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Actualités, entretiens, conseils • Décembre 2005 / Janvier …Novarina, qui a été choisi pour lui succéder d’après son projet artistique intitulé "Ensemble". Le théâtre

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éditorialLe 24 avril, la remise des Molières célèbre le théâtre dans son ensemble faisant fi desclivages entre les secteurs subventionné et autonome (dit privé) avec, cerise sur legâteau, une retransmission en direct par la chaîne publique France 2. Un événementd’autant plus attendu, que controversé autant sur le fond que sur la forme. Cetteannée encore, les modalités d’attribution des prix ont changé, comme la mise enscène de la soirée. Il n’y aura d’ailleurs pas de mise en scène, la télévision répondantà d’autres codes que le théâtre, mais des extraits des pièces primées, ce qui semblelogique : quoi de plus efficace pour inciter les téléspectateurs à sortir au théâtre quede les allécher en leur donnant un peu de gras ? Bien sûr, la saison ne se limite pas aux moliérisables et vous trouverez une sélectiondes pièces à voir dans les critiques et l’agenda (rubrique En Scène).Quant au dossier, il a été inspiré par un constat : aujourd’hui, rares sont les jeunespremiers de théâtre qui arrivent à percer au cinéma en jouant autre chose que despetits rôles, alors qu’à une autre époque, des comédiens comme Gérard Philipe,Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort, Michel Galabru et plus récemment AndréDussollier, Isabelle Huppert ont réussi à mener brillamment les deux de front. Quiincriminer ? La formation, le nombre de demandeurs ou la mode, friande d’efficaci-té, d’immédiateté et de sensation qui va à l’encontre du long travail de constructionet de bonification des comédiens dignes de ce nom ? Et comment faire sa place ? Desprofessionnels très impliqués dans le cinéma ont bien voulu répondre à ces questionsparmi lesquels Philippe Torreton et Clovis Cornillac actuellement autant visibles aucinéma qu’à la télévision et au théâtre.Bonne lecture.

Hélène Chevrier

Théâtral magazine est édité par Coulisses Editions4 rue Armand Moisant75015 ParisTél : 08 70 27 41 60Fax : 01 43 27 07 03Email :[email protected] : www.theatral-magazine.com

Directeur de la publication :Hélène Chevrier

Rédactrice en chef : Hélène [email protected]

Maquette :Atelier Alfortville 01 41 79 02 02

Fabrication impression :SIB ImprimerieImprimé en France

Tirage : 10 000 exemplaires

Distribution : NMPP

Dépôt légal : date de parutionCommission paritaire : en cours

Publicité : A+A com Cécile Marciano : 01 41 79 02 00Ont participé à ce numéro :

Rédaction :Hélène ChevrierChristian Le GuillochetAlexandre LaurentEmmanuel PléFlorent SaclierFabien SpillmannFrançois Varlin

Photos : Hélène Chevrier

Photo couverture :Philippe TorretonPhoto © Hélène Chevrier

La reproduction, même partielle, de tout matériel éditédans la publication Théâtral magazine est interdite. Larédaction n’est pas responsable de la perte ou de la dété-rioration des textes ou photos qui lui sont adressées. Lesdroits sur tous les documents à la rédaction sont considé-rés comme cédés gracieusement par leurs auteurs pourpublication sauf indication contraire explicite. Les noms oumarques qui figurent dans les pages rédactionnelles sontdonnées à titre d’information sans aucun but publicitaire.

Ouvrons la fenêtre M. Gilles Schneider

La radio nationale court après de nouvelles idées, et culturels de notrepays de se réjouir et de chercher à participer à ce "creuse-méninges".Essayer de rendre plus intelligente notre radio et faire la nique àLuxembourg-pub, ou Europe 1-pub, cela nous intéresse !

Eh bien essayons France Inter. Toutes les heures : résumé des informations, un peu de pub, pas tropreconnaissons-le, suivi de l'évolution des actions en bourse pour tousceux, de banlieue sûrement, qui ont le nez sur le CAC 40, le trouillo-mètre à zéro que la baisse ne les envoie au “t’as pas un euro pour bouf-fer ?", ou d'avoir la divine surprise de s'être enrichi en une heure par uneinformation tombée du ciel ; arrivent aussitôt après, les courses de che-vaux qui vont les rendre spécialistes du quinté plus, très utile pour lesdiscussions de bistrot, vient enfin le bulletin météo, alors qu'il suffiraitd'ouvrir la fenêtre et de scruter le ciel, en plus cela permettrait d'aérerl'appartement, ce que l'on oublie un peu trop souvent au détriment deses poumons.Alors nous suggérons et à la suite et dans le même temps d'antenne uneinformation culturelle, brève, vivante, donc toutes les heures, au béné-fice du théâtre, de la musique, des ballets, enfants pauvres de l'infor-mation. 700 à 800 manifestations culturelles permanentes pourraientsans difficulté alimenter cette bonne information.

Les petits malins qui auraient suivi nos conseils en ouvrant leursfenêtres pourraient s'exclamer "tiens, le temps nous le permet, si onallait au spectacle ce soir !"Je suis sûr que notre revue pourrait assumer cette information aveccompétence et enthousiasme.Alors M. le directeur de France Inter, M. Gilles Schneider, on y va, onouvre la fenêtre ?

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Actualités, entretiens, conseils • Décembre 2005 / Janvier 2006 • n°5

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E E d i t o r i a lLe serpent à Sornettes – 3

Actualités

Lever de rideau – 6Nouvelle donne pour la 20è cérémonie des Molières – 8

Interviews

Antoine Bourseiller – 10Nicolas Vaude – 12

Emmanuel Demarcy-Mota – 14Joël Pommerat – 16

Corinne et Gilles Benizio – 18Christophe Lidon – 20

Coline Serreau – 22Pierre Santini – 24

Le Bourgeois Gentilhomme – 52Caligula - 52

Conversations après un enterrement - 53Les Cuisinières - 53

Deux sur la balançoire - 54Dieu habite Düsseldorf - 54

L’Ecole des femmes - 55L’Espace furieux - 55

Gurs - 56Ivanov - 56

Mlle Werner - 57

Mlle Julie - 57Orange mécanique - 58Petits meurtres entre amis - 58Projet Laramie - 59Rodin, tout le temps que dure le jour - 59La Sainte-Catherine - 60Saïda Jawad dans Monsieur Accordéon - 60Venise sous la Neige - 61Un violon sur le toit - 61

Répétitions

La Noce chez les petits bourgeois… Créoles – 26"L’avare" transposé dans les pays de l’Est et monté en farce – 28

Dossier

Les pistes pour faire du cinéma

Point de vue des comédiens – Philippe Torreton – 31Clovis Cornillac – Denis Podalydès – 35Nicolas Vaude – Eric Seigne - Nicolas Taieb – Mélanie Thierry - Pascal Vuillemot – 36Le choix des réalisateurs – Jeanne Biras – Alain Corneau – 37Caroline Huppert – Charles Némès – 38Le directeur de casting – Gérard Moulévrier – 39L’agent – Régine Alonso – 39

Découvertes

Christian Hecq – 40Gérald Garutti – 42Alice Varenne – 44

Leçon

Cyrano de Bergerac par Denis Podalydès – 48

Portraits

Steve Bedrossian – 46Mélanie Thierry – 47

Zoom

La Grande Parade d’Olivier Py au théâtre du Rond-Point – 50

Auteurs

Amanda Sthers – 62Jean-Marie Besset – 64

Livres

Livres – 66DVD - 67

En scène et sélection de spectacles à voir

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festival rassemblera les désor-mais incontournables de l’humourfrançais (Le Quatuor, FranckDubosc, Christophe Alévêque,

Stéphane Guillon, Omar et Fred,les Vamps, Julie Ferrier, FlorenceForesti,…), mais donnera aussileurs chances à des nouveauxtalents régionaux ou internatio-naux. L’événement ayant le labelde la francoffonie, il présenteraaussi des artistes québécois,belges, suisses et africains. Au-delà du one man show, l’humoursera exprimé également à traversdes expositions, gags, séances demagie et des courts-métrages. Contact : 0892 705 075 ouwww.justepourrire-nantes.fr

"Hamlet" inaugure la réouvertu-re de l’Odéon. Le théâtre del’Odéon réouvre enfin ses portesaprès trois ans de travaux. La pre-mière pièce programmée dans lethéâtre rénové est tirée d’"Hamlet"de Shakespeare : "Un songe", misen scène par Georges Lavaudant,

avec Astrid Bas, Ariel GarciaValdès, Georges Lavaudant,Babacar M'Baye Fall, PhilippeMorier-Genoud, Joseph Menant,Pascal Rénéric,… A partir du 27avril. Réservation : 01 44 85 40 40.

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Lever de r ideau

Jean-Marie Besset sur scène.A partir du mois d’août 2006, iljouera au théâtre de la PépinièreOpéra dans une de ses pièces,"Un cheval", adapté du roman deChristiohe Donner "De l’influen-ce de l’argent sur les histoiresd’amour".

La troisième pièce de FlorianZeller. Après "L’autre" et "LeManège", Florian Zeller revient àl’affiche à Paris avec sa troisiè-me pièce, "Si tu mourrais", quisera montée à la Comédie desChamps-Elysées en septembre2006.

Gérald Sibleyras de retour. "Ladanse de l’Albatros", dernier néde l’auteur de "L’inscription", du"Vent des peupliers", égalementco-auteur avec Jean Dell d’"Unpetit jeu sans conséquence" seracréée à la rentrée au ThéâtreMontparnasse.

Isabelle Adjani aussi. Ellerevient sur le devant de la scènedans le rôle de Marie Stuart à larentrée au théâtre Marigny, avecà la mise en scène Didier Long.

Clovis Cornillac de retour enmars 2007 dans la troupe d’AlainFrançon. Absent des planchesdepuis 2001, le comédien seral’année prochaine au Théâtre dela Colline pour jouer dans” l’Hôteldu Libre Echange” de Feydeau,

mis en scène par son compliceAlain Françon.

François Chattot directeur ducentre dramatique de Dijon.Robert Cantarella, nommé par laVille de Paris codirecteur avecFrédéric Fisbach du "104, rued'Aubervilliers", quittera le centre

dramatique national Dijon–Bourgogne le 1er janvier 2007.C’est le comédien et metteur enscène François Chattot, actuelle-ment à l’affiche au Français dans"L'espace furieux" de ValèreNovarina, qui a été choisi pour luisuccéder d’après son projetartistique intitulé "Ensemble".

Le théâtre en fête à Nice.En octobre, le Théâtre Nationalde Nice dirigé par Daniel Benoininvestira la ville avec 20 spec-tacles joués en même tempsdans différents lieux.

Variétés de théâtre à Avignon.La 60e édition du Festivald'Avignon aura lieu du 6 au 27juillet 2006. L'avant-programmeest en ligne sur le site du festival :www.festival-avignon.com. Cetteannée, les festivaliers découvri-ront un nouvel artiste associé : lechorégraphe et plasticien JosefNadj, qui dirige le Centre choré-graphique national d’Orléansdepuis 1995. Que ceux que la

danse rebute se rassurent : cetteédition leur propose une grandevariété de théâtre, entre "LesBarbares" de Gorki mis en scènepar Eric Lacascade avecChristophe Grégoire dans laCour d’Honneur, "La Tour de laDéfense" et autres textes deCopi montés par Marcial diFonzo Bo, un cycle EdwardBond par Alain Françon, troispièces de Joël Pommerat…

Juste pour rire… Créé àMontréal il y a 23 ans à l’initiativede Gilbert Rozon, le FestivalJuste pour rire a fait des petits :depuis 12 ans, l’événement s’estexporté un peu partout dans lemonde : d’abord à Lisbonne,puis à Bilbao et depuis un an àTokyo. Cette année, il s’implanteaussi en France du 25 avril au1er mai. C’est la ville de Nantesqui accueille cette première édi-tion d’un festival branché sur lerire dans toute sa diversité.Parrainé par Laurent Ruquier, le

TM : Quel est le propos de"Gurs" ?DB : Je voulais essayer d’initierune dramaturgie européenne quitienne compte des langues. Donc,il y a trois ans, j’ai commandé àJorge Semprun une pièce en fran-çais, espagnol et allemand. Jorgea écrit la pièce et j’ai tenu à la créerau moment où les pays de l’Estentraient dans l’UnionEuropéenne, c’est-à-dire le 1er mai2004, dans une ville qui se trouve

à la frontière de l’Italie et laSlovénie, donc entre un ancienpays d’Europe et un nouveau paysd’Europe. C’est une pièce quiraconte la nécessité de l’Europe,mais dans le drame, à travers l’his-toire du camp de concentrationfrançais Gurs, dans les Pyrénées,créé pour recevoir les républicainsespagnols à la fin de la Guerred’Espagne et qui a ensuite reçu lesjuifs allemands et français. Lapièce raconte l’histoire de comé-diens travaillant à Gurs dans cecamp, qui cherchent à interpréterdes gens qui existaient à cetteépoque-là et devaient eux-mêmespréparer un spectacle pour la fêtedu 14 juillet.

TM : Avez-vous monté la pièceavec les acteurs de la troupedu Théâtre National de Nice ?DB : Il faut des comédiens quiparlent l’espagnol, d’autres quiparlent l’allemand et les derniersqui parlent le français. J’ai doncdes acteurs issus de trois théâtres: le centre dramatique national deSéville, le théâtre national duLuxembourg, et le théâtre nationalde Nice.

Daniel Benoin met en scène "Gurs",

de Jorge Semprun au Théâtre

du Rond-Point

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Evènement Les Molières le 24 avril 2006 au Théâtre Mogador :

mode d’emploi

Nouvelle donne pour la 20e cérémonie des MolièresEn 2004, Jean-Michel Ribes aban-donnait la mise en scène de lasoirée faute d’avoir obtenu l’élar-gissement du collège des votantset les intermittents faisaientannuler la retransmission.L’année dernière, les organisa-teurs augmentaient l’électorat à6500 votants et rééquilibraient leschances entre le privé et le sub-ventionné. Cette année, ils chan-gent encore la donne. Enquêtesur la 20e cérémonie desMolières du 24 avril 2006.

La retransmissionLe 24 avril, France 2 retransmettraen direct la 20è cérémonie desMolières à partir de 20h50. Cette

année, la soirée sera largementillustrée par des extraits des spec-tacles primés diffusés après chaqueremise de prix. Une initiative quilimitera le temps de parole des lau-

réats en assurant leur promotion.Un certain nombre de Molièresseront remis dans les trois jours quiprécéderont la cérémonie, commeceux de l'adaptateur, de l'Adami, oudu décorateur. Ces remises serontfilmées, montées et diffusées aucours de la cérémonie avec desextraits des 19 cérémonies précé-dentes. Animée par Karine Le Marchand(présentatrice sur France cinq) etpar quatre couples représentatifs duthéâtre chargés de l’ensemble desnominations, produite et réalisée parJérôme Revon et Stéphane Gateaude R et G Productions, qui ontnotamment réalisé les Césars et lesVictoires de la musique, la soirée nedoit pas durer plus de deux heuresdu fait de ces aménagements.

Théâtral magazine : Qu’est-ce quichange dans l’électorat ? Gérard Maro : Depuis le début, il yavait entre 1400 et 1800 votants.L’année dernière, nous avions touspensé, que l’intérêt de la professionpour les Molières devait passer par unélargissement des électeurs à 6500,dont au moins cinquante pour centd’artistes interprètes. Mais sur les6500 votants potentiels, seulement1300 ont utilisé leur possibilité de votesur les deux tours. Soit à peine 30%.Ce qui signifie que ça ne les intéressepas. Sans compter que ça coûte trèscher à mettre en place. Donc aprèsmûre réflexion, on s’est demandé s’ilétait plus démocratique d’augmenterencore le nombre de votants à 10000pour atteindre peut-être 2000 votes,ou plus intéressant, au contraire, de lerestreindre ? Et, on l’a fixé à 1500,parce que c’est le chiffre le plusconstant sur ces vingts dernièresannées : tous ceux qui ont voté auxdeux tours quels que soient lesmétiers, les anciens Molières (400) etles gens qui nous écrivaient pour êtreréincorporés. En outre, on a rééquili-bré le privé par rapport au public enallouant à chacun 135 voix.

TM : Comment être assuré queles électeurs voient tous lesspectacles retenus et pas seule-ment ceux qui leur plaisent ?GM : La question, c’est : qui doitvoter ? Qui font ce métier ou ceuxqui ne le font pas ? Les gens duMinistère de la Culture, en attribuantdes subventions et en nommant lesdirecteurs de théâtres subvention-nés, ont déjà un jugement sur lesspectacles. Donc, il n’y a donc aucu-ne raison de leur donner une sanc-

tion de plus aux Molières.Les journalistes, quant à eux, vontopérer une sélection d’après leurpropre jugement, et ensuite, neparler que de certains spectacles,selon la place que les journauxleur allouent, et encore, pas tou-jours en bien… Il paraît normal dene pas leur accorder une rubriquesupplémentaire.

TM : Quels sont les critères desélection des spectacles ?GM : Dans le théâtre public, il fautavoir joué 20 fois, et dans lethéâtre privé, 30. L’année derniè-re, il y avait plus de 700 spec-tacles, dont deux fois plus éma-nant du public que du privé. Pourrestreindre ce nombre, on a décidéde n’inscrire dans le catalogue queceux qui respectent les conven-tions régissant la professionnalisa-tion du secteur. Pour le secteurprivé, ce sont tous les lieux quiappartiennent soit au Syndicat desthéâtres privés, soit au fonds desoutien du théâtre privé et quiappliquent la convention collectivede ce secteur ; pour le secteursubventionné, ce sont tous ceuxqui appartiennent au SYNDEAC.Et nous arrivons cette année à250 spectacles produits par lethéâtre subventionné et 150 pro-duits par le secteur privé, lenombre de représentations don-

nées par chacun étant à peu prèséquivalent. Hormis les révélations,on a veillé à mettre les deux sec-teurs à égalité dans toutes lescatégories : sur les nominationsdes comédiens par exemple, il yen a trois pour le théâtre public,trois pour le secteur privé. Autreaménagement : les Molières remis

par un jury. Le jury du secteur sub-ventionné vote pour le meilleurspectacle en région, alors que lejury du secteur privé décide dugrand prix du théâtre privé et celuide la compagnie par les deuxjurys réunis. Quant au Molière duthéâtre pour la jeunesse, il estremis par un jury spécialisé.

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La réforme expliquée parGérard Maro, vice-prési-dent des Molières pour lesecteur privé.Organisateur des Molières et gar-dien de leur légitimité, le conseild’administration de l’AssociationProfessionnelle et Artistique duThéâtre réduit cette année lenombre des votants et écarte lesspectacles non professionnels dela compétition.

Pierre Santini : "Il faut quechacun ait sa chance"

TM : Pourquoi avez-vousdémissionné de la présidencedes Molières ?Pierre Santini : Il y a des petitslieux qui font des choses formi-dables. Donc, il faut que chacunait sa chance. Et limiter aux seulsprofessionnels de la création et àun petit groupe de gens triés surle volet, c’est négliger le publicqui nous créé, qui nous donnenotre raison d’être.

Daniel Benoin : "Je suis pourle suffrage universel"

TM : Qu’est ce qui vous déplaitdans le nouveau système desMolières ?Daniel Benoin : Je suis pour lesuffrage universel, ou du moins,pour proposer à tout le monde devoter et que seuls ceux qui s’en-gagent, votent. Mais là, on choisitles votants, on essaye d’équili-brer pour ne plus avoir le palma-rès de l’année dernière qui favo-risait le théâtre public pour la pre-mière fois depuis quinze ans. Caressemble à une mise en confor-mité avec un résultat espéré. Etj’ai trouvé absurde d’avoir viré lesjournalistes, puisque ce sont lesseuls qui ne sont ni juges ni par-ties. Certainement pas les pro-ducteurs, les directeurs dethéâtre, ou les acteurs.

TM : C’est ce qui a motivévotre démission ?DB : Oui. Et puis, mon activitéartistique m’empêchait d’êtreprésent au moment où leschoses se jouaient... Mais, jereste au conseil d’administrationde l’APAT, parce que je pense,encore une fois, qu’il y a énormé-ment de choses à faire. C’est leseul lieu de rencontre entre leprivé et le public.

La réforme, qui rétrécitle nombre de votants etd’éligibles, est contes-tée notamment par leprésident des Molières,Pierre Santini, et sonvice-président repré-sentant du théâtrepublic, Daniel Benoin,qui ont démissionné deleurs fonctions.

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Stéphane Gateau et Jérôme Revon

Karine Le Marchand

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Interv iewénorme. Et j’espère qu’après moiun metteur en scène kamikaze vamitrailler tout ça.

TM : Est-ce une contrainte ?AB : Non, j’ai monté de nom-breuses pièces pour la premièrefois, qu’elles soient contemporainesou oubliées : j’ai créé FrançoisBilletdoux, Philippe Adrien, Brecht,Hugo von Hofmannsthal. Mais, jepense qu’aujourd’hui le théâtre enFrance manque d’imagination parrapport aux théâtres anglais et alle-mand, qui traitent des problèmes denotre époque. Par exemple, la der-nière pièce de David Hare, àLondres, met en scène Villepin etSarkozy. Qui, en France, à l’heureactuelle, écrit sur un sujet contem-porain ? A part Jean-Marie Besset,et Jean Audureau, aujourd’hui dis-paru, dont j’étais le premier à mon-ter en 1966, "A Memphis, il y a unhomme d’une force prodigieuse"actuellement joué aux Abbesses,sous un autre titre. Audureau, lui,aurait écrit une pièce contemporai-ne. La création aujourd’hui se trou-ve chez les auteurs allemands,anglais, roumains.

TM : Vous avez dirigé plusieursthéâtres et l’Opéra de Nancy. Enquoi la mise en scène d’opéraest-elle différente du théâtre ?AB : C’est une aventure miraculeu-se. Dans les années 70, en provin-ce, j’ai démissionné pour ne pasdevenir fonctionnaire. A Paris, j’aidirigé le théâtre Récamier pendanttrois saisons, jusqu’à sa fermeture.J’y ai fait des créations et accueillides troupes étrangères. Jean-Albert Cartier, prenant la directiondu théâtre du Châtelet, me deman-de de le remplacer à la tête del’Opéra de Nancy. Je n’avais aucu-ne culture d’opéra, mais je considè-re que c’est une chance d’avoir toutà apprendre au pied du mur.L’aventure a duré quatorze ans etj’y ai fait beaucoup de créationsmondiales. L’arrivée des metteursen scène du théâtre à l’Opéra créeun nouvel essor. Les chanteurs ontune vingtaine de rôles dans leurcarrière. Quand ils entrent dans unedistribution, ils ont déjà joué le rôletrois ou quatre fois. Il faut donc lesintéresser, leur faire confiance, carils ont peur qu’on leur demande

n’importe quoi. La méthode estd’être toujours proche du texte, leslivrets sont tellement bien écritsqu’on peut les jouer comme despièces. Le chanteur est différent ducomédien. Quoiqu’il arrive, il doitaller au bout. L’instrument du chan-teur, c’est sa voix, ses cordesvocales qui sont fragiles, alors quel’instrument du comédien, c’est sonhumeur.

TM : La marge de manoeuvre est-elle plus restreinte ?AB : On ne peut pas demander àquelqu’un qui chante la mêmechose qu’à quelqu’un qui ne chantepas. Il se produit fréquemment desfrictions ente chefs d’orchestre etmetteurs en scène ; à l’Opéra, lechef d’orchestre est prépondérant.Il défend le chanteur. En tant quedirecteur d’opéra, j’ai toujours prisle parti du chef d’orchestre. Mêmes’il est plus difficile de faire duthéâtre chanté que parlé, l’admira-tion des chanteurs pour les comé-diens est réciproque.

TM : Genet avait-il des exigencesde mise en scène ?AB : Il avait l’obsession du théâtrejaponais, Nô ou kabuki. Il était enadmiration devant le chauffeur detaxi qui se maquille et se transformeen femme. C’est pour cette raisonqu’il a eu des malentendus avec lesmetteurs en scène : il voulaitquelque chose d’impossible, qu’ilsmettent leurs pas dans les pas duthéâtre japonais. Genet n’était pasquelqu’un de facile au quotidien,mais c’était un poète.

TM : Votre conseil aux jeunescomédiens ?AB : Une bonne santé, de la cultu-re, une volonté de fer, et du talentévidemment.

TM : Quelle serait la représentationidéale du “Bagne” pour vous ?AB : Lorsque le rideau se lève surquelque chose d’intelligent, il y a dubonheur ; si en plus il y a l’émotion,nous touchons au vrai.

Propos recueillis par Alexandre Laurent

Antoine Bourseiller

"Genet a toujours euune attirance

pour le bagne"

Antoine Bourseiller met en scène "Le Bagne" de Jean Genet àl’Athénée, à partir du 26 avril. Une grande responsabilité pour le met-teur en scène, chargé de créer avec 16 acteurs cette pièce de 64 person-nages qui traduit l’attirance de son auteur pour l’univers des forçats.

Théatral magazine : Commentavez-vous rencontré Jean Genet ?Antoine Bourseiller : C’est à partirde 1969, lorsque j’ai monté "LeBalcon" à Marseille, que nous noussommes vus souvent. Comme j’avaisdemandé les droits du "Bagne" quim’avaient été refusés, Genet a alertéGaston Deferre, alors maire de laville, et la réponse est devenue positi-ve. Ensuite, c’est en 82 que j’ai réali-sé la première interview vidéo deGenet, dans la collection "Témoins deson temps". Dès lors, nous avons étéproches, jusqu’à sa mort, le 15 avril1986, à Paris.

TM : Parlez-nous de la pièce…AB : Une communauté ronronne surelle-même jusqu’à ce qu’un étrangerarrive, et sans le vouloir, bousculetout, comme dans "Théorème" dePasolini. Un meurtre est commis, etl’étranger, Forlano, le prend en char-ge, alors que trois autres bagnardss’accusent aussi. La seule phraseprononcée par Forlano tout au longde la pièce est : "c’est moi qui

passe". Il y a 64 personnages dansla pièce : les bagnards, les senti-nelles noires, le personnel adminis-tratif, et le chœur. Genet a toujourseu une attirance pour le bagne :dans tous ses romans, les person-nages affichent dans leur cellule lesphotos des grands criminels. C’estune pièce proche de Shakespeare,et de la farce. La création a eu lieuau Théâtre National de Nice en2004.

TM : En quoi la forme théâtrale dela pièce est-elle novatrice ?AB : C’est une pièce dynamique, quibalance entre le poétique et lecomique. Elle est d’une seule cou-lée, sans acte ni scène, et nonordonnée chronologiquement. Mais,il s’agit d’un désordre volontaire :Genet voulait transposer poétique-ment le bagne, sans que ceux qu’ilappelait "les bourges" ne compren-nent. D’où sa difficulté à l’écrire. Ildisait "si c’est réussi, ce sera mameilleure pièce. Je resterais dix anssans écrire".

TM : Comment travaillez-vousavec les comédiens ?AB : D’abord, il faut les choisir – sur-tout pas par casting, et puis chercherà extraire le maximum d’eux.J’attends donc de les connaître dansle travail pour me servir de leurs qua-lités. "Phèdre" se monte différem-ment suivant l’interprète. L’ADN duthéâtre est comme l’ADN physiolo-gique, chacun est unique. D’ailleurs,le comédien interprétant Forlanoayant changé depuis la création, lerôle sera différent. Ensuite, je fais unlong travail de table sur le texte pourcomprendre au plus près ce quel’auteur a voulu exprimer et j’accom-pagne les comédiens en douceur.J’ai débuté dans le privé, je suispassé dans le service public.Aujourd’hui, il y a une baisse duniveau culturel, mais pas du talent :on exige plus qu’il y a 30 ans. Après,en principe, on monte la piècecomme on veut. Mais comme je lacrée, j’ai le devoir d’être le plus clair-voyant pour le spectateur qui estvierge. C’est une responsabilité

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)THEATRE1960 directeur du Studio des

Champs-Elysées1967 ouvre le Cloître des Carmes au

Festival d’Avignon1960-1980 directeur de théâtre (à

Paris, Marseille,Orléans)

1982-1996 directeur de l’Opéra deNancy et de Lorraine

1994-2000 directeur des Soiréesd’été de Gordes.

mises en scènes1961 Va donc chez Törpe, de

François Billetdoux1962 Dans la jungle des villes, de

Bertolt Brecht1965 Le métro-fantôme de LeRoi

Jones1966 A Memphis, il y a un homme

d’une force prodigieuse, deJean Audureau

1967 Silence, l’arbre remue encore,de François Billetdoux

1967 La Baye, de Philippe Adrien1969 Le Balcon, de Jean Genet1969 America Hurrah, de Jean-

Claude van Itallie1974 Jean Harlow contre Billy le Kid,

de Mac Clure1976 Kennedy’s Children, de R.

Patrick1977 La tour de Hugo von

Hofmannsthal 1983 Première interview de Jean

Genet en vidéo, produite parDanièle Delorme

2004 Le Bagne, de Jean Genet(création au Théâtre Nationalde Nice)

RECOMPENSE1960 Prix des jeunes compagniespour Mélissa, de Nikos Kazantzaki

Le BagneDe Jean Genet, mise en scèned’Antoine Bourseiller, avec RonanBeauperin, Karim Bénard-Dendé,Paul Chariéras, Thierry Coma,Paulo Correia, Frédéric deGoldfiem, Joël Delsaut, Jean-Paul Journot, Marc Olinger,Yanecko Romba, Désiré Saorin,Hervé Sogne, Tadié Tuéné,Jérôme Varenfrain, et le chœurdes bagnards composé par LaManchaAthénée (4, Square de l'Opéra, Paris 9è) 01 53 05 19 19Du 26 avril au 20 mai 2006

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)FORMATION Ecole de la rue Blanche

THEATRE RôlesClérambard, de Marcel Aymé, mes de Jacques RosnyDom Juan, de Molière, mes de Jean-Luc MoreauLa Mouette, de Tchekhov, mes de Michel FagadauLa Cerisaie, de Tchekhov, mes de Jacques RosnyUn inspecteur vous demande, de J.B Priestley, mes d’AnnickBlancheteauL’invitation au château, d’Anouilh,mes de Jean-Claude Brialy1998 Château en Suède, deFrançoise Sagan, mes d’AnnickBlancheteau2004 L'autre, de Florian Zeller, mes d’Annick Blancheteau2005 Le Manège, de Florian Zeller,mes de Nicolas Briançon

Mise en scène Le Mariage Forcé, de Molière surdes musiques de Lully

CINEMA Les Amis de ma femme, de Didier Van CauwelaertUn air si pur, d’Yves AngeloLe pacte des loups, de ChristopheGans

TELEVISION L’Algérie des Chimères, de François LucianiLes Faux Fuyants, de Pierre BoutronLes moissons de l’océan, de François Lucciani, Mon père avait raison, de Sacha Guitry, de Roger VadimLe destin des Stenford, de Jean-Daniel VerhaeguesJules Ferry, de Jacques Rouffio

RECOMPENSES1998 Molière de la révélation théâtraleprix d’interprétation masculine aux Rencontres Internationales de Reims pour Les moissons de l’océan

férent. Pas du tout comme Fantasio etle neveu de Rameau, avec lesquels jesentais que j’avais des points com-muns. Et c’était plus facile à jouer.

TM : Pourquoi avez-vous fait cemétier ?NV : J’ai commencé à douze ans auLycée. J’ai fait le concours interscolai-re de Versailles pendant des annéeset je gagnais des prix. Après, j’ai suiviles cours de l’Ecole de la rue Blancheet puis j’ai joué assez vite. J’ai tou-jours voulu faire ça. Je n’avais pasforcément confiance en moi, mais ça,c’était plus fort que moi. Je ne mesuis jamais posé la question de savoirsi j’allais faire autre chose. Un jour, jeme suis rendu compte que j’aimaisl’odeur des coulisses. J’aime l’idéed’être quelqu’un d’autre, comme ditReggiani, et de sortir de moi, et cesont les textes, également. Quand j’ailu les poèmes de Lautréamont à sixou sept ans, je voulais faire ça. J’ai lu"En attendant Godot" à dix-sept ans,et tout Beckett dans la foulée. C’estmon auteur favori.

TM : Vous travaillez souvent avecNicolas Briançon. Commentvous dirige t-il ?NV : Il est assez directif et il aime mediriger, parce qu’il me connaît bien.Sur "Pygmalion", il a été très strictpar rapport à ce que je faisais d’habi-tude. Mais, j’aime bien être guidé ouaccompagné. J’aime aussi pouvoirproposer des choses, mais je préfèreêtre dirigé. Quand je répète unepièce, j’ai l’impression que le tempss’arrête comme si j’étais dans ducoton. La notion de temps n’est pasla même au théâtre qu’ailleurs. C’estun endroit où on peut changer letemps, où on a l’impression que lesminutes durent plus longtemps.Peut-être s’étire-t-il parce qu’on entredans la peau du personnage et dansson espace temps...

TM : Vous avez aussi mis enscène une pièce, "Le Mariageforcé" de Molière. Qu’est ce quevous en avez retenu ?NV : J’ai monté "Le Mariage forcé"de Molière, sur la musique de Lully,comme il a été créé à Versailles.

C’était une très belle expérience etj’ai adoré faire ça. A l’école de la rueBlanche, on est avec des costu-mières, des éclairagistes, et tous lescorps de métier du spectacle vivant.Quand j’ai fait de la mise en scène,j’ai retrouvé tout ce que j’avais puapprendre en faisant mes ateliers.On est de l’autre côté et on voit com-ment les acteurs fonctionnent. Oncomprend qu’il faut parler différem-ment à chacun d’eux car ils sont tousdifférents et il faut s’adapter.

TM : Comment vous y êtes-vouspris ?NV : Je ne veux pas m’enorgueillir,mais j’ai réussi en faisant de la miseen scène à parler différemment àchaque acteur. La première choseque je leur ai dite, c’est que je nevoulais aucun mouvement ou aucu-ne chose qui soit fait dans un senti-ment de mécontentement. Enrevanche, j’ai eu du mal avec lerythme : le temps était très étiré surcertaines scènes et moins surd’autres. Par exemple, la premièredurait vingt-cinq minutes et la sui-vante sept.

TM : Quel conseil donneriez-vousaux comédiens ?NV : Je pense qu’il faut avoir unevraie formation pour faire ce métier,y compris pour le cinéma. Il ne fautpas hésiter à y passer du temps, unou deux ans ne suffisent pas.

TM : Croyez-vous au destin ?NV : Je pense qu’il n’y a pas dehasard, je crois beaucoup au mou-vement et à l’énergie qu’on veutmettre. Je pense qu’on peut déve-lopper son énergie dans un sens. Sije n’ai pas arrêté de penser authéâtre pendant des années et queje joue "Pygmalion" et que çamarche bien, ce n’est pas unhasard. Ca fait des années et desannées que je mets énormémentd’énergie là dedans. Donc, quandon est jeune acteur, c’est importantde bien se connaître, pour être leplus indépendant possible et ne pasaller avec le troupeau.

Propos recueillis par HC

Interv iew

Nicolas Vaude

"Quand on est jeuneacteur, c’est important de

bien se connaître, pourêtre le plus indépendant

possible et ne pas alleravec le troupeau"

D ans "Pygmalion", à l’affiche à Paris au Comédia, il joue le profes-seur Higgins qui transforme une marchande de fleurs en dame dumonde et lui brise le cœur. Un personnage qu’il a abordé en suivantles indications de Bernard Shaw et pour lequel il doit soigner sa diction.

