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7/30/2019 abbassa08
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Revue Annales du patrimoine N 8 - 2008
Annales du patrimoine Universit de Mostaganem (Algrie)
Les sources de lamour courtois
des troubadours
Pr Mohammed Abbassa
Universit de Mostaganem, Algrie
Si les Europens ont connu la posie depuis lpoque de
la Grce ancienne, la posie lyrique et rime, quant elle,
napparut quau dbut du XIIe
sicle dans le Sud de la France.
Les potes Troubadours taient les prcurseurs de cette
nouvelle posie qui fut rapidement propage dans toute
lEurope.
La posie troubadouresque dans laquelle le pote idalise
la dame et la respecte, ne reflte aucunement les traditions de la
socit europenne lpoque, mais une posie qui est tout
fait trangre aux Europens. Elle se ressemble profondment la posie andalouse, et surtout les Muwashshahat et les Azdjal.
Cest pourquoi nous avons consacr cette recherche ltude
des origines et la formation de la posie occitane au Moyen
Age.
Au dbut du XIIe
sicle, et non loin des contres
andalouses, surgit en Provence une posie passionnante tendant
diviniser la dame et la servir. Cette ambition littraire,
invente par les Troubadours, sduisait durant le Moyen Age,
Trovadors, Trovatori, Minnessangers et autres chantres
europens.
Mais la question qui sest toujours pose est celle de
lorigine de cette posie troubadouresque appele encore
occitane. Certains comparatistes lui ont trouv des origines
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trangres alors que dautres ont contest toute influence. Pour
mettre en lumire les principales sources de la posie occitane,
il est ncessaire dexposer, en quelques lignes, la vie culturelleen Provence avant lapparition des lettres dOc.
Au dbut du Moyen Age, il nexistait pas encore en
Provence une culture proprement dtermine pour un tel peuple
au sens o nous lentendons aujourdhui, ou du moins, au sens
de culture populaire au sein de laquelle exprimeraient les
murs traditionnelles dune socit anciennement institue. On
ny rencontre, en fait, que les vangiles et quelques florilges
reprsentant les odes ecclsiastiques et les lgiaques.
Nanmoins, une littrature semi-liturgique ou didactique,
mais toujours religieuse, a pu exister dans le sud de la France.
Malheureusement elle demeura inhume dans les abbayes et les
glises, en la seule possession des hommes de foi, qui en
disposaient selon leurs intrts. Par ailleurs, la socit laqueignorait cette littrature qui reprsentait pour lindividu une
prdication laquelle, il devait sabandonner.
Le Moyen Age demeure jusquau VIIIe
sicle, sans
institutions, sans langues propres et sans littratures
nouvelles(1)
. A la fin de ce sicle, apparut Charlemagne, la forte
personnalit de lEurope, qui revient le mrite dimpulser la
culture moderne. Ce grand monarque carolingien ordonna
douvrir dans chaque lieu de culte, des coles o les lves
apprendraient le comput ecclsiastique, le chant et la
grammaire.
Toutefois, cet enseignement quel que fut son mrite,
demeura confin entre les murs des chapelles. Et les rares
documents franais que les IXe
et Xe
sicles ont livrs, ne
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reprsentent, en ralit, quune littrature superficielle o la
moindre allusion la femme ou lamour est absente.
A la fin du XI
e
sicle, apparut Robert dArbrissel,fondateur de lordre de Fontevrault
(2), qui confrait aux
abbesses le commandement sur tous les religieux. Quelques
savants provenalistes voyaient en ce comportement, alors
trange, un germe de la formation de lamour courtois et de la
vnration de la dame(3)
.
Les chansons de geste surgiront lpoque de la
premire croisade dOrient. Ce sont des chansons caractre
national ou religieux, en cours parmi le peuple, et leur mrite
revient au Jongleurs qui les ont composes ou adoptes. La
plus importante fut "la chanson de Roland" : une pope
populaire narrant les aventures guerrires de Charlemagne.
Limpact arabe que revt le caractre pistolaire de cette
chanson est significatif
(4)
.Les chansons de toile apparaissent juste aprs "la
chanson de Roland". Ce sont des chansons anonymes, chantes
par les femmes, et voquant souvent labsence de lamant et les
souffrances quelles endurent. Mais les premires chansons,
apparues dans le pays dOc, sont le Boeci et la chanson de
Saint Foy. Ces chansons anonymes, dont les auteurs sont de
formation clricale(5) ont t composes vers la seconde moiti
du XIe
sicle.
La "Cantica lubrica et luxuriosa", qui nest quune ode
ecclsiastique, ne constitue en aucun cas une chanson damour.
Le vrai cantique damour apparat au dbut du XIIe
sicle. Les
savants nosent pas le faire remonter lAntiquit - la chanson
damour nexistait pas encore dans lAntiquit - et tentent de
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lui trouver des sources trangres.
Le pionnier du lyrisme damour fut le Troubadour
incontest Guillaume IX, comte de Poitiers (1071-1127)
(6)
. Sonactivit potique se situe dans les annes qui suivent son retour
dOrient. Ce protagoniste partit en Palestine en 1100, la tte
dune expdition croisade, mais son arme fut taille
Hracle. Il sjourna pendant quelques mois Antioche avant
son retour dans le Midi, en 1102.
