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A la découverte du Lean Six Sigma

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A la découverte du  

Lean Six Sigma  

 

 

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A la découverte du 

Lean Six Sigma  

 

Florent FOUQUE 

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Auteur-éditeur :

Florent FOUQUE 10 rue du 23 Août 1944

69780 Mions Siret : 442 614 475 00022

Crédit Photo Couverture :

Stephen Davies www.picturewales.com

Crédit Couverture/illustrations du livre :

Florent FOUQUE

© 2009 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.  

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A propos de l’auteur Après  10  années  d’expérience  comme  contrôleur  de  gestion  et responsable  informatique dans  les secteurs de  la grande distribution et des services (SSII), Florent FOUQUE s’est orienté vers le métier du consulting. Sa  spécialisation  l’amène  aujourd’hui à  conduire  des projets dʹoptimisation des processus  transactionnels pour  le  compte dʹindustriels présents sur le plan international. 

Passionné  par  l’innovation,  et  plus  spécifiquement  par  l’innovation des processus, c’est tout naturellement, qu’il s’est approprié les outils les plus poussés dont font partie le Lean Six Sigma et la Systémique. 

Diplômé  d’une  Maitrise  de  Gestion  au  CNAM  et  d’un  Mastère Spécialisé  en Management  de  la  Technologie  et  de  l’Innovation  à l’EM‐Lyon,  Florent  FOUQUE  reste  captivé  par  les  sciences  du management organisationnel. 

Si  ce  livre  constitue  son  premier  ouvrage,  Florent  FOUQUE  a  déjà réalisé  de  nombreuses  publications  sur  ses  deux  blogs (leansixsigma.free.fr et analysesystemique.free.fr), ainsi que dans des revues  spécialisées  comme Supply Chain Magazine, Qualité Online, ou BPM‐channel. 

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Remerciements Cet ouvrage n’aurait  jamais vu le  jour ; du moins pas sous une forme aussi aboutie que celle‐ci ; sans la contribution directe ou indirecte de quelques personnes… 

Permettez‐moi donc de  rendre  hommage  à Paul,  l’ambidextre du savoir et de l’action, à qui je dois l’initiation à l’innovation ; à Arturo, Tran  et Dirk  sans qui, mes  connaissances  en Lean  Six Sigma se seraient arrêtées à  la  théorie ; à Alexandre et Damien qui auront posé leurs yeux avisés sur les aspects techniques des concepts exposés ; à Laëtitia ma principale relectrice qui a eu du mérite à procéder au  travail de « débroussaillage » de  la  toute première version ; à mes employeurs d’hier et d’aujourd’hui qui me permettent d’avancer  sans m’en  rendre  compte, à  Isabelle, ma douce, qui s’est fait une raison de mes réveils matinaux pour m’adonner aux  joies de  la connaissance ; à ma fille Satine pour son énergie  inépuisable et  le calme dont elle peut  faire preuve pour  me  permettre  d’écrire ;  et  enfin  à  tous  mes  amis  qui m’apportent  la convivialité et  les plaisirs simples, nécessaires à contrebalancer  le  stakhanoviste  que  je  suis  lorsqu’il  s’agit d’apprendre les sciences du management organisationnel. 

 

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Avant­propos Ma première rencontre avec la méthodologie du Lean Six Sigma s’est réalisée au cours d’un module de formation enseigné à l’EM‐Lyon. Je suis  ressorti de  cette  courte  introduction avec un  sentiment étrange. D’une part, l’assurance du discours de l’intervenant me laissait penser que  la méthode était  robuste et efficace, d’autre part,  je n’avais  rien retenu de la façon dont ce type de projet pouvait être mis en œuvre. 

Par  la suite,  j’ai approfondi mes connaissances avec  la  lecture de six livres reconnus sur le sujet. Lors de cette deuxième prise en main du Lean  Six  Sigma,  j’étais  stupéfait de  constater  à  quel point  les  outils étaient présentés de manière inaccessible. Certes, les livres sur le sujet ne manquaient pas. Chaque livre présentait les outils et leur efficacité. Certains  s’aventuraient même  à  donner  des  exemples  d’utilisation, mais  aucun  ne  présentait  le  déroulement  d’un  projet  dans  sa continuité. 

J’étais assez surpris de lire autant de livres traitants d’une méthode de conduite de projet, qui  se  faisaient pourtant  l’économie de dérouler un projet dans son ensemble. Quel exemple serait plus parlant pour présenter  une  méthode  de  gestion  de  projet,  que  celui  qui  serait conservé  du  début  à  la  fin ?  Mon  deuxième  étonnement  était  de constater le peu de livres disponibles pour présenter la méthode dans le contexte des services. Améliorer  les processus qui traitent des flux physiques  est  une  chose,  s’intéresser  à  l’optimisation des  processus 

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transactionnels en est une autre. Il me semblait qu’il y avait là un vide important. D’autant plus que  les problématiques d’aujourd’hui  sont de plus en plus liées aux flux d’informations. 

Mon  apprentissage  sur  le  sujet  se  finalisa  par  une  formation présentielle  dispensée  par  plusieurs  Master  Black  Belt.  Là  je  me rappelle m’être  félicité, d’avoir approfondi  le sujet par  la  lecture des ouvrages évoqués précédemment, avant d’attaquer  le  séminaire,  car cela  m’a  permis  de  bénéficier  d’un  prérequis  non  négligeable.  En revanche,  autant dire que  la plupart des  autres participants  se  sont vite  fait  submerger  par  la  quantité  et  la  complexité  des  concepts présentés. 

Les raisons en sont multiples :  

‐ Une focalisation trop importante sur des outils complexes qui ne servent que dans très peu de cas. 

‐ Une  incapacité à  lier  les étapes du DMAIC (Définir, Mesurer, Analyser, Innover, Contrôler) les unes aux autres. 

‐ Une  présentation  poussée  des  outils  au  détriment  de  la présentation de leur contexte d’utilisation. 

‐ Des  exemples  présentés  qui  sont  aux  antipodes  des problématiques rencontrées par les étudiants. 

‐ Un  volume  très  important de  connaissances,  fourni dans  un délai aussi court. 

‐ Un nombre de participants trop important rendant impossible une étude individuelle de chaque projet. 

Bref,  pour  une  formation  sur  la  qualité,  et  ce,  malgré  le  niveau d’expertise  des  intervenants,  il me  semblait  que  de  grands  progrès restaient à faire. 

Par  ailleurs,  après  quelques  projets,  il me  semblait  que  la méthode présentait  quelques  failles  qui  pouvaient  facilement  se  résorber  par l’utilisation d’outils externe au Lean Six Sigma. Je pense notamment à l’approche systémique, aux techniques de créativité…etc. 

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Ce livre est donc né de l’idée de rendre accessible la méthodologie du Lean Six Sigma. Oui, le DMAIC et les outils qu’il intègre, peuvent être d’une  incroyable  complexité  en  fonction  des  problématiques rencontrées. Mais dans la plupart des cas, cette méthode de gestion de projets  se  déroule  très  simplement  et  peut  être mise  en œuvre  par n’importe  quel manager,  quel  que  soit  son  niveau  de  connaissance dans les statistiques. 

Cet ouvrage est destiné à : 

‐ tous les managers et opérationnels qui souhaitent optimiser les processus au sein de leur entreprise, 

‐ des chefs de projet qui recherchent une méthodologie robuste et efficace, 

‐ des  consultants  qui  souhaitent  s’approprier  une  démarche axée sur les résultats, 

‐ des  formateurs  qui  recherchent  un  support  de  formation simple et convivial avec des exemples concrets, 

‐ tous  les  chefs  d’entreprises  qui  souhaitent  orienter  leur organisation sur la voix de l’excellence opérationnelle, 

‐ des étudiants en science du management, ‐ des  managers  impliqués  dans  la  supply  chain  de  leur 

organisation, ‐ des praticiens du Lean Six Sigma qui s’interrogent sur l’apport 

de la systémique dans la conduite du DMAIC, ‐ et enfin à toutes les personnes qui s’intéressent de près ou de 

loin à l’amélioration des organisations. 

Voilà l’objectif affiché : démocratiser le Lean Six Sigma, la systémique, et  plus  largement  l’excellence  opérationnelle  auprès  des managers. Dans cette idée d’évangélisation de la méthode, le livre a été écrit sous forme  de  roman.  Il  est  également  accompagné  d’un  CD‐Rom,  qui reprend  le  modèle  de  suivi  de  projet  du  livre,  ainsi  que  tous  les fichiers de  travail, ceci afin de permettre à chacun de se  lancer dans l’aventure s’il le souhaite. 

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Chapitre 1  

 

L’APPEL A L’AVENTURE

  Le bras droit et un balancier court faisaient émerger  le volant d’une  dizaine  de  centimètres. C’était  juste  assez  pour  que  le  geste, éprouvé  d’un  coup  de  raquette  furtif,  vienne  happer  les  quelques plumes vers le terrain adverse. Le tir vint chercher la ligne de fond. Le jeu de  jambes hâtif permettait à  l’adversaire de dérouler un retour à contre‐pied.  L’homme  au  service  stoppa  sa  course,  puis  tendit  son revers,  trouvant  le volant  et  le  restituant d’une  courte portée ;  juste assez pour épouser le filet et finir aux pieds de l’adversaire. 15/12 ! La sentence  était  tombée.  Nos  deux  managers  transpiraient  de  fierté d’assumer une heure de sport intensif à l’orée de leurs 55 ans. 

Le  rituel  de  la  douche  invitait  les  deux  hommes  à  démarrer  leur discussion favorite : le travail. Cela ferait bientôt 30 ans que les deux amis  se  côtoyaient.  Bernard  et  Jean‐Louis  s’étaient  rencontrés  chez Mister Bricolo, une enseigne de la grande distribution du bricolage. A l’époque Bernard, était un jeune approvisionneur alors que Jean‐Louis occupait  un  poste  de  chef  de  produit*. Après  une  collaboration  de cinq ans dans cette entreprise, Bernard avait évolué sur un poste de 

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Demand Planner* chez Green & Garden, un manufacturier d’outillage de jardin. Quelque temps après, Jean‐Louis fut débauché par un client de Mister Bricolo. C’est ainsi qu’il démarra sa carrière de responsable marketing  au  sein  de  la  structure  Home  Design.  Après  deux décennies  à  évoluer  au  sein de  la même  filière, nos deux managers étaient  devenus  de  vrais  experts  dans  leur  domaine  respectif.  A présent,  Jean‐Louis  était  Responsable Marketing  et  Responsable  de l’Innovation  au  sein  de  Maisons  de  Byzance,  l’un  des  principaux groupes  de  BTP  en  Europe.  De  son  côté,  Bernard  avait  intégré Martin’s  Garden  depuis  huit  ans  au  poste  de  Demand  Planning Manager  sur  la  zone  EMEA*.  Il  dirigeait  une  équipe  de  sept personnes. 

Bernard  avait  toujours  mis  un  point  d’honneur  à  séparer  sa  vie professionnelle  de  sa  vie  privée.  Ainsi,  il  n’avait  gardé  de  contact qu’avec  très  peu  de  ses  anciens  collègues.  Avec  Jean‐Louis,  c’était différent. Malgré  leur  appartenance  sociale  éloignée,  Bernard  était issu d’une famille ouvrière avec des valeurs très ancrées sur le travail et la famille, alors que Jean‐Louis était issu d’un milieu plus aisé où le sentiment  de  réussite  et  de  liberté  intellectuelle  prévalaient  sur  le reste.  Ils  ressentaient  une  complicité  sans  pareil  qu’ils  assimilaient aisément à leur goût pour les relations sincères et franches. 

Bernard était un grand gaillard d’un mètre quatre‐vingt‐cinq, dont la carrure  laissait  deviner  quelques  années  passées  sur  les  terrains  de rugby. Son visage carré et sa barbe épaisse tranchaient avec la jovialité que dégageaient  ses  traits d’expression.  Jean‐Louis  était  quant  à  lui plus  fin.  Sa  silhouette  longiligne  se  rapprochait  du  physique  des marathoniens.  Côte  à  côte  dans  les  vestiaires,  les  deux  hommes formaient un tableau atypique.  

Une fois les cheveux séchés et leur costume réintégrés, nos deux amis rejoignirent  le  bar  et  poursuivirent  leur  conversation  autour  d’un demi. Les deux hommes trinquèrent puis Jean‐Louis prit la parole :  

‐ Y’a un nouveau directeur qui vient d’être recruté chez nous. Il arrive dans un mois.  Je  le vois gros comme une maison :  il va vouloir  tout 

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chambarder ! Le pauvre,  il va vite prendre une douche  froide. C’est vraiment  dur  de  faire  bouger  les  choses  dans  cette  entreprise.  Les mentalités n’ont pas changé depuis 20 ans. Et moi qui suis un agent de  l’innovation qui aspire à  faire  changer  les  choses,  je peux  te dire que  c’est  dur.  T’as  beau  connaître  la  nature  humaine,  des  fois  t’as envie de tous les envoyer « bouler ». Enfin bref, on verra bien ce qu’il proposera pour faire avancer les choses… Et toi quoi de neuf ? 

‐  C’est  vrai  que  tu  dois  t’en  voir,  lui  rétorqua  Bernard.  Toi, responsable  de  l’innovation  au  sein  d’un  des  secteurs  les  plus traditionnels qui soient. Mon pauvre, tu n’as pas choisi le bon côté de la  filière. Pour moi  il n’y a pas vraiment de problème. Tu  sais, chez Martin’s Garden,  la  structure matricielle*  favorise  le  changement  et d’ailleurs  ça me  va  bien. Moi  aussi  j’aurais  du mal  à  affronter  le scepticisme tous les jours. Enfin, ce type d’organisation, ça n’est pas la panacée non plus. Ce  sentiment que  chacun a de n’être  responsable envers personne, a tendance à conduire au ʺ je‐m‐en‐foutisme ʺ… Bah sinon,  c’est  la  routine  pour moi.  Tiens,  demain  j’ai mon  entretien d’évaluation. Je ne sais pas ce que ça va donner. Comme tous les ans, les objectifs sont atteints, mais  je ne sais pas… Cette année  je  le sens moyen.  J’ai  croisé deux  trois  fois mon  supérieur  et  j’ai  l’impression qu’il  se  trame  quelque  chose  de  pas  très  catholique.  Enfin  bref,  on verra ça demain. 

‐ Tu sais… Il ne faut pas trop se faire de films, lui répondit Jean‐Louis avec une mine à moitié convaincue. A 55 ans, qu’est‐ce que  tu veux qu’ils  fassent de nous ? Au pire,  ils  te proposent une préretraite. En France on aime bien  ça ! Dire aux  séniors que  ce  sont  les meilleurs, qu’ils  apportent  une  richesse  formidable  de  par  leur  expérience, blablabla, et au prochain passage à vide dans l’économie, cʹest‐à‐dire à peu près tous les cinq ans, hop, ils te pondent un plan social avec des mises en préretraite. 

‐ Non,  je  ne  pense  pas…  grommela  Bernard  après  une  gorgée  de bière. Ce  n’est  pas  le  genre  de  l’entreprise.  Tu  sais,  c’est  une  boîte américaine. Là‐bas, si tu as la tête sur les épaules et que tu rapportes de l’argent, ils ne pensent qu’à un truc : faire le nécessaire pour que tu 

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restes. Non vraiment, je te dis, je ne vois pas ce qui peut se tramer. Il faut  que  je  te  laisse.  Je  t’aurais  bien  payé  une  tournée, mais  en  ce moment, avec Eloïse, ça n’est pas la grande joie. Ça aussi je ne sais pas comment ça va se terminer… Ça fait plusieurs semaines que nous ne nous adressons plus la parole. Et là, malheureusement, nous n’avons pas d’entretien planifié pour faire le point. 

Sur  ce mot, nos deux  acolytes  avalèrent  leur  breuvage d’une  traite, payèrent la note, puis regagnèrent leur foyer. 

Bernard ouvrit la porte lentement pour ne pas faire de bruit. Il pointa son nez dans le salon où sa femme Eloïse regardait la télé. Par paresse, il  se  suffit  d’un :  ʺ Je  suis  rentré !  ʺ,  puis  regagna  son  bureau  après avoir pris deux trois choses à grignoter dans le réfrigérateur.  

Cela faisait quelques mois déjà que les choses se passaient ainsi. Avec sa  femme,  ils  se  croisaient,  mais  n’échangeaient  plus  beaucoup. Bernard avait le sentiment de reproduire le même schéma d’échec que lors de son premier mariage. Après sept ans, le citron était pressé. Les petites  attentions  avaient  disparu.  Le  temps  partagé  se  réduisait  à peau  de  chagrin,  et  les  défauts  de  l’autre  prenaient  le  pas  sur  ses qualités. Notre manager était  triste de  cet état de  fait.  Il  savait qu’il avait  sa  part  de  responsabilité,  mais  il  percevait  mal  comment influencer le cours des choses.  

Pour  se  changer  les  idées,  Bernard  retravailla  son  entretien d’évaluation  pour  le  lendemain,  puis  il  prit  congé  de  ses  notes  au bénéfice d’une petite toilette et des bras de Morphée. 

 

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  Mardi 27 janvier. Au son de son réveil, Bernard se leva puis se prépara pour aller travailler. Les bureaux de Martin’s Garden étaient à 10 minutes de chez lui. A son arrivée, Bernard posa sa sacoche et ses effets personnels dans  son  bureau, puis  il passa dire  bonjour  à  son équipe.  Enfin,  il  regagna  son  bureau  pour  y  prendre  son  cahier  de notes et éditer les différents tableaux de bord de suivi de l’activité de son service.  

L’heure de  la réunion était déjà  là ; Bernard se rendit dans  le bureau de  son  hiérarchique.  La  pièce  était  à  la  fois  sobre  et moderne.  La présence  aux mûrs  de  photos  du  tournage  d’ « Edouard  aux mains d’argent »  témoignait  du  goût  de  l’entreprise  à  cultiver  le storytelling*.  Toutes  les  sculptures  botaniques  du  héros  furent réalisées avec des outils estampillés Martin’s Garden. A  l’époque,  la réussite  du  film  avait  contribué  à  une  forte  visibilité  de  la marque auprès du grand public. Depuis, la société entretenait la légende avec des  clichés  présents  dans  les  halls  d’entrée  de  chaque  entité  et  les bureaux des quelques privilégiés qui  avaient  eu  accès  aux  coulisses du  tournage. Daniel, un homme charpenté au visage bienveillant, se leva de sa chaise pour accueillir son collaborateur. 

‐ Ah, Bernard, comment vas‐tu ? S’enthousiasma Daniel OURANOS, son supérieur hiérarchique. 

‐ Ça  va,  je  te  remercie,  rétorqua  Bernard.  Je  suis  content  que  nous puissions  nous  voir.  Nous  nʹavons  que  trop  rarement  l’occasion d’échanger longuement et de prendre du recul sur le travail que nous faisons… 

‐ Oulah…  Je vois que  tu es déjà dans  l’entretien,  s’amusa Daniel.  Je t’en prie, assis toi. Avant qu’on démarre, dit moi : comment ça va, toi, en ce moment ? Ta famille, ça va ? Le boulot :  je sais que ça va, mais j’observe que tu pars toujours aussi tard le soir… 

Bernard  tentait  de  lire  entre  les  lignes  et  percevoir  ce  que  son supérieur cherchait à  lui faire comprendre. D’autant plus que Daniel savait très bien que Bernard n’aimait pas parler de sa vie privée. Cette 

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première question  sur  la  famille était plus que  suspecte. Par nature, Bernard restait méfiant dans sa relation avec autrui, surtout au travail. Mais au fil des années, il avait fini par prendre conscience de ce biais cognitif et avait réussi à appréhender ses échanges avec les autres de manière positive. Ainsi aimait‐il « cultiver l’a priori du doute positif ». Ce leitmotiv raisonnait en lui à chaque fois qu’un doute le gagnait sur les intentions de son interlocuteur. 

‐ Effectivement,  je passe beaucoup de  temps au bureau,  lui répondit Bernard. Et du coup, ça se ressent sur  la vie de famille. Mais bon, tu sais que je n’aime pas trop m’appesantir sur ce genre de sujet. 

‐ Oui  je sais, concéda Daniel. Ça fait un petit moment que nous nous connaissons  tous  les  deux,  donc  je  ne  vais  pas  y  aller  par  quatre chemins… 

Bernard  se  fit  plus  attentif.  Son  appréhension  se  traduisait  sur  son visage par un froncement de sourcils. Daniel poursuivit : 

‐ Nous  ne  parlerons  pas  de  tes  objectifs ;  nous  les  suivons  tous  les jours  et nous  savons quʹils  sont  tenus à  la perfection. Nous nʹallons pas non plus définir les prochains, car ils vont changer de nature. 

‐ Ils vont changer de nature ? Sʹinquiéta Bernard. 

‐  Oui,  ils  vont  changer  de  nature,  car  tu  vas  changer  de  poste, poursuivit  le  hiérarchique. Voilà ;  si  tu  te  souviens,  il  y  a  quelques semaines, la direction des ressources humaines a réalisé un audit sur lʹorganisation. Il ressort de cette étude que Martinʹs Garden nʹest pas prête  à  affronter  la  prochaine  décennie  avec  le  personnel dʹaujourdʹhui. Alors,  je  sais que  ça peut paraître  loin une décennie, mais une pénurie de managers sʹannonce. Tout  le monde en parle et personne  ne  fait  rien.  Tu  connais  aussi  la  vision  à  long  terme  de lʹentreprise.  Bref,  lʹidée  cʹest  que  Martinʹs  Garden  pérennise  sa structure  hiérarchique  avant  que  les  managers  ne  deviennent  une denrée rare sur le marché de lʹemploi. 

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Figure 1.1 - Extrait organigramme de Martin's Garden

‐ Et donc,  la meilleure solution pour pérenniser  la structure, cʹest de mettre  au  placard  ceux  qui  ont  fait  leur  preuve,  comme  moi ! S’énervait Bernard. 

‐ Non,  tu nʹy es pas, rétorqua Daniel. Ce nʹest pas un placard que  je vais te proposer : cʹest un projet à part entière ! Et autant te dire que le projet en question est stratégique. Il lʹest pour lʹentreprise, mais il lʹest également pour  toi  ! Comme  tout  le monde dans  la société,  tu as dû entendre  parler  des  problèmes  que  nous  avons  actuellement  sur  le marché  français  avec  le  client  «Jardins  de  plaisir». Aujourdʹhui  les choses  se  corsent,  car  ils projettent de  nous  écarter de  la prochaine négociation. Cʹest notre sixième client en France et il est inconcevable de le perdre alors qu’il pèse prêt de 10% du chiffre dʹaffaires. Donc ta mission, cʹest de faire en sorte que nous gardions ce client. 

Bernard nʹen croyait pas ses oreilles : 

‐  Quoi  ?  Tu  me  proposes  de  travailler  sur  le  dossier  «Jardins  de plaisir» ? Mais ça nʹest pas un placard que  tu me proposes  : cʹest un ticket  pour  aller  pointer  au  chômage !  Je  nʹy  connais  rien  en commercial, moi. Jʹai travaillé toute ma vie sur les prévisions de vente et  les  contraintes  de  supply  chain*,  et  à  55  ans,  tu  veux  que  je 

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mʹimprovise responsable comptes clés face à des acheteurs de la GSA (Grandes Surfaces Alimentaires). 

‐  Calme‐toi,  interrompit  Daniel.  Laisse‐moi  terminer,  après  tu  me diras ce que  tu en penses. «Jardins de plaisir» est déjà rattaché à un responsable comptes clés. Même si nous avons des raisons de douter de  la qualité de  son  travail,  il ne  sʹagit pas de  le  remplacer. Tu vas mener  un  projet.  Dans  ce  projet,  tu  devras  cerner  ce  qui  pose problème pour le client. Puis tu feras le nécessaire pour corriger tous ces problèmes. Et une  fois que  les problèmes seront réglés, cʹest Luc MORIN, le directeur commercial France, qui reprendra la main. Tout le  long du projet,  il  te  faudra  tenir au courant Sylvain, puisque cʹest son client. Tu devras également  te  rapprocher de Luc pour  tʹassurer que Sylvain  le  tient  informé de  lʹavancement de  ton projet. De mon côté, je ferai tout ce que je peux pour tʹaider si tu en as besoin. Je nʹai pas  encore  tout  formalisé, mais  je vais  tʹenvoyer dès  cet  après‐midi tous  les  éléments  du  dossier.  Ça  y  est,  jʹai  fini  pour  ta  nouvelle mission ! Te reste‐t‐il des interrogations ? 

‐  Tout  ça  dʹun  coup  ça  fait  beaucoup,  répondit  Bernard  dʹun  ton désabusé. Envoie‐moi tes éléments et je reviendrai vers toi si besoin ! Mais, dis‐moi : si je mène ce projet, qui sʹoccupera de mon service ? 

‐  Nous  y  venons.  Comme  je  te  disais,  lʹidée,  cʹest  de  renouveler lʹencadrement pour que  lʹentreprise puisse  faire  face à  la pénurie de managers qui sʹannonce pour  les prochaines années. Donc, cʹest Eric GAUTHIER qui va  te remplacer.  Je ne sais pas si  tu  tʹen souviens,  il avait  fait un stage  il y a deux ans au service marketing. Ensuite,  il a intégré  le  programme  ʺManagers  de  talentʺ.  Pendant  ces  deux dernières  années,  il  a  fait  une  petite  dizaine  de  missions  dans différentes  entités  de Martinʹs Garden. Aujourdʹhui,  il  a  une  vision très complète de lʹactivité de notre entreprise. Je lʹai eu en entretien et je pense quʹil  sera un  très bon manager.  Il  est encore un peu  jeune, mais il apprendra vite. 

‐ Bon, OK. Quand arrive‐t‐il ce ʺjeune talentʺ ? Reprit Bernard sur un ton plus calme. 

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‐ Il sera là lundi prochain. Dʹici là, il faut que tu formalises ton poste et que  tu prépares  le passage de  témoin. Tu dois comprendre que cʹest un  point  important  de  ton  nouveau  poste. Dʹune  part,  tu  auras  le projet  à  mener  sur  «Jardins  de  plaisir»  et  dʹautre  part,  tu  devras tʹassurer que le petit GAUTHIER sʹen sorte bien sur son poste. Vis‐à‐vis  de  ton  équipe,  tu  peux  communiquer  comme  tu  le  souhaites, sachant  que  les  choses  seront  officialisées,  dans  lʹensemble  des services, jeudi avec la communication de ta lettre de mission. 

‐ Bon, tout est dit ? Demanda Bernard prêt à partir. 

‐ Oui Bernard, nous avons fait le tour, acquiesça Daniel. Mais je tiens à te dire que je suis sûr que tu réussiras ce projet. Et personnellement, je mʹengage à te fournir tout le support nécessaire. Alors, nʹhésite pas à venir me voir si tu rencontres un quelconque souci. 

‐ OK ! Cʹest noté  ! Répondit Bernard avant de sortir du bureau et de lâcher un sourire désabusé. 

Après cet entretien, le sentiment de Bernard était mitigé. Après tout, il avait fait le tour de son poste et ce projet était peut‐être lʹoccasion de partir  sur  une  nouvelle  dynamique. A  côté  de  ça,  il  se  voyait  bien attendre  tranquillement  sa  retraite.  Il  commençait  également  à réfléchir  pour  diminuer  son  temps  de  présence  au  bureau  et  se consacrer un peu plus à son couple. En partant sur un nouveau projet comme  celui‐ci,  ses  marges  de  manœuvre  lui  paraissaient  plus restreintes. 

De  retour  à  son  bureau,  Bernard  remit  à  jour  sa  ToDo  liste*  et  y intégra  la  formalisation  de  ses  missions.  Il  lʹédita  puis  se  mit  à lʹouvrage.  Bernard  était  un  manager  très  structuré,  si  bien  quʹil bénéficiait  déjà  des  documents  nécessaires  pour  ce  travail  de formalisation. Ainsi,  il  ressortit  lʹorganigramme de  son  service  avec les  fiches  de  poste  de  chacun  de  ses  collaborateurs. Midi  sonnant, Bernard  prit  sa  veste  puis  rejoignit  sa  fille  Eglantine  dans  un restaurant à deux pas de Martinʹs Garden.  

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Quand  Bernard  arriva  au  restaurant,  sa  fille  Eglantine  était  déjà  à table. Un sourire dʹattention et une bise furent échangés puis Bernard prit place. Notre manager aimait à partager des moments avec sa fille. Depuis quʹelle était sortie de ses études et quʹelle sʹétait  insérée dans la vie professionnelle, il était épris dʹune fierté sans pareil à son égard. A 31 ans, la jeune femme était chef de produit chez un industriel de la parfumerie. Son métier et  son élégance naturelle  faisaient dʹelle une femme au charme assumé. Sa longue chevelure brune se dérobait sur une  silhouette bien  charnue. Son visage  éclairé  faisait apparaître un sourire sans concession. 

‐ Ça va ma fille ? Lâcha Bernard encore un peu essoufflé par ses pas pressés. 

‐ Oui Pʹpa et toi ? 

‐ Oulah, beaucoup de changement à venir pour moi… 

‐  Du  changement ?  Sʹinterrogea  Eglantine,  inquiète  de  la  tristesse affichée sur le visage de son père. 

‐ Oui,  au  travail !  Plutôt  que  de me  laisser  aller  jusquʹà  la  retraite tranquillement,  ils ont rien  trouvé de mieux que de me remplacer et de me refiler un projet explosif. Enfin bon,  je vais attendre de voir ce quʹil en retourne exactement pour voir ce que je peux faire. 

‐ Ah bon, ils vont te remplacer alors ? Sʹinquiéta la jeune marketeuse. 

‐  Oui,  je  vais  être  remplacé  par  un  petit  jeune  de  ta  génération, répondit‐il  sur  un  ton  amusé.  Mais  oublions  ces  petits  tracas, comment ça va toi ? 

‐  Oh  bah…  Pour  moi,  tu  sais,  ça  roule  pas  mal !  Au  boulot  les progressions à deux chiffres sont devenues monnaie courante. Cʹest à nʹy rien comprendre. Les petites gens ont de moins en moins de sous et  ils dépensent de plus en plus en produits cosmétiques. Et dans  le même  temps,  ceux qui  sont  fortunés,  trouvent de plus  en plus  leur 

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compte  dans  lʹhyper  segmentation*  que  nous  réalisons.  Bref,  la disparition  des  classes moyennes,  cʹest  bête  à  dire, mais  cʹest  tout ʺbénefʺ pour nous ! 

‐ Eh bien, je vois que tu es toujours aussi lucide sur ton travail. Et ton petit chéri, ça va ? 

‐ Oh Greg, avec lui tout va bien ! Dʹailleurs, tu sais, nous avons décidé de  nous  installer  ensemble.  C’est  déjà  plus  ou moins  le  cas, mais jusqu’à  maintenant  nous  conservions  nos  appartements  respectifs. Normalement,  à  partir  de  la  semaine  prochaine,  nous  devrions commencer à chercher quelque chose de plus grand pour nous deux. 

Elle savait  très bien que son père était  toujours un peu  jaloux de ses compagnons. Sʹil était rassuré de voir sa vie sentimentale stabilisée, il restait un peu possessif.  

‐ Mais  toi  alors,  tu me  disais  lʹautre  jour  au  téléphone  que  ça  ne sʹarrangeait pas avec Eloïse ? 

‐ Non, tu lʹas dit ! Ça ne sʹarrange pas, avoua Bernard. Tu sais, lorsque nous nous sommes quittés avec ta mère, jʹavais vraiment le sentiment que  cʹétait  ce  quʹil  y  avait  de mieux  à  faire. Nous  avons  vécu  une bonne  vingtaine  dʹannées  ensemble  et  les  années  faisant,  notre investissement  respectif  dans  notre  vie  professionnelle  avait  gagné sur notre passion initiale. Avec Eloïse, ça nʹest pas pareil. Quand nous nous  sommes  rencontrés,  nous  avions  lʹexpérience  dʹun  premier mariage.  Nous  devrions  appréhender  chaque  jour  ensemble,  avec, dans lʹidée, de refouler chaque petit tracas avec sagesse. Au lieu de ça, nous réécrivons  lʹhistoire et nous retombons dans  les mêmes travers. Bref, nous ne nous parlons presque plus et dʹailleurs nous ne faisons aucun effort pour ça. Je mʹétais promis de lui accorder plus de temps, car cʹest ce quʹelle me réclame, mais  là, avec ce changement soudain au  travail,  je  ne  sais  pas  comment  je  vais  faire. Voilà ; mais  je  vais arrêter de tʹennuyer avec mes histoires de vieil homme. 

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‐ Tu ne mʹennuies pas Pʹpa ! Je suis sûr que tu vas réussir à gérer tout ça ! Pour moi, tu restes le plus grand des papas ! Eglantine savait que ce genre de petite phrase  aidait  son père  à  retrouver  le dynamisme nécessaire. 

‐ Oui, tu as raison ! Sʹexclama‐t‐il ! Je vais réfléchir à tout ça et trouver la solution adéquate à tous ces petits tracas. 

Une serveuse sʹapprocha près de la table. 

‐ Vous avez choisi Messieurs Dames ? 

Le  père  et  la  fille  sʹéchangèrent  un  regard  puis  un  éclat  de  rire rayonna dans la salle. Bernard, avec un flegme de circonstance, invita la serveuse à repasser un peu plus tard. 

Après ce repas de détente, notre manager retourna au bureau. A son arrivée,  il  consulta  ses emails. Parmi  la vingtaine de  courriels, deux retinrent  son attention. Le premier  était  celui de  son vieil ami  Jean‐Louis  qui  lʹinvitait  à  passer  boire  lʹapéritif  en  fin  de  journée.  Il  y répondit dʹun  succinct  :ʺJe  serai  là  à  19h  ;‐)  ʺ. Le deuxième  était  en provenance de son hiérarchique et contenait le détail de la mission : 

ʺComme prévu, voici, avec célérité, le détail de ta mission : 

Objectif  : Faire  le nécessaire  pour  être  présent  à  la  table  des négociations, avec  un  avantage  concurrentiel  lors  de  la  prochaine  commission  de référencement organisée par le client «Jardins de plaisir». 

Délai  : La  commission de  référencement à  lieu courant  juin. Les problèmes doivent donc être réglés dʹici là. 

Moyens  : Tous  les moyens humains nécessaires. Le projet est stratégique et tout  le  monde  y  sera  sensibilisé.  Moyen  financier  :  aucun  budget supplémentaire ne sera alloué. Si des  investissements sʹavèrent nécessaires, nous devrons statuer en leur faveur au détriment dʹautres projets en cours. 

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Livrables attendus :  

‐  Un  rétro  planning  mettant  en  avant  les  différentes  phases  du  projet. (Échéance : demain) 

‐ Un point par courriel chaque quinzaine sur lʹétat dʹavancement du projet. 

‐ Une  réunion  de  présentation  des  actions  correctives,  à mettre  en œuvre début Mars, pour observation des premiers résultats concrets sur avril. 

‐  Tableau  de  bord  de  suivi  dʹindicateurs  pour  une  quantification  de lʹamélioration de la qualité de service apportée au client. 

‐ Formalisation des process (après implémentation). 

Voilà, tu as tous les éléments. 

 

Je te joins également le mail que jʹai préparé pour informer le personnel de tes nouvelles responsabilités. Je le transmettrai après‐demain. 

Objet : Réorganisation du service Supply Chain EMEA 

A  partir  de  ce  lundi  02  février,  Bernard  TALIN  intégrera  ses  nouvelles fonctions : 

‐ Lʹaccompagnement dʹEric GAUTHIER au poste de ʺResponsable Demand Planning EMEAʺ. 

‐  La  conduite  dʹune  mission  dʹaudit  de  qualité  pour  Martinʹs  Garden France. 

Objectif : Identifier tous les problèmes organisationnels de Martinʹs Garden France et plus largement, Martinʹs Garden EMEA, qui entrave la qualité de service attendu par le client «Jardins de plaisir». 

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Moyens  :  Toutes  les  personnes  étant  intégrées  de  près  ou  de  loin  aux problématiques rencontrées par Bernard devront lui apporter leur support et lʹaide nécessaire à la bonne conduite du projet. 

Merci de vous  joindre  à moi pour  souhaiter  à Bernard une pleine  réussite dans ses nouvelles fonctions. 

Une  note  concernant  lʹarrivée  dʹEric  GAUTHIER  vous  sera  également transmise en fin de semaine. 

Daniel OURANOS 

Directeur Supply Chain EMEA 

Après  la  lecture  de  ce  mail,  notre  manager  blanchit  de découragement.  L’énumération  des  différents  points  de  description de  la  mission,  ainsi  que  des  livrables  attendus,  lui  fit  prendre conscience qu’il n’avait  jamais vraiment dirigé de projets. Bien sûr, il lui était arrivé d’être partie prenante de différents dossiers et il savait, grosso  modo,  ce  que  cela  impliquait.  Cela  dit,  il  y  était  toujours intervenu  comme  participant,  jamais  en  tant  que  chef  de  projet.  Il maîtrisait parfaitement  le suivi de son service, mais ce  travail n’était pas  du  même  acabit.  Un  projet  a  une  limite  dans  le  temps,  un impératif  de  résultat,  une méthodologie  bien  spécifique  dont  il  ne connaissait ni les tenants, ni les aboutissants. 

Le  courage  retrouvé,  il  glana,  par‐ci  par‐là  sur  la  toile,  quelques articles  sur  la  gestion  de  projet.  Il  les  édita  avec  le  mail  de  son supérieur  puis  quitta  le  bureau  pour  se  rendre  chez  son  ami  Jean‐Louis. 

19h pile. La sonnerie de la belle villa retentissait. 

‐ Entre ! Lui cria Jean‐Louis. C’est ouvert ! 

Malgré son habitude des mœurs «locales», Bernard ressentait toujours une gêne à entrer  chez  les gens de  la  sorte,  fussent‐ils aussi  intimes 

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que  son  meilleur  ami.  Il  hésita  comme  à  chaque  fois,  puis  entra timidement.  Il  retira  sa  veste  et  la  posa  sur  le  porte‐manteau  qui jonchait l’entrée, pendant que Jean‐Louis le rejoignait. 

‐ Comment vas‐tu mon ami ? Alors, cet entretien… Je suis sûr que tu as  tout  explosé  comme  d’habitude !  S’enthousiasmait  Jean‐Louis envahi d’un dynamisme inquiétant. 

‐ Qu’est‐ce qui t’arrive ? Tu as commencé  l’apéro sans moi ou quoi ? Lui répondit Bernard d’un ton caustique. 

‐ Non même pas, tu vois. Je ne sais pas. Je me sens en pleine forme. Je dois faire une crise de cyclothymie, s’exclama‐t‐il en souriant. 

‐ Bah, à vrai dire,  je ne sais pas  trop quoi en penser de cet entretien, reprit Bernard. 

‐ Viens. Assis‐toi et explique‐moi… Tu prends un scotch, je présume ? 

‐  Oui,  un  scotch  c’est  parfait,  répondit  notre  manager  avant  de poursuivre. Ils m’ont refilé un projet qui ne sent pas très bon. Ils me racontent que  c’est un projet  stratégique, mais  j’ai plus  l’impression que c’est un projet pour me mettre en porte à faux et leur donner une bonne raison de me virer. D’habitude, j’essaie de rester positif, mais là j’avoue qu’à  l’idée d’affronter  ce projet,  je  faiblis. En plus,  ils m’ont déjà  trouvé  un  remplaçant.  Il  arrive  lundi.  Bref,  je  ne  sais  plus  où donner de la tête. J’ai récupéré quelques documents sur Internet sur la gestion de projet, mais ça reste très vague : rien de très opérationnel. Tiens : voilà ma  fiche de mission,  lança Bernard en  tendant  l’édition de son mail à Jean‐Louis. 

Ce dernier échangea  le mail contre  le verre de scotch. Les deux amis trinquèrent. Jean‐Louis but une gorgée de son breuvage puis entama la lecture du document. 

‐  Effectivement,  c’est  aux  antipodes  de  ce  que  tu  fais  aujourd’hui, introduisait  Jean‐Louis. Je ne sais pas si  tu  te rappelles, y’a quelques 

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mois,  je  t’avais  parlé  d’une  nana  que  j’avais  rencontrée  lors  d’un séminaire  de  formation.  L’intervenante  était  vraiment impressionnante de clarté et de pédagogie sur son sujet. Elle bosse sur l’innovation.  La  formation  que  j’ai  suivie  concernait  les  études marketing sur un produit innovant, cʹest‐à‐dire un produit qui n’a pas encore  de marché.  Evidemment,  ça  n’a  rien  à  voir  avec  ton  projet. Mais  j’avais acheté un de ses  livres. Ça s’appelle « Les 7 voyages de l’innovateur ». Même si les sept sujets abordés ne me concernaient pas nécessairement, j’ai vraiment trouvé ce bouquin génial. Attends deux secondes :  je  vais  aller  te  le  chercher,  lança  Jean‐Louis  avant  de  se rendre dans son bureau. 

Bernard se leva et le suivit. 

‐ Tu sais, je crois que j’ai assez de boulot devant moi pour m’amuser à lire un  livre  sur  l’innovation,  enchaîna Bernard  avec une  intonation démotivée. 

‐ Ah le voilà, se réjouit Jean‐Louis en attrapant le livre. Tu n’y es pas du  tout, poursuivit‐il en parcourant  le  livre. Regarde !  Il y a un des sept voyages qui s’intitule « Le voyage du Black Belt ». 

‐ Et donc ? Répondit Bernard toujours aussi enthousiaste. 

‐  Et  donc,  tu  trouveras  dans  ce  livre  la  solution  à  ton  problème, poursuivit  Jean‐Louis.  Regarde !  Tu  peux  suivre  étape  par  étape  le livre  et  conduire  ton  projet  d’amélioration  de  processus.  Bon,  c’est vrai  que  ça  peut  paraître  difficile  de  se  lancer  tout  seul  pour  la première  fois,  sur  un  projet  comme  le  tien,  uniquement  aidé  d’un livre. Mais  rien ne  t’empêche de  le  lire. Après  tu verras,  tu pourras peut‐être la contacter. C’est quelqu’un de très accessible. Regarde ! J’ai sa carte de visite en marque‐page. 

‐ Montre voir ! Répliqua Bernard soudainement intéressé. 

Il parcourut le livre et s’arrêta sur une illustration de synthèse. 

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Figure 1.2 - Le Voyage du Black Belt 

‐ Eh bien,  si on m’avait dit qu’à 55 ans  j’aurais à me préparer pour aller sur la Lune… Regarde ça !  

‐ Oui,  je  te  remercie, mais  je  l’ai déjà  lu,  s’amusa  Jean‐Louis. Allez ! Emmène‐le  et  prends‐en  soin.  Ma  bibliothèque  de  livres  de management c’est ce que j’ai de plus précieux ! 

‐ Ok, je te remercie, salua Bernard. Bon, je vais y aller. 

‐ Non,  tu  rigoles, Béatrice va arriver d’une minute à  l’autre. Tu vas rester manger avec nous ! 

‐ Bon OK,  répondit Bernard sans se  faire prier.  Je vais quand même appeler Eloïse pour lui dire. 

L’échange  par  téléphone  entre  Bernard  et  sa  femme  fut  plus  que succinct. Béatrice, la compagne de Jean‐Louis, arriva puis ils passèrent à table.  

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Quand  notre  manager  rentra  chez  lui,  il  était  déjà  23h30.  A  son arrivée, Eloïse lisait un livre en buvant une tisane dans son lit. Après une  toilette  succincte,  il  la  rejoignit  et  commença  lui‐même  à bouquiner  son  nouveau  livre.  Elïse  était  par  nature  quelqu’un  de calme  et  posé.  Son  physique  préservé  lui  donnait  une  dizaine d’années  de  moins.  Son  visage  affiné  dégageait  une  certaine plénitude.  Pourtant  ce  soir‐là,  ses  boucles  brunes  et  ses  pupilles dilatées accentuaient par contraste, l’ardeur de sa colère. 

‐ Tu  te  fous de moi ? L’interrogea Eloïse. Ça  fait deux  jours que  tu rentres à une heure pas possible ! Et quand tu rentres, tu  lis un  livre alors que  tu n’as pas ouvert un bouquin depuis au moins  cinq ans. C’est  à  croire que  tu  cherches des prétextes pour que nous n’ayons plus à nous adresser la parole. 

‐  Mais  non,  excuse‐moi  ma  chérie.  Ça  n’est  pas  du  tout  ça… S’expliquait notre déserteur du foyer conjugal. Tu sais j’ai eu une dure journée. Au boulot, ils veulent me remplacer et j’ai un projet de fou à mener…  Alors,  je  suis  passé  voir  Jean‐Louis  pour me  changer  les idées. 

‐ Ah d’accord. Parce qu’avec moi ça te paraît trop dur de  te changer les idées ? Tu aurais pu m’inviter au restaurant par exemple. Non ! Ça ne  t’a  pas  effleuré  l’esprit  que  j’en  ai marre  de  passer mes  soirées, toute seule devant la télé ? 

‐ Mais oui ma chérie,  je suis d’accord avec toi. Mais Jean‐Louis avait un livre à me donner pour m’aider au boulot. 

‐ Bien  sûr ! Essaie de  te  justifier,  rétorqua Eloïse  fulminant de  rage. Donc,  quand  ça  n’est  pas  pour  t’amuser,  c’est  pour  le  boulot ?  Tu trouves que cette raison est plus légitime ? Quand te décideras‐tu à te préoccuper un peu plus de moi et moins de ton travail ? 

Pour Bernard, c’en fut trop pour une seule journée. Il se leva et partit se coucher dans la chambre d’ami. Il savait que, quoi qu’il ait pu dire, les choses se seraient empirées. 

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‐  C’est  ça,  va  dormir  dans  ta  chambre !  S’égosilla  Eloïse.  Il  faudra quand même que  tu apprennes un  jour à discuter, plutôt que de  te sauver après avoir usé et abusé de mauvaise foi ! 

Après  ce  quart  d’heure  d’orage,  un  vent  d’accalmie  se  posa  sur  le foyer de nos deux amoureux mal aimés. 

Chapitre  d’introduction  intitulé  ʺLe Voyage  du Black Beltʺ,  issu  du  livre ʺLes 7 voyages de lʹinnovateurʺ de Salomé NYX. 

  De manière assez surprenante,  la mission APPOLO 11  fait une parfaite analogie de la façon de mener un projet Lean Six Sigma*. Je vous invite donc à  découvrir  le DMAIC*  au  prisme  de  cette  fabuleuse  aventure  humaine. Dans un premier temps,  faisons un bref survol de  la méthodologie avant de rentrer un peu plus dans le détail des outils. 

 

 

  La première étape du DMAIC correspond à la phase Définir. Cela induit la  définition  de  la mission  à  accomplir, mais  également  la  description  de l’objet étudié. Pour la NASA, il s’agissait de déterminer très précisément les composantes  du  voyage  lunaire  (l’équipage  d’astronautes,  l’objectif  de  la mission,  les  étapes,  jour  par  jour,  montrant  la  façon  dont  devraient  se dérouler  les  choses…etc.). Dans un  premier  temps,  vous  devrez  également vous atteler à préciser avec rigueur  la  finalité de votre projet : ce qu’il doit inclure et ce qu’il doit exclure, le planning, l’équipe qui vous entourera…etc. 

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Ce travail aboutit à votre premier livrable : la charte de projet. Ensuite, de la même  façon  dont  la NASA  a  dépensé  du  temps  à  observer  la  Lune  afin d’avoir assez d’informations pour appréhender avec sérénité le voyage, vous devrez  chercher  à  comprendre  le  fonctionnement  de  votre  processus.  Pour cela, vous disposez d’outils de cartographie des processus comme  le SIPOC (Supplier, Input, Process, Output, Customer), la VSM (Value Stream Map) ou même la carte détaillée du processus. 

 

  La  phase  suivante  du DMAIC  concerne  la Mesure  du  processus. Cela inclut la définition de l’indicateur à suivre pour le projet, mais également la fiabilité  du  système  de mesures. Avant  de  lancer  sa  fusée,  la NASA  s’est intéressée de très près à la trajectoire orbitale de la Lune. Pour cela, elle a fait de  nombreux  calculs  pour  connaître  précisément  le  positionnement  de  la Lune  lorsque  la  fusée devait se mettre en orbite autour de  l’astre. Sans nul doute,  ces  calculs  ont  été  vérifiés  à maintes  reprises  afin  d’en  assurer  la validité. Pour votre projet Lean Six Sigma, c’est la même chose. Une fois que vous aurez défini votre indicateur : le Y, il sera fondamental de vous assurer de  la  qualité  de  votre  outil  de  mesure.  Pour  cette  deuxième  phase « Mesurer »,  les  livrables  sont :  la  définition  du niveau  6  sigma  actuel  du processus,  les  standards de qualité attendus par  le  client  (définis  en amont par  la  voix  du  client),  et  la  validation  du  système  de mesures  avec  l’outil GR&R  (Gauge,  Repeatability  and  Reproductibility  ‐  >  Justesse, répétabilitée,et reproductibilité). 

 

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  La  troisième phase, celle qui consiste à Analyser,  s’identifie à  la période orbitale.  C’est  le  moment  où  l’on  tourne  autour  du  problème  pour  s’en rapprocher petit à petit. Dans un premier temps, il s’agit de définir le niveau 6 sigma du processus, pour savoir où l’on se situe. Ensuite, il faut identifier les raisons principales  (à  l’aide de différents outils comme  le diagramme de Pareto, le Fishbone), qui induisent un écart entre les standards définis par le client  et  la  position  actuelle  de  l’indicateur.  Enfin,  il  est  nécessaire  de remonter  aux  causes  initiales  (avec  la méthode  des  5 whys)  pour  être  en mesure  d’agir  sur  les  vrais  problèmes  plutôt  que  sur  les  symptômes  qu’ils révèlent. 

 

  Innover  constitue  la  quatrième  étape  du DMAIC. C’est  le moment  où l’équipe  estampille  le  processus  de  l’emblème  du  LSS.  Cela  consiste  à apporter  les  améliorations  nécessaires  pour  répondre  aux  problématiques rencontrées  lors  de  la  phase  précédente. Que  l’innovation  sur  le  processus 

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soit d’ordre  incrémental ou de  rupture, à  la  fin de  cette  étape,  le processus doit  être  à même  de  ramener  l’indicateur  observé  en  adéquation  avec  les attentes du client. Les livrables de cette phase sont : une liste d’améliorations, une matrice de faisabilité et d’impact des innovations, et un plan d’action. 

 

  La dernière  étape du DMAIC  consiste à  contrôler que  les améliorations apportées conduisent bien  l’indicateur vers les objectifs définis en amont du projet.  C’est  la  phase  de  prise  de  recul,  où  l’on  observe  de  loin, mais  de manière attentive, la façon dont processus évolue. Dans le cadre de la mission APOLLO11,  c’est  le  retour  sur Terre. Cela  induit un  suivi  scrupuleux du plan d’action,  la  formalisation des améliorations apportées sur  les processus et un bilan de  fin de projet pour situer ce qui a  fonctionné et  les difficultés rencontrées. Enfin, c’est l’occasion de clôturer le projet et d’en faire le deuil afin  que  les  équipes mobilisées  soient  remerciées  de  leur  implication.  Les livrables sont, pour cette toute dernière phase : le suivi du respect de la mise en œuvre du plan d’action, la formalisation des processus améliorés avec les opportunités  de  nouveaux  gains  décelées,  et  le  bilan  du  projet,  avec  une évaluation  financière des gains obtenus, mais  également  les points  clés qui ont permis le succès de la mission. 

 

 

  

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Chapitre 2  

 

LA MISSION

  Mercredi 28 janvier. Bernard s’était levé très tôt. 

‐Y’a  pas  idée  d’installer  des  lits  si  inconfortables  pour  recevoir  les  amis, ruminait‐il dans sa barbe tout en se rasant. 

Il gagna  la cuisine, but son expresso d’une  traite puis sauta dans sa voiture, son livre à la main. 

Arrivé au bureau, notre manager s’isola pour travailler ardemment à la  réalisation  de  son  rétro  planning.  Il  reprit  les  différentes  étapes mentionnées dans le livre qu’il avait très brièvement parcouru. Puis il tenta, à  la  louche, de  leur affecter un délai. A y  réfléchir,  il  trouvait aberrant  d’avoir  à  fournir  un  rétro  planning  si  tôt  alors  qu’aucune analyse  n’était  entamée.  Mais  il  comprenait  aisément  que  son supérieur en ait besoin pour  juger de  la  faisabilité du projet dans  le temps imparti.  

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Figure 2.1- Planning du projet.

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Il  était  11h  quand  notre manager  fit  partir  par mail  le  fruit de  son travail. Au même moment, il vit son équipe prendre place autour de la table de réunion qui monopolisait  la moitié de son bureau. C’était la réunion du mercredi. La réunion qui lui permettait de faire le point avec son équipe sur les dossiers en cours. Pour la première fois de sa vie de manager,  il n’avait pas préparé  sa  réunion. Ainsi, entama‐t‐il sur un ton hésitant : 

‐ Bon, tout d’abord bonjour à ceux d’entre vous que je n’ai pas encore croisés. La réunion d’aujourd’hui sera un peu spéciale. Tout d’abord, vous savez que  je mets un point d’honneur à ce que chacun travaille les réunions auxquelles il a à participer. Figurez‐vous qu’aujourd’hui je  n’ai  rien  préparé  et  pour  cause,  cela  n’a  plus  lieu  d’être.  Je  suis affecté  à  de  nouvelles  responsabilités,  par  conséquent  je  vais  être remplacé très prochainement. 

Un brouhaha commençait à s’installer dans le bureau quand Serge, un des business analystes, prit la parole. 

‐  Cʹest‐à‐dire  de  nouvelles  responsabilités… Une  promotion  ou  un placard ? Ironisa‐t‐il avec compassion pour son hiérarchique. 

‐  Sacré  Serge  va !  Ce  qui  est  sûr,  c’est  qu’on  ne  pourra  pas  te remplacer  toi ! S’amusa Bernard avant de se  tourner vers  l’ensemble de  l’équipe. Ne  vous  inquiétez  pas.  Je  serai  tout  de même  chargé d’accompagner mon  remplaçant.  Je pourrai ainsi veiller à ce que  les choses se passent bien. Mais entre nous, je ne vois pas ce qui pourrait clocher :  vous  êtes  tous  relativement  autonomes !  Bref, exceptionnellement, nous ferons cette réunion lundi, après que  je me sois entretenu avec Eric GAUTHIER, mon remplaçant. Comme ça,  il sera directement dans le bain. 