Théâtral magazine : Le ProfesseurHiggins, tel que vous l’interprétez,est totalement insensible au char-me d’Eliza. Il est même parfoisméchant avec elle. C’est la visionque vous avez du personnage ?Nicolas Vaude : Plein de gens disentque je rénove le rôle. En fait, il n’y aaucune rénovation et aucune origina-lité dans ce que je fais, car je suis lesindications de Shaw, qui sont parfoisécrites dans les didascalies. Commepour son âge : il est décrit comme unhomme de trente-cinq ans qui faitjeune. Or, j’avais vu le film et je pen-sais que j’étais trop jeune pour jouerle rôle. Et on se rend compte aussiqu’il a une vraie méchanceté ; il n’y apas d’histoire d’amour possible entreeux, alors que dans le film, il y a uneouverture. On le sait car Shaw a écrittrente pages après la pièce dans les-quelles il décrit très exactement cequ’ils vont devenir : Henry Higgins va

rester seul parce que c’est un oursmal léché et qu’il est solitaire et ElizaDoolittle va épouser Freddy EynsfordHill. Alors peut-être qu’il ne l’a pas vuepasser et qu’il l’a ratée et qu’il va laregretter, mais son but, c’était d’enfaire une duchesse. Je crois qu’Elizale bouleverse dans sa vie. Je pensequand même qu’il est dans un étatqu’il ne contrôle pas, qui le dépasselui-même et qui est proche del’amour. Je pense que c’est la seulefille qui arrive à le mettre dans cetétat-là. D’ailleurs il dit "vous avezréussi à me faire perdre mon contrô-le". Il a donc sûrement un vrai senti-ment pour elle mais il ne le sait pas.C’est ça qui est intéressant. Et c’estcomme ça que j’ai travaillé le person-nage. Mais, il ne suffit pas d’être dansl’état, il faut aussi qu’on entende letexte, et qu’on le comprenne. Commec’est un phonéticien, la moindreerreur est fatale.

TM : Avez-vous fait un travail par-ticulier sur l’articulation ? NV : Ca demande beaucoup de tra-vail technique sur le texte, une arti-culation spéciale, un peu plus largeque d’habitude. Parce que si je nesuis pas bien entendu, je perds lacrédibilité du rôle, qui, curieuse-ment, émane de la pièce. Un jourNicolas Briançon m’a dit "dis letexte de façon très articulée et tonpersonnage va apparaître". Ca n’arien de nouveau, c’est ce que disaitJouvet "respirez déjà le texte". Jel’avais remarqué avec "le Menteur",et encore plus avec le professeurHiggings.

TM : Est-ce que vous vous sentezproche de lui ?NV : C'est une vraie composition. Jejoue souvent des personnages qui onténormément d'énergie et de force,alors qu’intérieurement, je me sens dif-

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continuer d’inventer. J’aime trouverune esthétique dans laquelle je recon-nais quelque chose de moi, de nous,tant dans la direction d’acteurs, quedans la mise en scène, et dans lamanière de diriger un théâtre.

TM : Comment choisissez-vous lestextes, poésies ou pièces ?EDM : J’ai avec l’auteur FabriceMelquiot, une très grande complicité detravail. Nous avons monté, depuis quenous sommes à Reims, quatre textesde lui. Il est très impliqué dans l’en-semble du projet de la Comédie et ydéveloppe des expériences qui lui sontpersonnelles. Chaque mise en scèned’un texte de Melquiot correspond àune recherche que nous pouvonsmener avec les acteurs. Cela peutaussi requestionner la place de l’acteurdans le travail, la place de la parole surle plateau et permet de chercher enfonction de chaque pièce un rapportplus ou moins narratif. Parallèlement,depuis quelques années, mon choixs’est porté sur des auteurs du XXème :Peter Weiss, Pirandello, Ionesco.Auparavant, j’avais travaillé, avecFrançois Regnault, sur Büchner et

Shakespeare. Un autre espace de tra-vail s’est ouvert pour nous avec l’en-semble du collectif artistique depuisque nous sommes installés à Reims,qui cherche à remettre l’acteur aucentre d’un dispositif de recherche etde création. Il s’agit moins de raconterune histoire que de questionner l’en-droit de la relation de jeu pour chaqueacteur, la nécessité pour chacun dedévelopper son imaginaire scénique.Enfin, la poésie occupe une grandeplace puisque nous travaillons avec lesacteurs sur des projets plus transver-saux autour de la poésie de Kertesz,Radnotti, Attila Josef ou Pessoa. C’estun endroit essentiel pour revenir auxmots de l’auteur comme centre du tra-vail artistique.

TM : Votre théâtre correspond-il àce que vous aimeriez voir en tantque spectateur ?EDM : J’aime que le théâtre ait dusens et qu’il soit le fait de l’engage-ment d’un grand groupe humain, maisqu’on ne sacrifie rien aux modesactuelles. Il me semble qu’il est impor-tant de continuer à être indépendanttout en étant engagé dans ce qu’onfait. J’aime que la parole de l’acteursoit engagée sur le plateau au mêmetitre que son corps. Pour moi, il n’y apas de dissociation entre le corps et laparole, ni dans un sens, ni dansl’autre. J’ai besoin de la rencontreentre le mot, le verbe, et le corps.

TM : Comment vous y prenez-vous ?EDM : J’essaye de dégager dans untexte les rapports de force qui m’inté-ressent, les dualités, et de les mettre àjour. Par exemple dans"Rhinocéros", nous avons travaillé surla violence de la pièce en cherchant àrapprocher Ionesco d’Antonin Artaudplutôt que de s’interroger sur leThéâtre de l’absurde.

TM : Qu’est-ce qui vous guide dansle travail ? Le sens ?EDM : Le sens, et puis, le plaisir. Jecrois que la notion de plaisir est trèsimportante en art et ne contredit pas lesens. Il faut toujours chercher à sur-prendre et, pourquoi pas, émouvoir.Mais ce que l’on cherche aujourd’hui,c’est aussi à débusquer les méca-

nismes intérieurs d’une pièce, àmettre à jour des questions qui place-ront chaque spectateur dans une posi-tion de dialogue avec l’œuvre.

TM : Vous est-il déjà arrivé d'em-baucher des acteurs et puis de lesformer ?EDM : Je travaille avec des gensdepuis six, sept, voire huit ans. La res-ponsabilité du metteur en scène et dudirecteur de théâtre, est, bien sûr, decontinuer à proposer des rôles auxacteurs, mais aussi d’être attentif àprogresser ensemble et à continuerde se surprendre. Ca passe par desquestionnements, des angoissesaussi. Parfois, il ne faut pas nécessai-rement s’installer dans une situationconfortable où je finirais par attendred’un acteur ce que je connais de lui.

TM : Quel est votre modèle dethéâtre ?EDM : J’ai plusieurs modèles. Je suisadmiratif de grandes destinées expéri-mentales et productives des annéessoixante-dix et du début des annéesquatre-vingts : Antoine Vitez, PatriceChéreau, Peter Brook, ArianeMnouchkine, Grotowski…. Ce sontdes esthétiques très différentes, maisce qui m'intéresse c'est l'engagementhumain et artistique de ces metteursen scène sur une durée importante.L’endroit d’une grande rechercheentre la forme d’un spectacle, le pro-fond rapport au texte et au sens sansjamais tomber dans les modes.

TM : Si vous aviez un conseil àdonner à des comédiens débu-tants, ce serait lequel ?EDM : D’aller voir plus de spectacles,d’aller en voir aussi à l’étranger et dene pas trop écouter tout ce qu’on dit. Ilfaut réussir à se créer une singularité,même si elle induit une fragilité.

TM : Vous sentez-vous libre ?EDM : Ca a un prix, et je crois àl’utopie comme moteur de mapropre liberté.

Propos recueillis par HC

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)FORMATIONEcole de la Rue Blanche

THEATRE1989 création de la compagnieMillefontaines 2002 nommé directeur du CentreDramatique national de Reims

Mises en scène1994 L’Histoire du soldat, d’aprèsCharles-Ferdinand Ramuz1996 Léonce et Léna, de GeorgBüchner1998 Peine d’amour per-due, de Shakespeare2000 Marat-Sade, de Peter Weiss2001 Six personnages en quêted’auteur, de Pirandello2002 le Diable en partage etl’Inattendu, de Fabrice Melquiot2004 Ma vie de chandelle, deFabrice Melquiot2005 Rhinocéros, d’Eugène Ionesco2005 Exeat, de Fabrice Melquiot,mis en voix par Hugues Quester2005 Marcia Hesse, de FabriceMelquiot

Interv iew

"J’aime qu’on ne sacrifie rien aux modes

actuelles du théâtre"

À33 ans, metteur en scène et directeur de la Comédie de Reims, EmmanuelDemarcy-Mota travaille avec un collectif d’artistes de générations diffé-rentes, engagés à ses côtés aussi bien dans des spectacles grandiosescomme "Six personnages en quête d’auteur" et "Rhinocéros", que surles textes contemporains de Fabrice Melquiot ("Marcia Hesse", "leDiable en partage"…) et des recherches autour de "petites formes".

Théâtral magazine : A quel momentavez-vous décidé de faire duthéâtre ?Emmanuel Demarcy-Mota : Mon atta-chement au théâtre date d’il y a long-temps. J’ai été un très jeune spectateur.Vers 8 ans, j’ai assisté, en France et auPortugal, à de grandes expériencesthéâtrales de la fin des années 70. Jegarde un souvenir émerveillé de toute lavitalité de création et de la volonté dethéâtre de cette époque. Il me sembleque le théâtre dépose quelque chose deprofond dans l’être, comme une trèsgrande plongée au fond de l’océan.Ensuite, à seize ans, au lycée où j’étaisà Paris, nous avons créé un groupe dethéâtre et l’aventure de cette "bande"s’est prolongée de manière très singuliè-re jusqu’à Reims. Ensemble, nous avonsfait du théâtre dans des lycées, à l’uni-versité. Le théâtre a toujours été très pré-

sent, depuis notre adolescence. Ensuite,nous avons eu la chance de faire notrepremier spectacle professionnel authéâtre de la Commune à Aubervilliers :j’avais 23 ans. J’ai rencontré FrançoisRegnault, qui a retraduit pour nous"Léonce et Léna" de Büchner puis"Peine d’amour perdue" deShakespeare et enfin "Six personnagesen quête d’auteur" de Pirandello.

TM : Dans quel état d’esprit étiez-vous à ce moment-là ?EDM : J’avais envie de développer ungroupe de recherche autour de diffé-rents textes. Cette aventure s’accom-plie aujourd’hui à Reims où nousavons créé un collectif artistique avecun jeune auteur, Fabrice Melquiot etdes acteurs de générations différentes :Hugues Quester, Alain Libolt… quisont autant engagés dans le combat

de ce théâtre que les plus jeunesd’entre eux.

TM : Quels sont les critères qui fontun "bon acteur" ?EDM : C’est une question difficile puis-qu’il n’y a pas de "format" du bon acteur,mais certainement des singularitésfortes. Peut être que le "bon acteur" doitêtre capable de renouveler des expé-riences en s’engageant de manière col-lective tout en gardant sa singularité decréation. L’acteur est un interprète maisaussi un inventeur.

TM : Cela implique t-il des abandons ?EDM : Il me semble que plus on avance,plus on doute. Je pense que j’ai moinsde certitudes à 30 ans que je n’enn’avais à 20. Je n’aime pas répéter ceque j’ai fait et donc je nous place toujoursdans une position qui oblige chacun à

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Emmanuel Demarcy-Mota

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TM : Est-ce que la forme va s’approcher de cel le des"Marchands" ?JP : C’est très différent. D’abord, il ya vraiment un grand dépouillementdans la mise en scène et ça reposesur un texte dialogué, alors que "LesMarchands" repose presque entiè-rement sur une voie off.

TM : Cette voix off et la succes-sion des tableaux font penseraux romans de certains auteursjaponais…JP : Je suis inspiré par les minia-tures japonaises, les dessins, laprécision du trait et même par lethéâtre japonais. Je lis beaucoupet je me suis nourri d’autresformes artistiques pendant desannées, de sorte que ça a mûri.

TM : Pourquoi choisir de racon-ter une histoire plutôt que de lajouer ?JP : Le théâtre contemporain a un

peu abandonné la narration clas-sique, l’histoire, la fable. Il est plusallé vers le mot, le langage, le verbe.Et moi, ça me manque. Et aussiparce que je me sens plus influencépar la littérature que par ce qui sepasse au théâtre autour de moi.Pour moi, la théâtralité ne va pas desoi et je pense qu’il faut se reposer laquestion, de façon créatrice, et pasintellectuelle de ce qu’est le théâtreet comment faire du théâtre aujour-d’hui ? Est-ce qu’il faut continuer àen faire comme il y a dix, vingt oucinquante ans ou faire qu’il corres-ponde à ce que nous sommes deve-nus maintenant, imprégnés du ciné-ma, de la photographie, des arts engénéral, de la culture contemporai-ne. Je me sens artiste, pas philo-sophe, ni sociologue. Je ne suis pasapte à développer une pensée cri-tique sur le monde d’aujourd’hui. Enrevanche, je m’efforce de créer uneforme personnelle de théâtre, quipourrait être spécifique à mon travailet à celui des gens avec qui je colla-bore. J’ai été comédien avant, j’aijoué dans des pièces où on arrivait lepremier jour des répétitions, on lisaitle texte, on allait sur le plateau, on sedemandait comment dire ça, pour-quoi tel personnage dit ça ?, maisjamais dans quelle forme on devaitexprimer les choses. Comme si çaallait de soi. Or ce qui m’émeut, cen’est pas forcément de voir un artis-te vivre un drame, mais comment ilva me le raconter, dans un mélangede pudeur, de violence, de retenue ;ce n’est pas "quoi", c’est "comment".

TM : Est-ce que c’est lié à laquestion de faire venir les spec-tateurs, de les surprendre ?JP : De les surprendre, oui. Fairevenir les spectateurs, je n’ai pas laclé pour ça. J’essaye de faire lethéâtre que j’aimerais voir si j’étaisspectateur.

TM : Etes-vous très exigeantavec les comédiens ?JP : Oui, je pousse les gens aveclesquels je travaille, pour que l’onne s’arrête pas à la moitié du che-min. Et c’est un travail de dingoparce qu’on essaye de faire desœuvres d’art, de toucher à quelquechose qui transcende la pesanteurde la vie de tous les jours, pour quele spectateur voie un travail qui ne

soit pas juste une esquisse, uneintention de spectacle.

TM : C’est ce qui vous a amenéà faire une trilogie ?JP : Oui. Ce que j’avais à raconterne tenait pas dans une seule pièce.Je voulais montrer plusieurscouches de la société. Plutôt que demélanger des personnages quiseraient un peu étrangers les unsaux autres, j’avais envie de décriretrois milieux très précis, et de per-mettre aux spectateurs qui verraientles trois spectacles de faire le mélan-ge de ces couches. Finalement,c’est trois points de vue d’une mêmehistoire ; quand on voit les troispièces, on se rend compte que ça sepasse au même moment. L’histoirede cette usine qui ferme dans "Aumonde", il en est question aussidans "D'une seule main", mais dupoint de vue des dirigeants.

TM : Quels sont vos objectifs ?JP : C’est un peu naïf de penserqu’on va contrôler son parcours,mais j’ai décidé de créer un projet paran pendant quarante ans. J’ai com-mencé il y a quatre ans, donc il mereste trente-six spectacles à faire !J’aime l’idée d’être dans un proces-sus de recherche comme un artisan.

TM : Quel conseil pouvez-vous don-ner à un comédien qui débute ?JP : Je dirais "invente le théâtre,ne fais pas le théâtre qu’on te ditde faire. Amuse-toi, en fait".

TM : Et vous, est ce que vousvous amusez ?JP : Oui, et je bosse dur aussi.Parce que "Les Marchands", parexemple, ça représente quatremillions de francs. Donc chaquefois, il faut trouver l’argent, commedans une petite entreprise.

Propos recueillis par HC

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)THEATREMises en scène1994 Minnie la Candide, de Bontempeli1996 Fils de chienne, d’après Nous, lesenfants du XXème siècle de Kanevski,et Le grand cahier d’Agota Kristov

Textes et mises en scène 1990 Le chemin1991 Le Théâtre1993 Vingt-cinq années1993 Des suées1994 Les événements1995 Pôles1997 Treize étroites têtes2001 Mon ami2002 Grâce à mes yeux 2003 Qu’est ce qu’on a fait ? 2004 au monde2005 Le petit chaperon rouge2005 D'une seule main

PublicationsActe Sud Papiers Mon ami Au mondePôles Grâce à mes yeux Caisse d'Allocation Familiale duCalvados Qu'est ce qu'on a fait

CINEMA1998 Me, court-métrage

Interv iew

Joël Pommerat

"Ce qui m’émeut, ce n’est pas forcément

de voir un artiste vivre un drame,

mais comment il va me le raconter"

J oël Pommerat met en scène au théâtre Paris-Villette "Cet enfant", untexte écrit à la demande d’une caisse d’allocations familiales en vued’une expertise sur la question de la famille et du rôle des parents. Unepièce dialoguée très différente de la forme de sa trilogie "Au monde","D’une seule main" et "Les marchands".

Théâtral magazine : Que raconte"Cet Enfant" ?Joël Pommerat : C’est une re-créa-tion. C’était une commande d’il y adeux ans de la Cave de Normandiequi voulait entreprendre un travailavec la population sur le thème de lafamille et la notion d’être parents.L’idée était d’écrire une pièce, d’allerla jouer dans des centres sociaux etde pouvoir déclencher des discus-sions. J’ai été contacté. Au départ, jene voulais pas faire du théâtresocial. Mais le projet m’a vraimentintéressé. Je suis rentré dans le jeuet j’ai écrit une pièce, qu’on a mon-tée sans décors. Et j’ai décidé derepartir de ce texte et de repenserune mise en scène plus complexe,pour le jouer dans un théâtre.

TM : La CAF est-elle intervenuedans le texte ?JP : Elle m’a laissé complètementlibre, mais comme j’ai accepté ladémarche, j’ai essayé de tendre versle projet qui m’était proposé. J’avais

aussi envie d’aller à la rencontre desgens qui étaient concernés par cetravail, de les toucher, de leur faireentendre des choses. Donc, j’aicherché une forme d’écriture pourentrer en relation avec eux.

TM : Est-ce que vous avez utiliséles réactions provoquées par lapremière version ?JP : Inconsciemment sans doute, maiscomme on entend des choses extrê-mement contradictoires, c’est très diffi-cile de tenir compte des avis. Audépart, pendant deux semaines, j’ai dûaller avec les comédiens à la rencontred’un groupe de personnes d’un quartierde Caen pour discuter et m’imprégnerde ce thème avant d’écrire le texte. Jen’étais pas un spécialiste de la famille,je n’ai pas fait d’études de sociologie, nid’études en général. Donc, je me suisbeaucoup nourri de ces discussions.Même si je n’ai pas raconté leurs viesdans ma pièce, j’ai écrit des histoiresen résonance, avec celles quim’avaient été racontées.

TM : Qu’est ce que vous dénoncezdans la pièce ? …JP : Une image trop idéaliste de lafamille ou du rôle de parents.Forcément : les gens qu’on a ren-contrés étaient fragiles socialement,parfois psychologiquement, des foisen situation de détresse. Je me suisrendu compte qu’il y avait une pres-sion sur eux au niveau de la questionde la famille, de la parentalité. Lapression était celle du modèle par-fait, comme le couple idéal, ou lamère merveilleuse qui s’occupe trèsbien de ses enfants. Plus on est fra-gile, et plus on se compare et on sesitue par rapport à ces modèles et onse sent totalement minable et discré-dité. Dans ma pièce, je raconte deshistoires de familles défaillantes. Onessaie de montrer que l’amourmaternel n’est pas forcémentquelque chose de joli, mais qu’il peutêtre féroce, sauvage, brutal et égoïs-te. Ca m’intéresse de dévoiler deschoses, qu’on n’a pas envie de voirou qu’on ne perçoit pas dans la vie.

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A l’affiche"Cet enfant"de et mise en scène de JoëlPommerat, avec Saadia Bentaiëb,Agnès Berthon, Lionel Codino, RuthOlaïzola, Jean-Claude Perrin, MariePiemontese. Du 17/04 au 20/05/2006Théâtre Paris Villette (Parc de laVillette, Paris 19è) 01 42 02 02 68

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toute une histoire dont Shirley etDino sont les héros ; il y a desméchants, des problèmes dans lecabaret…Corinne : C’est un film sur la vied’un cabaret, la vie des coulisses.Nous n’avons rien gardé de nosspectacles sauf le caractère despersonnages. Il a fallu rendreShirley et Dino vraisemblables auquotidien sans perdre leur poésie,sans les rendre réalistes.

TM : N’êtes-vous pas trop liés à cespersonnages de composition ?Corinne : On les adore et on voulaitleur rendre hommage, donc ils sontdans le film ; mais nous ne noussentons pas prisonniers de Shirleyet Dino. D’ailleurs, nous travaille-rons bientôt avec d’autres person-nages. Gilles : On enlève les costumes, eton les laisse au vestiaire. Cela atoujours été clair pour nous.

TM : Bientôt de nouveaux projetsde théâtre ?Corinne : Moi je ne peux pas fairedeux choses à la fois. À un momentdonné, on a arrêté les spectaclespour se consacrer au film. Ce qui vase passer après, je ne peux pasvous le dire. Nous avons des enviesqui viennent…

TM : Le genre du music-hall estconsidéré comme suranné enFrance. L’avez-vous lifté ?Gilles : Le terme "music-hall" estchargé de poussière. On a peut-être relancé le genre cabaret fantai-siste, mais je ne crois pas que mal-heureusement cela revienne enforce. On est dans un monde duraujourd’hui. Nous ne sommes pasdans le ton de ces humoristes, quipeuvent être méchants, ironiques,corrosifs… Je n’ai pas l’impressionque cela donne envie de revenir àce mode d’humour très inventif, fan-taisiste. Nous nous sommes pas-sionnés pour ces personnages quinous ont amusés. Créer des per-sonnages humains, justes, avecleur costume, c’est un très gros tra-vail… Mais lorsqu’il a fallu trouverdes théâtres pour jouer, on a pous-

sé des portes fermées. On voulaitun espace où l’on pouvait chanter,danser, jouer la comédie, jouer desinstruments de musique, faire desnuméros visuels. On ne pouvait pasfaire cela au théâtre. C’est pourcela que l’on a créé notre chapi-teau, car cela ne faisait marrer per-sonne et faisait même peur à tout lemonde. Comme si l’on avait "rin-gards" marqué sur le front !Corinne : J’espérais que les émis-sions de télé permettraient de fairecela…

TM : Quel est l’âge de votrepublic ?Corinne : de 7 a 77 ans et je vousjure que c’est vrai. Gilles : C’est très étrange, car cene sont pas des gens qui ont parti-culièrement connu le music-halld’autrefois, où s’enchaînaient deschanteurs, des magiciens, desconteurs, des jongleurs…Corinne : Nous-même, nous nel’avons vu qu’à la télévision. Gilles : Aujourd’hui, il n’y a plus demusic-halls, mais des revues pourles touristes. Corinne : Avant, tout Paris venait àl’Alcazar de Jean-Marie Rivière, oùil y avait des costumes et desmaquillages magnifiques, des imita-tions…

TM : Nicolas Canteloup vousimite…Corinne : Il paraît… J’adore ! C’estamusant. C’est un garçon adorable.Gilles : Cela prouve que les per-sonnages de Shirley et de Dinoexistent.

TM : Vous vous définissezcomme des fantaisistes. Qu’estce qu’un fantaisiste ?Corinne : Quelqu’un qui ne fait riend’extraordinaire, mais il n’y a que luiqui sait le faire !

Propos recueillis par François Varlin

Interv iew

Corinne et Gilles Benizio

Shirley et Dino, étoiles au paradis

Attendus dans un théâtre, voici qu’ils réapparaissent sur les écrans decinéma. Corinne et Gilles Benizio – alias Shirley et Dino – se sont glis-sés derrière et devant la caméra : leur film "Cabaret Paradis" estdepuis le 12 avril dans les salles obscures. Ces deux-là ont autant deplaisir à faire de la scène que des images. Paillettes, poudre aux yeuxet falbalas garantis.

Théâtral magazine : Voici un filmqui crée la surprise !Corinne : Ah bon, c’est vrai ? Unebonne surprise, j’espère.Gilles : On vient de finir une tournéede présentation du film en avant-pre-mière, et les réactions étaient trèsbonnes.Corinne : On a tourné le film en juinet juillet derniers et on a entendu lesrires seulement 7 mois après !Habituellement lorsque l’on joue, il y aun décalage d’un dixième de secondeentre les deux… Ça nous a paru trèslong, je crois n’avoir jamais vécu unesituation semblable. Même pour lessoirs de premières au théâtre.

TM : Pourquoi vous tourner versle cinéma ?Corinne : Quand on s’est rencon-trés, on avait 20 ans et on rêvaitd’être acteurs. Alors, on allait aucinéma voir les vieux films des MarxBrothers, ceux de Jacques Tati, les

chefs d’œuvre des cinémas français,américain, italien, russe, japonais,tout ce que l’on pouvait pourapprendre le métier. On était deve-nus des cinéphiles. On lisait beau-coup sur le sujet. On avait écrit unscénario. Mais notre projet théâtralnous avait emmenés plus loin. Etlorsque l’on a ressorti le scénario, onn’avait plus l’âge des rôles !

TM : Etait-ce votre première expé-rience de direction d’acteurs ?Gilles : Non, on avait déjà fait cela parle passé à l’époque du chapiteau, en1994. Et là, c’était difficile car on avaitdes amateurs, des cas sociaux…Corinne : On n’avait pas d’argentpour les payer, donc on prenait ceuxqui voulaient bien rester avec nous !

TM : Aviez-vous une expériencede la caméra ?Gilles : Aucune ! Corinne : On voulait créer, et lorsque

l’on décide de faire un truc, on va aubout. On savait que jouer, cela neserait pas un problème pour nous,mais tandis qu’on écrivait, on s’est ditque si on prenait un réalisateur pourfaire jouer les autres comédiens, onne pourrait plus se mêler de rien…Gilles : On a fait un court-métragepour se faire la main, et on s’estentourés d’une équipe technique quinous a formidablement soutenus.

TM : Il fallait trouver les comé-diens qui partageaient les mêmesdélires que vous…Corinne : C’est ce qui a été le plussimple, car ce sont nos copains ! Onsavait qu’en leur confiant des rôles,on serait d’accord dans le travail.

TM : Est-ce une difficulté de fairepasser un spectacle de cabaret àl’écran ?Gilles : On voulait faire un film, pasune captation de spectacle. C’est

BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)

1982 Corinne et Gilles Benizio serencontrent

1987 Création de la compagnieAchille Tonic

1988 Vive le Music-Hall, festivaloff d’Avignon

1992 Première partie de Buffo, àl’Olympia

1993 Shirley et Dino, au Sentierdes Halles

1994 Une année de cabaret souschapiteau, rue de laRoquette

1996 Première partie de Maximele Forestier, à l’Olympia

1997 Cabaret Citrouille, souschapiteau quai d’Austerlitz

2000 Varieta, à la Maison desarts de Créteil

2001 Varieta, au Théâtre del’Athénée-Louis Jouvet

2002 Shirley et Dino, au cabaretde la Nouvelle Eve puis auThéâtre Marigny

2003 Molière du meilleur spec-tacle d’humour, Shirley etDino au Théâtre de Paris

2004 Sortie du DVD du spectaclede Marigny 2002

2001-2005 Invités du Plus grandcabaret du Monde,France 2

2006 Sortie en salle de CabaretParadis

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changeables. Donc, au lieu de gar-der un "monsieur numéro un" et unmonsieur numéro deux", j’ai inséréune femme : Marie Parouty. Avecdeux personnages, on obtenait uneffet de ping-pong et le public auraitpu être fatigué de voir les deuxmêmes. A trois, on peut tourner etavoir des sketches intermédiairespour changer les équipes.

TM : Est ce vous avez été obligéd’adapter le texte en conséquence ?CL : Je n’ai rien changé, mais j’ai défi-ni l’ordre des sketches. Celui de l’édi-

tion papier ne me convenait pas pour lespectacle, car je pense qu’il faut entrergraduellement dans l’histoire.

TM : Finalement, ces histoires sont-elles écrites pour faire rire ou pourdélivrer un message ?CL : Pour faire rire à travers uneangoisse. Si on rit simplement de l’his-toire, c’est bien, mais si en plus on sentà quel point l’angoisse est présente,c’est mieux. Pour déclencher un fourire, il n’y a rien de tel que l’interdit,comme à l’école ou à l’enterrement dequelqu’un.

TM : Comment avez-vous dirigéSébastien dans son propre spec-tacle ?CL : Il est auteur et aussi acteur. Et il aécouté toutes mes propositions.D’autant plus que le travail de répétitiona été long, car même si le spectacle al’air très simple, le texte est écritcomme une musique, et il faut le res-pecter précisément. Donc, celademande du temps.

TM : Est-ce une récréation pourvous de travailler sur ce texte ?CL : Non, pas du tout. Je n’ai pas sou-vent monté de spectacle drôle et je neveux pas faillir. Donc, cela m’a deman-dé autant de concentration, voire plusde remises en questions que d’habitu-de. C’est une prise de risques.

TM : En travaillant avec Sébastien etArtus qui sont connus par le biaisde la télévision, n’avez pas peurd’être accusé de choisir la facilité ?CL : Jean-Michel Ribes a fait l’émission"Palace" et ça ne l’a pas empêchéd’être nommé directeur du Rond-Pointet d’accompagner les auteurs contem-porains. On ne peut pas demander auxgens d’être monolithiques, car il fautpouvoir bouger. Je suis metteur enscène d’opéra, de cirque et dethéâtre... J’ai aussi réalisé "Oscar et ladame rose" pour la télévision avecDanielle Darrieux. Je ne vois pas pour-quoi on me demanderait de faire monchoix. Chaque discipline enrichit montravail sur les autres : le cirque a rendumon travail sur le corps plus aiguisé,l’opéra m’a permis de renforcer monaccès à la musique…

TM : Qu’est-ce qui a fait que cela amarché pour vous ? CL : Je crois que c’est parce que jesuis à l’origine de mes projets. Je neme contente pas d’arriver au momentoù on réclame un metteur en scène. Jecherche, je lis énormément, à raisond’une pièce par jour d’auteurs connusou pas, je vais au théâtre cinq fois parsemaine...C’est donc beaucoup de travail et dutalent aussi sans doute. "Soie","l’Evangile selon Pilate" n’étaient pasdes thèmes faciles et pourtant, ils onteu du succès. J’ai l’impression que lepublic apprécie que je l’emmène dansdes univers en faisant appel à son ima-ginaire, à sa disponibilité. Les chosessont évoquées, elles ne sont pasmâchées. Il faut donner la possibilité auspectateur d’exister individuellement.

TM : Quel est votre rêve ?CL : C’est d’avoir un théâtre. J’ai qua-rante ans et j’aimerais qu’on menomme quelque-part en province.

TM : Même si cela impliquebeaucoup de contraintes ?CL : Il n’y a pas de direction dethéâtre, sans un très bon administra-teur partenaire. Il y a toujours un alterego, dans l’ombre. Le mien s’appelleBritt Harnisch. C’est mon administratri-ce, qui m’accompagne depuis dix anset qui me permet de continuer mesrecherches et d’être pluriel, puisque j’aimonté trente-huit spectacles.

TM : Avez-vous un conseil pourles comédiens débutants ?CL : Allez au théâtre. On ne peut pasfaire du théâtre sans y aller.

TM : Et un message pour lesspectateurs qui viennent voir"Dieu habite Düsseldorf" ?CL : Si déjà on peut accompagner unesoirée ou une fin de soirée, c’est formi-dable. Si en plus de cela, on leur faitdécouvrir trois natures d’acteurs et onles bouscule un peu, l’affaire est dansle sac.

Propos recueillis par HC

Interv iew

Christophe Lidon

"Il faut donner la possibilitéau spectateur d’exister

individuellement"

C hristophe Lidon approche tous les genres : les classiques, les textes contempo-rains, les monodrames, le cirque, l’opéra et l’humour. Il met en scène auxMathurins "Dieu habite Düsseldorf", la seconde pièce à sketches de SébastienThiery. Un coup de coeur qu’il considère comme une prise de risques plusqu’une récréation, avant de monter deux pièces d’Eric-Emmanuel Schmitt :"Ma vie avec Mozart" et "la Tectonique des sentiments".

Théâtral magazine : Vous avez l’habi-tude de mettre en scène des textessérieux. Qu’est ce qui vous a donnéenvie de monter "Dieu habiteDüsseldorf", qui est une pièce àsketches ?Christophe Lidon : J’ai la chance d’avoirtravaillé avec des auteurs contemporainsqui sont reconnus, puisqu’en deux ans, j’aimonté Xavier Durringer, Jean-ClaudeGrumberg, Eric-Emmanuel Schmitt. J’aiun long parcours avec Eric-Emmanuelavec "Oscar et la dame rose", "l’Evangileselon Pilate", "la Nuit des Oliviers" et jeaussi bientôt monter "Ma vie avec Mozart",au Montparnasse le 10 mai et "laTectonique des sentiments". C’est impor-tant pour un metteur en scène de travailleravec des auteurs contemporains et recon-nus, mais aussi d’en découvrir d’autres,comme de repérer des acteurs de talent.Et ça faisait un long moment que je cher-

chais quelqu’un qui traite de l’humour et durire. Alors, quand Sébastien Thiery m’aproposé cette pièce, je lui ai sauté dessus,parce que je pense que c’est vraiment unauteur qui manie le langage, la situation,l’originalité. "Dieu habite Düsseldorf"regroupe des petites nouvelles de théâtre(je n’aime pas trop le mot sketches, parcequ’on a l’impression qu’il faut que ce soitefficace), qui montrent des personnageslambda empêtrés dans une situation parti-culière à cause de leur angoisse ou de leurquête. Il s’autorise tout : un monsieur vavendre un ami, un autre va dire qu’il fautêtre handicapé pour être remarqué dans lavie. Ce sont des choses incroyables et dessituations toujours nouvelles, qu’on n’ajamais vues au théâtre. Sébastien exprimeles choses de façon très simple, avec desrépliques toujours très courtes. Ce qui faitque le mot devient essentiel et fait avancerla situation.

TM : Comment met-on en scène unesérie de sketches ou de mini-histoiressans lien les unes avec les autres ?CL : Pour qu’elles s’enchaînent, il fal-lait créer un univers, un fil conducteur.Je l’ai trouvé en constatant que cespersonnages étaient terriblementcontraints, parce qu’ils se retrouventdans des situations où ils ne peuventpas évoluer… Par exemple, beaucoupde sketches commencent par "bonjourasseyez-vous", alors qu’il n’y a pas desiège ! Donc, j’ai forcé davantage letrait en les mettant dans un lieu où onne les attend pas : une salle de peep-show, où ils sont contraints de danser àtrois reprises. Et puis, c’est un auteurqui laisse une immense place à la miseen scène, puisqu’il écrit pour un "mon-sieur numéro un" et un "monsieurnuméro deux". On est dans l’absencede références et les rôles sont inter-

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)

THEATRE1991 création de la compagnie la Nuitet le Moment

Mises en scène1991 La Fausse Suivante, de Marivaux 1991 La Nuit et le Moment, de

Crébillon Fils 1992 La Double Inconstance, de

Marivaux1993 Mademoiselle Julie, d’August

Strindberg1994 Andromaque, de Jean Racine1995 Le Songe d’une Nuit d’Eté, de

William Shakespeare1996 Paradoxe sur le Comédien,

d'après Diderot1996 Les Bonnes, de Jean Genet1997 Marie Tudor, de Victor Hugo1998 La Mouette, d’Anton Tchékhov1999 L’œuf, de Félicien Marceau2000 La trilogie de la villégiature, de

Carlo Goldoni2001 Le Misanthrope, de Molière2001 La Nuit à l’envers, de Xavier

Durringer (Studio de la ComédieFrançaise)

2002 Le Petit Violon, de Jean-ClaudeGrumberg

2003 Maison de Poupée, d’HenrikIbsen

2003 Oscar et la dame rose, d’Eric-Emmanuel Schmitt

2004 Mises aux placards, de V. VetelAlane, J-L Bauer, G. Hasson, P.Sabres

2004 L’évangile selon Pilate, d’Eric-Emmanuel Schmitt

2005 La nuit des oliviers, d’Eric-Emmanuel Schmitt

2005 Soie, d’Alessandro Barrico

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)

FORMATIONEcole de la Rue Blanche – ConservatoireNational supérieur de musique – Ecole ducirque Annie Fratellini –

THEATRERôles1973 Joue avec Romain Bouteille et

Coluche1976 Rosalinde dans "Comme il vous plai-

ra" de Shakespeare, mes BennoBesson

1985 Le dragon, d’Evgueni Schwarz, mesde Benno Besson

1993 Quisaitout et Grobêta de ColineSerreau, mes de Benno Besson

1996 Lapin Lapin, de Coline Serreau, mesde Benno Besson

2001 Le cercle de craie caucasien, deBertold Brecht, mes de Benno Besson

Rôle et mise en scène1999 "Le salon d'Eté" de Coline Serreau2006 "L’Ecole des Femmes" de Molière

Mises en scène d'opérasLa chauve-souris, de Johan Strauss Le Barbier de Séville, de Rossini

Auteur de pièces1988 Le théâtre de verdure1985 Lapin Lapin1993 Quisaitout et Grobêta1997 Le salon d'été

CINEMARôles1973 On s’est trompé d’histoire d’amour,

de Jean-Louis Bertucelli, scénario deColine Serreau

Rôles et films1995 La belle verte

Films1976 Mais qu'est-ce qu'elles veulent ?1977 Pourquoi pas !1982 Qu’est ce qu’on attend pour être heu-

reux ?1985 Trois hommes et un couffin 1988 Romuald et Juliette 1991 La crise 2000 Chaos 2001 Dix-huit ans après 2005 Saint Jacques La Mecque

RECOMPENSES1977 Prix Georges Sadoul pour "Pourquoi

pas ?"1985 Grand Prix de l'Académie Nationale

du Cinéma Auteur, César du MeilleurScénario, César du Meilleur Film fran-çais pour "Trois hommes et un couf-fin"

1992 César du meilleur scénario pour "LaCrise"

1993 Molière du Meilleur SpectacleComique, du meilleur Metteur enScène, du Meilleur Décor et duMeilleur Costume pour "Quisaitout etGrobêta"

1996 Molière de la meilleure actrice àSonia Vollereaux pour "Lapin Lapin"

chanalytique ou littéraire que l'on veuttraduire, les idées ne sont que desbaudruches creuses. Le comique est un art complexe etmystérieux. On ne sait jamais à coupsûr ce qui marchera ou pas, pourquoiet comment. C’est un travail ardent etquotidien. On cherche un équilibreentre un rythme, une musique, uneintonation, une intention juste, la sin-cérité et une très grande précisiond’exécution. C’est un art noble, parcequ'avec le rire on montre la poésiedes contradictions, on traduit l'indicibleet on touche profondément ; c’est unearme idéologique redoutable à utilisersans modération.

