confiance ; maintenant nous n'avons pour lui qu'indifférence et froideur; autrefois nous nous comportions avec lui comme avec un père; maintenant nous ne l'envisageons plus que comme un censeur incommode, nous nous retirons de lui nous nous en dé-fions et si nous gardons quelques mesures pour ne pas l'offenser ouvertement, ce ne sont souvent que des dehors affectés et de trompeuses apparences. Lui, témoin de notre conduite, ne peut se confier en nous et c'est de part et d'autre une mutuelle défiance qui exclut entre lui et nous toute possibilité d'intelligence et de concorde.

D'ailleurs, en dehors de l'observation des règles, il n'est guère plus possible de faire subsis-ter l'union et la concorde entre les membres particuliers qui composent une communauté qu'entre les supérieurs et les inférieurs, Pour lier les hommes ensemble, dit saint Bernard, il n'est rien de plus efficace et de plus puissant que la pratique d'une même règle. De là vient qu'on peut voir, dans l'état religieux; tant de personnes qui ne s'étaient point connues s'affectionner comme des frères ou des sœurs et contracter une alliance spirituelle plus forte que toutes les alliances de la nature, par cela seul qu'elles sont engagées au même genre de vie, aux mêmes exercices, qu'elles combattent sous le Même étendard et qu'elles ont les mêmes intérêts, et que sous une même règle, c'est le même esprit qui les dirige et qui les conduit.

Mais que ce lien vienne â être rompu par l'infraction de la règle, et, comme les contraires produisent naturellement des conséquences contraires, ce qui s'ensuit infailliblement c'est que les cœurs se divisent et que le trouble bannit la tranquillité.

Supposons une communauté où la règle se soit maintenue dans toute sa force et dans toute son intégrité. 11 y a tout à. présumer que ce sera une Jérusalem, un jardin de délice, un paradis sur la terre; mais si par malheur il en était autrement s'il n'y avait ni ordre, ni règle, il y a tout à craindre qu'elle nt soit bientôt, si elle ne l’est déjà, une Babylone, un lieu de confusion et en quelque sorte un enfer.

Car ce que St. Chrysostome remarque de l'homme en général peut bien être appliqué ici en particulier. Rien de plus sociable que l'homme, dit ce saint docteur, quand il use de sa raison; niais dès qu'il l'oublie; rien de plus opposé à la paix ni de plus sujet aux dissensions et aux discordes.

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Il en est de même des personnes religieuses, et nous ne devons pas craindre de le recon-naître pour notre instruction. Point de liaison plus étroite ni plus constante que celle qui les attache les unes aux autres tant qu'elles persévèrent dans la .règle ; mais dès qu'elles viennent à en sortir, rien de plus irréconciliable, de plus opiniâtre et de plus scandaleux que les factions qui se forment entre elles et que produit la diversité des partis1.

☼Voulons-nous donc avoir pour nous-mêmes et voir régner dans nos communautés la paix du

Seigneur, cette paix que le Divin Maître souhaita si souvent à ses disciples et qu'il leur laissa, en montant au ciel, comme le plus précieux héritage ; cette paix que l'Esprit d'amour infusa si abon-damment aux premiers chrétiens et qui ne fit d'eux qu'un cœur et qu'une âme? Aimons, estimons, maintenons la règle; gardons, préservons, cultivons avec amour parmi nous l'esprit de régularité, comme nous le recommande le Révérend Frère Supérieur avec tant d'instance et d'à propos dans sa dernière Circulaire. Ce n'est qu'à son ombre bienfaisante que peut croître, fleurir et fructifier cette plante précieuse de la paix, condition si importante de notre bonheur en ce monde, en atten-dant qu'elle soit dans l'autre un élément essentiel de notre éternelle félicité.

F. S.

Quelques mots sur le Sacré Cœur.

Lorsque ce numéro de notre revue de famille parviendra à la plupart d'entre vous, chers lec-teurs du Bulletin, ce sera vraisemblablement le mois du Sacré Cœur, et vous auriez droit de vous étonner si vous n'y trouviez pas au moins quelques lignes qui vous le rappellent. Permettez donc que, pour répondre à l'invitation de sa Rédaction, qui me l'a demandé, je vienne vous dire en quelques mots, en comptant sur la grâce de l'Esprit Saint pour suppléer à ce qu'il y aura d'insuffi-sant dans mes paroles, combien ce divin cœur nous aime, combien il est digne de notre amour et comment nous devons l'aimer.

Le Cœur de Jésus est tout amour et cet amour n'a jamais été inactif. Du sein de l'Immaculée Vierge Marie jusqu'à son dernier soupir sur la Croix, y a-t-il eu un seul acte de sa vie, une seule de ses pensées, une seule de ses paroles qui n'aient été inspirés par l'amour? S'il accepte la pauvre-té avec toutes ses rigueurs; s'il se soumet à la loi du travail, et d'un travail si rude et si obscur ; s'il veut être humilié plus que personne ne le sera jamais; s'il abandonne son âme à. une tristesse mortelle, et endure à Gethsémani une agonie si cruelle et si longue; s'il livre son corps aux plus atroces souffrances, et subit une mort si affreuse et si infamante, comme s'il eût été le dernier des scélérats et. le plus grand criminel, n'est-ce pas l'excès -de son amour pour nous qui l'y pousse!

N'est-ce pas ce même amour qui, sur la Croix, le porte à prier pour ses meurtriers ; à pro-mettre le Paradis au larron repentant ; à exprimer la soif qui le dévore de notre salut; à nous don-ner à tous sa Mère pour Mère ?

S'il se fait victime perpétuelle sur l'Autel ; s'il institue un Sacrement mémorial admirable de toutes les sublimes inventions de sa miséricorde, de sa tendresse et de sa bonté, n'est-ce pas à l'inspiration du plus ardent et plus généreux amour que ce divin Cœur obéit?

S'il institue un Sacrement où son sang adorable nous purifie et nous rend la grâce sancti-fiante perdue par le péché, n'est-ce pas encore à son incomparable et vraiment divin amour que cède ce Cœur où les plus grands pécheurs mêmes trouvent la source et l'océan infini de la miséri-corde ?

Oh ! qu'il dit vrai, Jésus-Christ, quand, à Paray le Monial, présentant son Cœur tout embrasé à la Bienheureuse Marguerite Marie, et par Elle à nous tous, il lui fit entendre ces touchantes pa-roles, répétées depuis, par tous les échos du ciel et de la terre:

« Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser, pour leur témoigner son amour… »

Le plus grand malheur qui pût nous arriver en ce monde, serait d'être insensibles à cet excès d'amour du Cœur de Jésus pour nous. Ce serait la plus noire des ingratitudes; et, osons le dire aussi, un signe effrayant de réprobation.

Attachons-nous donc à aimer Jésus-Christ, puisque tant de . Motifs nous y obligent:Il est infiniment puissant, grand, beau, aimable et seul digne d'être aimé;Il nous a aimés le premier et de toute éternité;

1 Cf. Bourdaloue, Œuvres, t. 8, p. 125.

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Il nous fait, de l'aimer, un précepte formel et absolu; Nos intérêts les plus chers, autant que la justice et la reconnaissance, l'exigent. Sans cet amour, pas de consolations ici-bas, où nous en avons tant besoin au milieu de nos peines et de nos misères.

Et, non plus, point d’entrée au ciel qui est l’empire de l’amour, et où seules sont reçues les âmes aimantes.

Gardons-nous, toutefois, de faire de cet amour une affaire de pur sentiment et de ne l'expri-mer que par de belles paroles. Rendons-le effectif, traduisons-le en actes, ainsi que N. S. lui-même l'a fait en se livrant pour nous, et en ne négligeant rien, jusqu'à s'épuiser, pour nous témoi-gner son amour. —

‘’Les preuves de l'amour, dit S. Grégoire, ce sont les œuvres’’.Exprimons donc notre amour au divin Cœur de Jésus:Par notre perpétuelle crainte et horreur du péché qui l'offense ;Par notre constante fidélité aux pratiques de la piété chrétienne et religieuse, et à nos de-

voirs d'état;Par notre application soutenue au travail, quel qu'il soit, qu'on ne craint pas quand on aime

Dieu, dit Saint Augustin ;Par notre générosité dans le sacrifice;Par notre charité pour nos frères et pour nos élèves, allant jusqu'à l'oubli de soi-même ;Par notre patience dans les épreuves et les souffrances de cette vie;Enfin, par notre entière, soumission à la volonté de Dieu: ‘’C’est avec joie que ceux qui

l'aiment, dit Godescard, acceptent tout ce qui est conforme à sa volonté et peut les unir davantage à lui’’

La pratique bien comprise de la dévotion si populaire aujourd’hui, au Sacré-Cœur de Jésus, nous vaudra cet amour; car sa fin principale d'en embraser nos âmes si elles n'en brûlent déjà ; ou de l'activer et de le rendre plus ardent, si elles ont le bonheur d'en jouir.

Mais cet amour de Jésus, s'il est sincère, ne va pas sans réparations offertes à Son divin Cœur pour les incessants outrages que lui font les hommes pécheurs, oublieux ou indifférents et moine certaines âmes qui lui sont consacrées, et aux outrages desquelles pour cela même il est infiniment plus sensible, comme il l'a dit à la B. Marguerite Marie.

Notre Seigneur lui-même réclame cette réparation ; et l'attend, surtout, des âmes fidèles qu'il s'est particulièrement choisies et qui font profession d'être à Lui. De nous donc, qu'il a spéciale-ment appelés à son service, et qu'il comble de plus de bienfaits.

Pourrions-nous nous y refuser sans ingratitude, et sans aller à l'encontre de nos plus chers intérêts!

Aimons donc Jésus d'un amour réparateur. Dans cet esprit, efforçons-nous de travailler de plus en plus à notre sanctification;. appliquons-nous le plus fidèlement possible de nos devoirs d'état: acceptons-en généreusement les peines; ne refusons à Dieu aucun des sacrifices qui nous seront demandés, et rendons-nous familières les pratiques de la dévotion au Sacré-Cœur.

Adoptons, surtout, l'apostolat de la Prière, la Communion Réparatrice, l'Heure-Sainte, la Cé-lébration pieuse du Premier Vendredi de chaque Mois, et de la Fête du Sacré Cœur.

Et, pour bénéficier de cette consolante promesse de Jésus-Christ : "Les personnes qui pro-pageront cette dévotion auront leur nom inscrit dans Mon Cœur, et il n'en sera jamais effacé’’; ef-forçons-nous, selon nos moyens, de propager cette dévotion qui doit sauver le monde.

F. Amphiloque.

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EDUCATION et ENSEIGNEMENT

L'Art d'enseigner.Des deux termes dont se compose le titre de cette section du Bulletin, voilà dix ans com-

plets, chers Lecteurs, que le premier, l’Education proprement dite, retient notre attention à peu près exclusivement sur lui seul, laissant languir dans l'ombre le second, l'Enseignement, qui a pourtant lui aussi des titres bien légitimes à votre préoccupation. Au fond, ce n'est que justice ; car, selon le proverbe, à tout seigneur tout honneur, et il est dans l'ordre que l'accessoire, quels que soient ses mérites, cède le pas au principal et attende patiemment son tour. Avouons toutefois que l'attente, dans l'occasion, a été un peu longue et qu'il est grand temps d'y mettre fin, c'est ce que nous nous proposons de faire, Dieu aidant les numéros qui vont suivre, en consacrant une série d'articles à l'enseignement considéré d’abord dans son ensemble, puis dans ses diverses spéciali-tés. Puissent-ils trouver parmi vous un accueil aussi bienveillant et un intérêt aussi sympathique l'ont fait leurs aînés !

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Dans son acception la plus ordinaire, le mot "enseignement’’ désigne l'action de communi-quer à autrui et particulièrement à la jeunesse les connaissances dont on est soi-même en posses-sion; mais là ne doit pas se borner son rôle. Il ne remplirait que la moindre part de sa tâche et res-terait gravement au-dessous de l'idée que nous devons nous en faire s'il se contentait, comme il n'arrive par malheur que trop souvent, de pourvoir la mémoire d'une somme plus ou moins grande de connaissances utilisables sans se préoccuper de donner en même temps par l'exercice aux autres facultés de l'esprit — le jugement, l'imagination, le goût, etc. ... — la capacité d'élaborer ces connaissances, de se les assimiler, de s'en nourrir, pour ainsi dire, afin d'en tirer profit pour leur formation et leur développement. Pour correspondre pleinement à ce qu'il doit être el utérine à juste titre le nom qui lui est donné, il ne doit pas être seulement instructif; il faut qu'il soit en outre éducatif, et il le devient surtout par la manière dont il est donné.

C'est pourquoi Balmés, un des esprits les plus clairvoyants, et les plus judicieux du dernier siècle, divisait les maîtres en deux grandes catégories : les maîtres médiocres, qui ne songent, dans leur enseignement, qu'à instruire leurs élèves dans les éléments de la science, et les maîtres supérieurs, qui, au-delà de ce but vulgaire, visent encore et principalement à former et développer l'intelligence de leurs disciples, pour qu'à leur. sortie de l'école ils soient à même de faire des pro-grès proportionnés à leur capacité.

"Aux premiers, ajoute-t-il, il suffit de connaître passablement. l'enchaînement de faits et de propositions dont l'ensemble forme la science; la claire explication des termes, la simple exposition des principes, la coordination méthodique de ces principes avec leurs conséquences: voilà à quoi se réduit leur idéal. Mais aux seconds, à ceux qui ne voient pas seulement dans les esprits de leurs élèves des tables rases où il ne faut que tracer quelques traits durables, mais un champ qu'il s'agit de cultiver et de féconder afin que la semence de l'instruction puisse y lever et porter des fruits, il incombe une tâche bien plus haute et plus délicate: celle de concilier la clarté avec la pro-fondeur, de trouver un terrain d'entente entre la simplicité et la complexité, de faire en sorte que l'enfant, tout en suivant un chemin facile et uni, apprenne cependant à marcher gardes chemins plus difficiles, et qu'à la vue des sentiers rudes,. étroits, escarpés qu'ont dû suivre les premiers in-venteurs, il sente naître en lui la noble ambition de les aborder à son tour si, après un loyal inven-taire de ses moyens, il se sent de force à marcher sur leurs traces2’’.

Et cette différence d'envergure et d'horizon pédagogique manque rarement de se refléter, au cours de la vie, dans la généralité des élèves sortis de leurs classes : Ceux des premiers, tout en sachant parfois une multitude de choses, font preuve le plus souvent d'un jugement étroit, d'un rai-sonnement plus ou moins dépourvu de précision et de logique, d'un goût sans distinction ni fi-nesse; ils n'ont ni promptitude à comprendre, ni clarté dans l'expression de leur pensée, ni facilité à démêler et à mettre en relief ce qu'il y a de vrai et de faux, de bon ou de mauvais, d'utile ou de désavantageux dans une question qu'on agite en leur présence ; tandis que ceux des seconds, sans avoir parfois, même à beaucoup près, une égale somme de connaissances positives, arrivent d'ordinaire, grâce au seul avantage d'une intelligence exercée, façonnée, formée, à des résultats où les autres ne sauraient atteindre. "Ce n'est rien, dit Vauvenargues d'ignorer beaucoup de

2 cf. Balmès: Et Criterio, chap. XVII, I.

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choses lorsqu'on est capable de les recevoir et qu'il ne manque que de les avoir apprises’’; et c'est précisément leur cas: ils ne sont peut-être pas très instruits, mais, ce qui vaut beaucoup mieux, ils sont capables de s'instruire. Selon la célèbre expression de Montaigne, ils ont la tête bien faite, et ils peuvent à ce prix se consoler à bon droit de ne l'avoir pas bien pleine, de n'être pas plus sa-vants pourvu qu'ils soient mieux savants.

Il n'y a d'ailleurs entre les deux aucune incompatibilité, pas plus qu'il n'y a d'impossibilité à ce que le maître qui vise surtout à rendre son enseignement éducatif puisse en même temps le rendre instructif. Pour être différentes l'une de l'autre et de valeur inégale, l'instruction et l'éduca-tion ne sont nullement des ennemies irréconciliables ; elles peuvent fort bien. marcher et agir de- concert pour la formation de l'esprit; et c'est même un des grands problèmes que tout bon ensei-gnement doit toujours s'appliquer à résoudre. Aucune des deux ne doit en réalité, être sacrifiée à l'autre ; il faut seulement que la seconde ait le rôle de fin à atteindre et que la première ne soit qu'un moyen d'y parvenir.

** *

Mais ce talent de bien enseigner, ce rare privilège de savoir rendre l'enseignement à la fois instructif et éducatif, que Balmès considère non sans raison comme la pierre de touche pour distin-guer les maîtres d'un mérite supérieur d'avec les maîtres médiocres, est-il nécessairement "infus avec la vie", comme La Fontaine le dit du talent de plaire, ou est-il susceptible d'être acquis par nos propres efforts ? En d'autres termes, est-il un .art qu'on puisse apprendre au- moyen de ré-gies, ou un don à la possession duquel on doive désespérer de parvenir si on ne l'a pas reçu en naissant ? A un certain point de vue, les deux thèses ont pu être soutenues . avec quelque fonde-ment, parce qu'il y a, en effet, une part de vérité dans chacune d'elles. Mais n'est-ce pas avouer par là même qu'elles ont aussi l'une et l'autre leur part d'erreur ou du moins d'exagération, et qu'il faut se garder de les prendre dans un sens trop absolu ?

Certes, il n'est pas niable que, dans l'art d'enseigner, les aptitudes naturelles, les dispositions infuses, ne soient un facteur important. Fût-on versé à fond dans la connaissance de la didactique et des méthodes d'enseignement, si l'on n'avait pas reçu de la nature, au moins à quelque degré, cette disposition innée qu'on appelle le sens pédagogique, on ne saurait guère espérer d'être un bon professeur ; et l'on ne peut disconvenir d'autre part qu'il puisse y avoir et qu'il y ait en réalité des hommes qui enseignent bien sans s'être jamais souciés d'apprendre les méthodes didac-tiques, comme il y en a qui raisonnent et dissertent bien sans connaître la logique ni la dialectique, ou qui chantent juste et agréablement sans avoir étudié la musique. Reconnaissons pourtant qu'ils sont l'exception, que la nature s'en montre avare et qu'il faudrait plaindre les millions d'enfants en âge scolaire, si, pour la formation de leur esprit, on ne pouvait compter que sur ces favoris du sort.

Est-il bien sûr d'ailleurs que ces privilégiés eux-mêmes puissent impunément se passer de tout apprentissage, de toute étude professionnelle, et que pour atteindre la perfection dans leur mi-nistère si difficile et si délicat, ils n'aient qu'à se fier nonchalamment à leur instinct qui leur fait exé-cuter sans tâtonnement ni erreur, au moment, voulu, ce qu'il y a de mieux à faire ? Est-il avéré qu'ils n'auraient rien à gagner, pour eux ni pour leur élèves, à une étude sérieuse des principes et des méthodes suggérées par l'observation, par la réflexion prolongée, et dont la valeur a été éprouvée par une longue expérience ? Il est permis d'en douter grandement quand on songe à l'exemple de Pestalozzi, dont les dispositions naturelles tenaient du génie et qui pourtant, dans l'enseignement pratique, n'obtint pas des succès bien supérieurs à ceux de la moyenne des institu-teurs sans doute parce que, faute d'une base solide d'instruction théorique et pratique, il tâtonna toute sa vie, cherchant sa voie sans parvenir à la trouver3.

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En tout cas, si l'on peut admettre à la rigueur que la connaissance des principes et des mé-thodes de l'art didactique soit plus ou moins facultative pour les quelques professeurs que la na-ture a doués de dispositions extraordinaires, il reste vrai du moins qu'elle est à peu près indispen-sable au grand nombre de ceux qui ne sont doués à cet égard que de dispositions ordinaires, sup-posé même qu'ils fussent très versés dans les matières qui font l'objet de leur enseignement; car il ne faut pas oublier que savoir et savoir enseigner sont deux choses très différentes. Sans pouvoir remplacer absolument le tact pédagogique, que seule peut donner la nature, elle n'en met pas moins à la disposition de quiconque a reçu ce don dans une mesure à peu près normale, un mer-3 Cf. Compayré: L'Education Intellectuelle et Morale, chap. II, I.— 23

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veilleux moyen d'en suppléer jusqu'à un certain point l'insuffisance, d'en corriger les défauts et d'en amplifier la puissance. Les instruments d'optique ne peuvent pas non plus remplacer la vue; pour ceux qui en seraient entièrement ou à peu près entièrement privés, ils seraient complètement inutiles ; mais quels précieux services ils rendent à ceux qui en sont au moins médiocrement doués! ils l'allongent chez les myopes, la raccourcissent chez les presbytes, la redressent chez les strabiques et chez ceux, qui l'ont saine, ils en amplifient la portée, dans les deux sens de l'infini -ment grand et de l'infiniment petit, jusqu'à leur permettre de distinguer des myriades de soleils bien plus grands que le nôtre là où l'œil le mieux constitué n'apercevait par ses propres moyens qu'une traînée blanchâtre sur le fond azuré du ciel, ou de voir s'agiter dans une goutte d'eau qu'ils croyaient limpide tout un monde d'êtres vivants.

C'est un peu l'image de ce que sont, pour nos dispositions naturelles, les principes et les mé-thodes de l'art didactique: ils ajoutent leur puissance à la leur, corrigent ce qu'elles peuvent avoir d'insuffisant et leur permettent de faire bien et sans peine ce qu'elles n'auraient pas pu faire sans eux. N'y aurait-il donc pas en général, une dangereuse impertinence à repousser par paresse ou par présomption leur précieux concours pour se fier uniquement â ses propres inspirations. Il est rare que tout le monde se trompe de la même manière ; et se détourner sans raison plausible des chemins battus pour se lancer aventureusement dans l'inconnu c'est trop souvent se condamner à des tâtonnements qui retardent l'arrivée au but au lieu de la hâter, si tant est qu'on ne s'épuise pas en vains efforts sans atteindre jamais la fin poursuivie.

Est-ce à dire pourtant qu’il faille porter le respect des méthodes traditionnelles à ce point de superstition qu'on n'ose s'en écarter d'un pas et à plus forte raison rompre résolument avec elles, même quand on les a reconnues défectueuses, sans commettre une sorte de sacrilège? Ce serait tomber dans une autre erreur contre laquelle il n’importe guère moins de se tenir en garde. Tout est perfectible en ce monde ; et, loin d'échapper à cette loi, les méthodes y sont sujettes au moins autant, sinon un peu plus, que tout le reste. Par conséquent, dans la pratique, chacun est non seulement libre, mais obligé en quelque manière, d'apporter à celle qu'il emploie les modifications réclamées par le caractère spécial des diverses matières qu'il enseigne, par l'âge, l'intelligence, la tournure d'esprit de ceux à qui il s'adresse, et par d'autres circonstances analogues. Les mé-thodes, en somme, ne doivent pas être considérées comme des paires de rails sur lesquels, une fois aiguillé, on n'a qu'à se laisser rouler sans souci, mais comme de simples orientations, comme des directions générales, tracées de manière à éviter les obstacles essentiels, bien que l'initiative personnelle du voyageur ait constamment à. intervenir pour prévoir, éluder ou résoudre à mesure qu'elles se présentent les difficultés de détail qui naissent des accidents de la région parcourue.