A son tour, André, brûlé par la curiosité, prit la parole : 

‐ Tu ne nous as pas répondu sur tes nouvelles responsabilités ? 

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‐ Je suis chargé de l’épineux dossier «Jardins de plaisir». En résumé, je dois faire en sorte que l’entité Martin’s Garden France se retrouve à la table  des  négociations  en  juin  pour  la  prochaine  commission  de référencement. Et à ce jour, visiblement, ils y sont opposés. 

Notre manager  passa  encore  quelque  temps  à  rassurer  son  équipe avant de s’isoler de nouveau. Une fois seul, il rouvrit son livre sur la double page qui embrassait la carte de visite. Il posa longuement son regard dessus puis se lança. Il prit le combiné et composa le numéro. 

Les bips retentirent… 

‐ Salomé NYX au téléphone que puis‐je pour vous ? 

‐ Bonjour, je m’appelle Bernard TALIN. J’ai un ami qui a suivi une de vos conférences et m’a prêté votre livre. Je l’ai parcouru rapidement et je pense  qu’il peut m’aider  sur mon projet, mais  je  ne  suis pas  sûr d’être  en  capacité  d’intégrer  tous  les  concepts  et  de  les mettre  en œuvre par moi‐même. Voilà, je suis… 

‐ Je ne suis pas sûre de pouvoir vous aider, Monsieur TALIN, coupa la jeune femme craignant des détails inutiles. Dites‐moi, quel livre avez‐vous entre les mains et quelle est la nature de votre projet ? 

‐  Oui  bien  sûr !  Répondit  notre  manager  en  perdant  son  aplomb initial.  C’est  « les  7  voyages  de  l’innovateur ».  Le  passage  qui m’intéresse le plus concerne l’analogie entre la mission APPOLO 11 et un projet Lean Six Sigma. 

‐ Très bien. Et donc quelle est la nature de votre projet ? Reprit‐elle. 

‐ Je dois travailler sur des processus et améliorer  la qualité que nous apportons à un de nos clients qui nous menace de nous sortir de son référencement. 

‐ A quel niveau de la supply chain travaillez‐vous Monsieur TALIN? 

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‐  Je  travaille  pour  un  manufacturier.  Martin’s  Garden  plus précisément. Le projet concerne l’entité française, mais il y aura peut‐être d’autres maillons de la supply chain qui seront impliqués, comme les fournisseurs, la plateforme logistique, les transporteurs… 

‐ Très bien, vous êtes donc situé au siège. Et vous pilotez  l’ensemble de la supply chain depuis vos bureaux donc… 

Bernard, ne sachant pas trop comment prendre la question, minauda un petit : 

‐ Oui en quelque sorte. 

‐  Très  bien,  je  pense  que  vous  m’en  avez  assez  dit.  Je  fais  une conférence mercredi prochain  sur Paris. Profitez‐en pour passer me voir, nous échangerons un peu plus sur votre projet. Vous trouverez les  infos  sur  le  lieu,  l’heure et  les modalités de  réservation  sur mon blog. Dʹici  là,  lisez attentivement  le chapitre que vous m’avez cité et envoyez‐moi par mail une  synthèse de  ce que vous  en avez  retenu. J’en profiterai pour vous envoyer des documents de support qui vous aideront tout au long de votre projet. Vous avez d’autres questions ? 

‐ Non merci, Madame NYX. Je vous remercie et vous dis à mercredi alors… 

‐ Très bien, à mercredi, conclut notre experte en  innovation d’un ton plus détendu. 

Bernard raccrocha et bascula son fauteuil pour regarder au plafond. Il avait le sentiment de sortir d’un entretien éprouvant. 

Cette femme est une adepte de l’efficience. Deux trois questions et elle cerne directement les contours du projet. J’ai l’impression qu’elle en sait déjà plus que moi sur ce qui m’attend. Et dire que Jean‐Louis me parlait d’elle comme une  personne  accessible.  J’ai  plus  l’impression  que  c’est une  folle  furieuse. Mais bon, après tout elle m’a invité à venir la voir et elle ne m’a pas refusé 

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son  aide. C’est  l’essentiel. Allez,  oublions  cette  première  approche  un  peu sèche. Elle doit être tellement sollicitée… 

Mille relents de sentiments envahissaient notre manager à la suite à ce court appel. Bernard balançait entre l’enthousiasme de rencontrer un personnage  étrangement  talentueux  et  la  peur  de  ne  pas  être  à  la hauteur. 

Le  téléphone sonna. Il ne décrocha pas. Mais cet appel  lui permit de revenir  à  la  réalité.  Il  se  lança  à  la  recherche  du  blog.  Puis  il  fit  le nécessaire  pour  réserver  les  billets  afin  se  rendre  à  la  capitale  la semaine suivante. Il édita quelques articles puis profita de l’heure du déjeuner pour rentrer. 

Arrivé  chez  lui,  notre  manager  se  prépara  un  léger  repas  puis déjeuna. Puis, après une courte sieste de vingt minutes, il but un café et  se  rendit  dans  son  bureau.  Il  passa  ainsi  trois  heures  à  lire  et  à prendre des notes. Après lʹabsorption de la dernière page, il ferma le livre et fixa la première de couverture quelques instants. 

Ce livre est vraiment bien fait ! Cette façon quʹelle a de conduire son analogie entre un projet Lean Six Sigma et la mission APPOLO 11 est stupéfiante de pédagogie  et  dʹingéniosité.  Au  premier  abord,  tout  ça  paraît  un  peu conceptuel, mais au final, la présentation des outils et de leur enchaînement reste  très  opérationnelle.  Et  puis,  toutes  les  étapes  se  déroulent naturellement. Non  vraiment,  je  suis  bluffé.  Jʹai  hâte  de  rencontrer  cette talentueuse Salomé NYX. 

Il posa ainsi  rapidement sur  le papier  le  fruit de sa  réflexion et  il  la synthétisa sur son ordinateur. Après relecture, il transféra par mail le fichier à son nouveau mentor incarné en cette jeune innovatrice. 

Les  jours  suivants, Bernard profiterait de  la  fin de  la  semaine pour déménager son bureau. On  lui avait affecté une pièce dans  la partie sud  du  bâtiment  qui  accueille  lʹentité  France  de Martinʹs  Garden. Ainsi, il restait dans les mêmes locaux et pouvait venir en aide à son remplaçant en cas de besoin. En même temps, il intégrait les locaux de 

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lʹentité  française  qui  était  directement  concernée  par  le  projet  quʹil avait à mener.  Il en profiterait également pour prendre  rendez‐vous avec  Marina  ZELOS,  la  directrice  générale  de  lʹentité  France,  Luc MORIN,  le  directeur  commercial  et  Sylvain  SIOUX  le  responsable comptes clés en charge du client «Jardins de plaisir». 

Pour  le  week‐end,  Bernard  et  Eloïse  sʹétaient  organisés  une  petite sortie. Cela  leur aurait permis de décompresser  et de  retrouver une intimité perdue du fait des dernières contrariétés. Malheureusement, la météo  nʹétait  pas  de  leur  côté.  Ainsi,  ils  furent  obligés  de  tout annuler. Ils restèrent donc chez eux, avec toujours aussi peu de chose à  échanger.  Lʹune  face  à  sa  télé,  lʹautre  le  nez  dans  les  livres.  Pas évident de faire face à ce paradoxe : Eloïse reprochait à Bernard de ne pas lui accorder assez de temps, et quand ils se retrouvaient bloqués tout un week‐end chez eux, ils n’avaient rien à se dire… Une certaine résignation  s’était  installée.  Nos  deux  tourtereaux  en  avaient  bien conscience, mais que pouvaient‐ils y faire ? Au final, ce week‐end fut long, très long.  

 

Figure 2.2- Extrait organigramme de Martin's Garden 

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  Lundi  2  février  Bernard  était  officiellement  retiré  de  sa fonction  de  ʺResponsable  Demand  Planning  EMEAʺ  au  profit  du jeune Eric GAUTHIER. Notre manageur  éprouvait  un  réel  plaisir  à accueillir  le  jeune homme. Durant  toute  sa  carrière, Bernard nʹavait jamais  ressenti dʹamertume à  lʹarrivée de nouvelles  têtes.  Il  trouvait toujours  cela  très  stimulant  pour  lʹentreprise. Mais  bien  obligé  de constater  tout de même  que  certaines nouvelles  recrues,  sorties des grandes  écoles  de  commerce,  sʹavéraient  parfois  correspondre davantage à des ʺtêtes à claquesʺ quʹà des têtes ʺbien faitesʺ. Le jeune Eric  sʹétait  présenté  à  lʹheure,  vêtu  dʹun  costard  cravate  qui  lui permettait  dʹasseoir  un  peu  plus  de  crédibilité.  En  écoute  plutôt quʹextraverti lors de lʹentretien, il décrivit de manière synthétique son cursus : grande  école de  commerce, divers  stages  à droite  à gauche dans  des  multinationales,  puis  finalisation  par  lʹintégration  de Martinʹs Garden dans le cadre du programme ʺmanagers de talentsʺ, qui  consistait  en  lʹintégration  dʹun  jeune  à  fort  potentiel,  pour  le former  pendant  deux  ans  aux  métiers  de  lʹentreprise,  avant  de  le positionner comme manager. 

Après  cette  courte  présentation,  Bernard  lui  présenta  le  service,  les fonctions  de  chaque  personne,  les  différents  profils  de  lʹéquipe,  les indicateurs  régulièrement  suivis,  le  rythme  des  réunions  de  travail ainsi que les interactions avec les autres services. 

Après deux journées passées à faire le tour de ces différents éléments, le  jeune  manager  commençait  à  prendre  pied  dans  sa  nouvelle fonction.  Pendant  quelques  semaines,  Bernard  resterait  disponible pour  les ʺaffaires courantesʺ. Mais  il devrait rester discret afin que  le jeune manager  puisse  sʹimposer  et  gagner  le  leadership  nécessaire pour manager l’équipe en place. 

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  Mercredi  4  février. Le  jour de  la  conférence de  Salomé NYX avait montré son nez. Bernard, avant de partir, avait imprimé le mail que  son  nouveau  mentor  lui  avait  transmis  la  veille.  Il  en  avait également profité pour  éditer  la  ʺcharte de projetʺ quʹil avait  réalisé sur la base du modèle quʹelle lui avait transmis. 

Extrait  du  chapitre  ʺLe Voyage  du  Black  Beltʺ  issu  du  livre  ʺLes  7 voyages de lʹinnovateurʺ de Salomé NYX. 

 

  Avant  de  lancer  son  équipage  sur  la  Lune,  la NASA  avait  défini  avec beaucoup de précautions les tenants et les aboutissants du projet. De la même façon,  cette  ʺcharte  de  projetʺ  reprend  des  éléments  essentiels  qu’il  est important  de  définir  avant  le  démarrage  de  votre  projet.  Cette  charte constitue  votre  document  de  référence.  Si  lors  du  projet,  quelqu’un  vous soumet un doute sur  la bonne direction de celui‐ci, c’est vers  la ʺcharte du projetʺ qu’il vous faudra vous tourner. 

Le responsable du projet :  

Tout  projet  doit  avoir  un  leader,  une  personne  qui  le  représente.  Tout  le monde se souvient du nom de Neil A. Armstrong car c’est cet homme qui a incarné  la mission APPOLO  11. Un  projet LSS  doit  également  avoir  son leader.  Le  responsable  de  projet  doit  être  reconnu  et  avoir  toute  légitimité pour  prendre  les  décisions nécessaires. Veillez  bien  à  tout  cela. Si  vous ne vous imposez pas en leader et/ou que vous n’avez pas de légitimité auprès des 

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équipes  impliquées  dans  le  projet,  vous  aurez  énormément  de  mal  à  le conduire à son terme avec succès. 

Le Master Black Belt* :  

La mission APPOLO 11 a été réalisée par lʹéquipage embarqué. Si les choses se  réalisaient  concrètement  dans  la  capsule  spatiale,  sur  terre,  il  y  avait toujours  quelqu’un,  avec  assez  de  recul,  pour  orienter  les  choses  et  pour donner  des  conseils  sur  la  démarche  à  suivre. Pour  le  projet LSS,  c’est  la même chose : le Master Black Belt n’est pas là pour réaliser le projet à votre place. En revanche, il vous guidera dans la conduite du projet. 

Champ d’application : 

Ils sont allés sur la Lune et ils n’ont pas fait de détour par Mars. Pour cause, l’objet de  la mission  était d’aller  sur  la Lune  et d’en  revenir  (point).  Il  est tout aussi important, avant de se lancer dans un projet LSS, de définir là où vous allez et sur quoi vous allez  travailler. Une  fois  le champ d’application déterminé, il sera d’autant plus facile de définir si les éléments rencontrés sur votre chemin  font partie du périmètre établi ou si vous devez  les écarter de votre analyse. 

L’objectif : 

L’objectif de la mission APPOLO 11 était clairement défini : poser le drapeau des Etats‐Unis d’Amérique sur le sol lunaire pour prouver la supériorité des américains  faces  aux  Soviétiques.  Et  vous  ?  Quel  sera  le  drapeau  qui prouvera que vous avez atteint vos objectifs ? Un objectif doit être factuel et précis. Si l’objectif est clairement défini alors, il sera facile de juger si celui‐ci a  été  atteint  ou  non.  Si  l’objectif  reste  vague  alors,  son  évaluation  sera nécessairement subjective. 

L’équipe projet : 

L’équipage de  la mission APPOLO 11 a été minutieusement constitué avec les meilleurs astronautes du moment et notamment les plus compétents pour cette  mission.  Vous  devez  également  constituer  votre  équipe  avec  les 

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personnes  les plus  à même de  faire  face  aux problématiques que vous  allez aborder.  La  plupart  du  temps,  l’équipe  projet  ne  sera  pas  officiellement constituée, car un projet LSS se déroule souvent en parallèle des activités du quotidien. Cependant, formaliser la participation de chacun dans votre projet vous  permettra  de  faire  prendre  conscience  aux  personnes  de  leur  pleine contribution à la réussite de votre mission. Et si elles se sentent impliquées, elles auront  tout  intérêt à vous aider.  Inscrivez donc  le nom des personnes susceptibles  d’être  concernées  par  votre  projet  puis  sensibilisez‐les  sur  ce document à chacune de vos réunions. 

Planning :  

Avant de lancer son équipage sur la Lune, la NASA avait programmé chaque étape de  la mission à  la  seconde près, depuis  le décompte du  lancement du module spatial jusqu’au retour sur la terre ferme des astronautes. Il en est de même pour votre projet LSS. Vous devez définir des échéances pour chacune des étapes du DMAIC, voire même pour chaque  livrable attendu. Ne soyez pas pessimiste  sur  la définition de  ces dates butoirs. Ce  sont  les  challenges qui sont mobilisateurs. Si vous avez des doutes là‐dessus, reportez‐vous à la loi de Parkinson. 

Le  retard de  son  train  amena notre manager  à  se présenter un peu tardivement à  la conférence. Lorsquʹil sʹinstalla,  la présentation avait déjà commencé depuis 1/4 dʹheure. Il sortit un calepin de sa sacoche et une plume de  son veston puis  se concentra  sur  lʹanimatrice, Salomé NYX. 

La  Master  Black  Blet  (MBB)  menait  sa  conférence  dʹune  main  de maître. Cʹétait une oratrice hors pair. Elle s’adressait à son auditoire en  variant  son  mode  de  communication :  elle  sollicitait  les kinesthésiques avec de courtes analogies et des interpellations dans le public ; aux visuels, elle présentait des slides bien structurées avec des illustrations percutantes ; pour les auditifs, elle usait avec agilité de la technique du disque  rayé en marquant à  trois ou quatre  reprises  les éléments fondamentaux de son discours.  

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Figure 2.3- Slide "Project Charter" du fichier de suivi du projet.

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La  jeune  érudite  présentait  le  Lean  Six  Sigma  comme  une  boîte  à outils. Elle fulminait contre tous les MBB qui présentaient la méthode comme une démarche qui nécessitait une expertise  toute particulière dans  les  statistiques  et  le  traitement  des  données.  Elle  dénonçait également les praticiens qui présentaient le Lean comme une nouvelle philosophie. Bref, avec elle, tout le monde en prenait pour son grade. Cʹétait  pour  elle  une  bonne  manière  dʹattirer  lʹattention  de  son auditoire.  Par  ailleurs,  si  cette  présentation  des  choses  interpellait quelque peu, elle avait surtout le mérite de rassurer le public quant à sa capacité à mettre en œuvre le Lean Six Sigma.  

Bernard, prenait  sa part dʹenthousiasme  sur ce point.  Jusquʹici,  il en était à moitié convaincu. Mais cette conférence fut un déclic : si le LSS nʹétait  quʹune  somme  dʹoutils  et  de  bon  sens,  alors  notre  ami sʹimaginait déjà sʹaffranchir des difficultés à venir. 

A  la  fin de  la conférence,  lʹanimatrice semblait  très pressée. Bernard rangea son calepin et se présenta à Mlle NYX.  

‐ Bonjour Mlle NYX, je suis Bernard TALIN, nous avons déjà échangé quelques mots au téléphone et par mail. 

‐  Oui,  bonjour  M.  TALIN,  ravie  de  vous  rencontrer !  Avez‐vous trouvé la conférence intéressante ? 

‐ Oui bien sûr. Elle a éclairé davantage quelques zones dʹombre. Il en reste  encore, mais  petit  à  petit  je  commence  à mʹimprégner  de  la méthode.  Tenez,  jʹai  réalisé  la  charte  de  projet  avec  le modèle  que vous mʹaviez transmis. 

‐ Parfait,  je vois que vous ne perdez pas de  temps  ! Cʹest  très bien ! Lançait  notre  jeune  experte  après  avoir  parcouru  en  quelques secondes  le  document.  Votre  projet mʹintéresse,  poursuivit‐elle.  En France, le LSS est très peu répandu. Et sʹil est connu dans les usines de production, il est quasi inexistant dans les services. 

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‐ Vous savez,  je pense que ce sont surtout des problèmes de supply chain. Nos services sont surtout en support de lʹorganisation, mais ce ne sont pas eux qui génèrent  les problèmes. Dʹailleurs, cʹest plutôt  le contraire : ils sont là pour les réduire, sʹaventura notre manager. 

‐  Précisément,  non,  M.  TALIN !  Ou  devrais‐je  dire  Bernard maintenant que nous savons que nous allons travailler ensemble ? La gestion des flux physiques doit sûrement nécessiter des optimisations. Mais,  à  la  vue  des  volumes  que  vous  traitez  dʹores  et  déjà,  votre supply chain est plus efficace que vous ne le pensez. Ce sont bien vos processus  transactionnels*  qui  sont  ici  en  jeu.  Si  vous  avez lʹimpression que cʹest la supply‐chain et sa gestion des flux physiques, alors  cʹest  quʹil  y  a  derrière  cela  un  processus  transactionnel  qui coince. Et cʹest précisément pour cela que votre projet mʹintéresse. Des projets de réduction des stocks, dʹoptimisation des coûts de transport, de  réduction des  coûts dʹapprovisionnement,  tout  le monde  sait  les traiter  aujourdʹhui ! Mais  le dernier  bastion  à  conquérir,  ce  sont  les bureaux, là où tout se gère. 

‐  Ah  OK !  Minauda  Bernard  déstabilisé,  avant  d’enchainer.  Vous savez,  jusquʹà  maintenant,  jʹétais  partagé  entre  le  découragement dʹavoir  à  mener  un  projet  qui  ne  relève  dʹaucunes  de  mes compétences et  la  joie de me  lancer dans quelque chose de nouveau. Mais à vous écouter,  jʹai  lʹimpression de partir de  loin. Dʹautant plus que  le  client,  à  mon  avis,  nous  lʹavons  déjà  perdu.  Pensez‐vous vraiment que nous puissions retourner la situation en quatre mois ? 

‐ Oui, je le pense. Ne regardez pas ce que vous aurez à faire demain ! Prenez  chaque  jour  comme  un  nouveau  jour  et  avancez.  Surtout, soyez  conscient  d’une  chose :  le  délai  de  réalisation  d’une  tâche dépend  avant  tout du  temps  que  nous  lui  accordons. Alors,  veillez bien  à  ne  pas  accorder  trop  de  temps  à  la  réalisation  de  certains travaux.  Autre  chose ;  avant  dʹentamer  chaque  action,  posez‐vous cette  question :  est‐ce  que  cette  tâche  est  déterminante  pour  mon projet ? Si cʹest oui, faites‐la immédiatement. Si vous nʹavez ne serait‐ce quʹune seconde de doute, mettez‐la de côté. Voilà,  je suis désolée, mais  je dois y aller. Tout au long de votre projet, ne pensez quʹà une 

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chose : ce que vous dit le client ! Pas ce que vous pensez quʹil dit, mais CE QUʹIL DIT ! 

Elle serra la main de Bernard puis entama son départ. 

‐ Attendez ! Lança Bernard. Quel est le deal entre nous ? Vous voulez bien  être  ma  Master  Black  Belt  sur  ce  projet  ?  Comment  fait‐on financièrement parlant ? 

‐ Pour  lʹensemble de ce projet,  je vous accorde 5 mails et 2 coups de téléphone. Le  téléphone,  cʹest uniquement en  cas dʹurgence  !  Je  suis disponible  pour  vous  répondre  du  mardi  au  vendredi.  Si  vous atteignez votre objectif, vous me devrez une demi‐journée  en  tête à tête  pour  mʹexpliquer  votre  projet  dans  son  ensemble.  Si  vous échouez, je vous devrai ma collection complète de livres. Alors, ne me décevez pas et soyez à la hauteur du service que je vous rends. 

Puis  elle  sʹesquiva  en  laissant  à  son  interlocuteur  un  clin  dʹœil enthousiasmant. 

Charmé  par  son  interlocutrice,  notre manager  en  revint  vite  à  des soucis très concrets : 

ʺCinq mails, deux  coups de  téléphone  sur une méthode dont  je ne  connais presque rien… Elle est  folle… En même temps, elle ne me demande aucune compensation  financière,  ce  qui  tombe  très  bien,  car  je  nʹai  aucun budget…Bon  allez,  arrête  de  rêvasser  Bernard  !  Tu  as  encore  un  train  à prendre.ʺ 

 

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  Jeudi 5 février. Alors que Bernard avait pris rendez‐vous pour la semaine suivante avec Sylvain SIOUX, le responsable compte clé, il décida  dʹavancer  son  entretien.  Il  avait  suivi  à  la  lettre  les recommandations de Mlle NYX  et  il  sʹétait  ainsi  rendu  compte  que toutes  les  tâches quʹil  avait programmées pour  la  fin de  la  semaine nʹavaient que peu dʹintérêt pour  le projet (préparation dʹune réunion dʹouverture  de  projet,  formalisation  de  documents  pour  son remplaçant…etc.). Il fallait avancer et sans tarder. 

Ainsi, à 8 h 30, il se présenta dans le bureau du jeune commercial. 

‐ Salut Sylvain ! Tu vas bien ? 

‐ Ça va, je te remercie. Quʹest‐ce qui me vaut ta visite ? On doit se voir lundi il me semble ? 

‐ Effectivement, nous avions programmé notre entretien lundi, mais je pense quʹil faut attaquer au plus vite ce projet. Alors,  jʹai mis de côté des choses sans importance pour que nous puissions commencer tous les deux à ʺdébroussaillerʺ le terrain. Quʹest‐ce que tu en dis ? 

‐  Jʹen dis que  ce dossier est assez  sensible pour  le prendre à bras  le corps au plus vite. Cela  fait plusieurs  semaines que  jʹessaie dʹalerter tout le monde sur les problèmes que rencontre ce client et personne ne réagit. Alors,  ce  nʹest  pas  le  jour  où  lʹon  va me  presser  que  je  vais freiner  de mon  côté ! OK.  Laisse‐moi  deux minutes  pour  éditer  les dernières réclamations et je suis à toi. 

Le jeune homme récupéra les feuilles éditées puis attrapa le dossier de son client dans lʹarmoire. 

‐ Vas‐y, je tʹécoute. Dis‐moi ce qui ne va pas pour ton client. 

‐ Déjà, comme  je viens de  te  le dire, cela  fait plusieurs semaines que jʹalerte tout le monde sur ce dossier et nul ne sʹaffole. Jʹai lʹimpression que personne ne me prend au sérieux dans cette boutique. 

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Bernard  savait  quʹil  était  inclus  dans  le  ʺpersonneʺ  énoncé  par  son interlocuteur.  Il  se  rappelait  lʹavoir  reçu  à  propos  de  ce  client. Seulement le jeune commercial exprimait avec tellement de dédain les problèmes de  ses  clients et pressait  tellement  les gens pour  les  faire travailler,  quʹau  final,  il  nʹobtenait  que  le  contraire  :  personne  ne faisait dʹeffort pour arranger ses problèmes. 

‐ Ecoute Sylvain, commençait à sermonner Bernard. Je suis bien placé pour  te dire  que  tu  ne présentes pas  tes problèmes de  la meilleure façon pour  inciter  les gens à  travailler pour  toi. Maintenant,  le passé cʹest  le passé. Essayons de  travailler ensemble pour que  tu  sois à  la table des négociations au mois de juin. Si nous passons notre temps à savoir qui a bien fait ou mal fait  les choses,  je peux  tʹassurer que cet été, nous y serons encore. Alors, dis‐moi ce que «Jardins de plaisir» nous reproche. 

‐  OK,  avançons !  Concéda  Sylvain,  assagi  par  lʹexpérience  de  son contradicteur.  Il  tendit un mail à Bernard et poursuivit.  Ici,  ils nous reprochent des  ruptures* de stock sur une action commerciale, alors quʹils nous avaient envoyé leur engagement de commande six mois à lʹavance. Lorsque  jʹai  contacté  la plate‐forme,  ils mʹont dit quʹil était impossible de réserver du stock pendant 6 mois, et que, si le produit était en  rupture, c’était certainement dû à une  sous‐estimation de  la demande. Ensuite, je suis venu te voir, si tu te souviens, Bernard. Et tu mʹas  dit,  à  lʹépoque,  quʹil  nʹy  avait  pas  eu  de  ruptures  puisque  la livraison du client avait eu lieu.  

‐ Oui  je me  rappelle, acquiesça Bernard. La marchandise était partie de la plate‐forme avec un jour de retard. 

‐  Oui,  un  jour  de  retard  pour  la  plate‐forme.  Ensuite,  le  service réception du client a décalé de trois jours la livraison, car ils nʹavaient plus de créneaux disponibles. Ce qui fait quʹau final, le client a reçu la marchandise  le mardi  alors  que  la  campagne  promotionnelle  avait démarré  le  jeudi dʹavant. Comme  ils ont perdu  les ventes du week‐end,  ils mʹont demandé de  reprendre  la marchandise  invendue ;  ce 

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que  je  nʹai  pas  pu  faire  puisqu’une  décision  au  niveau  européen interdit toutes reprises de marchandises. 

Pendant  ce  temps, Bernard prenait des notes afin de ne  rien perdre des  éléments  mentionnés  par  le  responsable  compte  clé.  Celui‐ci poursuivait : 

‐  Ici,  ils nous  reprochent dʹavoir  livré  le  concurrent  et de  leur avoir demandé s’ils pouvaient aller chercher eux‐mêmes la marchandise. 

‐ Comment ça, nous leur avons demandé de récupérer la marchandise chez le concurrent ? Fit Bernard, interloqué. 

‐  Oui  !  Jʹétais  aussi  surpris  que  toi,  mais  apparemment,  cette procédure est en place depuis quelques mois. Pour réduire  les coûts de  retour  de marchandises,  au  centre  d’appels,  ils  sont  chargés  de demander  aux  clients  de  récupérer  eux‐mêmes  la  marchandise  en échange dʹun geste commercial sur la facture à recevoir. 

Sylvain fit passer son mail à Bernard puis poursuivit avec le suivant : 

‐ Ici, ils nous reprochent de leur livrer des produits quʹils nʹont jamais référencés.  Il  y  a  eu  une  erreur  lors  de  la  saisie  de  la  commande. Quand  je suis allé voir  la personne qui saisit  les commandes, celle‐ci m’a répondu que ça arrivait... que lʹerreur est humaine ! 

‐ Effectivement, ça peut arriver, concéda Bernard avec un regard qui devenait de plus en plus sombre. 

‐ Ici,  ils nous reprochent  les écarts de prix entre  leurs commandes et les  factures  quʹils  reçoivent.  Cela  génère  chez  eux  des  surcoûts  de gestion  au  service  comptabilité.  Alors,  je  suis  allé  voir  le  service informatique  et quand  ils  ont  fait  le  test  sur  le  tarif,  cʹétait  le bon  ! Mais quand  ils sont remontés dans  lʹhistorique du  fichier,  ils se sont rendu compte que le prix avait été saisi une semaine après sa date de mise  en  application.  Alors,  je  suis  allé  voir  Emile  STEVEN,  le responsable marketing. Il mʹa répondu que le data manager*avait mis 

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une semaine pour  fournir un retour sur sa demande de changement de  tarif.  Alors,  je me  suis  rendu  au  service  informatique,  qui mʹa objecté  que  le  service  marketing  ne  lui  avait  pas  donné  tous  les éléments  pour  valider  le  tarif  en  question.  Bref,  tout  le monde  se renvoie la balle, et moi je mʹamuse à passer de service en service pour comprendre  ce  quʹil  se  passe.  Au  final,  je  nʹai  aucune  réponse  à apporter à mon client ! Quʹest‐ce que tu veux que je lui dise ? Tu veux que je lui raconte tout ça ?  

‐  Effectivement,  je  comprends mieux  ton  désarroi.  Et  j’appréhende davantage  les  raisons  qui  poussent  le  client  à  nous  écarter  du prochain référencement. 

‐  Tu  mʹétonnes !  Surenchérissait  Sylvain.  Alors  avec  tout  ça,  si  tu arrives  à  tʹen  sortir :  chapeau !  En  tout  cas moi,  je  ne  vois  pas  la solution. 

‐ Bon tu mʹas tout dit ? S’assurait Bernard. 

‐ Oui ! Globalement, nous avons fait le tour. 

‐ OK. Est‐ce que  tu pourrais me  transférer  tous  les mails  que  tu  as échangés  sur ces différents problèmes ?  Je  les  lirai à  tête  reposée. Et est‐ce que tu pourrais me donner tes contacts chez «Jardins de plaisir» afin que je puisse savoir ce quʹils pensent de tout cela ? 

‐  Pas  de  problème,  je  tʹenvoie  ça  tout  de  suite.  Et  nʹhésite  pas  à mʹappeler si tu as des questions ! Mon responsable mʹa confirmé que ce projet était  important et  il mʹa bien  fait comprendre que  je devais tʹapporter toute lʹaide nécessaire. 

‐ Je tʹen remercie Sylvain. Je nʹhésiterai pas à revenir te voir. 

Après  cette  réunion, Bernard ne  savait plus où donner de  la  tête.  Il avait lʹimpression que le projet partait dans tous les sens : problèmes de  stocks,  de  livraison,  dʹerreurs  de  saisie,  de  tarifs,  de  processus interservices. Il prit la journée pour structurer toutes ces informations 

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et y voir plus clair.  Il en profita également pour contacter  le chef de produit  de  «Jardins  de  plaisir»  et  le  solliciter  pour  un  rendez‐vous qu’il  envisageait dès  le  lendemain ;  ce quʹil  réussit  à obtenir  sur un créneau horaire plutôt matinal : de 7h30 à 8h. 

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  Vendredi  6  février  Il  était  7h30  quand  Bernard  se  présenta dans  les  locaux  de  «Jardins  de  plaisir».  L’enseigne  siégeait  à  Paris. Aussi,  notre manager  était  parti  de  chez  lui  à  5h,  frais  comme  un gardon. Lʹhoraire matinal  faisait prendre conscience à Bernard de  la beauté  cachée  de  la  capitale,  quand  tout  y  est  si  calme. Dʹailleurs, cʹétait  tellement  paisible  que  Bernard  trouva  portes  closes  quand  il arriva. Au pied de lʹimmeuble, il prit son téléphone et contacta Daniel MANIAR,  le  chef  de  produit  en  question.  Celui‐ci  décrocha immédiatement : 

‐ Je viens vous ouvrir tout de suite, M. TALIN ! 

‐ Très bien. Je patiente, lui répondit Bernard en souriant. 

Le  parisien  ouvrit  la  porte  à  notre manager  et  lʹaccompagna  à  son bureau où deux cafés les attendaient. 

‐ Je présume que vous prendrez un café, M. TALIN ? 

‐ Bien volontiers. Je vous remercie. 

‐  Comme  je  vous  lʹai  dit  hier,  je  ne  pouvais  vous  recevoir  que  ce matin,  sinon,  cela  nous  aurait  reportés  à  dans  deux  semaines  et dʹaprès  ce que  jʹai  cru  comprendre,  cela  faisait  trop  loin pour vous. Alors, je vous écoute. Nous avons jusquʹà 8h pour discuter ensemble. 

Bernard avala une gorgée puis démarra en reprenant point par point chacun des griefs dont lui avait parlé Sylvain. Mais le chef de produit lʹarrêta très vite : 

‐  Je  sais  que  jʹai  transmis  tous  ces  problèmes  à M.  SIOUX mais  les choses sont plus compliquées que cela ! Vous savez, ce nʹest pas moi qui suis mécontent. Les conditions commerciales de Martinʹs Garden sont  très  intéressantes  et  c’est  pour  moi  une  bonne  raison  de reconduire  votre  référencement  chaque  année. Entre  nous :  tous  les petits  problèmes  dont  vous  me  parlez  existent.  Cependant,  ces problèmes  sont  également  présents  chez  vos  concurrents !  Ma 

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difficulté aujourdʹhui, cʹest que  je fais partie dʹune entreprise avec un mode de gouvernance un peu particulier. Vous êtes ici au siège de la franchise, mais les décideurs sont nos affiliés. Alors bien sûr, mon rôle consiste à vous rencontrer, vous, Martinʹs Garden, et  les autres, puis de  déterminer  le meilleur  fournisseur  pour  nos  rayons. Mais  si  les adhérents me disent tous en bloc que vous êtes mauvais et que je dois prendre  un  autre  fournisseur,  alors  je  serai  obligé  de  répondre favorablement  à  leurs  attentes.  «Jardins de plaisir»,  ce nʹest pas Mc Do.  Nous  nʹavons  pas  « tout  pouvoir »  de  décision  et  ensuite  nos affiliés  suivent.  Ici,  cʹest  nous  qui  sommes  au  service  de  nos franchisés. Alors,  je vous accorde que pour prendre des décisions, ce nʹest pas très facile, mais il faut faire avec.  

‐ Très bien. Alors, quʹest‐ce que  vous  attendez de nous  ? Demanda Bernard plus dubitatif que jamais. 

‐  Ecoutez,  je  ne  suis  pas  sûr  que  cela  dépende  vraiment  de  vous. Dʹaprès ce que  jʹai pu comprendre, cela fait plusieurs mois que votre principal concurrent, Garden Tools, essaie de traiter en direct avec les clients sans passer par  la case ʺréférencementʺ de  la centrale. Cʹest  la politique  du  ʺdiviser  pour  mieux  régnerʺ.  Ainsi,  il  propose  des conditions  très  avantageuses  à  quelques  clients  pour  que  ceux‐ci fassent  pression  sur  moi  pour  l’intégrer.  Mais  l’ennui,  cʹest  que lorsque  j’associe  ce  fournisseur à une négociation,  il ne propose pas les mêmes  conditions. Car  sur  lʹensemble de nos magasins et  sur  la totalité  des  produits,  il  ne  serait  plus  rentable. Mais  les  franchisés, eux, ce quʹils voient, cʹest que vos prix sont plus chers et surtout que vos commerciaux sont moins présents que ceux du concurrent. Pour lʹinstant,  jʹai  réussi  à  canaliser  les  demandes  en  intégrant  le fournisseur Garden Tools  sur une  toute petite gamme dʹaccessoires. Mais,  du  coup,  les  clients  en  profitent  pour  commander  les  autres produits.  Si  bien  que  lʹannée  dernière,  nous  nʹavons  pas  atteint  les objectifs  que  nous  nous  étions  fixés  avec  votre marque  et  dans  le même  temps,  votre  concurrent  bénéficie  dʹune  dynamique  sur  son chiffre dʹaffaires ; ce qui renforce nos adhérents dans  lʹidée quʹil  faut changer de fournisseur sur ce rayon. Vous comprenez ? 

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Avec  ces  explications,  Bernard  cernait  mieux  le  problème  et appréhendait davantage  les soucis de surstock quʹil avait  rencontrés sur  certaines  références  dont  on  lui  avait  reproché  de  mauvaises prévisions de vente.  

‐  Oui.  Effectivement.  Je  comprends  mieux.  Mais,  sʹil  sʹagit  dʹun problème ʺpolitiqueʺ, pourquoi vous vous efforcez à nous transmettre ces problèmes qui, à vous écouter, nʹen sont pas réellement ! 

‐  Vous  avez  raison  !  Ça  nʹest  pas  à moi  de  traiter  ces  problèmes opérationnels. Et ça ne  relève pas non plus de  la compétence de M. SIOUX. Normalement,  les magasins  devraient  prendre  directement contact  avec  votre  service  client  et  traiter  cela  avec  eux. Mais  les directions,  qui  veulent  changer  de  fournisseurs,  se  servent  de  ces litiges pour mettre en avant votre manque de qualité. Je vous le redis : je  suis  persuadé  que  Garden  Tools  nʹapporte  pas  une  meilleure qualité de service ! Dʹailleurs, je mʹen suis dʹores et déjà assuré avec la gamme dʹaccessoires que nous avons mise en place avec eux. Mais la perception des magasins vis‐à‐vis de ce concurrent est meilleure. Que voulez‐vous ? Cʹest comme ça ! On ne peut rien y faire ! 

‐  Vraiment  ?  Vous  pensez  que  nous  ne  pouvons  rien  y  faire ! Sʹexclama notre manager. 

‐ Ecoutez, je ne veux pas vous décourager. Si vous êtes venu si tôt ce matin  de  si  loin,  cʹest  que  vous  êtes  déterminé  à  faire  avancer  les choses. Je vais vous donner les coordonnées des adhérents qui ont le plus  dʹinfluence  dans  notre  réseau  vous  verrez  bien  ce  quʹils  vous diront. Tenez ! Vous  avez  ici  le  responsable de  lʹadministration des ventes  (ADV) de  lʹun de nos plus gros adhérents. Et voici  la  liste de tous les Responsables ADV du réseau. Voilà, M. TALIN, jʹespère vous avoir  aidé.  Je  suis  désolé,  je  ne  peux  converser  avec  vous  plus longtemps.  Il est déjà 8h et  jʹai un  rendez‐vous qui ne va pas  tarder dʹarriver. 

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‐  Très  bien.  Je  vous  remercie, M. MANIAR.  Vous mʹavez  apporté beaucoup dʹinformations qui me seront dʹune grande utilité. Pourrais‐je vous contacter à nouveau en cas de besoin ? 

‐ Bien sûr ! Nʹhésitez pas. 

Les  deux  hommes  se  saluèrent  sur  le  perron  de  lʹimmeuble haussmannien  puis  Bernard  regagna  la  station  de  métro  la  plus proche,  direction  Gare  de  Lyon.  Dans  le  TGV,  Bernard  passa  une heure de  son  temps  à  formaliser  les  informations  recueillies, puis  il sʹassoupit le temps restant pour récupérer un peu dʹénergie. 

De  retour  à  son  bureau,  il  profita  de  sa  dynamique matinale  pour attraper le téléphone et appeler le premier contact fourni. La carte de visite  annonçait  M.  PICOLLA.  La  sonnerie  retentit  à  plusieurs reprises.  Au  moment  où  Bernard  allait  raccrocher,  quelquʹun  prit lʹappel. 

‐ Service administration des ventes de «Jardins de plaisir», bonjour ! 

‐ Bonjour. Cʹest Bernard TALIN de la société Martinʹs Garden. Jʹaurais souhaité parler avec M. PICOLLA. 

‐ Il est absent des bureaux. Il est en visite magasin. Est‐ce que je peux prendre un message ? 

‐ Heu…  Je ne  sais pas. Répondit notre manager un peu déçu. Vous pouvez peut‐être mʹaider. Comme  je vous  lʹai dit,  je  fais partie de  la société Martinʹs Garden. Nous approvisionnons vos magasins sur les outils de jardin. 

‐ Oui, bien sûr que  je vous connais. Dites‐moi : en quoi puis‐je vous être utile ? 

‐  Nous  avons  enregistré  quelques  problèmes  de  votre  part  sur  la qualité de nos services. Jʹaurais souhaité en savoir davantage. 

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‐ Oui, effectivement, nous avons transmis les demandes de la part des magasins à Daniel MANIAR. Mais  ici, à  lʹadministration des ventes, nous nʹavons pas de problèmes particuliers. 

‐ Ah bon ! Vous êtes sûrs ? Pour vous, tout va très bien chez Martinʹs Garden ? 

‐  Tout  va  très  bien…  On  ne  va  pas  aller  jusque‐là, mais  nous  ne rencontrons  pas  plus  de  difficultés  avec  vous  quʹavec  les  autres fournisseurs. Pour nous, ce qui pose le plus de problèmes ce sont les ouvertures de magasins. Vos procédures de création de compte client sont  trop  lourdes  et nous prennent  énormément de  temps.  Il  arrive même parfois que lorsque le magasin ouvre, votre rayon soit le seul à ne pas être installé. Sinon, pour tous les autres problèmes, il faut que vous voyiez directement avec les points de vente. Ici, nous ne faisons que  de  la  consolidation  dʹinformations.  Nous  ne  sommes  que lʹintermédiaire entre  les magasins et  la centrale. Alors bien sûr, nous connaissons les problèmes rencontrés puisque nous faisons l’interface. Nous pourrions très bien vous dire  les problèmes qui sont remontés, mais  il  est  parfois  difficile  d’évaluer  la  légitimité  de  certaines complaintes… La seule chose que je peux vous dire, c’est que lors de la dernière réunion plénière, votre dossier a fait l’objet de nombreuses contestations. M.  PICOLLA  pourrait  vous  en  dire  davantage, mais malheureusement comme je vous l’ai dit, il n’est pas là ! Je pense que pour  comprendre quels  sont  les vrais problèmes, vous devriez vous rapprocher des responsables de magasin. 

‐ Ah ! Très  bien,  je  vois.  Je  vais  contacter directement  les magasins alors. Je vous remercie. Bonne fin de journée. Au revoir. 

‐ A votre service Monsieur ! Au revoir. 

Bernard raccrocha le téléphone puis se bascula dʹun geste brusque en arrière pour prendre sa tête à deux mains.  

Mais  je ne vais  jamais mʹen sortir. Cʹest qui mon client ? Cʹest  le Chef de Produit de la centrale dʹachat ? Cʹest lʹAdministration Des Ventes ? Cʹest le 

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Magasin  ?  Chacun  y  va  de  son  petit  problème.  Je  comprends  mieux  la remarque de  la miss NYX ʺEcoutez ce que dit  le client et non ce que vous pensez quʹil dit !ʺ. A chaque fois que je gratte un peu plus, je tombe sur des problèmes différents... Bon  je vais aller au centre d’appels. Eux,  ils doivent bien savoir les difficultés que rencontrent les magasins puisque cʹest leur job de les enregistrer. 

Bernard se leva puis sortit de son bureau expressément pour rejoindre celui de Roger ALECTO, le responsable du centre d’appels de l’entité française. 

‐ Salut Roger. Entamait Bernard. Tu vas bien ? 

‐ Bien, et toi Bernard ? Tu t’en sors avec ton projet ? Je ne te cache pas que  quand  j’ai  reçu  le  mail  avec  la  présentation  de  ta  nouvelle mission, je t’ai plaint de tout mon cœur. 

‐ Ne m’en parle pas ! J’essaie de comprendre ce qui se passe avant de trouver des solutions. Je t’avoue que ce n’est pas évident. Plus  je tire sur la pelote et plus le fil me paraît long. C’est d’ailleurs pour cela que je  viens  te  voir.  Je  souhaiterais  avoir  une  vision  de  l’ensemble  des problèmes que vous avez enregistrés sur «Jardins de plaisir». 

‐ OK,  je  vais m’en  occuper  rapidement.  Je  fais  un  point  avec mon équipe dans  la  journée  et  je  te prépare un dossier  complet pour  cet après‐midi. Cela te convient‐il ? 

‐ Parfait. Je t’en remercie. Avant d’avoir un dossier détaillé, est‐ce que tu pourrais me dire quel est le magasin de «Jardins de plaisir», dans la région, qui génère le plus de litiges à traiter ? 

‐ Ah, pour ça, pas besoin de demander à mes équipes… Le magasin de Bron est un des plus gros points de vente de «Jardins de plaisir». Et depuis quelque temps,  il ne se passe pas une semaine sans que nous l’ayons  au  téléphone. En plus,  il  s’arrange  toujours pour nous  faire remonter  les  infos par  le responsable compte clé. Bref, avec  lui, c’est quasiment du harcèlement ! 

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‐ Super ! S’enthousiasma Bernard. C’est exactement ce qu’il me faut : un client à proximité qui a plein de reproches à nous formuler et qui est basé juste à côté, je ne pouvais rêver mieux ! 

‐ Si ce client t’intéresse tant, poursuivit Roger un peu désemparé par l’enthousiasme  de  son  collègue,  je  peux  t’envoyer  un  petit récapitulatif de ses problèmes. Car, vu son activité à celui‐là, nous  le suivons à  la  trace. A vrai dire,  je me doutais bien que ça  finirait par mal tourner. De notre côté, nous essayons de faire le nécessaire pour calmer  le  jeu,  mais  je  t’avoue  que  mes  équipes  en  ont  « ras  la casquette » de se faire insulter au téléphone. Sans compter l’autre coco de Sylvain qui vient faire le beau, nous donner des leçons et nous dire ce qu’il faut faire. Je te donnerai tout ce que tu veux, mais à mon avis, si  y’a  des  choses  à  améliorer,  ce  n’est  sûrement  pas  ici  que  tu trouveras du grain à moudre. 

‐ Ok Roger, c’est entendu ! Mais chaque chose en son temps si tu veux bien. Commençons par voir ce qui ne va pas. Ensuite, nous tâcherons d’améliorer les choses. Je sais que tu gères ton service d’une main de maître ! Mais  bon,  toi  comme moi, nous  savons  aussi  très  bien  que nous avons tendance à nous enfermer dans des routines. Je ne dis pas que des améliorations seront nécessaires avec  ton équipe, mais  je ne m’interdis aucune piste d’amélioration. 

‐ Ok Bernard. Acquiesça Roger d’un  ton dubitatif.  Je  te  transfère  le mail de suivi de ce magasin et comme convenu, je te dépose le dossier avant ce soir. 

‐ Je t’en remercie ! A bientôt Roger. 

Bernard regagna son bureau. Le temps d’éditer le suivi des litiges du point  de  vente  de  Bron,  de  téléphoner  au  responsable  de magasin pour  lui proposer de passer  le voir dans  l’après‐midi, et  c’était déjà l’heure d’aller se restaurer. 

Après son déjeuner, Bernard fila directement au magasin «Jardins de plaisir», situé à une vingtaine de kilomètres des bureaux de Martin’s 

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Garden.  Arrivé  au  point  de  vente,  notre  manager  se  dirigea directement à l’accueil. Un homme d’une quarantaine d’années, assis derrière  le  comptoir,  le  toisait.  A  l’approche  de  notre manager,  le directeur se leva pour le saluer. 

‐ Bonjour Monsieur, que puis‐je pour vous ? 

‐ Bonjour, je suis Bernard TALIN de Martin’s Garden. J’ai téléphoné il y  a  un  peu  plus  d’une  heure,  je  souhaiterais m’entretenir  avec M. LARINTE. 

‐ C’est moi‐même. Je suis ravi de vous voir. Il faut dire que cela fait un moment que nous n’avons pas vu quelqu’un de chez vous ! 

‐ Ah bon, comment cela se fait‐il ? 

‐ Eh bien, j’espérais que vous alliez me le dire ! Depuis que le dernier commercial est parti de chez vous  il y a six mois, nous n’avons plus jamais vu personne. 

Bernard se souvenait des soucis de recrutement de représentants que rencontraient  les  services  commerciaux  des  différents  pays,  et  plus particulièrement  sur  le  marché  français.  Au  service  du  Demand Planning, il ne travaillait que sur des quantités commandées. Il n’avait donc pas à se soucier de la façon dont se vendait la marchandise. Vu depuis son service, si  les produits étaient de qualité, cela débouchait nécessairement  sur  des  commandes.  Face  au  client,  il  comprenait mieux  le  travail  du  représentant.  Celui‐ci  est  le  seul  lien  entre  la « grosse  machine  à  produire »  que  constituait  la  multinationale Martin’s Garden,  et  les  points de  vente  à  taille  humaine  comme  ce magasin  «Jardins  de  plaisir».  Aussi,  Bernard  tenta  de  rassurer  le client. 

‐  Je  sais  que  nous  rencontrons  des  difficultés  pour  recruter  un commercial  digne  de  ce  nom.  Je  vous  promets  que  je  vais  me renseigner dès mon retour au bureau. Je vous tiendrai informé sur ce point très rapidement. 

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‐  Bah  oui,  parce  que,  vous  comprenez,  quand  nous  avions  un problème,  nous  appelions  le  commercial.  Avec  lui,  nous  arrivions toujours  à  trouver une  solution. Maintenant  que nous n’avons plus personne,  il  faut  que  nous  contactions  votre  hotline.  Pour  y  avoir quelqu’un, il faut parfois attendre plus de 5 minutes. Vous croyez que nous  n’avons  que  ça  à  faire,  attendre  au  téléphone  lorsque  nous tenons un magasin comme celui‐ci. 

Bernard savait qu’il ne servait à rien de se  justifier. Alors,  il écoutait attentivement son interlocuteur poursuivre ses griefs tout en prenant bien soin de noter chaque source de désagrément. Pendant ce temps, le responsable de magasin poursuivait son monologue : 

‐ Non,  évidemment  nous  n’avons  pas  que  cela  à  faire !  En  plus  au service  client,  ils  ne  sont  pas  très  arrangeants.  Il  faut  toujours  leur donner  tout  un  tas  d’informations :  notre  numéro  de  client,  notre numéro  de  commande…etc.  Toutes  ces  infos,  vous  les  avez,  je  ne comprends  pas  pourquoi  vous  nous  les  demandez  à  chaque  fois ! Vous  pensez  que  pour  nous  c’est  si  simple ?  Vous  imaginez,  si  à chaque  fois  que  nous  appelons  un  fournisseur  pour  un  litige,  nous devions retrouver notre numéro de client et la commande concernée ! Non vraiment, vous ne vous rendez pas compte. Tenez ! Venez voir le rayon. 

Le directeur prit Bernard par le bras pour lui montrer le chemin puis l’entraîna  jusqu’au  rayon où  étaient présentés  les outils de Martin’s Garden. Notre manager le suivit tandis que le responsable de magasin continuait à fulminer. 

‐ Regardez‐moi ce rayon ! Ah, c’est sûr que  les présentoirs sont bien jolis !  Ça,  vous  savez  faire…  Pour  le marketing,  pas  de  problème ! Mais  pour  livrer  les  bons  produits  au  bon moment,  ça  n’est  pas  la même chose. Qu’est‐ce que vous voyez là ? 

‐ Euh, il semblerait qu’il vous manque quelques références... Balbutia Bernard sans trop savoir où son interlocuteur voulait en venir. 

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‐ Oui, plus précisément, il manque douze références ! Alors, il peut y avoir  plusieurs  cas  de  figure :  soit  vous  nous  livrez  des  références différentes de celles que nous vous avons commandées, soit vous êtes en rupture. Alors, vous allez me dire que l’erreur est humaine et qu’il peut arriver qu’il y ait des ruptures… Mais, vous trouvez normal que nous ne soyons pas  livrés en  temps et en heure sur des commandes promotionnelles que nous vous passons plus de six mois à l’avance ? A quoi  cela  sert‐il de vous  faire des  engagements de  commande,  si vous  êtes  infoutus  de  nous  livrer  les  produits  présents  sur  le  tract avant  la promo  ? Parce  que  je préfère  vous prévenir  tout de  suite : lorsqu’on  me  livre  la  marchandise  d’une  promo  après  le  premier week‐end de la période promotionnelle, je fais repartir la marchandise immédiatement !  Il est hors de question de garder six mois de stock parce que vous êtes incapables de nous livrer à temps. 

Bernard poursuivait sa prise de note pendant que son interlocuteur se dirigeait vers le fond du magasin. 

‐ Venez, suivez‐moi.  Je vais vous montrer autre chose, continuait M. LARINTE  d’un  ton  plus  calme,  en  passant  une  porte  qui menait  à l’arrière‐boutique.  Vous  voyez  cette  palette ?  Après  l’avoir réceptionnée,  nous  nous  sommes  rendus  compte  qu’elle  ne correspondait  à  aucune  de  nos  commandes.  Nous  avons  contacté votre service client et il se trouve qu’ils se sont trompés. En fait, cette commande  est  destinée  à  notre  concurrent  d’en  face.  Et  vous connaissez la meilleure ? La personne que nous avons eue au service client  nous  a  demandé  s’il  était  possible  que  nous  amenions  la marchandise en face où qu’ils viennent la chercher. Il manquerait plus que ça de livrer les produits à votre place au concurrent, pendant que moi,  je reste en rupture de stock parce que vous êtes  infoutus de me livrer  comme  il  faut !  Voilà,  maintenant  j’imagine  que  vous comprenez mieux notre colère. Et comme nous n’avons aucun contact direct et que les choses n’ont pas vraiment l’air d’avancer chez vous, et bien nous faisons remonter tous ces points au siège de la franchise à Paris. Mais bon, de  leur  tour d’ivoire,  j’imagine bien qu’ils n’en ont pas  grand‐chose  à  faire. Mais  cette  fois‐ci,  on  ne  va  pas  passer  sur 

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l’affaire.  Je  dis  « On »  car  nous  sommes  plusieurs  responsables  de magasin à constater les mêmes problèmes ! 

