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 À travers le monde vivant / Edmond Perrier,...  Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

A Travers Le Monde Vivant

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  • travers le mondevivant / Edmond

    Perrier,...

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Perrier, Edmond (1844-1921). travers le monde vivant / Edmond Perrier,.... 1916.

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    EDMOND PERRIERMembre de l'Institut

    Directeur du Musum

    fl.Traversle

    Mondetfittft

    PARISERNEST FLAMMARION, DITEUR

    26, RUE RACINE, 26

  • Bibliothque de Philosophie scientifiqueDIRIGE PAR LE Dr GUSTAVE LE BON

    SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES8ACHELiER (Louis). Docteur es solenoe. Le.'eu, la Chance et le Hasard.BELLET (Oarltl), prof A l'Kcole des Science Jpolitiques. L'volution de l'Industrie.6ERCET(*.), professeur l'ItHikntoca-iogra-phique. LaVieetlaMortdu Olohe(C't.).8ERGET (A.). Les problmes do l'Atmos-phre (27 ligures).BERTIN (L.-E.). de l'ins.ltut. La Marinemoderne (G6 figures) Kj mille).8IG0UR0AN. de l'Institut. L'Astronomie(50 figures) (5* mille).BLARINGHEM (L.). Los Transformationsbrusques des tres vivants (49 ligures).(5 mille).BOINET (D';, prof de Clinique mdicale. LesDoctrines mdicales (6* mille).BONNIER (Gaston), de l'Institut. Le Mondevgtal (230 figures) (10* mille).BONNIER (Dr Pierre), Dfense organiqueet Centres nerveux.80UI (E.), de l'Institut. La Vrit scien-tifique, sa poursuite (5< mille).BRUNHES (6.), professeur de physique. LaDgradation de l'Energie (8* mille).8URNET (0' Etienne), de l'Institut Pasteur.Microbes et Toxines (71 flg.)(6' mille).CAULIERY (Maurice), professeur la Sorbonne.Ls Problmes de la Sexualit.COLSON(Albert), professeur l'Ecole Poly-technique. L'Essor de la Chimie (5* m.)COMBARirtl (J.)f charg de cours au collgede Franc*. La Musique (10* mille).OASTRE (0' A.), de l'insiilul, professeur laSorbonne. La Vie et la Mort (li' mille).OEIAGE (T.). ' l'Institut et GOLOSIJIIH (I.).Les Thories de l'Evolution (7 mille).OEIAGE (Y;)', de l'Initit et GOIOSHITH (H.),La Parthnogense.OELBEf (P.), professeur A la F' de Mdecinede Caris. La Science et la Ralit.OEPRET(C.),'de l'Institut. Les Transfor-mations du Monde animal (7 mille).ENRIQUES.(F.). - Les ^Concepts fonda-rnentaux de la: Science.GUIARttOr). Ls Parasites Inocula leursde maladies (107 figures/ (5* mille).

    HERICOURI (D'J.). Les Frontires de laMaladie (9* mille).HER1C0URT(0' J.). L'Hygine mederne(12* mille).HOUSSAY (F), profeiseur la Sorbonne.Nature et Sciences naturellei(7' mille).J0U8IN (0' L), professeur au M-isum. LaVie dans les Ocans (45gures) (5* mille).LAUNAY(L. de), de l'Institut L'Histoire dela Terre (If mille).LAUNAY (L. de), de l'institut. La Conquteminrale (5 miii*).LE BON (D'Gusteve). L'volution de laMatire, avec 63 figures (27* mille).LE BON (0' Gusteti). L'volution desForces (42 fleure) (15* m'Ile).LECLERCDU SABL0N (M.). Les Incertitudesde la Biologie (,2i figures).LE OANTEC (F.). Les Influences Ances-tnales (12'milte). ,LE0ANTEC(F.).LaLutteunlverselle(IO*a)LE OANTEC(F.). De l'Homme la Science(8 mille).MARTEL, directeur de /,* Xalnre. L'volu-tion souterraine (SO figures) (6 mille).MEUNIER (S.), professeur au Musum. LesConvulsions de la Terre (H5fig.)(5am.).0STWAL0(W.).L'Evolution d'une Science,la Chimie (8* mille).PERRIER(Edm.). membre de l'Institut, direbjjeurdu Musum. A Traverse Monde vivant.PICARD (Emile), de l'insibrt, professeur 4,'iSorbonne.La Science rhoderne(l l'mille).'PQINCARf(rK),de l'Institut, prof 41 Sortx>'ne.La Science et l'Hypothse (2CVmtMPOiNCAR(H.). La Valeur de la SclerioV(2,taille). .. ', , ;; ;\?.POINCARIH.). Science et Mthode(13*lit:POINCAR(H0- Dernires Penses (8-mil)POlNCAR(Lucien), d' an M" de .l'insirucUonpublique. L Physique moderne (15* m.).POINCAR(Luciiij), L'lectricite^lV m.n^)'RENAFfO(C). L'Aronautique.(68figures)(6*mille).

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  • A TrW le Monde vivant

  • DU MME AUTEUR

    FRANCE ET ALLEMAGNE. :. /..L'n volume in-lS (Payol. dil.) Prix 3 fi*. 50

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    EDMOND PERRJERMEMBKK DE 1,'lNSTITUT

    DIRECTEUR nr MUSUM

    A TraversLE

    Monde vivant

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    1916Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction rservs

    pour tous les pays.

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  • ^M A la Mmoire

  • AVANT-PROPOS

    Au xviue sicle, on no savait rien sur le monde endehors de l'astronomie. Quel tait le pass do laTerre? Buflbn avait, dans un effort de son puissantgnie, essay de le deviner; il avait d faire amendohonorable devant les docteurs do Sorbonne. D'ovenaient les plantes, d'o venaient les animaux, com-ment l'homme avait-il t institu le roi de la cra-tion? A cette triple question aucune observationprcise n'avait cherch une rponse. Qu'tait-ceque la vie? Un fluide, pensait-on, qui animait lemonde, comme d'autres y versaient la chaleur et lalumire, orientaient les boussoles ou provoquaientdans le ciel les convulsions des orages et les clatsde la foudre. Les voyageurs avaient bien cont qu'il yavait des hommes blancs, des hommes jaunes, deshommes rouges et des hommes noirs. C'taient, pen-sait-on, les descendants de Sem, de Cham et deJaphel; mais personne ne s'tait avis d'tudier ceshommes de prs, de scruter leur mentalit, dedterminer d'une faon prcise en quoi, mme phy-siquement, en dehors de leur couleur, ils diffraienttes uns des autres.

    Cependant des philosophes , sur toutes cesignorances, avaient construit des systmes, proclamdes principes encore rputs irrductibles et quigouvernent toute notre politique. Peut-lre ses oscil-

    1

  • 2 A TRAVERS I.R MONDE VIVANT

    lations, ses soubresauts, ses dfaillances n'ont-ellesd'autre origine que le dsaccord flagrant entre lesides sur lesquelles elle s'appuie et la ralit. A bieny regarder mme, pourrait-on penser que la dpopu-lation dont souffre notre pays de France a des causesautrement profondes que celles dont on parle; uneorganisation sociale o les enfants peuvent tre con-sidrs comme une gne, o la famille se dtend, oles femmes, mcontentes de leur sort, s'insurgentcontre l'exploitation des hommes qui ne les prot-gent plus suffisamment, o la bataille des intrts, dequelque nom que se voilent tes apptits rivaux qui lasuscitent, couvre de ses clameurs tous les autresbruits, est-elle bien conforme aux lois naturelles?

    Depuis le xvuie sicle, qui nous domine encore, lascience tout entire a t cre. La physique et lachimie ont renouvel le monde et nous ont permis deremonter jusqu' l'origine des astres. La gologienous a rvl le pass de la Terre; quelques mil-liers d'annes prs, nous savons son Age prodi-gieux; une tude patiente de ses flancs nous a faitconnatre comment, des poques diffrentes, sesont dresses sa surface des chanes de montagnes,aujourd'hui arases, dont nous avons pu tablir lacarte et mesurer la hauteur; nous savons que surleurs flancs coulaient des glaciers dont les moraines,datant parfois de quarante millions d'annes, ont tretrouves. Nous avons exhum les restes desplantes qui couvraient de forts leurs pentes assail-lies et dgrades sans cesse par les eaux, ou quibalanaient leurs rameaux touffus dans les plaines etle long des rivires. Nous savons aussi quel monded'animaux tranges se dveloppait soit leur ombre,soit dans la mer, prparant par une lente volutionla venue des cratures qui sont nos compagnesactuelles. Les abris sous lesquels venaient se rfu-gier et mourir, il y a vingt ou trente mille ans, nos

  • AVANT-PROPOS d

    anctres nous ont livr les squelettes de leurs htes ;nous avons pu reconstituer leur figure et ramasser, enquantits innombrables, leurs armes et leurs outils depierre. Dans des galeries souterraines sans fin, nousavons retrouv de vritables muses de leurs oeuvresartistiques graves, peintes ou sculptes. D'autre part,la Terre a t parcourue en tous sens ; les blancssont en train de la conqurir; ils se sont trouvs, danscette oeuvre d'envahissement, en contact avec toutesles races d'hommes; ils ont pu les tudier de prs,noter les traits essentiels de leur mentalit, sans tou-tefois se dgager compltement cet gard de touteide prconue; et une science, l'anthropologie, estne de ce contact. Enfin la biologie, la science de la vie,tout entire contemporaine, a dtermin la place del'homme dans la nature et les liens qui l'unissent toutes les forces, toutes les substances, quienchanent la libert pie rve son esprit, liens qu'ilne saurait toujours dominer, mais qu'il peut suffi-samment connatre pour viter l'en tre tropmeurtri.

    De tout cela aucun savant, aucun philosophe,aucun lgislateur n'a su faire une synthse, nidduire une ligne de conduite pour les particuliers,des principes de gouvernement pour un peuple.Peut-tre cette synthse est-elle au-dessus des forcesd'un seul esprit; en attendant, les plus avancsd'entre nous, ceux qui prtendent dtenir les vritsintangibles, guider les hommes dans la voie du pro-grs et imposer leur autorit en son nom, vivent surdes ides vieilles de deux sicles, qu'ils n'ont jamaisapprofondies et qui sont closes dans dos cerveauxpuissants, sans doute, mais parfaitement trangers toutes les ralits dont un travail obstin, unepatiente et habile observation qui ne laisse chapperaucun des tressaillements de ce qui existe, ont lente-ment constitu la Science moderne.

  • 4 AVANT-PROPOS

    Nous n'avons pas la prtention de faire ici une syn-thse quelconque. Mais nous avons group dans celivre, en essayant d'en montrer le lien, quelques-unesdes questions qui proccupent la Science moderne,qui sont d'un intrt gnral et que nous avons trai-tes au jour le jour dans le feuilleton du Tempsintitul Le Monde vivant. Ce sont des matriauxamens, pour ainsi dire, pied d'oeuvre. Puissent-ils tre jugs dignes, par quelques-uns de nos lec-teurs, de servir de base leurs mditations et leurpermettre de mesurer la distance qui spare lesdonnes prcises d'une science dont la puissance depntration s'accrot chaque jour des creuses songe-ries que l'on considrait nagure comme 1.' quintes-sence des choses.

  • A travers le Monde vivant

    CHAPITRE I

    La plante Mars et le Paradis perdu

    RSUM. Les msaventures des canaux de Mars. L'auto-suggestion cl l'observation. Les conditions de la vie dansMars. Les habitants de Mars. Les lois biologiques etla reconstitution des Martiens. La priode secondaire; con-tours des continents et des mers celte poque. La viedurant la priode secondaire. Analogie de cette poqueavec la phase que traverse actuellement la plante Vnus.

