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À LIRE, VOIR, ÉCOUTER Med Pal 2006; 5: 52-55 © Masson, Paris, 2006, Tous droits réservés 53 www.masson.fr/revues/mp Leur rencontre se matérialise par le dire, pas par le faire. Pour virtuelle qu’elle pa- raisse, cette relation humaine n’en n’est pas moins profondément humaine, inéluctablement fragile et émouvante. L’intrigue est servie par un style d’écriture inhabituel mais d’une qualité rare. L’auteur, encore mal reconnu par le pu- blic, mérite que l’on s’arrête sur son écri- ture, sur son imagination, sur son talent. À découvrir. Un homme sans tête et autres nouvelles E. Keret Actes Sud, 2005. ISBN 2-7427-5647-7 (18 , 203 p.) Un livre esthétique, voilà qui pourrait bien décrire cet ouvrage qui nous permet de découvrir toute une série de nouvelles. Chacune nous amène à rencontrer des personnages qui ont un point commun : la découverte qu’ils sont vivants, libres et ce dans un monde où leur place est aussi essentielle que celle de n’importe quel autre individu, fusse-t-il le plus important ou le plus illustre. Des scènes de vie, avec la prise de cons- cience du rôle à tenir dans un monde par- fois incompréhensible, parfois en totale dysharmonie et bien loin des valeurs qui animent les uns ou les autres. Des portions de vies humaines écrites dans un style agréable. L’auteur jouit d’une grande popularité en Israël. Parions qu’en France, il va appar- tenir au cercle des auteurs ayant su séduire un large public. Les amants imparfaits P. Fleutiaux Actes Sud, 2005. ISBN 2-7427-5634-5 (19,80 , 312 p.) Laissons la parole à l’éditeur qui a su mieux que quiconque exprimer ce que l’on ressent à la lecture de cet excellent roman. « Récit d’une fascination de l’un par les deux autres, de solitudes partagées dans l’oubli de la loi sociale et sous la férule d’un Éros devenu vengeur, étrange dérive à trois dans un monde désormais sans repères, ce roman, par-delà la varia- tion superbe qu’il constitue sur le thème de la gémellité et du double, narre l’irré- sistible prise de pouvoir, sur un être jeune et vulnérable, d’un authentique sorti- lège. » Le lecteur est saisi d’un questionnement sur la notion d’innocence, la notion de nostalgie. Comment ne pas s’inscrire dans une logique qui nous amènerait à penser que dans le passé, tout était mieux ? N’y a-t-il vraiment plus de repères ? Est-on certain de cette affirmation non démon- trée ? Et si les repères existaient toujours, mais que les anciens n’arrivent pas à les décrypter, faute d’adaptation de leur part, du fait d’une nostalgie qui les tue à petit feu, mais également que les plus jeunes les nient sous prétexte qu’ils émanent du passé ? Et si tout simplement, aujourd’hui écrivait demain à partir d’hier ? Que de pseudo interrogations viennent à l’esprit si on se laisse aller. Ce qui frappe dans ce ro- man, c’est l’incommunicabilité d’être soi au sein d’un monde qui nie l’individu et ses ressentis au profit d’un paraître virtuel. Intéressant. La formule préférée du professeur Y. Ogawa Actes Sud, 2005. ISBN 2-7427-5651-5 (20 , 247 p.) Les passionnés de littérature asiatique vont se régaler. L’héritage et la filiation sont les deux éléments essentiels de l’in- trigue. Une façon peu commune de mieux appréhender une culture qui parfois fas- cine, parfois inquiète mais qui jamais ne laisse indifférent. La mémoire, outil de l’intrigue, semble si volatile, comme ne cessant jamais de s’enfuir de manière à n’être jamais totalement saisie. Et pour- tant, cette mémoire s’offre, gracieuse- ment, au fil des pages. La lecture est passionnante du fait d’une écriture limpide (on peut remercier la traductrice). Le professeur par sa distraction, voire sa négligence, nous étonne par sa volonté de transmettre un savoir à un jeune enfant pour lequel il éprouve une affection pa- ternelle. Un monument de la littérature japonaise moderne et un bel hommage aux mathé- matiques. Les yeux éclatés A.-W. Rosto Buchet Chastel (Seuil), 2005. ISBN 2-283-02098-0 (15 , 230 p.) Formé dans le plus grand secret par une organisation armée, Rosto mène une vie clandestine. Il recevrait ses ordres d’une hiérarchie qu’il ne connaît pas, il agit contre le crime organisé et pour les droits de l’homme. Il a des méthodes quelque peu expéditives et sa philosophie est sim- pliste : pas de liberté pour les ennemis de la liberté. Une écriture haletante, une énigme sur- prenante sans être exceptionnelle, rendent ce roman agréable à lire. L’homme qui tombe D. de Roulet Buchet Chastel (Seuil), 2005. ISBN 2-283-02129-4 (14 , 178 p.) Le héros est ingénieur, travaille jour et nuit, parcourt le monde en expliquant la stratégie de l’entreprise qui l’emploie. Il travaille dans le domaine de la sécurité des installations nucléaires. Il rencontre une femme tchétchène qui cherche déses- pérément un asile car elle est considérée comme « déportée » par les autorités. L’intrigue repose sur cette rencontre qui se déroule dans un aéroport, au décours d’une quarantaine sanitaire. Les deux personnages vont se forger une vie qui sera en rupture avec leur passé proche et lointain. À bout de fuite L. Ward Buchet Chastel (Seuil), 2005. ISBN 2-283-02107-3 (22 , 414 p.) Une série de croisements de vies qui aboutissent à l’une des plus terribles tueries que n’ait jamais connue l’Améri- que. Une approche de la rencontre de deux adolescents qui vont se lancer dans une virée mortelle. Ce roman a inspiré le réalisateur Oliver Stone pour son film « tueurs nés ». Une écriture souple, agréable, une intri- gue sombre mais qui dit tant sur la puis- sance des sentiments et les difficultés à être jeunes et humains dans un monde qui privilégie puissance et argent, qui préfère