Sentant que le client avait fini d’exprimer de bon cœur son courroux, Bernard reprit la parole. 

‐  Ecoutez.  Visiblement,  vous  avez  de  bonnes  raisons  de  ne  plus vouloir de nos produits dans vos rayons. De mon côté, je suis là pour vous écouter et tenter d’apporter des réponses et des solutions à vos problèmes. Soyez convaincus que je ferai de mon mieux pour obtenir des  résultats  concrets  sur  chacun  des  points  que  vous  m’avez présentés.  Si  vous  voulez  bien,  je  souhaiterais  balayer  tout  ce  que vous venez d’énumérer pour être sûr de ne rien oublier. 

‐ Je vous en prie, acquiesça le responsable de magasin. 

‐  Très  bien,  voici  ce  que  j’ai  noté :  absence  de  représentant,  temps d’attente  au  centre  d’appel  trop  longs,  prise  en  charge  de  l’appel contraignant  (références  demandées  trop  nombreuses),  retards  de livraison  sur  les  commandes  promotionnelles,  erreurs  de  référence des produits livrés, erreurs de points de livraison. Voilà, tout y est ? 

‐  A  peu  près.  Pendant  que  vous  y  êtes,  vous  pouvez  ajouter  le montant  du  franco*  qui  est  trop  important.  Ici,  vous  êtes  dans  un grand magasin où ça ne pose pas de soucis, mais j’ai des collègues qui m’ont  signalé  que  pour  eux,  300  euros  de  franco  c’était  trop important.  Certains  m’ont  également  signalé  qu’ils  recevaient plusieurs  fois  la même commande, ce qui générait des demandes de retour  de marchandises  à  traiter  et  surtout,  cela  prend  de  la  place dans le stock pour rien… ! Voilà, il me semble que nous avons fait le tour ! Mais  vous  pouvez  toujours  vous  rapprocher de  votre  service client, ils enregistrent tout ! Il y a d’autres choses qui, pour nous, sont moins importantes comme les litiges de tarifs, mais c’est vrai que cela nous  consomme  énormément  de  temps…  Temps  que  nous préfèrerions passer à renseigner la clientèle du magasin ! 

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‐  Oui,  je  comprends  tout  à  fait.  J’ajoute  ces  trois  points  à  la  liste. Précisa Bernard sur un ton rassurant. 

‐ En  tout  cas,  je vous  remercie beaucoup de vous être déplacé pour entendre  et  constater  de  vous‐même  les  problèmes  que  nous rencontrons en magasin. Pour être franc avec vous, vos produits sont très bons et cela nous dérangerait de les voir quitter nos rayons, mais vous  devez  comprendre  aussi  que  les  problématiques  d’ordre logistique  sont  tout  aussi  importantes  que  la  qualité  des  produits. Donc,  si vous arrivez à  faire en  sorte que  les  choses  s’arrangent ;  ce qui  est,  d’après  ce  que  j’ai  pu  comprendre,  votre  objectif,  nous  ne manquerons pas de vous solliciter à nouveau... 

‐ C’est entendu. Mais avant de penser à cela, tâchons de résoudre ces nombreux problèmes qui vous empoisonnent la vie. 

‐ A qui le dîtes‐vous ! S’exalta de directeur de magasin. 

‐ Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me recevoir M. LARINTE. Je travaille sur vos problèmes et vous tiens  informé dès que possible sur les différents points que nous avons abordés ensemble. 

‐ Très bien. Merci à vous. 

Bernard  regagna  sa  voiture  avec  un  sentiment  partagé.  Il  était  très heureux  des  derniers mots  encourageants  de  son  client. Mais  d’un autre  côté,  les problèmes  s’ajoutaient  et  il percevait mal  comment  il pouvait  apporter  une  amélioration  sur  tant  d’éléments  aussi disparates. 

Le trajet en voiture, du magasin aux bureaux, fit prendre conscience à Bernard  d’une  chose  importante :  depuis  toutes  ces  années  où  il travaillait chez Martin’s Garden, c’était la première fois qu’il touchait du doigt les problématiques du client. Bien sûr il avait une idée, qu’il croyait précise, de ce qu’attendait le client ; mais ce jour‐là, il se rendit compte que tout cela ne relevait que de l’a priori. Il décida donc de se rapprocher du service marketing pour avoir une idée plus précise des 

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besoins du  client.  Il  avait  entendu  la voix d’un magasin. Mais  cette voix‐là  était‐elle  à  l’image  de  l’ensemble  des  clients  de  Martin’s Garden ? 

De  retour  dans  les  locaux  de  l’entreprise,  Bernard  se  dirigea directement  dans  le  bureau  d’Emile  STEVEN,  le  responsable marketing de  l’entité  France. Ce  cadre d’une  cinquantaine d’années avançait  une  carrure  imposante  qui  lui  procurait  une  légitimité  de circonstance. Malgré  ce physique hors norme,  son  crâne  rasé  et  son style décontracté en faisait quelqu’un d’accessible. 

‐ Bonjour Bernard, comment vas‐tu ? 

‐ Ma foi, très bien et toi ? 

‐ Oh  tu  sais,  la  routine,  répondit  le Marketeur  sur  un  ton  un  peu désabusé. 

‐ La routine dans le marketing… Tu plaisantes, j’espère ? 

‐ Oui, tu as raison, tout part dans tous les sens. Mais au fond, tout ce chaos  est  organisé  alors  au  final,  c’est  un  peu  une  routine.  Mais j’imagine que si tu viens me voir, ça n’est pas pour épiloguer sur mon sort… Dis‐moi, qu’est‐ce qui t’amène ? 

‐  Tu  as  raison,  reprit  Bernard,  poussé  par  l’enthousiasme  de  sa dernière rencontre. Voilà,  je rentre tout  juste d’une visite en magasin et  je me  suis  aperçu que  toutes  les problématiques qu’il  rencontrait m’étaient particulièrement étrangères  jusqu’à aujourd’hui. Mais  je ne voudrais  pas me méprendre  et  considérer  ce  que m’a  dit  ce  client, comme  une  parole  divine  et  universelle  qui  pourrait  s’appliquer  à n’importe  lequel de nos clients. J’imagine que dans ton service, vous devez  avoir  tout  un  tas  d’études  marketing  qui  identifient  nos différents  clients  et  leurs  attentes  en  fonction de  leur  taille, de  leur structure…etc. Si  je pouvais bénéficier d’une vue plus globale sur les besoins  de  l’ensemble  de  nos  distributeurs,  cela me  permettrait  de mieux identifier où se situent les besoins de «Jardins de plaisir». 

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‐ Oui,  tu as  tout à  fait raison, mon cher Bernard. Ta démarche est  la bonne ! Mais  je crains de ne pouvoir t’aider. Ici, nous ne traitons que des  besoins  des  consommateurs. Nous  n’avons  quasiment  rien  sur nos propres clients. Nous travaillons sur les offres promotionnelles et achetons  quelques  études  marketing  sur  l’évolution  des comportements  de  consommation  de  nos  clients  finaux, mais  nous avons peu de choses sur nos propres clients. Pour moi, cela relève des responsables compte clé de savoir ce que leurs clients attendent… 

‐ Tu as  raison Emile, mais  tous  les clients ne sont pas gérés par des responsables compte clé et quand  je suis allé voir Sylvain,  je n’ai pas eu  l’impression  qu’il  avait  une  vue  générale  sur  la  structure  du portefeuille clients*. 

‐ Oui, tu as raison… Concéda  le responsable marketing en reprenant son  souffle  avant  de  poursuivre. Maintenant  que  j’y  pense,  il  me semble que Gabrielle, une des chefs de produit, pour sa synthèse de fin d’études, avait  réalisé une analyse des attentes de nos  clients.  Je m’y  étais peu  intéressé donc  je  ne pourrai pas  t’en dire davantage. Attends, ne bouge pas ! Je vais l’appeler. 

Le manager prit son téléphone et demanda à  la  jeune marketeuse de les rejoindre dans le bureau. Gabrielle ne tarda pas à le retrouver. Elle s’avança dans  le bureau d’un pas  léger et  rapide. Sa  réactivité et  sa fraicheur laissait transparaître une volonté à aller de l’avant.  

‐ Bonjour ! Entonnèrent en cœur les trois protagonistes. 

‐ Dis‐moi Gabrielle,  je crois que  tu avais réalisé  l’année dernière une étude sur nos clients. Cela pourrait peut‐être intéresser Bernard dans sa mission sur «Jardins de plaisir»… 

Notre manager enchaîna : 

‐ Oui, j’aurais besoin de savoir comment se situent les besoins que j’ai identifiés dans un magasin de «Jardins de plaisir», sur  l’ensemble de 

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nos  clients, pour  voir  si  leurs  besoins  sont  représentatifs  ou pas de ceux de l’ensemble de nos clients. 

‐ Je pense que mon étude devrait pouvoir vous aider. Si vous voulez, je peux vous la présenter. 

‐ Super ! Dites‐moi, quand êtes‐vous disponible ? 

‐ Là, je préparais les tarifs de la prochaine promo, mais si c’est urgent, je  peux  prendre  un  petit  quart  d’heure  pour  vous  expliquer globalement ce qu’il en est. 

‐  Très  bien ! Ça me  va !  Lança  Bernard,  charmé  par  la  réactivité  et l’appoint de la jeune femme. On s’installe dans mon bureau ? 

‐ OK, je passe éditer mon étude de marché et je vous rejoins de suite. Répondit Gabrielle avant de sortir du bureau. 

‐ Je te remercie, mon cher Emile. Passe un bon week‐end, si on ne se revoit pas ! 

‐  Bon  week‐end  à  toi  aussi !  Lança  Emile  d’un  clin  d’œil d’autosuffisance. 

Après quelques minutes, la jeune chef de produit avait rejoint Bernard dans son bureau pour lui présenter son étude. 

‐ Voilà, pour commencer,  j’ai réalisé cette étude à partir d’entretiens que  j’ai  réalisés  auprès  d’une  vingtaine  de  clients.  J’ai  essayé d’interviewer des clients sur  l’ensemble de  la chaîne de distribution, du  chef  de  produit  en  central  au  responsable  de  rayon  de  grande surface, en passant par des responsables de magasin ou même parfois des  responsables de plateformes  logistiques  régionales. A  l’issue de ces  entretiens,  j’ai  identifié  ce  qui  relevait  des  fonctionnalités  du produit et ce qui relevait des comportements d’achat. J’ai ainsi obtenu une  première  segmentation  technique*  comme  vous  pouvez  le  voir ici.  

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Figure 2.4- Segmentation technique.

Gabrielle tendit à Bernard l’annexe de son étude sur la segmentation technique, avant de reprendre : 

‐  Nous  pouvons  voir  que  nos  clients  attendent  quatre  types  de produits.  Certains  ne  sont  intéressés  que  par  notre  marque.  Par exemple, nous avons un manufacturier qui fabrique des récupérateurs d’eau  à notre marque.  Sur  ce  type de produit, nous ne  faisons  que toucher des royalties.

‐ Ah,  tiens !  Je  ne  savais même  pas  qu’il  existait  des  récupérateurs d’eau  Martin’s  Garden…  C’est  marrant  ça !  Interrompit  Bernard surpris  de  son  ignorance  qui  ne  faisait  qu’augmenter  d’heure  en heure. 

‐ C’est normal, nous ne voyons rien transiter sur ces produits, nous ne récupérons que de  l’argent pour  l’apparition de notre marque sur  le produit. C’est  tout ! Si nous continuons, nous voyons que  les clients attendent trois autres types de produits : les outils « haut de gamme » où c’est  le côté  innovant qui est très attendu, ensuite, nous avons  les MDD* qui sont des produits reconnus par le public sous la marque de nos distributeurs. Et enfin, nous avons  les outils professionnels pour 

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les  artisans  du  jardin,  où  les  fonctions  les  plus  importantes  sont  la robustesse et la capacité à apporter un SAV rapide et de qualité.  

Avant de poursuivre, Gabrielle  sortit une deuxième  annexe  avec  la présentation de sa segmentation comportementale* 

 

Figure 2.5- Segmentation comportementale.

‐  Alors,  ici,  comme  vous  pouvez  le  voir,  nous  avons  notre segmentation  comportementale  avec  les  différents  critères  de segmentation. Cette matrice nous permet de discerner cinq typologies de  clients :  tout  d’abord,  les  manufacturiers  qui  ne  portent  aucun intérêt  à  nos  produits  puisqu’ils  vendent  juste  notre marque. Nous avons aussi les chefs produits acheteurs de la GSA* et la GSB*. Ceux‐là se caractérisent par leur pouvoir de négociation, car ils achètent des volumes  très  importants.  Ils  sont  également  très  structurés,  ce  qui 

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débouche  sur des contraintes  très  fortes  sur  le plan de  la  logistique. Par exemple, ils ont des créneaux horaires de livraison très précis, ils refusent  la  marchandise  si  les  cartons  sur  la  palette  ne  sont  pas disposés  de  la  bonne  façon…etc.  Nous  avons  ensuite  les  petites boutiques.  Ce  sont,  en  général,  des  quincaillers  ou  des  petites boutiques  de  LISA*.  Ceux‐ci  se  démarquent  par  leur  niveau  de qualification. Ce sont les meilleurs conseillers de nos produits, car ils s’y intéressent vraiment. En revanche, ils ont un volume d’activité très faible  et  rencontrent  parfois  des  difficultés  à  nous  passer  des commandes du fait des contraintes de franco que nous leur imposons. Ensuite,  nous  avons  les  discounters.  Ces  clients  ne  travaillent  avec nous qu’en « one shot* ». Selon  les opportunités du moment,  ils sont avant tout intéressés par les offres que nous pouvons leur faire sur les excès  de  stock  et  les  fins  de  série.  Ces  clients‐là  n’achètent  qu’une chose :  du  prix !  Enfin,  nous  avons  les  chefs  produits  des  grandes surfaces spécialisées. Ce segment se situe entre les intervenants de la grande distribution et  les petites boutiques. Lorsque  j’ai  réalisé cette segmentation,  j’ai  été  très  ennuyée par  ce  segment,  car à  l’intérieur, nous avons différentes typologies de clients. Mais au final, je me suis rendue  compte  que  les  problématiques  étaient  communes  :  pour gagner en cohérence et en clarté, je n’ai conservé qu’un seul segment. Pour  la  plupart,  ils  sont  dans  une  phase  de  croissance  et  de structuration. Donc, pour une même enseigne, vous allez avoir : d’un côté,  des  magasins  avec  une  surface  importante  qui  génère  des volumes  de  vente  conséquents  qui  les  rapprochent  des comportements  de  la GSB,  et  d’un  autre  côté,  vous  allez  avoir  des magasins  plus  petits,  mais  qui  se  développent  et  souhaitent  se structurer comme leurs « grands frères », si je puis dire… 

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Figure 2.6- Segmentation de marché.

‐ Et bien, dites‐moi ! Vous avez fait un travail remarquable ! C’est bon, j’ai  identifié mon  client !  «Jardins de  plaisir»  doit  faire  partie  de  ce dernier segment. 

‐ Oui, vous avez raison : «Jardins de plaisir» c’est l’exemple parfait de l’enseigne qui  regroupe des magasins de différentes  tailles en phase de  structuration. Mais  si  vous  voulez  bien,  je  vais  poursuivre ma présentation… 

Bernard écoutait avec attention la jeune marketeuse qui faisait preuve d’une grande maturité dans la démonstration de son travail. 

‐ Après  la  réalisation  de mes  deux  segmentations,  la  segmentation technique  et  la  segmentation  comportementale,  j’ai  réalisé  la segmentation  finale qui consiste à  identifier  les segments de marché aux croisements non vides des deux segmentations. 

‐ Nous obtenons ainsi huit segments de marché : S1,  le segment des ventes de  licences ;  S2,  les outils haut de gamme destinés  à  la GSA GSB ;  S3,  les  mêmes  outils  vendus  aux  petites  boutiques ;  S4,  le segment des fins de série vendues aux discounters, S5 le segment des produits haut de gamme vendus à  la GSB et aux LISA en phase de développement. Nous avons ensuite  les MDD vendues à  la GSA qui 

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constituent  S6.  Les  clients  en  phase  de  structuration  commencent également à nous demander des MDD : c’est le segment S7. Et enfin, nous  avons  S8 qui  est  le  segment des  outils professionnels destinés aux  artisans  du  jardin,  et  qui  se  vend  soit  en  GSB,  soit  dans  les grandes  surfaces  professionnelles. Ceux‐ci  sont  également  en  phase de structuration. Voilà pour la segmentation, M. TALIN. 

‐ Et bien,  je suis  impressionné par votre  travail. Et vous avez réalisé tout cela avec uniquement une vingtaine d’entretiens ? Je pensais que les  études  de  marché  reposaient  sur  des  données  statistiques  qui nécessitaient une population à étudier relativement  importante… En fait,  il n’en  est  rien,  le  travail  que  vous m’avez présenté paraît  très concret et surtout très représentatif de la réalité du marché. 

‐ Oui, vous avez raison, la plupart des études de marché sont réalisées par téléphone sur des populations plus importantes. Mais il ne s’agit pas  de  la  même  chose.  Ce  type  d’étude  de  marché  apporte  des informations  complémentaires,  notamment  sur  la  quantification des marchés. L’étude de marché que j’ai réalisée est qualitative et non pas quantitative. J’ai travaillé à partir de la méthode de ségmentuition ®. Celle‐ci  repose  sur  la  combinaison  de  l’intuition  et  de  la rationalisation. Personnellement, j’étais aussi très inquiète de passer à côté d’un ou plusieurs segments de marché en me  limitant,  faute de temps,  à  une  vingtaine  d’entrevues…  Mais  au  final,  après  une douzaine d’entretiens,  je retombais sur  les mêmes problématiques et les mêmes attentes au niveau des produits. Alors, par précaution, j’ai réalisé mes  derniers  rendez‐vous, mais  je  n’y  ai  pas  appris  grand‐chose de plus. 

‐ Très bien. Ecoutez, je pense que vous m’avez déjà montré beaucoup de choses.  Je vois aussi que, dans  la segmentation comportementale, vous avez  identifié des points qui me seront  très utiles comme  leurs attentes sur ce qui concerne  les contraintes de supply chain, ou  leur mode de passation de commandes. Avec tout ça, j’y vois déjà un peu plus  clair  sur  le positionnement de  «Jardins de plaisir» par  rapport aux autres clients. 

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Sentant  que  Bernard  voulait  s’en  tenir  là,  la  jeune marketeuse  lui coupa la parole pour dérouler la suite de son analyse : 

‐ Effectivement, je pense que ce document pourra vous aider. La suite de  l’étude  vous  apportera  quelques  compléments  intéressants,  je pense... Par exemple : j’ai réalisé une étude sur l’intérêt que portaient les clients aux services que nous  leur apportons au quotidien. Sur  la base  de  la  matrice  de  Kano,  j’ai  recontacté  chaque  personne  que j’avais  interviewée  et  pour  chaque  service,  listé  ici  sous  forme  de fonctionnalité,  je  leur  ai  demandé  quel  serait  leur  niveau  de satisfaction, si celle‐ci était présente, et ensuite si celle‐ci était absente. Pour la petite anecdote, mon premier entretien fut catastrophique. Le client ne comprenait rien à ce que je lui disais… Je lui demandais : « Si nous faisons des campagnes promotionnelles régulièrement, cela vous fait plaisir ? C’est le minimum pour vous ? Cela vous est égal ? Vous l’acceptez ?  Ou  cela  vous  dérange  beaucoup ? ».  Alors,  le  client répondait sans problème et ensuite, quand je lui demandais « Si nous NE  faisons  PAS  de  campagne  promotionnelle  régulièrement,  cela vous  fait plaisir ?...etc.  Il me disait  que  je  venais de poser  la même question… Bref,  je me  suis  rendue  à  l’évidence que  cet outil  était  à prendre  avec  des  pincettes… !  J’ai  donc modifié ma  façon  de  faire. Dans  un  premier  temps,  j’ai  posé  l’ensemble  des  questions  avec  la présence de  la  fonctionnalité puis  je  les  rappelais  le  lendemain pour reposer  les questions en cas d’absence de  la fonctionnalité. Bref, tout ça  pour  vous dire  que  cette matrice  n’a  pas  été  évidente  à  obtenir, mais je pense que le résultat en vaut la chandelle !  

‐ Heu…  Pour  être  franc  avec  vous, Gabrielle, moi  non  plus  je  n’y comprends pas grand‐chose à ce que vous venez de me raconter… 

‐ Oui,  je  sais  que  ça  n’est  pas  très  simple  au  premier  abord, mais regardez  concrètement  ce  que  ça  donne.  Voici  la  valorisation  des fonctionnalités pour le segment des « structures intermédiaires » dont fait partie «Jardins de plaisir».  

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Figure 2.7 – Matrice d’évaluation des fonctionnalités selon la méthode de Kano

‐ Comme nous pouvons le constater, il arrive qu’il y ait des disparités dans  les réponses des  interlocuteurs. Ces différences proviennent du niveau des  interlocuteurs dans  la  supply  chain. Très  clairement,  les responsables magasins ne perçoivent pas les mêmes enjeux que les CP responsables des référencements de produits au niveau de la centrale. 

‐ Oui, ça,  j’avais cru  le comprendre… S’invita à commenter Bernard au milieu  du monologue  de  la  jeune  érudite  avant  que  celle‐ci  ne poursuive. 

‐  Par  exemple,  sur  l’utilisation  de  l’EDI,  les  cinq  responsables  de magasins ont répondu que ça leur était égal de pouvoir en bénéficier alors  que  dans  le  même  temps,  au  niveau  de  la  centrale,  ils considèrent que c’est un minimum. A  l’inverse, sur  la présence d’un commercial,  les  responsables de magasin plébiscitent  les démarches 

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d’un VRP sur le terrain. Ils pensent que cela leur apporte un vrai lien avec  notre  entreprise.  Alors  que  pour  la  centrale,  la  présence  du commercial n’a pas d’importance, et j’en ai même eu un qui me disait qu’il ne  supportait pas  les  commerciaux,  car  il  a  l’impression qu’ils poussent  aux  achats  et  donc  au  surstock.  Il  arrive  que  certains  en profitent  pour  placer  des  produits  qui  ne  font  pas  partie  du référencement. Donc,  le  commercial,  au  niveau  de  la  centrale,  peut parfois  être  perçu  comme  quelqu’un  qui  vient  faire  de  l’ingérence dans leur travail. Voilà, je vous dis ça, car il ne faut pas perdre de vue qu’en fonction du niveau de son interlocuteur dans la supply chain, le besoin n’est pas forcément le même. 

‐ J’aurais dû venir vous voir plus tôt ma chère Gabrielle ! Tout ce que vous me fournissez là comme information vaut de l’or ! En revanche, si je puis me permettre, votre matrice n’est pas très facile à lire. Il faut à chaque fois jongler entre la présence et l’absence de fonctionnalité… C’est une gymnastique pas très aisée. 

‐ Oui, bien  sûr ! Ça n’est qu’un document de  travail ! La matrice de Kano, plus accessible, est ici. 

Relativement  fière  d’elle,  la  jeune  chef  de  produit  poursuivait  son analyse sous l’œil curieux de Bernard.  

‐ Comme  vous  pouvez  le  voir,  le  taux  de  service*  est  une  fonction proportionnelle.  Cela  signifie  que  plus  nous  serons  capables  de fournir  au  client  le  bon  produit  au  bon  moment,  et  plus  il  sera satisfait.  Vous  pouvez  également  remarquer  que  dans  le  cadre  de promotion, le taux de service devient une fonction obligatoire. Cʹest‐à‐dire que nos clients trouveraient vraiment anormal de se retrouver en rupture sur un produit qui apparaît dans un tract. Si nous continuons l’analyse, nous nous apercevons que  les frais de port se révèlent être une  fonction contraire. En d’autres  termes, plus  le montant des  frais de port est élevé et plus le client est mécontent. D’ailleurs, à l’époque, j’avais  eu  plusieurs  remarques  sur  le  fait  que  le montant  de  notre franco était trop important.  

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  Figure 2.8 – Répartition des fonctions sur la matrice de Kano

Toujours  dans  les  fonctions  contraires,  nous  pouvons  observer  que cette typologie de clients est très réfractaire à l’échange d’informations stratégiques,  comme  les  remontées caisse*, pour  fiabiliser  le  taux de service. Toutes  les  fonctions  liées à une meilleure  collaboration  sont jugées comme contraintes. C’est vraiment spécifique à ces clients, car pour  les magasins de  la GSA, qui n’apparaissent pas  ici, c’est tout  le contraire.  Si  nous  ne  pouvons  pas  affirmer  qu’ils  sont  demandeurs pour  nous  envoyer  des  informations  aussi  stratégiques  que  les remontées caisse, nous constatons tout de même qu’ils sont ouverts à l’idée. Mais bon, là je m’écarte un peu du sujet. Si nous revenons à la typologie  de  clients  dont  fait  partie  «Jardins  de  plaisir»,  nous constatons  que  la  possibilité  qu’ils  transmettent  et  suivent  leurs commandes  par  internet  est  perçue  comme  une  fonction  attractive. Cela signifie que cette fonction est vraiment reçue comme un plus que nous pouvons  leur apporter. Voilà,  toutes  les  fonctions sont reprises sur  la matrice,  je  vous  laisserai  regarder  plus  en  détail  si  vous  le souhaitez. 

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‐ Vraiment,  je ne sais quoi vous dire Gabrielle. Vous avez réalisé un travail impressionnant ! Comment se fait‐il que ce document n’ait pas fait le tour de l’entreprise ? Tout le monde devrait avoir connaissance de ce que les clients attendent de nous ! 

‐ Je suis bien d’accord avec vous M. TALIN, mais vous savez, j’ai fait ce  travail  l’année  dernière  quand  je  n’étais  encore  que  stagiaire.  Et comme vous  le savez,  la  jeunesse et  la qualité même de stagiaire ne me donnaient pas beaucoup de légitimité pour crier sur tous les toits ce que  j’avais fait. D’autant plus que l’on m’avait prise en stage pour faire  le  travail de chef de produit qui, au  final, consiste plus à créer des  tarifs  pour  les  campagnes  promotionnelles  que  de  faire  de  la stratégie de marché comme il en est question dans cette étude. 

‐ Malheureusement, vous avez raison… Les vieux bougres que nous sommes,  avons bien du mal  à nous  remettre  en question. Mais une chose  est  sûre :  votre  travail  ne  restera  pas  inconnu  longtemps !  Si vous  n’y  voyez  pas  d’inconvénient,  j’en  intègrerai  quelques  parties dans  mon  dossier  et  vous  demanderai  de  présenter  votre  travail, comme  vous  venez de  le  faire,  lors de  la première  revue de projet. Cela vous convient‐il ? 

‐ Oui, oui, bien sûr !  Je serai ravie de présenter ce  travail et de vous aider dans ce projet. 

‐ Et bien c’est entendu, faisons comme cela ! Bon, je vais vous libérer. Vous deviez me consacrer un quart d’heure et cela fait près de deux heures que nous papotons ensemble. Merci encore beaucoup pour ce magnifique travail ! 

‐ De rien. N’hésitez pas à venir me voir si vous avez des questions. Je vous  transmets dès que possible  l’étude par mail,  ainsi  il vous  sera plus aisé d’en exploiter  le contenu. Au revoir M. TALIN. Bon week‐end ! 

‐ Merci Gabrielle, bon week‐end à vous également. 

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La  jeune  femme  sortit  du  bureau,  laissant  seul  notre  manager. Bernard  se  leva  de  sa  chaise  pour  aller  jeter  un  coup  d’œil  par  la fenêtre et rêvasser quelques instants. 

Etonnante  cette  petite.  C’est  impressionnant  comme  nous  pouvons  passer sans  le savoir à côté de gens d’une qualité aussi remarquable. Si  jeune et si ingénieuse, je ne doute pas que cette fille‐là ait un avenir prometteur. 

Après  un  long  étirement  qui  laissait  transparaître  sa  fatigue,  notre manager,  levé  depuis  quatre  heures  du  matin,  méritait  bien  de regagner son logis. 

A son arrivée chez  lui, un mot d’Eloïse  l’attendait sur  le buffet de  la cuisine. 

Mon Chéri,  

La vie que nous menons depuis quelque temps n’a plus de sens ! Je pars pour le week‐end.  Je verrai si  je repasse à  la maison  lundi. Si tu ne me vois pas, c’est que  j’aurai pris une semaine de congé.  Je vais profiter de ces quelques jours pour penser à toi, à nous. Je t’encourage à en  faire autant. Je sais que ton  travail  te préoccupe  beaucoup  en  ce moment. Ça n’est peut‐être pas  le meilleur  moment  pour  t’infliger  ça,  mais  de  mon  côté,  je  ne  peux  plus supporter  cette  situation.  J’aimerais  que  nous  retrouvions  l’harmonie originelle de notre couple. Je tiens à toi. 

Eloïse. 

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    Lundi  9  février  Bernard  avait  passé  un  week‐end épouvantable.  Il  n’avait  eu  de  cesse  de  ressasser  le  départ  de  son épouse. Les questions  l’envahissaient  inlassablement. Parmi  tous  les reproches qui lui étaient faits, il n’arrivait plus à discerner le bon grain de l’ivraie. Dans un autre contexte, il se serait réjoui de disposer d’un week‐end  complet  pour  lui.  Mais,  l’idée  même  qu’Eloïse  était susceptible  de  ne  pas  revenir  l’entraînait  dans  un  profond  désarroi qui annihilait tout autre sujet de réflexion. C’est dans cet état d’esprit que  notre  manager  repartit  pour  une  semaine  à  gérer  le  dossier «Jardins de plaisir». 

Arrivé  à  son  bureau,  Bernard  feuilleta  rapidement  le  dossier  qui reprenait toutes les problématiques du magasin de Bron. Sentant qu’il rencontrerait des difficultés à se concentrer, il prit la décision de partir s’installer  au  service  client.  D’une  part,  l’activité  du  call  center l’obligerait à ne plus penser à ses tracas personnels, et d’autre part, le centre  d’appel  constituait  un  endroit  stratégique  pour  prendre  la température de  la qualité de service apportée par Martin’s Garden à ses clients. Ainsi, il prit son ordinateur portable et son attaché‐case où il  introduisit ses dossiers puis se dirigea tout droit vers  le bureau de Roger ALECTO. 

‐  Bernard,  comment  vas‐tu ? Quʹest‐ce  qui  nous  vaut  cette  visite  si matinale ?  Tu  as  trouvé  le  dossier  que  j’ai  déposé  sur  ton  bureau vendredi dernier ? 

‐  Salut  Roger !  Répondit  Bernard  en  serrant  la  main  de  son interlocuteur  avant de poursuivre. Oui,  je  te  remercie. Dis‐moi…  Je me  disais  que  la meilleure  façon  d’appréhender  les  problèmes  que rencontrent  les  clients,  c’était de me poser  au milieu de  ton  service pour écouter les différents litiges que tes collaborateurs sont amenés à traiter. Qu’est‐ce que tu en penses ? 

‐ Bah oui, pourquoi pas ? Concéda le manager de service, trahi par la mimique de son faciès. 

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‐ Ne  t’inquiète pas Roger.  Je ne  suis pas  là pour  surveiller  si  tu  fais bien  ton  job.  Je veux  juste  être  en  contact direct  avec  les problèmes que rencontrent nos clients. Et puis, tu verras, je resterai discret. 

‐ Non non, je ne me fais pas de soucis. C’est juste que j’aurais préféré les avertir avant, improvisa M. ALECTO pour cacher son animosité. 

‐ OK. Très bien. Où puis‐je m’installer alors ? 

Le manager du service client sortit du bureau en devançant Bernard. Il  présenta  l’objet  de  la  venue  de  Bernard  dans  le  service  et  lui proposa de s’installer sur un bureau disponible.  

Bernard passa ainsi le début de sa semaine à écouter attentivement les échanges  entre  les  équipiers  du  centre  d’appels  et  les  clients  qui formulaient  leurs  réclamations.  Il  prit  également  soin  d’interroger certains  collaborateurs  pour  comprendre  vraiment  le  travail  de chacun.  

Dans un premier  temps,  il rencontra Michelle SIMON qui s’occupait de la saisie des commandes. Elle lui présenta, étape par étape, la façon dont elle enregistrait les commandes qui lui parvenaient par fax et par mail. 

Puis, dans un deuxième temps, il échangea avec Richard VINTAR qui était le doyen du service et qui, à ce titre, maîtrisait toutes les ficelles du métier. 

Enfin, il s’entretint avec Ingrid BARATIE qui s’occupait d’enregistrer les  litiges  reçus  par  courrier  ou  par  fax  pour  alléger  le  travail  des conseillers du centre d’appels. 

Suite  à  ces  entretiens,  Bernard  se  lança  dans  la  formalisation  des processus qu’il venait d’auditer sur  la base des explications du  livre de Mlle NYX.  

 

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Figure 2.9 - Extrait organigramme de Martin's Garden 

Une  fois  sur  le papier,  les processus  semblaient plus complexes que l’image qu’il s’en était faite. Cependant, cette formalisation visuelle lui procurait une meilleure compréhension du process dans sa globalité. Un  SIPOC  lui  donnait  la  possibilité  de  cerner  quelles  étaient  les informations  en  amont  et  en  aval  du  principal  processus  que constituait le traitement des commandes. A côté de ça, la road map lui permettait  de  faire  un  focus  plus  détaillé  sur  le  traitement  des commandes, étape par étape. 

 

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Figure 2.10- Slide "SIPOC" du fichier de suivi du projet.

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Figure 2.11- Slide "Road Map" du fichier de suivi du projet.

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Pour  aller  plus  loin  dans  la  description  de  ses  processus,  Bernard avait besoin de réaliser des requêtes dans  le système pour quantifier certains  éléments  comme :  le  nombre  de  commandes  bloquées,  le délai  entre  la  réception de  la  commande  et  sa  livraison  effective,  le taux  de  commandes  qui  généraient  des  litiges  par  rapport  à l’ensemble  des  commandes  reçues  du  client…etc.  Pour  cela,  il  irait consulter l’expertise du directeur informatique. 

David EUTERPI était arrivé chez Martin’s Garden  il y 22 ans. Après tant d’années, il faisait un peu partie des murs. Mais, sa passion pour les  systèmes  d’informations  et  les  utilisateurs  faisaient  de  lui quelqu’un de  très  chaleureux  et particulièrement  efficace. Avant de travailler  chez  Martin’s  Garden,  pour  Bernard,  les  projets informatiques  étaient  synonymes  de  « retard  systématique ».  Mais avec David,  jamais  aucun  retard  n’avait  été  observé. Ainsi,  il  avait accompagné  l’entreprise  dans  la  plupart  des  bouleversements technologiques connus lors de ces deux dernières décennies. Bernard savait que pour son projet, David serait un allié  important. Il décida donc de  bien préparer  sa demande  et  la présentation de  son projet afin  d’intéresser  au  maximum  son  interlocuteur.  Après  cette introduction, Bernard enchaîna sur les éléments dont il avait besoin : 

‐ Voilà David, tu vois,  je t’ai listé les informations que  j’aurais besoin de quantifier. 

Liste d’indicateurs : 

‐ Nombre de commandes sans intervention 

‐ Nombre de commandes livrées dans les temps et complètes 

‐ Nombre de commandes bloquées par motif de blocage (rupture, prix, compte client bloqué, franco…etc.) 

‐ Délai,  en  nombre  de  jours,  entre  les  différentes  étapes  de  la  commande (réception, saisie, déblocage, préparation, expédition, livraison…etc.) 

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‐ Taux de litiges sur CA par motif 

David,  élevé  sur  une  frêle  silhouette,  les  cheveux  grisonnant, s’empara  de  la  liste  puis  commença  à  la  parcourir  avant  de  lui répondre. 

‐ Ok, Bernard. Je vais m’en occuper. Dans la liste que tu m’as donnée, pour  la  plupart  des  indicateurs,  nous  avons  déjà  des  requêtes  qui existent. Cela ne devrait donc pas prendre  trop de  temps. Sur quelle période souhaites‐tu travailler ? 

‐ Bonne question ! Lui rétorqua Bernard. Disons, les six derniers mois. 

‐ Ok mais comme tu vas travailler sur des litiges : je pense qu’il serait préférable que nous ne tenions pas compte du dernier mois. 

‐ Pourquoi ?  Je ne  comprends pas ?  S’interrogeait notre  responsable de projet. 

‐  Si  nous  sortons  les  commandes  livrées  sur  le  dernier mois,  il  est possible  que  certaines  d’entre  elles  génèrent  des  litiges  après  notre extraction. Ainsi, elles seront considérées comme OK dans ton analyse alors qu’elles génèreront des problèmes. C’est pour  ça que  je pense qu’il  serait  préférable  de  travailler  avec  au  moins  un  mois  de décalage. 

‐ Oui,  tu as raison. Excuse‐moi, mais  je ne suis pas encore au fait de toutes  les  subtilités  du  « requêtage »,  s’amusa  Bernard,  prenant conscience de sa médiocrité sur le sujet. 

Bernard salua David et le remercia de son aide, avant de regagner son bureau au service client pour poursuivre son observation des  litiges soumis par les clients. 

Après  trois  jours passés  au  centre d’appels, Bernard  avait  une  idée plus  précise  des  différents  problèmes  auxquels  il  allait  devoir  faire 

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face. Afin  de  bénéficier  d’une  vue  synthétique,  il  réalisa  une  carte heuristique de ses notes.  

Avant de  rentrer  chez  lui, Bernard  reçut un mail de David avec  les requêtes demandées. Il avait également recueilli le tableau de bord de suivi d’activité  auprès de Roger,  le  responsable de  service. Ainsi,  il pourrait  passer  les  deux  jours  à  venir  sur  la  quantification  des problèmes.  

C’était mercredi soir. Quand Bernard rentra chez lui. Eloïse n’était pas revenue. Un message  sur  le  répondeur  lui  était  destiné :  « Bernard, finalement  j’ai  décidé  de  prendre  deux  semaines  de  congés. A  vrai dire,  je  ne  sais  pas  où  j’en  suis, mais  une  chose  est  sûre :  je  pense beaucoup à  toi ». Le bip de  fin  retentit pendant que Bernard  laissait son dos glisser le long du mur pour finir assis à terre, la tête entre les mains.  L’intensité  du  message  l’amena  aux  sanglots.  Quelques minutes plus tard, visualisant le tableau qu’il illustrait, il se leva d’un coup et s’essuya les yeux. 

« Et bien,  voilà bien longtemps que je n’avais pas chialé comme ça...! »  

S’amusa‐t‐il de lui‐même à haute voix avant de préparer de quoi faire face à sa fringale. 

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Figure 2.12- Carte heuristique « difficultés perçues au Service Client ».

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  Jeudi 12 février Bernard s’installait à nouveau dans son propre bureau.  Il estimait que son  immersion d’une semaine était suffisante pour  toucher  du  doigt  les  principaux  problèmes  rencontrés  sur  le dossier «Jardins de plaisir». 

C’est  équipé du  livre de  Salomé NYX  et bien  conscient qu’il devait limiter  ses  demandes  auprès  d’elle,  que  Bernard  se  lançait  dans  la formalisation  des  processus  par  la  réalisation  d’une  Value  Stream Map  sur  le  traitement  des  commandes.  Au  même  instant,  Eric GAUTHIER,  son  jeune  remplaçant,  rentra  dans  son  bureau  à  une vitesse inquiétante.  

‐ Bonjour M. TALIN ! 

‐ Bonjour Eric, tu peux m’appeler Bernard tu sais ! Comment ça va ? 

‐ A vrai dire, pas très bien. Je n’arrive pas à m’en sortir. Je ne suis pas venu plus  tôt  car  je  sais  que  votre  nouveau projet  est  très prenant, mais là, j’ai peur que les choses tournent vraiment mal. 

L’agitation du  jeune homme faisait tomber une mèche rebelle sur ses yeux. Sous la contrainte de l’inconfort, Eric, d’un balayage de la main reposait sa chevelure émancipée. La répétition du mouvement rendait l’anxiété du  manager candide, quelque peu grotesque. 

‐  Oulah !  Calme‐toi  mon  grand !  Enfonçait  Bernard  d’un  ton paternaliste. Quoi  qu’il  se  passe,  cela  ne  vaut  pas  que  tu  te mettes dans cet état. Assieds‐toi et raconte‐moi ton problème. 

‐ Voilà Bernard : j’ai le sentiment de ne rien contrôler. Personne ne me dit rien et quand je pose des questions, tout le monde me dit que c’est bon : « Ils gèrent ». Mais je vois bien que sur les tableaux de bord que vous m’avez montrés, les choses ne tournent pas rond. Nous sommes en  surstock  sur  une  vingtaine  de  références  et  en  rupture  sur  une dizaine d’autres. Si je n’ai pas d’info de la part de l’équipe,  je ne vois pas comment je peux gérer les problèmes ! 

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‐ Ecoute Eric, c’est vrai que  je t’ai laissé un peu vite aux commandes, mais il est important que tu fasses ta place. Si  j’étais resté à tes côtés, l’équipe aurait continué de  travailler comme avant en me consultant directement. Je me doutais qu’il arriverait ce que tu me racontes. Tu es jeune, pas moins méritant, mais jeune. Alors ils te testent. Mais il faut que  tu  saches  une  chose :  c’est  que,  s’ils  te  disent  qu’ils maîtrisent, c’est  que  c’est  le  cas.  Tu  paniques  parce  qu’ils  font  de  la  rétention d’information,  mais  je  leur  fais  assez  confiance  pour  continuer  à travailler avec le sérieux que  je leur connais. Donc, pour commencer, arrête de paniquer ! Donne‐moi tes tableaux de bord pour voir. 

Le  jeune  homme  assagi  s’exécuta.  Après  une  courte  analyse  du tableau, Bernard poursuivit : 

‐ Tu vois  là, pour ces quinze références en surstock,  il y a une vente prévue sur internet. C’est une vente qui se fait sur un week‐end. C’est un « one shot ». Elle n’apparaît pas dans tes commandes, car c’est un client un peu spécial qui nous transmet la commande le lundi qui suit la vente sur internet. Pour les 5 autres références, nous sommes sortis de  la  saison. Donc,  le  surstock,  tu  l’avais déjà  il y a une  semaine.  Il faut  que  tu  te  rapproches  du  service  commercial  pour  trouver  un client  qui  t’achète  la marchandise  en  « obsolète »  avec  une  remise supplémentaire.  Maintenant  pour  les  ruptures,  comme  tu  peux  le voir,  les  prévisions  étaient  bonnes.  Le  problème,  c’est  que  la marchandise  s’est  vendue  plus  que  prévu  sur  les  autres  pays.  Du coup, tu es victime de la mutualisation du stock. Comme  je te l’avais expliqué,  nous  disposons  d’un  stock  européen,  si  bien  que,  si  les autres pays vendent plus qu’attendu et bien tu te retrouves sans stock malgré tes bonnes prévisions. C’est comme ça ! Il faut faire avec. 

‐ Bon,  il n’y a pas de problème alors, se résignait à conclure  le  jeune manager. 

‐ Non,  effectivement,  il  n’y  a pas de problème plus  important  qu’à lʹaccoutumée.  En  revanche,  tu  as  beaucoup  à  apprendre  de  cet épisode.  Tu  dois montrer  à  ton  équipe  que  tu  es  solide.  S’ils  ne  te fournissent  pas  d’informations  alors,  demande‐leur  de  te  faire  un 

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point  régulièrement. Non  pas  sur  une  difficulté  qu’ils  rencontrent, comme tu as dû le faire pour te porter en sauveur, mais juste pour te tenir informé. Il faut te rapprocher d’eux et ne surtout pas rester dans ton bureau. Par exemple, invite‐les à manger à midi. Tu les prends, un par un, et tu apprends à  les connaître. Tu sais,  la  légitimité se gagne sur quatre choses : ton charisme ; d’ailleurs sur ce point, tu gagnerais à  prendre  de  l’embonpoint ;  ton  expérience ;  celle‐ci  reste  à construire ; ton réseau ; là encore, rien n’est fait ; et tes diplômes ; sur ce dernier point,  tu  te défends bien. Mais  tu vois, globalement,  tu as beaucoup  à  travailler  sur  ton  relationnel  pour  construire  ton expérience. Et  obtenir des  galons  qui  te  feront  gagner  en  charisme. Alors dans un premier  temps :  essaie de prendre  conscience  que  le chemin  va  être  long  et  fixe‐toi  des  objectifs  sur  chacune  des  trois formes de légitimité qu’il te reste à construire. 

Le jeune homme restait attentif et réfléchissait profondément à ce que venait de lui dire son manager de tutelle. Il se mit à prendre des notes quand Bernard  se  leva et  rapprocha  le paperboard.  Il y dessina une matrice avec deux axes. 

‐ J’imagine que tu dois connaître cette matrice ! 

‐  Oui  je  la  connais,  mais  vous  savez,  la  théorie  c’est  une  chose, comprendre concrètement comment s’en servir, ça en est une autre… 

‐ Ok, je vais te faire le lien entre la théorie et la pratique alors. Ajouta Bernard  sur  un  ton  amusé.  Tu  vois,  tu  as  deux  niveaux d’implications : en abscisse, ton  implication dans  les tâches à réaliser et en ordonnées, l’implication de l’équipe dans les décisions que tu es amené à prendre. Alors toi, moi et n’importe quel manager digne de ce  nom,  a  une  préférence  pour  l’un  de  ces  quatre  modes  de management. Le problème, c’est que  le management doit d’abord se faire  en  fonction  des  collaborateurs  plutôt  que  des  aspirations personnelles  du manager. Donc,  si  tu  as  le  sentiment  de manquer d’informations  et  de  ne  rien  contrôler,  c’est  que  tu  as  un  penchant pour la réalisation des tâches. Tu as tendance à t’approprier toutes les tâches pour être sûr de maîtriser ton sujet. 

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Ce n’est pas une mauvaise chose, mais  il  faut que  tu  t’adaptes à  ton public. Tu ne pourras pas mener un management directif ou persuasif avec  l’équipe qui  est  en place. Chacun des  collaborateurs que  tu  as entre les mains maitrise parfaitement son sujet. Tu dois donc adopter un  management  participatif  et  déléguatif.  Et  pour  cela,  tu  dois absolument faire confiance à ton équipe. Tiens, prends cette feuille et réfléchis à tout ça. Mais ne t’inquiète pas, tu vas t’en sortir ! Tu as eu le bon réflexe de venir me voir. N’hésite pas à repasser si tu sens que tu es à nouveau en difficulté. 

Bernard  arracha  la  feuille  du  paperboard  puis  la  tendit  au  jeune manager. 

‐ Merci beaucoup pour ce cours de management, Bernard. Je crois que j’y  vois  un  peu  plus  clair.  Je  vais  essayer  de  réfléchir  à  tout  ça  et surtout à la façon dont je peux changer mon comportement pour que les choses repartent dans le bon sens. 

Figure 2.13- Matrice styles de management

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Ce  petit  aparté  sur  le  management  situationnel  avait  redonné  à Bernard  le sentiment qu’il maîtrisait encore certains sujets. Depuis  le début de son projet Lean Six Sigma, cette sensation lui était devenue étrangère.  Il  avait  l’impression  de  voir,  dans  la  posture  d’Eric,  la même  appréhension qui  l’avait  envahi  face  à Salomé NYX. Bernard abandonna l’idée vertigineuse de finir « candide éternel » et se remit à la réalisation de sa Value Stream Map. 

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Figure 2.14- Slide "VSM" du fichier de suivi du projet.

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Sa  Value  Stream Map  lui  avait  permis  de  cerner  quels  étaient  les temps de  traitement à valeur ajoutée et  les  temps d’attente entre  les différentes manipulations.  Sur  ce  point,  il  avait  été  frappé  par  les délais  d’attente  entre  les  différentes  étapes.  Pour  25  minutes  de traitement  effectif,  la  commande  pouvait  attendre  jusqu’à  34  jours avant d’être livrée. Il fit également la distinction entre les commandes qui  pouvaient  être  bloquées  et  celles  qui  partaient  directement  en préparation, pour voir  la différence de délais entre  les commandes à problèmes et les commandes sans blocage. Lors de cette construction schématique, qu’il avait réalisée sur  la base d’extractions du système et d‘informations  recueillies auprès du  service  client, Bernard  s’était également aperçu que bon nombre de commandes étaient annulées au cours du  processus,  car  elles  n’atteignaient  pas  le  franco  et  que  les clients ne répondaient pas aux fax qui leur étaient transmis. A présent qu’il avait  finalisé  la  formalisation des processus,  il bénéficiait d’une connaissance assez  juste des processus sur  lesquels  il travaillait pour avancer. 

Jusque‐là,  notre manager  avait  suivi  les  conseils  de  son mentor  et avait avancé pas à pas sur son projet en reprenant les étapes énoncées dans  le  livre,  qui  lui  servait  de  guide.  Il  arrivait  à  présent  à  un moment charnière de son projet :  le choix de son Y.,  l’indicateur qui devrait lui permettre de suivre la qualité de service apportée au client « Jardins de plaisir ». 

Si la formalisation des processus lui avait permis de toucher du doigt la complexité des processus sur lesquels il travaillait, il avait toujours du mal  à  percevoir  globalement  comment  il  pouvait  améliorer  les choses.  Il se retrouvait avec une quantité  importante d’informations. Certaines  étaient  intimement  liées, mais  la  plupart  s’avéraient  très disparates. Certaines problématiques, comme  les problèmes de  tarifs ou de rupture de stock, étaient  liées à des processus en amont de  la supply chain alors que d’autres, comme la génération d’avoirs suite à des  litiges,  intervenaient  en  aval. Comment  avoir  une  vue  générale d’une seule et même problématique,  la qualité de service apportée à «Jardins de plaisir», quand les indicateurs touchent à tous les maillons de la chaîne ? C’était le grand dilemme sur lequel Bernard bloquait.  

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Il  y  réfléchit  à  plusieurs  reprises  puis  finit  par  envoyer  un mail  à Salomé NYX. 

Bonjour Mlle NYX,  

J’ai bien peur d’avoir déjà besoin de votre aide… 

Vous trouverez en fichier joint les premiers processus que j’ai formalisés. Si j’ai bien suivi votre livre, je dois maintenant sélectionner un indicateur. 

Malheureusement, même  si  j’ai  beaucoup  d’éléments  d’informations  je  ne dispose pas d’une vue d’ensemble qui me permette de  faire  le choix d’un Y. En analysant  les différents problèmes  (commandes bloquées, avoirs générés suite  aux  litiges,  ruptures  de  stock,  saturation  du  centre  d’appels),  je me retrouve  avec  un  nombre  très  conséquent  d’indicateurs.  Comment  n’en choisir  qu’un  seul ?  Et  surtout,  comment  résoudre  des  problèmes  qui touchent  à  autant  de  processus  en  amont  et  en  aval  de  la  commande. Vraiment je ne sais plus quoi faire… 

Merci par avance de votre aide. 

Bernard TALIN 

L’envoi de  ce mail mit notre manager en appétit.  Il quitta donc  son bureau  pour  se  prendre  un  petit  encas  dans  une  sandwicherie  du quartier. Malgré un vent glacial, Bernard profita du beau temps pour manger  son pain bagnat  sur un coin de verdure d’un parc  longeant Martin’s Garden. C’était déjà  jeudi,  le weekend serait vite  là. Que va faire  Eloïse ?  Vat‐elle  finir  par  revenir  ou  passer  récupérer définitivement  ses  affaires.  Autant  de  questions  qui  envahissaient l’esprit de notre manager chaque fois qu’il se détournait de son projet. 

De  retour  à  son  bureau,  Bernard  était  agréablement  surpris  que Salomé lui ait déjà répondu : 

 

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Mon cher Bernard,  

Suite  à  la  consultation  de  votre  fichier  de  suivi  de  projet :  je  suis agréablement  surprise  de  voir  que  vous  vous  en  sortez  très  bien.  La formalisation n’est pas une chose aussi aisée que nous pourrions l’imaginer. Et  les  quelques  processus  que  vous  avez  déjà  cartographiés  illustrent  une bonne capacité d’analyse de votre part. 

Ma  plus  belle  surprise  fut  de  voir  votre  matrice  de  Kano.  Je  suis impressionné, car ce type d’outil est très parlant, mais souvent très difficile à mettre en place. Je ne peux pas croire que vous ayez consulté vos clients sur autant  de  points  si  rapidement,  j’imagine  qu’elle  était  déjà  existante  dans votre entreprise. En tout état de cause, vous avez des ressources dans votre équipe qui vous permettront d’aller de l’avant. 

J’ai également vu que vous aviez répertorié certains problèmes sous forme de mind map. C’est un  très  bon  outil  et  vous  avez  bien  fait  de  commencer  à lister  les  problèmes. Mais  faites  attention  à  ne  pas  tomber  dans  le  piège d’affecter une solution en face de chaque problème. Cette liste doit rester un document de travail, car vous verrez par la suite, dans la partie analyse, que les problèmes seront encore plus nombreux et que ce que vous y avez inscrit pour le moment n’est qu’une ébauche de ce qui vous attend. 

Pour  votre  problème.  Si  j’ai  bien  compris,  il  vous  manque  une  unité  de mesure  globale  des  difficultés  que  vous  rencontrez.  C’est  la  limite  de l’approche analytique. Nous avons trop tendance à découper  les cheveux en quatre  pour  comprendre  ce  qui  les  compose  et  appréhender  leur fonctionnement. Vous  avez  fait  la même  chose :  vous  avez  attrapé  tous  les indicateurs  et  toutes  les  informations  qui  étaient  susceptibles  d’intervenir dans votre projet. Le problème c’est que votre rationalité est  limitée et qu’il vous  est  totalement  impossible  d’appréhender  autant  d’informations. Voilà pourquoi vous vous sentez perdu.  