    Le plus olympien des astronomes, Le Verrier, enta-mait un jour l'Acadmie des sciences une de cesdiscussions cinglantes et ardues o il semblait pulv-riser ses adversaires. Voyant plusieurs de ses confr-res se lever pour partir, il leur lana cette apostrophe : Restez, Messieurs ; je m'exprimerai de faon trecompris mme des botanistes. Plus rcemment, dansl'ode que composa Sully Prudhommc l'occasion ducentenaire de l'Institut de France, l'illustre potedonnait pour limites extrmes au domaine de lascience la firc astronomie et l'humble botanique .La botanique, science des herbes et des fleurs, et lessciences naturelles, en gnral, semblaient cesgrands esprits de simples sciences d'agrment, pro-pres occuper les gens tranquilles ou dlasser lescerveaux tumultueux comme celui de Jean-JacquesRousseau; combien modestes et vacillantes elles

    i.

  • () | A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    paraissaient parmi ces vertigineuses conceptionsrelatives l'origine des mondes que l'astronomiemaniait avec tant d'aisance et de confiance en soi !

    Certaines aventures, comme celles qui se sont pro-duites au sujet des canaux de Mars sont bien faitescependant pour ramener la modestie les savants quiont cru faire la conqute dfinitive du ciel. La singu-lire histoire de ces canaux a t conte avecun admirable sens critique par Charles Andr quidirigea longtemps l'Observatoire de Lyon, dans sonbeau livre, les Plantes et leur origine*. En 1877,l'astronome Schiaparclli, de Milan, annona avoirdcouvert la surface de la plante Mars un rseaude lignes droites sombres qui reliaient les mers lesunes aux autres travers les continents, et qui nepouvaient gure tre que d'immenses canaux cons-truits par des tres intelligents. Presque eu mmetemps, les astronomes Burton et Dreyer, sans con-natre les observations de Schiaparclli, annonaientune dcouverte analogue. Une telle concidence nelaissait gui de doute sur la ralit des faits. Schia-parclli poursuivit ses observations avec ardeur; denombreux astronomes : Chrislic, Perrotin, Proctor,Lowell, Douglas, Pickering, Flammarion, etc., semirent observer Mars avec passion et on dressa descartes soigneusement repres de la surface de laplante : les canaux se multiplirent au point d'at-teindre le nombre de 420 ; on crut les voir s'empliren t, se vider en hiver; quelques-uns se ddou-blaient pour former deux canaux parallles; descanaux nouveaux naissaient, d'autres s'vanouis-saient temporairement ou d'une faon dfinitive; ceschangements d'aspect paraissaient lis, en partie dumoins, au cours des saisons. Il semblait qu'une activitvigilante modifit sans cesse la surface de la plante

    1. Gauthier-Villars, 5b, quai des Grands-Augustins, 1909.

  • LA PLANETE MARS ET LE PARADIS PERDU mons-trueuses girafes, d'antilopes, de zbres, de* lions, depanthres que les Parisiens pourront admirer quandon aura donn au Musum d'histoire naturelle laplace ncessaire pour les exposer; c'est Alluaud, qui,seul ou en compagnie de MweAlluaud cl du Dr Jeannel,aprs avoir parcouru la rgion des lacs, escalade leKilimandjaro, le Keniya et le Ruwenzori, les seulesmontagnes d'Afrique dont les sommets, qui atteignent6.000 mtres, soient couverts de neiges ternelles;c'est Diguet, qui rapporte du Mexique de triom-phantes orchides et la plus rbarbative collection decactus pineux qui se puisse voir; c'est Auguste Che-valier, qui parcourt toute la fort vierge africaine,en prpare l'exploitation, offre l'bnisterie unetonnante srie de bois plus beaux et plus varis queles fameux bois des les, et cre Dalaba un jardinbotanique modle d'o partiront, aprs acclimatation,nos plantes cultives pour enrichir notre colonie eto seront tudies los plantes africaines susceptiblesd'orner nos jardins et de varier nos plantations; c'estLouis Gruvel, organisant la pche dans la baie duLvrier, au banc d'Arguin, et crant Port-Etiennetoute uno industrie qui sera, si on persvre, le pen-

    1. Franois Geay, qui avait explor l'Amrique centrale, Mada-gascar et l'Australie, vient de mourir Sydney.

  • 48 A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    dant dans lo pays du soleil, do celle quo les Anglaisont cre, avec l'aido do nos marins, dans lesbrumes do Terre-Neuve; c'est Brumpt lo compagnondo du Bourg do Bozas; c'est Roubaud, et avec lui losdocteurs Gustave Martin, Leboeuf el Ringenbach,bravant les piqres dos mouches terribles du Gabonet du Congo pour tudier sur place la meurtriremaladie du sommeil. C'est Lecomte parcourant avecAchille Finet l'Indochine pour en rcolter les plantes.

    Parmi ces vaillants, un jeune naturaliste doiit lacarrire a t des plus mritantes, M. Charles Gra-vier, s'est laiss attirer par les mers tropicales; il estall d'abord s'tablir dans la baie de Tadjoura, entreObock et Djibouti, on faco d'Aden, un peu au sud dupoint o l'Arabie so rapproche de l'Afriquo pour for-mer lo dtroit de Bab-cl-Mandeb; l'anne suivante ila gagn l'le de San-Tom, do l'autre ct de l'Afri-que, en plein Atlantique, ot do ces deux stations il arapport d'admirables documents sur la populationanimale des mers tropicales'. La cte occidentale del'Atlantique passait pour tre dpourvue do ces puis-santes constructions que les Polypes lvent dans lesmers tropicales; -M. Gravier en a pu examiner d'im-portantes autour de l'le de San-Tom. Elles se mon-trent dans toute leur splendeur, surtout l'entre dela mer Rouge, entre Obock, Aden, Madagascar et lapointe sud de l'Inde.

    C'est seulement dans ces rcifs madrporiques quel'on peut prendre une ide des merveilles que la viesait produire lorsqu'elle collabore avec une mer lim-pide et les rayons du soleil. Tous ceux qui les ontvisits : Ehrenberg, Alexandre Agassiz, Hseckel, SavilleKent, en ont gard comme un blouissement. Lesmots leur semblent insuffisants pour dpeindre cequ'ils ont vu. Un rcif de coraux, c'est un gigantes-

    i. Annales de l'Institut ocanographique, t. II, fascicule 3,19H.

  • LES MYSTRES DE L'.VNTIQLIT 49

    quo crin, d'o jaillissent en tous sens les feux tin-celants des gemmes les plus prcieuses. Sous l'azurprofond ot mouvant des eaux merveilleusomcnt trans-parentes qui so balancent ou frissonnent au-dessusdo cet amoncellement do joyaux, scintillent les rayonsde miraculeuses toiles. Ce sont les fleurs animeset dlicates do( la mer. Ces fleurs translucides,plus somptueuses que les corolles closes dans nosjardins au tide souffle du printemps, et tellementsensibles qu'elles so rtractent au moindre frle-ment, tellement thres qu'elles semblent prtes s'Yranouir au moindre contact et se dissoudredans le bain do fluide saphir o flottent leursptales, ces fleurs faites de reflets construisent depuissants rcifs, capables de briser des navires.Elles s'tendent comme un lger voile de geletremblante la surface de l'difice do pierre dontelles ont scrt les molcules uno une, et ces tresvaporeux sont immortels! Dans les rgions calmeso vivent beaucoup d'entre eux, si nul accident nevient les dtruire, ils dureront indfiniment. C'estle privilge des organismes simples : il y a aussi desarbres immortels. Dans la clbre vallo d'Orolava,sur la cte de l'le de Tnriffe, des dragonniersparaissent remonter l'poque o la Bible placela cration d'Adam, et des Wellingtonia, peut-trecontemporains des derniers mammouths, viventencore dans les forts de conifres do la Californie.

    Longtemps ces fleurs de mer sont demeuresmconnues. On consielrait leurs constructionscomme des pierres vgtantes qui croissaient au fondde la mer, de mme eme dans des solutions appro-pries croissent les arbres de Diane ou de Saturne que les pharmaciens, pour retenir lescurieux, exposent dans leurs vitrines, auprs desglobes emplis de solutions colores qui leur serventd'enseignes. Le corail des bijoutiers tait encore pour

    5

  • 50 A TRAVERS II. MOMIE VIVANT

    Linn une le ces pierres demi vivantes. Plus tardl'abb Marsigli crut avoir trouv la preuve de sanature vgtale lorsqu'il vil des fleurs blanches, huitptales lgamment dentels toiler la pourpre d'unpied de corail frachement pch qu'il venait dereplacer dans de l'eau de mer bien pure. Seulementles ptales s'talaient, se rtractaient, se recourbaientsur eux-mmes, se drobaient au moindre attouche-ment. Nulle fleur n'est capable de se mouvoir ainsi.Un jeune mdecin de Marseille, Poyssonel, rptantl'observation do Marsigli, conclut que ces prtenduesfleurs taient, en ralit, des animaux analogues auxanmones de mer si communes sur nos ctes et qu'onappelait autrefois des orties, parce qu'elles brlent,comme les feuilles de cette plante, les mains de ceuxqui les manient imprudemment. Poyssonel ne putconvaincre l'Acadmie des sciences. Ce jeunehomme, disait Raumur, ne mo fora jamais croire quedes orties puissent construire des coraux, do quelquefaon qu'on s'y prenne pour les faire travailler. C'est seulement bien plus tard que, presse par desdcouvertes nouvelles, une commission do l'Acadmiedes sciences compose de Guetlard, Bory de Saint-Vincent et de Jussieu se rendit Lion-sur-Mcr pourrsoudre la question, et proclama que Poyssonel avaitpeut-tre bien raison. Par une ironie singulire dudieu qui veille sur les acadmiciens, c'est en tudiantdes animaux qui n'ont aucun rapport avec les corauxque les trois savants tablirent leur conviction.

    Comment se produisent les fleurs de mer? Com-ment peuvent-elles arriver construire les puissantesformations qui, dans les mers tropicales, sont si .redoutes des navigateurs? Elles appartiennent unmonde bien diffrent de celui des animaux ordinaires,et dans lequel le corps,-fix comme celui des plantes,partage avec lui la facult de crotre en se ramifiant.