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Et parmi les deux méthodes primordiales, qui sont comme les deux grandes voies d'accès de l'esprit vers la vérité, quelle est celle qu’il convient de préférer dans l'enseignement? Est-ce la méthode déductive, qui des lois ou des vérités générales prises pour point de départ, descend par voie de dérivation ou de conséquence aux faits ou vérités particulières qui s'y trouvent logique-ment impliquées ; ou bien la méthode inductive, qui, partant des vérités particulières ou des faits bien observés, remonte par voie d’induction, ou d'inférence aux lois ou aux vérités générales? Les opinions ne sont pas tout à fait concordantes. Quelques-uns, parmi ceux qui font autorité en péda-gogie, voudraient qu'on suivît à peu près exclusivement la méthode inductive, comme étant par ex-cellence la méthode d'invention ou de découverte. Exagérant le principe formulé par Montaigne que "savoir par cœur n'est pas savoir s'’ils sont d'avis qu’il ne faudrait rien loger "par autorité’’ dans l'esprit de l'enfant ; qu'il faudrait lui faire découvrir tout ce qu'on veut qu'il sache, l'éducation de l'en-fant devant, d'après eux, reproduire l'évolution de l'humanité. Mais hâtons-nous de dire que la grande majorité des éducateurs est d'accord avec le sens commun pour ne voir guère qu'une uto-pie dans cette prétention d'attarder l'entant dans la voie lente et raboteuse où se sont traînés péni-blement les pionniers de la science, alors que, par l'enseignement direct, et en profitant du trésor de découvertes qui nous a été légué par les siècles, on peut la lui faire franchir, pour ainsi dire, à grandes enjambées.

Sans doute la méthode inductive, aussi appelée euristique ou de découverte, a ses avan-tages, qu'il ne faut ni méconnaître ni négliger; c'est grâce à elle qu'ont pu être réalisés les grands progrès des sciences physiques et naturelles au cours de ces derniers siècles et elle mérite certai-nement d'avoir une place, une grande place même, si l'on veut, dans l'enseignement, surtout dans celui des sciences d'observation ; mais à condition de n'en pas exiler la méthode déductive, qui

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demeure la méthode par excellence dans l'enseignement des mathématiques et des sciences de raisonnement et qui ne laisse pas, elle aussi, d'être à sa façon une méthode de découverte.

En somme, déduction et induction sont deux procédés de l'esprit aussi naturels et aussi né-cessaires Fun que l'autre. Bien loin de se contrarier ou de s'exclure dans l'enseignement, ils doivent s'y mêler, s'y entraider, s'y compléter mutuellement. Ils représentent le même chemin par-couru en deux sens inverses.

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Retenons donc aujourd'hui comme conclusion de ces quelques pages: 1° que, pour être vrai-ment digne de son nom, l'enseignement doit être à la fois éducatif et instructif, c'est-à-dire former l'esprit en même temps qu'il inculque des connaissances; 2° qu'ainsi compris, il est, quoi qu'on ait pu dire, un art; un art qui implique un certain fonds indispensable de dispositions naturelles, mais qui, pour s'élever à une certaine perfection, demande généralement, en outre, une sérieuse étude théorique et pratique des principes et des procédés traditionnels, autrement dit des méthodes; 3° que ces principes et ces méthodes doivent être considérés non comme des paires de rails où il n'y a qu'à se laisser rouler sans souci, mais comme des orientations des directions générales où l'ini-tiative personnelle est constamment nécessaire afin de pourvoir aux difficultés de détail ; 4° enfin que les deux procédés essentiels de la méthode, la déduction et l'induction, ne doivent ni s'exclure ni même se contrarier l'un l'autre, mais intervenir tour à tour selon le besoin, de manière a s'entrai-der et à, se compléter mutuellement.

Dans la suite, nous verrons, s'il plaît à Dieu, que cet art général de bien enseigner en ren-ferme pratiquement plusieurs autres, tels que l'art d'exposer, l'art d'interroger, l'art de raconter, l'art d'intéresser, etc. ... qui pourront faire successivement l'objet d'autant d'articles.

F. D.

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NOS ŒUVRES

L'Institution Saint Joseph, à Gênes.

Il est sans doute peu d'œuvres auxquelles la comparaison évangélique du grain de sénevé convienne plus justement qu'a celle dont nous venons d'écrire le nom. Il y a quinze ans, elle n'exis-tait pas encore; et l'on peut bien dire en toute vérité qu'après avoir été la plus humble des graines elle a pris en ce peu de temps, sous la bénédiction de Dieu, les proportions d'un bel arbre où les oiseaux du ciel aiment à venir chercher un asile. Comment et par quels degrés successifs s'est opérée cette heureuse évolution? Les lecteurs du Bulletin, pensons-nous ne seront pas mécon-tents de l'apprendre; et c'est cet espoir qui nous encourage à leur offrir ces quelques pages dont nous empruntons la substance a un intéressant rapport adressé naguère au Révérend Frère Su-périeur par le Frère Emery, Directeur de l'Etablissement.

☼Depuis que Grugliasco était devenue le centre de la Congrégation, Gênes se trouvait être le

port naturel d'embarquement pour les Frères qui en partaient pour se rendre dans leurs missions respectives, en même temps que le port de débarquement le plus commode pour un grand nombre de ceux qui de ces missions venaient à la maison mère ; et cela faisait vivement regretter de n'y avoir pas un pied-à-terre, d'autant plus qu'une école dans le genre de celles que l'institut a coutume de diriger aurait chance, croyait-on, d'y faire du bien.

Pressenti à ce sujet, le vénérable Archevêque d'alors, Mgr. Edouard Pulciano, donna son en-tière approbation et ses encouragements ; mais il restait deux grandes difficultés à résoudre: celle de trouver le personnel et celle de s'assurer un bon emplacement.

A la fin de l'année scolaire 1905-1906, la nécessité de fermer l'école de Foligno, semblait un moyen providentiel d'obvier à la première, et les démarches faites en vue d'écarter également la seconde aboutirent à une solution qui, sans être l'idéal, pouvait être acceptée à titre provisoire. Dans le quartier neuf de la Foce, au N° 13 de la rue Casaregis, on loua pour une année un appar-tement composé de huit chambres et d'une cuisine, le tout attenant à une petite cour d'une cin-quantaine de mètres carrés.

Là dedans, il fallait trouver de l'espace pour le logement de la communauté et, selon les pré-visions normales, pour l'installation d'au moins trois classes, ce qui ne donnait pas la perspective de se trouver bien au large ; mais on avait tort de s'inquiéter à ce sujet, car les élèves, cette pre -mière année, allaient laisser aux Frères une bonne part de la place qui leur était destinée.

Dès les premiers jours d'octobre, on avait lancé les prospectus qui fixaient l'ouverture de l'école au 4 novembre, et à ce jour tout était prêt,... excepté les enfants, qui brillaient par leur ab-sence. Les registres avaient eu beau se tenir ouverts : pas un n'avait cédé à la tentation de venir s'y faire inscrire. Et cela dura plusieurs semaines encore.

Vers la fin de novembre, cependant, une mère de famille se présenta pour faire inscrire son enfant; mais, voyant qu'il n'y avait personne autre, elle refusa de l'envoyer avant qu'il lui fait venu des camarades. Ce n'était pas ce qu'on appelle un début brillant ; heureusement, grâce a Dieu, l'épreuve, comme tant d'autres fois, devait être passagère et suivie de la consolation, à condition d'être supportée avec patience.

Dans le courant du mois de décembre, se présentèrent deux ou trois autres enfants, d'assez piètre provenance, il est vrai. C'étaient de petits garnements qui n'avaient rien pu faire aux écoles publiques et dont les parents, en dernière ressource, voulaient essayer de ces maîtres nouveaux; mais, quand on n'a pas à choisir on prend un peu tout ce qui vient. On en tira le meilleur parti qu'on put, et, avec quelques autres qui en général ne valaient pas beaucoup plus, ils formèrent le contingent de cette première année, qui n'atteignit pas la vingtaine.

La seconde année, si elle ne fut pas beaucoup plus fortunée que la première en ce qui re-garde la qualité des étudiants; marqua du moins un considérable progrès par rapport à leur nombre, qui monta à près de quatre-vingts. Il est vrai que pour les avoir il avait fallu se donner bien du mal et se montrer parfois fort accommodant sur le chapitre des rétributions, mais ce n'était pas moins un grand pas de fait. En plus d'instruire ces enfants en classe, on les menait à l'église, à la promenade, on faisait le catéchisme à la paroisse, et ainsi peu à peu l'institution prenait corps. Elle se faisait connaître; à mesure qu'elle était plus et mieux connue la confiance lui arrivait, et pour le moment c'était l'essentiel: le reste, on pouvait l'espérer, viendrait avec le temps.

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Bien que le local primitif eût été augmenté d'un autre appartement, il avait eu peine à suffire, et, sans compter qu'il était trop humide pour une école, il allait être manifestement trop petit pour donner place aux nouveaux élèves qui s'annonçaient. Le temps était venu d'en chercher un autre; mais, à. Gênes comme dans la plupart des grandes villes, les maisons qui se prêtent bien à ce genre d'installation sont rares, et, après bien des courses inutiles, on ne trouva de vraiment propres au but poursuivi que deux beaux appartements en construction, au n° 34 de la même rue Casaregis. En s'y prenant tout de suite on pouvait avoir l'avantage de faire diviser les salles à son gré ; mais le prix demandé pour la location était de 4500 francs, ce qui, mis en regard des recettes probables, ne laissait pas d'effrayer un peu le Frère Provincial. Il eût été cependant trop dommage de laisser périr, au moment où elle paraissait en bonne voie d'avenir, une œuvre qui avait coûté tant de peines; et le Conseil Général consulté donna un avis favorable.

Les deux appartements désirés furent donc loués pour trois ans, à la grande joie de la Com-munauté, qui s'empressa de laisser son local humide du n° 13 pour venir s'y installer. Le nombre des élèves, cette année, ne fut pas très sensiblement supérieur à celui de Vannée précédente; mais il se composait d'éléments beaucoup meilleurs. Les examens de fin d'année, subis aux écoles publiques, furent satisfaisants, et de plus en plus, les familles, qui avaient d'abord hésité à confier leurs enfants à l'institution nouvelle en vinrent à l'apprécier.

☼Malheureusement l'école ne donnait que l'enseignement, élémentaire, et les enfants qui

avaient terminé cet enseignement, s'ils voulaient continuer leurs études, étaient obligés, d'après l'organisation de l'instruction publique dans le pays, de la quitter pour aller dans une autre où il y eût des cours d'enseignement secondaire.

C'était un gros inconvénient, qui ne permettait pas aux Frères de garder les enfants au delà de 11 à 12 ans et leur donnait le chagrin de les voir s'éloigner d'eux avant d'avoir reçu une forma-tion religieuse qui leur permît de résister à l'atmosphère d'indifférence, sinon d'hostilité, à l'égard de nos saintes croyances qui caractérise trop souvent l'enseignement officiel. Aussi le Frère Eme-ry, qui, au mois de septembre 1909, avait succédé au Frère Pietro comme Directeur de l'établisse-ment, ne tarda-t-il pas à demander l'autorisation d'ajouter aux classes élémentaires la 1ière classe technique4 avec l'intention d'en ajouter une autre chacune des deux années suivantes, ce qui don-nerait la possibilité de garder les élèves jusqu'à quinze ans. Cette autorisation ne fut pas obtenue sans quelque peine, car elle entraînait l'obligation d'avoir des professeurs diplômés, qu'on ne pou-vait lui fournir; mais il promit de trouver à s'arranger, et on le laissa faire.

Le résultat fut très bon. Au-dessus des classes élémentaires, entièrement composées de tout jeunes enfants chez qui la bonne semence de l'éducation chrétienne trouvait un terrain pro-pice pour lever, mais où elle n'avait pas le temps de jeter d'assez profondes racines, ou eut ainsi bientôt de 75 à 80 adolescents susceptibles de recevoir une formation religieuse plus complète et mieux affermie dont on eut lieu de se féliciter. Sous son influence, le travail, la piété et le bon esprit devinrent pour la maison une sorte d'atmosphère où maîtres et élèves vivaient heureux, satisfaits les uns des autres. On s'en apercevait dans le public et les demandes d'admission affluaient.

Mais le local, lui, restait toujours le même et depuis longtemps déjà on s'y trouvait à l'étroit. Si l'on voulait permettre à l'œuvre de se développer, il fallait, de toute nécessité trouver le moyen de l'agrandir ; et ce n'était pas facile, car les appartements voisins étaient tous occupés et rien ne faisait prévoir qu'ils dussent bientôt devenir disponibles. Un jour cependant. on apprit qu'une socié-té d'avocats, qui tenait en location deux appartements au-dessus de ceux où se trouvait l'école se disposait à les délaisser pour aller s'établir dans un endroit plus central. Cela parut une occasion providentielle qu'il importait de ne pas perdre. Avec l'autorisation des Supérieurs, un des deux ap-partements, appartenant à un certain Monsieur Costa, fut donc loué le 8 novembre 1911 et quatre belles classes purent y être installées.

Ce fut pour les maîtres et les élèves, qui avaient fait neuvaine sur neuvaine en vue d'arriver à cette heureuse conclusion, l'occasion d'un renouveau de confiance dans l'avenir, d'amour pour l'œuvre à laquelle on travaillait de concert, et de soin pour la rendre de plus en plus digne de la belle réputation qu’elle s'était déjà faite dans la ville. Chacun redoubla d'ardeur à l'étude non seule-ment pour assurer son succès personnel aux examens de fin d'année, mais pour soutenir et consolider l'honneur de l'école; de ferveur pour se préparer aux communions générales qui se fai-

4 En Italie, l'enseignement secondaire, dès la fin des classes élémentaires, se divise en deux branches : renseignement technique basé principalement sur les sciences et leurs applications, et renseignement gymnasial, qui a pour fondement l'étude de ce que nous appelions eu France les humanités ou les belles lettres.

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saient de temps en temps en plus des communions particulières que chacun multipliait plus ou moins selon sa dévotion; de pieux empressement pour participer au mois de Marie, aux neuvaines à St Joseph, patron de l'école ou aux autres pratiques religieuses qui avaient lieu a la maison ; de juvénile entrain pour rendre joyeuses et intéressantes les petites fèces scolaires organisées de loin en loin à quelque occasion un peu saillante ;... et tout semblait aller vent en poupe Ionique survint un autre grave sujet d'alarme.

"Un beau jour, dit le Frère Directeur, plusieurs messieurs se présentent, au nom de la Socié-té Enotria; ils demandent à visiter nos appartements et peu de temps après nous apprenons que ces appartements sont en vente. On se figure notre émoi. S'ils passent en d'autres mains, le nou-vel acquéreur peut nous mettre dehors d'un jour à l'autre et l'avenir de notre œuvre est presque sûrement compromis; car visiblement il ne sera pas possible de trouver un autre local où elle puisse fonctionner à l'aise’’.

Que faire alors? Bien des plans passèrent par l'imagination et furent tour à tour l'objet d'un examen attentif; mais, tout bien considéré, le seul qui parut pratique fut de faire soi-même l'achat de la maison. C'était assurément une grande hardiesse, car le prix demandé ne s'élevait pas à beaucoup moins de 120.000 francs; mais les vendeurs consentaient à ce que cette somme fût payée en vingt annuités successives; on prévoyait que le nombre des élèves augmenterait nota-blement; une majoration de la rétribution serait sans doute facilement acceptée par les familles ; de cette manière on pourrait théoriquement arriver à couvrir les frais ;... et, pour les aléas, on comptait sur la Providence. Ainsi du moins on sauverait l'œuvre qui différemment ne pouvait guère manquer de périr.

Ces considérations, exposées par le Frère Directeur avec la conviction que donne l'expé-rience des choses jointe à l'attachement pour une institution qu'on sent destinée à faire tin grand bien, déterminèrent les Supérieurs à permettre l'achat. Il eut lieu en effet le 7 août 1912 et en somme on n'a pas eu lieu de s'en repentir. Comme on l'avait espéré, aucune famille ne retira ses enfants par suite de la majoration du prix, et l'augmentation prévue du nombre des élèves se véri-fia si bien que le chiffre des inscriptions au cours de l'année suivante, s'éleva de 164 à 205.

☼Avec ses trois classes d'enseignement technique et son local assuré, le Collège Saint Jo-

seph (car c'est le nom qu'il avait pris depuis 1910) pouvait vivre et même prospérer; cependant il y avait encore toute une catégorie fort intéressante de ses jeunes élèves des classes élémentaires qui étaient obligés de l'abandonner vers l'âge de 11 à 12 ans. C'étaient ceux qui se destinaient à suivre l'autre branche de l'enseignement secondaire, appelée enseignement gymnasial; et c'est pourquoi leurs familles faisaient instance pour que fussent établies au Collège au moins les trois premières classes de cet enseignement parallèlement à ce qui avait déjà eu lieu pour l'enseigne-

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ment technique.

Il était tout naturel de songer à leur donner satisfaction; mais il y avait des difficultés à vaincre, principalement pour avoir les professeurs diplômés réclamés par la loi, et cela requérait du temps. Ce n'est donc qu'à la rentrée de 1914 que cet important complément put être apporté aux programmes par l'introduction de la première année d'enseignement gymnasial, à laquelle de-vaient être ajoutées successivement les deux suivantes à mesure qu'il y aurait des élèves prêts à y passer.

D'année en année, le nombre des élèves suivait une progression rapide; et, pour pouvoir donner place à tous, il fallut, en 1914, accepter l'offre de M. Goldring, qui possédait un apparte-ment contigu à ceux qu'on avait déjà et qui proposait de le céder aux mêmes conditions où on avait acheté ces derniers. On put y tailler une belle salle d'études et trois nouvelles classes, ce qui mit un peu à l'aise pour quelque temps.

Mais la guerre européenne venait d'éclater, et elle n'allait pas tarder à mettre le collège à une autre rude épreuve, quoique d'un genre différent. L'Italie, qui d'abord n'y avait pas pris part, y fut entrainée en 1915; le besoin de soldats la força, comme les autres nations où sévissait déjà le fléau, à faire appel à tous les hommes valides qui étaient en âge militaire, et un bon nombre des professeurs du collège se trouvèrent englobés dans la mobilisation générale. Comment les rem-placer, si l'on songe, que la province avait été déjà plus que décimée dans son élément français par la mobilisation générale des premiers jours de la guerre? Ce ne fut qu'à force d'union, de bonne entente,. d'esprit de sacrifice et de dévouement à l'œuvre commune de la part de ceux qui restaient, et grâce au bon concours de quelques auxiliaires obligeamment fournis par les provinces de Syrie, de Constantinople et le Scolasticat Saint François Xavier, que le Collège put conserver tous ses cadres; que. la bénédiction de Dieu aidant, le bien ne cessa pas de s'y faire; et que, chose remarquable, loin d'inspirer moins de confiance aux familles, il les vit plus empressées que jamais à lui confier leurs enfants, comme le prouve le tableau suivant de sa population scolaire pendant ses 14 années d'existence.

Année Élèves Année Elèves Année Élèves1905-06 20 1910-11 135 1915-16 3221906-07 74 1911-12 164 1916-17 3641907-08 85 1912-13 204 1917-18 411.1908-09 97 1913-14 218 1918-19 4381909-10 102 1914-15 258

C'est aussi pendant ce temps de guerre que le Collège a vu naître et se développer dans

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son sein deux sympathiques organisations qui sont, à des points de vue différents, autant de foyers d'entrain, d'influence éducative et de bon esprit: la section des Jeunes Explorateurs Catho-liques et l'association des Petits Amis de Jésus Hostie.

La première, dont nous avons déjà dit quelques mots il y a bientôt trois ans, est une organi-sation sportive d'allure un peu militaire à l'instar de celles que fonda, il y a quelques années, le gé-néral Powel en Angleterre, sous le nom de Boys Scouts, en vue de favoriser parmi la jeunesse le développement des forces physiques et de l'énergie morale, en même temps que la hardiesse, l'endurance, l'initiative personnelle et la générosité chevaleresque dans les relations sociales, mais avec une orientation et des tendances franchement un peu chrétiennes qui lui donnent l'air d'une sorte de chevalerie moderne. Incorporée à la grande Association Scoutiste Catholique Italienne, dont elle suit le mouvement et partage les exercices, elle n'est pas seulement pour ces enfants et ces jeunes gens un dérivatif très utile et très sain de l'exubérance de leur ardeur juvénile, dans le présent mais pour plus tard un aliment pour leur idéal chrétien et un soutien pour leurs convictions religieuses.

La seconde, celle des Petits Amis de Jésus Hostie, dont nous avons aussi retracé briève-ment l'origine et le but dans notre numéro de juillet 1917, continue Dieu merci de prospérer et d'être une source de grâces non seulement pour les braves et pieux enfants qu'elle groupe, mais encore, il n'en faut pas douter, pour tout le Collège, qui leur doit, d'après la conviction générale, une bonne partie des bénédictions si abondantes dont le Seigneur, par l'entremise de la T. Sainte Vierge et de St. Joseph, a daigné le favoriser. Le 6 janvier dernier, fête de l'Epiphanie, une grande joie lui fut donnée. Depuis sa fondation, ceux qui en faisaient partie désiraient ardemment qu'il y eût dans la maison une chapelle, avec la célébration du Saint Sacrifice de la Messe, afin de n'être pas obligés, chaque fois qu'ils voulaient faire la Sainte Communion, d'aller chercher parfois bien loin une église où il y eût une messe qui leur permît de satisfaire leur pieux désir avant l'heure de la rentrée en classe. Celle chapelle ne leur donnerait-elle pas d'ailleurs, comme à beaucoup d'autres de leurs condisciples, la facilité de faire plusieurs fois pendant la journée une visite à Notre Seigneur comme leur dévotion le leur inspirait?...

Les Frères, et en particulier le Frère Directeur, ne le souhaitaient pas moins qu'eux; malheu-reusement l'exiguïté de la maison ne permettait pas de trouver pour cela une salle propice.

Mais, près d'un des appartements du rez-de-chaussée, il y avait un local qui avait été d'abord buvette, puis cinéma et se trouvait être présentement garage. “Convenablement transfor-mé, se disait-on, il pourrait non seulement nous donner une bonne chapelle, mais par surcroît une classe qui nous accommoderait fort, sans compter que le terrain attenant servirait à agrandir un peu notre cour, vraiment trop petite. Si on pouvait le louer! Seulement le loyer est assez cher, et puis il y a un locataire qui ne consentirait pas facilement à l'abandonner!’’