Par ailleurs, dautres chercheurs europens, dont les
provenalistes Gaston Paris et Alfred Jeanroy, renvoient les
premires posies du comte Guillaume IX la fin du XIe
sicle,
cest dire juste avant la premire Croisade. Malheureusement
aucune de ces posies ne nous est parvenue.
Guillaume IX nest pas seulement le premier
Troubadour, mais aussi le premier pote europen avoir crit
dans une langue vulgaire
(7)
, la langue dOc, tout en sinspirantdes potes zadjalesques de lAndalousie. Les Andalous sont les
premiers potes qui ont introduit en Europe une langue
potique indclinable.
La posie lyrique des Troubadours apparut pendant le
dbut du XIIe
sicle, sans que personne nait pu mettre en
lumire ses sources probables. Mais lintervention de la
civilisation arabo-andalouse parait claire et nengendre aucun
doute. Barbieri fut le premier, au XVIe
sicle, qui ait suggr
linfluence certaine de la littrature andalouse sur sa voisine
occitane. Cette premire hypothse a t dfendue la fin du
XVIIIe
sicle, par le jsuite espagnol exil, Juan Andrs(8)
.
Et depuis Barbieri jusqu nos jours, les chercheurs ne se
sont pas encore mis daccord sur une origine atteste de la
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posie occitane. Chacun conserve ses propres suppositions o
prdominent, le plus souvent, des ides sectaires. A partir de
ces diffrentes tendances, on a formul quelques hypothses.Les latinistes renvoient lorigine de la posie provenale
des sources purement latines, en se rfrant aux pomes de
Fortunat(9)
. Ce pote romain, du VIe
sicle, partit en Gaule,
mais ne demeura pas longtemps dans la cour des Mrovingiens
qui ne savaient, lpoque, ni lire ni crire. Il se dplaa
ensuite vers les cours du Poitou avant de rebrousser chemin,
aprs avoir ralis que les Poitevins ne sy entendaient pas en
latin.
Par contre, la posie provenale du XIIe
sicle diffre
profondment de la posie fragmentaire de Fortunat qui nest,
en ralit, quune prose ecclsiastique. Quant lamour
courtois des Troubadours, les latinistes auraient trop exagr en
lui cherchant des origines ovidiennes. En effet, l"Arsamatoria" dOvidius ne tmoigne daucune relation avec la
courtoisie. Ce ne sont que conseils de sduction pour les deux
sexes et rotisme grossier o la moindre dcence est absente(10)
.
De leur ct, les provenalistes croient que la posie
lyrique des Troubadours aurait t ne en terre dOc, o elle
meurt aussi. Alfred Jeanroy suppose que linfluence latine sur
la versification romane est indniable ; elle est peine
perceptible dans luvre des Troubadours, surtout dans celle
des plus anciens. Par ailleurs, Alfred Jeanroy est convaincu
quil est superflu de dmontrer que la faon dont les
Troubadours occitans ont chant et idalis la femme ne doit
rien aux lgiaques latins(11)
.
Les provenalistes de mme que les romanistes, souvent,
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admettent lventuelle influence de Robert dArbrissel,
fondateur de lordre de Fontevrault. Ils pensent que lorigine de
la vnration de la dame au Moyen Age, revient lide de cemoine, qui avait fait soumettre ses confrres au
commandement des abbesses.
Lide de ce moine na aucun trait commun avec la pure
courtoisie provenale. Il est vraiment inconcevable quen
soumettant les clercs une autorit fminine, ce fanatique ait
modifi les sentiments passionns des Provenaux ou
dvelopp les formes potiques des Troubadours occitans. Il
semble que ce religieux ait voulu humilier ses confrres de
labbaye et non point exalter la dame(12)
.
Outre ces hypothses, nous avons galement un autre
mythe dinfluence initi par Denis de Rougemont : le
Catharisme. Denis de Rougemont admet tout fait que les
conceptions de lamour quillustre la posie provenale, auMoyen Age, ne refltent aucunement les traditions sociales du
Midi. Cette posie semble en contradiction absolue avec les
conditions dans lesquelles elle naquit(13)
. Selon lui, cette
conception de lamour venait dailleurs. Mais quel pouvait tre
cet ailleurs ?
Lhrsie des Cathares se rpandait dans le Midi en
mme temps que la posie en lhonneur de la dame et dans les
mmes provinces. Le problme cathare reprsentait selon
lglise, lpoque, un danger aussi grave que celui de lamour
courtois des Troubadours. A partir de ces donnes, de
Rougemont a fait croire que les deux mouvements
entretiendraient en quelque sorte, une espce de lien. Mais il
nexclut gure les origines orientales lamour des domnei(14)
.