Àbout de fuite

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Page 1: Àbout de fuite

À LIRE, VOIR, ÉCOUTER

Med Pal 2006; 5: 52-55

© Masson, Paris, 2006, Tous droits réservés

53

www.masson.fr/revues/mp

Leur rencontre se matérialise par le dire, pas par le faire. Pour virtuelle qu’elle pa-raisse, cette relation humaine n’en n’est pas moins profondément humaine, inéluctablement fragile et émouvante.L’intrigue est servie par un style d’écriture inhabituel mais d’une qualité rare. L’auteur, encore mal reconnu par le pu-blic, mérite que l’on s’arrête sur son écri-ture, sur son imagination, sur son talent.À découvrir.

U

n homme sans tête et autres nouvelles

E. Keret

Actes Sud, 2005.

ISBN 2-7427-5647-7 (18

, 203 p.)

Un livre esthétique, voilà qui pourrait bien décrire cet ouvrage qui nous permet de découvrir toute une série de nouvelles. Chacune nous amène à rencontrer des personnages qui ont un point commun : la découverte qu’ils sont vivants, libres et ce dans un monde où leur place est aussi essentielle que celle de n’importe quel autre individu, fusse-t-il le plus important ou le plus illustre.Des scènes de vie, avec la prise de cons-cience du rôle à tenir dans un monde par-fois incompréhensible, parfois en totale dysharmonie et bien loin des valeurs qui animent les uns ou les autres.Des portions de vies humaines écrites dans un style agréable.L’auteur jouit d’une grande popularité en Israël. Parions qu’en France, il va appar-tenir au cercle des auteurs ayant su séduire un large public.

L

es amants imparfaits

P. Fleutiaux

Actes Sud, 2005.

ISBN 2-7427-5634-5 (19,80

, 312 p.)

Laissons la parole à l’éditeur qui a su mieux que quiconque exprimer ce que l’on ressent à la lecture de cet excellent roman. « Récit d’une fascination de l’un par les deux autres, de solitudes partagées dans l’oubli de la loi sociale et sous la férule d’un Éros devenu vengeur, étrange dérive à trois dans un monde désormais sans repères, ce roman, par-delà la varia-tion superbe qu’il constitue sur le thème

de la gémellité et du double, narre l’irré-sistible prise de pouvoir, sur un être jeune et vulnérable, d’un authentique sorti-lège. »Le lecteur est saisi d’un questionnement sur la notion d’innocence, la notion de nostalgie. Comment ne pas s’inscrire dans une logique qui nous amènerait à penser que dans le passé, tout était mieux ? N’y a-t-il vraiment plus de repères ? Est-on certain de cette affirmation non démon-trée ? Et si les repères existaient toujours, mais que les anciens n’arrivent pas à les décrypter, faute d’adaptation de leur part, du fait d’une nostalgie qui les tue à petit feu, mais également que les plus jeunes les nient sous prétexte qu’ils émanent du passé ? Et si tout simplement, aujourd’hui écrivait demain à partir d’hier ? Que de pseudo interrogations viennent à l’esprit si on se laisse aller. Ce qui frappe dans ce ro-man, c’est l’incommunicabilité d’être soi au sein d’un monde qui nie l’individu et ses ressentis au profit d’un paraître virtuel.Intéressant.

