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connaître, se reconnaître, agir ensemble 13,00 € 25/26 Numéro double Mai-Juin 2010 Administrateurs ad hoc Les grands “oubliés” de la justice des mineurs REPORTAGE LE “116 000 ENFANTS DISPARUSA UN AN Un autre regard sur les disparitions d’enfants ACTUALITÉS - Place des familles : une enquête qui fait mouche - Fonds de protection de l’enfance : le dossier n’est pas clos - Oned : “bilan de parcours” - La prévention spécialisée reboostée - La fondation Ocirp soutient les orphelins - Délaissement parental : clarifier les pratiques - Mineurs étrangers isolés : la PJJ au devant de la scène LE RÔLE DE LA JUSTICE NOIR SUR BLANC Interview de Philippe-Pierre Cabourdin PARRAINAGE DE PROXIMITÉ Lui donner toute sa place ALLÔ PARENTS BÉBÉ Ce lien précieux qu’il faut aider à construire ANCIENS DES VILLAGES SOS Dis-moi ce que tu es devenu… REPÈRES DES VALEURS ET DES ACTES

Administrateurs ad hoc Les grands “oubliés” · De même, une seconde étude de l’Odas, portant sur la mise en œuvre par les dépar-tements de la loi (2), montre bien les efforts

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Page 1: Administrateurs ad hoc Les grands “oubliés” · De même, une seconde étude de l’Odas, portant sur la mise en œuvre par les dépar-tements de la loi (2), montre bien les efforts

connaître, se reconnaître, agir ensemble 13,00 €

25/26

Numéro doubleMai-Juin 2010

Administrateurs ad hocLes grands “oubliés”de la justice des mineurs

REPORTAGE

LE “116000 ENFANTS DISPARUS” A UN ANUn autre regard sur les disparitions d’enfants

ACTUALITÉS- Place des familles : une enquête qui fait mouche- Fonds de protection de l’enfance : le dossier n’est pas clos- Oned : “bilan de parcours”- La prévention spécialisée reboostée- La fondation Ocirp soutient les orphelins- Délaissement parental : clarifier les pratiques- Mineurs étrangers isolés : la PJJ au devant de la scène

LE RÔLE DE LA JUSTICE NOIR SUR BLANCInterview de Philippe-Pierre Cabourdin

PARRAINAGE DE PROXIMITÉLui donner toute sa place

ALLÔ PARENTS BÉBÉCe lien précieux qu’il faut aiderà construire

ANCIENS DES VILLAGES SOSDis-moi ce que tu es devenu…

REPÈRES

DES VALEURS ET DES ACTES

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ACTUALITÉSEDITO

Le diable n’est passeulement dans le détail

La réforme du 5 mars 2007de la protection de l’en-fance est une bonne loiet nous l‘avons souventécrit. Il reste que certai-nes dispositions de cetteloi constituent le détail

qui fâche. C’est le cas notamment des nou-veaux concepts d’information préoccupanteet d’enfant en risque de danger qui sou-lèvent des difficultés de mise en œuvredu fait de leurs interprétations aléatoires.

Mais le diable n’est pas seulement dans ledétail du texte. Sur le plan des pratiques,l’étude de l’Odas sur la place des parentsdans la protection de l’enfance (1) mon-tre la nécessité d’une profonde évolutiondes modes d’intervention et des postures,tant en ce qui concerne la reconnaissancedes potentiels des familles qu’en ce quiconcerne la mise en œuvre d’une dynamiquede socialisation non stigmatisante et quis’appuie davantage sur l’environnement,notamment social, des familles (voir ci-contre).

De même, une seconde étude de l’Odas,portant sur la mise en œuvre par les dépar-tements de la loi (2), montre bien les effortsaccomplis mais aussi le chemin qui reste àparcourir. Car l’enjeu est de construire undispositif qui sache non seulement proté-ger efficacement les enfants, mais qui puisseégalement aider en amont les parents àassumer avec dignité leurs responsabilitésparentales.

Les contraintes financières des départementsviennent d’ailleurs rappeler qu’il devienturgent d’avancer. Cela passe par un systèmed’évaluation sans complaisance, mais éga-lement par une mobilisation et une coordi-nation de l’ensemble des acteurs, collecti-vités publiques, associations, société civile,pour réussir cette nouvelle ambition.

Ambition qui semble correspondre aux atten-tes des professionnels si l’on en croit leurmobilisation sans précédent autour des 4èmes

Assises nationales de la protection de l’en-fance à Marseille les 28 et 29 juin.

Didier LesueurRédacteur en chef

Directeur général adjoint de l’Odas

(1) Cahier de l’Odas, “La place des parents dans la protec-tion de l’enfance – Contribution à une meilleure adéqua-tion entre les pratiques et le droit” - juin 2010(2) Cahier de l’Odas “Décentralisation et protection del’enfance : où en est-on? Enquête de l’ODAS auprès desDépartements de France” - juin 2010

2 mai-juin 2010

Place des familles : uneenquête qui fait mouche

C omment abattre les murs quise dressent trop souvent entreprofessionnels et parents ?

Comment faire des familles de vérita-bles partenaires dans la protection deleurs enfants ? C’est sur ces épineusesquestions que l’Observatoire nationalde l’action sociale décentralisée (Odas)s’est penché. S’appuyant sur les conclu-sions d’un groupe de travail réunis-sant des représentants d’associations spé-cialisées, de conseils généraux, del’Éducation nationale et du ministèredes Affaires sociales, le rapport final,publié en mai dernier, dresse un bilanen demi-teinte des relations entre pro-fessionnels et usagers, trois ans après laloi du 5 mars 2007*. Certes, un vraiconsensus se dégage dorénavant, sur lanécessité de prendre en compte la visiondes parents, de mettre en valeur les com-pétences des familles, d’améliorer la lisi-bilité du dispositif de protection de l’en-fance… Mais de la théorie à la pratique,des points de blocages demeurent dansla communication entre familles et pro-fessionnels. Avec d’un côté, des famillesqui ont du mal à se faire entendre – l’Odasnote ainsi la quasi-absence de représen-tation des familles dans les instancesdécisionnaires de la protection de l’en-fance. Et de l’autre, une protection del’enfance au jargon incompréhensible etdéshumanisé par sa trop grande tech-nicité – c’est ce que montre l’étude quis’est appuyée notamment sur une ana-lyse au peigne fin de dizaines de cour-riers envoyés aux familles. Bref, si la pro-tection de l’enfance doit désormais tendrela main aux familles pour écouter cequ’elles ont à dire, et ainsi, les aider àcomprendre qu’ils doivent se faire aider,des progrès restent à accomplir pour dis-siper les incompréhensions. Si le che-min difficile – mais salvateur – de laremise en question des pratiques pro-fessionnelles existantes devra être emprun-ter, il ne pourra se passer d’un portage

politique et institutionnel fort, ainsi qued’une implication de tous les acteurs àtous les échelons, conclut l’étude de l’Odas.* “La place des parents dans la protection de l’enfance.Contribution à une meilleure adéquation entre les pra-tiques et le droit”. Disponible sur www.odas.net.

Fonds de protection de l’en-fance : le dossier n’est pas clos

P révu par la loi du 5 mars 2007, lefonds national de financementde la protection de l’enfance a

enfin été créé, par un décret publié le 17mai. Reste que pour beaucoup, celui-cin’est pas à la hauteur des attentes. Le texteprévoit la répartition des crédits du fondsen deux enveloppes : l’une en directiondes départements, l’autre destinée àdes appels à projets pour financer desactions de protection de l’enfance etnotamment les actions d’aide à la paren-talité. Or “ce fonds n’a pas été prévu pourcompenser les désengagements finan-ciers de l’État en matière d’aide à la paren-talité, mais bien pour compenser les nou-velles responsabilités des départementsprévues par la loi de mars 2007 en matièrede protection de l’enfance”, protestel’Assemblée des départements de France(ADF), rejointe en ce point par laConvention nationale des associationsde protection de l’enfant (Cnape). “Parexemple, le financement des réseaux d’é-coute, d’appui et d’accompagnement desparents (Reaap), inscrit au budget duministère de la Santé, pourrait ainsi glis-ser sur celui du fonds”, explique-t-on àla Cnape. Une option d’autant plus pro-blématique que, selon le président del’ADF, “le compte n’y est toujours pas”.Les crédits prévus dans le texte ne sontque de 10 millions d’euros, bien loin dessommes annoncées lors de l’élaborationde la loi (60 millions par an : 50% Cnaf,50% État). Le président du conseil géné-ral de Seine-Saint-Denis a d’ores et déjàannoncé qu’il déposerait un recours auConseil d’État contre le décret, y voyantun “reniement complet de la loi”. Affaireà suivre…

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ACTUALITÉS

mai-juin 2010 3

par Aude Costa, Pauline Graulle, Joachim Reynard

Oned : “bilan de parcours”

L e 17 mai dernier, le Snated dres-sait un bilan du numéro d’appel119 Allo Enfance en danger à

l’occasion du 20ème anniversaire : 490000appels passés en 2009 contre 115 000à l’ouverture de la ligne et plus de 200000enfants ayant fait l’objet d’une demanded’évaluation. Un mois plus tard, c’est àl’Observatoire national de l’enfance endanger (Oned) de remettre son cin-quième rapport annuel*. Au-delà desnouvelles données chiffrées – pour l’an-née 2007 – qu’il contient, le rapport dresseun état des lieux utile sur les parcoursdes personnes en protection de l’enfance,de l’établissement des protocoles dépar-tementaux à l’accompagnement des jeu-nes adultes. Une première étude concer-nant la mise en place des protocolesdépartementaux fait état “d’une vérita-ble recherche de cohérence sur le planinstitutionnel, mais aussi au niveau desinterventions mises en place et du par-cours du sujet”. Au 31 décembre 2009,76 protocoles étaient finalisés et 58 effec-tivement signés. Principaux enseigne-ments : dans la grande majorité des proto-coles, l’information préoccupante estdéfinie et le principe de subsidiaritéde l’intervention judiciaire est bien misen œuvre. Une autre étude revient sur“le projet pour l’enfant”. Ce nouvel outilrevêt “une dimension plus ou moinsdynamique” selon les modalités de saconception et de sa mise en œuvre. Enpratique, des questions demeurent : àquel moment doit intervenir l’élabora-tion du projet pour l’enfant par rapportau choix d’une mesure et son articula-tion avec la décision de justice ? Quelleest la place des parents dans ce projet? Enfin, concernant l’accompagnementdes jeunes en fin de mesure de protec-tion, l’observatoire souligne qu’il “est trèsimportant que le moment du départ soitpréparé et le temps de la transition prisen compte pour amorcer un parcoursd’autonomie, consolidé par un accom-pagnement à la vie adulte”. * Disponiblesur le site : oned.gouv.fr

