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Guide à l’intention des équipes terrain de Handicap international et aux acteurs des services sociaux Décembre 2009 Accompagnement social personnalisé : Réflexions, méthode et outils d’une approche en travail social de proximité

Accompagnement social personnalisé - Handicap … · 2010-10-09 · ou « pousser » en cas d’échec et de fatigue. ... appréciation et synthèse des types de besoins et de demandes

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Guide à l’intention des équipes terrain de Handicap international et aux acteurs des services sociaux

Décembre 2009

Accompagnementsocial personnalisé :Réflexions, méthode et outils d’une approche en travail social de proximité

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/ 1. Travail social et développement - - - - - - - - - - - - PAGE 08

Travail social : définitions et contextes d’intervention - - - - - PAGE 09

Zoom sur trois champs d’interaction - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 11

/ 2. Accompagnement social personnalisé : généralités - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 16

Définition et objectifs de l’accompagnement social personnalisé - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 17

Avantages de l’accompagnement social personnalisé - - - - PAGE 19

L’approche systémique - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 20

/ 3. L’accompagnement social personnalisé de personnes en situation de handicap - - - - - PAGE 25

Principes et repèresPartie 1

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Du point de vue étymologique, le terme « accompagnement » est une extension du mot « compa-gnon ». A l’origine, « compagnon » vient du latin « companio » qui signifie « celui qui mange son pain avec », et qui donnera plus tard en français le mot « compain », qui deviendra « copain » en français moderne.

C’est aujourd’hui un mot à la mode, un mot passe-partout, un mot à tiroir qui peut prendre plu-sieurs formes : accompagnement scolaire, accompagnement pédagogique, accompagnement de fin de vie, accompagnement à la santé et aux soins, accompagnement social, etc.

L’accompagnement social est considéré comme différent des formes anciennes de suivi, puisqu’il n’est pas uniquement centré sur la personne mais inclut le travail d’articulation avec l’offre, la recherche de réponses ainsi que leur adaptation à la situation de chaque usager, puis la préparation d’une disponibilité à les recevoir.

L’accompagnement social personnalisé est issu de l’évolution des courants sociaux et de l’uti-lisation de nouvelles méthodologies d’intervention en travail social mises en place à la fin des années 80. Originaire des Etats-Unis et issu de la réflexion autour de pratiques psychothérapeu-tiques et systémiques, il favorise une approche globale de la personne tout en prônant un modèle personnalisé.

Contrairement aux pratiques traditionnelles en travail social, basées sur le schéma d’un profes-sionnel chargé d’un mandat et d’un usager pris en charge, la démarche de l’accompagnement social personnalisé repose sur l’éthique d’un engagement réciproque entre les personnes (notion d’un cheminement commun).

Pourquoi « personnalisé » ?La notion d’individu (étymologiquement, « ce qui ne peut être divisé ») exprime une idée d’unité, tandis que celle de personne (du latin persona, « masque » et par extension, « caractère » « rôle ») rend compte d’une singularité, d’une figure. Par conséquent, la personnalisation n’exprime pas du tout la même idée que l’individualisation, c’est-à-dire l’action de réduire à une unité indivisible ; elle consiste à s’identifier à une personne, de saisir sa singularité. Ainsi, « personnaliser » ne veut pas seulement dire individualiser, mais bien aménager les missions et les possibilités de réponse d’un service ou d’un dispositif à chaque individu et en fonction de ses propres potentialités.

Partie 12. Accompagnement social personnalisé : généralités

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/ DéfInITIOn eT OBjeCTIfS De L’ACCOMPAGneMenT SOCIAL PeRSOnnALISé

L’accompagnement social :Le concept d’accompagnement social comporte trois dimensions :

- une dimension relationnelle (être avec) : c’est la qualité de la relation (connaissance et respect mutuel) qui déterminera en grande partie la réussite d’une action.

- une dimension de changement et de déplacement vers une situation nouvelle (et meilleure). L’accompagnateur est :

. Devant, pour impulser, mais pas trop car souvent les personnes « courent » derrière les intervenants sociaux

. A côté, pour partager, co-construire et négocier

. Derrière, pour laisser la personne faire son chemin mais aussi soutenir et « ramasser » ou « pousser » en cas d’échec et de fatigue.