Il faut que vous arriviez à prendre du recul sur tout ça. Bref, il vous faut une vision  macroscopique  du  problème.  Je  vous  conseille  de  lire « Le Macroscope » de Joël de ROSNAY ainsi que « La cinquième discipline » de  Peter  M.  SENGE.  Ces  deux  livres  sont  de  vraies  perles.  Ils  vous 

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permettront de concevoir les problèmes d’une manière plus globale. Après la lecture de ces ouvrages,  il vous  faudra passer de  la  théorie à  la pratique en modélisant le ou les systèmes de votre projet. J’insiste vraiment sur ce point : il est fondamental que vous pensiez votre projet de manière systémique, car si l’approche analytique que vous avez menée jusqu’ici vous permet de répondre à la question « De quoi c’est fait ? », seule la modélisation systémique* vous permettra  de  comprendre  « Qu’est‐ce  que  ça  fait ? ».  Aussi,  si  vous n’entamez  pas  ce  travail  de  représentation  du  système  pour  en  cerner  la finalité, soyez sûr que vous n’aurez résolu aucun problème, au mieux vous les aurez déplacés à l’extérieur de votre champ d’analyse. 

Concernant votre Y, avec mon expérience, il me paraît évident… Mais ce ne serait pas vous aider que de vous le donner. Regardez bien : il transpire dans toutes vos formalisations de processus ! Pour le trouver, vous n’avez qu’une seule question à vous poser : quel  indicateur me permet de suivre  la qualité de service que le client attend de moi.  

Cet  Y  peut  déboucher  sur  plusieurs  y  qui  seront  des  indicateurs  plus opérationnels.  Vous  n’êtes  pas  limités  à  un  seul  indicateur,  mais  faites attention : pour que  l’amélioration des  résultats  reste perceptible,  il ne  faut pas  noyer  vos  interlocuteurs  avec  une  multitude  de  chiffres incompréhensibles.  Nous  en  revenons  toujours  à  la  même  chose :  la rationalité  limitée. Un  ou deux grands  indicateurs  détaillés  en  six  ou  sept feront très bien l’affaire. 

Bon courage. 

« Et bien voilà… Si Eloïse ne rentre pas ce weekend :  je saurai ce que  j’ai à faire. Deux livres à lire et une énigme à relever. Pour mon Y j’y réfléchirai à tête reposée… Allez, je remballe, et fonce à la première librairie du coin pour acheter « Le Macroscope » et « La cinquième discipline. » 

Puisqu’il  était  coincé  sur  son projet, Bernard décida de prendre  son vendredi  pour  appréhender  cette  discipline  que  constituait  la systémique.  A  la  sortie  du  bureau,  il  s’arrêta  dans  une  grande librairie, rentra chez lui et se plongea dans le premier ouvrage. 

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  Vendredi 13  février.  Il était 11H quand Bernard sortit de son lit. Il n’avait pas l’habitude de se lever si tard, mais il n’avait pas non plus  l’habitude  de  lire  jusqu’à  3H  du  matin.  Ainsi,  il  avait  lu l’approche systémique de  Joël de Rosnay d’une seule  traite. Histoire d’être bien réveillé, Bernard resta un bon moment sous  la douche.  Il sait que c’est sous la douche que lui viennent les plus brillantes idées. Et ce matin il lui fallait imaginer la représentation systémique de son projet. Après quelques minutes de réflexion :  il finit par abandonner. La  tête dans  le guidon, Bernard  sentait que  son  cerveau  tournait en rond. De grandes incertitudes prenaient place en lui : comment gérer autant de problèmes d’un seul coup, mais surtout comment faire face à la décision d’Eloïse ; quelle qu’elle soit d’ailleurs. Pour faire lever ce brouillard  épais  de  son  esprit,  Bernard  décida  d’appeler  Jean‐Louis pour  savoir  s’il  pouvait  passer  le week‐end  avec  lui  et  son  épouse dans  leur maison  de  campagne  en  Provence.  Son  vieil  ami  accepta avec plaisir. 

Après  trois  heures  de  route,  Bernard  arrivait  chez  ses  amis.  De manière  bienveillante,  Jean‐Louis  et  son  épouse  Béatrice  évitèrent toute discussion à propos d’Eloïse. L’apéritif s’enchaîna sur un diner des plus  somptueux,  le  tout dans une ambiance  très chaleureuse où nos amis aimaient à échanger par nostalgies sur les péripéties de leurs jeunes années. Quand ils se retrouvaient dans cette maison, nos deux amis finissaient toujours la soirée au coin d’une table d’échecs.  

Après une vingtaine de minutes de jeux, Bernard avait perdu sa reine. Cependant,  il  avait  joué  assez  finement  pour  que  la  perte  de  cette reine  se  transforme en  sacrifice  contre  les deux  tours de  Jean‐Louis. Avec un nombre de pions plus importants et surtout plus proches de la  ligne de  fond de son adversaire, Bernard basait sa stratégie sur  la réalisation d’une nouvelle reine.  Il s’y employa à merveille sans que Jean‐Louis y prête attention. Ce dernier, depuis  la suppression de  la reine de Bernard,  jubilait  à  l’idée  de  le mettre  échec  et mat,  ce  qui n’arrivait que très rarement. Bernard, petit à petit, grignotait tous les pions  de  son  adversaire  et  avançait  les  siens  pour  augmenter  ses chances de transformer un de ses pions en nouvelle reine. Jean‐Louis tenta un… « Echec ! ». Pour protéger son roi, Bernard ramena un fou 

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juste devant, pour  le protéger de  la reine de Jean‐Louis. Par manque de chance pour Jean‐Louis : à cette nouvelle place,  le fou de Bernard mettait son roi en échec, ce qui l’obligea à faire un coup à blanc pour le protéger. Cela permit également à Bernard d’avancer un pion sur la ligne de  fond. Ainsi,  il obtint une nouvelle reine grâce à sa stratégie menée sur ce pion. « Echec et Mat ! », Jean‐Louis avait fait l’erreur de laisser son roi en fond de jeux pensant ainsi qu’il serait mieux protégé. Mais à trop vouloir attaquer, Jean‐Louis en avait oublié de préserver sa défense. 

‐ Bravo ! Tu as gagné Bernard, lança Jean‐Louis un peu déçu. 

Bernard restait fixé sur le jeu sans répondre. Après quelques secondes il s’enflamma : 

‐ Mais oui c’est ça ! Mon Y, mon indicateur : c’est ça ! C’est mon pion qui arrive en fin de course pour devenir une reine… 

‐ Heu,  je crois que  tu as un peu  forcé sur  le whisky et  le vin ce soir mon cher Bernard. 

Bernard sauta sur Jean‐Louis et le prit dans ses bras. 

‐ Merci Jean‐Louis ! Cette partie d’échec est le plus beau des cadeaux ! J’ai trouvé la solution. 

‐ Tu peux m’expliquer là parce que je ne comprends rien. 

‐ Tu sais,  j’étais bloqué sur mon projet, car  je n’arrivais pas à trouver l’indicateur me  permettant  de  suivre  la  qualité  de  service  attendue par  le  client… Et bien,  je viens de  le  trouver.  J’ai avancé mes pions jusqu’à  ce  que  l’un  d’entre  eux  arrive  sur  ta  ligne  de  fond  et  se transforme en reine. Il est là mon indicateur. 

‐ Heu oui bien sûr… Tu peux être plus précis s’il te plaît ? 

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‐ Lorsque  la  commande de «Jardins de plaisir» arrive  chez Martin’s Garden, elle passe par différentes étapes. A chacune de ces étapes, elle peut être bloquée ou passer  l’étape suivante,  jusqu’au moment de  la livraison. Ensuite  si elle  rencontre un problème :  le  client génère un litige, dans le cas contraire : il paie la facture. Tu vois c’est comme les pions aux échecs : la commande suit un parcours et à n’importe quel moment elle peut être bloquée ; pour minimum de commande, écart de  prix, manque  de  stock,  problème  de  livraison…etc. ;  et  ne  pas aboutir où alors avec du retard. Donc mon indicateur c’est le nombre de  commandes  qui  arrivent  jusqu’au  paiement  de  la  facture  sans aucun problème par rapport à  la  totalité des commandes. C’est mon taux de transformation de commandes initiale en commandes reines. Voilà mon  Y :  le  taux  de  commandes  reines !  Qu’est‐ce  que  tu  en penses !? 

‐  Je  pense  que  tu  es  un  fêlé mon  pauvre  ami. Répondit  Jean‐Louis d’un ton amusé. 

‐ Tu  as  raison :  je  suis un  fêlé. Ou  alors,  je  suis un génie…  car  aux yeux des autres : un génie passe toujours pour un fêlé, lança Bernard engaillardi par sa trouvaille et  les quelques verres  ingurgités dans  la soirée. 

Après quelques fanfaronnades persistantes de Bernard, nos deux amis regagnèrent leur chambre. Il était une heure et quart du matin quand les lumières s’éteignirent laissant disparaître la villa dans la nuit noire de la campagne provençale. 

 

 

 

 

 

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Figure 2.15- Présentation de l’indicateur.

 

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Chapitre 3  

 

DEFINITION DES PARAMETRES ORBITAUX

    Chaque projet donne naissance à un objectif à atteindre. Cependant, quel que soit  le niveau de  formalisation de cet objectif, celui‐ci est rarement cristallisé par  la sélection d’un  indicateur. Le choix de  l’indicateur est donc une  étape  particulièrement  importante  puisque  la  réussite  du  projet  sera jugée sur ce seul critère. 

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Si ce point est  important,  il n’est pas toujours aisé de déterminer ce qui est appelé le « Y ». Deux hypothèses sont envisageables :  

‐  Soit  un  indicateur  émerge  rapidement  de  la  problématique  rencontrée, auquel cas il s’agit de s’assurer de l’existence de sa mesure dans le système de l’entreprise et de le mettre en place si c’est nécessaire. 

‐ Soit le projet est trop complexe pour ne faire émerger qu’un seul Y. Dans ce cas,  il  est  nécessaire  de  passer  par  une  étape  supplémentaire  pour  définir l’indicateur. 

Dans ce deuxième cas de figure, il est possible d’utiliser la méthode du Goal Question Metric, mis au point par la NASA. L’approche consiste à se poser des questions dont  les  réponses permettraient de déterminer  si  l’objectif du projet est atteint ou en voie de l’être. Ensuite pour chaque question posée, il faut  déterminer  les  indicateurs  capables  d’apporter  une  réponse,  ou  une partie de la réponse. 

 

Pour la mission APPOLO 11, l’objectif du projet est d’aller sur la Lune. Une des  questions  que  nous  pourrions  être  amenés  à  nous  poser  est  « A  quel moment aura lieu l’atterrissage ? », l’indicateur qui pourrait répondre à cette question  serait  « l’écart  entre  le  temps  réel  lors  de  la  mission  et  celui initialement  prévu dans  le plan de vol ». Une  autre  question pourrait  être 

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« Qu’est‐ce qui pourrait prouver que l’équipe a bien marché sur la Lune ? ». L’indicateur pourrait être l’existence d’une photo…etc. 

Quel que soit l’indicateur retenu, celui‐ci doit être le révélateur de la réussite ou de l’échec du projet.  

Une  fois  le Y du projet sélectionné,  il est  impératif de vérifier  la  fiabilité de son système de mesure. Trop souvent les entreprises exploitent les données de leur  système  d’information  en  postulant  de  leur  fiabilité. C’est une  erreur majeure. Toutes données avant d’être travaillées devraient être vérifiées. 

Pour  tester  le  système  de mesures,  l’utilisation  de GR & R  est  préconisée (Gauge  =  Justesse,  Repeatability  =  Répétabilité,  Reproductibility  = Reproductibilité).  Dans  certains  cas  les  données  devront  être  vérifiées  à posteriori.  Il  sera  alors  judicieux  de  cibler  les  plus  grosses  erreurs  en contrôlant  que la loi de Benford se vérifie. 

A  titre d’exemple : Le plan de vol de  la mission APPOLO 11 prévoyait un atterrissage sur la Lune à la 102ème heure 47ème  minute et 11ème  seconde après  le  décollage.  En  réalité  l’atterrissage  a  eu  lieu  à  102:45:40  avec  91 secondes d’avance. 

Pour arriver à un tel niveau de précision, à nʹen pas douter :  le système de mesure a dû être vérifié comme il se doit. 

Extrait du livre ʺLes 7 voyages de lʹinnovateurʺ de Salomé NYX. 

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  Lundi 16 février. Arrivé au bureau, Bernard s’empressa de se rendre  au  centre  d’appels  pour  remettre  des  formulaires  aux conseillers.  La  feuille  qui  devait  être  renseignée  comportait l’identification  de  la  personne  et  un  tableau  à  deux  colonnes :  une pour le numéro de la commande traitée et une autre pour le problème rencontré. 

A la fin de la demi‐journée, Bernard disposerait ainsi d’un échantillon de  commandes qui auraient  subi au moins une  intervention ;  ce qui lui permettrait de vérifier qu’elles se retrouvent bien dans l’extraction du système informatique. 

En parallèle de cet échantillon, il lui fallait affiner sa demande auprès de David EUTERPI pour bénéficier d’une requête qui lui fournisse la liste  des  commandes  ayant  subi  une modification  et  une  autre  qui comptabilise  le  nombre  total  de  commandes.  D’un  point  de  vu informatique,  la  demande  restait  très  similaire  à  celle  qu’il  avait effectuée  la  semaine  précédente,  ce  qui  permit  à  David  de  lui transmettre le travail en milieu d’après‐midi. 

Il fut alors possible pour Bernard de reprendre le modèle de suivi de projet  de  Mlle  NYX  et  d’évaluer  la  fiabilité  de  son  système  de mesures.

Sur la base des relevés d’informations qu’il avait récupérés  auprès du personnel du service client, Bernard était à même d’évaluer la justesse du  système de mesure. Cependant,  le  livre  et  le  fichier de  suivi de projet  de Mlle NYX  faisaient  référence  à  deux  autres  variables :  la répétabilité et la reproductibilité. Malgré la pédagogie de son mentor sur ces termes techniques, Bernard percevait mal comment il pouvait avancer sur cette étape. Pour y voir un peu plus clair, il décida d’aller demander conseil à Charly ETHER, l’un de ces anciens collaborateurs du demand planning. 

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Figure 3.1- Identification des CTQ.

Figure 3.2- Tableau de validation du système de mesure.

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Charly  était  ingénieur  en  statistiques,  il  travaillait  au  service  du demand planning depuis deux ans. Sa principale fonction consistait à optimiser  les modèles  statistiques  pour  fiabiliser  les  prévisions  de vente de Martin’s Garden. 

Avant d’attaquer dans  le vif du  sujet, Bernard  fit  à Charly un petit préambule  sur  l’état d’avancement de  son projet  et  le  choix de  son indicateur.  Charly  connaissait  le  Six  Sigma  sur  le  bout  des  doigts, aussi il perçut très vite les difficultés de son ex‐manager. 

‐ Ok Bernard,  je  comprends  ton  souci ! Mais  je ne pense pas que  tu puisses  faire  mieux.  Sur  ton  tableau  tu  as  mesuré  la  justesse  des mesures  en  comparant  les  erreurs  liées  aux  commandes  que  tu  es censé retrouver dans tes commandes « à problème ». Pour évaluer  la reproductibilité,  il  eut  fallu  que  chaque  personne  du  service  client traite  les mêmes  problèmes,  ce  qui  n’arrive  quasiment  jamais.  Les clients  ne  rappellent  pas deux  fois  pour déclarer  un  litige ! Ensuite pour mesurer  la répétabilité,  il eut  fallu que  les clients rappellent un autre jour pour vérifier que les personnes enregistrent bien les mêmes infos.  Et  là  encore,  si  cela  arrive,  ce  doit  être  rarissime.  Non franchement, vu la problématique sur laquelle tu travailles, le test de fiabilité de  ton système de mesure  tient  la  route. Et quatre‐vingt‐dix pour  cent  de  fiabilité  c’est  bien.  J’imagine  que  tu  as  repéré  d’où viennent les 10 pour cent restants ! 

‐  Oui,  les  écarts  de  mesures  proviennent  essentiellement  d’appels téléphoniques de demandes de renseignements. Tu vois ici : le client a appelé pour savoir quand  il recevra sa marchandise. Comme cela ne génère aucun  changement dans  le  système,  la  commande ne  ressort pas  dans  la  requête.  C’est  la même  chose  pour  les  clients  qui  ont appelé pour des  retours en garantie. Dans un premier  temps, on  les renseigne  sur  la  procédure.  A  ce  moment‐là,  il  n’y  a  aucune manipulation  d’opérée dans  le  système.  En  revanche :  le  jour  où  le client nous transmettra son fax de demande de retour pour garantie et que nous l’enregistrerons dans le système : là  le problème apparaîtra dans ma requête. De  la même façon, pour  le client qui nous contacte 

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pour savoir où en est sa commande,  l’erreur apparaîtra  le  jour de sa livraison, car elle ne sera pas conforme au délai demandé. 

‐ OK, ça se tient ! 

‐ Pendant que je te tiens Charly, j’aurais besoin de toi pour la suite des évènements.  Tiens  regarde  sur  cette  clé  USB,  dans  le  répertoire « Projet  ʺJardins de plaisirʺ ». Le plus gros  fichier :  c’est ma  requête avec  les  commandes  à  problème.  Le  deuxième  c’est  celui  qui  me donne  le nombre  total de  commandes de  «Jardins de plaisir». Et  le dernier,  c’est mon  fichier  de  suivi  de  projet. Ouvre‐le  tu  verras  les étapes sur lesquelles je suis bloqué ! Voilà tu vois ici je dois définir si les données sont continues ou discrètes… Je n’y comprends rien ! Tu peux m’expliquer ? 

‐  Bah,  tout  dépend  de  ton  indicateur.  Si  ton  indicateur  c’est  la commande en elle‐même, à savoir si ta commande est reine « oui » ou « non ». Tu  travailles  ici, sur une valeur qualitative, donc  ta variable sera forcément discrète. En revanche si ton indicateur c’est les taux de commandes reines alors ta variable est continue ! 

‐  Bon, merci  à  toi, mais  je  ne  suis  pas  sûr  que  tes  explications me rendent les choses plus claires. 

‐ Je sais Bernard que ça n’est pas très simple. A ta place je travaillerais sur  le  taux de  commandes  reines,  car avec une variable  continue  tu auras  toujours  plus  de  facilité  à  analyser  ta  distribution. Donc,  tes données sont continues. Mais  tu sais, en soi, ça ne sert pas à grand‐chose de connaître  la nature de  tes données. Le plus  important c’est que tu sois capable de les analyser. 

‐ Bien, justement… en parlant d’analyse : regarde les slides suivantes. Il y a plein de graphiques dont je ne comprends absolument rien. 

‐ OK, ne bouge pas.  Je vais  récupérer  tes données  et  reproduire  les mêmes graphiques. Si je t’explique avec tes taux de commandes reines je pense que ce sera plus parlant. 

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Charly  récupéra  les  données  sur  son  ordinateur  et  fit  plusieurs manipulations avec une dextérité déconcertante pour Bernard. Après quelques instants le statisticien reprenait sa démonstration. 

‐ Voilà  j’ai refait les mêmes graphiques avec tes données. Le premier diagramme te montre comment se présente ta distribution. Tu vois le logiciel  classe  par  ordre  croissant  les  taux de  chaque  semaine  pour que  tu  puisses  voir  où  se  trouve  ta médiane.  Ici  ta médiane  est  à 48,88%. 

‐  Merci  Charly,  mais  au  risque  de  te  poser  une  question  bête… Pourrais‐tu me dire ce qu’est une médiane ? 

‐  Ne  t’inquiète  pas  Bernard :  il  n’y  a  pas  de  question  bête…  Au contraire,  je  trouve ça plutôt marrant d’expliquer à mon ancien chef les rudiments des statistiques. 

 

Figure 3.3- Représentation graphique / Relevés du Taux de Commandes Reines.

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Bernard prenait avec sourire  la  légère pointe d’ironie qu’il percevait dans la bouche de son jeune collègue.  

‐ Bon bah vas‐y je t’écoute… 

‐ La médiane c’est la valeur qui va couper ta distribution en deux. Ici cela  signifie que  la moitié de  tes  relevés  est  au‐dessus de 48,88%  et l’autre moitié  est  au‐dessous. Dans  le même  état  d’esprit,  tu  as  le premier et le troisième quartile. Le premier te découpe ta distribution au premier quart. Par exemple ici ton premier quart de relevés est en dessous de 46,61%. 

‐ Bon, je crois que j’ai compris ce qu’étaient la médiane et les quartiles. Je  ne  vois  pas  en  quoi  cela m’apporte  plus  d’informations  que  la moyenne, mais bon  ce n’est pas grave,  lâcha Bernard un peu  agacé d’avoir  à  se  familiariser  avec  ce  type  d’outils  sans  en  percevoir l’intérêt. Pourrais‐tu me dire en quoi cela me sert de savoir tout ça ? 

‐  Pas  à  grand‐chose  si  ce  n’est  que  cela  te  permet  de  visualiser l’amplitude  de  variation  de  tes  relevés. Avec  les  quartiles,  tu  peux voir  comment  sont  réparties  tes  valeurs  sur  l’ensemble  de  la distribution. Pour la moyenne, il se trouve que dans ton exemple elle est  très  proche  de  la  médiane. Mais  il  faut  que  tu  saches  que  la moyenne  n’est pas un  indicateur  très  robuste. Par  exemple,  elle  est fortement dépendante des extrêmes. Regarde ! Si au  lieu de prendre ton  taux  de  commandes  reines,  j’analyse  les  montants  de  tes commandes. Tu vois nous obtenons une valeur moyenne de 887 euros alors  que  ta médiane  n’est  que  de  369  euros.  Ici,  c’est  flagrant !  Ta valeur moyenne de commande est  fortement  impactée par quelques commandes  avec  des montants  de  plusieurs milliers  d’euros. Donc voilà, ce graphique te permet juste d’avoir un aperçu sur la répartition de ta distribution. Cela te parait anecdotique pour ton projet. C’est sûr que ce n’est pas cela qui va faire améliorer ton indicateur, mais cela te donne quand même une belle image de ce sur quoi tu travailles. 

  

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 Figure 3.4 Représentation graphique / distribution montants de commandes client JDP.

‐ Ok Charly. Je crois que j’ai compris l’intérêt de celui‐ci. On passe au suivant ? Lança Bernard  impatient d’avancer et de  toucher du doigt des problématiques plus concrètes. 

‐ Alors ensuite, dans  ton modèle,  il est demandé de  faire un  test de normalité. Cela nous permet de savoir si ta distribution est normale. 

‐ Pourquoi elle ne serait pas normale ! Je n’y ai pas touché moi. 

Charly se mit à hurler de rire laissant Bernard dans la plus profonde incompréhension. 

‐ Quand tu auras fini de te foutre de moi, on pourra avancer…  

Charly,  qui  commençait  à  pleurer,  s’essuya  les  yeux  et  tenta  de reprendre. 

‐ Excuse‐moi Bernard mais tu es trop drôle. On dit d’une distribution qu’elle  est  normale  quand  elle  répond  à  une  loi  de  Gauss.  Tu  as 

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plusieurs  types  de  distribution,  la  gaussienne  comme  la  tienne,  la bimodale, … etc. 

‐ Bien bien…  Je vois que c’est de plus en plus clair… Là encore :  tu peux  me  dire  à  quoi  cela  sert  de  savoir  que  ma  distribution  est normale ? 

Calmé  par  l’impatience  de  Bernard,  Charly  repris  sur  un  ton  plus sérieux. 

‐ Pour faire  le  test statistique qui suit et qui permet de connaître  ton niveau 6 sigma :  tu as besoin de connaître  la  loi qui correspond à  ta distribution. D’ailleurs pour réaliser ce graphique :  j’ai besoin que  tu me spécifies ton objectif et les limites acceptées. 

‐ Tu peux être plus claire s’il te plait ? 

‐ Pour ton projet 6 sigma, une fois que tu as défini ton indicateur, ici le taux  de  commandes  reines,  il  te  faut  définir  les  performances standards de cet indicateur. 

‐ Ah oui, ça me rappelle quelque chose. Si je me souviens bien, je dois me  baser  sur  les  attentes  du  client  ou  sur  ce  qui  se  fait  chez  les concurrents. Mais  comment  vais‐je pouvoir  faire ?  Je ne  vais  quand même pas aller demander à mon client ce qu’il attend comme taux de qualité. A coup sûr, ils vont me rire au nez et me demander 100%. 

‐ Effectivement pour  ton  indicateur  ça n’est pas évident.  Je  sais que certains  industriels  travaillent  sur  le  taux  de  commandes  parfaites. Ton taux de commandes reines en est très proche. 

‐  Tu  m’intéresses  là !  Quʹest‐ce  que  tu  entends  par  « taux  de commandes parfaites » ? 

‐ La commande parfaite est une commande qui arrive  chez  le client dans  les délais, en  totalité, sans problème de qualité et sans écart de tarif qui pourrait donner lieu à un litige de facturation. Ton indicateur 

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des  commandes  reines  est  un  peu  plus  contraignant,  car  si  nous réalisons une manipulation  sur  la  commande,  quelle  qu’elle  soit,  la commande sortira en défaut alors qu’il est possible qu’elle ait atteint le niveau de qualité  requis par  le  client. En même  temps,  j’imagine que si nous avons à  réaliser une opération sur une commande, c’est qu’elle a de grandes chances de déboucher sur un problème pour  le client. En plus, ton  indicateur sera plus parlant pour nous en  interne car,  tout  en  intégrant  la mesure  de  la  qualité  pour  le  client,  il  se focalise sur nos processus métiers. 

‐ Bon,  tout  va  bien  alors ! En  revanche,  ça  ne me dit  pas  comment définir le standard. Il existe des benchmarks sur ce type d’indicateur ? 

‐ Franchement, en France :  je ne pense pas. Mais peut‐être pouvons‐nous essayer de le calculer ? 

‐  Ok.  Et  comment  ferais‐tu ?  S’intéressa  Bernard,  d’un  regain  de vivacité. 

Charly  prit  une  feuille  et  commença  à  énumérer  à  voix  haute  les hypothèses retenues. 

‐ Si on considère un taux de service optimal de 98%, avec un taux de commandes livrées dans les temps de 98%, avec un taux de qualité de 99%  à  la  saisie  de  la  commande,  un  taux  de  99%  de  passage  de commandes au contrôle crédit, avec un taux de 99% de qualité sur la livraison et un  taux de 99% de  justesse au niveau de  la  facturation : nous obtenons un standard de qualité de 92,25%. Disons grosso modo 90%. 

‐ Ouhaou… 90% avec  les chiffres que  tu m’as annoncés comme  taux de service ? C’est impossible ! 

‐ Si on définit une  limite minimale à 80%  je pense que  tu disposeras d’une bonne base de travail. Et puis ça ne reste qu’un objectif, si déjà tu  réduis  de moitié  les  commandes  à  problème :  je  pense  que  ton client s’en rendra compte ! 

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 Figure 3.5- Performance attendue.

‐  Bon OK. Qu’est‐ce  que  cela  donne  comme  niveau  6  sigma  si  on retient ces caractéristiques ? 

‐ Comme  tu peux  le voir :  tu es  très  loin des spécifications que nous avons définies. Dʹune part, la variabilité de ton process est beaucoup trop  importante.  Cʹest‐à‐dire  que  selon  les  semaines,  tu  as  de  trop fortes disparités sur les taux obtenus. Mais le pire c’est ta localisation : aujourd’hui  tu  tournes  autour  des  50%.  Alors  effectivement  pour atteindre les 90% : tu vas avoir du travail. 

‐ Oui, c’est vrai que j’ai du pain sur la planche. Je te remercie Charly, je crois que tu m’as donné de quoi avoir des migraines  jusqu’à la fin de  la  semaine.  Je me  rends  compte  que  venir  te  voir  c’est  un  peu comme allez chez le dentiste. On préfèrerait ne pas avoir à revenir !  

‐  Arrête,  tu  déconnes !  Ça  n’est  pas  si  horrible  les  stats !  Et franchement,  je  ne  vois  pas  comment  j’aurais  pu  être  plus pédagogue… 

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Figure 3.6- Niveau 6 sigma / Normalité des données.

‐ Oui c’est bien ça  le problème, rétorqua Bernard en reprenant à son compte la moquerie du jeune collaborateur. 

Les  deux  collègues  échangèrent  encore  quelques  pics  avant  de  se séparer.  Bernard,  assez  fatigué  des  efforts  de  compréhension  qu’il avait dû faire pour intégrer les tenants et aboutissants de la statistique descriptive, rentra directement chez lui. 

Arrivé à son domicile,  il se posa devant  la  télévision et  lui accorda ; une fois n’est pas coutume ; un peu de temps de cerveau disponible. 

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Chapitre 4  

 

MISE EN ORBITE

 

    La  phase  d’analyse  est  un  cheminement  long  qui  démarre  à l’évaluation  du  niveau  6  sigma  du  processus  étudié,  jusqu’à  la compréhension  profonde  des  mécanismes  en  place.  Il  ne  s’agit  pas  ici  de prendre une photo des problèmes apparents pour tenter de les résoudre. Cela consiste  davantage  à  comprendre  les  interactions  et  la  finalité  du  système pour en redéfinir la structure. 

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L’erreur majeure à  ce niveau du projet  serait de  considérer que  ce  sont  les comportements  défectueux  qui  sont  à  l’origine  des  dysfonctionnements  du système. S’il  est plus  facile de remettre  la responsabilité sur  les hommes,  il n’en  demeure  pas moins  que  c’est  la  structure  du  système  qui  induit  les comportements et non  le contraire. Aussi  il convient de cerner  la structure du  système  et  sa  finalité  pour  la  repenser  dans  son  ensemble  et  définir  la nouvelle  vision  qui  devra  conduire  le  processus  vers  l’excellence opérationnelle. 

La mission APPOLO 11  est un  exemple parfait de  la prise  en  compte des interactions  plutôt  que  d’une  vue  statique  de  l’objet  étudié.  Imaginez  le nombre de paramètres en constante évolution : 

‐ La  distance  à  parcourir  par  la  capsule  spatiale  en  fonction  de  l’heure  de décollage. 

‐  La  force  gravitationnelle  de  la Terre  qui  s’opère  sur  la  capsule  pour  lui donner assez d’élan pour atteindre l’orbite de la Lune. 

‐  Les  créneaux  horaires  de  lancement  disponibles  pour  que  la  nuit  ne devienne  pas  une  contrainte  trop  importante  pour  gérer  les  différentes manœuvres. 

‐ La  coupure possible de  la  retransmission du  fait qu’une  seule antenne de réception aux états unis ne pouvait conserver  le signal envoyé par  la Lune quand celle‐ci se retrouverait à son opposé…etc. 

Extrait du livre ʺLes 7 voyages de lʹinnovateurʺ de Salomé NYX. 

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  Mardi  17  février.  Couché  tôt,  levé  aux  aurores.  A  7h30, Bernard  déjà  au  bureau,  réfléchissait  aux  sujets  susceptibles  d’être traités  par  l’approche  systémique. Malgré  tout,  sa  pensée  revenait inexorablement  à  l’approche  analytique.  Son  entendement  l’incitait ainsi  à  penser  les  différentes  extractions  qui  lui  permettraient  d’en savoir davantage sur les interventions réalisées sur les commandes de «Jardins de plaisir». 

Il  formalisa  sa  réflexion  par  un  mail  envoyé  au  responsable informatique : 

David,  

Merci  encore pour  toute  l’aide  que  tu m’apportes  sur  ce projet. Pour  aller plus  loin dans  l’analyse de mes commandes :  j’aurais besoin de connaître  la nature  des  opérations  qui  sont  effectuées.  Pour  chacune  des  commandes : j’aurais besoin de savoir à quel niveau celles‐ci ont subi une manipulation. Cela me permettra de définir  quelles  sont  les  sources de déblocage  les plus importantes. 

Inutile  de  te  sensibiliser  davantage  sur  l’urgence  et  l’importance  de  ce projet ;‐). 

Par avance, merci ! 

Bernard. 

Après  la rédaction de ce mail, Bernard  lança plusieurs requêtes dans le système d’information pour faire un benchmark de son  indicateur avec les marchés européens les plus proches. 

Dans  la  démarche  présentée  par  Salomé NYX,  il  n’était  nullement mentionné  de  mettre  en  vis‐à‐vis  l’indicateur  de  son  projet  avec d’autres  sources  d’information.  Mais  pour  Bernard,  le  benchmark était  un  outil  puissant  qui  permettait  de  niveler  par  le  haut  les résultats  de  chacun,  en  alignant  les  processus  sur  les  meilleures pratiques observées. 

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Figure 4.1- Benchmark JDP – Moyenne marchés européens.

Même  si  ce  premier  travail  d’analyse  ne  lui  permettait  pas  de comprendre les sources d’écart entre les différents pays, Bernard était content de  constater que  les  résultats de  «Jardins de plaisir»  étaient peu mirobolants  en  comparaison  des moyennes  de  chaque  pays.  Il bénéficiait  ainsi  de marges  de  progression  certaines. D’une  part,  le taux  de  commandes  reines  pour  ce  client  était  moindre  que  la moyenne de la France et d’autre part il y avait des pays comme l’Italie qui  affichaient  des  taux  bien  supérieurs  à  la  France.  Cependant, Bernard  observait  deux  bémols  à  cette  analyse :  dʹune  part,  la variabilité du taux de l’Italie était bien plus forte. Dʹautre part, les taux observés  restaient  très  éloignés  de  l’objectif  fixé.  Bloqué  sur  cette analyse  globale, Bernard  s’impatientait de  ne  pouvoir  accéder  à  un niveau  de  détail  supplémentaire  pour  en  savoir  davantage.  Pour éviter de perdre du  temps,  il décida de  transmettre un mail  à Mlle NYX  pour  avancer  sur  l’approche  systémique  qu’elle  lui  avait proposée de réaliser. 

 

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Bonjour Mlle NYX,  

Tout d’abord, merci pour votre mail de la dernière fois ! Celui‐ci m’a été très bénéfique. 

J’ai  fini par  trouver mon  indicateur.  Je  l’ai nommé  le Taux de Commandes Reines. Cela correspond au nombre de commandes qui ne font l’objet d’aucun problème depuis  la saisie  jusqu’au paiement par rapport au nombre total de commandes entrées. 

J’ai  également  travaillé  sur mon  système  de mesures  et  sur  le  calcul  du niveau  Six  Sigma.  Sur  ce  point,  heureusement  que  j’avais  un  statisticien sous le bras, car j’ai eu de la peine à comprendre l’intérêt des outils dans la méthodologie… 

Enfin,  j’ai  commencé  à  travailler  sur  un  benchmark  pour  comparer  la situation de mon  client  avec  la moyenne  française  et  quelques  autres pays européens. 

Aujourd’hui  je  reviens  vers  vous,  car  je  suis  bloqué  sur  votre  dernière recommandation.  Vous  m’aviez  convié  à  réaliser  une  modélisation systémique de mon projet. Mais à vrai dire, même si j’ai trouvé la lecture du « Macroscope » et de « La cinquième discipline » passionnante, j’ai du mal à percevoir comment je peux l’utiliser dans le cadre de mon projet.  

Pourriez‐vous me fournir un peu plus d’informations sur ce point afin que je puisse avancer ?      Vous en remerciant par avance. 

La fin de la  journée était déjà arrivée. Bernard passa un bref coup de téléphone  au  responsable  informatique  pour  savoir  où  en  était  sa demande  du matin.  David  rencontrait  des  difficultés,  car  s’il  était facile de savoir si une modification avait été opérée dans le temps : il était beaucoup plus complexe de remonter à  la source du problème. Conscient qu’il y avait urgence sur le dossier, David promit à Bernard que  la  requête  serait disponible  le  lendemain quand  il  arriverait  au bureau. 

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  Mercredi 18  février. Comme annoncé, David avait  transmis à Bernard un mail avec  l’extraction demandée ainsi que  le nom de  la requête  correspondante  dans  le  système.  Un mail  de  Salomé NYX attendait également la lecture de Bernard : 

Mon cher Bernard,  

Je  suis  ravie de voir que vous avancez à grands pas  sur votre projet. Vous avez réussi à déterminer votre indicateur et celui‐ci parait en phase avec les besoins de votre client. C’est une très bonne chose. 

En  revanche  je  suis  un  peu  surprise  de  la  façon  dont  vous  paraissez poursuivre  votre  projet.  A  aucun  moment  mon  support  de  travail  ne mentionne  la nécessité  de  réaliser un  benchmark.  J’espère  que  vous n’avez pas perdu trop de temps sur cette partie… 

D’une part comme vous pouvez  le voir :  les résultats atteints par  les autres pays restent  très éloignés de  l’objectif que vous vous êtes  fixé. D’autre part croyez‐vous  vraiment  que  les  autres  marchés  rencontrent  les  mêmes problématiques que vous ? Laissez‐moi en douter ! 

Par  ailleurs,  je  souhaiterais  vous  poser une  question :  pensez‐vous  que  les meilleurs fassent du benchmark ? Non ! Car s’ils sont les meilleurs : ils n’ont pas  à  rechercher  les meilleures  pratiques  chez  les  autres. Comment  voulez vous devenir le meilleur si vous basez votre analyse sur les autres, au mieux vous arriverez au niveau du meilleur d’entre eux, avec toujours un temps de retard.  

Autre  point :  quand  vous  arriverez  à  la  phase  d’amélioration,  si  vous visualisez les solutions pensées par les autres, vous allez vous enfermer dans ces  solutions. Lors  de  la  phase  d’amélioration :  c’est  tout  le  contraire  qu’il faut  faire :  sortir  du  cadre  existant  pour  imaginer  les  solutions  les  plus innovantes. 

Pour  en  finir avec cet outil :  si vous  faites aujourd’hui un benchmark, cela signifie que vous raisonnez déjà en termes de solution. Tant que vous n’êtes 

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pas remonté à  la source des problèmes : n’envisagez aucune solution. C’est un point fondamental ! 

Je crois savoir que votre projet est contraint par l’échéance imposée par votre client… Alors, ne perdez pas de temps à chercher de faux raccourcis ! Restez sur la base du modèle que je vous ai fourni et les choses avanceront comme il faut. 

Pour votre « blocage » sur la systémique : je vous propose de travailler dans un premier temps sur une analyse qui se réfère à une petite problématique ou du moins un thème qui ne  fait pas  interagir trop d’informations. Cela vous permettra de vous faire la main sur ce nouvel outil. Gardez le livre à côté de vous et essayez de poser un à un les éléments. Je sais que vous allez y arriver. Je vous ai joint en exemple une modélisation systémique sur la lecture rapide, cela vous aidera peut‐être. 

Bon courage. 

(Modélisation systémique de la lecture rapide disponible en annexe.)

Bon et bien je m’en suis pris une bonne là. Je crois que je vais faire une croix sur mon benchmark. Et pour la systémique je ne suis pas plus avancé. Lisons cette analyse du système de la lecture rapide, nous verrons bien si ça donne des idées…  

Avec  la  lecture  du  document  transmis  par  Salomé  NYX,  Bernard assimilait un peu mieux  la  façon dont  la  systémique  lui permettrait d’appréhender son projet d’un point de vu plus global. Cependant, il percevait encore mal, comment faire concrètement. Son mentor avait raison : il lui fallait trouver une problématique sur laquelle s’exercer à cette nouvelle discipline. Comme rien ne  lui venait à  l’idée,  il décida de travailler sur les extractions transmises par David la veille. 

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 Figure 4.2- Pareto des blocages de commande.

Il  ressortit  de  son  analyse  que  les  validations  de  commandes représentaient à elles  seules près de 80% des déblocages ; arrivaient ensuite les notes de crédit de litiges. Pour bénéficier de plus de détails concernant des deux sources de défaut, Bernard retourna voir David pour  lui  demander  une  nouvelle  extraction  sur  le  détail  des déblocages  de  commande.  Puis  il  passa  voir  Eric  BERTRAND,  le contrôleur de  gestion France, pour  lui demander  s’il disposait d’un tableau de bord de suivi des avoirs. 

La nouvelle  requête demanderait  encore quelques heures de  travail tandis que le détail des notes de crédits générées sur le client «Jardins de plaisir»  lui fut fourni  immédiatement. Bernard constatait, résigné, que s’il était facile d’obtenir des indicateurs financiers, en revanche les indicateurs  opérationnels  tels  que  le  suivi  des  commandes  reines étaient totalement inexistants. 

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 Figure 4.3- Pareto des sources d’avoirs.

L’analyse Pareto des notes de crédit démontra que les trois premières sources  d’avoirs,  les  retours  de  garantis,  les  erreurs  de  saisie  en interne et les livraisons trop tardives, représentaient 88% de la totalité des avoirs accordés à «Jardins de plaisir». 

Face à ce  résultat, Bernard se  redressa contre  le dossier de sa chaise pour réfléchir à voix haute. 

« Je  savais  que  les  garanties  impactaient  fortement  la marge, mais  de  là  à représenter  près  de  la moitié  des  avoirs… C’est  énorme ! Avec  plus  de  7 millions  de  chiffres  d’affaires  sur  la  même  période,  ces  problèmes  de défectueux pèsent tout de même 6% du CA ! Mais bon, ces retours garantis ne font pas parties de mon projet : sur tous les entretiens que j’ai eus, je n’ai pas entendu parler de problèmes qualité sur nos produits, ce sont peut‐être des consommateurs qui abusent de la possibilité de ramener les produits sans justification…  J’imagine  que  ces  taux  doivent  être  les  mêmes  chez  nos concurrents... Maintenant si je regarde ce qui correspond directement à mon projet,  les erreurs de saisie et  les retards de  livraison représentent 40% des 

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avoirs. Cela me fait deux leviers d’amélioration importants. C’est une bonne chose. Je vais aller voir Roger pour lui parler de tout ça… Il pourra surement m’éclairer davantage sur ces chiffres. » 

Bernard édita ces graphiques et partit directement rejoindre Roger, le responsable du service client. 

‐ Tiens, Bernard, comment vas‐tu ? 

‐  Salut  Roger,  ça  va  bien.  Je  te  remercie.  Je  viens  te  voir  pour  te demander comment tu analyses ces chiffres. 

Notre manager tendit son diagramme de Pareto à son collègue. Celui‐ci  prit  quelques  secondes  pour  l’analyser  avant  de  donner  son verdict : 

‐ Ouhep… Rien de nouveau  sous  le  soleil… ! Pour  les garanties,  ce sont des problèmes de qualités : il faut que tu voies ça avec le service qualité Europe. Et pour les erreurs, je ne vois pas ce qu’on peut faire. C’est humain de faire des erreurs ! Si tu veux que le nombre d’erreurs baisse,  alors  il  faut  demander  aux  clients  de  passer  plus  de commandes  par  EDI.  Le  problème  vient  aussi  du  fait  que  les représentants passent des commandes de  leur côté alors que dans  le même  temps,  on  reçoit  celle  du  client.  Ce  qui  fait  un  doublon  de commande. Pour ça nous avons une procédure de contrôle, mais il y en a toujours qui passent à l’as. 

‐ Bon OK… Mais dis‐moi Roger : ça ne te paraît pas beaucoup 6% du CA en retour de garantie ? 

‐  Bah  tu  sais  les  consommateurs  bénéficient  de  2  ans  pour  nous retourner les produits défectueux. Ça fait beaucoup. Et puis il y les 30 jours de « satisfait  ou  remboursé » qui  rentrent en  ligne de compte. Tu as des consommateurs qui viennent acheter nos produits, qui  les utilisent et les ramènent pour se faire rembourser… Qu’est‐ce que tu veux faire à ça !? 

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‐ Très bien. Si pour toi, il y a rien d’anormal…  

Bernard pris une dizaine de secondes pour réfléchir puis repris d’un ton assuré. 

‐ J’aimerais quand même comprendre plus en détail  la nature de ces erreurs de saisie et comment se passe l’enregistrement des retours de garantie.  Est‐ce  que  je  pourrais m’entretenir  avec  quelqu’un  de  ton équipe pour en savoir davantage ?  

‐ Je ne suis pas sûr qu’ils t’en disent plus, mais après tout c’est toi qui vois. Je dirai à Richard que tu passeras le voir demain. Le jeudi, il y a moins d’appels ; il aura plus de temps pour te répondre. 

‐ Parfait ! Sinon pour les livraisons trop tardives. Peux‐tu m’en dire un peu plus ? 

‐ Oui. Bien sûr. Tu peux avoir différents cas. La plupart du temps, ce sont des commandes promotionnelles qui arrivent après  le début de la campagne. Dans ce cas les clients considèrent qu’ils ont perdu des ventes du  fait de  notre  retard  alors  ils  renvoient  la marchandise.  Il arrive également que l’on bloque les commandes, car nous sommes en rupture sur certains produits. Dans ce cas, il peut arriver que certains clients  considèrent  le  délai  comme  trop  long  alors  ils  refusent  la marchandise. 

‐  Attends,  je  ne  suis  pas  sûr  de  bien  comprendre…  Pourquoi  ne livrons‐nous pas en plusieurs  fois ? Et même  si nous  le  livrons plus tard,  si  le  client  commande,  c’est  bien  qu’il  a  besoin  de  la marchandise. 

‐ Mais Bernard, répondit Roger sur un ton légèrement condescendant. Tu sais bien que  les choses ne sont pas si simples ! Tu as des clients, comme,  «Jardins  de  plaisir»  par  exemple,  qui  ne  gèrent  pas  les reliquats  de  commandes,  car  cela  génère  des  problèmes  lors  du rapprochement de facture. Concernant ta remarque sur le besoin de la marchandise. Si nous sommes à mi‐saison et que  le client passe une 

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commande  qui  lui  est  livrée  avec  un  mois  de  retard ;  tu  peux comprendre qu’il annule sa commande pour ne pas se retrouver avec la marchandise sur les bras en fin de saison. 

‐ Ouhai ! Pas si simple comme tu dis. Bon, je crois que j’en sais assez. Merci de  ta  patience,  conclut Bernard  en  quittant  le  bureau de  son collègue par un remerciement furtif.  

Les réponses très sommaires du responsable de service  l’avaient peu convaincu.  Mais  il  en  saurait  davantage  le  lendemain  après l’interview de Richard VINTAR, le doyen du service. 

Avant de quitter le bureau et de rejoindre Jean‐Louis pour une partie de  badminton ;  Bernard  repassa  vite  fait  voir David  pour  s’assurer que sa requête serait bien disponible le lendemain. 

 

 

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  Jeudi  19  février. A  la première heure, Bernard  se  rendait  au bureau. Comme  prévu, David  lui  avait  transmis  la  requête  avec  le détail des manipulations réalisées pour débloquer les commandes. 

Après quelques manipulations, Bernard édita le diagramme de Pareto qu’il  obtint.  Il  regroupa  les  autres  éléments  qui  nécessitaient davantage d’explications puis il rejoignit Richard du service client. 

Pour éviter d’être  interrompus,  les deux collègues se  réunirent dans un bureau isolé. Bernard introduisit la discussion : 

‐  Merci  à  toi  Richard  de  te  prêter  à  ce  petit  jeu  de  questions réponses… 

‐ Oh… Tu sais Bernard, je ne suis pas sûr de t’apprendre grand‐chose. Mais bon si je peux t’aider, je le ferai avec plaisir. 

‐  OK,  allons‐y  alors !  Tu  savais  que  les  retours  pour  garantie représentent la moitié du chiffre d’affaires chez «Jardins de plaisir» ? 

‐ Pour «Jardins de plaisir»,  je ne  sais pas. Nous ne  suivons pas  cela client par client. Mais oui effectivement c’est la plus grosse source de note de crédit. Pourquoi ? Ça te paraît beaucoup ? 

‐  Bah  quand  même  oui !  Pourrais‐tu  m’expliquer  la  procédure  de saisie des retours ? 

‐ C’est  simple,  le  client nous  envoie, par  fax,  sa demande de  retour garantie en joignant une photocopie du ticket de caisse. De notre côté, l’accord  de  retour  est  saisie.  Et  une  fois  que  la  réception  de  la marchandise  défectueuse  est  enregistrée  à  l’entrepôt,  le  client bénéficie  de  son  avoir.  Comme  Roger m’avait  prévenu  que  tu me parlerais des retours de garantie, je t’ai préparé quelques photocopies des dernières demandes  envoyées par des magasins de  «Jardins de plaisir». Les voici. 

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Bernard regarda dans le détail les photocopies que Richard venait de lui transmettre. Puis il formula une interrogation : 

‐ Bizarrement,  il n’y a que quelques demandes de retour qui ne  font apparaître qu’un seul produit. En dehors de ça, la grande majorité des formulaires compte un bon nombre de lignes. Et le plus étrange, c’est que dans la plupart des cas, le ticket de caisse n’est pas apparent… 

‐  Oh  ça  n’est  pas  si  bizarre !  C’est  nous  qui  leur  demandons  de regrouper leurs demandes de retour, car faire déplacer le transporteur pour  une  machine,  ça  coûte  cher.  Pour  les  tickets,  j’imagine  tout simplement qu’ils ne les conservent pas. 

‐ Mais  les  tickets de  caisse  ne  sont  pas  obligatoires  pour  valider  la demande de retour pour garantie ? 

‐  Bien  sûr  que  c’est  obligatoire !  Mais  tu  imagines  ce  que  cela donnerait si nous devions rappeler les clients à chaque fois qu’il nous manque des tickets ? Ça deviendrait ingérable ! S’exalta Richard. 

‐  Bon  OK,  très  bien,  reprit  Bernard  recherchant  l’accalmie  de  son interlocuteur.  Passons  à  la  suite.  La  source  d’avoir  correspond  aux erreurs de saisie en interne. Est‐ce que tu pourrais me dire quel type d’erreur peut être commis ? 

‐ Oh… Les  erreurs… Ce  peut  être une  saisie de  commande  sur  un mauvais compte client, ou une erreur de référence produit, ou même dans  la  quantité. Voilà,  qu’est‐ce  qu’il  peut  y  avoir  d’autre ?  Lança Richard  faisant  mine  de  s’interroger.  C’est  à  peu  près  tout  il  me semble. Mais bon, je ne sais pas ce que tu vas chercher là. Ça fait seize ans que  je travaille au service client, et des erreurs, il y en a toujours eues.  La  pauvre Martine,  elle  fait  ça  toute  la  journée.  A  sa  place, n’importe qui aurait fait autant d’erreurs, voire peut‐être même plus encore. 

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‐  Mais  je  n’en  doute  pas,  mon  cher  Richard.  Je  cherche  juste  à comprendre comment vous travaillez pour voir les solutions que nous pourrions apporter.  

‐ OK,  tu as d’autres questions ? Demanda  le vieil homme pressé de retravailler sur des tâches qui lui paraissaient plus concrètes. 

‐ Oui. J’ai sorti ce matin le détail des déblocages de commandes. Voici le graphique. Est‐ce que tu pourrais me le commenter s’il te plait ? 

‐  Bon,  allons‐y !  Lâcha  Richard  d’un  ton  résigné.  Visiblement,  la première  source de déblocage concerne  les clients qui ne gèrent pas de reliquats. Il y a quelques années en arrière ; ça remonte à loin ; je ne pourrais  même  pas  te  dire  l’année,  le  directeur  Supply  Chain  de l’époque avait demandé à ce que toutes les commandes des clients qui ne  gèrent  pas  les  reliquats,  soient  bloquées  en  automatique.  A l’époque, il avait été  jugé que nous perdions trop d’argent à envoyer des  commandes  incomplètes  du  fait  des  ruptures  de  stock.  Nous devons donc chaque  jour aller vérifier chacune de ces commandes et les  valider  si  nous  estimons  que  le  taux  de  remplissage  de  la commande est OK. 

‐  Oui,  c’est  ce  que  m’avait  expliqué  grossièrement  Roger,  reprit Bernard.  Ensuite  les  franco,  si  je  me  souviens  bien,  ce  sont  les commandes pour  lesquelles un port sera  facturé si  la commande est validée. Mais je ne pensais pas qu’il y en avait tant que ça. 

‐ Bah, je t’avouerais que nous non plus. Avant, ce genre de chose était négocié entre  les clients et  le service commercial. Ensuite  la  fiche du client mentionnait si le client acceptait où non ce port et c’était géré en automatique  dans  le  système.  Puis,  un  beau  jour,  il  y  a  eu  un contrôleur de gestion qui est passé par là et qui a décidé que les coûts de transport étaient trop importants sur les petites commandes et que cela générait  trop de  retard de paiement du  fait que  certains  clients refusaient  de  les  payer. Donc,  la  solution  qui  a  été  retenue  fût  de bloquer  toutes  les  commandes  en dessous de  300  euros,  et  c’est  au client de nous rappeler pour nous dire s’il est OK. Alors, c’est sûr que 

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du côté du recouvrement, ils doivent rencontrer moins de problèmes ! Mais à mon avis, nous avons perdu un paquet de petits clients avec cette nouvelle procédure. 

‐ Pourquoi, plus les petits clients ? Demanda Bernard. Parce qu’ils ont plus de difficultés à atteindre le minimum de commande ? 

‐ Oui, mais pas seulement, c’est aussi parce que quatre fois sur cinq, ils ne voient pas le fax que nous leur envoyons pour les informer que la commande est bloquée. 

‐ Comment ça, ils ne le voient pas ? 

‐ Bah,  soit  le  fax part directement à  la poubelle,  car  ils pensent que c’est  de  la  pub,  soit  ils  ont  l’impression  que  c’est  un  accusé  de réception de  la  commande.  Il peut arriver également que  le  fax  soit hors service. Ou même,  il peut arriver que  le numéro de  fax ne soit pas renseigné dans la fiche client. Enfin bref, tu vois, il peut y avoir de multiples raisons… ! 

‐ Bon OK ! Je vois que ce n’est pas gagné. Pour finir, quʹest‐ce que tu peux me dire sur les écarts de prix ? 

‐ Là  c’est  simple :  soit,  le  tarif n’est pas  à  jour dans notre  système ; c’est surtout le cas pour les campagnes promotionnelles ; soit, c’est le système du client qui n’est pas à  jour ; cela arrive essentiellement en début  d’année  lors  du  changement  de  tarif.  Voilà,  je  t’ai  tout  dit ! Conclut  Richard  VINTAR  épris  d’une  envie  d’en  finir  avec  cet entretien. 

‐ Bon très bien  je te remercie. Il se peut que  je revienne te voir si  j’ai d’autres questions. 

‐ OK, ponctua Richard en quittant Bernard. 

 

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Notre  manager  prit  quelques  minutes  pour  relire  ses  notes  et ramasser les documents de son dossier. Il partit déjeuner puis il passa son après‐midi à  formaliser  toutes  ces  informations dans  son  fichier de suivi de projet. 