  • LES MYSTRES HE I.'ANTIQUIT 51

    Tous les rameaux sont d'abord semblables entre eux;chacun d'eux se termine par une bouche entoure defins tentacules, arms d'une infinit de petits hame-ons venimeux; ce sont autant de ligues de pchetrs dangereuses pour les menues proies qui passent leur porte. Chaque rameau peut ainsi pcheret manger pour son propre compte; rien ne s'oppose ce qu'il se dtache et vive isol; e'c.sl alors un polype ; on en trouve dans les eaux douces. Maisen gnral, lo corps ramifi des polypes marins ne sedsagrge pas ainsi. Tous les polypes vivent eu com-mun, se prtent un mutuel appui et se partagentmme la besogne ncessaire la prosprit de laSocit : il y a ainsi des polypes pcheurs, des poly-pes nourriciers, des polypes reproducteurs, etc.Chacun finit par prendre une ligure approprie sonemploi. En gnral, les polypes pcheurs et les polypesreproducteurs perdent leur bouche et leurs tentacules.Ne pouvant plus manger pour leur compte, ilsviennent se grouper au voisinage des polypes nour-riciers, au profil desquels ils pchent et de qui ilsreoivent leur part de provende toute digre. Leplus souvent ils se rangent en cercle autour d'eux, elforment alors les fleurs animales qui constituentles madrpores, comme les feuilles des vgtaux segroupent pour former leurs fleurs. Ils peuvent aussiso disposer en doubles .ranges sinueuses, dans les-quelles sont dissmins les polypes nourriciers,comme chez les Mandrines, qui tirent leur nom decette particularit. Tout cet ensemble forme un seulcorps vivant, qui no cesse de crotre en surface, etqui conserve, dans ses diverses parties, l'arrangementque nous venons de dcrire. A sa surface infrieure,ce corps no cesse de scrter du calcaire qui, luiaussi, reproduit exactement son arrangement, leconserve en s'tendant en surface, en s'paississantpeu peu, et finit par former l'norme masse rocheuse

  • 02 A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    du rcif. 11 a fallu, pour constituer cette masso,un temps prodigieux; mais, nous l'avons dit, lospolypes, dans les conditions normales, sont immor-tels, et quand par hasard la vaste surface qu'ilsforment vient tre dchire, par suito d'un accidententranant la destruction de quelques polypes, lablessure est vite rparo par ceux qui restent. Lamor Rouge et la rgion ocanique qui s'tend entrelo golfe d'Adon, o a travaill M. Gravier, la pointonord do Madagascar et la pointe sud do l'Inde ontt tudies rcemment avec lo plus grand soinpar O-JSnaturalistes tels que Crossland, J. Stanley,Jousseaumo, Krempf el M. Gravier lui-mme. Lesrcifs y revtent la forme typique qui avait frappl'imagination do Darwin ; ils devraient tre envelop-ps dans sa conclusion : la mer Rougo, l'ocan Indiendevraient tre compris dans la rgion d'effondrementdu Pacifique. Bien loin do l, presquo partout, danscette rgion, on trouve, au contraire, la preuve vi-dente de soulvements puissants.

    En des points nombreux de la cte, d'anciens rcifsqui ont conserv tous leurs caractres sont incorpo-rs au continent et s'lvent bien au-dessus de la merqui s'est retire ; en pleine mer, des plateaux uni-quement forms de coraux, rongs do tous cts labase par le flot, s'lvent bien au-dessus des vagues,et leurs bords arrondis, dcoups et noircis partoutes sortes d'apports, dessinent ces pittoresques ttes de ngre remarques par tant do voya-geurs. En fait, toute la cte orientale d'Afrique estforme par un rcif de coraux qui a t soulev de250 pieds au-dessus du niveau de la mer et dont fai-sait partie l'le de Zanzibar.

    Les coraux varis qui forment les rcifs ne peuventpas vivre plus de quarante mtres de profondeur;mais partout o le relief du sol s'approche jusqu'cette distance de la surface, ils s'tablissent. Loin

  • LES MYSTRES DE L'ANTKJUIT 53

    d'indiquer uno rgion d'affaissement du sol, los lesdo corail indiqueraient donc plutt une rgion d'ox-haussemont. Mais bien des conditions diverses peu-vent leur fournir uno base la hauteur qui leur con-vient; beaucoup d'les madrporiques sont tabliesau sommet do volcans sous-marins ; les belles tudesdo J. Stanley Gardner ont montr que les Laquediveset les Maldives reposent sur un plateau situ environ200 brasses de profondeur, entour de talus pentesrapides, dcoup en tronons par les courants sous-marins et qui reliait jadis Madagascar Coylan. Ail-leurs ce sont des algues calcaires et des madrporesaptes vivre dans les grands fonds* qui fournissentlo soubassement du rcif, ou des dpts tombs dela surface comme ceux que smo lo long de la ctede Floride le grand courant d'eau chaude, le Gulf-Stream, qui se dirige de l'quateur vers les ples etque peuple une infinit d'organismes amis de lachaleur.

    Les coraux ne sont pas d'ailleurs les seuls ouvriersdes rcifs. Les polypiers produits par les diverspolypes croissent ingalement et peuvent tre brisspar mille accidents, de telle faon quo la surface durcif est anfractueuso; des ponges souvent brillam-ment colores, toutes sortes de menus animaux, etsurtout des algues, des corallines elles aussi incrus-tes de calcaire, viennent se loger dans les anfrac-tuosits, combler les vides, cimenter toutes les parties,en attendant qu'elles soient elles-mmes recouvertespar la membrane vivante qui mane des polypes etqui les ensevelit, leur tour, sous un revtement cal-caire. Ainsi le rcif se consolide sous le communeffort d'organismes divers. D'autres, au contraire,tendent le dtruire ou au moins retarder sa crois-sance. Si tnue et peu nourrissante que soit la chair

    1. Les Lophohelia.5.

  • O A TRAVERS LE MOMIE VIVANT

    prosquo liquide des polypes, elle a ses amateurs. Desmollusques revtus do brillants coquillages la dchi-rent incessamment do leur languo raboteuse et sem-blent en faire leurs dlices; des toiles do mer pour-pres viennent partager leur repas, quand elles noprfrent pas s'attaquer an mollusque lui-mmo.

    Des vers empanachs et colors do mille faons,ondulant comme de menus serponls, dos crevettesagiles, aux fines pattes, des crabes la lourdo allures'agitent dans les parterres fleuris de la surface durcif, non sans dommage pour sa floraison; sur toutce peuple grouillant et sautillant, de magnifiquespoissons, tranges do forme, mais splendidementpars de couleurs nacres, devant lesquelles pli-raient celles des oiseaux do paradis et des papillons,prlvent de lourds impts: quelques-uns sont armsdo dents assez puissantes pour briser les coquillageset broyer los polypiers. Ceux-ci sont oux-mmesmins de toutes faons; de menues moisissures ma-rines, de minuscules algues enfoncent lentementleurs filaments dans le calcaire qu'ils dissolvent; desponges voisines de celles qui criblent de trous lescoquilles de nos hutres, s'y" enfoncent; des versdevenus anachortes s'y creusent de tortueusesretraites; des mollusques bivalves les taraudent, etparmi eux ces gigantesques tridacnes, dont les vastescoquilles servent faire dos bnitiers, tels que ceux del'glise Saint-Sulpice ; ces tridacnes demeurent cons-tamment couchs sur le dos dans la loge o ils se sonttablis. Pacifiques et rsigns, les coraux se bornent se protger contre tous ces indiscrets en scrtantune lame do calcaire qui les isole et qui consolideleur habitation. Le rcif n'en finit pas moins par tremin de toutes parts et sera brch la premiretempte.

    L'vnement est de peu d'importance, et la bles-sure bien vite rpare. D'autre part, si quelques c'en-

  • LES MYSTRES DE L'ANTIQI Il 55

    taines do polypes sont emports avec le fragmentdo rcif quo la vague va rouler, pour peu quo cefragment s'arrlo sur un fond propice, les polypescontinueront vivre et prosprer sa surface;un nouveau rcif va commencer s'difier.

    Los coraux, si dlicats en apparence, rsistent d'ail-leurs merveilleusement certaines influences. Ilsredoutent lo froid, les impurets en suspension dansl'eau, l'obscurit et le manque d'oxygno ; mais ilssupportent facilement la chaleur el inmo la sche-resse. M. Charles Gravier on a vu San-Tom sup-porter sec, pendant toute la dure do la basse mer,les rayons directs du soleil tropical; il n'est pas rarequo dans les flaques d'eau o s'panouissent quel-ques-uns d'entre eux, la temprature s'lvo 56 centigrades."

    En gnral, le corps form par les polypes prove-nant du bourgeonnement et de la ramification d'unmme parent a uno forme dtermine. Mais de mmeque le port d'un arbre se modifie suivant les circons-tances qu'il subit, l'assemblage form parles polypeschange d'aspect suivant les conditions dans les-quelles il se dveloppe. Telle espce qui se dresseraet se divisera en puissants rameaux, si elle vit dansune eau calme, se ramassera, au contraire, en unecolonne paisse ou une plaque encrotante lorsqu'ellepoussera dans uno mer agite; les vagues rabattront,taleront et souderont ses rameaux de manire larendre mconnaissable. Quelle que soit l'allure de lamer, une forme-dj tablie se conservera; mais siun polypier ramifi, difi dans une mer tranquille,vient tre bris, alors que los eaux sont devenuesagites* le polypier se. reconstituera avec la formemassive qui convient ces nouvelles conditions. C'estune forme do dfense.

    Le fait le plus tonnant de l'histoire des coraux,c'est que ces puissants constructeurs ne mangent pas.

  • 56 A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    Les anmones do mor qui vivent sur nos ctes sontcarnassires; M. Gravier n'a jamais rien trouv dans,l'estomac des polypes constructeurs do rcifs. Lo fait,dj signal, avait paru invraisemblable. En revanche,Jours tissus sont bourrs d'algues minuscules, diver-sement colores, auxquelles ils doivent leurs teintesvaries. Ce sont probablement les liquides sucrs,excrts par ces algues qui leur servent d'aliment. Or,les vlgues ne formo.it des substances sucres quesous l'action du soleil, dont les rayons ne produisentgure d'effet utile au-dessous de 40 mtres de profon-deur; c'est pourquoi la plupart des madrpores cons-tructeurs de rcifs ne s'implantent pas plus bas. Enralit, c'est lo soleil qui les fait vivre, c'est lui quiconstruit les rcifs et qui allonge les continents,lorsque ceux-ci viennent, comme en Afrique et onFloride, se souder la cte.

    M. Charles Gravier a, par cette dcouverte, ajoutun beau chapitre l'histoire des Madrpores.

    Tout ce qui touche aux autres questions relatives la construction des rcifs, a t clair parAlexandre Agassiz, qui a consacr cette tude prsde la moiti d'une existence que l'on peut considrercomme le type de la carrire du savant amricainmodem style. Son pre, Louis Agassiz, avait t ledernier, le plus fidle et peut-tre le plus brillant dis-cjple de Cuvier. N en 1807 Orbe, canton de Vaud,professeur ds 1832 l'universit de Neufchtel, LouisAgassiz s'illustra rapidement par les grandes concep-tions qu'il sut tirer de ses observations prcises. Del'tude des poissons fossiles, il avait conclu quo lespoissons des temps passs n'taient que des bauchesimparfaites, dans lesquelles la nature s'essayait cons-truire les formes actuelles, et qu'elle dtruisait pourles remplacer par d'autres mieux conues ; ide unpeu enfantine, mais qui s'acheminait cependant versla puissante doctrine de l'volution. De l'tude des

  • LES MYSTRES DE l/ANTIQUIT 57

    traces laisses sur leur passagepar los glaciers, il avaitconclu qu'un immense manteau do glaco avait jadiscouvert la plus grando partio des rgions tempresdu Globe, et il s'est trouv depuis quo cotto priodeglaciaire, durant laquelle la glaco tait cependant pluslocalise qu'il ne lo pensait, est justement celle ol'on commence trouver dos traces do l'homme. En1846, Louis Agassiz partit pour les Etats-Unis. Elo-quent, ardent, d'une infatigable activit, il organisal'enseignementdes'scicnces naturelles au collge Har-vard, annex l'universit de Cambridge, y cra unadmirable muse zoologique, dirigea l'exploration m-thodique des ctes maritimes do l'Amrique du Sud,et se fit bientt dans le Nouveau-Monde une telle situa-tion que malgr ls sollicitations do Napolon III, ilrefusa de revenir Paris comme snateur de l'Empireet directeur du Musum d'histoire naturelle.