- une dimension temporelle : l’ac-compagnement social a un début et une fin qui doivent être détermi-nés en accord avec la personne. Il doit respecter le cadre d’interven-tion (durée du programme) mais aussi le rythme fixé par la personne. Les objectifs à atteindre et leur pla-nification aideront à organiser le temps. Un accompagnement ne doit jamais durer trop longtemps, il est alors le signe de l’interdépen-dance entre l’intervenant et la per-sonne aidée.

Selon le Conseil Supérieur de Travail Social :

« L’accompagnement social personnalisé peut se définir comme une démarche volontaire et interactive qui met en œuvre des méthodes participatives avec la personne qui demande ou accepte une aide, dans l’objectif d’améliorer sa situation, ses rapports avec l’environnement, voire de les transformer. (...) L’accompagnement social auprès d’une personne s’appuie sur le respect et la valeur intrinsèque de chaque individu, en tant qu’acteur et sujet de droits et de devoirs. »

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Plateaux individualisés Plateaux personnalisés

Exemple = un repas individualisé est un repas où chaque portion correspond à un individu, tandis qu’un repas personnalisé est adapté spécifiquement aux souhaits de chaque personne servie.

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Il s’agit d’une méthode d’intervention qui suppose la triangulation de trois facteurs en présence :- un bénéficiaire (l’usager)- un dispositif d’action dans un environnement donné (un projet, un service)- un intervenant (travailleur social ou référent social)

L’objectif de l’accompagnement social personnalisé, par l’analyse globale du parcours de vie d’un individu, est d’encourager l’autonomisation de ce dernier, en lui permettant d’exprimer et d’organiser au mieux l’étude et la réalisation d’un projet (personnalisé).

Des intervenants de terrain s’expriment…• Association partenaire d’Inter Aide sur un projet d’accompagnement à Bombay (Inde)

« L’objectif de l’accompagnement social des personnes est de leur donner confiance en elles pour qu’elles puissent devenir autonomes. Le niveau d’autonomie se mesure par la capacité de la personne à résoudre ses problèmes, sa capacité à faire des projets et sa capacité à aider les autres. »

• La Fédération Algérienne des Handicapés Moteurs (FAHM), AlgérieL’accompagnateur :- est un facilitateur, un passeur : il va soutenir la personne pour qu’elle trouve elle-même les

solutions les plus pertinentes et conformes à son contexte.- « Marche avec » : il est au côté des personnes, il ne fait pas et ne décide pas à leur place. On

cite l’exemple de la jeune fille qui n’a pas voulu de la machine à coudre apportée par l’agent social, car développer une activité de couture l’enfermait chez elle, dans son hameau, alors qu’elle souhaitait une activité qui lui permettrait de sortir de cette exclusion.

- ecoute et accueille les émotions et les sentiments des personnes. Par exemple, quand une personne a vécu de nombreux échecs, il lui sera difficile de rentrer dans une dynamique de projet si elle n’a pu être comprise dans sa peur du lendemain, dans son manque de confiance en elle, dans sa colère parfois de ne pas être acceptée. Passer par l’expression des émotions permet ensuite d’ouvrir un imaginaire sur ce qui serait possible.

- S’assure que les besoins élémentaires sont acquis. On ne peut se projeter dans l’avenir si le minimum vital (manger, avoir un toit, ne pas risquer sa vie dans les déplacements) n’est pas respecté.

- Se réfère à d’autres professionnels : l’agent d’insertion ne travaille pas seul, il fait partie d’une équipe et travaille en complémentarité avec d’autres, même s’il reste le référent de la personne qu’il accompagne.

- Tient compte de l’entourage de la personne. La famille peut être un atout comme un obs-tacle au changement. Aussi, il faut pouvoir associer la famille au projet en lui permettant d’en voir l’intérêt. La personne elle-même peut être sollicitée pour aider sa famille à changer : « comment penses-tu que ta famille pourrait accepter que tu fasses cette formation ? Qui de ta famille pourrait être ton allié pour convaincre ton père (ou ta mère) qui semble opposé(e) à cela ? » Il est toujours préférable que ce soit la personne elle-même qui reste actrice des chan-gements dans son entourage plutôt que l’agent d’insertion. D’une part, parce que cette dé-marche renforce le sentiment de confiance en soi de la personne et, d’autre part, parce qu’elle est mieux acceptée par la famille, qui n’apprécie pas toujours les « interventions extérieures » dans son organisation.