 

 

 

 

 

 

Figure 4.4- Pareto blocages de commande – Niveau 2.

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Figure 4.5- Road Map faisant apparaître les sources d’erreur à la saisie de commande.

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A  18h35,  alors  que  Bernard  s’apprêtait  à  partir,  Daniel,  son responsable, entra dans son bureau. 

‐ Ah tiens ! Daniel comment vas‐tu ? 

‐ Ah, je suis content de voir que tu es encore là ! Lança le Responsable Supply  Chain  sans  avoir  prêté  attention  à  l’entrée  en  matière  de Bernard. Alors comment ça avance ton projet ? 

‐  Et  bien  écoute  c’est  un  peu  fastidieux, mais  il me  semble  que  ça avance comme il faut… 

Avant que notre manager n’ait le temps de rentrer dans le détail, son responsable reprit la parole. 

‐ Tu sais que tu devais me tenir au courant toutes les quinzaines. Cela fait  bientôt  trois  semaines  que  tu  bosses  sur  ce  projet  et  je  n’ai  eu aucun retour. Je sors d’une réunion de direction avec Gilles, Carlos et Christian et  je peux  te dire que  ton dossier est venu sur  la  table  très rapidement.  Figure‐toi  que  le  ralentissement  des  ventes  en  France nous amène à nous  focaliser davantage sur  les risques à court  terme de  perdre  des  clients  plutôt  que  de  développer  des  initiatives  trop coûteuses  pour  gagner  des  parts  de  marché.  A  ce  titre  là,  tu comprendras aisément que nous voulons connaître  les solutions que tu penses  apporter pour  conserver  « Jardins de plaisir  » dans notre bastion. Nous  avons  convenu  de  nous  réunir  à  nouveau mercredi prochain  pour  que  tu  nous  présentes  le  fruit  de  ton  travail.  Les principaux intéressés de l’entité France seront également présents. Il y aura Marina, Luc, Sylvain, et Roger avec qui tu as pas mal travaillé il me  semble.  Tu  penses  que  ce  sera  bon ?  Finit  par  conclure Daniel emparé d’un stress qui lui ressemblait peu. 

‐ Bah écoute Daniel, tu me prends un peu de court, là ! C’est bien beau de fixer des réunions, mais il aurait fallu me demander avant ! 

‐  Pourquoi  faire  Bernard ?  Si  je  t’ai mis  à  cent  pour  cent  sur  cette mission, c’est pour que les choses avancent vite. Je t’avais mentionné 

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le début du mois de mars pour faire un point. Mercredi nous serons le 25,  donc  tu  dois  bien  commencer  à  avoir  une  idée  des  solutions  à apporter ! 

‐ Non, Daniel.  Je ne me  cache pas derrière mon petit doigt, mais  tu savais  très  bien  qu’en  me  confiant  cette  mission,  tu  donnais  la responsabilité d’un projet  à un novice dans  la matière. Tu m’as  fait confiance pour  cette mission  et  je  t’en  remercie, mais  tu dois  savoir que pour moi, il n’est pas très confortable de travailler dans l’urgence sur des problématiques dont je ne percevais même pas l’existence. J’ai réussi à trouver une méthode qui semble avoir fait ses preuves. Je  la conduis du mieux que  je peux avec  les contraintes de  temps que  tu connais. Mais  si  aujourd’hui  tu me  demandes  si  j’ai  des  solutions, alors je te réponds : «  NON !». 

‐ Comment ça, tu n’as pas de solutions ? Alors qu’est‐ce que tu as fait depuis trois semaines ? 

‐ Et bien précisément, j’essaie de comprendre le problème, ou plutôt la multitude de problèmes ! 

‐ Bon écoute,  je ne veux pas en savoir davantage Bernard. Mercredi prochain, il y a une réunion de Direction et tu auras un créneau d’une heure  pour  présenter  ton  travail.  Si  tu  n’as  pas  de  solutions,  je  te conseille  d’en  trouver  d’ici  là.  Personnellement,  je  t’apporterai  tout mon soutien, mais il faut que tu me donnes des billes. Transfère‐moi mardi ta présentation, que j’y jette un coup d’œil et nous verrons bien ce que cela donne. 

‐ OK, bon  allez  j’y vais moi ! Conclut Bernard  sentant  l’énervement qui montait en lui. 

Pour faire le vide, Bernard décida d’aller nager quelques longueurs à la  piscine  qui  se  situait  à  cinq minutes  de  chez  lui.  Il  avait  pour habitude  de  nager  sur  une  quarantaine  de  longueurs, mais  ce  soir, l’énergie  qui  l’animait  et  le  vide  qui  l’attendait  à  la  maison  lui permirent de  tenir  les  trois kilomètres.  Il  était  20h15  lorsqu’il  sortit. 

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Un sentiment de tranquillité régnait en lui. Il s’accorda un dîner dans un restaurant japonais. Ce soir‐là, le calme serait de mise. 

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  Vendredi  20  février.  Bernard  était  à  son  bureau  depuis  six heures  du matin.  Depuis  qu’Eloïse  avait  disparu  de  la  circulation, notre célibataire de circonstance avait du mal à  trouver un  sommeil réparateur. Cela  faisait deux heures qu’il  tournait en  rond dans  son bureau  pour  trouver  une  solution  à  chacun  de  ses  problèmes : comment  faire  revenir  Eloïse  alors  que  sa  disponibilité  allait  en  se réduisant ? Comment présenter son projet à l’équipe sans l’once d’une solution  en  perspective ?  Comment  réaliser  la  modélisation systémique  sur  laquelle  il  avait  tant  usé  de  procrastination ?  Bref comment  pouvait‐il  se  sortir  de  ce  magma  de  problèmes  plus compliqués les uns que les autres à traiter ? 

Il  était  8h15  quand  Bernard  décida  d’appeler Mlle NYX.  Peut‐être pouvait‐elle l’aider à sortir de cette impasse. 

‐ Salomé NYX au téléphone, je vous écoute…  

‐ Oui Bonjour Mlle NYX, c’est Bernard de Martin’s Garden… 

‐ Oui Bernard, que me vaut l’honneur de cet appel si matinal ? 

‐ Désolé de vous déranger si tôt, vous souhaitez que  je vous rappelle plus tard peut‐être… 

‐ Non ça n’est pas nécessaire, d’autant plus que vous n’avez  le droit qu’à deux coups de téléphone je vous rappelle. Lâcha la jeune érudite, d’une joie de vivre amusante. 

‐ Ah oui, c’est vrai ! Alors voilà, je vous appelle car je suis bloqué. En suivant scrupuleusement votre méthode, je passe beaucoup de temps à  analyser  d’où  viennent  les  défauts.  Au  final,  j’accumule  les problèmes, sans pour autant trouver des solutions pour les éradiquer. D’autre part, je n’ai toujours pas fait la représentation systémique que vous m’aviez  conseillée. Et pour  couronner  le  tout,  j’ai une  réunion devant le top management la semaine prochaine pour présenter mon plan d’action… 

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‐ OK. Reprenons. Vous avez le sentiment de passer trop de temps sur l’analyse : c’est une bonne nouvelle. Cela signifie que vous suivez  la méthode comme il se doit. Il est fondamental d’avoir toutes les pièces du  puzzle  avant  d’entamer  sa  réalisation  sinon  le  résultat  ne ressemblera à rien. A chaque fois que vous vous essayez à synthétiser l’ensemble des problèmes, votre rationalité limitée se rappelle à vous et  vous  plonge  dans  un  sentiment  d’incapacité  à  faire  face  à  la situation.  Là  encore,  c’est  tout  naturel.  La modélisation  systémique vous  apportera  la  vue  globale  qui  vous  manque  aujourd’hui. Concernant votre  réunion de  la  semaine prochaine, montrez  ce que vous  avez  déjà  fait  puis  communiquez  sur  votre  planning.  De mémoire, même  si  vous  aviez  sous‐estimé  la  partie  analyse,  il me semble que ce que vous aviez prévu est toujours d’actualité. Mais ce qui  est  sûr,  c’est  qu’il  ne  faut  surtout  pas  arrêter  votre  analyse aujourd’hui pour commencer la mise en œuvre de solutions. Ce serait l’échec garanti ! 

‐ Dʹaccord, mais qu’est‐ce que je fais alors, je continue comme ça, sans rien changer ? 

‐ C’est  à peu près  ça oui. Mais  aujourd’hui vous me paraissez bien trop  stressé pour  avancer dans  votre  analyse. Ça n’est pas  en  vous forçant  à  trouver  des  solutions  que  celles‐ci  vont  apparaître.  Vous faites  trop  travailler  votre  cerveau  gauche mon  cher  Bernard :  trop d’analyse,  trop  le nez dans  le guidon. C’est  l’hémisphère droit, celui de  l’intuition  et  de  l’imagination  qui  vous  permettra  de  trouver  le sésame… 

‐  D’accord,  Salomé, mais  excusez‐moi  si  je  reste  un  peu  « terre‐à‐terre»… Vous ne voudriez pas être un peu plus concrète ? 

‐ Très bien ! Alors très concrètement, je vous conseille de sortir, d’aller dans  un  parc  pour  vous  balader,  ne  penser  absolument  à  rien  et laisser  la  sérendipité  venir  à  votre  rencontre.  Bref :  pratiquez  le « Think out of the box ! ». 

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‐  C’est  la  seule  solution  que  vous  ayez  à  me  soumettre ?  Lançait Bernard dans un dernier élan désabusé. 

‐ Oui mon cher Bernard, sortez de ce bureau et allez profiter de cette belle  journée  ensoleillée.  Cessez  de  raisonner  en  termes  de productivité,  pensez  « efficacité »  !  Tout  ce  que  vous  avez  assimilé jusqu’à maintenant  a  besoin  de  décanter… Voilà,  je  ne  pourrai  pas vous  aider  davantage  aujourd’hui.  Bon  courage  et  surtout  bonne promenade ! 

La discussion était  finie. A  son goût,  il était encore un peu  tôt pour que Bernard prenne plaisir à flâner dans les allées d’un parc. Alors, il décida de plier ses affaires et de retourner chez lui. 

Arrivé à son domicile,  il posa son attaché‐case dans son bureau et se fit couler une  tasse de café. Un sucre, une cuillère, et  le voilà parti à faire le tour de son jardin. 

« Et beh, il est bien triste ce jardin ! A l’image de ce que deviendrait ma vie si Eloïse  ne  daignait  rentrer.  Un  terrain  en  friche,  voilà  ce  qui  m’attend. J’aurais beau résoudre les problèmes de ce client, ma propre vie n’en sortira pas grandie… Si au moins je savais ce qu’elle attend de moi, si je comprenais comment inverser la tendance… » 

Tout à coup, cela fit tilt dans la tête de Bernard. S’il pouvait réaliser la représentation systémique de sa relation avec Eloïse, il avancerait sur les deux fronts à la fois. 

Pris dans un élan soudain d’enthousiasme, Bernard retourna dans  la maison chercher un crayon et son carnet de notes.  Il s’installa sur  la table du salon de jardin, avec les herbes mortes en mire d’inspiration. A  ses côtés  se  jonchait « Le Macroscope », prêt à  lui venir en aide à n’importe quel moment. Il dessina une première ébauche, la ratura, la gomma,  la  redessina,  la gomma  à nouveau,  la  retraça pour  en  faire poindre une nouvelle... Un brouillon était né.  Il  remit au propre  les éléments qu’il arrivait encore à discerner et finalisa ainsi une première version  aboutie  de  sa  modélisation.  Il  récupéra  son  ordinateur 

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portable dans  son bureau et  retranscrit  le  système  sur  informatique. Enfin, il l’édita, courut dans son bureau chercher le fruit tant attendu. De  retour  à  la  lumière  du  jour,  désinhibé  par  sa  solitude  de circonstance, il s’emporta dans une description à grande éloquence de son analyse : 

Alors, en amont du système, j’ai les différents ingrédients qui alimentent nos vies respectives à Eloïse et à moi‐même. A savoir  :  les  loisirs personnels,  le travail, et  les amitiés qui participent à notre réalisation personnelle (EGO). De  la même  façon, nous  avons  les  loisirs  en  commun  qui  participent  à  la relation conjugale. Ainsi, nous disposons tous les deux dʹun temps à répartir selon ces différents ʺpasse‐tempsʺ. En  fonction de ce que nous  faisons de ce temps,  nous  alimentons  plus  notre  égo  ou  plus  la  relation  que  nous entretenons. Cette répartition du temps est illustrée ici avec mes blocs rouges et verts. Le vert symbolisant  lʹéquilibre entre  lʹégo et  la relation et  le rouge symbolisant  un  choix  prononcé  pour  lʹune  des  deux  possibilités  (Ego  ou relation).  

Donc  si mon  système  tient  la  route  (et  comme  j’ai  travaillé  une  journée dessus : il tient la route !), le problème ne tient pas tant du temps dépensé par chacun  sur  la  réalisation  personnelle  et/ou  la  relation  conjugale,  que  de lʹéquilibre entre ce que je vais offrir à Eloïse et ce qu’elle attend de moi.  

C’est ici le problème ! Aux yeux d’Eloïse, je passe beaucoup trop de temps à m’accomplir et pas assez à m’investir dans notre relation. De son côté, elle est très attachée aux moments que nous partageons ensemble alors forcément il y a un gouffre entre ce que  je  lui propose ; une relation plus proche de  la coexistence ;  et  ce  qu’elle  attend  de moi,  la  relation  intense  des  premiers jours : cʹest à dire l’amour fusionnel. 

 Ensuite,  il  y  a  le  flux  des  évènements  qui  est  alimenté  par  la  vie.  Ces évènements passent dans la vie de notre couple au prisme de la qualité de la relation  que  nous  entretenons. Ainsi,  si  des  évènements  difficiles  devaient mettre  à  l’épreuve  un  couple  en  harmonie,  la  relation  aurait  tendance  à s’affirmer davantage. 

 

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Figure 4.6- Modélisation systémique de la relation amoureuse.

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Inversement, un  évènement  difficile,  comme  ce  satané  projet  qui  arrive  au mauvais  moment,  pourra  sʹavérer  déclencheur  dʹune  rupture  dans  une relation déséquilibrée.  

Lʹévènement, passé au prisme de la relation, alimente ensuite les sentiments et  plaisirs  (ou  douleurs)  de  chacun. Ces  sentiments malheureux  nous  ont conduits  à  réaffecter  tout  notre  temps  sur notre  égo  au moment même  où nous avions besoin de nous retrouver.  

Aujourd’hui nous  avons  toute  liberté  de  reconsidérer  l’affectation  de notre temps.  Pour  redécouvrir  les  bons  sentiments  et  revenir  dans  une  spirale positive, promis Eloïse, je réallouerai mon temps en fonction de tes attentes. Peu importe les concessions à venir ! 

Et dire qu’il me  fallait une approche systémique pour me rendre compte de cela… 

Pris  d’un  enthousiasme  débordant  et  d’une  exaltation  juvénile, Bernard  bondit  dans  sa  voiture  pour  rejoindre  sa  douce  dans  leur maison de campagne à deux heures de là. 

A son arrivée, Eloïse lui ouvrit la porte. Bernard n’avait rien perdu de sa fraicheur. Il lui fit un exposé très détaillé de l’approche systémique de  leur  relation amoureuse. Eloïse, hilare devant  la prestation quasi philosophique de son époux, ne cherchait pas vraiment à comprendre le  pourquoi  du  comment.  Elle  savait  qu’il  percevait  mieux  ses attentes,  qu’il  avait décidé de  lui  accorder plus de  temps. Bref,  elle sentait qu’ils s’étaient retrouvés et c’était l’essentiel. 

Nos deux  tourtereaux passèrent  le week‐end  entrelacés. Difficile de les séparer. Ces deux semaines de séparation leur avaient fait prendre conscience que rien de leur amour n’était mort. Du manque entre les deux amoureux avait jailli l’intensité des sentiments oubliés. 

 

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  Lundi  23  février.  Après  ce  dénouement  aussi  agréable qu’inattendu, Bernard sentait une source intarissable d’énergie en lui.  

Il  passa  sa  journée  à  travailler  sur  la modélisation  systémique  du service client. Il avait le sentiment que c’était dans ce service que tout se jouait.  

Dans un premier temps, il dessina son système avec, à l’intérieur, les différents postes de travail. Il avait ainsi identifié différents processus :  le  poste  de  saisie  (de  commandes  et  de  demandes  de  retour  de garantie),  le  poste  de  traitement  des  litiges  courriers  et  le  poste  de traitement des appels ainsi que les déblocages de commande. Une fois ces  opérateurs  inter‐système  identifiés,  il  fit  apparaître  les  éléments externes au système. Cela incluait le système informatique, l’entrepôt en charge du stock, le service marketing responsable des prix, et bien évidemment,  le client « Jardins de plaisir ». Une  fois  la diversité des éléments mis en place dans le système, il restait à identifier les flux en interaction. Ceux‐ci étaient de trois natures  :  les flux de commandes, les  flux d’appels, et  les  flux de  litiges. Enfin,  les réservoirs en amont et/ou  en  aval  des  process  seraient  positionnés  pour  accueillir  les stocks d’encours. 

17h30 pointait déjà du nez sur  l’horloge de gare qui habillait  le mur de son bureau. Il s’était juré de rentrer à la maison chaque soir avant 18h. Dorénavant, il ferait de cette contrainte un nouveau mode de vie. Il  savait  qu’Eloïse  était  plutôt  du  soir.  En même  temps,  elle  avait besoin de plus de  sommeil que notre  cher Bernard. L’équation était toute  trouvée : notre manager  commencerait  ses  journées plus  tôt  le matin. 

 

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  Mardi 24 février. Il faisait toujours nuit quand Bernard posa sa veste  sur  le  porte‐manteau  de  son  bureau.  Une  longue  journée l’attendait. Il devait  formaliser son système dans son  fichier de suivi de projet. Mais plus important, il devait travailler sur la présentation qui l’attendait devant le comité de direction. 

« Step  by  Step »  se  disait‐il,  reprenant  une  expression  omniprésente dans  le  livre de  Salomé NYX.  Puis  il  se mit  le  cœur  à  l’ouvrage  et entama la mise au propre de sa modélisation systémique. A 11h40, il venait de terminer. Il reprenait alors la lecture de son analyse pour en vérifier la cohérence : 

« En amont de mon système, j’ai mon client «Jardins de plaisir» qui alimente le processus de saisie de commande soit par les fax soit par l’EDI. 

Premier  cas  de  figure,  une  erreur  est  faite  à  la  saisie  de  commande.  Le processus de saisie alimente donc le réservoir des commandes qui contiennent des  erreurs. Ce  flux de  commandes  contenant des  erreurs  se  transforme  en appels  des clients pour déclarer le litige. Ces appels ralentissent le traitement des commandes bloquées, réalisé par  les mêmes opérateurs. Par  la suite, ces litiges viennent alimenter le puits que constituent les notes de crédit. 

Deuxième cas de figure : la commande ne contient pas d’erreur, cependant le manque de stock, le fait que le client refuse les reliquats, les écarts de tarifs ou le  franco  non  atteint  font  que  la  commande  peut  être  bloquée.  Ici,  les commandes sont soit annulées du fait du refus du client ou de son absence de réponse. Dans  les autres cas,  la commande sera débloquée par un opérateur avec  le  risque  que  le  client  reçoive  sa  livraison  incomplète  ou  en  retard. Auquel  cas,  celui‐ci  pourrait  décider  de  refuser  la  marchandise,  ce  qui génèrerait, à terme, un avoir. » 

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Figure 4.7- Modélisation systémique du service client de Martin’s Garden

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Bernard s’arrêta quelques secondes, comme en admiration devant ce qu’il venait de réaliser, avant de reprendre : 

«   Ouahou…  Impressionnant  cette  approche  systémique !  Tout  le  foutoir dans lequel je me perdais prend enfin forme en un tout cohérent !  Bon allez, l’autosatisfaction ne me fera pas gagner de temps ! Je vais aller m’acheter un sandwich avant d’attaquer ma présentation de demain…» 

Notre manager s’octroya un déjeuner, vite fait, sur le pouce. A peine vingt minutes plus tard, Bernard se remettait à l’ouvrage pour réaliser sa  présentation  du  lendemain.  Son  fichier  de  suivi  de  projet constituait  une matière  première  de  qualité.  Il  supprima  toutes  les slides  relatives  aux  calculs  statistiques.  Si  ceux‐ci  paraissaient opportuns dans la conduite du projet Lean Six Sigma, ils s’avéreraient plutôt perturbants dans  le cadre d’un comité de Direction où  l’on se focaliserait davantage sur  les aspects opérationnels. Pour ne pas être pris en défaut sur la méthodologie qu’il maîtrisait encore peu, il écarta également toutes les notions qui se rapportaient au Lean Six Sigma.  

A 17h25,  tout était bouclé. Un quart d’heure plus  tard, Bernard était dans les bras de sa gazelle. 

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  Mercredi 25  février. C’était  le grand  jour. Depuis 6h, Bernard s’entraînait  à  voix  haute  pour  son  grand  oral.  A  chaque  fois  qu’il butait sur un passage,  il affinait  la présentation de  la slide pour que les idées s’enchaînent d’elles‐mêmes. A 8h20, il était déjà dans la salle de réunion pour  tester  le matériel  informatique. Même si, du  fait de son ancienneté,  il connaissait  la plupart des personnes présentes  lors de cette réunion, il savait également qu’il était mis dans une position où,  a  priori,  il  ne maîtrisait  pas  son  sujet. Aussi  pour  rassurer  son auditoire sur sa maîtrise du projet, il devrait se montrer à l’aise. Bref, il  devait  profiter  de  sa  seule  occasion  de  faire  une  bonne  première impression ! 

A  l’heure  H,  tout  le  monde  était  présent.  Christian  HERMES,  le responsable commercial Europe, qui chapeautait toute l’entité EMEA depuis  le  remerciement  du  directeur  général  en  décembre  dernier, prit  la parole en guise d’introduction. De son côté, Bernard se  tenait debout, prêt à présenter son travail. 

‐ Merci à tous d’avoir su vous libérer pour cette réunion dans un laps de temps aussi réduit. Comme vous le savez, l’activité est en perte de vitesse  sur  toute  l’Europe.  Et  malheureusement,  ce  constat  est d’autant  plus  vrai  en  France. Nous  avions  identifié depuis  quelque temps un malaise chez nos clients, d’où le lancement du projet sur la satisfaction du client «Jardins de plaisir». Mais il semblerait, selon les derniers  chiffres,  que  le  problème  se  propage  sur  l’ensemble  du portefeuille  client. Nous  sommes donc  ici aujourd’hui pour prendre les  mesures  nécessaires  à  un  retournement  de  situation  en  notre faveur.  Dans  un  premier  temps,  Bernard  va  nous  présenter  son travail.  Ensuite, Marina  nous  fera  un  point  sur  la  situation  et  les perspectives  d’amélioration  qu’elle  entrevoit.  Bernard  je  te  laisse commencer… 

Marina ZELOS, directrice générale de l’entité France se leva et prit la parole au vol. 

‐ Excuse‐moi Bernard. Christian, si tu me permets… Je voudrais dire qu’à ce jour je n’ai aucune visibilité sur le travail effectué sur le client 

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«Jardins de plaisir». Et j’avoue que je suis contente que nous puissions avoir  un  premier  retour  aujourd’hui.  Je  tiens  à  le  dire,  car  en travaillant chacun de notre côté, nous risquons de mettre en place des solutions qui ne vont pas dans le même sens. 

‐ Très bien Marina, j’entends ce que tu me dis. Mais est‐ce que tu t’es rapprochée de Bernard pour te tenir au courant ? 

‐  Non,  mais  il  me  semble  que  le  reporting  est  tout  de  même  la moindre des choses à faire. Je ne veux pas être derrière chaque fait et geste de Bernard sur ce dossier, mais  je souhaiterais  juste être  tenue au courant de ce qui se passe dans les grandes lignes. 

Bernard sentant que  le climat s’alourdissait reprit à son compte  le fil de la discussion. 

‐ Attendez. Si vous me permettez, ce projet a démarré  il y a un peu moins  de  trois  semaines.  Nous  connaissons  tous  les  circonstances exceptionnelles de son démarrage. Si vous avez eu le sentiment d’une quelconque opacité sur mon travail  jusqu’ici,  je tiens à m’en excuser. Cependant, vous semblez parler comme si j’étais aujourd’hui à même d’apporter une solution aux problèmes rencontrés et de  l’imposer en tant que telle. Laissez‐moi vous présenter où  j’en suis et  je pense que nous pourrons discuter plus aisément sur les suites à donner. 

Bernard  se  tourna  vers Daniel,  son  responsable,  pour  recevoir  son consentement.  Ce  dernier  lui  fit  un  geste  sans  équivoque.  Notre manager se lança donc dans la présentation de son projet. 

Il conclut par la présentation des étapes à venir : 

‐ Voilà donc où nous en  sommes. Nous voyons  le bout de  la phase d’analyse. Ce que  je vous propose maintenant, c’est d’organiser une séance  de  brainstorming  pour  trouver  des  solutions.  Ensuite,  nous validerons les idées qui semblent avoir le plus d’impact sur notre taux de commandes reines. Est‐ce que vous avez des questions ? 

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Roger ayant fait la moue tout le long de l’intervention, en profita pour prendre la parole. 

‐ Bernard,  tu as bien  travaillé  sur  la phase d’analyse. Effectivement, les problématiques que tu présentes me paraissent représentatives des difficultés que nous  rencontrons, mais, excuse‐moi  si  je  suis un peu abrupt,  était‐il  vraiment  nécessaire  de  faire  tous  ces  schémas  pour présenter une réalité que l’on connaît depuis longtemps ? 

‐  Roger,  je  prends  ta  remarque  comme  un  compliment  et  je  t’en remercie  sincèrement. Car  si, de  ton  côté,  tu  appréhendais  tous  ces problèmes, du mien, je n’en avais nullement connaissance. Par ailleurs même  si  tu  touchais du doigt  la plupart de  ces problèmes,  je doute que  tu  ais  pu  appréhender  d’une  manière  aussi  détaillée  les interactions entre les différentes problématiques. Un autre point : mon analyse  quantifie  les  sources  de  commandes  défectueuses.  Et  tu avoueras qu’il est plus  judicieux de se pencher sur  les problèmes  les plus significatifs plutôt que d’attaquer tout en même temps. 

Sur  cette  réponse  pleine  d’assertivité,  Roger,  notre  responsable  du service client, ne pipa mots. 

Pendant  que  l’assistance  restait  dans  l’expectative,  Daniel  reprit  le flambeau. 

‐  Bernard,  pourrais‐tu  revenir  sur  la  slide  de  présentation  de  ton analyse Pareto des notes de crédit s’il te plaît ? 

Notre manager s’exécuta aussi tôt, laissant Daniel poursuivre : 

‐ La première  source de note de  crédit  correspond  aux  avoirs pour retour  de  garantie. Ne  serait‐il  pas  plus  judicieux  de  les  écarter  de l’analyse ? Les problèmes de qualité  touchent  le consommateur  final mais pas le revendeur. 

‐ Oui, tu as raison Daniel ! Se dépêcha de répondre Bernard avant que Roger  fasse  une  intervention  opportuniste.  Mais  je  souhaiterais 

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approfondir  la question auprès d’un  responsable de magasin. Car  il me  paraît  un  peu  étrange  que  les  problèmes  qualité  n’apparaissent pas  dans  les  attentes  du  magasin  alors  que  cela  représente  en moyenne 6% de leur CA. 

Ne pouvant s’en empêcher, Roger lança ce qu’il avait déjà dit lors de leur entretien en face à face avec Bernard. 

‐  Il  n’y  a  rien  d’étrange  là  dedans.  Je  te  l’ai  déjà  dit ! Ce  sont  des particuliers peu scrupuleux qui viennent te chercher une bécane et qui te la ramènent après utilisation pour se la faire rembourser… 

‐ Ça n’est pas impossible Roger. Et si tel est le cas, le magasin qui me renseignera sur ces chiffres me  fournira  la même explication et nous pourrons écarter cette problématique du périmètre étudié. 

Après les premiers échanges spontanés, un léger silence s’installa. La plupart des opérationnels avaient  les yeux rivés soit sur  leurs notes, soit  sur  la  slide projetée au mur. Les plus  courageux avaient  la  tête tournée  vers  le  charismatique  Christian HERMES,  attendant  de  lui une intervention. Celui‐ci finit par prendre la parole : 

‐ Merci Bernard pour ce beau  travail. Pourrais‐tu revenir s’il  te plaît sur la matrice qui présente les attentes du client ? 

En moins de temps qu’il n’en faut pour  le dire,  la slide était affichée au  mur.  Le  directeur  EMEA  poursuivit  alors,  apostrophant  par l’orientation de son corps, la directrice France. 

‐ Marina, c’est  intéressant  le  travail qui a été réalisé dans  ton service marketing… 

La  directrice  était  visiblement  très  embarrassée.  Et  pour  cause,  elle n’avait  pas  eu  connaissance  du  travail  de  la  jeune  stagiaire  de l’époque. Pour soulever le silence foisonnant, Bernard reprit la parole. 

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‐ Effectivement, Gabrielle a fait un très bon travail. Mais son humilité de jeune stagiaire, à l’époque, l’avait conduite à ne pas faire de tapage autour de son étude. Mais félicitons‐nous aujourd’hui de ce travail et de l’aide qu’il nous apporte. 

Christian HERMES reprit alors : 

‐ Très bien. Mais s’il y un document plus détaillé de cette étude, je suis preneur.  Pour  le  projet  «Jardins  de  plaisir»,  je  ne  suis  pas  sûr  que l’orientation qui est prise  soit  la bonne. Le brainstorming,  c’est bien pour  trouver de nouveaux produits, mais pour  améliorer  la  qualité apportée à nos clients, ça me paraît un peu léger. Je pense qu’il serait plus  sage  de  lancer  un  benchmark  sur  toute  l’Europe.  Si  nous retenons  les  « Best  Practice »  sur  chacun  des  processus,  nous nivellerons  tous nos services clients vers  le haut. Qu’est‐ce que vous en pensez ? 

A  l’unanimité moins un,  tous acquiescèrent d’un hochement de  tête. Bernard, qui avait encore en souvenir les remarques de Salomé NYX, fit une moue de la tête et tenta une contre‐argumentation. 

‐  Christian,  nous  connaissons  tous  les  vertus  du  benchmark, mais soyons honnêtes,  le défi qui nous  attend  ici  est d’une ampleur bien plus  importante. J’ai tenté une première approche pour comparer les résultats de chaque pays. Mais si dans certains marchés  les résultats sont meilleurs, d’une part la fluctuation est plus importante et d’autre part,  nous  restons  très  loin de  l’objectif  fixé. Alors  peut‐être  que  le résultat cible est  trop ambitieux. Mais pour que  le client «Jardins de plaisir» puisse toucher du doigt les améliorations, nous devons mettre la barre très haute ! 

Le patron se tourna vers Daniel, le responsable de Bernard, en faisant mine d’attendre un sentiment de sa part. Le directeur Supply Chain, prit à cœur son rôle de sponsors. 

‐  Même  si  nous  nous  attendions  à  des  choses  plus  concrètes aujourd’hui,  il me semble que Bernard à su nous prouver qu’il avait 

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attaqué  le projet de  la meilleure des  façons, cʹest‐à‐dire en élaborant une  représentation  globale  de  l’ensemble  des  problèmes. Personnellement,  je  lui donne  toute ma confiance pour mener à bien la suite des évènements. Avec ce que j’ai vu aujourd’hui, je pense que nous  pouvons  lui  donner  notre  assentiment  sur  l’utilisation  de  la méthode qui lui paraît la plus adéquate. 

‐ OK,  c’est  entendu ! Approuva Christian.  Je pense que nous  allons arrêter  là  la réunion. Je vous remercie de votre participation. Je vous invite  à  vous  mettre  d’accord  sur  la  suite  à  donner  à  cette présentation.  Un  prochain  point  sera  fait  pour  que  nous  prenions connaissance  du  plan  d’action  à  mettre  en  œuvre.  Daniel,  je  te laisserai organiser cette réunion qui devra avoir  lieu sous quinzaine. Marina,  pour  ta  présentation,  je  te  propose  que  nous  déjeunions ensemble à midi. 

La directrice de l’entité française du groupe acquiesça sans trop savoir ce qui  l’attendait. Christian HERMES ne  souhaitait pas amoindrir  le leadership de Marina ZELOS, vis‐à‐vis de ses équipes, en faisant jouer son  lien  de  subordination.  Aussi  il  préféra  un  tête‐à‐tête  pour échanger avec elle sur la présentation du projet de «Jardins de plaisir» et sur les choix tactiques à opérer pour redresser la barre. 

‐ Marina, dis‐moi ce que tu penses de la façon dont Bernard travaille sur le dossier «Jardins de plaisir» ? 

‐ Je pense que je me suis un peu emportée au début de la réunion. Il a fait un travail remarquable sur l’analyse des différents problèmes. 

‐ Oui, c’est vrai qu’il a fait du bon travail… Qu’est‐ce que tu penses de son approche sur ce qu’il appelle « la voix du client » ? 

‐ C’est vrai que nous avons trop tendance à imaginer ce que les clients attendent de nous. Et puis, il n’est pas évident de cerner qui est notre client. Notre culture du marché grand public nous amène à travailler de manière  systématique  sur  les  consommateurs,  si  bien  qu’on  en oublierait presque les besoins de nos revendeurs. 

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‐ Oui, ça me fait plaisir de te l’entendre dire ! Je partage ton avis. Au final, que ce projet réussisse ou non, il aura eu le mérite de nous faire prendre  conscience de  l’importance de notre  réseau de distribution. Notre  culture d’entreprise privilégie  la notoriété de  la marque  et  le marketing de grande consommation. Mais au final, nous avons perdu le lien B to B* qui nous lie avec les revendeurs. Bien sûr, nous avons des  responsables  compte  clé, mais  on  se  rend  bien  compte  que  le système a ses limites. Car au final, nos commerciaux sont en lien avec les  chefs  produits  des  centrales  qui  eux‐mêmes  semblent  parfois déconnectés des besoins de leur propre réseau de magasins, en ce qui concerne les problématiques logistiques, ou de référencements. 

‐ N’exagérons rien tout de même. Nous avons un service client et des représentants qui maillent  le  territoire pour  répondre au besoin des clients. 

‐  Oui,  mais  nous  agissons  là  en  réaction  à  des  problématiques rencontrées. Nous devrions devancer  les attentes de nos  revendeurs de la même façon que nous surprenons nos consommateurs avec nos innovations de produits. 

‐ C’est  vrai. Tu  as  raison Christian. Mais  aujourd’hui,  notre  service marketing  n’est  pas  organisé  pour  ça.  Ils  ont  déjà  bien  du  mal  à boucler  les campagnes promotionnelles,  je ne vais tout de même par leur  demander  de  faire  des  études  de  marché  auprès  de  nos revendeurs ! 

‐  Pourquoi  faire  une  étude  de marché ?  D’après  ce  que  j’ai  vu  ce matin, celle‐ci m’a l’air déjà toute prête ! 

‐ Pas faux. Qu’est‐ce que tu proposes donc ? 

‐ C’est à toi de me le dire Marina. Lança Christian sur un ton amusé. 

Mais  il en  fallait plus qu’une petite  injonction pour que Marina  soit désarçonnée. 

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‐  Je  vais demander  à Gabrielle  qu’elle  nous présente  son  travail  au prochain comité de Direction. Ensuite, sur la base de l’analyse réalisée par Bernard, nous élargirons  si besoin  le champ d’analyse pour que les besoins des segments autres que ceux de «Jardins de plaisir» soient intégrés dans la réflexion. Qu’en penses‐tu ? 

‐ Je pense que c’est un bon début ! Bon bah voilà. Tu sais combien  il m’insupporte de parler  travail à  table… Alors, regardons  les bonnes choses qui nous attendent dans ce menu. 

De  son  côté, pas peu  fier d’avoir  tourné  la  réunion  à  son  avantage, Bernard  avait  passé  le  restant  de  sa matinée  à  préparer  un mail  à l’attention de Mlle NYX. 

Bonjour Mlle NYX,  

Tout d’abord, merci pour notre dernière conversation ! Je ne pouvais espérer un  tel  résultat  sur  une  recommandation  aussi  inattendue  que  celle  d’aller prendre l’air… Je ne vais pas trop m’étendre sur le sujet, mais sachez tout de même  que  l’aide  que  vous  m’apportez  va  bien  au‐delà  de  ce  projet professionnel. Je vous en suis grandement reconnaissant ! 

Les résultats, les voici :  

‐  J’ai  formalisé  une  approche  systémique  de mon  problème.  Effectivement, cette analyse m’est d’une grande utilité, car elle me permet de visualiser d’un seul coup d’œil toutes les interactions qui s’enchaînent. 

‐ La réunion de ce matin s’est très bien passée. Le projet est soutenu par  la direction européenne, ce qui n’est pas rien. 

Je  ne  gaspillerais  pas  mon  4ème  email  sur  les  cinq  qui  me  sont  accordés uniquement pour vous remercier… 

Vous  trouverez  en  fichier  joint  le  fruit de mes différentes  analyses.  Je vais retourner voir un magasin  cet  après‐midi pour  être  sûr  que  les  retours de 

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garanties concernent bien des problèmes qualité. Ensuite, je pense que j’aurai assez travaillé sur la partie analyse. 

Comme vous  le  savez, nous pouvons  toujours  aller plus  en détail dans  les extractions que nous réalisons, mais à un moment donné il faut savoir aller de  l’avant.  Bref,  je  vous  envoie  ce mail  en  guise  de  validation  de  l’étape d’analyse pour passer à la phase d’amélioration. 

Vous en remerciant par avance. 

Bernard. 

A  midi,  Bernard  partit  déjeuner  avec  Daniel.  Ce  repas  fut  pour Bernard l’occasion de présenter, à son supérieur, la méthode du Lean Six  Sigma  qu’il  avait  tenu  à  cacher  pendant  sa  présentation.  Le directeur de la supply chain connaissait le Lean manufacturing, mais le Lean Six Sigma lui était complètement étranger. Il salua l’initiative de Bernard de se lancer dans cette méthodologie sans en connaître les fondements.  

Après  le  repas, Bernard  récupéra  sa voiture et  se  rendit au magasin «Jardins  de  plaisir»  de M.  LARINTE.  Dès  qu’il  passa  la  porte,  le directeur, posté à l’accueil, le reconnut immédiatement. 

‐  Tiens,  vous  revoilà  vous !  Lança  le  responsable  de  magasin  en broyant la main de notre manager. 

‐ Oui. Vous voyez… Je me baladais dans le coin, j’ai vu de la lumière alors je suis rentré. Comment allez‐vous ? 

‐  Bah  écoutez,  ça  va ! Ça  irait mieux  si  j’avais  eu  des  nouvelles  de votre part. Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais vous deviez me donner un délai sur  la venue d’un nouveau représentant pour notre secteur. 

‐ Oui, vous avez  raison…  Je  suis  impardonnable. Ne bougez pas,  je donne un coup de téléphone tout de suite et je vous dis ce qu’il en est. 

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Bernard  ressortit  du  magasin  pour  s’entretenir  avec  Luc,  le responsable commercial. 

‐ Allo Luc ? 

‐ Oui, allo, c’est toi Bernard ? 

‐ Oui, excuse‐moi de te déranger Luc, mais je suis au magasin «Jardins de plaisir» de Bron  et  le  client me demande quand un  représentant sera à nouveau disponible dans la région. 

‐ Et bien,  figure‐toi qu’il y a un nouveau  représentant sur  la  région, mais il a pour consigne de ne pas traiter les clients qui sont déjà gérés par les responsables comptes clés. 

‐ Ah bon, mais c’est nouveau ça ? Demanda Bernard un peu surpris de ne pas être au courant. 

‐ Disons que  c’est nouveau depuis  le début de  l’année. Nous avons mis  en  place  cette  nouvelle  organisation  pour  plusieurs  raisons : d’une  part  le  travail du  représentant  fait  redondance  avec  celui du responsable comptes clés,  si bien qu’il arrivait que  l’un pouvait être mis en porte à  faux par  l’autre. Par exemple,  il pouvait  se produire qu’un  représentant  fasse  une  offre  plus  avantageuse  que  celle négociée  en  central.  Un  autre  phénomène  se  produisait :  les représentants  faisaient  la  démonstration  de  nouveaux  produits  en magasin alors que ces produits avaient été refusés en commission de référencement.  Bref  dans  les  deux  cas  de  figure,  notre  responsable comptes  clés  perdait  en  crédibilité  et  cela mettait  le  bazar  entre  les magasins revendeurs et  leur centrale d’achat. D’autre part,  les petits magasins, qui ne bénéficiaient pas de centrale d’achat, achetaient très peu et nous faisaient perdre de l’argent du fait du manque de volume qu’ils généraient. Il a donc été décidé de reporter les représentants sur les petits magasins. Voilà pourquoi ton client n’a plus de commercial attitré. 

‐ Ah bon, mais je ne peux pas lui répondre ça ! 

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‐ Bah, c’est pourtant la vérité ! 

‐ Bon OK. Merci de ton aide Luc. A plus ! 

‐ De rien Bernard. 

Notre manager retourna dans le magasin avec une frêle assurance. 

‐  J’ai  une mauvaise  nouvelle  à  vous  annoncer M.  LARINTE :  votre enseigne  ne  peut  plus  bénéficier  de  représentant,  car  le  travail  de négociation est déjà réalisé auprès de la centrale. 

‐ Non, mais c’est une blague ! Parce que vous pensez que de Paris ils savent ce dont nous avons besoin ! Et bien dites donc… Si vous avez dans l’idée que c’est comme ça que nous allons changer notre point de vue à votre égard, vous vous trompez ! 

‐ Attendez. Je vous donne juste la réponse qui m’a été apportée. Je n’ai pas dit que  c’était définitif.  Je  suis précisément  chargé de définir  ce qui va et ce qui ne va pas pour le corriger. 

‐ Et bien, je peux vous assurer que ce point sera à améliorer ! 

‐ C’est  entendu M. LARINTE. De mon  côté,  j’aurais  également une question à vous formuler. 

‐ Oui. Dites‐moi ! 

‐ Voilà,  la dernière  fois que  j’étais venu vous voir, vous m’aviez dit que  nos  produits  étaient  de  bonne  qualité.  Il  se  trouve  qu’en travaillant sur vos notes de crédit,  il apparaît que  la première cause d’avoirs  concerne  les  retours pour garantie. Est‐ce que vous pouvez m’expliquer cela ? 

Le  responsable, visiblement  très  embarrassé, prit quelques  secondes pour répondre. 

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‐ Vous vous rappelez la dernière fois, je vous disais que si une promo était livrée en retard, je refusais la marchandise… 

‐ Oui bien sûr je m’en rappelle ! Acquiesça Bernard. 

‐  Et  bien  ça  n’est  pas  aussi  simple.  Pour  des  petites  promos  inter saison, effectivement, il peut m’arriver de refuser une livraison, car je sais que ça n’aura pas d’impact sur mes ventes. Mais sur  les grosses campagnes,  je  ne  peux  pas  me  le  permettre.  Alors  dans  ce  cas, j’accepte la livraison et avant de réaliser mon inventaire, je fais un lot avec les retours pour garantie et je vous renvoie tout en même temps. 

Un silence s’installa. Le responsable se sentit  le besoin de se  justifier davantage. 

‐  Vous  comprenez,  avant,  lorsqu’il  y  avait  le  représentant,  nous arrivions toujours à nous arranger. Il passait récupérer la marchandise qu’il  revendait  à  un  autre magasin. De mon  côté,  je  repassais  une commande sur des produits de saison et tout le monde était content. 

‐ Je comprends, Monsieur LARINTE. Inutile de vous justifier. Si vous le faites, c’est que le système que nous avons mis en place vous incite à le faire. Mais juste par simple curiosité : comment agissez‐vous avec les autres fournisseurs ? 

‐  Eh  bien,  ça  dépend !  Certains  sont  plus  contraignants  dans  leurs procédures, alors dans ce cas nous essayons d’affiner un peu mieux notre  besoin  pour  passer  des  commandes  plus  en  phase  avec  la demande du marché. 

‐  Bon,  si  je  comprends  bien,  nous  péchons  par  excès  de  laxisme alors… 

‐ Ecoutez. Je ne sais pas quoi vous dire moi ! Je préfèrerais que vous livriez  à  temps,  auquel  cas  j’aurais  plus  de  chance  d’écouler  votre marchandise,  et  vous  comme  moi,  enregistrerions  plus  de  chiffre d’affaires. 

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‐  Oui  bien  sûr…  Mais  je  vous  taquinais,  M.  LARINTE.  Je  vous remercie de votre franchise. Je vais  tâcher de  trouver des solutions à ces désagréments. 

Les  deux  hommes  échangèrent  une  poignée  de  main  puis  se séparèrent. 

A  16h, Bernard  rentra directement  chez  lui pour préparer un dîner aux chandelles en guise de surprise pour Eloïse. 

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Figure 4.8- Modélisation systémique des incidences de retards de livraison

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  Jeudi  26  février.  A  l’ouverture  de  son  ordinateur,  Bernard prenait connaissance de la réponse de Mlle NYX. Il était impressionné par  la  célérité  à  laquelle  elle  lui  était  revenue  sur  chacune  de  ses demandes. Du temps où il manageait le service du demand planning, il avait souvenir d’avoir toujours deux ou trois jours de retard dans la gestion de ses mails. 

Bonjour Bernard,  

Je suis ravie que mes éclairages vous permettent d’avancer comme il se doit. 

Si je comprends bien votre courriel, vous demandez mon consentement pour passer à la phase d’amélioration du DMAIC… 

Dans ce cas : c’est refusé ! 

L’analyse ne s’arrête pas à faire un ou deux diagrammes de Pareto… Et vous ne glanerez pas davantage d’informations à couper un cheveu en 16 ou en 32 une  fois que vous  l’aurez déjà coupé en 4 et en 8 ! Bref :  il ne s’agit pas de rentrer dans le détail des problèmes mais plutôt de remonter à leurs sources. 

Vous  avez  pu  cerner  avec  l’approche  systémique  qu’il  était  possible  de comprendre  les  interactions  qui  se  produisaient  entre  les  différentes composantes de votre problématique. C’est déjà une très bonne chose ! Mais s’il  est  important  de  poser  le  système  en  place,  il  demeure  tout  aussi fondamental d’en percevoir la finalité. Seul, le but du système en place vous permettra  de  prendre  conscience  de  la  défaillance  structurelle  de  votre processus. Sans ça, vous pourrez bien évidement améliorer vos  indicateurs, mais les bénéfices seront de courtes durées et les problèmes resurgiront tôt où tard.  

Plus concrètement : reprenez chaque carte des processus et travaillez sur les problèmes  en  amont.  Vous  avez  identifié,  sur  votre  carte  détaillée  du processus  de  saisie  de  commande,  les  manipulations  qui  entraînaient  des problèmes… C’est  très bien, mais  en amont, pourquoi  ces  erreurs de  saisie existent ? Reprenez votre SIPOC  (Supplier –  Input – Process – Output – Customer) et décelez dans les données entrantes de votre processus, celles qui 

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sont  défectueuses.  Rappelez‐vous  l’adage  anglais  « Garbage  in  –  garbage out ! ». Enfin, d’après votre VSM (Value Stream Map), certaines commandes sont  bloquées  jusqu’à  34  jours…  Fouillez  les  raisons  des  cas  les  plus aberrants  et  décelez  quels  sont  les problèmes  à  la  source  qui  allongent vos délais  sans  apporter  de  la  valeur  à  votre  client.  C’est  dans  les  valeurs extrêmes que se cachent les sources de variabilité de votre processus. 

Bref, votre analyse est loin d’être bouclée ! 

Bon courage. 

Ce mail fit l’effet d’un coup de fouet sur Bernard qui prit à cœur de se remobiliser. Même s’il avait déjà le sentiment d’avoir bien fait le tour de la question, la musique du message de Salomé ronronnait en lui et trouvait un écho dans ses récentes lectures. Il se rappelait notamment un passage en référence à l’outil des 5 whys. Pour découvrir la source d’un  problème,  il  s’agissait  de  poser  à  de  multiples  reprises  la question  « pourquoi ?».  Se  suffire  de  la  première  explication  d’un problème amenait à ne travailler que sur les symptômes et non sur les causes profondes, souvent plus difficiles à déceler.  

Il  passa  la  fin de  la  semaine  à  réunir  ses  notes  et  à  recontacter  ses différents  interlocuteurs pour  construire,  sur  la  base des différentes cartographies de processus,  son  analyse des  5 whys. Pour  avoir un aspect visuel des problématiques décelées, Bernard  retranscrivit  son analyse  approfondie  sur  une  carte  heuristique.  Ainsi  lorsqu’il descendait au niveau  le plus  fin de son arborescence,  il accédait aux problèmes initiaux des symptômes révélés par la voix du client. Pour discerner  les  problèmes  en  interne  de  ceux  du  client,  il  avait différencié  les  deux  natures  de  problèmes  par  une  iconographie spécifique. 

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Concernant  l’extrait  du mail  qui  faisait  référence  à  la  « finalité  du système », Bernard péchait par découragement.  Il  lui  fallait  revisiter sa bibliographie pour en savoir davantage. Mais,  la fin de semaine à ses pieds, la procrastination prévalait. Plus que jamais, notre manager avait une femme à bichonner. 

 

 

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Figure 4.9 Schéma heuristique de l’analyse 5 whys – Problèmes Commandes Reines

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Figure 4.10 Schéma heuristique de l’analyse 5 whys des problèmes du call center

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Chapitre 5  

 

LE DRAPEAU DU LSS

 

    Il  faut  bien  garder  en  tête  que  les  problèmes  d’aujourd’hui  sont  la conséquence des  solutions apportées par  le passé ! Bien  souvent,  le premier réflexe est d’ajouter des éléments dans le système pour l’améliorer (le contrôle qualité  en  est  un  parfait  exemple). C’est  une  erreur majeure ! Ajouter  un élément dans  le  système  en place  contribue  à  en  augmenter  sa  complexité. Par ailleurs, chaque nouveau composant d’un système amène avec lui son lot 

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de contraintes. Le Lean s’oppose à cette  idée‐là. Plutôt que d’ajouter,  il  faut donc penser à supprimer.  

En guise d’illustration, voici une anecdote sur le voyage lunaire : 

La  NASA  a  rencontré  beaucoup  de  difficultés  à  concevoir  des  véhicules capables  de  supporter  les  variations  de  température  oscillant  sur  la  Lune entre 120°C le jour et ‐180°C la nuit.  

Un des composants qui prit le plus de temps à aménager furent les ampoules. Tous les tests effectués démontraient que le verre ne résisterait par à de tels écarts de température. Alors, la NASA imagina de multiples solutions pour atténuer ces différences de température. La plupart de ces solutions passaient par l’ajout de nouveaux composants (solution de chauffages, substitution du verre  par  un  autre  matériau…etc.). Mais  au  final,  toutes  les  hypothèses s’avéraient  trop  lourdes  à  mettre  en  place  ou  ne  fonctionnaient  tout simplement pas.  

Un  beau  jour,  un  ingénieur  trouva  la  solution :  supprimer  le  verre  de l’ampoule ! 

Lorsque  Thomas  EDISON  inventa  l’ampoule,  la  cloche  en  verre  qui  la recouvrait empêchait le filament incandescent de brûler et de se consumer au contact  de  l’oxygène  présent  dans  notre  atmosphère.  La  Lune  étant dépourvue  d’atmosphère,  cette  problématique  n’avait  plus  lieu  d’être.  Il suffisait donc de supprimer la cloche en verre pour obtenir la solution.  

Idées à retenir de cette anecdote :  

1  –  Les  problèmes  de  la NASA  étaient  bien  la  résultante  d’une  solution d’antan. 

2  –  La  solution  apportée  allège  le  système  au  lieu  de  le  complexifier  par l’apport de nouveaux composants. 

Pendant la phase d’innovation, un seul mot d’ordre : la frugalité ! 

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A  propos  de  frugalité…  Saviez‐vous  que  ʺApollo  Guidance  Computerʺ, l’ordinateur  embarqué  qui  pilotait  la  navigation  de  l’appareil,  bénéficiait d’une mémoire morte équivalente à 64 ko et d’une mémoire vive de 4 ko ? Ces spécifications  techniques  sont  des  milliers  de  fois  inférieures  à  celles  de n’importe quel téléphone portable d’aujourd’hui. 

Extrait du livre ʺLes 7 voyages de lʹinnovateurʺ de Salomé NYX. 

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  Samedi  28  février. Une  belle  journée  ensoleillée  annonçait  le printemps. C’était l’occasion pour nos deux tourtereaux de passer une journée  à  flâner  entre  les  allées  du  parc  de  la  Tête  d’Or.  Entre  les animaux  du  zoo,  la  roseraie,  le  vivarium  et  le  plan  d’eau,  les amoureux  avaient  de  quoi  s’émerveiller  et  bécoter  dans  le  plus paisible des environnements. 

A 17 heures, le soleil s’approchait déjà de la ligne d’horizon. Bernard reçut un SMS de son ami Jean‐Louis. 

« Ca vs dirait de venir manger à la maison ce soir ? JL » 

‐ Qu’est‐ce  que  tu  en  dis  Eloïse ? Un  petit  repas  chez  nos  amis,  ce pourrait être sympa ? 

‐ Ça me va ! Je suis partante ! Répondit sa douce en prenant les deux mains de son mari pour lui voler un baiser de la pointe des pieds. 

Quand  une  soirée  se  déroulait  chez  les  RAVEN,  les  stéréotypes prenaient tout leur sens. D’un côté, Jean‐Louis et Bernard discutaient travail  autour  d’un  apéritif.  De  l’autre,  Béatrice  et  Eloïse  parlaient soins de beauté et « peopleries » en préparant le festin dans la cuisine. 

Au  salon,  Bernard  expliquait  avec  enthousiasme  tout  le  chemin parcouru sur son projet pour conclure : 

‐ Tu vois : j’ai bien avancé ! 

‐ Oui je vois ça, c’est impressionnant ! Et maintenant, qu’est‐ce qu’il te reste à faire ? Demanda Jean‐Louis, peu aguerri de la méthode. 