Humainement, c'étaient, en effet des obstacles difficiles à . rompre ; mais pour la Provi-

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dence, ce ne pouvait être qu'un jeu du moment qu'elle le voudrait; et elle finit par se rendre à la prière de ces braves enfants et de leurs Maîtres, et par arranger les choses selon leurs désirs. Avec l'autorisation des Supérieurs, le local fut loué; le locataire, après avoir fait un peu le récalci-trant, se dérida à partir; plâtriers et-peintres purent se mettre successivement à l'œuvre, et, le 6 janvier dernier, comme nous avons dit, le modeste mais très pieux sanctuaire était solennellement bénit par le Rme Abbé mitré de Notre Dame du Rimedio, à la grande joie de tous, et principalement des Piccoli Amici, qui étaient aux anges de voir leur rêve ainsi réalisé. Nombre d'entre eux écri-virent au Révérend Frère de jolies lettres de remerciement. Nous nous contenterons de citer, à titre d'échantillon celle du plus jeune, qui, peut bien avoir huit ans, et qui, en reconnaissance pas plus qu'en ferveur, n'avait pas voulu rester en retard sur ses aînés.,

Direttore Generale,La gioia cite in questi giorni innonda i nostri cuori, nella fausta circostanza della benedizione

della nostra divota e bellissima Cappella, è grandissima. E quindi io, benchè piccolo fra i Piccoli Amici di Gesà, mi permetto di esprimere i sentimenti di riconoscenza e di gratitudine; ed io prometto che non lascero passare un solo giorno senza lare almeno una visita al SS. Sacramento e ricevere divotamente il Pane Eucaristico, nostro conforto e sollievo.

Implorando benedizione, mi dicoDevotissimo Piccolo Amico

PAOLINO ASTRONOMO.

N'est il pas à croire que le divin Sauveur aura eu cette enfantine résolution pour particulière-ment agréable et qu'en retour il se plaira à répandre sur le jeune auteur et sur ses émules de gé-nérosité, de ferveur et de bon vouloir des grâces toutes spéciales pour les aider à bien profiter de la bonne éducation qu'ils reçoivent? Nous en avons, quant à nous, la ferme conviction et nous ai-mons à espérer de plus qu'en leur faveur le Collège sera l'objet de bénédictions encore plus abon-dantes que celles dont il a été favorisé jusqu'ici.

Le Bulletin le lui souhaite, comme il souhaite prospérité, longue vie et féconds résultats à l'Association Amicale des Anciens Elèves, qui vient de s'ajouter dernièrement aux deux organisa-tions mentionnées ci-dessus.

Le Lycée Léonin à Athènes (Grèce).

Voilà environ douze ans que nos Frères sont établis à Athènes au Lycée Léonin. Il sera cer-tainement agréable aux lecteurs du Bulletin de lire quelques pages relatives à cet établissement qui, à plusieurs points de vue, peut être appelé remarquable.

Inutile de s'étendre outre mesure sur la ville d'Athènes, dont tous ont une idée au moins sommaire. Si ce n'est plus la ville unique, où se résumait pour ainsi dire la civilisation tout entière durant les plus beaux siècles de l'antiquité, c'est encore actuellement la plus belle ville de l'Orient. Bourgade de 4 à 5000 habitants quand les Turcs l'abandonnèrent, il y a un siècle, elle est redeve-nue pendant ces cent dernières années une ville magnifique de 200.000 âmes. Les monuments

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anciens, précieusement conservés, les musées où sont collectionnés toutes les richesses accumu-lées par les fouilles de toute la Grèce, quelques monuments modernes construits en ce beau marbre blanc qui abonde dans les montagnes voisines, un ciel qui fait resplendir toutes choses, tels sont, avec-les souvenirs immortels de l'histoire la plus glorieuse, les attraits de ce pays qui at-tire des milliers de visiteurs de tous les points du globe.

Il semble, à ce compte, que les Petits Frères de Marie d'Athènes soient perpétuellement dans une sorte de vision béatifique puisqu'ils aperçoivent de leurs fenêtres les colonnades du Par-thénon, qu'ils peuvent aller en promenade s'asseoir parmi les merveilles de l'Acropole, d'où ils contemplent la mer resplendis- sante semée. d'îles glorieuses, et qu'ils foulent à tout moment un sol illustre d'où surgissent tout naturellement les souvenirs de grandeur et de gloire dont tous les peuples du monde tâchent de partager le patrimoine.

Il n'en est rien hélas! Les émotions artistiques sont vite épuisées et leur vaine magie serait un maigre réconfort pour les heures difficiles qui attendent les ouvriers du bon Dieu à Athènes comme ailleurs, sans la pensée bien autrement encourageante que toutes ces peines, inscrites par les anges ait livre de vie, servent à nous mériter une récompense éternelle.

C'est en 1907 qu'il fut question d'appeler des Frères Maristes à Athènes. Mgr Delenda était alors archevêque, et s'intéressant fort au Lycée Léonin qui était pour ainsi dire son Collège diocé-sain, il cherchait à lui infuser une vie nouvelle. Le Lycée fondé par Léon XIII il y a une trentaine d'années avait subi diverses vicissitudes. L'illustre Pape, dont il a gardé le nom, comptait en faire non seulement une école pour les enfants catholiques d'Athènes mais encore pour les jeunes or-thodoxes qui voudraient bien le fréquenter et y prendre ainsi contact avec des maitres catholiques. Des périodes de prospérité avaient alterné avec d'autres et on était précisément arrivé à une de celles-ci. Le vénérable Mgr. Delenda, en causant avec M. Lobry, visiteur des Lazaristes, de pas-sage à Athènes, apprit combien le Collège des Lazaristes à Constantinople s'était trouvé aidé par la collaboration des Frères Maristes. Il se hâta de faire une demande pour en avoir. Elle fut ac-cueillie favorablement et le 15 septembre 1907 le C. F. Mie Brunon avec trois confrères venait s'établir au Lycée Léonin.

Leur tâche était loin d'être facile, car leur rôle était un peu effacé et pourtant on attendait beaucoup d'eux. Le Directeur du Lycée était un prêtre du diocèse, et le personnel comprenait, à côté des Frères, 'un certain nombre de professeurs civils. Il faut ajouter que le Lycée était grec, c'est-à-dire comportait l'enseignement officiel grec. Les Frères devaient simplement se charger de cours de français et, chose plus délicate, de la surveillance, de la discipline et du bon ordre. Le to-tal des élèves .atteignait à peine 150 et le petit internat comptait 16 enfants.

L'année 1907-08 fut donc plutôt difficile pour les Frères, mais ils mirent tant de bonne volonté â faire tout leur possible pour aider à la bonne marche générale que tout de suite les résultats heu-reux apparurent. Le bon ordre, le sérieux des études, la confiance des familles, la réputation de l'établissement, et la joie du vénéré archevêque, tout fut à la hausse, après quelques mois. A la rentrée de 1908, il y eut un accroissement surprenant d'environ cent élèves nouveaux. Décidé-ment la partie-était gagnée.

Mgr Delenda, en face des résultats heureux de la première année, n'eut plus qu'un rêve, ce-lui de confier définitivement aux Frères Maristes la direction complète et la responsabilité entière

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du Lycée Léonin. Ce ne fut pas sans une certaine hésitation que les Supérieurs acceptèrent. Ils auraient préféré une plus. longue expérience. Le bon archevêque insista, on finit par se mettre d'accord, et en septembre 1909 la direction passa entre les mains des Frères, à qui elle est restée depuis.

Etat actuel. — Comme il est un peu fastidieux de suivre pas à pas des accroissements conti-nus, passons, si on le veut bien, à. une description de l'état actuel du Lycée.

Il compte actuellement environ 600 élèves répartis en trois sections qui sont en vérité trois écoles différentes. Il y aurait. des avantages à les loger chacune dans un local différent, mais la guerre a, pendant des années, arrêté tous les projets jusqu'ici ébauchés.

Ces trois sections sont : 1° Une section grecque composée de 9 classes. L'enseignement s'y donne en grec, sauf les cours en français. Ces derniers sont réservés aux Frères avec certains-cours de morale et de catéchisme, et l'on a recours, pour le reste, à des professeurs civils. Cette section qui était la seule au moment où les Frères entrèrent au Lycée est restée la plus fréquentée et elle comporte à peu près la moitié de la population scolaire de l'établissement.

2° Une section commerciale. L'enseignement officiel grec de la section précédente est resté, depuis un demi-siècle environ, où ses programmes furent fixés, un enseignement trop théorique-pour convenir parfaitement à une nation moderne surtout éprise des choses du commerce comme c'est le cas en Orient. De la, la création d'écoles qui, avec le titre de commerciales, comportent spécialement l'étude de langues modernes, de mathématiques, de sciences et de comptabilité.

Cette section fut créée dès 1908, elle compte 4 classes recevant. des jeunes gens plutôt que des enfants. Le nombre des élèves-atteint dans cette section environ 125 à 130.

3° Une section française. Cette section a été la plus lente à se constituer. Elle est aujourd'hui complète, comprenant les 10 classes de l'enseignement secondaire français avec le couronne-ment des examens du baccalauréat. Le nombre des élèves de cette section atteint 180.

Tel est, avec ce triple enseignement, l'ensemble du lycée qui occupe mi personnel d'environ 40 professeurs dont la moitié seulement, sont de nos religieux.

Locaux. — Le Lecteur peut bien ici se demander si, comme en bien d'autres endroits, ne sé-vit pas la crise des locaux et si cette bourdonnante jeunesse de 600 élèves se trouve à l'aise entre les murs. Il faut vite constater que ce n'est guère que par un prodige de compression que le Lycée s'emplit de la façon actuelle. Sans doute les enfants des villes sont accommodants sur la dimen-sion des cours, mais tout de même il est certain que le Lycée actuel en est sinon privé du moins si piètrement pourvu, que c'est une tâche difficile pour les surveillants de récréer les élèves. D'autre part la bâtisse pour avoir une façade magnifique sur une des principales rues de la capitale, n'en est pas moins un bloc fait de diverses parties, que les Frères ont raccordées tant bien que mal et qui, telle qu'elle est, laisse encore bien à désirer. Un beau projet de construction qui faillit voir le jour il y a quelques années, fut arrêté par diverses circonstances. En 1914, un projet nouveau, où les cours certes n'auraient pas manqué, était en voie d'exécution. Mais la guerre vint tout inter-rompre. Et depuis cinq ans on se contente de combinaisons diverses pour canaliser le flot toujours plus pressé des élèves.

Par bonheur que périodiquement, tous les jeudis soir pour les Frères et assez fréquemment pour les élèves internes, la compression cesse, et en joyeuse envolée on se dirige vers Héraclée.

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C'est la maison de campagne du Lycée. Qu'on n'aille pas voir là un bien vaste bâtiment, c'est plu-tôt un minuscule pied-à-terre, mais tout de même on peut y loger pas mal de inonde quand il ne s’agit que d'un dîner ou d'un goûter. Situé à plus de 200 m. d'altitude, sur un mamelon qui domine toute une vaste plaine, le village d'Héraclée jouit d'une vue magnifique. Il est, par exception, catho-lique, étant formé des descendants des familles bavaroises qui vinrent. à la suite du roi Othon, il y a de cela bien près d'un siècle. Notre maison, au bout du village, jouit du grand air, de la complète indépendance, et de l'espace illimité. Quel jour d'ivresse pour les enfants, qui trouvent là haut, outre l'appétit gagné par une bonne marche d'une heure, tous les jeux imaginables.

Voici des partisans de la petite guerre, qui portent le bouclier, rouge ou bleu et brandissent des roseaux en guise d'arme offensive. Ici, les tenants du football font des passes savantes qu'ad-mirent de loin, ébahis, tous les bambins du village. Dans les airs planent à des hauteurs vertigi-neuses des cerfs volants géants de toutes formes, qui balancent leurs couleurs voyantes et que des mécanismes compliqués font ronfler comme des aéroplanes. Jadis même un âne, célèbre sous un joli nom historique mettait en joie toute la division des petits, qui faisaient sur son dos pa-cifique des chevauchées incessantes. Et puis quelles belles promenades à travers les oliviers et les pins, au milieu des chants des cigales et du parfum du thym !

Aussi, quand les enfants reviennent les soirs de congé, c'est avec des visions de paradis an-

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ticipé qu'ils s'endorment et la prochaine lettre à la famille décrit en termes ravissants, ce bienheu-reux Héraclée, où l'on s'amuse tant et où l'on mange de si bon appétit.

Résultats. Le Lycée Léonin, surtout depuis qu'il est complètement entre les mains des Frères, semble bien avoir atteint le but de son auguste fondateur Léon XIII. Il n'a cessé d'assurer aux enfants catholiques d'Athènes les bienfaits d'une éducation catholique. De plus, en fournissant à ces enfants une instruction généralement au dessus des moyens des familles, ordinairement peu fortunées, auxquelles ils appartiennent, il n'a pas cessé non plus de leur procurer des situations honorables. Ceci est un fait d'une grande importance dans un pays où les catholiques ne formant qu'un élément infime et peu influent ont par suite une tendance fatale à se laisser absorber dans la grande masse “orthodoxe’‘. Ce n'est .que trop arrivé si l'on se reporte aux statistiques navrantes du dernier siècle.

Enfin, auprès des enfants "orthodoxes’ ’il ne s'est pas fait un moindre travail. Elle est bien lointaine l'époque où le Lycée dans ses débuts devait subir l'enseignement du catéchisme de la part d'un prêtre schismatique- Aujourd'hui les familles qui nous ont depuis longtemps vus à l'œuvre nous ont donné leur confiance, nous faisons le catéchisme à tous les élèves sans distinction. Les enfants récitent en classe les mêmes prières que les catholiques de nos écoles de France et parti-cipent aux exercices du mois de Marie ou autres sans difficulté!

Dans le même temps, le bon renom de notre Lycée catholique a pénétré, on peut le dire, dans toute la Grèce, et il est certainement l'un des principaux établissements scolaires de la capi-tale.

Ces heureux résultats sont dus sans doute au zèle constant des Frères pour joindre aux bonnes méthodes d'instruction tout ce qui peut contribuer à la bonne éducation, spécialement une exacte surveillance et un solide enseignement religieux. Si la Grèce et en général l'Orient ne sont pas aussi catholiques que nous le voudrions, du moins ces pays ne connaissent pas cet état d'es-prit sceptique qui fait le désespoir des éducateurs religieux dans certaines régions. On y consi-dère, aussi bien en particulier qu'officiellement, la religion chrétienne comme la base de toutes les vertus sociales et privées, de toute éducation et de toute société. Aussi les .enfants suivent avec un réel intérêt les leçons de catéchisme et sans rien dissimuler des divers points de doctrine qui séparent l'Église catholique des églises d'Orient il est facile de leur laisser l'impression que ces di-vergences ne sont qu'un point dans l'immense fonds des croyances et des pratiques communes.

De fait les parents qui savent bien quel est notre enseignement, s'effarouchent de moins en moins et des enfants des familles les plus influentes du royaume nous sont amenés chaque an-

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née. Il y a même, pour se borner à ceux-là, des fils de ministres et nous en comptons trois cette présente année.

Cela indique sans doute que la période de défiance et d'animosité contre notre sainte Église est bien près d'être terminée. Elle se présente en Orient, comme dans le monde entier, avec de telles œuvres que les yeux les plus obstinément fermés sont obligés de l'admirer et que les cœurs les plus méfiants sont attirés doucement à elle. Puisse le Lycée Léonin, dans la modeste sphère de son action, faire sa petite part pour le retour de l'Orient chrétien!

Faits remarquables. — Il y aurait encore à narrer pour être complet quelques uns des événe-ments qui sont venus rompre un peu la monotonie de la vie scolaire soit périodiquement, chaque année, soit par la suite des événements.

Nommons, au nombre des cérémonies publiques auxquelles le Lycée prend part, la Fête an-nuelle du drapeau. Toutes les écoles de la Grèce possèdent un beau drapeau qui, un des pre-miers jours de l'année scolaire, est solennellement présenté aux élèves. Un petit discours patrio-tique rappelle aux enfants les gloires du drapeau grec et pourquoi il porte dans ses plis et sur sa hampe la croix ; une garde d'honneur accompagne le drapeau qui parcourt lentement les rangs des élèves. Ceux-ci chantent l'hymne national, et la journée est consacrée à un congé qui grave dans les jeunes cœurs l'enseignement patriotique du matin. La cérémonie a parfois lieu en public au stade, immense monument de marbre où peuvent prendre place 80.000 spectateurs. Toutes les écoles peuvent y défiler à l'aise et les chants patriotiques, chantés par des masses de voix, y font un effet martial.

Vers la fin de l'année scolaire a lieu en public le concours de gymnastique. Tous les enfants y font les mouvements d'ensemble qui ne manquent pas de charme, et comme la gymnastique est en grand honneur au beau pays de Grèce qui l'inventa. jadis, chaque école reçoit des inspecteurs officiels préposés à cet important examen les félicitations qu'elle mérite.

Parmi les faits non périodiques il faut citer la visite dont le Révérend Frère Stratonique hono-ra l'Établissement le 25 mars 1910. Le Lycée en a gardé le meilleur souvenir-

Il y aurait à signaler bien d'autres visites de personnages, mais comme ils sont d'un intérêt

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plutôt local, terminons en rappelant le fait d'ailleurs signalé en son temps par le Bulletin du départ subit en décembre 1916 de toute la communauté pour Grugliasco à la suite de fâcheux événe-ments- Le personnel du Lycée put ainsi représenter aux fêtes du Centenaire les communautés lointaines et quelques jours après, la bonne Providence ramenait les Frères à Athènes où la joie du retour fit oublier les péripéties du voyage.

En 1914, la mobilisation faillit amener la fermeture du Lycée, où il ne restait que trois Frères. En cette circonstance le F. Joseph Emile, qui se trouva directeur, sauva la situation, et, loin de désespérer, organisa pour le mieux l'ensemble des classes qu'on pouvait conserver avec l'aide des professeurs civils- Il est vrai que l'expulsion brutale de nos Frères de Turquie devait peu après fournir tous les renforts nécessaires. D'ailleurs d'heureuses mises en sursis d'appel vinrent vers la fin de l'année scolaire rendre au Lycée, entre autres, son directeur actuel F. Louis-Marie.

En 1916, après une année où il avait fallu louer un local peu éloigné pour y loger quelques classes, Mgr Petit, le savant archevêque actuel d'Athènes, voulut bien disposer en notre faveur moyennant un loyer, des locaux contigus du Séminaire, devenus disponibles. Cette nouvelle com-binaison a permis d'atteindre le chiffre actuel de 000 élèves.

Les petits Athéniens sont généralement intelligents, développés de bonne heure, polis, de bonnes manières, très ouverts et ils montrent une réelle bonne volonté. Ils sont sensibles aux éloges soit qu'ils s'adressent à eux personnellement, soit qu'ils visent leur pays ou leur histoire dont ils sont très fiers. Ils ont peut-être besoin un peu plus que d'autres, d'être excités au travail quand arrivent les jours chauds de l'été. D'aucuns prétendent que, comptant dans leurs aïeux le rusé Ulysse, ils excellent à trouver d'ingénieuses excuses toutes les fois qu'ils en ont besoin. Mais, en somme, la réunion de leurs qualités et défauts nationaux est loin de former un ensemble déplai-sant pour les maîtres qui entreprennent leur éducation. On trouve généralement de la ressource dans ces enfants et ceux qui ont passé quelques années parmi eux en ont gardé un bon souvenir.

F- J. E.

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ECHOS et NOUVELLES

GRUGLIASCO.

Les Noces d'Or religieuses du C. Frère Econome Général. — Le 2 février dernier était le cinquantième anniversaire de la Prise d'Habit du C. Frère Pierre-Joseph, qui après s'être acquitté avec tant de distinction, pendant plus d'un quart de siècle, des charges de Sous-Directeur du pen-sionnat de Saint Didier-sur-Chalaronne, de Directeur de l'École Supérieure, à la Maison Mère, de Visiteur de la province de St-Genis-Laval et de Secrétaire Général de l'Institut; qui lui furent suc-cessivement confiées,. remplit depuis 14 ans, avec la compétence et le dévouement que l'on sait celle d'Econome Général.

A tous ces titres, il a trop de droits à la reconnaissance de la Congrégation et il inspire d'ailleurs une trop juste et trop affectueuse sympathie à tous ceux qui l'approchent pour qu'on ne saisît pas avec empressement cette belle occasion de lui faire fête; aussi personne ne voulut-il y manquer.

Dès la veille au soir, les diverses communautés de la maison, depuis le Régime jusqu'au no-viciat Saint François Xavier, vinrent tour à tour lui dire en termes chaleureux avec quelle. . ferveur de sentiments chacun de leurs membres se joindrait à lui, à cette occasion, pour rendre au ciel de spéciales actions de grâces pour les bienfaits dont Dieu l'avait comblé durant le cours de ce demi-siècle de vie religieuse et combien ardents seraient leurs vœux pour que cette heureuse chaîne de faveurs célestes se prolongeât bien longtemps encore.

Le lendemain matin, dans le chœur de la chapelle, il était en place d'honneur, avec le bon Frère Théodulphe, de la communauté de Carmagnola, qui y avait droit depuis la bagatelle de huit ans, mais dont la modestie avait réussi à se faire oublier. On s'en vengea fraternellement en fai -sant monter pour l'un et l'autre vers le trône du Distributeur de tout bien un vibrant et solennel Magnificat, en plus d'avoir pour eux une intention toute spéciale dans la communion de ce jour.

Puis, vers 10 heures, après la grand’messe, où ils n'avaient pas été oubliés non plus et où le R. Père Aumônier, dans une allocution pleine de cœur, voulut s'associer aux vœux de la Commu-nauté, les deux Jubilaires furent conduits à la salle du Second Noviciat — toute pimpante d'ori-flammes, de drapeaux et de ces belles guirlandes italiennes aux chatoyantes couleurs- —où des fauteuils leur avaient été préparés.

Là, après l'exécution d'un chœur de circonstance, on leur redit en commun, au milieu du joyeux rayonnement de toutes les figures et des enthousiastes battements de mains, ce qu'on leur avait dit séparément la veille, avec la seule variante du cœur, qui en disant toujours les mêmes choses a le privilège de no se répéter jamais- Dans un langage parfois un peu humoristique clans la forme, mais bien vrai dans le fond, on rappela au C. Frère Econome Général quelques-uns des mérites connus de tous dont sa vie abonde, réservant aux saints anges de raconter au dernier jour ceux qui ne sont connus que d'eux seuls et de Dieu- On évoqua par exemple le souvenir de ces quatre années où, étant encore tout jeune Frère, il régala avec tout l'art d'un vrai "cordon bleu’’, la communauté de Grigny ; de la prestigieuse maestria avec laquelle, au Cours Supérieur, il chemi-nait à travers le dédale de signes algébriques dont il venait de couvrir le tableau, et faisait voir clair comme le jour aux esprits les moins perspicaces, comment les pseudo-inconnus affublés des noms d'x, y ou z n'étaient au fond, sous leurs travestissements divers, que des visages connus, avec lesquels à les regarder de près, leur identité n'était pas contestable ; de la sagacité quasi pro-phétique avec laquelle on le voit repérer depuis quatorze ans, sur la mer perfide de la finance,

Ce point mobile, obscur, capricieux, changeant, Où se plaît le poisson aux nageoires d'argent,

et y faire plus d'une fois la pêche miraculeuse. Au Frère Théodulphe on rappela comment, maître de discipline au pensionnat de St-Genis-Laval, il sut à la fois, sous le surnom sympathique de " Grand’’ se faire craindre et se faire aimer; et par quelle somme d'industrieuse activité, ici à Gru-gliasco, il réussit à mettre si bien en vigueur les arbres et arbustes du parc que chaque printemps il semble qu'on voie ses sueurs verdoyer et fleurir sur leurs rameaux. A tous deux, on souhaita de longues et heureuses années de cette vie méritante, en attendant la gloire du ciel qui doit les cou-ronner et en être le prix.