La prévention spécialiséereboostée

“L a prévention spécialisée, unmaillon de la protection del’enfance”. C’était l’intitulé

des journées nationales de la préven-tion spécialisée organisées les 3 et 4 juinpar le CNLAPS (Comité national deliaison des associations de préventionspécialisée) et qui ont rassemblé 800participants, acteurs du secteur, élus,partenaires nationaux du CNLAPS,représentants des services de conseilsgénéraux… Les intervenants – que cesoit le sociologue Laurent Mucchielli,le philosophe Joël Roman, l’historienneFrançoise Tétard, ou encore Myriam ElKhomri, adjointe au maire de Paris,Michel Amiel, vice-président desBouches-du-Rhône, Jean-Louis Sanchez,délégué général de l’Odas… – ont inter-rogé le regard porté sur la jeunesseaujourd’hui et débattu des enjeux et per-spectives de la prévention spécialisée.“Ces journées ont permis d’affirmer quela prévention spécialisée est un élémentfort aujourd’hui de la protection de l’en-

fance. Et d’abord par sa mission éduca-tive”, note Bernard Heckel, directeur duCNLAPS. Néanmoins, au cours des ate-liers-forums, une inquiétude s’est faitjour quant à l’avenir du secteur au regarddes difficultés financières des départe-ments, certains commençant à faire deschoix au détriment de cette mission.Cela n’a pas freiné la mise en place de“quelques pistes de travail, avec des enga-gements de nos partenaires pour tra-vailler ensemble dans les années à venir”,souligne Bernard Heckel.Les actes seront disponibles en octobre sur : www.cnlaps.fr

Délaissement parental : clarifier les pratiques

E n 2008, le rapport Colombanicréait la polémique en préco-nisant notamment d’accroître

l’adoption des enfants placés dans desfamilles d’accueil ou des établissementsen ayant davantage recours à l’article350 du code civil, qui permet d’enga-ger une “demande en déclaration judi-ciaire d’abandon” lorsque les parentsd’un enfant placé s’en sont manifeste-

La fondation Ocirp soutient les orphelins

I ls sont 800 000 jeunes de moins de 25 ans concernés par le décès d’un père,d’une mère, voire des deux parents. Soit un enfant par classe ! Et pourtant, cettepopulation reste largement méconnue en France. C’est pourquoi, la Fondation

d’entreprise Ocirp “Au cœur de la famille”, créée le 1er octobre 2009, a lancé un premierappel à projets pour soutenir financièrement des structures qui accompagnent lesenfants orphelins et leur famille, et développent la formation des professionnels,ainsi que des projets de recherche. Sur une cinquantaine de projets soumis, laFondation en a sélectionné onze qu’elle a récompensés le 18 mai dernier au siègede l’Unaf. Parmi eux, dans la catégorie “Agir pour l’enfant et sa famille”, l’associationLe Pallium a été choisie pour son atelier d’art-thérapie animé par une psychologueclown. Une initiative qui utilise l’univers du jeu pour amplifier les émotions desenfants et leur permettre de mettre des mots sur le deuil, et qui s’adresse aujourd’huià plus de 70 familles. Dans la catégorie “Agir pour les professionnels”, la Fondationa décidé de soutenir l’École des parents et des éducateurs d’Ile-de-France qui s’estengagée dans la formation des professionnels pour leur permettre d’actualiser leursconnaissances et d’améliorer leurs pratiques afin de mieux prendre en charge lessituations de deuil. Forte de son succès, la fondation a d’ores et déjà annoncé quele second appel à projets récompenserait des initiatives dont le but est de soutenirles parents qui ont perdu un enfant, les frères et sœurs endeuillés et les enfantshandicapés confrontés à l’absence d’un parent. Plus d’infos : www.fondation-ocirp.fr

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4 mai-juin 2010

ACTUALITÉS

ment désintéressés” durant l’année quia précédé. Une fois déclarés abandon-nés, ils deviennent pupilles de l’État etpeuvent être adoptés. Seulement, d’a-près le rapport Colombani, cet articleest peu utilisé pour des raisons cultu-relles, les travailleurs sociaux privilé-giant le maintien des liens avec la familled’origine. Dans ce contexte, la secré-taire d’État à la Famille a demandé àl’Igas de conduire une mission sur lesujet*. Celle-ci, soulignant l’ambiguïtéet l’interprétation à laquelle sont sujet-tes certaines notions comme le “désin-térêt manifeste” ou le principe du main-tien des liens affectifs, appelle donc àune réforme de la déclaration judiciaired’abandon. “Cette modification légis-lative serait assortie de références per-mettant de déceler plus rapidement lesrisques de délaissement parental”.Objectif: établir des critères pour appré-cier, avec justesse, les situations de délais-sement parental. En outre, le rapportétudie les perspectives d’adoption dontpourraient bénéficier les enfants concer-nés. Il propose de reconsidérer les adop-tions dites “tardives” (d’enfants âgés deplus de cinq ans). Mais aussi de faci-liter les relations entre les parents adop-tifs et les précédents parents de l’enfantadopté, considérant que “l’enfant a besoinde parents (adoptifs) qui ne soient pasinquiets de voir intervenir d’autresparents”. Et de conclure : “ainsi, chaqueannée, plusieurs centaines d’enfantspourraient bénéficier d’une adoption(plénière ou simple) qui doit être consi-dérée comme un type d’interventionrelevant de la protection de l’enfance”.*Rapport sur les conditions de reconnaissance du “délais-sement parental” et ses conséquences pour l’enfant.

Mineurs étrangers isolés : la PJJ au devant de la scène

A lors que ces derniers mois, lestravaux se sont multipliés pourrépondre aux enjeux de la

problématique des mineurs étrangersisolés (MEI), sans que malheureuse-ment des évolutions stratégiques ne se

concrétisent, le rapport de la séna-teur UMP des Hauts-de-Seine IsabelleDebré sur les MEI aurait pu passer tota-lement inaperçu. Pourtant, il a au moinsle mérite d’ouvrir de nouvelles perspec-tives pour tenter d’apporter des répon-ses au casse-tête de la prise en chargede ces jeunes. En effet, afin de “gagneren cohérence”, la ministre de la Justice,Michèle Alliot-Marie, a retenu la pro-position de confier la coordination dudossier des MEI à la protection judi-ciaire de la jeunesse (PJJ) qui aurait“l’expérience” et le “maillage” nécessairepour devenir chef de file de la prise encharge de ces mineurs. Objectifs : mieuxcerner le phénomène en mettant enplace des outils d’observation et de sta-tistiques et mieux coordonner les actionsconsacrées aux MEI par la mise en placed’une plateforme unique interministé-rielle. Un travail transversal qui se décli-nera également au niveau local par lamise en place de plateformes opéra-tionnelles territoriales pluridisciplinai-res afin d’améliorer et coordonner lesactions de mise à l’abri, d’évaluation etd’orientation des jeunes. Des propo-sitions sur lesquelles les principauxacteurs concernés restent néanmoinsprudents, car se pose en toile de fondla question des moyens dont la PJJ pour-rait disposer pour mener à bien cettemission, alors que par ailleurs elle s’estrecentrée ces derniers mois sur la miseen œuvre des mesures pénales de pro-tection de l’enfance. Une prudence d’au-tant plus grande que le rapport Debréplaide par ailleurs pour la création, dansle fonds de protection de l’enfance, d’unfonds d’intervention destiné aux dépar-tements particulièrement confrontés àl’accueil des MEI. Une proposition bienpeu crédible à l’heure où l’on se demandedéjà si le fonds de protection de l’en-fance pourra même remplir son objec-

POUR CONTACTER LA RÉDACTION DU BPE

Karine SenghorTéléphone: 0153102410Mail: [email protected]

ADOPTIONS À HAÏTI : LE QUAID’ORSAY MIS EN DEMEUREIl y a quelques semaines, la mission surles adoptions en Haïti mandatée par legouvernement français suite au tremble-ment de terre recommandait d’“accélé-rer” les procédures, soulignant la préca-rité des conditions de vie pour lesenfants. Près de 500 procédures seraienten cours entre la France et Haïti. Et letemps presse : depuis le séisme, troisenfants dont l’adoption était prévue enFrance sont morts. Or, une trentained’enfants dont les dossiers sont completsattendent toujours que la France leurdélivre un visa et un passeport. Lesfamilles adoptantes ont donc envoyéune mise en demeure au Quai d’Orsay,le sommant d’agir au plus vite.

CNAPE : LA PREMIÈRE CONVENTIONRÉGIONALEAlors que l’Unasea (Union nationale desassociations de sauvegarde de l’enfanceet de l’adolescence) s’est transformée enfévrier en Cnape (Convention nationaledes associations de protection de l’en-fance), sa première déclinaison régionalevient d’être créée dans le Nord-Pas-de-Calais. Cette première Convention régio-nale des associations de protection del’enfance (Corape) chapeaute une dou-zaine d’organisations.

L’AVENIR DU JUGE DES ENFANTS : ÉDUQUER OU PUNIR ? Pour éclairer les enjeux traversant la pro-fession de juge des enfants, le livre“L’avenir du juge des enfants. Éduquerou punir ?” décortique la pratiqueactuelle des juges et analyse leur discourssur la justice des mineurs ainsi que sur ladimension politique de leur fonction.Une lecture indispensable à l’heure oùun code de justice pénale des mineurs seprépare et dans un contexte de transfor-mation du dispositif de prise en chargedes mineurs ou délinquants. “L’avenir du juge des enfants. Éduquer ou punir ?”de Benoît Bastard et Christian Mouhanna, Ed. Erès.

CRÈCHES : LE DÉCRET CONTROVERSÉEST PARULe décret qui assouplit les règles d’accueildans les crèches afin d’accueillir davan-tage d’enfants est paru : possibilité d’ins-cription en surnombre dans les crèches,augmentation du personnel moins quali-fié (CAP, BEP Petite enfance) mais dispo-sant d’une expérience, création de jardinsd’éveil. Un texte qui mécontente les pro-fessionnels de la petite enfance et lesparents mobilisés qui jugent qu’“avec cesnouvelles conditions, le personnel n’auraplus le temps de réfléchir à sa pratiqueprofessionnelle”. C’est légitime même sila question du coût reste incontournable.

EN BREF

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mai-juin 2010 5

Ancienne juriste d’affaires,

Laure Nastorg a opté pourune reconversion profes-sionnelle radicale il y a cinq

ans : “Je voulais exercer dans le sec-teur de l’enfance, faire quelque choseoù je me sentirais vraiment utile”,explique la jeune femme, titulaired’un diplôme d’études approfondiessur les droits de l’homme. Une for-mation à la Fondation pour l’enfanceplus tard, la voilà devenue adminis-tratrice ad hoc : à chaque fois qu’unenfant est impliqué dans une procé-dure pénale et que ses parents ne sontpas là pour le représenter, c’est ellequi est désignée par la Cour d’ap-pel de Versailles pour suivre l’affaireaux côtés du mineur. “En file active,j’accompagne une vingtaine d’enfantsen même temps, explique-t-elle. C’estun métier difficile, très exigeant, maisqui me plaît beaucoup car il est à lacharnière entre le relationnel et lejuridique”.Représenter les droits et intérêts dumineur dans une procédure judiciairelorsqu’il ne peut compter sur sesparents – parce qu’ils sont absentsou dans un conflit d’intérêt avec leurenfant –, voilà donc le rôle de l’ad-

ministrateur ad hoc (AAH). De l’en-quête préliminaire à l’appel du juge-ment, l’AAH est un médiateur quiaccompagne et porte la voix de l’en-fant, parfois pendant plusieurs années,dans les dédales de la justice : prépa-ration de l’enfant à toutes les étapesde la procédure pour qu’il les com-prenne bien, accompagnement etsoutien, notamment pendant l’au-dience, etc. Pourtant, s’ils jouent

un rôle majeur dans la justice desmineurs, les AAH sont encore troppeu connus et reconnus dans le sec-teur de la protection de l’enfance.