- « Assemble le puzzle » : très souvent, l’agent d’insertion va accompagner la personne pour qu’elle redonne du sens à sa vie en la « réunifiant » autour d’un projet, et non pas dans des projets éclatés et irréalistes.

- Donne des « couleurs » : l’agent d’insertion, par son regard sur la personne « en devenir », ne la réduit pas à son handicap ou à ses problèmes. Il voit en elle ce qu’elle pourrait devenir (avec ses possibilités et ses potentiels) et ne s’attache pas seulement à ses difficultés.

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L’accompagnement personnalisé permet à la personne de : • Approfondir ses champs d’intérêt ;• Définir ses besoins ;• Développer ou maintenir des capacités, attitudes ou comportements qui pourraient être

utiles ;• Trouver les moyens de lever les obstacles au cheminement personnel, social et professionnel.

Chaque individu étant unique, il appelle l’adaptation d’une méthodologie particulière.

Des intervenants sur le terrain s’expriment …• Emmanuelle Six, assistante sociale, Responsable de Programme à Inter Aide

« L’accompagnement social consiste à guider les personnes souffrant d’un déficit de res-sources quotidiennes (matérielles, psychologiques, relationnelles, culturelles…) pour mener à terme un projet (qui soit le leur), adapté à leurs capacités et à leur environnement, compte tenu des normes et de la vie sociale (reconnue par l’opinion publique et par les autorités légales). »

/ AvAnTAGeS De L’ACCOMPAGneMenT SOCIAL PeRSOnnALISé

Le service d’accompagnement social personnalisé, outil pertinent pour l’insertion sociale, l’auto-nomisation et l’autodétermination des individus, présente des avantages nombreux car il relie les forces et acteurs en présence sur un lieu et dans un temps défini. Il a un impact/effet indiscutable sur le milieu.

Ses finalités

• Participer à une meilleure insertion sociale de l’usager/participant/bénéficiaire, par une approche globale et personnalisée de sa situation ;

• Développer la participation des personnes à leur propre changement par une meilleure gestion de l’interaction avec l’environnement, en encourageant l’autonomisation et l’auto-détermination ;

• Aider à une meilleure construction de l’image de soi en renforçant la confiance en soi et la conscience de ses capacités.

Son action sur le milieu

• Analyse des transversalités et complémentarités des biens et services qui œuvrent pour l’insertion sociale d’un public ;

• Participation à une mise en cohérence des projets et dispositifs territoriaux ; • Interaction des systèmes en présence (médicaux, sociaux, professionnels, économiques,

de loisirs…) ;• Incitation au travail de groupe et de réseau, renforcement de la pluridisciplinarité.

Ses méthodes et outils

• Ecoute, empathie et valorisation ;• Démarche positive : « ce que l’on peut faire » et non pas « ce que l’on ne peut pas/plus

faire », qui s’appuie sur les forces en présence ; • Adaptation aux spécificités des terrains et aux différents contextes ;• Modèles de pratiques d’intervention basée sur les caractéristiques culturelles, religieuses,

historiques ;

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• Principe de réalité, en tenant compte des possibilités de la personne et des ressources de l’environnement.

Sa fonction d’observatoire

• Identification, appréciation et synthèse des types de besoins et de demandes sur un ter-ritoire (connaissance et analyse des acteurs territoriaux, du public cible et de leurs de-mandes, etc.)

Ses effets connexes

• Il interroge directement la place de l’environnement familial, relationnel et social dans le développement de la personne ;

• Il tend à modifier le regard que portent les professionnels, les participants et la commu-nauté sur les différences.

/ L’APPROChe SySTéMIque

La personne évolue dans des dimensions diverses, à la fois physique, psychologique, sociale et spiri-tuelle. Ces dimensions recoupent les différents as-pects de son existence (son corps, sa pensée, ses valeurs et ses croyances), son rapport aux autres et au monde (relation à sa famille, à l’entourage, etc.) et sa motivation existentielle (place et rôle qu’elle s’attribue en ce monde). Entrer en relation et en communication avec autrui, être dans une démarche d’accompagnement, suppose donc la prise en compte globale de la personne, afin de mieux la connaître et la comprendre.