Bien des traits aussi remarquables qu'édifiants avaient échappé. Le Révérend Frère Supé-rieur, avec sa présence d'esprit et son bonheur d'expressions accoutumés, les recueillit et en com-

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posa, à la louange des deux héros, une nouvelle gerbe dont la présentation fut chaleureusement applaudie, de même que celle de plusieurs belles adresses venues de loin, celle d'un copieux bou-quet de fleurs spirituelles offert par les scolastiques et les novices de Saint François Xavier, et sur-tout celle de la Bénédiction autographe envoyée par N, S- P. le Pape.

Au nom de son co-jubilaire et au sien propre, le C. Frère Econome Général remercia la 'com-munauté de la manifestation affectueuse dont ils venaient d'être l'objet, surtout d'avoir bien voulu s'unir à lui en ce jour pour remercier Dieu des grands bienfaits qui avaient marqué le cours de sa vie déjà longue et dont, avec une émotion reconnaissante, il évoqua quelques-uns comme d'avoir vu le jour dans une famille éminemment chrétienne où il n'avait reçu que des bons conseils et des bons exemples; d'avoir été préservé du découragement à plus d'une heure plus ou moins pénible de sa vie de jeune Frère ; d'avoir trouvé chez ses confrères dans les diverses situations où l'obéis-sance l'avait placé, une sympathie, selon lui, bien supérieure à son mérite, etc. ... Un dernier chœur de circonstance lui renouvela sous une autre forme les souhaits déjà exprimés, et l'on ter-mina par la récitation du Sub Tuum.

Naturellement, le dîner revêtit quelque chose de la solennité du jour, d'autant plus que c'était, en mémo temps une grande fête de la T. Sainte Vierge ; l'après-midi s'écoula dans l'allé-gresse et, le soir, le salut solennel du Saint Sacrement, au cours duquel le Te Deum fut chanté de cœur et d'âme, servit comme de point final de cette tête de famille.

Puisse le Seigneur réaliser tous les vœux qui se sont élevés vers lui à cette occasion en fa-veur des Jubilaires, et notamment celui par lequel se terminait un des chœurs qui leur furent chan-tés:

Oh! que de leurs ans l'heureuse couronne S'accroisse longtemps de fleurons nouveaux, Pour qu'un jour au ciel, près de la Madone, Elle ait sur leurs fronts des reflets plus beaux!

☼Honorables Visites. — Au cours de ces derniers mois, notre Maison Mère de Grugliasco a

été honorée de plusieurs visites qui nous ont fait vivement plaisir- Telles sont celles de Me Carlier, Consul de France à Turin; de Monseigneur Leroy, évêque titulaire d'Alinda et Supérieur Général des Pères du Saint Esprit; de Monseigneur Lemaître, évêque titulaire de Sétif et Vicaire Aposto-lique du Sahara et du Soudan Français, et de Monsieur l'abbé Delbosco, Curé de Grugliasco.

** *

C'est le 19 février, que nous eûmes le plaisir de voir arriver à la Maison Mère Monsieur Car-tier, Consul de France, en compagnie de Mr Milon de Peillon, Chancelier nommé de la Légation de France à Pékin, et du R. Père Pitre, Supérieur des-Pères Maristes de Turin. Il y avait peu de se-maines que M’le Consul avait pris possession de son poste, bien qu'il y fût nommé depuis quelques mois. Comme il remplissait dans l'armée une . fonction importante, il avait été suppléé à Turin par un gérant, en attendant sa démobilisation. Nous eûmes donc l'honneur d'une de ses pre-mières visites, et il se montra de la plus grande amabilité. Il lui tardait — nous dit-il — en réponse à une petite adresse de bienvenue qui lui fut lue en présence de toute la communauté, de nous faire cette visite, pour féliciter la Congrégation, au nom de la France, des 125 de ses enfants qui, au cours de la guerre, ont été l'objet de citations élogieuses à l'ordre du jour, et rendre un hommage ému à la centaine de ceux. qui sont tombés au champ d'honneur pour la cause de la Patrie ;. prin -cipalement à ceux — et ils sont nombreux — qui étaient partis de la région de Turin. Puis il nous parla du bien que font les Frères dans les divers pays où il a pu les voir à l'œuvre et nous assura de l'accueil empressé que nous trouverions toujours au Consulat de Turin lorsque son concours pourrait nous être-nécessaire- Nous avons eu bien des fois depuis l'occasion d'éprouver que ce n'était pas une vaine promesse.

Il nous fut particulièrement agréable de voir à ses côtés, M’Milon de Peillon, attaché, au Consulat, au bureau des affaires militaires. A ce titre, nous avions dû lui donner tant d'ouvrage,: au cours de ces trois dernières années, et nous avions toujours-trouvé en lui tant d'amabilité et de complaisance! II venait d'être . nommé Chancelier de la Légation française de Pékin, ce qui nous-eût causé du regret si ce n'eût pas été à son avantage. Mais dans-sa nouvelle et lointaine destina-tion il trouvera encore des Petits. Frères de Marie, avec lesquels il n'aura pas, nous en sommes sûrs, de moins bons rapports qu'avec ceux de la Maison Mère.

Du R. Père Pitre, qui, en cette occasion comme en tant d'autres analogues, voulut bien rem-

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plir à notre égard le rôle de porte-joie, nous n'avons besoin de rien dire: chacun sait qu'au double titre de fils du V. Père Colin et d'ancien aumônier de N. D. de l'Hermitage, il a pour la famille reli -gieuse du V. Père Champagnat une amitié toute dévouée, dont il ne perd aucune occasion de nous donner des marques.

Ils voulurent bien, tous trois, accepter de prendre le dîner à la maison, en compagnie du R. Frère Supérieur, des membres du Régime et de quelques uns des Frères de la Communauté ; puis, après avoir fait un tour de promenade dans le parc, encore dépourvu malheureusement de sa splendide frondaison printanière, ils nous quittèrent pour aller porter aux Frères des Ecoles

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Chrétiennes de Rivalta le même plaisir qu'ils venaient de nous procurer.Moins d'un mois après, le 16 mars, 2e Dimanche de Carême, une autre grande satisfaction

'nous était donnée par la visite depuis longtemps désirée de Monseigneur Leroy, évêque d'Alinda, Supérieur Général des Pères du Saint-Esprit et, comme on sait, une des plus radieuses figures de l'apostolat contemporain. Apôtre, il l'était éminemment, il y a quelques années, par son zèle en-flammé, sa parole ardente et ses sueurs répandues sans compter à travers ces pittoresques mais abruptes régions de l'Afrique Orientale ; il le fut 'plus tard par la plume dans les "Missions Catho-liques’’ dans l'histoire des "Missions Catholiques Françaises au XIX° Siècle’’, et dans toute une belle série d'ouvrages aussi goûtés que solides et répandus; il l'est aujourd'hui encore plus excel-lemment et plus efficacement si possible par le sage et vigoureux gouvernement de la grande fa-mille d'apôtres qui n'a pas sous sa juridiction moins de 36 millions d'âmes à nourrir du pain de la parole divine ou à. convertir.

On conçoit donc combien grand et légitime devait être pour nous tous, et spécialement pour notre jeunesse de .S. François Xavier, le désir de faire sa connaissance; surtout depuis que le R. Père Benoit, supérieur des Petits Clercs de St. Joseph de Suse, — un autre ami de la maison comme le P. Pitre nous avait promis de nous l'amener.

Ce désir n'eut d'égal que la joie intense de le voir arriver parmi nous, le jour indiqué vers les deux heures-du soir, et faire son entrée, entouré du R. Frère Supérieur, du. R. Père Benoît, du Père Hillereau, notre cher Aumônier, et des Membres du Régime, dans la grande salle du Second Noviciat revêtue pour le recevoir de sa plus belle décoration.

Il y fut salué par une salve d'applaudissements où passa tout l'enthousiasme des cœurs; puis par un chœur de bienvenue et enfin par une adresse où lui était dit plus explicitement ce que nous venons de rappeler ci-dessus.

Après avoir rejeté modestement sur le compte de la rhétorique, les termes, trop élogieux à son dire mais bien faibles en réalité, dans lesquels avait cherché à se traduire notre admiration pour sa grande œuvre, Sa Grandeur nous dit combien il lui était agréable, à son tour, de faire connaissance avec notre Congrégation; fit ressortir l’importance et la beauté de l'apostolat par l’éducation chrétienne de la jeunesse, tel que la Providence nous l'a confié; exprima des vœux pour la prospérité de nos œuvres et pour l'extension de notre Institut, et termina en nous donnant sa bénédiction, que nous lui avions demandée.

Il n'avait par malheur que peu de temps devant lui et encore celui qu'il nous donnait si obli -geamment, il avait dû le dérober à un des groupes les plus intéressants de sa grande famille, aux Petits Clercs de St. Joseph, qui l'attendaient avec l'impatience de la piété filiale. Après une visite sommaire à la maison et au parc, il nous laissa donc, à notre regret, pour prendre, en automobile, le chemin de Suse ; mais le Révérend Frère, désireux de l'entretenir un peu plus longtemps, profi-ta très volontiers, avec le C. F. Augustalis, de l'aimable invitation qui leur était faite, de prendre place avec lui et le R. Père Benoît dans l'agile véhicule, qui les ramena à son retour.

Longtemps l'agréable impression de cette visite demeurera, notre souvenir, étroitement as-

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sociée à ce couplet d'un des chœurs qui furent chantés au vénéré Prélat et dans lequel elle nous semble très bien se résumer:

De l'Esprit d'amour aimable interprète Il émeut, subjugue, enchaîne les cœurs Heureux le. troupeau qui, sous sa houlette, Emplit le bercail du Roi des pasteurs !

** *

Non moins agréable et non moins durable devait être l'impression que nous réservait, peu de semaines plus tard, la visité d'un autre vénérable et vaillant évêque missionnaire : S. G. Monsei-gneur Lemaître, Evêque titulaire de Sétif et Vicaire apostolique du Sahara et du Soudan Français.

Il est de la zélée et courageuse famille apostolique de Mgr. Lavigerie, Vicaire à La Machine (Nièvre), dans les jeunes années de sa vie sacerdotale, il connut intimement le Frère Amphiloque, alors Directeur de l'École entretenue par la Cie des Mines, et, c'est à lui spécialement qu'il venait faire visite. Mais il va sans dire que toute la Communauté, à la suite du R. Frère Supérieur, du B. Père Aumônier et des membres du Régime, se fit une fête de s'associer â. la joie de l'heureux Frère Provincial de Syrie, et de prendre sa part du grand honneur qui lui était fait.

Bien qu'averti un peu vaguement depuis quelques jours, on fut — ou peu s'en faut — pris au dépourvu pour une réception solennelle; mais, pour réparer le temps perdu, on mit tout son cœur à profiter du peu d'instants qu'on avait devant soi, et, si visiblement la dernière main manquait à plus d'un détail, l'ensemble du moins fit preuve de bonne volonté. Sa Grandeur nous aura pardonné le reste.

Aux quelques paroles par lesquelles le R. Frère Supérieur lui présenta la Communauté, après l'exécution d'un chœur de bienvenue, Elle répondit avec autant de présence d'esprit que de joyeuse cordialité ; puis Elle se mit à nous parler de ses chers noirs en termes où se reflétait tonte la tendresse de son âme pastorale; et ce n'est pas sans une grande édification et sans le plus vif intérêt que nous entendîmes de sa bouche le récit des merveilles opérées par la grâce de Dieu et la dévotion au Sacré-Cœur dans ces âmes, hier encore ensevelies dans les ténèbres et toutes les aberrations d'un grossier fétichisme, et où l'on trouve souvent aujourd'hui une générosité de senti-ments, une compréhension des choses divines et une ardeur de bonne volonté dignes de faire en-vie à des chrétien en possession depuis de longues générations des lumières de l'Evangile.

Mais, pour soutenir et perpétuer cette consolante efflorescence de vie chrétienne, il faudrait des ouvriers évangéliques, des Pères, certainement, mais aussi des Sœurs et des Frères, parce qu'il y a des ministères auxquels les Pères quand même leur nombre ne serait pas aussi regretta-blement insuffisant, ne sont pas préparés d'une manière assez spéciale; et c'est pourquoi, répon-dant au Révérend Frère, qui lui avait exprimé le regret de ne le voir passer au milieu de nous que comme un météore, une étoile filante, il dit plaisamment que ce n'est pas de la sorte qu'il espérait

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passer, mais plutôt comme une comète, entraînant après lui une longue queue de Petits Frères de Marie pour lui aider à faire le bien parmi ses chères ouailles.

Nous ne savons malheureusement ce qu'il pourra être de la réalisation de ce désir; mais ce qu'il y a de certain, c'est que si elle ne se vérifie pas, ce ne sera pas que l'envie en ait manqué à beaucoup des apôtres en herbe qui l'écoutaient de toutes leurs oreilles et même de tous leurs yeux.

En tout cas, nous prierons tous pour que l'œuvre de christianisation si admirablement com-mencée dans ces régions s'y poursuive et s'y consolide. Peu importe que ce soit avec ou sans notre concours, quoique rien ne nous fût plus agréable que de le prêter, si la Providence nous en donnait les moyens.

* * *

Enfin, une dernière fois, le lundi 28 avril, la grande salle du Second Noviciat, ordinairement affectée à ces réceptions, reprenait, sa parure de fête. C'était pour abriter quelques moments trop courts notre sympathique et vénéré Pasteur, Mr l'abbé Delbosco, à l'heureuse occasion du vingt-cinquième anniversaire de son- arrivée à Grugliasco, à titre de Curé.

La veille, dimanche, la paroisse, avec un enthousiasme et une piété qui montrent bien en quelle affectueuse estime le digne Pasteur est tenu, par cette religieuse population qui depuis un quart de siècle le voit à l'œuvre au milieu d'elle, avait fêté ce vingt-cinquième retour de la date heu-reuse où il vint à elle, au nom du Seigneur, pour la nourrir de la parole de vie et la diriger dans les voies du salut; et, comme il est tout naturel, nous nous étions fait un bonheur de donner notre mo-deste mais chaleureuse note dans ce concert d'hommages, de respect, de reconnaissance, d'amour et de vœux de bonheur.

Nous estimions cependant qu'étant donné les circonstances ce n'était pas assez, et nos cœurs désiraient quelque chose de plus: à cette manifestation collective et publique, ils souhai-taient de pouvoir en ajouter une plus spéciale et plus intime. A l'invitation du R. Frère Supérieur, il voulut bien nous en donner l'occasion en venant passer quelques moments au milieu de nous, ce qui sera un titre nouveau ajouté à tous ceux qu'il avait déjà à notre gratitude.

Ce fut alors pour nous une vraie satisfaction de pouvoir l'acclamer à son entrée dans cette salle où nous avons déjà souhaité la bienvenue à tant d'éminents et vénérés personnages ; de lui dire dans une petite adresse, combien profondément demeurent gravées dans nos cœurs ses bontés à notre égard, et de lui souhaiter de longs et heureux jours dans cette paroisse où il dé-pense depuis 25 ans le meilleur de son âme et qui lui rend en amour ce qu'il lui donne si libérale-ment en bienfaits.

Avec Don Alloro, son dévoué Vicaire, il fit au Révérend Frère Supérieur et aux membres du Régime le plaisir de partager leur dîner.; il nous donna à tous une belle imagé comme mémorial de la fête, et il nous laissa l'âme pleine du souvenir de sa condescendante bonté.

Dominus conserva eum et beatum faciat eum !☼

Clôture du Second Noviciat. — Comme on a pu voir dans la Circulaire du R. Frère Supé-rieur datée du 19 mars dernier, le Second Noviciat, que les malheureux effets de la guerre avaient forcé de suspendre, a pu être repris; grâce à la démobilisation partielle, et, pendant près de trois mois, il a fait revivre sous nos yeux édifiés le réconfortant spectacle dont la privation nous avait été particulièrement sensible.

Il se composait d'une belle phalange de 29 Frères, presque tous récemment libérés du ser-vice militaire, et qui, après avoir rempli vaillamment leur rôle de circonstance, étaient accourus joyeusement, à l'invitation des Supérieurs, à ce paisible foyer de leur famille religieuse pour refaire leurs forces spirituelles et y fourbir leurs armes, selon l'expression de l'un d'eux, pour les combats d'un nouveau genre qui sont la tin spéciale de leur vocation.

En générosité, en recueillement, en ferveur — à en juger du moins par le côté extérieur qui seul nous était accessible —ils ne l'ont cédé en rien à leurs courageux devanciers; et, n'eussent été les fortes moustaches et la coiffure plus ou moins hétéroclite qui ornaient encore les régions subnasale et sincipitale du chef de quelques uns, rien n'eût pu faire soupçonner qu'on se trouvait en face de ‘’poilus’’ de la veille, tant le militaire en eux s'était éclipsé pour faire place au vrai reli -gieux.

Leurs exercices, auxquels ils s'étaient efforcés donner en intensité ce que les circonstances avaient obligé de leur retrancher en durée, prirent fin le jeudi, 29 mai, fête de l'Ascension par une

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belle cérémonie de clôture qui faisait penser aux plus doucement émotionnantes des années écoulées.

Comme d'ordinaire, elle eut lieu en présence de toutes les sections de la Communauté réunies dans la grande salle; et, après le chant d'ouverture, le Frère sous-directeur lut, au nom de tous ses confrères du Second Noviciat, une adresse bien. pensée et bien écrite où il exprimait au R. Frère Supérieur l'objectif de leurs efforts et les sentiments qui se pressaient dans leurs âmes:

Nous voudrions pouvoir la reproduire ici tout entière, comme elle le mériterait et comme le R. Frère, interprète de l'assemblée, en manifesta le désir ; malheureusement l'espace — ce maudit espace qui à nos meilleures intentions a déjà tant de fois opposé ses infrangibles entraves — ne nous le permet pas. Faisons-y du moins une bonne coupure qui, en édifiant nos. lecteurs, leur per-mettra de juger du reste.

« Pourquoi, mon Révérend Frère Supérieur, avons-nous mis tant d'empressement à accourir à, votre appel? Ah! c'est que nous avions grande hâte de revoir notre Père et nos Frères ; nous éprouvions le be-soin d'épancher nos cœurs dans des cœurs sincèrement amis; nous sentions l'impérieuse nécessité de nous refaire une toilette et une mentalité maristes, car la boue et la poussière des camps avaient plus ou moins terni notre vêtement de chrétien et de religieux.

Cet asile de paix contraste singulièrement avec le tumulte des camps et le fracas des champs de ba-taille ; à cause de cela peut-être, et peut-être aussi, d'autre part, parce que les extrêmes s'appellent, dès le premier instant, nous fûmes, sans effort, tout entiers au silence, au recueillement, à la prière et 'au tra -vail spirituel.

Ces trois mois de Grand Noviciat, mon Révérend Frère Supérieur, sont un trait d'union délicieux, un recueillement nécessaire entre deux guerres: la première, sanglante, a duré plus de quatre années ; la seconde, pacifique, doit se continuer le reste de notre existence; je veux dire la lutte contre le démon et l'ignorance, en nous et dans l'âme des enfants.

La bataille va donc continuer, mais sur un autre terrain, avec d'autres armes et contre d'autres enne-mis. Nous avons étudié ici le terrain d'attaque, appris a connaître nos ennemis et fourbi nos armes.

D'aucuns ont pensé que trois mois étaient insuffisants pour nous assimiler un programme aussi Vaste: qu'ils se tranquillisent; nous avons suppléé par l'intensité du travail au manque de temps. Prières, confé -rences, méditations, lectures, études se sont succédé presque sans trêve ni merci.

Nos devoirs envers Dieu nous ont été solennellement rappelés, ainsi que les grandes vérités dans la retraite préparatoire, prêchée avec tant de talent, et d'onction par le R. P. Scharpenel.

Guidés par le Cher Frère Directeur, notre maître en tactique religieuse, nous avons poussé nos inves -tigations plus ou moins profondément dans tous les domaines de la spiritualité. Les vertus religieuses, les obligations des Règles et des vœux ont été étudiées en des entretiens journaliers qui nous ont remis en face de notre idéal de Petit Frère de Marie. Pour cela nous avons puisé largement dans notre trésor de famille : Directoire Général, Avis, leçons, sentences, Vie du Vénérable Fondateur et de ses premiers dis-ciples, Circulaires si belles, si instructives, si pleines de haute stratégie ; à la lueur de des flambeaux, nous avons découvert les points faibles de notre place d'armes et dressé notre nouveau plan d'attaque et de défense pour l'avenir, La compagnie du Vénérable Père Champagnat, celle du Frère François, du R. Frère Louis-Marie ont excité en nous d'ardents désirs de les imiter et d'être comme eux de saints reli -gieux, de vrais chevaliers du Christ.

Egalement sous l'inspiration de notre cher Frère Directeur nous avons cherché à nous pénétrer plus profondément de l'importance de quelques points que, dans son expérience, il nous signalait comme ca-pitaux dans la vie religieuse. Tels sont ceux

1° - D'être des hommes de prière, d'abnégation, de règle, de zèle, et de dévouement ;2° - De persévérer dans le saint exercice de la présence de Dieu, dont le souvenir doit animer tous

les. actes de notre journée.3° - D'aller toujours â Jésus par Marie, de donner tout à Marie pour Jésus; de placer sous la protection

spéciale de cette divine Mère, nos personnes, les enfants qui nous sont confiés, et de mettre entre ses mains, pour qu'elle en dispose selon son bon plaisir, toutes nos bonnes œuvres présentes et futures avec tous les mérites qui y sont attachés.

4° - D'être fidèles à la pratique de l'examen particulier qui joue dans la stratégie spirituelle un rôle ana -logue à celui d'observation aérienne dans la stratégie militaire en nous permettant de surprendre les ruses de satan…

Dans quelques heures, nous allons quitter à regret cet asile de poix où nous avons goûté tout ce qu'il a de fortifiant et de doux dans la charité fraternelle pour aller combattre sur un autre front ; mais nous en partirons, grâce à Dieu, avec la plus grande confiance armés de pied en cap, sous l'égide de Notre Dame de Bon Conseil et la protection de notre Vénérable Père, que nous avons le ferme espoir de voir bientôt élevé au rang des Bienheureux ».