TM : Pourquoi avez-vous intégrédu rap dans la pièce ?CS : Le rap des maximes du mariagevient d’une tradition de la Commediadell’arte où on voit le barbon s’endor-mir, comme dans "Le Barbier deSéville" pendant que les jeuness’amusent. Mais je voulais utiliser lesmoyens dont disposent les comé-diens d'aujourd’hui. A l’époque, versi-fier, c’était comme rapper maintenant,c'est-à-dire donner du rythme à lalangue. Les bons rappeurs sont lespoètes de notre époque.

TM : Qu’est-ce que vous voulezque les gens reçoivent en allantvoir la pièce ?CS : Qu’ils revoient avec quelleforce Molière a dénoncé le systèmedans lequel il vivait, qu’ils remettenten question le nôtre, qu’ils éprou-vent en même temps beaucoup deplaisir, grâce à la poésie, la beauté,l’humour du texte : cette pièce estune bulle de paradis.

TM : Vous avez une vocation édu-cative ?CS : Non je fais de la politique enfaisant de la poétique.

TM : Qu’est ce qui vous motiveau théâtre ?CS : Les spectacles que je vaisfaire plus tard ! J’ai plein de piècesà écrire, à monter : des spectaclesoù je mélangerais le cirque, ladanse et les textes. Des formesnouvelles à inventer... Et desgrands textes que je voudrais mon-ter : "Hamlet", "Se-Tchouan", desspectacles avec des masques…

TM : Quel conseil donneriez-vousà des élèves comédiens ?CS : Faire beaucoup de musique,du sport, du cirque ou de la danse,pour avoir un corps, une voix et uneoreille qui répondent aux exigencesdu travail d'acteur. Avoir une bonnealimentation et une hygiène de viecar c’est un métier très éprouvantphysiquement, et il faut durer.

TM : Travaillez-vous beaucoup ?CS : Oui, parce que je m'amuse entravaillant. Je fais aussi du trapèze,du yoga et beaucoup de musique.

TM : Quel genre de musique ?CS : Je joue de l’orgue et du piano.Et je dirige une chorale, aveclaquelle je donne des concerts.

TM : Est-ce important de savoirchanter ?CS : C’est très important. Pas forcé-ment pour chanter dans les spec-tacles, mais pour avoir le contrôle desa voix, pour travailler son oreille. Lapremière qualité chez un acteur c'estl’oreille. Le texte et la façon de le dire,c’est une musique. Si un acteur n’apas d’oreille, il parle faux. Le chantchoral et la musique en groupeapprennent l'écoute et forment uneoreille fine. Jouer, c’est d’abordentendre l'autre et parler juste. Dansune intonation juste, il passe une infi-nité de nuances et tout un comporte-ment social. Il devrait y avoir des cho-rales dans les écoles de théâtre. Il n’yen a pas parce qu’on veut apprendreaux élèves à devenir des individusexceptionnels. Nulle part, on ne leurapprend à faire partie d’un tout. Je levois parce que je fais passer beau-coup d'auditions. Ils sont rarement for-més à l'écoute, ils ont du mal à com-prendre une intonation. Par contre, ilssavent très bien hurler à la mort et seconduire comme des hystériques. Il ya une idéologie derrière tout ça. Onfabrique des individus autistes pourun théâtre élitiste et on fuit comme lapeste le métier artisanal qui pourraits'adresser à tous. On laisse TF1 aubas peuple pour qu'il reste avant toutun consommateur et non pas unhomme cultivé.

Propos recueillis par HC

Interv iew

Coline Serreau

"Je fais de la politiqueen faisant de la poétique."

Elle met en scène "l’Ecole des femmes" au Théâtre de la Madeleine.Dans cette pièce qui dénonce avec fantaisie la condition de la femme,Coline Serreau joue aussi le rôle d’Arnolphe, un homme qui prône lesvaleurs les plus réactionnaires.

Théâtral magazine : Vous avezdéclaré que jouer Arnolphe étaitun rêve d’adolescente…Coline Serreau : J’ai envie de jouerce rôle depuis très longtemps, oui,mais je n’ai pas monté "l’Ecole desfemmes" seulement pour me faireplaisir ; je l'ai fait aussi et surtoutpour faire plaisir au public.

TM : En tant que femme, commentl’avez-vous abordé ? CS : Je n’ai jamais pensé uneseconde que je devais l’aborder entant que femme. J’étais Arnolphe,c’est tout. J’ai cherché à com-prendre les rapports qu’il y a entreArnolphe et son temps, entreArnolphe et le public moderne,entre Arnolphe et Molière. Commeactrice et metteur en scène je memets au service du texte pourdécouvrir ce qu’il recèle de profon-dément actuel et comment le trans-mettre par des moyens théâtraux,et pas seulement intellectuels.

TM : Tels que le décor constituéde rideaux qui s’écroulent ?CS : Je ne voulais pas d’un décornaturaliste, mais représentatif dumonde d’Arnolphe, ce monde clas-sique, symétrique, bloqué et qui s’ef-fondre petit à petit. Derrière ce système qui se meurt, unautre monde se découvre, qui naîtavec vigueur en colorant autrementle paysage. C'est une situation trèsactuelle. Idem avec les costumes :Agnès apparaît au début comme unpoupon informe et statufié, puis elledevient flamboyante et colorée alorsqu’Arnolphe, qui a commencé dansun costume plein de vie, finit en noir. Le règne d'Arnolphe se meurt, celuid'Agnès advient.

TM : Et le côté burlesque ? CS : Selon les chroniqueurs del'époque, Molière jouait Arnolphedans un costume jaune canari et lesgens étaient tordus de rire duranttoute la représentation. Le minimum

pour ne pas le trahir, c'est de fairerire autant que lui. La pièce en outrese jouait en une heure quarante, onle sait à cause du temps d'éclairagedes candélabres qu'il fallait changertoutes les vingt minutes. Là aussi, lerythme ne doit pas trahir Molière. Ensuite se pose le problème de par-ler à nos contemporains avec lamême vigueur que lui aux siens.C’est un travail sur chaque mot,chaque vers, chaque geste pour res-tituer les rapports sociaux et affectifsde façon moderne, les rendre com-préhensibles et touchants.

TM : Avez-vous fait un travaild’analyse à la table avec lescomédiens ?CS : Non. Je travaille tout de suite surle plateau. On ne parle pas, on fait.Chaque intention doit trouver une tra-duction concrète. Autrement, on patau-ge dans les vaticinations abstraites. Sion ne trouve pas le geste théâtral quicorrespond à l’idée sociologique, psy-

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE extraits) FORMATIONécole Charles Dullin au sein du TNP de Jean Vilar

THEATRE1975 fonde avec neuf autres comédiens la cie du Théâtre du Decaèdre 1983-1991 créé et dirige le Théâtredes Boucles de Marne à Champigny1992 fonde avec Laurence Santini, la Cie Pierre Santini1999-2005 Président de l’ADAMI2003 nommé directeur du ThéâtreMouffetard

RôlesTitus AndronicusOthelloHenry VIIICyrano de BergeracLe Malade imaginaireL’Opéra de Quat’sousOncle VaniaLes ÉmigrésLe Roi Lear La Main passeL’Éducation de Rita

Mises en scène Rashômon, d’Agutakawa RyonosukéLe Pain de ménage, de Jules RenardGracchus Babeuf, de Henri BassisFausse adresse, de Luigi LunariPage 27, de Jean-Louis BauerCapitaine Bringuier, de Pascal LainéMariage (en) blanc, de RobertoCavosi

CINEMALe Dialogue des carmélites, dePhilippe AgostiniParis brûle-t-il ?, de René ClémentPierre et Paul, de René AllioLe Voyage de noce, de NadineTrintignantLe Droit d’aimer, d’Eric Le HungL’Italien des roses, de Charles MattonL’Attentat, d’Yves BoissetLa Jument-vapeur, de Joyce BunuelUne partie de plaisir, de ClaudeChabrolLe Démon dans l’ île, de Francis LeroiPolar, de Jacques BralMadame Verdoux, de Jean-LucMichaux

TELEVISIONA joué dans de nombreux feuilletons,séries et téléfilms français, et italiens,anglo-américains et espagnols

s’intéresse à l’art au point d’aller pom-per très près de lui ses secrets.

TM : Qu’est ce qui vous fascinechez Rodin ?PS : C’est un homme qui est en per-pétuel contact avec la matière : lapierre, l’argile, le plâtre, le matériau debase qui est issu de la nature. C’estune manière d’aborder la vie. La sen-sualité de la main, le regard sont deschoses sans lesquelles il ne pourraitpas vivre et il le dit, d’ailleurs. L’enviede créer et la beauté sont ses moteursde vie. Comme pour tout artiste, quiest fasciné en permanence, par l’en-vie de créer, de fantasmer sur la natu-re et sur la vie pour la traiter, la racon-ter, la montrer. C’est une préoccupa-tion vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et puis, c’est un novateur. Ilsort de l’académisme. Il traite le corpshumain et la dramaturgie humainesous un rapport tout à fait nouveau. Ils’est inspiré des sculptures grecque etlatine et les a adaptées à une moder-nité. Enfin, dans la vie, c’est un ogre,qui vit de la sensualité, qui coucheavec les femmes et en même temps,il est sûrement d’une générosité extra-ordinaire, parce qu’un grand artiste nepeut être que cela.

TM : Avec Rilke, ce n’est pas dutout la même approche de la créati-vité.PS : C’est un autre univers. Il possèdeune immense richesse, mais il ne déga-ge pas cette puissance. Ce qui est inté-ressant, c’est de prendre ces deuxhommes très différents, un bloc demarbre et à côté, un roseau. A la fin,Rodin s’adresse au buste qu’il est entrain de sculpter et lui dit "tout le mondepense que je suis un roc. Toi, je te donnemes mains et toi, tu me donnes ta force".Et c’est rassurant car derrière cethomme puissant se cache une fragilitéimmense qui rejoint celle de Rilke.

TM : Comment s’est passé le travailavec Christophe Luthringer ?PS : Comme c’est Françoise et moil’avions choisi, il se sentait un tout petitpeu fragile vis-à-vis de moi. Diriger unvieux routier, ce n’est pas facile. Mais, ilm’a fait une grande confiance. Il m’alaissé avancer à mon rythme. EtFrançoise a eu l’intelligence de resteractrice, de ne plus intervenir commeauteur sauf quand on lui demandait decorriger quelque chose…

TM : Vous-même, vous avez été encontact dès votre enfance avec l’artpuisque votre père était peintre. PS : C’était un grand artiste. J’habited’ailleurs dans son atelier. Toute monenfance a été très riche de rencontresavec l’art. Parce que j’aillais le voirpeindre à l’atelier, que je posais pour luiet parce qu’il obligeait un peu ses fils àêtre en contact avec l’art plastique, lapeinture, le dessin. On a beaucoupvoyagé en Italie après la guerre. Noussommes allés dans les musées, àRome, à Naples, etc. Ma mère était unefemme assez cultivée et se faisait unpoint d’honneur à nous faire connaîtreun maximum de choses. Comme desamis de mon père qui nous initiaient auxbeautés de la peinture. Donc, j’étaisassez proche de l’art. Et le théâtre est unart qui conjugue les arts plastiques, la lit-térature, les arts décoratifs, l’architectu-re. En matière de culture, Paris est peut-être une des villes où il se passe le plusde belles choses dans le monde. Enmême temps, il y a un parisianisme, desmodes et une emprise de l’argent, quidéforment de plus en plus le concept.

TM : Le fait qu’il y ait beaucoup dethéâtres à Paris vous dérange t-il ?PS : Non, car je suis heureux qu’unart que j’ai pratiqué toute ma vie attirebeaucoup les jeunes. Ca veut direqu’il y a une grande liberté d’accès.Mais ce qui me choque, c’est que toutest mis sur le même plan, c’est-à-direqu’il n’y a plus de vraie frontière entrel’amateurisme et le professionnalis-me. Il y a un marché assez incohérentet pléthorique. Dans un festivalcomme Avignon, où il y a sept centsou huit cents spectacles qui sont pré-sentés, il y a un mélange des genres,une confusion des valeurs. EnFrance, il y a un star-system insolentet insultant qui est en place, l’un desplus barbares du monde. Parce quec’est un système économique quidénature un peu le rapport entre l’ar-tiste et son public.

TM : Rodin, ce n’est pas vraimentun thème commercial…PS : C’est vrai que les gens viennentvoir plus facilement du Tchékhov oudu Shakespeare, parce qu’ils connais-sent. Françoise Cadol, ils ne connais-sent pas, alors il faut réussir à les inté-resser. Pour nous, il y a un vrai enjeu.

Propos recueillis par HC

Interv iew

Pierre Santini

"J’ai trouvé que Rodin était un

bon personnage pour moi"

Dans "Rodin, tout le temps que dure le jour" à l’affiche au théâtreMouffetard, il joue le rôle du sculpteur, excessif et sensuel face à Rilkequi était alors son secrétaire. Une femme inventée et interprétée parFrançoise Cadol, l’auteur de la pièce, sert de prétexte à la rupture entreles deux hommes.

Théâtral magazine : Qu’est ce quivous a donné envie de jouer Rodin ?Pierre Santini : Françoise Cadol, l’auteur,est venue me voir un jour. Je la connais-sais comme comédienne et comme amie.La ville de Meudon lui proposait d’écrireune pièce sur Rodin, et était prête à finan-cer cette écriture. Il s’agissait de rendrehommage à l’un de ses prestigieux conci-toyens, qui est enterré là-bas. Il y avait savilla, ses ateliers et aujourd’hui, il y a unmusée Rodin à Meudon. Françoise avaitle choix de l’approche du thème. Donc,elle a fouillé dans la vie de Rodin et a vuqu’un moment important était sa ren-contre avec Rilke. C’était une rencontreassez brève, puisqu’elle n’a duré que huitmois. Au cours de cette période, Rilke aété secrétaire de Rodin, pour finir par sefaire chasser assez violemment, accuséde profiter dans son intérêt personnel desrelations qu’il pouvait se faire dans lecadre de son travail. La pièce met doncen scène deux personnages historiques,

Rilke et Rodin, et un personnage inventépour servir de catalyseur au conflit entreles deux : Marie Cabanes, qui est dansl’atelier de Rodin en train de se faire faireson buste. On découvrira par la suite quece n’est pas aussi clair que cela, mais elleest entre ces deux hommes, aussi diffé-rents l’un de l’autre. L’un est un personna-ge très entier, très autoritaire, une sorted’ogre assez sensuel et possessif. L’autreest un poète immigré, fragile, un peu maldans sa peau et qui voue un culte immen-se à Rodin, à tel point que, venu pour écri-re un livre sur lui, il va rester huit mois às’occuper de tout ce qui le concerne.C’est une pièce qui aborde les ressortsintimes de la création artistique à traversces deux personnages ; un homme delettres et un homme de l’art. Elle m’ad’abord donné à lire les six pages de lapremière scène entre Rodin et MarieCabanes et j’ai trouvé que c’était un bonpersonnage pour moi. Je lui ai donc dit decontinuer à écrire. Après, petit à petit,

l’idée de monter la pièce au Mouffetards’est enclenchée sur l’envie de jouer lerôle. J’ai un théâtre, alors autant s’en ser-vir pour accueillir les projets qui meconcernent. On a fait une ou deux lecturespubliques qui se sont bien passées. Lesmusées Rodin, à Paris et à Meudon nousont beaucoup aidés. Il y a eu toute uneconjonction de choses qui ont fait que lapièce est arrivée à son terme. Puis j’aiaccepté la proposition qu’elle me faisait deprendre Christophe Luthringer commemetteur en scène et, tous les trois, on acherché un Rilke et on a trouvé ce garçon,Steve Bedrossian qui nous a convaincus.

TM : Le personnage de MarieCabanes symbolise t-il la sensualitéou la créativité ?PS : Elle symbolise la femme danstoutes ses dimensions : la séductionqu’elle peut exercer sur les hommes,l’attirance par des hommes très diffé-rents et la fascination d’un homme qui

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TM : N’y a-t-il aucune pièce quise joue en créole aux Antilles ?PhA : La tendance est la suivante :les pièces qui ont une ambitionartistique se jouent en français. Acôté, il y a un théâtre populaire encréole, le théâtre des sketchers.

TM : En présentant cette pièce àLa Tempête, qu’est-ce que vousattendez de la part du public ?PhA : Comme Brecht, je pense

qu’il faut élargir le cercle desconnaisseurs. A chaque fois qu’onvient me proposer un spectaclesusceptible de déclencher lavenue d’un public qui n’a jamaismis les pieds à La Tempête, j’ysuis le plus souvent favorable. Etcomme juste après, nous présen-terons "Phèdre" de Racine avecdes acteurs antillais, j’espère toutsimplement que le public antillaisde la région parisienne apprendra

avec "La Noce" le chemin de laTempête. C’est bien le moinsqu’on puisse souhaiter : ce théâtredoit en effet son nom à AiméCésaire ; Jean-Marie Serreau, sonfondateur y a posé ses mallesdans le temps où Césaire écrivaitpour lui une version "nègre" de "LaTempête" de Shakespeare.

Propos recueillis par HC

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La Noce chez les petitsbourgeois… créoles

Neuf ans après avoir ébauché ce spectacle en Guadeloupe, où il étaitdirecteur artistique de la Scène Nationale, Philippe Adrien présente à laTempête, après Avignon l’été dernier, une version créolisée de "La Nocechez les petits bourgeois", projet partagé avec Dominik Bernard, qui fai-sait partie de la première distribution et souhaitait rejouer la pièce.

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Philippe Adrien :"j’espère que le public antillais dela région parisienne va venir".

Le petit bourgeois responsable de la montée dunazisme

Philippe Adrien : "Le petit bour-geois" est un concept inventé ourepris par les intellectuels pro-gressistes allemands qui cher-chaient le responsable – commesi Adolf Hitler ne suffisait pas - dela montée du nazisme. D’ailleurs,Brecht a d’abord appelé sa pièce"La Noce" et l’a rebaptisée "LaNoce chez les petits bourgeois"dans les années 1930. Le petitbourgeois, ce n’est ni un bour-geois, ni un prolétaire. Mettonsque les travailleurs aspirent à lapetite bourgeoisie, à défaut depouvoir accéder à la bourgeoisieet au capital. "Nous voulonsconsommer !" Cette revendica-tion, aussi claire que naturelle,pourrait être celle des jeunesmariés comme de leurs invités.

Dominik Bernard : "la représentati-vité des comédiens noirs à la télé,sur les scènes, ou au cinéma, passeaussi par un public diversifié"

TM : Pourquoi reprendre sept ansaprès "la Noce" ?DB : On avait un sentiment d’inache-vé. Les comédiens antillais n’ont pastrop l’occasion de jouer, surtout enFrance et ce projet nous donnait l’oc-casion de créer un pont entre laGuadeloupe et Paris pour montrernos talents, nos capacités, et aussinotre théâtre. Car, même s’il s’expri-me à travers Brecht, il est aussi tra-versé par nos corps et notre langue.

TM : Qu’est ce que vous a apprisle travail avec Philippe Adrien ?DB : La simplicité et le concret. Si ondoit faire semblant de boire un thébrûlant, c’est bien d’avoir vraimentsur scène un thé brûlant dans unetasse, plutôt que de le mimer, parcequ’on n’est jamais plus véridique quequand on joue réellement la situation.Dans "La Noce", on mange et on boitsur scène et on a essayé d’adaptertout ça à un mariage antillais.Comme il y avait déjà tous les élé-ments dans la pièce de Brecht, il asuffi de changer les noms : on a parexemple du sorbet coco à la place dela glace.

TM : Vous vous êtes installé àParis juste après la création de lapièce. Est-ce plus facile pour uncomédien antillais de jouer enFrance ?DB : J’ai un peu galéré l’année demon arrivée. Mais, maintenant, je visde mon métier, alors que ce n’étaitpas possible en Guadeloupe. Lescomédiens font d’autres choses àcôté : ils sont professeurs de théâtre,animateurs sociaux, ou travaillent àla radio. Moi, j’animais une émissionquotidienne sur RFO Guadeloupe, etponctuellement, je faisais du théâtre,car je voulais être comédien. En1994, j’ai rencontré Philippe lors d’unstage en Martinique et lorsqu’il estdevenu directeur artistique de laScène nationale, j’ai suivi son atelier.Ensuite, il a parlé de moi au comé-dien et metteur en scène guadelou-péen Jean-Michel Martial, qui cher-chait un comédien antillais clair depeau pour "Liens de Sang" d’AtholFugard. J’ai été engagé et j’ai arrêtéde travailler à la télévision pour fairece projet.

TM : Qu’est-ce que vous en atten-dez de cette pièce ?DB : Souvent j’entends dire qu’il n’y apas de comédiens noirs en France.Eh bien, si, il y en a plein. Donc, j’es-père qu’elle va montrer qu’on peuttravailler avec tout le monde et danstous les registres et qu’elle va fairevenir des antillais qui ne vont pas tel-lement au théâtre. Parce que lareprésentativité des comédiens noirsà la télé, sur les scènes, ou au ciné-ma, passe aussi par un public diver-sifié : il faut qu’il se manifeste.

HC

Dominik Bernard joue le rôle del’ami dans "La Noce chez les petits bourgeois…créoles"

On maye ozabwaLa Noce chez les petits-bourgeois… créoles

Pièce de Bertolt Brecht, traduction deSylviane Telchid, mise en scène dePhilippe Adrien, avec Dominik Bernard,Elodie Camier, Harold "Markiss" Chadru,Igo Drané, Joël Jernidier, ChristianJulien, Firmine Richard, Nathalie Vairac,Cécile Vernant.

Théâtre de la Tempête (Cartoucherie -Route du Champ de Manœuvre, Paris12è) du 21/04 au 21/05/200601 43 28 36 36

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Théâtral magazine : "La Nocechez les petits bourgeois…créoles", est ce la pièce de Brechttraduite en créole ?

TM : Avez-vous adapté la pièce ?

TM : Comment s’est passé le tra-vail avec les acteurs antillais ?

Théâtral magazine : "La Nocechez les petits bourgeois…créoles", est ce la pièce de Brechttraduite en créole ?Philippe Adrien : C’est une versioncréolisée, c’est-à-dire qui mélangeles deux langues, certains person-nages parlant plus le créole, d’autresplus le français, d’autres les deux.

TM : Avez-vous adapté la pièce ?PhA : Très peu de passages ont étéretranchés, et certaines péripétiesou blagues ont été ajoutées. Lorsdes premières présentations auxAntilles en 1997, la salle était pleineà craquer et les gens hurlaient derire, surtout les antillais, parce queces histoires de couple sont à vif auxAntilles. C’est quand même unepièce qui met en scène les avatarsdu couple institutionnel, c’est-à-dire

dans le mariage : 9 personnes enpétard autour d’une table. Et c’estmalvenu aux Antilles de mettre deschoses pareilles sur le tapis ou sur lascène d’un théâtre ; c’est réservé àla maison ou aux conversationsentre amis. Avec cette pièce, le non-dit antillais se trouvait soudain mis àjour. Ensuite, lors de la création l’an-née dernière, il y a un point surlequel on est intervenu : la mèredans l’orbite familiale antillaiseoccupe une place prééminente etelle nous semblait un peu sous éva-luée par Brecht. Nous avons voulu lamettre à sa vraie place. Avec la tra-ductrice (Sylviane Telchid, excellen-te spécialiste du créole guadelou-péen), nous avons ajouté un petittopo qui correspond, disons, àl’éthique guadeloupéenne. Il conclutle repas de noces.

TM : Comment s’est passé le tra-vail avec les acteurs antillais ?PhA : Au début, c’était difficile àcause du rapport aux deux langues,le problème étant de savoir commentjouer en créole en partant d’un texte. Le créole c’est ce que devient le fran-çais quand il est traversé par d’autreslangues et d’autres cultures.Maintenant, on le transcrit, mais àl’origine, c’est une langue parlée. Laquestion de ces acteurs était : "maisqu’est-ce qu’on est en train de faire ?"c’est-à-dire "l’acte de jouer a-t-il la même valeur en créole qu’en fran-çais ?". Il fallait sortir de cet état d’in-hibition. J’ai demandé au frère de l’undes acteurs, un metteur en scène quine travaille qu’en créole, de venirnous prêter la main. Toutes ces ques-tions ont pu être discutées et l’atmo-sphère s’est détendue.

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L’Avaredu 18 avril au 21 mai 2006au théâtre de la Tempête

"L’avare"transposé dans

les pays del’Est et monté

en farce

En 2003, Alain Gautré anime pendant quinze jours un stage sur leclown au conservatoire. Trois ans plus tard, il monte "l’Avare" deMolière avec une partie des anciens stagiaires dans une version bur-lesque qui met en évidence la monstruosité d’Harpagon.

Théâtral magazine : Pourquoimonter "l’Avare" aujourd’hui ?Alain Gautré : Ca me semblait per-tinent de raconter l’histoire d’unesociété bloquée où la jeunesse n’aplus sa place, sur un plan écono-mique tout au moins. Et la mise enscène va accentuer cette noirceur,puisque l’histoire est transposéedans un pays de l’Est, juste avant lachute du Mur, d’où les costumes unpeu seventies, la lumière, la maigrescénographie et le bruit des tuyaute-ries mal entretenues. Donc, ça vaêtre un peu oppressant, et en mêmetemps très drôle, puisque l’histoireest traitée de manière clownesque.

TM : Avez-vous adapté le texte ?AG : Non, c’est présent dans lapièce de Molière, qui a été trèsinfluencé par la Commedia Dell’arte,par les comédiens du Pont Neuf.C’est-à-dire qu’à travers ses mots je

vois les attitudes, les déplacements,les mouvements, le jeu de l’acteuren somme. Il n’y a pas que le texte ;il y a également la dynamique, lerythme, l’humour, les lazzi qui sontdéjà à l’intérieur de l’écriture. Alorsbien sûr, j’en rajoute une toute petitecouche…

TM : Est-ce que le côté farce nerisque pas de masquer le message ?AG : Ce qui est important dans notretravail, c’est que les personnagessoient tout à fait crédibles sur le plande l’émotion, des sentiments, de lacompréhension, de la justification. Etcomme on est dans un jeu un peudécalé et poussé sur le plan corpo-rel, il faut beaucoup de décontractionet de complicité, parce qu’on n’ob-tient pas ça tout seul.

TM : Qu’est ce qui vous plait dansle clown ?

AG : C’est une philosophie : commeje suis un être profondément déses-péré, l’humour et sa manifestationclownesque me semblent être unemanière élégante de répondre audésarroi que m’inspire le monde. J’aiune conscience de l’état du monde,de la manière dont les choses sepassent, peut-être aussi parce quedans ma prime jeunesse, j’ai eu desutopies qui sont mises à mal aujourd’hui par la difficulté deprendre la relève sur des idées deprogrès. En même temps, en 1978,ma première pièce, "Place de Breteuil", avec Jean-Pierre Darroussin,Catherine Frot et d’autres de cettebande là était déjà très noire, trèsdécalée, très ironique. Et pour moi,monter "l’Avare", qui est le texte dequelqu’un que je comprends profon-dément, intimement, comme unfrère, est encore un autre témoigna-ge sur le monde actuel.

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L’histoire : Une troupe en train de jouer"l’Avare", avec un metteur enscène, qui tient ses jeunesacteurs comme Harpagontient sa famille. Les person-nages dits secondaires sontjoués par des clowns…

Les Personnages

L’AvareDe Molière, mise en scèned’Alain Gautré, assisté de SarahGautré, Fabien de Chavron etNicolas Gaudart, avec AlainGautré, Élise Bertero, KaryllElgrichi, Solveig Maupu, JulienSaada, Pierre-Yves Massip,Bryan Polach, Benjamin Guillard,Élya Birman, Guillaume Marquet,Fabien de Chalvron

Du 18 avril au 21 mai 2006Théâtre de la Tempête(Cartoucherie Route du Champde Manœuvre, Paris 12e)01 43 28 36 36

Alain Gautré : Harpagon (l’avare)et le metteur en scène. “C’est levieux qui tient la maison, qui faitque c’est profondément mortifère,parce que ça ne bouge pas, il n’ya pas de renouvellement.”

Solveig Maupu : Frosine (la marieuse) “C’est unefemme d’intrigue. Elle est chargée de négocier lemariage d’Harpagon avec Marianne, une petitejeune qu’il a repérée. Mais, ça ne va pas très bienmarcher, parce qu’Harpagon ne donne pas les souset qu’elle rend compte que Marianne est amoureu-se de Cléante, le fils d’Harpagon. C’est un person-nage autonome par rapport aux autres.”

Elise Bertero : Elise (la fille d’Harpagon, sœur deCléante et amoureuse de Valère)“C’est un personnage un peu révolté, mais pas vrai-ment, car elle est sous le joug de son père. Elle vaentrer dans un stratagème qui la dépasse complè-tement et où elle peut perdre énormément. Du faitqu’elle est prise dans un système archaïque, ellefait beaucoup penser à ces femmes qui socialementn’ont pas de liberté.”

Bryan Pollack : La Flèche (levalet de Cléante)“La Flèche, c’est le valet de Cléante,une sorte de petit Scapin en moinshabile et moins important.”

Fabien de Chalvron : Anselme (le père de Valère etMarianne), et assistant à la mise en scène“C’est un noble qui s’est enfui de Naples à caused’une révolution, mais son bateau a coulé et il croitque ses enfants et sa femme sont morts. En venantdans la maison d’Harpagon pour se marier à unejeune fille et avoir une descendance, il retrouve sesenfants. Tout finit bien grâce à lui. Dans la mise enscène d’Alain, ce personnage est joué par un clown,Joseph, toujours à l’ouest.”

Sarah Gautré : assistante à lamise en scène“Le rôle d’assistante à la mise enscène consiste à diriger quandAlain est sur scène, avec l’appuide Fabien et de Nicolas, et à faireattention à l’équilibre général.”

Nicolas Godard : assistant stagiaire à la mise enscène“Pour valider mon DESS de mise en scène, il fallaitque je fasse un stage sur la création d’un spectacle.J’avais entendu parler d’Alain Gautré comme pro-fesseur de clown, écrivain, metteur en scène,auteur, etc., et j’étais attiré par la polyvalence dupersonnage. Je l’ai appelé pour lui proposer de l’as-sister et je suis en observation sur la pièce.”

Julien Saada :Cléante (le filsd’Harpagon)“C’est un jeunehomme qui esten plein appren-tissage de lavie, par rapportà son père. Ilconnaît les premiers émois del’amour et en même temps, il rêved’échapper à l’oppression de sonpère. Il se rend compte que celui-ci est amoureux de la mêmefemme que lui et il est ballotté parles événements, plus qu’il ne lesprend en main.”

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Philippe Torreton

"Dans ce métier on passe le bac à chaque rôle"

Comédiens de théâtre : Les pistes pour faire du cinéma

Après les dernières représentations de "Richard III", il doit tourner deuxfilms et revenir sur les planches en 2007. S’il doit sa chance à BertrandTavernier, qui l’a choisi pour "Capitaine Conan", Philippe Torretonestime qu’il doit toujours être à la hauteur de ses rendez-vous pourcontinuer à susciter le désir des réalisateurs.

Théâtral magazine : Commentarrivez-vous à mener deux car-rières de front, une au cinéma etl’autre au théâtre ?Philippe Torreton : J’attends lesprojets qui viennent ou que je sus-cite parfois et puis il y a une alter-nance qui se fait. "Richard III", c'estun an de travail entre le travail per-sonnel, les représentations et lestournées, puisque j'ai commencé àapprendre le texte en février 2005,et qu’on a terminé l'exploitation dela pièce en mars dernier. Pour moi,cela fait treize mois de ma vieconsacrés à ça et pendant lesquelsil est très difficile de faire autrechose, comme de caser un film,sauf un jour de tournage pour "LeGrand Meaulnes". Alors, c'est vraique j'ai hâte de refaire du cinémaaprès. Mais, c'est le hasard desdisponibilités, des gens, des

théâtres. Je ne m'impose pas decontraintes.

TM : Comment est arrivé le ciné-ma dans votre carrière ?PhT : C'était en 1991. Je jouais lerôle de Thomas Diafoirus dans "Lemalade imaginaire" à la Comédie-Française. Bertrand Tavernier estvenu un soir et Gildas Bourdet, lemetteur en scène, m'a dit "je croisque tu lui as vraiment plu. Ça nem'étonnerait pas qu'il te proposeun rôle, parce qu'il prépare un filmsur les flics". C’était "L 627". Eteffectivement, quelques joursaprès, j'ai reçu un coup de télé-phone de son producteur qui sou-haitait me voir et qui m'a proposéun rôle. C'était la première fois quej'allais vivre un tournage de A à Z,puisqu’auparavant, j'avais seule-ment tourné deux jours dans un

film de Claude Pinoteau, "La neigeet le feu"... Après, les choses sesont plus ou moins enchaînées.Bertrand, avec qui ça s'est bienpassé, m'a repris dans "L'Appât",puis m’a donné le premier rôle de"Capitaine Conan". Ensuite, on afait "Ca commence aujourd'hui" et,parallèlement, j’ai tourné d'autresfilms avec Olivier Assayas,Noémie Lvovsky, Patrice Leconte,Laurent Chouchan, Antoine deCaunes... Jamais, je n'aurais ima-giné jouer Napoléon, le CapitaineConan, Jaurès pour la télévision,ou "Les rois maudits". Ce métierm'a constamment surpris. Je trou-ve que j'ai beaucoup de chance...Et puis, je crois que j'ai été à lahauteur de certains rendez-vous etpeut-être que mes choix et mafaçon de travailler ont rassuré cer-tains réalisateurs.

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Parmi les générations montantes de comédiens, rares sont ceux quiarrivent à mener une double carrière au théâtre et au cinéma.L’époque des Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, AndréDussollier… semble révolue. Le cinéma “prétend choisir seul sesenfants ou les révèler lui-même" explique Charles Nemes et "il n’a passa part de construction de la vedette avec quelqu’un qui sort duConservatoire National, entre à la Comédie Française et sert lesgrands textes". Il est aussi submergé de demandes : "le problème,c'est aussi qu'on est très nombreux. On voit bien ce qui se passe avecles intermittents", précise Philippe Torreton. Du coup, "on risque trèsvite de ne plus susciter le désir des uns et des autres, pour peu qu'onse plante dans un rôle". Résultat, les réalisateurs sont moins à l’affûtde nouvelles têtes : "tout le monde se demande ce qu'on va faire avectout ces acteurs", remarque Régine Alonso. Sans parler des diffé-rences de jeu, les comédiens de théâtre pouvant “souvent rater leursessais car ils expriment tout” comme l’explique Caroline Huppert, alors“qu’à l’écran il faut savoir garder du mystère”.