L

a formule préférée du professeur

Y. Ogawa

Actes Sud, 2005.

ISBN 2-7427-5651-5 (20

, 247 p.)

Les passionnés de littérature asiatique vont se régaler. L’héritage et la filiation sont les deux éléments essentiels de l’in-trigue. Une façon peu commune de mieux appréhender une culture qui parfois fas-cine, parfois inquiète mais qui jamais ne laisse indifférent. La mémoire, outil de l’intrigue, semble si volatile, comme ne cessant jamais de s’enfuir de manière à n’être jamais totalement saisie. Et pour-tant, cette mémoire s’offre, gracieuse-ment, au fil des pages.La lecture est passionnante du fait d’une écriture limpide (on peut remercier la traductrice).Le professeur par sa distraction, voire sa négligence, nous étonne par sa volonté de transmettre un savoir à un jeune enfant pour lequel il éprouve une affection pa-ternelle.Un monument de la littérature japonaise moderne et un bel hommage aux mathé-matiques.

L

es yeux éclatés

A.-W. Rosto

Buchet Chastel (Seuil), 2005.

ISBN 2-283-02098-0 (15

, 230 p.)

Formé dans le plus grand secret par une organisation armée, Rosto mène une vie clandestine. Il recevrait ses ordres d’une hiérarchie qu’il ne connaît pas, il agit contre le crime organisé et pour les droits de l’homme. Il a des méthodes quelque peu expéditives et sa philosophie est sim-pliste : pas de liberté pour les ennemis de la liberté.Une écriture haletante, une énigme sur-prenante sans être exceptionnelle, rendent ce roman agréable à lire.

L’

homme qui tombe

D. de Roulet

Buchet Chastel (Seuil), 2005.

ISBN 2-283-02129-4 (14

, 178 p.)

Le héros est ingénieur, travaille jour et nuit, parcourt le monde en expliquant la stratégie de l’entreprise qui l’emploie. Il travaille dans le domaine de la sécurité des installations nucléaires. Il rencontre une femme tchétchène qui cherche déses-pérément un asile car elle est considérée comme « déportée » par les autorités.L’intrigue repose sur cette rencontre qui se déroule dans un aéroport, au décours d’une quarantaine sanitaire. Les deux personnages vont se forger une vie qui sera en rupture avec leur passé proche et lointain.

À

bout de fuite

L. Ward

Buchet Chastel (Seuil), 2005.

ISBN 2-283-02107-3 (22

, 414 p.)

Une série de croisements de vies qui aboutissent à l’une des plus terribles tueries que n’ait jamais connue l’Améri-que. Une approche de la rencontre de deux adolescents qui vont se lancer dans une virée mortelle. Ce roman a inspiré le réalisateur Oliver Stone pour son film « tueurs nés ».Une écriture souple, agréable, une intri-gue sombre mais qui dit tant sur la puis-sance des sentiments et les difficultés à être jeunes et humains dans un monde qui privilégie puissance et argent, qui préfère

Page 2: Àbout de fuite

À LIRE, VOIR, ÉCOUTER

Médecine palliative

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N° 1 – Février 2006

le superficiel du paraître normalisé à l’ex-pression de la singularité.Un roman un peu extrême mais très agréable à lire.

L

es manifestations

N. Azoulai

Seuil, 2005.

ISBN 2-02-080217-1 (21

, 319 p.)

Deux adolescentes et un adolescent se rencontrent au lycée. Leur amitié a la puissance de gommer leurs différences d’origine sociale, de penser et d’être. Ils partagent un engagement contre le ra-cisme et participent, de ce fait, à des ma-nifestations de protestation.Les années passent, et la vie sépare les chemins des trois amis. Cette séparation s’avère être bien plus profonde qu’il n’y paraît. Chacun a évolué sur son propre chemin et des divergences s’insinuent jusqu’à briser cette amitié que tous pen-saient indéfectible.L’affection va laisser la place à la ran-cœur, voire à la haine.Il n’y aurait donc aucune génération par-faite.L’auteur ne se laisse pas aller à une écriture à « l’eau de rose ». Elle ose dire crûment, mais toujours dans un style élé-gant, la réalité humaine d’une génération que l’on pensait enrichie de l’expérience des précédentes. Rien n’est laissé de côté, tout y est abordé, l’amitié, le sexe, la fa-mille, l’antisémitisme, le dogmatisme, l’aveuglement par un confort acquis ou la volonté de se fondre dans la masse des gens reconnus et branchés.Et si être

in

obligeait à être, au fond

out

,

out

de sa simple réalité humaine ?Intéressant et agréable à lire.

