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1 CHAPITRE 17 LES INSTITUTIONS FINANCIERES & LEUR ROLE SYNTHESE Lintermédiation financière consiste, pour les institutions financières, à faciliter la correspondance, en quantité et en qualité, de loffre et de la demande de capitaux pour des agents qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas passer par les marchés financiers. Les institutions financières regroupent les banques, les sociétés financières, les sociétés de crédit-bail et institutions financières spécialisées, la Caisse des dépôts et consignations, les OPCVM (organismes de placements collectifs en valeurs mobilières) et les FCP (fonds communs de placement). I. L’INTERMEDIATION FINANCIERE & LA SPECIFICITE DE L’ACTIVITE BANCAIRE A. Les raisons de lintermédiation financière Plusieurs raisons expliquent que le marché financier, le financement direct (ou la finance directe), ne permette pas de répondre de façon satisfaisante à la rencontre entre l’offre et la demande de capitaux, cest-à-dire entre les agents économiques à capacité de financement et les agents à besoin de financement. 1. Pour les agents à capacité de financement Les agents à capacité de financement connaissent difficilement ceux à qui ils vont pouvoir prêter leurs capitaux. Il leur est né- cessaire dentreprendre de nombreuses démarches pour rencontrer les emprunteurs potentiels et négocier avec eux les différentes modalités de prêt, comme le montant, la durée ainsi que le taux dintérêt. Ces recherches nécessitent des com- pétences quils possèdent rarement. De plus, ils doivent apprécier les risques associés aux prêts. 2. Pour les agents à besoin de financement De leur côté, les agents à besoin de financement disposent de peu dinformations sur les prêteurs éventuels. Les re- cherches quils vont devoir entreprendre vont générer des coûts. Lorsque la rencontre entre offreurs et demandeurs sera réalisée, va se poser le problème de la compatibilité des offres et des demandes tant du point de vue du montant (une demande dun montant supérieur à celui de l’offre ne pourra pas être satisfaite) que de celui de la durée (à une offre de capitaux à court terme peut correspondre une demande demprunt à long terme). B. Les avantages de lintermédiation financière Face aux problèmes rencontrés sur le marché financier, l intermédiation financière présente un certain nombre davantages qui portent sur la diminution des risques, la production dinformations et lajustement entre loffre et la demande de capi- taux. 1. La diminution des risques Le fait que lintermédiaire financier ait de multiples clients permet de limiter les risques dinsolvabilité des prêteurs à la suite de la défaillance dun emprunteur. Lépargnant va donc transférer le risque lié au financement sur l intermédiaire financier. 2. La production dinformations Linstitution financière, forte de son savoir-faire qui sappuie sur les informations quelle possède sur ses clients, va sélec- tionner les emprunteurs en fonction de la qualité de leurs projets dinvestissement et de leurs capacités de remboursement. Elle va limiter les coûts de transaction et réaliser des économies déchelle du fait de la réalisation dun nombre élevé dopérations. 3. Lajustement entre loffre et la demande de capitaux L’épargnant qui prête son argent à une institution financière souhaite avoir la possibilité de le récupérer rapidement. Face à lui, l’emprunteur a besoin de fonds sur un temps beaucoup plus long. Pour résoudre cette contradiction entre une épargne à court terme et des prêts à long terme, linstitution financière va réaliser une transformation de lépargne. La transforma- tion se définit comme le financement d’emplois (les prêts) à partir de ressources d’échéances plus courtes. L’épargne à court terme collectée par l’institution financière va être utilisée pour financer des prêts à long terme.