Une lourde responsabilitéC’est en 1910 que la fonction d’ad-ministrateur ad hoc est pour la pre-mière fois instituée dans le code civil.“À sa création, l’AAH avait pour voca-tion de gérer le patrimoine de l’en-

ADMINISTRATEURS AD HOC

Les grands “oubliés” dela justice des mineursChargés de représenter l’enfant et d’exercer ses droits le temps d’une procédure civile, pénale ou administrativelorsque ses parents sont absents ou “défaillants”, les administrateurs ad hoc jouent un rôle déterminant dans le bondéroulement de la justice des mineurs. Pourtant, cette fonction complexe, qui requiert des compétences autant rela-tionnelles que juridiques, souffre d’un manque de professionnalisation, de moyens insuffisants et d’un défaut dereconnaissance. Enquête.

REPORTAGE

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6 mai-juin 2010

REPORTAGE

fant, raconte Geneviève Favre-Lanfray,présidente de l'Association Chrysallisen Isère, elle-même administratricead hoc depuis 20 ans. À l’époque,la femme était encore considéréecomme juridiquement incapable :il revenait donc au père de deman-der à un administrateur de pren-dre en charge le patrimoine de sespropres enfants… Autant dire quecela n’arrivait quasiment jamais !”.Il faut donc attendre 1989 pour quela fonction d’AAH sorte de l’ombrepar une extension progressive de sonmandat: d’abord cantonné aux situa-tions où les parents du mineur sonteux-mêmes auteurs de violence surl’enfant, l’AAH accompagne aujour-d’hui tout mineur impliqué dans desprocédures juridiques, qu’elles soientpénales, civiles ou administratives,chaque fois que l’enfant est dans l’im-possibilité d’exercer ses droits fauted’un représentant légal. L’AAH peutégalement être mandaté par un magis-trat en cas de contentieux : filia-tion, patrimoine, assistance éduca-tive, droits de visites, etc. Mais aussipour faire valoir ses droits en zoned’attente ou lors de la formulationd’une demande d’asile dans le cas desmineurs étrangers isolés (voir enca-dré). Depuis février 2010, la justicea en outre obligation de désigner unAAH dans les affaires d’inceste.Si le champ d’action de l’AAH estdonc très large, le législateur fait éga-lement preuve de peu d’exigencespour désigner celui ou celle qui sesubstituera à l’autorité parentale. Pourobtenir l’agrément, il suffit ainsi d’ê-tre âgé “au minimum de 30 ans etmaximum de 70 ans”, de “s’être signalédepuis un temps suffisant pour sonintérêt pour les questions de l’enfanceet par sa compétence”, et de ne pas“être frappé de faillite personnelle”…Des qualités bien floues, qui ont pourconséquence que tout un chacun, oupresque, peut donc être mandaté pour

devenir AAH, du moment qu’il n’en-tre pas en conflit d’intérêts avec lesintérêts du mineur.Proches choisis dans l’entourage del’enfant, bénévoles, juriste indépen-dant (c’est par exemple le cas de LaureNastorg), associations spécialisées,ou œuvrant dans le champ de la pro-tection de l’enfance, conseils géné-raux, Udaf, institut national d’aideaux victimes et de médiation(Inavem)… Le spectre des person-nes potentiellement désignées commeAAH, qu’elles soient des personnesphysiques ou morales, profession-nelles ou bénévoles, proches ou loin-taines de l’enfant, est donc particu-lièrement étendu.Un état de fait d’autant plus sur-prenant que l’AAH doit faire preuvede compétences juridiques poussées

– il n’est ainsi pas donné à tout lemonde de prendre des (bonnes) déci-sions à chaque acte de procédure. Etau-delà, d’un sens aigu du relation-nel et d’une aptitude à gérer des situa-tions complexes.

Un positionnement complexeAvec l’enfant tout d’abord, “nousdevons être dans une relation sub-tile”, explique Geneviève Favre-Lanfray.De l’empathie mais pas trop d’affect,une écoute attentive de ses besoinset de ses envies (même quand ils sontcontradictoires), une capacité à en -trer en relation et à faire œuvre depédagogie avec des nourrissonscomme des adolescents… “Il fautfaire preuve de psychologie car on asouvent affaire à des enfants qui ontété traumatisés par leur histoire et

Livrés à eux-mêmes, non francophones, parfois traumatisés par leur histoire, cabosséspar leurs conditions de voyages… Les mineurs étrangers isolés (MEI) débarquant sur leterritoire français peuvent, depuis 2002 (1), faire appel à un AAH pour les guider dansles méandres des lois nationales: l’AAH intervient ainsi pour “assister et représenter lemineur pour toute procédure juridique et administrative relative à sa demande d’asile”,mais aussi, pour l’aider dans ses démarches en “zone d’attente”. Reste que, là encore, lemanque de moyens constitue une barrière à l’application du droit de ces enfants.France Terre d’Asile qui, depuis janvier 2007, avait à charge une quinzaine de situationspar an sur la zone d’attente de l’aéroport d’Orly, s’est ainsi vue contrainte d’abandon-ner ses prérogatives: “L’indemnisation de 50 euros ne couvrait même pas les frais dedéplacement jusqu’à l’aéroport… On en était arrivé à une situation où on se retrouvaità financer la justice!”, déplore Laurent Delbos, chargé de mission MEI à l’association.Désormais, malgré la revalorisation à 150 euros de l’indemnité accordée à chaque mis-sion en zone d’attente (2), France Terre d’Asile limite son action aux demandes d’asiledes mineurs déjà connus de l’association: aide à la rédaction du dossier, de la demandede recours, accompagnement à la préfecture, à l’Ofpra (Office français de protection desréfugiés et apatrides), à la Cour nationale du droit d’asile, etc.Mais si les associations spécialisées peuvent compter sur des personnels compétents,polyglottes, et familiarisés avec le droit des étrangers et le droit d’asile, là encore, lemanque d’AAH compétents et formés est criant. Résultat, des centaines de MEI se voientchaque année refuser de l’aide par des associations débordées de demandes, se retrou -vent représentés par des AAH bénévoles ou retraités sans formation. Voire ne sont pasreprésentés du tout: “À l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, […] plus de 62 % des jeu-nes reconnus mineurs isolés n’avaient pas bénéficié d’administrateur ad hoc en 2007”,s’insurge France Terre d’Asile.

(1) La mesure est inscrite dans la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale.(2) Décret du 30 juillet 2008.

Mineurs étrangers isolés :Près des deux tiers sans AAH

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REPORTAGE

qui sont replongés dans le stress etl’angoisse du fait de la procédure,ajoute Geneviève Favre-Lanfray. Onvoit aussi des enfants qui, parce qu’ilsont l’impression de trahir leurs parents,ne veulent pas raconter ce qui s’estpassé ou refusent de demander uneindemnisation parce qu’ils sont bienconscients que leurs parents sont dansle besoin… Il faut donc parfois pren-dre beaucoup de temps pour lesconvaincre, en douceur, de faire cequ’ils n’ont pas envie de faire car onsait que c’est dans leur intérêt. Bref,c’est un positionnement complexequi nécessite de l’expérience et dutact”. Mais aussi un investissementpersonnel très important : “On estun soutien pour l’enfant, souligneLaure Nastorg. Personnellement, jeveille à rencontrer les enfants quej’accompagne à toutes les étapes impor-tantes de leurs parcours judiciaires :après la rencontre avec le juge, avantune expertise psychologique, pen-dant le procès… Je donne aux enfantsmon numéro de portable pour qu’ils

puissent me contacter à la moindreinquiétude”.Les relations entre l’AAH – qui assistel’enfant dans ses relations avec l’avo-cat, le juge, et les parents – et ses par-tenaires ne sont pas moins délicates.“Il est très important de travaillermain dans la main avec le substitutdu Procureur ou le juge tout en res-tant à bonne distance”, insiste LaureNastorg. Mais également avec l’avo-cat, même si, en cas de divergencesde points de vue, c’est l’AAH qui,au nom de l’enfant, aura la respon-sabilité de trancher.Savoir se positionner par rapport auxparents, quand ils sont présents,requiert, là encore, beaucoup de finesse:“Il faut leur expliquer longuementqui nous sommes, qu’on ne va pas àl’encontre de l’autorité parentale mêmequand les intérêts de l’enfant diver-gent des leurs, veiller à les informertout en respectant le secret de l’ins-truction…”, poursuit Laure Nastorg.Échanger avec les travailleurs sociaux,quand l’enfant est placé par l’Ase par

exemple, peut également s’avérer utilesi l’AAH constate qu’une aide psycho-logique supplémentaire pourrait êtrela bienvenue… “Ce travail est trèspur, dans le sens où seul l’intérêtde l’enfant doit conduire l’action”,résume Alain Grevot, directeur duService d’interventions spécialiséesd’action éducative à l’association JCLTde Beauvais (Oise) qui réalise desmissions d’administration ad hoc, etprésident de la Fédération nationaledes administrateurs ad hoc (Fenaah).

Une demande fortede professionnalisationReste que derrière les exemples, lesmissions des AAH sont réaliséesde façon fort inégale en France. “Il ya des AAH qui exercent leur mandata minima, qui ne rencontrent mêmepas les enfants”, déplore ainsi LaureNastorg.En cause? La professionnalisation decette fonction est quasi inexistante :“Si l’on considère les exigences en ter-mes de méthodes, de déontologie, de

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rigueur, d’engagement sur la durée,oui, être AAH est une profession àpart entière, observe Alain Grevot.Mais si l’on se réfère au statut de l’AAH,c’est plus ambigu!”. Le flou qui entoureles critères de désignation des AAH,comme le fait qu’ils puissent être tan-tôt bénévoles, tantôt professionnels,empêche d’ailleurs de dire précisé-ment combien ils sont, qui ils sont,quel est leur niveau de formationet leur degré d’implication réelle.“Avec Geneviève Favre-Lanfray, nousnous battons pour que soit mise enplace une formation obligatoire,un diplôme, et pour que les AAHaient un statut propre”, explique AlainGrevot. C’est d’ailleurs en ce sens queGeneviève Favre-Lanfray a rédigéune proposition de loi qui obligeraitles personnes désignées à “justifierd’une formation en matière de mal-traitance à l’enfant”, et, pour le casprécis des mineurs étrangers isolés,“justifier d’une formation en matièrede droit d’asile et du droit des étran-gers”. Reste que sa proposition de loidort, pour l’instant, dans les tiroirsde la Garde des Sceaux…En attendant, il faut compter sur lesassociations spécialisées commeChrysallis ou JCLT qui proposentdes formations adaptées. Ou s’enremettre à la bonne volonté des pro-fessionnels souhaitant améliorer leurscompétences. C’est ainsi à ses pro-pres frais que Laure Nastorg a suiviune formation complémentaire envictimologie il y a trois ans.