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Etant donn que lorigine attribue lhrsie cathare
remonte aux sectes no-manichens dAsie mineure,
dAntioche jusquaux frontires balkaniques, il est sedemander pourquoi cette convention na pas fleuri dans la
posie gallo-romaine. Les circonstances ntaient-elles
propices au dveloppement dune telle idologie rotique que
dans les rgions du Midi ? Il semble que de Rougemont ait
voulu signifier que les origines de lamour courtois sont
orientales mais que leur dveloppement est cathare.
Enfin les partisans de lhypothse de lorigine arabe sont
convaincus de linfluence de la littrature arabo-andalouse sur
la posie lyrique occitane(15)
. Les Andalous ont devanc les
Troubadours, de plus de quatre sicles, dans le recours aux
formes strophiques, et la vnration de la dame comptait parmi
les traditions des Arabes.
Guillaume IX, daprs sa biographie, avait t dabordun trichador de domnas, avant de devenir soudainement un
amant courtois. Il est vident que sa nouvelle orientation ne
refltait aucunement les traditions de la socit mdivale. Ni
Ovide ni Fortunat nont de rapport apparent avec lidalisation
de la domna provenale. Lamour des Troubadours est bien
loin de celui des Romains.
Ds la fin du XIe sicle, lOccitanie se vit oriente vers
une nouvelle convention socio-littraire, qui est tout fait
trangre lEurope chrtienne(16)
. Cette nouvelle convention
est lcho dune littrature dite andalouse. Les Jongleurs, les
sirvens et les plerins ont t les principaux acteurs qui ont
contribu au passage de cette littrature du Sud au Nord, et
dont les Troubadours furent les prcurseurs.
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Les potes provenaux ont pu introduire dans leur
socit presque tous les thmes de la posie andalouse. Ils
sabandonnaient lobdience des dames, dcrivaientl"albespi" et voquaient les "cansons dauzelh". Quant aux
diffrentes formes mtriques de leur posie, rien ne prouve
quelles aient exist avant les Troubadours. Ces formules sont
empruntes en ralit de lAndalousie(17)
.
Pour dtourner les regards de cette posie aux origines
levantines, les papes lpoque, entranaient comtes, ducs et
marquis, rejoindre les rangs des Croisades et combattre les
Musulmans en terre de Palestine. Toutefois, les Troubadours
nont pas renonc leur posie, mais ils ont compos des
satires et des invectives sur Rome, les rois de France et les
commanditaires des Croisades(18)
.
Le Saint-sige neut trouv dautres moyens pour parer
les consquences de cette rvolte littraire que de proclamer, en1209, la Croisade contre les Albigeois dans le Sud de la
France. Cette guerre qui a dur jusqu 1229 et impos
linquisition, marqua linfraction de la posie lyrique des
Troubadours.
Aprs le Narbonnais Guiraut Riquier, dernier
Troubadour occitan, les Provenaux vcurent, la fin du XIIIe
sicle, la dcadence des lettres dOc. Et depuis cette date, les
potes italiens du "trecento" portrent lhonneur du gnie
potique ; tels les Cavalcanti, les Dante, les Guinicelli, les
Petrarca et bien dautres Toscans du Dolce Stil Nuevo.
Notes :
1 Cf. Pierre le Gentil : La littrature franaise du Moyen Age, Paris
1968, p. 8.
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2 - R.- R Bezzola : Les origines et la formation de la littrature courtoise
en Occident, Ed. Champion, Paris 1944, 2e
P., T. 1, p. 30.3 - Ren Nelli : lErotique des Troubadours, Coll. 10/18, U.G.E., Paris
1974, T. 1, p. 36.4 - Americo Castro : Ralit de lEspagne, Paris 1963, p. 282.5 - Pierre le Gentil : op. cit., p. 17.6 - Alfred Jeanroy : Les chansons de Guillaume IX, Ed. Champion, 2
e
dition, Paris 1972, p. xix (introduction).7 Cf. Ren Nelli : Troubadours et Trouvres, Ed. Hachette, Paris 1979,
p. 19.8 - Voir, Henri-Irne Marrou : Les Troubadours, Ed. du Seuil, Paris1971, p. 118.9 - Rto Roberto Bezzola : Les origines..., 1
eP., p. 42 ss.
10 - Ovide : lArt daimer, Coll. Poche, Paris 1966, p. 15 ss.11 - Alfred Jeanroy : La posie lyrique des Troubadours, Ed. Privat -
Didier, Toulouse - Paris 1934, T. 1, p. 65.12 - Ren Nelli : op. cit., T. 1, p. 36.13 - Denis de Rougemont : lAmour et lOccident, Coll. 10/18, U.G.E.,
Paris 1979, p. 80.14 - Ibid., p. 118 ss.15 - Robert Briffault : Les Troubadours et le sentiment romanesque, Ed.
du Chne, Paris 1943, pp. 20 - 64.16 - Erich Kuhler: Sociologia della finamor, saggi trobadorici, Padova
1976, p. 2 segg.17 - Ramon Menndez Pidal: Poesia Arabe y poesia europea, 5
aed.,
Espasa - Calpe, S.A., 1963, pag. 17.
18 - Robert Briffault : op. cit., p. 134.http://annales.univ-mosta.dz