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CHAPITRE 17 LES INSTITUTIONS FINANCIERES & LEUR ROLE SYNTHESE

L’intermédiation financière consiste, pour les institutions financières, à faciliter la correspondance, en quantité et en qualité, de l’offre et de la demande de capitaux pour des agents qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas passer par les marchés financiers. Les institutions financières regroupent les banques, les sociétés financières, les sociétés de crédit-bail et institutions financières spécialisées, la Caisse des dépôts et consignations, les OPCVM (organismes de placements collectifs en

valeurs mobilières) et les FCP (fonds communs de placement). I. L’INTERMEDIATION FINANCIERE & LA SPECIFICITE DE L’ACTIVITE BANCAIRE

A. Les raisons de l’intermédiation financière Plusieurs raisons expliquent que le marché financier, le financement direct (ou la finance directe), ne permette pas de répondre de façon satisfaisante à la rencontre entre l’offre et la demande de capitaux, c’est-à-dire entre les agents économiques à capacité de financement et les agents à besoin de financement.

1. Pour les agents à capacité de financement

Les agents à capacité de financement connaissent difficilement ceux à qui ils vont pouvoir prêter leurs capitaux. Il leur est né-cessaire d’entreprendre de nombreuses démarches pour rencontrer les emprunteurs potentiels et négocier avec eux les différentes modalités de prêt, comme le montant, la durée ainsi que le taux d’intérêt. Ces recherches nécessitent des com-pétences qu’ils possèdent rarement. De plus, ils doivent apprécier les risques associés aux prêts.

2. Pour les agents à besoin de financement

De leur côté, les agents à besoin de financement disposent de peu d’informations sur les prêteurs éventuels. Les re-cherches qu’ils vont devoir entreprendre vont générer des coûts. Lorsque la rencontre entre offreurs et demandeurs sera réalisée, va se poser le problème de la compatibilité des offres et des demandes tant du point de vue du montant (une demande d’un montant supérieur à celui de l’offre ne pourra pas être satisfaite) que de celui de la durée (à une offre de capitaux à court terme peut correspondre une demande d’emprunt à long terme).

B. Les avantages de l’intermédiation financière Face aux problèmes rencontrés sur le marché financier, l’intermédiation financière présente un certain nombre d’avantages qui portent sur la diminution des risques, la production d’informations et l’ajustement entre l’offre et la demande de capi-taux.

1. La diminution des risques

Le fait que l’intermédiaire financier ait de multiples clients permet de limiter les risques d’insolvabilité des prêteurs à la suite de la défaillance d’un emprunteur. L’épargnant va donc transférer le risque lié au financement sur l’intermédiaire financier.

2. La production d’informations

L’institution financière, forte de son savoir-faire qui s’appuie sur les informations qu’elle possède sur ses clients, va sélec-tionner les emprunteurs en fonction de la qualité de leurs projets d’investissement et de leurs capacités de remboursement. Elle va limiter les coûts de transaction et réaliser des économies d’échelle du fait de la réalisation d’un nombre élevé d’opérations.

3. L’ajustement entre l’offre et la demande de capitaux

L’épargnant qui prête son argent à une institution financière souhaite avoir la possibilité de le récupérer rapidement. Face à lui, l’emprunteur a besoin de fonds sur un temps beaucoup plus long. Pour résoudre cette contradiction entre une épargne à court terme et des prêts à long terme, l’institution financière va réaliser une transformation de l’épargne. La transforma-tion se définit comme le financement d’emplois (les prêts) à partir de ressources d’échéances plus courtes. L’épargne à court terme collectée par l’institution financière va être utilisée pour financer des prêts à long terme.

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C. Le financement non monétaire Une des fonctions de l’institution financière est de réaliser un financement intermédié (ou indirect) non monétaire. Elle accorde des prêts à partir des dépôts (de l’épargne) qu’elle a préalablement recueillis, réalisant de ce fait une transformation de l’épargne (elle centralise des ressources à court terme pour les prêter à long terme) qui peut présenter certains risques pour elle.

1. Le risque d’illiquidité

L’institution financière peut être, tout d’abord, confrontée à un risque d’illiquidité, qui désigne la difficulté à transformer un actif (titres, créances) en monnaie. C’est le cas lorsqu’elle doit se procurer des ressources rapidement pour faire face à ses besoins immédiats d’encaisses (monnaie). Elle risque alors de devenir insolvable et de connaître la faillite. Mais, comme la Banque centrale intervient comme prêteur en dernier ressort, ce risque est très faible, un des rôles d’une Banque cen-trale étant de veiller à ce que les banques disposent de suffisamment de liquidités pour faire face aux demandes de retrait d’argent liquide.