‐ Et bien,  l’essentiel :  trouver des  solutions ! Comme  j’ai bien défini mes problèmes à la source, cela ne devrait pas trop poser de soucis. Je dois organiser une séance de brainstorming. Je ne sais pas trop ce que cela va donner. La créativité, ce n’est pas trop mon truc… 

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‐  Détrompe‐toi  mon  cher  Bernard,  la  créativité,  ça  n’est  pas  si compliqué… Viens voir avec moi dans  la bibliothèque.  Je dois avoir deux trois ouvrages qui peuvent t’aider. 

Les deux hommes passèrent du  salon au bureau de  Jean‐Louis  sans même que leur compagne y apportent une quelconque attention. 

‐ Alors, voyons voir où j’ai mis ça… Ah, c’est là ! Ce qui est bien avec les livres sur la créativité, c’est qu’ils sont très courts. 

‐ Ça me va bien, répondit Bernard. Je n’ai pas trop de temps… 

‐ Oui, mais  les  techniques de créativité, si elles sont bien assimilées, peuvent  te  faire  trouver des  idées  qui  par  la  suite  te  feront  gagner énormément de temps ! Tiens, le premier c’est « Les 6 chapeaux de la réflexion »  de  BONO.  L’idée  c’est  de  sortir  les  gens  de  leur  rôle habituel. Dans une réunion, tu as toujours des gens qui parlent trop, qui coupent  la parole aux autres. Tu en as d’autres que tu n’entends jamais. D’autres encore sont d’un pessimisme à tuer  la moindre âme de  créativité  qui  pourrait  s’élever.  D’autres  vont  pinailler  sur  des détails…  Bref,  en  général  c’est  la  foire  d’empoigne,  où  la  loi  de  la jungle prend le dessus sur l’intérêt général. 

‐ Et donc… Qu’est‐ce que ces chapeaux changent à tout ça ? Demanda Bernard impatient d’en savoir davantage. 

‐ Pour commencer, ces chapeaux sont  imaginaires, tu n’es pas obligé de demander à ton équipe de se rendre ridicule. Non, l’idée c’est déjà d’aborder la réunion comme un jeu de rôle. Ainsi, les gens ne sont pas censés parler en leur nom, mais ils doivent s’exprimer en fonction du chapeau qu’ils portent. 

‐ Mais quel chapeau portent‐ils ? 

‐ Attend  j’y viens… ! Tu as six chapeaux. Le blanc pour  les  faits,  les données brutes, le rouge pour les émotions, le noir pour les risques, le jaune pour  les avantages,  le vert pour  la créativité et  le bleu pour  la 

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prise de  recul  sur  le déroulement de  la  réunion. Donc par exemple, dans un premier temps tu vas dire : « Pour savoir sur quoi nous allons travailler,  je vais prendre mon chapeau blanc et vous présenter  tous les faits que j’ai constatés par le biais de mes analyses…etc. ». Ensuite, sous  le chapeau bleu, tu vas donner  la directive à tous, de penser en termes de chapeau vert, pour proposer le plus de solutions possibles. Comme  les  idées  nouvelles  sont  très  fragiles,  il  suffit  souvent  de laisser  dire  que  ça  ne  marchera  jamais  pour  que  l’idée  soit abandonnée.  Tu  pourras  demander  à  tout  le  monde  de  revêtir  le chapeau  jaune pour chercher les avantages de chacune des solutions. A  certains moments,  si  tu  sens  qu’il  y  a  beaucoup de  ressentis  qui pèsent sur la réunion, alors tu pourras leur demander de prendre leur chapeau rouge pour dire ce qu’ils ont sur le cœur. Voilà grosso modo la méthode. D’un  premier  abord,  ça  peut  paraître  un  peu  étrange, mais  en  lisant  le  livre,  tu  comprendras  sur quoi  reposent  toutes  ces idées. 

‐ Oui, c’est vrai que ça me paraît encore un peu  flou  ton histoire de chapeaux ! 

Jean‐Louis pagina quelques instants le livre pour lire ses notes, avant de répondre à Bernard. 

‐ Écoute ça, l’analogie avec la maison me paraît très parlante. Si tu as quatre personnes qui regardent une maison. La première hypothèse, c’est que chaque personne ne regarde qu’une seule face de la maison. Dans ce cas, chacun décrira la maison selon son angle personnel. Dans une  réunion, c’est pareil ! Chacun va exprimer son point de vue. Ce point de vue dépendra de son expérience, de ses préjugés, et de ses intérêts personnels. L’idée de la technique des six chapeaux est de se dire : plutôt que de regarder la maison chacun de notre côté, faisons le tour tous ensemble et observons là tous en même temps avec le même angle de vision, cʹest‐à‐dire le même point de vue. Ainsi, une fois que tout  le monde aura  fait  le  tour de  la maison,  tous seront à même de faire  une  description  précise  de  l’ensemble  de  la  maison.  Pour  ta réunion, c’est pareil ! Plutôt que chacun reste sur son  idée de départ du problème,  tu obliges  chacun à  réfléchir  sous  tous  les  angles à  la 

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problématique que tu leur présentes. Et comme tu l’auras compris, les chapeaux sont le prétexte pour inciter les gens à changer de point de vue. 

‐ Hé hé… Pas mal ton histoire de maison. Je comprends un peu mieux maintenant ! 

‐ Ce n’est pas mon histoire ! C’est  celle de BONO. Tiens, prends  ce livre,  ce  sera d’autant plus  clair  quand  tu  l’auras parcouru dans  sa globalité. 

‐ OK,  j’achète ! Lança Bernard avec enthousiasme. Sinon, l’autre livre que tu as dans la main, de quoi parle‐t‐il ? 

‐  Ah  celui‐là !  ASIT !  C’est  précisément  le  contraire  de  ce  qui  est exprimé dans le premier. 

‐ Ah bon ! Comment c’est possible ça ? S’interloqua Bernard. 

‐ C’est simple, poursuivit Jean‐Jouis. D’un côté, tu as des gens comme BONO qui te disent qu’il faut sortir du cadre de référence dans lequel nous sommes tous enfermés. Pour cela, il faut adopter ce qu’il appelle la pensée latérale, pour générer des idées provocantes. En gros, il faut se débrider  l’esprit pour  trouver des  idées auxquelles nous n’avions pas pensé avant. Dʹun autre côté, tu as HOROWITZ qui te fournit une méthode  très  cadrée  pour  trouver  des  solutions  créatives.  Avec  la méthode  ASIT,  plutôt  que  de  chercher  dans  tous  les  sens ;  et  de provoquer  ce  changement  de  direction  de  ta  pensée ;  tu  déroules toujours  la même  structure de pensée. A ce détail près que  le cadre défini par ASIT n’est pas notre cadre de référence. 

‐ Euh, je crois que tu m’as complètement largué là. Je ne suis pas bien sûr  de  tout  comprendre…  Laquelle  dois‐je  privilégier  à  ton  avis ? Demanda Bernard en quête d’une solution sur mesure. 

‐ Personnellement, je trouve les deux méthodes très robustes. Et pour moi,  elles  sont  complémentaires.  Les  six  chapeaux  te  permettent 

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d’impliquer  les  équipes dans  les  solutions  qui  seront  apportées. En clair, le fait de faire appel à leur jugement et à leur créativité fait qu’ils se sentiront plus impliqués, ce qui te facilitera les choses dans la mise en  œuvre  des  solutions  retenues.  La méthode  ASIT  ne  relève  pas vraiment de la créativité. C’est plus un outil qui te permet de trouver facilement  des  idées  créatives. Même  si  tu  peux  te  servir  de  cette méthode pour animer une réunion, personnellement, je trouve que le cadre  défini  est  trop  rigide  et  peut  devenir  frustrant  pour  les participants. Par exemple, dans mon service marketing, j’imagine mal conduire  une  réunion  sur  la  base  d’ASIT.  Si  j’ai  embauché  des marketeurs c’est d’abord pour leur créativité. Ça n’aurait pas de sens de leur figer un cadre. En revanche, tous mes collaborateurs ont lu ce livre et aux vues des idées qui me sont parfois avancées,  j’en conclus qu’ils  appliquent  la  méthode,  dans  leur  tête,  de  manière  très judicieuse. 

‐ Ouhai, pas évident. Je vais lire les deux et  je verrai bien ce que  j’en fais ! Lança Bernard résigné. 

‐ Mais  oui ! Ne  t’inquiète  pas. Au  pire,  tu  utilises  les  six  chapeaux pour ta réunion de brainstorming et tu utilises ASIT pour formuler tes propres idées de solutions. 

‐ Yep ! Hum ça commence à sentir bon dis donc… 

‐ Oui, tu as raison ! Allons voir où en sont nos chères et tendres. 

Un  joli festin attendait nos deux managers. La soirée se présentait de la meilleure des façons. 

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  Lundi 2 mars. Comme à l’accoutumée, Bernard était arrivé très tôt au bureau. La première des choses à faire était d’ouvrir son fichier de suivi de projet. Le planning en plein écran, notre manager était fier d’avoir  tenu  les  délais  qu’il  s’était  fixés.  La  phase  d’analyse  était définitivement  terminée. Naviguant de  slide  en  slide,  il  s’apercevait que toute  la matière première dont  il avait besoin pour  imaginer des solutions  était  là,  devant  ses  yeux.  La  phase  « Innovation »  du DMAIC, qu’il attendait tant, était arrivée. Maintenant,  il s’agissait de faire preuve de créativité pour  inverser la perception du client sur la qualité de service apportée par Martin’s Garden. Pour l’aider dans sa tâche,  Bernard  disposait  des  deux  ouvrages  qu’il  avait  lus  dans  le week‐end. Avant ces lectures, Bernard était encré dans le préjugé que la  créativité  était  l’apanage de  quelques  illuminés. A  présent,  notre manager  se  sentait  à  même  de  formuler  des  idées  créatives  pour chaque problème identifié. 

Avant  de  commencer  à  travailler  sur  des  solutions,  notre manager envoya deux mails pour convoquer  les différents protagonistes à ses deux  réunions de  brainstorming. La  première  se  focaliserait  sur  les problèmes  rencontrés  au  centre  d’appels  alors  que  la  deuxième s’attaquerait à la problématique plus générale du taux de commandes reines. 

La  notification  expédiée,  Bernard  pouvait  s’atteler  à  chercher  des solutions  créatives.  Il  ouvrit  sa  carte  heuristique  des  5  whys  des problématiques  issues de  l’analyse du  centre d’appel. Bernard  avait peur  que  la  réunion  « ne prenne pas »  et  que personne  ne  se  lance pour trouver des idées d’améliorations. En présentant quelques idées sur  chaque  problème,  Bernard  se  constituait  ainsi  un  stock  d’idées pour amorcer la séance de remue‐méninges. Avec quelques solutions proposées, les équipiers seraient plus facilement tentés de surenchérir pour  trouver  des  améliorations  ou  rebondir  sur  de  nouveaux concepts. 

 

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Figure 5.1 Extrait du schéma heuristique de l’analyse 5 whys avec les premières idées

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Après  les premières  idées  facilement  accessibles,  et visiblement peu originales,  Bernard  tombait  sur  une  problématique  qui  lui  semblait difficilement  gérable.  Par  ailleurs,  il  y  retrouvait  certaines caractéristiques  énoncées  dans  les  problématiques  abordées  par  la méthode ASIT  (Advanced  Systematic  Inventive  Thinking). Aussi,  il décida de se lancer pour voir sur quelle solution la méthode pourrait aboutir. Pour mieux se familiariser à l’outil, Bernard se lança dans la résolution du problème à voix haute : 

« Alors,  ce Monsieur  HOROWITZ  nous  demande  de  raisonner  dans  un monde clos. Cʹest‐à‐dire que  les objets et  l’environnement de mon problème doivent rester les mêmes. Donc le Monde du Problème, qui correspond à ma situation  de  départ,  aura  la même  structure  que  le Monde  de  la Solution. Cela  implique  que  je  ne  peux  pas  ajouter  de  nouveaux  éléments  pour améliorer mon système, car cela induirait nécessairement un lot de nouvelles problématiques  à  gérer.  En  revanche,  pour  que  le Monde  du  Problème  se transforme en Monde de la Solution, il est nécessaire qu’au moins un facteur aggravant du monde du problème se  transforme en  facteur bénéfique où en facteur neutre. Dans mon exemple : « plus j’ai de litiges, plus mon manager est  surchargé  de  travail ».  Si  je  comprends  bien,  dans  le  Monde  de  la Solution,  « Plus  il  y  aurait  de  litiges  à  traiter  et moins  le manager  serait surchargé »  ou  « Quelque  soit  la  quantité  de  litiges  à  traiter,  la  charge  de travail  de  mon  manager  ne  serait  pas  affectée ».  Essayons  à  présent  de trouver une  idée  qui  ferait  que,  plus  il  y  a  de  litiges  et moins  le manager serait surchargé… Pas évident… Ah… Eurêka ! On pourrait constituer une base de  connaissances où  seraient  répertoriés  tous  les cas de  litiges qui ont fait l’objet d’une validation de la part du  manager. De la même façon que les juges  se  réfèrent  à  la  jurisprudence,  les  équipiers  pourraient  s’en  remettre aux anciennes décisions du même ordre. Car après tout, en quoi une décision sur un litige jugé sensible serait différente d’une autre décision sur le même type de litige ? Du côté du call center, ils gagneraient en réactivité. En ce qui concerne le manager, plus il valide de litiges de natures différentes et moins il a de risques de retomber sur un type de litige qu’il n’a jamais validé. Et pour éviter que  les responsables comptes clés ne soient pas  tenus au courant des solutions  retenues,  nous  pourrions  imaginer  un  rapport  de  validation  de litiges  envoyé  en  automatique.  Par  ailleurs,  rien  n’empêche  une  fois  par semaine de passer en revue les 20‐80* des litiges pour vérifier que la décision 

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prise était  la bonne. Ouhai ça me plait comme  idée ça ! Mais testons quand même  la  deuxième  hypothèse :  quelque  soit  la  quantité  de  commandes  à valider,  cela n’influerait pas  sur  la  charge de  travail du manager… Tiens, pourquoi  ne  pas  supprimer  purement  et  simplement  cette  validation ?  Les conseillers sont tout à fait à même de gérer ces problématiques. Il suffit de les responsabiliser. Et comme pour la solution précédente, rien ne nous empêche d’organiser  une  réunion  hebdomadaire  qui  reprendrait  les  décisions  prises sur les litiges importants. Hum, de mieux en mieux… 

Bon, testons la méthode sur un autre problème. Lorsqu’un client appelle : on lui  demande  tout  un  tas  d’informations  dont  il  ne  dispose  pas nécessairement.  En  premier  lieu,  le  conseiller  a  besoin  de  son  numéro  de client  pour  pouvoir  le  renseigner.  Si  cette  fois‐ci  j’utilise  la  technique  de l’unification, qu’est‐ce que cela peut donner ? Première étape :  je définis  les objets  et  l’environnement  de mon  problème.  J’ai  un  client,  un  numéro  de client et un opérateur. En guise d’environnement, je peux citer le téléphone et le système d’information. La deuxième étape consiste à déterminer l’action voulue. Dans mon  cas,  il  s’agit  « d’identifier  le  client  dans mon  système d’informations ».  Troisième  étape :  opérer  l’unification  en  testant  l’action voulue avec chacun de mes objets, ce qui donne : 

  1  ‐ Le client me  fournit  son numéro pour  l’identifier dans  le  système… Oui, c’est bien ça le problème… Continuons. 

  2 ‐ L’opérateur fournit le numéro du client qui permet de l’identifier dans le système… Nous pourrions imaginer une liste des clients avec les numéros, mais  cela prendrait  encore plus de  temps  que  la  recherche  qu’ils  effectuent aujourd’hui… Sinon il faudrait qu’ils apprennent par cœur tous les numéros des  clients.  A  moins  d’embaucher  des  autistes,  cela  semble  difficilement applicable. Ou  alors,  nous  pourrions  définir  un  numéro  de  client  qui  soit mnémotechnique. Oui, pourquoi ne pas affecter une  clé de  recherche  sur  le client sur la base du code postal et des trois premiers caractères de l’enseigne. Toutes ces  idées sont  intéressantes, mais  je n’ai pas  l’impression que  l’on y gagne beaucoup par rapport à la situation actuelle… Poursuivons… ! 

  3  ‐  Le  téléphone  me  fournit  le  numéro  du  client  qui  me  permet  de l’identifier dans  le système… Ça n’a pas de sens. Le téléphone ne peut rien 

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faire… A moins que… Quand j’appelle le service client de mon prestataire de téléphonie mobile,  ils  savent  quel  client  je  suis,  car  leur  système  prend  en compte  le numéro de  téléphone  avec  lequel  j’émets  l’appel. Nous pourrions utiliser  le même  système  chez Martin’s Garden ! Pas mal  comme  idée ! Le problème c’est que je n’ai pas de budget sur ce projet et qu’un tel système doit être assez  couteux. Mais nous pouvons  imaginer plus  simple :  le  conseiller saisirait  le  numéro  de  téléphone  du  client  qu’il  voit  apparaître  sur  son combiné, et s’il n’apparaît pas, il pourrait très bien le demander au client. Si celui‐ci  ne  se  souvient  pas  de  son  numéro  de  client ;  car  il  en  a  un  pour chaque  fournisseur ;  il  doit  bien  connaître  son numéro  de  téléphone,  et  au pire il l’aura toujours à disposition. En fait, j’aurais pu y penser plus tôt c’est exactement  comme  ça  que  travaillent  les  livreurs  de  pizza,  sur  la  base  du numéro de téléphone ! Cette solution me paraît vraiment bien. Je la garde ! 

Bernard s’émerveillait  tout seul de déceler en  lui un  tel potentiel de créativité. Si à l’époque de l’affectation de son nouveau bureau, notre manager avait eu le sentiment d’être mis un peu à l’écart, ce jour‐là il appréciait vraiment de pouvoir parler à voix haute. Verbaliser de cette façon les différentes étapes l’obligeait à ne pas passer trop vite sur des idées qui d’emblée pourraient  sembler  ridicules. Familiarisé  avec  la méthode ASIT, Bernard poursuivait ses recherches dans sa tête. 

Bon il y a quand même un problème que je n’ai pas encore résolu : c’est celui de l’organisation du call center. J’ai vraiment le sentiment que l’organisation est plus complexe qu’elle ne devrait l’être. Dans tous les livres que j’ai lus ces derniers  temps,  il y a une  idée qui  ressort  systématiquement : un problème complexe ne débouche pas nécessairement sur une solution complexe. Je viens de  le vérifier  avec mes deux petites  trouvailles. Si  j’arrive  à  retrouver mes notes sur  le « Macroscope »… Ah  tiens, elles sont  là… La complexité d’un système dépend du nombre d’interactions et de la diversité des agents qui le composent.  Donc  si  je  redéfinis  le  portefeuille  des  clients  pour  chaque équipier de telle façon qu’un client ait un conseiller unique, je vais réduire le nombre d’interactions. Mais il restera toujours des interactions avec Michelle qui saisit les commandes et Ingrid qui enregistre les litiges. Il faut simplifier tout ça… Une seule personne qui gère tout le processus de A à Z et qui est responsable  de  son  portefeuille  client  me  paraît  être  une  solution  plus optimisée. En réorganisant  le service de cette  façon, dʹune part,  je réduis  la 

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complexité  du  système,  d’autre  part  je  réduis,  de  fait,  le  nombre d’interactions  entre  les  individus. On  peut  faire un  test  pendant  quelques semaines, mais je suis quasiment certain qu’avec cette solution, le service ne sera  plus  surchargé. Même  si  les  erreurs  de  saisie  ne  disparaissent  pas totalement, au moins, ceux qui les feront prendront conscience des problèmes que cela génère puisqu’ils auront à gérer  les  litiges par  la suite… ! Bon, en revanche,  il me reste un problème de  taille. Comment vais‐je réussir à  faire admettre  à Roger  que  cette  nouvelle  organisation  est  nécessaire ? Avec  le soutient de ma direction  je pourrais passer en  force, mais s’il ne prend pas conscience de  lui‐même que cette solution est bénéfique et que  les équipiers sentent  qu’il  n’est  pas  en  phase  avec  ce  choix,  la  mise  en  œuvre  sera catastrophique.  Bon,  la  session  de  remue‐méninge  pour  le  call  center  est demain,  il  faut à  tout prix que  j’en parle avec Roger avant…  Il  est bientôt midi, je vais aller voir s’il est disponible pour que l’on mange ensemble. 

Bernard  prit  sa  veste  et  se  dirigea  vers  le  bureau  de  Roger,  le responsable du centre d’appel. 

‐ Salut Roger, comment vas‐tu ? 

‐  Ça  va,  ça  va…  Je  n’étais  pas  là  hier  et  je me  retrouve  avec  une trentaine de mails à traiter… Bref, je ne manque pas de boulot ! 

‐ Qu’est‐ce que tu dirais de manger ensemble à midi ? 

‐ Ouhai pourquoi pas, lança Roger après un moment de réflexion. 

Puis  les deux hommes quittèrent ensemble  le bureau pour se rendre dans un petit  restaurant mexicain  à proximité du  siège de Martin’s Garden. Sur le trajet, les deux collègues s’étaient limités à l’échange de quelques  banalités.  Le  différend  qui  les  avait  opposés  lors  de  la présentation  du  projet,  avait  laissé  des  traces.  Après  avoir  passé commande, Bernard tenta une première approche : 

‐ Bon Roger… Entre nous, cela ne sert à rien de tergiverser ! Si  je t’ai invité à manger ensemble, c’est parce que  je souhaitais revenir sur le petit  incident de  la semaine dernière. Voilà,  je voulais  te dire que  la 

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joute  verbale  dans  laquelle  nous  nous  sommes  lancés  devant  les autres n’a pas vraiment dû donner l’impression que nous travaillions dans  le même sens. Et pourtant, ça n’est pas  le cas ! Toi comme moi, cherchons à améliorer  les résultats de MG. Et ce n’est pas parce que nos points de vue divergent sur certaines choses que  les actions que nous menons en parallèle sont contradictoires. 

‐ Oui,  ça me  paraît  évident !  Ponctua Roger,  avec  une mine  qui  se déridait sans toutefois laisser place au « lâcher‐prise». 

‐ Roger,  je pense que  ton  service va  constituer un  levier  formidable pour la satisfaction du client «Jardins de plaisir». Au quotidien, quand un client appelle MG : sur qui tombe‐t‐il !? 

Bernard laissait fuir un silence pour impliquer son interlocuteur. 

‐ Et bien, il tombe sur un conseiller de mon service ! Répondit Roger. 

‐ Précisément ! Reprit Bernard. Donc si nous cherchons à améliorer la perception  des  clients  vis‐à‐vis  de  la  qualité  de MG,  cela  passera nécessairement par ton service. 

‐  Oui.  Je  suis  d’accord.  Mais  qu’est‐ce  que  tu  attends  de  moi ? Questionna Roger qui commençait à percevoir son propre intérêt dans le projet. 

‐ Je n’attends pas grand‐chose si ce n’est ton expertise sur le sujet. Est‐ce que  tu aurais une  idée de ce que nous pourrions mettre en place pour que le client se sente mieux pris en charge ? 

‐ Bah, on fait déjà tout ce qu’il faut ! Lança Roger se sentant remis en cause. 

‐  Bien  sûr  que  tu  fais  le  nécessaire…  Le  contraire m’inquièterait ! S’aventura Bernard sur  le ton de  la boutade avant de reprendre plus sérieusement.  Je ne  te demande pas comment nous pourrions mieux faire.  Je  te demande  comment  nous  pourrions  faire  en  sorte  que  le 

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client perçoive mieux le service que nous lui apportons. Par exemple, quand un client appelle, il peut tomber sur six personnes différentes. Je me demandais si  le client ne se sentirait pas mieux pris en charge s’il retrouvait systématiquement le même interlocuteur. Même si dans les  faits,  tous  tes  conseillers  apportent  la même  qualité  de  service, peut‐être que le simple fait d’allouer un conseiller par client pourrait changer sa perception sur la qualité de notre service. 

‐ Oui effectivement, ça n’est pas bête. En  revanche, comment  fais‐tu pour les périodes de vacances ? 

‐  Je ne sais pas… Peut‐être pouvons‐nous constituer des binômes où chacun  serait  en  charge  d’un  portefeuille  de  clients  qui  lui  serait affecté. Et  le  jour où  l’un des deux  conseillers  est  en vacances,  c’est son binôme qui prend la relève. De cette façon, la seule contrainte de tes conseillers c’est de faire attention à leur période de congé avec leur binôme. 

‐ Ouhai… Ça me paraît  tenir  la  route  ton  affaire.  Je vais y  réfléchir davantage. 

‐ Oui bien sûr Roger,  l’idée c’était vraiment d’échanger et que tu me donnes  ton  avis  là‐dessus.  Ton  expérience  te  permettra  de  trouver plus  facilement  que moi  les  ajustements  à  apporter  pour  que  cela fonctionne. 

Une  serveuse  coupa  succinctement  la parole de nos deux managers pour leur servir le plat du jour. Après l’échange d’un « Bon appétit », nos deux managers prirent d’assaut leur assiette. Le temps d’engloutir quelques bouchées et Bernard relançait la discussion. 

‐ J’avais également réfléchi à autre chose… 

‐ Oui, dis‐moi. Répondit Roger confiant. 

‐  Si  nous  affectons  un  portefeuille  de  clients  à  chaque  conseiller, chacun va devenir un vrai spécialiste des enseignes qu’il aura à gérer. 

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Est‐ce  que  nous ne pourrions pas demander  à  chaque  conseiller de gérer  l’ensemble  du  processus  depuis  l’arrivée  de  la  commande  au traitement des litiges. Qu’est‐ce que tu en penses ? 

‐ J’en pense que ça va faire un gros changement… Les conseillers ne sont  pas  formés  à  la  saisie  de  commandes  et  l’enregistrement  des litiges prend un temps considérable. Mais nous pouvons y réfléchir… 

‐ Oui,  je pense qu’il serait bien que nous creusions cette piste. Dʹune part,  je pense qu’ils  seraient  tous  contents de ne plus  faire  la même chose. Avoue que cela doit devenir très rébarbatif de ne faire que de la saisie !  D’un  autre  côté,  ne  faire  que  du  téléphone  doit  être  très fatigant. D’autre part,  le  fait de pouvoir  leur dire « Chacun de vous est  responsable  de  son  portefeuille  de  clients »,  peut  se  révéler gratifiant. 

‐ Oui ça n’est pas  faux. Mais  tu sais, davantage de responsabilités, à leurs yeux, cela signifie un salaire plus important ! 

‐ Je n’en suis pas si sûr… Il y a d’autres moyens de récompenser  les gens que par le salaire… Ça n’est peut‐être pas le moment, mais après tout,  si  nous  arrivons  à  dégager  des  bénéfices  de  cette  nouvelle organisation, pourquoi ne pas leur reverser une part de ces gains sous forme de primes sur objectif… Rien n’est interdit ! La seule contrainte c’est que cela ne coûte pas plus cher qu’aujourd’hui. Et sur ce point, je pourrai t’apporter mon support auprès de la Direction. 

‐ Ouhai… Pourquoi pas ! Mais tu as raison,  je pense qu’il est un peu tôt pour parler de ça. Dʹabord, je dois réfléchir aux répercussions pour voir si c’est faisable. 

‐ OK. Nous avons la séance de brainstorming demain avec ton équipe. Est‐ce que  tu penses que c’est  jouable pour  toi d’évaluer  les  impacts de cette nouvelle organisation d’ici là ? 

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‐ Oh là ! Comme tu y vas ? Je t’ai dit ce matin que j’étais débordé. J’ai une  trentaine de mails de retard, sans compter  les  litiges que  je dois encore valider… Pour demain c’est impossible ! 

‐ Roger, tu as entendu comme moi le Père HERMES, il attend un plan d’action  pour  la  fin  de  la  semaine  prochaine.  Ce  dossier  est  la première des priorités. En même temps, je ne te demande pas quelque chose  de  très  détaillé !  Il  faut  simplement  lister  dans  les  grandes lignes, les impacts. Ce que je souhaiterais c’est que nous abordions la question demain avec ton équipe pour qu’ils nous disent ce qu’ils en pensent. Mais  à  ce  jour,  rien  n’est  définitif.  Si  nous  nous  rendons compte que ça n’est pas possible, alors nous oublierons cette solution ! Qu’est‐ce tu en penses ? 

‐ Ok,  si  c’est  dans  les  grandes  lignes,  ça  doit  pouvoir  se  faire.  La réunion est à 14h. Au pire ça nous laisse la matinée pour peaufiner le sujet. 

‐ Bon ça me paraît bien parti tout ça ! Lança Bernard revigoré par cet entretien de désamorçage réussi. 

‐ Oui,  oui… Quand  on  y  réfléchit,  que  chacun  traite  l’ensemble du processus : c’est loin d’être aberrant… ! 

Les deux managers finirent leur repas sur un ton plus décontracté où l’actualité  sportive  avait  repris  le  dessus  sur  les  problématiques  de bureau. 

De  retour  au  siège  de  Martin’s  Garden,  Bernard  prolongea  sa recherche  de  solutions  avec  la  méthode  ASIT  et  les  différents exemples  de management  visuel  présents  dans  le  livre  de  Salomé NYX. 

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  Mardi 3 mars. Entre sa maison et le bureau, Bernard ne cessait de  repenser  au passage du  livre de BONO  qu’il  avait  relu  la  veille avant de se coucher. Dans le chapitre sur le chapeau vert, la créativité prenait forme sous le concept de pensée latérale. Cette idée de forcer notre  esprit  à  raisonner  dans  une  autre  direction  avait  du  sens.  Si l’exercice  qui  consiste  à  prendre  un  mot  au  hasard  dans  le dictionnaire,  pour  chercher  à  construire  une  analogie,  lui  paraissait fantaisiste ;  un  autre  axe  de  réflexion  avait  retenu  son  attention : « inverser  les  situations ». L’exemple  cité dans  le  livre  reprenait des concepts marketing  de  la  grande  distribution.  Inverser  la  situation s’illustrait en transformant la phrase « Le client paie le magasin » en «  Le  magasin  paie  le  client ».  Ce  simple  renversement  a  donné naissance aux coupons de  réduction  imprimés au dos des  tickets de caisse.  Bernard  testait  ainsi  toutes  les  hypothèses  dans  l’espoir  de trouver  la  solution  miracle.  Ainsi,  les  interversions  se  succédaient jusqu’à  obtenir  le  couple  gagnant :  «  Jardins  de  plaisir  »  passe  sa commande à Martin’s Garden » qui devient « Martin’s Garden passe la commande du client ». 

‐  Mais  oui !  Comment  ne  pas  y  avoir  pensé  plus  tôt ?  En  passant  les commandes  à  la  place  de  «Jardins  de  plaisir»,  la  plupart  des  problèmes disparaîtront ! Si nous connaissons  les niveaux de stock en magasin et que nous  définissons  avec  le  client,  en  fonction  des  historiques  de  vente,  les quantités de réapprovisionnement ; alors,  la demande sera  linéarisée dans  le temps. Pour  le magasin  c’est plus  simple !  Il n’aura plus de  commandes  à gérer,  ce qui  lui permettra de consacrer plus de  temps à  la vente. En plus, nous pouvons dire au revoir aux surstocks et donc aux fausses demandes de retour de garantie. De notre côté, il sera plus facile de gérer la demande, car nous  serons  en  lien  direct  avec  le marché. Et  si nous  sommes maîtres  des commandes, nous pourrons optimiser davantage  les niveaux de nos  stocks. Oh… Cette fois, je crois que je tiens LA solution ! 

Bernard  se délectait dans  sa voiture d’avoir  trouvé une  idée qui  lui paraissait  si  opportune.  Arrivé  devant  le  bâtiment,  il  se  gara rapidement et fonça directement dans  le bureau de David EUTERPI, le responsable  informatique, pour en savoir plus sur  la  faisabilité de sa solution. 

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‐  Salut  David,  comment  vas‐tu ?  Lançait  notre  manager  dans  un enthousiasme déconcertant. 

‐ Oullah… Doucement mon  cher  Bernard !  Je  viens  juste  d’arriver. Laisse‐moi t’offrir un café avant de te laisser me formuler ta requête ! 

‐  Ok,  ça  me  va.  Mais  rassure‐toi,  ce  que  j’ai  à  te  demander  ne nécessitera pas de travail… C’est juste pour information. 

‐ Vas‐y :  je  t’écoute !  Répondait David  en  cherchant  de  la monnaie dans sa veste. 

‐ Voilà,  je crois que  j’ai  trouvé  la  solution miracle pour mon projet ! Mais j’ai besoin de savoir si c’est réalisable techniquement… 

David  sortit  du  bureau  tandis  que  Bernard  lui  emboîtait  le  pas  en poursuivant sa demande. 

‐ Penses‐tu qu’il serait possible de passer les commandes de «Jardins de plaisir» à leur place. 

‐ Techniquement : oui sans problème mon ami ! 

‐ Tu me réponds oui comme ça ! Sans même y réfléchir un instant ! 

‐ Oui mon  ami. Au  risque de  te décevoir,  tu n’as  rien  inventé ! Les industriels  qui  passent  les  commandes  à  la  place  des  distributeurs cela s’appelle le VMI, Vendor Management Inventory ! Ce qui donne en  français GPA : gestion partagée des approvisionnements. Et pour en  finir  avec  les  acronymes,  il  existe  une  version  beaucoup  plus aboutie  qui  est  le  CPFR*,  Collaborative  Planning  Forecasting  and Replenishement.  Mais  tu  devrais  plutôt  aller  voir  ton  jeune remplaçant,  car  ça  fait  une  semaine  qu’il  ne me  parle  que  de  ça. Apparemment, il est en train de travailler sur la question. 

‐ Ah bon ! Mais qu’est‐ce qu’il y connaît celui‐là ? Répondit Bernard avec une part de dédain qui ne lui ressemblait pas. 

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David avait récupéré son gobelet de café avant de remettre des pièces dans la machine pour que Bernard fasse son choix. 

‐ Tiens vas‐y, prends ce que  tu veux… Tu sais, on reproche souvent aux  jeunes  leur manque  d’expérience, mais  il  faut  bien  reconnaitre une chose : c’est qu’ils sont plus ouverts au changement que nous. Tu vois  le gamin,  il a  fait un  tour aux États‐Unis.  Il s’est  rendu compte que ça fonctionnait très bien, alors  il s’est simplement dit « pourquoi pas ici ? ». 

Bernard, après une petite dose de caféine, reprit : 

‐  Tu  as  raison.  A  notre  âge  il  est  bien  difficile  de  se  remettre  en cause… Bon et bien  je vais aller voir ce petit pour qu’il me fasse une formation sur le GPS. 

David éclata de rire. 

‐  Pas  le GPS… !  La GPA  ou  le  CPFR…Remarque,  le GPS  pourrait aussi  te  servir,  car  apparemment  tu ne  sais plus où  tu habites mon pauvre Bernard ! 

Les  deux  hommes  rigolaient  aux  éclats  quand  un  régiment  de collaborateurs s’avança dans la salle pour accaparer la machine à café. 

Bernard fit un signe de la tête pour remercier David. Puis il s’éclipsa pour  obtenir  plus  d’informations  sur  la  gestion  partagée  des approvisionnements  auprès d’Eric,  son  jeune  remplaçant  au  service du Demand Planning. 

Pour  atteindre  le  bureau  du  jeune  GAUTHIER,  Bernard  devait traverser le service qu’il avait dirigé pendant tant d’années. Depuis sa nouvelle  fonction,  notre manager  n’avait  pas  eu  le  temps  de  trop penser à ses ex‐collaborateurs. Il prit quelques minutes pour échanger avec eux, mais  les deux  réunions de brainstorming qui  l’attendaient l’incitaient  à  poursuivre  son  chemin.  S’il  ne  s’était  pas  attardé  à papoter, il avait tout de même eu le temps de se rendre compte que la 

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séparation  avait  été moins  évidente  pour  son  équipe  que  pour  lui‐même. Eric s’était aperçu de l’arrivée de Bernard. Cependant, comme par respect,  il était resté dans son bureau. Il se doutait que c’était lui que Bernard venait voir. 

‐ Alors mon petit Eric, comment ça va ? J’imagine que si je ne t’ai pas vu depuis un bon mois : c’est que tout doit se passer à merveille ! 

‐ Bonjour Bernard. Ca fait plaisir de vous voir ici ! Effectivement, ça se passe un peu mieux. Merci encore pour votre aide ! Depuis que nous avons discuté ensemble,  j’ai pris un peu plus de recul. J’essaie de me tenir au courant des affaires du moment sans être  trop  intrusif dans leur  travail. Du  coup, aujourd’hui,  je perçois mieux  les missions du service et je les laisse travailler avec l’autonomie dont ils bénéficiaient avant que j’arrive. 

‐ Bon, très bien. Je vois que tu apprends vite. C’est une bonne chose… Dis‐moi, je suis venu te voir pour autre‐chose. Pour le projet « Jardins de  plaisir »,  j’avais  imaginé  un  système  où  nous  passerions  les commandes à la place des clients. Je suis allé voir David ce matin et il m’a dit que tu travaillais actuellement sur la question… Est‐ce que tu pourrais m’en dire un peu plus ? 

‐ Oui bien  sûr Bernard ! Comme vous  le  savez, dans  le programme d’intégration  que  j’ai  suivi,  j’étais  amené  à  réaliser des missions de différentes natures dans diverses entités du groupe.  Il se  trouve que j’ai  passé  les  six  derniers  mois  aux  Etats‐Unis  dans  le  service  du demand  planning.  Cette  mission  a  été  pour  moi  l’opportunité  de découvrir  le  CPFR.  C’est  une méthodologie  de  travail  en  commun entre  les  industriels que nous sommes et  les réseaux de distribution. C’est très peu connu en Europe, mais là‐bas c’est très répandu.  

‐  Dʹaccord,  mais  comment  ça  fonctionne  précisément ?  Relança Bernard vivement intéressé pour en savoir davantage. 

‐ Grossomodo  il  y  a  un  accord  qui  est  signé  entre  l’industriel  et  le distributeur  qui  définit  les  bases  du  partenariat.  Cela  inclut 

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l’engagement  des  deux  parties  à  mettre  en  œuvre  tout  ce  qui  est nécessaire  pour  faire  aboutir  le  projet.  Cet  accord  peut  intégrer également  le périmètre des  articles  concernés. Mais  ce  contrat,  c’est avant  tout  l’opportunité de discuter des modalités de confidentialité des  données,  ce  qui  représente  le  point  le  plus  sensible  pour  nos clients. 

‐ C’est tout. Un accord entre nous et le client et c’est parti ? 

‐ Oulah non… ! C’est une  fois que  l’accord est  signé que  la mise en œuvre  commence.  Il  faut  se  mettre  d’accord  sur  les  quantités  à réapprovisionner  en  fonction  de  la  typologie  du  magasin  et  des historiques  de  vente.  Et  si  cela  peut  aller  vite  sur  le  référencement permanent, il est autrement plus difficile d’évaluer les volumes sur les promotions.  Une  fois  que  les  règles  de  réapprovisionnement  sont définies,  il  est  nécessaire  de  statuer  sur  « qui  reste  maître  de  la validation de la commande »…  

Figure 5.2 Processus Simplifié du CPFR . 

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‐ Ah  bon, mais  je  ne  comprends  pas,  interrompit  Bernard.  Si  c’est l’industriel qui passe la commande, il n’y a pas besoin de validation. 

‐ Oui,  sauf  que  la  frilosité des  clients nous  amènera  certainement  à leur  envoyer  des  propositions  de  commandes  qu’ils  n’auront  plus qu’à valider. 

‐ Ah bon, mais quel est  l’intérêt pour  le client de perdre du  temps à valider des commandes dont il aura déjà validé les règles en amont. 

‐  Oui,  je  suis  complètement  d’accord  avec  vous  Bernard. Mais  du point de vue du client ça peut se comprendre. Nous pourrions abuser du système pour pousser à  la consommation et grossir  leur stock en magasin. 

‐ Bon, effectivement,  il sera  important de  réfléchir à  tout cela. Sinon côté technique, comment ça se passe ? 

‐ Oh, pour ça il n’y a pas de problèmes ! De notre côté, nous disposons déjà des mappings* EDI utilisés aux USA. Il n’y a donc plus qu’à  les installer. C’est d’ailleurs pour ça que  je me suis rapproché de David. Côté client, cela dépendra des interlocuteurs à qui nous aurons à faire. Pour la GSA, il n’y a pas de problème puisqu’ils utilisent déjà ce type de flux EDI pour les articles à forte rotation. Pour ces clients, le risque serait  qu’ils  considèrent  que  nos  produits  sont  trop  saisonniers  et qu’ils ne génèrent pas assez de volume. Ensuite dans la GSB il y a un peu de  tout. Il y a quelques gros clients qui sont bien équipés et qui commencent  à  implanter  ce  type de  processus. Mais  il  faut  bien  se l’avouer, aujourd’hui la plupart de nos clients ne travaillent pas avec ces  flux  EDI.  Pire  encore,  c’est  loin  d’être  leur  priorité.  Donc globalement,  ça  n’est  pas  terrible.  Dʹailleurs,  David  me  disait qu’aucun  client ne  lui  avait  fait  la demande  sur  ce  type d’échanges d’information. 

‐ Et spécifiquement pour «Jardins de plaisir» : tu as des infos ? 

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‐ Oui  j’ai  des  infos, mais  elles  ne  sont  pas  nécessairement  bonnes. «Jardins de plaisir» est une enseigne d’indépendants. Donc, même si le siège de l’enseigne préconise ce type de flux, chacun fait un peu ce qu’il veut chez lui. 

‐  Bon  ça  n’est  pas  gagné, mais  ça  n’est  pas  impossible  non  plus ! S’enthousiasma Bernard. Très bien. J’y vois déjà plus clair. C’est une bonne initiative que tu as prise, de travailler là‐dessus. Sincèrement, je te  tire  mon  chapeau.  Je  dois  y  aller,  je  suis  à  la  bourre  sur  la préparation de mes réunions… Dʹailleurs, ça me fait penser que je ne t’ai pas  invité à notre  réunion de demain.  Je pense que  le CPFR est une bonne piste d’amélioration. Est‐ce que  tu pourrais venir pour  le présenter devant les autres comme tu viens de me le faire ici ? 

‐ Oui sans problème. Je vais formaliser tout ça de manière un peu plus digeste  et  je vous  envoie  ça dans  l’après‐midi. Est‐ce que  cela vous convient ? 

‐ Oui parfait. Je te remercie beaucoup Eric. Allez, je te laisse. A plus. 

‐ Au plaisir. 

Bernard repassa à son bureau pour peaufiner sa présentation pour la séance de brainstorming consacrée aux problèmes du centre d’appels.  

En fin de matinée,  il fit  le point avec Roger sur  leur discussion de  la veille.  Le  manager  du  service,  après  mûre  réflexion,  pensait qu’effectivement,  il  y  avait  beaucoup  à  gagner  avec  cette réorganisation.  Pour  lui  les  choses  étaient  décidées. A  partir  de  la semaine suivante, la nouvelle organisation devrait se mettre en place. Bernard percevait  cette décision  comme précipitée, mais  il  faut dire que  le  temps  jouait  contre  lui.  S’il  voulait  que  le  client  se  rende compte des améliorations assez vite, il ne fallait pas perdre de temps dans  la  mise  en  œuvre  des  améliorations. Maintenant,  il  restait  à convaincre les collaborateurs du centre d’appels pour qu’ils adhèrent de la même façon à cette nouvelle organisation. 

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Après déjeuner. Tout le monde était présent dans la salle de réunion. Roger prit son rôle de responsable de service à cœur et introduisit le projet de Bernard avant de lui laisser la parole. 

‐ Je te remercie, Roger, pour cette courte introduction. Effectivement, nous  sommes  là  aujourd’hui  pour  que  vous  puissiez  prendre connaissance de  l’analyse que  j’ai  réalisée sur  les problématiques de «Jardins de plaisir»  et plus particulièrement  sur  les quelques  soucis que  vous  rencontrez  au  centre d’appels pour  faire  fasse  à  l’activité. Mais  je voudrais aussi profiter de  cette  réunion pour vous dire que nous  attendons  beaucoup  de  vous.  Il  est  nécessaire  que  nous trouvions  ensemble  des  idées  pour  améliorer  la  qualité  de  service perçue par  les clients, mais aussi pour vous  faciliter  la vie dans vos tâches quotidiennes. Voilà pour l’introduction. Est‐ce qu’il vous reste des interrogations sur l’objet de cette réunion ou c’est assez clair ? 

Personne  ne  pipa mot.  Bernard  déroula  pendant  une  vingtaine  de minutes  la  présentation  de  son  analyse  jusqu’à  l’ouverture  de  la séance de brainstorming. 

‐ Voilà,  j’en ai fini avec  l’analyse. Maintenant nous allons passer à  la suite. Cʹest‐à‐dire aux idées d’améliorations.  

Bernard  avança  sa présentation  à  la  slide  suivante qui  reprenait  les règles d’une séance de remue‐méninges.  

‐  Je  ne  sais  pas  si  vous  avez  déjà  participé  à  une  séance  de brainstorming, mais  voici  les  règles  à  respecter.  C’est  très  simple : nous ne sommes pas là pour juger les idées, nous sommes là pour en trouver.  Nous  déciderons  par  la  suite  quelles  sont  les  idées  qui doivent  retenir  notre  attention  et  quelles  sont  celles  qui  sont complètement absurdes. Mais  j’insiste bien pour dire qu’aujourd’hui personne ne doit donner son avis sur les idées émises. Comme je sais que vous serez  tout de même  tentés de critiquer  les nouvelles  idées, chaque personne qui fera une remarque négative sur une  idée émise par quelqu’un d’autre devra en émettre deux nouvelles. En revanche, 

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il n’est pas interdit de surenchérir sur les idées des autres ou de leur trouver des alternatives qui vous semblent plus opportunes. 

Si  jusqu’ici  l’assemblée  brillait  par  son  silence,  un  bourdonnement commençait à s’installer. Pour couper court aux discussions, Bernard reprit : 

‐ Alors,  voici  comment  nous  allons  procéder. Maintenant  que  vous connaissez  les  règles ;  je  vais  projeter  l’arborescence  des  problèmes que nous avons à résoudre. Nous passerons en revue  l’ensemble des problèmes et j’ajouterai les idées au fur et à mesure. Voilà, cette fois je pense que nous pouvons démarrer. Alors comme vous pouvez le voir, la  première  problématique  à  résoudre  est  le  nombre  d’appels  que vous recevez alors qu’ils ne vous sont pas destinés… 

Richard, le doyen du service, prit la parole : 

‐ Alors ça, depuis le temps que nous le disons… Effectivement, il est grand temps de se poser la question… 

‐ Très bien Richard, qu’est‐ce que tu proposes ? Rétorqua Bernard. 

‐  Je ne sais pas moi… Pourquoi ne pas renvoyer à  tous  les clients  la liste de  tous  les numéros de  téléphone. Au moins,  ils  les auront une fois pour toutes ! 

‐ Non, ça ne  servira à  rien d’envoyer  les numéros de  téléphone aux clients, lança Roger. 

‐ Merci Roger de  servir d’exemple à notre  règle  fondamentale… Tu viens de critiquer  l’idée de Richard… Donc  tu es  redevable de deux nouvelles idées ! Conclut Bernard sur le ton de l’amusement. 

‐ Hum, très sympa ta règle Bernard, je crois que nous allons beaucoup nous  amuser… Répondit Roger. Alors  voyons  voir,  deux  nouvelles idées…  Je  crois  savoir  qu’il  y  a  beaucoup  d’appels  pour  le  service comptabilité.  Je  ne me  rappelle pas  très  bien du message d’accueil, 

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mais  il  doit  être  formulé  d’une  façon  à  induire  les  gens  en  erreur. Peut‐être pourrions‐nous être plus précis dans les choix proposés. Au lieu de « Si vous voulez le service client tapez 3 » nous pourrions dire « Si vous avez une question à poser sur une commande, une livraison ou un litige en cours, tapez 3 ». 

‐ Merci Roger, c’est une bonne idée. Traduire les noms des services en problématiques qui parlent aux clients… Ce n’est pas bête du tout… Aurais‐tu une deuxième idée à nous formuler ? 

Roger, se prenant au jeu, poursuivit sur sa lancée. 

‐ Bah, pendant que nous y sommes sur  le téléphone,  je vois plus bas que  nous  avons  des  problèmes  pour  obtenir  le  code  des  clients  au téléphone. Peut‐être que nous pourrions profiter du  temps d’attente du client au téléphone pour lui demander de préparer les documents relatifs  à  sa  demande :  son  numéro  de  client,  son  numéro  de commande…etc. 

Bernard notait les idées en bout de branche sur le schéma heuristique qui reprenait la liste des problèmes. Puis il relança la discussion. 

‐  Ok,  continuons,  nous  reviendrons  plus  tard  sur  ce  problème  de transfert d’appels  si vous  avez d’autres  idées. Le problème  suivant, c’est qu’il y a trop d’appels des clients pour connaître les tarifs. 

La petite Emilie, qui jusqu’ici s’était fait discrète, se lança : 

‐  Oui  par  rapport  à  ça,  cela  fait  un moment  que  je me  demande pourquoi  nous  n’avons  pas  un  site  internet  pour  que  nos  clients accèdent à leurs tarifs sans avoir à nous appeler… 

‐ Ah, mais  il me semblait qu’il pouvait déjà  le faire ! Rebondit Yvan, un de ses collègues. 

‐ Roger, est‐ce que tu sais si les clients peuvent accéder à leurs tarifs à partir de notre site internet ? Lança Bernard, en quête d’éclairage. 

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‐  En  fait,  seuls  les  clients  qui  ont  un  accès  pour  passer  leurs commandes  via  le  site  disposent  de  cette  fonctionnalité.  Mais  la plupart des clients passent leurs commandes soit par fax soit par EDI. Très  peu  aujourd’hui  passent  par  le  site.  Donc  effectivement, pourquoi ne pas  leur ouvrir un accès d’office où  ils disposeraient de l’accès  aux  tarifs ?  En  revanche,  il  sera  nécessaire  de  communiquer dessus pour qu’ils soient au courant et  l’utilisent. Tiens, et pourquoi ne profiterions‐nous pas,  là  encore, du délai d’attente  au  téléphone pour  rappeler  aux  clients  qu’ils  bénéficient  de  la  consultation  des tarifs via le site internet. 

‐ Oh, mais tu es en pleine forme mon cher Roger ! Se félicita Bernard tout en prenant soin de noter l’idée. 

Le  reste  de  la  séance  de  brainstorming  se  poursuivit  dans  une ambiance très décontractée. L’équipe n’avait pas l’habitude de ce type de  réunion, mais  leur participation démontrait d’un  intérêt certain à s’exprimer  et  à  résoudre  des  problèmes  qui  les  affectaient  au quotidien. 

En  fin  de  réunion,  Roger,  le  responsable  du  service,  annonça  le changement d’organisation qui impliquait que l’ensemble de l’équipe gère le processus de A à Z. L’idée ne choqua personne. Richard avait même  repris  l’historique  de  l’organisation  pour  rappeler  que  les différents postes  étaient  le  fruit d’un  rapatriement des  fonctions de saisie  de  commande  et  de  saisie  de  litiges,  initialement  basées respectivement au service commercial et à la comptabilité. A l’écoute de ce petit rappel historique, Bernard ruminait sourdement : 

‐  Les  problèmes  d’aujourd’hui  sont  souvent  le  fruit  des  solutions apportées par le passé… 

Bernard  clôtura  la  réunion  en  remerciant  tout  le  groupe  de  leur participation.  Il  leur donna également  tous rendez‐vous pour  l’étape suivante qui consistait à évaluer l’efficacité des solutions proposées. 

 

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  Mercredi  4  mars.  C’était  le  grand  jour.  Tout  le  projet  de Bernard  reposait  sur  les  solutions  qui  seraient  apportées  lors  de  la réunion  de  10h.  Tout  le  top management  de  l’entité  France  y  était invité.  Il y aurait également David pour  la partie  informatique, Eric pour  présenter  les  avantages  du  CPFR,  la  jeune  Gabrielle  pour apporter des précisions, si nécessaire, sur les besoins exprimés dans la matrice de KANO, et le responsable compte clé Sylvain en charge du client «Jardins de plaisir». 

En début de matinée, Bernard et Eric, son  jeune remplaçant, s’étaient isolés dans  la  salle de  réunion pour peaufiner  la présentation de  la solution  du  CPFR.  Passer  les  commandes  à  la  place  des  clients représentait  une  solution  très  innovante.  Mais  comme  toutes  les innovations, une période d’évangélisation était nécessaire à la mise en pratique.  Il  était  donc  fondamental  pour  nos  deux  managers  de prévoir  les  critiques  qui  pouvaient  leur  être  opposées. Mais  il  était difficilement envisageable d’appréhender toutes les problématiques à venir étant donné qu’eux‐mêmes ne maîtrisaient pas tous  les tenants et  les aboutissants de cette nouvelle méthode de  travail. Pour pallier aux oppositions systématiques des réfractaires, et pour contourner les argumentations sans fin, Bernard aborderait la réunion à l’aide des six chapeaux de BONO. 

A  10  heures  précise,  tout  le monde  était  présent  dans  la  salle  de réunion. Certains protagonistes comme Bertrand ERIC, le responsable du contrôle de gestion, Nathalie DICET,  la responsable comptabilité, et  Emile  STEVEN,  le  responsable  marketing,  n’appréhendaient d’aucune  façon  le  niveau d’avancement du projet. Bernard  fit donc une  courte  introduction  pour  reprendre  dans  les  grandes  lignes  le fruit de  son  analyse des problèmes  rencontrés par Martin’s Garden pour assurer la qualité de service attendue par «Jardins de plaisir». 

Bernard clôtura son  introduction par  le  lancement de  la présentation du jeune Eric GAUTHIER. 