Le contexte dans lequel évolue une personne tient compte des valeurs de la société dans laquelle elle vit et du groupe auquel elle se rattache. Il est donc crucial de prendre en considération le contexte et de distinguer les normes sociales collectives, nationales ou internationales (santé, éducation, droits de l’homme) des représentations subjectives de chacun. Une prise en compte des valeurs locales et le décodage de systèmes de valeurs propres à un territoire sont donc im-portants et garantissent les résultats d’une démarche d’accompagnement cohérente et efficace.

En travail social, notamment dans le cadre de dispositifs d’accompagnement social personnalisé, certains intervenants appuient leurs actions sur l’approche systémique. Cette approche, issue de réflexions en psychosociologie et en communication, est née dans les années 40 aux Etats-Unis. Elle considère que chaque être humain coexiste à l’intérieur de plusieurs systèmes et que ces systèmes s’influencent les uns les autres. Dans un contexte donné, un individu est donc tou-jours en interrelation avec l’environnement et les autres membres du groupe auquel il appartient. Le comportement de chacun des membres d’un groupe est lié aux comportements de tous les autres et en dépend directement.

De plus, l’approche systémique considère que ce qui fait problème dans une situation n’est pas le symptôme d’un mal-être ou d’un dysfonctionnement, mais le contexte dans lequel il s’inscrit.

Dans le cadre de l’accompagnement social, l’approche systémique permet d’organiser au mieux un projet personnalisé, de faire la part des choses et de n’oublier aucun des membres qui com-

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pose chacun des systèmes dans la définition d’un plan d’action. De plus, cette approche permet d’identifier et de comprendre la place et la fonction de chacun au niveau individuel et par extension, au niveau collectif et communautaire.

La personnePersonnalité

CultureHistoireIdentitéValeursGoûts

Sa place dans la société

Avec ses différents lieux de vie

Son écoleEt ses lieux de

formation

Son travailEt son entreprise

Ses lieux d’appartenanceSocioculturelle et

religieuse

Son logementEt son quartier

Ses associationsSportives,

humanitaires ou autres

L’approche systémique met également en avant un certain nombre d’éléments communs à cha-cun des systèmes en présence et à partir desquels peut se construire le diagnostic de la situation globale d’un individu, ou par exemple, celle d’une famille, d’une communauté, d’une entreprise.

Le but : Pourquoi tel groupe ou telle communauté existe ? Que permettent-ils ? (sentiment d’appartenance, processus d’identification…)

Les alliances : Qui forme les alliances, à quelles fins (pouvoir, coalition…) ? Comment sont-elles modifiées ?

L’espace : Quel est l’espace physique et relationnel ? Qui est proche de qui ? Qui est à distance ? Qui est isolé ?

Les forces gravitationnelles : Quelles sont les personnes sur lesquelles on s’appuie ? Vers qui se tourne-t-on en cas de besoin ? Quelles sont les caractéristiques de ces per-sonnes ?

Les limites et les frontières : Chaque personne a une propre frontière qui lui permet d’être autonome tout en partageant des espaces collectifs. Il s’agit également des fron-tières entre les générations.

Les rôles : Qui contribue aux besoins du groupe ? Qui gère les finances ? Qui met des limites ? Qui autorise ? Qui interdit ? Qui souffre ? Qui est valorisé ? Qui est le leader/hé-ros ? Qui est le bouc émissaire ?

Les positions : Chaque personne a une position qui lui permet d’être reconnue par les autres, d’avoir une estime d’elle-même et de pouvoir évoluer. (Quelle est la position des enfants ? Quelle est la position des adultes ? Quels sont les frontières et les modes de communication entre eux ?)

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Les règles : Quelles sont les règles communes ? Les règles implicites ? Qui gouvernent les actions et les réactions en lien avec les règles établies ?

Les valeurs : Quelles sont les représentations mentales et émotionnelles ? Les valeurs culturelles, religieuses ? Qu’est-ce qui est bien ? Qu’est-ce qui est mal ?