2. Le risque d’inversion des taux

L’institution financière peut ensuite connaître des difficultés en période d’inversion des taux : les taux à court terme qui rémunèrent l’épargne deviennent plus élevés que les taux à long terme (taux des prêts accordés aux clients). Mais cette situa-tion est exceptionnelle et passagère.

D. La spécificité de l’activité bancaire : le financement monétaire La spécificité des banques réside dans le fait qu’elles accordent des prêts par création monétaire et non seulement par transformation financière de l’épargne collectée préalablement.

1. Le mécanisme de la création monétaire

La création monétaire a lieu lorsqu’une banque accorde un crédit à un agent économique : le compte de cet agent se trouve augmenté (crédité) du montant du crédit. En contrepartie, il est endetté auprès de la banque du montant de crédit. La banque a mis à sa disposition de la monnaie scripturale et a ainsi créé de la monnaie. Si l’on généralise au niveau macroéconomique, la masse monétaire (quantité de monnaie) s’accroît lorsque les crédits dis-tribués aux agents économiques non financiers sont supérieurs à leurs remboursements, qui correspondent à des destructions de monnaie.

2. La régulation de la création monétaire

La création monétaire par les banques est régulée par l’action des autorités monétaires sur la liquidité bancaire afin d’assurer la stabilité monétaire. Cette régulation a pour objet d’assurer une croissance de la masse monétaire, qui doit être suffisante pour soutenir l’activité économique et maîtrisée pour ne pas susciter l’inflation.

3. L’action de la Banque centrale sur la liquidité bancaire

L’action des autorités monétaires sur la liquidité bancaire s’effectue sur le marché interbancaire. Les interventions de la Banque centrale se font lors des opérations de refinancement des banques par l’intervention sur le taux d’intérêt direc-teur.

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II. LES RELATIONS DE COMPLEMENTARITE AVEC LE MARCHE FINANCIER

Les institutions financières, qui assurent une partie très importante du financement des activités économiques, permettent de pallier les imperfections et les défaillances du marché financier en diminuant les coûts de transaction, en assumant les risques liés aux opérations de prêt et en limitant les conséquences de l’asymétrie d’information.

A. La réduction des imperfections et des défaillances du marché financier

1. Les institutions financières, réductrices de coûts de transaction

Les coûts de transaction sont liés au temps passé et à l’argent dépensé pour réaliser les transactions financières. Ils recouvrent les frais de recherche de l’information et de prospection ainsi que l’acquisition d’un savoir-faire. Un agent de petite ou moyenne dimension économique qui souhaiterait intervenir sur le marché financier réaliserait vite que ce dernier recèle des imperfections. Parmi celles-ci, on peut noter qu’il est très difficile, voire impossible, de réaliser directement, sur ce marché, des achats et des ventes d’actions et d’obligations, le montant minimum des transactions sur le marché boursier étant relativement élevé. De plus, il est alors quasi impossible, en disposant d’une somme limitée, de se constituer un portefeuille de titres diversifiés. En conséquence, les sommes qu’il faut dépenser pour intervenir sur le marché financier, les coûts de transaction, ont un aspect dissuasif réel. Les institutions financières permettent de pallier ces imperfections du marché que sont les coûts de transaction. Le volume de production effectué leur permet de réaliser des économies d’échelle et d’abaisser le coût unitaire des services finan-ciers. Elles réduisent de nombreux coûts de transaction (coûts de recherche de la contrepartie de la transaction financière, coûts de négociation

des conditions financières, coûts de l’information sur le débiteur, coûts de contrôle de la bonne exécution des échanges…). Les banques permettent également de réaliser la transformation financière, à la différence des marchés financiers qui ne parviennent pas à concilier les offres et les demandes de capitaux, en quantité et en qualité.