‐  Voilà  pour  les  problèmes  que  nous  rencontrons…  Lorsque  j’ai commencé  à  réfléchir  sur  les  solutions  à  apporter,  j’ai  eu  une  idée 

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lumineuse.  Pourquoi  ne  passerions‐nous  pas  les  commandes  à  la place  de  nos  clients ?  Cette  idée  n’était  pas  si  lumineuse  que  cela puisque, comme Eric va vous le présenter, cette méthode de travail est déjà utilisée dans notre entreprise aux Etats‐Unis. Je vous demande de bien être attentifs à  la présentation d’Eric.  Il va vous décrire plus en détail  en  quoi  cela  consiste  et  par  la  suite  nous  discuterons  sur l’opportunité  de  le mettre  en  place  en  France.  Eric,  je  te  laisse  la parole. 

Pendant  une  dizaine  de minutes,  le  jeune  GAUTHIER  présenta  ce qu’était  le  CPFR  ainsi  que  le  niveau  de  maturité  en  France  des industriels et des distributeurs sur ces échanges d’informations. Puis Bernard reprit la conduite de la réunion. 

‐ Je vois qu’il y en a certains qui bouillent d’impatience de s’exprimer sur tout ce que nous venons d’évoquer ! Je vais bientôt vous donner la parole, mais  avant  cela  je  souhaiterais  vous  proposer  une méthode pour cadrer cette réunion.  

Bernard avança la présentation jusqu’à la slide où étaient présentés les six chapeaux. 

‐ Je ne sais pas si vous connaissez ces six chapeaux… A voir vos têtes : j’imagine que non ! Vous allez voir, c’est  très simple ! A chaque  fois que  l’un  d’entre  nous  sera  amené  à  intervenir,  il  devra  le  faire  au prisme du chapeau qui  lui sera affecté. Comme vous pouvez  le voir, chaque chapeau correspond à un  type de  réaction bien différent. Le blanc  ne  doit  fournir  que  des  faits,  aucun  commentaire,  juste  des informations  brutes. C’est  le  chapeau  rouge  qui  vous  permettra  de dire  ce que vous  avez  sur  le  cœur. Le vert,  c’est pour  les nouvelles idées.  Le  jaune  est  le  chapeau  de  l’optimisme,  ce  qui  permettra  de trouver les avantages et les opportunités des idées avancées. Bien sûr, vous  disposez  du  chapeau  noir  pour  exprimer  vos  doutes  et  les risques que vous percevez. Enfin  le chapeau bleu, que  je porte en ce moment  même,  permet  de  conduire  la  réunion  et  de  porter  un jugement  sur  l’évolution  des  discussions. C’est  bon,  vous  êtes  tous prêts à jouer le jeu ? 

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Une  moue  dubitative  prenait  place  sur  chacun  des  visages  qui entouraient  la  table.  Marina  ZELOS,  la  directrice  générale,  se différenciait par un large sourire.  

‐ Bien vu, Bernard, pour la méthode des chapeaux… 

Puis s’adressant au reste de l’assemblée : 

‐ Vous allez voir, ce  type de discussion est vraiment  très  intéressant. Allons‐y mon cher Bernard ! Reprends  ton chapeau bleu et dis‐nous ce que tu attends de nous. 

‐ Très bien Marina. Je vois que tu connais la méthode… Alors comme vous avez pu  le voir, Eric, avec son chapeau blanc, nous a décrit ce qu’était  la  situation  sur  ce  nouveau  processus  d’échange d’informations.  Je  souhaiterais  faire  un  premier  tour  de  table  en chapeaux  rouges  pour  que  vous  me  donniez  vos  premières impressions sur ce que vous avez entendu. Attention,  je ne veux pas de  bla‐bla,  seulement  ce  que  vous  en  pensez  au  premier  abord. Marina, peux‐tu commencer ? 

Bernard savait qu’en demandant à  la directrice générale,  il prenait  le risque que tout le monde s’aligne sur sa position.  

Mais, à sa  façon de réagir sur  la méthode des chapeaux,  il percevait un a priori positif de sa part. 

‐ Je suis plus qu’emballée par cette idée ! Lança Marina. 

‐ Effectivement, nous aurions beaucoup à gagner à augmenter notre niveau de collaboration avec le client, poursuivait Bertrand ERIC. 

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Figure 5.3 Signification des Six Chapeaux de la créativité de BONO

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‐  Personnellement,  je  pense  que  cette  idée  est  complètement surréaliste ! Les clients n’accepteront  jamais de nous  transférer  leurs statistiques de sorties caisses en direct ! 

‐ Très  bien. Merci pour  ta  franchise Luc.  Sylvain,  qu’en penses‐tu ? Relançait Bernard. 

‐ C’est  vrai  que  ça me  paraît  difficile  à mettre  en  place !  En même temps, ce serait un vrai challenge. 

Le  tour  de  table  se  poursuivait  ainsi.  La  plupart  exprimaient  des doutes quant à la mise en œuvre. En revanche, personne ne remettait en  cause  les  gains  potentiels  que  cela  pourrait  dégager.  Bernard, couvert du chapeau bleu, poursuivait : 

‐ Très bien, maintenant, pourriez‐vous vous munir de votre chapeau jaune  et  me  donner  tous  les  bienfaits  de  ce  type  de  solution ? Bertrand, d’un point de vue purement  financier, qu’est‐ce que  cette nouvelle méthode de travail pourrait nous rapporter ? 

‐ Chapeau  jaune, donc  je ne dois voir que  le côté positif ? S’assura  le responsable  du  contrôle  de  gestion  avant  de  se  lancer.  J’entrevois plusieurs bienfaits : une réduction du besoin en fond de roulement du fait de  l’accélération des paiements par  la  réduction du nombre des litiges. Parce qu’entre nous, ces litiges sont souvent de bonnes excuses données  aux  clients  pour  bloquer  les  règlements.  Nous  devrions également réduire le nombre de retours dus aux erreurs de saisie, que ce soit de notre fait où même du client. Et j’imagine également que ce mode de gestion devrait nous permettre de  réduire  les  ruptures de stock en linéaire*, ce qui ne pourrait avoir qu’un impact positif sur le chiffre d’affaires. A  côté de  ça, nous devrions également  réduire  les pénalités de nos clients sur les retards de livraisons où les produits en rupture. Voilà, pour ce qui me vient à  l’esprit, mais  je dois sûrement en oublier… 

 

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Figure 5.4 Groupe de travail – Mise en œuvre du CPFR 

Pendant  que  Bernard  notait  toutes  les  remarques, Marina  reprit  la parole. 

‐  Il  est  évident  qu’avec  ce  type  de  gestion  des  commandes,  nous améliorerons sensiblement nos ventes ! Et  je suis même certaine que nous gagnerons en part de marché. Car s’il sera difficile de convaincre les clients d’installer ces nouveaux flux EDI, Bernard, excuse moi pour ce petit aparté en chapeau noir… Une fois que ce sera mis en place, les clients  ne  pourront  plus  nous  déréférencer  aussi  facilement. Dʹune part,  cette  gestion  induira  une  collaboration  plus  étroite  entre  nos équipes  et  celles de nos distributeurs. Ce  rapprochement ne pourra qu’être  bénéfique.  D’autre  part,  quand  les  magasins  se  rendront compte  qu’ils  dégagent  plus  de  chiffre  d’affaires  sans  avoir  à  se soucier de  leur niveau de  stock,  je vois mal  comment  ils pourraient prendre  un  autre  fournisseur  en  imaginant  gérer  à  nouveau l’approvisionnement du linéaire. 

‐ Merci Marina ! Est‐ce que quelqu’un d’autre  souhaiterait exprimer des points positifs que nous aurions manqué de mentionner ? 

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‐ Oui, il me semble qu’il y a encore un élément non négligeable, lança timidement Nathalie, la responsable comptabilité. C’est l’amélioration de  la marge par  la  réduction des  surstocks et des obsolètes. Si nous sommes en prise directe avec  la demande du marché,  j’imagine que nous  serons  capables de  réaliser de meilleures  prévisions de  vente. Donc,  la  production  devrait  être  plus  en  phase  avec  la  demande. Logiquement,  à  terme,  nous  devrions  donc  réduire  le  nombre  de ventes  en  déstockage  et  en  conséquence,  améliorer  notre  marge globale. 

‐ Oui  tu as  raison Nathalie,  reprit Bertrand  le contrôleur de gestion. Ça  me  fait  penser  à  un  nouveau  point  positif.  Aujourd’hui,  nous définissons un niveau de stock de sécurité assez élevé pour pallier à l’incertitude  de  la  demande.  Là  encore,  si  nous  sommes  en  prise directe avec le marché, ce niveau d’incertitude va considérablement se réduire. Si bien qu’à terme, nous pourrions aisément imaginer réduire cette  marge  de  sécurité.  Là  encore,  nous  devrions  donc  améliorer notre  besoin  en  fond  de  roulement  par  la  réduction  du  niveau  de stock à financer. Nous avons également des charges variables qui sont liées au niveau de stock. Ces charges devraient également se réduire en conséquence. 

‐ Et bien, dites‐moi ! Les  chapeaux  jaunes  sont  en pleine  forme !  Se félicita Bernard.  

‐  Oui  c’est  vrai.  D’ailleurs  personnellement  je  vous  trouve  bien optimistes, lança amèrement Luc MORIN, le responsable commercial. 

‐  C’est  le  jeu, mon  cher  Luc !  Répondit  Bernard. Mais  je  t’en  prie, attrape ton couvre‐chef noir et dis‐nous quelles sont tes craintes. 

‐  Très  bien.  Voici  ce  que  le  chapeau  noir  qui  sommeille  en  moi souhaite  signaler.  Pour  commencer,  ce  sont  toujours  les  clients  qui sont  à  l’initiative  des  nouveaux  flux  EDI.  Sur  ce  point,  nous  ne sommes jamais « force de proposition », nous ne faisons que répondre à leur attente. Régulièrement, nous leur demandons leurs statistiques de sorties caisses pour évaluer les volumes des promotions à venir. Si 

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nous parvenons parfois à les obtenir, dʹune part, cela ne concerne que quelques gros  clients de  la GSA  (Grandes  Surfaces Alimentaires)  et d’autre part, nous y dépensons une énergie considérable ! Nous avons beau  leur  faire  les yeux doux,  si nous entretenons des  relations  très cordiales, ils ne manquent pas de nous rappeler à chaque négociation que nous avons des  concurrents  en  face  et qu’ils ne veulent qu’une chose :  la meilleure  offre ! Aujourd’hui,  ils  travaillent  à  la mise  en place  de  plateformes  d’achat  en  ligne  pour  accentuer  cette concurrence et vous pensez qu’ils vont nous ouvrir les portes de leur système  d’information  comme  ça ?  Et  pire  encore  nous  laisser  la maîtrise de  leur approvisionnement et de  leur stock ? Pour moi c’est simple,  votre  solution  est  aux  antipodes  des  attentes  des  clients aujourd’hui ! 

‐ Très bien, Luc, je vois que le chapeau noir te va à ravir. J’ai bien noté tous les points que tu nous as mentionnés. Avant d’énumérer plus de points  négatifs,  pourrions‐nous  mettre  notre  chapeau  vert  pour commencer  à  entrevoir  des  solutions  aux  problématiques  soumises par Luc ? 

La  jeune  Gabrielle  paraissait  être  en  désaccord  sur  certains  points énumérés  par  le  directeur  commercial.  Elle  en  profita  donc  pour prendre la parole. 

‐ Bernard, si  je puis me permettre… Avant de prendre mon chapeau vert, je souhaiterais mettre mon chapeau blanc pour vous parler de la segmentation de marché que j’ai réalisée l’année dernière. 

‐ Oui,  je  t’en prie Gabrielle, éclaire‐nous de  tes  lumières ! La rassura Bernard avec un regard empli de complicité. 

‐  Voilà,  sur  les  différents  entretiens  que  j’ai  effectués,  je  n’ai  pas beaucoup  entendu parler d’e‐sourcing*. Même  si  certains  travaillent dessus, je n’ai pas le sentiment que cela va se généraliser à l’ensemble des gammes de produits. En  tout état de  cause, pas dans  les  toutes prochaines  années !  Concernant  le  CPFR,  j’avais  évoqué  avec  les clients  le besoin de travailler plus en collaboration et par conséquent 

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d’accroître nos échanges d’informations. Il apparaît que la GSA et les plus  gros  intervenants  de  la  GSB  sont  très  intéressés.  Même  si aujourd’hui ce type de flux EDI se  limite à quelques gammes à forte rotation, ils sont convaincus que l’amélioration de leur taux de service passera nécessairement par un  rapprochement de nos équipes. Mais attention,  cette vision‐là  est  surtout présente  en  centrale. Plus on  se rapproche  du  terrain  et  plus  les  gens  se montrent méfiants,  voire récalcitrants.  Vis‐à‐vis  des  plateformes  logistiques,  certains  ont  le sentiment que nous nous substituerions à eux. Et dans  les magasins c’est  pire,  car  les  responsables  de  rayons  ont  peur  de  perdre  leur emploi. Donc,  il  faut  bien  être  conscient  qu’à  chaque  niveau  de  la chaîne  logistique,  la  perception  de  ce  mode  de  gestion  est  très différente.  Je parlais des  clients  les plus avancés dans  l’optimisation de leur organisation. Je voudrais dire que pour  les autres clients, qui sont moins  structurés,  comme  «Jardins  de  plaisir»,  les  choses  sont encore plus délicates, car chacun a son mot à dire dans les décisions. Et quand on demande l’avis de tout le monde, chacun prêche pour sa paroisse  sans  nécessairement  rechercher  l’intérêt  général.  Cela s’illustre par  exemple  sur  les  libertés prises  sur  le  référencement de tout ou partie d’une gamme de produits alors que la centrale a fait le choix d’un plan de vente. Voilà pour l’état des lieux. Maintenant, je ne sais pas si je pourrai mettre mon chapeau vert aisément et trouver des solutions à toutes ces problématiques, mais une chose est sûre, si nous devons convaincre nos clients de l’implantation de ces nouveaux flux EDI, cela passera nécessairement par une évaluation des gains. Voire même par un engagement sur ces gains ! 

Daniel OURANOS, le sponsor du projet, prit la parole au vol. 

‐ Gabrielle,  je crois que tu tiens  là un point  important ! Nous devons vendre  ce  nouveau mode  de  gestion  des  commandes  comme  une offre‐produit avec une argumentation préétablie pour chacun de nos interlocuteurs,  mais  aussi  les  retombées  financières  qu’ils  sont  en droit d’attendre. Pour que nous soyons plus percutants, et que nous ayons  un  argumentaire  solide  et  entendu,  je  propose  que  ce  soit  le service marketing qui prenne en charge ce travail. 

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‐ Ça me va ! Lança Emile STEVEN,  content d’avoir une occasion de valoriser le travail de son service. En revanche Bertrand, nous aurons besoin de ton aide pour la partie valorisation des gains. Nous aurons également  besoin  de  la  présentation  que  tu  nous  as  faite,  Eric,  en début  de  réunion.  Et  Bernard,  si  tu  pouvais  nous  faire  parvenir  le compte rendu de cette réunion rapidement, je pense que ce sera aussi d’une grande aide pour nous. 

‐ Bien sûr Emile, nous ferons le nécessaire pour t’apporter l’aide dont tu as besoin. 

‐ En revanche, Bernard, si  je puis me permettre. Objecta Bertrand,  le contrôleur  de  gestion.  Je  ne  pourrai  réaliser  aucune  évaluation financière  sans  informations  de  la  part  des  clients.  Il  faudrait connaître leur niveau de stock, leur taux de service… 

‐  Oulah !  Je  ne  pense  pas  qu’il  soit  nécessaire  de  leur  faire  une évaluation au centime prêt,  lança Bernard en coupant  la parole. Eric viendra  te voir. Nous disposons déjà d’un ordre d’idée sur  les gains obtenus lors de la mise en place du CPFR aux Etats‐Unis. Je pense que nous  pourrons  partir  sur  cette  base.  L’idée,  c’est  de  construire  un argumentaire. S’ils sont OK pour faire un test, alors nous réaliserons une prévision plus précise. 

‐ OK. Ça me va ! Hocha Bertrand de la tête. 

Marina, qui écoutait attentivement jusquʹici, prit la parole : 

‐ En  tant que chapeau noir,  je voudrais attirer votre attention sur un point  important.  L’idée  de  ce  CPFR,  si  j’ai  bien  compris,  c’est d’augmenter  le  niveau  de  collaboration  entre  nos  équipes  et  nos distributeurs  afin  de  prévoir  au  mieux  les  besoins  des consommateurs.  Une  fois  les  paramètres  définis  en  commun,  le processus d’approvisionnement revient à notre charge… 

Bernard et Eric hochèrent la tête avant que Marina reprenne. 

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‐ A mon  sens,  c’est  la  collaboration  avec nos  clients  qui  induit une prise en charge de  leur approvisionnement et pas  le contraire. Donc personnellement,  je  pense  qu’il  serait  préférable  de  vendre  le  côté « gagnant gagnant » plutôt que de leur faire croire que tous les gains sont pour eux. Je serais partisane pour que tout l’argumentaire repose là‐dessus.  Et  je  pense  même  que  l’évaluation  des  gains  doit  être réalisée de manière transparente chez nous comme chez eux. 

‐  Attends, mais  c’est  très  risqué  de  faire  ça !  Lança  Luc Morin  le responsable commercial. Quelle sera notre marge de manœuvre  lors des négociations, s’ils savent parfaitement ce que nous gagnons ? 

‐  Il  ne  s’agit  pas  de  cela  Luc !  Il  s’agit  d’évaluer  les  gains  de  ce nouveau  process  de  manière  transparente  pour  eux  comme  pour nous. Si nous augmentons les ventes par la réduction des ruptures de stock, que ce soit nous ou le distributeur, nous avons tous à y gagner. De  la même  façon,  si  nous  réduisons  les déstockages,  notre marge, comme  la  leur,  va  s’améliorer.  Et  je  pense  que  c’est  cette  idée  du « gagnant gagnant » qu’il faut mettre en avant. A côté de cela, je pense qu’il  est  nécessaire  de  blinder  l’aspect  juridique.  Si  nous  leur proposons  un  contrat  de  collaboration  qui  porte  particulièrement attention  à  la  confidentialité  des  données,  je  pense  qu’ils  y  seront sensibles ! 

‐ Tu as  raison Marina,  l’aspect  juridique sera surement un point clé, appuya  Bernard.  Est‐ce  qu’il  y  a  d’autres  éléments  à  prendre  en considération ? David, on ne  t’a pas beaucoup  entendu parler. Côté technique, est‐ce que tu as des craintes à formuler ? 

‐ Comme je te l’ai déjà dit hier, en préparation de cette réunion, il n’y a  pas  de  problème  technique  puisque  les  mappings  sont  déjà existants. La crainte que j’ai à formuler concernerait plutôt le degré de priorité de  ce projet  chez nos  clients. Aujourd’hui,  j’ai un mal  fou à mobiliser mes interlocuteurs chez les clients pour mettre en place des flux  EDI.  Quand  il  s’agit  des  flux  qui  les  intéressent,  comme  les factures,  il  n’y  a  aucun  souci. En  revanche  quand  cela  concerne un flux  qui  a  priori  est  plus  bénéfique  pour  nous,  là  ils  sont  moins 

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réactifs. Donc à mon  sens,  si  ce  type de  flux doit  être mis  en place, l’implication du top management est une nécessité. 

‐ Nous  sommes d’accord ! Approuva Marina. D’ailleurs,  je  veillerai personnellement à ce que  les choses avancent comme  il se doit. Et  il est  évident  que  nous  devons  entraîner  les  clients  dans  la  même dynamique. 

‐  Et  bien,  écoutez !  En  tant  que  chapeau  bleu  je  tiens  à  tous  vous féliciter et à vous remercier d’avoir joué le jeu. Nous avons beaucoup avancé et j’en suis très heureux. 

 

 

Figure 5.5 Extrait du Tableau d’évaluation des solutions proposées  

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La  réunion  clôturée,  les  protagonistes  continuaient  de  discuter  des opportunités du CPFR. Bernard était ravi du succès de  la réunion. A n’en pas douter, les chapeaux avaient leur part de responsabilité dans cette réussite. 

Bernard passa  son après‐midi à  la  rédaction du compte  rendu de  la réunion. Le reste de  la semaine serait consacré à  l’obtention des avis de chacun sur la faisabilité et l’efficacité des solutions envisagées lors des deux réunions de brainstorming. Enfin avant de partir en week‐end,  il  lui  fallait  encore  travailler  sur  le  plan  d’action  à mettre  en œuvre pour être en capacité de le présenter lundi, à la première heure, devant le top management. 

    

 Figure 5.6 Matrice d’évaluation Efficacité / Faisabilité. 

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  Samedi 7 mars. Bernard méritait bien le paisible week‐end en famille  qui  l’attendait.  Sa  fille  Eglantine  et  son  compagnon  Greg devaient  les rejoindre dans  leur maison de campagne située dans un petit village au pied du Mont Ventoux. 

Dans  la matinée, Bernard avait trouvé  le courage de faire un tour de vélo. Pendant  ce  temps, Eloïse  avait  fait deux  trois  bricoles dans  la maison  et  le  jardin. A  11h,  nos  deux  amoureux  étaient  devant  les fourneaux pour préparer un somptueux repas à leurs convives. 

Quand  les  jeunes  tourtereaux arrivèrent à 12h30,  tout était déjà prêt sur la table du jardin. Eglantine étincelait de joie de vivre dans sa robe printanière  rouge  coquelicot.  Gregory,  son  apollon  au  physique élancé, avait opté pour une  tenue « bobo » :  jeans, basket, chemisette avec  le  pull  à  cheval  sur  les  épaules. Une  insouciante  harmonie  se dégageait des deux jeunes gens. 

‐ Hum… Qu’est‐ce que  ça  sent bon ! S’enthousiasma délicieusement Eglantine. 

‐ N’est‐ce pas, ma fille ? Répondit chaleureusement Bernard. 

Eloïse,  qui  revenait  de  la  cuisine  avec  les  serviettes,  invita  tout  le monde à prendre place. 

‐ Ah. Qu’est‐ce que ça  fait du bien de pouvoir manger à  l’extérieur ! S’extasia Bernard. 

‐  Effectivement,  c’est  un  vrai  régal !  Enchérissait  le  jeune  Greg  en manque de contenance. 

‐ Tiens Eglantine, je t’en prie, prends un peu de charcuterie, fit Eloïse pour lancer les festivités. 

‐ Oh non,  je te remercie Eloïse, mais si  je veux pouvoir me mettre en maillot de bain cet été il faut que je surveille ma ligne dès maintenant. 

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‐ Tu rigoles ma fille ? Tu es parfaite ! 

‐ C’est ce que  je n’arrête pas de  lui dire, mais elle ne m’écoute pas ! Surenchérissait son compagnon. 

‐ Mais vous arrêtez oui ?  Je  fais 58 kilos pour 1,65 m !  Je sais que ça n’est pas mon poids idéal. Et puis ce serait possible de passer à autre chose ? Je vais prendre de la salade et ça ira très bien ! Lança Eglantine en tirant la langue avant de se servir et de poursuivre. 

‐ P’pa, tu ne voudrais pas plutôt nous parler de ton projet ? Comment ça se passe ? En quoi ça consiste exactement ? 

‐ Oh, ma chérie je ne suis pas sûr que ce soit le moment ! Et puis je ne suis pas sûr que vous trouviez ça très intéressant… 

‐ Pourquoi Bernard ? Lâcha Eloïse. Au contraire, vue l’énergie que tu y mets, je ne vois pas comment ce ne pourrait pas être intéressant. 

‐ Très bien. Je vais essayer de vous expliquer, dans les grandes lignes, en quoi consiste mon nouveau travail. Je dois améliorer la qualité de service  apportée  à  l’un  de  nos  clients.  Et  pour  cela,  j’utilise  une méthodologie bien spécifique qui s’appelle le Lean Six Sigma. 

‐ Le Lean Six Sigma ? S’interrogea Eglantine. 

‐ Oui ma chérie, le Lean Six Sigma. C’est une méthode qui se déroule en 5 étapes. La première consiste à définir le problème, la deuxième à le mesurer. Ensuite il faut analyser les sources du problème. Une fois que celles‐ci sont identifiées, c’est la phase d’amélioration. Et après la mise  en  œuvre  des  améliorations,  la  dernière  étape  consiste  à contrôler  le  nouveau  processus.  Voilà,  vous  savez  tout !  Ah  oui, dernier point  important : pour chacune des étapes,  il y a une palette d’outils  disponibles  à  mettre  en  œuvre  selon  les  problématiques auxquelles nous sommes confrontés. 

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Eglantine était pendue aux lèvres de son père. Intriguée par la courte introduction, elle challengea Bernard pour en savoir plus : 

‐ Tu n’aurais pas un exemple à nous donner, histoire que ce soit un peu plus parlant ? 

‐  Tiens,  bah…  Prenons  ton  poids  par  exemple !  Lâcha  Bernard  en rigolant. 

‐ Ok P’pa. Vas‐y, je t’écoute ! 

‐  Très  bien.  Alors  dans  la  première  étape  tu  dois  formaliser  ton problème en considérant  la voix du client. Donc dans ton cas,  il faut connaître ton client. Vue ta réaction tout à l’heure, de mon avis, ainsi que celui de Greg, nous ne sommes pas tes clients… Alors est‐ce que tu sais pourquoi, ou pour qui, tu souhaites perdre du poids ? 

‐ Bah,  je ne  sais pas. Simplement parce que  ce n’est pas mon poids idéal ! 

‐ Ton poids idéal vis‐à‐vis de quoi ? 

‐ Et bien, je me rappelle au collège, notre prof de physique nous avait donné une  formule pour  calculer notre poids  idéal. Pour  les  filles  il faut prendre la taille, retirer le 1 et diminuer de 10 la valeur qui reste. Donc pour moi qui fais 1,65 m : mon poids idéal est de 55 kilos. 

‐  Super.  C’est  parfait.  Donc  tu  te  réfères  aux  standards  du marché…Heu aux standards de beauté !  

Bernard rigolait tout seul de sa blague. 

‐ Eh bien P’pa,  tu as mangé un clown au petit déjeuner, dis‐moi ! Se libéra Eglantine. 

Eloïse, qui s’intéressait à la méthode, relança Bernard : 

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‐ La phase de définition s’arrête là ? 

‐ Non. Dans  cette  étape,  c’est  également  l’occasion de  formaliser  le processus  et  de  constituer  l’équipe  projet.  Pour  ton  problème  de poids, Eglantine, nous pourrions  imaginer que  tu prennes un  coach pour  te  suivre  sur  le  projet.  Tu  pourrais  également  consulter  un diététicien.  Bref,  dans  le  cadre  d’un  projet  LSS  tu  chercherais  à t’entourer des personnes qui seraient susceptibles de te venir en aide. 

‐ Pour l’instant, je suis. Ensuite qu’est‐ce qu’il se passe ? 

‐ Une  fois que  ton projet est défini,  tu passes à  la phase de mesure. C’est  ici  que  tu  vas  définir  l’indicateur  en  phase  avec  le  besoin exprimé par la voix du client. Dans ton cas, nous retiendrons le poids. Mais nous aurions également pu retenir l’indice de masse corporelle. Tu comprends ? 

‐ Oui, oui ! Acquiesça Eglantine. 

Greg, à côté, mangeait sans piper mot. Il savait que toute intervention de  sa  part  aurait  été  mal  interprétée.  Pendant  ce  temps,  Bernard poursuivait : 

‐ Donc ton indicateur c’est le poids. Ton objectif c’est 55 kilos. Pour les seuils de tolérance, disons que tu t’accordes plus ou moins deux kilos d’écart… 

‐ Comment ça, je m’autorise plus ou moins deux kilos d’écart ? Coupa Eglantine. 

‐ Ton objectif  c’est 55 kilos, mais  tu es d’accord avec moi que  tu ne peux  pas  faire  constamment  ce  poids !  Donc,  pour  pallier  aux variations inhérentes à tous processus, on admet une marge que  l’on considère comme acceptable. Mais si deux kilos ça te paraît trop, nous pouvons réduire cette marge à 1 kilo. Après tout : c’est toi le client de ton projet ! 

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‐ Oui,  je préfère  55  kilos plus  ou moins un  kilo. Ça me paraît plus cohérent ! 

‐  Très  bien,  alors  partons  là  dessus. Maintenant,  dans  l’idéal,  nous devrions mesurer  ton niveau 6 sigma actuel. Mais pour cela,  il nous faudrait ton poids de manière régulière sur une période relativement significative… 

‐ Non P’pa désolée, mais je ne note pas mon poids à chaque fois que je me pèse. 

‐ Ok, est‐ce que tu as une idée du nombre de fois où tu faisais entre 54 et 56 kilos sur l’année qui vient de s’écouler ? 

‐ Sur  l’année qui vient de s’écouler : aucune fois malheureusement… Ça oscille plutôt entre 57 et 59 kilos… 

‐ Bah c’est parfait, comme ça c’est encore plus simple ! 

‐  Tu  te  fous  de moi  ou  quoi !  Lança  Eglantine  faisant mine  de  se mettre en colère. 

‐ Non,  je dis  juste que c’est plus simple pour calculer  ton niveau Six Sigma.  Comme  tu  n’as  enregistré  aucune  mesure  dans  les spécifications de ton indicateur, tu es à 0 sigma. 

‐ Ok, tout est à faire alors ! Se résigna la jeune femme. 

‐ Oui, on peut dire ça comme ça… 

‐ Donc  la  phase  d’analyse  permet  dʹidentifier  l’objectif,  et  la  phase mesure, de le quantifier ? Essaya de synthétiser Eloïse. 

‐ Oui, c’est à peu près ça ma chérie. Mais il y a un autre point qui est important  dans  la  phase  de  mesure,  c’est  l’étape  qui  consiste  à s’assurer de  la qualité du système de mesures. Par exemple, si  tu  te pèses le matin et le soir il y a des chances que dans la même journée il 

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y ait des disparités entrent les différentes mesures. De la même façon, si  tu  te pèses dans  la même  journée chez  toi, chez  le docteur et à  la pharmacie,  tu  risques d’obtenir  trois  résultats différents. Pour éviter ces problèmes, la phase de mesure doit valider la qualité du système de mesures. Dans  ton projet, nous pourrions  imaginer que  tu ne  te pèses qu’une fois par semaine, le samedi matin, et uniquement sur ta balance  personnelle.  Ainsi,  tu  serais  sûre  que  la  variabilité  de  tes résultats ne serait pas la conséquence d’un problème de mesure. 

‐  Pas  bête !  Lança  Grégoire  sans  s’en  rendre  compte.  Bernard poursuivait : 

‐ Ensuite, il y a la phase d’analyse. Dans cette étape, tu vas définir les principales  causes  de  ton  problème.  Comme  tous  les  jeunes d’aujourd’hui,  les  causes  de  ton  surpoids,  si  je  puis  dire,  sont sûrement  le manque de sport et  les repas déséquilibrés. N’est‐ce pas ma chérie ? 

‐ Oui, disons ça comme ça… S’accorda Eglantine. 

‐ Alors si nous avons trouvé les causes principales, il faut maintenant remonter aux causes initiales de ces problèmes ! 

‐ Cʹest‐à‐dire, les causes initiales ? 

‐ Et bien, ce qui induit que tu manges déséquilibré et que tu ne fasses pas de sport. 

‐ C’est  simple,  je  n’ai  pas  le  temps ! Quand  je  rentre  le  soir  je  suis crevée ! Je n’ai ni envie de préparer de bons petits plats, ni  le goût à me  faire un petit  jogging. Et  le midi  c’est pareil,  comme  je n’amène rien à manger de  la maison,  je mange au  restaurant…Forcément,  ça n’arrange rien ! 

‐ Effectivement ma chérie, mais tu sais on a le temps qu’on se donne… Par  exemple,  j’imagine  que  tu  dois  facilement  trouver  le  temps  de manger du chocolat entre les repas. 

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‐  Oui,  mais  le  chocolat  c’est  bon  pour  la  santé  P’pa !  Répondit Eglantine sur un ton espiègle.  

‐ OK. On ne va pas repenser ton mode de vie aujourdʹhui, mais il faut que tu sois consciente que tu n’obtiendras rien si tu ne changes rien. Passons à la phase d’amélioration. 

‐ Attends ! Ne bouge pas mon chéri, lança Eloïse. Je vais chercher de quoi prendre des notes. 

Tout le monde à table se mit à rire. C’était pour Bernard l’occasion de se servir un petit verre de rosé pour se désaltérer et d’ingurgiter un morceau de terrine de lapin. Sa femme de retour, il reprenait où il en était. 

‐  La  phase  d’amélioration  disait‐on…  Tu  pourrais  par  exemple t’interdire de manger  entre  les  repas… Mais  c’est plus  facile  à dire qu’à  faire…  Déjà,  tu  disposes  des  outils  basiques  du  Lean.  Pour commencer,  tu  as  le  management  visuel.  Je  me  rappelle  d’une émission  où  on  avait  montré  une  pyramide  alimentaire.  Cela  te permet  de  visualiser  rapidement  ce  que  tu  peux  manger  et  les aliments  sur  lesquels  tu  dois  te  restreindre.  Tu  pourrais  reprendre cette pyramide et t’aménager un planning sur une semaine complète pour  t’assurer  que  tu  ne  dépasses  pas  les  quantités  prescrites.  Un autre  outil  du Lean  s’appelle  le  Poka‐Yoke. C’est  un  accessoire  qui physiquement,  t’empêche  de  faire  des  erreurs.  Par  exemple,  c’est utilisé  pour  toutes  les  prises  que  nous  utilisons  au  quotidien. Typiquement,  tu  ne  peux  pas  te  tromper  et  mettre  une  prise  de téléphone  dans  une  prise  électrique…  Dans  ton  projet,  un  anneau gastrique pourrait constituer un beau Poka‐Yoke, mais je ne pense pas que ton cas soit aussi alarmant que cela… 

‐ Oui merci P’pa. J’apprécie ta perspicacité ! Salua Eglantine. 

‐ Mais de rien ma chérie. Répondait Bernard ironiquement. Non plus sérieusement, qu’est‐ce que nous pourrions trouver comme solutions créatives… 

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Figure 5.7 Exemple de management visuel.

 

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Bernard se remémorait la méthode ASIT et la formulait à voix basse : 

‐ Le monde de la solution est identique au monde du problème. Seul le  facteur  aggravant  devient  un  facteur  neutre  ou  un  facteur bénéfique… 

‐ Pourrais‐tu nous faire partager ta réflexion ? Lançait Eloïse intriguée. 

‐ Oui,  il y  a une méthode de  créativité qui  consiste  à  imaginer une solution qui  inverse  les données du problème. Dans notre  exemple, cela  consisterait  à  trouver  une  solution  où  plus  tu  mangerais, Eglantine, et plus tu perdrais du poids.  

‐ Oui, bien sûr ! Emit Eglantine, toute dubitative. 

‐ Ca y est  je  l’ai ! S’écria Bernard. La solution serait de  te faire payer une amende de 5 euros pour chaque morceau de chocolat. Et une fois que  tu  aurais  15  euros,  tu  serais  obligée  de  faire  une  séance  de badminton  ou de  squash,  à  ta  convenance, pour perdre  les  calories dues à tes écarts de conduite. 

‐ Ah, ce n’est pas bête ça ! S’aventura à dire le jeune Grégoire. 

‐ Ouhai c’est bon toi ! Tu n’as pas besoin de la ramener. Et puis si j’ai à faire du sport,  j’ai bien peur que tu sois également de corvée ! Alors, ne rigole pas trop vite. 

‐ Mais  oui  ma  chérie  d’amour.  En  même  temps,  je  pense  que  tu devrais écouter ton père. Il a de très bonnes idées. 

‐ Je ne fais que ça… Vas‐y P’pa, continue je suis tout ouïe. 

‐ Oui.  Pendant  les  repas,  tu  pourrais manger  des  aliments  dont  la quantité n’influerait pas sur  ton poids. Par exemple des  fruits et des légumes qui sont très légers en calorie, mais là, je ne t’apprends rien. Maintenant si je faisais un peu de systémique, je te dirais que quelles que soient  les contraintes que  tu vas  t’imposer pour  tenir une  forme 

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olympienne… Si tu ne changes pas ta philosophie de vie, un  jour ou l’autre,  tu  reviendras à  tes habitudes actuelles et  tu perdras  tous  les bénéfices de tes efforts. 

‐ Tu es en train de m’expliquer qu’il ne suffit pas d’instaurer ce type de  règle  pour  être  tranquille  de  manière  définitive ?  Mais  alors comment tu fais de ton côté pour être sûr de résoudre  les problèmes de manière durable ? 

‐  Tu  touches  là  un  point  fondamental.  Pour  améliorer  de  façon irréversible un problème,  il  faut  changer  la  structure du  système  et non les comportements. 

Eloïse, les yeux grands ouverts, cherchait à comprendre. 

‐ Dis‐moi mon chéri, je crois que j’ai décroché au milieu de ta dernière phrase. Est‐ce normal ? Lança‐t‐elle en fronçant les sourcils. 

‐ Ok, je vais essayer d’être plus clair : c’est la structure du système qui influe  sur  les  comportements  et  non  le  contraire.  Donc  si  on  veut changer  les  comportements  de  façon  durable,  il  faut  modifier  la structure du système plutôt que tenter de modifier les comportements des individus qui le constituent. 

‐ Oui bien sûr. Et là, tu étais censé être plus clair ? 

‐ Ok,  je  reprends avec un exemple qui  je  l’espère vous paraîtra plus concret.  Est‐ce  que  vous  avez  remarqué  à  quel  point  la  route  est sinueuse  sur  les  dix  derniers  kilomètres  qui  nous  mènent  à  cette maison ? 

‐ Oui ne m’en parle pas ! Les quinze dernières minutes de  ce  trajet sont plus éprouvantes que  les deux heures d’autoroute précédentes, lança Eloïse plus concentrée que jamais. Mais où veux‐tu en venir ? 

‐  Et  bien,  qu’est‐ce  qui  d’après  vous  a  influencé  le  tracé  de  cette route ? 

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Une moue dubitative envahissait les visages autour de la table. Greg, relativement absent jusque‐là, tenta une réponse. 

‐ J’imagine que ce sont, tout simplement, les chemins d’antan qui ont été goudronnés. 

‐ Oui précisément Greg. Mais alors, qu’est‐ce qui a influé sur le tracé de ces chemins d’antan ? 

‐ Bon allez, accouche ! S’énerva Eglantine. 

‐ Et bien ce sont les vaches pardi ! Rétorqua Bernard. 

‐ Tout ça pour ça ! Tu te fiches de nous mon chéri, reprit Eloïse avant de poursuivre sur sa  lancée. Mais attends, tu viens de nous dire que c’est  la structure qui  influence  les comportements et pas  le contraire. Tu te contredis là ! Car si ce sont les vaches qui ont tracé le chemin, ce sont bien celles‐ci qui ont formé le chemin et ont donc décidé de son tracé... 

Bernard se mit à rigoler, avant de repartir dans ses explications : 

‐ Ah  bon ! Dis  donc,  quelle  considération  tu  as  pour  octroyer  aux vaches  un  tel  pouvoir  de  décision ! Non,  plus  sérieusement,  si  les vaches ont dessiné et fini par emprunter de manière aussi régulière ce sinueux  chemin,  c’est que  la  structure du  terrain  les  a  contraintes  à agir ainsi. On peut aisément  imaginer que pour  le premier passage, les vaches se sont simplement évertuées à éviter  les quelques pierres sur  leur  chemin,  qu’elles  ont  contourné  les  nivellements  qui  leur auraient demandé trop d’efforts et même les zones trop dures ou très boueuses. Suite à plusieurs passages de  la  sorte,  le chemin devenait davantage confortable et nécessitait de moins en moins d’efforts. C’est ce qu’on appelle « le chemin de la moindre résistance ». 

‐ Hum, très intéressant ! Mais tu n’aurais pas un exemple plus proche de notre quotidien ? Questionna Eglantine. 

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‐ Bien sûr. Les chemins de  la moindre résistance sont partout autour de nous. Par exemple, la spécialiste du marketing que tu es, n’est pas sans  savoir  que  les  sols  des  grandes  surfaces  sont  nivelés  de  telle façon  à  ce  que  les  clients  aillent  tout  naturellement  au  fond  du magasin.  Et  quand  les  clients  connaissent  un  peu  trop  bien  où  se situent  les  rayons,  la  structure  d’organisation  des  linéaires  est modifiée  afin de  s’assurer que  les  clients passent bien partout pour qu’ils soient plus enclins à réaliser des achats d’impulsion. A propos de ça, les têtes de gondole : n’est‐ce pas là un bel exemple de chemin de  la moindre  résistance ?  Et  Ikéa,  qui  t’oblige  à  traverser  tout  le magasin… 

‐ Tu veux dire que quand on va faire nos courses nous ne sommes pas plus intelligents que des vaches au milieu d’un pré ? S’inquiéta Eloïse. 

‐ Ça ne  serait pas ma  conclusion. Et puis  il est  toujours possible de prendre conscience de cette structure et de la contourner si besoin. 

‐  Oui  c’est  vrai  P’pa !  D’ailleurs  chez  Ikéa,  tu  peux  prendre  des raccourcis. 

‐  Bien  sûr  ma  chérie,  mais  prendre  les  raccourcis,  c’est  sortir  du chemin de  la moindre  résistance. Certes  tu peux  le  faire mais  tu  te confrontes à plusieurs risques : celui de revenir en arrière, celui de te retrouver  à  contre  sens,  ou  celui de  ne  jamais  arriver  au  rayon  qui t’intéresse… Bref si tu t’y aventures, il y a de bonnes chances pour que la prochaine fois tu reviennes à une situation plus confortable… Celui du chemin de la moindre résistance ! 

‐ OK.  J’ai bien  compris. C’est  la  structure du  système qui  induit  les comportements et non le contraire… Alors qu’est‐ce que cela signifie dans mon cas. 

‐ Je te  l’ai déjà dit ma chérie. Il faut que tu adoptes un nouvel art de vivre. Tu peux commencer par ce que nous avons trouvé comme idée, mais  à  terme,  il  sera  nécessaire  que  le  sport  et  les  repas  équilibrés 

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deviennent aussi naturels que tes excès de chocolat et de restaurant le sont aujourd’hui. 

‐ Oui,  c’est  l’effet yoyo  en gros… C’est  tout… ! La méthode  s’arrête là ? Sonda Eloïse. 

‐ Non pas tout à fait. Ensuite il y a la phase de contrôle. Lors de cette dernière  étape,  tu  dois  constater  dans  le  temps  si  les  améliorations apportées te permettent d’atteindre les objectifs que tu avais fixés. Par exemple,  je  te  conseillerais  de  tracer  deux  axes  sur  une  feuille  à carreau. En abscisse, tu listes  les numéros des semaines à venir et en ordonnée, tu fais une échelle de poids qui va de 53 à 60 kilos. Après chaque pesée, tu ajoutes un nouveau point à ta courbe. Ainsi, semaine après semaine, tu te rendras compte du fruit de tes efforts. 

‐ OK. Pourras‐tu m’envoyer un petit récapitulatif par mail ? Car je ne suis pas sûre de tout retenir. S’inquiéta la fille de Bernard. 

‐ Bien sur ma chérie. Je t’enverrai ça dimanche soir à notre retour. Et comme ma chère Eloïse a  tout noté,  tu seras certaine d’avoir  tout en main  pour  réussir  ton  régime ! Mais  de  mon  côté,  je  n’ai  pas  de problème de surpoids, alors je vous propose de reprendre la parole. A tant parler j’ai attrapé la fringale… 

Pendant  que  Bernard  se  chargea  de  son  assiette,  les  trois  autres poursuivaient la discussion sur un tout autre sujet, la destination des prochaines vacances. 

Le reste du week‐end fut tout aussi paisible. Notre manager profitait, autant que faire se peut, de ces moments de plénitude. 

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  Lundi  9 mars. C’était  armé  d’un  grand  sourire  que  Bernard faisait  face  au  top  management.  Dans  l’assemblée :  Christian HERMES, Marina ZELOS, Luc MORIN et Daniel OURANOS restaient très attentifs  tout au  long de  la présentation de notre chef de projet. Après  une  demi‐heure  de  présentation  du  plan  d’action,  Bernard concluait ainsi. 

‐ Voilà le plan d’action tel qu’il est prévu. Je dois vous avouer que  je suis très fier des résultats obtenus lors de ces deux dernières réunions. Tout le monde a joué le jeu. Dʹailleurs, j’en profite pour vous dire que toutes  les échéances qui  sont mentionnées  ici  sont des engagements fermes  de  la  part  des  responsables  de  service.  Tous  savent  que  ce projet est aujourd’hui  stratégique.  Je ne  suis donc pas  inquiet  sur  le respect de ces échéances. Concernant  la mise en place du CPFR avec le client «Jardins de plaisir», une grande  inconnue subsiste. Nous ne savons pas  s’ils  seront prêts  à  s’investir  autant que nous dans  cette nouvelle  forme de collaboration. Avant d’aller à  leur rencontre pour leur proposer  ce projet,  il me  semble que nous devrions  savoir  très précisément les concessions que nous sommes prêts à leur faire… 

Marina emboîta le pas sur Bernard. 

‐  Oui,  tu  as  tout  à  fait  raison.  Il  faut  que  nous  sachions  très précisément ce que nous pouvons leur proposer. Comme je le disais la semaine  dernière,  il  faut  que  nous  mettions  en  avant  les  gains respectifs. Car  si  de  notre  côté  nous  avons  tout  à  y  gagner,  il  faut également  leur  faire  comprendre  qu’eux  aussi  peuvent  en  tirer  des avantages. 

‐  A‐t‐on  une  estimation  des  gains  de  ce  mode  de  gestion  des commandes ? Interrogea Daniel. 

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Figure 5.8 Plan d’action à mettre en œuvre. 

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‐ Oui. Avec Bertrand et Eric, nous avons travaillé sur une estimation à minima qui nous amène à penser que nous pourrions gagner 2 points de  taux de service et une augmentation de 20% du chiffre d’affaires liée au  respect des plans de vente et à  la  réduction des  ruptures en linéaires. Nous  avions  imaginé  d’autres  gains,  comme  les  coûts  de détention des stocks par exemple, mais nous ne sommes pas sûrs que l’utilisation de cette méthode pour un seul client ait un  impact assez important  pour  constater  des  gains  significatifs  sur  l’ensemble  de notre  structure  de  coûts.  Ces  deux  points  de  taux  de  service  et l’augmentation de 20% du chiffre d’affaires, sur les 20% des magasins «Jardins de plaisir» qui représentent 80% du chiffre d’affaires réalisé sur cette enseigne, permettraient de générer une marge opérationnelle supplémentaire de 620 000 euros. 

‐ A minima ? Mais c’est énorme ! S’étonna Daniel. 

‐ Effectivement, ça fait beaucoup ! Enchérissait Marina. 

Christian HERMES, qui s’était abstenu jusqu’ici de prendre la parole, présenta le fruit de sa réflexion : 

‐  Je  ne  suis  pas  étonné  des  gains  que  vous  me  présentez.  Il  faut absolument que ce projet soit une réussite. Marina tu as raison : il faut accentuer notre argumentation  sur  les gains qu’ils peuvent attendre de  leur côté. Mais  il  faut garder à  l’esprit ce que nous avons sous  le pied pour  avancer dans  les négociations. Par  ailleurs Marine,  il me paraît essentiel que tu t’impliques personnellement dans ce projet. Si nous  arrivons  à mettre  en  place  ce  type  de  collaboration  avec  un client,  nous  nous  assurons  un  avantage  compétitif  certain  pour  les années à venir. 

Luc  MORIN,  le  responsable  commercial,  s’aventura  à  donner  son avis : 

‐ Si je puis me permettre Christian… Je suis également convaincu que ce  projet  peut  nous  rapporter  beaucoup.  Cependant,  je  crains  que d’impliquer de manière aussi  importante  le  top management  risque 

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de  faire penser au  client que nous  sommes prêts à  tout, pour qu’ils acceptent.  Peut‐être  qu’aujourd’hui  nous  ne  voyons  que  les  points positifs, mais à l’avenir, quelle sera notre poids lors des négociations ? Je  pense  que  si  je mène  le  projet  avec mon  équipe,  ce  risque  sera moindre. A côté de ça, rien ne nous empêche de dire au client que le projet  est  suivi  de  près  par  notre Direction. Qu’est‐ce  que  vous  en pensez ? 

‐  Je  pense  que  vous  faites  du  très  bon  travail, mais  là  n’est  pas  la question. Ce projet ne se résume plus à regagner la confiance d’un de nos clients, en l’occurrence «Jardins de plaisir». Il s’agit maintenant de rebondir  sur une difficulté et de  la  transformer en opportunité. Peu importe le client, ce projet doit être une réussite, car il sera le modèle d’une  nouvelle  façon  de  travailler  avec  l’ensemble  de  nos distributeurs. Ce projet devient stratégique, car il va dessiner l’avenir de notre  entité  en France  et peut‐être même  en Europe. Alors, bien sûr, vous serez impliqués, vous et vos équipes, dans le projet. Mais il est fondamental que Marina participe à chacune des revues de projet. D’ailleurs,  je  compte  sur  vous  pour  faire  en  sorte  que  le  top management de «Jardins de plaisir» soit également présent lors de ces réunions.  

‐ Oui, tu as raison Christian, reprit Marina. Nous agirons ainsi. 

Bernard  buvait  du  petit  lait.  Il  savait  que  l’implication  du  top management  dans  le  suivi  de  la  mise  en  œuvre  du  CPFR  était nécessaire à sa réussite. 

‐ Très bien. Conclut Christian. Merci Bernard pour ce beau travail. Je vois  que  les  choses  avancent  bien.  Je  vous  propose  de  fixer  une nouvelle réunion dans un mois pour voir où nous en sommes dans la mise en œuvre de ce plan d’action. 

Après  avoir  finalisé  la  rédaction  de  son  compte  rendu  de  réunion, Bernard improvisa un entretien avec M. LARINTE, le responsable du magasin «Jardins de plaisir» de Bron. Arrivé au point de vente, notre manager  chercha  du  regard  son  interlocuteur  aux  alentours  de  la 

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borne d’accueil. N’y voyant personne,  il  se  faufila dans  les  linéaires jusqu’au rayon des outils de jardin. Si le spectacle était moins élogieux que lors de sa dernière visite, certaines références de Martin’s Garden semblaient manquer à l’appel. 

‐ Ah, tiens ! Notre cher ami de Martin’s Garden. Lança M. LARINTE surgissant de nulle part. 

‐ Bonjour, M. LARINTE, comment allez‐vous ?  

‐ Et bien pas trop mal, dirons‐nous… 

‐ D’après ce que  je vois,  il vous manque moins de  référence dans  le rayon… 

‐ Oui, vous avez raison, ces derniers temps nous avons constaté moins de problèmes de  livraison. Et  je vous dirai même que  les  références qui manquent sont de notre  fait. Nous avons  fait une bonne  journée samedi  dernier  si  bien  qu’on  sait  fait  surprendre  par  les  clients. Résultat : on se retrouve en rupture. Dʹailleurs, ça me fait penser qu’il faut  que  je  vous  passe  la  commande  rapidement  si  je  ne  veux  pas perdre trop de chiffre d’affaires. 

‐ Comme quoi vous voyez,  tout  le monde peut rencontrer des petits soucis de temps en temps. Ironisa Bernard. 

‐  Oui,  mais  pour  vous,  ça  n’est  pas  la  même  chose,  vous  êtes  le fournisseur ! S’amusa à répondre le responsable du magasin. 

‐ Vous avez  raison, M. LARINTE, nous devons  être  irréprochables ! Dʹailleurs,  je  suis venu vous  rendre une petite visite pour vous dire que  nous  avançons  à  grands  pas  pour  éradiquer  nos  problèmes de qualité. Nous avons réfléchi à une solution, mais  je vais avoir besoin de votre aide pour la mettre en œuvre. 

‐ Allez‐y, je vous écoute. 

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‐  Voilà,  nous  souhaiterions mettre  en  place  un  nouveau mode  de gestion des commandes. L’idée, c’est que nous définirions ensemble les  critères  de  réapprovisionnement  (stock  de  déclenchement  de commande, quantités commandées…etc.) en début de saison. Ensuite c’est nous qui prendrions à notre charge la gestion des commandes en fonction des niveaux de stock et des sorties caisses que vous pourriez nous transférer par EDI. 

‐ C’est une plaisanterie ou quoi ? Et pourquoi ne pas vous  envoyer notre  chiffre d’affaires pendant que nous y  sommes ? Répondait M. LARINTE sur un ton plus ferme. 

‐  Je  comprends  vos  craintes M.  LARINTE, mais  entre  nous,  quelle valeur  ajoutée  générez‐vous  avec  ce  type  de  travail  purement administratif ? En plus,  comme  nous  en parlions  à  l’instant,  il peut arriver que vous soyez débordé et que vous n’ayez pas  le  temps de vous  en  occuper.  Et  vous  savez  comme moi  que  les  ruptures  sont source de perte de chiffre d’affaires et de parts de marché. Car sur ce type  de  matériel,  les  clients  préfèrent  aller  acheter  ailleurs  plutôt qu’attendre et revenir chercher le produit dans le même magasin. 

‐ Oui c’est ça… ! Vous  feriez mieux de vous soucier de vos ruptures plutôt que des miennes ! Esquiva le responsable du point de vente. 

‐ Oui M. LARINTE, c’est précisément ce dont  je m’occupe ! Avec ce nouveau mode  de  gestion,  je  vous  garantis  que  vous  n’aurez  plus aucun des problèmes que vous m’avez mentionnés. Plus de ruptures, plus de retards de  livraison, plus de campagnes promotionnelles qui démarrent sans les produits en rayon, plus de livraisons qui ne vous sont  pas  destinées,  plus  de  litiges  et  donc  plus  temps  passé  au téléphone à contacter notre service client. Imaginez tout le temps dont vous pourrez tirer profit pour faire ce qui compte le plus pour vous : apporter  des  conseils  aux  consommateurs  et  ainsi  augmenter  les ventes de votre magasin. 

‐  Etes‐vous  vraiment  sûr  de  pouvoir  faire  disparaître  tous  ces problèmes comme ça ? Cherchait à se rassurer M. LARINTE. 

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‐ S’ils ne disparaissent pas  complètement,  je vous assure qu’en  tout cas  Martin’s  Garden  deviendra  le  fournisseur  avec  qui  vous dépenserez le moins de temps sur la gestion administrative ! 

