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Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, n° 5, pp. 219-223© Masson, Paris, 1987
MISE AU POINT
Absorption par les tissus et pénétration des rayonnementsM.-J. TEYSSANDIERMédecin de Rééducation, 42, rue Verdi, F 06000 Nice.
La profondeur de pénétration d'un rayonnement est directement liée à l'absorption parles tissus de l'énergie qu'il transporte.
Ces deux facteurs varient en fonction detrois paramètres principaux :
la nature des tissus irradiés,- leur homogénéité ou hétérogénéité,- les caractéristiques du rayonnement
utilisé, en particulier sa longueur d'onde {ousa fréquence par les ultrasons}.
L'ordre de grandeur de la profondeur utileet de la profondeur totale de pénétration desprincipaux rayonnements utilisés en électrothérapie doivent être bien connus de toutpraticien pour choisir un agent physique enfonction du cas clinique et de l'objectifthérapeutique recherché {analgésique,antalgique, anti-inflammatoire, etc...}..
L'absorption par les tissus biologiques et laprofondeur de pénétration d'un rayonnementsont deux des principaux facteurs qui conditionnent son efficacité thérapeutique, ses indicationset contre-indications.
A. Absorption et pénétration desrayonnements
1. Les rayonnements ont pour dénominateurcommun d'être des transporteurs d'énergie.
Tirés à part: M.-J. TEYSSANDIER, à l'adresse ci-dessus.
•
Lorsqu'on les applique à des tissus biologiques, ils dispensent à leur surface une certainequantité d'énergie incidente: .
- rayonnante, immatérielle, pour les rayonnements électromagnétiques,
- mécanique, matérielle, pour les rayonnements vibratoires mécaniques.
2. A l'exception des rayonnements ionisantsqui sont exclus de cet exposé, tout rayonnementet l'énergie qu'il transporte:
- se propagent en ligne droite,- sont absorbés par les tissus qu'ils
traversent,- et pénètrent jusqu'à une certaine profon
deur, variable selon leur absorption.Dans le cas particulier des ultrasons, leur
réflexion éventuelle contre un obstacle, avecformation d'ondes stationnaires, modifie naturellement leur profondeur de pénétration.
3. L'absorption d'un rayonnement par untissu biologique (ou un métal par exemple)correspond à la déperdition d'une partie del'énergie incidente qui lui est dispensée.
Au-delà, le rayonnement continue à pénétrerplus avant,
- tout en s'appauvrissant de plus en plusen énergie, au fur et à mesure qu'il traverse denouveaux tissus,
- et celà jusqu'à la profondeur à laquelletoute l'énergie transportée a été absorbée.
4. L'énergie absorbée, qu'elle soit rayonnanteou mécanique, est transformée. Elle s'exprimesous d'autres formes : calorifique, chimique,électrique ... tout en respectant le principe immuable de la conservation de l'énergie d'Einstein .
1
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TABLEAU I. - Profondeur utile et profondeur totale de pénétration des rayonnements (Ordres de grandeur). lJ
Rayonnements 1PUP1PTP--ELECTROMAGNÉTlQUES DE
111 2.5
LONGUEURS D'ONDE ? -U.V.2 mm
- I.R.5 mm
- O.c. de 12,24 cm1 cm2 cm
- O.c. de 69 cm2 cm4 cm
- O.C. de 22,12 cm4 cm8 cm--
Vn~RATOIRES MÉCANIQUES DEFREQUENCES '\.- U.S. de 3 MHz1
1 cm1
1 7.5- U.S. de 1 MHz
8 cm- U.S. de 870 MHz
15 cm
5. L'augmentation de la température destissus irradiés que l'on peu facilement mesurer,se manifeste :
- d'abord, d'une façon hétérogène, jusqu'àla profondeur à laquelle le rayonnement apénétré,
- ultérieurement, jusqu'à une profondeurbien supérieure car la chaleur se propagesecondairement, par conduction, aux tissusVOlSlllS.
6. On définit habituellement, pour chaquerayonnement, ce que nous avons pris l'habituded'appeler :
- sa profondeur utile de p€nétration(P.U.P.) ou profondeur de pénétration pour unedemi-énergie, ou profondeur à laquelle 50 % del'énergie incidente a été absorbée,
- sa profondeur totale de pénétration(P.T.P.) ou profondeur à laquelle 100 % del'énergie incidente a été absorbée,
- la profondeur d'élévation thermique uniforme (P.E.T.U.) ou profondeur à laquelle lestissus biologiques ont une température uniforme,dont la valeur a un ordre de grandeur du doublede la P.T.P.
7. En pratique, l'électrothérapeute doit toujours avoir présent à l'esprit, pour des posologieshabituelles :
- les ordres de grandeur de la P.U.P. etla P.T.P. de chaque rayonnement (tableau 1).
- et les paramètres de variations quiinfluent sur leurs valeurs.
10
Plmm)
FIG. 1. - Echauffement des tissus biologiques soumis à unrayonnement LR. dont les longueurs d'onde sont comprises entre6000 et 13000 A (d'après Henschke).
Cette courbe est comparable à celle de la pénétration enprofondeur du rayonnement et de la déperdition par absorptionde l'énergie incidente. En effet, les LR. pénètrent peu profondément des tissus sensiblement homogènes.
B. Paramètres de variations de la pénétration
L'absorption d'un rayonnement et, partant,sa profondeur de pénétration varient en fonctionde trois paramètres principaux :
la nature des tissus biologiques irradiés,- leur homogénéité ou hétérogénéité,- les caractéristiques du rayonnement
utilisé.