Les croyances : Quelles sont les croyances familiales, communautaires ? Quel est le re-gard commun porté sur tel sujet de société, sur tel mythe ou telle réalité ?

Quelques repères L’approche systémique nous invite à analyser une situation dans sa globalité, et à nous intéresser aux possibilités des personnes plutôt qu’à leurs manques. La personne ne peut pas être réduite à ses problèmes ou son handicap. Pour cela, les principes sont les suivants :

- Tout système (personne, famille, groupe, communauté, etc.) porte en lui les solutions aux problèmes qu’il se pose.

Lors de moments de crise ou de changement nécessaire, si le système ne trouve pas de so-lutions, les signes de souffrance de l’un ou plusieurs de ses membres vont attirer l’attention de « l’aidant ». De ce fait, dans une situation qui pose problème, les solutions sont toujours à chercher en priorité dans le contexte. Les solutions qui viennent de l’extérieur, non adaptées au contexte, sont rarement durables et significatives pour les familles/communautés, menant sou-vent à l’échec et à une déstabilisation du système en place.

- Tout système (personne, famille, groupe, etc.), même en situation de grande vulné-rabilité, possède des capacités et des ressources qui peuvent être mobilisées.

Piaget, un pédagogue, disait qu’à chaque fois qu’une personne donne la solution à un enfant ou à tout autre individu, ou si elle fait les choses à sa place, elle le prive de faire l’expérience de chercher et de trouver lui-même comment faire. C’est cette expérience qui construit sa confiance en lui et son estime. Il convient toutefois de rappeler que dans le cadre du travail social (urgence et développement), il peut arriver que certaines personnes soient dans un tel dénuement que l’on se doit de leur donner les moyens de combler leurs besoins de base. C’est alors une étape né-cessaire et indispensable avant de mobiliser des capacités.

- Tout système a son évolution propre. Les mêmes situations ne produisent pas forcé-ment les mêmes effets et il y a plusieurs chemins pour arriver au changement.

Ceci veut dire deux choses : a) Nous n’avons pas à attendre les gens « au tournant ». Par exemple, un enfant battu ne devien-dra pas forcément un parent maltraitant, toutefois si on est convaincu qu’il le sera, on risque de mettre en place le contexte (crainte, contrôle) qui favorisera cette attitude. b) Il n’existe pas une seule façon d’arriver à un changement, il y a toujours plusieurs solutions possibles. Ainsi, dans l’accompagnement d’une personne, il n’y a pas de solution idéale à trouver et appliquer.

- Un système humain est un système vivant, porteur de cycles de vie.Certaines périodes sont marquées par la construction (du couple conjugal, parental par exemple), d’autres sont dans l’évolution. Pour se transformer, tout système passe par des temps de crise (le temps du changement) qui correspondent au passage d’un état à un autre. Par exemple, un jeune couple va traverser un moment de déséquilibre pour accueillir leur premier enfant et trouver leur état de parents. Il en sera de même avec les enfants, au moment du départ des parents, de la mort, de la maladie ou du développement d’une déficience chez l’un des membres de la famille.

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- Les systèmes sont influencés par les systèmes environnants qu’ils influencent à leur tour (écosystème).

Ainsi, une famille est en interaction avec les systèmes scolaires, professionnels et amicaux, mais aussi avec les systèmes politiques, les systèmes de valeurs culturelles et religieuses, etc. Plus le système est ouvert, plus les interactions sont importantes. Dans un système totalitaire, les interactions sont pauvres et les influences unilatérales. Dans un système plus démocratique, les familles à faibles interactions (peu de solidarité, peu d’ouverture sur l’extérieur) ont souvent plus de difficulté à se transformer et les crises qui les traversent peuvent être longues et destructrices.

La plupart du temps, les systèmes trouvent la capacité à se transformer. Quand les « influences » externes sont trop fortes ou trop violentes (cataclysmes, guerre, etc.) une aide extérieure est nécessaire, mais elle est aussi utile quand le système n’arrive pas à passer d’un état à un autre. Par exemple, certaines familles n’acceptent pas que leur enfant en situation de handicap quitte la maison car l’ensemble de la famille s’est construit autour du handicap. Chacun a trouvé une fonction et un rôle dans cette situation, et personne ne souhaite les perdre avant de s’imaginer vivre autrement.