Le rapporteur termine en remerciant tour à tour, pour lui et pour tous ceux dont il est l'inter-prète, le Révérend Frère Supérieur; les membres du Régime ; le Frère Marie Odulphe, leur cher et

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dévoué Directeur; le Frère Amphiloque, leur sympathique et éloquent conférencier ; la Frère Di-recteur de la Maison... et tous ceux enfin qui, par leurs services, leurs exemples et leur prières, les ont aidés dans la tâche de sanctification qu'ils étaient venus entreprendre. Le Frère à son tour, re-mercie et félicite les partants, leur donne ses derniers conseils; et après un chant à la Bienheu-reuse Jeanne d'Are — cela convenait à des guerriers d'hier — on récite le Sub Tuum pour réunir tous les cœurs sous la protection de la Bonne Mère.

Dimanche prochain, fête de la Pentecôte, on chantera le Veni Creator pour inaugurer une nouvelle période. Puisse-t-elle être —comme tout le fait espérer — aussi édifiante et aussi visible-ment bénie de Dieu que celle qui vient de finir!

CHINE.

Des ouvriers apostoliques! — Les nouvelles qui nous arrivent de nos œuvres de Chine seraient, Dieu merci, particulièrement consolantes si, à la note joyeuse qui en forme habituelle-ment la mélodie ne se joignait presque toujours, hélas l à titré d’accompagnement, la voix plaintive et souvent désolée où se traduit la parole évangélique: La moisson est copieuse ; mais lés mois-sonneurs sont en nombre lamentablement insuffisant.

Jamais peut-être le mouvement qui fait affluer les enfants chinois, surtout ceux des classes éclairées, vers les écoles dirigées par nos Frères ne s'était dessiné d'une façon plus prononcée, et plus nette que dans ces dernières années ; et, ce qui pst plus heureux encore, jamais peut-être, la grâce divine dont la mystérieuse et conquérante influence pousse ces enfants vers notre sainte re-ligion n'avait trouvé en eux moins de résistance qu'aujourd'hui.

Dans presque toutes nos écoles, comme nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de le noter, il y a mie petite phalange de catéchumènes qui appartiennent parfois à des familles très dis-tinguées, et qui, en dépit des obstacles souvent très difficiles qu'il leur faut vaincre pour cela, se préparent, sous la direction des Frères, à recevoir le saint Baptême et le reçoivent en effet, lorsque leur instruction est devenue suffisante.

Il n'est pas rare, d'autre part, qu'après leur sortie de l'école, ces enfants, non contents de persévérer eux-mêmes dans leurs bonnes dispositions se fassent à leur tour plus ou moins direc-tement apôtres et contribuent puissamment à amener d'autres conversions autour d'eux.

A tous points de vue, il est donc vivement à souhaiter que nos écoles de ce pays puissent toutes être maintenues et que même elles se multiplient, selon le grand désir de plusieurs saints évêques missionnaires, qui font de pressantes instances pour obtenir soit la réouverture de quelques-unes que la guerre à forcé de suspendre, soit la fondation de nouvelles dans des situa-tions où elles auraient chance de faire un très grand bien, et à la voix des évêques, se joint sou-vent celle des consuls, tant ils reconnaissent, eux aussi, au point de vue simplement civilisateur, le bien fait par ces écoles.

Mr le Consul de France à Tientsin, écrivait naguère le Frère Provincial, demande instamment un Frère au moins, pour renforcer la communauté de notre "Ecole Franco Chinoise", que la pénu-rie de sujets amenée par la mobilisation avait forcé de restreindre. Mgr Rouchouse, Vicaire Apos-tolique de Tchenton-fou (Setchouen) réclame la réouverture de l'école que nos Frères dirigeaient dans cette capitale et qui a dû se fermer du fait de la guerre ; Mgr Belotti, Vicaire Apostolique de Ho-nan-fou (Ho-Nan) — désirerait vivement en fonder une à Tchouma-tien, sur le chemin de fer de Pékin à Hankeou ; Mgr Reynaud, Vicaire Apostolique de Tche Kiang, insiste pour la reprise du col-lège du Ning-Po. Le Collège S. François Xavier, de Chang bai, qui ne peut plus donner place suffi-sante à ses 800 élèves aurait besoin d'être dédoublé, etc. ...

Malheureusement, comment faire? Parmi la vingtaine de Frères de la province qui ont été mobilisés, un bon nombre n'ont pas encore pu être rendus à leurs œuvres ; la mort nous en a pris près d'une dizaine ; deux ou trois ont dû retourner en Europe pour raison de santé ; quelques autres, tout en restant en Chine, ont été réduits par la maladie à une impuissance plus ou moins complète ; aucun secours n’a pu être envoyé d'Europe, et, si l'on songe que déjà l'abondance de personnel n'était pas très grande en 1914, on n'aura pas de peine à comprendre que ce n'est qu'à force de dévouement que les œuvres existantes ont pu être maintenues.

C'est une pressante raison pour demander tout spécialement au Seigneur d'envoyer des ou-vriers à cette intéressante portion de sa vigne. Le recrutement local fait bien ce qu'il peut pour sup-pléer à cette pénurie ; il y a à Pékin un juvénat composé de 56 jeunes Chinois qui vont bien, grâces a Dieu, et l'on ne néglige rien pour les rendre propres aux œuvres de l'Institut ; mais il ne

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peut pas suffire. A Zicawei, près de Shanghai, un autre juvénat naissant, composé principalement de jeunes Européens ou Eurasiens, constitue une autre espérance ; malheureusement elle est en-core un peu lointaine. Une bonne dizaine de jeunes Frères formés au noviciat et au scolasticat de San Maurizio, iront prochainement, s'il plaît à Dieu, y joindre leur concours plus immédiat ; mais à ceux-ci, il faudrait, à S. Maurizio, des successeurs plus nombreux, et c'est principalement sous cette dernière forme que nous demanderons au Seigneur des ouvriers pour sa vigne de l’ex "cé-leste empire" qui en a tant besoin.

N'oublions pas qu'en Chine il y a encore 400 millions d'âmes qui sont en dehors du divin Ber-cail ; que chaque jour 30.000 au moins de ces âmes qui sont nos frères et sœurs en Dieu, leur Père céleste comme le nôtre, comparaissent devant le Juge Suprême sans porter sur leur front la marque salutaire du saint Baptême ; qu'une grande proportion de ces âmes, qui ne verront jamais les divines splendeurs de la Cité sainte, auraient joui du bonheur éternel s'il y avait eu assez de zélés missionnaires pour leur faire entendre la divine parole, et nous sentirons combien il est né-cessaire et méritoire de demander en leur faveur des ouvriers apostoliques.

Et quelle gloire pour Noire Seigneur, le jour où, renonçant à ses vaines idoles, ce peuple, probablement aussi nombreux que le genre humain tout entier au moment de sa venue sur la terre, le reconnaîtrait en l'adorant pour son Sauveur et son Dieu.

CONSTANTINOPLE

Laborieuse résurrection de nos œuvres. - Nous avons dit dans notre N° de janvier 1915 comment notre province de Constantinople, déjà très grièvement blessée par la mobilisation géné-rale française qui lui avait enlevé plus de la moitié de son personnel — y compris le Frère Provin-cial — fut définitivement frappée à mort par la fermeture de tout ce qui lui restait d'écoles lors de l'entrée en guerre de la Turquie (novembre 1914). Grâce à l'intervention de M." l'ambassadeur des Etats-Unis, tous les Frères appartenant aux nations de l'Entente purent être rapatriés et éviter ainsi des années de torture dans les camps de concentration; mais toutes les maisons furent saisies avec le mobilier qui s'y trouvait, et depuis lors on ne savait trop ce qu'il en était advenu.

Il était naturel qu'on désirât de le savoir; aussi, dès la signature de l'armistice, le Frère Pro-vincial, qui se trouvait à Athènes, se préoccupa-t-il de faire dans ce but aussitôt que possible, une apparition dans la capitale ottomane; mais faute de services maritimes, ce ne fut que le 8 dé-cembre qu'il put s'embarquer à Salonique avec deux confrères. Trois jours plus tard, ils étaient à Constantinople, où la désolation leur apparut plus grande encore qu'ils ne l'avaient imaginée.

A onze heures, dit le Frère Provincial, nous arrivâmes à notre Résidence Quelle émotion en y péné-trant ! On eût dit une pharmacie dévastée. C'est que les Turcs, qui en avaient fait le dépôt des produits pharmaceutiques des Sœurs, nos voisines, en avaient fait dis paraître avant de partir tout ce qu'ils avaient pu, laissant tout le reste en désordre... Notre premier souci fut d'installer des lits et une cuisine ; mais; si nous réussîmes dans la première partie du programme, nos efforts furent vains pour la seconde.

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MM. les Lazaristes nous offrirent leur table et nous donnèrent ainsi le temps de nous orienter, ce qui n'empêcha pas ces premiers jours d'être bien pénibles. Les choses étant à des prix exorbitants qui attei-gnaient 20, 30, 40, et parfois même 100 fois ceux d'avant la guerre, il fallut, par des prodiges d'adapta-tion, faire usage de tout ce qu'on trouvait sous la main pour s'accommoder au moins mal possible.

Puis nous allâmes voir nos maisons: Bébek, Scutari, Macrï Keui, San Stefano... debout encore mais pitoyablement dévastées. Le chef-d’œuvre en ce genre est San Stefano devenue caserne de troupes turques: à moins d'employer le canon, il n'est guère possible de faire mieux: figurez-vous le clos de la Maison Mère devenu terrain vague foulé aux pieds par les troupes et le passage des autos, pour lesquels ou aurait fait une brèche dans les murs ; tel est l'aspect de notre propriété, où il ne reste plus trace ni des beaux arbres d'ombrage, ni des arbres fruitiers, ni des tonnelles, ni à plus forte raison des plates-bandes du jardin. La maison est à l'avenant : non seulement il n'y reste rien. mais les fenêtres mêmes et les portes ont été emportées. Les persiennes ont servi, comme les arbres, à faire du feu. A peine en reste-t-il quelques unes qui pendent misérablement à. un gond ou battent à tous les vents.

Celle qui a subi le moins de déprédation est Scutari, où s'était. installée une école turque. Il y reste quatre chaises, les placards fixés aux murs, un poêle et même dans les classes une vingtaine de tables passablement endommagées mais encore utilisables. Forcé de décamper au plus vite on n'a pas eu le temps de les emporter.

Nos autres maisons que nous avons pu visiter sont dans un état intermédiaire.Ce ne sera donc pas un petit travail de remettre sur pied ces œuvres jadis 'florissantes niais il faut es-

pérer que, Dieu aidant, on ne laissera pas d'y parvenir. Qui sait même si, dans les desseins de la Provi-dence, la période de dénuement actuel et les difficultés qui l'accompagnent ne sont pas le moyen de nous faire mériter les beaux jouis qu'elle nous prépare et que plus d'un indice semble déjà faire prévoir?...

Le grand souci d'abord fut celui du ravitaillement en vivres et en mobilier ; mais les Autorités françaises, en attendant des secours plus effectifs, donnaient de bonnes espérances, faisaient d'encourageantes promesses et l'on patienta : quelques-uns des objets qu'avant de partir on avait enfermés dans des cachettes furent retrouvés; pour suppléer ceux qui manquaient — et ils étaient en nombre — on fit des merveilles d'industrie; on prit le bon parti de ne pas se montrer difficile... et •entre temps les plus mauvais jours passèrent pour faire place à de plus supportables.

On a vu que de toutes nos maisons la moins endommagée était celle de Scutari. C'est natu-rellement celle-là qu'on songea à rouvrir la première. En attendant que nous pussions l'occuper on lui donna une garde de quelques soldats jusqu'aux environs de Noël. Des Frères étaient attendus de France ; mais, voyant qu'aucun bateau ne venait, le Frère Provincial s'adressa au Haut Com-missaire pour obtenir l'affectation à nos écoles des militaires maristes de l'armée d'occupation et il eut la satisfaction de voir sa requête favorablement accueillie. L'école a donc pu être ouverte avec ce personnel fourni par la Providence. Elle a déjà une soixantaine d'élèves et l'on se croit fondé à compter sur une bonne rentrée pour la prochaine année scolaire.

Puis vint le tour de Macri-Keui. Par ordre de l'Autorité supérieure, l'état major de la 23° divi-sion qui depuis trois mois cantonnait dans une maison, dut déloger, non sans un brin de mauvaise humeur, pour se transporter dans une maison turque, sur le bord de la mer ; et une communauté de nos Frères, sous la direction du Frère Alfrideus, récemment arrivé d'Italie avec le Frère Fran-çois-Eubert, vint prendre sa place et attendre les élèves qui, espère-t-on, ne tarderont pas à af-fluer5 (1). Laissons le Frère Provincial nous raconter lui-même avec la vivante précision des choses vécues, cette reprise de possession.

Tout d'abord, dit-il, il faut obtenir l'évacuation des locaux. La demande monte la voie hiérarchique, passe au service des Ecoles et arrive au Haut Commissaire. Elle passe alors du civil au militaire. Le Gé-néral en chef l'accueille et la transmet au Général de division Elle arrive enfin au Chef d'état major. Celui-ci cherche une autre maison et donne l'ordre d'y préparer les locaux. Bientôt la troupe s'ébranle Il s'agit de trente officiers et d'une trentaine d'hommes. Les services s'en vont les uns après les autres. Celui du téléphone n'est pas le moins compliqué, avec ses kilomètres de fil mêlés en cent combinaisons diverses. Par contre, le Conseil de guerre tient en une demi-douzaine de chaises avec une planche sur deux tré -teaux. Cela prend au moins une quinzaine de jours.

Pendant ce temps, nous faisons des caisses et des paquets, à la Résidence. Lits, matelas, assiettes, boites de conserves, livres, outils, balais; casseroles s'entassent jusqu'à concurrence de trois tonnes. Un camion sera là le 9 (avril) à 13 heures. Le sergent Chalon (Fr. Joseph-Rodriguez) se trouve là, venu de Scutari : il fait charger et monte sur l'auto, qui trois quarts d'heure après est à Macri-Keui. Frère Alfrideus et Fr. Auguste-Léon ont pris les devants et reçoivent l'auto dans la cour. Ou monte les colis dans l'an -

5 Les dernières nouvelles reçues nous apprennent qu'ils ont déjà dépassé la centaine.

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cienne chapelle. L'auto repart prendre le reste, y compris le tonneau de « pinard » article fort utile pour remercier les poilus qui donnent un coup de main Le soir les Frères pouvaient coucher à Macri-Keui sur des lits sommairement montés à la lueur d'une bougie.

Le lendemain, 10, commencement du branle-bas de nettoyage. Nous y allons trois de la Résidence. Avec Fr. Joseph-Rodriguez et Fr. Albert, dominicain qui manie le balai comme les autres, nous sommes sept. Le cuistot fait un dîner double, qu'il sert partie aux officiers, qui prennent là leur dernier repas et par-tie à nous, pour qui c'est le premier. Dans peu de jours, j'espère, des hommes du génie viendront réparer la maison, badigeonner les murs, etc. Vers la fin du mois les enfants commenceront à arriver,... et nous pourrons laisser touer la fanfare militaire dont on voulait saluer notre arrivée.

Ah! pauvres gens qui allez arriver dans des maisons retapées, quelle tranche de vie vous aurez per -due! Comment vous imaginerez-vous, en voyant la pimpante maison de Macri-Keui, qu'on en a extrait sept voitures de balayures et qu'on y a débouché des décamètres -d'égouts ? Comme la bonne Provi -dence e déjoué nos calculs pessimistes des débuts !

Ce sont donc là-bas les premières lueurs d'une renaissance qui, nous avons lieu de l'espé-rer, ira s'accentuant de plus en plus par la reconstitution successive de nos maisons de Samsoun, Bébek, San Stéfano, etc. ...; renaissance laborieuse, pénible, il est vrai ; mais peut-être d'autant plus riche de promesses. N'oublions pas les paroles du psaume : A l'aller, ils allaient pleurant, en jetant la semence; mais au retour ils reviendront pleins de joie, sous le faix de leurs gerbes.

SYRIE.

Tristesses et espérances. — Avant la guerre, nous avions, en Syrie comme dans la région de Constantinople, une œuvre prospère et bénie de Dieu. Dans une dizaine d'écoles bien accrédi-tées, 90 de nos Frères distribuaient le pain de. l'éducation chrétienne à plus de 2.000 enfants; mais on sait comment, vers la fin de Décembre 1914, l'horrible cataclysme qui devait amonceler tant de ruines, vint tout détruire ici comme ailleurs. Non seulement tous nos établissements durent être fermés et abandonnés; mais ceux de nos Frères qui n'avaient pas été englobés par la mobili-sation générale française furent sérieusement menacés d'être séquestrés dans des camps de concentration à l'intérieur du pays; et peut-être ne fut-ce qu'à une Paternelle intervention de N. S. Père le Pape qu'ils durent d'éluder, comme les autres religieux, en regagnant la France ou l'Italie, une si peu engageante perspective.

Depuis lors, une sorte d'inquiétant mystère qui, laissait libre place aux plus pessimistes conjectures, n'avait cessé de planer sur le sort de ces pauvres maisons et de l'intéressante popu-lation, en grande partie catholique, dont elles avaient abrité les enfants. On conçoit donc avec quelle anxiété, surtout depuis l'armistice, ceux qui avaient eu tant de peine à les mettre sur Pied, attendaient la possibilité d'aller voir ce qu’elles étaient, devenues; car les rares nouvelles parues dans les journaux, étaient tellement contradictoires qu'on n'osait s'y fier.

Dès qu'il fut possible d'obtenir un passeport et un passage sur un vaisseau, le C. Frère Pro-vincial envoya, d'accord avec le C. Frère Assistant et le Révérend Frère, une première délégation composée du Frère Benoît, ancien Directeur de Gebeil, et du Frère Joseph de Léonissa, ancien Directeur de Saïda, avec mission de voir un peu toutes choses, d'envoyer des informations et de préparer les voies, dans ]a mesure du possible, à la restauration d'au moins quelques-unes de nos maisons.

Partis de Toulon le 11 mars, sur le ‘’Valdeck Rousseau’‘, ils arrivaient le 15 à Beyrouth et avaient la joie de rencontrer au débarcadère le bon Frère Salutaris (Lieutenant Goutaudier ) pour leur servir de cicérone. Chargé du ravitaillement du Liban à la place du R. P. de Martinprey, S. J., le lieutenant Goutaudier est là-bas presque un grand personnage. Il roule auto- mobile, avec pour chauffeur un de ses anciens élèves de Gebeil, et quand on le voit arriver dans les villages, la poi-trine ornée de la croix de guerre et de la croix d'honneur vaillamment conquises, tout le monde s'incline avec respect devant lui comme devant le ministre des générosités de la France.

Après une visite à Mgr. le Délégué Apostolique, au Commandant Séchet, Gouverneur du Li-ban, et aux RR. Pères Jésuites de l'Université, oh ils sont reçus avec la plus grande cordialité, ils entreprennent la visite de nos établissements du Liban: Jounieh, Gebeil, Amchit, Batroun. Ils ont la tristesse d'y constater bien des déprédations. Partout cependant la maison est debout, et les dé-gâts sont réparables.

A JOUNIEH, on dans un bâtiment tout neuf et construit ad hoc, nous avions, dans un état flo-rissant, comme on doit s'en souvenir le Collège du Sacré-Cœur avec près de 300 élèves dont en-viron 70 pensionnaires, l'immeuble est passablement dégradé mais assez facilement réparable,

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autant qu'on puisse en juger à première vue. La toiture est en mauvais état, la plupart des fenêtres sont sans carreaux, le jardin est une cour ; la chapelle, assez bien conservée, est vide. Le reste de la maison abrite une centaine d'orphelins entretenus aux frais de la Croix Rouge Américaine. Une partie du mobilier, détenue par la municipalité de la ville, a été rendue mais celle qu'on avait remi-sée chez •des particuliers est presque entièrement disparue, sans qu'on soit encore sur la voie de la retrouver.

A GEBEIL le Collège de Notre-Dame du Liban est dans un état de déprédation beaucoup plus accentué. La statue de Notre-Dame est intacte ; mais la croix du portail a été enlevée. Toute la clô-ture de la cour et du jardin a été brûlée: chèvres, vaches, moutons viennent brouter l'herbe du jar-din, les néfliers du Japon et les orangers, qui cependant n'ont pas trop de mal. Toutes les serrures des portes ont été enlevées. Les portes intérieures sont brûlées. Les arbres de la cour sont per-dus, leur écorce ayant été-presque entièrement rongée par les mulets d'un détachement d'Hindous de l'armée britannique qui y séjourna pendant 2 mois.

AMCHIT, notre maison provinciale, que des soins industrieux et persévérants prodigués avec amour, avaient transformée en une oasis de verdure au milieu d'un sol aride, rocheux et nu, pro-duit une impression plus pénible encore si possible. Le jardin est comme à Gebeil. La maison est vide. Une partie de la toiture s'est effondrée et a fait tomber tout un carré du grenier. Heureuse-ment que le 1ier étage et le rez-de-chaussée sont dans un état un peu meilleur. Le mur du cime-tière est tombé! Les croix sont renversées! La statue de N. D. de la Salette, ainsi que celles des deux enfants qui sont devant elle, ont la tète brisée.

A BATROUN, l'école, convertie en prison, a perdu portes et fenêtres ; les ouvertures ont été murées. Une partie de la toiture de la chapelle a été enlevée, et bon nombre 'des objets retirés chez les voisins ont été confisqués. A peine a-t-on pu retrouver quelques matelas, draps de lit et pièces de vaisselle.

A SAIDA, la maison n'est pas dans un état meilleur ; mais une bonne quantité de classiques a pu être retrouvée.

En somme, comme on voit, il faudra bien du temps, de la patience,... et des sommes consi-dérables pour arriver à remettre ces maisons sur pied. Dieu aidant on espère pourtant en venir à bout, le Gouvernement français ayant consenti à faciliter la tâche par quelques avances de fonds en attendant les indemnités, sur lesquelles on compte.

Malheureusement les Collèges n'ont pas été seuls à souffrir: la misère, la famine, les épidé-mies et parfois la cruauté des oppresseurs du pays ont exercé sur la malheureuse population de navrants ravages. On estime qu'à Gebeil, par exemple, la proportion des victimes de tous ces fléaux réunis est d'au moins-cinquante-cinq pour cent du nombre total des habitants et pour l'en-semble de la région elle ne doit pas être beaucoup inférieure. Cela ne peut manquer d'avoir, dans les écoles rouvertes une répercussion très sensible sur le chiffre des inscriptions.

Quoi qu'il en soit, on est disposé à faire tout le possible pour reconstituer au plus tôt les œuvres ravagées par le cataclysme; et pour y arriver, on compte, plus encore que sur les moyens humains, qu'on s'efforce pourtant de ne pas négliger, sur le concours de la Providence qui de tout temps a joué un si grand rôle dans le fonctionnement de nos œuvres depuis le commencement de l'Institut. Plusieurs de nos écoles seraient déjà de nouveau en fonction sans la grande difficulté d'obtenir des places sur les trop rares bateaux qui font le service.

On nous fait espérer que ce fâcheux obstacle ira diminuant peu à peu. C'est grandement à souhaiter. En attendant nous demandons aux lecteurs du Bulletin une bonne prière pour que bien-tôt notre méritante province de Syrie, reconstituée sur de bonnes bases puisse reprendre là-bas son œuvre de zèle et de dévouement au profit des jeunes âmes de plus en plus menacées-dans leur foi par les efforts de la propagande protestante, qui s'évertue par toutes sortes de, moyens à implanter dans le pays les principes de la Réforme.