1. La nature des tissus biologiques irradiésconditionne le coefficientd'absorption de chacund'eux. Sa valeur est :
- sensiblement nulle pour la peau (quin'oppose donc aucune résistance à la pénétrationdes rayonnements),
- faible pour les tissus pauvres en eau (os,graisses),
- un peu plus importante pour ceux quisont riches en eau (muscles),
- très importante pour les corps étrangersmétalliques.
B
X::::!
Q)
.9"0<t
1--
Muscles Os
Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 5 221
Muscles
F
FIG. 2. - Etude comparative de l'élévation thermique desprincipaux tissus biologiques, en fonction du traitement électrothérapique. (d'après Kebbel, Krause et Patzold).A. Par un courant HF de 27,12 MHz appliqué transversalementà l'aide de deux électrodes condensatrices, de même surfaceéloignées de 4 cm de la peau, l'élévation thermique a lieu :- en superficie,- en profondeur, principalementB. Par un courant HF de 27,12 MHz appliqué transversalement
. à l'aide de deux électrodes condensatrices, de même surface,proches de la peau, l'élévation thermique, comparable au cas A,est plus importante en superficie.c. Par un rayonnement électromagnétique de longueur d'onde
métrique, égale à Il,06 m dont la source est une électrodeselfiquespiralée :- la pénétration est plus importante qu'en D et en E,- l'élévation thermique des tissus, beaucoup moins homogènequ'en A et B, est plus notable en profondeur qu'en superficie,tout particulièrement pour les masses musculaires et lesarticulations.D. Par un rayonnement électromagnétique de longueur d'ondedécimétrique, égale à 69 cm, l'échauffement est comparable aucas C, mais le tissu adipeux est beaucoup plus ménagé.E. Par un rayonnement électromagnétique de longueur d'ondecentimétrique égale à 12,24 cm (radar) l'élévation thermique,relativement homogène jusqu'à 4 ou 5 cm de profondeur:- ménage la peau et les os,- prédomine nettement sur les muscles.F. Par un rayonnement ultrasonore, l'augmentation de latempérature :- qui respecte la peau et ses annexes,- est surtout notable au niveau des interfaces entre deux tissusde densités très différentes (entre les muscles et les os enparticulier).
r
1
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30m
10
3m 30 cm 3cm
A
10
20 -1 B
30A
P (cm)
2 3N (MHz)
.,
100
P (cm)
FIG. 3. - Profondeur de pénétration des ondes courtes (d'aprèsM Gautherie).
En fonction de leur longueur d'onde et à l'intérieur tissus:- A : à forte teneur en eau (os, graisse),- B : à faible teneur en eau (muscles, peau),- C : Cancéreux (sein).
2. L'homogénéité des tissus biologiquesa) Si le tissu irradié est bien homogène, (ce
qui est assez rare) son coefficient d'absorptiond'un rayonnement a une valeur constante.
La quantité d'énergie absorbée décroît progressivement (fig. 1),
selon une fonction exponentielle,· au fur et à mesure qu'on va vers la profondeur.
b) Habituellement, les tissus irradiés sonthétérogènes tout comme leur coefficient d'absorption de l'énergie incidente.
La pénétration du rayonnement incident enest affectée (fig. 2).
3. Les caractéristiques du rayonnement :Deux paramètres doivent être analysés:
- sa puissance d'émission,- sa longueur d'onde pour les rayonne-
ments électromagnétiques (ou sa fréquence pourles ultrasons).
a) Plus la puissance d'émission d'un rayonnement est importante,
plus les tissus biologiques absorbent d'énergie,· plus leur température augmente,· mais la profondeur de pénétration n'est pasaffectée (du moins pour les posologies habituellesen électrothérapie).
FIG. 4. - Profondeur de pénétration des ultrasons (d'aprèsP. Bargy).
En fonction de leur fréquence et à l'intérieur des tissus :- A : à faible teneur en eau (graisse),- B : à forte teneur en eau (muscles).
b) Plus la longueurd'onde d'un rayonnementest courte (plus la fréquence des ultrasons estimportante),
plus il est énergétique,plus facilement il est absorbé,et moins il est pénétrant (fig. 3 et 4).C'est ainsi que les rayons infrarouges et
ultraviolets sont plus énergétiques mais moinspénétrants que les ondes courtes. Seguin et Coll.ont irradié avec des R.E.M." une sphère deparaffine au centre de laquelle se trouvait unegoutte d'eau. Ils ont constaté qu'en casd'irradiation :
- avec des rayons I.R., la paraffine fondavant que l'eau n'entre en ébullition, .
- avec des ondes ultracourtes, l'eau boutavant que la paraffine ne fonde.
Il est aisé de concevoir la complexité del'absorption et la pénétration lorsqu'il s'agit d'unrayonnement polychromatique appliqué à untissu hétérogène.
C. En bref
La profondeur de pénétration d'un rayonnement est directement liée à l'absorption:
- de l'énergie qu'il transporte,- par les tissus biologiques qu'il traverse.
L'ordre de grandeur de la profondeur utileet de la profondeur totale de pénétration desprincipaux rayonnements utilisées en électrothé-
rapie, ainsi que leur paramètres de variations,doivent être au principal des préoccupations dupraticien pour faire le choix d'un agent physiqueen fonction :
- du cas clinique,- de l'objectif thérapeutique, recherché
(analgésique, antalgique ou anti-inflammatoire).
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