‐ Bien, mais dites‐moi, ça coûte de l’argent tout ça… 

‐  Oui,  mais  ça  en  coûte  moins  que  ça  n’en  rapporte.  Tous  les problèmes  techniques  seront  abordés  lors des  réunions de  travail  à venir. Car bien évidemment, ce type de gestion de commandes ne se met pas  en place du  jour  au  lendemain.  Je venais  simplement vous voir  pour  vous  tenir  au  courant  de  l’avancée  du  projet.  J’aurais également  souhaité  savoir  si  vous  seriez d’accord  pour  être  un des premiers sites pilotes où nous implanterions ce type de gestion. Pour moi,  vous  seriez  le  magasin  idéal,  car  nous  sommes  proches géographiquement et donc nous pouvons être plus réactifs en cas de problème. De votre côté, vous avez tout à y gagner. Vous aurez moins de  ruptures  que  vos  concurrents.  Et  vis‐à‐vis  de  votre  propre enseigne,  je pense que cela peut apporter une visibilité supérieure à votre magasin. 

‐ Oui pourquoi pas, marmonna le directeur de magasin. 

‐  Donc,  je  peux  considérer  que  vous  seriez  d’accord  pour  être  le magasin pilote, si ce type de collaboration est validée auprès de votre société et du siège à Paris ? 

‐ Oui,  je suis d’accord. J’imagine que  je vais essuyer les plâtres. Mais après  tout,  je  ne  peux  pas  à  la  fois  vous  reprocher  de  ne  pas  être efficace  et  refuser  de  jouer  le  jeu  quand  vous  me  proposez  une solution qui répond à l’ensemble de mes problèmes… 

‐  J’apprécie  votre  raisonnement, M.  LARINTE.  Je  vais  contacter M. PICOLLA et M. MANIAR pour voir si l’idée leur convient et  je vous tiendrai  au  courant de  la  suite. Quoi qu’il  en  soit,  sachez que notre engagement dans ce projet est total. Nous ferons donc tout ce qu’il est possible pour mettre en œuvre cette solution au plus vite. 

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‐ Je suis ravi de vous l’entendre dire mon cher monsieur. 

‐ Très bien. Je vais vous laisser travailler. Merci beaucoup pour votre aide,  conclut  Bernard  en  lançant  une  poignée  de  main  à  son interlocuteur. 

En rentrant à Martin’s Garden, Bernard annonça la bonne nouvelle à Sylvain  SIOUX,  le  responsable  du  compte  «Jardins  de  plaisir»  et l’invita à le rejoindre dans son bureau pour contacter M. MANIAR, le chef de produit de l’enseigne. 

‐ M. MANIAR, société «Jardins de plaisir», Bonjour. 

‐ Bonjour M. MANIAR,  c’est M. SIOUX de Martin’s Garden.  Je  suis avec Bernard TALIN que vous aviez reçu il y a quelques semaines… 

‐ Bonjour M. MANIAR. S’annonça Bernard. 

‐ Bonjour Messieurs. Dites‐moi : que puis‐je pour vous ? 

‐  Et  bien  nous  vous  rappelons,  car  comme  vous  le  savez,  nous travaillons  de  manière  intensive  pour  résoudre  nos  problèmes  de qualité. Suite à l’analyse que Bernard a réalisée avec votre aide et celle de votre réseau, nous sommes aujourd’hui à même de vous proposer une solution. 

‐ Très  bien, mais  je ne  vois pas de  quelle manière  je pourrais  vous aider. Si vous avez des solutions de votre côté, et bien, mettez‐les en place puis nous jugerons des améliorations. 

Bernard récupéra le combiné. 

‐ Nous aurions besoin de votre aide,  car  la  solution à  laquelle nous pensons remet en cause toute la gestion des commandes… 

‐ Cʹest‐à‐dire ? S’inquiéta l’acheteur. 

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‐ Nous envisageons de mettre en place un système où nous passerions les  commandes  à  la  place  de  vos  magasins.  Ce  système  nous permettrait de réduire les ruptures de stock et d’être plus efficaces sur les campagnes promotionnelles. 

‐ Oui,  ça me dit quelque  chose. Mais  techniquement  comment  ça  se passe ? 

‐  Il  suffit  que  nous  nous  mettions  d’accord  sur  les  modalités d’approvisionnement.  Ensuite  sur  la  base  des  remontées  EDI  des sorties  caisses  et  des  niveaux  de  stock  en  magasin,  nous déclencherions  de manière  automatique  les  commandes.  Explicitait Bernard. 

‐  Dʹaccord,  mais  je  ne  suis  pas  sûr  que  nos  adhérents  soient  très enthousiastes  à  l’idée  de  vous  transmettre  des  informations  aussi stratégiques que leurs niveaux de stock et les sorties caisses. Déjà que pour nous, ça n’a pas été simple alors pour les fournisseurs… 

‐ Nous  aurons  l’occasion d’en  rediscuter, mais  ils  auraient  tout  à  y gagner ! Nous avons déjà convaincu le directeur du magasin de Bron d’être le premier site pilote. 

‐ Effectivement si vous avez réussi à convaincre un magasin de faire des tests c’est déjà une bonne chose ! Mais  je pense qu’il y aura aussi pas  mal  de  réticence  au  niveau  des  sociétés  qui  pilotent  les magasins… Concluait M. MANIAR. 

‐  Oui,  c’est  pour  cela  que  nous  souhaiterions  vous  faire  une présentation du projet avec les différents responsables de ce magasin, vous‐même au siège et votre direction. Cette réunion nous permettrait de vous démontrer  tous  les avantages de cette solution. Reprenait  le jeune Sylvain. 

‐ Je veux bien, mais ça me paraît un peu difficile. Si nous poursuivons le référencement chez vous, cette réunion sera la bienvenue, mais d’ici là j’ai peur que ce ne soit pas très opportun. 

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‐ Nous  comprenons votre appréhension, M. MANIAR. Mais  je vous assure que ce projet peut vous apporter beaucoup. Nous avons évalué à  20%  l’augmentation  du  chiffre  d’affaires  sur  notre  référencement dans vos magasins. Argumenta Bernard. 

‐ 20% mais vous n’êtes pas sérieux ! S’interloqua le chef de produit de «Jardins de plaisir». 

‐ Oui,  20%  au minimum ! Cette  estimation  repose  sur deux  leviers. D’une part, l’augmentation du chiffre d’affaires par la suppression du manque à gagner des ruptures de stock en  linéaires, qu’ils soient de votre  fait  ou  d’un  problème  de  livraison.  Et  d’autre  part, l’implantation  obligatoire  de  l’ensemble  de  la  gamme  dans  les magasins participants. Car  comme vous  le  savez,  ça n’est pas parce que  vous  faites des plans de  vente  à  l’échelon  national  que  ceux‐ci sont suivis en magasins… 

‐ Oh oui, je le sais ! Bon écoutez, ce que vous me dites là m’interpelle. Si nous pouvons gagner au minimum 20% de chiffre d’affaires avec votre solution, je pense que cela vaut le coup d’essayer. Je vais faire le nécessaire de mon côté pour organiser une réunion avec ma direction, le responsable  informatique et notre adhérent qui détient  le magasin de Bron. Ensuite, ce sera à vous de nous convaincre de lancer le projet. 

‐ OK. Ça me va ! Conclut Bernard plus enthousiaste que jamais. 

‐ Merci M. MANIAR, ajouta le jeune Sylvain. 

‐ Très bien. Je vous envoie un mail d’ici la fin de la journée pour vous proposer une date. 

‐ Parfait ! Merci beaucoup. Bonne fin de journée ! Lança Bernard avant de raccrocher. 

‐ Au revoir, conclurent de concert Sylvain et M. MANIAR. 

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Le  plus  dur  était  fait.  Bernard  avait  obtenu  une  réunion  pour présenter  les  gains  du  CPFR  face  aux  principaux  protagonistes  de «Jardins de  plaisir». De  plus,  il disposait d’un magasin pilote  pour lancer  le  projet  dès  que  celui‐ci  serait  validé.  Tous  les  ingrédients étaient réunis pour qu’une nouvelle collaboration prenne place entre Martin’s Garden et l’un de ses principaux clients. 

Tout  le  reste  de  la  semaine  serait  consacré  à  la  préparation  de  la réorganisation du centre d’appels. 

Bernard  travaillait en étroite collaboration avec Roger et ses équipes pour  faciliter  la  transition  vers  la  nouvelle  méthode  de  travail. Plusieurs outils furent ainsi mis en place. 

Le  niveau  d’expertise  des  conseillers,  sur  l’ensemble  du processus, serait suivi visuellement par le manager. 

Chaque  personne  bénéficierait  d’un  tableau  de  bord personnalisé.  Celui‐ci  lui  permettrait  de  visualiser  les principaux  indicateurs  qui  le  concernent :  le  nombre  de commandes saisies, le taux de commandes saisies (par rapport à  l’ensemble  des  commandes  reçues),  le  nombre  d’appels reçus,  le  temps  d’attente moyen  par  appel,  le  taux  d’appels perdus,  et  le  taux  de  litiges  qui  font  suite  à  une  erreur  de saisie. 

Un  tableau  de  bord  pour  suivre  l’évolution  du  taux  de commandes Reines serait également mis en place et reporté de manière  hebdomadaire  à  la  Direction.  Plus  largement,  cet indicateur  serait décomposé dans  chaque  service  en  fonction du niveau d’implication de celui‐ci. 

Pour éradiquer totalement les erreurs sur le client destinataire de la commande, un tableau spécifique serait rempli au jour le jour manuellement par les équipes. 

Plus anecdotique, mais pas moins efficace, un  trait serait  tiré sur les dossiers des clients afin d’en accélérer la consultation et le rangement selon les besoins.  

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 Figure 5.9 Management visuel – Marquage des dossiers clients.

 

Figure 5.10 Management visuel – Suivi des erreurs de commande

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Figure 5.11 Tableau visuel de suivi du niveau de maîtrise du centre d’appels. 

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Les  semaines  suivantes  seraient  consacrées  au  contrôle  de  la réalisation  du  plan  d’action  et  à  l’accompagnement  des  différents projets lancés. 

Le service marketing était mobilisé autour du projet Lean Six Sigma destiné à fiabiliser la gestion des tarifs. 

En  parallèle,  le  projet  de  mise  en  place  du  CPFR  impliquait l’investissement  de  tous  les  services :  le  juridique  et  le  commercial pour  l’élaboration  de  l’accord  de  collaboration,  le  commercial  et  le marketing pour  le plan commercial défini pour chaque  typologie de magasin,  le  demande  planning  et  le  commercial  pour  la  partie prévision de vente, le service client et la logistique pour la gestion des approvisionnements et enfin l’informatique et la finance impliqués de manière transversale sur l’ensemble du projet. 

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Chapitre 6  

 

RETOUR A LA BASE

 

    La  formalisation  des  améliorations  apportées  au  processus  est  un élément  très  important  pour  assurer  la  pérennité  des  gains  obtenus.  Les équipes  qui  conduisent  le  projet  Lean  Six  Sigma  seront  amenées  à disparaître, un  jour ou  l’autre, de  la vie du processus optimisé.  Il  est donc fondamental  de  préserver  les  connaissances  acquises  lors  du  projet  sur  les solutions apportées, mais également sur la conduite du projet. Poser par écrit les bonnes surprises et les contraintes qui ont constitué la vie du projet, est 

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un  bon  moyen  de  comprendre  le  contexte  de  la  mis  en  œuvre  des améliorations. Enfin, c’est un bon moyen de  faire  le deuil du projet et de se donner le courage de repartir sur une autre mission. 

Récemment,  le  gouvernement  américain  entreprenait  de  se  lancer  dans un nouveau programme spatial pour remettre le pied sur la Lune et ainsi tester les  technologies  pour  une  prochaine  mission,  encore  plus  ambitieuse :  se poser  sur Mars. Avec  le  franc  succès de  la mission APPOLO 11,  l’idée de retourner  sur  la  Lune  ne  paraît  pas  très  compliquée  à mettre  en  œuvre. Détrompez‐vous ! Tout doit être pensé, conçu, et  testé à nouveau depuis  le début. Savez‐vous pourquoi ? Car toutes les personnes qui ont contribué au premier  pas  sur  la  Lune  ne  font  plus  partie  de  la  Nasa.  Toutes  les technologies  sont devenues  obsolètes,  car  les  budgets  ont  été  alloués par  la suite  à  des  programmes  de  toute  autre  nature.  Enfin,  la  plupart  des documents  de  l’époque  sont  inexploitables  pour  les  équipes  d’aujourd’hui. Bref, tout est à refaire. 

Votre projet est plus riche que vous ne le pensez. Formaliser les améliorations apportées aux processus et  les éléments  importants du contexte dans  lequel elles ont été mises en œuvre sera d’une grande utilité pour vos collaborateurs à venir. L’entreprise  est une  organisation  apprenante. Pour  avancer,  elle  a besoin  de  conserver  un  socle  de  connaissances  et  d’entretenir  des « légendes ». La formalisation des processus et de la vie du projet rentre dans cette logique. 

Extrait du livre ʺLes 7 voyages de lʹinnovateurʺ de Salomé NYX. 

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  Trois mois plus  tard. A  la  terrasse d’un café de  la place des Terreaux à Lyon, deux qualiticiens profitaient de  la douceur des derniers rayons de soleil du printemps. 

‐ Voilà Salomé, tout ce que nous avons mis en place à ce jour… 

‐ Et bien, vous vous être vraiment très bien débrouillé. Mais dites‐moi au final : les objectifs sont‐ils atteints ? 

‐ Et bien cela dépend… L’objectif initial du projet était d’être présent à la  table des négociations  lors de  la commission de  référencement de «Jardins de plaisir». Il se trouve que la commission de référencement est  reportée  à  la  fin  du  mois.  Après  les  premiers  résultats  très encourageants  du  premier  magasin  qui  travaille  en  CPFR,  ils réfléchissent  à  l’élargissement  de  nos  gammes.  Donc  assurément, nous  serons  à  la  table  des  négociations  et  à  n’en  pas  douter,  le référencement sera non seulement renouvelé, mais élargi de manière très  significative.  Maintenant,  si  je  regarde  mon  indicateur  de commandes reines, l’objectif est atteint sur le magasin pilote, mais sur l’ensemble des magasins de «Jardins de plaisir», nous sommes encore loin du compte ! 

‐ Oui, mais  c’est normal puisque vous n’avez pas  implémenté votre solution… 

‐ Oui, oui, bien sûr, mais j’aurais espéré que les choses avancent plus vite et qu’il y ait assez de magasins installés pour que mon indicateur soit en phase avec l’objectif défini au démarrage ! 

‐ Ah mais, mon cher Bernard, vous ne connaissez pas l’adage qui dit « Les  premiers  90%  du  projet  prennent  90%  du  temps  qui  lui  est consacré et les 10% restants prennent 90% de plus » ?  

‐ Ah non,  je ne connaissais pas cette citation. Mais, croyez‐moi :  je  la retiendrai ! 

 

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Figure 6.1 Management visuel – Suivi des erreurs de commande 

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‐  Ah  vous  entendre  parler,  il  semblerait  que  tout  ce  soit  déroulé parfaitement. Je ne vous ai pas beaucoup entendu sur les oppositions et les problèmes que vous avez rencontrés. 

‐ Pour  les oppositions,  je vous ai tout de même fait part de quelques altercations…  Mais  je  dois  avouer  que  globalement  je  n’ai  pas rencontré beaucoup de difficultés lors de la phase d’amélioration, que ce  soit  sur  le plan humain ou  sur  le plan  technique. Sur ce point,  je pense  que  la matrice AMDEC  nous  a  permis  d’aller  au‐devant  des risques potentiels. En  travaillant  sur  cet outil et en  le  suivant par  la suite, je me suis aperçu que le plus important n’est pas d’éliminer tous les risques inhérents au projet, mais plutôt de les prévoir pour mieux les appréhender lorsqu’ils se présentent. 

‐ Vous avez tout à fait raison Bernard, l’essentiel est dans la prévision des risques. Parfois,  le simple  fait de percevoir un risque, en amont, suffit à l’éviter… Ecoutez, tout cela me paraît vraiment bien ! En plus, je vois que vous avez très bien documenté votre projet, c’est une très bonne chose ! 

 

 

Figure 6.2 Critères d’affectation des notes de la Matrice AMDEC du projet 

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Figure 6.3 Matrice AMDEC du projet 

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Figure 6.4 Plan de contrôle 

‐ Oui. C’est vrai qu’à partir du lancement des actions d’amélioration, j’ai  eu  beaucoup  plus  de  temps  libre.  Cela  m’a  permis  de  bien formaliser tous les nouveaux processus et la démarche suivie.  

‐  Bien….  Vous  allez  faire  des  adeptes  du  Lean  Six  Sigma  dans l’ensemble de votre entreprise alors ? 

‐ Vous ne croyez pas si bien dire... Je viens d’être promu Responsable de l’excellence opérationnelle. 

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‐ Mais dites‐moi, c’est une super nouvelle ! Mais  je ne savais pas que votre  entreprise  était  à  ce  point  avancée  dans  l’optimisation  des processus… 

‐ Et bien moi non plus, figurez‐vous ! Concernant  le Lean Six Sigma, j’avoue  qu’au  début  je  parlais  de  la méthode  sans  la  nommer,  de crainte d’effrayer  tout  le monde. Par  la  suite,  j’ai  appris que  le LSS était déjà  utilisé dans  nos  entités  aux Etats‐Unis. Et  la  cerise  sur  le gâteau, c’est que  lors de  la dernière visite du  top management de  la société mère, j’ai présenté le projet pour leur démontrer les potentiels de  croissance  du  CPFR.  Vous  n’allez  pas  me  croire !  Mais  dès l’affichage  de  la  première  slide  de  sommaire,  le  grand  patron m’a coupé la parole pour me demander si c’était un projet Lean Six Sigma. Un peu surpris de sa question au début, j’étais obligé de lui répondre de manière  affirmative.  Et  voilà,  un  petit  entretien  de  concertation avec  le  responsable  de  la  zone  EMEA  et  c’était  fait :  j’étais  promu Responsable de l’excellence opérationnelle ! 

‐  Super !  Vraiment,  vous  m’épatez  Bernard !  S’enthousiasmait délicieusement Salomé. 

‐ Oh, vous savez, si vous ne m’aviez pas aidé comme vous l’avez fait, je ne suis pas sûr que j’aurais aussi bien réussi ! 

‐ Je ne vous ai pas apporté tant de soutien que cela ! Je vous ai surtout aidé à vous poser les bonnes questions… 

‐ Oui, effectivement, à  chaque  fois que  je vous posais une question, vous me  répondiez  par  une  autre  question. C’est  vrai  qu’au  début c’est un peu frustrant, mais  j’avoue que c’est d’autant plus gratifiant quand on trouve par nous‐mêmes la solution. 

‐ N’est‐ce pas… 

‐ Dʹailleurs,  ça me  fait penser  qu’il  y  a  une  énigme  que  je  n’ai  pas réussi à élucider. 

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‐ Ah bon, laquelle dites‐moi ? Lança Salomé avec malice. 

‐  Attendez,  je  vais  retrouver  le  mail  que  vous  m’aviez  envoyé, répondit Bernard en  farfouillant dans son dossier. Ah ! Le voici…  Je vous lis, de manière à éviter les erreurs d’interprétation : « Seul, le but du  système  en  place  vous  permettra  de  prendre  conscience  de  la défaillance structurelle de votre processus. Sans ça, vous pourrez bien évidement  améliorer  vos  indicateurs,  mais  les  bénéfices  seront  de courte  durée  et  les  problèmes  resurgiront  tôt  où  tard… ».  Je  n’ai jamais compris ce conseil. J’ai cherché le but de mon système, mais je ne  l’ai  jamais  trouvé. Dois‐je  en  déduire  que  les  améliorations  que nous avons apportées ne seront pas pérennes ? 

‐ N’ayez  crainte !  Le  plan  d’action  que  vous  lancez  sera  efficace  et soutenu dans le temps. Maintenant, revenons à votre compréhension de ce que  je mentionnais… Avant  le CPFR, quelle était  la  finalité du système que constitue votre entreprise ? 

‐ J’y ai bien réfléchi et il ne diffère pas de celui d’aujourd’hui. Il s’agit de  mettre  à  la  disposition  du  client  final,  le  bon  produit  au  bon moment. 

‐  Allons  Bernard,  ne  confondez  pas  but  fixé  par  l’entreprise  et  la finalité  effective  de  celle‐ci.  Si  le  gouvernement  vous  dit  que  sa priorité c’est le développement durable et que le budget alloué à cette intention est  rétrogradé aux derniers  rangs, vous êtes bien conscient que  la  finalité  exprimée  n’est  pas  la  finalité  effective. Ce  que  vous venez de me dire correspond davantage à la finalité du système CPFR que vous mettez en place avec votre client «Jardins de plaisir». Mais le système qui  régit  la gestion des autres clients est  tout différent ! Par exemple,  quel  aurait  été  l’intérêt  du  magasin  de  vous  refuser  la marchandise si le but était que celle‐ci aille aux consommateurs ? 

‐ Heu… Bah… C’est ce que  je n’ai  jamais compris, concéda Bernard, plus perdu que jamais. 

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‐  Allez,  aujourd’hui  je  vais  faire  une  exception  et  vous  donnez  la solution. Avant  le CPFR,  le  système qui  régissait votre organisation commerciale se délimitait aux frontières de votre structure  juridique. Et contrairement à ce que vous pensez,  la  finalité du système n’était pas  la  satisfaction  du  consommateur, mais  plutôt  la  vente  de  vos produits aux distributeurs. A côté de ça, vous aviez le distributeur qui constituait un autre système avec une finalité propre. Comme vous le savez,  l’objectif  du  distributeur  est  de  vendre  le  maximum  de produits. Mais  le  distributeur  n’a  pas  vocation  à  stocker,  donc  s’il reste des produits en fin de saison ou que ceux‐ci ne rencontrent pas la demande, le distributeur se chargera, comme il peut, d’écouler cette marchandise. Cela peut passer par des offres de déstockage, mais cela peut  également  se  transformer  en  retours  « sauvages »  comme vous en  avez  fait  les  frais.  Donc,  il  paraît  évident  que  le  système  du distributeur  et  celui  de  l’industriel  ont  des  finalités  différentes  qui peuvent  parfois  s’opposer.  Avec  le  CPFR,  vous  avez  redessiné  les frontières  du  système.  Il  ne  s’agit  plus  de  deux  systèmes  qui interagissent, mais plutôt d’un système dont l’unique finalité consiste à proposer au client final le bon produit au bon moment. Alors, vous voyez que vous avez bien redéfini la structure de votre système plutôt que d’essayer de modifier des comportements ! C’est très important et vous l’avez fait avec brio. Vous avez mis en place une nouvelle vision. Et  de  la  façon  dont  les  choses  semblent  avancer,  cette  vision  va devenir une réalité sur la majorité de votre portefeuille client. 

‐ Oui  j’ai bien compris qu’il était  important d’influer sur  la structure plutôt  que  sur  les  comportements, mais  j’avoue  que  j’ai  du mal  à comprendre les fondements de cette idée. 

‐ C’est simple ! Ça n’est pas en changeant les éléments qui constituent le système que vous pouvez modifier celui‐ci en profondeur. Prenons un exemple ! Chaque année, de nouveaux étudiants viennent remplir les amphithéâtres des universités alors que d’autres partent vers de nouveaux  horizons. A  une moindre  fréquence,  les  professeurs  et  le personnel  administratif  sont  remplacés  de  la  même  façon.  Vous conviendrez volontiers que le fait que les éléments du système soient remplacés  n’y  change  pas  grand‐chose,  les  universités  restent  ce 

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qu’elles  sont.  Il  y  a  donc  peu  de  changement. Maintenant  si  vous touchez  à  la nature des  interactions  comme vous  l’avez  fait  avec  la mise en place du CPFR, le changement est beaucoup plus important. Prenez  le  football  par  exemple,  le  jeu  et  les  connexions  entre  les joueurs  se  font  avec  les  pieds…  Maintenant,  si  je  vous  dis  que l’utilisation des pieds doit  être  remplacée par des passes  à  la main, tout en conservant le même but, cʹest‐à‐dire mettre le ballon dans les cages adverses, admettez que ça n’est plus le même sport ! 

‐ Effectivement, ça n’est plus du football, c’est du handball. Concéda Bernard. 

‐ Tout à fait, le système est profondément modifié. De la même façon, lorsque  vous  changez  la  finalité  d’un  système  ceci  influencera fortement  son mode  de  fonctionnement.  Prenons  par  exemple  une équipe de football, pensez‐vous que le jeu sera le même si celle‐ci joue pour l’argent, pour le sport ou pour le loisir ? Evidemment non ! Donc vous  voyez,  en modifiant  la  finalité  du  système  vous  impactez  de manière extraordinaire les comportements en son sein. 

‐ D’après ce que je comprends, le CPFR est une bonne solution alors… Mais  vous  pensez  vraiment  qu’il  va  être  aussi  aisé  que  ça, d’implémenter  les  autres  clients ?  Vous  savez,  je  pense  que  mon implication dans ce projet et  l’intégration de  l’expression du client y ont été pour beaucoup dans cette réussite ! Sans parler de la Direction qui a pris le projet à bras le corps. Mais entre nous, je ne suis pas sûr que cette réussite soit si facilement renouvelable. 

‐ Détrompez‐vous mon cher Bernard ! Certes, votre  implication dans ce projet y est pour beaucoup dans  sa  réussite. Mais aujourd’hui,  la vision est mise en place. Le  top management de votre entreprise est convaincu  que  l’avenir  de  votre  organisation  commerciale  passera nécessairement par le CPFR. Votre premier client, qui travaille sur ce principe  de  collaboration,  paraît  également  convaincu. Dorénavant, qu’est‐ce  qui  peut  empêcher  l’expansion  de  ce  mode  de collaboration ? Sans le savoir, vous avez tracé un nouveau chemin. Le 

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premier magasin  implémenté constitue  le sillon du prochain chemin de la moindre résistance. 

‐ Ah,  j’adore ce concept ! Reprit Bernard. Cela signifie que la réussite de  ce magasin  va  obliger  les  autres  à  rentrer dans  le même moule. Vous  considérez donc que  les gains  obtenus vont  obliger  les  autres magasins  de  l’enseigne  à  adhérer  afin  d’obtenir  les  mêmes progressions ! Et bien évidemment, si toute  l’enseigne enregistre une forte croissance sur notre rayon, il y a des chances pour que les autres clients nous demandent de travailler selon le même schéma… 

‐ Exactement ! Vous avez  tout compris. Mais bien sûr,  la dynamique de ce cercle vertueux reste fragile tant que la vision n’est pas partagée par tous. 

‐ Comment ça ? Cela fait dix minutes que vous me démontrez que la solution apportée est pérenne. Maintenant vous me dites le contraire ! 

‐ Pas  tout à  fait  le contraire, Bernard. Le point sur  lequel  je souhaite porter votre attention est  le suivant : vous êtes en  train de mettre en place un nouveau paradigme, avec de nouvelles règles. Cette nouvelle vision  des  choses  bénéficie  aujourd’hui  de  l’enthousiasme  de  toute votre organisation, mais imaginez que demain, le top management de votre entreprise change et que  la nouvelle direction s’en remette aux bonnes  vieilles  habitudes ? Que  se  passerait‐il  à  ce moment‐là ?  Le projet  se  poursuivrait  pendant  un  temps  jusqu’à  ce  que  les protagonistes se  lassent de  travailler sur quelque chose qui n’est pas valorisant. 

‐ Oui  effectivement,  je  comprends mieux maintenant. Mais  je pense que  le  chemin  que  prend  notre  organisation  va  plutôt  dans  le  bon sens. 

‐  S’ils  vous  ont  promu  Responsable  de  l’excellence  opérationnelle, nous sommes effectivement en droit de croire que les choses évoluent de la meilleure des façons ! 

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‐ Oui c’est vrai. D’ailleurs, je souhaitais vous interroger par rapport à cette  nouvelle  fonction…  En  tant  que  Responsable  de  l’excellence opérationnelle  je vais être amené à optimiser  toute  l’entreprise. C’est un grand chantier qui s’annonce et j’aurais voulu vous entendre sur la meilleure façon de procéder… Pour commencer, dans votre livre vous parlez  d’amélioration  continue  qui  semble  être  une  amélioration presque  imperceptible,  mais  conduite  dans  le  temps  de  manière régulière.  J’ai  le  sentiment  que  ce  type  d’amélioration  est  en opposition  avec  le  changement  radical  du  système  sur  lequel  vous m’avez  orienté  sur  ce  premier  projet…  Qu’est‐ce  que  je  dois  en conclure ? D’après vous, quelle méthode dois‐je privilégier ? 

‐  Vous  soulevez  ici  une  question  importante,  Bernard.  Et  puisque vous  commencez  à  appréhender  la  pensée  systémique :  laissez‐moi poursuivre  sous  cet  angle  pédagogique…  Ce  que  certains,  peu scrupuleux  vis‐à‐vis  des  questions  de  sémantique,  considèrent  être une  autre  philosophie  de  management  n’est  autre  qu’une  forme particulière d’homéostasie*. 

‐ D’homéo quoi ? S’interloqua Bernard. 

Salomé  esquissa  un  sourire  pour  contenir  la  clownerie  de  son interlocuteur avant de reprendre : 

‐ Ah, Bernard, votre capacité à vous émouvoir de quelques mots me fera  toujours  rire… Reprenons. L’homéostasie,  c’est  la  capacité d’un système à maintenir son équilibre malgré les perturbations qu’il subit de son environnement. 

‐ Excusez‐moi, mais je crois que j’ai décroché là. Je ne vois pas le lien entre  votre  homéostasie  et  le  choix  à  faire  entre  l’amélioration continue et le changement radical des processus ? 

‐ J’y viens Bernard. Ne soyez pas impatient ! L’amélioration continue est un système qui se maintient par le changement perpétuel. Quand vous  faites  du  vélo,  c’est  le mouvement  permanent  qui  permet  de maintenir l’équilibre. Si vous arrêtez de pédaler ou d’avancer, le vélo 

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perdra  son équilibre. C’est ce qu’on appelle  l’homéostasie cinétique. Cela  signifie  que  le  système  arrive  à  se  maintenir  grâce  au mouvement.  Sans  celui‐ci,  le  système  ne  fonctionne  plus.  Les entreprises qui mettent en œuvre l’amélioration continue fonctionnent de  la même  façon. Le  système en  lui‐même  induit une amélioration constante... Mais vous comprenez bien que la mise en place de ce type de fonctionnement n’est pas aisée. Si les Japonais ont réussi à installer cette  culture d’entreprise depuis des décennies, de notre  côté  il  faut rester humble et envisager les choses différemment. 

‐ Cʹest‐à‐dire par le changement radical… Poursuivit Bernard. 

‐ Tout à fait. Pour employer des termes qui vous seront plus familiers, c’est  la  même  idée  qui  oppose  l’innovation  incrémentale*  et l’innovation  de  rupture*.  Dans  le  premier  cas,  vous  apportez  de petites modifications, mais vous êtes obligés de vous renouveler sans cesse  alors  que  dans  l’autre  cas,  vous  changez  profondément  les règles en place. 

‐ OK,  donc  si  je  résume,  vous me  préconisez  de  lancer  des  projets d’améliorations radicales… Mais vous ne pensez pas que  les risques sont plus importants avec ce type d’approche ? 

‐  Vous  avez  raison  Bernard,  les  risques  d’échouer  seront  plus importants,  car  les  oppositions  seront  plus  virulentes. Mais  c’est  le prix  à  payer  pour  s’assurer  que  les  améliorations  ne  soient  pas abandonnées au fil du temps. Pour autant Bernard, vous devrez rester vigilant sur le nombre de projets que vous lancerez en même temps. Il vous sera plus bénéfique de démarrer les projets, un à un, et de vous assurer que les améliorations sont bien intégrées, plutôt que de lancer des  projets  tous  azimuts,  pour  finalement  vous  rendre  compte  que c’est  le  foutoir,  pardonnez‐moi  l’expression,  et  que  les  résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des espérances de votre direction. 

‐ OK. Donc  il  faut  y  aller  petit  à  petit, mais  apporter  d’importants changements, conclut Bernard. 

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‐ Oui  et  côté de  ça,  rien ne vous  empêche de monter un groupe de travail d’amélioration continue. Vous prenez quelques personnes de chaque métier, de préférence des gens motivés, et vous organisez des réunions  régulièrement  pour  améliorer  les  problématiques  de  leur service. Par exemple, vous pourriez instituer une réunion bimensuelle ou  chacun  devrait  venir  avec  une  idée  de  suppression  de  quelque chose qui n’apporte pas de valeur ajoutée. Les entreprises regorgent de  contrôles  inutiles,  de  surprocessus,  de  stocks  tampons inappropriés… 

‐ Effectivement, ce n’est pas bête. Je vais réfléchir à tout ça, mais il me semble  que  je  dispose  d’ores  et  déjà  de  bonnes  pistes  de  réflexion pour  le  démarrage  de  mon  nouveau  poste !  Concernant  la terminologie,  pensez‐vous  que  je  doive  utiliser  le  terme  Lean  Six Sigma  pour  le  déployer ?  Je  dois  vous  avouer  qu’au  début  j’ai  eu beaucoup de mal  à  comprendre  ce  que  cela  induisait… Ne pensez‐vous pas que cela puisse freiner sa mise en place ? 

‐  Sans  aucun  doute.  Si  vous  avez  peur  de  vous  atteler  à  cette évangélisation, rien ne vous empêche de trouver un autre terme pour  baptiser la dynamique que vous allez insuffler chez Martin’s Garden. Il est  important que vos collègues  identifient ce que vous  faites et  le programme dans  lequel  ils  seront  impliqués. Et puis vous  savez,  le terme  « Lean  Six  Sigma »  permet  de  cristalliser  une  certaine méthodologie avec de nombreux outils. Ce terme permet aux experts de partager entre eux et de  faire évoluer  les outils, mais  force est de constater que sur le plan pratique, le nom de la méthode dessert plus souvent  sa  cause qu’il  la  fait  avancer. Vos nouvelles  responsabilités vont  vous  amener  à  adapter  la  méthode  à  votre  entreprise,  à  sa culture, à ses employés… Bref, charge à vous de façonner le LSS pour atteindre les objectifs que vous allez vous fixer. 

‐  Oui,  vous  avez  raison.  J’ai  déjà  cerné  quelques  outils  qui  me paraissent plus  appropriés que d’autres. C’est  entendu !  Je  ferai ma petite salade…Bien, il me semble à présent que nous avons tout dit… 

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Pour s’en assurer, Mlle NYX parcourut rapidement  le document que Bernard lui avait remis. 

‐  Je  ne  vois  pas  l’évaluation  des  gains  financiers.  Vous  n’avez  pas travaillé sur cette partie ? 

‐  J’avais commencé à  travailler sur  la question avec  le contrôleur de gestion, mais  très  rapidement nous nous  sommes aperçus qu’il était difficile de projeter des gains avec le peu de recul que nous avions sur le premier magasin implanté. Cette partie est donc remise à plus tard. Mais ne vous  inquiétez pas,  je ne  l’ai pas perdu de vue.  Si vous  le souhaitez, je vous le transmettrai dès que ce sera fait. 

‐ Parfait. Ça me va, répondit la  jeune érudite. Effectivement,  je pense que nous avons tout balayé… 

‐ Avant de partir, est‐ce que  je peux vous poser une question qui me taraude depuis un moment ? 

‐ Bien sûr, allez‐y Bernard. 

‐ Qu’est‐ce  que  vous  gagnez  à  accompagner  des  projets  comme  le mien si vous ne vous faites pas rémunérer ? 

‐ Ah… Voici la fameuse question ! Lançait Salomé sur un ton espiègle. Voyez‐vous, je suis plutôt une horlogère quʹune horloge parlante ! 

La béatitude du visage de Bernard fit éclater de rire la jeune Salomé. 

‐ La différence entre un horloger et une horloge parlante, mon ami, c’est  que  l’horloger  fabrique  des  objets  qui  donnent  l’heure indéfiniment. De  son  côté,  l’horloge parlante ne  fournit  l’heure  que lorsque vous l’appelez… En clair, je ne travaille que sur la réalisation de  revenus  passifs. Vous  ne  vous  en  doutez  peut‐être  pas, mais  la valeur de ce que vous m’avez présenté ce matin est bien plus grande que  ce  que  j’aurais  pu  vous  facturer  dans  le  cadre  d’un  contrat  de prestation… Ce que vous m’avez expliqué et les documents que vous 

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m’avez  remis  constituent  pour  moi  la  plus  riche  des  matières premières pour l’écriture de mes livres. Et entre nous, les revenus que je génère avec les droits d’auteur m’invitent à penser que vous n’avez pas trop de soucis à vous faire pour moi. 

‐ Et bien dites moi, vous êtes un sacré bout de  femme, si  je puis me permettre. 

‐ Permettez‐vous, mon cher Bernard. S’amusa Salomé NYX. Allez, sur ce,  je dois vous  laisser. N’hésitez pas à m’envoyer des nouvelles de notre nouveau  job. Et  surtout,  j’attends  la valorisation  financière de votre projet. 

‐ Oui sans  faute,  je vous  l’enverrai. A midi nous  fêtons  la clôture de mon  projet  avec  l’ensemble  de  l’équipe  de Martin’s  Garden…  Ça m’aurait fait plaisir que vous veniez vous joindre à nous. 

‐  Non  merci,  Bernard.  Aujourd’hui  c’est  vous  qui  êtes  sous  les projecteurs. Profitez‐en ! Ce sont des moments très importants dans la vie d’un chef de projet. 

‐ Oui,  je sais. Merci encore pour  tout, s’écriait Bernard  tandis que  la jeune  Salomé  NYX  disparaissait  dans  la  foule  qui  submergeait  la place. 

 

 

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Figure 6.5 Valorisation des gains financiers 

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ANNEXE 1 : 

Modélisation Systémique ‐ La lecture rapide 

 

Première approche :  

Le système est représenté par le nuage orange. Comme vous pouvez le  constater,  cʹest  un  système  ouvert.  Nous  avons,  en  amont  du système,  la  source  de  lecture  qui  va  lʹalimenter. A  lʹintérieur,  nous avons des éléments propres au  système  : des  réservoirs de  stockage (de  mots,  de  sens),  des  processus  (vision,  interprétation, subvocalisation,...etc). Et enfin, nous avons lʹentropie, qui correspond en quelque sorte aux ʺdéchetsʺ (aux pertes) générés par le système. 

Champ de vision et points de fixation : 

Après  cette  courte  description  de  notre  système,  venons‐en  à  son fonctionnement.  En  amont,  nous  avons  une  source  de  lecture  (un 

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livre, un magazine...). Cette source de lecture est visionnée par ʺpoint de fixationʺ. Selon le champ de vision de chaque personne, le nombre de points de fixation peut varier. Par exemple, une personne qui lirait mot à mot un livre de poche ferait entre 6 et 9 points de fixation par ligne. Alors que dans le même temps, un lecteur rapide se limiterait à deux points de fixation. Il est a noter que lʹœil et le cerveau ne mettent pas plus de temps pour enregistrer ce qui est dans le champ de vision quʹil y ait un mot ou quʹil y en ait quatre. Ainsi, il faut 1/4 de seconde pour que lʹinformation soit enregistrée, puis lʹœil continue son chemin (le changement de point de fixation prend 1/40 seconde). Je mʹattarde un  peu  ici,  car  cʹest  vraiment  le  point  fondamental  de  la  lecture rapide. Personnellement, avant de lire ce livre, je faisais du mot à mot. Avec  les gammes dʹexercices,  jʹai appris à embrasser plusieurs mots dʹun  seul  regard.  Cʹest  pour  cela  que  jʹai  matérialisé  la  taille  du réservoir  de mots  par  la  taille  du  champ  de  vision.  Car  selon  les individus,  le  cerveau  enregistrera  sur  un  point  de  fixation  un  à  4 (voire 5) mots. 

Le  symbole  avec  le double  réservoir  et  le  robinet  qui  se  ferme  à  la montée  du  flotteur,  illustre  ce  que  nous  appelons  une  boucle  de rétroaction négative. Cʹest un peu compliqué, mais en résumé, cʹest un élément  régulateur dans  le  système.  Ici, quand  lʹœil  se porte  sur un point de fixation, il visualise 4 mots. Au‐delà de 4 mots, le champ de vision  dʹun  homme  nʹest  pas  assez  large.  Il  faut  donc  ʺviderʺ  le réservoir pour pouvoir lʹalimenter à nouveau. 

Subvocalisation, un processus sans valeur ajoutée : 

Une fois que lʹinformation est visualisée, celle‐ci peut être interprétée. Sur  le  système  apparaît  un  processus  supplémentaire  :  celui  de  la subvocalisation. Certaines personnes, lorsqu’elles lisent dans leur tête, vocalisent chaque mot et chaque syllabe. Lire chaque syllabe dans sa tête revient à lire à haute voix; du moins du point de vue de la vitesse de  lecture.  Donc  si  vous  ʺsubvocalisezʺ,  il  est  important  que  vous corrigiez ce défaut, car il nʹaide en rien la compréhension du texte et en plus il vous ralentit. 

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Sʹentraîner pour éviter la dyslexie : 

Lors de  lʹinterprétation, notre  cerveau peut  être  amené  à perdre du temps si nous  faisons, ce qui est appelé dans  le  livre, de  la dyslexie. Cʹest‐à‐dire que notre cerveau mélange graphiquement deux groupes de mots différents (par exemple ʺcomme un pouʺ et ʺcomme un fouʺ ou  alors  ʺmal  de  merʺ  et  ʺmal  dʹaimerʺ).  Là  encore,  il  existe  des exercices  pour  optimiser  notre  vitesse  de  lecture,  car  si  le  cerveau comprend un autre groupe de mots que celui qui est lu, le lecteur sera obligé de faire un retour en arrière pour comprendre le vrai sens de la phrase.  Par  ailleurs,  vous  aurez  remarqué  que  le  flux  de  mots, matérialisé par des  flèches bleues, sʹest  transformé en  flux de  ʺsensʺ, matérialisé par des flèches rouges. 

Du sens des mots à lʹenregistrement de lʹinformation : 

Enfin  vient  le moment  de  lʹenregistrement  des  données  dans  notre cerveau.  Ici,  il y a un capteur dʹintérêt qui va  inciter  le cerveau à se répéter les données afin que celles‐ci soient inscrites dans la mémoire à moyen  et  long  terme.  Si  lʹinformation  est  jugée  intéressante,  les données  sont  transférées  dans  le  réservoir  de  la  mémoire  à  court terme. La mémoire à court  terme alimente pour  la plus grande part lʹentropie matérialisée dans ce système par lʹoubli. 

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Glossaire :

20  ‐  80 : Le  terme de  20‐80  fait  référence  à  la  loi de distribution de PARETO.  Cette  loi,  très  utilisée  dans  les  entreprises  permet  par exemple de se  focaliser sur  les 20% des clients qui représentent 80% du chiffre d’affaires de la société. 

B  to B : Contraction de Business  to Business. Terme marketing pour désigner une relation de professionnel à professionnel en opposition à B  to C  (Business  to Consumer) qui désigne un marché de vendeur à client final. 

Chef  de  produit :  Fonction  d’une  personne  en  charge  du développement marketing et commercial d’une gamme de produits. 

CPFR :  Acronyme  de  Collaborative  Planning,  Forecating  and Replennishment.  Processus  de  partage  de  l’information  entre  un industriel  et  son  distributeur  afin  d’être  plus  en  phase  avec  la demande du marché. 

Data manager : Le data manager  est  la  personne  responsable de  la conformité des données enregistrées dans le système d’information de l’entreprise. 

Demand planner : Fonction de la personne en charge de l’évaluation des prévisions de vente. 

DMAIC : Acronyme qui reprend chaque étape utilisée par le Lean Six Sigma.  Les  différentes  phases  sont :  Définir,  Mesurer,  Analyser, Innover, et Contrôler. 

EMEA :  Acronyme  utilisé  dans  les  entreprises  présentes  à l’international pour  identifier  la zone Europe, Moyen‐Orient (Middle East) et Afrique. 

E‐sourcing : L’e‐sourcing est une méthode d’optimisation des achats qui  repose  sur  la  standardisation  des  offres  transmises  par  les 

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fournisseurs. Ce type d’outil peut également intégrer des enchères à la baisse,  d’où  les  freins  de  certains  industriels  à mettre  en  place  les interfaces nécessaires à son utilisation. 

Franco : Terme logistique qui correspond au montant à partir duquel les frais de port d’une commande sont gratuits. 

GSA : Acronyme qui désigne les Grandes Surfaces Alimentaires. 

GSB : Acronyme qui désigne les Grandes Surface du Bricolage. 

Homéostasie : Faculté d’un système à maintenir son équilibre malgré les perturbations de son environnement. 

Innovation  incrémentale :  L’innovation  est  dite  ʺ incrémentale ʺ lorsqu’elle  apporte  de  modestes  améliorations  successives  et continues dans le temps. 

Innovation de rupture : Lʹinnovation est dite de ʺruptureʺ lorsquʹelle modifie profondément  les  conditions dʹutilisation du produit ou du processus 

Lean  Six  Sigma (LSS)  :  Le  Lean  Six  Sigma  est  une  méthode  de conduite de projet qui s’appuie sur  la complémentarité des outils du Lean et du Six Sigma.  

Lean :  Le  Lean  est  une  boîte  à  outils  qui  permet  l’amélioration continue et  la suppression des gaspillages  inhérents à  la gestion des process. 

Linéaire : Désigne les étalages des magasins où les produits sont mis à la disposition des clients. 

LISA : Acronyme qui désigne les magasins de LIbre Service Agricole. 

MDD : Acronyme qui désigne les produits fabriqués sous  la Marque Du Distributeur. 

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Modélisation systémique : Représentation d’un système. 

Mapping : Description technique de fichier échangé par informatique. 

Master  Black  Belt :  Le  Lean  Six  Sigma  intègre  un  niveau  de certification  dispensée  par  les  entreprises  où  des  organismes  de formation. Les principaux   niveaux de  certification  sont, green belt, black belt, master black belt. 

One shot : Travailler en one shot signifie travailler au coup par coup, sur des opérations ponctuelles. 

Portefeuille  clients : Ensemble des  clients  rattachés  à une  entité  (le portefeuille client d’une entreprise, d’un commercial…etc.) 

Processus transactionnels : Le mot processus est souvent assimilé aux processus  de  fabrication  qui  traitent  davantage  des  flux  physiques que  des  flux  d’information.  Le  terme  « processus  transactionnel » permet  d’identifier  les  processus  utilisés  dans  le  secteur  tertiaire  et plus  largement  dans  l’ensemble  des  services  administratifs  des entreprises. 

Remontées  caisse :  Les  remontées  caisses  désignent  les  flux informatiques mis en place pour que  les  informations de ventes par produit  au  niveau  des magasins  soient  remontées  en  amont  de  la chaîne logistique. 

Rupture : Sous entendu  rupture de  stock. Désigne  l’état d’un article qui  n’est  plus  disponible  à  la  vente  jusqu’à  son  prochain approvisionnement. 

Segmentation : La segmentation, en marketing, est un découpage du marché  selon  des  critères  de  segmentation.  Les  critères  les  plus communément utilisés pour segmenter la clientèle sont : le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle…etc. 

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Segmentation comportementale : Découpage d’une segmentation de marché sur la base de critères comportementaux.  

Segmentation technique : Découpage d’une segmentation de marché sur la base de critères techniques ou de critères d’application.  

Six Sigma : Le Six Sigma est une méthodologie structurée et basée sur l’utilisation  d’outils  statistiques,  visant  à  une  amélioration  de  la qualité et de lʹefficacité des processus. 

Storytelling : Le storytelling est une technique qui consiste à raconter des histoires ou à entretenir des  légendes. Cette  technique peut être utilisée  dans  les  domaines  de  la  stratégie,  du  marketing  et  de  la communication des entreprises et des organisations. Pour la stratégie, cela  permet  d’améliorer  l’adhésion  du  personnel  à  la  culture d’entreprise. 

Structure  matricielle :  Fait  référence  à  l’organisation  matricielle utilisée dans certaines entreprises. Ce type d’organisation croise deux dimensions.  D’une  part  une  dimension  fonctionnelle  « classique », d’autre  part  une  dimension  transversale  orientée  processus  (et  non métier). 

Supply  Chain :  La  Supply  Chain  est  constituée  de  l’ensemble  des maillons  de  la  chaîne  logistique  depuis  les  fabricants  jusqu’aux distributeurs en passant par les entrepôts de stockage. 

Taux de service : Le  taux de service est un  indicateur utilisé dans  la grande  distribution  pour  évaluer  la  qualité  des  commandes  livrées par  rapport  aux  commandes  initiales  (Disponibilité  des  produits, Livraison dans les délais…etc.) 

ToDo  liste :  Le  terme  ToDo  liste  est  dérivé  de  l’anglicisme  « ToDo List ». Ce terme est utilisé pour évoquer une liste de tâches à réaliser. 

 

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Bibliographie :

Par ordre d’apparition des concepts abordés : 

CHAPITRE 1 - L’APPEL A L’AVENTURE

Joseph CAMPBELL (1949) “The Hero with a Thousand Face”, Fontana Press. 

NASA (1968) “Mission APPOLO 8 Press Kit ” – Consulté le 25 Juillet 2009 sur : http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/a410/A08_PressKit.pdf 

NASA (2009) “Archives”, Consulté le 25 Juillet 2009 sur : http://www.hq.nasa.gov/ office/pao/History 

Michael GEORGE (2005) “Lean Six Sigma pour les services : Comment utiliser la vitesse Lean & la qualité Six Sigma pour améliorer vos services et vos transactions”, Paris, Maxima. 

 

CHAPITRE 2 - LA MISSION

C. Northcote PARKINSON (1955) “Parkinsonʹs Law”, The Economist. 

Michael GEORGE, David ROWLANDS, Mark PRICE, John MAXEY (2005) “The Lean Six Sigma pocket toolbook”, New‐York, McGraw‐Hill. 

Paul MILLIER (2002) “L’étude des marchés qui n’existent pas encore“, Paris, Editions dʹOrganisation. 

Noriaki KANO (1984). “Attractive quality and must‐be quality”, Journal of the Japanese Society for Quality Control.  

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264

Tony BUZAN, Barry BUZAN (2003) “Mind Map : Dessine‐moi lʹintelligence 2ème Ed.”, Paris, Editions D’Organisation. 

Paul HERSEY, Kenneth H. BLANCHARD, Dewey E JOHNSON (2007) “Management of Organizational Behavior: Leading Human Resources (9th ed.)”, New Jersey, Prentice Hall. 

 

CHAPITRE 3 - DEFINITION DES PARAMETRES ORBITAUX

Rini VAN SOLINGEN, Egon BERGHOUT (1999) “Goal / Question / Metric Method”, New York, McGraw‐Hill Education 

Florent FOUQUE (2008) “Pareto VS Benford ‐ 3ème volet de la guerre des indicateurs”, Consulté le 25 Juillet 2009 sur : http://leansixsigma.free.fr 

Maurice PILLET (2003) “Six Sigma : comment l’appliquer”, Paris, Editions D’Organisation. 

Georges ECKES (2003) “Six Sigma en action”, Paris, Village mondial. 

Ait Belkacem El HADI (2005) “Puissance Six Sigma”, Paris : Dunod: ʺLʹUsine nouvelleʺ. 

James W. MARTIN (2007) “Lean Six Sigma for Supply Chain management”, New York, Mc Graw Hill. 

 

CHAPITRE 4 - MISE EN ORBITE

Richard KOCH (1998) “The 80/20 Principle: The Secret of Achieving More with Less”, New York, Broadway Businessy. 

Joël de ROSNAY (1977) “Le Macroscope”, Paris, Seuil. 

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265

Peter M. SENGE (1994) “The Fifth Discipline: The Art & Practice of the Learning Organization”, New York, Doubleday Business. 

Herbert SIMON (1955) “A Behavioral Model of Rational Choice” Quaterly Journal of Economics, Vol 69, pp99‐118 

 

CHAPITRE 5 - LE DRAPEAU DU LSS

Roni HOROWITZ (2004) “ASIT Méthode pour des solutions innovantes”, Bordeaux, SolidCreativity. 

Edward De BONO (2005) “Les six chapeaux de la réflexion : la méthode de référence mondiale”, Paris, Editions D’Organisation. 

Florent FOUQUE (2009) “Comment accroître la performance d’un service en évitant les sureffectifs ? ”, Supply Chain Magazine N°35 – Juin 2009, pp78‐81. 

ECR France – Gencod EAN France (2001) “Plan, Prévisions et Approvisionnements concertés (Manuel de mise en oeuvre du CPFR)”, Paris, Coédition ECR France – Gencod. 

EAN France Thierry JOUENNE, Emanuelle RENON et Jean‐François DANQUIGNY (2000) “CPFR (Concepts, carte routière et premiers pilotes internationaux)”, Paris, Jouwen Editions. 

Florent FOUQUE (2008) “Une collaboration plus étroite entre les industriels et leurs distributeurs pour une performance accrue de l’ensemble de la chaîne logistique”, Thèse professionnelle, EM‐Lyon. 

Robert FRITZ (1989) “The Path of Least Resistance: Learning to Become the Creative Force in Your Own Life”, New York, Fawcett Books. 

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266

Carine BUHMANN (2001) “La Pyramide Alimentaire Pour Manger Équilibré Avec Plan Pour 2 Semaines”, Delémont, Viridis. 

 

CHAPITRE 6 - RETOUR A LA BASE

Arthur KOESTLER (1968) “Le cheval dans la locomotive”, Paris, Calmann‐Levy. 

Donella H. MEADOWS (2008) “Thinking in systems”, Vermont USA, Celsea Green Publishing. 

Timothy FERRISS (2007) “The 4‐Hour Workweek”, New York, Crown Publishing. 

Dan S. KENNEDY (1996) “How to Make Millions With Your Ideas: An Entrepreneurʹs Guide”, Plume Books. 

 

ANNEXE

François RICHAUDEAU, Michel GAUQUELIN, Françoise GAUQUELIN (2004) “Méthode de Lecture rapide”, Paris, Retz. 

Florent FOUQUE (2009) “Modélisation Systémiques – La lecture rapide” Consulté le 25 Juillet 2009 sur : http://analysesystemique.free.fr