• L’approche écosystémiqueLa démarche : « Il faut tout un village pour élever un enfant »

La démarche adoptée repose sur l’interaction de l’individu avec l’ensemble de ses environne-ments13, lesquels sont interdépendants et influencent son comportement, son développement et sa qualité de vie. Ainsi, certains environnements agissent directement sur l’enfant (famille, école, lieux d’accueil), d’autres plus indirectement, telles les lois et les habitudes culturelles du pays ou de la région où il vit.

On définit cinq niveaux systémiques :• L’autosystème : caractéristiques de l’individu : âge, sexe, capacités, handicap.• Le microsystème : environnements proches : la famille, l’école, le milieu de travail, le

centre d’accueil, etc.• L’exosystème : environnements dans lesquels la personne n’est pas directement impli-

quée mais qui influent sur son environnement direct : milieu de travail des parents, infras-tructures d’une communauté, dispositifs de soutien et d’accompagnement des familles.

• Le macrosystème : ensemble des va-leurs, des croyances, des idéologies ainsi que des orientations politiques présentes dans une société.

• Le mésosystème : constitué par les in-teractions entre les différents systèmes. Les interactions entre les systèmes ou les éléments des systèmes sont des espaces relationnels qui nous don-nent des informations nous permettant d’évaluer les ressources d’un système et d’anticiper les actions à mener. Ren-forcer ces liens par une meilleure coor-dination peut par exemple favoriser les conditions d’insertion des personnes.

13. On définit l’environnement comme un ensemble de structures, d’organisations sociales et humaines, de règlements et de dispositifs ou de règles qui s’emboîtent les uns dans les autres et qui s’influencent réciproquement.

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InSeRTIOnSOCIALe

Autosystème AgeSexeCapacitésHandicap

MicrosystèmeFamilleEcoleCentre de formationCentres d’accueilPairs

MacrosystèmeValeurs culturellesCroyances, traditionsOrientations politiquesLégislations nationale et internationale

MéSOSySTèMe

MéSOSySTèMe

Perspective écosystémique

MéSOSySTèMe MéSOSySTèMe

exosystèmeONG/réseauxMinistèresDIVASBailleurs de fondsSystèmes d’Alerte Précoce

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En début de cette section, nous souhaitons d’abord préciser le choix de la terminologie employée dans ce document. La signification du mot « handicap » a évoluée au fil des ans et on utilise à ce jour des terminologies diverses : « personne en situation de handicap », « personne handicapée », « personne ayant des incapacités », etc. Ces terminologies peuvent être reliées à des modèles ou approches du handicap, mais sont aussi fortement influencées par le contexte socioculturel où une personne se trouve, de même qu’à des facteurs linguistiques. Nous avons choisi dans ce document d’utiliser deux terminologies : d’abord « personne en situation de handicap » pour souligner l’aspect situationnel et non figé du handicap, puis ensuite, pour éviter d’alourdir le texte, nous employons également le terme « personne handicapée ».

Des professionnels de l’action sociale s’expriment…• Jean-René Loubat, psycho-sociologue français

« L’accompagnement personnalisé, méthode empruntée aux anglo-saxons, est parfaitement transposable aux personnes en situation de handicap parce que relevant de l’action médico-sociale, voire sanitaire. Il est bien à la fois question de conseiller, de stimuler, d’encourager, de viser une réhabilitation morale du handicap comme de fournir des aides pratiques à la gestion d’une situation globale. »

• Erik Jaubertie , directeur d’un institut médico-professionnel« L’accompagnement social vise à l’insertion et à l’intégration des personnes en situation de handicap. L’organisation de leur projet de vie tient à la représentation qu’elles se font de la société (son fonctionnement, ses règles et ses valeurs) et aux limites qu’elles s’imposent à partir de leur éducation et de leur histoire. »

Il est essentiel de noter que l’accompagnement social personnalisé de personnes handicapées ne diffère pas dans ses concepts et principes de l’accompagnement social personnalisé d’un autre public vulnérable. Il se distingue toutefois par la nécessaire prise en compte de l’impact de la déficience sur le vécu de la personne, par la connaissance des représentations sociales (la majeure partie du temps discriminantes) et surtout par les possibles adaptations des méthodes et outils de l’accompagnement social aux différents types de déficiences et de capacités.