Un manque de moyens criant…Il faut dire que les moyens très limi-tés de la justice française ne favori-sent pas cette professionnalisation,pourtant indispensable au bon fonc-tionnement de la justice des mineurs.Certes, le financement de l’exercicedes missions des AAH, jadis un for-fait de quelques dizaines d’euros, aété remis à plat en 2008 par la

Chancellerie suite aux préconisationsd’un groupe de travail constitué dereprésentants du ministère de la Justice,de magistrats, de l’Inavem, de laFenaah, de l’Oned, du défenseur desenfants et de la Direction de la PJJ.Désormais, les “frais de justice” accor-dés aux AAH varient en fonction desphases de procédure: 175 euros quandl’AAH est désigné par le procureur,250 euros quand le jugement va encorrectionnelle, 450 euros pour laCour d’assises, 100 euros pour unecomparution immédiate…Toutefois, “la révision du mode d’in-demnisation des missions est loind’avoir répondu aux attentes des deuxorganisations représentant la trèsgrande majorité des administrateursad hoc, souligne Alain Grevot. Lamise en place de onze niveaux de tari-fication, au lieu des trois fixés en 1999,en fonction de la nature et de laséquence de la procédure, améliorela rémunération de certaines mis-sions, comme celles liées à l’instruc-tion criminelle, mais réduit cellesliées à l’instruction correctionnelle,

procédure de loin la plus fréquente”.Résultat, de plus en plus de servi-ces doivent faire avec une réductiondrastique de leurs ressources, et met-tent la clef sous la porte. “À ce faiblefinancement s’ajoutent aussi fréquem-ment des délais, parfois dramatiques,de règlement des indemnités, retardsdus tant aux difficultés d’organisa-tion interne des tribunaux de grandeinstance qu’à l’impact d’enveloppesbudgétaires fermées ne couvrant pasl’ensemble des besoins des juridic-tions”, ajoute Alain Grevot.La vie professionnelle des AAH serésume dès lors à un ubuesque che-min de croix pour mettre la main surleurs indemnités : “On passe notretemps à faire la chasse à l’argent quela justice nous doit dans un systèmekafkaïen, ce qui est épuisant”, raconteGeneviève Favre-Lanfray. “À l’heureactuelle, il est très difficile pour unAAH de vivre de son activité, ajouteLaure Nastorg. Pourtant, c’est impos-sible d’être salarié à côté, car c’estpresque un travail à temps plein, pourlequel il faut être très disponible: c’est

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REPORTAGE

par exemple le cas pour les compa-rutions immédiates où le parquetdésigne l’AAH quelques heures avantle passage de l’enfant devant le juge”.Sur le fond, ce manque de valorisa-tion des missions des AAH “conduitimmanquablement à s’interroger surles intentions de l’État quant à sa réellevolonté de mieux prendre en compteles intérêts spécifiques des mineurs”,tempête Alain Grevot.Car si les AAH doivent faire avec desindemnités qui plafonnent bien sou-vent à un Smic mensuel, en boutde chaîne, c’est bien l’enfant qui pâtitde ce peu de considération de la jus-tice pour leurs représentants. “ÊtreAAH aujourd’hui est un sacerdoce”,estime ainsi Laure Nastorg qui rap-pelle que la disparition progressivedes AAH à cause de ces problèmesfinanciers conduit à bafouer pure-ment et simplement le droit desenfants : “Quand un enfant n’est pasreprésenté, il n’est rien dans le mondejudiciaire: il ne peut pas être reconnucomme victime, et ne peut percevoirde dommages et intérêts”. “On va toutdroit vers un grave délitement ducadre juridique, remarque de mêmeGeneviève Favre-Lanfray. Cette logiquedu moindre coût ouvre la porte à tou-tes les dérives, par exemple quandelle conduit certains magistrats à dési-gner des personnes bénévoles, nonformées, voire même directementissues de l’entourage du mineur, aurisque qu’elles soient en conflit d’in-térêts avec l’enfant !”. Les conseils généraux sont égalementsouvent appelés à la rescousse d’unejustice exsangue. Soit pour subven-tionner les associations d’AAH – cequi revient à faire financer la justicenationale par les collectivités loca-les! –, soit pour endosser à part entièrecette mission. “Ce qui pose souvent,là encore, des problèmes d’indépen-dance, par exemple, quand le dépar-tement s’occupe de deux frères dont

l’un est la victime de l’autre…”, ajouteGeneviève Favre-Lanfray.

Une question d’indépendanceC’est ainsi pour éviter d’être juge etpartie que certains conseils générauxprocèdent dorénavant à une réorga-nisation de leurs services, dans l’op-tique de séparer hermétiquementleurs missions relevant de la protec-tion de l’enfance de celles relevant del’administration ad hoc. Un travailde fond qu’a par exemple entreprisla Seine-Saint-Denis où “le nom-bre d’enfants victimes s’accroît sanspour autant que le nombre d’AAHaugmente en proportion, expliqueFrançoise Simon, directrice de l’en-fance et de la famille au conseil géné-ral. Les services du département ontdonc été sollicités pour figurer sur laliste des AAH de la Cour d’appel”.Afin de garantir l’indépendance deses missions d’AAH, le départementa donc décidé de ne prendre en chargeque les affaires relevant du pénal,ainsi que les enfants suivis par l’Ase.Et ce, dans certaines conditions pré-cisées dans un document “mandatd’AAH” validé par le parquet, etsur lequel le conseil général et lesinspecteurs de l’Ase désignés commeAAH ont planché durant deux anspour baliser l’intervention. Au boutdu compte, l’élaboration d’une charteéthique a été engagée, doublée d’unprotocole avec le TGI de Bobigny :“Nous spécifions par exemple quenous ne voulons pas être désignéscomme AAH quand un profession-nel du département est impliqué dansle cadre d’une mesure de protectionqui pourrait créer un conflit d’inté-rêt”, souligne Françoise Simon.Garantir l’accès à une justice équita-ble et indépendante pour les enfants,n’est-ce pas, en effet, le minimumpour le pays des droits de l’homme?

Pauline Graulle

LES ADOS EN DEMANDE D’AUTORITÉRéalisé à la demande de l’Association desparents d’élèves de l’enseignement libre,un sondage CSA tord le cou aux idéesreçues : 79% des ados évoquent un sen-timent positif à l’égard de l’autorité. Etplus inattendu : 60% jugent cette auto-rité insuffisante dans la sphère privéecomme à l’école. Si les adultes semblentconscients de ces difficultés, ils ont du malà se remettre en cause, puisque 86% esti-ment que l’autorité est savamment doséedans leur foyer.

POUR LA CRÉATION D’UN “CODE DEL’ENFANCE”Dans un livre commun*, le président dutribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, et le député UMPClaude Goasguen, plaident pour la créa-tion d’un “Code de l’enfance” qui rassem-blerait tous les textes relatifs aux droitsdes mineurs. Selon eux, ce code ren-drait le droit des mineurs plus lisible etcohérent en rappelant les responsabilitésde l’enfant face à la loi, mais aussi cel-les des adultes, des collectivités, des asso-ciations et de l’État. *“Quelle justice pour les

enfants délinquants ?”, Ed. Autrement-La Croix.

LES PUPILLES DE L’ÉTAT MOINSNOMBREUXAu 31 décembre 2008, 2 231 enfants avaientle statut de pupille de l’État (-3,5% en unan), soit près de 16 mineurs pour 100 000,une proportion qui a été divisée par troisen vingt ans, souligne l’étude annuellede l’Oned* sur le sujet. 1 086 enfants ontquitté le statut de pupille en 2008, 70%de ces sorties faisant suite à des jugementsd’adoption, 18% à la majorité des pupilleset 10% à un retour chez leurs parents. *Disponible sur www.oned.gouv.fr

UN SITE POUR UN ACCUEIL DE LA PETITEENFANCE INNOVANTAccueils atypiques, accueils relais, lieuxpermettant de concilier recherche d’em-ploi et accueil du jeune enfant… Un siteInternet lancé mi-juin par l’Uniopss* pré-sente des actions associatives innovantessur toute la France. Objectif : mieux faireconnaître les nouvelles modalités d’ac-cueil et mettre en lumière la diversité despropositions possibles en fonction des ter-ritoires et des besoins des enfants etdes familles. Au-delà, le site s’adresse àtoute personne qui souhaiterait créer unmode d’accueil ou monter une action rela-tive à la parentalité.* www.accueil-petite-enfance.fr

EN BREF

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DÉCRYPTAGE

“I l faut mieux préciser les

compétences respectivesde l’autorité judiciaire etde l’autorité administra-

tive qui doivent être clairement etconcrètement définies”. L’objectif assi-gné par la Garde des Sceaux danssa circulaire d’orientation sur le rôlede l’institution judiciaire dans la miseen œuvre de la réforme de la protec-tion de l’enfance du 6 mai 2010 est,on ne peut plus, clair.

Un partenariat organisé avecles conseils générauxC’est pourquoi, destinée aux procu-reurs de la République, aux magis-trats du siège, aux directeurs interré-gionaux et territoriaux de la protectionjudiciaire de la jeunesse (PJJ), elledécline précisément le rôle de cha-cun, parquet, juridictions et direc-tion de la PJJ, dans le souci de garan-tir la place de la justice dans lacoordination de l’ensemble du dispo-sitif de protection de l’enfance, etce, en renforçant le partenariat avecles conseils généraux.En ce qui concerne le parquet, d’a-bord. Parce qu’il leur faut veiller àla légitimité de la saisine judiciaire,

les procureurs de la République doi-vent définir une politique judiciaire,en concertation avec les juges desenfants, pour préciser les conditionsd’appréciation selon les critères défi-nis par la loi justifiant l’interven-tion judiciaire. À charge pour eux deprésenter cette politique aux prési-dents de conseils généraux et aux au -tres acteurs de la protection de l’en-fance, et de contribuer aussi àl’amélioration du contenu des signa-lements. Objectif : faciliter la lisibi-lité de la politique judiciaire et la bonnecompréhension des rôles respectifs.“Un enjeu déterminant dans les rela-tions avec les conseils généraux”, insistela ministre, qui leur donne jusqu’au1er novembre prochain pour lui pré-senter les premières dispositions rela-tives à l’animation de cette politiqueprises dans leur ressort.Pour la DPJJ, la circulaire confirmece que le décret du 9 juillet 2008 sous-tendait: elle est investie d’un rôle poli-tique portant sur l’ensemble de la pro-tection judiciaire de l’enfance et d’unemission de coordination des acteursde la justice des mineurs. Et, bien querecentrée opérationnellement sur lamise en œuvre des mesures pénales

en direction des jeunes les plus dif-ficiles, elle n’en est pas moins renfor-cée dans un rôle clé pour permettreune meilleure articulation avec la pro-tection administrative. La circu-laire rappelle notamment la nécessitépour la DPJJ et ses directions terri-toriales, en lien avec les juridictions,de participer à l’élaboration et au suivides schémas d’organisation sociale etmédico-sociale des conseils généraux.Comment ? En participant aux ob -servatoires départementaux de la pro-tection de l’enfance. Par exemple, ledirecteur territorial de la PJJ devraveiller à transmettre à l’observatoirela copie des rapports d’évaluation desétablissements et services PJJ.Or, comme le rappelle la Garde desSceaux, “il est indispensable que l’au-torité judiciaire et la PJJ se concer-tent pour porter une position cohé-rente dans les instances où se définitla politique de protection de l’enfance”.C’est pourquoi elle conclut sur la“nécessité d’instaurer des instancesréunissant les représentants du par-quet des mineurs, du tribunal pourenfants, des juges d’instruction char-gés des mineurs et de la PJJ”.