Pourtant, les mêmes affirment que l’époque change : "le public a com-pris que c’était le sujet qui comptait et qu’il fallait avoir les meilleurscomédiens possibles dans les rôles les plus adaptés", assure AlainCorneau. Pour son premier film "Au suivant", "une comédie à l’ancien-ne, filmée en plans moyens et larges de trente secondes", JeanneBiras a eu besoin d’acteurs de théâtre "qui aient fait de la scène, parcequ’ils savent se servir de leur corps sur une longue durée".

Si jouer au théâtre est devenu un gage de qualité, cela ne suffit pas :il faut aussi se faire remarquer des réalisateurs qui "ne pensent pasforcément aux acteurs qui jouent au théâtre" regrette Nicolas Vaude.Et cela passe par un agent, de préférence selon Régine Alonso avec"des ouvertures dans le cinéma" et par tout un travail de relationspubliques auprès des réalisateurs et des directeurs de casting. GérardMoulévrier fait partie de ceux qui sortent tous les soirs au théâtre repé-

rer des nouvelles têtes. Lesentreprises personnellessont aussi beaucoupappréciées comme cellesde Pascal Vuillemot, EricSeigne et Nicolas Taieb quiécrivent et tournent leurspropres fictions. Mais mener une double carrière au théâtre et au cinéma demande uninvestissement particulier. Ceux qui parviennent à jongler commePhilippe Torreton entre les tournages et les tournées en province sontrares. Clovis Cornillac l’a bien compris en décidant de se mettre à dis-position des réalisateurs : "depuis 2001, je n'ai fait que du cinéma ;j’avais la chance d’être assez sollicité au théâtre, mais j’ai tout refusé".

Ce sont les conseils de tous ces professionnels que vous trouverezdans le dossier…

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Le point de vue des comédiens

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raisons. Ce que j'aime dans lapratique des deux, c'est le reculque donne l'un sur l'autre. Jepense que ça évite la boulimie,c’est à dire de se dire dès qu'unprojet est terminé qu’il faut viterefaire une pièce, ou un film der-rière, parce qu’on a peur de l'ave-nir. Par exemple, je sais que quoiqu'il arrive, même si je ne tournepas de film entre le moment oùon se parle et mars 2007, j’ai aumoins un rendez-vous de théâtreavec Jean-Louis Benoît. Donc,ça me permet de lire correcte-ment les scénarii et d'être plusexigeant sans être influencé parmon désir de travail. Quand onfait les deux, on échappe àtoutes ces interrogations. Et puis,si on se sent un peu moinsmoteur au cinéma, on peut serattraper au théâtre…

TM : André Dussollier expli-quait (voir le n°5 de la revue)qu'il avait toujours cherché àêtre présent à la télévision, aucinéma et au théâtre. Mais,passer de l'un à l'autre n'estpas donné à tout le monde.PhT : C'est vrai, parce que pouroser se diversifier commeDussollier, et j'espère un jourfaire partie de cette famille d'ac-teurs, il faut du courage, parcequ'on sait qu'on va rater deschoses. Surtout lorsqu’on a ren-contré une forme de succès dansun genre, on est bien content decontinuer pour surfer sur lavague ! Finalement, la diversifi-cation suppose un acte volontai-re à un moment donné. Le fait defaire du théâtre m'a par exempleempêché de faire certains filmset inversement. Cela a peut-êtreaussi corroboré mon avenir à laComédie-Française. Même ausein d'une discipline : si vousenchaînez un rôle dramatiqueavec un rôle léger, ou une piècedans le subventionné avec unepièce dans le privé, les gens dumétier se demandent qui vous

êtes. Parfois, on peut avoir deschoix cornéliens à faire. Après"Ca commence aujourd'hui", onm’a proposé un film pour lequelj'aurais été très bien payé. Lescénario était tout à fait faisable,mais comme ça se passait tou-jours dans le milieu de l'éduca-tion nationale, ma curiositén'était pas titillée. J'aime bienqu'un film m’apporte quelquechose, m’aide à pénétrer un sen-timent que je ne connais pas, ouune époque. Pour moi, chaquefilm, chaque pièce doit être unedécouverte. J'ai très envie dejouer "Hamlet", "Antoine etCléopâtre", ou "Beaucoup debruit pour rien". Mais j'aurais dumal à enchaîner "Hamlet" après"Richard III". J'ai besoin de m'in-téresser à autre chose pour sen-tir de nouveau la faim.

TM : "Capitaine Conan" vous afait connaître au cinéma. Sivous n'aviez pas eu ce rôle,comment auriez-vous abordéle cinéma ?PhT : Comment répondre à cettequestion ? Peut-être qu’un autrefilm m'aurait fait connaître, ou pasdu tout. J'étais à la Comédie-Française, mais je ne savais telle-ment pas comment faire. Surtoutqu’en France, on a du mal à ouvrirles castings, à la différence desEtats-Unis, où on ne veut pas pas-ser à côté de l'acteur qui corres-pondrait exactement au rôle.Certes, il n'y a pas les assedics ettous les acteurs qui ne sont pasconnus travaillent dans des restos,ou ailleurs. Mais, ils sont constam-ment sollicités pour passer descastings de pubs, de films, ou deséries. Ça ne veut pas dire qu’ilsbossent tout le temps, mais ils ontdes opportunités de rencontrerdes réalisateurs. En France, çan'existe pas, ou très peu (même siAgnès Jaoui a pris Anne Alvarodans son dernier film et si MichelBouquet vient d'avoir le César).Les directeurs ou directrices de

casting raisonnent en fonction deleur univers.

TM : Est-ce que vous provo-quez les rencontres ? PhT : Pour "Richard III", j’ai euune démarche volontariste. Jesavais que Philippe Calvario,m'aimait bien : il m'avait proposéun rôle dans "la Mouette" que jen'ai pas fait, parce que j'étaispris. J'ai été voir plusieurs de sesspectacles, je lui ai téléphoné etl’ai invité à venir voir la pièce queje jouais à l'époque. On s'estretrouvé au restaurant, on a parlé :je lui ai dit que j'aimerais bienqu'on travaille ensemble et je luiai proposé "Richard III". Le rap-port était équilibré ; c'était autantune chance pour moi d'être misen scène par Calvario, que pourCalvario de mettre en scène"Richard III" avec moi. D’autresfois, ça m'est arrivé d'écrire à desréalisateurs, mais j'ai été inca-pable de terminer la lettre par "si un jour vous tournez un film,n'hésitez pas etc...". Je préfèrefaire confiance à la vie, et peut-être tout d'un coup me retrouverassis à côté de quelqu'un aucours d'un repas et m'apercevoirqu'on a des atomes crochus surdes tas de choses… A chaquefois que j'ai voulu être tactique, lavie s'est foutue de ma gueuledans les grandes largeurs, quece soit amoureusement, profes-sionnellement...

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TM : Pensez-vous que le ciné-ma redoute les acteurs dethéâtre ?PhT : Je crois que toutes cescraintes sont liées à une ignoran-ce des métiers des uns et desautres. Je pense que beaucoupde comédiens de théâtre disenténormément de bêtises sur lecinéma, comme "au cinéma, c'estfacile : on peut refaire". C'estfaux : on ne refait jamais ; on faitautre chose. Quand une prise estbonne, et qu’on essaie de "ladoubler", on n’obtiendra jamais leclone exact de celle qu'on a ado-rée, parce qu’elle va être bienpour d’autres raisons, mais per-dra quelque chose de la premiè-re prise qui était réussie. Il y atoujours des deuils. Je ne voispas pourquoi un acteur auraitquelque chose de plus à com-prendre parce qu'il joue authéâtre ou quelque chose à sedéfaire parce qu'il fait du cinéma.Dès l'instant qu’on sait à qui ons'adresse, le jeu s'adapte à ça. Ilfaudrait être un couillon pour semettre à parler fort à sa chériedans son lit alors qu'on a un petitmicro et qu'on est filmé en grosplan. Le coeur battant de cemétier, c'est la sincérité qu'onpeut sembler dégager, en faisantcroire à des histoires, à des per-sonnages, à des sentiments.Dans les deux cas, on y arrive,ou on n'y arrive pas. Enrevanche, la première fois qu'onfait du cinéma, qu’on vienne duthéâtre ou pas, on est déstabili-sé, parce qu'on ne comprend pasle découpage des scènes, et ilfaut gérer le temps : il y a descontraintes qui obligent àattendre et il faut savoir ne passe fatiguer de façon à être bienau rendez-vous quand il a lieu,d'où la phrase de Louis Jouvet"l'important, c'est d'avoir unebonne chaise". Donc, je ne croispas à une fatalité de l'acteur dethéâtre, qui aurait un mal dechien à faire du cinéma. Pour

moi, les barrières viennent dudésir, de la vie... C'est un métierdans lequel on passe le bac tousles jours. On risque très vite dene plus susciter le désir des unset des autres, pour peu qu'on seplante dans un rôle, ou parcequ’il y a tellement d'acteurs... Leproblème, c'est aussi qu'on esttrès nombreux. On voit bien cequi se passe avec les intermit-tents.

TM : Est-ce que ça veut dire quevous travaillez tout le tempspour entretenir ce désir ?PhT : Ah oui ; je bosse tout letemps. Mais, c'est très difficile-ment définissable et quantifiable,parce que c'est un métier quimélange l'instinct, des connais-sances, mais aussi du travail...Déjà apprendre le texte. Pourmoi, il ne s’agit pas juste de lesavoir par coeur, mais de passerdu temps à penser à ce que jevais faire. Parfois, ça vous donnel'air bête dans la rue, parce quevous remuez les lèvres en mar-chant. Ou dans les ascenseurs :parfois, je parle tout seul etquand la porte s'ouvre, les genssont consternés de voir qu'il n'yavait qu'une personne alors qu'ilsont entendu une conversation,des engueulades... C'est un tra-vail au quotidien, obsédant. Jepeux penser au rôle en dormant,en me réveillant, mais il n'y a pasun moment donné où je vaism'enfermer trois heures dansmon bureau pour bosser. C'estune préoccupation active, quientraîne du travail. Souvent lescomédiens ont tendance à lire, àaller voir des expos, à regarderdes films, pour donner une baseconcrète à cette préoccupation.Un peu comme pour un athlèteen saut en longueur, qui sait quec'est à force de s'entraîner qu'ilva finir par y arriver. Mais quandon s'apprête à jouer Jaurès pourla télévision, par exemple, qu'est-ce que ça veut dire s'entraîner à

jouer Jaurès ? Eh bien, c'est ypenser, lire, relire le scénario,l'apprendre par coeur et pouvoirdire "comment j'aurais fait à saplace ? Avec ses mots, aveccette situation, est-ce que jepeux comprendre ça ?" C'est à lafois se mettre à disposition, à laplace de l’autre tout en s'accapa-rent ses sentiments et ses pro-pos.. Et le résultat, c'est de fairecroire que ce personnage auraitpu être comme ça, et pas en faireune copie conforme. Etre ni soi-même, ni l'autre, mais entre lesdeux, et convaincre… Plus ça va,moins je crois au personnage,qui n'existe pas. Un auteur, defilms ou de pièces, envisage dessentiments, un parcours, mais,pour moi, ce qui compte, c'est laprécision de ce qui est dit, l'exac-titude des situations et après,quelque chose va naître ou pasentre cette écriture, le metteur enscène et les acteurs. Mais, on nedevient pas un personnage, onrend compte de quelque chose àtravers soi, grâce à soi, ou àcause de soi. Puisque c'est moi,Napoléon aura cette gueule là. Eten même temps, je vais quandmême essayer de faire un trucqui ne va pas vous empêcher derêver que ça pourrait êtreNapoléon. Donc, il y a un cheminà faire, physique et mental, versl'autre. Et en même temps,comme on sait très bien qu’on nele sera jamais, il faut le ramenerà soi.

TM : Si vous aviez à choisirentre le cinéma et le théâtre,qu'est-ce qui vous plairait leplus ?PhT : Je serais très embêté.C'est comme si j'avais deuxenfants : il ne me viendrait jamaisà l'esprit de choisir entre l'un oul'autre. C'est vraiment un choixde Sophie. J'ai vraiment l'impres-sion de marcher sur deux jambeset je n'ai pas envie de devenirunijambiste, pour de multiples

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Clovis Cornillac débute authéâtre à quinze ans avecPeter Brook : il joue dans"Le Mahabharata", puisdans "Une lune pour lesdeshérités" mis en scènepar Alain Françon.

En même temps, il tourne : "j'ai com-mencé au cinéma avec "Hors-la-loi"un film de Robin Davis, qui travaillaitavec Alain Françon. Ensuite, j'ai tou-jours eu besoin de beaucoup tour-ner, surtout des films d’auteurs etbeaucoup de téléfilms"...

Pourtant, il donne la priorité authéâtre : "j'étais très lié à Françon,j'aimais beaucoup Langhoff. Et puis,le théâtre me permettait de vivre destextes formidables, de travailler avecdes gens qui étaient extrêmementpointus". A l’inverse des rôles "depetits cons, parce que j'étais jeune"qui lui sont proposés au cinéma.

Jusqu’à "Karnaval" en 1999 qui luivaut une nomination pour le Césardu meilleur espoir. Le "coup de bol"pour Clovis, qui a "un petit coup defatigue du théâtre. Le cinéma a prisle relais d'une manière assezmagique, enfin inattendue en toutcas”. En fait, il provoque un peu leschoses : "c'est vrai que depuis 2001,je n'ai fait que du cinéma ; j’avais lachance d’être assez sollicité authéâtre, mais j’ai tout refusé". Etdepuis "Karnaval", il a tourné près detrente films, dans des registres trèsdifférents : "le cinéma est un aspira-teur, parce que si ça sourit pourvous, il y a énormément de sollicita-tions, beaucoup de rôles qui vousdonnent envie d'aventures diffé-rentes. Et moi, j'ai la nécessité dechanger d'univers". Ayant toujourstourné, il n’a pas eu à s’adapter à lacaméra. Il reconnaît cependant que"ce n’est pas le même exercice. Déjàdans sa pratique et en plus endehors. Il y a tout ce qu'on appelle lapromotion, qui n'existe pas authéâtre subventionné et qui prend

beaucoup de temps, d'énergie".Difficile dans ces conditions d’êtreprésent en même temps au théâtre :"à chaque fois, on regarde sur un anou deux ans avant. Je vais refaireune pièce avec Alain en 2007,L'hôtel du libre-échange de GeorgesFeydeau, parce que j'ai bloqué uncréneau depuis un petit moment".Curieusement, depuis qu’il estmédiatisé, il reçoit surtout des propo-sitions pour jouer des pièces dans leprivé : "parce que le privé fonctionneen production un peu comme le ciné-ma". S’il n’a jamais démarché desréalisateurs, "je pars du principe qu'ilvaut mieux aller là où on a envie devous. Chaque fois que les gens medésiraient, que ce soit à la télé, au théâtre ou au cinéma, j'y allais", ilreconnaît qu’il faut être connu desdirecteurs de casting : "il faut êtredans leurs fiches pour être remarquéquand ils vont au théâtre". L’agent sechargeant de gérer la carrière "enco-re faut-il que quelque chose soit misen route".

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Denis Podalydès : "Il faut jouer dans un filmqui est un succès"

TM : Avec qui rêvez-vous detourner ? PhT : Clint Eastwood surtout.Mais, je ne veux pas réduire meschances par des engouements,parce qu'on peut s'abîmer à forcede vouloir absolument tourneravec quelqu’un et chaque jour quipasse sans qu'on puisse le fairedevient un deuil. J'essaie d'avoirdes désirs larges, vagues, plutôtque de cibler un rôle, un réalisa-teur ou une réalisatrice. Alors, jecrois surtout aux projets. EnFrance, j'aime bien les films deMichel Blanc, ceux de NicoleGarcia, d’Anne Fontaine, deXavier Beauvais. J'ai adoré"Fauteuils d'orchestre" de DanièleThomson... Ce qui compte, c’estde sentir chez l'autre qu’il possèdeson histoire, qu'il a vraiment enviede la raconter, même s'il n'a rienfait avant. C’est pour ça que j'aitourné les premiers films deNoémie Lvovsky, LaurentChouchan, François Hanss…

TM : Quel conseil donneriez-vous aux comédiens de théâtrequi cherchent à tourner aucinéma ?PhT : Si j'avais couru les cas-tings, fait des photos, démarché,cherché à être invité aux pre-mières sans l’être,..., je pourraisleur dire "évitez ce genre deconneries". Mais, j'ai fait duthéâtre et un réalisateur qui étaitlà m'a remarqué et c’est ce quime fait dire "faites du théâtre". Onne perd pas son temps sur unescène en attendant de décrocherun rôle au cinéma. Je ne croispas qu'il y ait une démarche pré-cise à faire. Tout existe : il y a descomédiens absolument nuls quisortent du conservatoire, de lamême façon, qu'on peut devenirun acteur de génie sans avoirjamais fait d'école. Le plus beauconseil qui ait été donné auxacteurs, je l’ai trouvé dans unepièce de Molière, qui fait dire à unde ses personnages : "il faut faire,il ne faut pas dire". Si on n'a pasla chance de jouer au théâtre, il

faut prendre un métier. Si un jourça s’arrêtait pour moi, je trouve-rais un autre boulot, mais je n’at-tendrais pas que quelque chosese passe.

TM : Quels sont vos projets ? PhT : La pièce russe "Malheur à l'intelligence", d’AlexandreGriboiédov, mis en scène parJean-Louis Benoît en mars 2007à Chaillot, un film pour le cinémasur "La Fontaine" réalisé parDaniel Vigne, qui avait fait "Leretour de Martin Guerre", et à larentrée, "Adam et Ève", le pre-mier long métrage du dramaturgeMichel Deutsch. C'est une fable,une comédie à la fois sociale,politique en même temps trèsdrôle, sur le parcours d'un rêveur,un affabulateur qui va être obligéde revenir à la vie.

Propos recueillis par HC

BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)

FORMATION1990 Conservatoire National Supérieurd’Art Dramatique

THEATRE1990 entre à la Comédie Française1994-1999 sociétaire de la ComédieFrançaise

Rôles1990 Le médecin malgré lui, le médecinvolant, de Molière, mes de Dario Fo1990 Lorenzaccio, d'Alfred de Musset,mes de Georges Lavaudant1991 Le malade imaginaire, de Molière,mes de Gildas Bourdet1991 Père, de Strindberg, mes dePatrice Kerbrat1992 George Dandin, de Molière, mesde Jacques Lassalle1993 Le faiseur, de Honoré de Balzac,mes de Jean-Paul Roussillon1994 Hamlet, de Shakespeare, mes deGeorges Lavaudant1995 La double inconstance, deMarivaux, mes de Jean-Pierre Miquel1997 Les Fourberies de Scapin, deMolière, mes de Jean-Louis Benoit1999 Henri V, de Shakespeare, mes deJean-Louis Benoit 2002 Le limier, d'Anthony Schaffer, mesde Didier Long2005, Richard III, de Shakespeare, mesde Philippe Calvario

CINÉMA1991 La Neige et le feu, de ClaudePinoteau1992 L 627, de Bertrand Tavernier1993 Une nouvelle vie, d’Olivier Assayas1994 L'ange noir, de Jean-ClaudeBrisseau1994 Oublie-moi, de Noémie Lvovsky1995 L'appât, de Bertrand Tavernier1996 Le bel été 1914, de Christian deChalonge1997 Capitaine Conan, de BertrandTavernier1998 Ça commence aujourd'hui, deBertrand Tavernier2000 Tôt ou tard, d’Anne-Marie Etienne 2000 Félix et Lola, de Patrice Leconte 2001 Vertige de l'amour, de LaurentChouchan2002 Monsieur N., d’Antoine De Caunes 2005 Les chevaliers du ciel, de GérardPirès2005 Le Grand Meaulnes, de Jean-Daniel Verhaeghe2006 Adam et Eve, de Michel Deutsch

TELEVISION2004 Jaurès, naissance d'un géant, deJean-Daniel Verhaeghe 2004 Les rois maudits, de Josée Dayan2004 Eté 44, de Patrick Rotman

RECOMPENSE1997 César du meilleur acteur pourCapitaine Conan

Comme si c’était moi,de Philippe Torreton

"Un récit sur mon métier, sur moi qui joue".

Editions Le Seuil ISBN : 2020639750, 256 pages,

17,00 €

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Clovis Cornillac : "Il vaut mieuxaller là où on a envie de vous"

Sociétaireau Françaisd e p u i s2000, DenisPodalydèst o u r n erégul ière-ment. Pas

seulement avec son frère,mais aussi avec des réali-sateurs comme ArnaudDesplechin, François Du-peyron, Michael Haneke,Valeria Bruni-Tedeschi ouMichel Blanc.

Depuis "Versailles rive gauche",réalisé par son frère, DenisPodalydès enchaîne les films :"Heureusement, j'ai un frère etmon meilleur ami qui sont réalisa-teurs, parce que je ratais tous lescastings que je passais". Parchance, ce premier film est un suc-cès et d’autres réalisateurs le solli-citent : "il faut jouer dans un filmqui est un succès. Le système ducinéma est tellement frileux qu'ilne peut pas accepter un acteur quin’a fait aucun film". Dans ces conditions, le théâtre necompte pas ou peu : "aujourd'hui,un acteur ne va jamais se faireconnaître uniquement par lethéâtre ; même les stars de la

scène, à qui on déroule un tapisrouge, sont royalement mécon-nues au cinéma et donc ni payées,ni respectées en conséquence. Cane les incite pas à refaire un film".Pour garder sa place, il accepte lesseconds rôles, demande peu et sefie aux conseils de son agent : "j'aiun agent qui me dit "là, c'est bienque tu fasses ce film, pour te posi-tionner, pour ne pas qu'on t'ou-blie". En revanche, il met un pointd’honneur à ne jamais démarcher"même à la Comédie-Française,même auprès de mon frère. Jetrouve qu'un acteur doit se taire.Regardez Piccoli : il n'a jamais dit"je voudrais faire ça".

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L’avis des réalisateurs

Alain Corneau : "Je préfère voir un acteur au théâtre que jene connais pas plutôt que de lui faire passer un casting"

Il tournera à partir du mois d’octobre un remake du film de Jean-Pierre Melville "Le Deuxième Souffle", avec Daniel Auteuil,Monica Bellucci et Fabrice Luchini…

Jeanne Biras : "C’est l’intensité et l’échelle de jeu qui différen-cient les acteurs de théâtre et de cinéma"

Ex-directrice de casting, Jeanne Biras est passée à la réalisation. En2004, elle a tourné "Au suivant" avec Alexandra Lamy et ClovisCornillac, deux acteurs issus du théâtre.

Théâtral magazine : Comment unacteur de théâtre peut-il se faireremarquer de vous ?Alain Corneau : Il faut que je le voisjouer quelque part. Les CV et les photospeuvent renseigner, mais pas me tou-cher. Je préfère voir un acteur authéâtre que je ne connais pas plutôt quede lui faire passer un casting, parcequ’au théâtre, on peut le voir plus long-temps.

TM : Faîtes-vous appel aux direc-teurs de casting ?AC : Quand j'ai commencé à faire ducinéma, il n’y en avait pas. J’ai donc prisl'habitude d'être très proche du choixdes comédiens. Je peux me faire aiderquand il faut chercher des enfants, oudes très jeunes adolescents, ou quandje n’ai pas d’idées précises sur un rôle.

TM : La production doit vous impo-ser des gens aussi…AC : Tout est relatif. Le cinéma est fait

avec de l’argent et selon les budgets,effectivement, on peut avoir des enviesde gens dits connus. Ca rassure les pro-ducteurs et les chaînes de télévision quisont co-productrices : si le film passe surleur antenne, il fera plus d’audimat. Mais,nous ne sommes plus à l’ère du star-sys-tem. Avant une star faisait des pré-ventesà l’étranger systématiquement et remplis-sait les salles la première semaine.Aujourd’hui, personne ne répond à cesdeux critères-là ; le public a compris quec’était le sujet qui comptait et qu’il fallaitavoir les meilleurs comédiens possiblesdans les rôles les plus adaptés.

TM : Ne pensez-vous pas qued’autres critères peuvent comptercomme la photogénie ?AC : Non. Il y a tellement d'exemples oùon dit "c'est un bon acteur de théâtre,mais il ne passe pas au cinéma" et puiscinq ans après, le même acteur fait un filmoù il passe miraculeusement bien. Si unacteur est bon, il l’est au théâtre et au

cinéma. Par contre, il y a des acteurs dethéâtre qui n'ont pas eu beaucoup dechance, qui sont un peu angoissés, quiont un rapport difficile avec le film qu'ilsfont ou avec le metteur en scène… Évi-demment que le jeu n’est pas le même.On ne porte pas la voix de la mêmefaçon, on a un rapport au public différentet on n'a pas la même approche. Et puis,il faut reconnaître au cinéma qu’il permetd’exploser dans un film sans avoir d'anté-cédent, alors qu’il y a très peu de gens,qui de la rue, surgissent sur un plateau dethéâtre.

TM : Quel conseil donneriez-vousaux comédiens ?AC : De ne pas attendre les castings, detravailler, de faire de la pub, de faire unpetit spectacle, de le faire capter et d’es-sayer d’aller au Off d’Avignon...

Théâtral magazine : Pourquoi choisirdes acteurs qui ont fait beaucoup dethéâtre ? Jeanne Biras : C’est une comédie àl’ancienne, filmée en plans moyens etlarges de trente secondes et j’avaisbesoin d’acteurs qui aient fait de lascène, parce qu’ils savent se servir deleur corps sur une longue durée.

TM : Comment les avez-vousrecrutés ?JB : Il y avait un mélange de gens repé-rés, de gens rencontrés. Mais, quand onprépare un film, il faut rejeter les désplein de fois par rapport à son idée préa-lable. Isabelle Nanty, qui était prévue audépart, n’a pas pu faire le rôle. Donc, j’aireconsidéré la partition pour Alexandra.

TM : Les acteurs de théâtre doivent ilmodifier leur jeu au cinéma ?

JB : Oui. Souvent, ils donnent trop devoix au casting parce qu’ils ne maîtri-sent pas la distance avec la caméra.C’est l’intensité et l’échelle de jeu quidifférencient les acteurs de théâtre etde cinéma. Quand j’ai commencé, j’aivu des comédiennes demander aucadreur quelle était la focale, et sepositionner en fonction de la réponse.Ca consiste à jouer pour la focale,c'est-à-dire la taille du plan. C’est unapprentissage.

TM : Dans quelle mesure la photogé-nie compte t-elle ?JB : C’est un critère très important.C’est un don de la nature qui n’a rienà voir avec le travail : c’est la texturede la peau, les os, les angles,… Lesyeux très enfoncés et sombres sontpar exemple difficiles à filmer : on voitun gouffre et il faut des petits projec-

teurs pour éclairer le regard.

TM : Quels sont les critères que vousretenez chez un acteur ?JB : Je ne retiens que les gens qui metouchent, c’est-à-dire totalement enadéquation avec leurs moyens. Il ne fautpas chercher à en faire trop ou àcamoufler quelque chose. C’est uneforme de talent et d’intelligence qued’avoir pris conscience de ses qualitéset défauts.

TM : Quel sera le thème de votre pro-chain film ?JB : Pour l’instant, j’écris. On peut direque ça va traiter des démons de minuit.J’écris une partition pour des gens âgés,entre soixante et soixante-quinze ans,mais très en forme. En France, on a desacteurs prodigieux dans cette tranched’âge.

Mélanie Thierry :"Je me suis toujours dit qu’onm’embauchait parce que j’étaismignonne"

Depuis l’âge de quatorze ans, elletourne pour le cinéma et la télévi-sion. Elle débute au théâtre dans"Le Vieux juif blonde".

Ça m’amusait d’être sur un plateau de cinéma, ça mechangeait de l’école. On prend soin de moi et je voyage,je rencontre plein de gens de cultures différentes et c’estenrichissant. Au début, ça me terrorisait de jouer, parceque je n’avais pas confiance en moi. Je me suis toujoursdit qu’on m’embauchait parce que j’étais mignonne. Enfait, je ne trouve pas difficile de tourner. Pour moi, ça a étéplus compliqué de faire du théâtre, parce qu’il fallait quej’arrive à intégrer une famille.

Nicolas Vaude :"Les réalisateurs ne pensentpas forcément aux acteurs quijouent au théâtre"

Actuellement rôle titre de"Pygmalion", il tourne aussi pourle cinéma.

Au théâtre, c'est très intéressant de faire une compo-sition. Mais au cinéma, ça demande un abandon. Jepense qu'on a besoin d'être plus en accord avec sonrythme cardiaque et ça peut être plus ardu que dejouer une pièce. Et puis, les réalisateurs ne pensentpas forcément aux acteurs qui jouent au théâtre. J’aides rendez-vous grâce à Régine Alonso, mon agent.Mais, c'est à nous aussi, d'essayer de sortir de là,d’aller vers eux, d'être un petit peu en avance enlisant des scénarii ou des livres qui pourraient donnerdes sujets de films. Je pense que ça demande uninvestissement particulier.

Pascal VuillemotActuellement dans "Rhinocéros",de Ionesco mis en scène parEmmanuel Demarcy-Mota

Moi, j’ai invité des directeurs de cas-ting comme Gérard Moulévrier, quiest venu voir "Rhinocéros". Mais, jesuis assez sauvage et j’ai fait très peude démarches. Peut-être parce quequand on joue au théâtre, on a moinsla nécessité de chercher. Peut-êtreaussi parce que j’aime écrire des his-toires aussi bien pour le théâtre quepour le cinéma : des longs et desmoyens métrages. J’ai loupé le Cncd’une voix pour un moyen métrage detrente minutes sur l’Afrique. Je mesuis dis qu’il fallait agir et prouver ceque je savais faire en tournant moi-même des courts à Paris en bas dechez moi. Depuis novembre, j’en aifait deux actuellement en montage etil y en a deux autres à venir, dont unavec Eric et Nicolas. Je les tourneavec ma caméra numérique, puis jeles monte avec une petite équipe.Mais, je suis d’abord comédien et sion me propose des rôles, je fonceraisbien sûr !

Nicolas TaiebPrix d’interprétation au festivalde Clermont Ferrand 2006 pour"Comme un lundi" d’IvanRadkine.

Je connaissais Ivan Radkine le réa-lisateur, parce qu’on a fait le coursFlorent ensemble, et que je l’airecroisé par hasard après leConservatoire. Comme je n’ai pasd’agent, je me débrouille tout seul,j’écris à des réalisateurs et à desmetteurs en scène. Avec Eric, ons’est rendu compte qu’on ne décro-chait pas les premiers rôles et ons’est mis à écrire des petites chosesdialoguées d’une minute pour latélé. On a par exemple fait unesérie, "Les Biblis", qui est un mélan-ge de Tex Avery, de Chapi Chapo etdes Monthy Python, qui est passéesur Canal Plus. Ca ne coûte rienpuisqu’on tourne en numérique etque j’ai installé un studio de monta-ge chez moi. L’intérêt d’écrire àdeux, c’est qu’on se marre et que çaapprend à mieux lire les scénarii. Ona choisi de bien faire les choses, cequi prend un peu de temps.

Eric SeigneJoue dans "Comme un lundi" etdans le long métrage "le Journalquatre" qui sort prochainement

Comme c’est un métier difficile,c’est important d’être entouré parquelques amis fidèles sur lesquelson peut compter humainement etavec qui on peut aussi partager desaventures professionnelles. J’aijoué dans de nombreux films et télé-films sans faire beaucoup dedémarches à part inviter des gensque j’apprécie à l’occasion de pro-jections ou de représentations. Enfait, je compte beaucoup sur la qua-lité de mon travail, ce qui est uneapproche un peu naïve parce qu’au-jourd’hui, les relations publiquessont une partie importante dumétier. C’est pourquoi, avecNicolas, nous avons décidé de nousdonner des premiers rôles en écri-vant et en tournant nos propres pro-jets. Aujourd’hui, il faut être soi-même une force de proposition,parce que si on attend tout desautres, il ne se passe rien.

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Pascal Vuillemot, Nicolas Taieb et Eric Seigne :"Ce qui nous caractérise tous les trois, c’est d’entreprendre des choses"

Ils se sont rencontrés au Conservatoire. Aujourd’hui, ils continuent leurs car-rières respectives tout en montant des projets communs.

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Doss ier L’influence du directeur de casting

Le rôle de l’agent

Théâtral magazine : Comment recrutez-vous les acteurs de vos films ?Caroline Huppert : Je continue à aller beau-coup au théâtre. Je m’y ressource, et j’obser-ve le jeu de l’acteur. Le fait d’avoir commen-cé par le théâtre m’a beaucoup apporté dansla direction d’acteurs à l’écran. Et aujourd’hui,je privilégie toujours les comédiens qui ontune bonne formation théâtrale, car je saisqu’avec eux, le travail sera plus enrichissant.Néanmoins, avec ma directrice de castingNora Habib, nous faisons passer des essaisà tous les comédiens pressentis pour chaquerôle à distribuer, et parfois nous avons dessurprises...TM : Avez-vous des "coups de cœur"pour des comédiens inconnus ?CH : Oui, chez les jeunes acteurs, la part ins-tinctive est très importante, et certains, quin’ont que peu de formation, réussissent d’ex-cellents essais. Et paradoxalement, descomédiens de théâtre à l’expérience riche denombreux rôles peuvent rater leurs essais,car ils chargent trop. Ils expriment tout, alorsqu’à l’écran, il faut savoir garder du mystère.

TM : Comment apprendre à maîtriser lacaméra ?CH : La caméra et l’acteur doivent s’apprivoi-ser mutuellement. L’expérience apporte unemeilleure compréhension de la lumière etdes cadrages, ce qui peut mettre en valeurl’interprétation. Mais l’émotion, je crois, nes’apprend pas. Il me semble que c’est plutôtun don.

TM : Le manque de notoriété au théâtren’est-il pas un frein lors des castings ?CH : Pour les petits rôles, non. Pour les rôlesprincipaux, on va rechercher des "têtes d’af-fiche", et il est vrai qu’il est plus difficile qu’au-paravant d’acquérir une réputation unique-ment par le théâtre. Nous sommes plutôt àune époque où les directeurs de salles despectacle espèrent les remplir avec desvedettes de la télévision, des animateurs oudes chanteurs...

TM : Comment dirigez-vous les comé-diens ?CH : Les tournages de téléfilms sont très

rapides. J’essaie de travailler avec lesacteurs pendant la période de préparation.Nous faisons des "lectures", pendant les-quelles nous précisons les rôles. Nous défi-nissons les attitudes, la manière de parler, lerythme, l’allure, les costumes, etc, en rapportavec la psychologie des personnages.Lorsqu’arrivent les prises de vue, il est sou-haitable qu’il n’y ait plus à ce stade de dis-cussions de fond, mais seulement des préci-sions de détail.

TM : Que conseillez-vous aux comédiensde théâtre qui voudraient tourner ? CH : Si on a un agent assez actif, c’est plusfacile pour la mise en relation avec les direc-teurs de casting. Sinon, il faut vraiment sedémener, envoyer des invitations, ou desdvd. Pour ma part, je n’organise jamais derendez-vous avec des acteurs en dehors despériodes de préparation, mais je demande àNora Habib de convoquer un maximum depersonnes aux essais, pour que chacun aitsa chance.

Caroline Huppert : "À l’écran, il faut savoir garder du mystère"

Elle a mis en scène une dizaine de pièces de théâtre avant de tourner des films et téléfilms.Elle y a dirigé de nombreux comédiens dont l’expérience théâtrale était importante,comme Isabelle Carré, André Dussollier, Nicole Garcia, Niels Arestrup, Didier Bezace,Danièle Lebrun, Isabelle Gélinas, Romane Bohringer…

Gérard Moulévrier : "J’essaye depuis toujours d’emmener aumaximum les gens du théâtre au cinéma et à la télévision"

Gérard Moulévrier sort au théâtre presque tous les soirs pour repérer des acteurset proposer leurs noms aux réalisateurs avec qui il travaille.

Charles Nemes : "Il faut aller à tous les castings parce que c’estcomme ça qu’on rencontre les réalisateurs"

Son prochain film, "Le Petit Robert", sera une "comédie distinguée". De "La Fiancéequi venait du froid" à "La Tour Montparnasse infernale", les acteurs de ses films sontaussi bien issus du théâtre que de la télévision.