    Il tait malgr cola toujours court d'argent pourses vastes entreprises. Mon pre, me disait un jourAlexandre Agassiz, a pass sa vie quter; peut-trocette obligation m'aurait-elle dtourn de la sciencesi j'tais demeur on Europe; mais j'tais en Am-rique, dans le pays des fortunes rapides ; les minesdo cuivre taient pleines de promesses; je rsolus,avant de mo consacrer tout entier la science, d'a-masser assez de capitaux pour assurer lo succs etl'indpendance de mes recherches. H y avait russiau del de toutes esprances, et il put ds lors ra-liser la grande entreprise qu'il a poursuivie jusqu'la fin de sa vie.

    La mer des Antilles, l'ocan Pacifique sont la terrepromise des madrpores constructeurs de rcifs.Nulle part ces rcifs.ne sont plus varis.

    Tantt ils sont troitement attachs la terre;tantt, commo sur la cte nord-ouest de l'Aus-tralie, ils la suivent distance, laissant entre euxet la terre un chenal de faible, profondeur; tan-

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    tt, comme aux Fidji, ils s'tendent partiellementautour d'un archipel, comme pour le dfendre contreles assauts de la haute mer. Souvent ils dessinent lasurface de la mer des anneaux rguliers dont lecentre est occup par un lac tranquille, tandis queles vagues dferlent s M- tout son pourtour; c'est cequ'on nomme les atolls. Les Maldives sont ainsi desgroupes d'atolls prsentant les combinaisons les plusdiverses. Le lac central de ces atolls est l'habitat deprdilection des hutres perlires. Des mollusques,des oursins, /les toiles de mer' des poissons auxformes tranges, plus vivement colors que les plusbeaux oiseaux, que les plus beaux papillons trans-forment ces rcifs en un brillant parterre dont lesfleurs se meuvent cl dont Savillc Kent a reprsentles splendeurs dans un des plus luxueux ouvragesd'histoire naturelle qui existent.

    Darwin, nous y avons fait allusion tout l'heure,avait cru que l'arrangement de ces formations madr-poriques tait domin par le phnomne grandiosede l'affaissement de tout le fond de l'ocan Pacifique,et cet affaissement expliquait la prsence des nom-breux volcans qui semblent entourer d'un cercle defeu la plus vaste tendue d'eau de notre globe.

    L'ide lait digne du rnovateur de la doctrine del'volution. Elle n'tait malheureusement appuyeque sur un petit nombre de donnes, dont quelques-unes taient dj contestes au moment, o Darwinmit son hypothse, et dont la plus srieuse succombadevant les sondages prcis, oprs autour de l'le deTahiti par des savants do la grande expditionanglaise autour du inonde du Challenger. LouisAgassiz, soutenu par Semper, par John Murray,s'leva d'abord contre la conclusion de Darwin. Leproblme valait la peine d'tre repris dans touteson ampleur. Krams au Samoa; Stanley, Gardner Fonafuli, Rosonna, aux Laqucdivos, aux Mal-

  • LES MYSTRES DE L'A.NTKJITT 59

    dives; F. V. Johnes l'atoll Kecling; T. WeylandVaughan au laboratoire Carnegie de Dry Torlugas(Floride) s'y employrent; mais ce fut AlexandreAgassiz qui l'attaqua dans toute son ampleur. Fort del'exprience qu'il avait acquise par ses magnifiquesexplorations do la mer des Antilles, AlexandreAgassiz s'y consacra tout entier. A bord d'un navirefrt par lui, il visita une une toutes les for-mations madrporiques, effectuant partout de rigou-reux sondages,' recueillant des matriaux de toutessortes, des collections splendidcs, et devant ses pr-cisions, le drame ocanique difi par Darwin s'estvanoui.

    Le Pacifique ne creuse pas incessamment sesabmes; il couvre, comme l'Atlaiiliquc, un solqui s'lve en certains points, s'affaisse sur d'autrs, el les formations madrporiques s'arrangentcomme elles peuvent do ces mouvements. Partout ole sol arrive moins de 40 mtres au-dessous duniveau de la mer, elles s'installent, si la tempraturene descend pas au-dessous de 20. Leur base est sou-vent un cne volcanique, la crte d'une chane de col-lines submerges, o mme un faite sous-marin crpar la sdimentation.

    Le long de la cte de Floride, coule au large unbras du Gulf-Strcam, qui en pouse la forme. Dans cevaste courant d'eau chaude, la vie prsente une inten-sit extraordinaire. C'est une longue route trs fr-quente, le long do laquelle les animaux sment leurscadavres qui s'accumulent sur le fond. Celui-cis'lve donc peu pou; les madrpores y poussent,forment un banc qui se tient d'abord distance de lacte, mais finit par s'y souder. Depuis le dbut de lapriode actuelle, quatre bancs so sont ainsi rattachssuccessivement la cte primitive. Chacun de cesbancs a exig prs do douze mille ans pour sa forma-tion; il a donc fallu environ quarante-huit mille ans

  • 60 A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    pour constituer le rcif total. Mais la Floride elle-mme n'est qu'un ensemble de rcifs semblables sou-ds la terre ; cet appareil imposant n'a pu exigermoins de deux cent mille ans pour se constituer. C'estla dure minimum de la priode qui a vu apparatre lespremires traces de l'activit humaine.

  • CHAPITRE IV

    La Mer.

    RSUM. Les divinits de la mer. Le Plancton, le Soleil cl leParlement. Le bleu des animaux de haute mer. Le rouge,le violet et le noir des abmes. Les animaux lumineux. Le roman de Lili Villepreux. L'Argonaute. Les explora-tions sous-marines. L'Institut ocanographique du princede Monaco. La migration vers les abmes.

    Le mystre de la mer ne rside pas sur des ctescommo celles que bordent les bancs de coraux; lamer du largo demeure si longtemps inexplore,ses profondeurs rputes insondables, ont t, jusquevers la seconde moiti du xix* sicle, le refuge de toutce que l'imagination des Anciens a pu rver de plusfantastique. On y rencontre encore, la vrit, dessirnes et des tritons; on y peut contempler Amphi-trite entouro d'un brillant collge de divinits oud'hrones formant sa cour, Nris, Marphyse, Eunice,Hsione, Lysidice, Hermione, Syllis, etc. ; les Gor-gones, et la premire d'entre elles Mduse; Vnussous ses formes diverses :Aphrodite, Astarl, Cylhrc ;Nautilus mme et les Argonautes; mais tous cesnoms prestigieux ne servent plus dsigner, pourla plupart, que d'humbles coquillages ou des verssouvent luxueusement pars, d'ordinaire trs dlicats,qui abritent leur fragilit parmi tes frondes desalgues ou dans les fentes des rochers. Le nombre

    G

  • 62 A TRAVERS IE MONDE VIVANT

    de ces tres rels dpasse de beaucoup celui destres mythologiques do jadis, mme en y ajoutant lesdieux Scandinaves tels qu'Odin et Freya; il s'accrotrapidement mesure que les chaluts, les dragueset les sondes labourent le fond des ocans, que demenus filets filtrent les eaux toute distance dela surface et que des piges tendus sur leur routetnbreuse nous ramnent quelqu'un de ces ani-maux craintifs que leur prudence maintient ter-nellement entre deux eaux.

    Certains rampent sur le fond des abmes, l'effleu-rent do leurs nageoires rapides, ou s'enfoncent dansla vase qui lentement s'y dpose, y meurent, et leursrestes y demeurent cachs, attendant le jour o lesol difi par elle sera peu peu soulev par desforces irrsistibles, nes de la contraction du Globe,et port vers le ciel pour former, sous un ternelmanteau de neige, la crte d'une nouvelle chane demontagne.

    D'autres organismes vivent loin des ctes o ilsn'apparaissent que lorsque quelque tempte y a violem-ment pouss les eaux du large, se laissent, presquesans mouvement, balancer par les vagues ou nagentdans les rgions la profondeur desquelles les agita-tions les plus violentes de la surface se font seule-ment sentir sous la forme de caressantes ondulationsqui finissent par s'teindre tout fait. Ces animauxconstituent ce que lheckcl a dsign sous le nomdevenu populaire, mme parmi les pcheurs, deplancton.

    Il y a de tout dans ce plancton, qui est, par excel-lence, la manne nourricire des poissons. On y trouved'abord une varit infinie d'algues microscopiques,de diatomes, qui vivent solitaires ou en petitessocits et qui sont en nombre prodigieux; il y ena cinq milliards par mtre cube dans les eaux del'Islande. M. L. Mangin a eu la patience de dtermi-

  • LA MER 63

    ncr et d'numrer celles qui vivent sur nosctes'.Presque seules elles sont capables, sous l'actionbienfaisante des rayons solaires, de former avecles eaux de la mer et l'acide carbonique qu'ellestiennent en dissolution des combinaisons analogues l'amidon, au sucre, au papier qui se transformentelles-mmes, par des ractions nouvelles, en cessubstances azotes dont est forme toute matirevivante. D'infimes animaux microscopiques se nour-rissent de ces algues, d'autres cohabitent avec elleset vivent de leur superflu, de petits crustacs, deseoppodes, avalent ple-mle tout ce fretin et cons-tituent, leur tour, une proie plus substantielle dontse contentent une foule d'animaux, notamment lesanchois, sardines, harengs et maquereaux, mannebnie des pcheurs. Des poissons carnassiers, lesmorues, les thons se ruent sur les bandes innom-brables de ces modestes mangeurs; dos cohortessans fin de calmars accourent la cure, et danstout ce monde d'affams, les requins, les marsouins,les orques, les dauphins, les cachalots viennentfaire desombres troues. Quand les diatomes abon-dent et flottent prs de la surface, toute cette vievolue fleur d'eau, porte des filets des pcheurs;lo poisson arrive abondant sur les marchs; unvrai peuple d'ouvriers et d'ouvrires, occup assurer sa conservation, so presse dans les usinesdu littoral ; l'aisance se rpand jusque dans les plushumbles demeures. Mais que les diatomes fuient lasurface: elles entranent avec elles leur luxurianteclient le dans des profondeurs pas bien grandes,mais cependant hors de la porte des filets; la pchefait faillite, les usines aussi; les populations mari-times s'agitent, rclament des subsides qu'il n'est pastoujours possible de leur donner, organisent des

    t. L. MANOIN : Les Algues du plancton. Kcvue gnrale dessciences, t. XIX.

  • 64 A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    meetings et des grves; les dputs interpellent lesministres; des complots sont ourdis dans les couloirs la faveur du mcontentement gnral, et les cabi-nets s'croulent. Tout cela est la faute du Soleil.C'est en effet lui qui rgle l'alimentation des diato-mes, l'activo et favorise leur multiplication quandil est brillant, la laisse languir quand il se voile.C'est galement lui qui soulve les vents, leur donnela puissance ncessaire pour creuser les vagues, lesprojeter contre les ctes, qu'elles dsagrgent etdont elles emportent les dbris. Les rayons dusoleil ne pntrent plus les eaux ainsi troubles, lesdiatomes meurent ou s'enfoncent dans les rgionstranquilles avec tout leur cortge, et les filets tropcourts reviennent vides bord des bateaux.