Emmanuelle Vigan

Depuis 1983, à l’époque des premières lois de décentralisation,le ministère de la Justice n’avait pas reprécisé le rôle quedevait prendre l’institution judiciaire dans le champ de la pro-tection de l’enfance. La loi du 5 mars 2007 ayant largementchangé la donne, il semblait incontournable de poser les nou-velles orientations noir sur blanc. C’est aujourd’hui chose faiteavec la circulaire d’orientation du 6 mai dernier, qui confirmele rôle politique de la direction de la PJJ sur l’ensemble de laprotection judiciaire de l’enfance. Décryptage et interview duprincipal intéressé.

Le rôle de la justice noir sur blanc©

DR

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DÉCRYPTAGE

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Le BPE : La circulaire rappelle lanécessité pour l’autorité judiciaireet la PJJ d’avoir une position cohé-rente. Mais, on a entendu ces der-niers mois des craintes s’exprimerau sein même de l’institution judi-ciaire sur l’avenir du rôle éducatifde la justice des mineurs. Commentfavoriser l’unité sur ce point précis,mais aussi de manière générale?

Philippe-Pierre Cabourdin: Le recen-trage des services du secteur publicde la Protection judiciaire de la jeu-nesse sur les prises en charge péna-les et l’annonce de la réforme de l’or-donnance du 2 février 1945 ont pususciter des craintes si l’on considèreà tort que seul le cadre civil est por-teur de valeurs éducatives. La circu-laire d’orientation relative au rôle del’institution judiciaire dans la miseen œuvre de la réforme de la protec-tion de l’enfance réaffirme que le trai-tement éducatif de la délinquancedes mineurs fait partie du champ dela protection de l’enfance. L’interventionéducative au civil comme au pénalpoursuit les mêmes fins de protec-tion, d’éducation et d’insertion, auprofit d’enfants et de jeunes en diffi-culté. Ces fondamentaux, largementpartagés par les acteurs de la jus-tice des mineurs constituent le soclede la concertation, confiée à la DPJJdepuis le décret du 9 juillet 2008.Cette concertation, largement déve-loppée par la circulaire, doit permet-tre d’améliorer le dispositif de pro-tection de l’enfance ainsi que lacohérence et la qualité des prisesen charge. L’instauration du magis-trat coordonnateur des juridictionspour mineurs, par le décret du 4 février2008, la mobilisation de tous les acteurs

de l’institution judiciaire (parquet,siège, DPJJ) sur des sujets tels que lescritères de la saisine judiciaire, l’ar-ticulation des différents types de priseen charge (civiles et pénales), favo-riseront la coordination de l’institu-tion judiciaire avec les conseils géné-raux. Ces échanges peuvent avoir lieudans le cadre des protocoles de créa-tion et de fonctionnement des cellu-les de recueil des informations pré-occupantes, ou encore des schémasou des observatoires départemen-taux de protection de l’enfance, quisont autant d’instances de concerta-tion et de coordination des politiquespubliques en la matière.

Le BPE: Aujourd’hui, que pensez-vous de l’évolution des relationspartenariales entre justice et conseilsgénéraux, et quelles vont être vospriorités dans les mois à venir pourclarifier les rôles ?

P-P. C. : Les relations entre le minis-tère de la Justice et des Libertés et lesconseils généraux ont beaucoup évo-lué au cours de cette dernière année.Si l’annonce des orientations de laDPJJ avait pu générer méfiance etcrispation, l’impératif de concrétiserconjointement les avancées de la loidu 5 mars 2007 l’emporte aujour d’hui,sans effacer les divergences liéesnotamment aux problématiques finan-cières. Concrètement, la DPJJ parti-cipe ainsi aux débats techniques natio-naux visant à élaborer les outils de lamise en œuvre de la loi. Elle est impli-quée dans les États Généraux de l’en-fance fragilisée et dans les Assisesnationales de la protection de l’en-fance des 28 et 29 juin. La DPJJ s’im-plique par ailleurs dans la mise enœuvre des formations transversa-les destinées aux professionnels dela protection de l’enfance. Cette cir-culaire à destination des parquets etdes services de la PJJ, signée pour lapremière fois depuis 1983 par le Gardedes sceaux vient clarifier la placequ’entend occuper l’institution judi-ciaire en protection de l’enfance surle fondement de la loi du 5 mars 2007.Il s’agit pour la DPJJ d’impliquer sescadres territoriaux dans la définitiond’une politique concertée en matièrede protection de l’enfance, avec lesparquets et les juges coordonnateurs,et aux côtés des conseils générauxsur des sujets tels que les critèresde la saisine judiciaire, l’habilitationet la tarification, ou encore la miseen œuvre d’une politique d’auditsconjoints en vue d’organiser la com-plémentarité du dispositif de priseen charge des mineurs qui nécessi-tent une mesure de protection, quelqu’en soit le cadre.

“On considère à tort que seul le cadre civilest porteur de valeurs éducatives”

INTERVIEW

Philippe-Pierre Cabourdin,directeur de la Protectionjudiciaire de la jeunesse

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UN AUTRE REGARD

“Au 31 décembre 2009,

on recensait 1000 par-rainages de proximitéaccompagnés par les

33 associations de l’Unapp, dont 40 %au profit d’enfants bénéficiant d’unemesure de protection dans le cadrede l’Ase”, commence Lise-MarieSchaffhauser, présidente de l’Unionnationale des associations de parrai-nage de proximité (Unapp). “En effet,l’enfant de l’Ase connaît une fragilisa-tion de son lien de filiation et de sonlien avec les autres adultes, témoigneMaria Maïlat, anthropologue et direc-trice de l’association Artefa. Sachantque l’identité de chacun se construitpar les épreuves de la reconnaissancequi se déroulent ailleurs que dans lafamille, élargir son réseau de relationsau-delà de la parenté est indispen-sable”. Partant de cette vision anthro-pologique, l’Unapp a lancé, avec l’as-sociation Artefa, un programme derecherche-action afin de clarifier etde consolider le parrainage de proxi-mité dans les pratiques institutionnel-les en protection de l’enfance. Depuisavril 2009, un groupe national et troisgroupes départementaux dans le Rhône,l’Eure et la Vienne ont ainsi été misen place. Dans chaque départementconcerné, des représentants de l’asso-ciation de parrainage, des cadres de

la protection de l’enfance du conseilgénéral et des professionnels d’établis-sements de placement (directeurs,psychologues, travailleurs sociaux) sesont donc réunis pour échanger, réflé-chir sur leur représentation du par-rainage et construire ensemble desprojets de parrainage. Des filleuls,parents, parrains ont parfois été asso-ciés à ce travail.

Le parrainage, en plus del’AEMO ou du placementPourquoi une recherche-action ? “Ceprojet est né de constats partagés parles associations de l’Unapp qui avaientpointé un certain nombre de dysfonc-tionnements et de malentendus sur le

parrainage, explique Lise-MarieSchaffhauser. Bien que la charte natio-nale de parrainage clarifie et sécurisele cadre du parrainage [voir encadré],celui-ci est encore peu connu, malcompris et l’objet de confusions danssa mise en œuvre”. En effet, “il est sou-vent confondu avec l’accueil familialpar les professionnels de l’enfance”,souligne Olivier Boullet, éducateurspécialisé de l’Ase à Poitiers qui a prispart au programme de recherche-action dans la Vienne. Et surtout, “ilest considéré comme une solution pal-liative au manque de familles d’ac-cueil”. Ce que confirme Maria Maïlatqui a coordonné les travaux: “lors despremières rencontres, les groupes

PARRAINAGE DE PROXIMITÉ

Lui donner toute sa place

12 mai-juin 2010

Depuis quelques années, le parrainage de proximité essaie de s’inscrire dans le paysage de la protection de l’en-fance. Malgré la valeur ajoutée qu’il peut apporter au projet des enfants et de leur famille, tant en matière de pré-vention que de protection, il reste encore insuffisamment connu des professionnels. C’est pourquoi l’Unapp alancé depuis un an un programme de recherche-action qui permet d’en clarifier les enjeux pour l’inscrire dura-blement dans les pratiques.

Fondée en 2005, l’Union nationale des associations de parrainage de proximité(Unapp) rassemble 33 associations, dont le rôle est de mettre en relation filleuls etparrains et d’organiser le cadre du parrainage. Elles proposent pour cela une infor-mation, une préparation, un soutien et un accompagnement appropriés dans uncadre adapté à chaque personne, à chaque histoire. Leur point commun: l’adhésion àla Charte nationale du parrainage d’enfants rédigée en 2005 pour poser les principeset les enjeux du parrainage de proximité, ainsi défini (article 1) : “Le parrainage est laconstruction d’une relation affective privilégiée instituée entre un enfant et un adul-te ou une famille. Il prend la forme de temps partagés entre l’enfant et le parrain.Reposant sur des valeurs d’é chan ge, de réciprocité, d’enrichissement mutuel et sur laconfiance, il est fondé sur un engagement volontaire. Il se met en place dans l’inté-rêt de l’enfant à la demande des parents ou autres titulaires de l’autorité parentale.Il constitue un mode d’accompagnement personnalisé”. Depuis leur création, cesassociations ont accompagné 10 000 parrainages.