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Théâtral magazine : Pourquoi le cinémaet la télévision n’engagent-ils pas systé-matiquement des acteurs formés authéâtre ?Charles Nemes : Beaucoup d’acteurs decinéma ont étudié la comédie sans qu’on lesache. La plupart de mes interprètes du"Carton" avaient tous une vie dramaturgiqueavant la télévision. Sauf Omar et Fred, maiseux avaient préparé leurs rôles avec JulieVilmont, un coach très expérimenté. Il y ades acteurs qui sont arrivés par le cabaret oula chanson. Et puis, il arrive qu’on découvredes talents naturels. Le théâtre n’est pas unobstacle au désir artistique des réalisateurs.Mais il peut leur faire peur : les acteurs trèsentraînés à la scène leur semblent incontrô-lables. Je crois plutôt que ce sont les che-mins qui mènent à la notoriété qui sont en

cause. Le cinéma est une industrie très égo-centrique qui prétend choisir seule sesenfants ou les révéler elle-même. Et il estimequ’il n’a pas sa part de construction de lavedette avec quelqu’un qui sort duConservatoire National, entre à la ComédieFrançaise et sert les grands textes.

TM : Alors comment décrocher des rôlesau cinéma ?ChN : Il faut accepter tous les castings etjouer à chaque fois comme si c’était la pro-position la plus importante de sa vie, mêmepour des petits rôles ou des courts-métrages, parce que c’est comme ça qu’onrencontre les réalisateurs. Réussir unechose courte pour commencer à travailleravec quelqu’un, ce n’est pas dégradant. Et ilfaut inviter les gens à voir son travail sur

scène : pour ma part, j’essaie d’y aller le plussouvent. Je travaille aussi avec des direc-teurs de casting comme Gérard Moulévrierou Françoise Ménidrey, qui vont au théâtretous les soirs, connaissent parfaitement lesacteurs et ne me présenteront jamais quel-qu’un de calamiteux – bien au contraire. Etpuis, il faut comprendre qu’aujourd’hui, pourles rôles principaux, les réalisateurs sontcontraints par les exigences des partenairesfinanciers.

Théâtral magazine : Les réalisa-teurs disent que vous allez authéâtre presque tous les soirs… Gérard Moulévrier : C’est vrai etj’essaye depuis toujours d’emmenerau maximum les gens de théâtre aucinéma et à la télévision.

TM : Est ce que vous parvenez àimposer des premiers rôles ?GM : Il est évident que si vous arri-vez avec trois noms inconnus, ça nepasse pas. Je suis content parceque sur "Ensemble, c’est tout", lefilm de Claude Berri, sur les troisrôles principaux, deux sont tenuspar Audrey Tautou et GuillaumeCanet et le troisième par LaurentStocker, de la Comédie Française etsi le film marche, c’est encore quel-qu’un qu’on va redemander.

TM : Décrocher un rôle, ce n’estpas difficile, mais comment faireune carrière ?GM : Soit il y a des rencontres avecdes metteurs en scène, soit avecdes films. Si ça marche, la carrièredémarre tout de suite ; sinon, çaprend beaucoup plus de temps.L’idéal serait de pouvoir tournerdans la journée et jouer le soir. C’esttrès difficile surtout quand on a destournées de six mois, ou d’un an enprovince. Pour pouvoir dire "je veuxtourner dans votre film mais seule-ment tels jours", il faut avoir suffi-samment de notoriété, même sansêtre une star, parce que ça modifiele plan de travail. Après, arrêter lethéâtre pendant un an, c’est pos-sible quand on est connu et qu’on ades rôles principaux, mais ça ne suf-fit pas pour vivre si on tourne trois

ou quatre jours dans l’année.TM : Comment se faireremarquer ?GM : La première chose à faire,c’est d’être bon dans un spectacle etd’inviter les directeurs de casting quipourraient vous faire travailler à levoir. C’est bien d’avoir un agentparce qu’ils font appel à eux, mais sivous n’en avez pas, il faut envoyerrégulièrement des photos et un CVpour dire que vous jouez toujours,même si on ne vous appelle pas.Après, c’est vrai qu’il n’y a pas dutravail pour tout le monde.

TM : Comment être informé destournages ?GM : Pour le cinéma, en lisant LeFilm français. Pour les salles, je croisqu’il faut appeler les théâtres et sedéplacer.

Théâtral magazine : Parmi les comé-diens dont vous vous occupez, y ena-t-il beaucoup qui sont issus duthéâtre ?Régine Alonso : La plupart. Ils ont tousfait du théâtre et y reviennent régulière-ment. Les plus jeunes sont originairesdes conservatoires. Sauf quelques-unsqui viennent du court-métrage, mais quiont quelque chose d'inné.

TM : Quels sont les critères de choixdes réalisateurs ? RA : Les castings sont d’abord liés auphysique, à l'âge, à la taille, à la couleurdu cheveu. On veut des gens qui ontune ressemblance avec le personnage,ou une personnalité. C’est le cas deNicolas Vaude... Mais de plus en plus,le théâtre devient synonyme de qualitéd'acteurs.

TM : Comment faire pour avoir unagent ?RA : Il faut chercher celui qui va suffi-samment croire en vous, et vous décro-cher des bons rendez-vous. Donc, il fautse trouver un agent qui a des ouverturesdans le cinéma, c’est à dire qui a accèsaux castings et n’attend pas qu’un réali-sateur l’appelle... C’est le cas s’il s’occu-pe déjà d’acteurs dans le cinéma. C’estaussi le cas des grandes agences quiont les portes ouvertes partout. Et sur-tout, quand on a un bon rôle et qu'enplus on joue sur Paris, il ne faut pashésiter à appeler et à faire en sorte queles gens d'images que l'on respecte,qu'on aime et avec qui on a envie detourner viennent. C'est un travail de per-suasion à faire soi-même quand on n’apas d’agent. Mais, surtout sans qué-mander. Il faut que les acteurs soient

conscients qu'ils sont très importants etque sans eux, il n'y a rien. On appelle lesgens d'égal à égal pour dire "voilà, j'aibesoin de vous ; vous avez peut-êtrebesoin de moi : venez me voir".

TM : Est-ce qu’ils se déplacent ?RA : Ils vont là où tout le monde va. Jepense que c'est lié au peu de travail qu'ily a pour le moment. Tout le monde sedemande quoi faire avec tous cesacteurs.

TM : Quels sont vos critères de recru-tement dans l’agence ?RA : C'est d’abord un coup de coeur.Ensuite, on demande une formation, doncde sortir d’un cours, le Conservatoire, lecours Périmony… Et puis, c’est plus facileaussi quand ils sont jeunes.

Régine Alonso : "Il faut se trouver un agent qui a des ouvertures dans le cinéma"

Régine Alonso travaille pour l’agence France Degand qui s’occupe notamment de Claude Rich, BrunoCrémer, Jean-Pierre Marielle, Michael Lonsdale, Nicolas Vaude, Jean-Pierre Darroussin…

Charles Nemes est aussi l’auteurde 3 romans"Je hais mon chien""Pourquoi les coiffeurs ?""N’oublie pas mon petit cadeau"(sorti en mars chez JC Lattès)

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et le comique. C’est délicieux deglisser de l’un à l’autre.

TM : Comment avez-vous ren-contré Daniel Mesguich ?ChH : C’est la première personnequi m’a fait travailler en France. Ilest venu à Bruxelles au théâtreVaria quand je jouais "Le Songe

d’une nuit d’été", mis en scène parMichel Dezoteux. Il était là pourdonner une conférence et il estresté voir le spectacle. Il m’a atten-du à la sortie et il m’a engagé toutde suite, dans la première versionde "Boulevard du boulevard duboulevard". Et après ça s’estenchaîné.

TM : Vous faites du cinéma pen-dant les vacances. Ca représen-te quoi pour vous ?ChH : C’est passionnant, mais celademande de réduire… Je ne faispas ce que je fais sur scène. Ce jeutrès exubérant que j’ai, je n’y ai pasdroit au cinéma, sauf pour desexpériences exceptionnelles.

TM : Est-ce frustrant ?ChH : Ca l’a été mais ça ne l’est plusparce que je commence à prendreplaisir à souligner moins le trait.

TM : Faites-vous des démarchespour jouer ?ChH : Je prends ce qu’on me donne.Autant au théâtre, je peux écrire unelettre à un metteur en scène pour luidire que j’aimerais travailler avec lui,mais au cinéma, je lui laisse le soinde venir. Je dis "non" souvent, parceque je suis déjà pris au théâtre. Etpuis, actuellement, le fait de travaillerau Théâtre du Rond Point me faitrencontrer beaucoup de gens. Jepeux discuter, échanger des pointsde vue.

TM : Quels sont les critères quivous font accepter un rôle ? ChH : Il faut qu’il y ait au moins unfacteur positif : soit la mise en scène,soit les partenaires, soit le texte.Après, on peut être moins regardantsur tel ou tel aspect. Mais, j’ai surtoutenvie de travailler avec des genscomme Jérôme Deschamps et ceuxavec qui je travaille déjà…

TM : De quoi vous inspirez-vouspour composer vos person-nages ? ChH : Je lis des choses qui n’ontrien à voir avec le théâtre. Lire unepièce, pour moi, c’est très difficile.J’ai une culture d’image, de dessin,de bande dessinée, de plastique, de

marionnette, de sculpture. J’aime lamusique et je joue du saxophonesoprano et baryton et de la basse.Je fais partie d’un orchestre. J’ai faitdu cirque aussi. A trente ans, j’aidécidé de tout arrêter, parce quej’avais envie de goûter à la piste,d’être vu à trois cent soixantedegrés.

TM : Seriez-vous tenté par unseul en scène ?ChH : On m’en a beaucoup parlé.C’est vrai que j’aime bien lesmoments où je suis seul en scèneau cours d’un spectacle. Mais j’ai-me aussi l’effervescence. Pourmoi, les idées viennent en commu-nauté.

TM : Quel conseils donneriezvous à des jeunes comédiens ? ChH : Il ne faut pas trop attendre dela mise en scène et du metteur enscène. Il faut que l’acteur se disequ’il a une plus grosse responsabili-té qu’il ne pense. J’ai remarqué, quelorsqu’on sortait de l’école, on atten-dait énormément des metteurs enscène ou des réalisateurs. Maisl’acteur a une plus grosse part deresponsabilité que ça. Quand il lesait, il souffre moins pendant lesrépétitions.

TM : Lorsque vous avez un pro-blème sur un rôle, commentfaites vous pour débloquer ?ChH : J’inverse la situation.J’essaye de jouer l’inverse de ceque je devrais jouer. Par exemple,dans "Boulevard du boulevard duboulevard", au début, je joue le per-sonnage du mari trompé. J’ai trouvéune clé : faire de ce personnagequelqu’un d’extrêmement heureux.Ca fait donc un truc très étonnant,mais ça peut fonctionner.

Propos recueillis par HC

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)FORMATIONINSAS à Bruxelles

THEATRE1988 la Noce chez les petits bour-geois, de Bertolt Brecht, mes deMichel Dezoteux1988 La Métamorphose, de Kafka, mes de Steven Berkof1990 Le Songe d’une nuit d’été, deShakespeare, mes de Michel Dezoteux1991 Boulevard du boulevard, de Daniel Mesguich, mes de Daniel Mesguich1992 Domaine ventre, de SergeValletti, mes de Jacques Nichet1993 L’Histoire qu’on ne connaîtrajamais, d’Hélène Cixous, mes deDaniel Mesguich, 1997 Chantecler, d’Edmond Rostand,mes de Charlie Degotte1998 Yvonne Princesse de Bourgogne,de Gombrowicz, mes d’Yves Bonen1999 La main passe de Feydeau, mes de Gildas Bourdet2000 Le Cercle de Craie Caucasien, de Brecht, mes de Benno Besson2001 Dom Juan, de Molière, mes de Daniel Mesguiesh2005 Musée haut Musée bas, de etmise en scène de Jean-Michel Ribes

CINEMABaptême, de René FeretLe Huitième jour, de Jaco VandermaelLe Créateur, d’Albert DupontelCabaret Paradis, de Corinne et GillesBenizio

TELEVISIONIl a été dirigé par Josée Dayan, GillesBéhat, Yves Boisset, Henri Helman,Patrick de Wolf, Alain Nahum, JérômeFoulon, Joël Seria

RECOMPENSES1989 EVE du meilleur jeune comédienbelge pour l’année 2000 Molière de la révélation masculinepour La main passe de Feydeau

DécouverteComédien

Christian Hecq

"Le must, c’est le mélangedes deux : l’émotion

et le comique. C’est délicieux de glisser

de l’un à l’autre"

De "Boulevard du boulevard du boulevard" actuellement au Théâtre duRond-Point à "Cabaret Paradis", le film de Shirley et Dino tout justesorti en salles, en passant par "Musée haut, Musée bas", ChristianHecq multiplie les prestations exubérantes.

Théâtral magazine : Vous repre-nez "Boulevard du boulevard duboulevard" quatorze ans après sacréation. Qu’est-ce qui a changé ?Christian Hecq : Il y a des scènessupplémentaires et d’autres qui ont dis-paru. Les scènes supprimées sont plusnombreuses ; le spectacle est pluscourt. Et puis, il y a des scènes où il n’ya que quatre ou cinq phrases d’origine ;tout le reste est changé. Il y a plus demise en abyme dans le théâtre. Lesacteurs s’arrêtent par exemple beau-coup de jouer en demandant "qu’est-ceque tu racontes au public ?". Onreprend aussi les mêmes person-nages, même si d’autres ont été ajou-tés. Moi, je fais les mêmes. Mon per-sonnage de base est Achille Talon. Lasilhouette et le caractère restent lesmêmes, mais il traverse des chosesnouvelles.

TM : En quatorze ans, votre visiondu spectacle a dû évoluer ?ChH : On a très peur quand on reprendun spectacle, même s’il a bien marché.On se demande s’il est toujours actuel.

Avec le recul, on se demande si on vaencore oser faire ces gags-là. Surtoutquand on répète devant personne. Il ya toujours un moment où un spectaclecomique répété sans public s’épuisepuisqu’on n’a aucun rire en face. Ondoute alors de tout.

TM : Cela fait quoi de rejouer lesmêmes choses avec des acteursnouveaux ?ChH : C’est étrange pour tout lemonde. Au début, ce n’est pasagréable, parce qu’on n’a pas l’émul-sion de l’inventivité. Dans les pre-miers temps, Daniel Mesguich avoulu se mettre dans les rails de lacréation. Les changements sontvenus ensuite.

TM : Ca doit vous convenir,puisque vous êtes un acteur trèscorporel…ChH : Oui. D’ailleurs j’avais fait despropositions de mouvement pur àDaniel [Mesguich] qu’il a tout desuite acceptées.TM : Etes-vous attiré par des

pièces plus cérébrales ?ChH : J’ai joué "La Métamorphose"de Kafka en Belgique. Mais, lespièces sur la noirceur du monde nem’attirent pas et ne m’aident pas.Elle est réelle et donc je n’ai pasenvie qu’on m’en reparle. Du coup,quand je vais les voir, je n’ai pas l’im-pression que cela m’enrichisse.

TM : Comment êtes-vous arrivé authéâtre ?ChH : J’ai une histoire inverse detout le monde. Je voulais faire dessciences physiques, je m’intéressaisaux énergies. J’ai commencé la facet ça n’allait pas. Comme je faisaisdes stages de mime pendant lesvacances, ma mère m’a conseilléd’essayer l’examen d’entrée del’INSAS à Bruxelles. Je l’ai réussi etje me suis senti dans mon élément.

TM : Vous êtes-vous d’embléetourné vers le comique ou avez-vous touché à tout ?ChH : J’ai touché à tout. Le must,c’est le mélange des deux : l’émotion

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)FFOORRMMAATTIIOONN1998-04 Ecole Normale Supérieure LSH1997-99 Sciences-Po Paris1999-00 Agrégation de lettres

modernes2000-01 DEA de littérature et cinéma2001-02 DEA d’arts du spectacle2002-04 University of Cambridge

FFOORRMMAATTIIOONN TTHHÉÉÂÂTTRRAALLEE1985-89 Conservatoires parisiens1989-92 Cours Simon2000-01 Cours d’Enzo Cormann2002-04 ADC Theatre (Angleterre)

TTHHEEAATTRREE2002-05 création de la cie Coïncidence

Théâtre2005 Cie C(h)aracteres

DDrraammaattuurrggiiee 2006 Grief(s) : Ibsen, Strindberg,Bergman, mes d’Anne Kessler, à laComédie-Française

MMiisseess eenn ssccèènneeEEnn aannggllaaiiss2003 Roberto Zucco, de Koltès/Crimp2004 Richard III, de Shakespeare2005 La Chute de la Maison Usher de

Poe/Berkoff2008 Cyrano de Bergerac, de Rostand

(en préparation)EEnn ffrraannççaaiiss2007 Le Banquet des Démons, d’après

Régis Debray (en préparation)

RRôôlleessEn français1999 La Mégère apprivoisée, de

Shakespeare1999 La Comédie du langage, de

Tardieu2001 Iphis et Iante, de Bensérade2003 Phèdre, de Racine En anglais2002 Le Révizor, de Gogol2002 Lysistrata, d’Aristophane2003 La Vie est un songe, de Calderon2003 La Mégère apprivoisée, de

Shakespeare2004 Les Mouches, de Sartre2004 Anyone for Denis, de Wells

CCIINNÉÉMMAARéalisations2000 Fin de chantier, court-métrage,

coréalisé avec Maud Alpi2001 A une minute près, court-métrage2006 Alternative, court-métrage (en

préparation)

SSccéénnaarriioo2006 Le Cercle de craie, long-métrage,

co-écrit avec Guy Zilberstein

LLIIVVRREE2001 L’Etoffe du personnage2005 Le Procès. Kafka / Orson Welles

intéressait. A un moment, on n’étaitpas sûr d’avoir les droits deBergman, donc on a réfléchi sur despièces alternatives. On avait trouvédes textes, notamment sur une mèreet son fils chez Strindberg. Mais, çan’avait pas la même force. Quant àla scène entre les deux femmes, ellefonctionne parce que ce sont finale-ment deux rivales...

TM : A la fin du spectacle, la voixoff créé une espèce de distance :on regarde les acteurs et on sedemande ce qui va se passer,parce qu’elle révèle quelquechose… Pourquoi ne pas avoirutilisé le procédé dès le début ? GG : Parce que c’est censé être lavoix de Bergman, donc elle intervientdans son histoire ["Les meilleuresintentions"]. Un metteur en scèneessaie de monter un de ses textes,sans avoir réussi à le rencontrer. Lavoix off, qui est celle de l’auteur, per-met d’analyser le grief de la scène, quia lieu entre un pasteur et sa femme, etde donner son point de vue.

TM : Pour travailler sur un projetde la Comédie Française, vousdevez certainement avoir un peude bouteille…GG : Je fais du théâtre depuis vingtans. J’ai commencé quand j’avais dixans, suite à une illumination en jouantdans une scène de Molière. Ensuite,j’ai continué parallèlement à mesétudes. Et j’ai commencé la mise enscène il y a une dizaine d’années àdifférents niveaux, en partant de col-laborations. Puis, il y a eu ce travailen Angleterre à l’ADC Theatre, où j’aimonté "Richard III". Depuis, c’estdevenue une activité fondamentale.

TM : Quand remontez-vous unepièce ?GG : J’ai plusieurs projets, dont"Cyrano de Bergerac" en 2008 àLondres, que je dois à mes mises enscène en anglais. A Paris, je préparepour l’automne 2007 "le Banquet desdémons", d’après la pièce de RégisDebray sur la résistance au fanatis-me, avec notamment Jean-FrançoisBalmer et Xavier Gallais, peut-être auThéâtre de l’Athénée. On est en trainde travailler à la version scénique.

Sinon, j’aimerais poursuivre ce travailde dramaturge très complémentairede celui du metteur en scène.

TM : Vos deux projets sont enco-re lointains. De quoi vivez-vouspendant ce laps de temps ?GG : J’ai une double, voire une triplevie. J’enseigne à l’université deNanterre en études théâtrales, enmise en scène et en dramaturgie et àl’université de Chicago en littérature etphilosophie. C’est donc assez cohé-rent par rapport à ma pratique, etd’ailleurs, ma pratique me permetd’avancer dans la théorie, et vice-versa. Enfin, je travaille aux adapta-tions des deux pièces dont j’ai parlé etil m’arrive aussi d’écrire des articles.Comme je suis par nature inquiet etrarement satisfait, le fait de pouvoirjouer sur plusieurs tableaux permet decomparer et d’essayer d’avancer.

TM : Conseilleriez-vous à ceuxqui débutent d’avoir un métieren plus?GG : Il faut travailler à côté pour vivre,mais surtout, il faut s’ouvrir à d’autreslieux, d’autres cultures. Je trouve quedans beaucoup de cas, il y a unmanque de mise en perspective. Il ya beaucoup de gens qui fonctionnenten circuit fermé à tout niveau ; ils ontune référence et ils s’y tiennent quece soit un style de jeu, un univers oudans leurs démarches. Ca créé desfidélités, mais au bout d’un momenton tourne en rond. On ne naît pascomédien ou metteur en scène. C’estun métier. Donc, il faut travailler enayant conscience que c’est un pro-cessus permanent et qu’il fautprendre des risques.

TM : Vous êtes-vous fixé desobjectifs, un parcours ?GG : Je sais qu’il y a un certainsnombre de questions que j’ai envied’aborder, mais après, dans quelordre, à quel rythme et comment ?Cela dépend des rencontres et de cer-tains hasards. Le théâtre, du point devue de la mise en scène, est souventune démarche pragmatique et concrè-te. Il y a aussi des questions de pro-duction, de disponibilité des lieux... Etc’est de l’improvisation permanente.

HC

DécouverteMetteur en scène

Gérald Garutti

"Je dois beaucoup à mes mises en scène

en anglais"

P our "Grief(s)", sa première mise en scène à la Comédie-Française à par-tir d’un montage de textes de Strindberg, Ibsen et Bergman, Anne Kesslera confié le poste de dramaturge à Gérald Garutti. Diplômé de Cambridgeet formé à l’ADC Théatre, il travaille essentiellement à Londres, où il amis en scène "Roberto Zucco"et "Richard III".

Théâtral magazine : En quoi aconsisté votre fonction de drama-turge ?Gérald Garutti : Le dramaturge a unrôle de conseiller littéraire, artistique etd’avis critique. Le metteur en scène aune approche de synthèse : il est aumilieu de tous les univers, de toutes lespersonnalités, de toutes les visions, detous les egos. Donc, si quelqu’un peutfournir tout le travail de recherche, c’estun gain considérable, en termes detemps et de réflexion, car on peut par-ler du texte avec une personne dontc’est la charge et l’aborder ensuiteavec les comédiens différemmentselon le rôle qu’ils ont. En l’occurrence,j’ai suivi tout le travail d’élaboration dutexte, j’ai assisté aux répétitions. On aeu un dialogue constant à toutes lesétapes, y compris après les répétitions,qu’on débriefait systématiquement.Mais je n’ai jamais interféré dans sarelation avec les acteurs.

TM : Etes-vous intervenu sur lestextes de liaison entre les extraitsde "Maison de poupée" d’Ibsen,"La plus forte" de Strindberg et"Les meilleures intentions" deBergman ? GG : C’est Guy Zilberstein, qui estscénariste et auteur dramatique, quia travaillé sur le concept avec elle etécrit tous les textes. Il a aussi adap-té "La Plus forte", dont son frèreAlain a fait la traduction. Enrevanche, on a parlé du choix destextes. Je suis davantage intervenuaprès sur "comment" et "pourquoi".Ca a demandé beaucoup de travail :j’ai passé mon été à regarder desfilms de Bergman, à lire Ibsen etStrindberg, et ensuite à faire desrecherches très importantes sur legrief et sur tout un tas d’éléments.J’ai essayé de nourrir la réflexiond’Anne [Kessler] et sa vision. Ca aété un très grand plaisir.

TM : C’était la première mise enscène d’Anne Kessler ?GG : Oui, mais elle avait déjà travaillé surdes textes d’Antoine Blondin et deGainsbourg au Studio-théâtre. Et elle ale théâtre dans le sang. Elle a travailléavec Vitez, a passé quinze ans à laComédie Française et elle s’est entouréede comédiens qu’elle connaît très bien,avec qui elle a un rapport direct, notam-ment en terme de direction d’acteurs. Il ya une grosse connivence entre eux, cequi à mon avis se sent dans le spectacle.Le plus gros souci était de faire uneœuvre cohérente à partir de ces troistextes, et de relier le théâtre et le cinéma.La scénographie a beaucoup contribuéà la réussite de cet objet. Et puis, le sujetn’est pas neutre : on est tous plus oumoins concerné par le grief.

TM : Pourquoi avoir choisi deshistoires de couples ?GG : C’est le grief amoureux qui nous

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Page 23: Actualités, entretiens, conseils • Décembre 2005 / Janvier …Novarina, qui a été choisi pour lui succéder d’après son projet artistique intitulé "Ensemble". Le théâtre

TM : Vous disiez que vousconnaissiez Coline Serreau. Aquelle occasion l’aviez-vousrencontrée ?AV : Je commençais le théâtre aulycée avec une bande de copainset son fils en faisait partie. On aprésenté les concours ensembleet on a eu la rue Blanche tous lesdeux. C’est elle qui m’a fait bosserma scène et ça a été très intense.Deux ans après, elle m’a proposéde jouer dans "Quisaitout etGrobêta".

TM : Qu’est ce qui vous a donnéenvie de faire du théâtre sijeune ?AV : Ma mère m’a emmenée voirdes pièces qui m’ont marquée àvie : le Magic Circus, les mises enscène de Molière par Vitez,"Peines de cœur d’une chatteAnglaise" d’après Balzac montéepar Arias, "La Cerisaie" par PeterBrook. Je faisais de la danse etj’ai découvert la scène à l’âge deonze ans dans un spectacle auCasino de Paris. Il y en a eu un

autre avec Savary, puis j’ai arrêtéla danse à treize ans. Comme jesuis très timide et que je ne par-lais pas, j’ai commencé le théâtreau lycée.

TM : Qu’est ce que cela vous aapporté ?AV : Etre sur scène permet devivre plusieurs vies en une seule.Et j’adore vivre ces vies par procu-ration, les répétitions, ce travail derecherche et le public.

TM : A partir de quand avez-vous pu en vivre ? AV : Quand j’étais à la rueBlanche, je jouais déjà le soir :Eric Vignier, l’actuel directeur duthéâtre de Lorient, m’avait enga-gée pour jouer dans "La maisondouce" de Dubillard. Ca a été untrès grand succès qui a marquéle début de sa carrière. J’aiensuite fait trois autres spec-tacles avec lui. Donc, depuisque je suis sortie de l’école, j’aitoujours vécu du théâtre ; j’aijuste eu deux ou trois annéesdifficiles. J’ai rencontré beau-coup de gens, j’ai fait du théâtrede rue. J’ai par exemple travailléavec Julien Téphany. C’est duthéâtre underground, assezrock’n roll parce qu’il faut sebouger.

TM : Jouer au Théâtre de laMadeleine dans une pièce un peumédiatisée comme "L’Ecole desFemmes" doit vous changer…AV : C’est très confortable : il y aune super équipe, les répétitionsse sont très bien passées et ons’est amusé comme des fous.J’adore. Parfois jouer dans le luxeet avoir sa loge à soi, ça fait dubien.

TM : Comme de faire rire...AV : Dans "Quisaitout et Grobêta",on faisait déjà beaucoup rire. C’esttrès agréable. Mais de faire pleu-rer aussi. J’aime bien cette puis-sance qu’on peut ressentir surscène quand on sent qu’on a lesgens à soi ; c’est exaltant.

TM : Travaillez-vous beaucoup ?AV : Il m’est arrivé de faire desstages, de prendre des cours dedanse… Je vais aussi voir beau-coup d’expositions, je vais au ciné-ma, je dessine, je lis. Il faut êtrecurieuse et ne pas s’endormir. Enfait, je fais tout ça pour ne pasavoir peur. Devant la beauté, je n’aiplus peur : ça me rassure. C’estcomme de se dire que des gensrigolent encore aux textes deMolière écrits au XVIIème siècle :c’est émouvant.

TM : Avez-vous besoin de vousconcentrer longtemps avantd’entrer en scène ?AV : Avant, j’avais toujours unrituel et si je ratais un élément,c’était la catastrophe. Et puis, jeme suis dis que j’étais trop super-stitieuse et maintenant, jem’échauffe en essayant de faire levide. En plus, dans ce théâtre, iln’y a pas de coulisses. Du coup, jem’isole avec les autres et c’esttrès bien.

TM : Avec qui souhaitez voustravailler ?AV : Avec les gens que j’aime,c'est-à-dire ceux avec qui j’ai déjàtravaillé. Et aussi avec Sivadier,parce que je trouve ce qu’il fait trèsbeau, et puis Chéreau, DeborahWarner...

TM : Qu’est ce que vous espérezde ce spectacle : être repérée ?AV : Oui, bien sûr, je ne peux pasdire le contraire. J’ai déjà eu unpremier rôle à l’Odéon, mais je nesais pas me vendre. Là, j’éspèreque tout le monde va venir à cespectacle...

TM : Quel est votre conseil pourles comédiens qui commencent ?AV : Il faut faire ce qu’on sent, cedont on a envie. La vie est courte.Je pense que la chance vientquand on est juste avec son désir.Moi j’ai su très tôt ce que je voulaisfaire ; c’était net et précis.

HC

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)FORMATIONENSATT (anciennement la RueBlanche)

THEATREL’Orestie, d’Eschyle, mes deRenaud-Marie LeblancDernière nouvelles de la peste, deBernard Chartreux, mes deRenaud-Marie LeblancMa solange, de Noelle Renaude,mes de Renaud-Marie LeblancRaptus, mes de Julien TéphanyUn Chapeau de paille d’Italie,d’Eugène Labiche, mes d’ArletteTéphanyQuisaitout et Grobeta, de ColineSerreau, mes de Benno BessonBrancusi contre Etats-Unis, Reviensà toi (encore), de Gregory Motton,mes d’Eric VignerLa Maison d’os, de RolandDubillard, mes d’Eric VignerL’École des femmes, de Molière,mes de Coline Serreau

TELEVISIONElle a travaillé sous la direction deBruno Gantillon

DécouverteComédienne

Alice Varenne

"Etre sur scène permet devivre plusieurs vies"

Dans "l’Ecole des Femmes", mise en scène par Coline Serreau authéâtre de la Madeleine, elle joue la servante, Georgette, chargée parArnolphe de surveiller Agnès. Alice Varenne est venue au théâtre aprèsavoir goûté à la scène à l’âge de onze ans dans un spectacle de danseau Casino de Paris.

Théâtral magazine : Que pouvez-vous dire de votre personnage,Georgette ?Alice Varenne : Au départ, je ne ladéfinissais absolument pas. Quandj’ai passé les auditions, je pensaisqu’elle avait quatre-vingt-dix ans. EtColine Serreau m’a dit que c’était lependant d’Agnès. Georgette abesoin de s’affranchir de la vie, elle aenvie de vivre et pas de se marier,mais elle est enfermée dans unemaison comme Agnès et Alain. Ilssont maintenus dans l’ignorance laplus totale ; ce sont des opprimés.Mais, ils sont intelligents, malins,rusés, sauvages. Ils ont une rage quiest sourde. D’ailleurs, la mise enscène les montre ensemble commes’ils étaient frères et soeurs. Et à lafin, la libération d’Agnès, c’est un peucelle de tout le monde. On peut ima-giner qu’Alain et Georgette vont finir à

son service et avoir une autre vie.

TM : Comment avez-vous décro-ché le rôle ?AV : C’est un copain qui m’a appe-lée et m’a informée que ColineSerreau montait "L’Ecole desFemmes" et faisait passer des audi-tions. Comme je la connais depuisplus de dix ans, je l’ai appelée et jelui ai laissé un message : "je saisque tu montes "l’Ecole desfemmes". Laisse moi une chance, jeveux passer une audition, j’adorecette pièce". Elle m’a répondu"d’accord, tu passes une auditionpour Agnès et pour Georgette". Ellea trouvé Agnès bien, et quand elle avu Georgette, elle a dit "tu es plusGeorgette". J’y allais parce quej’adore Molière, mais je ne pensaispas que ça allait marcher et c’estune très bonne surprise.

TM : D’habitude parvenez-vous faci-lement à être informée des chosesqui se montent ?AV : C’est très difficile. Surtout queles auditions sont très rares. Quandil y en a, tout le monde appelle toutle monde, c’est le réseau quimarche.

TM : Comment avez-vous travaillé ?AV : Coline ne fait aucune séance delecture : on est directement sur le pla-teau. On regarde les situations et onessaye plein de choses. On a beau-coup bossé, on pouvait reprendrequinze ou vingt fois une scène. Elledonne les intentions avec les intona-tions, et ça nous donne une liberté. Jeme suis sentie très libre dans le tra-vail. Ce qui est génial avec les bonsmetteurs en scène, c’est qu’ils vousdonnent un truc que vous grossissezet ça rebondit.

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Si elle tourne régulière-ment des films et destéléfilms, MélanieThierry n’avait jamaisaffronté les planches. A24 ans, elle début authéâtre avec le mono-logue d’Amanda Sthers"Le vieux juif blonde"aux Mathurins. C’estJacques Weber qui l’adirigée.

Mélanie Thierry a rencontréAmanda Sthers il y a plus d’un anà l’Olympia, à l’occasion duconcert organisé par Libération enfaveur de Florence Aubenas : "sonmec chantait, et le mien aussi. Ona pris toutes les deux l’ascenseurpour les rejoindre et elle m’a dit enquelques secondes qu’elle m’ai-mait bien et qu’un jour elle écriraitquelque chose pour moi. Ce quiest très flatteur surtout venant dela part d’une femme et sur le coup,on était toutes les deux rougis-santes". Mais, Mélanie n’imaginepas pour autant que ces parolessincères vont aboutir à quelquechose de concret : "le nombre defois où tu as des metteurs en

Portraits

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Dans "Rodin tout le temps quedure le jour" au théâtreMouffetard, il joue le rôle deRainer Maria Rilke. SteveBedrossian a d’abord étudié lapsychologie avant de suivre lescours de Jean-Laurent Cochet.

Un ami qui travaille au Musée Rodin l’infor-me un jour qu’une comédienne cherchedes renseignements sur Rilke pour la piècequ’elle est en train d’écrire. Et c’est commeça qu’il rencontre Françoise Cadol. Mais,"elle ne m'a pas parlé du tout de Rilke. Ona pris un café et elle ne parlait pas beau-coup. Et à la fin, elle m'a dit : "tiens, jedevais donner cette pièce-là à quelqu'un.Lis-la. Dis-moi ce que tu en penses. Si tuaimes, tu me rappelles pour passer uneaudition". Il lit la pièce, qu’il trouve très belleet rappelle Françoise dès le lendemain."Après j'ai beaucoup travaillé pour passerl'audition. J'ai fait des recherches à partirde textes, de documents, de correspon-dances pour cerner un peu le bonhomme.Par exemple, sur certaines photos, il estextrêmement droit, presque trop et surd’autres avachi. C'est-à-dire qu'il était à lafois droit, de par l'éducation militaire, maisintérieurement, il était affaissé. C'est unlong travail d'immersion". Le jour de l'audi-tion arrive. Il ne connaît ni Pierre Santini,qui doit jouer Rodin, ni ChristopheLuthringer, qui met en scène. Mais ildécroche le rôle, sans doute grâce à cettepréparation. "Mon but, c'est vraiment queles gens soient touchés par cette piècecomme moi je l'ai été".Si Rilke était un génie pétri de sensibilité,Steve aime aussi les rôles un peu noirscomme "Docteur Jekyll et Mister Hide" etles comédies, mais "plutôt des person-nages à répercussion comique, commeGérard Depardieu dans "la Chèvre".D’ailleurs, c’est aussi un fan de cinéma"mon amour du jeu vient du cinéma, d'ac-teurs comme Robert De Niro, ouMontgomery Clift".