    Tous les hommes de science qui s'intressent cequi se passe dans l'Ocan se sont donc mis avecardeur l'tude do co plancton duquel dpendentl'aisance de si nombreuses populations et la tranquil-lit des hommes politiques. On a invent pour cettetude une longue srie d'appareils qui ont eu pourorigine l'humble filet dont se servait, il y a troisquarts de sicle, le physiologiste allemand JohannesMlillcr pour pcher des embryons dans la mer. Lefilet plancton actuel est tout simplement un grandfilet papillons fix au bout d'un long manche etqu'on plonge dans l'eau en laissant l'embarcation bord do laquelle on so trouve, aller la drive. Lefilet est fait avec l'taminedo soie qu'on emploie pourles blutoirs a tamiser la farine. Cette tamine esttisse plus ou moins serr ; on en fabriquo dont lesmailles ont un millimtre carr, d'autres o dans ceminime espaco on peut compter soixante mailles etqui ne laissent chapper, en consquence, que de trspetits organismes; mais on est all, pour no rienperdre, jusqu' fabriquer des filets do satin. Les col-laborateurs du prince de Monaco, MM. Richard et

  • LA MER 65

    Bourc, ont perfectionn cet instrument primitif dotelle faon qu'il peut pcher toutes les profondeurset sonder l'Ocan tous ses tages, soit successive-ment, soit simultanment, plusieurs filets pouvanttre suspendus un mme cble immerg verticale-ment. Avec ces appareils, on a russi se faire unoide de l'abondance des organismes dans l'eau domer la plus pure en apparence. De la baie des Pois-sons (Fish Bay) au cap de Bonne-Esprance, le fil-trage d'un mtre cube d'eau do mer a fourni un tiersde litre de matire vivante ; ce tiers de litre contenaithuit mille millions de diatomes et treize cents amfsde poissons. Rien qu'on ce qui concerne les poissons,on a calcul que la baie entire, qui a deux cents kilo-mtres carrs de surface, contient cent soixante-sixmille six cents millions d'oeufs et cent dix-sept millemillions de poissons venant d'clore.

    Au voisinage des ctes, le plancton est particulire-ment riche; beaucoup d'animaux qui, l'tat adulte,vivent sur le fond ont, quand ils viennent d'clore,une forme toute diffrente de leur forme dfinitive;ce sont alors de trs habiles nageurs, mais si frlesque le moindre frlement leur serait fatal ; c'est lecas, par exemple, pour les crevettes, les soles et leslangoustes. Bien diffrentes en cela des homards,les langoustes, leur naissance, et assez longtempsaprs, ont la forme d'une sorte de feuille transparentecomme du cristal, et qui serait munie do longues etgrles pattes bifurques ; les crevettes sont toutaussi mconnaissables, et les soles sont do petitspoissons, transparents eux aussi, et ventrus, dontles doux yeux, bien symtriques, n'ont pas encorepass sur le mme ct do la tte, comme chezl'adulte. Les ponges, les polypes, les toiles do mer,les oursins, les balanes, si dsagrables pour les bai-gneurs, la plupart des vers marins, des coquillagesqui sont fixs au fond do la mer ou rampent pnible-

    6.

  • 66 A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    ment sur ce fond ont aussi des larves nageuses. Ceslarves se mlent aux organismes destins flotter ou nager toute leur vie et augmentent d'autant leplancton ctier.

    Le plancton du large est plus pauvre, mais enrevanche il est form d'animaux plus tranges ; il serecrute d'ailleurs toutes les profondeurs, car desespces qui vivent habituellement loin de la surfacey sont souvent ramenes par les temptes ou d'autresaccidents. 11en est mme qui remontent priodique-ment, chaque joui*, du fond vers la surface. Ces orga-nismes du plancton appartiennent toutes les classesdu rgne animal, sauf celle des ponges, et ilspeuvent atteindre toutes les tailles. Vivant dansdes eaux tranquilles, de temprature presque cons-tante, peine pourchasss, ils atteignent souvent unetaille bien plus grande qu'au voisinage des ctes.On trouve, par exemple, dans la Mditerrane, etmme sur les rives de la Manche, des berocs, descalianyrcs, des cestes semblables respectivement des ds coudre, des mitre*, d'vque, de largesceintures ondulantes, d'une transparence absolue,qui nagent au moyen de longues ranges de dli-cates palettes irises, dchiquetes en forme depeigne, et semblent emports dans l'eau bleue pardes bandelettes d'arc-en-ciel. Sous les tropiques, bord du 7'alisman, j'ai vu se balancer mollementprs des flancs du navire des calianyrcs qui avaientcertainement 2 mtres de long ; personne n'a jamaisrevu, je crois, de semblables merveilles; ils ont,prs des ctes, quelques centimtres de hauteur. Onrecueille assez souvent, prs de nos ctes, des pyro-somes, sortes de manchons cristallins dans lesquelssemblent enchsss des rubis et qui s'illuminent lanuit, au moindre contact, des plus vives lueurs.Ce sont les pyrosomes, dont le nom signifie corps defeu ; le pyrosomo gant do la Mditerrane a 15 cen-

  • LA MER 67

    timtres de long ; des rgions tropicales j'en ai rap-port un, actuellement expos au Musum, qui avait,lorsqu'il tait vivant, plus de 2 mtres de haut. J'aicru pouvoir le nommer Pyrosoma excelsior. On en atrouv depuis qui atteignaient 4 mtres.

    Ces animaux plagiques ont de remarquables carac-tres communs. Ils sont d'une telle lgret qu'ils semaintiennent naturellement entre deux eaux; trssouvent leur forme est globuleuse, comme s'ils taientgonfls par le liquide dont ils ont la transparence; lesuns sont incolores comme du diamant, d'autres d'unbleu de saphir; c'est le bleu mme de l'eau de merpure, aussi bien dans l'Ocan, loin des ctes, quedans la Mditerrane qui l'on attribue tort ce pri-vilge. Dans la mer tout ce qui est bleu est invisible.Les poissons de haute mer qui vivent prs de lasurface : les sardines, les maquereaux, les thons, lesespadons et beaucoup d'autres ont do mme le dosteint de bleu et le ventre argent.

    Les animaux qui habitent plus profondment nesont plus bleus, mais rouges, violets ou noirs. Plusd'une fois, bord du 7alisman, nous avons vu leschaluts revenir remplis de milliers de crustacs sem-blables des crevettes, mais d'un rouge clatant oud'un brillant violet amthyste, et nous nous rappe-lions involontairement la fameuse dfinition de l'cre-visse : petit poisson rouge, etc. Beaucoup de poissonsplagiques revtent aussi ces couleurs voyantes ; ellesn'ont pour eux aucun inconvnient ds qu'ils plongent.Les objets rouges nous paraissent tels parce qu'ilsrflchissent les rayons rouges de la lumire solaire enplus grande quantit que les autres; or l'eau absorbeces rayons, et c'est pourquoi elle parait bleue. Aucunrayon rouge n'arrivant une certaine profondeur, il estvidentqueles animaux rouges ou violets ne sauraienten rflchir; ils paraissent donc bleus ou noirs, et seconfondent, par suite, avec le milieu qui les entoure.

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    Ce milieu, htons-nous do le dire, n'est pas aussisombre qu'on serait tent de le croire. A la surface dusol, bien peu d'animaux sont lumineux; peinepouvons-nous citer, aux environs de Paris, le modestever luisant auquel s'ajoute dans lo Midi la magie deces tincelles volantes qu'on appelle les lucioles. Enmer, c'est tout autre chose. A certains jours, sur devastes tendues, l'eau parat laiteuse, tant elle con-tient de petits tres semblables des grains do mil :ce sont dos noctiluques. Cette abondance des noctilu-ques s'explique : chacune d'elles donne rgulirementnaissance, d'un seul coup, 512 embryons". La nuitpar les temps orageux, quand la mer est houleuse,tous ces petits tres s'illuminent, les crtes des vaguesdeviennent phosphorescentes aussi loin quo la vuepuisse s'tendre.

    D'autres organismes de surface des 'nfusoires, deslarves de Crustacs peuvent aussi rendre la merlumineuse; mais la proprit de produire do lalumire devient presque gnrale chez les animauxdes grands fonds. En certaines rgions, les rocherssous-marins sont couverts d'arbrisseaux flexibles,construits par des animaux semblables ceux ducorail : ce sont des gorgones. Le marquis de Folin avu lo chalut du Travailleur remonter tout plein doces gorgones; elles taient tellement lumineuses qu'elles firent plir les vingt fanaux qui devaientclairer les recherches; ils cessrent, pour ainsi dire,de luire aussitt que les polypiers se trouvrent enleur prsence. Cet effet inattendu produisit d'abordune stupfaction gnrale; puis on porta quelquesspcimens dans le laboratoire, o les lumires furentteintes. Ce fut un instant de magie; de tous lespoints des tiges principales et des branches des poly-piers, s'lanaient, par jets, dos faisceaux de fou dontles clats s'attnuaient, puis se ravivaient pour passerdu violet au pourpre, du rouge l'orang, du

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    bleutre aux diffrents toni> du vert, parfois au blancdu fer surchauff. Tout cela tait bien autrementbeau que la plus belle pice d'artifice . Beaucoupd'autres polypes, des mduses telles quo la plagionocliluque, do grandes toiles de mer, des vers trsnombreux, des mollusques tels que les clodores, quivoyagent en mer par bancs innombrables, ou lespholades qui perforent les roches calcaires, desrequins mme sont ainsi capables de briller d'unephosphorescence gnrale. Mais bien plus singulierssont certaines crevettes, certains poissons et certainespieuvres, pourvus de vritables appareils d'clairagequi prsentent souvent uno structure rappelant celledes yeux; les yeux de certains petits crustacs rem-plissent mme cette double fonction d'illuminer et devoir. Ces yeux de feu, qui ne laisseraient pas d'trequelque peu effrayants s'il s'agissait d'animaux degrande taille, ces lanternes vivantes peuvent avoir lacomplication d'un phare. M. L. Joubin les a tudischez une espce de pieuvre qu'il a dcouverte*.L'organe producteur de lumire est ici accompagnde tout un jeu dconcertant de lentilles concentrantcette lumire, de miroirs servant de projecteurs,d'crans rglant sa direction. Quelle a pu trel'origine d'organes aussi compliqus?

    Le professeur Chun, qui a dcrit dans un magni-fique ouvrage les innombrables pieuvres nageuses*de haute mer, a eu l'occasion d'admirer un de cespoulpes dont la tte portait tout uno couronne deces organes lumineux. On pouvait croire, dit-il,que l'animal tait orn d'un diadme do gemmesbrillantes d'un bleu d'outremer entre les yeux, sem-blables des perles sur les cts, lanant des feuxd'un rouge rubis au-dessous du front, d'un blanc de

    1. L. Jo BIN.Le Monde de ta Mer. Flammarion, diteur.2. Expdition do la Vcldivia,

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    neige au-dessus, avec sur le milieu une toile bleu deciel; c'tait un merveilleux spectacle.

    Les tnbres des rgions profondes de la mer sontbien des tnbres puisque la lumire du soleil n'ypntre pas; mais ce sont les tnbres toiles desnuits de nos grandes villes, illumines de mille faons.On ne sera donc pas tonn que certains animauxaient perdu leurs yeux dans cette obscurit, et qued'autres les aient perfectionns. J'avais dj faitremarquer autrefois' que los crustacs nageurs,analogues aux crevettes, se rangent dans la deuximecatgorie; les crustacs de fond, qui marchent commeles crabes et les crevisses, dans la premire. Il estbien vident qu'un animal natation rapide, inca-pable de se renseigner de loin sur ce qui l'entoure,s'craserait contre tous les obstacles et serait dansdes conditions trs infrieures celles d'un prudentmarcheur qui s'avancerait ttons; le mode de rpar-tition des yeux entre les deux groupes de crustacsest donc une ncessit. Il est clair d'autre part queles animaux nageurs sont, pour ainsi dire, tombsrapidement de la surface lans les rgions obscures,tandis que les animaux marcheurs les ont lentementgagnes par le fond ; cela suffit expliquer que lespremiers, susceptibles d'ailleurs do remonter, aientconserv leurs yeux, et que les seconds les aient per-dus peu peu, sans qu'il soit besoin d'avoir recours,comme Doeflein, la structure de leurs larves, struc-ture que celles-ci ne peuvent d'ailleurs tenir quede leurs parents.