NOUVELLE ZÉLANDE

Achat d'un terrain pour la Maison Provinciale. — On sait que nos établissements de la Nouvelle Zélande, ci-devant rattachés à la province d'Australie, en furent disjoints à la fin de 1916 pour former avec ceux de Samoa et de Fidji une province distincte, celle de la Nouvelle Zélande, qui est la 22° de l'Institut.

Depuis lors, un des grands soucis du Frère Provincial et de son conseil était la création d'une maison centrale, qui, en plus d'abriter les années de formation des jeunes recrues qu'enverrait la

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Providence, serait la résidence des différents services de l'administration provinciale, k sanatorium des malades et des infirmes, et le foyer d'où la vie mariste pourrait rayonner dans toute la pro-vince. L'idée communiquée aux anciens élèves, à l'occasion des fêtes du Centenaire, avait trouvé parmi eux une adhésion enthousiaste et provoqué de leur part d'importantes largesses, auxquelles une tournée du Frère Directeur de Wanganui ajouta un nouvel appoint.

D'ailleurs le but de ce dernier, en visitant avec l'approbation du Frère Provincial la région de Tanaraki, n'était pas seulement de recueillir des ressources ; il voulait aussi préparer des voca-tions, et trouver un emplacement de climat salubre, d'abord pas trop difficile, et susceptible de pro-curer à une Communauté, moyennant une exploitation. soignée et intelligente, une partie de ce dont elle a besoin pour sa subsistance.

Or son bon ange le fit tomber sur une propriété qui lui  parut réunir à un degré peu ordinaire toutes ces conditions. Le Frère Provincial, après l'avoir visitée fut de son avis, d'autant plus que les conditions de vente, étant donné le prix général des terrains dans la région, étaient loin de paraître excessives; et après avoir obtenu de Mgr. l'Archevêque de Wellington l'autorisation nécessaire elle fut achetée au prix de 30 Livres sterling par acre ou étendue de 40 ares.

Située dans la Commune d'Inglewood, au pied du mont Egmont à 17 milles de New-Ply-mouth, sur la voie ferrée qui relie, cette. dernière ville à Wanganui et Wellington, capitale de l'archi-pel, elle a une superficie de 150 acres (60 hectares). Sur une étendue de 30 à 40 acres, elle est en culture; le reste se compose en parties à peu près égales de 'forêts et de terrain découvert propres au. pâturage. Le tout est bien clos et bien pourvu d'eau. II n'y a pas de bâtiment; mais à un certain point de vue c'est un avantage, parce qu'ainsi on pourra mieux choisir l'emplacement de la maison et la faire bâtir par parties à mesure des besoins sur un plan approprié à l'usage qu'on veut en faire.

Un point d'une grande importance est que la maison pourra être bâtie à moins de cinq mi -nutes de l'église, ce qu'on aurait eu grand-peine à rencontrer ailleurs.

L'opinion unanime est que c'est un heureux événement pour la Province. On espère que la maison, à la construction de laquelle on se mettra le plus tôt possible pourra se peupler de bonnes vocations qui permettront non seulement de combler les vides faits incessamment, dans les rangs du personnel, par la mort, la maladie, la vieillesse, etc.; mais de faire droit à quelques-unes des demandes de fondations qu'on n'a pas encore pu accueillir faute de sujets.

La Rédaction du Bulletin unit ses meilleurs vœux à ceux des Frères de la Province pour que ces légitimes espoirs se réalisent et demande à ses lecteurs une bonne prière à cette intention.

ESPAGNE.

Bénédiction et remise solennelle d'un drapeau donné par S. M. Alphonse XIII, roi d'Es-pagne, au Bataillon scolaire du Collège Valldemia, à Mataró. — Le 13 avril dernier, l'Officiel du Gouvernement espagnol publiait la suivante Ordonnance Royale en faveur du Frère Directeur du Collège Valdemia :

Majestad et Rey (Q. D. G) se ha servido conceder una bandera nacional de seda Paya, con escudo bordado en colores u dos caras, asta de majagua, lanza de acero, corbatas de seda y fle-cos de oro, portabandera de terciopelo morado y galón de oro con hebillas de metal dorado, desti-nado al Batallón infantil organizado en el Colegio de la digna dirección de Ud. De Real Orden se lo participo, remitiéndole adjunta la mencionada bandera. Dios guarde a Ud muchos anos.

Palacio, 12 de abril 19196.

Et peu de jours plus tard, en effet, le royal présent arrivait Valldemia.Par sa nature et ses circonstances, un tel événement méritait. bien, certes, de ne pas passer

inaperçu; et pour solenniser la bénédiction du précieux étendard et sa remise au jeune Bataillon auquel il était destiné, on se mit avec ardeur à préparer, pour le dimanche 18 mai, une belle séance sportive et militaire, qui, avec l'agrément de la Municipalité aurait lieu au Parc de la ville, au 6 Sa Majesté le Roi (Que Dieu garde) a bien voulu accorder un drapeau national en soie, avec blason brodé en couleurs sur les deux faces, hampe de majagua, lance d'acier, cravates de soie et boucles d'or, étui de velours violet et galon d'or avec franges de métal doré, destiné au Bataillon scolaire organisé dans le collège que vous dirigez dignement. Par Or-donnance Royale je vous en donne avis en vous. remettant ci joint le drapeau en question. Que Dieu vous garde de longues années. Du Palais, le 12 avril 1919.

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profit de la Croix-Rouge, sous le commandement du capitaine Juan Gonzales, instructeur militaire des enfants et jeunes gens du Collège.

L'idée, à peine lancée, trouva partout un accueil des plus favorables. A. l'invitation qui leur fut faite d'y prendre part par leur présence, un bon nombre de personnages de distinction, ecclésias-tiques, civils et militaires s'empressèrent de donner leur adhésion sympathique. Tels furent S. E. Mgr. Mas, évêque de Gérone, qui promit de venir faire lui-même la bénédiction du drapeau ; Mr le Maire de Mataró, D. José Maria Fradera, et sa digne épouse, D. Maria Montserrat de Palau, qui voulurent accepter les rôles de parrain et marraine. M. le Recteur du District universitaire, M. le Capitaine général de la région, n'ayant pu venir personnellement se fit représenter. M,’le Colonel du 7° régiment léger d'artillerie, D. Camilo Valdés Lope; d'autre part, fut directement délégué par Sa Majesté pour présider la fête en son nom.

Comme prélude, tous ces illustres hôtes, et beaucoup d'autres qu'il serait trop long de nom-mer, firent au Collège l'honneur de prendre, dans sa grande salle des fêtes parée comme jamais peut être elle ne s'était encore vue, un dîner d'amitié à la fin duquel, dans des toasts chaleureux, furent. exaltés les titres de la Patrie à l'amour et au dévouement de ses fils, la générosité magna-nime du Souverain, et la patriotique vaillance de l'Armée et de ses chefs.

Avant le dîner, on avait visité en détail l'intérieur du Collège, dont on avait admiré la belle or-donnance et l'adaptation de toutes choses aux fins éducatives qui s'y poursuivent. Après dîner on continua la visite à l'extérieur, dans les cours et les dépendances, où l'on ne fut pas moins agréa-blement impressionné des conditions d'espace, d'ombrage et de commodité où se trouvent les en-fants aux heures de récréation et de détente intellectuelle.

Vers 4 heures, l'avenue qui conduit au Parc Municipal, où devait avoir lieu la séance, était pleine de monde. Les 250 élèves du Collège, formés eu ordre militaire, sous, le commandement de leurs chefs respectifs, s'y dirigèrent et défilèrent, musique-en tête, à travers la foule sympa-thique, qui ne se rassasiait pas de les applaudir.

Dès l'arrivée du cortège au champ de manœuvre, où le Délégué de Sa Majesté fut reçu aux accords de l'Hymne national, les Autorités prirent place sur une estrade improvisée, â quelle une heureuse combinaison de tentures, d'oriflammes, de drapeaux, de fleurs et d'arbustes composait une élégante parure;: et le programme, divisé en deux parties, commença par une série d'évolu-tions et d'exercices d'ensemble, qui furent très goûtés du public qui était accouru très nombreux, quoique l'entrée, comme nous avons dit plus haut, fût payante en faveur de la Croix Rouge..

Vers la fin de la première partie, arriva S. E. Mgr. Mas, évêque de Gérone, qui alla prendre sur l'estrade de la Présidence, la place d'honneur qui lui avait été réservée ; et bientôt après, il pro-céda en habits pontificaux, à la solennelle bénédiction du précieux emblème de la Patrie, tenu par la Marraine, qui le remit ensuite au porte-étendard du Bataillon, tandis que les accords de la Marche Royale, annonçaient à tous les élèves, pleins de respectueuse reconnaissance; le don que leur faisait nommément le Chef aimé de la nation.

Ce sentiment, partagé par la nombreuse assistance, redoubla :encore d'intensité, à la lecture faite par le capitaine instructeur du télégramme suivant, qui venait d'arriver:

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Hno Niceto; Superior Colegio Valldemia7.Con singular satisfacción y entusiasmo me asocio a cuantos .rinden hoy público y solemne

homenaje con motivo de la bendición de la bandera que evoca todas la glorias de nuestra Patrie. Felicito y saludo a la Congregación de Religiosos Maristas y a los profesores de ese Colegio que al realizar zona obra de culture e instrucción universalmente apreciada saben inspirar en el cora-zón de sus alumnos sentimientos para que sean buenos cristianos, buenos ciudadanos, dispues-tos siempre e contribuir al en grande cimiento de la Patria.

Saludo también a las Autoridades, familias de los alumnos y a cuantos en general se aso-cian en esa hermosa e industrial ciudad a este memorable acto y hago fervientes votes para que Dios conceda a todos prosperidades y dichas.

ALFONSO, Rey.

Une acclamation prolongée salua ce nouveau trait de la bonté Magnanime du Monarque, et la fête continua avec le même succès que dans la première partie, comme le prouvaient les -salves nourries d'applaudissements qui éclataient de temps à autre à l'adresse des poilus’’ im-berbes, comme les appelait, l'an dernier, celui de leurs camarades qui fut le chroniqueur du Col-lège.

Ce fut, en somme une belle journée pour l'Etablissement, qui continue d'être, grâce à Dieu, l'objet des bénédictions célestes. Avec ses 250 élèves, dont près de 180 pensionnaires, animés d'un excellent esprit quoique venus de régions très différentes non seulement de la Péninsule mais aussi de l'Amérique latine, il jouit d'une exubérance de vie qu'il ne s'était pas encore vue; et, mal -gré les agrandissements considérables qu'il reçut il y a peu d'années, il commence à ne plus pou-voir contenir la studieuse jeunesse qui y grandit dans les pratiques de la piété chrétienne, et dans--le culte de tout ce qui fait la véritable grandeur des peuples.

Nous faisons des vœux pour que la fête mémorable qui fit. battre en ce jour sen cœur d'une si noble joie soit le prélude de jours plus prospères encore pour la gloire de Dieu et l'honneur du Royaume Très Catholique.

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†M. LE CHANOINE BLANC

Curé - Archiprêtre de Grignan.

C'est l'âme pleine de regrets que nous avons appris, vers la fin de février dernier , la nou-velle douloureuse quoique depuis quelque temps regardée comme à peu près inévitable, de la mort de M. le Chanoine H. J. Blanc, Curé Archiprêtre de Grignan, qui fut pendant près de 14 ans (1891-1904) l'aumônier plein de zèle et de dévouement de notre maison provinciale de Saint Paul-3-Châteaux.

Après avoir donné à sa chère âme une place spéciale dans notre mémento des défunts, nous avons conscience de remplir, un strict devoir de reconnaissance, et de répondre au juste dé-sir ce ceux de nos lecteurs qui ont eu l'avantage de l'avoir pour directeur spirituel, en reproduisant, à sa mémoire vénérée, dans notre revue de famille, les quelques pages suivantes, que nous em-pruntons à la Semaine Religieuse de Valence.

"Né le 27 juin 1854, à Chateauneuf-du-Rhone, après une enfance pleine d'édification pour la paroisse le jeune Hubert-Julien Blanc entendit, un jour, l'appel divin au fond de son âme. Dieu le

7 Frère Nicetius, Supérieur Collège Valdemia,Je m'associe de grand cœur et avec une satisfaction particulière à tous ceux qui rendent aujourd'hui hommage, à l'occa-sion de sa bénédiction, au drapeau qui évoque toutes les gloires de notre Patrie. Je félicite et je salue la Congrégation des Religieux Maristes et les professeurs de ce Collège, qui tout en réalisant une -œuvre de culture et d'instruction uni-versellement appréciée, savent inspirer au cœur de leurs élèves des sentiments qui en fassent de bons chrétiens et des citoyens toujours disposés à contribuer à la grandeur et à la gloire de la Patrie.Je salue aussi les Autorités, les familles des élèves, et en général tous ceux qui dans cette belle et industrieuse cité, prennent part à cette mémorable cérémonie; et je fais des vœux ardents pour que Dieu donne à tous prospérité et -bon-heur. ALPHONSE. ROI.

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voulait pour le sacerdoce ! Après de brillantes études, faites- à la Maîtrise de Viviers, il entrait au Grand-Séminaire de Romans, où il fut un modèle de travail, de piété et de vertu. Ses études théo-logiques terminées, mais n'ayant . pas encore atteint l'âge requis pour la prêtrise, il fut nommé professeur au Petit Séminaire où il se révéla maître en la partie. Doué d'une mémoire merveilleuse qui lui a permis, jusqu'à la fin de sa vie, de citer dans ses conversations de nombreux textes d'au-teurs profanes et sacrés, doué d'une belle- intelligence, opiniâtre au travail, il contribua pour une large part, aux succès habituels de notre établissement diocésain,

Ordonné prêtre le 22 septembre 1877, il fut, quelques années après, nommé vicaire dans la plus importante paroisse de la Drôme, en l'église Sainte-Croix de Montélimar (1882.1891). Là, ses vertus sacerdotales, son zèle, sa charité, son dévouement pour le salut des âmes, eurent de fé-conds résultats, et laissèrent, parmi les fidèles, un souvenir encore bien vivace aujourd'hui. On se rappelle encore les organisations musicales qu'il dirigeait avec tant de maestria, et qui donnaient tant d'attraits aux cérémonies de la Collégiale. Car, outre sa science littéraire et théologique, M. l'abbé Blanc était passé maître en science musicale.

Maître, il le fut d'ailleurs toute sa vie, comme il fut toujours prêtre et pasteur, ainsi que l'a dit si éloquemment M. le Supérieur du Grand-Séminaire au jour des funérailles. Et ce titre, il le mérita plus particulièrement encore, lorsque, après ses nombreuses années de vicariat, il fut appelé, comme aumônier, à la Maison Provinciale des Frères Maristes, à Saint Paul-Trois-Châteaux.

" Là, pendant près de quatorze ans (1891-1904), au milieu de cette belle communauté qui, à certaines époques réunissait de huit à neuf cents membres, il se montra véritablement maitre

en ses cours d'instruction religieuse. Il avait conscience de la lourde charge qui lui était impo-sée, car il comprenait bien que la science religieuse, qu'il inculquait à ses Petits Frères, devait ser-vir à l'évangélisation, non seulement des enfants de France, mais aussi à ceux de l'étranger, la Congrégation des Petits Frères de Marie possédant de nombreuses Maisons dans les deux hémi-sphères.

Avec quel soin, avec quelle application, il préparait ses instructions, ses conférences ou ses méditations quotidiennes ! :Sa vie d'aumônier fut celle d'un vrai religieux. Tous les jours debout dès quatre heures du matin, consacrant la majeure partie •de son temps à l'étude et au confes-sionnal, il pouvait, chaque soir, après une courte veillée, s'endormir avec la conscience d'avoir fi-dèlement rempli son devoir, et d'avoir fait un peu plus de bien aux aines qui lui étaient confiées.

Mais, dans sa communauté, il ne fut pas seulement maitre .et prêtre, il fut aussi un conseiller sage et prudent; et, plusieurs lois les Supérieurs de la Congrégation eurent recours a ses lumières pour solutionner certaines questions difficiles à. résoudre. -Plusieurs fois, il fut envoyé par eux dans leur maisons de l'étranger, à titre de visiteur, particulièrement en Espagne, où il fut reçu d'une manière vraiment triomphale.

Ce fut, pendant cette période de son ministère que Mgr Cotton, voulant récompenser les mé-rites et les vertus du cher aumônier, l'éleva, le 11 novembre 1902, à la dignité de chanoine hono-raire de la Basilique-Cathédrale de Valence. Les fêtes célébrées en son honneur dans la Commu-nauté furent splendides. Tout était à la joie!

Un jour vint, cependant, où la joie se changea en tristesse. Une ère de persécution religieuse très violente commença en France. Au nom de la "liberté’’, inscrite dans nos lois et sur tous nos monuments publics, défense était faite aux religieux de vivre en communauté.

Les Petits Frères de Marie, atteints, eux aussi, par cette loi inique, furent contraints de cher-cher un refuge hors de la Patrie, où, cependant on ne craignait pas de donner asile et liberté à ces ennemis barbares qui devaient, quelques années plus tard, semer, parmi nous, tant de deuils et tant de ruines.

C'en était fait! La communauté de Saint-Paul-Trois-Châteaux était dissoute, et le titre d'au-mônier disparaissait avec elle.

L'administration épiscopale, reconnaissant et voulant de nouveau récompenser les mérites de M. le chanoine Blanc, le nomma á une cure importante du. diocèse. Mais la secte veillait, et elle imposa son veto. La paroisse de Chateauneuf-du-Rhone étant privée de pasteur, Monseigneur l'Évêque de Valence, contrairement aux habitudes, nomma M. l'abbé Blanc, curé de son pays na-tal. Le coup était un peu hardi; car, ainsi que le dit la Sainte-Ecriture elle-même, nul n'est prophète clans son pays.

Mais l'autorité diocésaine n'eut pas à se repentir de ce choix. M. le chanoine Blanc eut bien vite fait de s'attirer la sympathie et le respect de tous ses compatriotes.

Chateauneuf-du-Rhone ne devait pas être, toutefois, le terme de sa carrière apostolique. La

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loi de séparation ayant rendu aux Evêques le droit naturel et légitime de faire les nominations .aux archiprêtres sans l'autorisation gouvernementale, Mgr. Chesnelong, en 1906, nomma M. le cha-noine Blanc curé archiprêtre de Grignan. Là, aidé par des vicaires qui lui furent pleinement dé-voués, il organisa rapidement une œuvre de jeunesse dont il était justement fier. Chants magni-fiques, auditions musicales, projections lumineuses, rien ne fut négligé pour ramener au 'bercail du Seigneur les brebis égarées. Mais, ce qui fut l'apogée -de son ministère paroissial, ce fut l'organi-sation admirable du Congrès. eucharistique de novembre 1913, dont les trois journées furent des journées de triomphe pour le Dieu 'de nos tabernacles. On se rappellera longtemps l'imposante cé-rémonie de clôture à laquelle prirent part plus de 5.000 personnes, sous la présidence de Monsei-gneur de Gibergues, évêque de Valence, et de Nosseigneurs les Vicaires Généraux, entourés d'un nombreux -clergé. On se rappellera longtemps cette interminable et triomphante procession à tra-vers les rues de la gracieuse cité de Grignan.

Tout cela, cependant, ne se fit point sans fatigue, et le vénérable archiprêtre ressentit, dès lors, les premières atteintes du mal qui devait nous le ravir. Si, du moins, l'aide de son cher vicaire lui avait été assurée ! Mais non. La terrible guerre qui se déchaîna en 1914, vint le priver de ce précieux: auxiliaire. Et dès lors, il dut assumer, à lui seul, la charge de tonte la paroisse, avec toutes ses conséquences: visites des malades, funérailles, messes tardives, catéchismes etc.

Et cependant, qui le croirait ? Malgré toutes ces fatigues supplémentaires, il s'était imposé la tâche, parfois bien pénible, de faire la classe à deux ou trois jeunes élèves qu'il voulait diriger vers le Séminaire. Après cela, qui donc .s'étonnerait qu'il ait été terrassé avant son heure ?

Déjà, vers le milieu de l'année 1918, la crise devenait plus aiguë, le cher malade se voyait à peu près privé du secours de ses jambes, à tel point que; pour se rendre à l'église, il se vit dans le nécessité de se faire aider par une personne charitable. Mais, le 17 octobre, ses forces le trahis-sant totalement, il dut s'aliter pour ne phis se relever. Dès ce jour, d'ailleurs, il ne se fit aucune illu-sion sur le funeste sort qui l'attendait: "Ah! cher ami, disait-il, un jour, à un confrère voisin, me voilà touché ! Je ne m'en relèverai pas. C'est fini ! et plus tôt le bon Dieu viendra me délivrer, mieux cela vaudra. Quoi qu'il en soit, je désire me préparer à ce terrible moment de la mort, non pas seule -ment comme un bon chrétien, mais comme un bon prêtre; pour moi, pour ma propre consolation, mais aussi parce que je le dois à mes chers paroissiens, et pour l'édification de tous. Je veux faire une confession générale, à laquelle je vais me préparer sérieusement’’. Et trois jours après, en ef-fet, comme il avait été convenu avec son confesseur, il accomplit, avec piété et un grand esprit de foi et d'humilité, ce grand acte du vrai chrétien et du bon prêtre. Il voulut en même temps recevoir les sacrements de l'Eucharistie et de l'Extrême-Onction, répondant à toutes les prières, édifiant les personnes présentes à cette touchante cérémonie, Et comme son confesseur l'exhortait à la rési-gnation : ‘’Ah! cher ami, lui dit-il oui, j'accepte tout ce qui; le bon Dieu voudra. Je lui fais le sacrifice de ma vie; qu'il me fasse miséricorde !’’

Ne pouvant plus dire le bréviaire en son entier, il récitait les psaumes, hymnes ou oraisons qu'il savait par cœur, et il était très heureux de les commenter à son entourage..

Enfin l'heure cruelle sonna, le vendredi 21 février, et ce prêtre, qui selon l'expression de M. le Supérieur du Grand-Séminaire, fut ‘’grand parmi les plus grands’’, ce pasteur à l'âme si élevée, au zèle si pieux et si ardent, au cœur si bon, taisant discrètement l'aumône aux déshérités, ce père si affectueux pour sa famille spirituelle, cet ami fidèle et sûr, disait adieu à la terre pour monter sur le Thabor de la gloire éternelle.

A son excellente mère si affligée, écrasée par le poids des ans et de la douleur, à cette mère en- pleurs, qui, depuis 35 ans, donnait à son fils bien-aimé ses soins maternels et son affection la plus tendre, à ses frères attristés par cette perte cruelle, à toute sa famille en deuil, nous adres-sons, avec nos plus vives condoléances, l'assurance de nos ferventes prières pour le repos de l'âme de celui qu'ils retrouveront un jour auprès de Dieu‘.