Partie 13. L’accompagnement social personnalisé de personnes en situation de handicap

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Nous avons pris le parti de ne pas entrer dans le détail des déficiences et de leurs particularités de prise en charge. L’échange entre l’intervenant social et des personnes du corps médical et/ou paramédical est fortement encouragé et favorise une meilleure compréhension des impacts de déficiences sur le quotidien d’une personne, et facilitera l’élaboration du projet personnalisé. L’accompagnement social d’une personne en situation de handicap peut mobiliser de nombreux intervenants différents (médical, paramédical, social, familial...). Il est donc d’autant plus impor-tant que, dans ce cadre-là, l’intervenant social joue son rôle de coordinateur et de médiateur pour s’assurer que chacun participe pleinement et conjointement à l’amélioration des conditions de vie de la personne accompagnée, et qu’il clarifie ses propres missions et compétences afin de ne pas « déborder » sur celles des autres et compromettre ainsi la pertinence de son action.

Quelle que soit la déficience, il est important de noter que la personne vivant avec un handicap a dû construire ou reconstruire l’image qu’elle a d’elle-même, en faisant « le deuil de son corps sain ». Ce travail de « deuil » prend du temps et peut fortement fragiliser la personne, en particu-lier dans son rapport à « l’autre » dans lequel elle peut ne plus se reconnaître. L’intervenant social accompagnant des personnes atteintes d’une déficience doit donc être extrêmement attentif à l’histoire personnelle de la personne et prendre la mesure du temps et de l’espace nécessaires à ce « deuil », si celui-ci n’est pas encore fait.

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Sans entrer dans le détail des types de déficiences, il est toutefois important de noter la parti-cularité de la déficience intellectuelle. En effet, l’accompagnement social d’une personne ayant une déficience intellectuelle suppose, la plupart du temps, la présence d’une tierce personne : le responsable (légal ou familial) de la personne handicapée. L’intervenant social doit faire attention à maintenir une relation privilégiée avec la personne handicapée elle-même, qui doit rester maître de son projet personnalisé, tout en s’appuyant sur la personne responsable pour la réussite de ce projet. Il est aussi important que l’intervenant social puisse faire la différence entre ce qui est du désir de la personne accompagnée et de ce qui est du désir de la personne responsable, ce qui n’est pas toujours évident. Les différentes expériences que Handicap International a pu avoir dans l’accompagnement social de personnes ayant une déficience intellectuelle montrent que l’accompagnement social bouscule souvent fortement les relations familiales existantes, et que les projets personnalisés négociés ont tendance à s’apparenter à des projets personnalisés négociés pour les familles plutôt que pour la personne handicapée elle-même. Ceci n’est pas for-cément à refuser mais l’intervenant social doit garder en tête que son « bénéficiaire direct » reste et doit rester la personne handicapée elle-même.

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Conseils pratiques : • Il est recommandé que l’intervenant social maîtrise le concept du PPh, ainsi que ses outils, le MAhvIe et le Mqe, outils d’analyse du niveau d’autonomie de la personne en situation de handicap et des impacts des facteurs environnementaux sur sa situation de handicap.

• L’intervenant social se doit d’entretenir des relations régulières avec les professionnels mé-dicaux et paramédicaux qui suivent la rééducation et la réadaptation de la personne accom-pagnée. La construction du projet personnalisé d’une personne en situation de handicap doit prendre en compte l’ensemble des avis médicaux et paramédicaux nécessaires au réalisme et à la faisabilité du projet personnalisé. Ce projet personnalisé permet de poser des objectifs et se révèle une source de motivation pour l’amélioration des capacités de la personne lors de son éventuelle rééducation. S’il n’y a aucun professionnel de la réadaptation sur la zone d’interven-tion, le référent social devra être d’autant plus attentif pour construire un projet personnalisé réaliste, en valorisant et en s’appuyant sur les capacités présentes de la personne handicapée.