    * *

    Ce n'est pas d'hier que lo monde de lamer a exercsa fascination sur les imaginations. Celte fascina-tion nous a valu une histoire qui ressemble un conte

    I. E. PERHIEH: Les Explorations sous-marines, Hachette, di-teur.

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    de fes bien que son dnouement ne remonte pasau del de quarante ans.

    Comme les contes de fes, elle est emplie, en effet,de choses merveilleuses; elle commence comme beau-coup d'entre eux : 11 tait un jour une bergre... Et la bergre, tout commo Peau d'Ane, est dcou-verte par un prince Charmant qui en fait mieux qu'unereine, une femme exquise, de la plus haute dis-tinction, partout aime, partout recherche, partoutadule, parlant toutes les langues, l'aise danstoutes les socits scientifiques, qui se la disputent elle faisait partie de quinze d'entre elles, observatrice de premier ordre, auteur de nom-breuses dcouvertes en histoire naturelle, n'ayant riencependant des fcnimes savantes .de Molire ni desprincesses de science d'aujourd'hui, jolie na-mourer les anges et demeure charitable jusqu'la lin de sa vie, qui se termina dans un modestebourg de la Corrze, presque au moment de lacapitulation de Paris, le 25 janvier 1871. Elle taitne dans ce mme bourg de Juillac soixanle-dix-seplans auparavant, le 28 septembre 1794. Son existencetout entire s'tait coule entre les deux plusgrandes rvolutions qui aient secou notre pays.

    Son pre, Pierre Villepreux, tait agent salptrier,et les soins qu'exigeait uno nombreuse famille dpas-saient les forces de sa mre, Jeanne Nicaud.

    Ds que la fillette qui s'appelait aussi Jeanne surles registres de l'tat civil et gentiment Lili dansl'intimit, fut en lat de servir, on en fit une bergre,qui gardait vaches et moutons chez un propritairevoisin. Certes, la jeune fille n'avait jamais entrevudans ses rves les houlettes enrubannes des bergresde Trianon, et elle n'avait pas davantage entenduparler des Estelle de M. de Florian. C'est peut-trepour cela que, simple et nave, elle fit une telleimpression sur le ceuur du fils de la maison que les

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    parents s'murent et congdirent sans piti la doucebergerette.

    A seize ans, comment faire pour dfendre soncoeur? , chantent l'Opra-Comique les compagnesde la victime de Zampa. La tendre Lili n'avait pudfendre le sien. La rupture force lui fit un tel cha-grin qu'elle prit la rsolution d'aller le cacher, peut-tre le gurir Paris, qui fascinait dj les jeunesfilles, et o on lui offrait un emploi. Le trajet tait long;un cousin, marchand de boeufs, faisait justement levoyage; on lui confia la pauvrette. Avec un pareilrustre, l'intimit de la diligence n'tait pas sansdanger. Le cousin se montra entreprenant; maisLili n'tait pas Manon. A Orlans, elle se plaa dli-brment sous la protection du magistral de lapolice . Celui-ci, sous prtexte de caution, com-mena par la dlester du plus clair de son avoir,exigea qu'elle crivit au pays pour avoir de son preun consentement formel la continuation do sonvoyage, et la retint en attendant quasiment prison-nire. M. Louis do Nussac a retrouv, la mairiede Juillac, la lettre crite d'une main tout faitenfantine, o elle sollicite ce consentement. Enfinelle put partir, voiturc charitablement en surcharge,par des rouliers qui se rendaient Paris; mais tousces retards avaient impatient ses futurs matres,et, quand elle arriva, la place qu'on lui avait offertetait prise.

    11 fallait se mettre en qute d'une autre situation,et Lili, le coeur bien gros, dut se rsigner battre l'aventure les rues de Paris. Les larmes qui emplis-saient les yeux de l'infortune iie l'empchaient pasd'admirer, tandis qu'elle errait ainsi, la bourse etl'estomac aussi vides l'un que l'autre, les fastueuxtalages quo no connaissait pas Juillac. On n'est pasjeuno et jolie pour rien. Les vitrines des modistesavaient pour clic un attrait bien pardonnable. Un

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    jour, tandis qu'elle contemplait les capotes fleurieset pomponnes o s'engouffrait la tto de nos grand'-mres, la bonne faiseuse qui prsidait leur confec-tion vint, comme on dit, sur le pas de la porte.Touche de la mine tout la fois candide, soucieuseet merveille de la jeune promeneuse, elle la ques-tionna, fut enjle par ses rponses et incontinent laprit en apprentissage. C'tait le salut. Lili fut uneapprentie modle. Brlant les tapes, elle tait en1816 premire dans le magasin qui s'tait agrandi,travaillait maintenant pour les cours trangres, etavait ajout l'article robes et manteaux l'article capotes et chapeaux . C'est ici qu'apparat la prin-cesse, indispensable dans tout conte de fes bienourdi, en la personne de Marie-Caroline-Ferdinandc-Louise de Bourbon, fille de Ferdinand I", roi deNaples; elle allait pouser le malheureux duc deBerry, fils de Charles X. Pour les ftes du mariage,la princesse avait command une robe de crmonieque Lili, devenue Jeannette, avait couverte de magni-fiques broderies. Suivant l'usage, la robe termineavait t mise l'talage; un riche Irlandais depassage Paris, James Power, esquire, s'arrte devantelle, l'admire, demande voir l'artiste qui a cr unesemblable merveille. L'artiste no le sduit pas moinspar son esprit et sa beaut que par la merveille sortiede ses doigts de fo. Quelques mois aprs lesIrlandais vont vite Jeannette Villepreux, qui avaitfailli pleurer, comme Mignon, dans les roulottes,partait commo elle au pays de l'oranger, et, dmentinstruite au pralable, devenue mistress James Power,s'tablissait Mcssino.

    La petite bergre qui, en 1812, gribouillait l'informedemande par laquelle elle sollicitait do son pre lapermission de continuer son voyage vers Paris parlemaintenant et crit couramment plusieurs langues,blouit par sa beaut et son esprit l'aristocratie napo-

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    litaine, est prsente la cour, se lie avec de grandesdames comme la duchesse de Belviso, avec des savantscomme le professeur Maravigna, de Catane, et entre-prend une exploration archologique, artistique etscientifique de la Sicile. Ses recherches personnellesaboutissent en 1842 la publication d'un Guide enSicile admirablement document; mais ce qui l'attirepar-dessus tout, c'est l'observation des animauxmarins. Le dtroit de Messine est clbre parmi lesnaturalistes. Les plus merveilleux htes dos mers s'ydonnent rendez-vous; c'est l que Dlie Chiaje, Milne-Edwards, de Quatrefages, Blanchard, Ikeckel, Her-mannFolet bien d'autres ont rencontr les tresdcon-certants qu'ils se sont appliqus dcrire, et notam-ment ces tonnants siphonophoresjpareilsdes lustresvivants, forms par l'assemblage de polypes et demduses multicolores et chatoyantes, laissant flotterau gr des flots les pendeloques tout la fois tince-lantes et venimeuses au moyen desquelles elles cap-turent les poissons.

    Pour tudier tout ce monde nouveau pour elle,Jeanne Power, dont le mari est devenu directeur destlgraphes sous-marins anglo-italiens, cre un vri-table laboratoire maritime muni d'aquariums, do cagesflottantes, permettant de conserver en pleine mer lesanimaux plagiepucs qui l'eau pur>3est indispensableet de les observer cependant loisir, tandis que toutun at'itail d'embarcations, de dragues et de filets estorganis pour les capturer. Jeanne Power fut ainsi lavritable initiatrice de ces laboratoires qu'ont dvelop-ps plus tard Henri de Lacazc-Duthiers Roscoff et Banyuls-sur-Mer, Anton Dohrn Naplcs, le princeAlbert Ier Monaco, et qui s'chelonnent aujourd'huisur toutes les ctes, tant en Europe qu'en Amrique.

    Dans ses bacs, dans ses aquariums, dans ses cagesflottantes, mistress Power lve des poissons, despoulpes,des coquillages, des crustacs, les nourrit, fait

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    sur eux une foule d'observations nouvelles qu'elle com-munique aux socits savantes dont elle est membreassidu et qui la mettent on rapport avec Richard Owen,de Blainville, Sander Rang, Sowerby, etc. Elle claireen particulier le mystre qui depuis la plus hauteantiquit planait sur l'argonaute.

    L'argonaute se rencontre assez souvent au large,dans la Mditerrane et dans les mers chaudes. Il setient le jour cach dans la profondeur des eaux etremonte seulement par les nuits calmes la surface,o des miliers d'individus naviguent, dit-on. de con-serve. Il mne ainsi une existence doublement dissi-mule par le voile impntrable l'oeil, des vagues etpar l'obscurit de la nuit. Aristote le connaissait djcependant, et l'appelait nautile ou pompylc.

    C'est une sorte de poulpe log dans une gracieusecoquille semblable un esquif pourvu d'une vasteproue recourbe en crosse, fait d'une mince lameflexible, demi transparente commo de la fine porce-laine, orn tout le long do sa carne d'une doublerange de tubercules, et sur ses flancs de ctes molle-ment onduleuses, convergeant vers lo sommet de laproue. L'animal apparat lui-mme comme un vri-table bijou d'argent poli, brunissant lgrement sursa face infrieure, se teintant devertsur lafaceoppo-se, rehauss dans son clat mtallique par unemultitude de points brillants, dissmins sur toute sasurface comme une poussire reflets changeants dosaphirs et de rubis.

    L'argonaute ne diffre d'ailleurs des poulpes ordi-naires quo parce que deux des huit bras qui entourentsa tto s'largissent leur extrmit en une mince etlarge palette de forme ovale. Quo fait-il do ces deuxbras? Aristote contait que lo pompyle avait enseignaux compagnons do Jason allant conqurir la toisond'or, l'art de la navigation la voile. Sa coquille, danslaquelle il est simplement pos, sans attache d'aucune

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    sorte, qu'il peut quitter et rintgrer volont, n'taitpour lui, disait-il, qu'une nacelle lui permettant deflotter la surface de la mer par les temps calmes ;il levait alors ses deux bras palms au-dessus deseaux, et se laissait doucement pousser par la brise.Les navigateurs de l'antiquit vnraient ce prcur-seur dont la rencontre tait pour eux un prsaged'heureuse traverse.

    Longtemps les naturalistes adoptrent la potiquelgendequ'ilsconsacrrentmmeenchangeantlenomde nautile ou de pompyle attribu un autre animal,contre celui d'argonaute. L'argonaute d'ailleurs demeu-rait en bien des points mystrieux. Sa nacelle, laquelle rien ne l'attachait, tait-elle bien saproprit? Ne la volait-il pas comme fait lo bernard-l'ermitc quelque autre mollusque au pralabledvor ? S'il la fabriquait rellement, comment s'yprenait-il ?

    D'autre part on ne rencontrait jamais que desargonautes femelles. La conception virginale tait-cllo donc la rgle chez ces singuliers animaux, et s'ilexistait des mles, vivaient-ils part, des profon-deurs inconnues d'o les femelles remontaient cer-taines poques, ou bien taient-ils, comme celaarrive chez d'autres animaux, tellement dift'rents desfemelles qu'on les mconnaissait?