De cœur et d'âme, la Rédaction du Bulletin, s'associe aux sentiments exprimés ici par la Se-maine religieuse de Valence, dans la certitude d'être en cela le fidèle interprète de tous ses lec-teurs, particulièrement dans la province de St Paul, où le souvenir de Mr le Chanoine Blanc reste l'objet d'une vénération reconnaissante de la part de tous ceux qui l'ont connu.

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NOS DEFUNTS

† Frère APPÈLES - STABLE. - Frère Appèles - Louis Rieu - naquit â Montpezat (Ardèche) le 24 juin 1840, d'une famille foncièrement chrétienne, comme l'étaient alors à peu près toutes -celles de cette région. Outre l'assistance assidue aux offices et cérémonies de l'Eglise, la prière du matin et du soir se faisait régulièrement en famille dans chacun de ces foyers bénis ; de plus, la récita-tion du chapelet était en honneur, suivie, bien souvent, surtout pendant les longues veillées d'hi-ver, de la lecture de la vie des saints.

Louis fut élevé et grandit dans cette atmosphère religieuse, si favorable à la piété: aussi à 12 ans était-il déjà un fervent chrétien.

Ce qui fit surtout impression sur son âme, ce furent les beaux exemples de la vie de quelques saints qui affrontèrent courageusement les plus affreux tourments, et la mort la plus hor-rible pour rester fidèles h leur Dieu et assurer par là le salut de leur âme.

Lui aussi voulut sauver son âme à tout prix, en embrassant la vie religieuse. C'est le 29 no-vembre 1856 qu'il entra au Noviciat de Labégude. Il apportait en religion, avec ce riche fonds de solide et fervente piété qui sera la caractéristique de toute sa vie, cette noble passion de la lecture quotidienne de la vie des saints, bonne et pieuse pratique, à laquelle il sera fidèle tous les jours de sa vie.

Pendant les premières années de sa vie religieuse, Louis Rieu, qui avait pris le nom de Frère Appèles, fut, après son Noviciat successivement employé au soin du. temporel, puis comme pro-fesseur dans divers établissements. Entre temps, il faisait quelques stations plus ou moins prolon-gées à Labégude, où il soulageait, dans ses fonctions de portier, le vénéré Frère Ribier, de si sainte mémoire. Car il faut savoir qu'à cette époque, au même travail du département de la Conciergerie, on avait ajouté celui de la préparation des hosties, d'abord pour la maison, et dans la suite pour nombre de paroisses voisines : ce qui constituait une pieuse industrie dont le produit était affecté aux frais du culte.

A l'école d'un si bon Maitre, le Frère Appèles fit de rapides progrès, non seulement dans la confection des hosties dont il augmentera plus tard considérablement le produit, par une nom-breuse clientèle,- ruais surtout dans la science des saints. Cependant le vénéré Frère Ribier, mûr pour le ciel, fut appelé à la récompense en 1867.

Le Frère Appèles, en qui les Supérieurs avaient déjà remarqué de précieuses qualités, fut désigné pour prendre sa succession dans les fonctions de concierge.

Il devait les remplir fidèlement et sans interruption pendant plus de 50 ans en faisant pendant tout ce temps l'admiration. et l'édification de tous ceux qui venaient à la maison et qu'il recevait toujours si aimablement, soit à Labégude durant 11 ans, puis à Aubenas pendant 29 ans, et enfin à Ruoms pendant. 12 ans.

Ce n'est pas, certes, par des actions d'un grand éclat que ce Frère s'est attiré l'admiration de tous ceux qui l'ont connu, car la vie tranquille, paisible et uniforme qu'il a menée s'est écoulée sans bruit dans l'intérieur du couvent. Mais bien par son humilité, sa modestie, sa dignité et sa piété, d'une part.

En plus de cela, il possédait les qualités du portier idéal: une politesse toute religieuse, tou-jours déférente et respectueuse, qui sied si bien à un homme de Dieu; une grande discrétion, parce qu'il était un homme vraiment intérieur, gardant tout pour lui excepté ce qu'il devait commu-niquer aux Supérieurs, une remarquable propreté, qu'il faisait régner sur sa personne, ses habits, les objets à son usage, les appartements de son quartier dont les trois plus beaux ornements étaient l'ordre, la modestie et la propreté.

Dans ce même ordre d'idées, tout à côté, du parloir, il avait un coin de terrain toujours bien tenu, où il aimait à cultiver de belles fleurs. Que .de fois ses plates-bandes artistement disposées, ses bordures de bon goût et aux brillantes couleurs, ou quelques rares et belles fleurs lui ont valu l'admiration et les-félicitations des amateurs!

Cependant ce serait bien peu connaître le Frère Appèles si l'on s'en tenait à ces qualités ex-térieures qui ont fait de lui le portier modèle.

Il y avait bien mieux encore chez ce Frère. Nous l'avons dit, c'était ayant tout un homme inté-rieur d'une solide et fervente piété, qu'il nourrissait surabondamment chaque jour par la lecture de la vie des saints et de quelques autres ouvrages de spiritualité; par la récitation d'un ou plusieurs rosaires; par des. chemins de croix -et des visites au Saint Sacrement. Avec l'autorisation -de ses

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Supérieurs, il se levait toujours à 4 h. et commençait sa journée par un premier chemin de croix. A 10 heures, il en faisait un 2nd quand. ses loisirs le lui permettaient.

Dans la soirée, ordinairement vers les 4 h. il allait rendre ses hommages à N. S. au T. S. Sa-crement, pour lequel il a . toujours eu une tendre dévotion et un très profond respect. Ce respect, il le montrait en tout, même dans la préparation des hosties. Quel soin scrupuleux il apportait à ce travail, auquel il tenait comme â ses yeux ! Choix de la farine, préparation de la pète, propreté des instruments, manipulation des hosties

après les avoir découpées pour les mettre en paquets, rien n'était. négligé. Si parfois, acca-blé de travail, il était obligé de se faire aider par une main étrangère, on sait que ce n'était pas par celle d'un priseur. Tout cela par respect pour Notre Seigneur au T. S. Sacrement. Les prêtres des environs connaissaient cette délicatesse sous ce rapport. Aussi accouraient-ils nombreux, pour être servis. Tous garderont du Frère Appèles un bien religieux souvenir, non seulement à cause des relations d'autrefois, mais parce qu'ils avaient reconnu le type du frère mariste humble, mo-deste, et charitable.

La charité est douce, dit Saint Paul.- Mais une telle charité suppose une âme noble, un cœur généreux et bon, une force morale qui demande,. clans bien des cas, l'entière possession de soi-même: tout cela est le fruit de la vertu acquise et du commerce intime avec Dieu.

Tel fut le Frère Appèles.Rien n'édifie tant le prochain que ces figures douces et aimables, annonçant par leur séréni-

té, le bonheur qu'elles goûtent au service de Dieu. Malgré elles, il s'échappe quelque chose de surnaturel et de divin dans leurs relations avec le prochain.

Vous avez fait une grande perte en la personne du cher Frère Appèles, disait au Supérieur de la maison de Ruoms, un voisin qui avait vu de près ce bon Frère.

‘’Qu'il était aimable et serviable! Il a emporté mes regrets et mon admiration dans la tombe’‘.Tant il est vrai que le bon religieux sera toujours l'honneur et la gloire de son ordre.

C'est le 26 septembre, et seulement après deux jours de maladie que le bon Frère Appèles à rendu sa belle âme a Dieu, sans secousse, sans agonie, car depuis quelque temps la vie ne tenait -que par. un léger souffle.

Le prêtre éminent qui lui prodigua les secours de la religion et entendit sa dernière confes-sion disait, en se retirant:

‘’Je connais le Frère Appèles depuis 30 ans. C'est un saint religieux. Je voudrais bien être à sa place quand il paraîtra devant Dieu; car j'ai la conviction qu'il entendra bientôt ces consolantes paroles du divin Maitre: Venez, le béni de mon " Père, posséder le royaume qui vous a été promis''.

C'est un beau témoignage, que ratifieront tous ceux qui ont connu le Frère Appèles. Puisse-t-il l'avoir été par le Juge suprême !

C'est ce que nous espérons! R.I. P.

† Frère FÉLICIANUS, stable. — Un Frère peut faire beaucoup de bien et rendre d'éminents services à son Institut, quand il a, avec une intelligence plus qu'ordinaire, un dévouement servi par une activité dévorante, l'amour de la famille mariste à un très haut degré et, comme couronnement à tout cela, un excellent esprit religieux.

Tel nous apparaît le bon Frère Félicianus durant ses 56 ans de vie religieuse.Peu d'existences ont été plus actives et partant plus fécondes que celle de ce rude travailleur

et de ce fervent religieux, que Dieu a appelé à la récompense le 22 juillet 1918, après l'avoir sou-mis, durant ses dernières années, à de grandes et bien humiliantes souffrances.

On peut dire en toute vérité qu'il a bien mérité de l'Institut comme professeur infatigable pen-dant 28 ans; comme Directeur de l'importante maison de Bessèges pendant 6 ans; puis comme Econome provincial pendant 15 ans; enfin, comme infirmé et •souffrant, mais non moins méritant, pendant les 6 dernières .années de sa vie.

Telles sont, dans leurs grandes lignes, les différentes étapes parcourues par ce Frère dont le souvenir restera, parce qu'il rappellera toujours une figure quelque peu légendaire.

Frère Felicianus, Girard Antoine, était né le 17 juillet 1840, au Cheylard (Ardèche) l'un des centres restés les plus catholiques de l'arrondissement de Tournon.

Il eut le bonheur de fréquenter l'école des Frères dont il devint un des meilleurs élèves. A l'âge de 16 ans, ses Parents songèrent à le mettre en apprentissage dans un atelier de soieries de la région. Mais les bons catéchismes et les exemples de dévouement et de piété de ses maîtres

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vénérés avaient fait impression sur son âme ardente, et depuis quelque temps la pensée lui était venue d'embrasser leur genre de vie. Il déclara donc à .ses Parents que ses goûts étaient pour l'enseignement chrétien et leur demanda l'autorisation de rentrer à Labégude pour s'y préparer. N'ayant trouvé que de chauds encouragements de la part de sa famille à la réalisation de son pieux projet, il se rendit au Noviciat le 10 octobre 1802, et fut reçu par le vénéré Frère Malachie.

On ne tarda pas à remarquer dans le nouveau venu un jeune homme intelligent, ardent au travail, d'un goût bien marqué pour l'étude et d'une fervente piété. Avec de si heureuses disposi-tions, on pouvait bien augurer pour l'avenir.

En effet, Antoine Girard, qui avait pris le nom de Frère Félicianus, répondit pleinement aux belles espérances qu'on avait fondées sur lui.

Son Noviciat terminé, il débuta à Joyeuse comme cuisinier. De là, il fut désigné pour la petite classe de Bernas, où il eut un plein succès, comme en témoigne la note suivante: "Frère Félicia-nus fait admirablement sa petite classe, composée de 100 élèves. Tout ce petit monde travaille bien, est fort attaché à l'école et les parents sont contents du jeune professeur. Je n'ai pas connu de .Frères faisant si bien la classe et ayant obtenu de tels succès’’.

Tel est le témoignage que rendait de lui feu le bon Frère Philothée, son Directeur.De Bernas, où il avait passé 5 ans, le Frère Félicianus fut envoyé à Largentière en 1869. Il

devait y rester 12 ans, sous l'habile et intelligente direction du vénéré Frère Dydime, dont il garde-ra toujours le meilleur et le plus respectueux souvenir.

Là, son champ d'action était plus vaste et le programme à parcourir autrement plus chargé qu'à Bernas. Néanmoins, donnant toute la mesure de sa valeur, il fut vite à la hauteur de la nou-velle situation et sut, sinon toujours gagner l'affection de ses élèves, du moins exciter leur admira-tion par son enseignement méthodique, son inlassable dévouement et les succès scolaires-obte-nus à la fin de chaque année.

Dans une maison nombreuse comme l'était alors celle de Largentière, qui comptait plus. de 300 élèves dont 80 pensionnaires, il y a toujours, en dehors du professorat, bien d'autres travaux supplémentaires: ce sont de longues listés à établir, des états à fournir, etc. Frère Félicianus était l'homme tout désigné pour ce surcroît de travail, sans parler de celui qu'il faisait encore à cette époque, et à titre gracieux, pour l'Inspecteur primaire. Ajoutons qu'il faisait tout intelligemment et d'une façon irréprochable, car il possédait la science des détails et, en fin observateur, rien ne lui échappait. Mais si le travail qui sortait de ses mains était toujours bien soigné, il exigeait, un peu vivement quelquefois — pourquoi ne pas le dire? — qu'il en fat de même pour celui que lui présen-taient ses élèves.

En 1882, la Province d'Aubenas était assez dépourvue de Frères brevetés. Cependant un projet de loi était en préparation pour exiger le brevet de capacité de la part de tous les ensei-gnants, congréganistes y compris. Les supérieurs pensèrent qu'il était urgent d'organiser sérieuse-ment un cours normal pour préparer les jeunes Frères à l'obtention de ce modeste titre de capaci-té, désormais obligatoire. Frère Félicianus en eut la Direction. On ne pouvait faire un meilleur choix. Dès lors on put escompter les bons résultats qu'il obtiendrait devant les différentes Commis-sions d'examen. De fait, durant les 10 années qu'il en eut la direction, le scolasticat fournit un bon nombre de Frères brevetés qui purent ainsi alimenter les établissements en souffrance et per-mettre d'en créer un certain nombre d'autres.

Quel bien il a ainsi réalisé sous cette forme d'apostolat!En 1892, le Frère Félicianus fut appelé à la .direction de l'important Etablissement de Bes-

sèges (Forges), en remplacement du cher Frère Liboire, nommé Provincial.Il devait occuper cette charge 6 ans,, pour passer ensuite à celle d'Econome provincial à Au-

benas. La nouvelle situation n'était pas sans quelques difficultés, à cause des deux Communautés du Noviciat et du Pensionnat sous le même Econome. En tout cas, il montra pour l'Economat les qualités qui caractérisent le bon Administrateur: il était prévoyant, savait faire ses provisions en temps opportun, avait l'œil sur tout, tenait admirablement sa comptabilité, ce qui lui valut plusieurs fois des félicitations bien méritées; il savait par-dessus tout bien faire rentrer les fonds, sans craindre le qu'en dira-t-on ni se décourager quand une première démarche n ‘avait pas abouti. A ce propos, dans une circonstance il fut mandé auprès d'un personnage un peu grincheux pour ré-clamer une somme qui était due et revendiquer des objets qui revenaient à la Province. Très fran-chement et sans tournure diplomatique — qu'il ne connut jamais — il exposa l'objet de sa visite et fit valoir ses droits. On montra d'abord un peu de mauvaise humeur, mais on s'exécuta tout de même. Le soir de ce même jour, Frère Félicianus sur un ton un peu triomphant rendant compte de

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sa mission au cher Frère Assistant, celui-ci ne put s'empêcher de dire dans l'entourage: il faut être Frère Félicianus pour exécuter un pareil tour de force.

On l'aurait cru peut-être un peu serré. Il n'en était rien. Tout en faisant faire instinctivement un tour à son cordon, selon une habitude contractée depuis longtemps, il écoutait les solliciteurs avec bienveillance, puis leur faisait donner largement le nécessaire, tant sous le l'apport du ves-tiaire que de la nourriture. Les jours de fêtes, rien ne manquait ,de tout ce que peut largement per-mettre la Règle. Mais il était ennemi du gaspillage et ne pouvait contenir son indignation devant la prodigalité. On le savait. Quelques Frères étaient étonnés parfois du refus de certaines transac-tions, cependant 'avantageuses, auxquelles il ne voulut jamais se prêter. Ils en trouveront le secret dans sa franchise un peu brutale, si l'on veut mais surtout dans sa délicatesse de conscience, qui ne lui permit jamais de biaiser avec tout ce qu'il croyait être strictement le devoir. Redisons encore que ses comptes étaient toujours parfaitement en règle, très exactement tenus, comme d'ailleurs tout ce qui était à son usage.

Cependant, il faut bien le dire, malgré ces riches qualités, quelques menues imperfections laissaient apercevoir parfois l'homme sous le religieux. Hélas ! bien rares sont ceux, ici-bas, qui ne touchent pas aux misères humaines, même par l'extrémité des pieds. Nous savons tous que le ro-sier qui porte les plus belles roses n'est pas lui-même sans quelques épines. Ne nous étonnons donc pas de trouver quelques légers nuages au plus beau tableau.

Il arrivait donc quelquefois au bon Frère Félicianus, qui était d'un tempérament nerveux, de ne pouvoir toujours maîtriser son caractère prompt à prendre feu et de laisser échapper quelques paroles un peu vives, ou de répondre sur un ton quasi aigre-doux en face d'un contradicteur 'de parti-pris. Mais la parole n'était pas plutôt lancée qu'il reconnaissait sa trop grande vivacité et pré-sentait des excuses à ceux auprès desquels il s'était oublié.

Les six dernières années de la vie de ce bon, Frère furent des années de grandes souf-frances. Une cruelle maladie de nerf ne lui permettait pas de prendre du repos dans son lit durant toute la nuit: il en était réduit à s'asseoir dans un fauteuil ou à se promener dans une des salles de L'Infirmerie. De plus, il fallait l'aider à s'habiller et même, dans les derniers temps, les mains refu-sant tout service, lui porter la nourriture à la bouche. A ces souffrances physiques s'ajoutaient de grandes souffrances morales pour un homme sensible comme l'était Frère Félicianus ; car si le corps tombait en ruines, la tête resta toujours saine, ce qui lui permettait de bien mesurer toute l'étendue de ses misères.

Hâtons-nous de dire qu'il fut toujours admirable de résignation, faisant effort sur lui-même pour accepter généreusement et porter vaillamment sa lourde croix. Pendant tout le temps de sa longue 'maladie, alors même qu'il ne pouvait plus se traîner que bien péniblement, il assistait à tous les exercices de Communauté. Quel sujet d'édification pour les Frères de la maison de Ruoms aussi bien que pour ceux qui, de passage, étaient témoins de sa fidélité à assister à, tous les exercices dans -un état si lamentable

Les meilleures épreuves, les plus sanctifiantes, rie sont-elles pas celles qui sont attachées à notre caractère?

Plus elles nous crucifient, plus elles nous sanctifient. Tel à été le cas du bon Fière Félicia-nus.

Aussi, nous en avons la confiance, Dieu, après l'avoir purifié par la souffrance, aura bien ac-cueilli ce vaillant ouvrier qui eut toujours la passion du travail et la noble ambition dé la plus -grande gloire de Dieu et do bien de son Institut.

R.I.P.

† BROTHER STEPHEN, STABLE. - In Dumfries on December 3rd. 1918, this- holy Reli-gious, fortified by the Rites of Holy Church, passed away to his heavenly reward in the most con-soling and edifying- sentiments of faith, resignation, and confidence in God.

Having attained his eighty-second year, he established a record for longevity in the Province of the British Isles.

He was born at Farathy, Co. Cork, in the bosom of a respectable Irish family on February 6th. 1837. In his pious home and in a land distinguished for its invincible loyalty to God and

• Holy Church, he breathed from his earliest infancy an atmosphere of faith, piety, and rever-ence for spiritual things, and thus acquired the invaluable asset of a sound religious early training.

• This precious heritage of his childhoods, strengthened by the Religions Life and perfected by Divine Grace became the motive power that directed his way ever onward and upward, till fi-

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nally it bore him safely, through the portals of death, into the possession of his heavenly home.He was known in the world as. William Cotter and had reached early manhood when he

entered the Novitiate of Beaucamps on August 24th. 1861, where he took the Religious Habit on the feast of the Immaculate Conception of that year under the name of Brother Stephen.

From the first days of his noviceship and throughout his long life of fifty-seven years as a Marist Brother, he was remarkable for a deep spirit of faith, an ardent love of God, and an un-swerving fidelity to the Rules of the Society to which he was ever devotedly attached.

He possessed an upright and open character, a constant and firm will, and a mind that was cast in a serious mould but was ever simple and guileless. His outlook on life was purely a spiritual one, and he judged men and events from the standpoint of the -Spirit of Faith. Matters of mere worldly interest occupied little of his attention, but it was quite otherwise when there was question of things affecting the glory of God, the progress of the Church, or the work of the Congregation. He was one to whom we may with truth apply the words of the Imitation: — "We stand above things present and contemplate the eternal; who with the left eye regard things passing, and with the right those of heaven''.

‘Though not distinguished by brilliant talents, nor endowed with what the world esteems to be high intellectual attainments, he nevertheless, possessed that incomparable gift which, in God's sight at least, outweighs all others-the mentality of the saint.

In his exterior he cultivated that neatness and correctness of attire and deportment which dis-tinguish the Christian gentleman, are the sign of self-respect, and very frequently, also a mark of respect for God and the neighbour.

In community .his conduct was always dignified, and his intercourse with his brethren was cheerful and affable, kind and sympathetic. For his Superiors he entertained those sentiments of fi-lial attachment and submission which are an outcome of humility; he honoured and respected them, and was never wanting in those outward marks of deference which are always due to them, if only by reason of their office.

While scrupulously exact in all that ordinary courtesy demanded, he was most guarded in his dealings with the outside-world, and never sought personal friendships with seculars. His chosen friends were all within his own religious family. He had left the world to save his soul, and he found within the monastery that four-square city of God which is pictured-in the Book of Revelation.

In school lie was cheerful, grave, and reserved, never permitted anything approaching famili-arity, nor showed any preference for pupils who were highly favoured externally; and if lie had any predilections, they leant towards those whom worldly fortune had neglected. Like his Divine Master he had a true love for the poor. He was indefatigable in zeal for the .religious training of his children and in preparing them for a worthy reception of the Sacraments. His greatest concern was to help his scholars to save their immortal souls rather than to furnish them with the means of securing a perishable worldly advantage. The catechism lesson was his delight, and he made it a favourite one for his children by enlivening his religious instructions with well chosen stories and illustrations. His chief aim however, was not so much to train the mind as to instil into the hearts of his hearers an abiding love of God, our Lady, the Church, and holy things. His words, simple and earnest, but coming straight from a heart full of the love of God, were well calculated to make a deep impres-sion on the mind and heart of his pupils; and all the more so because, though of tender years, they could not but feel, instinctively, that in their teacher they had the living expression of the virtues lie preached. He strove to inspire his children with a love of prayer and the practice of the presence of God by making these a part of their daily lives: That beautiful practice of the Prayer of the Hour was so honoured in his school that, we can assert on good authority, it was also honoured and practised in many homes in the parish of St. Patrick's where most of his teaching life was spent. He endeared himself to his scholars and had so won their youthful sympathies and attachment that the fear of offending their worthy master or incurring his displeasure was a greater deterrent from thoughtless conduct or wrong-doing than that which existed in the leather discipline sometimes used in the schools of those days.

The unassuming modesty and dignity of Brother Stephen's bearing on his way to and from the Church, and his attitude of profound recollection and devotion while assisting at Holy Mass and Benediction, were a source of general edification and a subject of frequent remark among the pa-rishioners, by all of whom he was revered and spoken of as a saint.