2. Les institutions financières, réductrices de risques

Les institutions financières permettent d’assumer le risque lié aux opérations de prêt. En raison de leur aversion vis-à-vis de ce risque, les agents non financiers souhaitent l’intervention des institutions financières. En effet, ces dernières sont mieux à même d’assumer le risque du fait d’un meilleur savoir-faire dans le domaine financier. De plus, la diversifica-tion de leurs opérations de prêts et d’emprunts limite les risques de leurs nombreuses opérations sur le marché finan-cier. Par ailleurs, elles résolvent mieux les problèmes d’illiquidité des emprunteurs et, de ce fait, limitent les risques liés aux prêts. Les agents économiques de petite taille comme les PME, les particuliers ainsi que les artisans, les commerçants et les professions libérales qui n’ont pas la notoriété suffisante pour intervenir sur le marché financier doivent utiliser les ser-vices des institutions financières.

3. La gestion des asymétries d’information

Les institutions financières présentent un atout supplémentaire face au marché financier et jugulent, par là même, les dé-faillances de ce dernier, en contribuant à réduire les asymétries d’information. Il y a asymétrie d’information lorsque l’un des participants à l’échange, en l’occurrence l’emprunteur, connaît une infor-mation que l’autre, le prêteur, ne maîtrise pas. Face à ce type de situation, les agents à capacité de financement peu-vent refuser de prêter leur épargne, avec comme conséquence le non-fonctionnement du marché financier. Ce dernier ne remplit alors plus son rôle de financement de la croissance. Les institutions financières peuvent, dans ces conditions, suppléer le marché financier, grâce à leur connaissance des agents à besoin de financement et à leur savoir-faire, et mettre en relation prêteurs et emprunteurs.

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B. Les interventions plus actives des institutions financières sur les marchés de capitaux Les institutions financières ont été amenées à intervenir de façon plus active sur les marchés de capitaux.

1. La baisse de l’intermédiation de bilan

Le taux d’intermédiation au sens strict mesure la part des crédits octroyés par les institutions financières dans le total des financements des agents non financiers. Lorsqu’on évoque le financement indirect, c’est de ce type d’intermédiation, appelée « intermédiation de bilan » ou « intermédiation au sens strict », dont il est question. Il concerne essentiellement les banques. Parallèlement, le financement direct correspond à une émission de titres sur le marché financier. Cependant, depuis quelques décennies, les banques ont été fortement concurrencées par le marché financier. Le taux d’intermédiation au sens strict a fortement diminué et a perdu environ 30 % en trente ans (70 % en 1978 contre 42,8 % en 2008).

2. Le développement de l’intermédiation de marché

Face à cette concurrence, les banques ont réagi, du fait d’une baisse de leurs activités traditionnelles (collecte de dépôts et octroi

de crédits), en créant des activités nouvelles. On a assisté à une mobiliérisation (ou financiarisation) des bilans bancaires. Elles ont développé les acquisitions de titres émis par les entreprises (actions, obligations…). Cette évolution, que l’on a appelé « inter-médiation de bilan », est appréciée par le taux d’intermédiation au sens large : il mesure la somme des crédits octroyés (financement indirect classique) et des titres achetés (activités de marché) par les institutions financières rapportée au total des finan-cements obtenus par les agents non financiers. Cette dernière intermédiation a connu une baisse moindre que l’intermédiation au sens strict (le taux d’intermédiation au sens large est passé de 75 % en 1978 à environ 57 % en 2008).

3. La complémentarité entre institutions financières et marché financier

Les institutions financières ont donc compensé une partie de la baisse de leurs activités traditionnelles par une interven-tion plus importante sur les marchés de capitaux. Marché financier et institutions financières coexistent et se complè-tent. Les systèmes financiers sont mixtes car le développement des marchés est indissociable de l’intermédiation finan-cière.