    Jeannette Power eut la chance de voir les argo-nautes sinon faire de toutes pices, du hioins rparerleur nacelle; elle tait donc bien eux. Elle s'assuraque la palmure do leurs bras n'est pas une voile, maisplutt une faon de truelle qui tout la fois produit,lale et distribue la dlicate porcelaine flexible, sil'on peut dire, dont est construit ce frle esquif; l'ar-gonaute use d'ailleurs de ses bras pour maintenircelui-ci et nage comme les autres poulpes reculons,en projetant violemment loin de lui l'eau contenuedans la poche respiratoire, situe sur sa face ventrale.

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    La lgende d'Aristote tait morte dsormais; un pre-mier mystre tait clairci. Restait dvoiler celui dela reproduction.

    Les pcheurs trouvent parfois dans leurs filets ungros ver bien vivant, pourvu de si nombreuses ven-touses que Cuvicr l'avait baptis du nom d'hectocolyle,qui signifie en grec ver aux cent ventouses ,comme on appelle vulgairement les scolopendres btes cent pieds ou mme btes mille piedsbien qu'elles n'aient, en gnral, qu'une cinquantainede pattes. Il donne ce ver comme un parasite de cer-tains poulpes, notamment de l'argonaute, et commepntrant parfois jusque dans leur chair. Il s'tonned'ailleurs de sa frappante ressemblance avec unbras de poulpe, et prvient que cctle ressemblancedonnera lieu sans doute quelques-unes de cesdivagations philosophiques pour lesquelles il profes-sait peu de tendresse.

    Il ne se trompait qu' demi. J'avais un jour dis-pos sur une planchette de mon cabinet toute unesrie d'hcclocotylcs, lorsque je reus la visite d'unillustre anatomiste allemand, Albert von Koelliker.Jetant sur mes bocaux un coup d'oeil mlancolique: Voil, me dit-il du ton le plus navr que puisse pren-dre un homme qui s'est tromp, la plus grosse erreurde ma vie. Comment ai-je pu dcrire cela comme lemle de l'argonaute, dgnr ce point qu'il serduisait un seul bras ? Comment ai-jc cru y dcou-vrir, l'tat rudiincntaire il est vrai, tous les organesd'un vritable poulpe et me suis-jc imagin avoir tablido la sorle sur des bases dfinitives un des faits lesplus merveilleux que les sciences naturelles aient eu enregistrer? L'imagination joue ainsi parfois demauvais tours aux savants, mais ils no sonl pas lesseuls se laisser circonvenir par ses sductions.

    Jeannette Power devait dcouvrir dans ses bacs levritable argonaute mle. C'est un poulpe comme les

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    autres, mais tout petit par rapport la femelle; il n'apas de nacelle, pas de bras palms; il prsente cepen-dant lui aussi une singularit : un de ses huit brasprend un dveloppement exagr, et ce bras n'est pasautre chose que l'nigmatique hectocotyle de Cuvier.Dans les mariages entre poulpes, |c mle offre litt-ralement un de ses bras sa conjointe ; ce bras nup-tial est toujours le mme pour chaque espce, maissa place change d'une espce l'autre. Il revt tou-jours une forme particulire; ses caractres spciauxs'exagrent normment chez l'argonaute et quelquesautres poulpes; il atteint alors un tel volume que sabase n'apparat plus que comme un grle pdonculequi le relie la tte du mollusque et se brise aumoindre effort. L'argonaute, lorsqu'il fait sa cour,abandonne rgulirement ce bras sa compagne,qui le conserve prcieusement, et c'est ce gage detendresse, demeur vivant malgr son isolement, quifut pris par Cuvier pour un vulgaire parasite. Ce n'estpourtant pas un gage de fidlit. Le bras abandonnpar le mle ne tarde pas repousser; il se dvelopped'abord l'abri d'un sac qui se fend et le laisse appa-ratre lorsqu'il a plis son organisation dfinitive.L'argonaute mle est prtalors convoleravecune nou-velle fiance. La nacelledes femelles n'est autrechoseque le berceau dans lequel elles gardent leur prog-niture.

    Il csl trs raie que los argonautes chouent la cte.Un naturaliste de Nice nomm Vorany, do qui jetenais justement les heclocotyles qui murent vonKeelliker, en a conserv assez longtemps; il a vu lesfemelles user de leurs bras palms comme de ramespour nager; illcsavucs voluer, plonger enrenversantleur nacelle, remonter et la redresser la surface del'eau; mais Lacazc-Duthicrs, qui a observ, lui aussi,un argonaute vivant dans ses bacs do Banyuls, n'ajamais constat ces changements d'attitude. Bien que

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    l'animal happt habilement l'aido de ses ventousesles petits alevins qu'on lui offrait comme nourriture,il a toujours conserv tous ses bras appliqus contresa nacelle, l'extrieur, ou dissimuls son intrieur,,usant uniquement pour nager du recul que lui impri-mait l'expulsion do l'eau contenue dans sa pocheventrale.

    Il y a donc beaucoup apprendre encore sur l'argo-naute, mais la dcouverte de la plus singulire partiede son histoire s'ajoute aux merveilles dont la vie deJeannette Villepreux a t constamment seme.

    La pauvre femme s'tait, durant le sige de Paris,rfugie au village natal, tandis que James Powerdemeurait parmi les dfenseurs de notre capitale. Tousdeux reposent aujourd'hui au cimetire de Juillac,dans une tombe abandonne, rcemment dcouvertepar M. Louis de Nussac, qui a reconstitu la roman-tique histoire de Lili Villlcpreux, dj esquisse parun savant limousin, le mathmaticien AlphonseRebire.

    Si la mer sduit les bergres elle possde aussi lepouvoir de sduire les princes.

    Le fronton d'un monument orn d'un lgant cam-panile qui s'lve depuis peu au coin des rues Saint-Jacques cl Gay-Lussac, sur l'emplacement de l'anciencouvent des dames de Saint-Michel, porte l'inscriptionInstitut ocanographique entourant les armes par-lantes des princes de Monaco. C'est le pondant d'unautre difice rcemment inaugur Monaco mme,de la faon la plus solennelle, d'un Muse ocanogra-phique, grandiose fondation, comme l'Institut ocano-graphique do Paris, du prince Albert 1er. Quelle est ladestination de ces deux grands tablissements, oupour parler bref, qu'est-ce que l'ocanographie?

    La contre-partie de la gographie, pensez-vous.

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    Sans doute, mais la gographie s'attaque quelquechose de stable et de prcis. Elle ne se borne pas dcrire les contours des continents, qui sont aussid'ailleurs ceux des ocans ; elle s'attache un sol dontelle note minutieusement les reliefs et les dpres-sions ; elle tudie ses productions naturelles ; ellescrute les caractres et les moeurs des hommes quimettent en oeuvre ses richesses ; suit le cours desrivires et des fleuves, glisse sur les eaux des lacs,escalade les cimes glaces, tudie les effets du rayon-nement solaire sur cette surface si accidente qui pr-sente, avec des orientations diverses, tous ses points l'astre central duquel elle se rapproche et s'loignetour tour, et en dduit ce qu'on appelle les climats.Rien de pareil sur l'Ocan.

    L'norme tendue de la surface des eaux, sans cessemobile et agite, chappe toute description. Lesvents qui la soulvent et la tourmentent naissent onne sait o et, quind ils se rencontrent, forment lesgigantesques tourbillons, les cyclones, qui volent enricochant comme de gigantesques projectiles la sur-face des mers. Dcrire ces mouvements terribles etdsordonns semble plutt l'oeuvre .de la posie quede la science; aussi n'est-ce pas la mer en furieque s'adresse l'ocanographie, mais la mer paisibleel bienfaisante, sillonne de fleuves aux rives invi-sibles, de courants qui portent vers les ples la chaleurdes tropiques, la mer dificatrice qui labore dansses abmes les assises de pierre dont seront faits lescontinents futurs, la mer abritant dans son sein,depuis sa miroitante et mobile surface jusque dansses calmes cl sombres profondeurs, le mystrieux etincessant travail de la vie.

    Jusqu' la dernire moiti du sicle prcdent, pres-que seuls les navigateurs, si souvent ses jouets,l'avaient tudie quelque peu, juste assez pour tablirleur roule et chapper ses colres. Ils avaient not

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    ses mouvements priodiques, et vaguement dessinses courants. Des tres qu'elle nourrit, on ne connais-sait gure que ceux qui se prennent dans les filetsdes pcheurs ou qui vivent immdiatement sur lerivage. En existait-il d'autres? Des recherches faitesen 1843 par Edward Forbes dans la mer Ege sem-blaient indiquer qu' partir de 80 mtres la mer taitinhabite, et on ne manquait pas de bonnes raisonspour appuyer cette conclusion. L'eau teint peu peu les rayons de lumire qui la traversent. 11faitdonc tout fait noir dans les abmes ocaniques. Or,seule la lumire cre la vie ; par elle les vgtaux fontde la substance vivante avec de l'acide carbonique,de l'eau et quelques composs de l'azote; ils ont leprivilge exclusif de cette facult; les animaux sontobligs de luur emprunter tous les matriaux dont ilsfont leur chair. L o il n'y a que tnbres, il nosaurait y avoir de vie.

    Si bien dduites que fussent ces conclusions, moinsde vingt ans aprs les recherches de Forbes, l'vne-ment leur donnait un clatant dmenti. En 1860,le Dr Wallich, au retour d'une campagne entreprisepar lo Bulldog au Groenland et Terre-Neuve, affirmaJa richesse du fond de l'Atlantique. En 1861, le cblesous-marin qui reliait la Franco l'Algrie par desprofondeurs atteignant 2.800 mtres se rompit juste-ment dans ces rgions profondes. Les morceaux rele-vs portaient tout un petit monde de coraux et de.polypes divers qui s'taient dvelopps leur surface.Ils furent tudis par Alphonse Milne-Edwards. Laraison n'avait pas raison : il fut tabli qu'en dpit detoutes les vraisemblances, des animaux pouvaientvivre prs de 3.000 mtres de profondeur. Oh 1 iln'y en avait pas beaucoup. Les abmes do la Mdi-'terrane qui l'on doit celle rvlation sont juste-ment les plus misrablement peupls; il y fait tropchaud : treize degrs I Les animaux des tnbres

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    ne s'accommodent que de tempratures glaces,peut-tre parce qu'elles tuent les microbes malfai-sants.

    A peine le problme de la vie au fond des merstait-il pos que de tous cts on s'ingniait l'abor-der. Les Norvgiens tirrent les premiers de leursfjords d'tranges cratures, parfois splendides commecette toile de mer semblable un soleil pourvu deonze longs rayons de rubis, si belle que le natu-raliste-pote Absjorn-Absjornssen, qui la dcouvrit,choisit pour la nommer le nom de lirising, le pr-cieux anneau de la desse Freya. Puis vinrent lesAnglais, les Amricains, les Franais, qui dans desexpditions clbres ramenrent du fond des ocansdont la temprature avoisine celle de la glace unemultitude d'animaux inconnus, quelques-uns rap-pelant des tres qui vcurent une poque lointaine,mais que l'on croyait jamais disparus. Ceux-ci n'ont,pas t aussi nombreux qu'on l'avait d'abord espr.