Le parrainage, une union, une charte

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UN AUTRE REGARD

de professionnels des foyers de l’en-fance ont pris conscience qu’ils envi-sageaient la solution du parrainagepar défaut. Le parrainage était envi-sagé comme “roue de secours” lorsquel’on n’avait pas d’autres solutions pourl’enfant”. Or, selon Olivier Boullet, “ilreprésente une formule stable qui s’ins-crit dans la continuité pour que l’en-fant puisse construire sa personnalitégrâce à un adulte confiant, et cela sansqu’il y ait de notion d’argent commeavec une famille d’accueil”. Et d’a-jouter : “avec le parrainage, l’enfant estvu en dehors de tout dispositif, il n’estpas réduit à sa problématique fami-liale ou à des pathologies. En cela ilconstitue un vrai lien citoyen”.Autre difficulté pointée : un projet deparrainage porté seulement par untravailleur social ne perdure pas dansle temps en cas de départ du travailleursocial ou de changement d’institutionde l’enfant. La recherche-action a doncbel et bien pour but d’inscrire le par-rainage dans les pratiques institution-nelles comme une réponse complé-mentaire dans le projet de l’enfant etdans le projet des établissements. Etmême d’aller plus loin, en l’envisageantaussi en amont, avant même qu’unemesure de protection soit prise pourl’enfant, dans une logique de préven-tion. Envisagé alors comme un outilde soutien à la parentalité, le parrai-nage doit alors mobiliser les profes-sionnels du service social de premièreligne, de la PMI…

Professionnels/bénévoles/parents:un apprivoisement mutuelOr, si certains professionnels voientbien l’utilité du parrainage, la plupartconsidèrent que c’est uniquement l’af-faire des bénévoles. Pourtant, il n’a desens que “si tous les acteurs se coor-donnent pour s’inscrire dans un pro-jet de co-éducation de l’enfant, s’ap-puyant sur une relation triangulaire àconstruire progressivement pour quel’enfant “circule” bien entre les diffé-

rents acteurs”, insiste Lise-MarieSchaffhauser. Comment dès lors bienarticuler le rôle des parrains bénévo-les, des professionnels de la protec-tion de l’enfance et des parents ? “Letravailleur social doit pouvoir accep-ter que le parrainage de proximité doitêtre un “lien” durable et non pas unesolution à court ou moyen terme pourfaire sortir l’enfant de son lieu de pla-cement”, souligne Maria Maïlat. “Unpas de côté bousculant les pratiquesque les travailleurs sociaux doiventapprendre à faire, témoigne OlivierBoullet. En effet, il est difficile poureux d’admettre que les parrains puis-sent détecter des potentiels chez leurfilleul qu’ils n’avaient eux-mêmes pasvus. Ils craignent d’être remplacés parles parrains”.Du côté des parrains, souvent en attentede reconnaissance, la juste positionavec les professionnels doit aussi êtretravaillée, tout comme la relation avecles parents : “bien clarifier le lien deparrainage et le lien de filiation et faireintégrer au parrain l’idée que le parenta un droit de visite sont autant de cri-tères que nous soulevons pour qu’un

parrainage marche bien”, explique MariaMaïlat. Par ailleurs, la recherche-actionpermet aussi de réinterroger les pra-tiques des associations de parrainageafin de “créer des réseaux de parrainsen amont”. Car avant de devenir par-rain, chaque bénévole doit s’inscrired’abord dans le projet associatif et éla-borer son projet individuel de parrai-nage en partageant avec des parrainsexpérimentés. “Une étape qui permetau parrain de mûrir son projet, de com-prendre le lien de parrainage et d’ê-tre prêt à recevoir autant qu’à donner”,précise Lise-Marie Schaffhauser.En somme, depuis un an, mobili-sant plus de 200 acteurs de terrain, lapremière partie de la recherche-actiona permis un ensemble d’avancées com-munes dans la compréhension du par-rainage et du rôle de chacun – insti-tutions, associations de parrainage,professionnels et bénévoles – qu’il s’a-git désormais, dans une seconde phase,d’intégrer dans l’élaboration de nou-veaux parrainages de proximité.

Aude Costa

CONTACT – Unapp : www.unapp.net

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Voilà deux ans que Le Bulletin de la Protection de l’Enfance s’est fait uneplace dans le monde de la presse spécialisée où aucune publication n’é-tait jusque-là consacrée à la protection de l’enfance dans toutes sesdimensions.À l’heure du changement, le BPE est un outil de travail utile. Pédagogiqueet synthétique avec l’essentiel de l’actualité du secteur, des infor-mations concrètes, des bonnes pratiques, il entend contribuer au ren-forcement de la connaissance et de la reconnaissance entre les acteursdu secteur dans leur diversité institutionnelle. En plus, il vous donnela parole et relaye vos préoccupations.

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REPÈRES

A u départ, il y a un constat

de grande solitude. Selonune étude réalisée par TNS-Sofres en janvier 2008 pour

Enfance et Partage, 1 mère sur 5 (soitprès de 50000 femmes) ne sait pas versqui se tourner pour trouver de l’aideface aux réactions de son bébé, ainsiqu’à ses propres sentiments. Et ce n’estpas une question de milieu social. “Cene sont pas des parents en grande pré-carité, en déshérence professionnellequi nous appellent, précise CarolineQuelquejay, directrice d’Enfance etPartage. Il n’y a pas de sur-représen-tation des familles monoparentales,et bien souvent les pères sont plutôtinvestis”. Et d’expliquer: “L’éloignementgéographique des familles, la moin-dre disponibilité des grands-mères quitravaillent encore, la brièveté des séjoursen maternité, mais aussi la persistanced’un tabou où la naissance doit êtreun moment d’épanouissement pourla famille… sont autant de facteurs quiexpliquent le désarroi de jeunes parentsqui n’arrivent pas à dire leur difficultépour créer le lien avec leur bébé”.

Un outil de prévention précoceEn deux ans, 11000 appels sont arri-vés au 0800 00 34 56. Un bilan quitémoigne d’un réel besoin d’accom-pagnement de la cellule familiale.“Dans plus de la moitié des cas, l’ap-pelant est une jeune mère de moinsde 30 ans, dont le bébé, souvent lepremier, est âgé de moins de 3 mois”,

note Françoise Rosenblatt, responsa-ble de la ligne Allô Parents Bébé. C’esten effet au tout début de la maternitéque le besoin d’aide semble le plusfort, tant en ce qui concerne l’alimen-tation, les pleurs du bébé et son som-meil (80 % des appels), que la santéde la mère et notamment sa fatiguephysique et psychologique accentuéepar le baby blues. Ainsi, du lundiau vendredi, de 10 h à 15 h et de 17hà 21h, six salariés (trois psychologues,deux puéricultrices et une assistantesociale) sont disponibles pour écou-ter, dialoguer, soutenir et orienter lesappelantes. Et ce, sans limite de temps:“en deux ans, le temps d’écoute a aug-menté pour atteindre bien souvent 45minutes”, confie Françoise Rosenblatt,qui insiste sur le rôle de “renarcissi-sation” à jouer auprès de ces jeunesmères qui doutent de leurs compé-tences maternelles.Sachant que les violences subies parles enfants sont souvent le fruit d’un

dysfonctionnement du lien parental,un tel dispositif permet donc de veillerà la création du lien parents-bébé, etle cas échéant d’agir dès l’apparitiondes premiers signes de rupture danscette relation – “20 % des appels sontde véritables appels de détresse deparents dépassés”. Ainsi, “quand unesituation porteuse de risque pour unnourrisson est identifiée au téléphone,le rôle des écoutantes est alors d’in-viter l’appelant à sortir de l’anonymatafin de pouvoir lui proposer diffé-rents types d’aide”, précise FrançoiseRosenblatt.D’où l’importance pour le service detisser des liens avec les acteurs du sec-teur, à travers des actions de sensibi-lisation (un colloque annuel, confé-rences sur le terrain…), mais aussigrâce à un important travail de réseau.Par exemple, le service participe actuel-lement à un programme d’identifi-cation des acteurs locaux avec le sou-tien du conseil régional d’Ile-de-France.Objectif : mieux se connaître pourmieux se coordonner. Un travail delongue haleine que l’association s’ef-force de poursuivre, même si, dansle contexte de crise budgétaire, “l’heureest davantage à la pérennisation dela ligne, qui vit essentiellement desoutiens privés, qu’à son dévelop-pement proprement dit”, conclut, avecune pointe d’inquiétude, la directrice.

Aude Costa

Les services sanitaires et sociaux qui entourent la grossesse, la naissance et la santé des bébés, ne manquentpas. Pourtant, de plus en plus de jeunes parents se retrouvent démunis à l’arrivée de leur nouveau-né, ne sachantvers qui se tourner. C’est pour leur apporter écoute et soutien qu’Enfance et Partage, forte de son expérience devingt ans en téléphonie sociale, a mis en place un numéro vert national, anonyme et gratuit, d’aide à la relationparents-bébé, Allô Parents Bébé. Après deux ans de fonctionnement, l’heure est au bilan.

ALLÔ PARENTS BÉBÉCe lien précieux qu’il faut aider à construire

CONTACT – Enfance et Partage: 0155256565

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16 mai-juin 2010

PERSPECTIVES

“Ma fierté réside essen-

tiellement dans cettedynamique qui me fait“homme” et adulte à

la fois. D’avoir franchi les étapes del’enfance, de l’adolescence sans tropde dégâts car j’estime avoir été écoutéet aimé par celle qui m’a élevé, accom-pagné… Mais aussi, par cette chanceou ce hasard qui nous a fait arriver,mes frères et sœurs et moi-même, unbeau matin dans ce village”, résumeRoger Daniel, cadet de six frères etsœurs placés au village d’enfants SOSde Marseille. Et si l’on devait encoredouter du souvenir positif de son pas-sage dans l’association, il suffit de

lui demander son métier : éducateurspécialisé auprès d’enfants placés. Eninterrogeant, comme lui, plus d’unecentaine de personnes, âgées de 23 à50 ans, sortis du village SOS deMarseille sur une longue période allantde 1973 à 2001, l’étude commandéepar l’association tente de poser unregard le plus précis possible sur unpassage délicat peu étudié : celui quisuit la sortie et confronte le jeune auxréalités de la vie extérieure.Très caractéristique, le témoignage deRoger met en lumière la pertinenced’un des principes fondamentaux duprojet de SOS Villages d’Enfants: offrirà des fratries la continuité d’une vie

commune. “À l’âge adulte, ces frèreset sœurs sont une vraie ressource pourl’individu. Et cette relation est claire-ment liée au quotidien passé ensem-ble”, explique Sylvie Delcroix, conseillèretechnique à l’association, chargée desétudes. 69 % d’entre eux entretiennentaujourd’hui des relations fréquentes(au moins une fois par mois) contre48 % des frères et sœurs qui n’ont pasvécu ensemble au village. “Les mèresSOS se voient d’ailleurs attribuer unrôle fondamental dans l’instaurationet la pérennisation des relations”.

La mère SOS, un repère sans cesseEt c’est là le deuxième principe cher àl’association dont la recherche souli-gne l’importance : garantir le droit àun mode d’accompagnement fondésur une relation affective durable. PourSylvie Delcroix, “on voit bien l’impor-tance des liens qui se sont créés entreles anciens et leur mère SOS” aveclaquelle 88 % sont toujours en contactau-delà du placement et 64 % entre-tiennent des relations très régulières.Les discours mettent cependant enexergue la nature du lien souvent fusion-nel des petits derniers avec la mèreSOS et leur difficulté à s’en détacher età prendre leur autonomie. “Ceci estparticulièrement net pour ceux quià l’époque, n’ont pas eu d’autres réfé-rents qu’elle à la différence des géné-rations suivantes”, note Annick-Camille

ANCIENS DES VILLAGES SOS

Dis-moi ce que tu es devenu…Cinquante ans après sa création, l’association SOS Villages d’Enfants a mené une démarche d’évaluation pourjuger de la pertinence de son projet et de sa capacité à préparer à la vie adulte les jeunes qu’elle accueille. Quelest le devenir des anciens depuis la fin de leur prise en charge ? Comment ont-ils vécu la période de la sortie duvillage ? Quels liens entretiennent-ils avec leur fratrie ?… Autant de questions sur lesquelles l’étude1 apporte unéclairage qui accrédite la pertinence du mode de prise en charge de l’association.