Histoire

P

ythagore et l’harmonie des sphères

S. Jacquemard

Seuil, 2005.

ISBN 2-02-067887-X (16

, 244 p.)

Pythagore de Samos est universellement connu de tous les collégiens ou lycéens

grâce à son célèbre théorème. Que sait-on en réalité de sa biographie, de son person-nage ? L’auteur tente de nous retracer la vie et la pensée du philosophe plus connu pour ses apports aux mathématiques qu’à la pensée philosophique.

Grand voyageur, à l’origine de multiples controverses, Pythagore travaille sur la notion d’harmonie et du beau. Il pense que le nombre est le lieu du mystère du beau comme de l’harmonie. À l’époque de Pythagore (

VI

e

siècle avant notre ère) la science est mêlée à la morale comme au religieux. Pythagore était un mystique et un religieux de son époque, il fonda une école qui connut fortune, célébrité et per-sécution.

On peut ainsi découvrir ce personnage qui apporta tant à la philosophie comme à la science.

Divers

E

nfants en soins palliatifs ;des leçons de vie

A. de Broca

L’Harmattan, 2005.

ISBN 2-7475-8448-8 (13

, 128 p.)

Au-delà d’un recueil de témoignages, ce livre est une réflexion sur la vie, la mort et sur l’enfance. On y perçoit bien plus que la passion de l’auteur pour sa profes-sion. Il y est question de la réalité de l’en-fance que l’on considère trop souvent comme peu voire pas signifiante. L’enfant y paraît comme un être à part entière, si-gnifiant, à chaque instant, et apte à dire comme à faire, tout simplement parce qu’il est un être humain.

Pas de sensiblerie, pas d’émotion inutile-ment mises en avant, une véritable ré-flexion reposant sur une pratique quoti-dienne avec un recours à la réflexion éthique.

Livre étonnant par son étonnement per-manent parfaitement transmis par l’auteur. Un hymne à l’humilité du soi-gnant et de l’accompagnement.

À lire absolument.

L’

esprit de solitude

J. Kelen

Albin Michel, 2005.

ISBN 2-226-13906-0 (15

, 246 p.)

Dans notre monde, la solitude est ressen-tie comme néfaste, comme négative. Bien de nos contemporains confondent soli-tude avec isolement, manque et abandon. Par ailleurs, la société veille à ce que l’in-dividu ne se retrouve pas face à lui-même. La solitude, si elle est choisie, n’est pas un enfermement ni une misère. Elle peut, en ce cas, s’avérer une richesse, et un lieu de plénitude et de sérénité. La solitude peut ouvrir la porte de l’intériorisation, de la possible découverte de soi. Mais pour se découvrir soi, il est cependant nécessaire de découvrir l’autre. C’est en cela que la solitude, choisie, est différente de l’isole-ment et de l’abandon. Selon l’auteur, c’est à travers cette rencontre de soi, sans né-gliger la rencontre de l’autre, que l’on peut appréhender sa propre liberté.

Cet essai, emprunt d’un peu de philoso-phie et de beaucoup de spiritualité est fort bien écrit. Il offre une approche peu cou-rante de cette solitude choisie tant décriée dans un monde qui est plus inscrit dans une volonté normative liberticide que dans une visée libératrice fondée sur la valeur de l’être. L’être étant considéré comme secondaire devant des intérêts im-médiats soit disant collectifs. On pourrait se laisser à penser que si l’humanité oublie l’homme sous quelque prétexte que ce soit, alors elle se condamne à errer hors de tout sens.

À découvrir.

Psychologie – Psychanalyse

H

ypnose ou traité du sommeil nerveux

J. Braid

L’Harmattan, collection « Encyclopédie

psychologique », 2005.

ISBN 2-7475-7596-9 (25

, 262 p.)

Réédition

fac simile

de l’ouvrage fonda-mental sur l’hypnose écrit à la fin du

XIX

e

siècle par Braid, ce livre est un des textes fondateur de l’hypnose moderne.