    Les hommes regrettent quelquefois que la brivetde leur existence ne leur permette pas d'assister cequi se passera sur la Terre dans un ou deux sicles;mais, comme ils n'ont que d'insuffisantes donnespour le prvoir, l'avenir leur parait toujours fortvague et, faute d'aliment positif, leur regret demeuretout fait platonique. Il n'en est pas de mme dupass; si pou exactes que soient, en gnral, l'his-toire, les lgendes et les chroniques, si ruins quesoient les monuments, ils nous en racontent quelquechose et nous font d'autant plus dsirer savoir cequ'ils ne nous racontent pas. Combien de fois entend-on(lire, surtout par les femmes : Comme j'auraisvoulu vivre du temps des Athniens, du tempsd'Henri III, de Louis XIII, etc. On s'attache l'ar-chologie parce qu'elle restitue les monumentsd'autrefois; la palontologie parce qu'elle ressusciteles tres du temps pass; la gologie parce qu'cllo

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    refait sur pices l'histoire de la Terre, et Cuvierdut la plus grande part de sa rapide et prodigieusefortune scientifique, littraire et politique ce qu'onvit en lui le grand vocateur d'un monde disparu.C'est une vocation de ce genre que Louis Agassizcomptait raliser lorsqu'il s'embarqua, en 1872, surle Hassler pour explorer les grands fonds ctiers del'Amrique du Sud. Nous devons nous attendre,crivait-il B. Peirce, surintendant du Coast-Surveydes Etats-Unis, trouver au plus profond de l'Ocandes reprsentants de ces types d'animaux qui prdo-minaient dans les anciennes priodes gologiques,ou du moins des tre3 ressemblant soit aux em-bryons des animaux suprieurs, soit aux espcesinfrieures qui tiennent aujourd'hui la place desformes primitives que reprsentent ces embryons ,et il s'aventurait prdire quelles formes, aujourd'huiconsidres comme disparues, il esprait rencontrer '.

    Ces esprances taient fondes d'ailleurs sur cetteide, aujourd'hui bien archaque, que le monde taitfait pour les animaux, que l o il avait plu Dieu deles modifier, il avait galement modifi le milieu oils devaient vivre et qu'il n'avait maintenu l'unifor-mit des grands fonds que pour y constituer, commeen de vivantes archives, la collection des formes sor-ties les premires de ses mains.

    Les prvisions do Louis Agassiz n'ont t qu'en trspetite partie ralises. De mme qu'on a eu la sur-prise do retrouver vivant, il y a une vingtaine d'an-nes, dans les rivires d'Australie, un gros poisson, leCeralodus, que l'on croyait disparu depuis le tempslointain o so formait la houille quelques millionsd'annes ; de mmo qu'on a retrouv sons la formeokapi, \ llclladothcrium, dont on croyait le dernierreprsentant enseveli dans les terrains miocnes

    1. Revue scientifique, 2* anne, 2e semestre 1873, p. 1017.

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    depuis plusieurs milliers de sicles, on a retrouv dansles grands fonds des ponges analogues celles qui ontform les silex de la craie, des toiles de mer, des our-sins, des encrines, quelques crustacs, tels que les poly-chles, rappelant les prcurseurs des langoustes autemps o la France n'tait encore qu'un archipel ; plu-sieurs sortes de requins de cette priode recule,,mais c'est tout. De plus, ces attards ne se trouventgure qu'entre la zone de 200 mtres et celle de 2.000-mtres, une profondeur moyenne de 1.500 mtres.Plus bas, tout est nouveau.

    On a longtemps rpt que la vie dans les abmestait luxuriante. C'est encore une illusion rsultant dela surprise qu'on a prouve d'y trouver quelquechose, alors que l'on croyait n'y rien trouver, et ausside ce que l'on a d'abord explor les fonds de 200 2.000 mlres qui sont encore d'uno assez granderichesse. J'ai eu la curiosit do calculer combien, chaque profondeur, il fallait donner de coups dedrague pour ramener soit un individu, soit uno espced'un mme groupe d'animaux : or, mes calculs m'ontnettement montr qu' mesure que l'on descendaitle nombre des espces habitant une mme profon-deur diminue rapidement et le nombre dos individusencore plus.

    Cette conclusion va encore rencontre d'uno idequi a t un moment fort rpandue et que les gensdu monde acceptent encore volontiers; c'est quo lefond mystrieux de la mer est la rgion o s'la-borent encore les tres infrieurs, o la vie so cre,pour ainsi dire, et d'o partent tous les animauxqui se compliquent mesure qu'ils effectuent leurascension vers les rivages. Cette ide a pris corps partir lu jour o Huxley crut pouvoir annoncerque la vase des abmes tait tout entire pntred'un corps vivant, sans forme et sans limite, embras-

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    sant le Globe, pour ainsi dire, l'enveloppant d'unenappe do protoplasme amorphe. Celait bien l laGele primitive, le Urschleim rv par l'trange cer-veau de cet Oken qui rvolutionna l'Allemagne aucommencement du xix' sicle, qui faisait de l'hommele rsum et le centre du monde et voyait dans lesanimaux de simples dmembrements de son corps : ily avait ainsi des animaux-coeur, les mduses, parcequ'elles palpitent lorsqu'elles nagent comme descoeurs; des animaux-foie, les mollusques, parce qu'ilssont mous comme cette glande; des animaux-intestins,les vers, parce qu'ils s'allongent comme des boyaux, etc.Ce manteau vivant de la Terre reut d'Huxley le nomde liathybius IPeckeli. Huxley a reconnu depuis que sonBathybius n'tait qu'un prcipit par l'alcool du sul-fate de chaux dissous naturellement dans l'eau demer. Mais IUcckel, qui il le ddia, n'a pas encore,que je sache, consenti abandonner son filleul; ilm'en a mme donn jadis des morceaux et l'on enparle encore souvent comme d'une ralit.

    En fait, aucune cration n'a lieu dans los grandsfonds. Tout indique, au contraire, qu'ils ont t pni-blement peupls par une lente migration venuedes rivages. S'ils avaient t le centre de toutecration, ils constitueraient encore sans doute largion la plus habite des mers; les formes inf-rieures y abonderaient; elles so relieraient troitementles unes aux autres et se rattacheraient toutes lesformes des zones intermdiaires; on les verrait secompliepier graduellement mesure qu'elles se rap-procheraient dos rivages, acqurir peu peu desyeux, des pattes, etc.

    On n'observe rien de pareil. Bien au contraire, c'estsur les rivages que la vie est luxuriante; c'est l quese trouvent non seulement les animaux, mais les vg-taux primitifs, les algues do toutes sortes; c'est l quel'on observe tous les degrs do complication, tous les

    s

  • SQ A TRAVERS LE MONDE VIVANT

    passages des formos infrieures aux formes sup-rieures, tous les termes do connexion auxquelsviennent s'accrochor non seulement, les formes desabmes, mais ces formes dites plagiques qui s'envont flottant ou nageant la surface des .ners sansjamais atterrir, et aussi celles qui ont peupl les eauxdouces, et celles qui sont sorties des eaux pour pareret animer les cou'.'. ents.

    Et comment, en y rflchissant, pouvait-il en treautrement? Les animaux ne so nourrissent que desubstances quo leur fournissent les vgtaux ; chez lesvgtaux, toutes ces substances ont pour point dedpart des sucres, des amidons, forms d'eau el decharbon, allis de diverses faons de l'azote et unepetite quantit do substances minrales diverses. Cessubstances azotes ou minrales sont, au pralable,dissoutes soit dans l'eau do la mer, soit dans celle quiimprgne le sol, et pntrent avec elle dans lesplantes; piant au charbon, il vient exclusivement del'acide carbonique dissous dans l'eau ou diffus dansl'air. Or, c'est, on l'a dit, le soleil, c'est' uniquementsa lumire qui permet aux vgtaux verts, seuls capa-bles de ce travail, de faire ragir entre eux 1eau etl'acide carbonique de l'air, de manire former lessucres, les amidons et les composs analogues. Sanslumire, pas d'aliments ni pour les vgtaux, ni pourles animaux. La lumire, de son ct, ne pntredans l'eau en quantit utile qu' 400 mtres de profon-deur bien qu'elle impressionne encore 1.000 mtresdes |ilaques suffisamment sensibles. Lavie n'a donc puprendre naissance dans les tnbres des abmes. C'esten plein soleil, sui les rivages, qu'elle s'est panouie.Dans cette mince zone de 400 mtres de hauteur oelle a pu se dvelopper l'aise, la place est bienttdevenue trop petite; on s'est livr bataille pour laprendre. Dans ce peuple bariol et empress de vivre,il n'y a pas eu que des combattants; il y a eu aussi

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    des fuyards qui ont cd la place; des animaux de lapriodo secondaire, ont chapp au massacre on serfugiant dans la zone de 400 2.000 mtres. D'autresont pntr dans les eaux douces et ceux qui taientprotgs contre la scheresse ont pu gagner la terrefermo. L'migration n'a pas cess depuis lors ; lesreprsentants les plus craintifs des formes anciennes,los plus aptes rsister au froid et aux tnbres, touten se modifiant profondment, ont gagn et proba-blement gagnent encore peu peu les abmes. Lesorganes lumineux compliqus dont ils sont souventdous sont eux seuls une preuve qu'il no s'agit pasd'tres primitifs.

    Cependant, mesure que les expditions so multi-pliaient, toutes les conditions de la vie dans los abmesse prcisaient.

    Les chaluts, les dragues revenaient du fond desmers chargs d'une vase extrmement fine, celle quidans le temps secondaire forma la craie, et danslaquelle taient plongs ces tres stupfiants. Chaqueopration de dragage tait prcde de sondages ex-cuts au moyen d'appareils de la plus grande prci-sion, tandis que des instruments savamment com-bins marquaient la temprature des diverses couchestraverses par la sondo, en rapportaient de l'eau etplongeaient mme dans la vase pour recueillir desmatriaux propres" faire connatre sa composition.

    On croyait jadis quo sur certains points la profon-deur de la mer pouvait atteindre onze ou mme elouzemille mtres de profondeur. Mais on n'avait employpour mesurer cesprofondeurs que lesmoyens ordinairesqui ne tiennent gure compte ni de l'allongement desfils de sondo par les poids epii les tendent, ni de l'obli-quit de ces fils. Dessondeurs perfectionns ont t pro-mens un peu partout; les plus grandes profondeursn'atteignent pas 10.000 mtres; elles se trouvent aularge desCarolines (9.633m),des les Tonga et Kermadec

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    (de 9.487 9.000M), dos lies Kouriles (8.500m), doPorto-Rico (8.341m), d'Atacama (7.635M), et des lesAlouliennes (7.383"). Nanmoins, la profondeur dela plus grande partie des ocans dpasse 4.000 mtreset atteint sur do vastes espaces 6.000 mtres; lesprofondeurs de 2.000 4.000 mtres no forment gurequ'une bando troilc entre la bordure des continents,qui so maintient au-dessus de 200 mtres, et passepresque brusquement prs de 2.000 mtres. Lesdeux tiers des ocans environ mesurent la profondeurde 4.000 mtres. Lo passionnant mystre des ocanss'vanouissait ainsi dans la splendeur do rvlationsinespres; toute une science nouvelle se constituait,et c'tait l'Ocanographie, au dveloppement, laformation de laquelle a pris la plus large part le princeAlbert Ier. II lui a consacr les magnifiques tablisse-ments dont nous parlions tout l'heure, et les a placssous la protection toute spciale de la France.

    Au Muse ocanographique de Monaco, c'est lamer elle-mme qui parle : toutes ses productions,tous les engins qui l'ont contrainte livrer ses secretsy sont exposs en un vaste et