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PERSPECTIVES

Dumaret, psychologue à l’Inserm, ayantmené l’enquête. Mais pour ceux-là, uneautre personne a pu être marquante :un ancien directeur, unique figure mas-culine avant l’arrivée des éducateurs.“L’absence de père dans les villagesd’enfants faisait cruellement défautdans notre construction, dans notre“élan” social. Je ne parle pas de notrepère biologique mais bien de notrerapport aux lois et à l’autorité, à l’hommeen général”, raconte Roger Daniel.Alors, dès 1983, les éducateurs vontjouer ce rôle de référent masculin: “jele considérais presque comme un père.D’ailleurs, c’est lui qui m’a beaucoupaidé quand j’étais en dispute avec lamère SOS, j’allais voir l’éducateur”2.Aujourd’hui, près d’un adulte sur cinqdéclare avoir gardé des liens avec lesmembres de l’équipe des profession-nels du village. “On voit bien l’impor-tance d’une équipe pluridisciplinairequi permet des relais, des prises derecul et diversifie les possibilités d’ac-compagnement”, souligne la psycho-

logue. Mais pour la grande majorité(83 % des hommes et 65 % des fem-mes), la mère SOS reste perçue commela “personne-ressource” la plus aidante,bien au-delà de la sortie, devant mêmele conjoint. Ainsi, alors que presquetous les anciens du village “dispo-sent aujourd’hui d’un réseau familialet social riche”, ceux qui sont devenusparents expriment combien ils ont pucompter sur elle au moment de la nais-sance de leurs enfants, même quandils avaient rompu toute relation : “lapremière fois que j’ai été enceinte, jesuis allée la voir et je lui ai dit: maman,tu vas être grand-mère, et si mon marine veut pas assister à l’accouchement,eh bien ce sera toi qui seras là”2. Lamère SOS est d’ailleurs citée commeune grand-mère à part entière par 85 %des adultes concernés.

Une vie familiale et professionnelleréussie…Car aujourd’hui les deux tiers desanciens vivent en couple et 75 % ont

des enfants qu’ils élèvent. Ils sont deve-nus des parents capables d’assumerleurs fonctions, même si la parenta-lité n’est pas toujours évidente à pren-dre en main : “l’amour maternel, est-ce que ça s’apprend ? J’en sais rien…Quand je suis devenue mère, j’étais unpeu perdue parce que j’avais beau réflé-chir, je ne trouvais pas d’image oud’exemple à suivre”2. Pour beaucoup,surtout ceux arrivés très jeunes auvillage, cette image maternelle a ététransmise par la mère SOS : “J’ai despetites manies de ma mère SOS, je faisexactement les mêmes choses qu’ellefaisait quand elle nous éduquait. Aurepas aussi, mets tes mains sur la table,mets ta serviette autour du cou !”2.Résultat : les anciens du village d’en-fants ne reproduisent pas les compor-tements inadaptés à l’origine de leurplacement. Les recours à une mesurede protection de l’enfant sont donctrès rares : parmi les 82 adultes deve-nus parents, on compte 5 cas de pla-cement. “On peut donc parler de non-reproduction intergénérationnelle deplacement pour 94 % d’entre eux”, pré-cise la psychologue.Et sur le plan professionnel, ils ne sedistinguent pas de l’ensemble de lapopulation puisque 75 % ont une acti-vité professionnelle et 13 % sont auchômage ou en recherche d’emploi.Mais on constate tout de même qu’ilssont moins diplômés que la moyennenationale : seuls 21 % ont atteint oudépassé la terminale et 29 % sont sansdiplôme, soit deux fois plus que leurspairs. La moitié d’entre eux regrettentd’ailleurs de ne pas avoir poursuivi plusavant leur scolarité. Un constat quiouvre de nouvelles pistes de réflexionpour l’association: “quand ils arriventau village SOS, après les douleurs vécues,ils n’ont pas de points de repère, alorsils décrochent très vite à l’école, il fautdonc agir immédiatement. Puis à par-tir de 16 ans ils ont besoin d’un accom-pagnement fort dans leurs choix pourl’avenir, d’autant plus que la société est

Le BPE: Pourquoi l’association s’attache tant à conserver le lien fraternel?

Gilles Paillard: Cela fait vraiment partie du cœur du projet associatif depuis 50 ans.Toutes ces années nous ont permis de constater que la fratrie constitue un espace dereconstruction, pour faire l’apprentissage des relations sociales, pour les enfants quisont dans des problématiques lourdes. Mais cela ne signifie bien évidemment pas qu’ilest toujours pertinent de maintenir les frères et sœurs ensemble.

Le BPE: Comment voyez-vous la façon dont les fratries sont prises en comptepar les départements?

G.P. : Cette approche n’est à mes yeux pas suffisamment prise en compte par les conseilsgénéraux. Probablement parce que les lieux d’accueil ne sont pas assez nombreux. Il fautdire que raisonner en termes de fratrie est une chose assez nouvelle en protection del’enfance, la loi sur les fratries est relativement récente (1996), c’est donc une démarchequ’il faut s’approprier. Mais c’est aussi parce que la problématique des fratries n’estpeut-être pas assez intégrée, par les juges et les conseils généraux, comme une réponseà apporter. C’est donc pour montrer la pertinence de cette approche et renforcer laconnaissance des liens fraternels et de leur perturbation que nous multiplions les étu-des. Et comme celles-ci sont peu nombreuses sur le sujet, nous développons actuelle-ment avec toutes nos associations sœurs une analyse des études existantes au niveaueuropéen sur ce thème.

“Renforcer la connaissance des liensfraternels”Interview de Gilles Paillard, directeur de SOS Villages d’enfants

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de plus en plus difficile”, explique GillesPaillard, directeur de l’association.Alors des groupes de travail ont étémis en place pour développer l’accom-pagnement scolaire sur ces deux pério-des charnières que sont l’entrée et lasortie du village.

... même si le cordon est parfoisdifficile à couperIl faut dire qu’après la sortie, pour-suivre ses études n’est pas toujoursaisé. Le départ du village est la périodela plus difficile. La perte soudaine del’ambiance familiale est vécue commeun manque: “quand je suis partie, j’aieu l’impression d’avoir perdu tousmes frères et sœurs et que j’avais plusrien”2. “C’est un passage très déli-cat, on a une période de flou avec desépisodes difficiles qui semblent quasiincontournables”, remarque SylvieDelcroix.La plupart des récits évoquent desparcours parfois chaotiques, maisdont les étapes conduisant à un modede vie autonome ont été franchiesquelques années après la sortie.Contrastant avec ces trajectoires, deuxautres profils se dessinent : des par-cours semés de “galères” vécus sur lemode de la rupture avec l’institutionet/ou la mère SOS pour les plus anciens(plus de 35 ans), des cheminementsincertains faits d’allers-retours entredépendance à la mère SOS et auto-nomie partielle pour les plus jeunes,avec de grandes difficultés d’inser-tion par le travail, contrairement auxgénérations précédentes. Quoi qu’ilen soit, “la grande majorité des situa-tions se rétablissent autour de 25 ans”,explique Sylvie Delcroix. À cet âge-là, les deux tiers des jeunes ont acquisleur indépendance matérielle et rési-dentielle, seuls 11 % n’ont aucuneforme d’indépendance. Pour le quartrestant, l’indépendance a égalementété acquise, mais les parcours se sontavérés beaucoup plus problématiques.“On voit donc bien l’effet bénéfique

de la continuité et de la durée du pla-cement en village, ainsi que du pro-longement des prises en charge.Nombre d’entre eux ont ainsi pu ache-ver leurs études et se construire uneidentité personnelle et sociale solide”,note l’étude. Bien que l’âge de la majo-rité coïncide dans la plupart des casavec la fin de la prise en charge, 60 %des jeunes ont continué à être aidésaprès la sortie, essentiellement parl’association (appartement jeunemajeur, accompagnement…), maisaussi par les collectivités locales (contrat

jeune majeur…). “En montrant l’im-portance qu’ils accordent à ce qui leura permis d’être dans la transition, cetteétude nous permet de mieux réflé-chir et de proposer des dispositifsadaptés aux besoins des jeunes, raconteSylvie Delcroix. Il importe de tra-vailler sur cette question de façon plusméthodique, de proposer des dispo-sitifs en lien avec des partenaires exter-nes”. Un groupe de travail nationalsur l’autonomie planche en ce momentsur ces questions. Car ce soutien à lasortie est essentiel pour des jeunesqui n’ont pas de réseau familial pourjouer ce rôle, ce qui explique l’inquié-tude aujourd’hui de l’association quidéplore de très fortes disparités ter-ritoriales dans le financement et lamise en place des contrats jeunesmajeurs. “Nous craignons avec lasituation financière à laquelle ils doi-vent faire face, que l’accompagnementdes jeunes majeurs soit mis de côtépar les conseils généraux”, déploreSylvie Delcroix.

Joachim Reynard

1 “Devenir à l’âge adulte de fratries placées auvillage d’enfants SOS de Marseille”, téléchargeablesur www.sosve.org, rubrique publications.2 Déclarations issues de divers témoignages del’enquête.

PERSPECTIVES

SOS Villages d’Enfants accueille desfrères et sœurs orphelins, abandon-nés ou dont la situation familiale per-turbée nécessite un placement delongue durée. “L’objectif est deredonner à ces frères et sœurs, sépa-rés de leurs parents, le bonheur degrandir ensemble dans la chaleur etla sécurité d'une vie familiale”. Pourcela, ils sont accueillis dans une mai-son SOS par leur mère SOS qui lesaccompagne au quotidien et dans ladurée jusqu’à leur insertion sociale etprofessionnelle. Le but: apporter uncadre familial rassurant à des enfantsen rupture. Créée en 1956, l’institu-tion compte aujourd’hui 12 villagesd’enfants en France métropolitaineet plus de 500 dans le monde.