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Mélanie Thierry

scène qui viennent te voir et tedisent qu’ils t’adorent, et qu’ilsauraient dû te prendre dans leurdernier film, mais que le prochain,c’est sûr, ils le feront avec toi… ".Elle la retrouve quelque tempsplus tard, encore à l’Olympia " pourle concert de mon mec. Elle étaitjuste derrière moi. J’étais trèseuphorique, je dansais, j’hurlais etje ne m’occupais pas d’elle. Mais,je sentais qu’elle me regardaitavec insistance". Deux joursaprès, Amanda appelle Mélaniepour lui annoncer qu’elle a unepièce pour elle "j’étais folle de joie.Ca faisait des années que j’avaisenvie de faire du théâtre". Puis,elle apprend que c’est un mono-logue. “Je ne me sentais pas

capable de tenir pendant uneheure vingt sur scène. Mais ellem’a dit que Jacques Weber allaitfaire la mise en scène. Alors, j’ai lule texte qui m’a bouleversée et j’aidit "oui" ; j’aurais eu des remordstoute ma vie". La première lecturen’est pas concluante, JacquesWeber ne la trouvant "pas assezmûre". Mais il lui laisse une chan-ce : "on a fait une séance de travailde deux heures et demie, où je neme sentais pas jugée et où je neme jugeais pas moi-même. J’avaisjuste envie de m’amuser et d’es-sayer des choses. Et comme ça abien fonctionné, on a continuél’histoire".

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rythmique et musicale. Je me rendscompte que quelquefois c'est drôlede rythmer énormément une scènecomique et de rendre plus pro-saïques des passages poétiques. Ilfaut alterner les formes, même si lapièce est en alexandrins. D’autantplus que c'est une pièce qui mélan-ge les genres. On est dans le com-posite jusque dans les costumes.D’ailleurs, j'ai demandé à ChristianLacroix de les faire, de manière trèsfluide et très légère pour réinventerles silhouettes des personnages.

TM : Est ce que tout ce quevous nous avez fait au cinémaen tant qu'acteur vous sertpour le théâtre ?DP : Sûrement. J'essaie de me ser-vir de tout et de n'importe quoi dansla contradiction la plus totale par-fois. Je jette tout ce que je peuxdans la marmite, et si ça peut nour-rir un acteur tant mieux. J'adoraisles metteurs en scène commeFomenko qui racontait un film, unroman, ou nous faisait une imitation.Quelquefois, on les met dans unétat qui les rend très inventifs. Oualors parfois, sur deux minutes descène, il faut être très dirigiste, etl'instant d'après se taire et les lais-ser libres pendant un quart d'heure.L’essentiel étant que la pièce soitvivante, comme disait Resnais :"moi je m'en fous qu'ils soientcomiques ou tragiques... Le seulvrai critère, c'est : est-ce que c'estvivant ou est-ce que c'est mort ?"

TM : L'angoisse de l'acteur est-elle différente de l'angoisse dumetteur en scène ?DP : Oui. L'angoisse de l'acteur esttrès tournée sur lui et elle est diffici-le à partager et à raconter. Alors quecelle du metteur en scène concernela collectivité et des enjeux parfoistrès matériels... Tout est possiblejusqu'au dernier moment, car leschoses sont volatiles tant que cen'est pas passé au public…

TM : Cette expérience-là vousconforte t-elle dans votre enviede recommencer ?DP : J’adore mettre en scène,mais occasionnellement. Car, ça

fatigue beaucoup, ça réveille lanuit. Je le vois aussi avec monfrère qui est réalisateur. J'aimeénormément jouer et en cemoment, ça me manque. Mais jevais rechausser mes souliersd’acteur juste après et me laisserporter par Jacques Lassalle.

TM : Quel serait votre conseilaux comédiens débutants ?DP : De lire, d'aller au théâtre et detravailler. Moi, c’est ce que je fais,car je n’ai pas un talent inné. Tout lemonde est perfectible. Je ne croispas qu'il y ait des artistes maudits ;il y a des artistes méconnus, maisqui jouent quand même.Quelquefois, il y a des gens quicommencent comme acteurs etdeviennent dramaturges ensuite,mais pour cela, il faut bien seconnaître.

Propos recueillis par HélèneChevrier et Fabien Spillmann

Leçon

Cyrano de Bergeracpar Denis Podalydès

"Je voudrais que ce soitun Cyrano qui

se souvienne des autressans les reproduire"

La Comédie-Française présente "Cyrano de Bergerac" à partir du 27mai. C’est Denis Podalydès qui signe la mise en scène, avec MichelVuillermoz dans le rôle-titre et Françoise Gillard en Roxane. L’acteur,qui se dit occasionnellement metteur en scène, s’est attaché à la ryth-mique du texte. Explications.

Théâtral magazine : Qu'est-ce quivous a donné envie de passer à lamise en scène ?Denis Podalydès : D'une certainefaçon, je l'ai toujours fait. Déjà avec lespièces d’Emmanuel Bourdieu. Etquand j'étais en cours, j'aimais regar-der les autres travailler et si je pouvais,je les aidais. Ensuite, à l'intérieur duFrançais, on assiste à tellement demises en scène, que le désir est reve-nu très fort. Surtout avec PiotrFomenko, qui m'avait parlé de Cyrano,et qui un jour en voyant MichelVuillermoz, m'a dit "lui, c'est Cyrano".Et je lui ai dit : "c'est une très bellechose que vous le mettiez en scène" etil m’a répondu "non, c'est toi qui vas lefaire". J'en ai parlé avec MarcelBozonnet qui a décidé de le program-mer à la fin de cette saison.

TM : Qu'est-ce ce "Cyrano" vaavoir de différent ?DP : Je voudrais rendre compte du faitque plusieurs acteurs se sont succé-

dés dans cette pièce. C’est l'idée queles grandes pièces de théâtre restentalors que les acteurs passent tout enles transformant un petit peu. Je vou-drais que ce soit un Cyrano qui se sou-vienne des autres sans les reproduire.

TM : Les films restent aussi,notamment le "Cyrano" de Jean-Paul Rappeneau. Est-ce que c'estune source d’inspiration ? DP : Oui, je me sers de tout. J'ai vutoutes les versions cinéma de Cyrano,dont une muette qui m'a beaucoup ins-piré pour le premier acte. D'ailleurs, onverra un bout de film : Anne Kessler afilmé les sociétaires honoraires, commeJean Piat, qui ont joué Cyrano. Dans lepremier acte toujours, on essaie d'en-chaîner les séquences sans entrées etsorties laborieuses, grâce à un décoroù on peut paraître et disparaître d'uncôté, et qui a été conçu par Eric Ruf, quijoue aussi Christian. Et puis, desacteurs comme Depardieu, AnneBrochet, Jacques Weber… ont apportéénormément à la pièce. J'ai écouté l'en-

registrement de Jean Piat : c'est unacteur, comme ceux issus d'un théâtrede déclamation, capable de jouer à desvitesses absolument ahurissantes etqui privilégie la rupture de fond plutôtque la rupture de détail. Comme Vilar,qui était capable de rendre presqueinaudibles 15 vers, pour arriver au 16èet là, créer la rupture, et le ralentisse-ment. Luchini pratique ça aussi... Cadonne un peu le même effet que cer-taines chansons quand on dit : "j'adorelà quand ile chanteur ou quand lamusique s'arrête". Donc, je travaille surles rythmes en déterminant les accélé-rations et les ralentissements du texte.Parce qu’on peut monter "Cyrano" dansle détail, sans se soucier du rythme, etobtenir des effets de vérité prodigieux,mais c'est d’un ennui colossal !

TM : Est-ce que cela veut dire quevous privilégiez la forme ?DP : Non, car vous ne pouvez pasaccrocher une mélodie à un rythmesans les relier à un sentiment, lui-mêmepris dans une progression dramatique,

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SCENES DE LA VIE D'ACTEUR de Denis Podalydès Edition Le SeuilParu le 19/01/2006

"Il y a 10 ans, le désir d'écrire étaitextrêmement fort, un peu en réaction àune sorte d’insuffisance du métierd'acteur, dans le sens où on doitapprendre par coeur, restituer, se lais-ser diriger, obéir à des horaires... Onn’est l'auteur de rien, sauf de sa com-position et encore. Même dans l'em-ploi du temps, il y a des temps mortsénormes, les tournages étant peut-être la forme la plus évidente de cesgrandes béances. J'écrivais beaucouppar pulsion, parfois sous le coup del'ennui, d'un chagrin, de l'attente. J'aiutilisé la caravane des tournages etma loge au Français. De fait, j'étais àla Comédie-Française, donc j'écrivaissur ce qui m'entourait. Car, c'est unmicrocosme de 400 personnes, quireflète le monde entier, avec des hié-rarchies et des conflits sociaux. Caoffrait un point de vue idéal pour décri-re une société. Comme les tournages,notamment des films d’auteurs, où leshiérarchies sont plus dures, parce qu'ily a très peu d'argent et qu’il y a desgrèves, des revendications…"

BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)FORMATION1984 Cours Florent, classe libre1984-1985 Conservatoire national

supérieur d'art dramatique

THEATRE1997 entre à la Comédie-Française,

nommé sociétaire en 2000

Rôles1989 L'Épreuve et les Sincères, de

Marivaux, mes de Jean-PierreMiquel

1991 La Veuve, de Corneille, mes deChristian Rist

1997 Un mois à la campagne, d’IvanTourgueniev, mes d’AndreïSmirnoff

1998 Arcadia, de Tom Stoppard, mesde Philippe Adrien

2001 Ruy Blas, de Victor Hugo, mes deBrigitte Jaques-Wajeman

2002 Léonce et Léna chez GeorgBüchner, mes de MatthiasLanghoff

2003 Platonov, d’Anton Tchékhov, mesde Jacques Lassalle

2003 La Forêt, d’Alexandre Ostrovski,mes de Piotr Fomenko

2004 Le Menteur, de Pierre Corneille,mes de Jean-Louis Benoit

2005 Les Bacchantes, d’Euripide, mesd’André Wilms

Mises en scène1994 Les Originaux, de Voltaire-

Tardieu, co-mis en scène avecChristian Rist

2000 Tout mon possible, d’EmmanuelBourdieu

2003 Je crois ?, d’Emmanuel Bourdieu

CINEMA1991 Versailles rive gauche, de Bruno

Podalydès1996 Comment je me suis disputé...

(ma vie sexuelle), d’ArnaudDesplechin

1998 Rien sur Robert, de PascalBonitzer

2000 Liberté-Oléron, de BrunoPodalydès

2000 La Chambre des officiers, deFrançois Dupeyron

2001 Embrassez qui vous voudrez, deMichel Blanc

2002 Il est plus facile pour un cha-meau..., de Valeria Bruni-Tedeschi

2003 Caché, de Michael Haneke 2004 Palais royal !, de Valérie

Lemercier 2004 Le Parfum de la dame en noir, de

Bruno Podalydès 2006 Mascarade, d’Emmanuel Bourdieu

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populaire, et quand c'est long, onn'a pas honte d'être dans le récit,qui était devenu un genre mineur,méprisé. On ne peut pas perdre lerécit, la fiction : c’est le seul moyenpour un poète de sortir de son éso-térisme, quelquefois narcissique.J'ai inventé cette forme-là, qui aouvert la voie à d’autres aventuresplus exigeantes. C'est parce que lethéâtre est devenu minoritaire qu'ilne peut pas se permettre d'êtremineur.

TM : Quand vous avez commen-cé à faire du théâtre, aviez-vousdéjà cette idée de faire quelquechose à vous ?OP : Oui, je voulais absolumentécrire un poème dramatique,repenser le théâtre à partir d'ungeste d'auteur, de poète.

TM : Qu'est-ce que vous attendezdes comédiens ?OP : D'abord, d'incarner la parole.Cela veut dire qu'ils doivent com-prendre le sens du poème presquecomme le poète à l'instant de l'écri-ture, en tout cas certainement plusprofondément que le metteur enscène. Il faut que les acteurs don-nent quelque chose que le metteuren scène ne peut pas demander, nisoupçonner, et qui est une intimitéavec le verbe.

TM : Le fait d'être vous-mêmeacteur vous aide t-il à les orienter ?OP : Non. D'abord parce que je n'aipas la prétention d'être un acteuraussi extraordinaire que ceux quisont sur le plateau et parce que jeles aide mieux quand je suis met-teur en scène. Les grands acteursavec qui j'ai travaillé avaient tous encommun de ne pas citer des met-teurs en scène qui leur avaientouvert des portes, mais des acteursqu'ils avaient vus sur scène et c'esten voyant ce geste-là que leurespace intérieur s'était agrandi. Unmetteur en scène ne donne pas uneesthétique au jeu ; ce sont lestextes, les poètes et le style desacteurs qu'il choisis qui formentdéjà cette esthétique.

TM : Par qui étiez-vous influencé ?OP : J'ai commencé très jeune, enayant vu très peu de théâtre, donc

finalement à partir d'un rêve. Auniveau littéraire, c’est Claudel,Dostoïevski, Proust et biend'autres. Mais d'abordShakespeare. Il n'a pas peur que lethéâtre soit trop philosophique, troptrivial, trop drôle. Et c'est très libéra-teur. Tout mon travail est une imita-tion du geste shakespearien.

TM : Qu'avez-vous envie de faireà l’avenir ? OP : J'aimerais me recentrer unpeu sur le théâtre, parce que cescinq dernières années, je me suisbeaucoup partagé entre des formestrès différentes : j'ai écrit un roman,j'ai réalisé un long métrage, j'aimonté dix opéras partout dans lemonde, j'ai fait du music-hall, etbeaucoup de choses. C'était unemanière de continuer à travaillermême en vacances. Mais, je n’aipas dirigé un grand théâtre. Je suisdirecteur d'un centre dramatiquequi n'est pas un théâtre : je partageles bureaux avec la Scène nationa-le et le Cado d’Orléans. Or, jepense que la place d'un metteur enscène, d'un homme de théâtre, estdans les théâtres. Si cette occa-sion-là m'est donnée, j'y consacre-rais toute mon énergie et je seraisun peu moins pluridisciplinaire.

TM : C’est votre rêve de théâtre ?OP : Non, le rêve d'un homme dethéâtre, c'est Bayreuth : c'est à direde créer un théâtre de A à Z et d’in-venter un nouveau rapport aupublic. Wagner a eu ça à 60 ans, aumoment où il n'y croyait plusd'ailleurs. Mais il faut un prince pourcela...

TM : Si vous aviez un conseil àdonner aux comédiens qui débu-tent, ce serait quoi ?OP : De fréquenter les grandspoèmes théâtraux. Un jeune acteurqui n'a pas lu "Tête d'or" ou"Macbeth" n'a aucune chance de secréer un destin, sauf de faire desfeuilletons télé.

Propos recueillis par HC

La grande paraded’Olivier Py

au théâtre du Rond-Point“Mon théâtre est un théâtre

qui croit qu’il y a plus de paroles dans la parole que dans le silence.

Ce qui est plutôt une idée originale dans le monde moderne”.

Olivier Py investit le théâtre du Rond-Point du 25 avril au 3 juin avec 4 pièces : "L'eau de la vie", un conte librement inspiré de Grimm,"Epître aux jeunes acteurs", une sorte de discours aux jeunes acteurs,"Les vainqueurs", un cycle de trois pièces de 10 heures qui sera jouéles week-ends et une création, "Illusions comiques", qui se jouera ensemaine. Rencontre.

Théâtral magazine : Parmi lespièces que vous présentez auRond-Point, "Epîtres aux jeunesacteurs" et "Illusions comiques"semblent se répondre ?...Olivier Py : Elles se ressemblent."Epître aux jeunes acteurs" était à labase une commande pédagogique,que j'ai dramatisée et transforméeen grand discours, qui traite moins laquestion du théâtre que celle de laparole. J'ai repris un peu cette veinelà avec "Illusions comiques", si cen'est qu'on n'aborde pas que la seulequestion du théâtre ; il y a des ques-tions politiques, esthétiques, méta-physiques voire religieuses, for-melles, artisanales, historiques, etun mélange des genres propre àmon théâtre : il y a des morceaux detragédie, de drames romantiques, depoésie lyrique, de vaudeville. Cen'est pas un théâtre pur.

TM : Pour vous la parole est-elleimportante au théâtre ? Ou peut-elle s'exprimer à travers le silence ? OP : Mon théâtre est un théâtre qui

croit qu'il y a plus de paroles dans laparole que dans le silence. Ce quiest plutôt une idée originale dans lemonde moderne.

TM : C'est ce théâtre de la parolequi vous amène à écrire et à mon-ter beaucoup de contes ? OP : Très certainement. La littératu-re orale est importante pour un écri-vain de théâtre, à ne pas confondreavec le langage parlé, ou avec lacommunication. Mais ce que j'aimeaussi beaucoup dans les contes,notamment dans ceux que j'ai choi-sis et que j'ai réadaptés, c'est lapuissance épique. C'est peu imagi-nable de proposer aux enfants autrechose qu'un théâtre où il y a de l'es-poir. C'est sans doute le soufflelyrique qui me manquait dans l'écri-ture contemporaine telle que je l'aiconnue dans les années 80-90.J'avais l'impression que ce théâtreémettait des opinions, mais ne pen-sait pas, à part évidemmentquelques poètes comme JeanAudureau, ou Jean-Luc Lagarce.

Moi, je demande vraiment beaucoupplus à la chose théâtrale ; j'aidemandé plus aussi aux spectateurset je crois que ça a été une des rai-sons du succès de nos aventures.

TM : Qu'est-ce qui vous pousse àmonter des pièces très longuescomme "Le soulier de satin" ou"La servante, histoire sans fin" àAvignon ?OP : L'héroïsme. On avait l'impres-sion de passer d'un terrain de jeu àl'océan. Je crois que la vie des gensqui ont vécu ces épopées là a étéchangée. Pour les acteurs, le théâtreformaté devient plus petit. Quand unhomme a passé dix heures surscène, il a fait une expérience, passeulement culturelle, mais aussi spi-rituelle ; il est à la découverte de lui-même. Je ne pensais pas cependantque nous ferions un théâtre populai-re. Or, en demandant plus, on a euplus de public. Une chose est arrivéequi n'était pas que de l'ordre de laconsommation culturelle. Donc, onpeut créer un héritage de théâtre

BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)ENSATTConservatoire NationalSupérieur d'Art Dramatique

THEATRE1998 nommé directeur du CentreDramatique National d’Orléans

Rôles 1997 Nous les héros, de Jean-Luc

Lagarce 1998 Théâtres, mes de Michel

Raskine2001 L'Exaltation du labyrinthe,

mes de StéphaneBraunschweig

Mises en scène1990 Gaspacho, un chien mort 1993 La jeune fille, le diable et le

moulin1995 intégrale de La Servante,

histoire sans fin (Festivald'Avignon)

1997 Le Visage d'Orphée (Festivald’Avignon, Cour d'Honneur)

1999 La jeune fille, le diable et lemoulin et L'eau de la vie

2000 Epître aux jeunes acteurs 2000 Les contes d'Hoffmann

(Opéra de Genève)2003 Le soulier de Satin, de

Claudel2006 Les Vainqueurs, épopée en

trois pièces2006 Illusions comiques

CINEMARôlesNos vies heureuses, de Jacques Maillot Peut-être, de Cédric Klapisch La divine poursuite, de Michel Deville Chacun cherche son chat, de Cédric Klapisch Dis-moi oui, dis-moi non, de Noémie Lvovsky

Scénario et réalisationLes yeux fermés (Arte)

LIVRES La Servante, histoire sans finLe Visage d'OrphéeAimer sa mèreL'Apocalypse joyeuseEpitre aux jeunes acteurs La nuit au cirqueLes aventures de Paco GoliardLa jeune fille, le diable et le moulinL'eau de la vieLe fou raconte toute l'histoire

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CaligulaL’apprentissage sanglant du pouvoir

Drame contemporain d’Albert Camus, miseen scène de Charles Berling, avec CharlesBerling, Gauthier Baillot, Madi Dermé,Vincent Byrd Le Sage, Jean-CharlesFontana, Barbara Jaquaniello, AristideLegrand, Eric Prat, Jo Prestia, Frédéric

Quiring, Attila Toth ou Andy Gillet, Afra Val d’Or Théâtre de l’Atelier (Place Charles Dullin, Paris 18è)01 46 06 49 24

Paris

CLASSIQUESL’Avare (voir p. 28), deMolière, mes d’AlainGautré, Théâtre de laTempête, Cartoucherie deVincennes, 12è. 01 43 2836 36. Du 18/04 au 21/05.L’Avarice d’Harpagonconfine au burlesque,mais la pièce est aussil’histoire d’une sociétébloquée, d’une famille enguerre : le parti pris clow-nesque en souligne laférocité.

Le barbier de Séville,de Beaumarchais, mes deLadislas Chollat.Vingtième Théâtre. 7,rue des Platrières, 20è.01 43 66 01 13. Du10/05 au 25/06. Un spec-tacle festif, forain au ryth-me des castagnettes et del’accordéon.

Le Bourgeois Gentilhomme, de Molière, mes deRaymond Acquaviva.Sudden Théâtre, 14 bisrue Ste-Isaure, 18è. 01 4262 35 00. Du 18/04 au30/06. Monsieur Jourdain,bourgeois parisien à lafortune conséquente, s’estmis en tête de changer declasse sociale en singeantles gens de qualité dansleurs comportements.

Les Caprices de Marianne,d’Alfred de Musset, mesde Catherine Brieux,Cinq Diamants, 10 ruedes Cinq Diamants, 13è.01 45 80 51 31. Jusqu’au29/06. Prémonition de lapropre histoire d’Alfredde Musset, l’œuvre décli-ne tous les excès de lapassion romantique :manigances et emporte-ments de jalousie, folie etdouleur d’amitié.

Celui qui écoutait le cœurde la forêt, d’AntonTchekhov, mes deCatherine Brieux, CinqDiamants, 10 rue desCinq Diamants, 13è. 0145 80 51 31. Jusqu’au10/06. La pièce exprimela douce absurdité del’existence quotidienne :désœuvrement, ennui,intrigues amoureuses,jalousies.

Le Cid, de Corneille, mesde Brigitte Jacques-Wajeman, Comédie-Française salle Richelieu.Place Colette, 1er. 082510 1680. Jusqu’au 24/06.

Cyrano de Bergerac(voir p. 48), d'EdmondRostand, mes de DenisPodalydès, avecVéronique Vella, MichelFavory, Andrzej Sweryn,Cécile Brune, MichelRobin, Sylvia Bergé, EricRuf, Eric Génovèse,Bruno Raffelli, ChristianBlanc, Alain Lenglet,Florence Viala, FrançoiseGillard, Nicolas Lormeau,Christian Gonon, MichelVuillermoz, GrégoryGadebois. Comédie-Française salle Richelieu.Place Colette, 1er. 082510 1680. Du 27/05 au23/07. La pièced’Edmond Rostand vue àtravers les acteurs quil’ont jouée.

Faisons un rêve, de SachaGuitry, mes de SébastienAzzopardi, avecSébastien Azzopardi,Valérie Even, FrédéricImberty.Comédie de laBastille, 5 r NicolasAppert, 11è. 01 48 07 5207. Jusqu’au 30/04.

Hamlet [un songe], d'aprèsWilliam Shakespeare,mes de GeorgesLavaudant, avec ArielGarcia Valdès, PascalRénéric… Odéon.Théâtre de l'Europe,place de l’Odéon, 6è. 0144 85 40 40. Du 27/04 au27/05. Sous le signemagique de Shakespeare,le spectacle de réouver-ture de l'Odéon-Théâtrede l'Europe, mis enscène par GeorgesLavaudant.

Le Menteur, de PierreCorneille, mes de Jean-Louis Benoit, Comédie-Française salle Richelieu.Place Colette, 1er. 082510 1680. Jusqu’en juin.Pour impressionner sesamis et obtenir des ren-dez-vous galants, unjeune homme prend l’ha-bitude de mentir.

Molière, Lully, mes deJean-Marie Villégier etJonathan Duverger,Comédie-Française salleRichelieu. Place Colette,1er. 0825 10 1680.Jusqu’au 12/07.

Trois années, d'après unenouvelle d'AntonTchékhov, de RogerGrenier, mes de Jean-Claude Idée,Montparnasse, 31 rue dela Gaîté, 14è. 01 43 22 77

74. Dans la province deMoscou, l’histoire d’unhomme et une femme quis’aiment à contretemps.

COMEDIES DRAMATIQUES ET DRAMES CONTEMPORAINS

A la renverse, de et mesde Michel Vinaver, ArtisticAthévains, 45 bis rueRichard Lenoir, 11è. 0143 56 38 32. Jusqu’au30/04. Bénédicte, la prin-cesse au hâle légendai-re, aujourd’hui condam-née, entraînera-t-elledans sa chute l’entrepri-se Bronzex, leader desproduits solaires... ?

Des arbres à abattre, de Thomas Bernhard,mes de Patrick Pineau,avec Hervé Briaux. Odéon - Ateliers Berthier,36, Bd Berthier, 17è. 0144 41 36 36. Du 4 au20/05. Eloge de la fuite ettristesse des retours,hypocrite comédie desretrouvailles : rarementBernhard a poussé aussiloin son âpre et comiqueméditation sur les puis-sances d'artifice et demensonge qui falsifientl'existence.

L'art de la comédie,d’Eduardo De Filippo,mes de Marie Vayssière,avec Patrick Condé,Christian Esnay, PitGoedert, Philippe Gorge,Miloud Khetib, AgnèsRegolo. Bastille, 76 ruede la Roquette, 11è. 0143 57 42 14. Du 28/04 au14/05. Il y a quaranteans, la rencontre entre ledirecteur d'une troupe dethéâtre et un préfet dansquelque chef-lieu de pro-vince.

Audiberti & fils, de Jacques Audiberti,mes de FrançoisBourgeat, avec MarcelMaréchal, MathiasMaréchal. Lucernaire. 53,rue ND des Champs, 6è.01 45 44 57 34. Du 19/04au 10/06. Entre souffran-ce et jouissance, révolteet émerveillement, unetraversée sensible dupays audibertien. Cepays est le nôtre, parta-gés que nous sommessans cesse.

A woman of mystery, de John Cassavetes,mes de Marc Goldberg,

avec Myriam Boyer...Vingtième Théâtre. 7, ruedes Platrières, 20è. 01 4366 01 13. Jusqu’au 7/05.Une femme à la dérive,sans logis et sans amour,accrochée à ses valises,croise une série de per-sonnages bigarrés. Ilsrient ensemble, se sédui-sent, s’insultent ou seméprisent.

Le Bagne, (voir p.10)de Jean Genet, mesd’Antoine Bourseiller,Athénée, 7 rue Boudreau,9è. 01 53 05 19 19. Du26/04 au 20/05. Le Bagneest une pièce à part dansl’oeuvre de Genet.

Bambi, elle est noire,mais elle est belle, de et avec MaïmounaGueye, mes de RichardBean. Le TARMAC de laVillette, Parc de la Villette,19è. Jusqu’au 22/04.Maïmouna Gueye s’armed’une plume, franchit lescoulisses de sa proprevie et convoque le publicà partager avec elle sesexpériences désabusées.

Le Caïman (voir Théâtralmagazine n°6), d’AntoineRault, mes d’Hans PeterCloos, avec Claude Rich,Christiane Cohendy,Hélène Surgère, FéodorAtkine, Nicolas Raccah.Montparnasse, 31 rue dela Gaîté, 14è. 01 43 22 7774. La passion selonAlthusser. Un bel hom-mage à l’amour danstoute sa complexité. HC

Le cas de Sophie K., deJean-François Peyret,Luc Steels, mes de Jean-François Peyret, avecOlga Kokorina, ElinaLöwensohn, AlexandrosMarkéas, EtienneOumedjkane, NathalieRichard. Chaillot, 1 placedu Trocadéro, 16è. 01 5365 31 00. Du 26/04 au27/05. Sophie K., c’estune oeuvre et une vie quifut aussi un roman.

Célimène et le Cardinal, deet mes de JacquesRampal, avec ClaudeJade, Patrick Préjean.Lucernaire. 53, rue NDdes Champs, 6è. 01 4544 57 34. Suite duMisanthrope, écrite enalexandrins par un auteurcontemporain. Célimèneet Alceste se retrouventaprès 20 ans d'éloigne-ment. Chacun a fait sa

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REn scène

Sélection de spectacles à voir à Paris et en Province

Le Bourgeois gentilhommePonpons, fanfreluches etc. etc.

Comédie classique de Molière, mise enscène d’Alain Sachs, musique de Lully, avecJean-Marie Bigard, Catherine Arditi, GrégoriBaquet, Charles Ardillon, Nadège Beausson-Diagne, François Camus, Claire Pataut,François Berdeaux, Nicolas Guillot, MathildeHennekinne, Patrick Rombi, Cédric Truffier,Stève, Vartoch’Théâtre de Paris (15, rue Blanche Paris 9è) - 01 48 74 25 37

La pièce de Molière transposée en 2006, une époque, où la superfi-cialité, l’image de soi et l’individualisme battent leur plein et quisemble idéale pour accueillir Monsieur Jourdain et sa clique decourtisans.Grassement enrichi par la vente d’articles de sport, ce bourgeois depacotille règne sur un microcosme d’employés, et papillonne gaiementde l’un à l’autre. Désireux de devenir une personne de qualité jusqu’aubout des ongles, il exige ce qui existe de plus chic et fréquente les per-sonnalités les plus en vogue et les plus excentriques : des couturiersen jupettes écossaises, des danseurs punks, des dandys façon RondoVenezziano… Le spectateur revisite ainsi grâce à un M Jourdainrehaussé de fanfreluches tous les styles branchés de la capitale et sabanlieue. Et tout cela, sans changer une ligne du texte de Molière, cequi rend le personnage d’autant plus clair et grotesque. D’ailleurs, lapièce vire très vite à la farce, plaisante, mais vidée de sa substance, lesacteurs, Jean-Marie Bigard en tête, jouant trop la niaiserie. Du coup,après quelques rires incontrôlés, l’ennui prend le dessus, sauf peut-être chez les enfants… Dommage. HC

A l’occasion de l’enterrement de leur père, les membres d’unemême famille se retrouvent en compagnie de quelques proches, letemps d’un week-end. La douleur du deuil n’effaçant pas les ressentiments, certains selivrent à des mises au point sur le dos du défunt qui tournent rapi-demment aux règlements de compte. Ainsi, l’exaspération du frèrecadet, souffrant d’un complexe d’infériorité vis à vis de l’aîné, est por-tée à son comble lorsque son ex-petite amie, présente à la cérémo-nie, finit dans les bras de ce dernier. De confessions intimes en com-mentaires assassins, la pièce s’écoule sur le rythme lent d’une jour-née qui s’étire sur les changements d’humeurs des personnagescomme pour mettre à jour la vérité qui se cache derrière leurs oppo-sitions et leur désarroi. La mise en scène de Gabriel Garran donne uncadre minimaliste à ce texte inégal en intensité, mais pêche parmanque d’inventivité. Les comédiens plongent néanmoins avec jus-tesse dans ce psycho-drame familial, sans oublier de faire rire, parti-culièrement Josiane Stoleru qui campe une épouse décalée hilarante.

Emmanuel Plé

Drame contemporain de Yasmina Reza,mise en scène de Gabriel Garran avecMargot Abascal, Jean-Michel Dupuis,Serge Hazanavicius, Mireille Perrier,Josiane Stoleru et Bernard Verley Théâtre Antoine (14, Bd de Strasbourg,

Paris 10è) 01 42 08 77 71

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Comédie classique de Carlo Goldoni, miseen scène de Justine Heynemann, avecBruno Paviot, Pierre Trapet, Jean-PierreMoulin, Suzanne Legrand, Noémie Daliès,Isabelle Auvray, Céline Dupuis, SophieArtur, David Nathanson, Pétronille deSaint-Rapt Théâtre 13 (103A, bd Auguste Blanqui Paris 13è)01 45 88 16 30

Venise prépare son carnaval. La population est en effervescence,chacun et chacune voulait profiter au mieux de l’événement. Pour les cuisinières Zanetta, Rosega, Meneghina et Gnese, il faut jon-gler entre les exigences de leurs maîtres et maîtresses, eux aussiémoustillés par la fête et leurs propres intérêts. Volontairement ducôté des serviteurs, la pièce de Goldoni montre Venise vue d’en baset pointe avec humour les travers d’une société profondément inéga-litaire et injuste. Cette chronique festive brosse un portrait flatteur etmoderne de la femme, plus indépendante et plus maligne que l’hom-me. La mise en scène de Justine Heynemann réussit ainsi le coupdouble de proposer un spectacle non seulement intelligent, maisaussi entraînant grâce à l’énergie des comédiens et aux chansonsspécialement composées pour le spectacle. HC

Les CuisinièresLa fête à Venise

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Dans un palais où les murs scintillent comme un décor de music hall,Caligula, empereur de Rome, foudroyé par la mort de sa sœur Drusilla,revient après trois jours d’errance avec le sentiment que le "monde, telqu’il est fait, n’est pas supportable".

Il décide donc de changer l’ordre des choses. Désormais, la volonté del’empereur se substitura à celle des Dieux et la vie ou la mort des citoyensde Rome se décidera au gré des caprices de ce dernier, égalant ainsi la jus-tice arbitraire des Dieux.Charles Berling, silhouette tour à tour fébrile et inquiétante, campe avec jus-tesse un Caligula en quête d’impossible qui bascule dans une folie meur-trière où la mort et le cynisme deviennent les instruments d’une logiquedévastatrice. Ecrite en 1938, la pièce de Camus prend aujourd’hui encoretout son sens face à la menace des idéologies et la toute puissance desnations dominantes. Le modernisme de la mise en scène, même s’il est par-fois un peu lourd, a le mérite de ne pas tomber dans le manichéisme touten parvenant à illustrer les différents états que traverse le personnage deCaligula, de l’exubérance à la monstruosité. Emmanuel Plé

Conversations aprèsun enterrementDéballage en famille

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Page 28: Actualités, entretiens, conseils • Décembre 2005 / Janvier …Novarina, qui a été choisi pour lui succéder d’après son projet artistique intitulé "Ensemble". Le théâtre

Deux sur la balançoire Le monde merveilleux de Barbie

Comédie dramatique contemporaine deWilliam Gibson, mise scène de BernardMurat, avec Alexandra Lamy et JeanDujardin Théâtre Edouard-VII

(10 place Edouard-VII Paris 9è) - 01 47 42 59 92

vie de son côté.

Cet enfant (voir p. 16), deet mes de JoëlPommerat, Paris-Villette,211 Avenue Jean Jaurés,19è. 01 42 02 02 68. Du17/04Suite à des rencontresavec des femmes deNormandie vivant en cité,Joël Pommerat a écrit, àsa façon, sans jamaisretranscrire une histoiredirectement racontée,mais plutôt en rêvant lesdéchirements de tous.

Corps otages, de JalilaBaccar, mes de FadhelJaïbi. Spectacle en arabesurtitré. Odéon - Théâtre del'Europe, place del’Odéon, 6è. 01 44 85 4040. Du 7 au 11/06.

Do, mi, sol, do !, de PaulGéraldy, mes de RégisSanton, avec RachelArditi, Camille Cottin,Mélaine, David Seigneur,Sacha Stativkine. ThéâtreSilvia Monfort, 106 RueBrancion, 15è.01 45 31 10 96. Du 11/05au 2/07. Quatre partitionspour virtuoses qui interro-gent le ciment du couple,le mariage et la sépara-tion du divorce.

Doute, de John PatrickShanley, mes de RomanPolanski, avec NoémieDujardin, ThierryFrémont, DominiqueLabourier, FélicitéWouassi. Hébertot, 78 bisbd des Batignolles, 17è.01 44 70 06 69. Jusqu’au28/05.Coupable ? Non cou-pable ? Quel poids don-ner à la rumeur ? Auxinstitutions ? Quelle estla place de la victime ?

L'enfant rêve, d’AnokhLevin, mes de StéphaneBraunschweig, Colline,15 rue Malte Brun, 20è.01 44 62 52 52. Du 25/04au 20/05.La pièce s’ouvre surl’image tranquille d’unenfant qui dort. Autour deson lit, ses parents seréjouissent qu’il se soitenfin endormi, presqueheureux qu’il repose làcomme un mort.

Epître aux jeunes acteurs,(voir p.50) de et mesd’Olivier Py, avec JohnArnold, Samuel Churin.Rond-Point, 2 bis ave

Franklin Roosevelt, 8è. 0144 95 98 21. Du 26/04 au28/05.Pour un public plus largeque celui des apprentis.