Having fulfilled with satisfaction the various offices which usually fall to the lot of the Novice and Probationer, he made his perpetual vows at the Retreat of 1866. For a short time he was em-

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ployed in our Houses at Dundee and Glasgow, but most of his active life was spent at St. Patrick's, London, of which he took charge as Director in the late sixties. At that time the Brothers were loc-ated at The Polygon, Clarendon Square, and St. Patrick's was the only school attached to that es-tablishment. During the zealous directorship of Brother Stephen five other schools were opened: Peckham, and St. Aloysius', St. John's, Mecklin Street and Leicester Square. All the Brothers, and a number of juniors who worked as Pupil Teachers in these• schools, lived under his direction in the above-mentioned establishment which had to be enlarged by the addition of the adjoining house. Peckham became a separate establishment later on; and when, in 1890, The Polygon was threatened with demolition, Brother Stephen spent many anxious and fatiguing days in search of other premises in which to locate the staffs of the five remaining schools. His many efforts were at last rewarded by the discovery of suitable and spacious .premises in Regent Square, and to this residence the Brothers, and juniors removed in April 1891. The direction of such a large community consisting as it did of the staffs of five schools, each with its own peculiar needs and particular in-terests, was no light burden; but the zeal of Brother Stephen was not satisfied. Towards the end of 1891 he increased his charge by the addition of the staff of St. Anne's Grammar School which, transferred from the East-end, was re-opened in January 1892, at Regent Square, under the name of St. Patrick's Middle School. Shortly after having completed the instalment of this numerous com-munity he was changed from London where he had been engaged during twenty-five years in ar-duous work for the glory of God and the spread of the Institute. This change must have been a sore trial for clear Brother Stephen, but he accepted this cross, as he did all others, in loving sub-mission to the holy will of God. Sometime after this, we find him in Athlone, with hands and time fully occupied, directing the community and superintending the erection of a large building intended for an Irish Juniorate but destined to become an Intermediate School. Towards the end of his act-ive life, after having for a time filled the office of Master of Juniors in Glasgow, he was appointed Master of Novices in Dumfries. In the religious training of his Novices this saintly soul found con-genial-field of labour, and devoted himself to it with the same zeal and earnestness that had char-acterised his previous work. Those who had the privilege of being under his guidance and direction give proof of the sound training they received, and always speak of their Novice Master in terms of the highest praise and respect.

During the whole course of his directorship he was most careful to exact the faithful accom-plishment of the Rule, especially in all that concerned the Religious Exercises; but if he required this fidelity from others, he never failed to be the first to show a perfect and constant example. Had his humility permitted, he might have said to his Community what SL Paul said to the Corinthians: "Be ye followers of me as I also am of Christ’’.

Though some seventeen years ago he withdrew from work and spent this -last period of his life in retirement at Mount St. Michael, he did not cease to take a keen interest in the progress of the Institute and all its undertakings. Mount St. Michael was to become his Mount Horeb whence, with mind and heart uplifted, he would appeal to Heaven for the success of his Brethren doing strenuous battle for God on many a scattered plain. It is not given to us to know or to gauge what portion of their successes may be attributed to Brother Stephen, -but doubtless lie fond this item among the many others placed to his credit in the Book of Life.

Most of his life of retirement was passed in prayer and union with God; and he gave great edification by his piety, regularity, and the patience and cheerfulness he exhibited while enduring much pain. Without definite employment to attend to it might seem that hours would pass slowly and days would appear dreary: but when questioned if such was the case, his invariable reply was that ne never felt lonely, and that he found the day only too short. Perhaps we may find most of the truth of this answer in the fact that his life-long cherished practice was the Presence of God, and that while, of necessity he had to fulfil the part of Martha, his decided preference was for that of Mary. He had a tender love for our Lord in the Blessed Sacrament and his visits to the chapel were frequent and long. How deep this love was, is shown by the fact that his daily petition to our .Lady and St. Joseph was, not that his several infirmities might be lessened, but that they should not take a shape which would prevent his daily attendance at Mass and Holy Communion. He was insistent in his request to be allowed to rise half-an-hour before the Community so that he might have suffi-cient time to perform all his Morning Exercises and be in his place in the chapel before the bell was rung for Mass.

Even while suffering acutely he never lost his serenity and peace of soul but always received his visitors with a cheerful smile and kindly words. If they expressed a Wish for his speedy recov-

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ery his reply would be: "I am perfectly indifferent" It will be just as God wills’’. "I am quite ready to go. These expressions are a faithful interpretation of Brother Stephen's attitude in the face of death.

The last stage carne rather suddenly. The patient was suffering cruel torment, and on November 8th, the doctor decided that an immediate and serious operation was the only chance left. What the result would be, time alone could reveal. Almost at a moment's notice Brother Stephen was to be removed to the Public Hospital to face what he was fully convinced meant death. There was not one word of complaint, nor a murmur of self-pity. Before being placed in the ambulance he received Holy Communion with peaceful devotion and with signs of such calm resig-nation to God's Holy Will, that the edified spectators were filled with admiration at his Christian fortitude.

The operation was successfully performed and the patient rallied wonderfully, so that after a week of progress we began to entertain hopes of seeing him once more in our midst even in better health than formerly. But God had decreed that His servant was ripe for the reward, of a long life of faithful stewardship. On the morning of December 23rd. the worthy and devoted chaplain of St. Joseph's College administered the last Sacraments and, in company with two Brothers, remained beside Brother Stephen during the last hours of his life. He was sensible to the end and the last words he uttered were a profession of Faith confidence, and resignation; "I am quite willing to die''. As God wills, I am ready''. Then with a fixed look and smiling countenance, as if beholding some beautiful vision, he peacefully breathed forth his soul into the hands of his loving and beloved Mas-ter. R. I. P.

The following is a letter of condolence, and at the same time a testimony of the high respect and esteem in which Brother Stephen was held by his former pupils.

Corpus Christi Priory, Manchester.December 26th, 1918.

Dear Brother Provincial.While thanking you for your kind and gracious note which arrived yesterday afternoon I am

grieved to hear the sad news it conveys of the death of good dear Brother Stephen. I am grateful for the prompt notification as it has enabled me to join you in spirit this morning in paying my last respects to a venerated memory by offering up my Holy Mass, on the very feast of his Patron, for our dear departed Brother whom I always held in the greatest esteem and affection as the exem-plar of a true Religious and of whom all will say: "None knew him but to love him. ''None named him but to praise’’.

His last moments I feel sure, were like those of his glorious Patron St. Stephen of whom we read: "He, being filled with the Holy Ghost, looking up steadfastly to heaven, saw the glory of God, and Jesus standing at the right hand of God’‘.... And saying: "Lord Jesus receive my spirit, he fell asleep in the Lord. Yes! for good Brother Stephen death was but a peaceful transition from this place of probation after a long, fruitful, and edifying life in the service of the Divine Master, to the possession of his eternal reward in Heaven, where we all hope one day again to meet him never to part. And as we think of his departure, these words instinctively come to our minds: " Precious in the sight of the Lord is the death of his saints. May my soul die the death of the Just, and may my last end be like unto theirs''.

With the expression of my sympathy in the loss your Community has sustained.Believe me to remain,

Dear Brother Provincial,Very sincerely and devotedly Yours in J. C.

J. G. Seadon, C. P. R. Abbot.

† Frère TÉRENCE, stable. - Ce vénérable doyen de l’Institut s'est pieusement éteint, le 11 avril dernier, à l'âge de 90 ans passés, dans notre maison provinciale de Vintimille, qu'il édifiait de-puis 9 ans par la pratique de toutes les vertus d'un vrai Petit Frère de Marie.

Né à Montélier, près de Valence (Drôme), le 9 janvier 1829, d'une. des plus chrétiennes fa-milles de cette religieuse paroisse, il fréquenta, dans ses jeunes années, l’école que venaient d’y fonder en 1834 les Frères de l’Instruction Chrétienne de St Paul-3-Châteaux; et dès Page de 12 ans, gagné sans doute par le pieux ascendant de ses vertueux maîtres, il vint demander une place au noviciat. Sur les bonnes références qu'il présenta et sur la confiance qu'inspirait sa physiono-

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mie ouverte et décidée, Monsieur Mazelier le reçut ; mais il le garda provisoirement comme juvé-nistes jusqu'au mois d'octobre 1842, où il lui permit de commencer son postulat. Entre temps avait eu lieu, le 11 mars de la même année, la fusion des Frères de l’Instruction Chrétienne avec les Petits Frères de Marie, dont il fut ainsi un des premiers prosélytes dans la province.

Après son année de noviciat, il fut envoyé, successivement,. comme chargé du temporel et de la petite classe, à Goudargues, à Mornas, à Barjac et à Marguerittes; puis il revint en 1847 à Mornes à titre de Directeur. Il n'avait que 18 ans ; mais, plein de zèle et d'entrain, il ne laissa pas de donner pleine satisfaction au clergé, à la municipalité et aux familles, qui cependant avaient conservé une vive sympathie pour son prédécesseur, le Frère Palémon.

Celui-ci était allé fonder dans le Var l'établissement de Lorgues, où il avait de la peine à s'ha-bituer. En 1849, il obtint de revenir à Mornes et Frère Térence alla le remplacer à Lorgues où il mit également l'école sur un bon pied. Il supprima certains abus amenés par l'usage d'un billard dont Mr. le Curé avait fait présent aux Frères, et deux distributions solennelles de prix qu'il avait organi-sées eurent, devant un public nombreux et sympathique, un succès remarqué. Mais il parait que les Supérieurs, en acceptant la fondation de cette école, avaient promis d'y établir un pensionnat, ce que les circonstances rendaient difficile; Mr. Aurand, fondateur de l'école, contrarié des retards mis par les Supérieurs à l'exécution de cette clause, perdit patience et rappela les Frères de Saint-Gabriel qui dirigeaient l'école avant nous.

C'était en 1852. Frère Térence alla remplacer le Frère Bernardin dans la direction de l'école de Manduel (Gard) d'où il fut transféré un an plus tard à celle de Suze-la-Rousse, près de S. Paul-3-Châteaux. Pendant les 4 ans qu'il y resta, il imprima, comme à Lorgues, une bonne direction à l'école. Pour donner de l'émulation aux élèves, il avait établi, de concert avec Mr. le Maire et Mr. le Curé, des examens trimestriels qui produisaient de très bons résultats, et ses élèves, auxquels il avait appris le plain-chant, contribuaient beaucoup à rehausser les offices de l'Eglise

Un fâcheux accident obligea les Supérieurs à le changer en. 1857, et il alla prendre, à l'extré-mité N-0 du département de la Drôme, la direction de l'école de Beausemblant que venaient de fonder et de confier à la Congrégation Mr. l'abbé Ithier, curé de la paroisse, et son neveu l'abbé Collin. Là, pendant 22 ans, il se dévoua de son mieux, en s'entendant très bien avec M. le Curé et M. le Maire, pour assurer la bonne marche de cette petite école, dont les ressources n'étaient pas très abondantes malgré la bonne volonté des fondateurs pour-ne pas laisser souffrir les Frères.

Malheureusement,, vers 1876 , il commença à ressentir les atteintes d'une surdité qui alla s'aggravant d'année en année, et qui en 1879 l'obligea à laisser l'enseignement, que pourtant il ai-mait beaucoup et où il réussissait d'une façon plus qu'ordinaire. Il paraissait un peu grondeur, mais au fond il aimait véritablement les enfants, qui, bons connaisseurs sur ce point. comme sur beau-coup d’autres, s’en rendaient compte et le payaient de retour.

Pour avoir raison de la malheureuse infirmité qui, à un âge-où il se sentait encore plein de vi-gueur, venait le rendre impropre au principal ministère de l'Institut, il ne négligea rien de ce qu'il croyait humainement propre à produire un bon résultat. Peut-être même, en quelques occasions montra-t-il une confiance un peu trop naïve aux promesses intéressées de prétendus. Docteurs qui n'étaient au fond que des chevaliers d'industrie; — il est si dur de renoncer à l'espérance ! — mais une fois convaincu qu'il n'y avait rien à faire, il s'en remit pleinement à la volonté de Pieu, et ne pensa phis qu'à se rendre utile de quelque autre façon que lui indiquerait l'obéissance.

C'est ainsi qu'il -remplit tour à tour avec dévouement- les-humbles fonctions de cuisinier à S. Bauzille, à Grâne, à Allex, puis de ravier au pensionnat de Bourg-de-Péage, se montrant partout un modèle de piété, de régularité et de bon esprit en même temps que d'activité et d'application à sa tâche. Au dernier de ces établissements, il s'occupa encore, et avec un succès peu commun, de l'apiculture en grand: Dans un pays situé à quelque distance; où il avait un pied à terre, il avait monté et soignait avec intelligence un important rucher auquel il faisait donner de beaux rende-ments.

Mais Dieu voulait le sanctifier par l'épreuve; et le temps vint où, à sa surdité presque com-plète, vint s'ajouter une grave maladie d'yeux. Elle lui fut d'autant plus sensible qu'elle le mettait. dans l'impossibilité de continuer un travail que, sur l'invitation des Supérieurs, il avait entrepris et auquel il tenait de toute son aine. Il s'agissait de la reconstitution d'un traité de Perspective qu'il avait composé autrefois et qui avait disparu avec tant d'autres choses durant la tourmente de 1903. Heureusement que, par une sorte de miracle, la vue lui revint assez bonne pour lui per-mettre d'écrire sans trot) de fatigue, sinon pour donner à ses dessins la finesse qui les avait fait admirer autrefois; et il se remit à l'œuvre avec une affection qui ne l'a pas quitté jusqu'à la mort.

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Son idéal était de dépouiller les éléments de cet art de l'appareil scientifique dont s'effrayent trop souvent les élèves, et de le ramener à quelques procédés très simples qui le mettraient à la portée de n'importe qui et en feraient, au lieu d'une étude maussade, un agréable passetemps . Parvint - il à le réaliser ? Ce n'est pas trop certain. Sans compter l'air assez bizarre de sa termino-logie, où le néologisme se donne libre carrière, il tomba peut-être un peu ingénument dans l'illu-sion d'avoir fait, dans le domaine de l'art perspectif, des découvertes déjà faites depuis longtemps, et de croire l'exposition de ses "procédures'‘ et "procédés’’ aussi claire et pleine d'attraits pour tout le monde qu'elle l'était pour lui. Là du moins où il réussit à souhait, ce fut à fermer complètement la porte à l'ennui, qui risquait d'empoisonner ses vieux jours, et à conserver, dans l'espèce d'isole-ment auquel le condamnait sa surdité, une bonne humeur qui le rendait sympathique à tous8.

Il avait d'ailleurs d'autres titres à cette sorte de vénération dont-il était l'objet dans le commu-nauté. A l'auréole de majesté que lui donnait son grand âge, il joignait une parfaite régularité. Bien qu'incapable de rien entendre, on le voyait assister très assidûment à tous les exercices de piété et témoigner par son attitude toujours correcte qu'il était d'esprit et de cœur à tout ce qui se faisait en communauté. Lors même qu'il était indisposé, il était toujours levé à l'heure réglementaire, et jusque clans sa dernière maladie, il fallut tout son amour de l'obéissance pour le déterminer à pro-longer un peu son repos.

Animé d'un grand esprit de foi, il tournait comme instinctivement ses pensées et ses senti-ments vers le côté surnaturel vies événements et des choses, et les appréciait d'après leurs rap-ports avec les vues de Dieu et de sa Providence. C'était plaisir de l'entendre parler sur ce sujet, où son esprit se trouvait comme dans son élément. Sur l'abandon au bon plaisir de Dieu, sur le rôle médiateur et réparateur du saint sacrifice de la messe, sur la vie de Dieu dans les âmes, etc., il avait des horizons si larges, des points de vue si élevés, des aperçus si justes, des accents si convaincus et si attendris qu'on ne savait vraiment d'où ils pouvaient lui venir sinon de l'action di-recte de l'Esprit Saint, qui révèle aux humbles de cœur ce qu'il cache jalousement aux superbes, trop confiants dans leurs propres lumières. Il faisait penser involontairement à Claude des Huttes, ce simple tailleur de pierres de Saint-Point que Lamartine à si bien fait parler dans un de ses plus beaux ouvrages:

''Comme vous êtes seul ici! — lui dit le poète avec commisération. — Et lui de répondre : ‘’Je ne me sens jamais seul. L'homme n'est pas seul quand il a Dieu présent devant soi et au-dessus de soi. -- Vous avez raison; mais comment, de vous-même, vous êtes-vous élevé et accoutumé à la pensée de cette présence de Dieu qui peuple pour vous le désert et qui intervient à vos côtés comme un ami invisible? — Que voulez-vous, Monsieur, ma mère m'a d'abord parlé de Dieu; puis. quand je suis devenu grand, j'ai rencontré de bonnes âmes qui m'ont conduit dans la maison de la prière où l'on se réunit pour l'adorer en commun et pour écouter les paroles qu'il a chargé ses saints de révéler aux hommes en son nom; mais, quand personne ne m'aurait parlé de Lui, est-ce qu'il n'y a pas dans tout ce qui nous entoure un catéchisme qui l'enseigne aux yeux et à l'âme des plus ignorants?

"Vous voyez donc Dieu? — Certes si je le vois! et de tant de manières, sous tant d'images qu'il me serait impossible de vous l'exprimer.... Tantôt il m'apparaît comme un ciel sans limites, qui embrasse tous les mondes et dilate son sein de plus en plus à mesure qu'on s'y enfonce plus pro-fondément; tantôt comme une mer sans rivages d'où émergent des îles sans nombre;... tantôt comme un œil immense, plus vaste que le ciel et toujours ouvert sur ses œuvres, vers lesquelles il s'étend pour les embrasser à mesure qu'il les crée ; tantôt. comme une main immense qui nous soutient tous et nous rapproche de son regard pour nous éclairer et de sa bouche pour nous ré-chauffer de son souffle ; tantôt comme un cœur qui bat dans toutes ses œuvres de la plus grande à la plus petite... — Et pourquoi l'aimez-vous? — Parce qu'il m'a créé. — Mais cela ne lui a rien coûté. — Pardon,. Monsieur, cela lui a coûté une pensée, une pensée du bon Dieu; et quand j'y ré-fléchis je deviens fier comme un Dieu dans mon humilité, grand comme un monde dans ma peti-tesse. Une pensée du bon Dieu! mais cela vaut autant que s'il m'avait donné tout l'univers. Car en-fin, Monsieur, quoique je sois bien peu, de chose, il a fallu d'abord pour me créer qu'il pensât à moi qui n'existais pas encore, qu'il m'enfantât d'avance, qu'il me réservât mon petit moment, mon petit poids, ma naissance, ma vie, ma mort, et, je le .sens, Monsieur, mon. immortalité. Quoi! n'est-ce

8 Un autre résultat plus positif de ce travail fut d'être au moins la cause occasionnelle qui induisit un bon Frère de la pro-vince d'Espagne à composer le Tratado Práctico de Perspectiva, de la Collection F. T. D., qui a trouvé fort bon accueil parmi les professeurs et les étudiants dessinateurs de la Péninsule.

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donc rien que cela, Monsieur? Avoir occupé la pensée de Dieu, l'avoir occupée assez pour qu'il daignât me créer ! Ah ! je vous le répète, rien que ça, Monsieur, rien que ça, quand j'y pense, me fond d'amour pour le bon Dieu !’‘

Il est plus que probable que le Frère Térence n'avait jamais lu Le Tailleur de pierres de Saint-Point — ses préoccupations étaient ailleurs — et cependant nous serions bien étonnés que ceux qui ont vécu plus ou moins longtemps dans son intimité ne reconnussent pas une parenté étroite entre sa manière habituelle de penser et de sentir avec celle du héros de Lamartine. C est que les âmes simples et droites sont toutes sœurs et que sans s'être concertées, elles se trouvent naturellement d'accord.

Cette tendance à voir Dieu en toutes choses qui s'affirmait d'une façon si remarquable dans les conversations et les entretiens du bon Frète ne l'abandonnait pas même dans les notes qu'il écrivait sur son art favori, la Perspective, oh il trouvait une vraie mine de rapprochements originaux avec ce que la théologie nous enseigne sur la nature et les attributs de Dieu, la personne du Verbe incarné, la sainte Trinité, etc. tant son âme avait de propension à chercher le Créateur dans son œuvre et à s'élever par le visible à l'invisible.

Son esprit de foi, qui lui montrait ainsi Dieu dans toute la création, le lui faisait voir plus parti -culièrement encore dans la personne des Supérieurs, qui nous tiennent ici-bas son lieu et place. Aussi quels n'étaient pas à leur égard son respect, sa dépendance, son esprit filial! Ce fut une scène à la fois touchante et pleine d'édification, la dernière fois qu'il vint à la Maison Mère, de le voir, à la fin du déjeuner qu'il venait de prendre avec les membres du Régime, venir se mettre à genoux aux pieds du Révérend Frère, incliner devant lui sa tête vénérable et lui demander sa bé-nédiction. avec un tel mélange de simplicité, de foi et de vénération filiale qu'on avait peine à contenir son émotion. Il avait l'impression que sa fin était prochaine; mais il l'attendait avec la calme confiance du bon ouvrier qui, le soir venu, aspire au repos. Loin de redouter la mort il était d'accord avec le grand Apôtre pour la regarder comme un gain. Le poussin, disait-il, ne s'afflige pas de ce que la coquille qui le retient prisonnier dans les ténèbres va se briser; il aspire vers ce bienheureux moment oh, sortant de sa captivité, il pourra ouvrir ses yeux à la lumière pour 'la-quelle ils sont faits et déployer librement ses ailes dans le libre champ de l'atmosphère. D'autres fois il disait plaisamment qu'il allait changer de province; c'est à dire passer de la province militante de la terre, où la Providence lui avait assigné son champ de labeur, à la province triomphante du ciel oh l'attendaient, auprès de la Bonne Mère et du Vénérable Fondateur, tous ses compagnons de lutte pour ]e bien.

Ce départ pour l’ "autre province’’ devait se faire attendre plus longtemps qu'il ne pensait, mais il ne quitta pas son esprit et lui fut une perpétuelle invitation a détacher son cœur de tous les objets terrestres pour le donner de plus en plus complètement à Jésus et à la T. Sainte Vierge, pour laquelle il ne cessa pas d'avoir une très filiale dévotion. Dans les aspirations de son âme, le nom de la Mère ne se séparait jamais de celui du Fils, non plus que dans les entretiens qu'il avait, sur les choses du ciel, durant sa dernière maladie, avec ceux qui venaient le voir.

Le jour désiré vint enfin cependant; et, après avoir reçu, le saint jour rie l'Annonciation, les sacrements des mourants avec beaucoup de piété, il passa, de cette terre d'exil à la patrie céleste, le il avril dernier, vendredi de la passion, où l'Eglise honore les sept Douleurs de la B. V. Marie.

R. I. P.

N. B. — Depuis la liste publiée dans la Circulaire du 24 mai, nous avons appris la mort du Frère Ennemond , du Frère Anastasio et du Frère Damian. Nous les recommandons aux pieux suf-frages des lecteurs du Bulletin.