L’association

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9-10 septembre et 14-15 octobre 2010Les outils juridiques de la protection de l’en-fance : pour une optimisation des pratiquesLes formations initiales des différents professionnels accordentpeu de place aux approches juridiques alors que leur pratiqueprofessionnelle se fonde sur le droit. Cette formation de laFondation pour l’enfance vise donc à éclairer les professionnelsde la protection de l’enfance sur le sujet, tout comme les per-sonnes qui œuvrent dans le domaine judiciaire et connaissentparfois mal la pratique des autres intervenants.LIEU : ParisRENSEIGNEMENTS : 01 53 68 16 58 ou [email protected]

27-28 septembre et 18 octobre 2010Violence conjugale et l’enfant : reconnaître et aborder la souffrance de l’enfantCette formation de la Fondation pour l’enfance a pour but de sen-sibiliser les professionnels médico-psychologiques et sociaux auxproblématiques psychologiques, familiales et sociales des enfantstémoins de violence dans le couple. Des interventions sociales,éducatives et psycho thérapeutiques pour aborder cette souf-france seront notamment présentées.LIEU : ParisRENSEIGNEMENTS : 01 53 68 16 58 ou [email protected]

2 octobre 2010Briser le silence de l’incestePour protéger ses enfants, n’est-ce pas d’abord à la société desortir du silence ? Ce 3ème congrès international organisé parl’Association internationale des victimes de l’inceste (AIVI) tenterad’apporter des réponses concrètes à cette question et à d’autresencore. Dans quelle mesure pouvons-nous jouer un rôle pourcontribuer à briser le silence ? Quelles sont les forces qui s’y oppo-sent et comment les repérer, les annihiler ? Des experts internatio-naux exposeront leurs travaux sur ces sujets.LIEU : ParisRENSEIGNEMENTS : 01 48 93 25 96 ou [email protected]

7 et 8 octobre 2010 Accompagner l’enfance et l’adolescence en diffi-culté : nouveaux enjeux et pratiques émergentesColloque organisé par l’association du Prado Rhône-Alpes, dansle cadre de son 150ème anniversaire.LIEU : LyonRENSEIGNEMENTS : 04 72 42 11 22

26 au 30 octobre 2010Paroles de rue : travail de rue, droits de l’en-fant, pauvreté et exclusion sociale2ème forum international des travailleurs sociaux de rue, dans lecadre de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’ex-clusion sociale. Le forum donnera lieu à la diffusion du “Guideinternational sur la méthodologie du travail de rue à travers lemonde”.LIEU: BruxellesRENSEIGNEMENTS: [email protected] ou www.travail-de-rue.net

16 et 17 décembre 2010Fantômes, monstres et autres passagers clandes-tins, cette part de nous-même qui nous échappeOrganisé par l’association Parole d’enfant, ce congrès internatio-nal a pour objectif de permettre aux professionnels de la relationd’aide (éducateurs, assistants sociaux, psychologues, médecins,infirmiers, justice…), qui ont pour mission d’accompagner desenfants, des adultes et des familles en difficulté, de mieux tra-vailler avec ces présences invisibles (terreurs d’enfance, secrets,traumatismes, douleurs, maladies…) qui souvent pèsent, frei-nent et envahissent la vie des personnes et la relation d’aide.LIEU: ParisRENSEIGNEMENTS: 0800 90 18 97 ou www.parole.be

AgendaDES VALEURS ET DES ACTES

L’appel à projets annuel de la Fondation avait pour thème cette année: “Aider l’enfant à êtreentendu face à une situation de conflit et de séparation familiale”. L’accent étant mis notam-ment sur l’audition de l’enfant par le juge aux affaires familiales telle que prévu par le décretdu 20 mai 2009. La commission des soutiens financiers de la Fondation a récompensé qua-tre associations: la Maison de la Famille (Montargis) pour son projet “Recueil et prise en comptede la parole de l’enfant: une expertise à développer”; l’association fédérale Pour le Coupleet l’Enfant (Vincennes) pour la réalisation d’un guide “Quid et + de l’audition de l’enfant dansla procédure juridique”; la maison des Droits des enfants et des jeunes (Toulouse) pour menerdes actions destinées à mieux informer l’enfant et sensibiliser les professionnels de la jus-tice; et enfin l’association Résonances (Peyrolles-en-Provence) pour l’ouverture d’un serviced’audition de l’enfant afin de mieux accompagner enfants, parents, et professionnels.Afin d’approfondir cette problématique, la Fondation organisera un colloque sur la parole del’enfant en cas de séparation familiale en 2011.Plus d’infos sur : www.fondation-enfance.org, rubrique “vous soutenir”.

Soutien aux associations : les lauréats sont…

LE “116 000 ENFANTS DISPARUS” A UN ANUn autre regard sur les disparitions d’enfants

L a journée internationale des enfantsdisparus a lieu chaque 25 mai. L’occasion cette année de rendre public

le rapport d’activité du “116 000 EnfantsDisparus”*. Succédant à l’ancien numéro“SOS Enfants Disparus”, ce service de télé-phonie européen qui s’adresse aux famillesdont l’enfant a disparu suite à une fugue, unenlèvement parental ouun rapt, est d’ores et déjàdisponible dans onze paysde l’Union européenne.En France, le fonctionne-ment du dispositif s’appuie sur un partena-riat entre l’Inavem, fédération nationaled’aide aux victimes et de médiation, qui gèrela plateforme téléphonique, et la Fondationpour l’enfance. En effet, l’appelant après avoirété entendu par un écoutant expert del’Inavem, est mis en relation avec un chargéde dossiers, juriste, de la Fondation pourl’Enfance qui deviendra son référent unique.Il travaille en collaboration étroite avec lesautorités publiques compétentes et tous lesacteurs qui peuvent intervenir en cas dedisparitions. Ainsi les correspondants dépar-tementaux d’aide aux victimes de la policeou de la gendarmerie sont des interlocu-teurs privilégiés des chargés de dossiers. Denombreux obstacles ont d’ailleurs pu êtresurmontés par leur intermédiaire, en faci-litant par exemple l’inscription au fichierdes personnes recherchées d’un fugueur oul’enregistrement d’une plainte suite à un enlè-vement parental.

Le nombre d’appels a considérablement aug-menté en 2009 avec 10 408 sollicitations(+165 %) et ces appels ont engendré l’ouver-ture de 1 026 dossiers (+ 13 % par rapportà 2008). 64 % concernent des cas de dispa-rition (659 dossiers), les autres consistent leplus souvent en des demandes de conseil,de prévention émanant des familles. Pour

2009, les enlèvementsparentaux ont représenté42 % de l’ensemble desdossiers, les fugues 32 %,les disparitions de majeurs

16 % et les disparitions inquiétantes 10 %.75 % des dossiers ouverts pour fugues ontété clos en 2009, et ce chiffre atteint 82 %pour les disparitions inquiétantes. Des chif-fres probablement sous-estimés car il arrivefréquemment que le service ne soit pasinformé rapidement du retour de l’enfant.Si le “116000 Enfants Disparus” ne traite pasl’ensemble des disparitions d’enfants qui ontlieu (plus de 47 000 en 2009), il représenteun observatoire utile du phénomène. Parexemple, plus de 80 % des fugueurs suivispar le dispositif ont entre 15 et 18 ans, et lamajorité (57 %) sont des “récidivistes” de lafugue. Concernant les enlèvements paren-taux, dans 50 % des cas l’enfant a moins de5 ans et dans 82 % moins de 12 ans. Cetteannée, le rapport est d’ailleurs enrichi decontributions permettant d’offrir un pan-orama plus complet sur la problématiquedes disparitions d’enfants.*Disponible sur le site www.116000enfantsdisparus.fr

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TRIBUNE LIBRE

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RÉDACTION

Rédacteur en chef : Didier Lesueur

Ont collaboré à ce numéro :Didier Chanal, Aude Costa, Pauline Graulle, JoachimReynard, Karine Senghor, Emmanuelle Vigan.

Maquette : Ylli Demneri

Conseil d’orientation :Geneviève AVENARD, directrice générale de l’associationAcodege en Côte-d’Or, Cyprien AVENEL, directeur desétudes à l’Odas, Boris CYRULNIK, neuropsychiatre,président de l'Association française de recherche enéthologie clinique et anthropologique, Sandrine DOTTORI,chargée d’études sur la protection de l’enfance à l’Odas,Michel FRANZA, ancien directeur général de la Cnape,Marceline GABEL, Consultante formatrice en protectionde l’enfance, Alain GREVOT, expert à l’Odas, ArnauldGRUSELLE, directeur de la Fondation pour l’Enfance,Catherine DE LA HOUGUE, juge des enfants, vice-présidente du TGI de Coutances (50), Didier LESUEUR,directeur général adjoint de l’Odas, Mohamed L’HOUSSNI,directeur de l’association RETIS en Haute Savoie, LaurentPUECH, vice-président de l’Association nationale desassistants de service social (Anas), Jean PONTIER, ancienDéputé-maire de Tournon sur Rhône, ancien directeurdépartemental chargé de mission à la PJJ, MichelROUZEAU, inspecteur général de l’administration.

ÉDITION

Directeur de la publication :Jean-Louis Sanchez

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Le Bulletin de la Protection de l’Enfanceest édité par la société L’Action SocialeSARL au capital de 91469,55 eurosRCS Paris B 420743346Siège social: 13 bd Saint-Michel, 75005 ParisN° de commission paritaire (CPPAP) :0410 T 89383Mensuel - Dépôt légal : juin 2010ISSN: 1964-3636Photo de couverture : © PhovoirImpression : Technic Imprim (Les Ulis)

20 mai-juin 2010

LE DÉFI DU STAGE PARENTALAu croisement du judiciaire et de l’éducatifPar Jean-Claude Marin, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris.

Au vu d’une étude sur le phénomène des bandes à Paris,le parquet de Paris décide en novembre 2009 de la miseen œuvre par l’Association habilitée “Jeter l’@ncre” destages de responsabilité parentale dans les maisons dejustice et du droit des 10ème et 14ème arrondissements.Un stage sans précédent dans sa conceptualisation etsa pratique.Le stage parental, légalisé par la loi sur la préventionde la délinquance du 5 mars 2007, vient illustrer la ten-dance, apparue depuis la fin des années 80, à considérerque des pères et des mères “plus responsables” seraient

une partie de la réponse au problème de la délinquance des mineurs et desincivilités. Cette réponse judiciaire s’adresse à certains parents en perte d’autorité,dépassés par le comportement déviant de leur enfant mineur et négligentsdans leurs obligations, mais, par ailleurs, conscients des conséquences néfastessur l’évolution de leur enfant qui se traduisent par un absentéisme grave, desconduites à risque, des violences commises en bande, des manifestations de vio-lence mettant en échec les institutions. Le stage parental met en évidence la respon-sabilité partagée du mineur et de ses parents et tente de convaincre les parents dese mobiliser sans prétendre modifier l’institution familiale. Les parents sont invi-tés à devenir des partenaires éducatifs. L’enjeu pour les parents est de prendre unepart active à cet événement significatif que représente la décision judiciaire. Cetteintervention pédagogique et éducative, centrée sur une double approche généra-liste et stratégique d’un système familial, cible la stimulation et la mise envaleur des capacités et des ressources parentales. Elle offre aux parents l’opportu-nité de s’affranchir d’un sentiment de honte et de culpabilité et d’avoir une prisesur sa réalité.Conçu tel un véritable programme, le stage parental comprend, dans un délai desix semaines, 12 heures environ d’échanges répartis sur cinq entretiens réunis-sant, pour certains d’entre eux, les parents et le mineur ainsi que les acteurs duréseau social de la famille. Le programme est construit sur une progression desentretiens basée sur des préconisations données à la famille à chaque entretien etévaluées à l’entretien suivant. Un rapport rendant compte de la logique de la démar-che, des nouveaux engagements pris par la famille et des relais institutionnels àenvisager est formalisé par l’association à l’intention du parquet.Pour relever le défi du stage parental, il s’agit aussi de s’appuyer sur les acteursde la vie locale. Les difficultés de ces parents se comprennent en interaction avecleur contexte familial et institutionnel. Ces acteurs locaux : adjoint au maire, police,Éducation nationale, médecin de l’espace santé jeunes de l’Hôtel Dieu, PJJ en qua-lité d’expert… peuvent être facilitateurs de la rupture d’un sentiment d’isolementsocial. Intervention brève, réactive, intensive et interactive, le stage parental com-plémentaire de mesures éducatives existantes et s’articulant avec d’autres dispo-sitifs, s’inscrit, ici, en soutien d’une parentalité positive.

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