L'escale (voir Théâtralmagazine n°6), de PaulHengge, mes de StephanMeldegg, avec JulietteArmanet, Philippe Clay,Philippe Laudenbach,César Méric. La Bruyère,5 rue La Bruyère, 9è. 0148 74 76 99. Une ren-contre énigmatique enattendant l’avion.Passionnant et émou-vant. HC

La Femme Fantôme, mesde Michael Batz, avecNadège Beausson-Diagne, Julien Goualo. Artistic Athévains, 45 bisrue Richard Lenoir, 11è.01 43 56 38 32. Jusqu’au30/05. Le parcours d’unejeune femme noire ano-nyme, qui quitte son paysd’Afrique d’origine aprèsavoir écrit, des articlestrès critiques envers lerégime en place qui ontprovoqué le massacre desa famille.

Les Grecs (voir p. 64), de Jean-Marie Besset,mes de GilbertDésveaux, avecMarianne Basler, XavierGallais, Jean-MichelPortal et SalimKechiouche.Montparnasse, 31 rue dela Gaîté, 14è. 01 43 22 7774. Un couple reçoit unami à dîner. L’invité arriveavec son petit ami qui vaexacerber les fantasmesdes convives.

Les Grelots du fou, deLuigi Pirandello, mes deClaude Stratz, Comédie-Française, 21, rue duVieux-Colombier, 6è. 0144 39 87 00. Du 26/05 au8/07.

Hôtel Dorothy Parker, mesde Rachel Salik, avecBetty Bussmann, YvetteCaldas, GenevièveMnich, Gonzague Phélip,Susanne Schmidt. La Bruyère, 5 Rue laBruyère, 9è. 01 48 74 7699. Du 18/04 au 25/06.La bourgeoisie New-Yorkaise des annéestrente, inspiré de l'oeuvrede Dorothy Parker, gran-de dame, célèbre pourses frasques, son origi-nalité et ses mots d'es-prit.

Houria, de Gaspare Dori,mes de ChristopheLuthringer, Bruce Myers,avec Pamella Edouard.Lucernaire. 53, rue NDdes Champs, 6è. 01 4544 57 34. Houria est unefemme afghane sous lerégime des talibans.Grâce à son imagination,elle s'évadera de sa cel-lule et ne perdra jamaisl'espoir de devenir libre.

Illusions Comiques, (voirp.50) de et mes d’OlivierPy, avec Michel Fau,Philippe Girard, ElizabethMazev, Bruno Sermonne. Rond-Point, 2 bis aveFranklin Roosevelt, 8è. 0144 95 98 21. Du 10/05 au3/06. Une troupe d’acteursrépète devant les specta-teurs des grandeurs et lesmisères de la cuisine théâ-trale. On voit là les armesd’une comédie qu’on pour-ra dire musicale. L'Inattendu, de FabriceMelquio, mes de ThierryHancisse, avec CoralyZahonero. Comédie-Française Studio-théâtre. Galerie du Carrousel 99,rue de Rivoli, 1er. 01 4458 98 58. Du 24/05 au4/06.

Landru (voir Théâtralmagazine n°6), deLaurent Ruquier. Mes deJean-Luc Tardieu, avecRégis Laspales, EvelyneDandry, MoniqueMauclair, Michèle Garcia,Marcel Cuvelier. ThéâtreMarigny, Carré Marigny,8è. 01 53 96 70 00.Jusqu’au 14/05. La vie du1er serial killer adaptéeen comédie. Le pari de lapièce est avant tout defaire rire le spectateur e,gommant le côté mons-trueux du personnage.EP

Love letters, d'Albert RamsdellGurney, mes de SandrineDumas, avec AnoukAimée, Philippe Noiret. Madeleine, 19 rue deSurène, 8è. 01 42 65 0709. Un texte émouvant àentendre ou à réentendrepour Anouk Aimée etPhilippe Noiret. HC

La leçon de théâtre, (voirp.50) de et mes d’OlivierPy, avec Michel Fau,Philippe Girard, ElizabethMazev, Bruno Sermonne.Rond-Point, 2 bis aveFranklin Roosevelt, 8è. 0144 95 98 21. Du 10/05 au3/06.

Ma vie avec Mozart, (voirp.20), d’Eric-EmmanuelSchmitt, mes deChristophe Lidon, avecDidier Sandre. PetitMontparnasse, 31 rue dela Gaîté, 14è. 01 43 22 7774. A partir du 10/05.

Mastication, PatrickKermann, mes de etavec Pierre Marie Carlier,avec aussi KarineMauran, ElodieMonsenert, Cyril Aubin,Fabrice Carlier, ArnaudDautzenberg, PhilippeMoutte. Ciné 13 Théâtre,1 av Junot, 18è. 01 42 5415 12. Jusqu’au 30/04.Une chronique villageoi-se sans concession, sou-vent croustillante, parfoisscabreuse.

Mémoires d'un tricheur, deSacha Guitry, mes deFrancis Huster, avecFrancis Huster, Yves LeMoign'. Mathurins, 36Rue des Mathurins, 8è.01 42 65 90 01. Le hérosdu Roman d’un tricheurcommence par voler huitsous dans la caisse del’épicerie familiale. Àcause de ce vol, il estprivé de champignons. Àcause de ces champi-gnons, il devient orphe-lin…

Mon lit en zinc, de DavidHare, mes de LaurentTerzieff, avec BenjaminBellecour, DominiqueHollier, Laurent Terzieff. Studio des ChampsElysées, 15, avenueMontaigne, 8è. 01 53 2399 10. Du 3 au 31/05. Lethème principal est ladépendance : dépendan-ce à l’alcool, à l’amour,ou aux éphémères pous-sées d’adrénaline desaffaires.

La Noce chez les petits-bourgeois... CréolesOn maye ozabwa (voir p.26), de Brecht, mes dePhilippe Adrien, Théâtrede la Tempête,Cartoucherie deVincennes, 12è. 01 43 2836 36. Du 21/04 au 21/05.La Noce est ici adaptéeaux réalités de la sociétéantillaise contemporaine :on parle tantôt français,tantôt créole, on danse lezouk… mais gare !L’esprit caustique deBrecht ne laisse person-ne indemne et son pro-pos se révèle universel.

En scène

Dieu habiteDüsseldorf

La preuve par l’absurde

Comédie à sketches de Sébastien Thiéry,mise en scène de Christophe Lidon, avecMarie Parouty, Sébastien Thiéry, Artus dePenguern Mathurins (36, rue des Mathurins Paris 8è)01 42 65 90 01

Trois personnes se croisent et se recroisent sur scène dans une sériede sketches sans rapport les uns avec les autres : un homme rencontrele père d’un ami et découvre qu’il est empaillé et débite des phrasesenregistrées qui font du bien au psychisme de son fils, une spécialistede l’amour accueille un client qui espère trouver un ami, un médecinrend un patient handicapé pour tromper son mal de vivre… Ces his-toires sont tellement inattendues qu’elles ne cessent pas de surprendrele public. Peut-être parce que Sébastien Thiéry, l’auteur et l’un desinterprètes, est rodé à l’écriture efficace de la télé, avec la série "Chezmaman" ; peut-être parce que les comédiens jouent indifféremment lespersonnages féminins ou masculins, jeunes ou vieux, de sorte qu’ilssont interchangeables et invisibles, et que seuls comptent les situa-tions décrites et leurs effets sur le public ; peut-être enfin parce quel’apparente absurdité des sketches dénonce en réalité bien des mauxde la société. HC

Arnolphe craint plus que tout d’être fait cocu. Il a donc mis aupoint une parade contre ce mal : ayant jeté son dévolu sur sa pupil-le Agnès, il l’a élevée à l’abri de toute tentation depuis son plus jeuneâge, en la cloîtrant avec deux domestiques qu’il croit ignares. Mais enrevenant chercher le fruit en âge d’être consommé, il constate quel’ignorance des choses de la vie l’a laissée ouvrir sa porte à un jeunehomme amoureux d’elle à qui elle a cru porter secours en toute inno-cence… Evoluant au milieu de grandes tentures, et habillés de tenuesqui rappellent la chaleur de l’orient, les personnages de Molière irra-dient d’une énergie communicative qui ravive une pièce vue, revue etdont certaines répliques sont sues par beaucoup. Ce texte de défen-se de la femme distillé par les comédiens, tous excellents, dont ColineSerreau dans le rôle d’Arnolphe, arrive avec clarté et évidence, sauflorsqu’ils se mettent à rapper. Soudain, les coutures d’un vêtementparfaitement taillé apparaissent et le spectateur est brutalementréveillé et ramené à son quotidien où le clonage est le mot d’ordre…Malgré ces intermèdes qui semblent convenus, la pièce est un régal.

HC

Comédie classique de Molière, mise enscène de Coline Serreau, avec EmmanuelPierson, Coline Serreau, Daniel Briquet,Thomas Derichebourg, Alexis Jacquin,Lolita Chammah, Frédéric Sauzay, AliceVarenne Madeleine (19, rue de Surène Paris 8è)01 42 65 07 09

Texte contemporain de et mise en scène deValère Novarina, avec Catherine Salviat,Christine Fersen, Gérard Giroudon,Véronique Vella, Alexandre Pavloff, DanielZnyk, François Chattot, Christian Paccoud,Richard Pierre, Matthieu Dalle, LucileArché, Marion Picard, Adélaïde Pralon.Comédie Française, salle Richelieu, enalternance (place Colette Paris 1er)Jusqu’au 8 mai 2006 - 01 44 58 15 15

Prendre son billet pour "L’Espace furieux" sans savoir dans quois’embarquer revient à peu de chose près à s’envoler pour le Japonsans parler le japonais, ou rester coincé de longues heures dans unascenseur sans pouvoir appeler au secours. Mieux vaut parler leNovarina avant, et donc lire quelques articles sur le personnage etson œuvre, se frotter à la philosophie du langage et plus précisémentà la philologie à travers des gens comme Nietzsche, ou Tolkien.Puisque finalement, Novarina réinvente un monde à lui, celui du moi(surplombant la scène sous la forme d’un néon, "je suis"), avec sonlangage propre, où deux innocents, tout de blanc vêtus, questionnentmécaniquement les êtres et choses qu’ils voient. La scène, aménagéepar Novarina lui-même, est divisée en deux mondes : d’un côté l’in-connu, représenté comme un chaos par les grands panneaux qu’il apeints, et de l’autre le questionnement symbolisé par la pureté dublanc aux lignes invisibles. Les intellectuels et les fans de Novarinacrieront au génie, les autres préfèreront se rabattre sur "le Seigneurdes Anneaux" pour débroussailler avant. "L’Espace furieux" est sans doute une pièce remarquable, mais elle n’incitera pas le public "lambda" à revenir de sitôt au théâtre… HC

L’Espace Furieux Questions initiatiques

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Dans son coquet appartement new-yorkais, Clara Mosca reçoit unappel de Jerry Ryan, un avocat qu’elle a rencontré la veille au coursd’un dîner. D’abord réticente, à cause du douloureux divorce qu’iltraverse, elle se laisse finalement séduire par ce drôle de Dom Juan.Mais si leur liaison cicatrise les blessures de Jerry, lorsque sa femmedont il n’est toujours pas divorcé refait surface, il oublie les pro-messes faites à Clara. Malgré ses airs de "Tendre est la nuit", où l’héroïne anéantit son marien puisant chez lui les ressources nécessaires à sa guérison et l’aban-donne pour filer le parfait amour avec un autre, "Deux sur la balançoi-re" est aussi une comédie. Clara et Jerry sont constamment drôles ettouchants dans leur quotidien et donnent envie de croire à leur histoi-re. C’est exactement ce qu’Alexandra Lamy et Jean Dujardin rendentsur scène : un couple modèle, qui fait ressembler le quotidien le plusrépétitif à un conte de fée, ce qui rend la fin d’autant plus inadmissible.Apprêtés sur scène comme des poupées Barbies évoluant dans undécor chic et douillet, ils font passer aux spectateurs un moment déli-cieux, dont seules les comédies américaines des années cinquanteavaient le secret. HC

L’École des femmesLa libération d’Agnès

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THEATRAL N°7 28/04/06 14:07 Page 54

Page 29: Actualités, entretiens, conseils • Décembre 2005 / Janvier …Novarina, qui a été choisi pour lui succéder d’après son projet artistique intitulé "Ensemble". Le théâtre

GursLa ballade des gens courageux

Drame contemporain de Jorge Semprun,mise en scène de Daniel Benoin, avecIgnacio Andreu, Sophie Duez (ou CécileMathieu en alternance), Patrick Hastert,Ane Rebolleda, José Manuel Seda,Germain WagnerThéâtre du Rond Point (Paris 8è)

Jusqu’au 15/04/2006 - 01 44 95 98 21 ou 0 892 701 603

Normalement, de ChristineAngot, mes de ThomasQuillardet, avec AliènorMarcadé Séchan. CieMugiscué, 3 rue ErnestRenan, 15è. 01 45 49 0569. Du 15/05 au 30/06.Un monologue déstructu-ré en théâtre d’apparte-ment de 20 places.

Oscar et la dame rose (voirThéâtral magazine n°6),d'Eric-Emmanuel Schmitt,mes de Joël Santoni,avec Anny Duperey.Théâtre de l'Œuvre, 55 ruede Clichy, 9è. 01 44 53 8888.Oscar est atteint d’uneleucémie et n’a plusqu’une douzaine de joursà vivre. Il ne trouve d’al-liée que dans une de cesbénévoles habillées enrose. Une pièce en formede prière. FV

Pœub, de Serge Valletti,mes de Michel Didym,avec Philippe Fretun,Alain Fromager, DanielMartin, CatherineMatisse, Charlie Nelson,Hervé Pierre. Colline, 15rue Malte Brun, 20è. 01 4462 52 52. Du 27/05 au24/06. Un patron de caféirlandais tue le chef de lapolice locale, devient sonremplaçant…

Pygmalion (voir Théâtralmagazine n°6), deGeorge-Bernard Shaw,mes de Nicolas Briançon,avec Catherine Alcover,Henri Courseaux, BrunoHenry, Fleur Houdinère,Danièle Lebrun, Pierre-Alain Leleu, Jean-PaulLopez, Odile Mallet,Maurine Nicot, BarbaraSchulz, Nicolas Vaude.Comedia, 4 bld deStrasbourg, 10è. 01 42 3822 22. Une marchande defleurs réussit à se fairepasser pour une duches-se grâce à un éminentprofesseur de phonétique.Un moment de théâtredélicieux. HC

Réception, de SergeValletti, mes d’YvanRevol, avec PhilippeBouclet, VanessaMeïnster, AlexandreVigouroux. SuddenThéâtre, 14 bis rue Ste-Isaure, 18è. 01 42 62 3500. Du 4/05 au 17/06.Dans un petit hôtel de pro-vince, un réceptionnistesolitaire voit ses habitudesbouleversées par l’arrivée

inattendue d’un client…qui demande unechambre !

Samuel dans l’île (voirThéâtral magazine n°6),de Jean-Claude Deret-Breitman, mes de SoniaVollereaux, avec JCDeret-Breitman, YvanCarpier, Liviu Badiu. Funambule, 53 rue desSaules, 18è. 01 42 23 8883. En 1945, sur une îledéserte, le docteurSamuel Rubinstein pour-suit ses recherches. Ilporte secours à un avia-teur nazi qui se faitabattre près de son para-dis. Une pièce émouvanteet drôle. HC

September 11, 2001, deMichel Vinaver, mes deRobert Cantarella, avecJonathan Ahmanson,Jorge Castaneda, CelesteDen, Max Eugene Jr,Ayana Hampton, CindyIm, Carla Nassy, ArianeOwens, Hilario Saavedra,Cecily Strong, Jin Suh. Colline, 15 rue Malte Brun,20è. 01 44 62 52 52. Du 7au 17/06.

Tête d'or, de Paul Claudel,mes d’Anne Delbée,Comédie-FrançaiseThéâtre du VieuxColombier, 6. 0825 101680. Jusqu’au 14/05.

Un tramway nommé désir,de Tennessee Williams,mes d’Elsa Royer, avecGaëlle Billaut-Danno,Alexandre Chacon,Violaine Fumeau-Silhol,Nicky Marbot. ThéâtreMouffetard, 73, rueMouffetard, 5è. 01 43 3111 99. Du 11/05 au 25/06.Blanche DuBois, institutri-ce destituée de ses fonc-tions suite à une aventureavec l’un de ses élèves,se réfugie chez sa jeunesoeur Stella. Sa présenceforcée n’enchante passon beau frère StanleyKowalski.

Les Vainqueurs (voir p. 50),d’Olivier Py, mes d’OlivierPy, Rond-Point, 2 bis aveFranklin Roosevelt, 8è. 0144 95 98 21. Du 29/04 au28/05.Une épopée en troispièces : Les Etoilesd’Arcadie, LaMéditerranée perdue, LaCouronne d’olivier.

Violette sur la terre, deCarole Fréchette, mes de

Maxime Leroux, avecMaryline Even, VincentJaspard, JulietteMarcelat, Olivier Saladin,Emilie Wiest. Théâtre 13.103 A, bd AugusteBlanqui, 13è. 01 45 88 6222. Du 25/04 au 4/06.Cinq personnages n’ontpas compris que lemonde avait changé etvont réaliser que toutn’est pas perdu, qu’ilreste la beauté, la bonté,le courage et la marche àpied.

COMEDIES CONTEMPORAINES

Un air de famille, de Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui,mes de François Matteï.Nesle, 8, rue de Nesle,6è. 01 44 07 35 49.Jusqu’au 1/07.Toute ressemblance avecune famille existante neserait que pure mais trou-blante coïncidence. Lapièce illustre avec réalis-me et sincérité unetranche de vie.

Les Amazones, de Jean-Marie Chevret, mes deJean-Pierre Dravel,Olivier Macé, avec OlivierBénard, Sonia Dubois,Fiona Gélin, ChantalLadesou, JulietteMeyniac. Rive Gauche, 6r Gaîté, 14è. 01 43 35 3231. Du 3/05 au 25/06.Trois joyeuses céliba-taires de 40 ans, un peuégratignées de la vie,cohabitent pour oublierles affres de leur cœur enjachère.

Arrête de pleurer Pénélope, de Christine Anglio,Juliette Arnaud, CorinnePuget, mes de ThomasLe Douarec, avecSamantha Benoît, KarenDersé, Elsa Pasquier.Trévise, 14 Rue Trévise,9è. 01 45 23 35 45. Du31/05 au 26/08. Troistrentenaires ou presque,amies de longue date, seretrouvent pour l’enterre-ment de vie de jeune fillede la quatrième, mais lasoirée tourne au vinaigre.

Bellissimo, mes d’AnthonyMagnier, VingtièmeThéâtre. 7, rue desPlatrières, 20è. 01 43 6601 13. Du 11/05 au 25/05.Une tente qui sort d’unsoutien-gorge, un comtevénitien déguisé en reli-gieuse qui danse et chan-te le gospel, une évadée

dyslexique, un voyagesur la lune, des chants du16ème siècle, des duels,de la pantomime, le touten costume d’époque surdes tréteaux...

Boulevard du boulevard duboulevard,voir p.40) de etmes de Daniel Mesguich,avec Odile Cohen,Frédéric Cuif, SarahFuentes, GaëlleHausermann, ChristianHecq, Sarah Mesguich,Laurent Montel, FlorenceMuller, Eric Verdin. Rond-Point, 2 bis av FranklinRoosevelt, 8è. 01 44 9598 21. Jusqu’au 15/03.Du Feydeau, Labiche etCourteline, déréglés parTex Avery, les MarxBrothers, les MonthyPython ou Stan Laurel.

Le butin, de Joe Orton,mes de Marion Bierry,avec Jacques Boudet,Olivier Chauvel, Marie-Anne Chazel, BenoîtGiros, Christian Pereira,Yann Tregouet. Fontaine,10 rue Fontaine, 9è. 01 4874 74 40.Un chassé-croisé hilarantentre le butin d’un hold-upet un cadavre embaumé.

Ce soir ou jamais (voirThéâtral magazine n°6),de Bruno Chapelle,Philippe Hodara, mes deFrancis Perrin, avecBruno Chapelle, PhilippeChevallier, Alice Dona,Stéphane Henon, EsseLawson, Richard Taxy,Olivier Till. GymnaseMarie Bell, 38 bd deBonne Nouvelle, 10è. 0142 46 79 79. Une fantai-sie poussive.FV

C'est jamais facile, deJean-Claude Islert, mesde Jean-Luc Moreau,avec Ingrid Donnadieu,Maaïke Jansen, NicolasJouhet, Roger Miremont,Myriam Moraly. ThéâtreMichel, 38 rue desMathurins, 8è. 01 42 6535 02. Jusqu’au 13/05.Avoir 50 ans, c’est pasfacile. En avoir 20, nonplus. Avoir les 2, c’est ter-rible.

Début de fin de soirée, deClément Michel, mes deLudovic Pacot-Grivel,Comédie de Paris, 42 RueFontaine, 9è. 01 42 81 0011. Jusqu’au 30/04.Il est deux heures dumatin, Félix et Mathildeviennent de recevoir 37

En scène

IvanovUne fresque sur la décadence de la

bourgeoisie russe gâtée par du rap…

Drame classique d’Anton Tchékhov, mise enscène de Franck Berthier, avec Jean-PhilippeEcoffey, Serge Lipszyc, François Lalande,Laurence Kevorkian-Berthier, Jean-PierrePoisson, Catherine Ferri, Manon Conan,Jacques Kalbache, Nadine Alari, GuillaumeRavoire, Franck Berthier, Ariane Dubillard,Elsa RozenknopThéâtre Silvia Monfort (106, rue Brancion, Paris 15è) 01 45 31 10 96 - Jusqu’au 30 avril 2006

Une fresque sur la décadence de la bourgeoisie russe : l’argent,l’amour, la religion, la maladie. Ivanov a fait quelques années aupara-vant un mariage de raison avec Anna Petrovna, qui, elle, par amourpour lui, a renoncé à tout, reniant ses racines juives pour se convertir àla religion orthodoxe. Mais aujourd’hui, elle est condamnée par latuberculose et Ivanov noie dans l’alcool son mal existentiel et sesennuis financiers : il a contracté une dette auprès des Lebedev et se ditqu’après la mort de sa femme, seul le mariage avec leur fille Sachapourrait effacer cette ardoise… à quel prix ?Le déroulement de ce drame est quelque peu perturbé par les effetsmodernes de la mise en scène de Frank Berthier, comme l’intrusion demusique rap dans la pièce... De même, le jeu des comédiens oscillesans cesse entre tragédie et comédie de boulevard, ce qui ajoute à laconfusion ! Florent Saclier

Mademoiselle Julie, jeune fille de la noblesse éduquée conformé-ment aux usages de sa condition, semble vouloir s’affranchir desconventions sociales qui régissent son existence. A l’occasion de lanuit de la Saint-Jean, elle invite son domestique à danser puis s’im-misce dans son intimité, investissant la cuisine du château commenouveau terrain d’expérimentation. Après le départ de Christine, lacompagne de Jean, le vin et la chaleur aidant, le jeu de séduction sefait de plus en plus pressant, excitant le désir de part et d’autre, jus-qu’à l’assouvissement des corps. Mais avec l’aube, la prise deconscience de leur acte les panique et les dégoûte…Strindberg pose ici le problème de la condition sociale face aux pul-sions amoureuses. La fusion charnelle des deux personnages,d’abord consentie puis très vite inassumée, les mène inévitablementà leur perte. La mise en scène de Didier Long, judicieusement austè-re, donne à Emilie Dequenne l’occasion de faire ses premiers pas surscène. Elle incarne une Julie sensuelle, capricieuse, changeante, auxcôtés de Bruno Wolkowitch et Christine Citti, tous deux égalementparfaits dans ce huis-clos impitoyable. Emmanuel Plé

Drame contemporain d’AugustStrindberg, mise en scène de Didier Long,avec Emilie Dequenne, Bruno Wolkowitch,Christine CittiThéâtre Marigny - Salle Popesco (carréMarigny, Paris 8è) - 01 53 96 70 20

Comédie dramatique contemporaine deJean-Claude Bourgeyx, mise en scène deJean-Louis Thamin, avec Anémone Variétés (7, bd Montmartre Paris 2è)01 42 33 09 92

Orpheline à l’âge de 12 ans, la fille de Mme Werner ne verse pour-tant pas dans la mélancolie et se révèle d’un optimisme à touteépreuve. Bien des années passent, laissant Mlle Werner seule, maisjamais aigrie, espérant toujours rencontrer le grand amour "encoredevant moi alors que pour beaucoup de femmes comme moi, il estdepuis longtemps derrière". En manque d’érotisme à force d’attendre,elle compense en fantasmant sur son voisin du dessus, son pendanten version mâle. Lorsqu’elle décroche enfin un rendez-vous avec lui,elle l’emmène au supermarché où elle s’éclate avec son caddiechaque semaine. Et quand elle a une petite baisse de moral, elle serequinque vite au volant de son break, qu’elle conduit comme unefolle en fermant les yeux...Dans le rôle de cette éternelle optimiste, fagotée façon mannequinsdes catalogues de VPC, Anémone joue sans retenue, mais sans ver-ser dans la mièvrerie. Loin d’en faire une innocente, elle montre unefemme pétrie de désirs et d’envies, qu’elle vit intérieurement grâce àune faculté impressionnante de rêver. Terrifiant et drôle.HC

MademoiselleWerner

Une vie remplie d’envies et d’espoir

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Des acteurs répètent une pièce historique dont l’action se situe en1941 au camp de concentration de Gurs dans les PyrénéesAtlantiques : cinq prisonniers, dont deux espagnols fuyant le régimefranquiste, une juive sépharade et deux allemands communistes, pré-parent un concert pour célébrer le 14 juillet. Construit par les françaisen 1939 pour y accueillir les opposants à Franco, le camp a basculéaux mains de Vichy en 1941 faisant passer les espagnols du statut deréfugiés à celui de prisonniers, bientôt rejoints par les juifs et les autresrefoulés par le régime nazi. Ainsi, depuis sa création, Gurs n’a cesséd’accueillir des opposants au nazisme, d’abord pour les protéger, puispour les exterminer. Loin d’être une pièce sur l’holocauste, "Gurs" décrit la genèse d’unprojet entre des prisonniers de différentes nationalités. Plus proche dudocumentaire, elle entrecoupe le déroulement de l’action en montrantles comédiens et leur metteur en scène cherchant à comprendre et àappréhender leurs personnages en remontant progressivement aux ori-gines du camp. Immanquablement interpellé par ces ruptures, au coursdesquelles il se retrouve sous les projecteurs aux côtés des acteurs, lespectateur se souvient de cette histoire et surtout de ces hommes etfemmes qui lui ont construit son monde d’aujourd’hui. Ce qui donne enplus à la pièce un aspect exaltant. HC

Mademoiselle Julie Une pièce sur l’impossible

transgression du milieu social

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Petits meurtres en familleUne famille modèle où la vie bascule !

Comédie dramatique contemporaine de etmise en scène de François Roux, avecSerpentine Teyssier, Nicolas Moreau, EmilieGavois-Kahn, Julien Baumgartner, Joël-Joseph Barbouth, Georges Bécot, Jill Gagé

Sudden Théâtre (14 bis rue Sainte-Isaure, Paris 18è)01 42 62 35 00

personnes. La soirée estterminée… Enfin, c’est cequ’ils croient.

Dernier rappel, de et mesde Josiane Balasko, avecCartouche, GeorgesAguilar, Josiane Balasko,Chantal Banlier, MariusColucci, Julie de Bona,Jacky Nercessian.Renaissance, 20 Bd Saint-Martin, 10è. 01 42 08 1850. Jusqu’au 13/05.

Les hauts plateaux, dePatrick Tudoret, mes deJean-Paul Bazziconi,avec ChristopheBourseiller, Cris Campion,Marcelline Collard, JulieMarboeuf, SerenaReinaldi, SéverineVincent. Rive Gauche, 6 rGaîté, 14è. 01 43 35 3231. Jusqu’au 8/6.L’histoire de NorbertBulot, enseignant, maisaussi à ses heures écri-vain, et dont le premierroman est un triomphe.

L'Homme de février, de etmes de Gildas Milin, avecEmelie Aurora Jonsson,Julie Pilod. Colline, 15 rueMalte Brun, 20è. 01 44 6252 52. Du 26/04 au 21/05.Cristal a toujours rêvé dechanter. À coups de cock-tails chimiques, elle seforge une voix et une per-sonnalité capable d’af-fronter le public.

Comic Symphonic, avecMarc Jolivet, avecl'Orchestre SymphoniqueLyonnais. Casino deParis, 9è. Du 18 au 30/04.Marc Jolivet et PhilippeFournier ont pris leurtalent à quatre mainspour créer un spectacled'un genre nouveau.

Les Monologues du Vagin,d'Eve Ensler, mise enscène d'Isabelle Rattier,avec Astrid Veillon, SaraGiraudeau. Petit Théâtrede Paris, 15 rue Blanche,9è. 01 48 74 25 37.Jusqu’au 6/05.A partir des témoignagesde femmes du mondeentier sur leur sexe.

Un petit jeu sans consé-quence, de Jean Dell,Gérald Sibleyras, mesd’Amar Mostefaoui,Comédie République, 3è.Jusqu’au 4/06. Claire etBruno font semblant dese séparer. Ils diffusent lanouvelle auprès de leursamis.

Si c'était à refaire, deLaurent Ruquier, mes deJean-Luc Moreau, avecLaurence Badie, NoémieDelattre, IsabelleMergault, Claire Nadeau,Alexia Namani, PierrePalmade. Variétés. 7, bdMontmartre, 2è. 01 42 3309 92. Un chirurgienesthétique de renom,marié à une femme trèsjalouse, engage une nou-velle secrétaire.

Stationnement alterné, deRay Cooney, mes deJean-Luc Moreau,Michodière, 4 bis Rue dela Michodière, 2è. 01 4742 95 22. Jusqu’au 31/05.Un homme menant unedouble vie enchaîne lesmensonges.

Tenue de Soirée, deBertrand Blier, mesd’Hélène Zidi-Chéruy,avec Paul-EmmanuelDubois, Didier Forest,Célia Granier-Deferre,Arnaud Lesimple. Côté Cour, 11è. Jusqu’au24/06. Dans un dancing,Monique accable dereproches Antoine surl'existence minable qu’illui fait mener. C’est alorsque Bob, un voleur decharme bisexuel flam-boyant, arrive à lesconvaincre de faire équi-pe avec lui en cambrio-lant de luxueuses villas.

HUMOUR

Du vent dans mes mollets,de et avec RaphaeleMoussafir, mes d’IsabelleJeanbrau. Ciné 13Théâtre, 1 av Junot, 18è.01 42 54 15 12. Jusqu’au26/04. Un one womanshow sur des institutriceshumiliantes, des copinesgarces et des parentsvaches.

Le streap tease deMademoiselle, de et avecThierry Fontez, mesd’Emmanuel Guillon,musique de RollandRomanelli, Olivier Renoir,chorégraphie d’ElianeDecostanzi. Théâtre deDix Heures, 36 bd deClichy, 18è. 01 46 06 1017. Du 4/04 au 24/06 à22h. Frémissante sous salourde perruque orange etses faux cils, Barbarachante, danse et se rêvedans des boas aussi éli-més que ses illusions.

Toc Toc (voir Théâtralmagazine n°6), de et mesde Laurent Baffie, avecDaniel Russo, BernardDhéran, Marilou Berry,Claire Maurier, SophieMounicot, Yvon Martin,Marie Cuvelier. Palais-Royal, 38 rueMontpensier, 1er. 01 4297 59 81. Six toqués vien-nent consulter le plus grandspécialiste des tocs. Unesoirée divertissante assu-rée. HC

Un moment Dapsence,one man show de LionelMoreau, mes de Jean-Luc Rabatel, avecAymeric Dapsence.André Bourvil Théâtre,13 rue des Boulets, 11è.Aymeric Dapsence s’im-provise tour à tour méde-cin, randonneur complè-tement piqué, prof dethéâtre inénarrable, ousadique tueur demouches.

MUSICAL

La Calife de Bagdad, deFrançois-AdrienBoieldieu, OpéraComique, place del’Opéra Comique, 2è. 0825 00 00 58.Tiré d’un conte arabe.Zétulbé, fille de la veuveLamaïde, confie à sa ser-vante Késie son amourpour un homme qui l’a pro-tégée d’un groupe de bri-gands, alors qu’elle se pro-menait seule dans la nuit.

Duel, mes d'Agnès Boury,avec Laurent Cirade,Paul Staigu. Comédiedes Champs Elysées,15, avenue Montaigne,8è. 01 53 23 99 10.Deux musiciens se livrantà des règlements decompte avec un piano etun violoncelle.

Feu sacré, de BrunoVillien, d’après GeorgeSand, musiques deFrédéric Chopin, mes deSimone Benmussa, avecMacha Méril et Jean-Marc Luisada. ThéâtreMogador, 25 rue deMgador, 9è. 0825 000821. Jusqu’au 12/05.C’est George Sand quiparle et Frédéric Chopinqui l’écoute et lui répondpar les musiques compo-sées pendant les annéesde leur liaison.

La framboise frivole -Pomposo, avec Peter

Hens , Bart VanCaenegem. Théâtre desBouffes Parisiens. 4, ruede Monsigny, 2è. 01 4296 92 42. Jusqu’au29/04. Deux musiciensfont redécouvrir lesgrandes œuvres sympho-niques et lyriques avechumour.

ENFANTSLa Jeune Fille, le diable etle moulin, (voir p.50) deet mes d’Olivier Py, avecCéline Chéenne, SamuelChurin, Sylvie Magand,Thomas Matalou,Benjamin Ritter. Rond-Point, 2 bis ave Franklin.Du 2 au 24/05. Deuxcontes inspirés descontes de Grimm.

FESTIVALS

Rencontres à laCartoucherie.Cartoucherie deVincennes. Du 9 au18/06. Depuis maintenantplus de dix ans, lesRencontres à laCartoucherie rassemblent150 comédiens, auteurset metteurs en scène,pour créer des spectaclesqui abordent de façondiversifiée et décalée lesquestions du monde : ledevenir de la planète, lefanatisme religieux, le tra-vail, l'injustice, la famille...

BanlieueSartrouville (78)

Théâtre de Sartrouville Place Jacques Brel - BP93

Cabaret de curiosités,d’Antonin Artaud, PierreBourdieu, mes de LaurentFréchuret, Du 25/04 au5/05. Un vrai-faux journaltélévisé un cabaret poéti-co-politique, une chro-nique sens dessus des-sous, subversive, salutai-re, un peu provocatrice,rosse, mais gaie, acide etémouvante.

Aubervilliers (93)

Théâtre de la Commune 2, Rue Edouard Poisson01 48 33 93 93

Avis aux intéressés, deDaniel Keene, mes deDidier Bezace, avecGilles Privat, Jean-PaulRoussillon. Du 10/05 au16/06. Ils sont chez euxpuis dehors dans la ville,puis à nouveau chez eux

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Orange Mécanique Un délinquant est le

cobaye d’un gouvernement

qui veut le domestiquer

Drame contemporain d’Anthony Burgess, adaptation de NicolasLaugero et Alexandre Berdat, mise en scène de ThierryHarcourt, avec Sagamore Stévenin, Isabelle Pasco, PhilippeCorti, Jean-Christophe Bouvet, Jean-Gabriel Nordmann, FiratCélik et Philippe SmailCirque d’Hiver Bouglione (110, rue Amelot, Paris 11è) 01 47 00 12 25 - Jusqu’au 6 mai 2006

Dans un monde déshumanisé, où ne comptent plus que les valeursde l’argent et du profit, Alex et sa bande exercent la terreur.Emprisonné, il va être utilisé comme cobaye par le gouvernement pourtester des traitements destinés à le rendre "récupérable" pour la socié-té. Dans un espace bi-frontal, une scénographie nerveuse et efficacese met en action : du milk-bar à la rue, passant par les "intérieurs" etla prison, tout est là.La réussite du spectacle est due à l’adaptation fidèle jusque dans lelangage et la musique de Cerrone : précise, concise, violente ; maisaussi à la troupe, d’où émergent Jean-Gabriel Nordmann, et surtoutSagamore Stévenin totalement investi du rôle d’Alex. Tout repose surlui, son charisme vénéneux, tour à tour détestable et pitoyable.Survolté, odieux, bourreau ou victime, il envahit l’espace. Un spectacleculte, néanmoins violent, peu recommandé aux âmes sensibles.

Alexandre Laurent

Dans l’atelier de Rodin, une femme attend que le Maître reviennefinir son buste. Lorsqu’il arrive enfin, il la poursuit tel un ogreaffamé pour la forcer à se déshabiller. En vain, puisqu’il n’obtien-dra qu’un corps suggéré sous un voile. Cette femme qui lui résistes’appelle Marie Cabanes. Amie de Rilke alors secrétaire de Rodin, elles’est introduite chez lui comme modèle pour mieux étudier la sculp-ture et assistera à la rupture entre les deux hommes après huit moisde collaboration. La pièce décrit leur relation chaotique, Rodin ayantengagé Rilke pour subvenir à ses difficultés financières et l’ayant ren-voyé pour avoir profité de ses relations à titre personnel. Le person-nage de Marie Cabanes a été inventé pour créer un enjeu entre lesdeux : Rodin en veut après ses faveurs et Rilke discute création avecelle. Bien que les échanges entre les deux génies se limitent à desordres ou à des reproches sarcastiques de l’un à l’autre, leur seuleapparition sur scène a quelque chose de jouissif dans un mondedésenchanté et en manque de modèles. Rilke surtout, remarquable-ment incarné par Steve Bedrossian, dont la jeunesse contraste avecla maturité de sa pensée.

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Drame contemporain de Françoise Cadol,mise en scène de Christophe Luthringer,avec Pierre Santini, Françoise Cadol,Steve Bedrossian

Théâtre Mouffetard (73, rue Mouffetard Paris 5è)01 43 31 11 99

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Drame contemporain de Moisés Kaufman,mise en scène d’Hervé Bernard Omnès,avec Anna d’Annunzio, Hervé BernardOmnès, Serge Chambon, ChristineGagnepain, Denis Laustria, Elisabeth Potier,René Ramblier, Cyril Romoli, RaphaëlleValenti, Philippe VilliersVingtième Théâtre (7, Rue des Plâtrières, Paris 20è) 01 43 66 01 13

Journalistes, médecins, policiers, jurés, détenus, curé, simpleshabitants de Laramie, ils ont tous été d’une manière ou d’une autretémoins ou acteurs de l’odieux crime homophobe de MatthewShepard. Une histoire vraie, hélas.Ce documentaire théâtral, édifié après une longue enquête sur place,cherche à les faire parler pour nous faire comprendre ce qui a conduità ce monstrueux fait divers. Une pièce grave, un chorus de comé-diens qui, sans décors, costumes ni accessoires, prennent la paroletour à tour. La mise en scène joue de l’effet de nombre des partici-pants, sous deux écrans géants projetés d’images allégoriques. Labande-son, omniprésente, ajoute à la gravité des tableaux caressésde belles lumières. On est ni dans le mélo, ni dans le pathos, mais aucœur d’une enquête sur la mécanique même de l’intolérance et larage de haïr. Les langues se délient pour un déballage un peu longuet,parfois confus, mais la vérité n’est jamais belle à voir.

François Varlin

Le Projet LaramieChronique d’un fait divers monstrueux

L’histoire est classique : une famille paraît nager en plein bonheurou du moins dans le calme et la sérénité lorsqu’un événement exté-rieur, en l’occurrence la promotion obtenue par le père de famille,remet en cause ce parfait équilibre. Ainsi cette mutation à Paris estl’occasion pour chaque membre de la famille de s’affirmer dans cesdésirs les plus intimes, chacun a droit à son moment de cri … jusqu’auchien fidèle ! Ainsi le réalisme de la pièce est constamment bousculépar ce genre d’intervention, le fantôme de la grand-mère apparaît aussisous ses traits de jeune fille, pour éviter à l’histoire de tomber dans lepiège d’un drame trop conventionnel.La pièce est servie par une écriture très directe qui n’hésite pas à por-ter des coups "verbaux" comme s’il s’agissait de véritables uppercuts,coups qui touchent, chaque personnage profitant de la précision dutexte pour jouer chacun à son tour de belles envolées empreintes delyrisme mais aussi de sincérité. Quel tableau féroce !

Florent Saclier

Rodin, tout le tempsque dure le jourMariages juifs en Russie

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Saïda Jawad dansMonsieur AccordéonLa petite fille et l’accordéon

Comédie contemporaine de Saïda Jawad,avec la collaboration de Charles Nemes,mise en scène de Jacques Décombe,conception musicale de Vincent Prezioso,avec Saïda Jawad et Eric Laborie

Splendid (48 rue du Fbg Saint-Martin Paris 10è) - 01 42 08 21 93

et puis dehors encore : levieil homme parle à son filsde quarante ans qui ne luirépond pas ou si peu.

Objet perdu, de DanielKeene, mes de DidierBezace, avec MauriceChevit, Daniel Delabesse,Thierry Gibault, CatherineHiegel. Du 9/05 au 16/06.Trois pièces courtes sur lamémoire : la pluie, lerécit, le violon.

Le Blanc-Mesnil (93)

Forum Culturel1-5 place de la Libération 01 48 14 22 22

Ionesco suite, d’EugèneIonesco, mesd’Emmanuel Demarcy-Mota, avec Charles-RogerBour, Céline Carrère,Jauris Casanova, AnaDas Chagas, Marie-Armelle Deguy, StéphaneKrähenbühl, OlivierLeborgne, Gérald Maillet.Du 4 au 6/05. Le collectifartistique de La Comédiede Reims donne forme àun récit tiré des piècescélèbres ou inconnues deIonesco.

Ivry-sur-Seine (94)

Th. des Quartiers d'Ivry /Th. Antoine Vitez1, Rue Simon-Dereure 01 46 72 37 43

Têtes rondes et têtes poin-tues, de Bertolt Brecht,mes de Philippe Awat,avec SandrineBounhoure, Anne Buffet,Jean-Marc Charrier,Mikaël Chirinian, Jean-Charles Delaume, FlorentGuyot, Pascale Oudot,Bruno Paviot, MagaliPouget. Du 24/04 au21/05. "L’ordre d’un paysimaginaire, Yahoo, estmenacé : la surproductionet l’effondrement du coursdu blé incitent les pay-sans à prendre les armescontre les grands proprié-taires. Nous avons tra-vaillé à partir d’improvisa-tions sur l’univers duclown, qui associe rire etémotion.” Philippe Awat.

ProvinceMarseille (13)

Théâtre du Gymnase 4, rue du ThéâtreFrançais0 820 000 422Boulevard du boulevard duboulevard, (voirp.40) de etmes de Daniel Mesguich,

Du 2 au 13/05. DuFeydeau, Labiche etCourteline, déréglés parTex Avery, les MarxBrothers, les MonthyPython ou Stan Laurel.

Lunes de miel, de NoëlCoward, mes de BernardMurat, avec Pierre Arditi,Evelyne Bouix, ElisaServier, etc... Du 16 au27/05. Un couple séparéet reconstitué de chaquecôté se retrouve parhasard en pleines lunesde miel réciproques.

Théâtre de Lenche 4, place de Lenche04 91 91 52 22

Just Hamlet, de SergeValletti, mes de Jean-Marc Fillet, avec Jézabeld'Alexis, Jean-Marc Fillet.Du 09 au 20/05. Théâtre National deMarseille, La Criée 30, quai de Rive Neuve04 91 54 70 50

Dommage qu'elle soit uneputain, de John Ford,mes d’Yves Beaunesne.Du 10 au 14/05. Jean la chance, de BertoltBrecht, mes de Jean-Claude Fall. Du 3 au 6/05.

Corse (20)BastiaTeatrale, festival dethéâtre corse, par l’asso-ciation Unita Teatrale. ABastia. Du 12 au 30/05.31 spectacles pouradultes et jeune publicreprésentatifs de la créa-tion en Corse.

Saint-Etienne (42)

Comédie de Saint-Etienne, CentreDramatique National Théâtre Jean Dasté 7,avenue Emile Loubet04 77 25 01 24

Autres foirades, Parcoursdans l'oeuvre méconnuede Samuel Beckett, mesde Louis Bonnet, avec lesacteurs permanents de latroupe du CCN de Saint-Etienne. Du 18/04 au17/05.

Hélène (suite de KatherineBarker), diptyque de JeanAudureau, mes de SergeTranvouez. Du 12 au18/05.

Katherine Barker, diptyquede Jean Audureau, mesen scène de SergeTranvouez. Du 11 au17/05.

Reims (51)

Comédie de Reims3, chaussée Bocquaine03 26 48 49 10

Le Golem, par la compa-gnie Pseudonymo, mesde David Girondin. Du09/05 au 13/05.

Rhinocéros (voir Théâtralmagazine n°6), d’EugèneIonesco, mes EmmanuelDemarcy-Mota, par le col-lectif artistique de laComédie. Du 30/05 au3/06. Les habitants d’unvillage prennent les unsaprès les autres la formed’un rhinocéros subju-gués par la libération quecela promet. Seul un mar-ginal, alcooliqueéchappe à la contagion.Une pièce d’action intelli-gente. HC

Le Voyage d'hiver, mesd’Ute Hallaschka et IlkaSchönbein. Du 2/05 au06/05

Lille (59)

Théâtre du Nord4, place du Général deGaulle BP 30203 20 14 24 00

Doña Rosita, la célibataire,de Federico Garcia Lorca,mes de MatthiasLanghoff, avec EvelyneDidi, Trinidad Iglesias,Patricia Pottier, Jean-Marc Stehle, EmmanuelleWion. Du 18 au 24/05.Dans un style de comédiemusicale, Matthias Langhoffréunit théâtre, danse etmusique pour parler, avecles mots de FedericoGarcía Lorca, de fleurs,d’amour et de musique,pour ne laisser place qu’àun amour blessé.

Strasbourg (67)

Théâtre National deStrasbourg1, avenue de laMarseillaise03 88 24 88 00Fôrets, de et mes deWajdi Mouawad, avecJean Alibert, OlivierConstant, VéroniqueCôté, Yannick Jaulin... Du 4 au 12/05.

L'ignorant et le fou, deThomas Bernard, mes deCécile Pauthe, avecPierre Baux, KarenRencurel, ViolaineSchwartz, Fred Ulysse.Du 3 au 20/05.

Lulu, de Frank Wedekind,mes de MichaelThalheimer, avecChristoph Bantzer,Michael Benthin, AndreasDöhler... Spectacle enallemand surtitré en fran-çais. Du 7 au 10/06.

Premières (2ème édition),festival des jeunes met-teurs en scène européens.Des premières mises enscène venues de différentspays d'Europe qui donnentà voir autant d'individuali-tés, de personnalités artis-tiques naissantes et de par-cours divergents en raisondes traditions nationales etdes identités propres auxécoles de théâtre dont cesjeunes metteurs en scènesont issus. Au-delà de cespremières mises en scène,des "insolites", des ren-contres, des débats, desateliers ponctueront leFestival.

Villeurbanne (69)

TNP8, place Lazare Goujon04 78 03 30 00

Père, d'August Strindberg,traduction de JacquesRobnard, mes deChristian Schiaretti. Du19 au 27/06. Horaires :20h. Histoire d’une guerreconjugale : la mésententedu Capitaine et son épou-se Laura se cristalliseautour de leur fille Bertha.Laura fait naître chez sonmari un doute sur sapaternité. Avec la compli-cité de son frère, pasteur,et du docteur Östermark,elle le fait passer pour fouet réclame son interne-ment. Très bien. EP

Le Roi Lear (voir Théâtralmagazine n°6), deWilliam Shakespeare,mes d’André Engel, avecRémy Carpentier, GérardDesarthe, Jean-PaulFarré, Michel Piccoli... Du30/05 au 9/06. Une ver-sion magistrale de la des-cente aux enfers d’unvieux roi. HC

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En scène

La SainteCatherineUne joyeuse farce sur l’autorité militaire

pendant la Première Guerre mondiale

Comédie contemporaine de StéphanWojtowicz, mise en scène de José Paul etAgnès Boury, avec Philippe Magnan,Guillaume de Tonquedec, Didier Brice,Caroline MaillardPetit Théâtre de Paris (15, rue Blanche, Paris 9è) 01 42 80 01 81

Alors que la Grande Guerre touche à sa fin, un petit hôtel de cam-pagne transformé en hôpital de guerre devient le théâtre d’un imbro-glio loufoque entre plusieurs protagonistes du conflit, réunis malgréeux par les circonstances. Un sculpteur vaniteux veut réaliser le monu-ment qui le fera entrer dans l’histoire, un officier supérieur au caractèreimbuvable s’intéresse plus à l’infirmière qu’aux malades de son hôpital, unbrave poilu estropié devient le modèle du futur monument aux morts, etune ravissante infirmière garde les pieds sur terre malgré les convoitisesqu’elle excite.Cette comédie légère, aux dialogues bien enlevés replonge dans lecontexte de la Première Guerre Mondiale en opposant avec humour l’hor-reur vécue au quotidien par les simples soldats et l’indifférence hautaineaffichée par les membres du commandement et de l’administration mili-taire. Si les personnages sont parfois un peu caricaturaux, à l’image duCapitaine joué par Philippe Magnan, la pièce trouve néanmoins son ryth-me grâce à une mise en scène dynamique où les situations burlesquessuccèdent aux confessions intimes et où la dimension humaine finit partriompher de l’autorité. Emmanuel Plé

Au début du XXe siècle en Russie, l’histoire d’un laitier et de safamille dans un quartier juif encore épargné par la répression dutsar. Ayant des filles en âge de se marier, Tevye décide de régler leproblème en leur trouvant des maris suffisamment riches pour lesmettre à l’abri du besoin. Mais la vie se charge de lui mettre desbâtons dans les roues pour le salut de ses filles qui risquaient de seretrouver affublées de vieillards pingres. A elles toutefois de leconvaincre d’accepter des gendres fauché, révolutionnaire ou goy !Sur scène, une vingtaine de personnages se pressent autour de lapetite famille : Yente la marieuse, le rabbin, le boucher, mais aussi lecommissaire. Un classique de la comédie musicale de Broadwayadapté avec succès en français. A voir pour le contexte historique del’histoire et pour le plaisir… HC

Comédie musicale de Joseph Stein etJerry Bock, adaptation de StéphaneLaporte, mise en scène d’OlivierBenezech, Jeanne Deschaux, chorégra-phie de Jeanne Deschaux, directionmusicale de Pierre Boutillier, avecFranck Vincent, Isabelle Ferron, Sandrine

Seubille, Christine Bonnard, Amala Landré, Vincent Heden,Cathy Sabroux, Robert Aburbe, Thierry Gondet, …Casino de Paris (16, Rue de Clichy Paris 9è)A partir du 9 mai 2006 : 08 926 98 926

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Comédie contemporaine de Gilles Dyrek,mise en scène de Gérard Maro, avec Emilie

Colli, Xavier Martel, Séverine Debels, EricMariotto

Café de la Gare(41, Rue du Temple, Paris 4è)

01 42 78 52 51

Des repas catastrophes entre amis, il y en a beaucoup au théâtre.En voici un original. Un couple au bord de la rupture débarque pourdîner dans le nid d’amour de deux tourtereaux roucoulant. Enferméedans un mutisme obstiné, la jeune invitée ne tarde pas à passer pourune étrangère, prise à son propre jeu.

Des quiproquos d’un genre nouveau, des situations qui se retournentet un suspense jusqu’à la dernière réplique, voilà qui dépoussière legenre du café-théâtre avec fraîcheur. Les interprètes sont de haut vol,et régulièrement la machine se relance évitant ainsi de lasser le spec-tateur, gage d’une bonne écriture. La mise en scène est convention-nelle – mais pouvait t-on faire mieux ? –, le décor est de bric et debroc – mais c’est convenu dans ce type de théâtre. Au final, la farceest grande, elle fait rire avec efficacité : un tableau d’honneur méritéà décerner.

François Varlin

Venise sous la neige

Couples au bord de la crise de nerf

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Saïda Jawad est comédienne. Elle a étudié le théâtre auConservatoire d’Amiens, sa ville natale et tourne aujourd’hui pourle cinéma et la télévision. Mais bien avant de faire du théâtre, elleconnaissait la scène. Une rencontre qui remonte à ses sept anslorsque son père, marocain de naissance, lui a offert un accordéon, uninstrument typiquement français. Embarrassée avec ce cadeau volu-mineux et complexe, elle a dû en apprendre tous les secrets en coursde musique rébarbatifs. Sa vie insouciante de petite fille a précoce-ment basculé dans le mode sérieux des adultes, avec cette responsa-bilité de répondre aux espoirs de ses parents tout en gérant le stressdes auditions. En même temps, Saïda a pris goût à la scène et persé-vèrera dans cette direction après avoir lâché l’accordéon à l’âge de 20ans.Ce presque seul en scène autobiographique, son partenaire interve-nant très ponctuellement, écrit par Saïda Jawad elle-même aidée deCharles Nemes, fait passer un joli moment, très sobre, entrecoupé demusique. HC

Un Violon sur le toitMariages juifs en Russie

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poser la question de comment on enest arrivé là. Comment des êtreshumains ont réussi à faire ça àd’autres êtres humains. Je me poseaussi la question du génocide armé-nien. Mais celui des juifs est plusaccessible pour moi parce que c’estquelque chose que je connais.

TM : Comment s’est montée lapièce ?AS : D’abord, j’ai écrit le texte pourMélanie. Je l’ai choisie parce qu’ellea un truc à part. Je lui ai donné à lirele même jour qu’à Jacques. Ils ne seconnaissaient pas. Jacques a eubesoin de la rencontrer. Après uneséance de travail, il était sous lecharme. Après, il fallait encore trou-ver un théâtre. Je me suis adresséeà un premier théâtre qui nous a refu-sés et j’en ai parlé à Bernard Murat,

parce qu’il m’avait gentiment donnédes conseils d’écriture sur despièces précédentes. Il m’a demandéde lui faire lire et il m’a parlé de lapetite salle des Mathurins que je neconnaissais pas. Après une lecture,ils étaient d’accords.

TM : Et aviez-vous une idée demise en scène ?AS : On a toujours des images,mais le travail de Jacques colle àce que j’avais envie de raconter.

TM : Que représente l’écriturepour vous ?AS : J’ai toujours écrit. Je n’avaispas le choix : ça me réveille la nuit.Chez moi c’est comme de respirer.Après, c’est beaucoup de travail etpuis de chance, des rencontres etaussi des portes fermées. Quandon dit qu’il se passe plein dechoses, il y en a aussi plein qui nese passent pas.

TM : Le passage à l’écriture dra-matique est-il évident ?AS : C'est vraiment un intermé-diaire entre des romans, qui sontpour l'instant ma seule nécessité,et les scénarii. C'est un peu unmélange des deux. Il faut le dia-logue et à la fois la capacité deraconter une histoire sans dire les

choses ; qu'on comprenne la dou-leur du personnage à un momentprécis sans que ce soit explicite.

TM : Faut-il être stratège pourécrire une pièce de théâtre ? AS : Oui, il y a un côté stratège.Mais, j'ai découvert une jubilationdans l'écriture théâtrale : on part duprincipe qu'on a le droit de tout ima-giner. C’est beaucoup plus tech-nique au cinéma, parce que çacoûte aussi beaucoup plus cher.

TM : Lisez-vous beaucoup ?AS : Oui. Mais pas dans lesmoments de tout début ou de toutefin d’écriture d’un roman ou d’unepièce, parce que j’ai toujours peurde trop m’imprégner. J’ai besoin derester dans ma musique.

TM : Une fois que vous avez ter-miné, c’est oublié ou vous ypensez encore ?AS : Oublié non, digéré oui. Maispas suffisant. On croit qu’on soula-ge ses douleurs avec un texte,mais ça en réveille d’autres.

TM : Donc, il y a beaucoup deromans en perspective ?AS : Oui ! Il faut que j’en choisissel’ordre. Je crois que le prochainracontera une histoire d’amour.Mais, ça n’exclut pas que j’écriveune pièce en même temps.

TM : Quel conseil donneriez-vous à des jeunes auteurs ?AS : De continuer, de persévérer. Sic’est nécessaire pour eux, ça finira parl’être pour les autres. Et d’écouterbeaucoup les conseils des directeursde théâtre, de réécrire, de prendre desinitiatives, de monter des projets avecdes copains. Pour "Thalasso", quedoit mettre en scène bientôt DidierLong avec François Berléand, j’ai écritquatorze versions ; donc il n’y a pas demystère non plus : je travaille tout letemps, je passe des nuits blanches.

TM : C’est quelque chose quevous déplorez ?AS : Non, c’est normal et c’estagréable. Ca permet de voir leschoses prendre forme, d’évoluer.

Propos recueillis par HC

BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)

RROOMMAANNSSChez Grasset et FasquelleChicken Street Ma place sur la photo

PPIIEECCEESSGustave ThalassoLe vieux juif blonde

Auteur

Amanda Sthers

"On croit qu’on soulageses douleurs avec un

texte, mais ça en réveille d’autres"

La pièce d’Amanda Sthers, "Le vieux juif blonde" est à l’affiche authéâtre des Mathurins. Un monologue qui décrit la difficulté d’êtred’une jeune fille, interprété par Mélanie Thierry et mis en scène parJacques Weber.

Théâtral magazine : Qu'est-ce quivous a donné envie d'écrire cettepièce ?Amanda Sthers : J’ai vraiment l’im-pression qu’on est choisi par une his-toire et pas l’inverse. Il y a ce que jeressens profondément : il y a la peurde mourir qui devient ridicule quandelle est exprimée à mon âge, ou àcelui de Mélanie, et qui pourtant esttrès présente chez moi, il y a lesnœuds familiaux et tout ce que peutprovoquer le manque d’amour chezune jeune fille,... C’est une façon d’ex-primer des choses violentes indirecte-ment. C’est pareil pour le personnagede la jeune fille : c’est toujours plusfacile de dire des choses dures derriè-re un masque. Quand elles ont étécomprises, quand elle a pu dire leschoses, elle n’a plus besoin d’êtrequelqu’un d’autre. Pour un auteur, il ya toujours cette envie d’être soulagémêlée à la crainte de guérir un jour etde ne plus avoir besoin d’écrire.

TM : Pourquoi écrire un mono-logue ?AS : Je trouvais ça plus fort qu'ellessoient deux, si elle était seule. Jetrouvais qu’au bout d'un moment, dufait qu'elle joue aussi sa mère, sonpère, on accepte son point de vue.C'est comme dans le film "Unhomme d'exception" : au moment oùon accepte sa schizophrénie, on voitles mêmes choses que lui. On a dela sympathie pour elle, et on décideavec elle que sa mère est odieusealors que, franchement... elle a unefille schizophrène.

TM : Elle affirme être un vieux juifalors qu’elle n’est pas juive elle-même. En quoi le judaïsme le pré-occupe t-elle ?AS : Il y a deux réponses à cette ques-tion. D'abord, j’ai une maman catho-lique qui s'est convertie au judaïsme.Quand on crée une rupture avec sesparents, on est victime d’une espèce

de rejet, et c’est vrai quelque soit laculture dont on vient. Ensuite, pourmoi, ce n’est pas une pièce sur lejudaïsme, mais sur la souffrance d'unejeune fille qui demande à son père dela prendre dans ses bras. Et de nosjours, le symbole de la souffrance dansnotre société européenne, c’est le juifrescapé des camps. Je serais améri-caine, j’aurais sûrement choisi unindien, le dernier des Mohicans.

TM : Justement, est-ce que le faitd’être juif ne donne pas de la den-sité à un personnage ?AS : Oui, mais c’est d’abord un prototy-pe de la condition humaine. Joyce a parexemple choisi dans "Ulysse" que sonpersonnage principal soit un irlandaisjuif. Or, on ne peut pas dire que ça courtles rues. C’est indéniable qu’il y a eudes persécutions, qu’il y a encore desrescapés d’Auschwitz, que les nazis ontfailli exterminer un peuple entier, et c’estprésent. J’ai vraiment besoin de me

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Erwan Daouphars a assistéJacques Weber dans la mise enscène : ""CC’’eesstt llaa pprreemmiièèrreeeexxppéérriieennccee aauu tthhééââttrree ddeeMMééllaanniiee TThhiieerrrryy eett oonn ll’’aa vviissssééeessuurr uunnee cchhaaiissee !!""

TM : Comment avez-vous tra-vaillé avec Mélanie Thierry ?ED : On a fait un vrai travail à quatreavec l’auteur. Il y avait un échangeinter-génération qui était très inté-ressant. On a essayé de travailler surquelque-chose de totalement épuré: c’est la première expérience authéâtre de Mélanie et on l’a visséesur une chaise ! Mais c’était pourdénoncer la prison dans laquelle elleest enfermée.

TM : En même temps, vousmettez en scène Julien

Cottereau dans un spectaclede clown. Qu’est ce qui est leplus difficile : le muet ou lethéâtre parlé ?ED : Le muet quand on a le talentde Julien, c’est facile et parlerquand on a le talent de Mélanie, cen’est pas compliqué non plus !

TM : Quels sont vos projets derôles ?ED : Je suis en train de travaillersur un montage de textes deVerlaine.

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TM : N'est pas une manière dese masquer la réalité ?JMB : Non. Puisque tant qu'on avan-ce, il y a de la vie. C'est comme avecLouis XVI : tant qu'on ne lui avait pascoupée la tête, il était encore pos-sible qu'il redevienne roi. Ou commeSaddam Hussein : tant qu'ils ne l'au-ront pas tué, on se dit qu’il va revenir.

TM : Ce personnage qui va tou-jours de l'avant, c'est quelquechose qui vous plaît ?JMB : J’ai une tendance à être tropintrospectif. Dès qu'on réfléchit, onse demande pourquoi on reste envie. On est forcément perclus depensées mortifères tout le temps.

TM : Quel modèle de couple pré-conisez-vous ?JMB : Je connais toutes sortes decouples. Vous avez par exemplebeaucoup de femmes qui ont un mariet des enfants mais qui vont vivre plu-tôt avec leur mère. Comme Mme deSévigné avec sa fille : l'amour existed'abord entre la mère et sa fille.

TM : Qu’espérez-vous que lesgens retiennent de ces pièces ?JMB : Que ça vaut peut-être le coupd’oser. Quand j'étais adolescent,j'avais vu "Pourquoi pas", le film deColine Serreau, et qui m’a aidé d'unecertaine façon. Aider à oser. Parceque tant qu'on ne voit pas de modèlereprésenté, on croit qu'on est seul àavoir certaines envies, certains fan-tasmes, certaines pulsions. Surtoutqu'il y a des modèles très oppres-sants. Regardez l'esthétique dans lapublicité : il faut que les filles soientd'une certaine façon, les garçonsd'une autre. Comme dit Alice au paysdes merveilles : "on vit dans un paysoù il faut courir aussi vite qu'on peutpour rester à la même place". Je croisbeaucoup à la culture comme unemise en perspective de nos expé-riences. Le théâtre peut nous aider àvivre. Pour moi, les textes deMarivaux, Molière, Shakespeare,Ibsen, sont sacrés. Quelqu'un qui a luProust a appris des choses : le désar-roi, la jalousie du narrateur quandAlbertine ou Gilberte ne viennent pas.Après, quand on tombe amoureux etqu’on se retrouve seul et en larmes, çaaide de penser à des gens qui ontdéjà fait face à ce genre de situation.En plus, les personnages des "Grecs"n'ont pas besoin d'attendre cinqheures du matin et d’être dans un étatsecond pour agir. Je tiens à proposerdes modèles qui soient pédago-giques, qui rendent compte, qui témoi-gnent. Que les gens se disent "pour-quoi pas moi ?".

TM : Vous n’êtes pas seulementl’adaptateur d’"Un cheval".Vous jouerez dedans... JMB : C'est un rôle pour moi et envieillissant, je suis plus à l'aise surune scène que quand j'étais jeune.

TM : Est-ce que tous les acteursne s'améliorent pas en vieillis-sant ?JMB : Non, il y a des acteurs quisont géniaux lorsqu’ils sont jeunes :Leonardo diCaprio, James Dean.

TM : C'est Gilbert Desveaux quimet en scène. Comment aimez-vous être dirigé ?JMB : J'aime bien qu'on m’indiquedes choses précises, comme les

intentions ou les intonations. Je com-prends les intentions, mais la façonde les exécuter, de les restituer, estplus difficile.

Propos recueillis par HC

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BIOGRAPHIE ARTISTIQUE (extraits)FORMATION1981 ESSEC1984 IEP de Paris

THEATRE1995 cie BCDV, fondée avec Gilbert

Désveaux1999-2000 directeur délégué du

Théâtre de l’Atelier2001 élu au Conseil d’Administration de

la SACD

Auteur1984 Villa Luco 1986 Fête Foreign1988 Ce qui arrive et ce qu’on attend 1992 Marie Hasparren 1887 Baron 1998 Commentaire d’amour2002 Rue de Babylone 2003 Les Grecs

Auteur

Jean-Marie Besset

"Le théâtre peut nous aider à vivre"

Avec "Les Grecs" au Petit Montparnasse et "Un cheval" à la PépinièreOpéra à partir du 23 août, dans laquelle il joue, Jean-Marie Besset pro-pose des alternatives pragmatiques à l’échec inévitable de toute vie encouple.

Théâtral magazine : Quels sontles thèmes abordés dans cesdeux pièces ?Jean-Marie Besset : Celui du coupleessentiellement. La première à êtremontée, ce sont "Les Grecs", mis enscène par Gilbert Desveaux avecMarianne Basler, Xavier Gallais,Jean-Michel Portal et SalimKechiouche. C'est une variation surl'impossibilité du couple dans lemonde dans lequel on vit. Et curieu-sement, "Un cheval", que j’ai adaptédu roman de Christophe Donner "Del’influence de l’argent sur les histoiresd’amour" parce que j’ai pu traiter mesthèmes habituels sur un mode plusfantaisiste, est aussi un développe-ment sur le couple, mais dans l’uni-vers hippique : un homme aime unefemme, tout en entretenant sa pas-sion pour les courses de chevaux.

TM : Pourquoi le couple seraitimpossible aujourd’hui ?JMB : L’idée du couple, c'est-à-direqu'un jeune homme et une jeunefemme tombent amoureux et s'aimentpour la vie, date plus ou moins du

début du XXe siècle. Puisqu'avant, onavait des modèles familiaux plus com-plexes. Mais le couple romantique, quis'aime, vit loin des parents, dans unemaison, un appartement ou un studioavec un ou deux enfants toute sa vie,ça n'existe pas. Et manifestement, c'esten panne, puisqu'un couple sur deuxse termine par un échec en France etdans les pays occidentaux. Et mêmedans les couples qui durent, on recen-se des femmes battues et tout un tasde crises. Donc, ma pièce propose unesolution autre que les issues clas-siques que sont le divorce, ou la doublevie : c’est de pratiquer une espèced'ouverture à travers les fantasmesrespectifs de l’un et de l’autre.

TM : C'est un peu le couple ouvertà deux battants ?JMB : Oui, mais dans une acceptationdes fantasmes de l'autre. C’est unefaçon de vivre les yeux grands ouverts,au lieu de vivre les yeux grands ferméscomme disait Kubrick dans son dernierfilm "Eyes wide shut". C'est une piste,pas plus confortable, mais plus lucide.La pièce s'appelle "Les Grecs" en réfé-

rence au premier couple de l'histoire dela fiction : Andromaque et Hector, dontle frère a enlevé Hélène et dont la citéa été assiégée. Dans la pièce, il y a uninvité, le meilleur ami de la femme, quiest le point de focalisation de leurs fan-tasmes et de leurs désirs, et qui vientporter la guerre dans leur couple. C’estun personnage qui existait déjà dans"Ce qui arrive et ce qu'on attend" crééen 1988 avec Christophe Malavoy, etque je retrouve de pièce en pièce. Il aquelque chose d’Addison De Witt, ledandy homosexuel que joue GeorgeSanders dans "Eve", qui est là poursemer la discorde, le trouble en sym-bolisant ce que les autres n'arrivent pasà dire.

TM : Et quelle est la solution pro-posée dans l’autre pièce "Un che-val" ?JMB : De multiplier les activités pourconserver une histoire d'amour. Lapièce avance au rythme d'un chevalau galop, et c’est une façon de ne pass'appesantir aussi sur les états d'âme,de ne pas passer du temps à sedéchirer, à faire le point, ou à analyser.

Depuis1989, GilbertDesveaux met enscène destextes deJean-Marie Besset :"Dans "Les Grecs", il ose dire et montrerles choses"

Théâtral magazine : Commentvoyez-vous cette pièce ?Gilbert Desveaux : Il y a deuxveines chez Jean-Marie. Une veineplus politique, plus réfléchie, qui trai-te manifestement d'un fait de société,d'un problème politique, ou intellec-tuel. Par exemple, "Rue deBabylone" aborde la question dessans-abris en opposant ceux qui onttout à ceux qui n'ont rien. L'autreveine, qui est pour moi "MarieHasparren", "Commentaire d'amour"ou "Les Grecs", explore la géogra-phie amoureuse de notre époque etavec un regard un petit peu à laMarivaux du XXIe siècle. Ce sontdes pièces qui me surprennentbeaucoup. Et dans "Les Grecs", ilose dire et montrer les choses, peut-être parce que le sujet se déplace del'individu au couple : un couple reçoitun ami, l'ami de cet ami arrive, et ladiscussion intellectuelle bascule àquelque chose de plus violent, deplus sensuel.

TM : Est-ce que vous travaillezensemble ?GD : Oui, c'est vraiment un travail deping-pong parce que sur ce type depièces, la distribution fait déjà 60 %du travail. Les acteurs apportenténormément ; ce sont des parte-naires de création et donc, ils nesont pas interchangeables. Et avecJean-Marie, nous travaillons enbonne intelligence. Il y a un côtéworking progress.

Un cheval, adapté du roman deChristophe Donner "De l’influen-ce de l’argent sur les histoiresd’amour"

A la Pépinière Opéra à partir du22 août 2006

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Page 34: Actualités, entretiens, conseils • Décembre 2005 / Janvier …Novarina, qui a été choisi pour lui succéder d’après son projet artistique intitulé "Ensemble". Le théâtre

LivresLe désert avance, de Marc-Antoine CyrMélina habite une maison isolée avec son fils ; elle a fait du jardin son royaume et du jardinier sonamant. Elle voudrait contrôler le soleil et le temps, mais la maladie la ronge et elle ne sent plusses mains. Alors, elle aimerait passer son dernier été avec son fils Philémon mais elle ne parvientpas à lui dire qu’elle meurt. Philémon, lui, a découvert l’amour et veut annoncer à sa mère siaimante et si étouffante qu’il quitte la maison et le jardin pour s’en aller en ville vivre sa vie.Editions Théâtrales : 01 56 93 36 70ISBN : 2-84260-214-5, 64 pages, 12 €

Voisin, de François Cervantes Ce quartier dérive comme un morceau de banquise.

Les gens perdent la mémoire. Dans toutes les histoires‚ il y a une forêt‚ un puits‚ un champ‚ unenuit. Il y a autre chose que du béton et du fric. Et quand on a perdu la forêt‚ le puits‚ la nuit‚ les

histoires flottent dans la mémoire comme de vieilles souches.Les Solitaires Intempestifs : 03 81 81 00 22

ISBN : 2-84681-064-8, 112 pages, 10 €

Le Songe (Un jeu de rêves), d’August Strindberg, traduit par André Markowicz et Frédéric Noguer

Dans ce drame, l’auteur a voulu imiter la forme incohérente et en apparence logique du rêve.Tout se fait‚ tout est possible et vraisemblable. Le temps et l’espace n’existent pas ; sur unfond de réalité insignifiant, la fantaisie va filer et tisser de nouveaux dessins en mélangeant dessouvenirs‚ des choses vécues‚ des absurdités... Les personnages se doublent‚ se dédoublent‚s’évaporent‚ se condensent‚ coulent‚ ou découlent. Mais au-dessus de tout‚ une consciencereste debout‚ celle du rêveur.

Les Solitaires Intempestifs : 03 81 81 00 22ISBN : 2-84681-152-0, 160 pages, 10 €

Boulevard du boulevard du boulevard, de Daniel MesguichLa femme, le mari, l’amant : l’archétype du vaudeville constitue le point de départ d’une cascade de situations imprévisibles qui font revisiter deux cents ans d’humour. “Boulevard duboulevard du boulevard” est une exploration du rire par le rire menée tambour battant. Crééele 3 mars 2006 au Théâtre du Rond-Point à Paris.L’Avant-scène théâtre : 01 46 34 28 20ISBN 2-7498-0979-7, 12 euros

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